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01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
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 Les Ministres n'ont Mission ni du Peuple, ni des Princes séculiers.

  A001000018 

 Article II. Les Ministres n'ont pas reçu Mission des Evêques Catholiques.

  A001000020 

 Article IV. Réponse aux arguments des Ministres.

  A001000021 

 Chapitre II. Erreurs des Ministres sur la Nature de l'Eglise.

  A001000023 

 Article II. Qu'en l'Eglise il y a des bons et des mauvais, des prædestinés et des reprouvés.

  A001000025 

 Article IV. Les contreraysons des adversaires et leurs responces.

  A001000031 

 Article II. L'Eglise Catholique est unie en un chef visible, celle des Protestans ne l'est point, et ce qui s'ensuit 46.

  A001000057 

 Article IV. Premiere violation des Saintes Escritures faitte par les reformateurs, retranchans plusieurs pieces d'icelles 76.

  A001000058 

 Article V. Seconde violation des Escritures par la regle que les reformeurs produisent pour discerner les Livres sacrés d'avec les autres, et de quelques menus retranchemens d'iceux qui s'en ensuivent.

  A001000059 

 Article VI. Combien la majesté des Saintes Escritures a esté violëe es interpretations et versions des hæretiques 83.

  A001000062 

 Article IX. De la profanation des Psaumes en suivant la version de Marot et en les chantant partout indifféremment 86.

  A001000063 

 Article X. De la prophanation des Escritures par la facilité qu'ilz prætendent estre en l'intelligence de l'Escriture 87.

  A001000065 

 Chapitre II. Que l'Eglise des prætenduz a violé les Traditions Apostoliques, 2 e Règle de la foy chrestienne 91.

  A001000067 

 Article II. Qu'il y a des Traditions Apostoliques en l'Eglise.

  A001000071 

 Chapitre IV. Que les Ministres ont violé l'authorité des Conciles, 4 e Règle de nostre foy.

  A001000072 

 Et premierement des qualités d'un vray Concile.

  A001000073 

 Article II. Combien est sainte et sacrëe l'authorité des Conciles universelz.

  A001000074 

 Article III. Combien les Ministres ont mesprisé et violé l'authorité des Conciles.

  A001000075 

 Chapitre V. Les Ministres ont violé l'authorité des anciens peres de l'eglise, 5 e Règle de nostre foy.

  A001000076 

 Et I. combien l'authorité des anciens Peres est venerable.

  A001000080 

 Article III. De la seconde promesse faicte a saint Pierre: Et je te donneray les clefz du royaume des cieux 110.

  A001000086 

 Article IX. Que saint Pierre a eu des successeurs au vicariat general de Nostre Seigneur.

  A001000087 

 Article X. Des conditions requises pour succeder.

  A001000093 

 Chapitre VII. Que les Ministres ont violé l'Autorité des Miracles, 7 e Règle de notre Foi 145.

  A001000095 

 Article II. Combien les Ministres ont violé la foy deüe au tesmoignage des Miracles.

  A001000100 

 Article IV. Conclusion de toute ceste 2 e partie par un brief recueil de plusieurs excellences qui sont en la doctrine catholique, au pris de l'opinion des heretiques de nostre aage.

  A001000103 

 Des Sacremens.

  A001000105 

 Article II. De la forme des Sacremens.

  A001000106 

 Article III. De l'intention requise en l'administration des Sacremens.

  A001000110 

 Article II. De ceux qui ont nié le Purgatoire, et des moyens de le prouver.

  A001000116 

 Article VIII. Des Conciles qui ont receu le Purgatoire comme article de Foy.

  A001000117 

 Article IX. Des Peres anciens.

  A001000118 

 Article X. De deux raysons principales et du tesmoignage des estrangers pour le Purgatoire.

  A001000132 

 Ayant continué quelque piece de tems la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans avoyr esté ouÿ des vostres que rarement, par pieces et a la desrobbëe, pour ne laysser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre en escrit quelques principales raysons, que j'ay choysi pour la plus part des sermons et traittés que j'ay faict cy devant a vive voix pour la defence de la foy de l'Eglise.

  A001000132 

 Mon mieux donq eut esté d'estr'ouÿ; a faute de quoy cest'escriture ne sera pas sans des bonnes commodités:.

  A001000133 

 On verra par la que si je desavoüe mill'impietés qu'on impos'aux Catholiques, ce n'est pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont dict, mais pour suyvre la sainte intention de l'Eglise: puysque je le metz en escrit a la veüe de chacun, et sous la censure des superieurs, asseuré que je suys quilz y trouveront beaucoup d'ignorance, mays non point, Dieu aydant, d'irreligion et contrarieté aux declarations de l'Eglise Romaine.

  A001000134 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, la contenance, baillent lustr'a la parole; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne peut pas reussir en cest exercice: aussy ni eusse pas pensé, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eust sommé et donné le courage, ce que despuys plusieurs de mes principaux amis ont trouvé bon, l'advis desquelz je prise tant, que le mien n'a du tout point de creance vers moy qu'a faute d'autre..

  A001000136 

 Si vous aves ouÿ avec tant de promptitude l'une des parties, prennes encores la patience d'ouÿr l'autre; puys prenes, je vous en somme de la part de Dieu, prenes tems et loysir de rassoir vostre entendement, et pries Dieu qu'il vous assiste de son Saint Esprit en un jugement de si grande importance, affin qu'il vous addresse a salut.

  A001000143 

 Ayant deja continué quelques moys la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans me voir escouté des vostres que fort rarement, et par pieces, a la desrobbëe, affin de ne laisser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre par escrit une partie des remonstrances et traittés que j'ay faict a vive voix en chaire, pour la defence de la creance ancienne de l'Eglise contre les accusations qu'on vous a si souvent representëes cy devant contre icelle.

  A001000143 

 J'eusse bien desiré que mes raysons eussent esté ouÿes, aussy bien comme les allegations des accusateurs, câr les paroles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La vive voix, » dict [1] S t Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est tousjours plus justement assigné dans le cœur par la vive parolle que par l'escriture.

  A001000144 

 ..... et monstre au net la pureté de la foy de l'Eglise, en fin, [parce] que je justifie ceste chaste Susanne des faux tesmoignages quon a porté contr'elle, on a dict que je ne suys pas Catholique; on s'est imaginé tant de laydeur et de difformité en la mere, pour..... 5.

  A001000144 

 Dequoy j'ay encores besoin par ce que quelques uns des vostres, quand ilz voyent que je ne parle pas en chaire comm'on introduysoit les Catholiques, disans mille blasphemes contre Dieu, forcés d'advoüer la verité que je preche, pour se flatter disent que je ne parle pas a la papiste.

  A001000144 

 Elle contentera ceux qui, pour toute responce a mes raysons, dient quilz les voudroyent bien voir en la præsence de quelqu'un des ministres, pour voir si elles pourroyent y tenir contenance, si elles pasliroient ou s'esvanouyroyent point: car maintenant vous les y pourres conduire.

  A001000144 

 On connoistra que si je desavoüe mill'impietés quon impose aux Catholiques, je ne le fays pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont pensé, mays pour suivre la sainte intention de l'Eglise: puysque le mettant par escrit je le propose a chacun, et m'en sousmetz a la censure des superieurs, laquelle y trouvera sans doute beaucoup d'ignorance, mays, Dieu aydant, point d'irréligion ou contrarieté aux declarations de l'Eglise Cathol., Ap. et Rom. [3].

  A001000145 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, l'affection et contenance baillent lustr'a l'enseignement; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne reussira pas en cest exercice: aussy ny pensois je pas, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné courage, a quoy despuys plusieurs de mes principaux amis m'ont poussé; en telles occasions je prise tant le jugement de mes amis que je ne me crois jamais moy mesme qu'a faute d'autre..

  A001000160 

 Ceste grande facilité que les hommes ont de se scandaliser, fit dire, ce semble, a Nostre Seigneur, quil estoit impossible que scandale n'advint, ou, comme dict saint Mathieu, i l est necessaire quil arrive des scandales: car, si les hommes prenent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000162 

 Et quand il est dict quil a esté mis a la ruyne de plusieurs, on le doit verifier en l'evenement, qui fut tel que plusieurs s'y sont ruynés, nompas en l'intention de la bonté supreme, qui ne l'avoit envoyé que pour lumiere a la revelation des Gentilz et a la gloire d'Israel.

  A001000162 

 Que sil se trouve des gens qui veuillent dire le contraire, il ne leur restera plus sinon de maudire leur Sauveur par [10] sa propre parolle: Malheur par qui vient le scandale.

  A001000162 

 Toutes ces sortes de scandales abondent au monde, et ne voit on rien si dru que le scandale; c'est principal trafiq du diable, dont Nostre Seigneur disoit: Malheur au monde a cause des scandales.

  A001000163 

 .. Car l'Escriture quilz manient, le voysinage des vrays Chrestiens, les marques quilz voyent en la vraÿe Eglise, leur ostent tout'excuse de mise; de maniere que l'Eglise de laquelle ilz se sont separés leur peut mettre au devant les parolles de son Espoux: Recherches es Escritures esquelles vous penses avoir la vie eternelle, ce sont elles qui rendent tesmoignage de moy; et plus outre: Les œüvres que je fais au nom de mon Pere rendent aussy tesmoignage pour moy.

  A001000163 

 Cestuyci est le principal et sauverain scandale du monde, et qui en comparayson de tous les autres merite seul le nom de scandale; et semble que ce soit quasi tout un quand Nostre Seigneur dict: Il est necessaire que scandales adviennent, et quand saint Pol dict: Il faut quil y aÿe des heresies.

  A001000163 

 Or ce scandale icy se va diversifiant avec le tems, et comme mouvement violent se va tousjours plus affaiblissant en sa mauvaisetie: car, en ceux qui commencent la division et ceste guerre civile entre les Chrestiens, l'heresie est un scandale purement pris, passif ab intrinseco, et ni a point de mal en l'heresiarque qui ne soit du tout puysé [en] sa volonté, personne ny a part que luy; le scandale des premiers quil desbauche tumbe desja en partage, mais inegalement, car l'heresiarque y a sa part a cause de sa sollicitation, les desbauchés y en ont une, d'autant plus grande quilz ont eu moins d'occasion de le suyvre; puys, l'heresie ayant pris pied, ceux qui naissent parmi les hæretiques de parens hæretiques ont tousjours [11] moins de part a la faute: mays il n'arrive jamais que aux uns et aux autres il ni ayt beaucoup de leur faute, et particulierement en ceux de nostr'aage, qui quasi tous sont en scandale presque purement passif [pris].

  A001000164 

 Ce que je feray en deux façons: premièrement, par certaines raysons generales; 2, en des exemples particuliers que je proposeray sur les principales [12] difficultés comme par maniere d'essay.

  A001000164 

 Prenes neantmoins a gré je vous prie, Messieurs de Thonon, cest escrit, et quoy que vous en ayes veu plusieurs autres mieux faictz et plus riches, arrestes un peu vostr'entendement sur cestuy ci, que peut estre sera il plus sortable a vostre complexion que les autres; car son air est du tout Savoysien, et l'une des plus prouffitables receptes et derniers remedes c'est le retour a l'air naturel: si cestuyci ne prouffite, on vous en monstrera d'autres plus purs et subtilz.

  A001000165 

 Et vous prie, Messieurs, de vous resouvenir, et ceux qui liront cecy, des paroles de saint Pol: Tout'amertume, ira, desdain, crierie, blaspheme et toute malice soyt osté de vous.

  A001000169 

 Ceste grande facilité de se scandaliser que N. S. connoissoit estr'au monde, luy fit, ce semble, dire ces deux saintes parolles: Il est impossible que scandale n'advienne, ou, comme dict S. Matt., Malheur au monde a cause des scandales, car il est nécessaire quil arrive des scandales; et cest'autre: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy: car, si les hommes se scandalisent et prennent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000170 

 Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme.

  A001000171 

 Ainsy des lors hurtoit on desja a ceste sainte pierre; mays despuys, qui pourroit raconter ce qu'en dict l'histoire? Tous ceux qui ont abandonné la vraÿe Eglise, sous quel pretexte que ce soit, se sont [11] .........................................................................

  A001000171 

 Le scandale pris et passif se voit si dru es Escritures quil ny a quasi chapitre ou on n'en puysse voir des marques:.. ce seroit monstrer le jour en plein mydi de s'amuser d'en produire les passages;.. ceux ci nous serviront pour tous.

  A001000171 

 Les Capharnaites [9] se scandalizent ilz pas a bon escient sur les paroles de Nostre Seigneur, au recit de S t Jan, qu'ilz appellent parolle dure et non recevable? Mays a quel propos? par ce que N. S. est si bon que de les vouloir nourrir de sa chair, par ce quil dict des parolles de vie æternelle; et contre cette douceur ilz se pugnent.

  A001000172 

 N. S. estoit vray Sauveur, venu pour esclairer tout homme, et servir de lumiere pour la revelation des Gentilz et la gloire d'Israel; ce pendant Israël en prend l'occasion de son ignominie: voila pas grand malheur? Et quand il est dict quil est mis a la ruyne de plusieurs, il le faut entendre quand a l'evenement, non quand a l'intention de la divine Majesté; comme l'arbre de science du bien et du mal n'avoit rien dequoy apprendre a Adam le bien ni le mal, l'evenement pourtant luy donna ce nom la, par ce qu'Adam, y prenant du fruict, essaya le mal que luy apportoit sa desobeissance.

  A001000172 

 O mon Dieu, mon Sauveur, espures mon esprit, faites couler doucement ceste vostre Parole dans le cœur des lecteurs, comm'une sainte rosëe, pour raffrechir l'ardeur de leurs passions, silz en ont, et ilz verront combien est veritable en vous, et en l'Eglise vostre Sponse, ce que vous en aves dict..

  A001000172 

 Vous y verres des bonnes raysons, et desquelles je me rends evictionnaire, qui vous feront voir clair comme le jour, que vous estes hors du train quil faut tenir pour aller a salut, et que ce n'a pas esté la faute de la sainte guide, mays la faute est de l'avoir abandonnëe.

  A001000180 

 Mays c'est chose qui pass'au pardela de tout'admiration, de voir qu'es choses bonnes, proufitables, saintes, divines, en Dieu mesme, la malice des hommes y trouve dequoy s'entretenir, se nourrir et braver.

  A001000180 

 N'est-ce pas donq une chose estrange, que pouvans proufiter en toutes choses, pour mauvayses quelles soyent, nous convertissions tout a nostre perte? Que si du mal seulement nous prenons le mal, ce ne seroit pas grand [15] merveille, car c'est ce qui s'y presente de prime face; si des choses indifferentes et neutres nous nous servions en mal, la nature n'en seroit pas tant outragee, puysque ce sont armes a toutes mains: et neantmoins la couardise seroit tousjours grande, si, pouvans changer toutes choses en bien, par un'alchimie si aysëe et de si peu de frais, ou une seul'estincelle de charité suffit, nous avions le courage si lasche de demeurer en misere et nous procurer le, mal.

  A001000180 

 Non ja que le peché estant en nous proufite, ou ny estant plus puysse y operer quelque bien, car le peché est mauvais tout au long, mays nous pouvons y faire naistre des occasions de beaucoup de bien, lesquelles il ne produiroit jamais de soymesme: semblables aux abeilles lesquelles vindrent faire leur miel dans la puante caroigne du fier lion que Samson avoit egorgé.

  A001000196 

 Je garde la place de prouver la foy par miracles, apres les Regles de la Foy, qui sera comme une sixiesme regle, mays non ordinaire ains extraordinaire; laquelle les adversaires n'ont point, quoy quilz en eussent besoin a faute des autres quilz mesprisent.

  A001000196 

 La ou j'apporteray le dire du S r des Montaignes..

  A001000197 

 J'ay remis a monstrer les absurdités qui sont en la doctrine des adversaires au bout du traitté des Regles de la Foy, dont ce sera comme une consequence de ce quilz croyent sans regle et navigent sans bussole..

  A001000208 

 Il faut commencer le chapitre des Conciles par les paroles de S t Leon, Epist.

  A001000210 

 En l'intercession des Saintz, il ne faut pas oublier le mot de Luther, escrit au duc George de Saxe, anno 1526 apud Cochlæum: Initio rogabo præterea, et certissime impetrabo, remissionem apud Dominum meum Jesum Christum super omnibus quæcumque Illustriss.

  A001000211 

 En la veneration ou des S ts ou du Pape, il ne faut oublier ce quil dict au roy d'Angleterre, en un'epistre, l'an 1525, qui est recensee en Coclëe es actes de l'an 26: Quare his litteris prosterno me pedibus Majestatis tuæ quantum possum humillime..

  A001000242 

 Premierement, Messieurs, vos devanciers et vous aussy aves faict une faute inexcusable, quand vous prestates l'oreille a ceux qui s'estoyent separés de l'Eglise, car ce n'estoyent des personnes qualifiëes comm'il [21] falloit pour præcher.

  A001000245 

 Qui a donné l'authorité aux premiers d'assembler les peuples, dresser des compaignies et bandes a part? Ce n'est pas le peuple, car ilz n'estoyent encor pas assemblés..

  A001000246 

 Il se faut renger a l'Escriture, en laquelle on ne trouvera jamais que les peuples ayent pouvoir de se donner des pasteurs et prædicateurs..

  A001000246 

 Mays, ne seroit ce pas tout brouiller, de permettr'a chacun de dire ce que bon luy sembleroit? a ce conte chacun seroit envoyé; car il ni a si fol qui ne trouve des compaignons, tesmoins les Tritheites, Anabaptistes, Libertins, Adamites.

  A001000250 

 Car, de faict, qu'est ce se dire prædicateur de la parole de Dieu et pasteur des ames, que se dire ambassadeur et legat de N. S.? selon le dire de l'Apostre, Nous sommes donques ambassadeurs pour Christ.

  A001000250 

 Mays combien de tort aves vous eu de les croire? comme vous arrestastes vous ainsy simplement a leurs parolles? comme leur donnastes vous si legerement foy? Pour estre Legatz et Ambassadeurs ilz devoyent estr'envoÿés, ilz devoyent avoir des lettres de creance de celuy dont ilz se vantoyent estre avoüés.

  A001000252 

 Et premierement quand a la mission ordinaire et mediate, ilz nen ont du tout point; car ce quilz en sçavent avancer, c'est, ou bien quilz sont envoÿés par les peuples et princes seculiers, ou bien quilz sont envoÿés par l'imposition des mains des Evesques qui les firent prestres, dignité a laquelle il faut quen fin ilz aÿent recours, quoy quilz la mesprisent en tout et par tout..

  A001000254 

 Ilz trouveront peut estre bien que les peuples ont rendu tesmoignage et assisté aux ordinations, voir'encores que le choix luy a esté permis, comme fut celuy des Diacres, au rapport de S t Luc, que toute la trouppe des disciples fit, mays ilz ne monstreront jamais que les peuples ou princes seculiers ayent l'authorité des missions et de constituer des pasteurs.

  A001000255 

 Ainsy fut ordonné Timothee, et mesmes les sept Diacres, quoy que proposés par le peuple Chrestien, furent ordonnés par l'imposition des mains des Apostres.

  A001000255 

 Au contraire nous produysons l'expresse prattique de toute [24] l'Eglise, qui a esté de tous tems d'ordonner les pasteurs avec l'imposition des mains des autres pasteurs et Evesques.

  A001000256 

 Quicomque, donques, veut alleguer sa mission, ne la doit pas alleguer du peuple ny des princes seculiers, car Aaron ne fut pas apellé ainsy, et on ne le peut estre autrement que luy..

  A001000265 

 Plusieurs, donques, de nostre aage, voyans leur chemin couppé de ce costé la, ilz se sont jettés d'autre de l'autre, et disent que les premiers maistres reformateurs, Luther, Bucer, Œcolampade, ont estés envoyés par les Evesques qui les firent prestres, puys ceux cy ont envoyés les autres suyvans, et vont ainsy enchainant leur mission a celle des Apostres.

  A001000266 

 On ne peut pas faire sauter ceste mission si haut, que des Apostres elle soit tumbëe entre les mains de prædicateurs de ce tems, sans avoir touché pas un des Anciens et de nos devanciers: il eut fallu une bien longue sarbacane en la bouche des premiers fondateurs de l'Eglise, pour avoir appellé Luther et les autres sans que ceux qui estoyent entre deùx s'en fussent apperceu, ou bien (comme dict Calvin a un'autre occasion et malapropos), que ceux cy eussent eu les oreilles bien grandes: il failloit bien qu'elle fut conservëe entiere, si ceux cy la devoient trouver.

  A001000266 

 Veritablement c'est parler françois et realement, que de confesser que leur mission ne peut estre coulëe des Apostres a leurs ministres, que par la succession de nos Evesques et par l'imposition de leurs mains: la chose est telle sans doute.

  A001000273 

 Ces raysons sont si vives, que les plus asseurés des vostres ont pris party ailleurs qu'en la mission ordinayre, et ont dict quilz estoyent envoyés extraordinairement de Dieu, par ce que la mission ordinaire avoit esté gastëe et abolie, quand et quand la vraÿe Eglise,.. sous la tirannie de l'Antichrist.

  A001000274 

 La mission de saint Jan Baptiste, quoy qu'elle ne fut du tout extraordinaire, ne fut elle pas authentiquëe par sa conception, sa nativité, et mesme par sa vie tant miraculeuse, a laquelle Nostre Seigneur donna si bon tesmoignage? Mays quand aux Apostres, qui ne sçait les miracles quilz faysoyent et le grand nombre d'iceux? leurs mouchoirs, leur ombre servoit a la prompte guerison des malades et a chasser le diable: Par les mains des Apostres estoyent faitz beaucoup de signes et merveilles parmi le peuple: et que ce fut en confirmation de leur prædication, saint Marc le dict tout ouvertement, es dernieres paroles de son Evangile, et saint Pol, aux Hebreux.

  A001000274 

 Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres.

  A001000274 

 Moyse fut envoÿé [29] immediatement de Dieu pour gouverner le peuple d'Israel; il voulut sçavoir le nom de l'envoyoit, et quand il eut appris ce nom admirable de Dieu, il demanda des marques et patentes de sa commission: ce que nostre Dieu trouva si bon, quil luy donna la grace de trois sortes de prodiges et merveilles, qui furent comme troys attestations, en trois divers langages, de la charge quil luy donnoit, affin que qui n'entendroit l'une entendit l'autre.

  A001000274 

 Qui sera donc si osé que de se vanter de la mission extraordinayre, sans produyre quand et quand des miracles, il merite d'estre tenu pour imposteur: or est il que ni vos premiers ni derniers ministres n'ont faict aucun miracle: ilz n'ont donq point de mission extraordinaire.

  A001000274 

 Vrayement Moyse monstre bien la necessité de ceste preuve a qui veut parler extraordinairement; car, ayant a demander le don d'eloquence a Dieu, il ne le demande qu'apres avoir le pouvoir des miracles, monstrant quil est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler que d'en avoir la promptitude.

  A001000275 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A001000275 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A001000275 

 nous sommes obligés d'obeir a nos pasteurs ordinaires sous peyne d'estre publicains et payens; comment donques nous pourrions nous ranger sous autre discipline que la leur? les extraordinaires viendroyent pour neant, puysque nous serions obligés de ne les ouïr pas, en cas, comme j'ay dict, quilz fussent desavoüés des ordinaires.

  A001000275 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour monstrer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy.

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000282 

 Je n'ay encor sceu rencontrer parmy vos maistres que deux objections a ce discours que je viens de faire; dont l'une est tirëe de l'exemple de Nostre Seigneur et des Apostres, l'autre, de l'exemple des Prophetes..

  A001000283 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000284 

 De façon que la vocation des Prophetes ne sert de rien a celle des hæretiques ou schismatiques, car:.

  A001000284 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneùe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A001000284 

 On pense que tous ceux qui prophetisoyent exerceassent la charge de la prædication: ce qui n'estoit pas, comm'il appert des sergens de Saul et de Saul mesme.

  A001000284 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000286 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A001000286 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaïque et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A001000288 

 En fin, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A001000288 

 Et de vray, il ny a qu'un mal en ceste prophetie, c'est seulement faute de verité; car il præcha encor pres de vingt deux, et neantmoins encor se trouve il des prestres et des clochers, et en la chaire de saint Pierre est assis un Pape legitime..

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'interpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A001000301 

 celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit.

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A001000303 

 L'Eglise est une sainte université ou generale compaignie d'hommes, unis et recueillis en la profession d'une mesme foi Chrestienne, en la participation de mesmes Sacremens et Sacrifice, et en l'obeissance d'un mesme vicaire et lieutenant general en terre de Nostre Seigneur Jesuchrist et successeur de saint Pierre, sous la charge des legitimes Evesques.

  A001000305 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercherait on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A001000305 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 Je ne sçay s'il me faudra prouver que les pasteurs de l'Eglise soyent visibles; on nie bien des choses aussy claires.

  A001000309 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraye administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A001000311 

 Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse Mere du Sauveur, faysoyent la vraye Eglise; et comment? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visiblement ces saintes plantes et pepinieres du Christianisme..

  A001000311 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A001000314 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A001000319 

 Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem cæleste, il ne faict pas a propos pour faire invisible l'Eglise; car saint Pol monstre en cest endroit que l'Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu'elle n'est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mistique, dont il ne s'ensuit aucune invisibilité: outre ce qu'on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la Hierusalem cæleste, c'est a dire de l'Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu'en la vielle Loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis..

  A001000320 

 Ainsy croit on un Baptesme pour la remission des pechés; on voit le Baptesme, mais non la remission des pechés.

  A001000326 

 De vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituelz des gens de l'Eglise militante a la prædestination eternelle, affin qu'esblouÿs a l'esclair de ce mistere inscrutable nous ne voyons pas ce qui est devant nous.

  A001000326 

 Ilz disent donques quil y a deux eglises, une visible et imparfaite, l'autr'invisible et parfaitte, et que la visible [50] peut errer et s'esvanouir au vent des erreurs et idolatries, l'invisible, non.

  A001000326 

 Que si on demande quell'est l'eglise visible, ilz respondent, que c'est l'assemblëe des personnes qui font profession de mesme foy et Sacremens, qui contient les bons et mauvais, et n'est eglise que de nom; et l'eglise invisible est celle qui contient les esleuz seulement, qui, n'estans en la connoissance des hommes, sont seulement reconneuz et veuz de Dieu..

  A001000328 

 Or l'Apostre atteste de ceste vraye Eglise, mayson de Dieu, qu'il y a en icelle des vaisseaux d'honneur, et de contumelie, c'est a dire des bons et des mauvais..

  A001000329 

 Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés..

  A001000329 

 N'est ce pas la vraÿe Eglise contre laquelle les portes d'enfer ne prævaudront point? et neantmoins en icelle il y a des hommes qui ont besoin qu'on deslie leurs pechés, et d'autres ausquelz il les faut retenir, comme Nostre Seigneur faict voir en la promesse et puyssance qu'il en donne a saint Pierre.

  A001000332 

 v. 2: si on l'en chasse il y estoit, et sil y estoit, et que l'Eglise fut la compaignie des esleuz, comme l'en eut on peu lever? les esleuz ne peuvent estre reprouvés..

  A001000333 

 Judas est il pas reprouvé? et toutefois il fut Apostre et Evesque, selon le Psalmiste, et saint Pierre, [52] qui dict qu' il eut part au ministere de l'apostolat, et tout l'Evangile, qui le met tousjours en conte au college des Apostres.

  A001000333 

 Saint Pol atteste aux prestres Ephesiens que le Saint Esprit les avoit faictz evesques pour regir l'Eglise de Dieu, mays il asseur'aussy que quelques uns d'entr'eux s'esleveroyent disans des meschancetés, pour desbaucher et s'attirer des disciples: il parle a tous quand il dict que le Saint Esprit les a faict evesques, et parle de ceux la mesme quand il dict que d'entr'eux s'esleveroyent des schismatiques..

  A001000334 

 Mays quand auroys je faict, si je voulois entasser icy les noms de tant d'Evesques et prælatz lesquelz, apres avoir estés legitimement colloqués en cest office et dignité, sont decheuz de leur premiere grace, et sont mortz hæretiques? Qui vit jamays rien de si saint pour un simple prestre qu'Origene, de si docte, si chaste, si charitable? Il ni a celuy qui puysse lire ce qu'en escrit Vincent le Lyrinois, l'un des plus polys et doctes escrivains ecclesiastiques, et fayre consideration de sa damnable viellesse apres une si admirable et sainte vie, qui ne soit tout esmeu de compassion, de voir ce grand et valoureux nocher, apres tant de tempestes passëes, apres tant et de si riches traffiques quil avoit faict avec les Hebreux, Arabes, Chaldeens, Grecz et Latins, revenant plein d'honneur et de richesses spirituelles, fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sepulture.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000336 

 Mays ou trouveront ilz en l'Escriture aucun lieu qui leur puysse servir de quelqu'excuse en tant d'absurdités, et contre des preuves si claires que celles que nous avons faict? il ne manque pas de contreraysons en ce point, jamays l'opiniastreté n'en laisse avoir faute a ses serviteurs..

  A001000337 

 Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger.

  A001000338 

 Ainsy l'Eglise militante est tousjours glorieuse et victorieuse sur les portes et puyssances infernales, quoy que plusieurs des siens, ou s'esgarant et mettant en desordre, comme vous aves faict, demeurent en pieces et perdus, ou par des autres accidens y sont blessés et y meurent.

  A001000338 

 L'Espouse a des cheveux et des ongles qui ne sont pas vivantes, quoy qu'elle soit vivante; le senat est sauverain, mais non pas chasque senateur; l'armëe est victorieuse, mays nompas chasque soldat; ell'emporte la bataglie, mays plusieurs soldatz y demeurent mors.

  A001000338 

 Les meurs dependent de la volonté, la doctrine, de l'entendement: en l'entendement de l'Eglise jamais ny entra fauseté, ni en la volonté aucune meschanceté; elle peut par la grace de son Espoux dire comme luy: Qui d'entre vous, o conjurés ennemys, me reprendra de peché? Et ne s'ensuit pour tant pas qu'en l'Eglise il ni ayt des meschans; resouvenes vous de ce que j'ay dict ailleurs.

  A001000339 

 Mays qui ne sçait combien de fois on attribue a tout un cors ce qui n'appartient qu'a l'une des parties? L'Espouse apelle son Espoux blanc et vermeil, mays incontinent elle dict quil a les cheveux noirs; saint Mathieu dict que les larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur blasphemerent, et ce ne fut que l'un d'eux au rapport de saint Luc; on dict que le lis est blanc, mais il y a du jaune et du verd.

  A001000339 

 Or, a qui parle en terme d'amour use volontier de ceste façon de langage, et les Cantiques sont des repræsentations [56] chastes et amoureuses.

  A001000341 

 On produict le passage de saint Jan: Je connois mes brebis, et personne ne les levera de mes mains; et que ces brebis la sont les prædestinés qui sont seulz du bercail du Seigneur, on produict ce que saint Pol dict a Timothee: Le Seigneur connoist ceux qui sont a luy, et ce que saint Jan a dict des apostatz: Ilz sont sortis d'entre nous, mais ilz n'estoyent pas d'entre nous..

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000342 

 Nous confessons, donques, quil y a des brebis sauvëes et prædestinëes, desquelles il est parlé en saint Jan, il y en a d'autres damnëes, desquelles il est parlé ailleurs, et toutes sont dans un mesme parc..

  A001000342 

 v. 6, accompare tous les hommes, tant reprouvés que esleuz, a des brebis: Omnes nos quasi oves erravimus, et v. 7.

  A001000343 

 C'est bien autre chose estre a Dieu selon l'eternelle præscience, pour l'Eglise triomphante, et d'estre a Dieu selon la præsente Communion des saintz, pour l'Eglise militante.

  A001000344 

 De mesme ce que saint Jan dict, Ilz sont sortis d'entre nous, mays n'estoyent pas d'entre nous, ne faict rien a propos, car je diray, comme dict sainct Augustin: ilz estoyent des nostres ou d'entre nous numero, et ne l'estoyent pas merito, c'est a dire, comme le mesme Docteur: « Ilz estoyent entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mays selon la particuliere proprieté de leurs vices ilz ne l'estoyent pas; » ilz estoyent ja heretiques en leur ame et de volonté, quoy que selon l'apparence exterieure ilz ne le fussent pas.

  A001000345 

 Qui auroyt les yeux asses clair voyans pour voir l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise dequoy s'escrier: Plusieurs sont apellés et peu sont esleuz; c'est a dire, plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais en la triomphante.

  A001000345 

 Tesmoin le Maistre mesme, en saint Jan, et le filz penitent, qui sçavoit bien reconnoistre que plusieurs mercenaires avoient des pains en abondance chez son pere, quoy que luy, vray et legitime filz, mourut de faim avec les porceaux: qui rend preuve de la foy Catholique pour ce sujet.

  A001000345 

 Tous les fideles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fideles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de regeneration ou nativité spirituelle que Nostre Seigneur luy a baillé; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fideles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Verité, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere: de façon qu'on niera tout court ceste seconde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu; car estans en l'Eglise ilz peuvent estr'appellés enfans de Dieu par la creation, redemption, regeneration, [59] doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie, J'ay nourry et eslevé des enfans et ilz m'ont mesprisé.

  A001000354 

 La bonté de Dieu a donné des dons aux hommes, montant au ciel, des apostres, prophetes, evangelistes, pasteurs, docteurs, pour la consommation des saintz, en l'œuvre du ministere, pour l'edification du cors de Jesus Christ.

  A001000354 

 La consommation des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous apeller ædificateur, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevëe, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné? C'est une des qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol, ses dons et ses graces sont sans pænitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000358 

 Les Apostres n'ont pas remis l'Eglise a vie, mays la luy [ont] conservëe par leur ministere apres que Nostre Seigneur l'eust [64] establie; qui donques dict que l'ayant trouvé morte il l'a resuscitëe, a vostr'avis merite il pas d'estr'assis au trosne de temerité? Nostre Seigneur avoit mis le saint feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leur prædication l'avoyent accreu et faict courir par tout le monde: on dict quil estoit estaint par mi les eaux d'ignorance et d'iniquité; qui le pourra rallumer? le souffler ni sert de rien, et quoy donques? il faudroit peut estre rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesuchrist, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou s'il suffira que Calvin ou Luther soient au monde pour le rallumer? Ce seroit bien de vray estre des troysiesmes Helies, car ni Helie ni saint Jan Baptiste n'en firent onques tant; ce seroit bien laysser tous les Apostres en arriere, qui porterent bien ce feu par le monde, mays ilz ne l'allumerent pas.

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000369 

 Ainsy sans doute s'entend tout ce qui se trouve de semblable es menaces et reprehensions des Prophetes..

  A001000369 

 Responce: Ce sont des façons de parler, et de detester le vice d'un peuple avec vehemence; et encores que les prophetes, pasteurs et prædicateurs usent de ces generales façons de parler, il ne les faut pas verifier sur chaque particulier, mays seulement sur une grande partie, comm'il appert par l'exemple d'Helie, qui se plaignoit d'estre seul, et neantmoins il y avoit encores 7000 fideles.

  A001000377 

 .. La passion humayne peut tant sur les hommes, qu'elle les pousse a dire ce qu'ilz desirent devant qu'en avoir aucune rayson, et quand ilz ont dict quelque chose, elle leur [fait] trouver des raysons ou il ni en a point.

  A001000378 

 Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottés cy dessus, ou l'Eglis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussy grande que le monde, et un monde d'autres; je me contenteray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme..

  A001000378 

 Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la difference des tems es Escritures estoyt une bonne regle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'æquivoquent, attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire jusqu'a cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist.

  A001000378 

 Mays qui ne voit que tout ce passage respire la fin du monde et la persecution de l'Antichrist? le tems y estant determiné expressément de trois ans et demy, et en Daniel aussy; et qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit tout ouvertement a Nostre Seigneur, qui dict quil sera plus tost accourcy, pour l'amour des esleuz.

  A001000379 

 Esaïe, qu'on lisoit hier, cria: Il y aura es derniers jours un mont præparé, mayson du Seigneur, sur le couppeau des montaignes, et toutes s'y couleront a la file: Qu'y a il de si apparent qu'une montaigne? mays il se faict des montz inconneuz par ce quilz sont assis en un coin de la terre.

  A001000379 

 La pierre taillëe du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et dæmons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir tout l'univers? C'est donq de ce mont quil est dict, præparé sur la cime [des] mons; c'est un mont eslevé sur le sommet de tous les mons, et toutes gens se rendront vers en iceluy.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000387 

 O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obeissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rebellion et revolte, ont crié par toutes les advenues d'Allemaigne et de France: il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclesiastiques, n'ont point de pouvoir de determiner ce quil faut tenir en la foy et ce que non; il faut chercher autres juges que les prælatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et regles..

  A001000387 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction et division contre son bon pere David, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit a tous ceux qui passoÿent: Il ni a personne constitué du Roy pour vous ouÿr, hé, qui me constituera juge sur terre, affin que tous ceux qui auront quelque negotiation viennent a moy et que je juge justement? ainsy solicitoit il les courages des Israelites.

  A001000388 

 Mays quelle plus dommageable et temerayre persuasion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela? Si donques l'Eglise peut errer, o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés? a l'Escriture, disent ilz: mays que feray je, pauvr'homme? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de verité? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce [73] sont les consequences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises? qui me fera voir la vraye verité au travers de tant d'apparentes et masquëes vanités? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit, il ny en a qu'un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage; ah, quel danger de mesprendre: l'egale ventance et asseurance des patrons en deçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres.

  A001000388 

 Quicomque dict que nostre Maistre ne nous a pas laissé des guides en un si dangereux et malaysé chemin, il dict quil nous veut perdre; quicomque dict quil nous a embarqués a la mercy [des vents] et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui sache bien entendre sur la bussole et la charte marine, il dict que ce Seigneur a faute de provoyance; quicomque dict que ce bon Pere nous a envoyés en cest'escole Ecclesiastique, sachant que l'erreur y estoit enseignëe, il dict quil a voulu nourrir nostre vice et nostre ignorance.

  A001000390 

 La verité donques consiste au sens, qui est comme la mouelle, et partant, si l'Eglis'estoit gardienne de la verité, le sens de l'Escriture luy auroit esté remis en garde, il le faudroit chercher chez elle, et non en la cervelle de Luther, ou Calvin, ou de quelque particulier; dont elle ne pourroit errer, ayant tousjours le sens des Escritures.

  A001000390 

 [75] Les Juifz gardent une partie des Escritures, et beaucoup d'heretiques encores, mays pour cela ilz ne sont pas colomnes et fermetés de la verité.

  A001000397 

 Il s'ensuit donques de son dire, quoy quil se tourne et contourne de tous costés, que l'Eglis'a erré es choses necessaires a salut: car, si hors l'Eglise on ne trouve point de salut, et l'Eglise a tant erré qu'elle n'est plus Eglise, certes en elle ni a point de salut; or est il qu'elle ne peut perdre le salut que se destournant des choses necessaires a salut, ell'a donq failly en choses necessaires a salut: autrement, ayant ce qui est necessaire a salut elle seroit la vraÿe Eglise, ou on se sauveroit hors la vraÿe Eglise, qui ne se peut.

  A001000397 

 Ilz crient haut et clair qu'ell'a demeuré 800 ans en adultere et antichrestienne, des saint Gregoire jusqu'a Wiclef, que Beze tient pour le premier restaurateur du Christianisme.

  A001000399 

 Mays n'est ce pas violer tout le respect et la reverence deüe a ceste Reyne espouse du Roy celeste, d'avoir ramené sur ses terres quasi toutes les troupes que cy devant, avec tant de sang, de sueurs et de travaux, ell'avoyt par solemnelle punition bannies et chassées de ses confins, comme rebelles et conjurées ennemyes de sa coronne, j'entens, d'avoir remis sus pied tant d'heresies et fauses opinions que l'Eglise avoit condamnees comme entreprenans la sauverayneté sur l'Eglise, absoulvans ceux qu'ell'a condamnés, condamnés ceux qu'ell'avoit absoutz? Voyci des exemples..

  A001000406 

 Vigilance (comm'escrit saint Hierosme, 1. Adversus Vigilantium, et 2 epistolis adversus eundem ) nia qu'on deut avoir en honneur les reliques des Saints, que les prieres des Saints fussent profitables, que les prestres deussent vivr'en cælibat, la pauvreté volontaire: que ne nies vous pas de tout cecy?.

  A001000407 

 Eustathius mesprisa les jeusnes ordinaires de l'Eglise, les Traditions ecclesiastiques, les lieux des saints Martirs et les basiliques de devotion.

  A001000408 

 Quand au premier trait, voyes de Beze en son traitté Des marques de l'Eglise; quand au second, n'est il pas d'accord avec ceste tant celebre sentence de Luther, que de Beze tient pour tresglorieux reformateur: Vides quam dives sit homo Christianus sive baptizatus, qui etiam volens non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatis, nisi nolit credere?.

  A001000411 

 Les Pelagiens se tenoyent asseurés et certains de leur justice, promettoyent le salut aux enfans des fideles qui mouroyent sans Baptesme, ilz tenoyent tous pechés pour mortelz.

  A001000415 

 Les Peres que j'ay cité ne les eussent jamais mis au roole des hæretiques s'ilz n'eussent veu le cors de l'Eglise les tenir pour telz; c'estoyent des plus orthodoxes, et qui estoyent confederés a tous les autres Evesques et Docteurs catholiques de leur tems, qui monstre que ce quilz tenoyent pour hæretique l'estoyt a bon escient.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 La plus belle partie du monde fut une fois de la republique des Romains, mais une seule Romme gouvernoit, une seule Athenes, Cartage, et ainsy des autres anciennes, une seule Venise, une seule Gennes, une seule Lucerne, Fribourg et autres.

  A001000426 

 Si c'est une ville, il faut que ce soit l'une des patriarchales: ores, des patriarchales il ni en a que cinq, Rome, Antioche, Alexandrie, Costantinople et Hierusalem; laquelle des cinq? toutes sont payennes fors Romme.

  A001000433 

 sur saint Luc, dict que les premieres paroles, beati, s'entendent de tous, mais les secondes, quis putas, s'entendent des Evesques, et beaucoup plus proprement du sauverain.

  A001000434 

 De plus, Nostre Seigneur demande que ce serviteur soit prudent et fidele, et saint Pierre a bien ces deux conditions: car, la prudence comme luy peut elle manquer, puysque ni la chair ni le sang ne le gouverne poinct, mais le Pere celeste? et la fidelité comme luy pourroit elle fallir, puysque Nostre Seigneur [dit]: Rogavi pro te ut non deficeret fides tua? lequel il faut croire que exauditus est pro sua reverentia, de quoy il donne bien bon tesmoignage quand il adjouste, Et tu conversus confirma fratres tuos, comme s'il vouloit dire: j'ay prié pour toy, et partant sois confirmateur des [88] autres, car pour les autres je n'ay pas prié sinon quilz eussent un refuge asseuré en toy..

  A001000434 

 Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir les autres a estëe donnëe: Pasce oves meas? Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre auquel Nostre Seigneur a dict: Tibi dabo claves regni cælorum? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a l'authorité, comme tout l'edifice sur le fondement.

  A001000441 

 La donques Isaïe, se plaignant des Juifz et de leurs prestres en la personne de Nostre Seigneur, de ce que ils ne voudroyent pas croyre, Manda, remanda, expecta, reexpecta, et ce qui s'ensuit, il adjouste: Idcirco hæc dicit Dominus, et partant le Seigneur a dict, Ecce ego mittam in fundamentis Sion lapidem..

  A001000443 

 Escoutes saint Mathieu; il dict que Nostre Seigneur y jettera une pierre esprouvëe: quelle preuve voules vous autre que cellela, Quem dicunt homines esse Filium hominis? question difficile, a laquelle saint Pierre, expliquant le secret et ardu mistere de la communication des idiomes, respond si pertinement que rien plus, et faict preuve quil est vrayement pierre, disant, Tu es Christus, Filius Dei vivi..

  A001000451 

 Quant a vos evesques ou surveillans, vous ne vous estes pas contentés de les ravaler jusqu'aux rangs des ministres, mais les aves rendus inferieurs, affin de ne laisser rien en sa place.

  A001000464 

 C'est ce qui nous tient tous parés d'une mesme livree de creance, car, sçachant qu'il y a un chef et lieutenant general en l'Eglise, ce qu'il resoult et determine avec l'advis des autres Prelatz, lhors qu'il est assis sur la chaire de saint Pierre pour enseigner le Christianisme, sert de loy et de niveau a nostre creance.

  A001000464 

 Donques en ceste unique chaire, qui est la premiere des prerogatives, fut assis premierement saint Pierre.

  A001000464 

 Nos entendemens ne s'esgarent point les uns des autres en leurs creances, ains se maintiennent tres estroittement unis et serrés ensemble par le lien de l'authorité superieure de l'Eglise, a laquelle chacun se rapporte en toute humilité, et y appuie sa foy comme sur la colomne et fermeté de verité; nostre Eglise Catholique n'a qu'un langage et un mesme parler par toute la terre..

  A001000464 

 » Le bon Optatus disoit ainsy aux Donatistes: « Tu ne peux nier que tu ne sçaches qu'en la ville de Rome la principale chaire a esté premierement conferee a saint Pierre, en laquelle a esté assis le chef de tous les Apostres, saint Pierre, dont il fut appellé Cephas, chaire en laquelle l'unité fut de tous gardee, affin que les autres Apostres ne voulussent pas se pretendre et defendre chacun la sienne, et que des ores celuy la fust schismatique et pecheur, qui voudroit se bastir une autre chaire contre ceste unique chaire.

  A001000465 

 Quelles contrarietés a produit la reformation de Luther: je n'aurois jamais faict si je les voulois mettre sur ce papier; qui les voudra voir qu'il lise le petit livre de Frederic Staphyl, De Concordia [94] discordi, Sander, livre 7 e de sa Visible monarchie, et Gabriel de Preau, en la Vie des heretiques.

  A001000466 

 Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques; les Anglois ont des Evesques qui commandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appellé Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal.

  A001000466 

 Ne sçaves pas qu'a Geneve l'on tient pour superstition de celebrer aucune feste des Saintz? et en Suisse on les fait, et vous en faites une de Nostre Dame.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000466 

 Vous n'aves pas un mesme canon des Escritures; Luther n'y veut pas l'Epistre de saint Jaques, que vous receves.

  A001000467 

 Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable]: maintenant, communement, parmi vous on ne met que deux Sacremens; Calvin en a mis trois, adjoustant au baptesme et cene, l'ordre; Luther y met la penitence pour troisiesme puys dit qu'il n'y en a qu'un; en fin les protestans au colloque de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confesserent qu'il [y] avoit sept Sacremens.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Mays quant a nous autres, nous avons tous un mesme canon des Escritures, et un mesme chef, et pareille regle pour les entendre; vous aves diversité de canon, et en l'intelligence vous aves autant de testes et de regles que vous estes de personnes.

  A001000468 

 Nous sonnons tous au ton de la trompette d'un seul Gedeon, et avons tous un mesme esprit de foy au Seigneur et a son lieutenant, l'espee des decisions de Dieu et de l'Eglise, selon la parole des Apostres, Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000474 

 La sainteté interieure ne se peut voir; l'exterieure ne peut servir de Marque, parce que toutes les sectes s'en vantent, et qu'il est mal aysé de reconnoistre la vraye priere, predication et administration des Sacremens.

  A001000474 

 Mais, outre tout cela, il y a des signes avec lesquelz Dieu faict connoistre son Eglise, qui sont comme parfums et odeurs, comme dict l'Espoux es Cantiques: L'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens; ainsy pouvons nous, a la piste de ses odeurs et parfums, quester et trouver la vraye Eglise, et le giste du filz de la licorne..

  A001000480 

 Mays, parce que les sectes et heresies desguisent leurs vestemens en mesme façon sous une fause estoffe, outre cela elle a des parfums et odeurs qui luy sont propres, et ce sont certains signes et lustres de sa sainteté, qui luy sont tellement propres qu'aucune autre assemblee ne s'en peut vanter, particulierement en nostre aage: car, premierement, elle reluit en miracles, qui sont tres souëfves odeurs et parfums, signes expres de la presence de Dieu immortel; ainsy les appelle saint Augustin..

  A001000481 

 Et de faict, quand Nostre Seigneur partit de ce monde, il promit que l'Eglise seroit suivie de miracles: Ces marques, dict il, suivront les croyans: en mon nom ilz chasseront les diables, ilz parleront nouveaux langages, ilz osteront les serpens, le venin ne leur [99] nuira point, et par l'imposition des mains ilz gueriront les malades.

  A001000481 

 Il ne dict pas que tous les croyans en particulier feroient des miracles, mais que ceux qui croiront seront suivis de ces signes.

  A001000481 

 Laissons ces saintes paroles en l'estendue que Nostre Seigneur leur a donnee: les croyans sont en l'Eglise, les croyans sont suivis de miracles, donques en l'Eglise il y a des miracles; il y a des croyans de tous tems, les croyans sont suivis de miracles, donques en tous tems il y a des miracles..

  A001000481 

 Nostre Seigneur donques parle aux Apostres seulement, mais non pour les Apostres seulement; il parle des croyans en cors et en general, a sçavoir, de l'Eglise; il parle absolument, sans distinction de tems.

  A001000482 

 Dieu mit en main de Moyse ces instrumens affin qu'il fust creu, dont Nostre Seigneur dict que s'il n'eust faict des miracles les Juifz n'eussent pas esté obligés de le croire.

  A001000482 

 Mais voyons un peu pourquoy le pouvoir des miracles fut laissé en l'Eglise: ce fut sans doute pour confirmer la predication evangelique; car saint Marc le tesmoigne, et saint Pol, qui dict que Dieu donnoit tesmoignage a la foy qu'il annonçoit, par miracles.

  A001000483 

 Au tems des Apostres [100] se firent infinis miracles, vous le sçaves bien; apres ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin, faict par les prieres de la legion des soldatz Chrestiens qui estoyent en son armee, laquelle pour cela fut appellee Fulminante? Qui ne sçait les miracles de saint Gregoire Thaumaturge, saint Martin, saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveilles [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin? dequoy les autheurs sont irréprochables, Eusebe, Rufin, saint Hierosme, Basile, Sulpice, Athanase.

  A001000483 

 Outre cela, je vous prie, monstres moy quelque saison en laquelle l'Eglise visible aye esté sans miracles, des qu'elle commença jusqu'a present.

  A001000483 

 Pourquoy voules vous, donques, que la mesme Eglise cesse maintenant d'avoir des miracles? quelle rayson y auroit il? Pour vray, ce que nous avons tousjours veu, en toutes sortes de saisons, accompagner l'Eglise, nous ne pouvons que nous ne l'appellions proprieté de l'Eglise: la vraye Eglise donques faict paroistre sa sainteté par miracles.

  A001000489 

 Informations prinses deüement et authentiquement, on trouve que, sous le commencement de ce siecle, saint François [101] de Paule a fleuri en miracles indubitables, comme est la ressuscitation des mortz; on en trouve tout autant de saint Diegue d'Alcala: ce ne sont pas bruitz incertains, mais preuves assignees, informations prinses..

  A001000491 

 Le bienheureux François Xavier a gueri des paralitiques, sourds, muetz, aveugles, a ressuscité un mort, son cors n'a peu estre consumé quoy qu'il eust esté enterré avec de la chaux, comme ont tesmoigné ceux qui l'ont veu entier quinze mois apres sa mort; et ces deux derniers sont mortz des 45 ans en ça..

  A001000493 

 Entre autres, il produit la guerison que [102] les Roys de France catholiques ont faict, de nostre aage mesme, de l'incurable maladie des escrouelles, ne disant autre que ces paroles: « Dieu te guerit, le Roy te touche », n'y employant autre disposition que de se confesser et communier ce jour la..

  A001000495 

 Helie fera en ce tems la de ses saintz tours de prophete, qu'il faisoit jadis pour dompter l'impieté des Baalites et autres religionnaires..

  A001000495 

 Or sus, que dires vous a cecy? dires vous que l'Antichrist fera des miracles? Saint Pol atteste qu'ilz seront faux, et pour le plus grand que saint Jan produit, c'est qu'il fera descendre le feu du ciel.

  A001000495 

 Satan peut faire telz miracles, ains en a faict sans doute; mais Dieu laissera un prompt remede a son Eglise, car a ces miracles la les serviteurs de Dieu, Helie, Enoch, comme tesmoignent [103] l'Apocalipse et les interpretes, opposeront des autres miracles de bien autre estoffe, car, non seulement ilz se serviront du feu pour chastier miraculeusement leurs ennemis, mais auront pouvoir de fermer le ciel a fin qu'il ne pleuve point, de changer et convertir les eaux en sang, et de frapper la terre du chastiment que bon leur semblera; trois jours et demy apres leur mort ilz ressusciteront et monteront au ciel, la terre tremblera a leur montee.

  A001000496 

 Les merveilles de l'Antichrist ne seront qu'une bouttade de trois ans et demy, mais les miracles de l'Eglise luy sont tellement propres que des qu'elle est fondee elle a tousjours esté reluisante en miracles; en l'Antichrist les miracles seront forcement, et ne dureront pas, mais en l'Eglise ilz y sont naturellement en sa surnaturelle nature, et partant ilz sont tousjours, et tousjours l'accompagnent, pour verifier la parole, ces signes suivront ceux qui croiront..

  A001000496 

 que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi; ceux la seront monstrés faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et personne n'en peut opposer de plus asseurés.

  A001000497 

 Or ces merveilles ne se sont faites que rarement; donques on n'en peut rien conclure: les nuees jettent quelques fois des esclairs, mays ce n'est que le soleil qui a pour marque et pour proprieté d'esclairer..

  A001000497 

 Un Juif estant baptizé se vint presenter a Paulus, evesque novatien, pour estre rebaptizé, dict Socrates; l'eau des fons tout incontinent s'esvanouit: ceste merveille ne se fit pas pour la confirmation du Novatianisme, mays du saint Baptesme, qui ne devoit pas estre reiteré.

  A001000499 

 On faict courir un bruit que l'un des vostres a gueri une fois un demoniaque; on ne dict toutefois point, ou, quand, comment, la personne guerie, ni quelque certain tesmoin.

  A001000499 

 Puys, une hirondelle ne faict pas le printems; c'est la suite perpetuelle et ordinaire des miracles qui est Marque de la vraye Eglise, non accident: mais ce seroit se battre avec l'ombre et le vent, de refuter ce bruit, si lasche et si debile que personne n'ose dire de quel costé il est venu..

  A001000499 

 Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables; une fois il reussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec: Illi de mortuis vivos suscitabant, ce dict Tertullien, [105] isti de vivis mortuos faciunt.

  A001000500 

 Toute la responce que j'ay veüe chez vous, en ceste extreme necessité, c'est qu'on vous faict tort de vous demander des miracles: aussi faict on, je vous promets; c'est se mocquer de vous, comme qui demanderoit a un mareschal qu'il mist en œuvre une emeraude ou diamant.

  A001000501 

 Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme, saint Gregoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excellens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent precedé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre de la tres [106] sainte Religion.

  A001000502 

 Dites ce que bon vous semblera, mais en ce tems la elle avoit le caractere des miracles; monstres le nous maintenant, car, si vous ne nous monstres bien particulierement l'inscription et l'image du Roy en vostre monnoye, et nous la vous monstrons en la nostre, la nostre passera comme loyale et franche, la vostre, comme courte et rognee, sera renvoyee au billon.

  A001000502 

 Ne dites plus cela, je vous prie, [que] vous aves le metail et calibre; la foy, les Sacremens, sont ce pas des ingrediens necessaires pour la composition de l'Eglise? et vous aves tout changé, et de l'un et de l'autre; vous estes donques faux monnoyeurs, si vous ne monstres le pouvoir que vous pretendes de battre sur le coin du Roy telz calibres.

  A001000502 

 Que si elle s'en veut vanter davantage, on luy imposera silence avec ces saintes paroles: Si filii Abrahæ estis, opera Abrahæ facite: la vraye Eglise des croyans doit tousjours estre suivie de miracles, il n'y a point d'Eglise en nostre aage qui en soit suivie que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise..

  A001000508 

 La prophetie est un tres grand miracle, qui consiste en la certaine connoissance que l'entendement humain a des choses sans experience ni aucun discours naturel, par l'inspiration surnaturelle; et partant, tout ce que j'ay dit des miracles en general doit estre employé en cecy: mays, outre cela, le prophete Joël predict qu' au dernier tems, c'est a dire, au tems de l'Eglise evangelique, comme interprete saint Pierre, Nostre Seigneur [108] respandroit sur ses serviteurs et servantes de son Saint Esprit, et qu'ilz prophetiseroient; comme Nostre Seigneur avoit dict: Ces signes suivront ceux qui croiront.

  A001000509 

 Adjoustes, comme je disois des miracles, qu'en toutes les saisons l'Eglise a eu des prophetes; nous ne pouvons donques dire que ce ne soit une de ses proprietés et une bonne piece de son douaire.

  A001000509 

 Jesus Christ, montant aux cieux, il a mené la captivité captive, il a donné des dons aux hommes; car il a donné les uns pour apostres, les autres pour prophetes, les autres pour evangelistes, les autres pour pasteurs et docteurs: l'esprit apostolique, evangelique, pastoral et doctoral est tousjours en l'Eglise, et pourquoy luy levera on encores l'esprit prophetique? c'est un parfum de la robbe de ceste Espouse..

  A001000516 

 Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, desquelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise; et partant leur prophetie n'authorisoit pas l'eglise; en laquelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit: quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des commandemens naturelz en recommandation, par la grace divine; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius, avec ces autres soldatz craignans Dieu, en la nouvelle.

  A001000516 

 Produises nous maintenant quelqu'un des vostres qui ait prophetisé pour vostre eglise.

  A001000522 

 Un jeune homme riche protestoit d'avoir observé les commandemens de Dieu des sa tendre jeunesse; Nostre Seigneur, qui voit tout, le regardant l'ayma, signe qu'il estoit tel qu'il avoit dict, et neanmoins il luy donne cest advis: Si tu veux estre parfaict, va, vens tout ce que tu as, et tu auras un tresor au ciel, et me suis.

  A001000522 

 Voici des rares enseignemens de Nostre Seigneur et de ses Apostres.

  A001000523 

 Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de servir Dieu sans empeschemens.

  A001000523 

 Il y a des eunuques qui sont ainsy nés du ventre de leur mere, il y a aussi des eunuques qui ont esté faitz par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont chastrés eux mesmes pour le royaume des cieux; qui potest capere, capiat.

  A001000523 

 Voicy la rayson: Qui est sans femme, il est soigneux des choses du Seigneur, comme il plaira a Dieu, mais qui est avec sa femme, il a soin des choses du monde, comme il agreera a sa femme, et est divisé; et la femme non mariee et la vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre saintes de cors et d'esprit, mais celle qui est mariee pense aux choses mondaines, comme elle [112] plaira a son mary.

  A001000523 

 Voyla les instructions de Nostre Seigneur et des Apostres, et voicy l'exemple de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, de saint Jan Baptiste, de saint Pol, saint Jan et saint Jaques, qui tous ont vescu en virginité, et, en l'Ancien Testament, Helie, Helisee, comme ont remarqué les Anciens..

  A001000524 

 Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent.

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000526 

 De ce tems la donques, le conseil des eunuques et l'autre que saint Pol baille estoyent prattiqués en l'Eglise..

  A001000526 

 Nostre Seigneur ne fut pas plus tost monté au ciel, qu'entre les Chrestiens chacun vendoit son bien et apportoit le prix aux pieds des Apostres; et saint Pierre, pratiquant la premiere regle, disoit: Aurum et argentum non est mihi.

  A001000526 

 Saint Philippe avoit quatre filles vierges, qu'Eusebe tesmoigne avoir tousjours demeuré telles; saint Pol garda la virginité ou le célibat, aussi firent saint Jan et saint Jaques; et quand saint Pol reprend comme damnables certaines jeunes vefves quæ postquam lascivierint in Christum nubere volunt, habentes damnationem quia primam fidem irritam fecerunt, le Concile 4 de Carthage (auquel se trouva saint Augustin), saint Epiphane, saint Hierosme, avec tout le reste de l'antiquité, l'interpretent des vefves qui, s'estans voüees a Dieu de garder chasteté, rompoyent leur vœu, se lians au mariage contre la foy qu'au paravant elles avoyent donnee au celeste Espoux.

  A001000527 

 Qui ne sçait combien sont admirables les rapportz que faict Philon le Juif de la vie des premiers Chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé De vita supplicum, ou Traitté de saint Marc et ses disciples? comme tesmoignent Eusebe, Nicephore, saint Hierosme et, entre autres, Epiphane qui dict que Philon escrivant des Jesseens il parloit des Chrestiens, qui pour quelque tems apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que saint Marc preschoit en Egypte, furent ainsy appellés, ou a cause de Jessé, de la race duquel fut Nostre Seigneur, ou a cause du nom de Jesus, nom de leur Maistre et qu'ilz avoient tousjours en bouche: or, qui verra les livres de Philon, connoistra en ces Jesseens et therapeutes, guerisseurs ou serviteurs, une tres parfaicte renonciation de soy mesme, de sa chair et de ses biens.

  A001000527 

 Voyla la perfection de la vie evangelique bien prattiquee en ce premier tems des Apostres et leurs disciples, lesquelz ayans frayé ce chemin du ciel si droit et montant, y ont esté suivis a la file de plusieurs excellens Chrestiens..

  A001000529 

 Nostre Seigneur a faict coucher en ses Escritures ces advertissemens et conseilz de chasteté, pauvreté et obeissance, il les a prattiqués et faict prattiquer en son Eglise naissante; toute l'Escriture et [117] toute la vie de Nostre Seigneur n'estoit qu'une instruction pour l'Eglise, l'Eglise donques devoit en faire son prouffit, ce devoit donques estre un des exercices de l'Eglise que ceste chasteté, pauvreté et obeissance ou renoncement de soy mesme; item, l'Eglise a tousjours faict cest exercice en tous tems et en toutes saisons, c'est donques une de ses proprietés: mays a quel propos tant d'exhortations si elles n'eussent deu estre prattiquees? La vraye Eglise donques doit reluire en la perfection de la vie Chrestienne; non ja que chacun en l'Eglise soit obligé de la suivre, il suffit qu'elle se trouve en quelques membres et parties signalees, affin que rien ne soit escrit ni conseillé en vain, et que l'Eglise se serve de toutes les pieces de la Sainte Escriture..

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000535 

 L'Eglise qui est a present, suivant la voix de son Pasteur et Sauveur, et le chemin battu des devanciers, loue, approuve et prise beaucoup la resolution de ceux qui se rangent a la prattique des conseilz evangeliques, desquelz elle a un tres grand nombre.

  A001000536 

 Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres seculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la maree pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumiere evangelique? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misere et martyre, sans autres pretentions que de l'honneur de Dieu et du salut des ames, ont couru parmi les cannibales, Canariens, negres, Bresiliens, Moluchiens, Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, affin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis celeste.

  A001000537 

 Tous les bons Catholiques regrettent le malheur de ces gens, et detestent la negligence des pasteurs [119] et l'ambition des aises de laides ames, qui, voulans tout manier, disposer et gouverner, empeschent l'election legitime et l'ordre de la discipline pour s'attribuer le bien temporel de l'Eglise.

  A001000538 

 Au contraire, Messieurs, vostre eglise pretendue mesprise et deteste tant qu'elle peut tout cecy; Calvin, au Livre 4 de ses Institutions, ne vise qu'a l'abolissement de l'observation des conseilz evangeliques.

  A001000538 

 Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces..

  A001000546 

 Le nom de Religion est commun a l'eglise des Juifz et des Chrestiens, a l'ancienne Loy et a la nouvelle; le nom de Catholique c'est le propre de l'Eglise de Nostre Seigneur; le nom de reformee est un blaspheme contre Nostre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Eglise en son sang, qu'elle ne devoit jamais subir autre forme que d' espouse toute belle, de colomne et fermeté de verité.

  A001000546 

 Mais je ne puis que je ne vous die ce que de Beze, Luther et Pierre Martyr en entendent: Pierre Martyr appelle les lutheriens, lutheriens, et dict que vous estes freres avec eux, vous estes donques lutheriens; Luther vous appelle svermeriques et sacramentaires; de Beze appelle les lutheriens, consubstantiateurs et chimiques, et neantmoins les met au nombre des eglises reformees.

  A001000546 

 Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs advoüent les uns pour les autres; vostre eglise, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apostres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas.

  A001000552 

 L'Eglise pour estre Catholique doit estre universelle en tems, et pour estre universelle en tems il faut qu'elle soit ancienne; l'ancienneté donques est une proprieté de l'Eglise, et en comparaison des heresies elle doit estre plus ancienne et precedente, parce que, comme dict tres bien Tertullien, la fauseté est une corruption de verité, la verité donques doit preceder.

  A001000552 

 Saint Jan dict des heretiques: Ilz sont sortis de nous, ilz estoyent donques dedans avant que de sortir; la sortie, c'est l'heresie, l'estre dedans, la fidelité.

  A001000558 

 Dites nous maintenant, je vous prie, cottes le tems et le lieu ou premierement nostre Eglise comparut des [123] l'Evangile, l'autheur et le docteur qui la convoqua: j'useray des mesmes paroles d'un Docteur et Martyr de nostre aage, dignes d'estre bien pesees.

  A001000559 

 Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se peuvent faire, qui est de [124] la religion, en la ville et province la plus signalee du monde, qui est Rome et l'Italie.

  A001000559 

 Remontons le cours des histoires jusqu'au pied de la Croix, regardons deça et dela, nous ne verrons jamais, en pas une saison, que ceste Eglise Catholique ait changé de face, c'est tousjours elle mesme en doctrine et en Sacremens..

  A001000560 

 Nous n'avons pas besoin contre vous, en ce point, d'autres tesmoins que des yeux de nos peres et ayeux, pour dire quand vostre eglise commença.

  A001000567 

 L'heresie des Nicolaïtes est ancienne, mais non universelle, car elle n'a duré que bien peu, et comme une bourrasque qui semble vouloir deplacer la mer puys tout a coup se perd en elle mesme, et comme un champignon, qui naist en quelque mauvaise vapeur, en une nuict comparoist et en un jour se perd, ainsy toutes heresies, pour anciennes qu'elles ayent esté, se sont esvanouies, mais l'Eglise dure perpetuellement..

  A001000569 

 Dieu a donné des dons aux hommes, des apostres, prophetes, evangelistes, pasteurs, docteurs, pour la consommation des saintz, en l'œuvre du ministere, pour l'edification du cors de Christ.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000569 

 Sa divine providence conserve perpetuellement la generation du moindre oysillon du monde, comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'incredulité? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara?.

  A001000570 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondee en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) ser a comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles; Daniel l'appelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin; Isaïe dict de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peche il verra une longue race; et ailleurs: Je feray une alliance perpetuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront..

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000585 

 Je vous diray, comme j'ay dict cy dessus, montres moy une dizaine d'annees, des que Nostre Seigneur est monté au ciel, en laquelle nostre Eglise n'ayt esté: ce qui vous garde de sçavoir dire quand nostre Eglise a commencé, c'est parce qu'elle a tousjours duré.

  A001000585 

 Que si vous ne voules pas de premier abord abandonner les livres de vos maistres, et n'aves point [130] les yeux sillés d'une trop excessive passion, si vous regardes de pres les Centuries de Magdebourg, vous n'y verres autre par tout que les actions des Catholiques; car, dict tres bien un docte de nostre aage, « s'ilz ne les y eussent recueillies ilz eussent laissé mille et cinq cens ans sans histoire.

  A001000586 

 Or, quant a vostre eglise, supposons ce gros mensonge pour verité, qu'elle ayt esté du tems des Apostres, si ne sera elle pas pourtant l'Eglise Catholique: car, la Catholique doit estre universelle en tems, elle doit donques tousjours durer; mais dites moy ou estoit vostre eglise il y a cent, deux cens, trois cens ans, et vous ne le sçauries faire, car elle n'estoit point; elle n'est donques pas la vraye Eglise.

  A001000590 

 Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la difference des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avenement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire [131] en ça qu'elle doit estre au tems de l'Antichrist.

  A001000590 

 Or, qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit au Seigneur qui dict qu'il sera plustost accourci, pour l'amour des esleuz.

  A001000591 

 Isaïe, qu'on lisoit hier, cria: Il y aura es derniers jours un mont preparé sur le couppeau des montaignes, mayson du Seigneur, et toutes [132] gens s'y couleront a la file.

  A001000591 

 Je me contenteray de vous mettre en teste deux des plus grans Docteurs qui furent onques.

  A001000591 

 La pierre taillee du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jesus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage? et ceste pierre la ne fracassa elle pas tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et demons? ne s'accreut elle pas jusqu'a remplir le monde? C'est donq de ce mont qu'il est dit, preparé sur la cime des mons; c'est un mont eslevé sur le sommet des mons, et toutes gens se rendront vers iceluy.

  A001000591 

 Qu'y a il de si apparent qu'une montaigne? mays il se faict des montz inconneuz parce qu'ilz sont assis en un coin de la terre.

  A001000592 

 Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schismatique converti: « Je me resjouis avec toy, » ce dict il, « et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000599 

 Car l'Eglise sera comme le soleil, dict le Psalme, et le soleil n'esclaire pas tousjours egalement en toutes les contrees, il suffit qu'au bout de l'an nemo est qui se abscondat a calore ejus; ainsy suffira il qu'au bout du siecle la prediction de Nostre Seigneur soit verifiee, qu'il falloit que la penitence et remission des pechés fust preschee en toutes nations, commençant des Hierusalem..

  A001000600 

 Or l'Eglise au tems des Apostres jetta par tout ses branches, chargees du fruict de l'Evangile, tesmoin saint Pol; autant en dict saint Irenee en son tems, qui parle de l'Eglise Romaine ou Papale a laquelle il veut que tout le reste de l'Eglise se reduise « pour sa plus puissante principauté.

  A001000607 

 Au tems de Gratien, Valentinien et Justinien, il y avoit par tout des Catholiques Romains, comme on peut voir par leurs lois.

  A001000607 

 Despuys, la mesme Eglise est venue a nostre aage, et tousjours Romaine et Papale, de façon qu'encores que nostre Eglise maintenant seroit beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne lairroit pas d'estre tres Catholique, parce que c'est la mesme Romaine qui a esté, et [qui a] possedé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables.

  A001000607 

 Du tems de saint Gregoire il y avoit par tout des Catholiques, ainsy qu'on peut voir par les epistres qu'il escrit aux Evesques presque de toutes nations.

  A001000607 

 Mais elle est encores maintenant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grece, en Armenie, en Syrie, et tout par tout: mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales? Dequoy qui voudroit voir un abregé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblee generale des religieux de saint François appellés Observantins: il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obeissance d'un simple, vil et abject; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour verifier ceste partie de la prophetie de Malachie: In omni loco sacrificatur nomini meo..

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000608 

 Que si vous dites que vostre eglise a desja esté catholique au tems des Apostres, monstres donques qu'elle estoit en ce tems la, car toutes les sectes en diront de mesme; comme enteres vous ce petit bourgeon de religion pretendue sur ce saint et ancien tige? faites que vostre eglise touche par une continuation perpetuelle l'Eglise primitive, car si elles ne se touchent, comment tireront elles le suc l'une de l'autre? ce que vous ne feres jamais.

  A001000614 

 Mays ce seroit parler a l'adventure; car, si les Augustin, Chrysostome, Ambroise, Cyprien, Gregoire, et ceste grande trouppe d'excellens pasteurs, n'ont sceu si bien faire que l'Eglise n'ayt donné du nez en terre bien tost apres, comme [disent] Calvin, [137] Luther et les autres, quelle apparence y a il qu'elle se fortifie maintenant sous la charge de vos ministres, lesquelz ni en sainteté ni en doctrine ne sont comparables avec ceux la? Si l'Eglise en son printems, esté et automne n'a point fructifié, comme voules vous qu'en son hiver l'on en recueille des fruictz? si en son adolescence elle n'a cheminé, ou voules vous qu'elle coure maintenant en sa viellesse?.

  A001000615 

 Vostre eglise non seulement n'est pas catholique, mais encores ne le peut estre, n'ayant la force ni vertu de produire des enfans, mais seulement de desrobber les poussins d'autruy, comme faict la perdrix; et neantmoins c'est bien l'une des proprietés de l'Eglise d'estre feconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appellee colombe; et si son Espoux quand il veut benir un homme rend sa femme feconde, sicut vitis abundans in lateribus domus suæ, et faict habiter la sterile en une famille, mere joyeuse en plusieurs enfans, ne devoit il pas avoir luy mesme une Espouse qui fust feconde? Mesme que selon la sainte Parole, ceste deserte devoit avoir plusieurs enfans, ceste nouvelle Hierusalem devoit estre tres peuplee et avoir une grande generation: Ambulabunt gentes in lumine tuo, dict le Prophete, et reges in splendore ortus tui.

  A001000621 

 Telle fut la predication de saint Augustin en Angleterre, de saint Boniface en Allemagne, de saint Patrice en Hibernie, de Willibrord en Frize, de Cyrille en Bohesme, dAdalbert en Pologne, dAstric en Hongrie, de saint Vincent Ferrier, de Jean Capistran; telle la predication des Freres fervens, Henry, Anthoyne, Louis, de François Xavier et mille autres, qui ont renversé l'idolatrie par la sainte predication, et tous estoyent Catholiques Romains..

  A001000622 

 Au contraire, vos ministres n'ont encores converti aucune province du paganisme, ni aucune contree: diviser le Christianisme, y faire des factions, mettre en pieces la robbe de Nostre Seigneur, ce sont les effectz de leurs predications.

  A001000622 

 Prenes garde a ce que dict saint Jude: Malheur, ce dict, a ceux qui perissent en la contradiction de Coré; Coré estoit schismatique: ce sont des souilleures a un festin, banquetans sans crainte, se repaissans eux mesmes, nuees sans eaux qui sont transportees ça et la aux vens; ilz ont l'exterieur de l'Escriture, mays ilz n'ont pas la liqueur interieure de l'esprit: arbres infructueuses de l'automne; ilz n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruict de l'intelligence: doublement mortz; mortz quant a la charité par la division, et quant a la foy par l'heresie: desracinés, qui ne peuvent plus porter fruict; flotz de mer agitee, escumans ses [139] confusions de desbatz, disputes et remuemens; planetes errantes, qui ne peuvent servir de guide a personne, et n'ont point de fermeté de foy mays changent a tous propos.

  A001000640 

 Comme le vulgaire admire les cometes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossiere clarté qui les rend visibles; ainsy le miserable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des verités celestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences..

  A001000641 

 Helas, il ne manquoit [142] pas de pierres de touche pour descouvrir le bas or de leurs happelourdes, car Celuy qui nous fait dire que nous esprouvions les espritz, ne l'eut pas fait s'il n'eut sçeu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le faint esprit.

  A001000644 

 Or, comme Dieu revela sa Parole et parla pieça par la bouche des Peres et Prophetes, et finalement en son Filz, puys par les Apostres et Evangelistes, desquelz les langues ne furent que comme plumes de secretaires escrivans tres promptement, employant en ceste sorte les hommes pour parler aux hommes, ainsy, pour proposer, appliquer et declairer ceste sienne Parole, il emploÿe son Espouse visible comme son truchement et l'interprete de ses intentions.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000647 

 Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Regles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Regle extraordinaire, trescertaine et de grand'importance; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine..

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000660 

 Helas, il ne manquoit pas de pierres de touche pour connoistre le bas or avec lequel ilz pipoyent le monde, car Celuy qui nous faict dire que nous esprouvions les espritz silz sont bons ou mauvais, ne l'eut pas faict sil n'eust sceu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le fainct esprit, le consolateur d'avec le desolateur.

  A001000660 

 Nous avons donques en l'Eglise des Regles tres certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi; et c'est icy ou je vous appelle et vous prie de juger justement: car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Regles de la vraye foi et de la predication Chrestienne; affin que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraÿe Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés..

  A001000662 

 Or, je me tiendray tousjours sur une mesme demarche, car je monstreray, pnt, que les Regles que je produis sont vraÿes Regles, puys, comme vos docteurs les ont violëes: et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé tres étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une tres solide confirmation pour toute la seconde Partie.

  A001000674 

 Nostre Seigneur y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy; les Sadduceens erroyent pour ignorer les Escritures: c'est donq un niveau tres asseuré, c'est un flambeau luysant es obscurités, comme parle saint Pierre, lequel ayant ouy luy mesme la voix du Pere en la Transfiguration du Filz, se tient neanmoins pour plus asseuré au tesmoignage des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000683 

 Les Sadducæens erroyent, par ce quilz ne sçavoyent pas les Escritures; ilz eussent mieux faict d'y estr'ententifz, comme a un flambleau esclairant es obscurités, selon l'advis de S t Pierre, lequel ayant luymesme ouy la voix du Pere en la Transfiguration, se tient neantmoins pour plus asseuré es tesmoignages des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000687 

 Certes, quand un notaire a expedié un contract ou autr'escriture, personne n'y peut remuer, oster, adjouster un seul mot sans estre tenu pour faulsaire: voicy l'Escriture des testamentz de [150] Dieu, expediee par les notaires a ce deputés; comme la peut on altérer tant soit peu sans impieté?.

  A001000689 

 Le sacré depost des Saintes Escritures doit estre gardé bien conscientieusement.

  A001000698 

 Qui manie des grains de verre, sil en pert un, deux, et trois, c'est peu de chose, mays sil en avoit autant perdu de perles orientales, la perte seroit grande.

  A001000698 

 Tell'est la conscience avec laquelle nous devons contempler et manier le sacré depost des Escritures.

  A001000703 

 Tous les Livres sacrés sont premierement divisés en deux, en ceux du Viel Testament et ceux du Nouveau: puys, autant les uns que les autres sont partagés en deux rangs; car il y a des Livres, tant du Viel que du Nouveau Testament, desquelz on n'a jamais douté quilz ne fussent sacrés et canoniques, il y en a desquelz l'on a douté pour un tems, mais en fin ont estés receuz avec ceux du premier rang..

  A001000704 

 Ceux du premier rang, de l'Ancien Testament, sont les cinq de Moyse, Josué, les Juges, Ruth, 4 des Rois, 2 de Paralipomenon, 2 d'Esdras et de Nehemie, Job, 150 Pseaumes, les Proverbes, l'Ecclesiaste, les Cantiques, les 4 Prophetes plus grans, les douze moindres.

  A001000705 

 Ainsy dirai je des Livres du Nouveau Testament, qu'il y en a du premier rang, qui ont tousjours esté reconneuz et receuz pour sacrés et canoniques entre les Catholiques: telz sont les 4 Evangiles, selon saint Mathieu, saint Marc, saint Luc, saint Jan, [les Actes des Apôtres,] toutes les Epistres de saint Pol hormis celle aux Hebrieux, une de saint Pierre, une de saint Jan.

  A001000705 

 Ainsy fut dressé au Concile de Cartage la mesme liste des [155] Livres canoniques qui a despuys tousjours esté en l'Eglise Catholique, et fut confirmee au sixiesme general, au grand Concile de Florence en l'Union des Armeniens, et en nostr'aage au Concile de Trente, et fut suivie par saint Augustin.

  A001000705 

 general, de Trulles, outre les Livres precedens du second rang, furent receuz au canon comme indubitables, Thobie, Judith, deux des Macchabees, la Sapience, l'Ecclesiastique et l'Apocalipse; mais avant tous ceux du second rang, le Livre de Judith fut receu et reconneu pour divin au premier general Concile de Nicee, ainsy que saint Hierosme en est tesmoin, en sa præface sur iceluy.

  A001000710 

 Quelz sont les Livres Sacres des Saintes Escritures.

  A001000713 

 ; du Testament Nouveau, 4 Evangiles, selon S t Mathieu, S t Marc, S t Luc et S t Jan, les Actes des Apostres par S t Luc, 14 Epistres de S t Pol, aux Romains, deux aux Chorinthiens, aux Galathes, aux Ephesiens, aux Philip., aux Collos., deux aux Thessalo., deux a Timot., a Tit., [154] a Philem., aux Hebreux, deux de S t Pierre, 3 de S t Jan, une de S t Jaq., une de S t Jude et l'Apocalipse.

  A001000713 

 Le Concile de Trente propose ces Livres icy pour sacrés, divins et canoniques: le Genese, Exode, Levitique, Nombres, Deuteronome, Josué, Juges, Ruth, quatre des Rois, deux de Paralipomenon, deux d'Esdras, le 1., et le 2.

  A001000713 

 qui est appellé de Nehemie, Thobie, Judith, Hester, Job, cent cinquante Psalmes de David, les Paraboles, l'Ecclesiaste, le Cantique des Cantiques, la Sapience, l'Ecclesiastique, Isaïe, Hieremie avec Baruch, Ezechiel, Daniel, Ozëe, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Micheas, Nahum, Abacuc, Sophonias, Aggæe, [153] Zacharie, Malachie, deux des Machabees, le 1. et 2.

  A001000714 

 Mesme en quelques uns des autres Livres, de l'authorité desquelz jamais on ne douta parmi l'Eglise, il y a certaines parties lesquelles les Anciens n'ont pas tous tenu pour authentiques, comme l'histoire de Susanne en Daniel, le cantique des trois enfans et l'histoire de la mort du dragon au 14.

  A001000715 

 Et ne faut pas douter que le S t Esprit n'assiste en ce jugement a l'Eglise, car vos ministres mesme confessent que Dieu luy a remis en garde les Saintes Escritures, et veulent dire que c'est a cest'intention que S t Pol l'apelle colomne et fermeté de verite; et comme les garderoit elle, si elle ne les sçait connoistre et tirer du meslange des autres livres?.

  A001000715 

 Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques.

  A001000715 

 Si ces Livres ne furent pas des le commencement indubitables en l'Eglise, comm'est ce que le tems leur peut acquerir cest'authorité? Pour vray, l'Eglise ne sçauroit rendre un Livre canonique sil ne l'estoit, mays l'Eglise peut bien declairer qu'un Livr'est canonique qui n'estoit pas tenu pour tel d'un chacun, et ainsi le mettr'en credt parmi le Christianisme, nom pas changeant la substance du Livre, qui de soy estoit canonique, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tres asseurëe de ce dont elle ne l'estoit pas.

  A001000722 

 Voyla les Livres sacrés et canoniques, que l'Eglise a receu et reconneu unanimement des douze centz ans en ça: et avec quell'authorité ont osé ces nouveaux reformeurs biffer tout en un coup tant de nobles parties de [158] la Bible? Ilz ont raclé une partie d'Hester, Baruch, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Maccabees; qui leur a dict que ces Livres ne sont pas legitimes et recevables? pourquoy desmembrent ilz ainsy ce sacré cors des Escritures?.

  A001000723 

 Saint Hierosme dict quilz ne sont point estimés « idoines » pour « corroborer l'authorité des doctrines ecclesiastiques.

  A001000723 

 « Ilz ne sont point receuz comme legitimes des Ebreux »; 3.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000724 

 des Machabees en Hebreu, qu'en peut mais le premier? receves-le tousjours a bon conte, nous traitterons par apres du second.

  A001000725 

 Plus, estes vous bien asseuré d'avoir les textes hebreux des Livres du premier rang ainsy purs et netz comm'ilz estoyent au tems des Apostres et des 70? Gardes de mesprendre; certes, vous ne les suives pas tousjours, et ne sçauries en bonne conscience: monstres moy encor cecy en la Saint'Escriture.

  A001000726 

 Quand a ce que vous dittes que ces Livres que vous appelles apocriphes ne sont point receuz par les Hebreux, vous ne dittes rien de nouveau ni d'important; saint Augustin proteste bien haut: « Libros Machabeorum non Judæi sed Ecclesia Catholica pro canonicis habet: Non les Juifz, mais l'Eglise Catholique tient les Livres des Machabees pour canoniques.

  A001000730 

 » Ce « peut estre » la garde de mentir, et vous l'aves oublié; et si elle met en conte ces Livres icy dont est question, comm'apocriplies, c'est parce qu'elle croyoit que apocriphe, volut dire, n'avoir point de certain autheur, et partant y enroolle comm'apocriphe le Livre des Juges: et sa sentence n'est pas si authentique qu'elle passe en chose jugee; en fin, ce n'est qu'une glosse..

  A001000732 

 Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estés corrompuz; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple negation..

  A001000733 

 Livre des Maccabees, qui estoit comme une epistre ou commentaire envoyé pour la consolation des Juifz qui habitoyent en Egipte, a esté escrit en Grec plus tost qu'en Hebreu..

  A001000733 

 en Hebreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israel envoyerent aux freres Juifz qui estoyent hors la Judee, et si ell'est escritte au langage le plus cohneu et commun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas recevable? Les Ægiptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hebreu, comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72; voyla pourquoy ce 2.

  A001000734 

 Reste que les nouveaux præfaceurs monstrent ces fausetés desquelles ilz accusent ces Livres, ce qu'a [165] la verité ilz ne feront jamais; mays je les voys venir: ilz produiront l'intercession des Saintz, la priere pour les trepassés, le franc arbitre, l'honneur des reliques et semblables pointz, qui sont expressement confirmés es Livres des Maccabees, en l'Ecclesiastique et autres Livres quilz prætendent apocriphes.

  A001000735 

 Voyla, ce me semble, toutes vos raysons esvanouÿes, et n'en sçauries produire d'autres; mays nous sçaurons bien dire, que sil est ainsy loysible indifferemment de rejetter ou revoquer en doute l'authorité des Escritures desquelles on a douté pieça, quoy que l'Eglise en aÿe determiné, il faudra rejetter ou douter d'une grande partie du Viel et Nouveau Testament.

  A001000739 

 Combien les ministres ont viole l'integrite des escritures.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Clement Alexandrin, Cyprien, Ambroise, Augustin et le reste des Peres tiennent l'Ecclesiastique pour canonique; S t Cyp., S t Amb., S t Basile honorent Tobie pour Escriture S te; S t Cyp.

  A001000743 

 en ont autant creu des Machabëes; S t Augustin proteste que Libros Machabœorum non Judœi sed Ecclesia Catholica.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 » Quittans donques le champ des raysons precedentes pour se mettre a couvert, ilz se jettent dans l'interieure, secrette et invisible persuasion qu'ilz estiment estre faicte en eux par le Saint Esprit..

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000751 

 Vous dites que vous sentes ceste persuasion en vous, mais pourquoy suis je obligé de vous croire? vostre parole est elle si puissante, que je sois forcé sous son authorité de croire que vous penses et sentes ce que vous dites? je vous veux tenir pour gens de bien, mais quand il s'agit des fondemens de ma foy, comme est de recevoir ou rejetter les Escritures ecclesiastiques, je ne trouve ni vos pensees ni vos paroles asses fermes pour me servir de base..

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000754 

 Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entiere? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise.

  A001000755 

 Hé de grace, pourquoy permettra on plus tost a Calvin de racler la Sapience ou les Maccabees, qu'a Luther de lever l'Epistre de saint Jaques ou l'Apocalipse, ou a Castalio, le Cantique des Cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evangile de saint Marc, ou a un autre, le Genese et l'Exode? si tous protestent de l'interieure revelation, pourquoy croira l'on plustost l'un que l'autre? Ainsy ceste Regle sacree, sous prætexte du Saint Esprit demeurera des reglee, par la temerité de chaque seducteur..

  A001000755 

 Or, si l'Escriture n'est violee et sa majesté lezee par l'establissement de ces interieures et particulieres inspirations, jamais elle ne fut ni sera violëe; car ainsy la porte est ouverte a chacun de recevoir ou rejetter des Escritures ce que bon luy semblera.

  A001000756 

 En Daniel, Calvin a biffé le cantique des trois enfans, l'histoire de Susane et celle du dragon de Bel; item, une grande partie d'Hester.

  A001000756 

 Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranchemens? l'opinion de ces inspirations particulieres; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste piece, l'autre celle la, et l'autre un'autre? le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures.

  A001000757 

 L'Eglise ne sçauroit rendre un livre canonique sil ne l'est, mais elle peut bien le faire reconnoistre pour tel, non pas changeant la substance du livre, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tout'asseuree de ce dont ell'estoit douteuse.

  A001000757 

 » Le Saint Esprit peut inspirer que bon luy semble, mays quand a l'establissement de la foy publique et generale des fideles, il ne nous addresse qu'a l'Eglise; c'est a elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non: non qu'elle puysse donner verité ou certitude a l'Escriture, mays elle peut bien nous faire certains et asseurés de la certitude d'icelle.

  A001000758 

 Mais avant que je parte d'icy, je vous prie, reformeurs, dittes moy ou vous aves pris le canon des Escritures que vous suives.

  A001000758 

 Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Maccabees y seroyent; ou l'aves vous donq pris? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon avant vous; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre: quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile [175] de Cartage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers..

  A001000759 

 Voyla donq la fontaine et la source de toute la violation qu'on a faict de ceste sainte Regle; c'est quand on s'est imaginé de ne la recevoir qu'a la mesure et regle des inspirations que chacun croit et pense sentir..

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000771 

 Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province..

  A001000772 

 « Sçavons nous bien, » dict un docte prophane, « qu'en Basque et en Bretaigne il y ait des juges asses pour establir ceste traduction faicte en leur langue? l'Eglise universelle n'a point de plus ardu jugement a faire.

  A001000773 

 Ces peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psalmes en Hebrieu, et neanmoins l'Hebreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardees, comme Abba, Haceldema, Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hebreux des la captivité de Babiloyne.

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000773 

 Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines; on verra que nous avons du tout changé leur langage: qui neantmoins devoient [être] des plus politz de leur tems, estans tous deux nourris en court.

  A001000773 

 Si donques il nous failloit avoir (sur tout pour les services publiqs) des bibles chacun en son langage, de cinquant'ans en cinquante il faudroit remuer mesnage, et tousjours en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naifveté sainte de l'Escriture, qui ne se peut faire sans grande perte.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000774 

 « Ni n'est certes rayson, » me souviens je avoir leu en un essay du S r de Montaigne, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, « par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre creance; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si serieux et venerable; ce doit estre un'action destinee et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste præface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence.

  A001000780 

 Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prosperité des mauvais; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences: lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis; et l'esprit de vengeance s'en affleublera: lises voir ces celestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques; qui ne sçaura les bien spiritualizer n'y prouffitera qu'en mal: et ce mot d'Osëe, Vade et fac tibi filios fornicationum, et ces actes des anciens Patriarches, ne donneroyent ilz pas licence aux idiotz?.

  A001000781 

 Ce tresexcellent theologien Robert Belarmin raconte, pour l'avoir appris de lieu tres asseuré, qu'une bonne femme, ayant ouy en Angleterre un ministre lire le chap. 25 de l'Ecclesiastique (quoy quilz ne le tiennent si non pour ancien, non pour canonique), parce quil est, la, discouru de la mauvaistie des femmes, elle se leva, disant: « Et quoy? c'est la parole de Dieu? mays du diable.

  A001000781 

 Reste le 38 estat, duquel encores une partie l'entend; le reste, pour vray, si on ne parle le propre barragouin de leur contrëe, a grand peyne pourroit il entendre le simple recit des Escritures.

  A001000787 

 Et quoy? n'est ce pas une prophanation et violation extreme d'avoir laissé a ceste cervelle esventëe un jugement de si grande consequence, et puys suivre aussy estroittement le triage d'un basteleur, es prieres publiques, comm'on fit jamais jadis l'interpretation des 70, qui furent si particulierement assistés du Saint Esprit? combien de motz, combien de sentences couche il la dedans, qui ne furent jamais en l'Escriture; c'est bien autre que de prononcer mal scibolleth.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000787 

 Mays entre toutes les prophanations, il me semble que cellecy se faict voir a travers des autres, qu'es temples, publiquement et tout par tout, aux champs, aux boutiques, on chante la rimaillerie de Marot comme Psalmes de David.

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000790 

 aux Corinthiens, Mulieres in ecclesia taceant semble s'entendre aussy bien des cantiques que du reste: nos religieuses sunt in oratorio, non in ecclesia.

  A001000796 

 Origene et saint Hierosme, celluyla en sa præface sur les Cantiques, celluyci en la sienne sur Ezechiel, recitent quil n'estoit pas permis aux Juifz devant l'aage de 30 ans, lire les 3 premiers chapitres de Genese, le commencement et la fin d'Ezechiel ni les Cantiques des Cantiques, pour la profondité de leur difficulté, en laquelle peu de gens peuvent nager sans s'y perdre; et maintenant chacun en parle, chacun en juge, chacun s'en faict accroire..

  A001000796 

 Sil est ainsy, que l'Escriture soit si aysëe a entendre, a quoy faire tant de commentaires des Anciens et tant de commenteries de vos ministres? a quel propos tant d'harmonies, et a quoy faire ces escoles de theologie? Il ne faut, ce vous dit on, que la doctrine de la pure Parolle de Dieu en l'Eglise.

  A001000797 

 J'ay veu un personnage en bonne compaignie, auquel estant objectëe a un sien devis la sentence de Nostre Seigneur, Qui percutit te in maxillam, præbe ei et alteram, l'entendit incontinent en ce sens, que comme [pour] flatter un enfant qui estudie bien, on luy met legerement a petitz coups la main a la joue pour l'inciter a mieux, ainsy vouloit dire Nostre Seigneur, a qui te trouvera bien faysant et t'y consolera, fais si bien qu'il ait occasion a l'autre fois de consoler davantage et te flatter ou amadouer des deux costés.

  A001000806 

 Or de ces cantiques parlent plusieurs Peres, mays entr'autres Tertulien, lequel deduysant la sainteté des agapes ou charités des Anciens dict: Post manualem aquam et lumina, ut quisque de Scripturis Sanctis vel de proprio ingenio potest, provocatur in medium Deo canere..

  A001000806 

 Qui ne voit quil ne parle pas des offices solemnelz en l'eglise, qui ne se faysoyent que par le pasteur, mays des cantiques qui se faysoyent par le don des langues, quil vouloyt estre entenduz; car, de vray, ne l'estans pas, cela detournoyt l'assemblëe et ne servoit de rien.

  A001000806 

 Vous verres que pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhortations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interpretés, affin que l'eglise ou on se trouve sache que l'on dict: Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur.

  A001000808 

 Es Actes des Apostres on louoit Dieu en toutes langues: aussy faut il, mays es offices universelz et catholiques il y faut une langue universelle et catholique; hors de la, que toute langue confesse que le Seigneur Jesus est a la dextre de Dieu le Pere..

  A001000810 

 Certes, saint Augustin trouva que saint Anthoyne, homme indocte, ne layssoit pas de sçavoir le chemin de Paradis, et luy avec sa doctrine en estoit bien loin alhors, parmi les erreurs des Manicheens..

  A001000810 

 Se mocqueroit [192] on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien sans s'addresser au juge? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des medecins; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat.

  A001000826 

 En quoy vous verres arrester quasi tous vos ministres, faysans des grandes harangues pour monstrer quil ne faut mettre en comparayson la tradition humayne avec l'Escriture; mays a quel propos tout cela, sinon pour enjoler les pauvres auditeurs? car jamais nous ne dismes cela..

  A001000826 

 Redempti estis de vana vestra conversatione paternæ traditionis? Tout cecy n'est point a propos; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt: ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000828 

 Je laysse a part les responces particulieres, car saint Jan ne parle que des miracles quil avoyt a escrire, quil tient suffire pour prouver la divinité du Filz de Dieu..

  A001000830 

 Et ny a pas seulement Tradition des ceremonies, et de certain ordre exterieur arbitraire et de bienseance, mays, comme dict le saint Concile, en doctrine qui appartient a la foy mesme et aux mœurs; quoy que, quand aux Traditions des mœurs, il y en a qui nous obligent tres étroittement, et d'autres qui ne nous sont proposëes que par conseil et bienseance, et cellescy n'estans observëes ne nous rendent pas coulpables, pourveu qu'elles soyent approuvëes et prisëes comme saintes, et ne soyent mesprisëes.

  A001000830 

 Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement.

  A001000836 

 S'il ne faut rien adjouster a ce que Nostre Seigneur a commandé, ou est ce quil a commandé qu'on condamnast les Traditions Apostoliques? pourquoy adjoustes vous cecy a ses paroles? ou est ce que Nostre Seigneur l'a jamais enseigné? que tant s'en faut quil ait jamais commandé le mespris des Traditions Apostoliques, que jamais il ne mesprisa aucune tradition du moindre prophete du monde: coures tout l'Evangile, et vous n'y verres censurëes que les traditions humaynes et contraires a l'Escriture.

  A001000839 

 Le mesm'Apostre loue il pas les Corinthiens de l'observation des Traditions? Quod per omnia, dict, mei memores estis, et sicut tradidi vobis præcepta mea servatis.

  A001000839 

 Si c'estoit en la seconde des Corinthiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la premiere, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la premiere; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit pas præcepta mea: qu'estoit ce donques sinon une doctrine Apostolique non escritte? cela nous l'appelions Tradition.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000852 

 Mays combien d'Absalons se sont trouvez en nostre aage, qui, pour seduyre et distraire les peuples de l'obeissance de l'Eglise, et solliciter les Chrestiens a revolte, ont crié sur les advenues d'Allemaigne et de France: il ny a personne qui soit establi du Seigneur pour ouyr et resouvre des differens sur la foy et religion; l'Eglise n'y a point de pouvoir.

  A001000852 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction contre son bon pere, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit aux passans: Il ny a personne constitué du Roy pour vous ouir, hé, qui me constituera juge sur terre, afin que qui aura quelque negotiation vienne a moy et que je juge justement? ainsy sollicitoit il le courage des Israelites.

  A001000853 

 Il dict que la conclusion de tout son discours est « que le vray Christ est la seule, vraye et perpetuelle marque de l'Eglise Catholique, entendant du vray Christ tel, » dict il, « quil s'est tres parfaittement declaré dés le commencement, tant es escritz prophetiques qu'apostoliques, en ce qui appartient a nostre salut; » plus bas il dict: « Voyla ce que j'avois a dire sur la vraye, unique et essentielle marque de la vraÿe Eglise, qui est la Parole escritte prophetique et apostolique, bien et deuement administrëe; » et plus haut il avoit confessé quil y avoit des grandes difficultés es Escrittures Saintes, mays « nom pas es pieces qui touchent a nostre creance.

  A001000853 

 J'ay veu un des plus recens livres de Theodore de Beze, intitulé, Des vrayes, essentielles et visibles marques de la vraÿe Eglise Catholique: il me semble quil vise la dedans a se rendre juge, avec ses collateraux, de tout le different ou nous sommes.

  A001000854 

 Ilz respondent, quil faut juger des interpretations de l'Escriture conferant passage avec passage et le tout au Simbole de la foy.

  A001000855 

 Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et tres pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres; [205] il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail.

  A001000856 

 Ah, quicomque dict que Nostre Seigneur nous a embarqués en son Eglise, a la mercy des ventz et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui s'entende parfaittement en l'art nautique sur la charte et la bussole, il dict quil nous veut perdre.

  A001000856 

 Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence.

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000872 

 Ceux donques qui voudroyent que l'Empereur eust ceste authorité, n'ont point de fondement en l'Escriture ni en la rayson; [211] car, quelles sont les causes principales pour lesquelles on assemble les Conciles generaux, sinon pour reprimer et repouser l'heretique, le schismatique, le scandaleux, comme loups de la bergerie? ainsy fut faicte ceste premiere assemblëe en Hierusalem pour resister a certains de l'heresie des Pharisæens: et qui a charge de repouser le loup sinon le berger? et qui est berger que celuy a qui Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas? trouves que semblable charge fut donnée a Tibere? Qui a l'authorité de repaistre le troupeau a l'authorité d'assembler les bergers, pour cognoistre quelle pasture et quelles eaux sont saines aux ouaïlles; cela est proprement assembler les pasteurs in nomine Christi, c'est a dire, par l'authorité de Nostre Seigneur, car qu'est ce autre chose assembler les estatz au nom du prince que les convoquer par authorité du prince? et qui a cest'authorité que celuy qui comme lieutenant a receu les clefz du royaume des cieux? Qui fit dire au bon pere Lucentius, Evesque vicaire du Saint Siege apostolique, que Dioscorus avoit eu tresgrand tort d'avoir assemblé un Concile sans l'authorité Apostolique: Sinodum, dict il, ausus est facere sine authoritate Sedis Apostolicæ, quod nunquam rite factum est, nec fieri licuit; et dict ces paroles en la pleyne assemblee du grand Concile de Calcedoyne.

  A001000872 

 Et de vray, ce sont les pasteurs qui ont charge d'instruire le peuple, et de prouvoir a son salut par les resolutions des doutes qui surviennent touchant la doctrine Chrestienne; les empereurs et les princes y doivent avoir zele, mais selon leur ministere, qui est par voÿe de justice, de police et de l'espëe, qu' ilz ne portent pas sans cause.

  A001000872 

 qui l'assembla: et nous trouverons quil fut assemblé par l'authorité mesme des pasteurs: Conveneruntque Apostoli et seniores videre de verbo hoc.

  A001000874 

 Troysiesmement, qui y doit estre juge: et nous ne voyons pas que personne y portast sentence que 4 des Apostres, saint Pierre, saint Pol, saint Barnabas et saint Jaques, au jugement desquelz chacun acquiesça.

  A001000875 

 Au Concile de Nicëe, les premiers qui souscrivent ce sont Hosius, evesque, Vitus et Modestus, prestres, envoÿés par le Saint Siege: et de vray, quelle occasion pouvoit faire que deux prestres souscrivissent devant les Patriarches, si ce n'eust esté quilz estoyent en lieutenance du supreme Patriarche? Que quand a saint Athanase, tant s'en faut quil y præsidast, quil ny fut pas assis ni ne souscrivit point, comme n'estant que diacre pour l'heure; et le grand Constantin non seulement ny præsida pas, ains s'assit au bas des Evesques, et ny voulut point estre comme pasteur mays comme brebis.

  A001000875 

 Si nous considerons qui y præsida, nous trouverons que ce fut saint Pierre qui y porte le premier la sentence, qui fut apres suyvie du reste, comme dict saint Hierosme; aussy avoit il la principale charge de pasteur, Pasce oves meas, et estoit le grand œconome sur le reste, Tibi dabo claves regni cælorum, il estoit confirmateur des freres, office qui appartient proprement au præsident et surintendant.

  A001000876 

 Voyla donques l'Escriture, la rayson, la prattique des 4 plus purs Conciles qui furent onques, ou saint Pierre præside et ses successeurs quand ilz s'y sont trouvés; j'en pourrois tout autant monstrer de tous les autres qui ont estés receuz en l'Eglise universelle comme legitimes, mays cecy suffira bien..

  A001000877 

 Il peut bien y avoir des laicz au Concile s'il est expedient, mays non pas pour y tenir lieu de juges.

  A001000877 

 Reste le consentement, reception et execution des decretz du Concile, qui fut faicte, comm'elle se doit encores faire a present, par tous ceux qui y assistent, dont il fut dict: Tunc placuit Apostolis et senioribus, cum omni Ecclesia, eligere viros ex eis, etc.; mays quand a l'authorité en vertu delaquelle la promulgation du decret de ce Concile-la fut faicte, elle ne fut sinon des gens ecclesiastiques: Apostoli et seniores fratres, iis qui sunt Antiochiæ, Syriæ et Ciliciæ; l'authorité des brebis ny est point cottëe, mais celle la seulement des pasteurs.

  A001000883 

 Nous parlons donq icy d'un Concile tel que celuy la, ou se trouve l'authorité de saint Pierre, tant au commencement qu'a la conclusion, et des autres Apostres et pasteurs qui s'y voudront trouver, sinon de tous au moins d'une notable partie; ou la discussion soit libre, c'est a sçavoir, que qui voudra y propose ses raysons sur la difficulté qui y est proposëe; ou les pasteurs ayent voix judiciaire; telz en fin qu'ont esté ces quatre premiers, desquelz saint Gregoire faisoit tant de conte, quil en fit ceste protestation: Sicut sancti Evangelii 4 Libros, sic 4 Concilia suscipere et venerari me fateor..

  A001000884 

 L'authorité donques des Conciles doit estre reverëe comme appuyëe sur la conduitte du Saint Esprit; car, si contre ceste heresie pharisaique, le Saint Esprit, docteur et conducteur de son Eglise, assista l'assemblëe, il faut croire encores qu'en toutes semblables occasions il assistera encores les assemblees des pasteurs, pour, par leur bouche, regler et nos actions et nos creances.

  A001000884 

 Or sus, voyons un peu combien grande doit estre leur authorité sur l'entendement des Chrestiens; et voicy comme les Apostres en parlent: Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000884 

 Si deux ou troys, quand besoin en est, estans assemblés au nom de Nostre Seigneur, ont son assistence si particuliere quil est au milieu d'eux comm'un general emmy l'armee, comm'un docteur et regent au milieu de ses disciples, si le Pere les exauce infalliblement en ce quilz luy demandent, comme refuserait il son Saint Esprit a la generale assemblëe des pasteurs de l'Eglise?.

  A001000885 

 Puys, si l'assemblëe legitime des pasteurs et chefz de l'Eglise pouvoit estre une fois saisie d'erreur, comme se verifierait la sentence du Maistre, Portæ inferi non prævalebunt adversus eam? comme pourrait l'erreur et la force infernale s'emparer de l'Eglise a meilleures enseignes que d'avoir asservi les docteurs, pasteurs et cappitaines avec leur general? Et ceste parole, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, que deviendroit elle? Et l'Eglise comme sera elle colomne et pilier de verité, si ses bases et fondementz soustiennent l'erreur et fauseté? les docteurs et pasteurs sont les visibles fondementz de l'Eglise, sur l'administration desquelz le reste s'appuÿe..

  A001000887 

 Athanase dit que Mot Domini per æcumenicam Niceæ Sinodum manet in æternum; saint Gregoire Nazianzene, parlant des Apollinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estés avoüés par un Concile Catholique, Quod si vel nunc, dict il, vel ante suscepti sunt, hoc ostendant et nos acquiescemus; perspicuum enim erit eos rectæ doctrinæ assentiri, nec enim aliter se res habere potest; saint Augustin dict que la celebre question du Baptesme, meüe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, donec, plenario totius orbis Concilio, quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationibus firmaretur; Defertur, dict Ruffin, ad Constantinum [218] sacerdotalis Concilii (Nicæni) sententia; ille tanquam a Deo prolatam veneratur, cui si quis tentasset obniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur acturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hebreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté determiné par les Conciles generaux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signëes et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles temerités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et considerations des hommes.

  A001000887 

 En un mot, l'Eglise de Dieu qu'a elle de plus grand, de plus asseuré et solide pour renverser l'hæresie que les arrestz des Conciles generaux? L'Escriture, dira de Beze.

  A001000887 

 Que si l'on leve la souveraineté aux Concilés des decisions et declarations necessaires sur l'intelligence de la sainte Parole, la sainte Parole sera autant prophanëe que les textes d'Aristote, et nos articles de Religion seront sujetz a revision immortelle, et de Chrestiens resouluz et asseurés deviendrons miserables academiques.

  A001000893 

 Luther, au livre quil a faict Des Conciles,.. ne se contente pas d'esbranler les pierres descouvertes, mays va mettre la sappe jusques aux pierres fondamentales de l'Eglise.

  A001000894 

 Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volee, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu; mays nous disons que quand un Concile general en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire: que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des particuliers, [220] autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions.

  A001000895 

 Des plus doctes ministres de Losanne, ces annëes passëes, l'Escriture et l'analogie de la foy en main, s'opposent a la doctrine de Calvin touchant la justification; de soustenir l'effort de leurs raysons point de nouvelles, quoy qu'on face trotter certains petitz livretz morfonduz, sans goust ni pointe de doctrine: comme les traitte l'on? on les persecute, on les faict absenter, on les faict menasser; a quel propos cela? par ce quilz enseignent une doctrine contrayre a la profession de foy de nostr'eglise.

  A001000895 

 Mays, je vous prie, si l'espreuve faite par un Concile general n'est asses authentique pour arrester le cerveau des hommes, comme l'authorité d'un quidam le pourra faire? Voyci une grand'ambition.

  A001000895 

 Que ne laissoit on a chacun faire son espreuve? [221] si celle de Nicee n'a pas peu arrester vos cerveaux, pourquoy voules vous par vos discours mettre un arrest aux cerveaux de vos compaignons, aussi gens de bien que vous, aussi doctes et pertinentz? Connoisses l'iniquité de ces juges: pour donner liberté a leurs opinions ilz avilissent les anciens Conciles, et veulent par les leurs brider celles des autres; ilz cherchent leur gloire, connoisses-le bien, et tout autant quilz en levent aux Anciens, ilz s'en attribuent..

  A001000896 

 De Beze, en l'Epistre au Roy de France et au Traitté mesme, dict que « le Concile de Nicëe a esté un vray et legitime Concile sil y en eut onques »; il dict vray, jamays bon Chrestien n'en douta, ni des autres troys premiers: mays sil est tel, pourquoy est ce que Calvin apelle dure la sentence du Concile en son Simbole, Deum de Deo, lumen de lumine? et que veut dire que ceste parole, ὅμοούσιον, deplaict tant a Luther, Anima mea odit hoc Mot, homoousion? parole laquelle est si recommandable en ce grand Concile.

  A001000897 

 Je sçai qu'es Conciles il y a des articles pour l'ordre et police ecclesiastique, qui peuvent estre changés et ne sont que temporelz, mays ce n'est pas aux particuliers d'y mettre la main: la mesm'authorité qui les a dressés les doit abroger, si quelqu'autre s'en mesle c'est pour neant; et ce n'est pas la mesm'authorité si ce n'est un Concile, ou le chef general, ou la coustume de toute l'Eglise.

  A001000897 

 Mays tout cecy s'entend des vrays Conciles, ou generaux, ou provinciaux advoüés par les generaux ou par le Siege Apostolique: tel que ne fut pas celuy des 400 prophetes assemblés par Achab; car il ne fut ni general, car ceux de Juda n'y furent point apellés, ni bien congregé, car il n'y eut point d'authorité sacerdotale, et ces prophetes n'estoyent pas legitimes et pour telz reconneuz par le roy de Juda, Josaphat, quand il dict: Non est hic propheta Domini, ut interrogemus per eum? comme sil eust voulu dire que les autres n'estoyent pas prophetes du Seigneur.

  A001000897 

 Tel ne fut pas nomplus l'assemblëe des prestres contre Nostre Seigneur, qui ne tint aucune [223] forme de Concile, mays fut une conspiration tumultuaire et sans aucune procedure requise,.. et laquelle tant s'en faut qu'elle eust asseurance en l'Escriture de l'assistence du Saint Esprit, qu'au contrayre elle en avoit esté declairëe privëe par les Prophetes; et de vray, la rayson vouloit que le Roy estant præsent les lieutenans perdissent l'authorité, et le grand Prestre præsent, la majesté du vicayre fut ravalëe a la condition des autres.

  A001000898 

 J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise; les autres s'iront resoulvant cy apres, es essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique: il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la verité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.

  A001000912 

 Theodose le Viel ne trouva poinct de meilleur moyen de reprimer les contentions survenues de son tems au faict de la religion que, suyvant le conseil de Sisinnius, de faire venir les chefz des sectes, et leur demander silz tenoyent les anciens Peres, qui avoyent eu charge en l'Eglise avant toutes ces disputes, pour gens de bien, saintz, bons Catholiques et apostoliques; a quoy les sectaires respondans qu'ouy, il leur repliqua: examinons donques vostre doctrine a la leur, et [si] elle se trouve conforme, retenons la, si moins, qu'on l'abolisse.

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000913 

 Voicy nostre different: vous dites que vous aves reformé vostre eglise sur le patron [227] de l'Eglise ancienne; nous le nions, et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veüe, qui l'ont conservëe, qui l'ont gouvernëe; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie? icy nous ne produysons que la preudhommie et bonne foy des tesmoins.

  A001000920 

 Quand Nostre Seigneur impose un nom aux hommes, il leur faict tousjours quelque grace particuliere selon le nom quil leur baille: sil change le nom de ce grand pere des croyans, et d' Abram le faict Abraham, aussi de Pere eslevé il le faict Pere de multitude, apportant la rayson tout incontinent: Appellaberis Abraham, quia patrem multarum gentium constitui te; et changeant celuy de Sarai en Sara, de Madame particuliere qu'elle estoit chez Abraham, il la rend Dame generale des nations et peuples qui devoyent naistre d'elle.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000921 

 Mays quel nom luy donne il? nom plein de majesté, non vulgaire ni trivial, mays qui ressent sa superiorité et authorité, semblable a celuy d'Abraham mesme: car, si Abraham fut ainsy appelé par ce quil devoit estre pere de plusieurs peuples, saint Pierre a receu ce nom par ce que sur luy, comme sur une pierre ferme, devoit estre fondëe la multitude des Chrestiens; et c'est a ceste ressemblance que saint Bernard appelle la dignité de saint Pierre, « Patriarchat d'Abraham.

  A001000922 

 Mays en saint Pierre il donne un nom permanent, plein d'authorité, et qui luy est si particulier que nous pouvons bien dire, auquel des autres a il dict, tu es pierre? pour monstrer que saint Pierre a esté superieur aux autres..

  A001000926 

 En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes; car c'est tout un de luy promettre l es clefz du royaume des cieux, et de luy dire, super hanc petram; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les [233] clefz du royaume des cieux, puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cælorum: si donques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les paroles præcedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraÿe et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres, a avoüé haut et cler en l'assemblëe de 630 Evesques au Concile de Calcedoyne..

  A001000927 

 .. Les François appellent, mayson, l'edifice et la famille encores; par ceste proportion que, comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materieux faict avec ordre, dependance et mesure, ainsy une famille n'est autre qu'un assemblage de gens, avec ordre et dependance les uns des autres.

  A001000928 

 .. Il monstre une des differences quil y a entre saint Pierre et luy: car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement et ædificateur de l'Eglise, mays saint Pierre n'en est que fondement; Nostre Seigneur en est le Maistre et Seigneur en proprieté, saint Pierre en a seulement l'œconomie; dequoy nous dirons cy apres.

  A001000935 

 Mays une grande preuve au contraire, ce semble aux adversaires, c'est que selon saint Pol, Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus; et selon le mesme, nous sommes domestiques de Dieu, superædificati supra fundamentum Apostolorum et Prophetarum, ipso summo angulari lapide, Christo Jesu; et en l'Apocalipse, la muraille de la sainte cité avoit douze fondemens, et en ces douze fondemens le nom des douze Apostres.

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 Et pour vray, Nostre Seigneur est l'unique fondement de l'Eglise: c'est le fondement de nostre foy, de nostr'esperance et charité; c'est le fondement de la valeur des Sacremens et de nostre fœlicité; et c'est encores le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclesiastique, et de toute la doctrine et administration qui s'y faict; qui douta jamays de cela? Mays, me dict on, sil est unique fondement, comment est ce que vous mettes encores saint Pierre pour fondement? 1.

  A001000936 

 Saint Pol vous semble il pas se fayre asses entendre quand il dict: Vous estes suredifiés sur les fondemens des Prophetes et Apostres? mays affin qu'on sceut que ces fondemens n'estoient pas outre celuy quil præchoit, il adjouste: Ipso summo angulari lapide, Christo Jesu..

  A001000937 

 Car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement sans autre fondement, fondement de l'Eglise Naturelle, Mosaique et Evangelique, fondement perpetuel et immortel, fondement de la militante et triomphante, fondement de soymesme, fondement de nostre foy, esperance et charité, et de la valeur des Sacremens.

  A001000937 

 Ceste si grande difference faict qu'en comparayson, l'un ne soit pas apellé fondement au pris de l'autre, qui neanmoins pris a part peut estre appellé fondement, affin de laisser lieu a la proprieté des Parolles saintes: ainsy qu'encores quil soit le bon Pasteur il ne laysse de nous en donner sous luy, entre lesquelz et sa majesté il y a si grande difference, que luy mesme monstre quil est le seul Pasteur..

  A001000937 

 Saint Pierre est fondement non fondateur de toute l'Eglise, fondement, mays fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur, fondement de la seule Eglise Evangelique, fondement sujet a succession, fondement de la [237] militante non de la triomphante, fondement par participation, fondement ministerial, non absolu, enfin administrateur et non seigneur, et nullement fondement de nostre foy, esperance et charité, ni de la valeur des Sacremens.

  A001000938 

 Au contraire, puys que Nostre Seigneur a dict en particulier et en termes particuliers a saint Pierre ce qui est dict par apres en general des autres, il faut conclure qu'il y a en saint Pierre quelque particuliere proprieté de fondement, et quil a esté luy en particulier ce que tout le college a esté ensemble.

  A001000938 

 Toute l'Eglise a esté fondëe sur tous les Apostres, et toute sur saint Pierre en particulier; c'est donq saint Pierre qui en est le fondement, pris a part, ce que les autres ne sont pas, car a qui a il jamays esté dict en particulier, Tu es Pierre, etc.? Ce seroit violer l'Escriture, qui diroit que tous les Apostres en general n'ont pas esté fondement de l'Eglise; ce seroit aussy la violer, qui nieroit que saint Pierre ne l'eust esté particulierement: il faut que la parole generale sortisse son effect general, et la particuliere, le particulier, affin que rien ne demeure inutile et sans mistere en des si misterieuses Escritures..

  A001000939 

 Ainsy furent ilz fondemens de l'Eglise avec luy egalement, quand a la conversion des ames et par doctrine, mays quand a l'authorité et gouvernement ilz le furent inegalement, puysque saint Pierre estoit le chef ordinaire non seulement du reste de toute l'Eglise mays des Apostres encores; car Nostre Seigneur avoit edifié sur luy toute son Eglise, de laquelle ilz estoyent non seulement parties, mays les principales et nobles parties.

  A001000939 

 Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apocalipse; car les douze Apostres sont apellés fondemens de la celeste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chrestienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité.

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Voyons seulement a quelle rayson generale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise: et c'est par ce que ce sont eux qui par leur prædication ont planté la foy et doctrine Chrestienne; en quoy sil faut donner prærogative a quelqu'un des Apostres, ce sera a celuy la qui disoit: Abundantius illis omnibus [238] laboravi.

  A001000945 

 .. Il fache tant aux adversaires qu'on leur propose le siege de saint Pierre comme une sainte pierre de touche, a laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations et fantasies quilz font es Escrittures, quilz renversent le ciel et la terre pour nous oster des mains les expresses parolles de Nostre Seigneur par les......

  A001000946 

 Et ne nie pas nom plus que le reste des prælatz de l'Eglise n'ayent eu part [241] a l'usage des clefz; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité: je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise; car encor que ce soit luy qui les ayt recettes, si est ce que ce n'est pas pour son prouffit particulier, mays pour celuy de l'Eglise.

  A001000946 

 Le maniement des clefz est promis a saint Pierre en particulier et principalement, puys, en apres, a l'Eglise; mays principalement pour le bien general de l'Eglise, puys, en apres, pour celuy de saint Pierre: comm'il advient en toutes charges publiques..

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000947 

 Si donques il promet au general ce quil promet a saint Pierre en particulier, il ni aura point de rayson de dire que saint Pierre soit plus qu'un des autres par ceste promesse..

  A001000948 

 Je respons qu'en la promesse, et en l'execution de la promesse, Nostre Seigneur a tousjours præferé saint Pierre, par des termes qui nous obligent a croire quil a esté chef de l'Eglise..

  A001000950 

 Voyons voir donques que c'est que de promettre les clefz du royaume des cieux.

  A001000952 

 Ainsy Nostre Seigneur promettant les clefz a saint Pierre, luy remet l'authorité ordinaire, et luy donne cest office en proprieté, duquel il declaire l'usage quand il dict, Quodcumque, etc.; or, par apres, quand il faict la promesse aux Apostres, il ne leur donne pas les clefz ou l'authorité ordinaire, mays seulement les authorise en l'usage quilz feront, et en l'exercice des clefz.

  A001000952 

 Ceste difference est prise des termes propres de l'Escriture, car solvere et ligare ne signifie que l'action et exercice, habere claves, l'habitude.

  A001000952 

 Et a la verité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entiere authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles; et fut tres necessaire [245] encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dict saint Cyprien, super unum, qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur..

  A001000955 

 Auquel des autres fut il jamais dict: Ego rogavi pro te, Petre, ut non deficiat fides tua; et tu aliquando conversus confirma fratres? certes, ce sont deux privileges de grande consequence que ceux ci.

  A001000955 

 Mays les paroles suivantes rendent tout cecy tres evident; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut maintenue en leur pasteur: au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fratres suos; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres? On ne sçauroit, a la verité, donner commandement a saint Pierre de confirmer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuÿe, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n'affermira il tout le reste? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment? sil a charge de repaistre les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la præserver de l'assechement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce [247] que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante: ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservëe en l'Eglise; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité generale de toute l'Eglise..

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000962 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit pascere gregem qui in se est, comme dict saint [249] Pierre, ou celuy in quo eum posuit Spiritus Sanctus Episcopum, selon saint Pol; mays, Cui unquam aliorum sic absolute, sic indiscrete, dict saint Bernard, [totæ] commissæ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000962 

 Mays au quel des autres dict il jamais en particulier, Pasce oves meas? ce fut le seul saint Pierre qui eut ceste charge; ilz furent egaux en l'apostolat, mays quand a la dignité pastorale saint Pierre seul en a eu ceste institution, Pasce oves meas.

  A001000963 

 Mesme, que Nostre Seigneur en ceste parole met saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: diligis me, voyla saint Pierre d'un costé, plus his? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous les Apostres ny fussent pas, si est ce que les principaux y estoyent, saint Jaques, saint Jan, saint Thomas et autres.

  A001000964 

 En l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comm'il [est] aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois; et es Psalmes en plusieurs endroitz, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, comme au Psalme second, Reges eos in virga ferrea, et de faict, entre regir et paistre les brebis avec une holette de fer il ny a pas difference; au Psalme 22, Dominus regit me, c'est a sçavoir, me gouverne comme pasteur; et quand il est dict que David avoit esté esleu pascere Jacob servum suum, et Israel hæreditatem suam; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que sil disoit, regere, gubernare, præesse; et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appellés brebis de la [251] pasture de Nostre Seigneur, si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que d'en estre le regent et pasteur..

  A001000964 

 Or, que repaistre les brebis soit avoir la charge d'icelles, il appert clairement; car qu'est ce qu'avoir la charge de paistre les brebis que d'en estre pasteur et berger? et les bergers ont pleyne charge des brebis, non seulement ilz les conduysent aux pasturages, mays les rameynent, les establent, les conduisent, les gouvernent, les tiennent en crainte, chastient et defendent.

  A001000965 

 Mays sil luy a dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes, ou quelques unes seulement: si il n'en recommandoit que quelques unes, et quelles? je vous prie; n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, de luy en recommander seulement quelques unes sans luy dire lesquelles, et luy donner en charge des brebis meconneües? si toutes, comme la parole le porte, donques il a esté le general pasteur de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy sans doute, c'est l'interpretation ordinayre des Anciens, c'est l'execution de ses promesses.

  A001000968 

 Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, et saint Pierre, des Juifz; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour empecher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les Juifz indifferemment, mays pour leur assigner les quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la [254] predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile..

  A001000969 

 Ni ce quil semble quil ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de Nostre Seigneur, qui luy estoit commise; car ce quil dict au bon Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce quil avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prædiction quil avoit expliquëe, In semine tuo benedicentur omnes familiæ terræ; mays il n'estoit pas asseuré du tems auquel il failloit commencer la reduction des Gentilz, suyvant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni Judæa, et Samaria, et usque ad ultimum terræ, et celle de saint Pol, Vobis quidem oportebat primum loqui Mot Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes: [255] mesme que Nostre Seigneur avoit desja ouvert le sens des Apostres a l'intelligence de l'Escriture, quand il leur dict que oportebat prædicari in nomine ejus pænitentiam et remissionem peccatorum in omnes gentes, incipientibus a Hierosolima..

  A001000970 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de saint Pierre, es Actes des Apostres; car saint Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pleyne administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de saint Pierre..

  A001000971 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie; car le peuple envoya bien Phinëes, grand Præstre et superieur, aux enfans de Ruben et Gad, et le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz quil estimoit plus que luy mesme; et saint Pierre se trouvant au conseil luy mesme, il y consentit et authorisa sa mission propre..

  A001000979 

 Il ne fut jamais dict a pas un des autres Apostres, Tu es Pierre, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise; ainsy ne fut il jamais dict a aucun des autres, Pasce oves meas: ilz furent egaux en l'apostolat, mays S t Pierre a eu luy seul ceste institution de la generale dignité pastorale.

  A001000979 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit repaistre le troupeau qui est en luy, Pascite gregem qui in vobis est, dict saint [249] Pierre, ou celuy auquel le S t Esprit l'a mis Evesque, In quo, dict S t Pol, vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos; mays auquel des autres fut il onques dict tant absolument et indifferemment: Repais mes brebis? Cui unquam aliorum, dict saint Bernard, sic absolute, sic indiscrete commissœ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000980 

 Mesme, que N. S r met icy saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson: M'aymes tu, voyla S t Pierre d'un costé, plus que les autres? voyla les Apostres de l'autre; et quoy que tous n'y fussent pas, les principaux y estoyent, S t Jaques, S t Jan, S t Thomas.

  A001000981 

 Or, que repaistre les brebis soit en avoir la charge, il appert de ce que les bergers non seulement conduisent le troupeau aux pasturages, mays le ramenent, gouvernent, defendent, chastient et establent; et de faict, en l'Escriture, regir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comme il est aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois, et es Psalmes en plusieurs endroitz.

  A001000982 

 Et de faict, quand il luy dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes ou quelques unes seulement; si quelques unes, n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, puysqu'il ne luy specifioit pas lesquelles luy estoyent commises, et luy donner charge de brebis inconneues? Il les luy a donques recommandees toutes, le faisant pasteur general de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy, c'est l'interpretation ordinaire des Anciens, c'est l'execution des promesses.

  A001000985 

 Ni ce que S t Pol estoit l'Apostre des Gentilz, et S t Pierre, des Juifz; car ce ne fut pas une division du gouvernement de l'Eglise, mays une assignation des quartiers ou ilz devoyent principalement travailler [254] en la predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost reduit a l'obeissance du Sauveur: et cela n'empechoit point que l'un et l'autre ne peust prescher parmi les Gentilz et les Juifz indifferemment, et que l'un ne fust chef en authorité..

  A001000987 

 Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commandement de S t Pierre; car S t Pierre y estant authorisoit asses cest acte: outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pas pleine administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de S t Pierre; et nos Evesques, en l'union du Saint Siege de Rome, ordonnent et des diacres et des prestres sans autre particulier commandement..

  A001000988 

 Ni ce que les Apostres envoyerent Pierre et Jan en Samarie: car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et superieur, aux enfans de Ruben et de Gad; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme; et S t Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre..

  A001000998 

 Bien souvent encores on le nomme a part des autres; comme l'Ange: Dicite discipulis ejus, et Petro.

  A001000998 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cæteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejus, et Petro? Pierre estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal: jamais homme, sil n'est du tout desesperé, ne dira quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Andreæ, ou Joanni? Certes, il faut que ce soit quelque particuliere qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre; de maniere qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cæteri discipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu'Apostre et disciple..

  A001000999 

 Mays a la verité, il y a trop d'occasion de douter si en l'original et anciennement Pierre estoit nommé le premier ou le second, pour vouloir tirer aucune conclusion valable de ce seul lieu: car saint Augustin, saint Ambroise, saint Hierosme, tant au Commentaire qu'au texte, ont escrit [260] Pierre, Jaques, Jan, ce quilz n'eussent jamais faict silz n'eussent trouvé en leurs exemplaires ce mesm'ordre, autant en a faict saint Chrysostome, au Commentaire; ce qui monstre la diversité des exemplaires, qui rend la conclusion de part et d'autre douteuse.

  A001001000 

 Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fondement en l'Escriture et est contraire aux Anciens? que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des freres? car tout cecy est de l'Escriture: ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe.

  A001001005 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001006 

 Bien souvent encores on le nomme a part des autres; comme l'Ange: Dicite discipulis ejus, et Petro.

  A001001006 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres; jamais homme ne dira, sil n'est du tout desesperé, quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Jacobo, ou Joanni?.

  A001001007 

 Seulement une fois S t Pierre est nommé apres S t Jaques: Jacobus, Cepbas et Joannes dextras dederunt societatis. Mays a la verité, il y a trop de quoy douter que l'original ne fust pas de la façon, pour tirer aucune conclusion valable de ce seul passage: car S t Augustin, S t Ambroise, S t Hierosme, tant en leurs Commentaires qu'au texte, [260] n'ont pas escrit Jaques, Pierre et Jan, mays Pierre, Jaques, Jan, autant en a faict S t Chrysostome, au Commentaire; qui monstre la diversité des exemplaires, et rend la conclusion de part et d'autre douteuse.

  A001001008 

 Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S t Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opiniastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S t André l'amena a N. S r; et quand aux autres qualités et conditions de S t Pierre, on n'en trouvera point de particulieres qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001022 

 Dites vous que c'est une fraternité? saint Pierre y est le premier, le gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001026 

 C'est luy qui le premier proposa de faire un Apostre; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat, [265] et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de cest'authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001028 

 Sil faut mettre la main au tresor des miracles concedé a l'Eglise, quoy que saint Jan y soit et soit invoqué, saint Pierre seul y met la main..

  A001001033 

 Se trouve l'on en un Concile general? saint Pierre, comme præsident, y ouvre la porte au jugement et a la definition, et sa sentence [est] suyvie des autres, sa particuliere revelation y sert de loy.

  A001001036 

 Si cecy n'est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escritures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l'Eglise? [268].

  A001001050 

 Si vous dites que ce soit une fraternité, S t Pierre y est le premier, gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001054 

 Il a le premier soin de la restauration et creüe de la compaignie Apostolique, comme chef et general: c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S t Pierre, enseignant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat [265] et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres apres la mort, et de laquelle ilz feront exercice au jour du jugement, lhors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001056 

 Sil faut mettre la main au tresor des miracles concedé a l'Eglise, quoy que S t Jan y soit et soit invoqué, S t Pierre seul y met la main..

  A001001061 

 Assemble on un Concile general? S t Pierre, comme president, y ouvre la porte au jugement et a la definition; sa sentence est suivie des autres, et sa particuliere revelation y sert de loy..

  A001001063 

 S t Pierre et S t Jaques estans en prison, l'Evangeliste tesmoigne que des prieres continuelles furent faictes en l'Eglise pour S t Pierre, comme pour le chef general et magistrat commun..

  A001001064 

 Si tout cecy mis ensemble ne nous faict reconnoistre S t Pierre pour chef de l'Eglise et des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, ni les pasteurs, pasteurs; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre l'authorité d'un Apostre et pasteur sur le peuple, que celles que le S t Esprit a mis es Escritures pour faire paroistre S t Pierre au dessus des Apostres, des pasteurs et de toute l'Eglise? [268].

  A001001073 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus a levé tout'occasion a la posterité d'en douter; je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres l'ont appellé, qui monstrent asses leur creance..

  A001001102 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus et mille autres ont levé toute occasion a la posterité d'en douter; mais je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres ont appellé S t Pierre, qui monstrent asses leur creance touchant son authorité..

  A001001105 

 S t Augustin: Premier des Apostres.

  A001001105 

 [271] Origene et S t Chrysostome l'appellent Bouche, couppeau et prince des Apostres..

  A001001106 

 [S. Chrysostome:] Curateur des freres et de l'univers; Pasteur et chef de l'Eglise, plus ferme que le diamant; Petram indelebilem, crepidinem immobilem, Apostolum magnum, primum discipulorum; Ecclesiæ firmamentum, Christianorum ducem et magistrum, spiritalis Israelis columnam, fluctuantium gubernatorem, cælorum magistrum, Christi os, summum Apostolorum verticem; Ecclesiæ principem, portum fidei, orbis terrarum magistrum. [272].

  A001001117 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l'Eglise en a necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? la rayson de saint Hierosme a bien autrement lieu maintenant qu'au tems des Apostres, Inter omnes unus eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio.

  A001001117 

 La bergerie de Nostre Seigneur doit durer jusqu'a la consummation du monde en unité, l'unité donques d'un pasteur y doit encores durer, tout cecy a esté bien preuvé cy dessus: dont il s'ensuit manifestement que saint Pierre a eu des successeurs, en a encores, et aura jusqu'a la consummation du siecle.

  A001001121 

 Que saint Pierre a eu des successeurs en sa charge.

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001137 

 Des conditions requises pour succeder a saint Pierre.

  A001001151 

 Et quand a l'authorité de cest'epistre, Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, en parle ainsy: In epistola quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a beato Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la præface sur les Livres Des Reconnaissances de saint Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit mise en Latin, et que saint Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit successorem Cathedræ.

  A001001163 

 Bref, jamays il ne fut dict ni douté d'aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou superieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout resolu quil estoit tel: a quel propos donques, apres quinze cens ans passés, veut [on] mettre cest'ancienne tradition en compromis? Je n'aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste verité es escritz des Anciens; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001170 

 Voici mon premier tesmoin: S t Clement, disciple de S t Pierre, en l'epistre premiere quil a escrit ad Jacobum fratrem Domini, laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y [280] a environ douze cens ans, dict ces paroles: Simon Petrus, Apostolus primus, Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit: Clementem hunc Episcopum vobis ordino, cui soli meœ prædicationis et doctrinæ Cathedram trado; et peu apres: Ipsi trado a Domino mihi traditam potestatem ligandi et solvendi. De quoy parlant Damasus, in Pontificali, en la vie de Clement, In epistola, dict il, quæ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a B. Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la preface sur les Livres Des Reconnaissances de S t Clement, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit traduitte en Latin, et que S t Clement y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit Petrus successorem Cathedræ.

  A001001181 

 Voicy en fin, ce me semble, une rayson qui ne demande point de credit, mays consiste en beau content: S t Pierre a eu des successeurs, jamais en l'Eglise ancienne aucun Evesque ne fut en reputation de l'estre sinon celuy de Rome, donques celuy de [285] Rome l'est.

  A001001189 

 Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon saint Pol, pour s'eschapper, selon les saintes importunations des fideles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? Jesus Christ respondit: Je viens a Rome, pour y estre derechef crucifié; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté cinq ans environ en Judëe, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annëe 14 de l'empire de Neron il fut [290] crucifié les pieds contremont, et au mesme jour saint Pol eut la teste tranchee..

  A001001189 

 Saint Pierre donques, ayant preché cinq ans environ en Judee, sur la fin de la cinquieme annëe il vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'a l'annëe 2 de de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples; de la, l'annëe 7 e de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou estant arrivé, il fut emprisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque.

  A001001189 

 de Claudius, il fut chassé, avec le reste des Hebreux, de Rome, et s'en vint en Hierusalem, ou le Concile Hierosolimitain fut celebré, auquel saint Pierre præsida.

  A001001190 

 Au reste, saint Epiphane peut avoir eu [occasion] de douter de l'election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001191 

 Ainsy est il tout certain que la premiere Epistre de saint Pierre a esté escritte a Rome, comme atteste saint Hierosme: Petrus, dict il, in prima Epistola, sub nomine Babilonis figuraliter Romam significans, Salutat vos, inquit, Ecclesia quæ est in Babilone coelecta; ce qu'au paravant avoit declaré le tres ancien Papias, disciple des Apostres, au recit d'Eusebe.

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001201 

 Mais S t Pierre ayant preché cinq ans ou environ en Judee, sur la fin de la cinquieme annee vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'a l'annee 2 de de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples; de la, l'annee 7 e de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou il fut emprisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque.

  A001001201 

 de Claudius, il fut chassé, avec le reste des Hebreux, de Rome, et s'en vint en Hierusalem, ou le Concile Hierosolimitain fut celebré, auquel S t Pierre presida.

  A001001202 

 Au reste, S t Epiphane peut avoir eu doute de l'election de S t Clement, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy S t Epiphane touchant ce faict, et par contraire rayson [Tertullien assure que], Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001203 

 Ainsy est il tout certain que la p re Epistre de S t Pierre a esté escritte de Rome, comme tesmoigne S t Hierosme: « Pierre, » dict il, « en sa premiere Epistre, sous le nom de Babilone signifiant figurement Rome, Salutat vos, inquit, Ecclesia quæ est in Babilone coelecta; » ce qu'au paravant avoit declaré le tres ancien Papias, disciple des Apostres, tesmoin Eusebe.

  A001001203 

 Maintenant que par ce petit discours vous aves veu que S t Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a eRome, mays y ayant son siege n'a pas laissé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de S t Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on vous dict que S t Pol ait escrit a Rome et dés Rome sans faire mention de S t Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure S t Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001203 

 Mays la [293] consequence seroit elle bonne: S t Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que S t Pol fut avec luy, donques il n'a jamais esté a Rome? Ceste Epistre ne dict pas tout; il est probable quil n'estoit pas alhors a Rome, ou que sil y estoit, il ne fut pas expedient de l'y nommer pour quelque rayson: autant en dis je des Epistres de S t Pol.

  A001001269 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze continue a dire, apres son maistre Calvin, en son traitté Des Marques de l'Eglise, ou il dict que Phocas a esté le premier qui a donné authorité a l'Evesque de Rome sur les autres et l'a mis en primauté.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien, saint Ignace, disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam Linum; ja de ce [301] tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Nous l'appelions Sa Sainteté; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon: Obtestor Beatitudinem tuam per Crucem, etc., Ego nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001323 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle « Prince des prestres; » mays c'est faute d'autre entretien qu'on allegue cecy, car le Concile de Carthage estoit provincial, qui ne touche que les Evesques de ceste province la, de laquelle Rome n'est pas, la mer Mediterranee est entredeux.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001335 

 Ce n'est pour vray pas sans mistere, que souvent en l'Evangile ou il est question que le general des Apostres parle, saint Pierre seul parle pour tous.

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001340 

 Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la religion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aÿe prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les declarations des Escritures..

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001342 

 C'est a ce propos que saint Hierosme dict au Pape Damase: Qui tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard dict quil faut rapporter les scandales qui se font, « principalement en la foy, » au Siege de Rome: Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum: cui enim alteri sedi dictum est aliquando, Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? Saint Cyprien: Navigare audent ad Cathedram Petri, atque ad Ecclesiam principalem; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre, et dict que l'erreur n'y peut rien?.

  A001001342 

 C'est sur ce sujet que saint Bernard a appellé le Pape, Dignitate Aaron et « Hæritier des Apostres », et saint Hierosme, le Saint Siege, Tutissimum communionis Catholicæ portum; car il porte le Rational pour en esclairer tout le Christianisme, comme les Apostres et Aaron, de doctrine et verité.

  A001001344 

 Mays qui ne sçait que tous les anciens hæretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut croire a Tertullien, nomplus celuy d'autrefois mays devenu hæretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas.

  A001001346 

 Calvin vient a ce point, quoy quil aille embrouillant la matiere tant quil peut; car, parlant du Siege de Rome, il confesse que les Anciens l'ont tous honnorëe et reverëe, qu'elle a esté le refuge des Evesques, et plus constante en la foy que les autres sieges; ce quil attribue a faute de vivacité d'entendement.

  A001001352 

 En l'ancienne Loy le grand Prestre ne portoit pas le Rational sinon quand il estoit revestu des habitz pontificaux, et quil entroit devant le Seigneur: ainsy ne disons nous pas que le Pape en ses opinions particulieres ne puysse errer, comme fit Jean 22, ou estre du tout heretique, comme peut estre fut Honorius.

  A001001352 

 Mays quand il est revestu des habitz pontificaux, je veux dire, quand il enseigne toute l'Eglise comme pasteur es choses de la foy et des mœurs generales, alhors il ny a que doctrine et verité.

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 Et ne faut pas nomplus penser qu'en tout et par tout son jugement soit infallible, mays lhors seulement quil porte sentence en matiere de foy ou des actions necessaires a toute l'Eglise; car es cas particuliers, qui dependent du faict humain, il y peut errer sans doute, quoy que nous autres ne devions le contreroller en cest endroit qu'avec toute reverence, submission et discretion.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001355 

 Ainsy ne faict il jamais commandement general a toute l'Eglise es choses necessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesme pas aux especes des animaux es choses necessaires, par ce quil [314] les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est necessaire pour sa vie spirituelle.

  A001001356 

 Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand pere? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reformateur? j'ay honte de lire, et ma main se fache de præsenter ces vilaynies; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est.

  A001001356 

 Mays remplir l'air et la terre d'injures, invectives, outrages, calomnier le Pape, et non seulement en sa personne, ce qui ne se doit jamais faire, mays en sa dignité, attaquer le Siege que toute l'antiquité a honnoré, le vouloir juger contre le conseil de toute l'Eglise, apeller la dignité mesme antichristianisme, qui sera celuy qui le pourra trouver bon? Le grand Concile de Calcedoine trouva si estrange que Dioscorus, Patriarche, excommuniast le Pape Leon; et qui pourra souffrir l'insolence de [315] Luther, qui fit une bulle ou il excommunie et le Pape, et les Evesques, et toute l'Eglise? Toute l'Eglise luy donne des tiltres honnorables, luy parle avec reverence: que dirons nous de ce beau commencement de livre que Luther addressa au Saint Siege? Martinus Lutherus, Sanctissimæ Sedi Apostolicæ et toti ejus parlamento, meam gratiam et salutem.

  A001001356 

 Que si les ministres eussent tansé les vices, remonstré l'inutilité de quelques censures et decretz, emprunté quelques saints advis des livres moraux de saint Gregoire, et de ceux de saint Bernard, De Consideratione, produit quelque bon moyen de lever les abuz qui sont survenuz en la prattique beneficiaire pour la malice du tems et des hommes, et se fussent adressés a Sa Sainteté avec humilité et reconnoissance, tous les bons les eussent honnorés, et caressé leurs desseins: les bons Cardinaux Contareno, Theatino, Sadolet et Polus, avec ces autres grans personnages qui præsenterent le Conseil de reformer les abus en ceste sorte, en ont merité une immortelle recommandation de la posterité.

  A001001357 

 De Beze, qui dict que des long tems il ny a eu aucun Pape qui se soit soucié de la religion ni qui ayt esté theologien, veut il pas tromper quelqu'un? car il sçait bien qu'Adrien, Marcel et ces cinq derniers ont estés tres grans theologiens: a quoy faire, mentir? Mays disons quil y ait du vice et de l'ignorance: Cathedra tibi, vous dict saint Augustin, quid fecit Ecclesiæ Romanæ, in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet? quare appellas cathedram pestilentiæ Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos putas legem loqui et non facere, numquid Dominus Noster Jesus Christus propter Pharisæos, de quibus ait, Dicunt et non faciunt, cathedræ in qua sedebant ullam fecit injuriam? nonne illam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedræ honore redarguit? ait enim: Super cathedram, etc. Hæc si cogitaretis, non propter homines quos infamatis blasphemaretis Cathedram Apostolicam cui non communicatis; sed quid est aliud quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere? [317].

  A001001357 

 On dict mille folies sur cecy, c'est le rendes vous de tous vos ministres; silz composent des livres, a tous propos, comme las et recreuz du travail, ilz s'arrestent sur les vices des Papes, disans bien souvent ce quilz sçavent bien n'estre [316] point.

  A001001370 

 Affin que Moyse fust creu, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles; Nostre Seigneur, dict saint Marc, confirmoit ainsy la prædication Apostolique; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas peché de ne le croire pas, dict le mesme Seigneur; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit la foy par miracles: donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a creance; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi.

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001372 

 Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les operations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puyssances humaynes, ce sont des coups du sauverain [320] Maistre; lequel quand puys apres il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses, quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille]: ainsy que quand un homme a faict un chef d'ceuvre, quoy quil face puys apres plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre..

  A001001372 

 Je disoys qu'entre les vrays miracles il y en a qui font une certaine science et rayson que le bras de Dieu y opere, les autres non, sans la consideration et secours des circonstances.

  A001001373 

 Il semble que les miracles ne soyent pas necessaires, mays ilz le sont a la verité; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des heresies, lesquelles bien qu'elles soyent suffisamment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Eglise, si est ce que chacun ne sçait pas priser ces « doüaires, » comme parle Optatus, a leur vraye [321] valeur, chacun n'entend pas et ne penetre pas ce langage: mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneüe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince, chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court..

  A001001380 

 Qui raconte ceste histoire? un tressaint et docte personnage, par l'aveu mesme des adversaires qui le font le dernier bon Pape.

  A001001384 

 Nous prechons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice: et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unus, dict [il], ex presbiteris, obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi, orans quantum potuit ut cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit.

  A001001385 

 Nous prechons la sainte communion des Saintz, en la priere quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur deferons: mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste creance? Theodoret, De curandis Græc.

  A001001387 

 Vincit quod pejus est. Eusebe faict foy des merveilles que Dieu a faict par ce saint signe au tems de Constantin le Grand..

  A001001388 

 En nos eglises nous avons des vases sacrés: et saint Chrysostome raconte que Julien, oncle de Julien empereur, avec un certain tresorier, les desroba et prophana, mays Julien mourut incontinent, rongé par les vers, le tresorier creva sur la place..

  A001001389 

 Nous faysons conte du saint Chresme dont on oint les baptisés pour la sainte Confirmation: et saint Optatus Milevitain raconte que la phiole ou ampoulle du saint Chresme estant jettëe par les Donatistes sur des pierres, non defuit manus angelica quæ ampullam spiritali subvectione deduceret; projecta casum sentire non potuit..

  A001001391 

 Nous avons des images en nos eglises: mays qui ne sçait les grans miracles qui furent faitz au crucifiement d'une image de Nostre Seigneur, que les Juifz firent en Syrie en la ville de Berite? non seulement le sang en sortit, mays ce sang guerit quicomque en fut touché, de toutes sortes de maladies; c'est le grand saint Athanase qui le raconte..

  A001001393 

 Et plus bas il dict: Neque aliter Martirum operibus inviderent, nisi fidem in iis fuisse eam quam isti non habent judicarent, fidem illam Majorum traditione firmatam, quam dæmones ipsi negare non possunt, sed Arriani negant: non accipio a diabolo testimonium sed confessionem. Quelles circonstances ne rendent ces miracles irreprochables? une partie sont restitutions des operations vitales, qui ne se peut faire par autre puyssance que la divine; le tems auquel ilz se sont faitz estoit tout voysin a celuy de Nostre Seigneur, l'Eglise toute pure et sainte; il ni avoit point d'Antichrist au monde, comme dient les ministres; [327] les personnes par la priere desquelles ilz se faysoyent, tres saintes; la foy qui en estoit confirmëe estoit generale et tres Catholique; les autheurs qui les recitent, tres asseurés..

  A001001393 

 Qu'est ce que vous respondres? Quand a moy, j'ay escrit icy les premiers miracles qui me sont venus en main; que j'ay pris neanmoins des autheurs qui ont estés en la pure Eglise, car si je vous eusse apporté les miracles faictz au tems de saint Bernard, de saint Malachie, de Bede, de saint François, vos ministres eussent incontinent crié que c'estoyent des prodiges de l'Antichrist, mays puysque tous tant quilz sont confessent que l'Antichrist n'a point comparu sinon quelque tems apres saint Gregoire, et que ce que je produis a tout esté faict auparavant, ou au tems de saint Gregoire, il n'y eschoit point de difficulté.

  A001001394 

 Je veux icy mettre une piece empruntëe: « Quand nous lisons dans Bouchet les miracles des reliques de saint Hilaire, passe; son credit n'est pas asses grand pour nous oster la licence d'y contredire: mais de condamner d'un train toutes pareilles histoires me semble singuliere impudence.

  A001001395 

 Autant en diray je des deux saints Gregoire que j'ay produit, de saint Amphiloche, de saint Hierosme, saint Chrysostome, Athanase, Climacus, Optatus, Ambroise, Eusebe.

  A001001395 

 Dites, pour Dieu, ce quilz racontent est il pas tres possible a Dieu? et sil est possible, comme oserons nous nier quil n'ait esté faict, puysque [328] tant de grans personnages en tesmoignent? On m'a dict plus d'une fois, est ce article de foy de croire ces contes? Ce n'est voirement pas article de foy, mays article de sagesse et discretion; car c'est une bestise trop notoire et une tres sotte arrogance de donner des dementies a ces anciens et graves personnages, sans autre fondement que parce que ce quilz disent n'est pas sortable a nos conceptions: sera il donq dict que nostre petite cervelle bornera la verité et mensonge, et fera loy a l'estre et au non estre? [329].

  A001001411 

 Au reste, si au jugement du sens et a l'experience vous y adjoustes du discours et de la consequence, si vous vous y trompes ne vous en prenes plus au sentiment ni a l'experience, car elle n'est plus pure ni simple, qui est une des conditions que j'ay mises en mes propositions; c'est le discours et la consequence que vous y aves attachüe qui vous a trompé.

  A001001411 

 Le sens qui juge qu'a l'autel il y a la rondeur, la blancheur, le goust et saveur du pain, juge bien, mays le discours qui deduit de la que la substance du pain y est encores, tire une tres mauvaise et fause conclusion; delaquelle le sens ne peut mais, qui ne prend point de connoissance sur la substance des choses, mais sur les accidens.

  A001001412 

 L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience.

  A001001412 

 Or, combien vos ministres ayent combattu l'experience, la connoissance des sens et la rayson naturelle, je vous le feray paroistre tout maintenant, pourveu que vous mesmes ne veuilles combattre vostre propre jugement.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001419 

 Quand Calvin et Bucer nient que nous ayons aucune liberté en nostre volonté, non seulement pour les actions surnaturelles, mays encores pour les naturelles et es commerces purement humains, n'attaque il pas la rayson naturelle et toute la philosophie, comme luy mesme confesse, et tout d'un train l'experience, et de vous, si vous parles franchement, et de tout le reste des hommes?.

  A001001421 

 Item, quand Luther dict que les enfans au Baptesme ont l'usage de l'entendement et rayson, et quand le sinode de Wittemberg dict que les enfans au Baptesme ont des mouvemens et inclinations semblables aux mouvemens de la foy et charité, et ce sans entendre, n'est ce pas se mocquer de Dieu, de nature, et de l'experience?.

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001433 

 Je vous laysse a penser a quoy me servira le Simbole des Apostres pour interpreter l'Escriture, puysque vous le glosses en telle façon, que vous me mettes en autant de difficulté de son sens que je fus jamais de l'Escriture mesme.

  A001001434 

 C'est icy la parfaite Communion des Saintz, car c'est la viande commune des Anges et saintes ames du Paradis et de nous autres, c'est le vray pain duquel tous les Chrestiens participent.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 La Remission des pechés, l'Autheur de la remission y estant, est confirmëe, la semence de nostre Resurrection jettëe, la Vie æternelle conferëe..

  A001001437 

 Ah, ce dites vous, Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les morts des la dextre.

  A001001438 

 Bon Dieu, en quelz laberinthes tumbent ceux qui s'escartent de la trace des Anciens..

  A001001438 

 Dites moy donques, si la regle a besoin de reglement, qui la reglera? Ainsy le Simbole dict que Nostre Seigneur est descendu en enfer, et Calvin le veut regler a ce quil s'entende d'une descente imaginaire, l'autre le rapporte au sepulcre: n'est ce pas traitter ceste regle a la Lesbienne, et plier le niveau sur la pierre au lieu de tailler la pierre au niveau? Pour vray, comme saint Clement et saint Augustin l'appellent regle, aussy saint Ambroise l'appelle clef, mays sil faut une autre clef pour ouvrir ceste clef, ou la trouverons nous? monstres la nous; sera [ce] le cerveau des ministres, ou quoy? sera ce le Saint Esprit? mays chacun se ventera d'en avoir sa part.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001439 

 Le Simbole seul ne dict rien a descouvert de la Consubstantialité, des Sacremens, et autres articles de la foy, mays comprend toute la foy radicalement et fondamentalement; principalement quand il nous enseigne de croire l'Eglise estre sainte et catholique, car par la il nous renvoÿe a ce qu'elle proposera.

  A001001443 

 Vous vogues donques ainsy, sans aiguille, bussole et timon, en l'ocean des opinions humaynes; vous ne pouves attendre autre qu'un miserable naufrage.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001446 

 Nostre doctrine rend plus admirable le pouvoir de Dieu, au Sacrement de l'Eucharistie, en la justification [343] et justice inhærente, es miracles, en la conservation infallible de l'Eglise, en la gloire des Saintz..

  A001001447 

 La doctrine Catholique ne peut partir d'aucune passion, puysque personne ne s'y range sinon avec ceste condition, de captiver son intelligence sous l'authorité des pasteurs; elle n'est point superbe, puysqu'elle apprend a ne se croire pas soymesme mays l'Eglise..

  A001001448 

 Voyes vous pas ceste Espouse qui n'a autre que miel et laict sous sa langue, qui ne respire que la plus grande gloire de son Espoux, son honneur et son obeissance? Sus donques, Messieurs, voules vous estre mis comme pierres vivantes es murailles de la celeste Hierusalem? leves vous des mains de ces bastisseurs desreglés, qui n'adjustent pas leurs conceptions a la foy, mais la foy a leurs conceptions; venes et vous presentes a l'Eglise, qui vous posera, si a vous ne tient, en ce celeste bastiment, a la vraye regle et proportion de la foy: car, jamais personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli et mis en œuvre sous la regle et l'esquierre cy bas.

  A001001456 

 Ces deux fautes fondamentales esquelles vos ministres vous ont conduit, d'avoir abandonné l'Eglise et d'avoir violé toutes les vrayes Regles de la Religion Chrestienne, vous rendent du tout inexcusables, Messieurs: car elles sont si grosses que vous ne pouvies pas les mesconnoistre, et sont si importantes que l'une des deux suffit pour vous faire perdre le vray Christianisme; puysque la foy hors de l'Eglise, ni l'Eglise sans la foy, ne vous sçauroit sauver, nomplus que l'œil hors la teste, ni la teste sans l'œil, ne sçauroit voir la lumiere.

  A001001457 

 .. Ah mon Dieu, comme creutes vous si legerement? Il ny eut onques heresie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, particulierement es principales disputes.

  A001001457 

 .. Vous ne devies pas croire si legerement; si vous eussies bien advisé a vos affaires, vous eussies veu que ce n'estoit pas la Parole de Dieu quilz avançoyent, mais leurs propres conceptions voylëes des motz de l'Escritture, et eussies bien connu que jamais un si riche habit ne fut faict pour couvrir un si vilain cors comme est ceste heresie..

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 En l'assemblëe des princes qui se fit a Spire l'an 1526, les ministres protestans portoyent ces lettres en la manche droitte [347] de leurs vestemens: V. D. M. I. Æ.

  A001001459 

 Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la consequence que je produiray des Escritures, aux Regles que j'ay produites en la seconde Partie; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences.

  A001001459 

 Ne diries vous pas que c'est bien eux qui seulz et sans compaignon manient l'Escriture Sainte? Ilz en citent, a la verité, des morceaux, et a tous propos, « en public, en privé, » dict le grand Lirinensis, « en leurs discours, en leurs livres, es rues, es banquetz.

  A001001459 

 « O Dieu, » dict le mesme Lirinensis, « que fera il a l'endroit des miserables hommes, puysqu'il ose attaquer avec l'Escriture le Seigneur mesme de majesté? Pensons de pres a la doctrine de ce passage; car, comm'alors le chef d'un parti parla au chef de l'autre, ainsy maintenant les membres parlent aux membres, a sçavoir, les membres du diable aux membres de Jesus Christ, les perfides aux fideles, les sacrileges aux religieux, en fin les hæretiques aux Catholiques.

  A001001459 

 » Mays comme le chef respondit au chef, ainsy pouvons nous faire, nous autres membres, aux membres: nostre Chef repousa leur chef avec les passages mesme de l'Escriture; repousons les en semblable façon, et par des consequences solides et naifves, deduites de la Sainte Escriture, monstrons la vanité et piperie avec laquelle ilz veulent couvrir leurs conceptions des paroles de l'Escriture..

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001469 

 Or, puysque les prætendus reformateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres, [350] amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les effetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent l'Escriture et les autres Regles de la foy..

  A001001475 

 Commençons par ici: l'Eglise Catholique tient pour forme des Sacremens, des paroles consecratoires; les ministres pretendus ont voulu reformer ceste forme, disans que les paroles consecratoires sont charmes, et que la vraye forme des Sacremens estoit la prædication.

  A001001475 

 Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la prædication [est] la vraye forme des Sacremens? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre Mot vitæ que la predication? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, est encores un Mot vitæ, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret; aussi sont bien les autres saintes prieres et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas prædications.

  A001001476 

 On ne dict pas qu'il ne soit convenable d'instruire le peuple des [353] Sacremens qu'on luy confere, mays seulement que ceste instruction n'est pas la forme des Sacremens.

  A001001476 

 Or toutefois, vos pretensions seroient en certaine façon plus tolerables, si nous n'avions en l'Escriture des raysons contraires, plus expresses que les vostres ne sont, hors de toute comparayson.

  A001001476 

 Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la predication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous? ce que Dieu a separé, pourquoy le conjoindrons nous? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escriture, qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution..

  A001001477 

 Ilz violent encores la Tradition, l'authorité de l'Eglise, des Conciles, des Papes et des Peres, qui tous ont creu et croyent que le Baptesme des petitz enfans est vray et legitime: mays comme veut on que la predication y soit employëe? les enfans n'entendent pas ce qu'on dict, ilz ne sont pas capables de l'usage de rayson, a quoy faire les instruire? on peut bien precher devant eux, mays ce seroit pour neant, car leur entendement n'est pas encor ouvert pour recevoir l'instruction, comme instruction; elle ne les touche point, ni ne leur peut estre appliquëe, quel effect donq peut elle faire en eux? [leur] Baptesme donq seroit vain, puysqu'il seroit sans forme et [signification]: la forme donq du Baptesme n'est pas la prædication.

  A001001477 

 Item, la pluspart des baptesmes qui se font en l'Eglise Catholique se font sans aucune prædication; ilz ne sont donq pas vrays baptesmes, puysque la forme y manque: que ne rebaptizes vous donques ceux qui vont de nostre Eglise a la vostre? ce seroit un anabaptisme..

  A001001477 

 Luther respond que les enfans ressentent [des] mouvemens actuelz de la foy par la prædication: c'est violer et dementir l'experience et le sentiment mesme.

  A001001478 

 Nous disons que la forme des Sacremens est une parole [354] consecratoire, et de benediction ou invocation.

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001485 

 Comm'il suffit pour dire que je preche pour servir Dieu et pour le salut des ames, si lhors que je me veux præparer j'ay ceste intention, quoy que quand je suys en chaire je pense a ce que j'ay a dire et a m'en tenir en memoyre, et ne pense plus en ceste premiere intention: ou comme celuy qui a resolu de donner cent escus pour l'amour de Dieu, puys, sortant de sa mayson pour ce faire, pense a d'autres choses, et neanmoins distribue la somme; car encores quil n'aye pas la pensee dressëe actuellement en Dieu, si ne peut on pas dire quil n'aÿe son intention a Dieu en vertu de sa premiere deliberation, et quil ne face cest'œuvre de charité deliberement et a son escient.

  A001001485 

 Telle intention est du moins requise, et suffit aussy, pour la collation des Sacremens..

  A001001486 

 Ores que la proposition du Concile est esclarcie, voyons voir si elle est, comme celle des adversaires, sans fondement de l'Escriture.

  A001001487 

 Or, n'est il pas dict simplement, Hoc facite, mays, facite in meam commemorationem; et comme peut on faire ceste sacrëe action en commemoration de Nostre Seigneur, sans avoir l'intention d'y faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou du moins ce que les Chrestiens, disciples de Nostre Seigneur, font? affin que, sinon immediatement, au moins par l'entremise de l'intention des Chrestiens ou de l'Eglise, on face ceste action en commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001488 

 Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu? Pour vray, l'action du Baptesme ne depend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et intention.

  A001001502 

 Leurs raysons sont si pregnantes, que si elles estoyent bien balancees et contrepesees a celle des accusateurs, on connoistroit incontinent leur bon calibre: mays quoy? on a porté sentence sans ouÿr partie.

  A001001502 

 Mais certes, il deut suffire a tout le monde pour faire juste jugement sur ceste accusation, que les accusateurs estoyent des personnes particulieres, et l'accusé estoit le cors de l'Eglise universelle: et neanmoins, parce que l'humeur de nostre siecle a porté de sousmettre au contreroole et censure d'un chacun toutes choses, tant sacrees, religieuses et authentiques puissent elles estre, plusieurs personnes d'honneur et de marque ont prins le droit de l'Eglise en main pour la defendre; estimans [362] ne pouvoir mieux employer leur pieté et sçavoir, qu'a la defense de celle-la par les mains de laquelle ilz avoyent receu tout leur bien spirituel, le Baptesme, la doctrine Chrestienne et les Escritures mesme.

  A001001502 

 N'avons nous pas rayson, tous tant que nous sommes de domestiques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appellans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part, pour ceste heure, l'incompetence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce different, de considerer nos allegations et probations d'autant plus attentivement, qu'il y gist, non de la condamnation de la partie accusee, qui ne peut estre condamnee par ses inferieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront..

  A001001508 

 Donques par le Purgatoire nous entendons un lieu ou les ames, pour un tems, sont purgees des taches et imperfections qu'elles emportent de ceste vie mortelle..

  A001001508 

 Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prieres que la purgation des ames, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse medecine que ceux qui, pour la [364] priser, en mesprisent le saint usage.

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001508 

 Que si on veut sçavoir pourquoy ce lieu est plustost appellé simplement Purgatoire que les autres moyens de purgation cy dessus apportés, on respondra que c'est parce qu'en ce lieu la on n'y faict autre que la purgation des taches qui sont demeurees au partir de ce monde, et qu'au Baptesme, penitence, tribulations et autres, non seulement l'ame s'espure de ses imperfections, mays s'enrichit encores de plusieurs graces et perfections; qui a faict laisser le nom de Purgatoire a ce lieu de l'autre siecle, lequel, a proprement parler, n'est pour autre que pour la purification des ames.

  A001001514 

 Ceste mesme opinion des Petrobusiens fut suivie par les Vaudois, sur l'annee 1170, comme recite Guidon en sa Somme; et quelques Grecz furent soupçonnés en cest endroit, de quoy ilz se justifierent au Concile de Florence, et en leur apologie presentee au Concile de Basle.

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001520 

 de toutes sortes d'autheurs; apres, nous apporterons des raysons, et en fin, nous amenerons les argumens de partie contraire, lesquelz nous monstrerons n'estre pas de mise: ainsy conclurons pour la creance de l'Eglise Catholique.

  A001001520 

 des Peres anciens; 4.

  A001001520 

 nous cotterons les passages de l'Escriture; puys, des Conciles; 3.

  A001001528 

 Et de faict, les paroles precedentes favorisent ceste interpretation, esquelles il est parlé de la salvation des hommes; et puys a la fin du chapitre, ou il est parlé du repos des heureux, dont ce qui est dict, purgavit Dominus sordes, se doit entendre de la purgation necessaire pour ceste salvation; et parce que ceste purgation est dicte se devoir faire en esprit d'ardeur et de bruslement, elle ne se peut bonnement interpreter que du Purgatoire et du feu d'iceluy..

  A001001530 

 En Zacharie, 9: Tu autem, in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos tuos de lacu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les [368] delivra en sa descente aux enfers; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Peres avant la resurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abraham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16; dont saint Augustin, en l'epistre 99, ad Evodium, dict que Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en delivra: dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fideles sont tenus prisonniers, et duquel ilz peuvent estre delivrés..

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001538 

 En la premiere des Corinthiens: Dies Domini declarabit, quia in igne revelabitur, et uniuscujusque opus qualis sit ignis probabit; si cujus opus manserit quod superædificavit, mercedem accipiet, si cujus opus arserit, detrimentum patietur; ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem.

  A001001538 

 On a tenu tousjours ce passage icy pour l'un des plus illustres et difficiles de toute l'Escriture.

  A001001539 

 Le jour du Seigneur duquel il est parlé, s'entend le jour du jugement, lequel en l'Escriture a accoustumé d'estre appellé jour du Seigneur; en Joël, 2, Veniet dies Domini, en Sophonie, 1, Juxta est dies Domini: puys, par ce qu'y est adjousté, dies Domini declarabit, car c'est a ceste journee la que se declareront toutes les actions du monde: en fin, quand l'Apostre dict, quia in igne revelatur, il monstre asses que c'est le dernier jour du jugement; en la seconde des Thessaloniciens, 1, I n revelatione Domini nostri Jesu Christi de cælo, cum Angelis virtutis ejus, in flamma ignis, au Ps.

  A001001540 

 37, saint Gregoire, Rupert et les autres y sont tout expres; et des Grecz, Origene, en l'homelie 6 sur Exode, Œcumene sur ce passage, ou il allegue saint Basile, et Theodoret rapporté par saint Thomas en l'opuscule premier, Contre les Grecz..

  A001001541 

 des Corinthiens, 5, Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit; la ou qui ne voit que peccatum pour la premiere fois se prend proprement, pour l'iniquité, et la seconde fois, figurement, pour celuy qui porte la peyne du peché?.

  A001001549 

 des Machabees, au chap. 12; la ou l'Escriture raconte que Judas Machabee envoya en Hierusalem douze mille dragmes d'argent pour faire des sacrifices pour les morts, et apres elle adjouste: Sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; car, voicy nostre discours: c'est chose sainte et prouffitable de prier pour les morts affin qu'ilz soient delivrés de leurs pechés, donques apres la mort il y a encores tems et lieu pour la remission des pechés; or ce lieu icy ne peut estre ni l'enfer ni le Paradis, donques c'est le Purgatoire..

  A001001550 

 Cest argument est si bien faict, que pour y respondre nos adversaires nient l'authorité du Livre des [373] Machabees, et le tiennent pour apocriphe: mays a la verité ce n'est qu'a faute d'autre response; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le Concile de Carthage 3, au canon 47, et par Innocent 1, en l'epistre ad Exuperium, et par saint Augustin, l. 18 de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les paroles: Libros Machabæorum non Judæi sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au l. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase, au decret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques, et plusieurs autres Peres qu'il seroit long a citer.

  A001001552 

 La premiere, c'est qu'ilz disent la priere avoir esté faicte pour monstrer la bonne affection qu'ilz avoyent a l'endroit des defuncts, non pas qu'ilz pensassent les defuncts en avoir besoin; mays l'Escriture y contredict par ces paroles, ut a peccatis solvantur..

  A001001553 

 Ainsy l'Apostre prouve la resurrection des cors par l'immortalité de l'ame, quoy qu'il se peut faire que l'ame soit immortelle sans la resurrection des cors: voicy comme il y a, en la 1.

  A001001553 

 Ilz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la resurrection des morts avant le jugement, car c'est presupposer, ou que les ames resuscitent et par consequent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prieres et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum: or, que ces erreurs soyent presupposés en ce lieu des Machabees, il appert par ces paroles: nisi enim eos qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la resurrection ni de [374] l'ame ni du cors, mays seulement pour la delivrance des ames; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de l'ame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur delivrance; et par ce que, parmi les Juifz, la creance de l'immortalité de l'ame et de la resurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre, pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la resurrection des cors.

  A001001553 

 des Corinthiens, 15: Quid mihi prodest si mortui non resurgunt? comedamus et bibamus, cras enim moriemur; or il ne s'ensuivroit aucunement qu'il fallust s'abandonner ainsy, encores qu'il n'y eust point de resurrection, car l'ame qui demeureroit en estre souffriroit la peyne deùe aux pechés, et recevroit le guerdon des vertus; saint Pol donques, en cest endroit la, met en conte la resurrection des morts pour l'immortalité de l'ame, par ce que, de ce tems la, qui croyoit l'un croyoit l'autre..

  A001001554 

 Il n'y a donques point de lieu de refuser le tesmoignage des Machabees en preuve d'une juste creance: que si, a tout rompre, nous le voulons prendre comme tesmoignage d'un simple mays grave historiographe, ce qu'on ne nous peut refuser, au moins faudra il confesser que la Sinagogue ancienne croyoit un Purgatoire, puysque toute ceste armee la fut si prompte a prier pour les defuncts..

  A001001555 

 Et a la verité nous avons des marques de ceste devotion en d'autres passages de l'Escriture, qui nous doit faciliter la reception de celuy que nous venons d'alleguer; en Tobie, 4.

  A001001556 

 De maniere qu'en l'ancienne Eglise la coustume estoit desja entre les saintes personnes, d'ayder par prieres et saintes actions les ames des trespassés, qui suppose clairement la foy d'un Purgatoire..

  A001001556 

 Mays que penserions nous des jeusnes et austerités que faisoyent les Anciens apres la mort de leurs amis? Ceux de Jabes Galaad, apres la mort de Saul, jeusnerent sept jours sur iceluy; autant en fit David et les siens sur le mesme Saül, Jonathan et ceux de sa suite, au 1.

  A001001556 

 chap., jeusna et pria pour son filz malade, apres sa mort cessa de jeusner, monstrant que quand il jeusnoit, c'estoit pour obtenir ayde au malade, lequel estant mort, parce qu'il mouroit enfant et innocent, n'avoit besoin d'ayde, et partant il cessa de jeusner: Bede, il y a plus de 700 ans, interpreta ainsy la fin du premier Livre des Roys.

  A001001556 

 des Roys, 12.

  A001001556 

 des Roys, dernier chapitre, et au 2., chap. 1: on ne pourroit penser que ce ne fust pour secourir les ames des defuncts, car a quel autre propos peut on rapporter le jeusne de sept jours? Aussi David, qui au 2.

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001557 

 Voicy donques le sens de ceste Escriture: si les morts ne resuscitent point, a quoy faire prend on peyne et affliction, priant et jeusnant pour les morts? et certes, ceste sentence de saint Pol ressemble a celle des Machabees cottee cy dessus: Superfluum est et vanum orare pro mortuis, si mortui non resurgunt. Qu'on me tourne et transfigure ce texte en tant d'interpretations que l'on voudra, qu'il n'y en aura pas une qui joigne bien a la sainte Lettre que celle cy.

  A001001557 

 chap., l'alleguant comme louable et bonne: Quid facient, dict il, qui baptizantur pro mortuis, si mortui non resurgunt ut quid et baptizantur pro illis? Ce lieu bien entendu monstre tres clairement la coustume de la primitive Eglise de jeusner, prier, veiller pour les ames des trespassés; car, premierement, es Escritures, [376] estre baptizé se prend fort souvent pour les afflictions et penitences, comme en saint Luc, 12.

  A001001557 

 des Corinthiens, 15.

  A001001564 

 Cela va bien, mays nostre rayson ne perd rien de sa fermeté pour cela: car, ou saint Mathieu a bien exprimé l'intention de Nostre Seigneur, ou non; on n'oseroit dire que non, et s'il l'a bien exprimee, il s'ensuit tousjours qu'il y a des pechés qui peuvent estre remis en l'autre siecle, puysque Nostre Seigneur a dict qu'il y en a un qui ne peut estre remis en l'autre siecle.

  A001001564 

 Or, qu'il y ait des pechés qui se pardonnent en l'autre monde, nous le prouvons, premierement, par le passage de saint Mathieu, au 12.

  A001001564 

 chap., ou Nostre Seigneur dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné ni en ce siecle ni en l'autre; donques il y a des pechés qui peuvent estre remis en l'autre siecle, car, s'il n'y avoit point de pechés qui puissent estre remis en l'autre siecle, il n'estoit ja necessaire d'attribuer ceste proprieté a une sorte de peché de ne pouvoir estre remis en l'autre [378] siecle, ains suffisoit de dire qu'il ne pouvoit estre remis en ce monde.

  A001001565 

 Et 1., nous trouvons des tres anciens [380] Peres qui ont dict que c'estoit en Purgatoire: Tertullien, libro De Anima, cap. 58; Cyprien, l. 4 epistolarum, 2; Origene, en l'homelie 35, sur ce lieu; Eusebe Emissene, en l'homelie 3 de l'Epiphanie; saint Ambroise, sur le chap. 12 de saint Luc; saint Hierosme, sur le 5.

  A001001565 

 Le juge est sans doute Nostre Seigneur, en saint Jan, 5: Pater omne judicium dedit Filio. La prison pareillement, l'enfer, ou le lieu des peynes de l'autre monde, auquel, comme en une grande gëole, il y a plusieurs demeures, l'une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour les criminelz, l'autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire, qui est comme pour debtes.

  A001001566 

 Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu, 5, quand il dict: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennæ [381] ignis; et neanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer; donques au jugement de Dieu, apres ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas eternelles ni infernales; ce sont les peynes de Purgatoire.

  A001001567 

 Defaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints? les interpretes l'entendent tous ainsy; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints: car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant? il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en eternelz tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention.

  A001001577 

 Aerius, comme j'ay dict cy devant, commença a precher contre les Catholiques, disant les prieres qu'ilz faisoyent pour les morts estre superstitieuses; il a encores des sectateurs en nostre aage quand a ce chef.

  A001001578 

 Quoy? si Pierre Martyr, l'un des habiles qui aÿe suyvi le parti contraire, sur le 3. c. de la 1.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001584 

 Voila donq comme nous sommes au chemin des saints et anciens Peres quand a cest article du Purgatoire.

  A001001584 

 § 10, ou il dict ainsy: Ante 1300 annos usu receptum fuit ut precationes fierent pro defunctis, et par apres adjouste: sed omnes, fateor, in errorem abrepti fuerunt; nous n'avons donq que faire de chercher le nom et le lieu des anciens Peres pour prouver le Purgatoire, puysque, pour se mettre en conte, Calvin les met en zero.

  A001001590 

 12, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii; il en faut rendre conte; l'autre merite le conseil, c'est a dire merite qu'on delibere s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes); le 3 me seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné: donques le p r et le 2 d sont pechés qui ne rendent [388] pas l'homme coulpable de la mort æternelle, mais d'une correction temporelle; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle, moyennant laquelle son ame estant purgëe il ira au Ciel avec les Heureux.

  A001001590 

 De ces pechés parle le Sage, Proverb., 24, Septies in die cadit justus: car le juste ne peut pecher, pendant quil est juste, de peché qui merite la damnation; il s'entend donq quil chet en des pechés ausquelz la damnation n'est pas deüe, que les Catholiques appellent venielz, lesquelz se peuvent purger en l'autre monde, au Purgatoire..

  A001001590 

 Or, quil y ait des pichés qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer, Nostre Seigneur le dict en saint Mathieu, 5.

  A001001590 

 Voicy deux invincibles raysons du Purgatoire: la 1., il y a des pichés legers au pris des autres et qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer; si donq l'homme meurt en iceux que deviendra il? le Paradis ne reçoit rien de souillé, Apoc. 21, l'enfer est une trop criminelle peyne, il n'est pas deu a son piché; il faut donques advouer quil arrestera en un Purgatoire, ou estant bien esmondé il ira par apris au Ciel.

  A001001591 

 des Rois, 12, le peché est pardonné a David, le Prophete luy disant: Deus quo que transtulit peccatum tuum, sed, quia blasphemare fecisti inimicos nomen Domini, filius tuus morte morietur.

  A001001601 

 Je certifie et assure avoir faict recongnoistre comme ces presans manuscritz, qui tretent de l'hautorité et Primauté de sainct Pierre et des Souverains Ponthifes ses suseseurs, sont escrit ou dicté et du stille du Venerable Serviteur de Dieu, Monseigneur François de Sales, ci devant Evesque de Genaive, don l'ong porsuit a presant la Canonization..

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001625 

 Nous soubsigné, Pierre Anthoine de Castagnery, Baron de Chasteauneufz, Conseiller d'Estat de S. A. R., President en sa Souveraine Chambre des Comptes de Savoye et Generallissime de ses finances, Declairons que le livre de l'Hautorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salles, et l'autre, qui est escrit de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001648 

 Nous, François Delapesse Viallon, Seigneur dudit lieu, des Serrieres et de Sainct Marcel, prestre, Docteur es Droictz, Conseiller de S. A. R. et Maistre ordinaire en la Souveraine Chambre des Comptes de Savoye, Declarons avec serment, avoir veu soigneusement le traicté de la Primauté de sainct Pierre et des Marques de la vraye Esglise, contenant quinze cayers en feuillies; les douze premiers desquels sont tous escriptz de la main du Venerable Evesque de Geneve, François De Sales, que nous estimons Bienheureux, sauf le respect que nous devons au Sainct Siege, et les trois derniers sont escriptz par un sien secretaire dont nous ne recognoissons pas l'escriture, mais seulement qu'en divers endroitz il y a de la main dudit Venerable Prelat, par continuation ou correction.

  A001001687 

 Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Theologie, Prevost des Reverends Peres Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien reconuz iceux avoir estés escritz de la propre main et caractere de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Geneve, dans lesquelz cayers est traicté de [395] plusieurs poinctz de controverse contre les heretiques de nostre temps, et particulierement touchant l'auctorité de nostre Sainct Pere le Pape.

  A001001692 

 Prevost des Peres Barnabittes de Tonon en Chablais..

  A001001714 

 Le 7 e cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu, à la reserve des trois dernieres pages, qui sont de [397] la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15 e page, a la marge, en la 9 e ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main: « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron.

  A001001714 

 », et en la 15 e ligne, au lieu de « Hyerosme, au decret des Livres canoniques, » il corrige, et met « Damase.

  A001001722 

 Je sous signé, Atteste, qu'en l'année 1658, feu Monsieur l'Evesque de Genéve, Charles Auguste de Sales, mon frere, faisant sa visite dans la parroisse de la Thuille, trouva dans nostre chasteau dudit lieu, sous les ruines d'une vieille archive, un petit coffre de sappin fort simple, dans lequel Saint François de Sales, mon oncle, avoit mis les Lettres et autres papiers du Pape, des Nonces et des Princes, concernant sa Mission Apostolique pour la conversion du Chablais, et entr'autres plusieurs cayers écrits de la main du Saint, des matieres de controverses et refutation des erreurs de Calvin, et que le Bien-heureux faisoit imprimer en feüilles volantes, et les distribuoit toutes les semaines secretement dans les familles, pour les instruire des veritez de nostre sainte Foy, d'autant qu'il estoit deffendu par les ministres et Seigneurs heretiques, à tout le peuple, d'aller oüyr le predicateur Apostolique-Romain.

  A001001722 

 L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent tres bien son caractere, et moy mesme l'ay tenu et reconnu; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de verité, à nostre Saint Pere Alexandre VII, et luy fut presenté par le Reverend Pere André de Chaugy, Religieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, apres neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire [398] imprimer aprés avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinction des chapitres et autres choses.

  A001001733 

 En effet, entre autres papiers tres-authentiques, il s'y rencontra quelques cahiers, petit in folio, tous escrits de la propre main dudit Saint François de Sales, et d'autres de main estrangere, mais corrigez et annotez par luy, par lesquels cayers il fut reconnu que c'estoit des traittez de controverse, composés par ce grand Saint au temps de sa Mission dans le Chablais, et qu'il distribuoit par feuilles aux peuples, apres que les magistrats heretiques leur eurent fait deffence d'aller aux predications du Papiste Romain; lequel traitté fut inseré entre les Actes dudit procez et produit dans ladite partie de la compulsation, pour que la Cour de Rome y eust tel égard que de raison, comme un ouvrage tres-excellant pour la deffense de la Sainte Eglise Romaine.

  A001001733 

 Je sous-signé, Certifie et atteste en parole de verité qu'en l'année 1658, estant en la ville d'Annessy, employé à la direction des escritures du Procez Remissorial pour la Beatification et Canonisation de Saint François de Sales, Monseigneur Charles Auguste, son neveu, lors Evesque et Prince de Genéve, envoya à la Rev rende Mere Françoise Magdelaine de Chaugy, pour lors Superieure du premier Monastere de la Visitation de Sainte Marie, quantité de papiers manuscrits, qu'il avoit nouvellement trouvé dans le chasteau de la Tuille, à celle fin de s'en pouvoir servir utilement audit Procez, dans la partie de la compulsation et production de titres.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
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 Article IV. Réponse aux arguments des Ministres.

  A002000020 

 Chapitre II. Erreurs des Ministres sur la Nature de l'Eglise.

  A002000030 

 Chapitre II. De l'antiquité des images de la Croix.

  A002000031 

 Chapitre III. De l'antiquité des images du Crucifix.

  A002000038 

 Chapitre X. Des tiltres et paroles honnorables que l'Eglise donne a la Croix.

  A002000047 

 Chapitre IV. Toutes ceremonies bonnes et legitimes peuvent estre employees a la benediction des choses 80.

  A002000048 

 Chapitre V. La Croix doit et peut estre employee a la benediction des choses, a l'exemple de l'Eglise ancienne 83.

  A002000061 

 Chapitre VI. La difference des honneurs ou adorations gist en l'action de la volonté.

  A002000062 

 Chapitre VII. Premiere division des adorations: selon la difference des excellences.

  A002000063 

 Chapitre VIII. Autre division des adorations: selon la difference des manieres avec laquelle les excellences sont participees.

  A002000069 

 Chapitre XIV. Confession de Calvin pour l'usage des images.

  A002000098 

 Dequoy si la memoire se perdoit, la posterité seroit privee d'une des plus riches pieces des actions de nostre aage.

  A002000098 

 Je sçay, Monseigneur, quelles raysons j'aurois pour n'oser pas offrir a un si grand Prince un si petit ouvrage, comme est celuy ci; mays je n'ignore pas aussi le privilege des primices, et me prometz que le bon œil que Vostre Altesse a jetté sur quelques unes [3] qui de mes autres actions, ne me sera pas moins favorable en celle ci, a laquelle je ne suis porté d'autre desir que d'estre tenu pour homme, qui est, qui doit, et veut estre a jamais,.

  A002000098 

 L'enfer qui n'a pas asses de charbon ni de fumee pour la noircir, produit neanmoins par fois quelques uns de ses barbouillés, qui, voilés du beau manteau de l'Escriture, jettent devant les yeux des simples gens certains brouïllartz de divers discours, pour faire paroistre au travers d'iceux ceste sainte Croix aussi noire et souille qu'elle fut onques.

  A002000098 

 La Croix aussi estoit de soy toute couverte d'ignominie, et signe infortuné de malediction; mays des lhors que Pilate, estant indubitablement touché d'en haut, comme a remarqué saint Ambroise, eut mis sur icelle l'inscription sacree, Jesus Nazarenus Rex Judæorum, elle fut rendue toute sainte et venerable par ce tiltre asseuré de son annoblissement.

  A002000098 

 Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacees par le sang sacré de l'Aigneau, [1] auquel ayant trempé la premiere elle en est demeuree pour jamais claire et blanche: comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce — mesme vermeil.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000116 

 A Messieurs les Confreres des compaignies de penitens de la sainte Croix,.

  A002000117 

 des Estatz de Savoye deça les montz.

  A002000124 

 Les creatures intelligentes le font en leur propre personne; tout le reste le fait par l'entremise des intelligences, comme par leurs procureurs.

  A002000124 

 Repetant presque tous les jours, apres saint Paul: Au Roy des siecles, immortel, invisible, au seul Dieu soit honneur et gloire..

  A002000128 

 Voyla Josué qui adore l'ange es campaignes de Hiericho, quel devoir civil avoit-il a ce faire? Saül adore l'ame de Samuel qui s'apparut a luy, qu'y avoit-il en cela de politique? Abdias adore le prophete Helie, quelle obligation civile le portoit a cest acte, puysque Helie estoit personne particuliere et privee, Abdias, personne publique et des plus signalees de la Cour? Il y a cent semblables exemples en l'Escriture.

  A002000133 

 Et comme on void tout l'honneur des magistratz inferieurs se rapporter et reduire a l'authorité souveraine du Prince, ainsy tout l'honneur des hommes et des Anges se reduit et rapporte a la gloire de ce supreme principe d'ou tout depend.

  A002000133 

 Et en ceste sorte est-il vray qu' au seul Dieu immortel, invisible, soit honneur et gloire, laissant au reste a part ce qui se pourroit dire touchant ceste proposition apostolique, Au seul Dieu soit honneur et gloire, a sçavoir: si l'Apostre veut dire qu'honneur et gloire ne doit estre baillé qu'a Dieu seul, ou s'il veut plustost dire qu'honneur et gloire [12] ne doit estre baillé a aucun Dieu qui ayt des autres dieux pour compaignons, mais a ce Roy immortel, invisible, qui seul est Dieu..

  A002000142 

 Et saint Jean, au contraire, par l'estat qu'il fait d'une des moindres appartenances de Nostre Seigneur, monstre combien il en honnoroit la personne.

  A002000142 

 Je ne suis pas digne, disoit-il, de porter ses soliers, ou d'en deslier les attaches. D'ou peut venir cest honneur des soliers sinon de l'esclat de la personne a qui ilz estoyent, qui rend saint Jean respectueux et reverend jusques a l'endroit de si peu de chose? Ainsy l'honnorable opinion que ces premiers Chrestiens avoyent de saint Pierre et saint Paul les rendoit honnorables jusques aux ombres et mouchoirs d'iceux, qu'ilz estimoyent moyens sortables a leurs guerisons..

  A002000142 

 Nous honnorons jusques aux plus simples appartenances des princes et roys, parce que nous honnorons beaucoup leurs personnes; mays nous ne tenons pas ce respect a l'endroit des personnes que nous honnorons moins.

  A002000143 

 Mais le trait de l'Escriture est sur tout remarquable pour nostre intention, quand il est dit que le nombre des croyans croissoit en sorte qu'ilz portoyent les malades en des places, sur les lictz, a fin qu'au moins l'ombre de saint Pierre les couvrist.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000146 

 J'ay voulu prendre l'air de mon discours de si loin pour bien descouvrir l'estat et le vray point du different que j'ay avec l'autheur du petit traitté contre lequel je fais ceste Defense, lequel a mon advis est cestuy cy: Si ainsy est que la Croix soit une appartenance religieuse de Jesus Christ, luy doit-on attribuer quelque honneur [17] ou vertu dependante et subalterne? Et par les fondemens generaux que j'ay jettés cy devant il appert asses de la verité de la foy Catholique touchant ce point; et neanmoins, toute ceste Defense n'est employee a autre qu'a la confirmer et faire des preuves particulieres de cest article: Qu'il faut attribuer honneur et vertu a la Croix..

  A002000153 

 I. Que mon adversaire ayant fait un amas d'inepties et mensonges en son traitté, sans aucun ordre ni disposition, il m'a semblé que je devois retirer toutes ces pieces l'une apres l'autre, et considerer ou elles se pouvoyent rapporter, et en faire comme quattre monceaux: l'un de ce qui touchoit au deshonneur de la vraye Croix, l'autre a celuy des images de la vraye Croix, le troysiesme de ce qui touchoit au signe d'icelle, et le quattriesme de ce qui estoit dit contre la Croix generalement.

  A002000156 

 Lises le docte Feuardent en ses Dialogues, ou il remarque ce blaspheme des novateurs, entre plusieurs autres..

  A002000156 

 » Pour Dieu, quel blaspheme, que Dieu ne puisse sinon ce qu'il a declairé vouloir; mays au contraire, Dieu n'a onques declairé qu'il voulust qu'un chameau entrast par le trou d'une aiguille, ou que les enfans d'Abraham fussent suscités des pierres, et toutefois il le peut faire, ainsy que l'Escriture temoigne.

  A002000157 

 C'est donq le mesme de dire que Jesus Christ a beu la couppe de l'ire de Dieu et a souffert des peynes infinies, et dire qu'il a eu crainte pour le salut de son ame: or la crainte presuppose probabilité en l'evenement du mal que l'on craint: si donques Nostre Seigneur eut crainte de son salut, il eut par consequent probabilité de sa damnation.

  A002000157 

 Item, souffrir des peynes infinies presuppose la privation de la grace de Dieu, principalement si on parle des peynes temporelles telles qu'il faut confesser avoir esté celles de Jesus Christ: si donques Jesus Christ a souffert des peynes infinies, quoy que temporelles, il aura esté privé de la grace de Dieu; qui sont parolles desquelles le blaspheme mesme auroit honte, et neanmoins c'est la theologie du traitteur.

  A002000158 

 3. Et ceste proposition n'est-elle pas blasphematoire: « Le nom de Dieu, de la Trinité, des Anges et Prophetes, le commencement de l'Evangile de sainct Jean... et le signe de la Croix... ne sont pas choses simplement recevables... »? Qu'est-ce donques qui sera recevable?.

  A002000159 

 4. C'est de mesme quand il allegue pour inconvenient que « Nostre Dame ayt esté compagne des souffrances de nostre Sauveur »; car pour vray, si elle n'a esté compagne de ses souffrances, elle ne le sera pas de ses consolations ni de son paradis..

  A002000160 

 Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit; et n'est pas raysonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclesiastiques, pour les contourner a mauvais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise.

  A002000162 

 « Sainct Hierosme, » dit-il, parlant du Thau mentionné au IX e chapitre d'Ezechiel, « laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains... » C'est un mensonge; car au contraire, saint Hierosme n'allegue le Thau des Samaritains que pour rechercher celuy dont le Prophete et les anciens Hebreux usoyent..

  A002000164 

 Il fait dire a saint Athanase « qu'apres la venue de la Croix toute adoration des images a esté ostee... » C'est une fauseté; car saint Athanase ne parle pas des images, mais des idoles.

  A002000165 

 Il dit que « Constantin le Grand fut le premier qui fit des croix d'estoffe.

  A002000169 

 Mais est-il pas playsant quand il attribue une certaine vieille rime françoise aux Heures de l'usage de [24] Rome? Pour vray, un si grand nombre d'impertinences manifestes, avec cent autres telles (que je n'ay voulu cotter par le menu), en si peu de besoigne comme est le traitté, me fait croire que l'autheur ne peut estre sinon quelque arrogant pedant, ou quelque ministre hors d'haleyne et morfondu, ou si c'est quelque homme d'erudition, la rage et passion luy en aura levé l'usage; et de vray il fit ceste besoigne fort a la haste, et ne se bailla gueres de loysir apres la sortie des placquars..

  A002000170 

 Estans arrivés au lieu destiné, et le saint Estendart arboré, le Reverend Pere Esprit de Baumes (lequel avec le Pere Cherubin de Maurienne et le Pere Antoyne de Tournon, Capucins, faisoyent les predications des Quarante Heures), estant monté pres de la croix, fit une bonne et courte remonstrance touchant l'honneur et erection des croix, après laquelle l'on distribua plusieurs feuilles imprimees, sur le mesme sujet, dressees par quelque bon religieux.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000170 

 Or, sur le soir, les Confreres d'Annessi revenans devotement en l'oratoire chargerent sur leurs espaules la croix, laquelle des le matin avoit esté apprestee et benie, et s'acheminerent avec icelle asses loin de la au lieu ou elle devoit estre plantee, chantans sous ce doux fardeau, avec une voix pleine de pieté, l'hymne Vexilla regis prodeunt, ayans tous-jours aupres d'eux Monseigneur le Reverendissime suivi d'une tres grande trouppe de peuple.

  A002000170 

 Saint et devot spectacle, et qui tira les larmes des yeux des plus secz qui le virent..

  A002000170 

 » Il parle de l'Oraison des Quarante Heures qui se fit au village d'Annemasse, l'annee MDXCVII, ou accourut un nombre incroyable de personnes, et entre autres la Confrerie des penitens d'Annessi, aisnee de toutes les autres de Savoye; laquelle, quoy qu'esloignee d'une journee, sçachant que l'on avoit a dresser une grande croix sur le haut d'un grand chemin tirant vers Geneve, pres d'Annemasse, se trouva a fort bonne heure en l'eglise, ou les Confreres ayans communié de la main de Monseigneur le Reverendissime Evesque, elle le suivit aussi a la procession pour faire la [25] premiere heure de l'Oraison, avec la procession de Chablais, en laquelle il y avoit desja grand nombre de nouveaux convertis, qui furent comme les primices de la grande moisson que l'on a recueillie de ce mesme païs et du païs de Ternier.

  A002000171 

 Au contraire, estant [26] des plus anciens confreres de la sainte Croix, et m'estant trouvé en toutes ces actions de pieté, je me sens redevable d'en soustenir la justice et bon droit.

  A002000171 

 C'est cela qui l'eschauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seulement les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté.

  A002000171 

 Dequoy tous tant que nous sommes des membres d'iceluy devons rendre graces immortelles a la Bonté celeste, sans laquelle nous pouvons bien dire que ceste eau maligne nous eust abismés..

  A002000171 

 L'autheur du traitté sceut comme toutes ces choses s'estoyent passees, et eut communication des feuilles qu'on avoit distribuees, et ce fort aysement; car tout avoit esté fait aux portes de la ville [de] Geneve, c'est a dire une petite lieuë pres d'icelle.

  A002000173 

 Et puysque vous estes tous liés en une sainte societé, et que les devotes actions des Confreres d'Annessi ont baillé en partie sujet a l'escarmouche que je soustiens, les loix de nos alliances spirituelles requierent qu'un chacun de vous contribue a mon secours.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000174 

 Voulant donq employer ces vers anciens, ne sçachant ou rencontrer un plus chrestien et sortable traducteur pour des autheurs si saintz et graves comme sont ceux que je produis, je le priay de les faire françois; ce qu'il fit volontiers, et pour le service qu'il a voué a la Croix, et pour l'amitié fraternelle que la divine Bonté comme maistresse de la nature a mise si vive et parfaitte entre luy et moy, nonobstant la diversité de nos naissances et vacations, et l'inegalité en tant de dons et graces que je n'ay ni possede sinon en luy..

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 Donques le mot de croix, selon l'usage des Chrestiens, signifie par fois les peynes et travaux necessaires pour obtenir le salut, comme au lieu que je viens de citer; par fois aussi, il signifie une certaine sorte de supplice duquel on chastioit jadis les plus infames malfaiteurs; et autres fois, l'instrument ou gibbet sur lequel ou par lequel on exerçoit ce tourment.

  A002000186 

 Si que, voulant monstrer que les passages des anciens Peres cités es placquars ne sont pas bien entenduz, il parle en ceste sorte: « Quelques passages des Anciens y sont alleguez, mais hors et bien loin du sens des autheurs; car, quand les Anciens ont parlé de la Croix, ils n'ont pas entendu de deux pieces traversantes l'une sur l'autre, ains du mystere de nostre redemption, dont le vray sommaire et accomplissement a esté en la Croix, mort et passion de Jesus Christ; et cest equivoque ou double signification de croix, n'estant apperceuë par les sophistes, fait qu'ils errent et font errer.

  A002000188 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A002000188 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000195 

 Je n'ay encor sceu rencontrer parmy vos maistres que deux objections a ce discours que je viens de faire; dont l'une est tirëe de l'exemple de Nostre Seigneur et des Apostres, l'autre, de l'exemple des Prophetes..

  A002000196 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000197 

 De façon que la vocation des Prophetes ne sert de rien a celle des hæretiques ou schismatiques, car:.

  A002000197 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneüe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A002000197 

 On pense que tous ceux qui prophetisoyent exerceassent la charge de la prædication: ce qui n'estoit pas, comm'il appert des sergens de Saul et de Saul mesme.

  A002000197 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000199 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A002000199 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaique et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A002000201 

 En fan, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A002000201 

 Et de vray, il ny a qu'un mal en ceste prophetie, c'est seulement faute de verité; car il præcha encor pres de vingt deux, et neantmoins encor se trouve il des prestres et des clochers, et en la chaire de saint Pierre est assis un Pape legitime..

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'in terpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A002000216 

 celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit.

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A002000218 

 L'Eglise est une sainte université ou generale compaignie d'hommes, unis et recueillis en la profession d'une mesme foi Chrestienne, en la participation de mesmes Sacremens et Sacrifice, et en l'obeissance d'un mesme vicaire et lieutenant general en terre de Nostre Seigneur Jesuchrist et successeur de saint Pierre, sous la charge des legitimes Evesques.

  A002000220 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercheroit on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A002000220 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 Je ne sçay s'il me faudra prouver que les pasteurs de l'Eglise soyent visibles; on nie bien des choses aussy claires.

  A002000224 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraÿe administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A002000226 

 Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse Mere du Sauveur, faysoyent la vraye Eglise; et comment? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visiblement ces saintes plantes et pepinieres du Christianisme..

  A002000226 

 Comme les Patriarches, peres de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair, faysoyent l'eglise [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinagogue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Seigneur, donnerent le commencement a l'Eglise Catholique visiblement, selon le Psalmiste: Pour tes peres te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre: « pour douze Patriarches te sont nais douze » Apostres, dict Arnobe.

  A002000229 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000238 

 Ce que j'ay deduit jusques ici monstre asses combien est honnorable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné, pour estre immolé sur iceluy en divin Aigneau qui lave les pechés du monde; mais voyci des raysons particulieres inevitables.

  A002000241 

 Mais l'Arche de l'alliance sert d'un tres magnifique tesmoignage a la Croix: car si l'un des bois pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege et le throsne de ce mesme Dieu? Or, que l'Arche de l'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre: Adorés, dit le Psalmiste, l'escabeau des piedz d'iceluy, car il est saint.

  A002000241 

 Or, que l'escabeau des piedz de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement; et qu'il le faille adorer, c'est a dire venerer, il s'ensuit expressement du dire de David, ou le vray mot d'adoration est expressement rapporté a l'escabeau des piedz de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue Hebraïque.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000243 

 Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus Christ, dont il est escrit en Esaye, Duquel la principauté est sur son espaule? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur son espaule, lhors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy: comme interpretent saint Cyprien au Livre second contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De mysteriis profanarum religionum, cap. XXII, et plusieurs autres des Anciens; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interpretation, l'appellant frivole.

  A002000244 

 Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent bien venerable; c'est qu'il a esté le siege de la Royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites es nations que le Seigneur a regné par le bois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin, saint Justin le Martyr, et saint Cyprien qui remarque que l'escriteau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hebreu, Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere [53] predit par David; dont les Juifz, en haine des Chrestiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin.

  A002000245 

 Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy, seroit-ce pas asses pour la rendre venerable? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre: combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys, qu'il a prise pour son enseigne? Dequoy voicy la preuve tiree de l'Escriture, que le traitteur a laissee par non sçavance.

  A002000246 

 Et la Croix qui au paravant estoit une verge seche et infructueuse, des qu'elle fut dediee au Filz de Dieu et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira a jamais a la veuë de tous les rebelles.

  A002000246 

 On luy diroit que la Croix n'a pas [55] esté seulement l'instrument des bourreaux pour crucifier Nostre Seigneur, mays aussi a esté celuy de Nostre Seigneur pour faire son grand sacrifice: ç'a esté son sceptre, son throsne et son espee.

  A002000246 

 On luy opposerait que la Croix peut estre consideree, ou comme moyen de l'action des crucifieurs, ou comme moyen de la passion du Crucifix: comm'instrument de l'action elle n'est du tout point venerable, car ceste action estoit un tres grand peché; comm'instrument de la passion elle est extremement honnorable, car ceste passion a esté une tres admirable et parfaitte vertu.

  A002000253 

 Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte: « Nous ne nions pas que, pour authorizer la predication de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait des miracles au nom de Jesus Christ crucifié.

  A002000253 

 Et c'est ce que Athanase declare au commencement de son livre contre les idoles, qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, et que par ceste marque toutes deceptions des diables sont chassees.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Maintenant donques, nous entrons en une seconde maniere de prouver la vertu et l'honneur de la Croix, c'est a sçavoir, par le tesmoignage de ceux, par l'entremise desquelz et l'Escriture et tout le Christianisme est venu jusques a nous, c'est a dire des anciens Peres et premiers Chrestiens, avec lesquelz le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt a playsir de ce qu'ilz ont dit.

  A002000253 

 » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie.

  A002000255 

 C'est donq signe que le danger de l'idolatrie n'est pas egal en l'un des sepulchres et en l'autre.

  A002000256 

 Saint Ambroise, saint Chrysostome, saint Cyrille, saint Hierosme, saint Paulin, saint Sulpice et Eusebe, Theodoret, Sozomene, Socrates, Nicephore, Ruffin, Justinien et plusieurs autres tres anciens autheurs, sont des tesmoins irreprochables que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice et fust trouvee.

  A002000257 

 Mays quant a ce qu'il adjouste de la sepulture d'Adam, il monstre combien il a peu de connoissance des Anciens, car la plus grande trouppe d'iceux a soustenu que la Croix fut plantee sur la sepulture d'Adam; voicy comme saint Augustin en parle: « Hierosme prestre a escrit qu'il a appris asseurement des anciens et plus vieux Juifz, qu'Isaac, de volonté, a esté immolé la ou despuys Jesus Christ a esté crucifié... Et mesme par le rapport des Anciens, l'on dit qu'Adam, le premier homme, fut jadis enseveli au lieu ou la Croix est fichee, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire (ou du test), parce que le chef du genre humain fut enseveli en ce lieu-la.

  A002000258 

 Au contraire, la persecution l'enflammoit davantage a son devoir, mais en secret, de peur d'exposer ce memorial de la persecution de Nostre Seigneur a l'opprobre des ennemis de la Croix..

  A002000259 

 Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne l'ayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgee dans la mer.

  A002000260 

 Le seul saint Hierosme devroit suffire pour faire mieux appris ce traitteur; voyci ses paroles en l'epistre a Paulinus: « Des le tems d'Adrian jusques au regne de Constantin, l'idole de Jupiter a esté reveree par l'espace de presque cent quattre-vingtz ans sur le lieu de la resurrection de nostre Sauveur, par les Gentilz; et de mesme en ont-ilz fait a celle de Venus qui estoit eslevee en marbre sur la montaigne de la Croix, les autheurs de la persecution se persuadans que par ce moyen ilz enleveroyent de nostre estomac la foy de la resurrection et de la Croix, s'ilz venoyent a polluer les lieux saintz par leurs idoles.

  A002000260 

 Nostre Bethleem (un petit coin du monde, duquel le Psalmiste chante la verité est nee de la terre ) est maintenant ombragee des boscages d'Adonis, et en la caverne, en laquelle jadis Jesus Christ petit a jetté ses cris enfantins, estoit regretté et pleuré l'amoureux de Venus.

  A002000260 

 » Voyes-vous a quel propos ce traitteur allegue la jalousie des Juifz, puysque on ne dit pas que ce fussent les Juifz, mais les Gentilz? et a quel propos il allegue le tems de la ville de Hierusalem, puysque ce fut apres son extermination?.

  A002000261 

 Qui sera donq si desesperé que de mettre en doute ceste histoire tesmoignee par tant de graves autheurs, et tous voysins des tems dont ilz ont parlé, pour bailler credit a ce contrediseur qui, sans rayson, apres douze [64] cens ans, les vient impudemment desmentir? Mais, ce dit le traitteur, « tels contes ne servent sinon à aneantir la Croix de Christ.

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000263 

 Il fait dire a saint Athanase, au commencement du livre Contre les idoles, « qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee... » Voyla une fauseté bien expresse, car saint Athanase ne parle point la des images, mays des idoles.

  A002000264 

 L'absurdité est toute pareille quand il dit que « les noms des idoles ont esté changez, mais les choses sont demeurees au Christianisme »; car, a ce conte-la, ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

  A002000264 

 Mais cecy soit dit en passant, pour descharger la croyance que l'antiquité [66] nous a faitte du sousterrement et conservation du bois de la Croix, des calomnies et reproches que luy fait ce traitteur..

  A002000273 

 « Il n'est besoin, » dit-il, « d'entrer sur la recerche si ç'a esté une invention controuvee ou vraye, combien que Volaterran et Frere Onufrius Panvinius, de l'ordre des Augustins, en ses notes sur Platine, en la vie d'Eusebe Pape 32, donne assez à entendre que c'est chose incertaine, veu la diversité qui se trouve és autheurs touchant le temps de ceste invention.

  A002000274 

 Eusebe dit: « Avertie par des divines [71] visions.

  A002000275 

 Mais en sa Chronique, traduitte par saint Hierosme, il tesmoigne si ouvertement ceste invention que rien plus: « Heleine, » dit-il, « mere de Constantin, advertie par des divines visions, trouva pres de Hierusalem le tres heureux bois de la Croix, auquel le salut du monde fut pendu.

  A002000276 

 Or y avoit-il, la pres, une dame presque morte d'une maladie longue et incurable, a laquelle on appliqua les deux croix des larrons; mais pour neant, car la mort ne les craignoit point; on la toucha donques du bois de la Croix sainte, et tout aussi tost la mort se retira bien loin, ne pouvant porter l'effort de la Croix sur laquelle elle avoit esté pieça vaincue et morte, lhors qu'elle osa entreprendre d'y faire mourir la vie: ainsy ceste femme, toute guerie sur le champ, se leve cheminant et louant le Crucifié.

  A002000277 

 Aussi bien ce qu'il en veut deduire n'est gueres a propos, nomplus que l'histoire [73] impertinente qu'il a prise des Sermons de Discipulus, Serm. XXI, De Invent.

  A002000281 

 L'on trouve que le saint bois de la Croix a eu plusieurs usages parmi les Chrestiens, des son invention, mays parlant generalement on les peut reduire a trois.

  A002000286 

 Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin, et la grandeur des travaux inteneurs du Sauveur?) mays il est representable comme les hommes et les maysons, dont on ne represente que les visages et façades exterieures.

  A002000293 

 Cela fut cause qu'ilz la mirent en usage comme un grand remede et preservatif; et partant, Heleine envoya un des clouz de la Croix pour mettre en la couronne de Constantin son filz, « a fin qu'il fust en ayde et secours pour la teste de son filz, et en repoussast les fiesches des ennemis: Qui præsidio esset capiti filii sut, et hostium tela repelleret.

  A002000294 

 » Et ailleurs, parlant de la Passion: « Si je la niois, » dit-il, « le Calvaire duquel nous sommes tous proches me convaincra, le bois de la Croix me convaincra, lequel des ici a esté espars en tout l'univers par petites pieces.

  A002000294 

 » Saint Chrysostome parle ainsy, et saint Cyrille de Hierusalem, parlant des tesmoignages de Jesus Christ: « Le bois de la Croix en tesmoigne, » dit-il, « qui apparoist entre nous jusques aujourd'huy, et entre ceux lesquelz, prenans d'iceluy selon la foy, en [83] ont rempli des ce lieu presque tout le monde.

  A002000295 

 Tout ceci se rapporte a ce que saint Paulin en dit plus expressement escrivant a Severe, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la piece de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte: « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piecettes et particules de ce bois sacré pour une grande grace de foy et benediction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matiere insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux desirs presque tous les jours infinis des hommes.

  A002000295 

 Voyla pas de grans tesmoignages de la vertu de la Croix? Tout le Christianisme en vouloit avoir en ce tems la, et Dieu, se monstrant favorable a ceste devotion, multiplioit le bois de la Croix a mesure que l'on en levoit des pieces; signe evident que l'Eglise de ce tems la avoit une autre forme que la reformation des novateurs..

  A002000333 

 « Heleine, » dit-il, « mere de Constantin le Grand, femme tres devote, nous a trouvé le sacré signe des Chrestiens.

  A002000340 

 Saint Paulin envoya une petite piece d'icelle a saint Sulpice pour la consecration d'une Eglise: « Nous avons trouvé, » dit-il, « dequoy vous envoyer pour la sanctification du temple, et pour combler la benediction des saintes reliques, c'est a sçavoir, une partie d'une petite piece du bois de la divine [88] Croix.

  A002000340 

 » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle eglise de Nole, une piece de la Croix avec les reliques des Saintz, dans le maistre autel, avec ces vers:.

  A002000370 

 Des Apostres, aussi reliques pretieuses,.

  A002000372 

 Cy la Croix, la les os des serviteurs de Dieu,.

  A002000376 

 Et saint Ambroise dit qu'Heleine fit sagement, laquelle leva la Croix sur le chef des roys, a fin que la Croix fut adoree es roys..

  A002000393 

 Ainsy saint Gregoire le Grand envoya a Recharet, roy des Visigotz, une particule de la Croix, comme un grand present.

  A002000393 

 Comme, de la memoire de nos peres, le roy des Abassins envoya par honneur un pareil present au roy Emmanuel de Portugal, par Matthieu, Armenien, son embassadeur, comme un gage de la fidelité de son alliance.

  A002000393 

 Parce que les Anciens estimoyent de beaucoup s'entre honnorer quand ilz se donnoyent les uns aux autres des pieces de la Croix par present, comme nous avons veu d'Heleine et de Constantin, de sainte Meleine et de Paulin et de Sulpice.

  A002000394 

 Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuans plusieurs noms honnorables: comme Heleine et saint Ambroise l'ont appellee « Estendart de salut, Triomphe de Jesus Christ, Palme de la vie eternelle, Redemption du monde, Espee par laquelle le diable a esté tué, Remede de l'immortalité, Sacrement de salut, Bois de verité; » saint Paulin l'appelle « Defense de la vie presente, gage de l'eternelle, chose de tres grande benediction; » Macaire, Evesque de Hierusalem, l'appelle « Bois bien heureux, Croix qui a esté pour la gloire du Seigneur; » Justinien l'Empereur, « sacrum Christianorum Signum: Signe sacré des Chrestiens; » et le grand saint Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle « Bois salutaire », et ailleurs, « Trophee du Roy Jesus; » Eusebe, « Bois tres heureux; » Lactance, « Bois venerable.

  A002000395 

 Quelques uns des anciens Peres ont estimé que ce mesme bois de la vraye Croix seroit reparé et comparoistroit au ciel le jour du jugement, selon la parole de Nostre Seigneur: Alhors apparoistra le signe du Filz de l'homme au ciel.

  A002000407 

 Et pour vray, « si la robbe et l'anneau paternel ou quelque semblable chose est d'autant plus chere aux enfans, » comme dit saint Augustin, « que l'affection et pieté des enfans vers leur pere est plus grande, » tant plus un Chrestien sera affectionné a l'honneur de Jesus Christ, tant plus honnorera-il sa Croix.

  A002000407 

 Saint Chrysostome proteste « que si quelqu'un luy donnoit les sandales et robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux [94] de son cœur »; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Redempteur? Et saint Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportee par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain gueri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise: quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit..

  A002000419 

 Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des Chrestiens, et que Justin le Martyr, au dialogue qu'il fit avec Triphon, appariant la Croix a la corne d'un licorne, semble la descrire en ceste sorte; et saint Irenee dit que « l'habitude ou figure de la Croix a cinq boutz ou pointes: deux en longueur, deux en largeur, une au milieu sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié.

  A002000419 

 Or, l'on a fait les images de la Croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté de la forme et figure de la vraye Croix: car les uns l'ont peinte comme un grand T latin ou grec, comme aussi se faisoit le Thau ancien des Hebreux, duquel saint Hierosme dit qu'il estoit fait en maniere de croix.

  A002000420 

 C'est ainsy que l'a descritte Pierius, et apres luy le docte Bellarmin et plusieurs autres des nostres, a quoy le traitteur s'accorde.

  A002000420 

 Outre cela, les Anciens ont quelquefois peint ou façonné sur la Croix d'autres choses, pour remarquer quelques misteres et moralités: car les uns courboyent le bout de la Croix en forme d'une crosse, pour representer la lettre P des Grecz, un peu plus bas ilz y mettoyent deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premieres lettres du nom de Christ, et un peu plus bas estoit le traversier de la Croix auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'Estendart de Jesus Christ.

  A002000433 

 Et sur trois autres portes de la mesme eglise estoyent peintes deux croix, deça et dela, sur lesquelles, outre les couronnes de fleurs, estoyent branchees des colombes, avec ceste devise:.

  A002000443 

 Qui sort des piedz, des mains, de la teste et du flanc.

  A002000463 

 Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parole de la Croix.

  A002000468 

 Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon, Tertullien avec Marcion, et saint Cyprien avec tous les Juifz, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la Croix: pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités, et en Jonas d'Orleans, en saint Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain.

  A002000468 

 Je remarque que les estendartz et enseignes se faisoyent jadis en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on voit aujourd'huy en nos gonfanons; tesmoin le Labare des Romains, et Tertullien en son Apologetique; si que le Serpent, estant mis sur un estendart, estoit par conséquent sur un bois traversier.

  A002000468 

 Que la proprieté des motz du texte ne porte aucunement que le Serpent fut eslevé sur une perche; aussi Sanctes Pagninus a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable et se rapporte mieux a ce qui estoit signifié.

  A002000469 

 Mais, pour m'accommoder au traitteur, il me suffira de parler des croix qui ont esté faittes en l'ancienne Eglise, dequoy il parle ainsy: « Les signes que lon faisoit au commencement n'estoient sinon avec le mouvement de la main appliquee au front ou remuee en l'air, n'ayant subsistance en matiere corporelle, de bois, pierre, argent, or, ou autres semblables.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000469 

 » J'admire ceste ignorance tant hardie: qui est celuy, tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise, les Gentilz reprochoyent de tous costés aux Chrestiens l'usage et veneration de la Croix? ce qu'ilz n'eussent jamais fait s'ilz n'eussent veu les Chrestiens avoir des croix.

  A002000469 

 » La ou cest autheur si clair voyant ne nie pas, mays confesse plustost, [104] que les Chrestiens adoroyent la Croix; ne mettant point autre difference entre les croix des Gentilz et les nostres, sinon en ce que les nostres estoyent nues et sans enrichissemens, et les leurs estoyent vestues de divers paremens..

  A002000470 

 » Justin donques confesse qu'en matiere de faire des croix, nous ne faisions rien moins que les Gentilz, quoy que ce fust avec diversité d'intentions, ce qu'il va déduisant par apres fort doctement et au long.

  A002000471 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin le Grand, au livre des Questions a Antiochus, fait ceste demande: « Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faisons des croix pareilles a la Croix de Christ, et que nous ne faisons point de remembrances de la sacree lance, ou du roseau, ou de l'esponge? car ces choses sont saintes comme la Croix mesme.

  A002000471 

 » A quoy il respond: « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois; que si quelqu'un des infidelles nous accuse que nous adorons le bois, nous pouvons aysement separer les deux pieces de bois, et gastans la forme de la Croix, tenans ces deux bois ainsy separés pour neant, persuader a cest infidelle que nous n'honnorons pas le bois, mais la figure de la Croix: ce que nous ne pouvons faire de la lance, du roseau et de l'esponge.

  A002000471 

 » Quelle apparence, donques, y a-il que Constantin ayt esté le premier qui a fait la Croix en matiere permanente? puysque saint Athanase confesse que tous les fidelles de ce tems la faisoyent des croix de bois et les [105] honnoroyent, et en parle comme de chose toute vulgaire et accoustumee.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000473 

 Constantin pour se rendre amy des Chrestiens fit dresser plusieurs croix; donques les Chrestiens de ce tems la aymoyent que l'on dressast des croix.

  A002000473 

 Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires? et comme pouvoit sçavoir Constantin que la maniere de flatter les [106] Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fideles, ni leur doctrine jugee Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage et que « c'est encor plus mal fait de le retenir; » ce sont les parolles mesmes du traitteur.

  A002000473 

 Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint Gregoire Nazianzene, que « la verité n'est point verité si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre precieuse perd son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plantast des croix, qui est une corruption, « levain et doctrine erronee, » a son dire.

  A002000474 

 Car Calvin, parlant de saint Irenee, Tertullien, Origene et saint Augustin, il dit « que c'estoit une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des Apostres jusques a leur tems il ne s'estoit fait nul changement de doctrine, ni a Rome ni aux autres villes; » et le traitteur mesme (ne sçachant ce qu'il va faisant), parlant du tems de saint Gregoire et reprenant la simplicité des Chrestiens d'alhors, il dit que « leurs yeux commençoient fort à se ternir et à ne voir plus gueres clair au service de Dieu.

  A002000474 

 Ce n'est pas peu, a mon advis, d'avoir gaigné ceste confession sur les ennemis des croix, que les Chrestiens il y a treize cens ans aymoyent et desiroyent que l'on dressast des croix; et ne sçai comme on pourra appointer ce traitteur avec Calvin et les autres novateurs, car luy dit d'un costé que du tems de Constantin il y avoit corruption en l'Eglise, et Calvin avec les autres tiennent que l'Eglise a esté pure jusques presque au tems de Gregoire le Grand.

  A002000474 

 En fin, a ce que je vois, ilz confesseront tantost que c'est du tems des Apostres que nostre Eglise a commencé..

  A002000474 

 » Voyes-vous comme il rapporte le commencement de leur pretendue corruption de la doctrine Chrestienne au tems de saint Gregoire? et neanmoins, quant a la Croix, il l'a rapportee aux Chrestiens qui vivoyent du tems de Constantin [107] le Grand, lesquelz il fait (et c'est la verité) grans amateurs de l'erection des croix, que puys apres il appelle corruption.

  A002000475 

 Aussi les habitans de Socotore, isle de la mer Erithree, qui ont esté et sont Chrestiens des le tems que saint Thomas y precha, entre les autres ceremonies catholiques ilz ont celle-ci, de porter ordinairement une croix pendue au col et luy porter grand honneur.

  A002000475 

 Elle estoit enfermee dedans un cercueil de pierre, sur lequel il y avoit certaine ancienne escriture gravee, laquelle, au rapport des plus expertz Brachmanes, contenoit le martyre du saint Apostre, et entre autres qu'il mourut baysant ceste croix-la, ce que mesme les gouttes de sang tesmoignent.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000481 

 Le traitteur, qui confesse le moins qu'il peut de ce qui establit la coustume ecclesiastique, apres avoir nié qu'avant le tems de Constantin il y eust des croix parmi les Chrestiens, en un autre endroit dit qu'au commencement, et mesme du tems de Theodose, « la Croix n'estoit « sinon deux bois traversans l'un l'autre, et n'y avoit « point de crucifix, et moins encores de vierge Marie, « comme depuis en quelques croix l'image du crucifix « est d'un costé, et celle de sa mere de l'autre.

  A002000482 

 Du despuys, un Juif print logis la dedans, et, sans avoir pris garde a ceste image, ayant invité un autre Juif a manger, il en fut extremement tancé, et quoy qu'il s'excusast de ne l'avoir pas veuë, il fut accusé et deferé comme mauvais Juif, ayant une image de Jesus de Nazareth; dont les principaux des Juifz, entrans dans la mayson ou estoit l'image, l'arracherent et la mirent en terre, puys exercerent sur elle toutes les semblables actions qui furent exercees sur Jesus Christ quand on le crucifia, jusques a luy bailler un coup de lance sur l'endroit du flanc.

  A002000482 

 Je ne sçay qui peut esmouvoir cest homme a faire ceste observation, car que peut-il importer que l'on ait fait des croix simples plustost que des images du Crucifix, puysqu'aussi bien c'est chose toute certaine qu'on ne dresse pas des croix sinon pour representer le Crucifix? mais avec cela, ceste observation est du tout fause, digne d'un homme qui mesprise l'antiquité.

  A002000482 

 Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en presence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportee au royaume d'Agrippa, ou se retirerent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains.

  A002000482 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin, escrit une histoire remarquable, de la malice enragee d'aucuns Juifz de la ville de Berite, lesquelz crucifierent une image tres ancienne de Jesus Christ qu'ilz avoyent trouvee parmi eux, en ceste sorte: Un Chrestien s'estoit logé en une mayson de louage, pres la synagogue des Juifz, et avoit attaché a la muraille vis a vis de son lict une image de Nostre Seigneur, laquelle contenoit en proportion la stature mesme d'iceluy.

  A002000484 

 Quand le grand Albuquerque faisoit fortifier Goa, ville principale des Indes orientales, comme l'on abattoit certaines maysons, on rencontra dedans une muraille une image du Crucifix, en bronze, par laquelle on eut tout a coup connoissance que la religion Chrestienne avoit jadis esté en ces lieux-la, quoy qu'il n'y en eust plus de memoire, et que ces Chrestiens anciens avoyent en usage l'image du Crucifix.

  A002000485 

 On mettoit bien anciennement des colombes sur la Croix et autour d'icelle, pourquoy n'y peut-on bien mettre une image de la Vierge ou de quelque autre Saint? J'en ay veu la ou, au dos de la croix, il y avoit des aigneaux pour représenter Nostre Seigneur qui a esté mis sur la Croix comme un innocent aignelet, ainsy qu'il est dit en Esaye; d'autres ou il y avoit d'autres images, non seulement de la Vierge, mays encor de saint Jean, saint Pierre et autres.

  A002000485 

 Ou bien il parle de quelques croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et lhors il aura grand tort de [113] vouloir tirer en consequence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix; car, a la verité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitee en l'Eglise; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000493 

 Ce que appercevant le traitteur, affin de rendre douteuse l'histoire de ceste grande apparition, il devise en ceste sorte: « Combien que les historiens Chrestiens parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces mots: Surmonte par ceci, si est-ce que Zosimus, historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté tres-exact recercheur des faits de Constantin, n'en a fait mention aucune.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000494 

 Or, quant a Zosimus, je ne sçai comme il l'ose produire en ceste cause ici contre tous les autheurs chrestiens; car premièrement, Zosimus est tout seul et ne peut point faire de pleine preuve; secondement, il ne nie pas ceste apparition mays seulement il s'en tait; tiercement, il est suspect, car il estoit ennemy de la Croix; quartement, encor qu'il fust exact rechercheur des faitz de Constantin, il ne l'estoit pas toutefois des merveilles de Dieu.

  A002000494 

 Qui ne sçait les sottises que les historiens payens, apres Tacitus et autres, ont imposees aux Chrestiens avec leur teste d'asne? Je vous laisse a penser s'ilz se sont espargnés a se taire en nos advantages et prerogatives, puysqu'ilz ne se sont pas espargnés a dire des fables et faire des contes pour honnir et vituperer le Christianisme.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000498 

 « Ces saintz jours, » dit-il, « de la sainte Pentecoste, environ l'heure de tierce, une tres grande croix formee de lumiere apparut au ciel sur la tres sainte montaigne de Golgotha, estendue jusques au saint mont d'Olivet, veuë non par une ou deux personnes, mais monstree tres clairement a tout le peuple de la cité; et non, comme peut estre quelqu'un penseroit, courant hastivement selon la fantasie, mais tout ouvertement reconneuë par plusieurs heures sur terre, avec des splendeurs brillantes surpassans les rayons du soleil, [120] car si elle eust esté surpassee par iceux, certes elle eust esté offusquee et cachee.

  A002000498 

 » Puys, poursuivant, il dit « qu'a cest aspect, tant les Chrestiens que les payens commencerent a louer Jesus Christ, et reconnoistre que la tres religieuse doctrine des Chrestiens estoit divinement tesmoignee du ciel par ce signe celeste, duquel, lhorsqu'il fut monstré aux hommes, le ciel s'en resjouissoit et glorifioit beaucoup.

  A002000498 

 » Sozomene en dit de mesme, et tesmoigne que la nouvelle fut incontinent espanchee par tout, par le rapport des pelerins qui, de tous les coins du monde, abordoyent en Hierusalem pour y faire leurs devotions..

  A002000499 

 Or l'evenement monstra que le dire des premiers estoit veritable..

  A002000499 

 Un jour, Julien l'apostat regardant les entrailles d'un animal pour faire quelque devination en icelles, luy apparut une croix environnee d'une couronne; dont partie des devins tout espouvantés disoyent que, par la, l'on devoit entendre l'accroissement de la religion Chrestienne et son eternité, d'autant que la Croix estoit le signe du Christianisme, et la couronne estoit signe de victoire et d'eternité; encores parce que la figure ronde n'a ni commencement ni fin, mais est par tout conjointe en elle mesme.

  A002000500 

 L'horreur d'un si terrible accident s'espancha par toute la ville, de façon que de tous costés plusieurs vindrent sur le lieu voir que c'estoit; et voicy que les merveilles redoublans, un grand feu sortit de la terre, lequel s'attachant aux preparatives faites pour le Temple et aux outilz des ouvriers, ne cessa point qu'il ne les eust consommés a la veuë de tout le peuple.

  A002000500 

 Plusieurs des Juifz espouvantés confessoyent que Jesus Christ estoit le vray Dieu, et neanmoins demeuroyent tellement saisis de la vieille impression de leur religion, qu'ilz ne la quitterent point.

  A002000500 

 Si survint un troisiesme miracle; car la nuit ensuivant apparurent des croix de rayons lumineux sur les vestemens de tous les Juifz, lesquelz, tant ilz estoyent obstinés, voulans effacer le lendemain ces saintes images de leurs habitz par lavement et autres moyens, il ne leur fut onques possible, et par la plusieurs se firent Chrestiens; mays outre tout cela, un grand cercle apparut au ciel, dedans lequel estoit une croix tres resplendissante.

  A002000500 

 Une autre fois, le mesme Julien voulant que les Juifz sacrifiassent, ce qu'ilz ne vouloyent faire sinon au lieu du Temple ancien de Hierusalem, il se delibera de le leur faire dresser, contribuant des grandes sommes du thresor imperial; et ja les materiaux estoyent apprestés pour rebastir, quand saint Cyrille, Evesque de Hierusalem, predit que l'heure estoit arrivee en laquelle seroit verifiee la prophetie de Daniel, repetee par Nostre Seigneur en son Evangile, a sçavoir, que pierre sur pierre ne demeureroit au temple de Hierusalem: dont la nuit ensuivant, la terre trembla si fort en ce lieu-la, [121] que toutes les pierres de l'ancien fondement du Temple furent dissipees ça et la; et les materiaux ja preparés, avec les edifices prochains, tous fracassés.

  A002000501 

 Je pourrois produire les autres apparitions que le docte Bellarmin apporte, comme celle qui se fit en l'air quand l'empereur Arcadius combattoit contre les Perses pour la foy Catholique, en quoy il fut aydé divinement; comme aussi celle des croix qui apparurent sur les vestemens au tems de Leon Iconomache, lhors que les heretiques exerçoyent leur rage sur les images; et quelques autres semblables desquelles les autheurs font mention: mays ce que j'en ay dit jusques a present suffit pour ce qui touche l'antiquité; qui en voudra voir davantage, qu'il lise le livret d'Alphonse Ciacone De signis sanctæ Crucis.

  A002000502 

 De nostre tems, lhors que le grand capitaine Albuquerque estoit du costé de l'isle Camarane, une grande croix pourpree et tres resplendissante apparut au ciel du costé du royaume des Abassins, laquelle fut veuë par toute l'armee des Portugois qui estoit en ces contrees la, avec une incroyable consolation; et dura l'apparition quelque piece de tems, jusques a tant qu'une blanche nuee la cacha aux yeux de ceux qui, pleurans de joye, ne se pouvoyent saouler de voir ce saint et sacré signe de nostre Redemption.

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000504 

 Quand Albuquerque reprit la ville de Goa, les infideles [123] demandoyent tres curieusement aux Portugois, qui pouvoit estre ce brave capitaine qui portoit une belle croix doree et des armes resplendissantes, lequel avoit fait un si grand massacre que les grandes trouppes des Mahometains avoyent esté contraintes de ceder a la petitesse des Chrestiens.

  A002000505 

 L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000513 

 Mais cependant ils n'attribuoient rien à la seule Croix ou au seul signe d'icelle, car Constantin faisoit recognoissance de la victoire à lui advenue, non à la [126] Croix, ains à Christ; car aussi il fit escrire sur les croix, par lui erigees, ces trois mots: Jesus Christ surmonte; tant s'en faut qu'il ait fait des prieres à la Croix: et Helene adora le Roy et non le bois; car c'eust esté un erreur Payen et vanité meschante, dit sainct Ambroise.

  A002000520 

 Mays le pauvre homme n'arreste gueres en ceste demarche; il a dit ceci pour amuser son lecteur, et quand ce vient au joindre, il renverse tout ce qu'il avoit establi piece apres piece, et va sans jugement contredire a tout ce qu'il avoit dit, avec des miserables exceptions et limitations..

  A002000521 

 Ainsi jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui se passoient devant notaires publics devoient avoir le signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejettons pas l'usage de la Croix materielle.

  A002000521 

 Il avoit dit qu'en tous lieux et toutes choses on pouvoit apposer la Croix comme une marque honnorable; maintenant, pour se desdire honnestement, il partage toutes les choses en deux, en politiques et non politiques, et puys limite la generale proposition que la Croix doit seulement estre apposee es choses politiques: « S'il est question, » dit-il, « que nous conversions parmi les Juifs ou Mahumetistes, nous pouvons porter nos enseignes et armes croisees pour monstrer ouvertement aux infideles que nous sommes Chrestiens, et que nos adversaires sont infideles et mescreans; ainsi peut-on graver la Croix en la monnoye, pour monstrer qu'elle est battue au coin d'un Prince Chrestien; ainsi la Croix peut estre mise és portes des villes, chasteaux et maisons pour monstrer haut et clair que les habitans de tels lieux font profession de Chrestienté.

  A002000524 

 Il avoit dit que les Anciens apposoyent la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ, et bien tost apres il fait dire aux mesmes Anciens, par la bouche d'Arnobe, ces paroles: « Nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000526 

 « Paula, » comme parle saint Hierosme, « visita tous les lieux saintz avec telle ardeur qu'elle [129] ne pouvoit estre retiree des premiers, n'eust esté le desir qu'elle avoit de voir le reste; prosternee donq devant la Croix, elle adoroit la comme si elle y eust veu le Seigneur attaché et pendant; entree dedans le sepulchre, elle baysoit la pierre de la resurrection laquelle l'Ange avoit roulee arriere de l'huis, elle lechoit d'une bouche fidelle, comme des eaux infiniment desirees, la place du cors, en laquelle gisoit le Seigneur; » tesmoignage certain que la Croix luy representoit le Crucifié.

  A002000527 

 Et du viel tems, lhors que l'on renversa en Alexandrie les idoles de Seraphis plantees par toutes les portes, fenestres, posteaux et murailles, on mit en leur place le signe de la Croix, au recit de Ruffin, et lhors fut verifié ce qu'Esaye predit: En ce jour-la, l'autel du Seigneur sera au milieu de la terre d'Egypte, et le tiltre du Seigneur pres le terme d'icelle, et sera en signe et en tesmoignage au Seigneur Dieu des armees en la terre d'Egypte.

  A002000554 

 Et portant le pardon general des forfaitz.

  A002000563 

 Aussi peu en ont-ilz es rondeaux et assemblees des mondains, et moins parmi les rangz des moynes..

  A002000563 

 C'est une grace merveilleuse; aucun ne se confond, aucun n'a honte pensant que ç'a esté une marque de mort maudite, mays chacun se pare d'icelle beaucoup plus que des couronnes, des diademes, ou de plusieurs carquans et doreures esmaillees de pierreries.

  A002000563 

 Et non seulement on ne la fuit pas, mays est desiree et aymee, chacun en fait conte, elle reluit par tout et est eparse es murailles des maysons, aux sommetz, es livres, es cités, es rues, es lieux habités et inhabités.

  A002000563 

 La coustume donques estoit d'avoir des croix es eglises, et sur tout des que l'Empire fut chrestienné sous Constantin, car au paravant on n'en avoit pas si grande commodité.

  A002000563 

 Mais des-lhors que l'Eglise fut delivree des tyrannies, on vit la Croix par tout celebree « es maysons, es places, es solitudes, [134] es chemins, es montaignes, es vallees, en la mer, es navires, es isles, es lictz, es vestemens, es armes, aux chambres et couches nuptiales, es banquetz, es vases d'argent et d'or, es margarites, es peintures des murailles, es cors des animaux malades, es cors possedés par les diables, es guerres, en paix, es jours, es nuitz, es assemblees des delicatz mondains, es rangz des moynes, tant chacun va a l'envy d'avoir ce don admirable pour soy.

  A002000563 

 » C'est le dire du grand saint Chrysostome qui, pour vray, n'eust pas eu a faire un si grand denombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employee, si de son tems l'Eglise eust esté formee sur le patron de la reformation des huguenotz. Pourroit-on bien dire de Geneve, la Rochelle et autres telles villes ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix erigee ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz: au contraire, on les a renversees, effacees autant que l'on a peu.

  A002000564 

 Ce n'est pas donq de nostre aage ni des hier que les choses sont allees si avant que la Croix a esté mise es temples, comme semble vouloir dire le traitteur.

  A002000570 

 Il faut que je die mon opinion de l'intention de saint Chrysostome quand il dit que « la Croix estoit celebree es rondeaux et demarches des delicatz mondains et es rangz des moynes: In choreis delicatorum et monachorum ordinibus »; cela ne me destourne point de mon chemin.

  A002000570 

 Je crois qu'il entend parler des processions des seculiers, et des moynes, tant parce que la proprieté des motz dont il use m'invite a ceste intelligence, qu'aussi parce qu'anciennement et notamment de son tems, on portoit les croix aux processions.

  A002000570 

 Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, Dimanche et Samedi; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces delicatesses exterieures sans sonder le merite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable [137] maniere de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpasserent en ceci les heretiques, non seulement en nombre, mais en appareil; car les images et enseignes de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flambeaux allumés, et l'eunuque de l'Imperatrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et himnes: c'est Sozomene qui fait ce recit ici.

  A002000570 

 On portoit donq de ce tems la des croix d'argent et des flambeaux allumés aux processions..

  A002000571 

 Qu'advint-il? La contagion environne de toutes pars la cité, mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé: saint Gregoire de Tours, qui vivoit il y a pres de mill'ans, en est mon autheur.

  A002000571 

 Une grande peste pressoit un jour l'Allemaigne, tout le voysinage en estoit espouvanté; les habitans de Reims en Champagne recourent a Dieu avec l'intercession de saint Remy, prennent un parement du sepulchre d'iceluy, allument force cierges et flambeaux, avec des croix font une procession solemnelle et generale par tous les coins de la ville, chantans des himnes et cantiques sacrés.

  A002000572 

 Ainsy elle reluit en la Table sacree, ainsy en l'ordination des prestres, ainsy encor de rechef es Cenes mistiques avec le Cors de Jesus Christ; on la void celebrer par tout... » Qui ne void donq combien expressement saint Augustin et saint Chrysostome tesmoignent que la Croix estoit employee a tout, et sur tout es choses saintes et sacrees, qui n'estoyent pas estimees pour telles si elles n'estoyent signees de la Croix.

  A002000572 

 Ce signe est un rempart pour les amis et une defense contre les ennemis; par le mistere de ceste Croix les ignorans sont catechisés, par le mesme mistere la fontaine de la regeneration est consacree, par le mesme signe de la Croix les baptisés reçoivent les dons de grace; par l'imposition des mains avec le caractere de la mesme Croix on dedie les basiliques, on consacre les autelz, on parfait les Sacremens de l'autel; avec l'entremise des parolles du Seigneur, les prestres et levites sont par ce mesme promeuz aux Ordres sacrés, et generalement tous les Sacremens ecclesiastiques sont parfaitz en la vertu d'iceluy.

  A002000572 

 Partant, portons avec grande affection la Croix au dedans des maysons et es murailles (vous voyes qu'il parle du signe et image de la Croix), et es fenetres, et au front encores, et en l'esprit, car cela est le signe de nostre salut... » Et peu apres, parlant encores de la Croix, il dit ainsy: « Laquelle il ne faut pas simplement former avec le doigt au cors, mays premierement en l'esprit avec une grande foy; car si tu l'imprimes en ceste sorte en ta face, pas un des meschans demons, voyant la lance par laquelle il a receu la playe mortelle, ne t'osera attaquer.

  A002000572 

 « En fin, » dit-il, « qui est le signe de Jesus Christ que chacun connoist, sinon la Croix de Jesus Christ? lequel signe s'il n'est appliqué ou au front des croyans, ou a la mesme eau par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile par lequel ilz sont chresmés, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela ne se parfait a droit.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui representent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile? Si un evesque trouvoit dans quelque eglise de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de dechirer et rompre telle image? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes?.

  A002000575 

 Que ceste derniere piece d'epistre, citee par le traitteur, n'est aucunement de saint Epiphane, ains un agencement estranger; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste piece est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Iconoclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Peres, et nommement de saint Epiphane, ainsy qu'il est deduit au second Concile de Nicee, ne produisirent jamais ceste piece de l'epistre traduitte par saint Hierosme.

  A002000576 

 Mays qui voudra voir quelque chose de plus, touchant ces deux objections, qu'il lise ceux qui ont traitté la controverse des images.

  A002000581 

 L'Eglise estoit pure, selon la confession des Reformateurs, les cinq cens premieres annees, et, s'il faut croire le traitteur, les yeux des Chrestiens commencerent seulement « à se ternir et à ne voir plus guere clair au service de Dieu » au tems de saint Gregoire Pape.

  A002000581 

 Or ces grans personnages vivoyent en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, et que si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des Apostres on en trouvera une observation perpetuelle, ilz se sont tenuz en la regle de saint Augustin qui porte, que « l'on croit tres justement que ce que l'Eglise universelle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique.

  A002000581 

 » Le second Concile de Nicee, ayant parlé de l'honneur de la Croix et des images, conclud en ceste maniere: « Celle-ci est la foy des Apostres, celle-ci est la foy des Peres.

  A002000582 

 Eusebe tesmoigne qu'avant que Constantin donnast la bataille contre Licinius, il se retira hors le camp au tabernacle ou pavillon de la Croix avec quelque nombre des plus devotz qu'il trouva pres de soy, et ce pour prier Dieu et se recommander a sa misericorde, ce qu'il avoit accoustumé de faire en toutes semblables occasions.

  A002000582 

 Saint André, son aysné, ne se pouvoit saouler de saluer et caresser la croix en laquelle il devoit estre pendu, tant il s'estimoit honnoré de mourir de ceste mort-la, selon le tesmoignage des prestres d'Achaïe au livret qu'ilz firent de son martyre.

  A002000582 

 « D'autant, » dit-il, « que la Croix est honnorable et finie; elle est finie quant a la peyne, mays elle demeure en gloire, et des lieux des supplices elle est passee sur le front des Empereurs.

  A002000582 

 » Aussi le traitteur confesse que les meschans eussent esté « honorez par tel supplice, » dont le bienheureux Prince des Apostres, saint Pierre, devant estre crucifié, pria que ce fust les piedz contre-mont s'estimant indigne d'estre crucifié en mesme maniere que son Maistre, comme [149] dit saint Hierosme, et saint Dorothee le touche.

  A002000616 

 La pourpre des Romains humblement estendue,.

  A002000620 

 A ceste coustume des Empereurs se rapporte l'advertissement que saint Remy fit au roy Clovis:.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000637 

 Le traitteur, non content d'avoir dit en general qu'il ne faut venerer la Croix ni la dresser a aucun usage religieux, se jette a faire des reproches a l'Eglise sur certaines particulieres actions d'honneur qui se font a la Croix, lesquelles, selon son souverain advis, ne sont autres qu'idolatries et forceneries.

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000650 

 De Beze luy avoit ouvert le chemin en ses Marques de l'Eglise, que ce grand esprit de Sponde luy a si bien effacees qu'il m'eust osté l'ennuy de respondre en ce point, si Dieu ne l'eust voulu lever des ennuys de ce monde avant que son œuvre fust achevee.

  A002000651 

 Ilz trouvent mauvais que l'on parle a la Croix, qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puysqu'elle n'a ni sentiment ni entendement; mais a ce conte il se faudroit moquer des saintz Prophetes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensibles: O Cieux jettes la rosee d'en haut, et que les [156] nues pleuvent le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur; O cieux, oyes ce que je dis; J'invoque a tesmoins le ciel et la terre; Benisses, soleil et lune, le Seigneur; Loues-le, soleil et lune; Qu'as-tu, o mer, qui te fasse fuir, et toy, o Jordain, que tu sois retourné arriere? Saint André ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit estre crucifié qu'il s'escrie saintement: « O bonne Croix qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems desiree, soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin preparee a mon esprit desireux, reçois-moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté.

  A002000651 

 » Ce sont des façons ordinaires aux ames vivement esprises de quelque affection.

  A002000651 

 » La devote Paula, entree dans l'estable ou Nostre Seigneur nasquit, avec des larmes entremeslees de joye, souspiroit en ceste sorte: « Je te salue, o Bethleem, mayson de pain, en laquelle est né ce Pain qui est descendu du ciel; je te salue Ephrata, region tres fertile et porte fruit, de laquelle Dieu est la fertilité.

  A002000656 

 qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus anciens Peres pour garantz? La rosee qu'Esaye demande aux cieux, n'est autre que le Sauveur; et David demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pecheurs..

  A002000657 

 Ceste priere, donques, « Donne aux bons accroist de justice », n'a que le son exterieur des paroles qui va a la Croix, le sens et l'intention se rapporte du tout au Crucifix.

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000658 

 Or veut-il faire passer ceste calomnie sous corde, parce que bien souvent les libraires joignent avec les Heures en un mesme volume plusieurs traittés et oraisons, bien souvent mal a propos, sans congé ni rayson; mays luy qui ose bien censurer les œuvres de saint Augustin, et en rejetter plusieurs pieces comme n'ayans le style et la gravité assortissante aux autres, quoy qu'elles soyent comprises sous le mesme tiltre, n'a-il pas conneu que ces rimes françoises et autres telles oraisons ne sont pas des appartenances de l'office et des Heures de Rome? Il est sot s'il ne l'a consideré, il est imposteur s'il l'a consideré.

  A002000659 

 Autant en dis-je de la devotion dont se servent aucuns la Semaine Sainte, et les vendredis blancz, que le traitteur avance et tasche de noircir; ce sont observations dignes de luy, et ne touchent aucunement l'Eglise Catholique, car ces devotions n'ont aucune authorité publique, ni ne sont jointes aux Heures comme [160] parties d'icelles; nos calendriers approuvés ne font mention ni des vendredis blancz ni des vendredis noirs.

  A002000666 

 Quelz tiltres veulent-ilz lever a la Croix? Je crois que voici ceux qui les faschent le plus: Remede salutaire du genre humain, redemption des ames, tres adorable, plus sainte que tout, nostre unique esperance.

  A002000666 

 Qui ne sçait que les plus saintz et anciens Peres de l'Eglise l'ont ainsy appellee? Saint Chrysostome, en une seule [163] homelie, luy baille passé cinquante tiltres d'honneur, et entre autres il l'appelle « esperance des Chrestiens, resurrection des mortz, chemin des desesperés, triomphe contre les diables, pere des orphelins, defenseur des vefves, fondement de l'Eglise, medecin des malades.

  A002000666 

 » Quel reproche nous peut-on faire si nous parlons le langage de nos peres et de nostre mere? C'est aux heretiques nourris hors de la patrie et mayson, de produire des motz nouveaux et de trouver estrange le langage des domestiques.

  A002000666 

 » Saint Ephrem l'appelle « pretieuse et vivifiante, vainqueresse de la mort, esperance des fidelles, lumiere de l'univers, huissiere du Paradis, exterminatrice des heresies, fermeté de la foy, grande et salutaire defense et gloire perpetuelle des bien sentans et leur rempart inexpugnable: » ce dernier tiltre luy est encor baillé par le grand saint Antoyne.

  A002000667 

 C'est une sotte subtilité de tant disputer des motz quand il appert de la bonté de l'intention; la regle est generale qu'il les faut entendre selon la capacité du sujet dont il est question, secundum subjectam materiam: il est force que les choses s'entreprestent leurs noms les unes aux autres, car il y a plus de choses que de motz, mays c'est a la charge qu'ilz ne soyent appliqués que selon l'estendue et valeur des choses pour lesquelles on les employe.

  A002000667 

 Ces espritz clair voyans qui adorent Dieu au second ordre des Anges sont appellés Cherubins, et leurs images sont appellees Cherubins; voyla un mesme mot, mays les choses sont differentes.

  A002000667 

 Dieu envoya son Filz affin que le monde fust sauvé par iceluy; saint Paul fut fait tout a tous affin qu'il sauvast tous: voyla des parolles bien pareilles quant a l'escorce, mays leur sens est bien different l'un de l'autre.

  A002000667 

 Je dirois volontiers qu'ilz sont comme les chiffres zero, qui ne valent sinon a mesure des nombres qui les precedent; les noms aussi n'ont leur signification qu'a proportion de l'intention avec laquelle on les produit, comme les robbes plissees qui sont larges et estroittes selon le cors sur lequel elles sont mises.

  A002000667 

 La Croix est un remede salutaire, redemption des ames, tres adorable, nostre unique esperance, plus sainte que tout; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut; qui l'entendroit comme du Redempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et incapable..

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000668 

 Et a ce propos, quand j'ay veu Illyricus ou Simon Goulart, au Catalogue des tesmoins de leur verité pretendue, apres avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire: Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatæ rei convenit tribuens; ista vero postea pontificii non sine blasphemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt; [166] c'est a dire: « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui convient a la chose signifiee, mais par apres les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blaspheme et idolatrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la vehemence de ceste passion qui ne permet aux novateurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome.

  A002000669 

 En fin ce seroit bien en cest endroit ou auroit lieu la distinction tant prechee par le traitteur, de la croix tourment et de la croix instrument de tourment, car bien souvent, louant la Croix, on n'entend pas parler du seul bois ou signe de sa Croix, ains encores des tourmens et peynes que Nostre Seigneur a souffertz.

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000671 

 » Sozomene tesmoigne que Constantin le Grand, long tems avant saint Chrysostome, « a veneré le jour du Dimanche comme celuy auquel Jesus Christ ressuscita des mortz, et le Vendredi comme celuy auquel il fut crucifié; car il porta beaucoup d'honneur a la sainte Croix, tant pour le secours receu par la vertu d'icelle en la guerre contre les ennemis, qu'aussi pour la divine vision qu'il eut d'icelle.

  A002000673 

 Il n'y a rien de si grave et bienseant dequoy Democrite ne rie, rien de si ferme dequoy Pyrrho ne doute; la temerité de l'heretique, qui n'a ni front ni respect mays tient ses conceptions pour des divinités, se rit et mocque de toutes choses: qui des ceremonies, qui des paroles, qui du Purgatoire, qui de la Trinité, qui de l'Incarnation, qui du Baptesme, qui de l'Eucharistie, qui de l'Epistre de saint Jaques, qui des Machabees, et tous avec une esgale asseurance; ilz sont assis sur la chaire pestilente de mocquerie, leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours..

  A002000673 

 J'ay donq asses deschargé l'Eglise des inepties et paroles idolatriques que le traitteur luy vouloit imposer.

  A002000679 

 Entre autres, en la bataille qu'il gaigna sur Maxence, il reconneut que Dieu l'avoit tres favorablement assisté par l'enseigne de la Croix; car estant de retour d'icelle, apres qu'il eut rendu graces a Dieu, il fit poser des escriteaux et colomnes en divers endroitz, esquelz il declairoit a un chacun la force et vertu du signe salutaire de la Croix; et, particulierement, il fit dresser au fin milieu d'une principale place de Rome sa statue tenant en main une grande croix, et fit inciser en caracteres [172] qui ne se pouvoyent effacer ceste inscription latine:.

  A002000687 

 Ce ne sont pas des contes de quelque vieille; Constantin asseura Eusebe de tout ceci, et Eusebe l'a despuys escrit, duquel j'ay presque suivi les propres paroles.

  A002000687 

 Ce qu'ayant entendu l'Empereur, s'il voyoit quelque partie de son armee s'affoiblir et allanguir en quelque endroit, il commandoit que l'on y logeast ceste enseigne salutaire comme un secours asseuré pour obtenir victoire, par l'ayde de laquelle la victoire fut soudainement acquise, d'autant que les forces des combattans, par une certaine vertu divine, estoyent beaucoup affermies.

  A002000687 

 Et partant on deputa cinquante soldatz des plus entenduz et vaillans qui accompagnoyent ordinairement l'estendart pour le prendre et porter tour a tour.

  A002000687 

 Un de ces porte-enseigne, se trouvant emmi une aspre et forte escarmouche, fut si poltron qu'il abandonna ce saint drapeau, et le remit a un autre pour se pouvoir sauver des coupz; il ne fut pas plus tost hors de la meslee et sauvegarde de la sainte enseigne, que le voyla transpercé d'une javeline au milieu du ventre, dont il meurt sur le champ.

  A002000688 

 Le roy Oswald, devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armee, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites buches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans l'eau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, et soudain ilz estoyent gueris; Bothelmus, religieux [174] d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut gueri: Bede le Venerable est mon autheur.

  A002000689 

 Ainsy saint Chrysostome raconte que de son tems on marquoit de la Croix les maysons, les navires, les chemins, les lictz, les cors des animaux malades, et ceux qui estoyent possedés du diable, « tant chacun tire a soy, » dit-il, « ce don admirable.

  A002000689 

 Les habitans d'une certaine ville du Japon, ayans apprins par l'experience et par les Portugois qui y estoyent que la Croix servoit de grand remede contre les diables, firent dresser des croix en presque toutes leurs maysons, avant mesme qu'ilz fussent Chrestiens, au rapport du grand François Xavier.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000689 

 » « Peignons la Croix en nos portes, » disoit [175] saint Ephrem, « armons-nous de ceste armeure invincible des Chrestiens, car a la veuë de ceste enseigne les puissances contraires estans espouvantees se retirent.

  A002000691 

 Or est-il certain que de cent mille croix il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme l'effect le monstre et les histoires des exorcistes le conferment.

  A002000691 

 Que si on demandoit encores pourquoy ilz avoyent ceste honnorable conception de ceste robbe-la plustost que des autres, sans doute que c'est parce qu'elle appartenoit a Nostre Seigneur.

  A002000691 

 Si donq on me demande pourquoyj'honnore l'image de la Croix, j'apporteray ces deux raysons: parce qu'elle est une remembrance de Jesus Christ crucifié, et parce que Dieu fait bien souvent des merveilles par icelle, comme par un outil sacré; mais la premiere rayson est la principale et sert de rayson a la seconde, car la Croix ne represente pas la Passion parce que Dieu fait miracles par icelle, mais au contraire Dieu se sert plustost de la Croix pour faire des miracles que de plusieurs autres choses, parce que c'est l'image de sa Passion.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Ainsy Constantin vit autour de la seule croix qui lui apparut au ciel ces motz: Surmonte par ce signe; mais cela ne s'entendoit pas seulement de la [180] croix particuliere qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles.

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000693 

 Au demeurant, quand le traitteur allegue les histoires des exorcistes, je ne sçay ou il a l'esprit; car puysque ainsy est, que de chasser les diables est une marque qui suit les croyans et l'Eglise, et que parmi les Reformeurs il ne se voit ni exorciste ni aucune guerison de demoniaques, il devroit meshui reconnoistre ou est la vraye Eglise: or cela est hors de nostre sujet.

  A002000693 

 C'est grand cas que cest homme trouve estrange que nos exorcistes ne chassent pas tous-jours les diables des cors, et ne voudroit pas qu'on [181] trouvast estrange que les ministres n'en chasserent jamais un seul.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000699 

 » Icy joignent les exhortations que l'ancien Origene et saint Ephrem, avec plusieurs autres, font pour recommander l'usage de la Croix; et partant, dit le premier: « Levons joyeux ce signe sur nos espaules, portons ces estendars des victoires; les diables les voyans, trembleront.

  A002000699 

 » « Peignons, » dit le second, « ce signe [184] vivifique en nos portes; » fichons et gravons, dit saint Chrysostome, « avec grand soin la Croix au dedans des maysons, es murailles, es fenestres.

  A002000700 

 Si est-ce, dit le petit traitteur, que « ces mots expres se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens comme s'ils eussent honoré la Croix: nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000700 

 » Je viens de rencontrer ceste mesme objection en Illyricus au livre X du Catalogue des tesmoins de la verité pretendue, qui est, ce me semble, le lieu ou ce traitteur l'a puisee; mays il ne la couppe pas du tout si courte que cestuy-cy.

  A002000700 

 » Or je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contrarieté, que ce que le petit traitteur applique aux croix [185] materielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise: l'un ne veut confesser ce qui est presupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matiere subsistante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer.

  A002000701 

 « Arnobe, » dit Illyricus, « vivoit environ l'an 330 »: environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint Anthoine, saint Hilarion, Lactance Firmien; un peu auparavant vivoyent Origene, Tertullien, Justin le Martyr; un peu apres, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem: Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chrestiens, et les rend adorables a ses soldatz; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remede contre les diables; saint Hilarion l'employe contre les desbordemens de la mer; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte Croix; Tertullien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr; saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi; saint Ambroise asseure qu'en [187] ce signe de Jesus Christ gist le bon heur et prosperité de tous nos affaires; saint Hierosme loüe Paula prosternee devant la Croix; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employee en tout ce qui concerne nostre salut: n'ay-je pas donq rayson de dire ce que saint Augustin dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques: Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tot taliumque sententiis collegarum ejus opponere, eumque ab illorum concordissima societate sejungere et eis adversarium constituere? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer ces paroles d'Arnobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collegues, et le separer de leur tres accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust aucunement ni desiree ni honnoree, il desmentiroit tous les autres; si au contraire les autres Peres vouloyent que la Croix fust desiree et honnoree de toute sorte d'honneur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue.

  A002000702 

 Arnobe, visant a l'intention des accusateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire: « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les honnorons; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon le sens de vostre accusation.

  A002000702 

 Il arrive souvent de respondre plus a l'intention qu'aux paroles, et c'est la rayson de bailler plustost tout autre sens a la parole d'un homme de bien, que de le luy bailler faux et menteur, tel que seroit celuy d'Arnobe s'il contredisoit au reste des autheurs anciens..

  A002000703 

 Je sçay qu'en peu de parolles on pouvoit respondre que quand Minutius a dit, cruces nec colimus nec optamus, il entendoit parler des fourches et gibbetz, mais l'autre response me semble plus naïfve..

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000704 

 Arnobe donques luy mesme, sur le Pseaume LXXXV, interpretant ces parolles, Fac mecum signum in bonum, il introduit les Apostres parlans ainsy: « Car iceluy Seigneur ressuscitant et montant au ciel, nous autres ses Apostres et [190] Disciples aurons le signe de sa Croix a bien avec tous les fidelles, si que les ennemis visibles et invisibles voyent en nos frontz ton saint signe et soyent confonduz, car en ce signe-la tu nous aydes, et en iceluy tu nous consoles, o Seigneur, qui regnes es siecles des siecles.

  A002000708 

 L'eschappatoire ordinaire des huguenotz, de demander quelque passage expres en l'Escriture pour recevoir quelque article de creance, semble demeurer encor en main au traitteur, car il me dira: Ou est-il dit qu'il faille honnorer les images de la Croix et qu'elle ait les vertus que vous luy attribues? J'ay des-ja respondu au commencement du premier Livre, mays maintenant je dis, premierement, qu'on n'est pas obligé de faire voir expres en l'Escriture commandement de tout ce que l'on fait.

  A002000709 

 L'honneur de ceste vaine, frivole et legere marque est receu en l'Escriture; combien plus l'honneur des images permanentes et solides, comme est la Croix?.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 Et estant advenu qu'alors le peuple lui faisoit des encensemens, c'est à dire l'adoroit, quoi qu'il eust esté fait par Moyse et eust esté conservé par l'espace de 735 ans, Ezechias le rompit et brusla.

  A002000710 

 chap. des Nombres ne doit estre passé legerement, car s'il y a exemple qui rabbate formellement et fermement l'abus commis touchant la Croix, c'est celui du serpent d'airain.

  A002000712 

 II. Vous dites que le commandement de faire ce Serpent d'airain a esté une dispense du commandement prohibitif de faire images; donques, de faire des images n'est pas idolatrie, ni les images ne sont pas idoles, car l'idolatrie est mauvaise en toute façon et est impossible qu'elle puisse estre loysible, « d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien.

  A002000712 

 » Dieu donques n'eust jamais dispensé pour faire des images si cela eust esté idolatrie, sinon que Dieu peust dispenser pour estre renié.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 En bonne foy, faire ce Serpent estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? vous le dites ainsy; or, la jouissance des dispenses doit estre limitee par le tems et la condition pour laquelle on l'accorde, car la cause estant ostee il ne reste plus d'effect: le peuple donq, estant arrivé sain et sauve en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder ceste image, puysque la cause de la dispensation estoit ostee: partant, confesses que ceste image demeura honnorablement parmi le peuple, sans aucune parole de Dieu escritte, [197] un grand espace de tems.

  A002000713 

 Item, que n'ayant esté dressé (quant a ce que porte le seul texte de l'Escriture) sinon affin qu'il fust remede a ceux qui estoyent morduz des serpens au desert, il ne laissa pas d'estre soigneusement conservé en la terre de promission parmi le peuple d'Israël, avec une honnorable memoire, l'espace d'environ 735 ans, comme vous dites.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Ceux qui nous reprochent les idolatries ne sont pas des Ezechias, ce sont les racleures du peuple et des monasteres, gens passionnés qui osent accuser d'adultere la Susanne que le vray Daniel a mille fois prononcee innocente [200] en la Sainte Escriture.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000721 

 Cependant les [202] Chrestiens, qui ne trouvent point l'image en sa place, vont suivans la trace du sang respandu des l'Eglise jusques dans la mayson ou elle estoit cachee; elle fut rapportee en son lieu, et le larron lapidé.

  A002000721 

 Consalve Fernand escrit en une sienne lettre que les Chrestiens avoyent dressé une croix sur un mont du Japon; trois des principaux Japonois la vont coupper; ilz n'ont pas plus tost achevé que, commençans a s'entrebattre, deux demeurent mortz sur la place et ne sçeut-on onques que devint le troisiesme..

  A002000722 

 Ces gourmans commencent a gausser et railler, a la reformee, disans qu'aucun ne les voyoit; puys se retournans vers l'image du Crucifix, « Peut estre, » disoyent-ilz, « marmozet, que tu nous accuseras, garde d'en dire mot, marmozet », et jettoyent des pierres contre icelle, avec un monde de telles parolles injurieuses.

  A002000723 

 Ainsy les Juifz, Turcz, apostatz et semblables canailles, ne pouvans offenser Nostre Seigneur en sa personne (car, comme dit nostre proverbe, la lune est bien gardee des loupz), ilz se sont ordinairement addressés a ses images.

  A002000723 

 Julien l'Apostat leva du Labare ou estendart des Romains la croix que Constantin y avoit fait former, a fin d'attirer les gens au paganisme; ceste mesme haine qu'il portoit a nostre Sauveur le poussa a cest autre dessein: Eusebe escrit que la femme qui fut guerie au toucher de la robbe de Nostre Seigneur, fit peu apres dresser, en memoire de ce benefice, une tres belle statue de bronze devant la porte [204] de sa mayson, en la ville de Cesaree de Philippe, autrement ditte Paneade, ou Nostre Seigneur estoit representé d'un costé avec sa robbe frangee, et de l'autre ceste femme a genoux, tendant la main vers iceluy; Julien sçachant ceci, comme raconte Sozemene, fit renverser ceste statue et mettre la sienne au lieu d'icelle; mays cela fait, un feu descend du ciel qui terrasse et met en pieces la statue de Julien, laquelle demeura toute noircie et comme bruslee jusques au tems de Sozomene.

  A002000723 

 Les empereurs Honorius et Theodose tesmoignent que les Juifz de leur tems, en leurs festes plus solemnelles, avoyent accoustumé de brusler des images de la crucifixion de Nostre Seigneur en mespris de nostre religion, dont ilz commandent aux presidens des provinces de tenir main a ce que telles insolences ne fussent plus commises, et qu'il ne fust permis aux Juifz d'avoir le signe de nostre foy en leurs synagogues.

  A002000724 

 Ainsy les pieces des statues anciennes sont gardees pour memoire d'antiquité; et de mesme le moindre brin [206] de la robbe ou autre meuble des Saintz et des instrumentz de Dieu.

  A002000724 

 L'autre est celle que dit saint Athanase, d'autant que si quelques payens, ou huguenotz, nous reprochoyent l'idolatrie comme si nous adorions le bois, nous separerions aysement les pieces de la Croix, et ne les honnorans plus on connoistroit que ce n'est pas pour la matiere que nous honnorons la Croix, mays pour la representation et remembrance; ce qu'on ne peut faire de la creche, lance et sepulchre, et autres telles choses, lesquelles neanmoins, estans employees expressement a la representation des saintz misteres, ne doivent pas estre privees d'honneur.

  A002000724 

 L'une est que des lhors que Constantin eut aboli le supplice de la croix, la Croix n'a autre usage parmi les Chrestiens sinon de representer la sainte Passion, la ou les creches, sepulchres et autres choses semblables, ont plusieurs [205] autres usages ordinaires et naturelz.

  A002000724 

 Mais ceste image de Cesaree, outre la representation, estoit une relique pretieuse de ceste devote femme, un memorial d'antiquité venerable et instrument d'un grand miracle, lesquelles qualités ne se trouvent pas seulement a l'assemblage, simetrie et proportion des lineamens et releveures d'une statue, mais encores a chaque piece d'icelle.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles-mesmes seroyent roturieres et indifferentes, appartient a la religion comme a la princesse des vertus; c'est une marque de sa souveraineté, dont elle s'y plait tant que jamais il n'y eut religion qui ne se servit de telles actions, lesquelles sont et s'appellent proprement ceremonies des lhors qu'elles entrent au service de la religion.

  A002000735 

 Et pour vray, puysque l'homme tout entier avec toutes ses actions et dependances doit honneur a Dieu, et qu'il est composé d'ame et de cors, d'interieur et d'exterieur, et qu'en l'exterieur il y a des actions indiffeérentes, ce n'est pas merveille si la religion, qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, demande et reçoit en payement des actions exterieures, indifferentes et corporelles..

  A002000735 

 Mais non seulement elle employe ces actions qui d'elles mesmes sont utiles et bonnes, ains met en besoigne des actions indifferentes et lesquelles d'ailleurs seroyent du tout inutiles: [211] comme ce bon homme de l'Evangile, qui envoya en sa vigne ceux qu'il trouva oyseux et desquelz aucun ne s'estoit voulu servir jusques a l'heure.

  A002000736 

 Considerons le monde en sa naissance: Abel et Caïn font des offrandes; quelle autre vertu les a sollicités [212] a ce faire sinon la religion? Peu apres, le monde sort de l'arche, comme de son berceau, et tout incontinent un autel est dressé, et plusieurs bestes consommees sur iceluy en holocauste dont Dieu reçoit la fumee pour odeur de suavité.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 Combien est-ce qu'en font les tisserans, peintres, tailleurs et autres, que personne n'honnore ni ne prise? parce que ces croix (autant en dis-je des caracteres et figures croisees que nous voyons es images profanes, fenestres, bastimens), ces croix, dis-je, ne sont pas destinees a l'honneur de Dieu ni a aucun usage religieux; mais quand ce signe est employé au service [214] de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit il devient une ceremonie sacrosainte, de laquelle Dieu se sert a plusieurs grans effectz.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie representoit la Passion; et a la verité c'est son premier et principal usage duquel [215] tous les autres dependent, qui l'a fait differer de plusieurs autres ceremonies Chrestiennes qui servent a representer des autres misteres.

  A002000738 

 Je sçai qu'en l'ancienne Loy, voire en celle de nature, plusieurs choses se sont passees pour représenter la mort du Messie, mais ce n'ont esté que des ombres et marques obscures et confuses au pris de ce qui se fait maintenant; ce n'estoyent pas ceremonies ordinaires a ceste Loy, mais comme des eloyses qui les esclairoyent en passant.

  A002000739 

 Et bien que de soy il importe peu que l'on face la croix avec plus ou moins de doigtz, si se doit-on ranger a la façon commune des Catholiques, pour ne sembler condescendre a certains heretiques Jacobites et Armeniens, dont les [216] premiers, protestans ne croire la Trinité, et les secondz, ne croire qu'une seule nature en Jesus Christ, font le signe de la Croix avec un seul doigt.

  A002000739 

 On porte premier la main en haut vers la teste en disant, Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere Personne de la sainte Trinité et principe originaire des deux autres; puys on la porte en bas vers le ventre, en disant, et du Filz, pour monstrer que le Filz procede du Pere qui l'a envoyé ça bas au ventre de la Vierge; et de la, on traverse la main de l'espaule ou partie gauche a la droite, en disant, et du Saint Esprit, pour monstrer que le Saint Esprit, estant la troisiesme Personne de la sainte Trinité, procede du Pere et du Filz, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion.

  A002000739 

 Par ou l'on fait une briefve confession de trois grans misteres: de la Trinité, de la Passion, et de la remission des pechés, par laquelle nous sommes transportés de la gauche de malediction a la dextre de benediction.

  A002000743 

 D'autre part, d'autant que les Payens se moquoient de la Croix de Jesus Christ, et disoient que c'estoit folie et honte de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort, tout au contraire les Chrestiens, sçachans que toute nostre gloire ne gist qu'en la Croix de Jesus Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu en salut à tous croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle, et faisoient ouvertement ce signe pour dire qu'ils estoient des chevaliers croisez, c'est à dire des disciples de Jesus Christ.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000743 

 » Le traitteur a escrit cela tout d'une haleyne; puys ailleurs, respondant a onze passages des Anciens allegués aux placquars, il dit ainsy: « Le quatorzieme est prins du troisieme traitté sur sainct Jean en ces mots: Si nous sommes Chrestiens nous attouchons à Jesus Christ, nous portons au front la marque d'icelui dont nous ne rougissons point si nous la portons aussi au cœur; la marque d'icelui est l'humilité d'icelui.

  A002000745 

 Il dit qu'ilz n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des Catholiques, je luy feray voir le contraire clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenotz imposent aux Catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les Anciens n'y ont pas pensé, c'est une imposture trop malicieuse..

  A002000747 

 Notes qu'il parle du tems de saint Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doute qu'il ne s'estoit fait nul changement de doctrine ni a Rome, ni aux autres villes; et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de saint Gregoire que les yeux des Chrestiens ont commencé a ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsy: nul changement ne s'estoit fait en la doctrine, du tems de saint Augustin; or, du tems de saint Augustin on faisoit generalement le signe de la Croix; la doctrine donques de faire le signe de la Croix est pure et apostolique..

  A002000748 

 » Voyla la regle avec laquelle les Anciens [221] jugeoyent des coustumes ecclesiastiques, selon laquelle le signe de la Croix, qui a tousjours esté observé en l'Eglise, et ne sçait-on par qui ni comment il a esté institué, doit estre rapporté a l'institution apostolique.

  A002000754 

 C'est ici une grande defense, laquelle a cause des pauvres est donnee gratis, et sans peyne pour les foibles, ceste grace estant de Dieu, le signe des fidelles et la crainte des diables.

  A002000761 

 Jesus Christ, priant pour le Lazare, pour sa clarification et pour la multiplication des pains, leva les yeux au ciel; et David pour dire qu'il a prié, il dit qu'il a levé les yeux au ciel.

  A002000761 

 Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:.

  A002000769 

 Ne voit-on pas la diversité des affections en la contenance du Publicain et Pharisien? Par ou sont mises a neant les parolles produittes par le traitteur contre les saintes ceremonies:.

  A002000769 

 On peut donq bien prier par des ceremonies.

  A002000769 

 Pour vray, l'essence de la priere est en l'ame, mais la voix, les actions et les autres signes exterieurs, par lesquelz on explique l'interieur, sont des nobles appartenances et tres utiles proprietés de l'oraison; ce sont ses effectz et operations.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000770 

 des Colossiens que nous servons à Dieu en esprit, nous glorifians en Jesus Christ et ne nous confians point en la chair.

  A002000773 

 Et pourquoy est-ce, o reformeurs, que vous pries mains jointes et agenouillés? Nous avons, dires-vous, l'exemple de Jesus Christ et des Apostres.

  A002000773 

 Mays si leur exemple a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz avant la cene, comme Nostre Seigneur en a non seulement monstré l'exemple mais invité a iceluy? que n'oignes-vous vos malades d'huile, comme faisoyent les Apostres? que ne laisses-vous toutes vos possessions et commodités a leur exemple? que ne faites-vous la cene a la cene, c'est a dire au souper, et non au matin et des-jeuner? [230].

  A002000774 

 Je laisse a part la naïfve intelligence de ces parolles de Nostre Seigneur, qui oppose l'adoration en esprit a l'adoration propre aux Juifz, qui estoit presque toute en figures, ombres et ceremonies exterieures, et l'adoration en verité a l'adoration fause, vaine, heretique et schismatique des Samaritains; ce que je fais icy n'a pas besoin de plus long discours..

  A002000774 

 Les ceremonies sont-elles contraires a l'esprit et verité, pour bannir l'un par l'establissement de l'autre? Qui chargea Abraham, Aaron, Moyse, David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levees et les genoux en terre? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et verité, ou d'estre vrays adorateurs? C'est une ignorance effrontee de tirer les Escritures a des sens tant ineptes; c'est une impieté formee, non pas une pieté reformee.

  A002000774 

 Tant s'en faut que prier en esprit et verité soit prier sans ceremonies, qu'a peyne se peut-il faire que celuy qui prie en esprit et verité ne face des actions et gestes exterieurs assortissans aux affections interieures, tant les mouvemens interieurs de l'ame ont de prise sur les mouvemens du cors.

  A002000775 

 Ainsy, disant qu'il ne connoit plus Jesus Christ selon la chair, il ne veut dire autre sinon qu'il ne tient plus ni ne connoit Jesus Christ pour passible et mortel, qualités naturelles de la chair, et en un mot qu'il ne le connoit plus selon la chair accompagnee des infirmités de sa condition naturelle..

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000776 

 Autant hors de rayson allegue-il saint Paul au III des Colossiens; car, outre ce que les parolles qu'il dit y estre n'y sont point, quand elles y seroyent elles ne nous seroyent point contraires, puysque nous confessons [233] qu'il faut servir Dieu en esprit, se glorifier en Jesus Christ, et ne se point confier en nostre chair; mais tout cela ne met point le cors ni ses actions exterieures hors de la contribution qu'il doit au service de son Dieu.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000777 

 Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens, ne respirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs esperances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel.

  A002000777 

 Me voyla donq desfait de cest homme tant importun, pour le general des ceremonies; il faut que je suive mon propos.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000785 

 Jacob toucha des-ja ceste forme quand il croisa ses mains, benissant les enfans de Joseph, pour preferer le moindre a l'aisné, presageant que Nostre Seigneur, ayant les bras en croix, beniroit le monde en sorte que les Gentilz demeureroyent en effect preferés aux Juifz.

  A002000785 

 Or on observe encor en toutes les benedictions ecclesiastiques ces deux choses, mais avec une plus claire manifestation des misteres qui y sont contenuz.

  A002000785 

 Qu'estoyent ces trouz et pertuis qu'il avoit en ses mains, mesme apres sa resurrection, sinon des marques et signes expres de sa Croix? qu'estoit-il donq mestier qu'il en fist aucuns autres? Mays les Chrestiens, eslevans les mains pour benir, ont toute rayson de former le signe de la Croix, pour monstrer qu'ilz ne pretendent aucune benediction qu'au moyen de l'exaltation de Nostre Seigneur faitte sur la Croix..

  A002000786 

 La mere de saint Gregoire Nazianzene, estant malade, ne pouvoit aucunement manger, si qu'elle couroit grande fortune de mourir faute de nourriture; or voicy comme le mesme saint Gregoire recite qu'elle fut secourue et nourrie: « Il luy sembla, » dit-il, « que je venois a elle de nuit avec un panier, et que je la paissois de pains tres blancz, benis et signés selon ma façon ordinaire, et qu'ainsy elle estoit guerie et avoit reprins ses forces; et ceste vision de nuit fut suivie de la verité, car des lhors elle revint a soy et conceut une meilleure esperance, comme on reconneut evidemment.

  A002000786 

 Or combien ceste coustume aye esté prattiquee en l'ancienne Eglise, en voici des preuves certaines: « Toutes choses qui profitent a nostre salut sont consommees par la Croix, » dit saint Chrysostome; saint Denis, parlant de ceux qu'on consacroit: « Or, » dit-il, « l'evesque benissant imprime en chacun d'iceux le signe de la Croix; » saint Cyprien atteste que « sans ce signe il n'y a rien de saint; » ainsy saint Hilarion benit avec la main ceux qui luy amenerent un gentilhomme françois de la cour de l'Empereur pour estre delivré du malin esprit; et Ruffin nomme une douzaine d'hermites « par les mains, » dit-il, « desquelz il eut cest honneur d'estre beni; » saint Augustin, ayant visité un malade chez lequel il trouva l'Evesque du lieu, « ayant, » dit-il, « receu la benediction de l'Evesque, nous nous retirasmes; » ce fut sans doute par le signe de la Croix, « sans lequel il n'y a rien de saint.

  A002000787 

 Car voicy son projet: s'il leur pouvoit persuader d'honnorer ces idoles, sa cause s'en alloit gaignee; s'ilz s'y rendoyent difficiles, il pouvoit prendre occasion de se venger d'eux comme de perturbateurs des coustumes romaines, qui auroyent par ce refus offensé et la Republique et l'Empereur.

  A002000788 

 Tesmoin saint Gregoire de Tours, en la gracieuse histoire qu'il escrit d'un prestre heretique qui voulant prévenir, non seulement a benir mais encor a manger, un bon prestre Catholique Romain (car le mot y est) qui estoit en mesme table, et l'ayant en effect prevenu au premier, second et troisiesme plat qu'on apporta sur table, au quatriesme en fin, l'ayant signé (l'humeur de son heresie ne portoit pas de rejetter le signe de la Croix comme fait celle des reformeurs), mettant le premier morceau en bouche il le trouva si chaud qu'il en creva, faisant un grand bruit, qui bailla occasion au nostre de dire, Periit memoria hujus cum sonitu, et a celuy qui les avoit chez soy, tous deux, de se faire Catholique sur le champ.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000795 

 Saint Chrysostome: « Ainsy la Croix reluit en la [246] Table sacree, es ordinations des prestres, ainsy de rechef avec le Cors de Jesus Christ es Cenes mistiques; » et ailleurs, parlant de la Croix: « Tout ce qui profite a nostre salut est consommé par icelle; car estans regenerés, la Croix y est, quand nous sommes nourris de la tres sacree viande, lhors que nous sommes establis pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tousjours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000795 

 Saint Cyprien: « Nous nous glorifions en la Croix du Seigneur, de laquelle la vertu parfait tous les Sacremens, sans lequel signe il n'y a rien de saint, ni aucune consecration est reduitte a son effect »; et ailleurs: « En fin, quicomque soyent les administrateurs des Sacremens, quelles que soyent les mains avec lesquelles on baigne ou oigne ceux qui viennent au Baptesme, quelle poitrine que ce soit de laquelle les motz sacrés sortent, l'authorité ou vigueur de l'operation donne l'effect a tous les Sacremens en la figure de la Croix.

  A002000795 

 » Mays j'ay des-ja produit ces tesmoignages ailleurs, avec plusieurs autres qui peuvent estre rapportés icy; en voicy d'autres.

  A002000795 

 » Saint Augustin touche la coustume de signer les enfans au Baptesme, quand il dit que des le ventre de sa mere il estoit ja signé du signe de la Croix et assaisonné de son sel; voulant dire que sa mere le destinoit au Baptesme, auquel on signoit et donnoit-on le sel, comme on fait de ce tems.

  A002000795 

 » Saint Augustin: « Si ce signe n'est appliqué ou au front des croyans, ou a l'eau mesme par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile avec lequel ilz sont ointz de chresme, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela n'est deüement parfait.

  A002000795 

 » Saint Denis Areopagite tesmoigne que le chresme estoit versé dans le baptistere en forme de croix, comme nous faisons encor maintenant; et traittant de la sainte Onction: « L'evesque, » dit-il, « commençant l'onction par le signe de la sainte Croix, laisse l'homme aux prestres pour estre oint par iceux par tout le cors »; parlant des saintz Ordres: « Or, » dit-il, « a chacun d'iceux le signe de la Croix est [247] imprimé par l'evesque benissant.

  A002000801 

 II. Voicy la seconde rayson: « Les posteaux des maysons d'Israël estoyent ointz et enduitz de sang pour chasser le mal encontre; les peuples Chrestiens sont signés du signe de la Passion du Sauveur pour un preservatif de salut.

  A002000801 

 Le traitteur reconnoist ceste rayson comme partie de saint Augustin et de Lactance, et tout aussi tost y joint ceste censure: « Quoi que ce soit, ç'a esté une façon introduite par imitation et exemple Judaique, et non par commandement: or, jamais on ne se doit fonder sur le seul exemple des hommes, ains sur les reigles [250] generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000803 

 Et quoy? ne seroit-ce pas honnestement et par ordre d'estre assis, debout, ou du tout prosterné en terre? Pourquoy n'est-ce pas honnestement fait de se signer au front? Quel commandement avoyent Isaac et Jacob de benir leurs enfans? saint Jean de porter des habitz si grossiers, habiter es desertz et non en la mayson de son pere, ne boire ni vin ni cervoise, ne manger que locustes et miel sauvage, et porter ceste ceinture de peau? quant a sa ceinture il imitoit son Helie, mays sans commandement; et cependant ce sont choses que les Evangelistes ont estimees remarquables, aussi les ont-ilz remarquees.

  A002000803 

 II. Que c'est une expresse ignorance ou bestise de dire que jamais on ne se doit fonder sur l'exemple des hommes, ains sur les regles generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000804 

 La circoncision, figure du Baptesme, fut commandee pour les petitz enfans en l'ancienne Loy; Calvin ne fait point de difficulté de fonder, sur ce commandement fait en la figure, une certaine preuve de l'article du baptesme des petitz enfans contre l'Anabaptiste: [253] pourquoy ne sera-il loysible a saint Augustin, et aux autres Peres, de tirer en consequence la marque du sang de l'aigneau imprimee sur l'entree des maisons, pour monstrer le devoir que nous avons de marquer nos frontz, comme le sursueil de ceste habitation terrestre, du signe de la sainte Passion? Voyla bien asses de commandement.

  A002000804 

 Or, s'il faut plus croire a saint Cyprien, saint Augustin, saint Ephrem et autres tres anciens Peres, qu'a ce petit traitteur, l'arrousement des posteaux et sursueilz a esté figure du signe que l'on fait sur le front des Chrestiens.

  A002000804 

 » Ce sont les paroles de l'ancien Tertullien; et saint Basile disoit peu apres: « Nous avons quelques articles qui sont prechés en l'Eglise de la doctrine baillee en escrit, nous en recevons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissee en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclesiastiques.

  A002000805 

 Voyla l'injure que ces novateurs font a l'ancienneté, bien mal adoucie de l'attribuer a simplicité; car ceste simplicité errante et mere d'erreur s'appelle folie en ceux qui ont charge des peuples.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000813 

 Dieu appella l'homme qui estoit vestu de lin, dit le prophete Ezechiel, et qui avoit l'escritoire de l'escriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit: Passe par le milieu de la cité au milieu de Hierusalem, et marque de Thau les frons des hommes qui gemissent et souspirent pour toutes les abominations qui se font au milieu d'icelle.

  A002000814 

 I. Ayant recité le texte d'Ezechiel en ceste sorte, « Marque de la marque les fronts des hommes », il poursuit ainsy: « En ce sens et en pareils mots l'a traduit le translateur Grec, comme aussi sainct Hierosme remarque que les Septante interpretes et Aquila et Symmachus ont dit de mesme, assavoir, mets le signe ou la marque sur les fronts.

  A002000814 

 Mays quelle consequence en peut-on tirer contre nous? Faisons que ceste traduction fust la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advantage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes, et le grand signe du Filz de l'homme, il peut et doit estre entendu, plus proprement [259] qu'autre quelconque, sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu du signe de la Croix; et saint Hierosme, en l'epistre a Fabiole, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en general, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix: « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumiere de ta face est signee sur nous.

  A002000814 

 » Ce ne sont pas grand'nouvelles que cela; mille des nostres l'ont des-ja remarqué, et entre autres Sixte Sienois.

  A002000815 

 II. Apres que le traitteur a ainsy colloqué son opinion touchant la version de ce lieu, il poursuit ainsy: « Vrai est que Theodotion et l'interpretation Vulgaire ont retenu le mot de Thau, le prenant materiellement comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont [260] philosophé à leur plaisir: car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la derniere de l'alphabet Hebrieu, estoient signifiez ceux qui avoient une science parfaite; les autres ont dit que par la mesme lettre estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelee Thorah, duquel mot la premiere lettre est Thau; et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent apres, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la derniere en l'alphabet, ainsi par icelle estoient representés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans.

  A002000817 

 C'est tres mal parlé de dire que plusieurs ont philosophé sur cela « à leur plaisir », entendant des anciennes considerations faittes sur ceste Prophetie; car ces anciens et graves espritz n'ont pas manié les Escritures a leur playsir, mais leur playsir par l'Escriture.

  A002000818 

 Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf: car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiee par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy, se commence par Thau.

  A002000818 

 Or la Loy ne s'observe que par le reste et petit nombre des bons, et ce en vertu de la Croix et mort du Sauveur, le signe de laquelle est sur leur front, exprimé par la lettre Thau hebraïque.

  A002000819 

 Il proteste ouvertement que c'est son opinion, car, apres avoir allegué les deux premieres, il produit la troisiesme ainsy: « Mais affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hebreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent, la derniere lettre Thau a la ressemblance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signee par la frequente inscription faite avec la main.

  A002000819 

 Quelle convenance y a-il entre le reste des meschans, et la derniere lettre de l'alphabet? mays elle est grande entre l'ancien Thau hebreu et la Croix, comme dit le mesme saint Hierosme.

  A002000820 

 (Voyes ce qu'en dit saint Hierosme in Prologo galeato.) Ezechiel donques, qui escrivit avant la mutation, [263] se servit de l'ancienne forme des lettres hebraïques, selon lesquelles le Thau estoit semblable a la Croix.

  A002000820 

 Et par ceci l'on void combien le traitteur a ou d'ignorance ou de malice, quand il dit que saint Hierosme a laissé le caractere dont a usé le Prophete, pour rechercher le caractere des Samaritains.

  A002000820 

 Ni saint Hierosme ne recherche pas le caractere des Samaritains, comme dit le traitteur, mais plustost celuy des Hebreux anciens, « duquel, » dit-il, « jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent », sçachant que c'estoit de cest ancien caractere duquel Ezechiel avoit indubitablement usé, puysque le changement n'estoit encor pas fait quand il fit et prononça sa Prophetie..

  A002000820 

 Qui ne sçait qu'Esdras a esté le dernier en la continuelle succession des Prophetes? Or, ce fut Esdras qui changea les anciennes lettres des Hebreux en celles que nous avons maintenant, mais les Samaritains les retindrent.

  A002000820 

 Tant s'en faut donques que saint Hierosme ait laissé le caractere dont usa le Prophete, qu'au contraire il l'est allé rechercher dans l'antiquité des lettres hebraïques, qui estoit demeuree parmi les Samaritains.

  A002000821 

 III. Le traitteur reproche de rechef a nostre rayson tiree de la Prophetie d'Ezechiel, la disproportion qu'il dit estre entre la Croix et l'ancien Thau des Hebreux.

  A002000830 

 Item, ce qui est dit es Livres des Rois, Je luy seray Pere et il me sera filz, ne s'entend-il pas tout droit, et en son premier sens, du roy Salomon, filz de Bersabee? neanmoins cela se rapporte et revient au Sauveur du monde, sinon que, pour retenir vos inepties en crédit, vous rejetties encor l'Epistre aux Hebreux, car ce texte y est appliqué formellement a Jesus Christ.

  A002000830 

 Je pourrois en alleguer plusieurs autres, mais voyla [270] presque la fleur des Anciens, mesmement Origene, saint Chrysostome et saint Hierosme pour les langues et proprietés des motz de l'Escriture: comme est-ce donques que le traitteur a osé si mal traitter nostre rayson tiree d'Ezechiel, laquelle a esté si bien traittee par ces doctes et anciens maistres?.

  A002000830 

 Mays, quand ce n'eust esté que pour la reverence des Anciens qui ont rapporté le Thau d'Ezechiel a la Croix, le traitteur devoit plustost passer les annees a en rechercher les raysons, que de dire ainsy insolemment que c'estoit chose hors de rayson, que ce texte estoit destourné, et que ce n'avoit jamais esté l'intention du Saint Esprit qu'il fust ainsy entendu.

  A002000830 

 Or combien de Peres, lesquelz ont rapporté ce Thau d'Ezechiel a la Croix: Origene: « Le massacre ayant commencé en la personne des Saintz, ceux-la seulement furent sauvés que la lettre Thau, c'est a dire l'image de la Croix, avoit marqués.

  A002000830 

 Pour ne voir la raison qui a esmeu nos Peres a dire [269] quelque chose, on ne doit pour cela les juger des-raisonnables; il seroit mieux de dire comme cest autre: ce que j'en entens est beau, et aussi, crois-je, ce que je n'entens pas.

  A002000830 

 Saint Chrysostome: « Au nombre de 300, le mistere de la Croix est demonstré; la lettre T est la marque de trois cens, dont il est dit en Ezechiel: et tu escriras au front des gemissans Thau, et quicomque l'aura escrit sur luy ne sera point tué; car quicomque a l'estendart de la Croix en son front, celuy-la ne peut estre blessé par le diable.

  A002000830 

 » Saint Hierosme y est tout expres, des-ja cité ci dessus. Saint Augustin, es Questions sur les Juges, traittant du nombre de trois cens, rapporte aussi la lettre T au mistere de la Croix.

  A002000831 

 Ainsy le Psalme LXXI, le dire du Livre des Rois et de l'Exode que j'ay allegué, est bien plus entierement observé en Jesus Christ qui en estoit le dernier sujet, qu'en Salomon ou en l'aigneau Pascal qui estoit le premier.

  A002000833 

 Que si ceste façon de dire du Prophete est prinse de la marque du sang de l'aigneau faitte sur les posteaux des Israëlites, elle se doit donq rapporter a une marque reelle et exterieure, car les sursueilz et posteaux furent reellement marqués et signés..

  A002000834 

 Que la marque des posteaux ayant esté figure et presage du signe de la Croix, comme j'ay monstré ci devant, le signe d'Ezechiel estant puisé de la, il doit aussi estre ramené et accompli au signe de la Croix..

  A002000841 

 Apres que le traitteur a tasché d'establir sa marque invisible d'Ezechiel par les marques des esleuz dont il est parlé en l'Apocalipse, il allegue en fin pour son intention la marque de la beste.

  A002000841 

 L'Antechrist, cest homme de peché, ceste beste farouche, voulant renverser piece a piece la discipline et Religion Chrestienne par l'opposition d'observations contraires a celles des fidelles, entre [275] autres il fera signer ses serviteurs d'un signe, et fera imprimer un caractere en eux: l'Apocalipse le dit ainsy; mays a sçavoir mon, si ce signe sera visible ou perceptible.

  A002000841 

 » Mais certes, tout ceci fortifie encor davantage l'intelligence des Anciens touchant le dire d'Ezechiel; et voyci la dixiesme rayson pour laquelle les Chrestiens reçoivent et font volontiers le signe de la Croix au front.

  A002000842 

 Ceste alternative, ou en leur main, ou en leur front, ne monstre-elle [277] pas que sera une marque perceptible, et autre que d'estre affectionné a l'Antechrist? Et comme pourroit-elle, autrement, mettre difference entre ceux qui avoyent pouvoir de traffiquer, et ceux qui ne l'avoyent pas, si elle n'estoit visible? comme sçauroit-on ceux qui auroyent le nombre, ou le nom, ou la marque, si elle estoit au cœur? Or, ce qui est dit au chapitre seiziesme de l'Apocalipse, se rapporte a ce qui avoit esté dit au chapitre treiziesme; si donq en l'un des lieux la marque de l'Antechrist est descritte visible, elle sera aussi visible et exterieure en l'autre, la chose est toute claire: c'est donq mal entendu de dire que ceste marque de l'Antechrist n'est point reelle ni perceptible.

  A002000842 

 Le diable, qui n'est qu'un esprit, ne se contente pas de recevoir l'hommage des sorciers, mais leur imprime une marque corporelle, comme font foi mille informations et procedures faites contre eux: qui doute donques [276] que cest homme de peché, si exact disciple du diable, n'en face de mesme, et qu'il ne veuille avoir, comme anciennement plusieurs faisoyent, des serviteurs marqués et stigmatiqués? 4.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000842 

 Qui ne voit ici separee l'obeissance d'avec la marque? et qui ne suivra plustost ces Anciens non passionnés, que ces novateurs tout transportés du desir d'establir leurs fantasies par quelque pretexte des Escritures? 5.

  A002000843 

 Voyla dix raysons de faire et recevoir la Croix au front, tant au Baptesme et Confirmation qu'es autres occasions, a la suite de toute l'ancienne Eglise: dont saint Ambroise fait dire a la bienheuree sainte Agnes, que Nostre Seigneur l'avoit marquee en la face a fin qu'elle ne receust autre amoureux que luy; et saint Augustin, sur saint Jean: « Jesus Christ n'a pas voulu qu'une estoille fust son signe au front des fideles, mais sa Croix: par ou il fut humilié il est par la glorifié; » et Victor d'Utique descrivant le supplice fait a Armagaste, il dit que le tourment luy avoit tellement estiré le front, que la peau ne ressembloit qu'aux toiles d'araignes, tant elle estoit mince et estendue: « Le front, » dit-il, « sur lequel Jesus Christ avoit planté [279] l'estendart de sa Croix.

  A002000849 

 Saint Augustin: « Si par fois l'ennemy veut dresser des embusches, que le racheté sçache qu'avec le mot du Symbole et l'estendart de la Croix il luy faut aller au devant.

  A002000849 

 Saint Chrysostome: « Il a appellé prix la Croix; laquelle il ne faut pas simplement [282] former du doigt au cors, mais, a la verité, premierement en l'ame; car, si en ceste façon tu l'imprimes en ta face, pas un des diables n'osera t'attaquer, voyant la lance par laquelle il a receu le coup mortel.

  A002000849 

 Saint Cyrille Hierosolimitain: « C'est le signe des fidelles et la terreur des demons, car il a triomphé » (il parle de Nostre Seigneur) « d'iceux en ce signe; monstre-le hardiment, car voyans la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a froissé le chef du dragon.

  A002000849 

 Si la sainteté et suffisance des anciens Peres a quelque credit chez nous, voicy asses de tesmoins pour nous faire reconnoistre la vertu de la Croix.

  A002000849 

 » Et bien tost apres: « Vienne qui cherche l'experience de ces choses, a sçavoir, de la pompe des demons, de la tromperie des devinemens et merveilles de la magie, qu'il use du signe de la Croix (qu'ilz pensent estre ridicule) nommant seulement Jesus Christ: il verra par iceluy chasser les diables, les devins se taire, et toute magie et enchantement se destruire.

  A002000849 

 » Voyla un accord remarquable des voix de ces irreprochables Senateurs de l'Eglise.

  A002000850 

 Voicy maintenant des experiences asseurees de leur dire.

  A002000850 

 « Saint Hilarion ouyoit un soir le brayement des petitz enfans, le beellement des brebis, le buglement des bœufz, avec des bruitz esmerveillables de voix diverses; lhors il entendit que c'estoyent illusions diaboliques, parquoy il s'agenouilla et se signa au front de la Croix de Jesus Christ, de sorte qu'estant armé d'un tel heaume de la foy, gisant malade, il combattoit plus vaillamment... mais tout incontinent qu'il eut invoqué Jesus Christ, toute ceste apparence fut, devant ses yeux, engloutie en une soudaine ouverture de terre.

  A002000851 

 Lactance raconte que quelques Chrestiens, assistans a leurs maistres qui sacrifioyent aux idoles, faisans le signe de la Croix chasserent leurs dieux, si qu'ilz ne peurent figurer leurs devinations dans les entrailles de leurs victimes; ce qu'entendans les devins, ilz irritoyent ces seigneurs, a la sollicitation des demons, contre la Religion Chrestienne, et les induisoyent a faire mille outrages aux eglises: dont Lactance ayant conclud contre le paganisme pour la Religion Chrestienne, il dit en ceste sorte: « Mais les payens disent que ces dieux ne fuyent pas devant la Croix par crainte, mais par haine.

  A002000852 

 Julien l'Apostat, desirant sçavoir quel seroit le succes du dessein qu'il avoit de se rendre maistre absolu de l'Empire, ayant rencontré certain sorcier et devin entra avec luy en une profonde grotte; et en la descente ouyt des bruitz horribles, sentit des grandes puanteurs et vit des fantosmes enflammés, « dont tout effrayé il recourt a la Croix et viel remede, et se signe d'icelle, prenant pour son protecteur Celuy duquel il estoit persecuteur.

  A002000854 

 Mays que peut-il [286] cotter d'absurde en ce recit pour le rejetter, partant de si bon lieu comme est le tesmoignage de saint Gregoire? Sera-ce que les diables tiennent des assemblees et conseilz? mays l'Escriture y est expresse, et saint Jean Cassian raconte un pareil exemple.

  A002000855 

 Car il ne suffit pas de dire que quelque chose soit advenue, mais il faut sçavoir si Dieu en est l'autheur, si c'est chose qui tende au salut des hommes et à la gloire de Dieu... 2.

  A002000855 

 II. Mais ayant ainsy respondu a saint Gregoire en particulier, il baille des generales responses pour rabattre la pointe de tous ces miracles allegués, et de plusieurs autres, 1.

  A002000855 

 Il s'est peu faire que pour engraver au cœur des hommes une plus profonde pensee de la mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, sur les commencemens de la predication Evangelique Dieu quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses extraordinaires; et pourtant, si alors il a pleu à Dieu monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il le faut recognoistre pour le remercier de son support.

  A002000855 

 du Deuteronome, parlant des prodigieux effects des faux-prophetes, Dieu veut esprouver si on le craint et si on l'aime tout seul.

  A002000855 

 « Dieu a permis souvent que des choses se fissent, lesquelles il n'approuvoit pas, comme infinis effects advenus jadis autour des oracles anciens le tesmoignent; et quand cela advient, dit Moyse au 13.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000856 

 Et quant a ce que le traitteur dit, que le diable a employé a cest effect la simplicité des Chrestiens, il y auroit de l'apparence si on luy produisoit le tesmoignage de quelques idiotz; mais quand on luy produit les Martial, Ignace, Origene, Chrysostome, Augustin, comme ose-il les accuser d'une simplicité folle, ou plustost de niaiserie? Y a-il homme qui vive qui leur soit comparable, nomplus en suffisance qu'en sainteté, parlant de la plus part?.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 J'oppose, que c'est ouvrir la porte a la mescreance, laquelle, a tous les miracles des exorcismes, tant de Nostre Seigneur que de ses disciples, respondra que le [290] diable fait semblant de reculer pour mieux avancer.

  A002000856 

 J'oppose, que ces responses ressentent puamment l'heretique et desesperé; ç'a esté le train ordinaire aux anciens rebelles d'attribuer les miracles aux charmes et a l'operation des diables: tesmoins les Scribes et Pharisiens qui attribuoyent les œuvres de [289] Jesus Christ a Beelzebub, les Vigilantiens, au rapport de saint Hierosme, et les Ariens selon saint Ambroise.

  A002000856 

 J'oppose, que la consequence de telz effectz a tousjours esté a la gloire de Dieu, et tendoit au salut des hommes; tous les Peres l'ont ainsy remarqué.

  A002000856 

 Le mot de Tertullien est memorable; persuadant a sa femme de ne se remarier point a un infidelle: « Te cacheras-tu, » dit-il, « lhors que tu signes ton lit et ton cors? ne semblera-il pas que tu faces une action magique? » Voyes-vous comme Tertullien attribue aux payens le dire des huguenotz, a sçavoir, que le signe de la Croix sert a la magie? 4.

  A002000856 

 N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejetté? Certes, entre les grans effectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci: Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors; et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive representation de ceste crucifixion.

  A002000857 

 Et de vray, qu'y aura-il de resolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Gregoire le Grand fait le recit? qu'eust-il pretendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués? que pouvoit-il acquerir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy? Notes, je vous prie, le mot de saint Gregoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remede », c'est a sçavoir, a la Croix, remede qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique.

  A002000857 

 Vincit quod deterius est, dit saint Gregoire Nazianzene, « le pis l'emporte; » mais s'il eust veu le traitteur attribuer la fuite des malins a ruse et stratageme, comme s'ilz faisoyent les fins, feignans de fuir pour surprendre leur homme, je crois qu'il eust dit, Vincit quod pessimum est: le pis du pire l'emporte.

  A002000858 

 Mais, dit le traitteur, Moyse advise qu'il ne faut croire aux effectz prodigieux des faux prophetes.

  A002000859 

 En fin, tant d'autres miracles se sont faitz par le signe de la Croix, outre la fuite des malins, qui ne se peuvent rapporter a aucune simulation ou stratageme d'iceluy, qu'on ne doit pas nomplus le croire de ceux ci.

  A002000859 

 Les merveilles advenues par le Serpent d'airain furent divines, quoy que le peuple en print occasion d'idolatrer: il faudroit donq corriger l'abus et retenir l'usage, comme on fait non seulement des choses bonnes et saines, telles que la Croix, mais des nuisibles et venimeuses, 11.

  A002000866 

 Certes, Prochorus, autheur non vulgaire, recite que saint Jean Evangeliste guerit un malade febricitant, faisant le signe de la Croix et invocant le nom de Jesus; et que le mesme Saint signa du signe de la Croix un boiteux des deux jambes, luy commandant de se lever, et tout soudain il se leva.

  A002000866 

 » Aves-vous veu, traitteur, le signe de la Croix employé a la restitution de la veuë de ce miserable, et les saintz Evesques s'entre presenter l'honneur de le faire? Dires-vous que le diable fit ce [296] jeu en faveur des Catholiques contre les Ariens? quelle eschappatoire pourres-vous trouver?.

  A002000867 

 Cependant elle s'execute: les Ariens prient trois jours et trois nuitz, viennent aux portes de l'eglise (extremement bien fermees, car et l'un et l'autre parti en avoit esté fort curieux), y arrestent des le matin jusques a Sexte, crians leurs Kyrie eleison, mays pour neant; si qu'en fin, ennuyés de l'attente, ilz s'en vont.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000867 

 Les Ariens de Nicee obtindrent de Valens, empereur heretique, l'eglise des Catholiques: saint Basile, adverti de cela, recourt a l'Empereur mesme, et luy remonstre si vivement le tort qu'il faisoit aux Catholiques, que l'Empereur en fin laissa au pouvoir de saint Basile de decider ce different, avec ceste seule condition, qu'il ne se laisseroit point transporter au zele de son parti, c'est a dire, des Catholiques, au prejudice des Ariens.

  A002000867 

 » Ce que faisant le peuple, saint Basile [297] les signant et benissant, il commande que l'on face silence, et signant par trois fois les portes de l'eglise, dit: « Beni soit le Dieu des Chrestiens es siecles des siecles, Amen.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000869 

 Au demeurant, l'oraison du signe de la Croix estoit en si grand credit en l'ancienne et primitive Eglise, qu'on l'employoit a tous rencontres; on s'en servoit comme d'un general preservatif de tous malheurs, en mer, en terre, comme dit saint Chrysostome, es cors des bestes malades, et en ceux qui estoyent possedés du diable.

  A002000869 

 Saint Martin protestoit de percer toutes les esquadres des ennemis et les outrepasser, pourveu qu'il fust armé du signe de la Croix; saint Laurent guerissoit les aveugles par iceluy; Paula mourant, se signa la bouche de la Croix; saint Gordius martyr, devant aller au tourment en la ville de Cesaree, il y alla joyeusement s'estant muni du signe de la Croix, dit saint Basile.

  A002000883 

 » Aussi n'estoit-ce pas le dessein de l'autheur des placquars, sinon de rendre conte de la devote erection de la Croix que nostre Confrerie d'Annessi fit aupres d'Annemasse, laquelle n'estoit pas une piece de la vraye Croix, mais seulement une image d'icelle..

  A002000884 

 Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compaignons a Dieu.

  A002000884 

 Si est-ce que, parce que ce traitteur produit les questions des scholastiques avec supercherie, je veux en peu de paroles descouvrir en ce Livre, le plus naïfvement que je sçauray, la doctrine Catholique touchant la qualité de l'honneur deu a la Croix.

  A002000891 

 Faire des reverences et demonstrations exterieures a quelqu'un n'est pas aussi l'honnorer; les flatteurs et affronteurs en font a ceux qu'ilz tiennent les plus indignes du monde.

  A002000893 

 Parlons des choses sacrees: l'honneur des [307] eglises et vases sacrés va et vise a la Religion, de laquelle ilz sont instrumens; l'honneur des images et Croix se rapporte a la bonté de Dieu, de laquelle elles sont des memoires; l'honneur des personnes Ecclesiastiques, a Celuy duquel ilz sont les officiers.

  A002000899 

 Et, pour la troisiesme, il faut faire au dehors des signes et demonstrations de la sousmission qui est en la volonté..

  A002000902 

 Je ne crois pas qu'aucun entende que les encensemens qu'ilz jettent [310] a Dieu soyent materielz, car saint Jean declaire, au contraire, que ce sont les oraisons des Saintz.

  A002000905 

 Et de fait, qui diroit jamais que les actions exterieures des hypocrites, voire les genuflexions de ceux qui baffoüoyent nostre Sauveur au jour de sa Passion, luy mettans la couronne d'espines en teste et le roseau en main, plians les genoux devant luy, fussent des vrayes adorations et non pas plustost des vrays vituperes et affrons? L'Escriture appelle bien cela adorer et saluer, mais elle declaire tout sur le champ qu'elle l'entend, non selon la realité et substance, mais selon l'exterieure apparence et feinte, disant qu'ilz se mocquoyent de luy.

  A002000906 

 Les idolatres plient les genoux, font des encensemens, des temples, des autelz, des festes, des sacrifices: autant en font les Catholiques, donques ilz sont idolatres.

  A002000906 

 Quand donq le traitteur dit que les Catholiques font ces actions exterieures aux reliques, images et Croix, il dit vray en certaine façon; mais, pour conclure par la que les Catholiques sont idolatres, il luy reste a prouver que les images, reliques et Croix sont des idoles, ce qu'il ne sçauroit faire ni luy ni ses partisans, je les en desfie.

  A002000920 

 Abraham adore le peuple de la terre, c'est a dire les enfans de Heth, c'estoyent des creatures; de mesme son parent Loth, Josué, Balaam adorent les Anges; Saül adore l'ame de Samuel; Isaac, benissant son filz Jacob, luy souhaitte que les peuples le servent, et que les enfans de sa mere l'adorent; Joseph songe que ses pere, mere et freres l'adorent; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint.

  A002000922 

 » Il parle la de l'adoration en sorte qu'il semble ne vouloir qu'elle appartienne qu'a Dieu, mais bien tost apres il l'estend encores aux creatures: « Heleine fit sagement qui esleva la Croix sur la teste des roys, a fin que la Croix de Jesus Christ spit adoree es roys; cela n'est pas insolence, mais devotion et pieté, lhors qu'on defere a la sacree Redemption.

  A002000924 

 Saint Epiphane, traittant avec les devotz des louanges de sainte Marie Mere de Dieu (car le sermon est ainsy intitulé): « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adoree par les Anges.

  A002000925 

 que le mot d'adorer s'applique non seulement a l'hommage deu a Dieu, mais aussi a l'honneur deu aux creatures; l'Escriture citee et les passages des Peres en font foy.

  A002000925 

 » Le second Concile de Nicee appelle la veneration des Saintz, « adoration honoraire: honorariam adorationem.

  A002000926 

 Ce qu'estant ainsy, puysque le mot d'adoration signifie la reconnoissance qu'on fait de quelque superieure et eminente excellence, il joint beaucoup mieux a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, car il y trouve toute l'estendue et perfection de son objet, ce qu'il ne trouve pas ailleurs.

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000928 

 Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation; ni parmi les schismatiques, heretiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier; ni devant les menus et debiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy.

  A002000934 

 Et n'y a, a l'adventure, aucune action exterieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employee a l'honneur des creatures, estant produitte avec une intention bien reglee, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et necessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie; car, a qui ouÿt-on jamais dire: je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul? Hors de la, tout l'exterieur est sortable a la reverence des creatures, n'entendant toutefois y comprendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquees qu'a Dieu seul.

  A002000934 

 Item, donq, une mesme action peut estre faitte par adoration, et la mesme sans adoration; et partant on ne sçauroit tirer consequence de l'egalité des adorations par l'egalité des actions exterieures, ni la difference aussi.

  A002000934 

 Le patriarche Jacob, panché et prosterné a terre, adora sept fois son frere aisné Esaü; les freres de Joseph l'adorerent prosternés a terre; la [323] Thecuitaine cheut en terre devant David, l'adorant; les enfans des Prophetes, venans au rencontre d'Helisee, l'adorerent prosternés en terre; la Sunamite se jetta aux piedz d'Helisee; Judith, se prosternant en terre, adore Holofernes: ces saintes ames que pouvoyent-elles faire plus que cela, quant a l'exterieur, pour l'adoration de Dieu? L'adoration, donques, ne doit pas estre jugee selon les actions et demonstrations exterieures.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 Puysque la propre et vraye essence de l'adoration reside en la volonté et non en l'exterieure demonstration, la grandeur et petitesse des adorations, et leurs propres differences, se doit estimer selon l'action de la volonté purement et simplement, et non selon l'action de l'entendement, ni selon les reverences exterieures.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002000938 

 Il touche donq a la volonté de donner et l'essence et les differences aux adorations; mais quelz moyens tient-elle a les leur donner? Deux principalement: le premier est par la diversité des excellences pour lesquelles elle adore les choses, a diverses excellences il faut divers honneurs; le second est par la diversité des façons avec lesquelles les excellences pour lesquelles on adore sont participees et possedees par les objetz adorables, car, comme il y a diverses excellences, aussi peut-on participer diversement et en plusieurs manieres une mesme excellence..

  A002000939 

 Partageons maintenant toutes les adorations selon les plus generales divisions des excellences.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000943 

 La seconde difference des adorations depend de la difference des façons ou manieres avec laquelle les choses qu'on adore participent les excellences pour lesquelles on les adore; car il ne suffit pas de participer a une grande excellence pour estre beaucoup honnorable, si on n'y participe excellemment.

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000955 

 Ainsy faut-il parler des reliques, images ou instrumens des Saintz, laissant chaque chose en son grade; car, a la verité, les reliques, comme les clouz, la vraye Croix, le saint Suaire, mentent plus d'honneur relatif de latrie que ne font les images ou simples Croix de Nostre Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent a Nostre Seigneur par une relation plus vive et estroitte que les simples remembrances..

  A002000956 

 Ces honneurs relatifz et imparfaitz procedent des honneurs absolus et parfaitz, et non seulement en procedent, mais s'y rapportent et reduisent; ce n'est pas merveille s'ilz empruntent le nom du lieu de leur naissance et de leur finale retraitte.

  A002000956 

 Et n'y a celuy qui doive trouver estrange que ces menus honneurs imparfaitz et relatifz portent les noms des honneurs absolus et parfaitz de latrie, superdulie et dulie, car, comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de l'arbre qui les produit et duquel elles dependent? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dependances des excellences absolues; les honneurs que nous leur faisons sont aussi des appartenances et dependances des honneurs [334] absolus que nous portons aux excellences absolues.

  A002000957 

 La rayson est parce que, selon la regle des logiciens, le mot qui signifie deux ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par similitude et proportion, estant mis a part seul et sans limitation il signifie tousjours la chose principalement signifiee: analogum per se sumptum stat pro famosiori significato.

  A002000957 

 Le docte Bellarmin le prouve suffisamment, quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appartenances exterieures de Dieu; et certes, puysque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000963 

 Si l'adoration relative des appartenances de Jesus Christ s'appelle latrie imparfaitte, parce qu'elle se rapporte a la vraye et parfaitte latrie deuë a Jesus Christ, et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre Dame s'appelle hyperdulie, d'autant qu'elle vise a la parfaitte hyperdulie deuë a ceste celeste Dame, ou l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des Saintz s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se reduit a la parfaitte dulie deuë a ces glorieux Peres, pourquoy n'appellera-on adoration de latrie l'honneur qu'on fait a la Vierge Mere de Dieu, et aux Saintz, puysque l'honneur de la Mere et des serviteurs redonde tout et se rapporte entierement a l'honneur et gloire du Filz et Seigneur Jesus Christ, nostre souverain Dieu et Redempteur? Tout honneur se rapporte a Dieu, comme il a esté clairement deduit en l'Avant-Propos, donq tout honneur est, et se doit appeller, adoration relative de latrie.

  A002000964 

 Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve reellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres a Dieu comme a sa fin et a son principe.

  A002000972 

 Car tout ainsy que la gloire de Nostre Seigneur, au jour de sa Transfiguration, espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses vestemens qu'elle rendit blancz comme neige, de mesme, la latrie de laquelle nous adorons Jesus Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejallit et redonde a tout ce qui le touche et luy appartient: telle fut l'opinion de ceste pauvre dame qui se contentoit de toucher le bord de la robbe du Sauveur; ainsy baysons-nous la pourpre et robbe des grans.

  A002001011 

 L'estendart vient du Roy des roys,.

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001050 

 D'autre part, il y a des signes qui ne representent ni signifient aucune chose naturellement, mays par l'institution et volonté des personnes, comme quand anciennement les commissaires de guerre ou contrerolleurs mettoyent le Thita, Θ, pour signe de mort, et le Thau, T, pour signe de vie:.

  A002001050 

 Il y a deux sortes de signes: car les uns representent et signifient naturellement, par la dependance, appartenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses representees par iceux; ainsy les fumees et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dependance et rapport qu'elles ont avec icelles; ainsy la fumee est signe du feu, et l'ombre du cors.

  A002001055 

 C'est son ordinaire usage, lequel n'excede point sa portee naturelle; et consideree en ceste sorte on l'honnore de l'honneur que j'ay si souvent remarqué, a sçavoir, d'une latrie imparfaitte et relative, telle que l'on porte au livre des Evangiles et autres choses sacrees, ainsy qu'il est determiné au Concile septiesme, Act.

  A002001056 

 Je maintiens donq que les Croix des Chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la Passion de Jesus Christ, puysque les Chrestiens ne prisent autre image ou figure de croix, sinon celle en particulier qui est image de la Croix de leur Sauveur..

  A002001056 

 Voyla l'honneur deu a la Croix comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et patissant pour nous, [345] auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté expedient de faire entrevenir l'institution du peuple Chrestien; car puysque la figure de la croix, selon sa nature, n'a nomplus de proportion a la Croix du Sauveur qu'a celle des larrons qui furent crucifiés pres de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifix qu'on a fait mourir ailleurs et a autres occasions, pourquoy prend-on ainsy indistinctement les croix pour remembrances et signes naturelz de la seule Passion du Sauveur, plustost que des autres? Certes, je l'ay des-ja dit, il a esté besoin que l'institution du peuple Chrestien ait eu lieu en cest endroit, pour retrancher et accourcir la signification et representation que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, a ce qu'elle ne fust en usage pour autre que pour representer et signifier la sainte crucifixion du Redempteur; ce qui a esté observé des le tems de Constantin le Grand.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 Il y en a d'autres non moins a propos; comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus, de l'image de Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menee parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pannoniens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge.

  A002001057 

 Item, quand on fait a l'endroit des statues des princes trespassés tous les honneurs et ceremonies qu'on feroit a l'endroit du roy vivant, comme quand, selon le tesmoignage de Sextus Aurelius Victor, Trajan, ja decedé, triompha a Rome, et sa statue fut assise pour luy au char triomphal.

  A002001057 

 La volonté des hommes n'a pas ce pouvoir de bailler aucune reelle valeur aux choses outre celle qu'elles ont de leur nature, mays elle peut bien leur bailler un prix imaginaire et une estimation [346] supposee ou feinte, selon laquelle on les honnore ou deshonnore plus ou moins.

  A002001057 

 On ne sçauroit dire que telz honneurs soyent proprement portés aux statues, ains aux princes representés par les statues, non d'une representation naturelle, mays d'une representation arbitraire, feinte, et imaginee par l'institution des hommes.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001058 

 Les images, donques, outre leur faculté naturelle qu'elles ont de representer les choses desquelles elles sont images, par la convenance et proportion qu'elles ont avec icelles, peuvent estre employees a une autre representation et lieutenance par la fiction et institution des hommes.

  A002001059 

 Ce fut a ceste consideration que le glorieux Prince des Apostres, saint Pierre, estant cloué sur la croix, disoit au peuple: « Cestuy-ci est le bois de vie, auquel le Seigneur Jesus estant relevé tira toutes choses a soy, cestuy-ci est l'arbre de vie auquel fut crucifié le cors du Seigneur Sauveur »; ainsy qu'Abdias Babylonien [348] recite (si le tiltre du livre ne ment) au Livre premier du Combat Apostolique.

  A002001059 

 Et de fait, comme on attribue tous les honneurs des jours de la Nativité, Passion et Resurrection de Nostre Seigneur aux jours qui les representent [349] et tiennent leur place, selon l'institution des anniversaires et commemorations qu'on en fait, aussi fait-on pareilz honneurs a l'image de la Croix, quant a l'exterieur, qu'au Crucifix, mais ce n'est que pour commemoration, et en vertu de la supposition que l'on fait que l'image represente le Crucifix et soit en son lieu a la reception de ces ceremonies exterieures.

  A002001059 

 Et l'autre Apostre, aisné de saint Pierre: « Je te salue, o Croix, qui as esté dediee au cors de Jesus Christ, et ornee par les perles de son cors; o bonne Croix, qui as pris ta beauté et ton lustre des membres du Seigneur », et ce qui suit, au recit des prestres d'Achaïe.

  A002001059 

 Qui ne void que les croix ni de l'un ni de l'autre des freres n'estoyent pas la vraye Croix du Sauveur? et neanmoins ilz s'addressent a icelles ne plus ne moins comme si c'eust esté la mesme Croix de salut.

  A002001061 

 De mesme, le signe de la Croix fait par le mouvement a tous les usages des images de la Croix, et par consequent part a tous les honneurs; et outre cela il a encor pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et puissante oraison, a rayson dequoy il est tres venerable.

  A002001067 

 Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque des choses qui sont au ciel en haut, ni en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux.

  A002001068 

 Ceste interpretation, donq, combat l'Escriture, l'Eglise, la nature, et n'est aucunement sortable aux paroles precedentes, qui defendent pluralité de dieux, a quoy la defense des images ne sert a rien, ni aux paroles suivantes, qui defendent l'adoration des similitudes, car a quoy faire defendre l'adoration, s'il n'est loysible de les avoir ni faire? si on defend d'avoir simplement aucune similitude, qu'est-il besoin d'en defendre l'adoration?.

  A002001068 

 Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001069 

 Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente: car les Juifz et Mahometains ont au moins pretexte es motz du commandement, qui portent tout net qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es eglises qu'ailleurs.

  A002001069 

 Dieu proposa l'ornement des images en ce vieux Temple, a la veuë d'un peuple si enclin a l'idolatrie; qui gardera l'Eglise d'orner les siens des remembrances de la Croix et des glorieux soldatz qui, sous cest Estendart, ont abattu toute l'idolatrie? Aussi, certes, l'a-elle fait de tous tems; jamais elle n'eut temple (qu'on sçache) sans Croix, comme j'ay prouvé ci dessus.

  A002001069 

 II. Un tas de schismatiques et chicaneurs confesse qu'il n'est pas defendu, au commandement dont il est question, d'avoir et faire des similitudes et images, mais seulement de les mettre et faire es eglises et temples.

  A002001069 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, vaches, lions, grenades et palmes estoyent anciennement, sinon au Temple? et quant aux Cherubins, au lieu le plus sacré.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001069 

 Voyla un grand exemple pour nous, qui le nous veut arracher des mains il doit apporter une grande authorité a garend; nostre exemple est en l'Escriture, il faut une aussi grande authorité pour nous en prohiber l'imitation, il ne suffira pas d'y apporter des discours.

  A002001071 

 Ainsy le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent pas images de Dieu, mais signes d'iceluy; et tous les portraitz des choses spirituelles ne sont pas tant portraitz de ces choses-la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001071 

 Bien que je serois d'advis, apres le docte Bellarmin, qu'on ne multipliast pas beaucoup de telles images des choses invisibles, et qu'il ne fust loysible d'en faire sans le jugement de quelque discret theologien..

  A002001071 

 On ne rejette pas nomplus les images ou figures mistiques, comme d'un aigneau pour representer le Sauveur, ou de colombes pour signifier les Apostres, car ce ne sont pas images des choses qu'elles signifient, nomplus que les motz, ou les lettres, des choses qu'elles denotent; elles representent seulement, aux sens exterieurs, des choses lesquelles, par voye de discours, remettent en memoire les choses mistiquement signifiees par quelque secrette convenance.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001071 

 Qu'ilz ayent bien dit quant au premier point, il n'y a point de doute, car ilz parlent des images exterieures, corporelles et artificielles.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001075 

 Car, si ce n'est qu'un seul commandement qui defende de ne faire semblance quelconque et de ne les adorer, il faut que l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte a elle, comme a son but et projet: que si l'une ne se rapportoit a l'autre et n'en dependoit, ce seroyent deux commandemens et non un seul.

  A002001075 

 Donques, la principale partie de ce commandement, qui est toute sa substance, son intention et projet, est la prohibition de n'adorer ni servir aux idoles et similitudes des choses creées; et l'autre prohibition, de ne les faire point, se rapporte a ne les adorer point ni servir, comme s'il estoit dit: Tu ne te feras aucune [357] idole ni semblance quelconque, pour les adorer et servir..

  A002001077 

 Et en l'Exode, Dieu inculquant son premier commandement, Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a defendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolatrer..

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001078 

 Ceste interpretation joint tres bien a toutes les autres pieces non seulement du premier commandement, mays de toute la premiere Table, lesquelles ne visent qu'a l'establissement du vray honneur de Dieu; car elle leve toute occasion a l'idolatrie et a toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans neanmoins lever le droit usage des images, ni imposer a Dieu une jalousie desreglee et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-Propos..

  A002001079 

 Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'honneur de Dieu, non seulement es temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour representer la Divinité, qui ne suffit pas nomplus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument [358] tout usage idolatrique: qui est le vray et unique projet de ce premier commandement..

  A002001081 

 Bref, le dire de Tertullien est tout vray: « Non videntur similitudinum prohibitarum legi refragari non in eo similitudinis statu deprehensa ob quem similitudo prohibetur: Ces choses-la ne semblent contrarier a la loy des similitudes prohibees, lesquelles ne se retrouvent en l'estat et condition de similitude pour lequel la similitude est defendue.

  A002001081 

 Et de plus, ceste interpretation est du tout conforme a la tres ancienne et catholique coustume de la sainte Eglise, laquelle a tousjours eu des images, notamment de la Croix, qui est autant a dire comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Saint Esprit.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001082 

 Si que, non seulement le vray usage des sacrees et saintes images n'est aucunement defendu, mais est commandé et comprins par tout ou il est commandé d'adorer Dieu et d'honnorer ses Saintz, puysque c'est une legitime façon d'honnorer une personne, d'avoir fait son image et portrait pour le priser selon la mesure et proportion de la valeur du principal sujet.

  A002001085 

 C'est pourquoy, ayant rencontré en ses Commentaires sur Josué une grande et claire confession en faveur du juste usage des images, je l'ay voulu mettre en ce bout de livre, a fin qu'on connoisse combien la verité de la creance Catholique est puissante, qui s'est eschappee et levee des mains de ce grand et violent ennemy qui la detenoit en injustice.

  A002001085 

 Il n'y en a point qui ayt contredit a la sainte Eglise avec tant de vehemence et chagrin que celuy-la, ni qui en ayt recherché plus curieusement les occasions, et sur tout touchant le point des images.

  A002001086 

 A quoy les deux tribus et demy firent response qu'ilz craignoyent qu'a l'advenir la posterité des autres tribus ne voulust forclorre leurs enfans de l'acces du vray autel qui estoit en Canaan, sous pretexte de la separation que le Jordain faisoit entre l'habitation des uns et des autres, d'autant que l'une estoit deça et l'autre dela laditte riviere.

  A002001086 

 Calvin traduit ainsy, et sur l'excuse des deux tribus et demy fait ce commentaire: « Neanmoins si semble-il qu'il y a eu encor quelque faute en eux, a cause que la Loy defend de dresser des statues de quelque façon qu'elles soyent: mays l'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque [362].

  A002001086 

 Les enfans d'Israël estoyent des-ja saisis de la terre de promission, les lotz et portions avoyent esté assignés a une chacune des tribus, si que le grand Josué estima de devoir congedier les Rubenites, Gadites, et la moitié des Manasseens, lesquelz, ayans des-ja prins et receu le lot de leur partage au dela du Jordain, avoyent neanmoins assisté en tout et par tout au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paisibles possesseurs de la part du païs que Dieu leur avoit promis, comme se rendans evictionnaires les uns pour les autres.

  A002001088 

 Mays, sur tout, le texte porte une signalee consideration pour l'establissement du juste usage des images et remembrances des choses saintes: considerons-le donques, et finissons tout ce Traitté au nom de Dieu.

  A002001095 

 I. Les accusés et accusateurs de part et d'autre sont extremement differens; car les accusateurs des deux tribus et demy ce furent les dix tribus d'Israël, lesquelles, a l'esgard des deux et demy, 1.

  A002001095 

 Tout cela estoit un grand droit apparent et solide aux dix tribus, pour entreprendre la correction du fait des deux tribus et demy, lesquelles, en multitude, dignité et prerogative, leur estoyent du tout inferieures.

  A002001096 

 Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procedure des censures que les reformeurs font contre nous qui sommes Catholiques, auxquelz ilz sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement..

  A002001096 

 Mais si nous considerons nostre condition, de nous qui sommes Catholiques, et celle des novateurs qui nous accusent si asprement, nous verrons que tout y va a contrepoids, 1.

  A002001097 

 L'erection des remembrances et similitudes servit d'occasion a l'une et a l'autre accusation: a l'une, l'erection de la similitude de l'autel de la Loy, a l'autre, l'eslevation de la remembrance de l'autel de la Croix; mays il y a cela a dire entre l'une et l'autre erection, que l'erection de la similitude de l'autel de la Loy estoit une œuvre notoirement nouvelle, qui, partant, meritoit bien d'estre consideree comme elle fut avec un peu de soupçon, et que l'approbation d'icelle fust precedee d'un bon examen; mays l'erection de la similitude de l'autel de la [365] Croix, prattiquee de tous tems en l'Eglise, portoit par son antiquité une ample exemption de toute censure et accusation..

  A002001099 

 contre le manifeste consentement de toute [366] l'Eglise, contredisans ouvertement a toute la congregation de l'Eternel, aux Conciles generaux, au perpetuel usage des Chrestiens..

  A002001099 

 se sont de plein saut jettés aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la verité divine ne nous eust tenuz a couvert sous son impenetrable escu (je laisse a part la guerre temporelle suscitee par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu acces); 2. et a leur pretendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs superieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jesus Christ; 3.

  A002001100 

 Ces si grandes differences entre nos accusateurs, leur sujet et maniere de proceder, d'une part, et les accusateurs, ou plustost correcteurs, des deux tribus et demy, leur sujet et maniere de proceder, de l'autre part, presupposent une autre quatriesme difference, et en produisent une cinquiesme..

  A002001101 

 IV. Elles presupposent une grande difference en l'intention des uns et des autres.

  A002001102 

 Au contraire, toutes les poursuites des reformeurs contre nous ne respirent que sedition, haine et division; leurs offres ne sont que de leur quitter le gouvernement de l'Eglise, les laisser regenter et maistriser, passer sous le bon playsir de leurs constitutions.

  A002001102 

 Et quant au point particulier dont il est question, ilz ont fait voir clairement qu'ilz n'ont esté portés d'autre affection au brisement et destruction des Croix de pierre et de bois, que pour ravir et envoler celles d'or et d'argent, renversans l'ancienne discipline Chrestienne qui ne donne prix a la Croix que pour la figure, puysqu'ilz ne la prisent que pour la matiere..

  A002001103 

 La charité les pousse egalement a se formaliser sur l'erection de l'autel nouveau et a recevoir l'excuse de ceux qui l'avoyent erigé; le cas neanmoins estoit extremement chatouilleux en cas de religion, la separation des habitations rendroit le soupçon du schisme fort juste: mais, charité est toute patiente, ell'est benigne, elle ne pense point mal, elle ne se plaist point sur l'iniquité, mais se complaist a la verité, elle croit tout, elle espere tout..

  A002001103 

 Les dix tribus, lesquelles, par tant de prerogatives et raysons, avoyent le droit de [367] correction, n'eurent pas si tost ouÿe la declairation de l'intention des deux tribus et demy, qu'ilz la reçoivent amiablement et, sans presser d'aucune replique ni recharge la response et excuse des accusés, se reposent tout entierement sur leur parole.

  A002001104 

 Au rebours, l'Eglise Catholique, avec tant de signalés advantages et de si claires marques de son authorité et sainteté, ne peut trouver aucune excuse si sacree, ni faire aucune si solemnelle justification de son dessein en l'erection et honneur des Croix, que ses accusateurs ne taschent de contourner a impieté et idolatrie, tant ilz sont accusateurs naturelz des freres.

  A002001111 

 A Calvin, auquel ces occasions semblent legitimes pour dresser des representations (nonobstant la rigueur des motz de la Loy), quand il s'agit d'excuser les deux tribus et demy, a Calvin, dis-je, et aux autres reformeurs, ce ne sont qu'hipocrisies, abus et abomination en nous.

  A002001111 

 Nos saintes excuses, ou plustost nos saines declairations, qu'ilz devroyent recevoir pour le repos et tranquillité de leur tant inquietee conscience, sans plus s'effrayer et tremousser en la vanité des songes qu'ilz font sur la pretendue idolatrie de la Croix, c'est cela mesme qu'ilz rejettent et abhorrissent le plus, et l'appellent « Endormie », par mespris et desdain.

  A002001119 

 C'est la ou doivent nicher toutes nos esperances, et de nostre amendement et de la conversion des devoyés, laquelle il faut aussi ayder par voye de remonstrance et instruction, car Dieu l'a ainsy establi.

  A002001120 

 Des lhors, par une suite perpetuelle, les Talmudistes, Samaritains, Mahometains, Wiclefistes, et semblables pestes du monde, ont continué ceste contradiction a l'endroit du saint Estendart, quoy que sous divers pretextes.

  A002001120 

 L'enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee, qu'elle fut exposee a la contradiction des Juifz, heretiques et perfides, desquelz parlant saint Paul: Plusieurs, disoit-il, cheminent, desquelz je vous parlois bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jesus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius deduit doctement et au long en ses Annales.

  A002001137 

 C'est en cest endroit on l'insolence des reformateurs s'exerce le plus, et plus impudemment.

  A002001137 

 Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001138 

 En la pag. 27 et 28, il establit deux idolatries: « Quand l'idolatrie paienne a commencé a decliner de jour a autre, au prix que croissoit la lumiere de la doctrine Chrestienne, le Diable a dressé un'idolatrie autant ou plus dangereuse au milieu de la Chrestienté, tellement que les noms des anciennes idoles ont esté changés, mais les choses sont demeurees.

  A002001138 

 Mais il n'est pas possible de penser qu'il y ayt un'idolatrie chrestienne, nomplus que des tenebres lumineuses ou des froides chaleurs.

  A002001138 

 Or bien, ce sont des philosophies dignes de telz novateurs, ou il semble ouvertement dire que la Croix nous est autant idole que Venus et Juppiter aux payens.

  A002001141 

 » Aussi n'estoit ce pas le dessein de l'autheur des placquars sinon de rendre conte, par l'escrit quon distribua a Annemasse, de la devote erection de la Croix que nostre Confrerie y fit, laquelle n'estoit pas une piece de la vraye Croix, mais seulement un'image d'icelle..

  A002001143 

 23, et David commande que l'on adore l'escabeau des piedz de Dieu par ce quil est saint, c'est a dire, l'Arche de l'alliance.

  A002001143 

 28; les enfans des prophetes adorent Helisee, 4.

  A002001144 

 C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a lhonneur des creatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire.

  A002001144 

 Dequoy la rayson est par ce que l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité: l'adoration donques deüe a Dieu est si excellente en comparaison de celle que l'on fait aux creatures, que, ni ayant presque point de proportion, l'adoration des creatures n'est presque pas adoration au pris de celle que l'on fait a Dieu.

  A002001144 

 Et tout de mesme, l'Eglise sainte et ses Docteurs applique ce mot d'adorer pour lhonneur de Dieu et des creatures, selon ce que S t Augustin tesmoigne tout ouvertement, que nous autres Latins n'avons point de mot particulier pour signifier le service deu a Dieu seul, mais avons emprunté le mot de latrie des Grecz, l. 10.

  A002001144 

 de Civit. c. 1, et epist. 59, ad Deogratias; et neanmoins a qui considerera de pres la maniere de parler de l'Escriture et des Anciens, il verra que le mot d'adorer panche un peu plus a la signification de lhonneur deu a Dieu seul, que non pas aux autres.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001151 

 Or cest'excellence peut estre de deux sortes: car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui la possede advantageux ou superieur sur celuy qui le veut honnorer, et lhors il ni a lieu que pour le simpl'honneur et ne se peut former aucun'adoration; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S t Basile a S t Gregoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p r chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre: Honore invicem prævenientes, Ro.

  A002001153 

 Car ayans remarqué que le mot grec de dulie s'appliqu'indifferemment au service de Dieu et des creatures, et que le mot de latrie, comme dit le grand S t Aug. en plusieurs endroitz, n'est presqu'appliqué qu'au service de Dieu, ilz ont appellé le service deu a un seul Dieu, latrie, et celuy qui se peut rapporter aux creatures, dulie.

  A002001153 

 Et pour mettre encores quelque difference en lhonneur fait aux creatures selon la diversité des excellences, ilz ont dict que les plus excellentes s'honnoroyent d'hiperdulie..

  A002001153 

 Si l'excellence est cree, comme celle des Anges et des hommes saintz ou superieurs, l'adoration est limitee et bornee a la mesure de l'excellence pour laquell'on adore, et s'apelle dulie parmi les Theologiens.

  A002001156 

 Puys on honnore encor les autres excellences qui sont ou comm'instrumens, ou comme des acheminemens a la vertu.

  A002001158 

 On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'experience, et l'experience apporte la prudence; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la liberalité et magnificence; on honnore les magistratz par ce quilz representent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sieges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on deteste l'ignorance par contraires raysons.

  A002001158 

 Parlons des choses sacrees: on honnore les eglises, les vases sacrés, par ce quilz sont instrumens de la religion et service de Dieu; on honnore les images, comme le Serpent d'airain et le Coffre de l'alliance, par ce quilz representent N. S. et quilz sont des acheminemens..

  A002001162 

 est interrompue; les deux passages suivants sont des citations détachées.].

  A002001172 

 C'est l'Achilles des novateurs, il la faut donq faire pour par apres la desfaire.

  A002001172 

 Mettons donq au net la prohibition divine en ses termes: Tu ne te feras aucune statue, ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit.

  A002001172 

 Que s'il ne faut avoir aucune similitude pour aucun usage que ce soit, il ne sera pas loysible nomplus d'avoir des Croix; mais s'il est permis de faire et avoir quelque similitude pour quelque particuliere occasion, il sera loysible d'avoir des Croix et les honnorer.

  A002001174 

 Dont il s'ensuit quil faut que l'un des pointz s'entende conformement a l'autre.

  A002001174 

 Que si neanmoins quelqu'un veut opiniastrement debattre que la seconde defense proposee en ce premier chef des commandemens, Tu ne te feras aucune statue, et ce qui suit, soit un commandement a part et separé, qui face non une seconde partie du premier commandement, mais un second commandement de la premiere Table, pour ne m'entretenir hors de mon dessein a le convaincre par rayson, je diray seulement qu'au moins ne sçauroit on nier que la defense de ne faire aucune similitude ou statue ne soit un mesme commandement avec ce qui s'ensuit: Tu ne les adoreras ni serviras, et n'aÿe rapport a ce premier point: Tu n'auras aucuns dieux estrangers devant moy.

  A002001176 

 Bref, ceste intelligence n'a aucune convenance avec les paroles præcedentes ou suivantes, puysqu'avoir et faire des images ne tend en aucune façon a l'idolatrie..

  A002001176 

 L'Eglise a eu de tous tems des images de la Croix, comme j'ay prouvé bien au long au 2.

  A002001176 

 Les Turcz et Juifz Talmudistes, prenans ceste defense a la rigueur des motz, estiment qu'il ne soit loysible d'avoir ou faire aucune sorte d'image en façon quelcomque: quand aux Juifz, le petit traitteur le confesse ouvertement, et pour les Turcz il ni a aucune difficulté.

  A002001176 

 Les images des Cherubins, des lions, vaches, pommes graines, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cæsar et il ne la rejette point, ains l'approuve.

  A002001177 

 Car, quand a l'Escriture, les Talmudistes et semblable canaille se couvrent au moins des motz d'icelle, qui portent tout a plat qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de cest'autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin d'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images aux temples ou eglises qu'ailleurs.

  A002001177 

 Certains autres ont dit qu'il n'estoyt voirement pas defendu d'avoir et faire des images, mais seulement d'en avoir es temples et eglises.

  A002001177 

 Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les eglises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont tres convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les representations des choses saintes; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel?.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001177 

 Si Dieu voulut ainsyn orner ce vieux Temple a la veuë d'un peuple si sujet a l'idolatrie, qui gardera l'Eglise d'orner les siens des images de la Croix et de ceux qui sous ce saint Estendart ont renversé toute l'idolatrie? Aussi certes l'a-elle fait de tous tems, et ne sçauroit on monstrer que les Chrestiens ayent eu jamais des eglises ou temples qu'elle ny aye eu des Croix et autres images, comme j'ay suffisamment prouvé ci dessus.

  A002001178 

 Les images donq qu'on fait de Dieu, des Cherubins et Anges, ou des ames, ne sont pas tant images de ces choses la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001178 

 Que si on parle des images et figures mistiques, comme d'un aigneau pour représenter Nostre Seigneur, de colombes pour representer les Apostres, ce ne sont non plus images des choses qu'elles représentent mistiquement que les motz sont images des choses quilz signifient, et les lettres des motz quelles denotent; car elles ne représentent pas ces choses la aux sens, comme font les images, mais des objetz tout differents par lesquels, avec beaucoup de discours, on se représente les choses mistiquement signifiees.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001188 

 Et toute l'ancienne et primitive Eglise, voisine des Apostres et leurs disciples, recommandent d'user de ce signe de la Croix..

  A002001188 

 Justin Martyr, voisin des Apostres, qui vivoit l'an 150, en la question 118, monstre comme de son temps on faisoit [406] le signe de la Croix.

  A002001188 

 Le mesme S. Augustin, en ses Co n fessions, liv. 1. c. 11, dit que quand il fut fait Chrestien, deslors il commença à se signer du signe de la Croix; et au livre de la Visitation des malades, [liv.

  A002001188 

 Le signe de Thau, en Ezechiel, c. 9, et en l'Apocalypse, c. 7, qui estoit escrit au front des gemissans pour les garder de mal, signifie la Croix et benediction que l'on met au front des croyans; ainsi que tesmoignent S. Cyprien fort voysin des Apostres, livre 1.

  A002001188 

 Les mesme ennemys des Chrestiens ont esté contraincts s'en servir pour chasser les diables, ainsi qu'attestent Epiphanius en l' Heresie 30, et S. Gregoire, liv. 3.

  A002001188 

 S. Denis, disciple de S. Paul, livre de la Hierarchie Ecclesiastique, c. 4 et 5 et 6, tesmoigne l'usage du signe de la Croix de son temps si proche des Apostres, voire pendant leur vie.

  A002001188 

 S. Paulin, Evesque de Nole, tres-ancien (il y a plus d'onze cents ans qu'il vivoit), in natali S. Fœlicis, dit que le signe de la Croix est l'armeure des Chrestiens, defensive contre tous ennemis.

  A002001188 

 Sur le Psalme 36, il dit que le signe de la Croix avec une grande gloire est passé du lieu des supplices au front des Roys et Empereurs; au traité 3.

  A002001188 

 contre Julien l'Apostat, dit que ce meschant, effrayé de la vision des diables, fut contrainct de se servir du signe de la Croix, comme il avoit veu faire aux Chrestiens; d'autant que Dieu a [405] donné à ce signe une vertu particuliere contre les malins esprits, selon qu'afferme S. Augustin au liv. des 83 qq., question 79, où il dit que Dieu a commandé aux diables de ceder à la Croix, comme au Sceptre du souverain Roy.

  A002001188 

 des Saincts, il monstre que de son temps on usoit de ce signe en l'administration des Sacremens; et au liv. 22.

  A002001194 

 Des que nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous rachepter de l'eternelle damnation, souffrit la tres-amere mort de la Croix, on ne doit douter que ce tresgrand benefice de nostre redemption, vivement representé par la Croix, trophee et banniere du Sauveur, instrument de nostre redemption, lict de justice et autel du souverain sacrifice, n'oblige aussi à la veneration d'icelle; non pour raison du bois, ou de la matiere, mais à cause de ce qu'elle signifie.

  A002001194 

 Et ce grand Monarque Chrestien, comme disent les historiens susdits, eut de belles revelations et visions du signe de la saincte Croix, et fit dresser des croix avec grande magnificence, pieté et religion.

  A002001194 

 Les gibets des malfaicteurs n'ont point ceste honnorable condition, et les suppliciez ne peuvent tirer d'iceux de [407] l'honneur et profit, comme a fait nostre Seigneur de sa Croix; aussi ne l'endurent ils pas volontairement.

  A002001194 

 Pource religieusement les enfans de ce tresdoux Seigneur honnorent ce sainct Estendard de la Croix, que les adversaires appellent gibet, grandement different des autres par excellence.

  A002001194 

 chap.: Je mets mon ame, nul ne me l'oste, comme estant ceste mort ordonnee par l'eternel conseil de Dieu, és Actes des Apostres, c. 2.

  A002001194 

 » C'est chose admirable que Dieu ayant deffendu l'idolatrie, ne laissa en apres, au livre des Nombres, c. 21, de faire dresser sur le bois le Serpent de bronze, en forme pendante, encores que le peuple fut tombé en idolatrie.

  A002001204 

 S t Augustin, liv. [II] de la Visitation des malades, c. 3, dit que la Croix est digne de veneration; et fit devant icelle sa priere a Jesus Christ..

  A002001206 

 de ses Confessions, chap. 11, que des lhors qu'il fut Chrestien il commença a se signer du signe de la Croix..

  A002001216 

 contre l'Empereur Julien l'Apostat lequel se moquoit des Chrestiens qui adoroient la Croix, les soustient, et dit: « Le bois de salut nous remet en memoire et souvient des benefices receus de Jesus Christ, et nous incite a penser que, comme saint Paul dit, Luy seul est mort pour tous et est resuscité.

  A002001234 

 Mais s'il estoit en terre humainement conversant en la cité de ce monde terrestre, tesmoin et auditeur des sacrileges, blasphemes, impietés et horribles discours que les obstinez adversaires de Dieu et de son Eglise unique, Catholique, Apostolique et Romaine, vomissent et desgorgent verballement en leurs synagogues et par escrit en leurs livrets diffamatoires contre l'adoration de la saincte Croix, ce grand Docteur des Gentils se transformeroit volontiers au flebile et pleureux Heraclite pour la compassion qu'il prendrait de ces blasphemateurs..

  A002001236 

 Ce neantmoins, durant l'ardent feu et flamme de ces heresies, est demeuré en France plus grand nombre de croix et reliques [412] que n'a esté celuy des ruinees et gastees, et s'accomplist la prophetie du grand Prophete Esaïe, c. 19: In die illa erit altare Domini in medio terræ Ægypti, et titulus Domini juxta terminum ejus; et erit in signum et in testimonium Domino exercituum.

  A002001236 

 Si ceux de Geneve vouloyent confesser la verité, ils trouveroyent, aux cayers et registres de leur maison de ville, les noms, surnoms, d'aages, qualitez et demeurances de ceux qui firent la revolte et defection et forfaits; [et les] supputateurs du temps que les autheurs et instruments de l'apostasie ont vescu apres, [verraient qu'] ils ne furent triennaux possesseurs de leurs impietés et meschancetez; la memoire desquels et de tous les leurs, ascendants, descendants et collateraux, dans les trois ans fut esteincte et faillie, et justo Dei judicio; et si l'on pouvoit recouvrer un livret qui en a esté fait par le feu Cardinal Sadolet, intitulé: Prodigiosissima portenta civitatis Genevæ, post repudiationem et abdicationem Catholicæ et Orthodoxæ religionis, l'on y liroit des choses tres espouvantables et tres-veritables..

  A002001237 

 Donques Beelzebuth, prince des diables, parlant et escrivant par luy, se couvrant de l'authorité de S. Paul, in hæc verba prorupit: Testatur enim se post Christi resurrectionem amplius ipsum non agnoscere secundum carnem; admonens his verbis quicquid in Christo carnale fuit oblivioni tradendum et missum faciendum, ut in eo secundum spiritum quærendo et possidendo omnem operam locemus.

  A002001240 

 Que quelques pieces que l'on prenne et ayent prins, retroactis seculis, de la saincte Croix, elle n'est point diminuee ni amoindrie, c'est une tres-veritable verité receuë de l'Eglise et approuvee des saincts Peres et Docteurs, et n'a oncques esté contredicte et par les heretiques.

  A002001240 

 Tous ceux qui suyvent Nostre Seigneur et ont porté et portent sa Croix, tant vifs que morts, sont plus de milliers et millions qu'il n'y a de vingtaines en trois cents; une seule navire, voire tous les vaisseaux des mers, ni les basteaux de toutes les rivieres du monde ne les pourroyent comprendre et contenir: il s'ensuit donques qu'il n'y a reliquiaire plus copieux et abundant que la saincte Croix; ce que ledict Calvin allegue commentum.

  A002001241 

 Mais, finalement, considerant la Croix entant qu'elle represente la figure de Jesus Christ crucifié, et entant que par l'attouchement des saincts membres de son corps precieux elle a esté baignée et arrousée de son sang: alors la devons adorer de la mesme adoration que nous adorons Nostre Sauveur Jesus-Christ, que noz maistres et anciens Peres Docteurs que convenienti vocabulo appellant adorationem Latriæ; [415] et à ceste raison nous parlons à la Croix et la prions comme le Sauveur: O Crux, ave, spes unica; O Crux benedicta.

  A002001241 

 Quæ Viret, Pharel, et post eos le successeur de Calvin ont traduits en langue vulgaire, et ont intitulé leur livre: De l'idolatre et superstitieuse adoration, et des deux festes de la Croix; où ils disent que les Catholiques pretendus sont pour ce regard de pire condition que les enfans d'Israël adorans le Veau d'or.

  A002001302 

 Tout le peuple escaillé des palais d'Amphytrite.

  A002001305 

 Sur le front brillonnant des hauts palais des Cieux..

  A002001315 

 Dans le docte Licé des Peres remplis d'art..

  A002001333 

 Tu as produicts des fleurs en l'Eglise de Dieu,.

  A002001337 

 Bell'arbre qui produits des pommes si flairantes,.

  A002001340 

 Qu'elles ont fait quitter le sentier des pleurs..

  A002001343 

 Qu'il ne te reste plus que les palais des cieux:.

  A002001345 

 Ils s'eslongnent des-ja du trenchant de nos yeux..

  A002001357 

 De SALES, enfant d'honneur, honneur des Catholiques,.

  A002001485 

 Sur toy le Fils de Dieu, Redempteur des humains,.

  A002001490 

 Deslors nous avons veu des Monarques Romains.

  A002001491 

 Et des Rois plus puissants, ta majesté servie.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000007 

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  A003000007 

 Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!.

  A003000013 

 Premiere partie de l'Introduction contenant les advis et exercices requis pour conduire l'ame des son premier desir de la vie devote jusques a une entiere resolution de l'embrasser.

  A003000019 

 Chapitre VI. De la premiere purgation, qui est celle des pechés mortelz.

  A003000020 

 Chapitre VII. De la seconde purgation, qui est celle des affections du peché.

  A003000032 

 Des benefices de Dieu.

  A003000037 

 Des pechés.

  A003000071 

 Chapitre XXII. Qu'il se faut purger des affections que l'on a aux pechés venielz.

  A003000073 

 Chapitre XXIV. Qu'il se faut purger des mauvaises inclinations.

  A003000079 

 Chapitre V. Des considerations, seconde partie de la meditation.

  A003000080 

 Chapitre VI. Des affections et resolutions, troisiesme partie de la meditation.

  A003000087 

 Chapitre XIII. Des aspirations, oraysons jaculatoires et bonnes pensees.

  A003000089 

 Chapitre XV. Des autres exercices publiez et communs.

  A003000096 

 Troisiesme partie de l'Introduction contenant plusieurs advis touchant l'exercice des vertus.

  A003000097 

 Du choix que l'on doit faire quant a l'exercice des vertus.

  A003000098 

 Chapitre II. Suite du mesme discours du choix des vertus.

  A003000106 

 Chapitre X. Qu'il faut traitter des affaires avec soin, et sans empressement ni souci 74.

  A003000114 

 Chapitre XVIII. Des amourettes.

  A003000115 

 Chapitre XIX. Des vrayes amitiés.

  A003000116 

 Chapitre XX. De la difference des vrayes et des vaines amitiés.

  A003000118 

 Chapitre XXII. Quelques autres advis sur le sujet des amitiés.

  A003000119 

 Chapitre XXIII. Des exercices de la mortification exterieure.

  A003000120 

 Chapitre XXIV. Des conversations et de la solitude.

  A003000121 

 Chapitre XXV. De la bien-seance des habitz.

  A003000123 

 Chapitre XXVII. De l'honnesteté des paroles et du respect que l'on doit aux personnes.

  A003000124 

 Chapitre XXVIII. Des jugemens temeraires.

  A003000127 

 Chapitre XXXI. Des passetems et recreations, et premierement des loysibles et louables.

  A003000128 

 Chapitre XXXII. Des jeux defendus.

  A003000129 

 Chapitre XXXIII. Des balz et passetems loysibles mais dangereux.

  A003000133 

 Chapitre XXXVII. Des desirs.

  A003000139 

 Qu'il ne faut point s'amuser aux paroles des enfans du monde.

  A003000141 

 Chapitre III. De la nature des tentations, et de la difference qu'il y a entre sentir la tentation et consentir a icelle 116.

  A003000151 

 Chapitre XIII. Des consolations spirituelles et sensibles, et comme il se faut comporter en icelles.

  A003000152 

 Chapitre XIV. Des secheresses et sterilités spirituelles.

  A003000154 

 Cinquiesme partie de l'Introduction contenant des exercices et advis pour renouveller l'ame et la confirmer en la devotion.

  A003000163 

 Chapitre IX. Des considerations propres pour renouveller nos bons propos.

  A003000165 

 Chapitre XI. Seconde consideration: De l'excellence des vertus.

  A003000166 

 Chapitre XII. Troisiesme consideration: Sur l'exemple des Saintz.

  A003000170 

 Chapitre XVI. Des ressentimens qu'il faut garder apres cet exercice.

  A003000184 

 De la premiere purgation qui est celle des pechez mortels - Chap.

  A003000185 

 De la seconde purgation qui est celle des affections du peche - Chap.

  A003000200 

 Meditation 3 - Des benefices de Dieu.

  A003000206 

 Meditation 4 - Des pechez.

  A003000244 

 Des considerations.

  A003000245 

 Des affections.

  A003000246 

 Des resolutions.

  A003000254 

 Qu'il ne faut point s'amuser aux parolles des enfans du monde - Chap.

  A003000256 

 Qu'il se faut purger des affections que l'on a aux pechez veniels - Chap.

  A003000257 

 Qu'il se faut purger des affections que l'on a aux choses inutiles et dangereuses - Chap.

  A003000258 

 Qu'il se faut purger des mauvaises inclinations - Chap.

  A003000262 

 Des oraisons jaculatoires et de la retraite spirituelle - Chap.

  A003000264 

 Des autres exercices publics et communs - Chap.

  A003000269 

 Des trois grandes vertus propres pour acquerir la perfection - Chap.

  A003000273 

 Comme il faut estre pauvre d'esprit quoy que l'on ait des richesses en effet - Chap.

  A003000276 

 De la bien-seance des habits - Chap.

  A003000277 

 Des conversations - Chap.

  A003000280 

 Des injures - Chap.

  A003000283 

 Des passetemps et recreations et premierement des loisibles et louables - Chap.

  A003000284 

 Des bals, et passetemps loisibles, mais dangereux - Chap.

  A003000285 

 Des jeux defendus - Chap.

  A003000287 

 Des jeux de paroles - Chap.

  A003000289 

 Des vrayes amitiés - Chap.

  A003000290 

 De la difference des vrayes et vaines amitiés - Chap.

  A003000291 

 Des desirs - Chap.

  A003000299 

 Des inspirations, et comme il faut les recevoir - Chap.

  A003000300 

 Des grandes tentations, et de la difference qu'il y a entre sentir la tentation, et consentir a icelle - Chap.

  A003000310 

 Qu'il faut traitter des affaires avec soin et sans empressement ny soucy - Chap.

  A003000311 

 Partie troisiesme de l'Introduction contenant des exercices, et quelques advis pour confirmer l'ame en la devotion 223.

  A003000331 

 Response a deux objections qui peuvent estre faites sur tous les advis et exercices des trois parties de cette Introduction - Chap.

  A003000341 

 Je ne puis, certes, ni veux, ni dois escrire en cette Introduction que ce [5] qui a des-ja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet; ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ay fait sera different des leurs, a rayson de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003000341 

 La bouquetiere Glycera sçavoit si proprement diversifier la disposition et le meslange des fleurs, qu'avec les mesmes fleurs elle faisoit une grande varieté de bouquetz, de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire a l'envi cette diversité d'ouvrage, car il ne sceut changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquetz: ainsy le Saint Esprit dispose et arrange avec tant de varieté les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine estant tous-jours une mesme, les discours neanmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ilz sont composés.

  A003000342 

 Ceux qui ont traitté de la devotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes fort retirees du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de devotion qui conduit a cette entiere retraitte.

  A003000342 

 Et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmi la mer sans prendre aucune goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans brusler leurs aisles, ainsy peut une ame vigoureuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres sans brusler les aisles des sacrés desirs de la vie devote.

  A003000342 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent es villes, es mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant a l'exterieur, lesquelz bien souvent, sous le pretexte d'une pretendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser a l'entreprise de la vie devote, leur estant advis que, comme aucun animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommee palma Christi, aussi nul homme ne doit pretendre a la palme de la pieté chrestienne tandis qu'il vit emmi la presse des affaires temporelles.

  A003000343 

 Mais ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public: une ame vrayement pleine d'honneur et de vertu ayant, il y a quelque tems, receu de Dieu la grace de vouloir aspirer a la vie devote, desira ma particuliere assistance pour ce regard; et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long tems auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, je me rendis fort soigneux de la bien instruire, et l'ayant conduitte par tous les exercices convenables a son desir et sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, affin qu'elle y eust recours a son besoin.

  A003000344 

 Et quant au reste des ornemens du langage, je n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant asses d'autres choses a faire.

  A003000344 

 Mais tout cela je l'ay fait sans nulle sorte presque de loysir; c'est pourquoy tu ne verras rien icy d'exacte, ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy que j'explique par des paroles claires et intelligibles, au moins ay-je desiré de le faire.

  A003000346 

 Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie.

  A003000347 

 Cet aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs diront qu'il n'appartient qu'aux religieux et gens de devotion de faire des conduittes si particulieres a la pieté; qu'elles requierent plus de loysir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un diocese si pesant comme est le mien; que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé a choses importantes.

  A003000347 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand saint Denis, qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges, si que leur loysir ne peut estre mieux destiné qu'a cela.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000350 

 La belle et chaste Rebecca, abbreuvant les chameaux d'Isaac, fut destinee pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'oreilles et des brasseletz d'or; ainsy je me prometz de l'immense bonté de mon Dieu que, conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes oreilles les paroles dorees de son saint amour, et en mes bras la force de les [11] bien executer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion, que je supplie sa Majesté me vouloir octroyer et a tous les enfans de son Eglise; Eglise a laquelle je veux a jamais sousmettre mes escritz, mes actions, mes paroles, mes volontés et mes pensees..

  A003000350 

 » Or, il m'est advis, mon Lecteur mon ami, qu'estant Evesque, Dieu veut que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encores sa treschere et bien aymee devotion; et moy je l'entreprens volontier, tant pour obeir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay qu'en la gravant dans l'esprit des autres, le mien a l'adventure en deviendra saintement amoureux.

  A003000359 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit a l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la dévotion selon sa passion et fantaisie.

  A003000359 

 Les gens de Saül cherchoyent David en sa mayson; Michol ayant mis une statue dedans un lict et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fit accroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade: ainsy beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions exterieures appartenantes a la sainte devotion, et le monde croit que ce soyent gens vrayement devotz et spirituelz; mais en verité ce ne sont que des statues et fantosmes de devotion..

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 En fin, la charité et la devotion ne sont non plus differentes l'une de l'autre que la flamme l'est du feu, d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'appelle devotion: si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement a l'observation des commandemens de Dieu, mais a l'exercice des conseilz et inspirations celestes..

  A003000365 

 Ceux qui descourageoyent les Israëlites d'aller en la terre de promission leur disoyent que c'estoit un païs qui devoroit les habitans, c'est a dire, que l'air y estoit si malin qu'on n'y pouvoit vivre longuement, et que reciproquement les habitans estoyent des gens si prodigieux qu'ilz mangeoyent les autres hommes comme [16] des locustes: ainsy le monde, ma chere Philothee, diffame tant qu'il peut la sainte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage fascheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancholiques et insupportables.

  A003000366 

 Le monde voit que les devotz jeusnent, prient et souffrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contraignent leur cholere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des playsirs sensuelz et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses; mais le monde ne voit pas la devotion interieure et cordiale laquelle rend toutes ces actions aggreables, douces et faciles.

  A003000366 

 Les feux, les flammes, les roues et les espees sembloyent des fleurs et des parfums aux Martyrs, parce qu'ilz estoyent devotz; que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruelz tourmens et a la mort mesme, qu'est-ce qu'elle fera pour les actions de la vertu?.

  A003000368 

 Le reste de [18] leurs cors est couvert, mais d'une belle et legere robbe, parce qu'ilz usent voyrement de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenans que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes..

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000369 

 Croyés moy, chere Philothee, la devotion est la douceur des douceurs et la reyne des vertus, car c'est la perfection de la charité.

  A003000374 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruitz, chacune selon son genre: ainsy commande-il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ilz produisent des fruitz de devotion, un chacun selon sa qualité et vacation.

  A003000375 

 « L'abeille, » dit Aristote, « tire son miel des fleures sans les intéresser, » les laissant entieres et fraisches comme elle les a treuvees; mais la vraye devotion fait encor mieux, car non seulement elle ne gaste nulle sorte de vocation ni d'affaires, ains au contraire elle les orne et embellit.Toutes sortes de pierreries jettees dedans le miel en deviennent plus esclatantes, chacune selon sa couleur, et chacun devient plus aggreable en sa vocation la conjoignant a la devotion: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincere, le service du prince plus fidelle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et amiables..

  A003000376 

 C'est un erreur, ains une heresie, de vouloir bannir la vie devote de la compaignie des soldatz, de la [20] boutique des artisans, de la cour des princes, du mesnage des gens mariés.

  A003000380 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voules-vous a bon escient vous acheminer a la devotion? cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise; c'est ici l'advertissement des advertissemens.

  A003000381 

 La bienheureuse Mere Therese voyant que madame Catherine de Cardone faisoit des grandes penitences, desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son confesseur qui le luy defendoit, auquel elle [22] estoit tentee de ne point obeir pour ce regard; et Dieu luy dit: « Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin.

  A003000381 

 La devote Princesse sainte Elisabeth se sousmit avec une extreme obeissance au docteur Maistre Conrad; et voyci l'un des advis que le grand saint Louys fit a son filz avant que mourir: « Confesse-toy souvent, eslis un confesseur » idoine, qui soit « preud'homme et qui te puisse seurement enseigner » a faire les choses qui te sont necessaires..

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000390 

 La purgation et guerison ordinaire, soit des cors soit des espritz, ne se fait que petit a petit, par progres, d'avancement en avancement, avec peyne et loysir.

  A003000390 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ilz ne volent pas, ains montent et descendent par ordre, d'eschellon en eschellon.

  A003000390 

 Saint Paul tout en un moment fut purgé d'une purgation parfaitte, comme fut aussi sainte Catherine de Gennes, sainte Magdeleine, sainte Pelagie et quelques autres; mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des mortz en la nature, si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003000391 

 Helas, quelle pitié est-ce de voir des ames lesquelles, se voyans sujettes a plusieurs imperfections apres s'estre exercees quelques fois en la devotion, commencent a s'inquieter, se [26] troubler et descourager, laissans presque emporter leur cœur a la tentation de tout quitter et retourner en arriere.

  A003000391 

 Mais aussi, de l'autre costé, n'est-ce pas un extreme danger aux ames lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d'estre purgees de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenans pour parfaittes avant presque d'estre faittes, en se mettant au vol sans aisles? O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostees d'entre les mains du medecin! Ha, ne vous levés pas avant que la lumiere soit arrivee, dit le Prophete; levés vous apres que vous aurès esté assis: et luy mesme pratiquant cette leçon et ayant esté des-ja lavé et nettoyé, demande de l'estre derechef..

  A003000396 

 Cherches le plus digne confesseur que vous pourres; prenes en main quelqu'un des petitz livres qui ont esté faitz pour ayder les consciences a se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lises les bien, et remarques de point en point en quoy vous aves offencé, a prendre despuis que vous eustes l'usage de rayson jusques a l'heure presente; et si vous vous defies de vostre memoire, mettes en escrit ce que vous aurés remarqué.

  A003000397 

 Mais outre cela, la confession generale nous appelle a la connoissance de nous mesmes, nous provoque a une salutaire confusion pour nostre vie passee, nous fait admirer la misericorde de Dieu qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, delasse nos espritz, excite en nous des bons propos, donne sujet a nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables a nostre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien declarer aux confessions suivantes..

  A003000402 

 Ainsy il y a des penitens qui sortent en effect du peché et n'en quittent pourtant pas l'affection: c'est a dire, ilz proposent de ne plus pecher, mais c'est avec un certain contrecœur qu'ilz ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché; leur cœur renonce au peché et s'en esloigne, mais il ne laisse pas pour cela de se retourner souventefois de ce costé la, comme fit la femme de Loth du costé de Sodome.

  A003000402 

 Ilz s'abstiennent du peché comme les malades font des melons, lesquelz ilz ne mangent pas parce que le medecin les menace de mort s'ilz en mangent; mais ilz s'inquietent de s'en abstenir, ilz en parlent et marchandent s'il se pourrait faire, ilz les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003000403 

 Les ames lesquelles sorties de l'estat du peché ont encor ces affections et allanguissemens, ressemblent a mon advis aux filles qui ont les pasles couleurs, lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades: elles mangent sans goust, dorment sans repos, rient sans joye, et se traisnent plustost que de cheminer; car de mesme, ces ames font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles ostent toute la grace a leurs bons exercices, qui sont peu en nombre et petitz en effect.

  A003000407 

 Ainsy Magdeleine en sa conversion perdit tellement le [32] goust des pechés et des playsirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa; et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce point consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000417 

 Ou estions-nous, o mon ame, en ce tems la? Le monde avoit des-ja tant duré, et de nous, il n'en estoit nulle nouvelle..

  A003000426 

 Je ne veux donq plus des-ormais me complaire en moy mesme, qui de ma part ne suis rien.

  A003000426 

 Je veux changer de vie et suivre des-ormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donné, l'employant tout entierement a l'obeissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignés, et desquelz je m'enquerray vers mon pere spirituel..

  A003000434 

 Au sortir de l'orayson, en vous pourmenant un peu, recueilles un petit bouquet de devotion, des considerations que vous aves faites, pour l'odorer le long de la journee..

  A003000442 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous souvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses bienfaitz, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, et ainsy des autres facultés.

  A003000444 

 Considerés le malheur du monde qui ne pense point a cela, mais vit comme s'il croyoit de n'estre creé que pour bastir des maysons, planter des arbres, assembler des richesses et faire des badineries..

  A003000449 

 Et vous, o mon Dieu, mon Sauveur, vous seres doresnavant le seul objet de mes pensees; non, jamais je n'appliqueray mon esprit a des cogitations qui vous soient desaggreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie, de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercee en mon endroit; vous seres les delices de mon cœur et la suavité de mes affections.

  A003000449 

 Ha donq, telz et telz fatras et amusemens ausquelz je m'appliquois, telz et telz vains exercices ausquelz j'employois mes journees, telles et telles affections qui engageoient mon cœur, me seront [37] des-ormais en horreur; et a cette intention j'useray de telz et telz remedes..

  A003000464 

 Mais cela consideres-le avec une comparayson de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastés de cors, de santé, de membres; les autres abandonnés a la merci des opprobres, et du mespris et deshonneur; les autres accablés de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussies si miserable..

  A003000466 

 Combien de fois vous a-il donné ses Sacremens? combien de fois, des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amendement? combien de fois vous a-il pardonné vos fautes? combien de fois, delivree des occasions de vous perdre ou vous esties exposee? Et ces annees passees, n'estoyent ce pas un loysir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? Voyes un peu par le menu combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003000466 

 Consideres les graces spirituelles: o Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise; Dieu vous a enseignee sa connoissance des vostre jeunesse.

  A003000477 

 Pries-le qu'il vous fortifie, pour les prattiquer fidellement par le merite de la mort de son Filz; implorés l'intercession de la Vierge et des Saintz..

  A003000488 

 Penses combien il y a que vous commencés a pecher, et voyes combien des ce premier commencement les pechés se sont multipliés en vostre cœur; comme tous les jours vous les aves accreus contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parole, par desir et pensee..

  A003000493 

 Est il possible que j'aye esté si desloyale, que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame, que je n'aye gasté, violé et souillé, et que pas un jour de ma vie ne soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effectz? Est-ce ainsy que je devois contrechanger les benefices de mon Createur et le sang de mon Redempteur?.

  A003000514 

 Au contraire, la devotion et les bonnes œuvres vous sembleront alhors si desirables et douces: et pourquoy n'ay je suivi ce beau et gracieux chemin? Alhors les pechés qui sembloyent bien petitz, paroistront gros comme des montagnes, et vostre devotion, bien petite..

  A003000514 

 Ouy, car alhors les playsirs, les vanités, les joyes mondaines, les affections vaynes nous apparoistront comme des fantosmes et nuages.

  A003000525 

 Implorés l'ayde de la Vierge et des Saintz..

  A003000536 

 En fin, apres le tems que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes et presages horribles pour lesquelz les hommes secheront d'effroi et de crainte, le feu venant comme un deluge bruslera et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003000537 

 Apres ce deluge de flammes et de foudres, tous les hommes ressusciteront de la terre, excepté ceux qui sont des-ja ressuscités, et a la voix de l'Archange comparoistront en la vallee de Josaphat.

  A003000539 

 Ce souverain Juge, par son commandement redoutable et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns a sa droite, les autres a sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003000540 

 La separation faite et les livres des consciences ouvertz, on verra clairement la malice des mauvais et le mespris dont ilz ont usé contre Dieu; et d'ailleurs, la penitence des bons et les effectz de la grace de Dieu qu'ilz ont receuë, et rien ne sera caché.

  A003000541 

 Consideres la derniere sentence des mauvais: Alles, mauditz, au feu eternel qui est preparé au diable et a ses compaignons.

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000564 

 Les damnés sont dedans l'abisme infernal comme dedans cette ville infortunee, en laquelle ilz souffrent des tourmens indicibles en tous leurs sens et en tous leurs membres, parce que, comme ilz ont employé tous leurs sens et leurs membres pour pecher, ainsy souffriront ilz en tous leurs membres et en tous leurs sens les peynes deuës au peché: les yeux, pour leurs [48] faux et mauvais regards, souffriront l'horrible vision des diables et de l'enfer; les oreilles, pour avoir prins playsir aux discours vicieux, n'ouïront jamais que pleurs, lamentations et desespoirs; et ainsy des autres..

  A003000570 

 Confessés que vous l'aves merité, mays combien de fois! Or, des-ormais je veux prendre parti au chemin contraire; pourquoy descendrois-je en cet abisme?.

  A003000581 

 Or, joignés maintenant cette beauté avec celle d'un beau jour, en sorte que la clarté du soleil n'empesche point la claire veuë des estoiles ni de la lune; et puis apres, dites hardiment que toute cette beauté mise ensemble n'est rien au prix de l'excellence du grand Paradis.

  A003000582 

 Consideres la noblesse, la beauté et la multitude des citoyens et habitans de cet heureux païs: ces millions de millions d'Anges, de Cherubins et Seraphins, cette troupe d'Apostres, de Martyrs, de Confesseurs, de Vierges, de saintes Dames; la multitude est innumerable.

  A003000582 

 O que cette compaignie est heureuse! Le moindre de tous est plus beau a voir que tout le monde; que sera-ce de les voir tous? Mais, mon Dieu, qu'ilz sont heureux: tous-jours ilz chantent le doux cantique de l'amour eternel; tous-jours ilz jouissent d'une constante [50] allegresse; ilz s'entredonnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse et indissoluble societé..

  A003000583 

 Quel bien d'estre a jamais uni a son Principe! Ilz sont la comme des heureux oyseaux, qui volent et chantent a jamais dedans l'air de la Divinité qui les environne de toutes parts de playsirs incroyables; la, chacun a qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003000587 

 Quel esprit avois-je de mespriser des biens si desirables, pour des desirs si vains et mesprisables?.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000617 

 Imagines-vous d'estre derechef en une rase campagne, avec vostre bon Ange toute seule, et a costé gauche, vous voyes le diable assis sur un grand throsne haut eslevé, avec plusieurs des espritz infernaux aupres de [54] luy, et tout autour de luy, une grande troupe de mondains qui tous a teste nuë le reconnoissent et luy font hommage, les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003000617 

 Voyes comme ilz sont tous sans repos, sans ordre et sans contenance; voyes comme ilz se mesprisent les uns les autres et comme ilz ne s'ayment que par des faux semblans.

  A003000617 

 Voyes la contenance de tous les infortunés courtisans de cet abominable roy: regardés les uns furieux de haine, d'envie et de cholere; les autres qui s'entretuent; les autres haves, pensifz et empressés a faire des richesses; les autres attentifz a la vanité, sans aucune sorte de playsir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutales affections.

  A003000618 

 [55] Ceux qui ont des afflictions en ce peuple devot, ne se tourmentent pas beaucoup et n'en perdent point contenance.

  A003000630 

 Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux.

  A003000630 

 Simon le lepreux disoit que Magdeleine estoit pecheresse; mays Nostre Seigneur dit que non, et ne parle plus sinon des parfums qu'elle respandit et de la grandeur de sa charité.

  A003000635 

 Je soussignee, constituee et establie en la presence de Dieu eternel et de toute la cour celeste, ayant [58] consideré l'immense misericorde de sa divine bonté envers moy, tresindigne et chetifve creature, qu'elle a creée de rien, conservee, soustenue, delivree de tant de dangers, et comblee de tant de bienfaitz; mais sur tout ayant consideré cette incomprehensible douceur et clemence avec laquelle ce tresbon Dieu m'a si benignement toleree en mes iniquités, si souvent et si amiablement inspiree, me conviant a m'amender, et si patiemment attendue a penitence et repentance jusques a cette N. annee de mon aage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautés et infidelités par lesquelles, differant ma conversion et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé; apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré Baptesme je fus si heureusement et saintement voüee et dediee a mon Dieu pour estre sa fille, et que, contre la profession qui fut alhors faitte en mon nom, j'ay tant et tant de fois si malheureusement et detestablement profané et violé mon esprit, l'appliquant et l'employant contre la divine Majesté; en fin, revenant maintenant a moy-mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le throsne de la justice divine, je me reconnois, advouë et confesse pour legitimement atteinte et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la Mort et Passion de Jesus Christ, a rayson des pechés que j'ay commis, pour lesquelz il est mort et a souffert le tourment de la croix, si que je suis digne, par consequent, d'estre a jamais perdue et damnee..

  A003000636 

 Mais helas, si par suggestion de l'ennemi ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque a cette mienne resolution et consecration, je proteste des maintenant, et me propose, moyennant la grace du Saint Esprit, de m'en relever si tost que je m'en apercevray, me convertissant derechef a la misericorde divine, sans letardation ni dilation quelconque..

  A003000641 

 Si que toute cette troupe des Bienheureux se resjouissant de vostre bonheur, chantera le cantique spirituel d'une allegresse nompareille, et tous donneront le bayser de paix et de societé a vostre cœur remis en grace et sanctifié..

  A003000643 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, a rayson de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiee mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray des advis lesquelz estans bien prattiqués vous preserveront des-ormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, affin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003000648 

 Je ne dis pas que vous descouvrirés des pechés venielz, mais je dis que vous descouvrirés des affections et inclinations a iceux; or, l'un est bien different de l'autre: car nous ne pouvons jamais estre du tout purs des pechés venielz, au moins pour persister long tems en cette pureté; mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechés venielz.

  A003000648 

 Vous descouvrirés donq, ma chere Philothee, qu'outre les pechés mortelz et affections des pechés mortelz, dont vous aves esté purgee par les exercices marqués ci devant, vous aves encores en vostre ame plusieurs inclinations et affections aux pechés venielz.

  A003000651 

 Les araignes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage; et cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003000655 

 C'est dommage de semer en la terre de nostre cœur des affections si vaines et sottes: cela occupe le lieu des bonnes impressions, et empesche que le suc de nostre ame ne soit employé es bonnes inclinations..

  A003000655 

 Je dis donq, Philothee, qu'encor qu'il soit loysible de jouer, danser, se parer, ouïr des honnestes comedies, banqueter, si est-ce que d'avoir de l'affection a cela, c'est chose contraire a la devotion et extremement nuisible et perilleuse.

  A003000656 

 Ainsy les anciens Nazariens s'abstenoyent non seulement de tout ce qui pouvoit enivrer, mais aussi des raisins et du verjus; non point que le raisin et le verjus enivre, mais parce qu'il y avoit danger en [65] mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins, de provoquer l'appetit a boire du moust et du vin.

  A003000656 

 Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables.

  A003000661 

 Je m'en vay donq maintenant donner des advis et proposer des exercices par le moyen desquelz vous purgerés vostre ame des affections dangereuses, des imperfections et de toutes affections aux pechés venielz, et si asseurerés de plus en plus vostre conscience contre tout peché mortel.

  A003000667 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et Passion de Nostre Seigneur: en le regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy; vous apprendrés ses contenances, et formerés vos actions au modelle des siennes.

  A003000673 

 Il est bon aussi de dire les litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saintz, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuelz et Heures appreuvees, a la charge neanmoins que si vous aves le don de l'orayson mentale, vous luy gardies tous-jours la principale place; en sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires ou pour quelque autre rayson, vous ne pouves point faire de priere vocale, vous ne vous en metties point en peyne pour cela, vous contentant de dire simplement, devant ou apres la meditation, l'Orayson Dominicale, la Salutation Angelique et le Symbole des Apostres..

  A003000673 

 Le chapelet est une tres utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachies dire comme il convient: et pour ce faire, ayes quelqu'un des petitz livres qui enseignent la façon de le reciter.

  A003000675 

 S'il advenoit que toute vostre matinee se passast sans cet exercice sacré de l'orayson mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause (ce que vous deves procurer n'advenir point, tant qu'il vous sera possible), taschés de reparer ce defaut l'apres-disnee, en quelque heure la plus esloignee du repas, parce que ce faisant sur iceluy et avant que la digestion soit fort acheminee, il vous arriveroit beaucoup d'assoupissement, et vostre santé en seroit interessee.

  A003000680 

 Ce fut l'apprehension de David, quand il s'escrioit: Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y estes; si je descends aux enfers, vous y estes; et ainsy nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: O que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien.

  A003000682 

 Le troisiesme moyen, c'est de considerer nostre Sauveur, lequel en son humanité regarde des le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement [75] ceux qui sont en priere, desquelz il remarque les actions et deportemens.

  A003000688 

 Il vous servira encor d'adjouster l'invocation de vostre bon Ange et des sacrees personnes qui se treuveront au mystere que vous medités: comme en celuy de la mort de Nostre Seigneur, vous pourres invoquer Nostre Dame, saint Jean, la Magdeleine, le bon larron, affin que les sentimens et mouvemens interieurs qu'ilz y receurent vous soyent communiqués; et en la meditation de vostre [77] mort, vous pourres invoquer vostre bon Ange, qui se treuvera present, affin qu'il vous inspire des considerations convenables; et ainsy des autres mysteres..

  A003000692 

 Il est vray que l'on [78] peut bien employer quelque similitude et comparayson pour ayder a la consideration; mais cela est aucunement difficile a rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé a faire des inventions..

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000697 

 Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites affin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude [79] et des autres pensees et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer.

  A003000697 

 Ayant donq enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voules mediter, ou par l'imagination, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerés a faire sur iceluy des considerations, dont vous verrés des exemples tout formés es meditations que je vous ay donnees.

  A003000697 

 Mais si vous ne rencontres pas selon vostre souhait en l'une des considerations, apres avoir un peu marchandé et essayé, vous passeres a une autre; mais alles tout bellement et simplement en cette besoigne, sans vous y empresser..

  A003000697 

 Que si vostre esprit treuve asses de goust, de lumiere et de fruit sur l'une des considerations, vous vous y arresteres sans passer plus outre, faysant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel a recueillir.

  A003000701 

 La meditation respand des bons mouvemens en la volonté ou partie affective de nostre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du Paradis et de la gloire, le zele du salut des ames, l'imitation de la vie de Nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du [80] jugement et de l'enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections, nostre esprit se doit espancher et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003000701 

 Que si vous voules estre aydee pour cela, prenes en main le premier tome des Meditations de dom André Capilia, et voyes sa preface, car en icelle il monstre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections; et plus amplement, le Pere Arias en son Traitté de l'Orayson..

  A003000702 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant a ces affections generales que vous ne les convertissies en des resolutions speciales et particulieres pour vostre correction et amendement.

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000706 

 La premiere, c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections et resolutions qu'il nous a donnees, et de sa bonté et misericorde que nous avons descouvertes au mystere de la meditation.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000711 

 Il faut mesme que vous vous accoustumies a sçavoir passer de l'orayson a toutes sortes d'actions que vostre vacation et profession requiert justement et legitimement de vous, quoy qu'elles semblent bien esloignees des affections que nous avons receuës en l'orayson.

  A003000712 

 Mais quant aux resolutions, il les faut faire apres les affections et sur la fin de toute la meditation, avant la conclusion, d'autant qu'ayans a nous representer des objectz particuliers et [85] familiers, elles nous mettroyent en danger, si nous les faysions parmi les affections, d'entrer en des distractions..

  A003000717 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ni de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler, mais quelquefois ouvrés la porte aux paroles vocales: lamentes-vous de vous mesme a Nostre Seigneur, confesses vostre indignité, priés-le qu'il vous soit en ayde, baysés son image si vous l'aves, dites-luy ces paroles de Jacob: Si ne vous laisseray-je point, Seigneur, que vous ne m'ayes donné vostre benediction; ou celles de la Chananee: Ouy, Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre. Autres fois, prenes un livre en main, et le lises avec attention jusques a ce que vostre esprit soit resveillé et remis en vous; piqués quelquefois vostre cœur par quelque contenance et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré..

  A003000725 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnee et prompte a la cholere, non seulement je me resouldray de ne point me relascher a l'offenser, mais je prepareray des paroles de douceur pour la prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui la puisse contenir.

  A003000725 

 Si je prevoy de pouvoir visiter un malade, je disposeray l'heure et les consolations et secours que j'ay a luy faire; et ainsy des autres..

  A003000741 

 C'est ici, chere Philothee, ou je vous souhaitte fort affectionnee a suivre mon conseil; car en cet article consiste l'un des plus asseurés moyens de vostre avancement spirituel..

  A003000742 

 Rappelles le plus souvent que vous pourres parmi la journee vostre esprit en la presence de Dieu par l'une des quatre façons que je vous ay remarquees; regardes ce que Dieu fait et ce que vous faites: vous verres ses yeux tournés de vostre costé, et perpetuellement fichés sur vous par un amour incomparable.

  A003000743 

 Comme les oyseaux ont des nids sur les arbres pour faire leur retraitte quand ilz en ont besoin, et les cerfz ont leurs buissons et leurs fortz dans lesquelz ilz se recelent et mettent a couvert, prenans la fraischeur de l'ombre en esté; ainsy, Philothee, nos cœurs doivent prendre et choisir quelque place chaque jour, ou sur le mont de Calvaire, ou es playes de Nostre Seigneur, ou en quelque autre lieu proche de luy, pour y faire leur retraitte a toutes sortes d'occasions, et la s'alleger et recreer entre les affaires exterieures, et pour y estre comme dans un fort, affin de se defendre des tentations.

  A003000745 

 Aussi des lhors elle conseilloit a ses enfans spirituelz de se faire une chambre dans le cœuret d'y demeurer..

  A003000746 

 Lesquelles paroles, outre leur sens litteral (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles), nous monstrent en leur sens mystique trois excellentes retraittes et comme trois hermitages, dans lesquelz nous pouvons exercer nostre solitude a l'imitation de nostre Sauveur, lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses [93] poussins mortz; en sa Nativité dans une establerie deserte, il fut comme le hibou dedans la masure, plaignant et pleurant nos fautes et pechés; et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au ciel qui est comme le toit du monde; et en tous ces trois lieux, nous pouvons faire nos retraittes emmi le tracas des affaires.

  A003000750 

 On se retire en Dieu parce qu'on aspire a luy, et on y aspire pour s'y retirer; si que l'aspiration en Dieu et la retraitte spirituelle s'entretiennent l'une l'autre, et toutes deux proviennent et naissent des bonnes pensees..

  A003000751 

 Aspires donq bien souvent en Dieu, Philothee, par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur: admires sa beauté, invoques son ayde, jettes-vous en esprit au pied de la Croix, adores sa bonté, interroges-le souvent de vostre salut, donnes-luy mille fois le jour vostre ame, fiches vos yeux interieurs sur sa douceur, tendes-luy la main, comme un petit enfant a son pere, affin qu'il vous conduise, mettes-le sur vostre poitrine [94] comme un bouquet delicieux, plantes-le en vostre ame comme un estendart, et faites mille sortes de divers mouvemens de vostre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter a une passionnee et tendre dilection de ce divin Espoux..

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000753 

 Il est vray qu'il y a certains motz qui ont une force particuliere pour contenter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semés si dru dedans les Pseaumes de David, les invocations diverses du nom de Jesus, et les traitz d'amour qui sont imprimés au Cantique des Cantiques.

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000754 

 Et voyci quelques exemples: Saint Gregoire, Evesque de Nazianze, ainsy que luy mesme racontoit a son peuple, se promenant sur le rivage de la mer, consideroit comme les ondes s'avançans sur la greve laissoyent des coquilles et petitz cornetz, tiges d'herbes, petites huistres et semblables brouilleries que la mer rejettoit, et par maniere de dire crachoit dessus le bord; puis, revenant par des autres vagues, elle reprenoit et engloutissoit derechef une partie de cela, tandis que les rochers des environs demeuroyent fermes et immobiles, quoy que les eaux vinssent rudement battre contre iceux.

  A003000754 

 Or sur cela, il fit cette belle pensee: que les foibles, comme coquilles, cornetz et tiges d'herbes, se laissent emporter tantost a l'affliction, tantost a la consolation, a la merci des ondes et vagues de la fortune, mais que les grans courages demeurent fermes et immobiles a toutes sortes d'orages; et de cette pensee, il fit naistre ces eslancemens de David: O Seigneur, sauves-moy, car les eaux ont penetré jusques a mon ame; O Seigneur, [96] delivres-moy du profond des eaux; Je suis porté au profond de la mer et la tempeste m'a submergé.

  A003000755 

 Saint Fulgence, Evesque de Ruspe, se treuvant en une assemblee generale de la noblesse romaine que Theodoric roy des Gots haranguoit, et voyant la splendeur de tant de seigneurs qui estoyent en rang chacun selon sa qualité: « O Dieu, » dit-il, « combien doit estre belle la Hierusalem celeste, puisqu'ici bas on voit si pompeuse Rome la terrestre! Et si en ce monde tant de splendeur est concedee aux amateurs de la vanité, quelle gloire doit estre reservee en l'autre monde aux contemplateurs de la verité! ».

  A003000756 

 On dit que saint Anselme, Archevesque de Cantorberi, duquel la naissance a grandement honnoré nos montagnes, estoit admirable en cette prattique des bonnes pensees.

  A003000756 

 Un levreau pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint Prelat, qui pour lhors voyageoit, comme a un refuge que le peril eminent de la mort luy suggeroit; et les chiens clabaudans tout autour n'osoyent entreprendre de violer l'immunité a laquelle leur proye avoit eu recours; spectacle certes extraordinaire, qui faisoit rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gemissant: Ha, vous ries, disoit-il, mais la pauvre beste ne rit pas; les ennemis de l'ame, poursuivie et mal menee par divers destours en toutes sortes de pechés, l'attendent au destroit de la mort pour la ravir et devorer, et elle, toute effrayee, cherche par tout secours et refuge; que si elle n'en treuve point, ses [97] ennemis s'en moquent et s'en rient.

  A003000759 

 L'autre, voyant le tourne-soleil dit: Quand sera ce, mon Dieu, que mon ame suivra les attraitz de vostre bonté? Et voyant des pensees de jardin, belles a la veuë mais sans odeur: Hé, dit il, telles sont mes cogitations, belles a dire, mais sans effect ni production..

  A003000759 

 » Un autre voyant les arbres fleuris souspiroit: Pourquoy suis-je seul defleuri au jardin de l'Eglise? Un autre voyant des petitz poussins ramassés sous leur mere: O Seigneur, dit il, conservés nous sous l'ombre de vos aisles.

  A003000760 

 Lisés le devot Epitaphe que saint Hierosme a fait de sa sainte Paule; car c'est belle chose a voir comme il est tout parsemé des aspirations et conceptions sacrees qu'elle faisoit a toutes sortes de rencontres.

  A003000761 

 Or, en cet exercice de la retraitte spirituelle et des oraysons jaculatoires gist la grande œuvre de la devotion: il peut suppleer au defaut de toutes les autres oraysons, mais le manquement d'iceluy ne peut presque point estre reparé par aucun autre moyen.

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000769 

 Des le commencement jusques a ce que le prestre se soit mis a l'autel, faites avec luy la preparation, laquelle consiste a se mettre en la presence de Dieu, reconnoistre vostre indignité et demander pardon de vos fautes.

  A003000774 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister a l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours-la sont dediés a Dieu, et faut bien faire plus d'actions a son honneur et gloire en iceux que non pas es autres jours.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000780 

 Les saintes ames des trespassés qui sont en Paradis avec les Anges et, comme dit Nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office, d'inspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraysons.

  A003000780 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs a ces celestes espritz et ames bienheureuses; comme les petitz rossignolz apprennent a chanter avec les grans, ainsy, par le sacré commerce que nous ferons avec les Saintz, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines: Je psalmodieray, disoit David, a la veuë des Anges..

  A003000782 

 Rendes-vous fort familiere avec les Anges; voyes-les souvent invisiblement presens a vostre vie, et sur tout aymes et reveres celuy du diocese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vives, et specialement le vostre; supplies-les souvent, loües-les ordinairement, et employes leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles soit temporelles, affin qu'ilz cooperent a vos intentions..

  A003000783 

 Le grand Pierre Favre, premier prestre, premier predicateur, premier lecteur de Theologie de la sainte Compaignie du nom de Jesus, et premier compaignon du bienheureux Ignace, fondateur d'icelle, venant un jour d'Allemagne, ou il avoit fait des grans services a la gloire de Nostre Seigneur, et passant en ce diocese, lieu de sa naissance, racontoit qu'ayant traversé plusieurs lieux heretiques, il avoit receu mille consolations d'avoir salué en abordant chaque paroisse les Anges protecteurs d'icelles, lesquelz il avoit conneu sensiblement luy avoir esté propices, soit pour le garantir des embusches des heretiques, soit pour luy rendre plusieurs ames douces et dociles a recevoir la doctrine de salut.

  A003000784 

 Choisissés quelques Saintz particuliers, la vie desquelz vous puissies mieux savourer et imiter, et en l'intercession desquelz vous ayes une particuliere confiance: celuy de vostre nom vous est des-ja tout assigné des vostre Baptesme..

  A003000789 

 Ayes tous-jours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de saint Bonaventure, de [106] Gersont, de Denis le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, de Du Pont, d'Avila, le Combat spirituel, les Confessions de saint Augustin, les Epistres de saint Hierosme, et semblables; et lises en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisies des lettres missives que les Saintz vous eussent envoyees du Ciel, pour vous monstrer le chemin et vous donner le courage d'y aller..

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000790 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres, comme la Vie de la bienheureuse Mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les Vies des premiers Jesuites, celle de saint Charles Borromee, Archevesque de Milan, de saint Louys, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

  A003000790 

 Il y en a d'autres ou il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de sainte Marie Egyptienne, de saint Simeon Stylite, des deux saintes Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele et autres telles, lesquelles ne laissent pas neanmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003000790 

 Lises aussi les histoires et Vies des Saintz, esquelles, comme dans un mirouër, vous verres le pourtrait de la vie chrestienne, et accommodes leurs actions a vostre prouffit selon vostre vacation.

  A003000794 

 C'est ce que l'Espoux appelle heurter a la porte et parler au cœur de son Espouse, la resveiller quand elle dort, la crier et reclamer quand elle est absente, l'inviter a son miel et a cueillir des pommes et des fleurs en son jardin, et a chanter et faire resonner sa douce voix a ses oreilles..

  A003000797 

 Aussi le gentilhomme est des-ja fort content de la damoiselle qu'il sert et se sent favorisé, quand il voit qu'elle se plait en son service..

  A003000797 

 Le playsir qu'on prend aux inspirations est un grand acheminement a la gloire de Dieu, et des-ja on commence a plaire par iceluy a sa divine Majesté; car si bien cette delectation n'est pas encor un entier consentement, c'est une certaine disposition a iceluy.

  A003000799 

 Mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, affin de n'estre point trompee, conseilles-vous tous-jours a vostre guide, a ce qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fause; d'autant que l'ennemi voyant une ame prompte a consentir aux inspirations, luy en propose bien souvent des fauses pour la tromper, ce qu'il ne peut jamais faire tandis qu'avec humilité elle obeira a son conducteur..

  A003000806 

 Confesses vous humblement et devotement tous les huit jours, et tous-jours s'il se peut quand vous communieres, encor que vous ne senties point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la Confession vous ne recevres pas seulement l'absolution des pechés venielz que vous confesserés, mays aussi une grande force pour les eviter a l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour reparer toute la perte qu'ilz vous avoient apportee.

  A003000807 

 Ayes tous-jours un vray desplaysir des pechés que vous confesserés, pour petitz qu'ilz soyent, avec une ferme resolution de vous en corriger a l'advenir.

  A003000807 

 Plusieurs se confessans par coustume des pechés venielz et comme par maniere d'ageancement, sans penser nullement a s'en corriger, en demeurent toute leur vie chargés, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et prouffitz spirituelz.

  A003000808 

 De mesme, ne vous accuses pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous deves; mays si vous aves eu des distractions volontaires, ou que vous ayes negligé de prendre le lieu, le tems et la contenance requise pour avoir l'attention en la priere, accuses-vous en tout simplement, selon que vous treuverés y avoir manqué, sans alleguer cette generalité, qui ne fait ni froid ni chaud en la Confession..

  A003000809 

 Il faut donq dire le fait, le motif et la duree de nos pechés; car encores que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointilleux en la declaration des pechés venielz, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre a la sainte devotion, doivent estre soigneux de bien faire connoistre au medecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ilz veulent estre gueris..

  A003000809 

 Si vous aves peché a joüer, expliques si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le playsir de la conversation, et ainsy des autres.

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000810 

 Je n'espargneray donq point de dire: je me suis relaschee a dire des paroles de courroux contre une personne, ayant prins de luy en mauvaise part quelque chose qu'il m'a dit, non point pour la qualité des paroles, mais parce que celuy la m'estoit desaggreable.

  A003000812 

 Ne changes pas aysement de confesseur, mais en ayant choisi un, continues a luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, luy disant naifvement et franchement les pechés que vous aures commis; et de tems en tems, comme seroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-luy encor l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayes pas peché, comme si vous esties tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portee a la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003000815 

 On dit que Mithridates, roy de Ponte, ayant inventé le mithridat renforça tellement son cors par iceluy, que s'essayant par apres de s'empoisonner pour eviter la servitude des Romains, jamais il ne luy fut possible.

  A003000815 

 On ne peut estre nourri de cette chair de vie et vivre des affections de mort; si que comme les hommes demeurans au paradis terrestre pouvoyent ne mourir point selon le cors, par la force de ce fruit vital que Dieu y avoit mis, ainsy peuvent ilz ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003000818 

 On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut faire ce que le pere spirituel dira; bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions est celle de mois a mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003000820 

 Certes, en la primitive Eglise, les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ilz fussent mariés et benis de la generation des enfans; c'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité ni aux peres, ni aux femmes, ni aux maris, pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrete..

  A003000820 

 Il faut que je die ce mot pour les gens mariés: Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit es jours des festes, mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs a ceux qui les exigeoient.

  A003000822 

 Pour communier tous les huit jours, il est requis [119] de n'avoir ni peché mortel ni aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de se communier; mais pour communier tous les jours, il faut, outre cela, avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et que ce soit par advis du pere spirituel..

  A003000835 

 C'est un grand defaut en plusieurs qui, entreprenans l'exercice de quelque vertu particuliere, s'opiniastrent d'en produire des actions en toutes sortes [124] de rencontres, et veulent, comme ces anciens philosophes, ou tous-jours pleurer ou tous-jours rire; et font encor pis quand ilz blasment et censurent ceux qui, comme eux, n'exercent pas tous-jours ces mesmes vertus.

  A003000835 

 Le juste est comme l'arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son tems, parce que la charité arrousant une ame, produit en elle les œuvres vertueuses chacune en sa saison.

  A003000835 

 Le roy des abeilles ne se met point aux champs qu'il ne soit environné de tout son petit peuple, et la charité n'entre jamais dans un cœur qu'elle n'y loge avec soy tout le train des autres vertus, les exerçant et mettant en besoigne ainsy qu'un capitaine fait ses soldatz; mais elle ne les met pas en œuvre ni tout a coup, ni egalement, ni en tous tems, ni en tous lieux.

  A003000836 

 Il ne se presente pas souvent des occasions de prattiquer la force, la magnanimité, la magnificence; mais la douceur, la temperance, l'honnesteté et l'humilité sont des certaines vertus desquelles toutes les actions de nostre vie doivent estre teintes.

  A003000836 

 Il y a des vertus plus excellentes qu'elles; l'usage neanmoins de celles ci est plus requis.

  A003000836 

 Il y a neanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions a part, ains doivent encor respandre leurs qualités es actions de toutes les autres vertus.

  A003000837 

 C'estoit le goust de sainte Paule d'exercer l'aspreté des mortifications corporelles pour jouir plus aysement des douceurs spirituelles, mais elle avoit plus de devoir a l'obeissance de ses superieurs; c'est pourquoy saint Hierosme advoüe qu'elle estoit reprehensible en ce que, contre l'advis de son Evesque, elle faisoit des abstinences immoderees.

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000837 

 Les Apostres au contraire, commis pour prescher l'Evangile et distribuer le pain celeste aux ames, jugerent extremement bien qu'ilz eussent eu [124] tort de s'incommoder en ce saint exercice pour prattiquer la vertu du soin des pauvres, quoy que tres excellente.

  A003000838 

 Les cometes paraissent pour l'ordinaire plus grandes que les estoiles et tiennent beaucoup plus de place a nos yeux; elles ne sont pas neanmoins comparables ni en grandeur ni en qualité aux estoiles, et ne semblent grandes sinon parce qu'elles sont proches de nous et en un sujet plus grossier au prix des estoiles.

  A003000846 

 Ains il est arrivé, comme dit saint Gregoire Nazianzene, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaittement exercee, une personne a atteint au comble des vertus, alleguant Rahab, laquelle, ayant exactement prattiqué l'office d'hospitalité, parvint a une gloire supreme; mais cela s'entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité.

  A003000846 

 Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs defenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dens, lesquelles reciproquement en demeurent toutes fort affilees et tranchantes, ainsy l'homme vertueux ayant entreprins de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa defense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle la, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint a Job, qui s'exerçant particulierement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaittement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

  A003000846 

 Si je suis combattu par l'orgueil ou par la cholere, il faut qu'en toute chose je me panche et plie du costé de l'humilité et de la douceur, et qu'a cela je face servir les autres exercices de l'orayson, des Sacremens, de la prudence, de la constance, de la sobrieté.

  A003000850 

 Cette basse et grossiere crainte qui engendre les scrupules excessifz es ames de ceux qui sortent nouvellement du train des pechés, est une vertu recommandable en ce commencement, et presage certain d'une future pureté de conscience; mais cette mesme crainte seroit blasmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le cœur desquelz doit regner l'amour, qui petit a petit chasse cette sorte de crainte servile..

  A003000850 

 Saint Augustin dit excellemment que ceux qui commencent en la devotion commettent certaines fautes, lesquelles sont blasmables selon la rigueur des lois de la perfection, et sont neanmoins louables, pour le bon presage qu'elles donnent d'une future excellence de pieté, a laquelle mesme elles servent de disposition.

  A003000852 

 C'est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes luy enflent, car cela denote que la nature des-ja renforcee rejette les humeurs superflues; mays ce mesme signe seroit mauvais en celuy qui ne seroit pas malade, car il [130] feroit connoistre que la nature n'a pas asses de force pour dissiper et resouldre les humeurs.

  A003000852 

 J'atteste Jesus auquel elle a servi et auquel je desire servir, que je ne mens ni d'un costé ni d'autre, ains produis naifvement ce qui est d'elle, comme Chrestien d'une Chrestienne; c'est a dire, j'en escris l'histoire, non pas un panegyrique, et que ses vices sont les vertus des autres.

  A003000852 

 Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs..

  A003000852 

 Saint Hierosme ayant raconté que sainte Paule, sa chere fille, estoit non seulement excessive, mais opiniastre en l'exercice des mortifications corporelles, jusques a ne vouloir point ceder a l'advis contraire que saint Epiphane son Evesque luy avoit donné pour ce regard, et qu'outre cela, elle se laissoit tellement emporter au regret de la mort des siens, que tous-jours elle en estoit en danger de mourir, en fin il conclud en cette sorte: « On dira qu'en lieu d'escrire des louanges pour cette Sainte, j'en escris des blasmes et vituperes.

  A003000852 

 » Il veut dire que les deschetz et defautz de sainte Paule eussent tenu lieu de vertu en une ame moins parfaitte, comme a la verité il y a des actions qui sont estimees imperfections en ceux qui sont parfaitz, lesquelles seroyent neanmoins tenues pour grandes perfections en ceux qui sont imparfaitz.

  A003000853 

 J'adjouste que nous n'avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de [131] devotion, hommes pieux, femmes pieuses, c'est pourquoy il nous faut bien employer a cela; que s'il plait a Dieu de nous eslever jusques a ces perfections angeliques, nous serons aussi des bons anges, mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et devotement aux petites vertus, la conqueste desquelles Nostre Seigneur a exposee a nostre soin et travail: comme la patience, la debonnaireté, la mortification du cœur, l'humilité, l'obeissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur..

  A003000853 

 Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

  A003000853 

 Voyés-vous, Philothee, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plustost des recompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encor plustost des eschantillons des felicités de la vie future, qui quelquefois sont presentés aux hommes pour leur faire desirer les pieces toutes entieres qui sont la haut en Paradis.

  A003000854 

 Certes, les pretentions si hautes et eslevees des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et fausetés; et arrive quelquefois que ceux qui pensent estre des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu'en leur fait il y a plus de grandeur es paroles et termes dont ilz usent, qu'au sentiment et en l'œuvre.

  A003000854 

 Il ne faut pourtant rien mespriser ni censurer temerairement; mais en benissant Dieu de la sureminence des autres, arrestons-nous humblement en nostre voÿe, plus basse mais plus asseuree, moins excellente mais plus sortable a nostre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conversons humblement et fidellement, Dieu nous eslevera a des grandeurs bien grandes..

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000854 

 Ouy, Philothee, car ce Roy de gloire ne recompense pas ses serviteurs selon la dignité des offices qu'ilz exercent, mais selon l'amour et humilité avec laquelle ilz les exercent.

  A003000859 

 Car tout ainsy que les piqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches, ainsy le mal que l'on reçoit des gens de bien et les contradictions qu'ilz font sont bien plus insupportables que les autres; et cela neanmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien, ayans tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un a l'autre.

  A003000859 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le grand saint Charles Borromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand predicateur d'un Ordre extremement reformé faisoit contre lluy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres.

  A003000860 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu ou il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommodités qu'il veut; et ainsy des autres tribulations..

  A003000860 

 Soyes patiente, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encores pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000866 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsy la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003000866 

 Resouvenes-vous que les abeilles au tems qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amere, et qu'ainsy nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume et vivons parmi les angoisses.

  A003000867 

 Consideres les peynes que les Martyrs souffrirent jadis, et celles que tant de personnes endurent, plus griefves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous estes, et dites: helas, mes travaux sont des consolations et mes espines des roses, en comparayson de ceux qui, sans secours, sans assistence, sans allegement, vivent en une mort continuelle, accablés d'afflictions infiniment plus grandes.

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000872 

 Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour estre sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour estre habillés somptueusement; mais qui ne void cette folie? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est [140] pour l'oyseau et pour le tailleur; et quelle lascheté de courage est ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon? Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevees, pour une barbe bien peignee, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour sçavoir danser, joüer, chanter; mais ne sont ilz pas lasches de courage, de vouloir encherir leur valeur et donner du surcroist a leur reputation par des choses si frivoles et folastres? Les autres, pour un peu de science, veulent estre honnorés et respectés du monde, comme si chacun devoit aller a l'escole chez eux et les tenir pour maistres: c'est pourquoy on les appelle pedans.

  A003000872 

 La noblesse de la race, la faveur des grans, l'honneur populaire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos predecesseurs, ou en l'estime d'autruy.

  A003000873 

 Ainsy, pour connoistre si un homme est vrayement sage, sçavant, genereux, noble, il faut voir si ses biens tendent a l'humilité, modestie et sousmission, car alhors ce seront des vrays biens; mais s'ilz surnagent et qu'ilz veuillent paroistre, ce seront [141] des biens d'autant moins veritables qu'ilz seront plus apparens.

  A003000873 

 Les perles qui sont conceuës ou nourries au vent et au bruit des tonnerres n'ont que l'escorce de perle, et sont vuides de substance; et ainsy les vertus et belles qualités des hommes qui sont receuës et nourries en l'orgueil, en la vantance et en la vanité, n'ont qu'une simple apparence du bien, sans suc, sans moelle et sans solidité.

  A003000875 

 La poursuite et amour de la vertu commence a nous rendre vertueux; mais la poursuite et amour des honneurs commence a nous rendre mesprisables et vituperables.

  A003000876 

 Car, comme ceux qui viennent du Peru, outre l'or et l'argent qu'ilz en tirent, apportent encor des singes et perroquetz, parce qu'ilz ne leur coustent gueres et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire; ainsy ceux qui pretendent a la vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont deus, pourveu toutefois que cela ne leur couste pas beaucoup de soin et d'attention, et que ce soit sans en estre chargés de trouble, d'inquietude, de disputes et contentions.

  A003000876 

 Les espritz bien nés ne s'amusent pas a ces menus fatras de rangs, d'honneurs, de salutations; ilz ont d'autres choses a faire: c'est le propre des espritz faineans.

  A003000876 

 Qui peut avoir des perles ne se charge pas de coquilles; et ceux qui pretendent a la vertu ne s'empressent point pour les honneurs.

  A003000881 

 Helas, les muletz laissent ilz d'estre lourdes et puantes bestes, pour estre chargés des meubles pretieux et parfumés du prince? Qu'avons nous de bon que nous n'ayons receu? et si nous l'avons receu, pourquoy nous en voulons nous enorgueillir? Au contraire, la vive consideration des graces receuës nous rend humbles; car la connoissance engendre la reconnoissance.

  A003000882 

 La vraye humilité ne fait pas semblant de l'estre et ne dit gueres de paroles d'humilité, car elle ne desire pas seulement de cacher les autres vertus, mais encor et principalement elle souhaitte de se cacher soy mesme; et s'il luy estoit loysible de mentir, de feindre, ou de scandaliser le prochain, elle produiroit des actions d'arrogance et de fierté, affin de se receler sous icelles et y vivre du tout inconneuë et a couvert..

  A003000883 

 Voyci donq mon ad vis, Philothee: ou ne disons point de paroles d'humilité, ou disons les avec un vray sentiment interieur, conforme a ce que nous prononçons exterieurement; n'abbaissons jamais les yeux qu'en humiliant nos cœurs; ne faisons pas semblant de vouloir estre des derniers, que de bon cœur nous ne voulussions l'estre.

  A003000885 

 Car ainsy l'humilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paroistre que [149] pour la charité, qui estant une vertu non point humaine mais celeste, non point morale mais divine, elle est le vray soleil des vertus, sur lesquelles elle doit tous-jours dominer: si que les humilités qui prejudicient a la charité sont indubitablement fauses..

  A003000885 

 En quoy elle ressemble a cet arbre des isles de Tylos, lequel la nuit resserre et tient closes ses belles fleurs incarnates et ne les ouvre qu'au soleil levant, de sorte que les habitans du païs disent que ces fleurs dorment de nuit.

  A003000886 

 Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy.

  A003000891 

 De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honnorables: la patience, la douceur, la simplicité et l'humilité mesme sont des vertus que les mondains tiennent pour viles et abjectes; au contraire, ilz estiment beaucoup la prudence, la vaillance et la liberalité.

  A003000891 

 Il y a encores des actions d'une mesme vertu, dont les unes sont mesprisees et les autres honnorees; donner l'aumosne et pardonner les offenses sont deux actions de charité: la premiere est honnoree d'un chacun, et l'autre mesprisee aux yeux du monde.

  A003000892 

 Il y a mesme des fautes esquelles il n'y a aucun mal que la seule abjection; et l'humilité ne requiert pas qu'on les face expressement, mais elle requiert bien qu'on ne s'inquiete point quand on les aura commises: telles sont certaines sottises, incivilités et inadvertances, lesquelles comme il faut eviter avant qu'elles soyent faittes, pour obeir a la civilité et prudence, aussi faut il quand elles sont faittes, acquiescer a l'abjection qui nous en revient, et l'accepter de bon cœur pour suivre la sainte humilité.

  A003000892 

 Je dis bien davantage: si je me suis desreglé par cholere ou par dissolution a dire des parolles indecentes et desquelles Dieu et le prochain est offencé, je me repentiray vivement et seray extremement marri de l'offence, laquelle je m'essayeray de reparer le mieux qu'il me sera possible; mays je ne laisseray pas d'aggreer l'abjection et le mespris qui m'en arrive; et si l'un se pouvoit separer d'avec l'autre, je rejetterois ardemment le peché et garderois humblement l'abjection..

  A003000893 

 Mais quoy que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut il pas laisser de remedier au mal qui l'a causee, par des moyens propres et legitimes, et sur tout quand le mal est de consequence.

  A003000894 

 Ah! qui nous fera la grace de pouvoir dire avec ce grand Roy: J'ay choisi d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs? Nul ne le peut, chere Philothee, que Celuy qui pour nous exalter, vesquit et mourut en sorte qu'il fut l' opprobre des hommes et l'abjection du peuple..

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000899 

 Il est vray que l'humilité mespriseroit la renommee si la charité n'en avoit besoin; mais parce qu'elle est l'un des fondemens de la societé humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles mais dommageables au public, a cause du scandale qu'il en reçoit, la charité requiert et l'humilité aggree que nous la desirions et conservions pretieusement.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000900 

 Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence.

  A003000901 

 Il ne faut pas pourtant que nous soyons trop ardens, exactes et pointilleux a cette conservation, car ceux qui sont si douilletz et sensibles pour leur reputation ressemblent a ceux qui pour toutes sortes de petites [156] incommodités prennent des medecines: car ceux ci, pensans conserver leur santé la gastent tout a fait, et ceux la, voulans maintenir si delicatement leur reputation la perdent entierement; car par cette tendreté ilz se rendent bigearres, mutins, insupportables, et provoquent la malice des mesdisans.

  A003000901 

 Les villes qui ont des pontz de bois sur des grans fleuves craignent qu'ilz ne soyent emportés a toutes sortes de debordemens; mais celles qui les ont de pierre n'en sont en peyne que pour des inondations extraordinaires: ainsy ceux qui ont une ame solidement chrestienne mesprisent ordinairement les debordemens des langues injurieuses; mais ceux qui se sentent foibles s'inquietent a tout propos.

  A003000902 

 Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide.

  A003000902 

 Car, outre que telz jugemens se font par des niaises et sottes gens, quand on devroit perdre la renommee, si ne faudroit-il pas quitter la vertu ni se destourner du chemin d'icelle, d'autant qu'il faut preferer le fruit aux feuilles, c'est a dire le bien interieur et spirituel a tous les biens exterieurs.

  A003000902 

 Il faut estre jaloux, mays non pas idolatres de nostre renommee; et comme il ne faut offenser l'œil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir contenter celuy des malins.

  A003000904 

 J'excepte neanmoins certains crimes si atroces et infames que nul n'en doit souffrir la calomnie quand il s'en peut justement descharger, et certaines personnes de la bonne reputation desquelles depend l'edification de plusieurs; car en ce cas, il faut tranquillement poursuivre la reparation du tort receu, suivant l'advis des theologiens.

  A003000909 

 Mais prenes garde, Philothee, que ce chresme mystique composé de douceur et d'humilité soit dedans vostre cœur; car c'est un des grans artifices de l'ennemi de faire que plusieurs s'amusent aux paroles et contenances exterieures de ces deux vertus, qui n'examinans pas bien leurs affections interieures, pensent estre humbles et doux et ne le sont néanmoins nullement en effect; ce que l'on reconnoist parce que, nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, a la moindre parole qu'on leur dit de travers, a la moindre petite injure qu'ilz reçoivent, ilz s'eslevent avec une arrogance nompareille.

  A003000911 

 Les princes honnorent et consolent infiniment les peuples quand ilz les visitent avec un train de paix; mais quand ilz conduisent des armees, quoy que ce soit pour le bien public, leurs venues sont tous-jours desaggreables et dommageables, parce qu'encor qu'ilz facent exactement observer la discipline militaire entre les soldatz, si ne peuvent-ilz jamais tant faire qu'il n'arrive tous-jours quelque desordre, par lequel le bon homme est foulé.

  A003000911 

 Rien ne matte tant l'elephant courroucé que la veuë d'un aignelet, et rien ne rompt si aysement la force des canonades que la laine.

  A003000913 

 » [164] Je veux dire, qu'il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de cholere, a l'imitation des Apostres tourmentés du vent et de l'orage emmi les eaux; car il commandera a nos passions qu'elles cessent, et la tranquillité se fera grande.

  A003000914 

 Au surplus, lhors que vous estes en tranquillité et sans aucun sujet de cholere, faites grande provision de douceur et debonnaireté, disant toutes vos parolles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu'il vous sera possible, vous resouvenant que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, n'a pas seulement le miel en ses levres et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est a dire dans la poitrine; et n'y a pas seulement du miel, mais encor du lait; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parolle douce a l'endroit du prochain, mais encor toute la poitrine, c'est a dire tout l'interieur de nostre ame.

  A003000914 

 Et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, c'est a dire la suavité de la [165] conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques et proches voysins: en quoy manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la mayson, des diables..

  A003000918 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous mesmes, ne despitant jamais contre nous mesmes ni contre nos imperfections; car encor que la rayson veut que quand nous faysons des fautes nous en soyons desplaisans et marris, si faut-il neanmoins que nous nous empeschions d'en avoir une desplaisance aigre et chagrine, despiteuse et cholere.

  A003000919 

 Au contraire, celuy qui hait la mesdisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul conte d'une grosse faute commise contre la chasteté, et ainsy des autres; ce qui n'arrive pour autre chose, sinon d'autant qu'ilz ne font pas le jugement de leur conscience par rayson, mais par passion..

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000920 

 Croyes moy, Philothee, comme les remonstrances d'un pere faittes doucement et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsy, quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageans a l'amendement, la repentance qu'il en concevra entrera bien plus avant et le penetrera mieux que ne feroit pas une repentance despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000928 

 Celuy qui se haste, dit Salomon, court fortune de chopper et heurter des pieds.

  A003000928 

 Recevés donq les affaires qui vous arriveront en paix, et taschés de les faire par ordre, l'un apres l'autre; car si vous les voules faire tout a coup ou en desordre, vous feres des effortz qui vous fouleront et allanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés accablee sous la presse, et sans effect..

  A003000929 

 Faites comme les petitz enfans qui de l'une des mains se tiennent a leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des haies; car de mesme, amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains, tenes tous-jours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de tems en tems a luy, pour voir s'il a aggreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003000934 

 Obeisses quand ilz vous ordonneront chose aggreable, comme de manger, prendre de la recreation, car encor qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neanmoins un grand vice de desobeir; obeisses es choses indifferentes, comme a porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire, et ce sera une obeissance des-ja fort recommandable; obeisses en choses malaysees, aspres et dures, et ce sera une obeissance parfaitte.

  A003000942 

 La chasteté est le lys des vertus, elle rend les hommes presque egaux aux Anges; rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003000944 

 Pour le second, retranches-vous tant qu'il vous sera possible des delectations inutiles et superflues, quoy que loysibles et permises.

  A003000945 

 Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz..

  A003000946 

 Que donques ces ames pures se gardent bien de jamais revoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui luy est [178] incompatible, car, comme dit le grand saint Hierosme, l'ennemi presse violemment les vierges au desir de l'essay des voluptés, les leur representant infiniment plus plaisantes et delicieuses qu'elles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, « tandis, » dit ce saint Pere, « qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

  A003000946 

 » Car, comme le petit papillon voyant la flamme va curieusement voletant autour d'icelle pour essayer si elle est aussi douce que belle, et pressé de cette fantasie ne cesse point qu'il ne se perde au premier essay, ainsy les jeunes gens bien souvent se laissent tellement saisir de la fause et sotte estime qu'ilz ont du playsir des flammes voluptueuses, qu'apres plusieurs curieuses pensees ilz s'y vont en fin finale ruiner et perdre; plus sotz en cela que les papillons, d'autant que ceux-ci ont quelque occasion de cuider que le feu soit delicieux puisqu'il est si beau, ou ceux-la sçachans que ce qu'ilz recherchent est extremement deshonneste ne laissent pas pour cela d'en surestimer la folle et brutale delectation..

  A003000947 

 C'est tous-jours chose dangereuse de prendre des medicamens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ilz ne soyent pas bien preparés, on en reçoit beaucoup de nuisance: le mariage a esté beni et ordonné en partie pour remede a la concupiscence et c'est sans doute un tres bon remede, mais violent neanmoins, et par consequent tres dangereux s'il n'est discretement employé..

  A003000947 

 Mais quant a ceux qui sont mariés, c'est chose veritable, et que neanmoins le vulgaire ne peut penser, que la chasteté leur est fort necessaire, parce qu'en eux elle ne consiste pas a s'abstenir absolument des playsirs charnelz, mais a se contenir entre les playsirs.

  A003000948 

 J'adjouste que la varieté des affaires humains, outre les longues maladies, separe souvent les maris d'avec leurs femmes, c'est pourquoy les mariés ont besoin de deux sortes de chasteté: l'une, pour l'abstinence absolue quand ilz sont separés, es occasions que je viens de dire; l'autre, pour la moderation quand ilz sont ensemble en leur train ordinaire.

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000954 

 Les cors humains ressemblent a des verres, qui ne peuvent estre portés les uns avec les autres en se touchant sans courir fortune de se rompre, et aux fruitz, lesquelz, quoy qu'entiers et bien assaisonnés, reçoivent [181] de la tare s'entretouchans les uns les autres.

  A003000955 

 C'est impudicité de regarder, d'ouïr, de parler, d'odorer, de toucher des choses deshonnestes, quand le cœur s'y amuse et y prend playsir.

  A003000955 

 L'Espouse sacree, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur preservative de la corruption; ses levres sont bandees d'un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles; ses yeux sont de colombe, a rayson de leur netteté; ses oreilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté; son nés est parmi les cedres du Liban, bois incorruptible.

  A003000956 

 A ce propos, je vous represente le mot que l'ancien Pere Jean Cassian rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soy mesme, dit un [182] jour: «Je ne sçay que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge.

  A003000956 

 Je dis: pour le moins, parce qu'elle en meurt et perit du tout quand les sottises et lascivetés donnent a la chair le dernier effect du playsir voluptueux, ains alhors la chasteté perit plus indignement, meschamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultere et l'inceste; car ces dernieres especes de vilenies ne sont que des pechés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre De la Pudicité, sont des «monstres» d'iniquité et de peché.

  A003000962 

 Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est a eux; malheureux donq sont les riches d'esprit, car la misere d'enfer est pour eux.

  A003000963 

 il soit sans richesses et maistre des richesses.

  A003000964 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection c'est le grand bonheur du Chrestien; car il a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003000964 

 Il y a difference entre avoir du poison et estre empoisonné: les apothicaires ont presque tous des poisons pour s'en servir en diverses occurences, mais ilz ne sont pas pour cela empoisonnés, parce qu'ilz n'ont pas le poison dedans le cors, mais dedans leurs boutiques; ainsy pouves-vous avoir des richesses sans estre empoisonnee par icelles: ce sera si vous les aves en vostre mayson ou en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003000965 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'establisse en moyens: jamais on n'en a trop, il se treuve tous-jours certaines necessités d'en avoir davantage; et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mays ilz ne [185] pensent pas en leur conscience de l'estre; non, car l'avarice est une fievre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

  A003000968 

 S'il vous arrive de perdre des biens, et vous sentes que vostre cœur s'en desole et afflige beaucoup, croyes, Philothee, que vous y aves beaucoup d'affection; car rien ne tesmoigne tant d'affection a la chose perdue que l'affliction de la perte..

  A003000969 

 Ne desirés donq point d'un desir entier et formé le bien que vous n'aves pas; ne mettes point fort avant vostre cœur en celuy que vous aves; ne vous desolés point des pertes qui vous arriveront, et vous aures quelque sujet de croire qu'estant riche en effect vous ne l'estes point d'affection, mays que vous estes pauvre d'esprit et par consequent bienheureuse, car le Royaume des deux vous appartient.

  A003000973 

 Le peintre Parrhasius peignit le peuple Athenien par une invention fort ingenieuse, le representant d'un naturel divers et variable: cholere, injuste, inconstant, courtois, clement, misericordieux, hautain, glorieux, humble, bravache et fuyard, et tout cela ensemble mais moy, chere Philothee, je voudrais mettre en vostre cœur la richesse et la pauvreté tout ensemble, un grand soin et un grand mespris des choses temporelles..

  A003000974 

 Dites moy, les jardiniers des grans princes ne sont-ilz pas plus curieux et diligens a cultiver et embellir les jardins qu'ilz ont en charge, que s'ilz leur appartenoyent en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ilz considerent ces jardins la comme jardins des princes et des rois, ausquelz ilz desirent de se rendre aggreables par ces services la.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000976 

 Soyes pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compaigne; mais soyes riche des mains, leur departant de vos biens comme plus abondante..

  A003000977 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre: rendés-vous donq servante des pauvres; alles les servir dans leurs lictz quand ilz sont malades, je dis de vos propres mains; soyes leur cuisiniere, et a vos propres despens; soyes leur lingere et blanchisseuse.

  A003000978 

 Il servoit fort souvent a la table des pauvres qu'il nourrissoit, et en faisoit venir presque tous les jours trois a la sienne, et souvent il mangeoit les restes de leur potage avec un amour nompareil.

  A003000978 

 Je ne puis asses admirer l'ardeur avec laquelle cet advis fut prattiqué par saint Louys, l'un des grans roys que le soleil ait veu, mais je dis grand roy en toute sorte de grandeur.

  A003000978 

 Quand il visitoit les hospitaux des malades (ce qu'il faisoit fort souvent), il se mettoit ordinairement a servir ceux qui avoient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisoit tout son service a teste nue et les genoux a terre, [190] respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les cherissant d'un amour aussi tendre qu'une douce mere eust sceu faire son enfant.

  A003000979 

 Bienheureux sont ceux qui sont ainsy pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A003000979 

 J'ay eu faim, vous m'aves repeu, j'ay eu froid, vous m'aves revestu: possedés le Royaume qui vous a esté preparé des la constitution du monde, dira le Roy des pauvres et des rois en son grand jugement..

  A003000981 

 C'est la difference des bestes et des hommes quant a leurs robbes: car les robbes des bestes tiennent a leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquees, en sorte qu'ilz puissent les mettre et oster quand ilz veulent..

  A003000981 

 Esaü se presenta a son pere avec ses mains toutes couvertes de poil, et Jacob en fit de mesme; mais parce que le poil qui estoit es mains de Jacob ne tenoit pas a sa peau, ains a ses gans, on luy pouvoit oster son poil sans l'offencer ni escorcher: au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenoit a sa peau, qu'il avoit toute velue de son naturel, qui luy eust voulu arracher son poil luy eust bien donné de la douleur: il eust bien crié, il se fust bien eschauffé a la defense.

  A003000981 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilités, les larcins, les proces, o c'est alhors la vraye saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions [191] de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment a cet appauvrissement.

  A003000987 

 Or, telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers, car parce qu'ilz ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte; et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle [193] des religieux, bien que celle cy d'ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, a rayson du vœu et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003000988 

 Vouloir estre pauvre et n'en recevoir point d'incommodité, c'est une trop grande ambition; car c'est vouloir l'honneur de la pauvreté et la commodité des richesses..

  A003000995 

 Car, comme le miel est plus excellent quand il se cueille es fleurons des fleurs plus exquises, ainsy l'amour fondé sur une plus exquise communication est le plus excellent; et comme il y a du miel en Heraclee de Ponte, qui est veneneux et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilli sur l'aconit qui est abondant en cette region-la, ainsy l'amitié fondee sur la communication des faux et vicieux biens est toute fause et mauvaise..

  A003000995 

 Selon la diversité des communications l'amitié est aussi diverse, et les communications sont differentes selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique: si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fause et vaine, si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye; et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié.

  A003000996 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutale, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes que celles des asnes et chevaux pour semblables effectz; et s'il n'y avoit nulle autre communication au mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié; mais, parce qu'outre celle-la il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections et d'une indissoluble [195] fidelité, c'est pourquoy l'amitié du mariage est une vraÿe amitié et sainte..

  A003000997 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habitz, a la morgue, a la babillerie: amitiés dignes de l'aage des amans qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre ni nul jugement qu'en bouton; aussi telles amitiés ne sont que passageres et fondent comme la neige au soleil.

  A003000997 

 L'amitié fondee sur la communication des playsirs sensuelz est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié, comme aussi celle qui est fondee sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003000997 

 Oyes parler la pluspart des filles, des femmes et des jeunes gens, ilz ne se feindront nullement de dire: un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien a toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grans bouffons.

  A003001001 

 Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes.

  A003001001 

 Or, par icelles, les cœurs des hommes et des femmes demeurent pris et engagés et entrelacés les uns avec les autres en vaines et folles affections, fondees sur ces frivoles communications et chetifz aggreemens desquelz je viens de parler.

  A003001002 

 Les autres se laissent aller a cela par vanité, leur estant advis que ce ne soit pas peu de gloire de prendre et lier les cœurs par amour; et ceux ci, faysant leur election pour la gloire, dressent leurs pieges et tendent leurs toyles en des lieux specieux, relevés, rares et illustres.

  A003001006 

 Ah! ce grand Dieu qui s'estoit reservé le seul amour de nos ames, en reconnoissance de leur creation, conservation et redemption, exigera un compte bien estroit de ces folles deduites que nous en faysons; que s'il doit faire un examen si exacte des parolles oyseuses, qu'est ce qu'il fera des amitiés oyseuses, impertinentes, folles et pernicieuses? [201].

  A003001006 

 O Dieu, quel aveuglement est celuy ci, de joüer ainsy a credit sur des gages si frivoles la principale piece de nostre ame! Ouy, Philothee, car Dieu ne veut l'homme que pour l'ame, ni l'ame que pour la volonté, ni la volonté que pour l'amour.

  A003001007 

 Bref, ces amourettes bannissent non seulement l'amour celeste, mais encor la crainte de Dieu, enervent l'esprit, affoiblissent la reputation: c'est, en un mot, le joüet des cours, mais la peste des cœurs..

  A003001007 

 Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour.

  A003001012 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle ci, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparayson de ce grand lien de la sainte devotion qui est tout d'or.

  A003001012 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites; car il ne faut pas ni quitter ni mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliés, des bienfaiteurs, des voysins et autres; je parle de celles que vous choisissés vous mesme..

  A003001012 

 Qu'a bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voyci combien il est bon et aggreable que les freres habitent ensemble! Ouy, car le baume delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a respandu sur cette amitié sa benediction et la vie jusques aux siecles des siecles.

  A003001013 

 Au monde, tous ne conspirent pas a mesme fin, tous n'ont pas le mesme esprit; il faut donq sans doute se tirer a part et faire des amitiés selon nostre pretention; et cette particularité fait voirement une partialité, mais une partialité sainte, qui ne fait aucune division sinon celle du bien et du mal, des brebis et des chevres, des abeilles et des freslons, separation necessaire..

  A003001013 

 Car attendu qu'en un monastere bien reglé le dessein commun de tous tend a la vraye devotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulieres communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant a ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraÿe vertu, il leur est necessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacree amitié; car par le moyen d'icelle ilz s'animent, ilz s'aydent, ilz s'entreportent au bien.

  A003001013 

 Et comme ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas besoin de se prester la main, mais ceux qui sont es chemins scabreux et glissans s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus seurement, ainsy ceux qui sont es Religions n'ont pas besoin des amitiés particulieres, mais ceux qui sont au monde en ont necessité pour s'asseurer et secourir les uns les autres, parmi tant de mauvais passages qu'il leur faut franchir.

  A003001015 

 Saint Paul reprochant le detraquement des Gentilz, les accuse d'avoir esté gens sans affection, c'est a dire qui n'avoient aucune amitié.

  A003001020 

 En fin le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche: ainsy les fauses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, a des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abrutissement et forcenerie; mais la chaste amitié est tous-jours egalement honneste, civile et [207] amiable, et jamais ne se convertit qu'en une plus parfaitte et pure union d'espritz, image vive de l'amitié bienheureuse que l'on exerce au Ciel..

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et la fause amitié provoque un tournoyement d'esprit qui fait chanceler la personne en la chasteté et devotion, la portant a des regards affectés, mignards et immoderés, a des caresses sensuelles, a des souspirs desordonnés, a des petites plaintes de n'estre pas aymee, a des petites, mais recherchees, mais attrayantes contenances, galanterie, poursuitte des baysers, et autres privautés et faveurs inciviles, presages certains et indubitables d'une prochaine ruine de l'honnesteté; mais l'amitié sainte n'a des yeux que simples et pudiques, ni des caresses que pures et franches, ni des souspirs que pour le Ciel, ni des privautés que pour l'esprit, ni des plaintes sinon quand Dieu n'est pas aymé, marques infallibles de l'honnesteté.

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee trouble la veuë, et cette amitié mondaine trouble le jugement, en sorte que ceux qui en sont atteins pensent bien faire en mal faisant, et cuydent que leurs excuses, pretextes et paroles soyent des vrayes raysons; ilz craignent la lumiere et ayment les tenebres, mais l'amitié sainte a les yeux clairvoyans et ne se cache point, ains paroist volontier devant les gens de bien.

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001022 

 Les jeunes gens qui font des contenances, grimaces et caresses, ou disent des parolles esquelles ilz ne voudroient pas estre surprins par leurs peres, meres, maris, femmes ou confesseurs tesmoignent en cela qu'ilz traittent d'autre chose que de l'honneur et de la conscience.

  A003001022 

 Nostre Dame se trouble voyant un Ange en forme humaine, parce qu'elle estoit seule et qu'il luy donnoit des extremes, quoy que celestes louanges: o Sauveur du monde, la pureté craint un Ange en forme humaine, et pourquoy donq l'impureté ne craindra-elle un homme, encor qu'il fust en figure d'Ange, quand il la loue des louanges sensuelles et humaines? [208].

  A003001026 

 Gardons donq soigneusement nos oreilles de l'air des folles paroles, car autrement soudain nostre cœur en seroit empesté.

  A003001026 

 Les chevres, selon Alcmeon, haleynent par les oreilles et non par les naseaux: il est vray qu'Aristote le nie or ne sçay-je ce que c'en est, mais je sçay bien pourtant [209] que nostre cœur haleyne par l'oreille, et que comme il aspire et exhale ses pensees par la langue, il respire aussi par l'oreille, par laquelle il reçoit les pensees des autres.

  A003001028 

 Que si vous estes des-ja prinse dans les filetz de ces folles amours, o Dieu, quelle difficulté de vous en desprendre! Mettés vous devant sa divine Majesté, connoissés en sa presence la grandeur de vostre misere, vostre foiblesse et vanité; puys, avec le plus grand effort de cœur qu'il vous sera possible, detestés ces amours commencees, abjurés la vayne profession que vous en aves faitte, renoncés a toutes les promesses receuës, et d'une grande et tres absolue volonté, arrestés en vostre cœur et vous resoulvés de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d'amour..

  A003001029 

 Le garçon duquel parle saint Ambroise au livre second de la Penitence, ayant fait un long voyage revint entierement delivré des folles amours qu'il avoit exercees, et tellement changé que la sotte amoureuse le rencontrant et luy disant: Ne me connois-tu pas? «je suis bien moy mesme»; Ouy dea, respondit-il, «mais moy je ne suis pas moy mesme»: l'absence luy avoit apporté cette heureuse mutation.

  A003001029 

 Si vous vous pouves esloigner de l'objet je l'appreuverois infiniment, car comme ceux qui ont esté [210] mordus des serpens ne peuvent pas aysement guerir en la presence de ceux qui ont esté autrefois blessés de la mesme morseure, aussi la personne qui est piquee d'amour guerira difficilement de cette passion, tandis qu'elle sera proche de l'autre qui aura esté atteinte de la mesme piqueure.

  A003001030 

 Mais qui ne peut s'esloigner que doit il faire? Il faut absolument retrancher toute conversation particuliere, tout entretien secret, toute douceur des yeux, tout sousris, et generalement toutes sortes de communications et amorces qui peuvent nourrir ce feu puant et fumeux; ou pour le plus s'il est force de parler au complice, que ce soit pour declairer par une hardie, courte et severe protestation le divorce eternel que l'on a juré.

  A003001031 

 Mais apres que j'auray ainsy rompu les chaynes de [211] cet infame esclavage, encor m'en restera-il quelque ressentiment, et les marques et traces des fers en demeureront encor imprimees en mes pieds, c'est a dire en mes affections.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001036 

 Comme donq ceux qui tirent le gravier du l'age en separent l'or qu'ilz y treuvent pour l'emporter, et laissent le sable sur le rivage, de mesme ceux qui ont la communication de quelque bonne amitié doivent en separer le sable des imperfections, et ne le point laisser entrer en leur ame.

  A003001036 

 Et nous voyons des maris, des femmes, des enfans, des amis qui ayans en grande estime leurs amis, leurs peres, leurs maris et leurs femmes acquierent, ou par condescendance ou par imitation, mille mauvaises petites humeurs au commerce de l'amitié qu'ilz ont ensemble.

  A003001036 

 Or, cela ne se doit aucunement faire, car chacun a bien asses de ses mauvaises inclinations sans se surcharger de celles des autres; et non seulement l'amitié ne requiert pas cela, mais au contraire, elle nous oblige a nous entr'ayder pour nous affranchir reciproquement de toutes sortes d'imperfections.

  A003001037 

 Mays je ne parle que des imperfections; car quant aux pechés il ne faut ni les porter ni les supporter en l'ami.

  A003001037 

 On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit.

  A003001038 

 La societé faitte pour le prouffit temporel entre les marchans n'a que l'image de la vraye amitié; car elle se fait non pour l'amour des personnes mais pour l'amour du gain..

  A003001043 

 Ceux qui traittent des choses rustiques et champestres asseurent que si on escrit quelque mot sur une amande bien entiere et qu'on la remette dans son noyau, le pliant et serrant bien proprement et le plantant ainsy, tout le fruit de l'arbre qui en viendra se treuvera escrit et gravé du mesme mot.

  A003001043 

 Il me semble, au contraire, qu'il faut commencer par l'interieur: Convertisses-vous a moy, dit Dieu, de tout vostre cœur; Mon enfant, donne-moy ton cœur car aussi, le cœur estant la source des actions, elles sont telles qu'il est.

  A003001046 

 J'ay appris par experience que le petit asnon estant las en chemin cherche de s'escarter;» c'est a dire, les jeunes gens portés a des infirmités par l'exces des jeusnes, se convertissent aysement aux delicatesses.

  A003001047 

 L'un a de la peyne [218] a jeusner, l'autre en a a servir les malades, visiter les prisonniers, confesser, prescher, assister les desolés, prier et semblables exercices: cette peyne vaut mieux que celle la; car outre qu'elle matte egalement, elle a des fruitz beaucoup plus desirables.

  A003001048 

 Reculer une viande pour en prendre une autre, pincer et racler toutes choses, ne treuver jamais rien de bien appresté ni de bien net, faire des mysteres a chaque morceau, cela ressent un cœur mol et attentif aux platz et aux escuelles.

  A003001050 

 Et parce que l'Escriture Sainte, en cent façons, l'exemple des Saintz et les raysons naturelles nous recommandent grandement les matinees, comme les meilleures et plus fructueuses pieces de nos jours, et que Nostre Seigneur mesme est nommé Soleil levant et Nostre Dame, Aube du jour, je pense que c'est un soin vertueux de prendre son sommeil devers le soir a bonne heure, pour pouvoir prendre son resveil et faire son lever de bon matin.

  A003001051 

 L'asnesse, qui voyoit l'Ange, s'arresta par trois diverses fois comme restive; Balaam cependant la frappoit cruellement de son baston pour la faire avancer, jusques a la troisiesme fois qu'elle, estant couchee tout [220] a fait sous Balaam, luy parla par un grand miracle, disant: Que t'ay-je fait? pourquoy tu m'as battue des-ja par trois fois? Et tost apres, les yeux de Balaam furent ouvertz, et il vit l'Ange qui luy dit: Pourquoy as-tu battu ton asnesse? si elle ne se fust destoumee de devant moy je t'eusse tué et l'eusse reservee.

  A003001052 

 Cet homme voit que souvent il tombe lourdement au peché de luxure: le reproche interieur vient contre sa conscience avec l'espee au poing pour l'outre-percer d'une sainte crainte; et soudain son cœur revenant a soy: ah, felonne chair, dit-il, ah, cors desloyal, tu m'as trahi; et le voyla incontinent a grans coups sur cette chair, a des jeusnes immoderés, a des disciplines demesurees, a des haires insupportables.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001053 

 Or, en tout et par tout, il ne faut nullement entreprendre des austerités corporelles qu'avec l'advis de nostre guide..

  A003001058 

 Car, comme ceux qui ont esté mordus des chiens enragés ont la sueur, l'haleyne et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion, ainsy ces vicieux et desbordés ne peuvent estre frequentés qu'avec hazard et peril, sur tout par ceux qui sont de devotion encores tendre et delicate..

  A003001058 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscretz et dissolus; et pour celles la, il s'en faut destourner, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et freslons.

  A003001059 

 Il y a des conversations inutiles a toute autre chose qu'a la seule recreation, lesquelles se font par un simple divertissement des occupations serieuses; et quant a celles la, comme il ne faut pas s'y addonner, aussi peut-on leur donner le loysir destiné a la recreation..

  A003001061 

 La vigne plantee parmi les oliviers porte des raisins onctueux et qui ont le goust des olives: une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu ne peut qu'elle ne participe a leurs qualités.

  A003001061 

 Reste les conversations utiles, comme sont celles des personnes devotes et vertueuses: o Philothee, ce vous sera tous-jours un grand bien d'en rencontrer souvent de telles.

  A003001062 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ni de mouvement qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé; et comme celuy qui ne voudroit jamais se pourmener qu'en comptant ses pas, ni parler qu'en chantant, seroit fascheux au reste des hommes, ainsy ceux qui tiennent un maintien artificieux et qui ne font rien qu'a cadence, importunent extremement la conversation, et en cette sorte de gens il y a tous-jours quelque espece de presomption.

  A003001062 

 Pour vous res-jouir en Nostre Seigneur, il faut que le sujet de vostre joye soit non seulement loysible mays honneste: ce que je dis, parce qu'il y a des choses loysibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et affin que vostre modestie paroisse, gardes-vous des insolences lesquelles sans doute sont tous-jours reprehensibles: faire tomber l'un, noircir l'autre, piquer le tiers, faire du mal a un fol, ce sont des risees et joyes sottes et insolentes..

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001067 

 Or, la bien-seance des habitz et autres ornemens depend de la matiere, de la forme et de la netteté.

  A003001067 

 Saint Paul veut que les femmes devotes (il en faut autant dire des hommes) soyent revestues d'habitz bien-seans, se par ans avec pudicité et sobrieté.

  A003001068 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves a marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne facent point paroistre de folastrerie, d'autant qu'ayans des-ja esté meres de famille, et passé par les regretz du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003001068 

 On se moque tous-jours des vielles gens quand ilz veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'a la jeunesse..

  A003001068 

 On se pare ordinairement mieux es jours de feste, selon la grandeur du jour qui se celebre; en tems de penitence, comme en Caresme, on se demet bien fort; aux noces on porte les robbes nuptiales, et aux assemblees funebres, les robbes de deuil; aupres des princes on rehausse l'estat, lequel on doit abaisser entre les domestiques.

  A003001068 

 Quant a la matiere et a la forme des habitz, la bien-seance se considere par plusieurs circonstances du tems, de l'aage, des qualités, des compaignies, des occasions.

  A003001069 

 Soyes propre, Philothee; qu'il n'y ait rien sur vous de traînant et mal ageancé: c'est un mespris de ceux avec lesquelz on converse d'aller entr'eux en habit desaggreable; mays gardés-vous bien des affaiteries, vanités, curiosités et folastreries.

  A003001069 

 » Mais en cas que les jeunes ne se veuillent pas contenter de la bien-seance, il se faut arrester a l'advis des sages..

  A003001073 

 Et comme les abeilles ne demeslent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsy vostre langue sera tous-jours emmiellee de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre vos levres des louanges et benedictions de son nom, ainsy qu'on dit de saint François, qui prononçant le saint nom [228] du Seigneur, sucçoit et lechoit ses levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde..

  A003001073 

 Les medecins prennent une grande connoissance de la santé ou maladie d'un homme par l'inspection de sa langue; et nos parolles sont les vrays indices des qualités de nos ames: Par tes parolles, dit le Sauveur, tu seras justifié, et par tes parolles tu seras condamné. Nous portons soudain la main sur la douleur que nous sentons, et la langue sur l'amour que nous avons.

  A003001074 

 Mais parlés tous-jours de Dieu comme de Dieu, c'est a dire reveremment et devotement, non point faisant la suffisante ni la prescheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous sçaves (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devotion et des choses divines, goutte a goutte, tantost dedans l'oreille de l'un, tantost dedans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de vostre ame qu'il luy plaise de faire passer cette sainte rosee jusques dans le cœur de ceux qui vous escoutent.

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Car, comme le poison du cors entre par la bouche, aussi celuy du cœur entre par l'oreille, et la langue qui le produit est meurtriere, d'autant qu'encor qu'a l'adventure le venin qu'elle a jetté n'ait pas fait son effect, pour avoir treuvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est ce qu'il n'a pas tenu a sa malice qu'elle ne les ait fait mourir.

  A003001080 

 Si quelque sot vous dit des paroles messeantes, tesmoignés que vos oreilles en sont offencees, ou vous destournant ailleurs ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003001081 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir que d'estre moqueur: Dieu hait extremement ce vice et en a fait jadis des estranges punitions.

  A003001082 

 Mays quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres avec une modeste gayeté et joyeuseté, ilz appartiennent a la vertu nommee eutrapelie par les Grecz, que nous pouvons appeller bonne conversation; [231] et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles que les imperfections humaines fournissent.

  A003001082 

 Saint Louys, quand les religieux vouloyent luy parler des choses relevees apres disner: Il n'est pas tems d'alleguer, disoit-il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibetz: que chacun die ce qu'il voudra honnestement; ce qu'il disoit favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003001086 

 Non, dit le saint Apostre, ne juges pas avant le tems, jusques a ce que le Seigneur vienne, qui revelera le secret des tenebres et manifestera les conseilz des cœurs.

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001087 

 Aucuns jugent temerairement non point par aigreur mais par orgueil, leur estant advis qu'a mesure qu'ilz depriment l'honneur d'autruy, ilz relevent le leur propre: espritz arrogans et presomptueux, qui s'admirent eux mesmes et se colloquent si haut en leur propre estime qu'ilz voyent tout le reste comme chose petite et basse: Je ne suis pas comme le reste des hommes, disoit ce sot Pharisien..

  A003001087 

 Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance.

  A003001087 

 Selon les causes des jugemens temeraires, il y faut remedier.

  A003001088 

 Les autres, pour se flatter et excuser envers eux mesmes et pour adoucir les remors de leurs consciences, jugent fort volontier que les autres sont vicieux du vice auquel ilz se sont voilés, ou de quelque autre aussi grand, leur estant advis que la multitude des criminelz rend leur peché moins blasmable.

  A003001088 

 Plusieurs s'addonnent au jugement temeraire pour le seul playsir qu'ilz prennent a philosopher et deviner des mœurs et humeurs des personnes, par maniere d'exercice d'esprit; que si par malheur ilz rencontrent quelquefois la verité en leurs jugemens, l'audace et l'appetit de continuer s'accroist tellement en eux, que l'on a peyne de les en destourner.

  A003001089 

 Mais quelz remedes? Ceux qui boivent le suc de l'herbe ophiusa d'Ethiopie cuydent par tout voir des serpens et choses effroyables: ceux qui ont avalé l'orgueil, l'envie, l'ambition, la haine, ne voyent rien qu'ilz ne treuvent mauvais et blasmable; ceux la pour estre gueris doivent prendre du vin de palme, et j'en dis de mesme pour ceux-ci: beuves le plus que vous pourrés le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugemens tortus.

  A003001089 

 Toutes choses paroissent jaunes aux yeux des icteriques et qui ont la grande jaunisse; l'on dit que pour les guerir de ce mal, il leur faut faire porter de l'esclere sous la plante de leur pied.

  A003001091 

 Il est vray qu'il se sert de la voix des magistratz pour se rendre intelligible a nos oreilles: ilz sont ses truchemens et interpretes et ne doivent rien [236] prononcer que ce qu'ilz ont appris de luy, comme estans ses oracles; que s'ilz font autrement, suivans leurs propres passions, alhors c'est vrayement eux qui jugent et qui par consequent seront jugés, car il est defendu aux hommes, en qualité d'hommes, de juger les autres..

  A003001092 

 De voir ou connoistre une chose ce n'est pas en juger, car le jugement, au moins selon la phrase de l'Escriture, presuppose quelque petite ou grande, vraye ou apparente difficulté qu'il faille vuider; c'est pourquoy elle dit que ceux qui ne croyent point sont des-ja jugés, parce qu'il n'y a point de doute en leur damnation.

  A003001092 

 Si quelque œil malin eust veu Jacob quand il baysa Rachel aupres du puits, ou qu'il eust veu Rebecca accepter des brasseletz et pendans d'oreille d'Eliezer, homme inconneu en ce païs-la, il eust sans doute mal pensé de ces deux exemplaires de chasteté, mais sans rayson et fondement; car quand une action est de soy mesme indifferente, c'est un soupçon temeraire d'en tirer une mauvaise consequence, sinon que plusieurs circonstances donnent force a l'argument.

  A003001093 

 En fin, ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont gueres sujetz au jugement temeraire; car comme les abeilles voyans le brouïllart ou tems nubileux se [237] retirent en leurs ruches a mesnager le miel, ainsy les cogitations des bonnes ames ne sortent pas sur des objetz embrouillés ni parmi les actions nubileuses des prochains: ains, pour en eviter le rencontre, se ramassent dedans le cœur pour y mesnager les bonnes resolutions de leur amendement propre.

  A003001094 

 J'excepte ceux qui ont charge des autres, tant en la famille qu'en la republique; car une bonne partie de leur conscience consiste a regarder et veiller sur celle des autres.

  A003001098 

 Le jugement temeraire produit l'inquietude, le mespris du prochain, l'orgueil et complaisance de soy mesme et cent autres effectz tres pernicieux, entre lesquelz la mesdisance tient des premiers rangs, comme la, vraye peste des conversations.

  A003001098 

 O que n'ay-je un des charbons du saint autel pour toucher les levres des hommes, affin que leur iniquité fust ostee et leur peché nettoyé, a l'imitation du Seraphin qui purifia la bouche d'Isaye! Qui osteroit la mesdisance du monde, en osteroit une grande partie des pechés et de l' iniquité..

  A003001099 

 David parlant des mesdisans: Ilz ont affilé leurs langues, dit-il, comme un serpent.

  A003001099 

 Quicomque oste injustement la bonne renommee a son prochain, outre le peché qu'il commet, il est obligé a faire la reparation, quoy que diversement selon la diversité des mesdisances; car nul ne peut entrer au Ciel avec le bien d'autruy, et entre tous les biens exterieurs la renommee est le meilleur.

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001101 

 Ceux qui pour mesdire font des prefaces d'honneur, ou qui disent de petites gentillesses et gausseries entre deux, sont les plus fins et veneneux mesdisans de tous.

  A003001101 

 La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux.

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001105 

 On recite devant des filles les privautés indiscretes de telz et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle en paroles ou en contenances qui sont manifestement lubriques: si je ne blasme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres ames qui escoutent prendront occasion de se relascher a quelque chose pareille; leur utilité donq requiert que tout franchement je blasme ces choses-la sur le champ, sinon que je puisse reserver a faire ce bon office plus a propos et avec moins d'interest de ceux de qui on parle, en une autre occasion.

  A003001105 

 Outre cela, encor faut-il qu'il m'appartienne de parler sur ce sujet, comme quand je suis des premiers de la compaignie, et que si je ne parle il semblera que j'appreuve le vice: que si je suis des moindres, je ne dois pas entreprendre de faire la censure.

  A003001106 

 Il est vray que des pecheurs infames, publiques et manifestes on en peut parler librement, pourveu que ce soit avec esprit de charité et de compassion, et non point avec arrogance et presomption, ni pour se plaire au mal d'autruy; car pour ce dernier c'est le fait d'un cœur vil et abject.

  A003001106 

 J'excepte entre tous, les ennemis declarés de Dieu et de son Eglise; car ceux-la, il les faut descrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques et les chefz d'icelles: c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre ou qu'il soit..

  A003001107 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les princes et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit: Philothee, ne faites pas cette faute; car outre l'offense de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003001112 

 Gardés-vous des duplicités, artifices et feintises; bien qu'il ne soit pas bon de dire tous-jours toutes sortes de verités, si n'est-il jamais permis de contrevenir a la verité.

  A003001114 

 J'ay dit, je prendray garde a mes voÿes pour ne point pecher en ma langue; Hé, Seigneur, mettes des gardes a ma bouche et une porte qui ferme mes levres, disoit David..

  A003001114 

 Voyés-vous, chere Philothee, combien cette sainte belle ame est douillette au sentiment de l'affaiterie des paroles? Certes, c'est un grand ornement de la vie chrestienne que la fidelité, rondeur et sincerité du langage.

  A003001116 

 Saint Louys ne treuvoit pas bon qu'estant en compaignie l'on parlast en secret et en conseil, et particulierement a table, affin que l'on ne donnast soupçon que l'on parlast des autres en mal: «Celuy,» disoit il, «qui est a table en bonne compaignie, qui a a dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende; si c'est chose d'importance, on la doit taire sans en parler.».

  A003001122 

 Or, si le prix, c'est a dire ce qu'on joue est trop grand, les affections des joueurs se desreglent, et outre cela, c'est chose injuste de mettre de grans prix a des habilités et industries de si peu d'im portance et si inutiles, comme sont les habilités des jeux..

  A003001127 

 Les jeux des dés, des cartes et semblables, esquelz le gain depend principalement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables; c'est pourquoy elles sont defendues par les lois tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003001128 

 Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle [248] des joueurs? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter..

  A003001128 

 Outre cela, ces jeux portent le nom de recreation et sont faitz pour cela; et neanmoins ilz ne le sont nullement, mais des violentes occupations.

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001134 

 Je vous dis des danses, Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons: les meilleurs n'en valent rien, disent-ilz; et je vous dis que les meilleurs balz ne sont gueres bons.

  A003001134 

 Manges-en peu et peu souvent, disent les medecins parlans des champignons, car, pour bien apprestés qu'ilz soyent, la quantité leur sert de venin: dansés peu et peu souvent, Philothee, car faisant autrement vous vous mettres en danger de vous y affectionner..

  A003001134 

 Si neanmoins il faut manger des potirons, prenés garde qu'ilz soyent bien apprestés: si par quelque occasion de laquelle vous ne puissies pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenés garde que vostre danse soit bien apprestee.

  A003001135 

 Les balz, les danses et telles assemblees tenebreuses attirent ordinairement les vices et pechés qui regnent en un lieu: les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours; et comme ces exercices ouvrent les pores du cors de ceux qui les font, aussi ouvrent-ilz les pores du cœur, au moyen dequoy, si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parole lascive, quelque muguetterie, quelque cajolerie, ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des œillades d'amour, les cœurs sont [250] fort aysés a se laisser saisir et empoisonner.

  A003001135 

 Les champignons, selon Pline, estans spongieux et poreux comme ilz sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour, si que estans pres des serpens ilz en reçoivent le venin.

  A003001137 

 Cette danse est le vray passetems des mortelz, puisqu'on y passe en un moment du tems a l'eternité ou des biens ou des peynes..

  A003001137 

 Tandis que vous aves dansé, plusieurs ames sont decedees en grande angoisse; mille milliers d'hommes et femmes ont souffert des grans travaux, en leurs lictz, dans les hospitaux et es rües: la goutte, la gravelle, la fievre ardente.

  A003001142 

 Mais en quelle occasion peut-on joüer et danser? Les justes occasions de la danse et du jeu indifferent sont plus frequentes; celles des jeux defendus sont plus rares, comme aussi telz jeux sont beaucoup plus blasmables et perilleux.

  A003001143 

 Quant a sainte Elizabeth d'Hongrie, elle joüoit et dansoit parfois se treuvant es assemblees de passetems, sans interest de sa devotion, laquelle estoit si bien enracinee dedans son ame que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent estans battus des vagues, ainsy sa devotion croissoit emmi les pompes et vanités ausquelles sa condition l'exposoit; ce sont les grans feux qui s'enflamment au vent, mays les petitz s'esteignent si on ne les y porte a couvert.

  A003001147 

 L'Espoux sacré, au Cantique des Cantiques, dit que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et l'un de ses cheveux.

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001148 

 Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux: je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement [254] son cœur et le rendres tout vostre.

  A003001149 

 Or sa meditation estoit telle: elle s'imaginoit qu'apprestant pour son pere elle apprestoit pour Nostre Seigneur, comme une sainte Marthe; que sa mere tenoit la place de Nostre Dame, et ses freres, le lieu des Apostres, s'excitant en cette sorte de servir en esprit toute la cour celeste, et s'employant a ces chetifz [255] services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit la volonté de Dieu estre telle.

  A003001149 

 Quand j'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des prédications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eust ravi le cœur de son Espoux celeste; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001156 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corporelle; il y en a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grace corporelle..

  A003001157 

 Nous voulons nos droitz exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs; nous gardons nostre rang pointilleusement, et voulons que les autres soyent humbles et condescendans; nous nous plaignons aysement du prochain, et ne voulons qu'aucun se plaigne de nous; ce que nous faisons pour autruy nous semble tous-jours beaucoup, ce qu'il fait pour nous n'est rien, ce nous semble.

  A003001158 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, egal et raysonnable.

  A003001158 

 Trajan estant censuré par ses confidens dequoy il rendoit, a leur advis, la majesté imperiale trop accostable: Ouy dea, dit-il, ne dois-je pas estre tel empereur a l'endroit des particuliers, que je desirerois rencontrer un empereur si j'estois particulier moy mesme? [259].

  A003001162 

 Chacun sçait qu'il se faut garder des desirs des choses vicieuses, car le desir du mal nous rend mauvais.

  A003001162 

 Mais nous faysons ordinairement des desirs des femmes grosses, qui veulent des cerises fraisches en l'automne et des raisins frais au printems..

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001163 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachee a quelque devoir ou vacation, s'amuse a desirer une autre sorte de vie que celle qui est convenable a son devoir, ni des exercices incompatibles a sa condition presente; car cela dissipe le cœur et l'allanguit es exercices necessaires.

  A003001163 

 Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens..

  A003001163 

 Si je desire la solitude des Chartreux, je perds mon tems, et ce desir tient la place de celuy que je dois avoir de me bien employer a mon office present.

  A003001164 

 L'ennemi nous procure souvent des grans desirs pour des objetz absens et qui ne se presenteront jamais, affin de divertir nostre esprit des objetz presens esquelz, pour petitz qu'ilz soyent, nous pourrions faire grand prouffit.

  A003001165 

 La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tous-jours l'estomac, et s'il est foible, elle le ruine: ne remplisses pas vostre ame de beaucoup de desirs, ni mondains car ceux la vous gasteroyent du tout, ni mesme spirituelz car ilz vous embarrasseroyent.

  A003001165 

 Quand nostre ame est purgee, se sentant deschargee de mauvaises humeurs, elle a un appetit fort grand des choses spirituelles, et comme tout affamee elle se met a desirer mille sortes d'exercices de pieté, de mortification, de penitence, d'humilité, de charité, d'orayson.

  A003001170 

 C'est la pepiniere du Christianisme, qui remplit la terre de fideles pour accomplir au Ciel le nombre des esleuz; si que la conservation du bien du mariage est extremement importante a la republique, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

  A003001171 

 Pleust a Dieu que son Filz bienaymé fust appellé a toutes les noces comme il fut a celles de Cana: le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Nostre Seigneur on y fait venir Adonis, et Venus en lieu de Nostre Dame.

  A003001171 

 Qui veut avoir des aigneletz beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme luy presenter aux brebis quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succes au mariage, devroit en ses noces se representer la sainteté et dignité de ce Sacrement; mais en lieu de cela il y arrive mille desreglemens en passe-tems, festins et paroles: ce n'est donq pas merveille si les effectz en sont desreglés..

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001176 

 Le troysiesme fruit du mariage c'est la production et legitime nourriture des enfans.

  A003001177 

 Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés; car vrayement Dieu pour cela les a creés [267] d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et qu'elle fust produite d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduite du mari; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité: Maris, dit saint Pierre, portes vous discretement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces.

  A003001179 

 Les dames tant anciennes que modernes ont accoustumé de pendre des perles en nombre a leurs oreilles pour le playsir, dit Pline, qu'elles ont a les sentir grilloter, s'entretouchant l'une l'autre.

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001179 

 Mais si a vostre louange quelqu'un adjouste le mespris de vostre mari, il vous offence infiniment, car la chose est claire que non seulement il vous veut perdre, mais vous tient des-ja pour demi perdue, puisque la moitié du marché est faite avec le second marchand quand on est desgousté du premier.

  A003001180 

 Ainsy Isaac et Rebecca, le plus chaste pair des mariés de l'ancien tems, furent veus par la fenestre se caresser en telle sorte, qu'encor qu'il n'y eust rien de deshonneste, Abimelech conneut bien qu'ilz ne pouvoyent estre sinon mari et femme.

  A003001181 

 La mere de saint Bernard, digne mere d'un tel filz, prenant ses enfans en ses bras incontinent qu'ilz estoyent nais, lies offroit a Jesus Christ, et des lhors les aymoit avec respect comme chose sacree et que Dieu luy avoit confiee; ce qui luy reussit si heureusement qu'en fin ilz furent tous sept tressaintz..

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 Certes, les races et generations sont appellees en nostre langage, maysons, et les Hebreux mesme appellent la generation des enfans, edification de mayson, car c'est en ce sens qu'il est dit que Dieu edifia des maysons aux sages femmes d'Egypte.

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 Il y a des fruitz, comme le coing, qui pour l'aspreté de leur suc ne sont gueres aggreables qu'en confiture; il y en a d'autres qui pour leur tendreté et delicatesse ne peuvent durer, s'ilz ne sont aussi confitz, comme les cerises et abricotz.

  A003001185 

 Les mouches a miel ne peuvent s'arrester en lieu ou les echos et retentissemens et redoublemens de voix se font, ni le Saint Esprit certes en une mayson en laquelle il y ait du desbat, des repliques et redoublemens de crieries et altercations..

  A003001186 

 Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

  A003001191 

 J'expliqueray donques ce que je ne puis pas dire des unes, par ce que je diray des autres..

  A003001192 

 Le manger est ordonné pour conserver les personnes: or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandee, aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans et la multiplication des personnes est une bonne chose et tressainte, car c'est la fin principale des noces..

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001194 

 Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus s'essayer de tesmoigner de l'appetit, aussi le devoir nuptial doit estre tous-jours rendu fidellement, franchement, et tout de mesme comme si c'estoit avec esperance de la production des enfans, encor que pour quelque occasion on n'eust pas telle esperance..

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001198 

 Car d'autant que la procreation des enfans est la premiere et principale fin du mariage, jamais on ne peut loysiblement se departir de l'ordre qu'elle requiert, quoy que pour quelque autre accident elle ne puisse pas pour lhors estre effectuee, comme il arrive quand la sterilité ou la grossesse des-ja survenue empesche la production et generation; car en ces occurrences le commerce corporel ne laisse pas de pouvoir estre juste et saint, moyennant que les regles de la generation soyent suivies, aucun accident ne pouvant jamais prejudicier a la loy que la fin principale du mariage a imposee.

  A003001200 

 Car, selon saint Gregoire, celuy a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle que pour cela il n'est point destourné des pretentions spirituelles; or, ce qui se dit du mari s'entend reciproquement de la femme.

  A003001200 

 En cet advis consiste la parfaitte prattique de l'excellente [277] doctrine que saint Paul donne aux Corinthiens: Le tems est court, dit-il; reste que ceux qui ont des femmes soyent comme n'en ayans point.

  A003001200 

 «C'est le grand mal de l'homme,» dit saint Augustin, «de vouloir jouir des choses desquelles il doit seulement user, et de vouloir user de celles desquelles il doit seulement jouir:» nous devons jouir des choses spirituelles et seulement user des corporelles; desquelles quand l'usage est converti en jouissance, nostre ame raysonnable est aussi convertie en ame brutale et bestiale..

  A003001206 

 Que non seulement la vefve soit vefve de cors, mais aussi de cœur, c'est a dire qu'elle soit resolue d'une resolution inviolable de se conserver en l'estat d'une chaste viduité; car les vefves qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier ne sont separees des hommes que selon la volupté du cors, mais elles sont des-ja conjointes avec eux selon la volonté du cœur.

  A003001209 

 Il faut de plus que la vefve, pour estre vrayement vefve, soit separee et volontairement destituee des contentemens prophanes.

  A003001210 

 Le retranchement des superfluités mondaines est requis a quicomque veut vivre pieusement; mays il est sur tout necessaire a la vraye vefve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mari.

  A003001211 

 Esperer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cet appuy, c'est chose digne de grande loüange: c'est pourquoy on connoist plus aysement en la viduité, la perfection des vertus que l'on a eues au mariage.

  A003001212 

 La vefve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse et conduitte, et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut ni doit en façon quelconque les abandonner; car l'apostre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre la pareille a leurs peres et meres, et d'autant encores que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle.

  A003001213 

 Car il faut que les fruitz du tracas soyent bien grans, pour estre comparables au bien d'une sainte tranquillité; laissant a part que les proces et telles brouilleries dissipent le cœur et ouvrent souventefois la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que, pour complaire a ceux de la faveur [284] desquelz on a besoin, on se met en des contenances indevotes et desaggreables a Dieu..

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001214 

 L'orayson soit le continuel exercice de la vefve; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des parolles que pour Dieu.

  A003001215 

 L'exercice des vertus propres a la sainte vefve sont la parfaitte modestie, le renoncement aux honneurs, aux rangs, aux assemblees, aux tiltres et a telles sortes de vanités; le service des pauvres et des malades, la consolation des affligés, l'introduction des filles a la vie devote, et de se rendre un parfait exemplaire de toutes vertus aux jeunes femmes.

  A003001216 

 Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourrait apporter.

  A003001217 

 Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité..

  A003001226 

 Nous avons veu des gentilshommes et des dames passer la nuit entiere, ains plusieurs nuitz de suitte a jouer aux eschecz et aux cartes.

  A003001227 

 Il aggrandit nos imperfections et publie que ce sont des pechés, de nos pechés venielz il en fait des mortelz, et nos pechés d'infirmité il les convertit en pechés de malice..

  A003001228 

 Il espiera tous nos mouvemens, et pour une seule petite parolle de cholere il protestera que nous sommes insupportables; le soin de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur, niaiserie; et quant aux enfans du monde, leurs choleres sont generosités, leurs avarices, mesnages, leurs privautés, entretiens honnorables: les araignes gastent tous-jours l'ouvrage des abeilles..

  A003001228 

 Soit que les moutons ayent des cornes ou qu'ilz n'en ayent point, qu'ilz soyent blancz ou qu'ilz soyent noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut.

  A003001233 

 Il vous faschera peut estre d'abord de quitter la gloire que les folz et moqueurs vous donnoyent en vos vanités; mais o Dieu, voudries vous bien perdre l'eternelle que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetems esquelz vous aves employé les annees passees se representeront encor a vostre cœur pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auries vous bien le courage de renoncer a cette heureuse eternité pour des si trompeuses legeretés? Croyes-moy, si vous perseveres vous ne tarderes pas de recevoir des douceurs cordiales si delicieuses et aggreables, que vous confesseres que le monde n'a que du fiel en comparayson de ce miel, et qu'un seul jour de devotion vaut mieux que mille annees de la vie mondaine..

  A003001233 

 La lumiere, quoy que belle et desirable a nos yeux, les esblouit neanmoins apres qu'ilz ont esté en des longues tenebres; et devant que l'on se voye apprivoisé avec les habitans de quelque païs, pour courtois et gracieux qu'ilz soyent, on s'y treuve aucunement estonné.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 Ainsy Satan, le monde et la chair voyans une ame espousee au Filz de Dieu, luy envoyent des tentations et suggestions par lesquelles: 1.

  A003001239 

 Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fust desaggreable a Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles; la bienheureuse Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoist, lhors que l'un se jetta dans les espines et l'autre dans la neige pour les mitiger, et neanmoins ilz ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmenterent de beaucoup..

  A003001241 

 Mays quant a la delectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tous-jours la superieure ains fait son cas a part, il arrive maintesfois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'apostre saint Paul descrit, quand il dit que sa chair convoite contre son esprit, qu'il y a une loy des membres et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003001242 

 Aves-vous jamais veu, Philothee, un grand brasier de feu couvert de cendres? quand on vient dix ou douze heures apres pour y chercher du feu, on n'en treuve qu'un peu au milieu du foyer, et encor on a peyne de le treuver; il y estoit neanmoins puysqu'on l'y treuve, et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons des-ja esteintz.

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001247 

 Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.».

  A003001247 

 Il fit donques toutes sortes d'impudiques suggestions a son cœur, et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compaignons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalités et lubricités a sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroyent bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure qui ne fust agitee de cette tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003001248 

 Voyes vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entree dedans le cœur et avoit environné la volonté, laquelle seule, assistee de son Sauveur, resistoit par des amertumes, des desplaysirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au péché qui l'environnoit.

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001273 

 C'est chose bien aysee a un homme ou a une femme de s'empescher de l'adultere, mais ce n'est pas chose si facile de s'empescher des œillades, de donner ou recevoir de l'amour, de procurer des graces et menues faveurs, de dire et recevoir des parolles de cajolerie.

  A003001273 

 Quoy qu'il faille combattre les grandes tentations avec un courage invincible et que la victoire que nous en rapportons nous soit extremement utile, si est-ce neanmoins qu'a l'adventure on fait plus de prouffit a bien combattre les petites; car, comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable a celle des plus grandes.

  A003001279 

 Mesprises donques ces menues attaques et ne daignes pas seulement penser a ce qu'elles veulent dire, mais laisses les bourdonner autour de vos oreilles tant qu'elles voudront, et courir ça et la autour de vous, comme l'on fait des mouches; et quand elles viendront vous piquer et que vous les verres aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles ni leur respondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu'elles soyent, et specialement de l'amour de Dieu.

  A003001285 

 Faites des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourres, encores qu'il vous semble que ce soit a regret; car par ce moyen vous vous habitues a l'humilité et affoiblisses vostre vanité, en sorte que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aures plus de force pour la combattre..

  A003001285 

 Par exemple, si vous vous sentes inclinee a la passion de la vanité, faites souvent des pensees de la misere de cette vie humaine, combien ces vanités seront ennuyeuses a la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, que ce ne sont que badineries et amusemens de petitz enfans, et semblables choses.

  A003001286 

 Parles fort contre l'avarice, loües fort le mespris du monde, violentes-vous a faire souvent des aumosnes et des charités, et a laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003001287 

 Parles souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi le plus qu'il vous sera possible des actions conformes a cela, evitant toutes affaiteries et muguetteries..

  A003001293 

 Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire, elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostans pas le mal precedent, ains au contraire l'empirans, l'ame entre en une angoisse et detresse desmesuree, avec une defaillance de courage et de force telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede.

  A003001293 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre delivree de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peyne, industrie ou diligence; si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera a la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mays je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit.

  A003001298 

 Si vous pouves descouvrir vostre inquietude a celuy qui conduit vostre ame, ou au moins a quelque confident et devot ami, ne doutes point que tout aussi tost vous ne soyes accoisee; car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effect en l'ame que la saignee fait au cors de celuy qui est en fievre continue: c'est le remede des remedes.

  A003001303 

 L'ennemi se sert de la tristesse pour exercer ses tentations a l'endroit des bons; car, comme il tasche de faire resjouir les mauvais en leur peché, aussi tasche-il d'attrister les bons en leurs bonnes œuvres; et comme il ne peut procurer le mal qu'en le faysant treuver aggreable, aussi ne peut-il destourner du bien qu'en le faysant treuver desaggreable.

  A003001304 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglees, desgouste de l'orayson, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution, de jugement et de courage, et abat les forces: bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux; car elle oste toute suavité de l'ame et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés..

  A003001306 

 Chantes des cantiques spirituelz, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen; tesmoin l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimee par la psalmodie..

  A003001308 

 Faites des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baysant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles ci: Mon Bienaymè a moy, et moy a luy.

  A003001309 

 La discipline moderee est bonne contre la tristesse, parce que cette volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure, et l'ame, sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans.

  A003001310 

 Descouvres tous les ressentimens, affections et suggestions qui proviennent de vostre tristesse a vostre conducteur et confesseur, humblement et fidellement; [315] cherches les conversations des personnes spirituelles et les hantes le plus que vous pourres pendant ce tems-la.

  A003001314 

 Dieu continue l'estre de ce grand monde en une perpetuelle vicissitude, par laquelle le jour se change tous-jours en nuit, le printems en esté, l'esté en automne, l'automne en hiver et l'hiver en printems, et l'un des jours ne ressemble jamais parfaittement l'autre: on en void de nubileux, de pluvieux, de secs, de venteux, varieté qui donne une grande beauté a cet univers.

  A003001314 

 Il en est de mesme de l'homme, qui est, selon le dire des Anciens, un « abregé du monde; » car jamais il n'est en un mesme estat, et sa vie escoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpetuelle diversité de mouvemens, qui tantost l'eslevent aux esperances, tantost l'abaissent par la crainte, tantost le plient a droite par la consolation, tantost a gauche par l'affliction, et jamais une seule de ses journees, ni mesme une de ses heures, n'est entierement pareille a l'autre.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001316 

 Car, comme les avettes se voyans surprises du vent en la campaigne, embrassent des pierres pour se pouvoir balancer en l'air et n'estre pas si aysement transportees a la merci de l'orage, ainsy nostre ame ayant vivement embrassé par resolution le pretieux amour de son Dieu, demeure constante parmi l'inconstance et vicissitude des consolations et afflictions, tant spirituelles que temporelles, tant exterieures qu'interieures.

  A003001318 

 Ainsy se treuve-il des personnes qui considerans la bonté de Dieu et la Passion du Sauveur sentent des grans attendrissemens de cœur, qui leur font jetter des souspirs, des larmes, des prieres et actions de graces fort sensibles, si qu'on diroit qu'elles ont le cœur saysi d'une bien grande devotion.

  A003001318 

 Mais quand ce vient a l'essay, on treuve que comme les pluyes passageres d'un esté bien chaud, qui tombans en grosses gouttes sur la terre ne la penetrent point et ne servent qu'a la production des champignons, ainsy ces larmes et tendretés tombans sur un cœur vicieux et ne le penetrans point, luy sont tout a fait inutiles: car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteroyent pas un seul liard du bien mal acquis qu'ilz possedent, ne renonceroyent pas une [319] seule de leurs perverses affections, et ne voudroyent pas avoir pris la moindre incommodité du monde pour le service du Sauveur sur lequel ilz ont pleuré; en sorte que les bons mouvemens qu'ilz ont eus, ne sont que des certains champignons spirituelz, qui non seulement ne sont pas la vraye devotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l'ennemi, qui, amusant les ames a ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaittes en cela, a ce qu'elles ne cherchent plus la vraye et solide devotion, qui consiste en une volonté constante, resolue, prompte et active d'executer ce que l'on sçait estre aggreable a Dieu..

  A003001319 

 Helas, Philothee, c'est bien fait de pleurer sur cette Mort et Passion douloureuse de nostre Pere et Redempteur; [320] mais pourquoy donq ne luy donnons-nous tout de bon la pomme que nous avons en nos mains et qu'il nous demande si instamment, a sçavoir nostre cœur, unique pomme d'amour que ce cher Sauveur requiert de nous? Que ne luy resignons-nous tant de menues affections, delectations, complaisances, qu'il nous veut arracher des mains et ne peut, parce que c'est nostre dragee, de laquelle nous sommes plus frians que desireux de sa celeste grace? Ha! ce sont des amitiés de petitz enfans que cela, tendres, mais foibles, mais fantasques, mais sans effect.

  A003001320 

 Ce sont des petitz avant-goustz des suavités immortelles que Dieu donne aux ames qui le cherchent; ce sont des grains sucrés qu'il donne a ses petitz enfans pour les amorcer; ce sont des eaux cordiales qu'il leur presente pour les conforter, et ce sont aussi quelquefois des arres des recompenses eternelles.

  A003001320 

 Et comme ceux qui ont l'herbe scitique en la bouche en reçoivent une si extreme douceur qu'ilz ne sentent ni faim ni soif, ainsy ceux a qui Dieu a donné cette manne celeste des suavités et consolations interieures ne peuvent desirer ni recevoir les consolations du monde, pour au moins y prendre goust et y amuser leurs affections.

  A003001320 

 Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe.

  A003001320 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit premierement l'Arabie heureuse par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent luy donnoit; et sur cela, se donna du courage et a tous ses compaignons: ainsy nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui sans doute nous font pressentir les delices de cette Patrie celeste a laquelle nous tendons et aspirons..

  A003001321 

 Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes qui produisent en nous des bons effectz et saintes actions.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001321 

 Nos cœurs sont des arbres, les affections et passions sont leurs [322] branches, et leurs œuvres ou actions sont les fruitz.

  A003001321 

 Si les douceurs, tendretés et consolations nous rendent plus humbles, patiens, traittables, charitables et compatissans a l'endroit du prochain, plus fervens a mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constans en nos exercices, plus maniables et souples a ceux que nous devons obeir, plus simples en nostre vie, sans doute, Philothee, qu'elles sont de Dieu; mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatiens, opiniastres, fiers, presomptueux, durs a l'endroit du prochain, et que pensans des-ja estre des petitz saintz nous ne voulons plus estre sujetz a la direction ni a la correction, indubitablement ce sont des consolations fauses et pernicieuses: Un bon arbre ne produit que des bons fruitz..

  A003001322 

 Et ainsy, c'est beaucoup, Philothee, d'avoir les douceurs; mais c'est la douceur des douceurs de considerer que Dieu de sa main amoureuse et maternelle les nous met en la bouche, au cœur, en l'ame, en l'esprit.

  A003001322 

 il nous faut beaucoup humilier devant Dieu; gardons-nous bien de dire pour ces douceurs: o que je suis bon! Non, Philothee, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs, car, comme j'ay dit, la devotion ne consiste pas en cela; mais disons: o que Dieu est bon a ceux qui esperent en luy, a l'ame qui le recherche! Qui a le sucre en bouche ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais ouy bien que le sucre est doux: ainsy, encor que cette douceur spirituelle est fort bonne, et Dieu qui nous la donne est tresbon, il ne s'ensuit pas que celuy qui la reçoit soit bon.

  A003001326 

 Vous ferés donq ainsy que je vous viens de dire, tres-chere Philothee, quand vous aves des consolations; mais ce beau tems si aggreable ne durera pas tous-jours, ains il adviendra que quelquefois vous seres tellement privee et destituee du sentiment de la devotion, qu'il vous sera advis que vostre ame soit line terre deserte, infructueuse, sterile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour treuver Dieu, ni aucune eau de grace qui la puisse arrouser, a cause des secheresses qui, ce semble, la reduiront totalement en friche.

  A003001330 

 Nous sommes quelquefois couchés dans un lict des contentemens sensuelz et consolations perissables, comme estoit l'Espouse sacree es Cantiques: l'Espoux de nos ames buque a la porte de nostre cœur, il nous inspire de nous remettre a nos exercices spirituelz, mais nous marchandons avec luy, d'autant qu'il nous fasche de quitter ces vains amusemens et de nous separer de ces faux contentemens; c'est pourquoy il passe outre et nous laisse croupir, puys, quand nous le voulons chercher, nous avons beaucoup de peyne a le treuver: aussi l'avons-nous bien merité, puysque nous avons esté si infideles et desloyaux a son amour, que d'en avoir refusé l'exercice pour suivre celuy des choses du monde.

  A003001331 

 La duplicité et finesse d'esprit exercee es confessions et communications spirituelles que l'on fait avec son conducteur, attire les secheresses et sterilités: car puisque vous mentés au Saint Esprit, ce n'est pas merveille s'il vous refuse sa consolation; vous ne voules pas estre simple et naif comme un petit enfant, vous n'aures donq pas la dragee des petitz enfans..

  A003001332 

 Il a rempli de biens, dit Nostre Dame, les affamés, et les riches il les a laissé vuides: ceux qui sont riches des playsirs mondains ne sont pas capables des spirituelz..

  A003001332 

 Vous vous estes bien saoulee des contentemens mondains, ce n'est pas merveille si les delices spirituelles vous sont a desgoust: les colombes ja saoules, dit l'ancien proverbe, treuvent ameres les cerises.

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001336 

 Oste-toy d'ici, o bize infructueuse qui desseche mon ame, et venès, o gracieux vent des consolations, et soufflés dans mon jardin, et ses bonnes affections respandront l'odeur de suavité..

  A003001337 

 Alles a vostre confesseur, ouvres-luy bien vostre cœur, faites-luy bien voir tous les replis de vostre ame, prenes les advis qu'il vous donnera, avec grande simplicité et humilité: car Dieu qui ayme infiniment l'obeissance, rend souvent utiles les conseilz que l'on prend d'autruy, et sur tout des conducteurs des ames, encor que d'ailleurs il n'y eust pas grande apparence; comme il rendit prouffitables a Naaman les eaux du Jourdain, desquelles Helisee, sans aucune apparence de rayson humaine, luy avoit ordonné l'usage..

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001338 

 Je ne dis pas qu'on ne doive faire des simples souhaitz de la delivrance; mais je dis qu'on ne s'y doit pas affectionner, ains se remettre a la pure merci de la speciale providence de Dieu, affin que tant qu'il luy plaira il se serve de nous entre ces espines et parmi ces desers.

  A003001338 

 Nous devons donq en toutes sortes d'afflictions, tant corporelles que spirituelles, et es distractions ou soustractions de la devotion sensible qui nous arrivent, dire de tout nostre cœur et avec une profonde sousmission: Le Seigneur m'a donné des consolations, le Seigneur me les a ostees, son saint Nom soit beni; car perseverans en cette humilité, il nous rendra ses delicieuses faveurs, comme il fit a Job qui usa constamment de pareilles paroles en toutes ses desolations..

  A003001339 

 Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer.

  A003001339 

 Il [329] arrive maintesfois, ma Philothee, que l'ame se voyant au beau printems des consolations spirituelles s'amuse tant a les amasser et succer, qu'en l'abondance de ces douces delices elle fait beaucoup moins de bonnes œuvres, et qu'au contraire, parmi les aspretés et sterilités spirituelles, a mesure qu'elle se void privee des sentimens aggreables de devotion, elle en multiplie d'autant plus les œuvres solides, et abonde en la generation interieure des vrayes vertus, de patience, humilité, abjection de soy mesme, resignation, et abnegation de son amour propre..

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001341 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de bonnes œuvres, car plus nous avons des contradictions, soit exterieures soit interieures, [331] a les faire, plus elles sont estimees et prisees devant Dieu.

  A003001341 

 Moins il y a de nostre interest particulier en la poursuitte des vertus, plus la pureté de l'amour divin y reluit: l'enfant bayse aysement sa mere qui luy donne du sucre, mais c'est signe qu'il l'ayme grandement s'il la bayse apres qu'elle luy aura donné de l'absynthe ou du chicotin.

  A003001346 

 Or, comme les ames relevees au dessus d'elles mesmes par l'essay des playsirs superieurs, renoncent facilement aux objetz visibles, ainsy quand par la disposition divine la joye spirituelle leur est ostee, se treuvans aussi d'ailleurs privees des consolations corporelles, et n'estans point encor accoustumees d'attendre en patience les retours du vray soleil, il leur semble qu'elles ne sont ni au ciel ni en la terre, et qu'elles demeureront ensevelies en une nuit perpetuelle: si que, [333] comme petitz enfançons qu'on sevre, ayans perdu leurs mammelles, elles languissent et gemissent, et deviennent ennuyeuses et importunes, principalement a elles mesmes..

  A003001347 

 Celuy ci, rendu soudainement aride, destitué de consolation et occupé des tenebres interieures, commença a se ramentevoir de ses amis mondains, de ses parens, des facultés qu'il venoit de laisser, au moyen dequoy il fut assailli d'une si rude tentation que, ne pouvant la celer en son maintien, un de ses plus confidens s'en apperceut, et l'ayant dextrement accosté avec douces parolles luy dit en secret: «Que veut dire ceci Geoffroy? comment est ce que contre l'ordinaire, tu te rends si pensif et affligé?» Alhors Geoffroy, avec un profond souspir, «Ah mon frere,» respondit il, «jamais de ma vie je ne seray joyeux.» Cet autre, esmeu de pitié par telles parolles, avec un zele fraternel alla soudain reciter tout ceci au commun Pere saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une eglise prochaine affin de prier Dieu pour luy; et Geoffroy ce pendant, accablé de la tristesse, reposant sa teste sur une pierre, s'endormit.

  A003001348 

 Il faut esperer entre les travaux et craindre entre les prosperités, et tant en l'une des occasions qu'en l'autre il se faut tous-jours humilier.

  A003001348 

 Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goust [334] des delices celestes a ceux qui entrent a son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager a la poursuite du divin amour, comme une mere qui pour amorcer et attirer son petit enfant a la mammelle met du miel sur le bout de son tetin.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que quelquefois des bien grans orages s'eslevent parmi les secheresses et sterilités, et lhors il faut constamment combattre les tentations, car elles ne sont pas de Dieu; mais il faut souffrir patiemment les secheresses, puisque Dieu les a ordonnees pour nostre exercice.

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001350 

 Quelquefois les desgoustz, les sterilités et secheresses proviennent de l'indisposition du cors, comme quand par l'exces des veilles, des travaux et des jeusnes on se treuve accablé de lassitudes, d'assoupissemens, de pesanteurs et d'autres telles infirmités, lesquelles bien qu'elles dependent du cors ne laissent pas d'incommoder l'esprit, pour l'estroitte liaison qui est entre eux.

  A003001364 

 Mais ne sont-ce pas la des belles, justes et dignes et genereuses resolutions? Pensés bien en vostre ame combien cette protestation est sainte, raysonnable et desirable..

  A003001366 

 Consideres en presence de qui, car ç'a esté a la veuë de toute la cour celeste: helas, la Sainte Vierge, saint Joseph, vostre bon Ange, saint Louys, toute cette [341] benite trouppe vous regardoit et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation, et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné aux pieds du Sauveur, qui se consacroit a son service.

  A003001367 

 Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003001368 

 Et vous pourres bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay-je plus tost savouree! Helas, neanmoins, encores ne le merities-vous pas alhors; et partant, reconnoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu, vous m'aves esclairee et touchee des ma jeunesse, et jusques a jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003001368 

 Que si ç'a esté en vostre viellesse, helas, Philothee, quelle grace qu'apres avoir ainsy abusé des annees precedentes, Dieu vous ait appellee avant la mort, et qu'il ait arresté la course de vostre misere au tems auquel, si elle eust continué, vous esties eternellement miserable..

  A003001370 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles, comme vous voyes, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclure par action de grace et une priere affectionnee d'en bien prouffiter, se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire l'effort des resolutions apres le deuxiesme point de cet exercice..

  A003001374 

 Ce second point de l'exercice est un peu long; et pour le prattiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le facies tout d'une traitte, mays a plusieurs fois, [343] comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003001374 

 Il est neanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuitz pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque tems, selon que vous pourres; car si cet exercice ne se faisoit qu'en des tems fort distans les uns des autres, il perdroit sa force et donneroit des impressions trop lasches.

  A003001375 

 Bien qu'es jours que vous feres cet exercice et les autres il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut-il en faire un peu, sur tout devers le soir, affin que vous puissies gaigner le lict de meilleure heure et prendre le repos de cors et d'esprit, necessaire a la consideration.

  A003001375 

 Et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, a Nostre Dame, aux Anges, a toute la Hierusalem celeste; il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu et de la perfection de vostre ame..

  A003001381 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? Aves-vous une resolution forte a ne le jamais commettre pour quelque chose qui puisse arriver? et cette resolution a-elle duré des vostre protestation jusques a present? En cette resolution consiste le fondement de la vie spirituelle.

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001383 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des pechés venielz? On ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy par la; mais y en a-il point auquel vous ayes une speciale inclination? et, ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayes affection et amour?.

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Il en prend de mesme des [346] ames qui ayment bien Dieu; quoy qu'elles soyent empressees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance a tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extremement bon signe..

  A003001385 

 Sentes-vous en vostre cœur une certaine facilité a l'aymer et un goust particulier a savourer cet amour? Vostre cœur se recree-il point a penser a l'immensité de Dieu, a sa bonté, a sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive emmi les occupations du monde et les vanités, se fait-il point faire place, saisit-il point vostre cœur? vous semble-il point que vostre cœur se tourne de son costé et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela.

  A003001386 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? Vous plaises-vous autour de luy? Les mouches a miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs: ainsy les bonnes ames prennent leur contentement autour de Jesus Christ et ont une extreme tendreté d'amour en son endroit; mais les mauvais se plaisent autour des vanités..

  A003001387 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Nostre Dame, des Saintz, de vostre bon Ange? Les aymes-vous fort? aves-vous une speciale confiance en leur bienveillance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent-elles?.

  A003001403 

 J'en dis de mesme des enfans et proches parens, et encor des amis, chacun selon son rang..

  A003001409 

 J'ay estendu ainsy au long ces pointz, en l'examen desquelz gist la connoissance de l'avancement spirituel qu'on a fait; car quant a l'examen des pechés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point a s'avancer.

  A003001409 

 Or il ne faut neanmoins pas se travailler sur un chacun de ces articles sinon tout doucement, considerant en quel estat nostre cœur a esté touchant iceux des nostre resolution, et quelles fautes notables nous y avons commises..

  A003001414 

 En la crainte des dangers de pecher et des pertes des biens de ce monde: on craint trop l'un, et trop peu l'autre..

  A003001421 

 Remercies Dieu de ce peu d'amendement que vous aures treuvé en vostre vie des vostre resolution, et reconnoisses que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous et pour vous..

  A003001423 

 Promettes-luy de le loüer a jamais des graces exercees en vostre endroit, pour vous retirer de vos inclinations a ce petit amendement..

  A003001427 

 Invoques les Saintz, la Sainte Vierge, vostre Ange, vostre Patron, saint Joseph, et ainsy des autres.

  A003001435 

 Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement.

  A003001437 

 Helas, nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrees, il void que c'est a refaire et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, affin qu'il retourne a son Dieu duquel il est sorti.

  A003001438 

 O ma belle ame, deves-vous dire, vous pouves entendre et vouloir Dieu, pourquoy vous amuseres-vous a chose moindre? vous pouves pretendre a l'eternité, pourquoy vous amuseres-vous aux momens? Ce fut l'un des regretz de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre delicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003001442 

 Mettes en comparayson les vertus, et les vices qui leur sont contraires: quelle suavité en la patience au prix de la vengeance; de la douceur au prix de l'ire et du chagrin; de l'humilité au prix de l'arrogance et ambition; de la liberalité au prix de l'avarice; de la charité au prix de l'envie de la sobrieté au prix des desordres! Les vertus ont cela d'admirable, qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille apres qu'on les a exercees, ou les vices la laissent infiniment recreuë et mal menee.

  A003001443 

 Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mescontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encor a-il des-ja du contentement, et puis tous-jours plus en avançant.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001448 

 Mon Dieu, qu'est ce que dit saint Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a-elle poursuivi son entreprinse de [356] servir Dieu en son mariage, en son vefvage! Et saint Hierosme, de sa chere fille Paula? parmi combien de traverses, parmi combien de varietés d'accidens! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ilz estoyent ce que nous sommes, ilz le faisoyent pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons nous autant, en nostre condition et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution et sainte protestation?.

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001458 

 Consideres l'amour eternel que Dieu vous a porté, car des-ja avant que Nostre Seigneur Jesus Christ entant qu'homme souffrit en Croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté et vous aymoit extremement.

  A003001458 

 Et quand commença-il a estre Dieu? Jamais, car il l'a tous-jours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tous-jours aymee des l'eternité, c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faittes.

  A003001459 

 O Dieu, quelles resolutions sont-ce cy, que Dieu a pensees, meditees, projettees des son eternité! Combien [359] nous doivent-elles estre cheres et pretieuses, que devrions-nous souffrir plustost que d'en quitter un seul brin! Non pas certes si tout le monde devoit perir, car aussi tout le monde ensemble ne vaut pas une ame, et une ame ne vaut rien sans nos resolutions..

  A003001464 

 Apres ces affections il faut que vous particularisies les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protesties de vous en vouloir fidellement servir: la frequence de l'orayson, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconneuës [360] au second point, le retranchement des mauvaises occasions, la suite des advis qui vous seront donnés pour ce regard.

  A003001465 

 Alles en cette esmotion de cœur aux pieds de vostre pere spirituel, accuses-vous des fautes principales que vous aures remarqué d'avoir commises des vostre confession generale, et receves l'absolution en la mesme façon que vous fistes la premiere fois, prononces devant luy la protestation et la signes, et en fin alles unir vostre cœur renouvellé a son Principe et Sauveur, au tressaint Sacrement de l'Eucharistie.

  A003001469 

 Non, nous ne serons plus nous mesmes, car nous aurons le cœur changé, et le monde qui nous a tant trompés sera trompé en nous, car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit a petit, il pensera que nous soyons tous-jours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003001474 

 Saint Louys, Roy admirable et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice et manioit les affaires, oyoit tous les jours deux Messes, disoit l'espres et Complies avec son chapelain, faisoit sa meditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredis se confessoit et prenoit la discipline, entendoit tres souvent les predications, [363] faisoit fort souvent des conferences spirituelles, et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien public exterieur qu'il ne fist et n'executast diligemment, et sa cour estoit plus belle et plus florissante qu'elle n'avoit jamais esté du tems de ses predecesseurs.

  A003001475 

 Il est vray, sans doute, j'ay presupposé cela, et est vray encor que chacun n'a pas le don de l'orayson mentale; mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voyre les plus grossiers, pourveu qu'ilz ayent des bons conducteurs et qu'ilz veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003001480 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre, et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent a l'amour de Dieu.

  A003001482 

 «A cause des biens que j'attens,.

  A003001484 

 VIVE JESUS, auquel, avec le Pere et le Saint Esprit, soit honneur et gloire, maintenant et tous-jours et es siecles des siecles.

  A003001498 

 Je ne puis, ny veux, ny dois escrire en cette Introduction que ce qui a desja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet: ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur: mais le bouquet, que j'en ay fait sera differant des leurs, à raison de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003001498 

 La bouquetiere Glycera changeoit en tant de sortes la disposition et le meslange des fleurs, qu'elle mettoit en ses bouquets, que le peintre Pausias voulant contrefaire à l'envy cette varieté d'ouvrage demeura court, ne pouvant pas diversifier sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquets: ainsi le Sainct Esprit dispose et arrange les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues, et les plumes de ses serviteurs, avec tant de varieté, que la doctrine estant tousjours une mesme, les discours neantmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ils sont composez.

  A003001499 

 Ceux qui ont traitté de la devotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes fort retirées du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de devotion qui conduit à cette entiere retraicte.

  A003001499 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent és villes, és mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligez de faire une vie commune quant à l'exterieur, lesquels bien souvent sous le pretexte d'une pretendue impossibilité ne veulent seulement pas penser à l'entreprinse de la vie devote, leur estant advis, que comme nul animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommée Palma Christi, qu'aussi nul ne doit pretendre à la palme de pieté, et devotion, tandis qu'il vit emmy la presse des affaires temporelles: et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmy la mer, sans prendre nulle goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans [7*] brusler leurs aisles; ainsi peut une ame genereuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes de tant de convoitises que le monde allume de toutes parts, sans, brusler les aisles des sacrez desirs et sainctes affections de la vie devote.

  A003001500 

 Une ame pleine d'honneur et de vertu, ayant il y a quelque temps receu la grace de Dieu de vouloir aspirer à la vie devote desira ma particuliere assistence pour ce regard: et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long temps auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour cette entreprinse, je me rendis fort soigneux de la bien instruire; et l'ayant conduicte par tous les exercices convenables à son dessein, et à sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, afin qu'elle y eut recours à son besoin.

  A003001501 

 C'est pourquoy tu ne verras rien d'exacte en cecy: ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy, expliquez par des paroles claires, et intelligibles: au moins ay je eu ce dessein, et quant au reste des ornemens du langage je n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant assez d'autres choses à faire.

  A003001503 

 Cest aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs [8*] diront qu'il n'appartient qu'aux Religieux et gens de devotion de faire des conduites si particulieres à la pieté, qu'elles requierent plus de loisir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un Diocese si pesant, que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé à choses si importantes..

  A003001504 

 Mais moy, mon cher Lecteur, je te dis avec le grand sainct Denys qu'il appartient principalement aux Evesques de perfectionner les ames, d'autant que leur ordre est le supreme entre les hommes, comme celuy des Seraphins entre les Anges: si que leur loisir ne peut estre mieux destiné qu'à cela.

  A003001505 

 C'est une peine, je le confesse, que de conduire les ames, en particulier; mais une peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs et vandangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesongnés et chargés.

  A003001508 

 Et comme la belle et chaste Rebecca abbrevant les chameaux de son Isaac, fut destinée pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'aureille, et des brasselets d'or; ainsi je me promets de l'immense bonté de mon Dieu, que conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes aureilles les paroles dorées de son sainct amour, et en mes bras la force de les bien exercer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion; que je suplie sa souveraine Majesté me voulloir octroyer, et à tous les enfans de son Eglise, à laquelle je veux à jamais sousmetre mes escrits, mes actions, mes paroles, mes volontés, et mes pensées..

  A003001508 

 Or il m'est advis, mon Lecteur mon amy, qu'estant Evesque, Dieu veut, que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encore sa tres-chere et bien aymée devotion: et moy je l'entreprens volontiers, tant pour obéir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay que la gravant dans l'esprit des autres, le mien à l'adventure en deviendra saintement amoureux: et si jamais sa divine Majesté me voit vivement espris de ce sainct amour, elle me la donnera en mariage eternel.

  A003001515 

 Et vous, ô Ames devotes, qui doucement goustez les souefves fruicts que produit l'arbre de pieté et devotion, lisez ce livre, et vous y treuverez que vous contentera, et verrez qu'en iceluy brille le zelle et l'affection du Reverendissime sieur Autheur, au salut des ames, duquel en tant d'instances la saincte Foy paroist, et le livre ne propose rien qui ne soit conforme, et à la Foy et à la saincte Eglise Chrestienne, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A003001522 

 Veu l'Attestation des Docteurs Theologiens signés cy dessus, permis d'imprimer la presente Introduction à la vie devote.

  A003001536 

 Ainsi beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions exterieures apartenantes à la saincte devotion: et le monde croit que ces gents là soient vrayement devots et spirituels: mais en verité ce ne sont que des statues et fantosmes de devotion..

  A003001536 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit à l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la devotion selon sa passion et fantesie: celuy qui est adonné au jeusne, pourveu qu'il jeusne, il se tiendra pour bien devot, quoy [13*] que son cœur soit plein de rancune; et n'osant pas tremper sa langue dedans le vin ny mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la medisance et calomnie; un autre s'estimera devot parce que il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours; quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en parolles facheuses, arrogantes et injurieuses parmy ses domestiques et voisins: l'autre tire fort volontiers l'aumosne de sa bourse, pour la donner aux pauvres: mais il ne peut tirer la douceur de son cœur, pour pardonner à ses ennemis: l'autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de justice.

  A003001536 

 Les gents de Saul cherchoient David en sa maison: Michol ayant mis une statue dedans un lict, et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fist acroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade.

  A003001538 

 Car alors comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voye des commandemens de Dieu, et de plus par les sentiers des conseils et inspirations celestes.

  A003001542 

 Et le monde, ma chere Philothee, difame tant qu'il peut la saincte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage facheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancoliques et insupportables.

  A003001543 

 Le monde voit que les devots jeusnent, prient, soufrent les injures, servent les malades, donnent aux pauvres, veillent, contreignent leur colere, suffoquent et estouffent leurs passions, se privent des plaisirs sensuels, et font telles et autres sortes d'actions, lesquelles en elles mesmes et de leur propre substance et qualité sont aspres et rigoureuses.

  A003001543 

 Les feux, les flammes, les roües, et les espees sembloient des fleurs et des parfuns aux Martyrs, parce que ils estoient devots: que si la devotion peut donner de la douceur aux plus cruels tourmens et à la mort mesme, qu'est ce qu'elle fera pour les actions de vertu?.

  A003001545 

 Croyez moy, ma chere Philotee, la devotion est la douceur des douceurs, et la royne des vertus, car c'est la perfection de la charité.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001545 

 Or voyés, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle; ce sont des hommes qui ont des cœurs Angelicques, ou des Anges qui ont des corps humains.

  A003001549 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruits, chacun selon son genre; ainsi commende il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ils produisent des fruicts de devotion, un chacun selon sa qualité et vocation.

  A003001549 

 Je vous prie, Philothee, seroit il à propos que l'Evesque voulut estre solitaire comme le Chartreux; et si les mariez ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour à l'Eglise comme les religieux, et si le religieux estoit tousjours au tracas des affaires comme un advocat, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglée et insuportable? Cette faute neantmoins arrive bien souvent: et le monde qui ne [17*] discerne pas, ou ne veut pas discerner entre la devotion et indiscretion de ceux qui pensent estre devots, murmure et blasme la devotion, laquelle neantmoins ne peut mays de ces desordres..

  A003001550 

 L'abeille, dit Aristote, tire son miel des fleurs sans les interesser, les laissant entieres et fraiches comme elle les a treuvees.

  A003001551 

 C'est une erreur, ains une heresie de vouloir bannir la vie devote de la compagnie des soldats, de la boutique des artisans, de la Cour des Princes, du mesnage des gens mariez.

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001556 

 Ces divines parolles regardent principallement l'immortalité, comme vous voyez: pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cest amy fidelle, qui guide nos actions par ses advis et conseils, et par ce moyen nous garantit des embuches, et tromperies du maling; il nous sera comme un thresor de sapience: et en nos afflictions, tristesses, et cheutes, il nous servira de medicament, pour alleger, consoler, et relever nos cœurs és maladies spirituelles.

  A003001556 

 Il nous gardera du mal, et rendra [19*] nostre bien meilleur: et quand il nous arrivera des infirmités, il empeschera qu'elles ne soyent pas à la mort, car il nous en relevera..

  A003001564 

 La purgation et guerison ordinaire, soit des corps, soit des esprits, ne se fait que petit à petit, par progrez d'avancement en advencement avec peine et loisir.

  A003001564 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ils ne volent pourtant pas, ains montent et descendent par ordre d'eschelon en eschelon.

  A003001564 

 Mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grace, comme la resurrection des morts en la nature: si que nous ne devons pas y pretendre.

  A003001565 

 Helas quelle pitié est ce des ames, lesquelles se voyans subjetes à plusieurs imperfections, apres s'estre exercées quelques mois en la devotion, commencent à s'inquieter, se troubler et decourager, laissant presque emporter leur cœur à la tentation de tout quitter et retourner en arriere.

  A003001565 

 Or, ce n'est pas leur consentir que de recevoir des incommoditez d'icelles: il faut bien que pour l'exercice de nostre humilité nous soyons quelque fois blessez en cette bataille spirituelle: mais nous ne sommes jamais tenus pour vaincus sinon lors que nous avons perdu ou la vie, ou le courage.

  A003001569 

 Cerches le plus digne Confesseur que pourrez: prenez en main quelqu'un des petits livrets qui ont esté faits pour ayder les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lisez les bien, et remarqués de poinct en poinct en quoy vous aurez offencé, à prendre depuis que vous eustes l'usage de raison, jusques à l'heure [22*] presente.

  A003001570 

 Mais outre cela la confession generalle nous rappelle à la cognoissance de nous mesme, nous provoque à une salutaire confusion, pour nostre vie passee: nous fait admirer la misericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience: elle apaise nos cœurs, delasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables à nostre condition, et nous ouvre le cœur, pour avoir confiance de nous bien declarer aux confessions suyvantes.

  A003001574 

 Ainsi il y a des penitens qui sortent en effect du peché, et n'en quittent pas pourtant l'affection: c'est à dire ils proposent de ne plus pecher, mais c'est avec certain contrecœur, qu'ils ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché.

  A003001574 

 Ils s'abstiennent du peché, comme les malades font des melons: lesquels ils ne mangent pas, parce que le medecin les menasse de mort s'ils en mangent: mais ils s'inquietent de s'en abstenir: ils en parlent, et marchandent s'il se pourroit faire: ils les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003001575 

 Car de mesme ces ames font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles font perdre la grace à leurs bons exercices, qui sont peu en nombre, et petits en effect..

  A003001579 

 Ainsi Magdaleine en sa conversion perdit tellement le goust des pechez, et des plaisirs qu'elle y avoit prins, que jamais plus elle n'y pensa: et David protestoit de non seulement haïr le peché, mais aussi toutes les voyes et sentiers d'iceluy: en ce poinct consiste le rajeunissement de l'ame, que ce mesme Prophete compare au renouvellement de l'aigle..

  A003001579 

 Car tout ainsi que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soyt estant joincte à la vertu des Sacremens, nous purge suffisemment du peché; de mesme quand elle est grande, et vehemente elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003001607 

 Au sortir de l'oraison en vous promenant un peu, recueilles un petit bouquet de devotion des considerations que vous aurez faites, pour l'odorer le long de la journée..

  A003001615 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le cognoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses biens-faits, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, ainsi des autres sens..

  A003001617 

 Considerés le malheur du monde qui ne pense point à cela, mais vit comme s'il croyoit de n'estre creé que pour bastir des maisons, planter des arbres, assembler des richesses, et faire des badineries..

  A003001622 

 Et vous, ô mon Dieu, mon Seigneur, vous serez d'oresnavant le seul objet de mes pensees: non, jamais je n'appliqueray mon esprit à des cogitations qui vous soient desagreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercée en mon endroit: vous serez les delices de mon cœur, et la suavité de mes affections..

  A003001638 

 Mais cela considerez le avec une comparaison de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastez de corps, de santé, de membres: les autres abandonnez à la mercy des opprobres, du mespris et deshonneur: les autres accablez de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussiez si miserable..

  A003001640 

 Combien de fois vous a il donné ses Sacremens? combien de fois des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amandement? combien de fois vous a il pardonné vos fautes, combien de fois delivree des occasions de vous perdre où vous estiez exposee? Et ces annees passees, n'estoient ce pas un loisir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? voyez un peu par le menu, combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003001640 

 Considerez les graces spirituelles: ô Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise, Dieu vous a enseignee sa cognoissance dés vostre jeunesse.

  A003001653 

 Priez le qu'il vous fortifie pour les pratiquer fidellement par le merite de la mort de son Fils, implorez l'intercession de la Vierge et des Saincts.

  A003001666 

 Est il possible que j'aye esté si desloyalle que je n'aye laissé pas un seul de mes sens, pas une des puissances de mon ame que je n'aye gasté, violé et souillé? et que pas un jour de ma vie ne se soit escoulé auquel je n'aye produit de si mauvais effects? est ce ainsi que je devois contrechanger les benefices de mon Createur, et le sang de mon Redempteur? [32*].

  A003001687 

 Considerez, qu'alors le monde finira pour ce qui vous regarde: il n'y en aura plus pour vous: il renversera s'en dessus dessous devant vos yeux; ouy, car alors les plaisirs, les vanitez, les joyes mondaines, les affections vaines, vous aparoistront comme des fantosmes, et nuages.

  A003001687 

 O pourquoy n'ay je suivy ce beau et gracieux chemin? alors les pechez qui sembloient bien petits paroistront gros comme des montaignes, et vostre devotion paroistra alors d'avoir esté bien petite..

  A003001699 

 Remerciez Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees: offres les à sa Majesté: suppliez la derechef, qu'elle vous rende vostre mort heureuse, par le merite de celle de son Fils: implorez l'ayde de la Vierge, des Saincts.

  A003001708 

 En fin, apres le temps que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes, et presages horribles pour lesquels les hommes secheront d'effroy, et de crainte; le feu venant comm' un deluge bruslera, et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003001711 

 Ce souverain Juge par son commandement redoutable, et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns à sa droitte, les autres à sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003001712 

 La separation faite, et les livres des consciences ouvers on verra clairement la malice des mauvais, et le mespris dont ils ont usé contre Dieu: et d'ailleurs la penitence des bons, et les effects de la grace de Dieu qu'ils ont receue: et rien ne sera caché: ô Dieu, quelle confusion pour les uns, quelle consolation des autres!.

  A003001713 

 Considerez la derniere sentence des mauvaises ames: Allez maudites au feu eternel, qui est preparé au Diable et à ses compagnons.

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001735 

 Les damnez sont dedans l'abisme infernal comme dedans cette ville infortunee, en laquelle ils souffrent des tourments indicibles en tous leurs sens, et en tous leurs membres: parce que comme ils ont employé tous leurs sens, et leurs membres pour pecher, ainsi souffriront ils en tous leurs membres, et en tous leurs sens, les peines deües au peché.

  A003001735 

 Les yeux pour leurs faux et mauvais regards, souffriront l'horrible vision des diables, et de l'enfer: les oreilles pour avoir pris plaisir aux discours vicieux n'ouïront jamais que pleurs, lamentations, et desespoirs, et ainsi des autres..

  A003001752 

 Or joignez maintenant cette beauté avec celle d'un beau jour: en sorte que la clarté du Soleil n'empesche point la claire veüe des estoilles ny de la lune; et puis apres dittes hardiment que toute cette beauté mise ensemble n'est rien au prix de l'excellence du grand Paradis.

  A003001753 

 Considerez la noblesse, la beauté et la multitude des citoyens de cette ville là, des habitans de cest heureux païs; ces millions de millions d'Anges, de Cherubins, et Seraphins, cette troupe d'Apostres, de Martyrs, de Confesseurs, de Vierges, de Saintes Dames, la multitude est innumerable.

  A003001753 

 O que cette compagnie est heureuse! le moindre de tous est plus beau à voir que tout ce monde, que sera-ce de les voir tous? Mais mon Dieu, qu'ils sont heureux! Tousjours ils chantent le doux cantique de l'amour eternel, tousjours ils jouissent d'une constante allegresse: ils s'entre-donnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse, et indissoluble societé..

  A003001754 

 Quel bien d'estre à jamais [38*] uny à son principe? Ils sont là comme des heureux oyseaux qui volent, et chantent à jamais dedans l'air de la Divinité, qui les environne de toutes parts de plaisirs incroyables; là chacun à qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003001758 

 Quel esprit avois je de mespriser des biens si desirables, pour des desirs si vains, et mesprisables?.

  A003001778 

 Qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montés, il verra que nous sommes venus en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003001793 

 Imaginez vous d'estre derechef en une raze campagne avec vostre bon Ange toute seule, et à costé gauche vous voyez le diable assis sur un grand trosne haut eslevé avec plusieurs des [41*] esprits infernaux au pres de luy, et tout autour de luy une grande troupe de mondains, qui tous à teste nue le reconnoissent, et luy font hommage: les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003001793 

 Voyez comme ils sont tous sans repos, sans ordre, et sans contenance, voyez comme ils se mesprisent les uns les autres, comme ils ne s'aiment les uns les autres que par des faux semblans.

  A003001793 

 Voyez la contenance de tous ces infortunez courtisans de ce Roy abominable: regardez les uns furieux de haine, d'envie, et de colere: les autres qui s'entretüent; les autres haves, pensifs et empressez à faire des richesses; les autres attentifs à la vanité, sans aucune sorte de plaisir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutalles affections.

  A003001794 

 Ceux qui ont des afflictions en ce peuple devot, ne se tourmentent pas beaucoup, et n'en perdent point contenance; bref, voyez les yeux du Sauveur qui les console, et que tous ensemblement ils aspirent à ce Sauveur..

  A003001796 

 La Vierge saincte avec sainct Joseph, saint Louys, saincte Monique, et cent autres qui sont en l'escadron des mariés vous invitent et encouragent..

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001818 

 Vous servira encore adjouster l'invocation de vostre bon Ange, et des sacrées personnes qui se trouverent ou qui se treuveront au mystere que vous meditez; comme en celuy de la mort de nostre Seigneur, vous pourrez invoquer nostre Dame, S. Jean, Magdelene, le bon larron, afin que les sentimens, et mouvemens interieurs qu'ils y receurent vous soyent communiquez: et en la meditation de vostre mort, vous pourrez invoquer vostre bon Ange, qui se trouvera presant, afin qu'il vous inspire des considerations convenables, et ainsi des autres mysteres.

  A003001821 

 Comme aussi à celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres où il s'agit de choses visibles, et sensibles: car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes crées, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003001821 

 Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison pour ayder la consideration: mais cela est plus difficile à rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé à faire des inventions.

  A003001825 

 Apres l'action de l'imagination s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites afin d'esmouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude, et des autres pensees, et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins, et intentions.

  A003001825 

 Ayant doncques enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voulez mediter, ou par imaginations, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez es meditations, que je vous ay données.

  A003001825 

 Mais si vous ne rencontrez pas selon vostre souhait en l'une des considerations apres avoir un peu marchandé, et essayé, vous passerez à une autre consideration: et sur tout gardez vous de vous empresser en cette besongne: mais allez tout bellement, et simplement.

  A003001825 

 Que si vostre esprit treuve assez de goust, de lumiere, et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel à receuillir.

  A003001829 

 La meditation respend des bons mouvemens en la volonté ou partie affective de nostre ame.

  A003001829 

 Les principales sont l'amour de Dieu, et du prochain, le desir du Paradis, et de la gloire: le zelle du salut des ames: l'imitation de la vie de nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, et du Jugement et de l'enfer, la hayne du peché, la confiance en la bonté, et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections nostre esprit se doit espancher, et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003001829 

 Or elles sont diverses selon la varieté des sujets que nous meditons.

  A003001829 

 Que si vous voulez estre aydee pour cela, prenez en main le premier tome des meditations de don André Capilia, et voyez sa preface: car en icelle il monstre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections..

  A003001833 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant à ces affections generalles que vous ne les convertissiez en des resolutions specialles, et particulieres pour vostre correction, et amendement.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001844 

 Mais quant aux resolutions il les faut faire apres les affections, et sur la fin de toute la meditation avant la conclusion: d'autant qu'ayans à nous representer des objets particuliers, et familiers, elles nous mettroient en danger si nous les faisions parmi les affections d'entrer en des distractions..

  A003001849 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ny de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler: mais quelque fois ouvrez la porte aux parolles vocales: lamentez vous de vous mesme à [52*] nostre Seigneur, confessez vostre indignité, priez le qu'il vous soit en ayde, baisez son image si vous l'avez, dittes luy ces parolles de Jacob: Si ne vous laisseray je point Seigneur, que vous ne m'ayez donné vostre benediction: ou celles de la Chananee, Ouy Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre.

  A003001853 

 Simon le lepreux disoit que Magdeleine estoit pecheresse; mais nostre Seigneur dit que non, et ne parle plus, sinon des parfuns qu'elle respandist, et de la grandeur de sa charité.

  A003001854 

 Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux.

  A003001859 

 Apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré baptesme je fus si heureusement, et saintement vouée, et dediée à mon Dieu, pour estre sa fille: et que contre la profession qui fut alors faitte en mon nom j'ay tant et tant de fois, si malheureusement, et detestablement profané, et violé mon esprit, l'apliquant, et employant contre la divine Majesté: en fin revenant maintenant à moy mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le trosne de la justice divine, je me recognois, advoüe, et confesse pour legitimement atteinte, et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la mort, et passion de Jesus Christ, à raison des pechez que j'ay commis, pour lesquels il est mort, et a souffert le tourment de la croix, dont je suis digne par consequent d'estre à jamais perdue, et damnée..

  A003001864 

 Ceste protestation faite, soyez attentive et ouvrez les oreilles de vostre cœur pour ouïr en esprit la parolle de vostre absolution, que le Sauveur mesme de vostre ame assis sur le throsne de sa misericorde, prononcera là haut au Ciel devant tous les Anges, et les Saincts, à mesme temps qu'en son nom le Prestre vous absout icy bas en terre: si que toute ceste troupe des bien-heureux se resjoüissant sur vostre bonheur chantera le cantique spirituel d'une allegresse nompareille, et tous donneront en esprit le baiser de paix et de societé à vostre cœur, remis en grace et sanctifié..

  A003001871 

 Nous avons veu des gentishommes et des dames passer la nuict entiere, ains plusieurs nuicts de suitte à joüer aux eschets et aux cartes.

  A003001872 

 Il aggrandit nos imperfections, et publie que ce sont des pechez: de nos pechez veniels, il en fait des mortelz, et nos pechez d'infirmité, il les convertit en pechez de malice: en lieu que, comme dit S. Paul, la charité est benigne, au contraire le monde est malin: en lieu que la charité ne pense point de mal, au contraire le monde pense tousjours mal: et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions.

  A003001872 

 Soit que les moutons ayent des cornes, ou qu'ils n'en ayent point, qu'ils soient blancs, ou qu'ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger s'il peut..

  A003001873 

 Si nous sommes longuement devant le Confesseur, il admirera que c'est que nous pouvons tant dire: si nous y sommes peu, il dira que nous ne disons pas tout: il espiera tous nos mouvemens, et pour une petite parolle de cholere, il protestera que nous sommes insupportables: le soing de nos affaires luy semblera avarice, et nostre douceur privauté: et quant aux enfans du monde, leurs coleres sont generositez, leurs avarices mesnages, leurs privautez [60*] entretiens honnorables: les haragnes gastent tousjours l'ouvrage des abeilles..

  A003001878 

 Il vous faschera peut estre d'abord [61*] de quitter la gloire que les fols et mocqueurs vous donnoient en vos vanitez: mais ô Dieu! voudriez vous bien perdre l'eternelle, que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetemps, esquels vous avez employé les annees passées se representeront encore en vostre cœur, pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auriez vous bien le courage de renoncer à ceste heureuse eternité pour des si trompeuses legeretez? Croyez moy, si vous perseverez vous ne tarderez pas de recevoir des douceurs cordiales, si delicieuses et agreables, que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel.

  A003001878 

 La lumiere quoy que belle et desirable à nos yeux, les esbloüit neantmoins apres qu'ils ont estez en des longues tenebres: et devant que l'on se soit apprivoisé avec les habitans de quelque pays, pour courtois et gracieux qu'ils soyent on s'y treuve aucunement estonné.

  A003001879 

 Il est vray, nous sommes encores comme des petits mouchons en la devotion: nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection Chrestienne.

  A003001879 

 Mais tandis vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devots nous ont laissez, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, afin que non seulement nous puissions voiler au temps de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001884 

 Je ne dis pas que vous decouvrirez des pechez veniels, mais je dis que vous decouvrirez des affections, et inclinations à iceux.

  A003001884 

 Or l'un est bien differant de l'autre: car nous ne pouvons estre jamais du tout purs des pechez veniels, au moins pour persister long temps en cette pureté, mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechez veniels.

  A003001884 

 Vous descouvrirez donc, ma chere Philothee, qu'outre les pechez mortels, et les affections des pechez mortels, dont vous avez esté purgée par les exercices marquez en la premiere Partie, vous avez encore en vostre ame plusieurs inclinations, et affections aux pechez veniels.

  A003001887 

 Les haragnes ne tuent pas les abeilles, mais elles gastent, et corrompent leur miel, et embarrassent leurs rayons des toiles qu'elles y font, en sorte que les abeilles ne peuvent plus faire leur mesnage: cela s'entend quand elles y font du sejour.

  A003001891 

 C'est dommage de semer en la terre de nostre cœur des affections si vaines, et sottes: cela occupe le lieu des bonnes impressions, et empesche que le suc de nostre ame ne soit employé és bonnes inclinations..

  A003001891 

 Je dis donques, Philothee, qu'encor qu'il soit loisible de jouer, dancer, se parer, ouïr des honnestes comedies, banqueter: si est ce que d'avoir de l'affection à cela, c'est chose contraire à la devotion, et extremement nuisible, et perilleuse.

  A003001892 

 Ainsi les anciens Nazariens s'abstenoient non seulement de tout ce qui pouvoit enyvrer, mais aussi des raisins, et du verjus: non point que les raisins ny le verjus enyvre, mais parce qu'il y avoit danger en mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins de provoquer l'appetit à boire du moust, et du vin.

  A003001892 

 Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables..

  A003001896 

 Je m'en vais doncques maintenant vous donner des advis, et proposer des exercices, par le moyen desquels vous pourrez purger vostre ame des affections des pechez veniels, des affections dangereuses, et des imperfections.

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001906 

 Le chapelet est une tres-utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachiez dire comme il convient: et pour ce faire ayez quelqu'un des petits livrets qui enseignent la façon de le reciter..

  A003001907 

 En sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires, ou pour quelque autre raison vous ne pouviez point faire de priere vocale, vous ne vous en mettiez point en peine pour cela: vous contentant de dire simplement avant ou apres la meditation l'oraison Dominicale, la salutation Angelique, et le symbole des Apostres..

  A003001907 

 Il est bon aussi de dire les Letanies de nostre Seigneur, de nostre Dame, et des Saincts, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuels et Heures approuvées; à la charge neantmoins que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous luy gardiez tousjours la principale place.

  A003001909 

 S'il avenoit que toute vostre matinée se passast sans cet exercice sacré de l'oraison mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause, (ce que vous devez procurer n'advenir point tant qu'il vous sera possible) taschez de reparer ce defaut l'apres-disné en quelque heure la plus eslongnée du repas que vous pourrez choisir.

  A003001917 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colere, non seulement je me resoudray de ne point me relascher à l'offencer, mais je prepareray des parolles de douceur pour le prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui le puisse contenir.

  A003001917 

 Si je prevoy de pouvoir visiter un malade, je disposeray l'heure, les consolations et secours que j'ay à luy faire, ainsi des autres..

  A003001928 

 C'est icy, ma chere Philothee, où je vous souhaite fort affectionnée à suivre mon conseil, car en cest article consiste l'un des plus asseurez moyens de vostre advancement spirituel..

  A003001929 

 R'apellez le plus souvent que vous pourrez parmy la journee vostre esprit en la presence de Dieu, par l'une des quatre façons que je vous ay marquées: et regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites; vous verrez ses yeux tournez de vostre costé, et perpetuellement fichez sur vous par une amour incomparable.

  A003001930 

 Comme les oyseaux ont des nids sur les arbres pour faire leur retraicte, quand ils en ont besoing, et les cerfs ont leurs buissons, et leurs forts dans lesquels ils se recelent, et mettent à couvert, prenans la fraicheur de l'ombre en esté; ainsi, Philothee, nos cœurs doivent prendre et choisir quelque place chasque jour, ou sur le mont de Calvaire, ou és playes de nostre Seigneur, ou en quelque autre lieu proche de luy, pour y faire leur retraitte à toutes sortes d'occasions, et s'alleger et recreer entre les affaires exterieurs, et [73*] pour y estre comme dans un fort affin de se deffendre des tentations.

  A003001931 

 Aspirez aussi bien souvent en Dieu par des courts, mais ardans eslancemens de vostre cœur.

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001932 

 Il est vray qu'il y a de [74*] certains mots qui ont une force particuliere pour contanter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semez si dru dedans les Pseaumes de David, et les invocations diverses du nom de Jesus, avec les traits d'amour qui sont imprimez au Cantique des Cantiques.

  A003001932 

 Plusieurs ont ramassé des petites aspirations vocales pour dire à cette intention, et vrayement elles sont fort utiles: mais par mon advis vous ne vous astreindrez à nulle sorte de paroles, ains prononcerez celles que le cœur vous dictera sur le champ; car l'amour vous en fournira tant que vous voudrez.

  A003001934 

 Ainsi en cent mille façons, nous trouverons sujet de relever nostre cœur à des saintes aspirations..

  A003001934 

 Une autre, voyant le tourne-Soleil; O Dieu, dict il, quand sera-ce que mon ame adherera apres vos saincts atraicts! L'autre voyant des pensees de jardin, belles à la veüe, mais sans odeur; hé, dit-il, telles sont mes cogitations! belles à dire, mais sans effect ny production.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001948 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister à l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours là sont dediez à Dieu, et faut bien faire plus d'actions à son honneur et gloire en iceux, que non pas aux autres jours.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001954 

 Les sainctes ames des Trespassez qui sont en Paradis avec les Anges, et comme dit nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office d'inspirer en nous, et d'aspirer pour nous par leurs sainctes oraisons..

  A003001957 

 Rendez vous fort familiere avec les Anges, voyez les souvent invisiblement presens à vostre vie: et sur tout aymez et reverez celuy du Diœcese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vivez, et specialement le vostre: suppliez les souvent, louez les ordinairement, et requerez leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles, soit temporelles, afin qu'ils cooperent à vos sainctes intentions..

  A003001958 

 Le grand Pierre Favre, premier compagnon du B. Ignace de Loyole, premier Prestre, premier Predicateur, premier lecteur de Theologie, de la saincte Compagnie du nom de Jesus, venant un jour d'Allemaigne, où il avoit fait de grands services à la gloire de [80*] nostre Seigneur; et passant en ce Diœcese lieu de sa naissance, racontoit qu'ayant traversé plusieurs lieux pleins d'heretiques, il avoit receu mille consolations d'avoir salué en abordant chasque Parroisse les Anges protecteurs d'icelles, lesquels il avoit cogneu sensiblement luy avoir esté propices: soit pour le garentir des embusches des heretiques, soit pour luy rendre plusieurs ames douces et dociles à recevoir la doctrine de salut.

  A003001964 

 Ne laissez pas de vous confesser humblement et devotement tous les huict jours: et tousjours quand vous communierez, encor que vous ne sentiez point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la confession vous ne recevez pas seulement l'absolution des pechez veniels que vous confesserez: mais aussi une [81*] grande force pour les esviter à l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour effacer toute la perte qu'ils vous avoyent apportée.

  A003001965 

 Ayes tousjours un vray desplaisir des pechez que vous confesserez pour petits qu'ils soyent, avec une ferme resolution de vous en corriger à l'advenir..

  A003001966 

 Plusieurs se confessans par coustume des pechez veniels, et comme par maniere d'adjancement, sans penser nullement à s'en corriger, en demeurent toute leur vie chargez, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et proffits spirituels.

  A003001967 

 De mesme ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous devez: mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez negligé de prendre le lieu, le temps, et la contenance requise, pour avoir l'attention en la priere, accusez vous en tout simplement, selon que vous treuverez y avoir manqué, sans alleguer ceste generalité, qui ne fait ny froid ny chaud en la confession..

  A003001968 

 Au moyen dequoy le Pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte, et des remedes qui luy sont propres.

  A003001968 

 Je n'espargneray donc point de dire: je me suis relachée de dire des parolles de courroux, contre une personne ayant prins de luy en mauvaise part quelque parolle qu'il m'a dit, non point pour la qualité des parolles, mais parce que celuy là m'estoit desagreable: et s'il est encore besoing de particulariser les parolles pour vous bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire.

  A003001968 

 Si vous avez peché à jouer, expliquez si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le plaisir de la conversation, ainsi des autres: car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointileux en la declaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser; si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, ils doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel, le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

  A003001969 

 Comme si vous estes tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portée à la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003001973 

 C'est pourquoy quiconque en use souvent avec devotion, il affermit tellement la santé, et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection, On ne peut estre nourry de cette chair de vie et nourry des affections de mort.

  A003001973 

 On dit que Mitridates Roy de Ponte ayant inventé le mitridat, renforça tellement son corps par icelluy, que s'essayant par apres de s'empoisonner pour esviter la servitude des Romains, jamais il ne luy fut possible.

  A003001976 

 Bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions c'est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003001978 

 Certes en la primitive Eglise les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ils fussent mariez et benis de la generation des enfans.

  A003001978 

 Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit és jours des Festes; mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeoient.

  A003001983 

 Mais pour communier tous les jours, il faut outre cela avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et recevoir tousjours sur cela l'advis du Pere spirituel..

  A003001987 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier, parce que ils en ont la commodité: et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce que ils en ont necessité; et que celuy qui travaille beaucoup, et qui est chargé de peine, doit aussi manger des viandes solides et souventefois.

  A003002006 

 La chasteté est le lys des vertus: elle rend les hommes presque esgaux aux Anges.

  A003002006 

 Rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003002010 

 J'expliqueray doncques ce que je ne puis dire des unes, par ce que je diray des autres, mais je ne parle qu'aux mariez.

  A003002015 

 C'est impudicité de regarder, d'ouyr, de parler, d'odorer, de toucher des choses deshonnestes, quand le cœur s'y amuse, et prend plaisir.

  A003002015 

 L'Espouse sacrée au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la mirrhe, liqueur preservative de la corruption.

  A003002015 

 Ses levres sont bandées d'un rubent vermeil, marque de la pudeur des parolles.

  A003002015 

 Ses yeux sont de colombe, à raison de leur netteté: ses aureilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté: son nés est parmy les cedres du Lyban, bois incorruptible.

  A003002022 

 Bien-heureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des Cieux est à eux.

  A003002022 

 Vostre cœur, ma chere Philothee, doit estre comme cela, ouvert seulement au Ciel, et impenetrable aux richesses, et choses caduques: si vous en avez tenez tousjours vostre cœur exempt de leurs affections; qu'il tienne tousjours le dessus: et qu'emmy les richesses il soit sans richesses, et maistre des richesses.

  A003002023 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection, c'est le grand bon-heur du Chrestien: car il a par ce moyen les commoditez des richesses pour ce monde, et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003002023 

 Les apothicaires ont presque tous des poisons, pour s'en servir en diverses occurrences: mais ils ne sont pas pour cela empoisonnez, parce qu'ils n'ont pas le poison dedans le corps, mais dans leurs boutiques; ainsi pouvez vous avoir des richesses sans estre empoisonnée par icelles.

  A003002024 

 Helas, Philothee, jamais nul ne confessera d'estre avare: chacun des-advoüe cette bassesse et vilité de cœur.

  A003002024 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse, qui requiert qu'on s'establisse en moyens.

  A003002030 

 Ne desirez donc point d'un desir entier et formé le bien que vous n'avez pas: ne mettez point fort avant vostre cœur en celuy que vous avez: ne vous desolez point des pertes qui vous arriveront; et vous aurez quelque sujet de croire qu'estant riche en effet, vous ne estes point d'affection; mais que vous estes pauvre d'esprit, et par consequent bien-heureuse, car le Royaume des Cieux vous appartient..

  A003002035 

 Dites moy, les jardiniers des Roys et des Princes, ne sont ils pas plus curieux et diligens à cultiver et agencer les jardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenoient en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ils considerent ces jardins là, comme jardins du Roy, ou du Prince, auquel ils desirent de se rendre agreables par ce service là.

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002036 

 Et comme l'amour de Dieu est doux, tranquille, paisible: aussi le soin et travail qu'on a pour iceluy, des biens du monde, est tout doux, amiable et soüefve.

  A003002036 

 Or comme l'amour de soy-mesme est un amour violant, turbulent, empressé; aussi le travail et le soin qu'on a pour luy des biens du monde, est tout plein de trouble, de chagrin, d'inquietude.

  A003002039 

 Conversez volontiers avec eux, soyez bien aise qu'ils vous approchent aux Eglises, aux rues, et ailleurs: soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compaigne: mais soyez riche des mains, leur departant de vos biens, comme plus abondante..

  A003002040 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre; rendez vous doncques servante des pauvres: allez les servir dans leurs licts quand ils sont malades; je dis de vos propres mains: soyez leur cuisiniere, et à vos propres despens: soyez leur lingiere et blanchisseuse; ô ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une Royauté! Sainct Louys tout grand Roy qu'il estoit, le pratiquoit avec un zele et perseverance nompareille..

  A003002041 

 Bien-heureux sont ceux qui sont ainsi pauvres, car à eux appartient le Royaume des Cieux.

  A003002041 

 Possedez le Royaume qui vous a esté preparé dés la constitution du monde, dira le Roy des pauvres, et des Roys, en son grand Jugement..

  A003002043 

 Au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenoit à sa peau, qu'il avoit toute velue de son naturel, qui luy eut voulu arracher son poil, luy eut bien donné de la douleur: il eut bien crié, il se fut bien eschauffé à la deffence.

  A003002043 

 C'est la difference des bestes et des hommes, quant à leurs robbes; car les robbes des bestes tiennent à leur chair, et celles des hommes y sont seulement appliquées, en sorte qu'ils puissent les mettre et oster quand ils veulent..

  A003002043 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilitez, les larcins, les proces, ô c'est allors la vraye saison de prattiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

  A003002050 

 Et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle des Religieux, bien que celle-cy d'ailleurs ayt une excellence fort grande, et trop plus recommandable à raison du vœu, et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003002050 

 Or telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers: car parce qu'ils ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte.

  A003002052 

 Vouloir estre pauvre, et n'en recevoir point d'incommodité, c'est une trop grande ambition, car c'est vouloir l'honneur de la pauvreté et la commodité des richesses..

  A003002057 

 Or la bien-seance des habits et autres ornemens, depend de la matiere, de la forme, et de la netteté.

  A003002057 

 Saint Paul veut que les femmes devotes (il en faut autant dire des hommes) soyent revestus d'habits bien-seants, se parants avec pudicité et sobrieté.

  A003002058 

 En temps de penitence, comme en Caresme, on se demet bien fort; aux nopces on porte les robes nuptialles, et aux assemblees funebres les robes de deuïl: au pres des Princes on rehausse l'estat, lequel on doit abbaisser entre les domestiques.

  A003002058 

 On se moque tousjours des vieilles gens quand ils veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'à la jeunesse..

  A003002058 

 Quant à la matiere et la forme des habits la bien-seance se considere par plusieurs circonstances, du temps, de l'eage, des qualités, des compagnies, des occasions.

  A003002059 

 C'est un mespris de ceux avec lesquels on converse d'aller entre eux en habit desagreable: mais gardez vous bien des affaiteries, vanitez, curiositez, et folastreries.

  A003002064 

 Car comme ceux qui ont estez mordus des chiens enragez ont la sueur, l'haleine et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion; ainsi ces vicieux et debordez ne peuvent estre frequentez qu'avec hazard et peril: sur tout par ceux qui sont de devotion encore tendre et delicate..

  A003002064 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscrets et dissolus; et pour celles là, il s'en faut destourner, Philothee, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et frelons.

  A003002065 

 Il y a des conversations inutiles à toute autre chose qu'à la seule recreation: lesquelles se font par un simple divertissement des occupations serieuses.

  A003002067 

 La vigne plantée parmi les oliviers porte des raisins unctueux, et qui ont le goust des olives; une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu, ne peut qu'elle ne participe à leurs qualitez.

  A003002067 

 Reste les conversations utiles, comme sont celles des personnes devotes et vertueuses.

  A003002068 

 Ce que je dis, parce qu'il y a des choses loisibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et afin que vostre modestie paroisse, gardez vous des insolences, lesquelles sans doute sont tousjours reprehensibles.

  A003002068 

 Et comme celuy qui ne voudroit jamais se promener qu'en contant ses pas, ny parler qu'en chantant, seroit fascheux au reste des hommes; ainsi ceux qui tiennent un maintien artificieux, et qui ne font rien qu'à cadence, importunent extremement la conversation, et en ceste sorte de gens il y a tousjours quelque espece de vanité et de presomption.

  A003002068 

 Faire tomber l'un, noircir l'autre, piquer le tiers, faire du mal à un fol, ce sont des risées et joyes desordonnées et insolentes..

  A003002068 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ny de mouvement, qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé.

  A003002074 

 Lesquelles parolles, outre leur sens literal (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles) en leur sens mystique nous monstrent trois excellentes retraittes et comme trois hermitages dans lesquels nous pouvons exercer nostre solitude, à l'imitation de nostre Sauveur: lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses poussins morts: en sa Nativité dans une establerie deserte il fut comme le hyboux dedans la mazure, pleignant et pleurant nos pechez: et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au Ciel qui est comme le toict du monde; et en tous ces trois lieux nous pouvons nous retirer au temps de nostre solitude.

  A003002078 

 Si quelque sot vous dit des parolles messeantes, tesmoignez que vos oreilles en sont offencées, ou vous destournant ailleurs, ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003002079 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir, que celle d'estre mocqueur.

  A003002079 

 Dieu hayt extremement ce vice, et en a faict jadis des estranges punitions.

  A003002083 

 Gardez vous des parolles injurieuses, pour petites qu'elles soient.

  A003002083 

 Il est permis de corriger les inferieurs avec des parolles aspres et dures, en leur reprochant leur vie et leurs vices, comme l'Apostre S. Paul ne fait nulle difficulté d'apeller les Galates insensés; et S. Jean Baptiste les Juifs engeance de viperes, et lors ces parolles aspres ne tiennent pas lieu d'injure, ains de correction: et n'ont pas leur origine de l'ire, mais de la charité et du zele.

  A003002083 

 Si je dis à un inferieur, vous estes un sot, ou une beste, il interpretera ces mots à cholere, non pas à correction; si que il n'en fera nullement son proffit: mais si je luy remonstre sa faute avec des paroles roides et fermes, sans tesmoignage de courroux, il s'en rendra plus aysement..

  A003002087 

 Dittes volontiers bien de tous, quand vous sçaurés qu'il y en a: ne dittes jamais mal des personnes, quoy que vous sçachiés qu'il y en a. [114*].

  A003002087 

 Quant à la medisance c'est la peste des conversations; bien heureux est celuy qui en est preservé.

  A003002088 

 Mais prenez garde aussi de ne point dire de bien des choses mauvaises, pour esviter la medisance: comme aussi de ne point dire mal du bien, pensant user de franchise.

  A003002089 

 Par exemple on recite devant des filles les privautés de telles et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle, en paroles, ou en gestes, qui sont manifestement lubriques.

  A003002090 

 Il faut encore qu'il m'appartienne de juger et parler, comme quand je suis des premiers, et que si je ne parle il semblera que j'appreuve le vice: alors je dois user de franchise en le reprouvant: car si je suis des moindres de la troupe, je ne dois pas entreprendre [115*] de juger.

  A003002091 

 Il est vray que des pecheurs infames, publiques, et manifestes on en peut parler librement, pourveu que ce soit avec esprit de charité et de compassion, et non point avec arrogance et presumption, ny pour se plaire au mal d'autruy: car pour ce dernier c'est le fait d'un cœur vil et abjet.

  A003002091 

 J'excepte entre tous les ennemis declarez de Dieu et de son Eglise: car ceux là il les faut décrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques, et les chefs d'icelles.

  A003002092 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les Princes, et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit.

  A003002097 

 Gardez vous des duplicitez, artifices, et feintises: car bien que il ne soit pas bon de dire tousjours toutes sortes de veritez, si n'est il jamais permis de contrevenir à la verité.

  A003002100 

 Sainct Louys ne treuvoit pas bon qu'estant en compagnie l'on parlast en secret et en conseil, et particulierement à table, afin que l'on ne donne soupçon que l'on parle des autres en mal.

  A003002106 

 Et si le prix, c'est à dire ce que l'on joüe est trop grand, les affections des joueurs se dereglent; et outre cela, c'est chose injuste de mettre des grands prix à des habilités, et industries de si peu d'importance, et si inutiles comme sont les habilités des jeux.

  A003002110 

 En un mot c'est tousjours folie de changer le jour à la nuict, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres à des folatreries.

  A003002110 

 On y fait de grandes veillées, apres lesquelles on perd les matinées des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles.

  A003002111 

 Apres les champignons il faut boire du vin precieux; apres les danses il faut mettre dans son cœur quelques bonnes pensées, qui empeschent le plaisir vain que l'on a pris, de faire des mauvaises impressions.

  A003002111 

 Au moyen dequoy si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parolle lascive, quelque mugueterie, quelque cajolerie: ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des œillades d'amour, les cœurs sont fort aysés à se laisser saisir et empoisonner..

  A003002111 

 Je vous dis des danses, ma Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons.

  A003002111 

 Mangez en peu, et peu souvent (disent les medecins parlans des champignons) car pour bien apprestez qu'ils soient la quantité leur sert de venin.

  A003002111 

 Si neantmoins il faut manger des potirons, prenez garde qu'ils soyent bien àpprestez; si par quelque occasion de laquelle vous ne puissiez pas bien vous excuser, il faut aller au bal, prenez garde que vostre danse soit bien apprestée.

  A003002116 

 Les jeux des dez, des cartes, et semblables esquels le gain depend principallement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables: c'est pourquoy elles sont defendues par les loix, tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003002117 

 Car comme peut estre recreation un exercice auquel il faut tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions, et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre, et melancolique que celle des joüeurs? C'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voila à despiter.

  A003002117 

 Outre cela, ces jeux portent le nom de recreation, et sont faits pour cela, et neantmoins ils ne le sont nullement, mais des violentes occupations.

  A003002123 

 J'ay esté consolé d'avoir leu en la vie du B. Charles Boromee qu'il usoit de beaucoup de condescendence avec les Soüisses en des choses esquelles d'ailleurs il estoit fort severe, et que le B. Ignace de Loyole estant invité à joüer, l'accepta..

  A003002127 

 Mais quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres, avec une modeste gayeté et joyeuseté, ils appartiennent à la vertu nommée Eutrapelie par les Grecs, et que nous pouvons appeller bonne conversation; et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles, que les imperfections humaines fournissent: il se faut seulement garder de passer de cette honneste joyeuseté à la moquerie.

  A003002127 

 Saint Louys quand des Religieux vouloient luy parler de choses relevées apres disner: Il n'est pas temps d'alleguer, disoit il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibets; que chacun die ce qu'il voudra honnestement: ce qu'il disoit, favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003002133 

 Et comme il y a du miel en Heraclée de Ponte, qui est veneneux, et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilly sur l'aconit, qui est abondant en cette region là; ainsi l'amitié fondée sur la communication des faux et vicieux biens, est toute fausse et mauvaise..

  A003002133 

 Selon la diversité des communications, l'amitié est aussi diverse: et les communications sont differentes, selon la difference des biens qu'on s'entrecommunique.

  A003002133 

 Si ce sont des biens faux et vains, l'amitié est fausse et vaine: si ce sont des vrays biens, l'amitié est vraye: et plus excellens seront les biens, plus excellente sera l'amitié: car comme le miel est plus excellent quand il se cueille és fleurons des fleurs plus exquises; ainsi l'amitié fondée sur une plus exquise communication est la plus excellente.

  A003002134 

 La communication des voluptés charnelles est une mutuelle propension et amorce brutalle, laquelle ne peut non plus porter le nom d'amitié entre les hommes, que celles des asnes et chevaux pour semblables effets: et s'il n'y avoit nulle autre communication au Mariage, il n'y auroit non plus nulle amitié.

  A003002134 

 Mais parce que, outre celle là, il y a en iceluy la communication de la vie, de l'industrie, des biens, des affections, et d'une indissoluble fidellité; c'est pourquoy l'amitié du Mariage est une vraye amitié et sainte..

  A003002135 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habits, à la morgue, à la [125*] babillerie; amitiés dignes de l'aage des amans, qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre, ny nul jugement qu'en boutton: aussi telles amitiés ne sont que passageres, et fondent comme la neige au soleil.

  A003002135 

 L'amitié fondée sur la communication des plaisirs sensuels est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié: comme aussi celle qui est fondée sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003002135 

 La societé faite pour le proffit temporel entre les marchands n'a que l'image de la vraye amitié: car ces associations se font, non pour l'amour des personnes, mais pour l'amour du gain..

  A003002135 

 Oyés parler la pluspart des filles, des femmes, et des jeunes gens; ils ne se feindront nullement de dire: un tel Gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfection: car il danse bien, il joüe bien à toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans s'apellent vertueux l'un l'autre, quand ils sont bons bouffons.

  A003002139 

 Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voicy combien il est bon et agreable que les freres habitent ensemble; ouy, car le baume [126*] delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre, par une continuelle participation: si qu'on peut dire que Dieu a respendu sur ceste amitié sa benediction, et la vie jusques au siecle des siecles..

  A003002140 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle-cy, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparaison de ce grand lien de la sainte devotion, qui est tout d'or..

  A003002141 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites: car il ne faut pas ny quitter, ny mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliez, des bien-facteurs, des voisins et autres: je parle de celles que vous choisissez vous-mesme..

  A003002142 

 S. Hierosme, S. Augustin, S. Bernard et tous les plus parfaicts du monde ont eu des particulieres amitiez; et S. Paul reprochant le detraquement des Gentils, les accuse qu'ils estoient gens sans affection: c'est à dire qui n'affectionnoient personne, ny n'avoient nulle sorte d'amitié.

  A003002147 

 Le miel d'Heraclée rend une douceur extraordinaire à la langue; à raison de l'aconit qui accroist la douceur ordinaire du miel: et l'amitié mondaine commence par une composition et agencement de parolles emmiellées, qui tiennent desja fort de la cajolerie: le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et l'amitié mondaine petit à petit fait un tournoyement d'esprit, qui fait chanceler la devotion, et porte à des petits fatras de caresses sensuelles, lesquelles presagent la future cheute de la pureté: le miel d'Heraclee trouble la veüe, et ceste amitié mondaine va troublant le jugement, en sorte que l'on pense bien faire en mal faisant, ou au moins on s'excuse au mal, et le veut on couvrir par parolles et pretextes.

  A003002152 

 Comme par exemple, si un jeune homme desire fort d'estre prouveu de quelque office avant que le temps soit venu, dequoy je vous prie luy sert ce desir? si une femme mariée desire d'estre religieuse, à quel propos? si je desire d'avoir le bien d'autruy justement, avant qu'il soit prest à le vendre, ne perds je pas mon temps en ce desir? Si estant malade je desire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hyver, et la neige en esté.

  A003002153 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachée à quelque devoir ou vocation s'amuse à desirer une autre sorte de vie, que celle qui est convenable à son devoir, ny des exercices incompatibles à sa condition presente: car cela dissipe le cœur et l'allanguit és exercices necessaires.

  A003002153 

 Non je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit, ny meilleur jugement: car ces desirs sont frivoles, et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est: ny que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaits ils ne font nulle nuysance, pourveu qu'ils ne soyent pas frequens..

  A003002153 

 Si je desire la solitude des Chartreux, je perds mon temps, et ce desir tient la place de celuy que je dois avoir de me bien employer à mon office present.

  A003002155 

 La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tousjours l'estomach, et si il est foible elle le ruine.

  A003002155 

 Quand nostre ame est purgée, se sentant deschargée de mauvaises humeurs, elle a un appetit fort grand des choses spirituelles: et comme toute affamée elle se met à desirer mille sortes d'exercices de pieté, de mortification, de penitence, d'humilité, de charité, d'oraison.

  A003002159 

 Ce que je m'en vay vous dire sont ce pas des iniquitez et déraisons? [130*].

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002161 

 En tout nous preferons les riches aux pauvres, quoy qu'ils ne soyent ny de meilleure condition, ny si vertueux: nous preferons mesmes les mieux vestus: nous voulons nos droits exactement, et que les autres soyent courtois en l'exaction des leurs: nous gardons nostre rang pontilleusement, et voulons que les autres soient humbles et condescendans.

  A003002161 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir pour quelque imperfection corporelle: il y en a des vicieux qui sont les favorys pour quelque grace corporelle.

  A003002162 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution: d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amander, car ce sont des grands defauts de raison et de charité; et au bout de là ne sont que tricheries: car on ne perd [131*] rien à vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur esgal et raisonnable.

  A003002162 

 Trajan estant censuré par ses confidens dequoy il rendoit à leur advis la majesté imperiale trop accostable; Ouy dëa, dit il, ne dois je pas estre tel Empereur à l'endroit des particuliers, que je desirerois rencontrer un Empereur, si j'estois particulier moy-mesme?.

  A003002167 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre deslivrée de son mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité; attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence: si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera à la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit..

  A003002168 

 Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle desire elle entre en des grandes inquietudes et impatiences, lesquelles n'ostant pas le mal precedant ains au contraire l'empirant, l'ame entre en une angoisse et detresse demesurée, avec une defaillance de courage et de forces, telle, qu'il luy semble que son mal n'ait plus de remede.

  A003002173 

 Si vous pouvés decouvrir vostre inquietude à celluy qui conduit vostre ame, ou au moins à quelque confident et devot amy, ne doutez [133*] point que tout aussi tost vous ne soyez accoisée: car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effet en l'ame, que la seignée fait au corps de celuy qui est en fievre continue; c'est le remede des remedes..

  A003002178 

 L'ennemy se sert de la tristesse pour exercer ses tentations à l'endroit des bons: car comme il tasche de faire resjoüir les mauvais en leur peché, aussi tasche il d'attrister les bons en leurs bonnes œuvres: et comme il ne peut procurer le mal qu'en le faisant treuver agreable, aussi ne peut il destourner du bien qu'en le faisant treuver desagreable.

  A003002179 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglées, degouste de l'oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, décourage et abbat les forces; et bref elle est comme un dur hyver, qui fauche toute la beauté de la terre, et engourdit tous les animaux: car elle oste toute la suavité de l'ame, et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultez..

  A003002182 

 Chantez des Cantiques spirituels, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen: tesmoing l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimée par la psalmodie..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002185 

 La discipline moderée est bonne contre la tristesse, parce que ceste volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure: et l'ame sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans: la frequentation de la saincte Communion est excellente, car ce pain celeste affermit le cœur, et resjoüit l'esprit..

  A003002191 

 Ayez tousjours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de S. Bonaventure, de S. Bernard, de Gerson, de Denys le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, d'Avilla, le Combat spirituel, les Confessions de S. Augustin, les Epistres de sainct Hierosme, et semblables; et lisez-en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisiez des lettres et missives que les Saincts vous eussent envoyées du Ciel, pour vous monstrer le chemin, et vous donner le courage d'y aller.

  A003002191 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres; comme la vie de la B. H. mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jesuistes, celle du B. H.Cardinal [136*] Boromee, de S. Louys, de S. Bernard; les Croniques de S. François, et autres pareilles.

  A003002191 

 Il y en a d'autres où il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de saincte Marie Egyptienne, de S. Simeon Stilités, des deux sainctes Catherines, de Sienne, et de Gennes: de S. Angele, et autres telles, lesquelles ne laissent pas neantmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003002191 

 La solitude de S. Paul premier hermite est imitée en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous avons parlé cy dessus: l'extreme pauvreté de S. François par les prattiques de la pauvreté, telles que nous avons marquées, ainsi des autres.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002195 

 Et vous, ma Philothee, parlés souvent de Dieu és devis familiers que vous ferés avec vos amis et voisins: mais tousjours parlés en comme de Dieu, c'est à dire reveremment et devotement: non point faisant la suffisante ny la prescheuse, mais avec esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de ce que vous sçaurez de la devotion et des choses divines, goutte à goutte, tantost dedans l'aureille de l'un, tantost dedans l'aureille de l'autre: priant Dieu au secret de vostre ame, qu'il luy plaise de faire passer ceste saincte rosée jusques dedans le cœur de ceux qui vous escoutent..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002201 

 L'Espoux sacré au Cantique des Cantiques, dit que son Espouse luy a ravy le cœur par l'un de ses yeux, et par l'un de ses cheveux.

  A003002202 

 Mais tandis que la divine providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles, et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez luy pour le moins vos cheveux: je veux dire supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous sont journalieres: car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour, et dilection, vous gaignerez entierement son cœur, et le rendrez tout vostre.

  A003002203 

 Mais j'ay esté égallement consolé quand je l'ay veüe en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, aprester la viande, paistrir le pain, et faire tous les plus bas offices de la maison, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu; et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmy ces offices vils et abjets, s'imaginant qu'aprestant pour son pere, elle aprestoit pour nostre Seigneur: et que sa mere tenoit la place de nostre Dame, ses freres des Apostres; s'excitant en cette sorte de servir toute la cour celeste, et s'employant à ces chetifs services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit telle estre la volonté de Dieu.

  A003002203 

 Quand j'ay veu en la vie de saincte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de parolles de sapience, et mesme des predications faictes par elle; je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation, elle n'eust ravy le cœur de son Espoux celeste.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002209 

 C'est chose bien aisée à un homme ou à une femme de s'empescher de l'adultere: mais ce n'est pas chose si facile de s'empescher des œillades, de donner ou recevoir de l'amour, de procurer des graces et menues faveurs, de dire et recevoir des [140*] parolles de cajollerie.

  A003002209 

 Car comme les grandes surpassent en qualité, les petites aussi surpassent si demesurement en nombre, que la victoire d'icelles peut estre comparable à celle des plus grandes.

  A003002217 

 Consentez, mais d'un consentement plein, amoureux et constant à la saincte inspiration: car en ceste sorte, Dieu que vous ne pouvez obliger se tiendra pour fort obligé à vostre affection: mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n'estre point trompée conseillez vous tousjours à vostre guide, afin qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fausse: d'autant que l'ennemy voyant une ame prompte à consentir aux inspirations luy en propose bien souvent des fausses pour la tromper: ce qu'il ne peut jamais faire, tandis qu'avec l'humilité elle obeïra à son conducteur..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002224 

 La B. H. Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte.

  A003002226 

 Mais quant à la delectation qui peut suyvre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure, et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tousjours la superieure, ains fait son cas à part; il arrive maintefois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'Apostre S. Paul descrit quand il dit que sa chair convoite contre son esprit; qu'il y a une loy des membres, et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002232 

 Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force..

  A003002232 

 Il fit donc toutes sortes d'impudiques suggestions à son cœur: et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compagnons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalitez et lubricitez à sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure, qui ne fut agitée de ceste tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002238 

 Ainsi arrive il quelquefois que par la violance des tentations il semble que nostre ame est tumbée en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmée elle n'a plus ny vie spirituelle, ny mouvement.

  A003002238 

 Mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur, considerons si le cœur et la volonté ont encore leur mouvement spirituel, c'est à dire s'ils font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et la delectation: car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité vie de nostre ame est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur, se treuve dans nostre ame, quoy que caché et couvert; si que moyennant l'exercice continuel de l'oraison, des Sacremens et de la confience en Dieu nos forces reviendront en nous, et nous vivrons d'une vie entiere et delectable.

  A003002246 

 C'est un grand vice à une femme de vouloir entretenir des mauvaises amours, quoy qu'elle ne vueille jamais s'abandonner reellement à l'amoureux..

  A003002261 

 Mesprisez doncques ces menues attaques, et ne daignez pas seulement penser à ce qu'elles veulent dire, mais laissez les bourdonner autour de vos aureilles, tant qu'elles voudront, et courir ça et là autour de vous, comme l'on fait des mousches; et quand elles viendront vous picquer, et que vous les verrez aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles, ny leur respondant, mais faisant des actions contraires quelles qu'elles soyent, et speciallement de l'amour de Dieu.

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002262 

 Tout cecy s'entend des menues et frequentes tentations, avec lesquelles qui voudroit s'amuser par le menu, il se morfondroit et ne feroit rien.

  A003002266 

 Faictes des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, et encor qu'il vous semble que ce soit à regret: car par ce moyen vous vous habituez à l'humilité, et affaiblirez vostre vanité, en sorte, que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre.

  A003002266 

 Par exemple, si vous vous sentez inclinée à la passion de la vanité, faites souvent des pensées de la misere de ceste vie humaine, combien ses vanitez seront ennuyeuses à la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, et que ce ne sont que badineries et amusemens de petits enfans, et semblables choses: parlez souvent contre la vanité; et encor'qu'il vous semble que ce soit à contre cœur ne laissez pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engagerez mesme de reputation au party contraire: et à force de dire contre quelque chose nous nous esmouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002272 

 Entre toutes les vertus, je vous recommande les deux bien-aimées de nostre Seigneur et lesquelles seules il a ordonné que nous aprinssions de luy, l'humilité et la douceur de cœur: mais prenés garde que ce soit de cœur: car c'est un des grands artifices de l'ennemy de faire que plusieurs s'amusent à dire des paroles et faire des gestes exterieures de ces deux vertus, lesquels n'examinant pas leurs affections interieures pensent estre humbles et doux, et ne le sont neantmoins nullement en effet: ce que l'on reconnoit, parce que nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, à la moindre parolle qu'on leur dit de travers, ou la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'eslevent avec une arrogance non-pareille..

  A003002275 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques n'a pas seulement le miel en ses levres, et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est à dire dans la poitrine: et n'y a pas seulement du miel, mais encor du laict: aussi ne faut il pas seulement avoir la parolle douce à l'endroit du prochain, mais aussi toute la poitrine, c'est à dire tout l'interieur de nostre ame; et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromathique et odorant, c'est à dire la suavité de la conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du laict entre les domestiques et proches voisins: en quoy manquent grandement ceux qui en ruë semblent des Anges, et en la maison des diables..

  A003002279 

 Au contraire celluy qui hayt la medisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul compte d'une grosse faute commise contre la chasteté, ainsi des autres: ce qui n'arrive pour autre chose, sinon qu'ils ne font pas le jugement de leur conscience par raison, mais par passion..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002279 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mesme, ne despitant jamais contre nous mesme, ny contre nos imperfections: car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes, nous en soyons desplaisans et marris; si faut il neantmoins que nous nous empeschions d'en avoir une deplaisance aigre et chagrine, depiteuse et cholere: en quoy font une grande faute plusieurs qui s'estans mis en cholere se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre dépités: car par ce moyen ils tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere; et si bien il semble que la seconde cholere ruyne la premiere, si est ce neantmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere à la premiere occasion qui s'en presentera.

  A003002280 

 Et croyés moy, Philothee, tout ainsi que les remonstrances d'un pere, faites doucement, et cordiallement ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le corriger que non pas les choleres et courroux; ainsi quand nostre cœur aura fait quelque faute, si nous le reprenons avec des remonstrances douces et tranquilles, ayans plus de compassion de luy que de passion contre luy, l'encourageant à l'amandement, la repentence qu'il en concevra entrera bien plus avant, et elle penetrera mieux que ne feroit pas une repentence despiteuse, ireuse et tempestueuse..

  A003002288 

 J'estime plus la douceur avec laquelle le B. H. Cardinal Boromee souffrit longuement les reprehensions publiques qu'un grand Predicateur d'un ordre extremement reformé faisoit contre luy en chaire, que toutes les attaques qu'il receut des autres: car tout ainsi que les picqueures des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches; ainsi le mal que l'on reçoit des gens de bien, et les contradictions qu'ils font sont bien plus insupportables que les autres: et cela neantmoins arrive fort souvent, que deux hommes de bien ayant tous deux bonne intention, sur la diversité de leurs opinions, se font des grandes persecutions et contradictions l'un à l'autre..

  A003002289 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu où il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommoditez qu'il veut, et ainsi des autres tribulations..

  A003002289 

 Soyez patiente, Philothee, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encore pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002294 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsi la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002301 

 Celuy qui se haste, dit Salomon, court fortune de chopper et heurter des pieds.

  A003002302 

 Recevez doncque les affaires qui vous arriveront en paix, et taschez de les faire par ordre, et l'une apres l'autre: car si vous voulez les faire tout à coup ou en desordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés acablée soubs la presse, et sans effet.

  A003002304 

 Faittes comme les petits enfans, qui de l'une des mains se tiennent à leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des hayes: car de mesme amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains tenes tousjours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de temps en temps à luy, pour voir s'il a agreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003002315 

 Le troisiesme c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveriez soudainement, moyennant la grace de Dieu; mais ne sont ce pas là des belles, justes, dignes, et genereuses resolutions? Pesez bien en vostre ame combien ceste protestation est saincte, raisonnable et desirable..

  A003002317 

 Helas la saincte Vierge, vostre bon Ange, S. Louys, toute ceste beniste troupe vous regardoit, et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation; et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné au pied du Sauveur qui se consacroit au service de sa divine bonté: on fit une joye particuliere pour cela parmi la Hierusalem celeste, et maintenant on en fera la commemoration, si de bon cœur vous renouveliez vos resolutions..

  A003002318 

 Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003002319 

 Que si ç'a esté en vostre vieillesse, helas, Philothee, quelle grace, qu'apres avoir ainsi abusé des années precedentes, Dieu vous ayt appellé avant la mort, et qu'il ayt arresté la course de vostre misere, au temps auquel si elle eut continué vous estiez eternellement miserable..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002325 

 Bien qu'és jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut il en faire un peu, sur tout du costé du soir, afin que vous puissiez gaigner le lict de meilleure heure, et prendre le repos de corps et d'esprit, necessaire à la consideration; et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, à N. Dame, aux Anges, à toute la Hierusalem celeste: il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu, et de la perfection de vostre ame.

  A003002325 

 Il est neantmoins requis de faire tout ce second point en deux jours et deux nuicts pour le plus, prenant de chasque jour et de chasque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous verrez: car si cet exercice ne se faisoit qu'en des temps fort distans les uns des autres, il perdroit sa force, et donneroit des impressions trop lasches.

  A003002325 

 Le second poinct de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le faciez tout d'une traitte, mais à plusieurs fois: comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002343 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des pechez veniels? on ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy, par là, mais y en a-il point auquel vous ayez une speciale inclination? et ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayez affection et amour?.

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002345 

 Sentez vous en vostre cœur une certaine facilité à l'aymer, et un goust particulier à savourer cet amour? vostre cœur se recrée il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? si le souvenir de Dieu vous arrive emmy les occupations du monde, et les vanitez, se fait il point faire place? saisit il point vostre cœur? vous semble il point que vostre cœur se tourne de son costé, et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela..

  A003002346 

 Il en prend de mesme des ames qui aiment bien Dieu; quoy qu'elles soient embarrassees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance à tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extreme bon signe..

  A003002347 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? vous plaisés vous autour de luy? Les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs; ainsi les [171*] bonnes ames sa plaisent autour de Jesus Christ et de sa Croix, et les mauvaises autour des vanités..

  A003002348 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de nostre Dame, des Saints, de vostre bon Ange? les aymez-vous fort? avez-vous une specialle confiance en leur bienveuïllance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent elles?.

  A003002363 

 Il faut bien aimer le mary, et la femme d'un amour doux, tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu, parce que Dieu l'ordonne et le veut: j'en dis de mesme des enfans et proches parens, et encor des amis, chacun selon son rang..

  A003002369 

 J'ay estendu ainsi au long ces poincts, en l'examen desquels gist la connoissence de l'avancement spirituel qu'on a fait: car quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer.

  A003002375 

 En la crainte des dangers de pecher, et des pertes des biens de ce monde, on craint trop l'un et trop peu l'autre..

  A003002386 

 Promettés luy de le loüer à jamais des graces exercées en vostre endroit pour vous retirer de vos inclinations à ce petit amendement..

  A003002390 

 Invoqués les Saints, la S. Vierge, vostre Ange, vostre Patron, S. Joseph, et ainsi des autres..

  A003002395 

 Avant chascune des considerations suyvantes, faictes la preparation en ceste sorte.

  A003002396 

 Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement..

  A003002398 

 Helas nostre cœur courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées il voit que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu, sur lequel il puisse reposer, non plus que la Colombe sortie de l'Arche de Noë, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty.

  A003002399 

 O ma belle ame (devés vous dire) vous pouvez entendre, et vouloir Dieu, pourquoy vous amuserez vous à chose moindre? Vous pouvez pretendre à l'Eternité, pourquoy vous amuserez vous aux momens? Ce fut l'un des regrets de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre délicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003002403 

 Quelle douceur en la patience au pris de la vengeance? [176*] de la douceur au pris de l'ire et du chagrin? de l'humilité, au pris de l'arrogance et ambition? de la liberalité au pris de l'avarice, de la charité au pris de l'envie, de la sobrieté au pris des desordres? Les vertus ont cela d'admirable qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille, apres qu'on les a exercées: où les vices la laissent infiniment recreue et malmenée.

  A003002404 

 Des vices qui n'en a qu'un peu n'est pas contant, et qui en a beaucoup est mescontant: mais des vertus qui n'en a qu'un peu, encor a-il desja du contentement, et puis tousjours plus en avançant.

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002413 

 Considerez l'amour avec lequel Jesus Christ nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives, et sur le mont Calvaire.

  A003002427 

 La frequence de l'oraison, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconnues en la deuziesme partie, le retranchement des mauvaises occasions, la suitte des advis qui vous seront donnés pour ce regard..

  A003002430 

 Allés en cette esmotion de cœur aux pieds de vostre Pere spirituel, accusés vous des fautes principales que vous aurés remarquées d'avoir commises, dés vostre confession generale, et recevez l'absolution en la mesme façon que vous fistes la premiere fois; prononcés devant luy la protestation, et la signés, et en fin allés unir vostre cœur renouvellé à son principe et Sauveur, au tres-Sainct Sacrement de l'Eucharistie..

  A003002434 

 Non nous ne serons plus nous mesme: car nous aurons le cœur changé: et le monde qui nous a tant trompez, sera trompé en nous: car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit à petit, il pensera que nous soyons tousjours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003002439 

 S. Louys, Roy admirable, et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice, et manioit les affaires, ouyoit tous les jours deux Messes, disoit Vespre et Complie avec son Chapelein: faisoit la méditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredys se confessoit, et prenoit la discipline: ouyoit tres souvent les predications, faisoit fort souvent des conferences spirituelles: et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien publiq exterieur, qu'il ne fist et n'executast diligemment.

  A003002440 

 Il est vray sans doute, j'ay presupposé cela: et est vray encores que chacun n'a pas le don de l'oraison mentale: mais il est vray aussi que presque chacun le peut avoir, voire les plus grossiers, pourveu qu'ils ayent des bons conducteurs, et qu'ils veuillent travailler pour l'acquerir, autant que la chose le merite.

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.

  A003002448 

 A cause des biens que j'attens,.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
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 Chapitre V. Des affections de la volonté.

  A004000027 

 Chapitre XIII. De la difference des amours.

  A004000039 

 Chapitre VI. De quelques faveurs speciales exercees en la redemption des hommes par la divine providence 45.

  A004000040 

 Chapitre VII. Combien la Providence sacree est admirable en la diversite des graces qu'elle distribue aux hommes.

  A004000046 

 Chapitre XIII. Des premiers sentimens d'amour que les attraitz divins font en l'ame, avant qu'elle ayt la foy 55.

  A004000063 

 Chapitre VII. Que la charite des Saintz en cette vie mortelle egale, voire surpasse quelquefois celle des bienheureux.

  A004000065 

 Chapitre IX. Preparation au discours de l'union des Bienheureux avec Dieu.

  A004000066 

 Chapitre X. Que le desir precedent accroistra grandement l'union des Bienheureux avec Dieu.

  A004000067 

 Chapitre XI. De l'union des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la Divinité.

  A004000068 

 Chapitre XII. De l'union eternelle des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la naissance eternelle du Filz de Dieu.

  A004000069 

 Chapitre XIII. De l'union des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la production du Saint Esprit 86.

  A004000070 

 Chapitre XIV. Que la sainte lumiere de la gloire servira a l'union des espritz bienheureux avec Dieu 87.

  A004000071 

 Chapitre XV. Que l'union des Bienheureux avec Dieu aura des differens degrés.

  A004000075 

 Chapitre III. Comme on quitte le divin amour pour celuy des creatures.

  A004000077 

 Chapitre V. Que la seule cause du manquement et rafroidissement de la charite est en la volonte des creatures 95.

  A004000084 

 Des deux principaux exercices de l'amour sacré qui se font par complaysance et bienveuillance 106.

  A004000091 

 Chapitre VII. Comme le desir d'exalter et magnifier Dieu nous separe des playsirs inferieurs et nous rend attentifs aux perfections divines.

  A004000097 

 Des exercices du saint amour en l'orayson.

  A004000108 

 Chapitre XI. Suite du discours des divers degrés de la sainte quietude, et d'une excellente abnegation de soy mesme qu'on y prattique quelquefois.

  A004000118 

 Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000119 

 On mettoit jadis les lampes de l'ancien Temple sur des fleurs de lys d'or: o Marie et Joseph, pair sans pair, lys sacrés d'incomparable beauté entre lesquelz le Bienaymé se repaist et repaist tous ses amans! helas, si j'ay quelque esperance que cet escrit d'amour puisse esclairer et enflammer les enfans de lumiere, ou le puis je mieux colloquer qu'emmi vos lys? lys esquelz le Soleil de justice, splendeur et candeur de la lumiere eternelle, s'est si souverainement recreé qu'il y a prattiqué les delices de l'ineffable dilection de son cœur envers nous.

  A004000127 

 Ainsy ce celeste Espoux voulant donner commencement a la publication de sa Loy, jetta sur l'assemblee des disciples qu'il avoit deputé a cet office force langues de feu, monstrant asses par ce moyen que la predication evangelique estoit toute destinee a l'embrazement des cœurs..

  A004000128 

 Representes vous des belles colombes aux rayons du soleil: vous les verrés varier en autant de couleur [3] comme vous diversifierés le biays duquel vous les regarderés, parce que leurs plumes sont si propres a recevoir la splendeur, que le soleil venant mesler sa clarté avec leur pennage, il se fait une multitude de transparences lesquelles produisent une grande varieté de nuances et changemens de couleurs; mais couleurs si aggreables a voir, qu'elles surpassent toutes couleurs et l'esmail encor des plus belles pierreries; couleurs resplendissantes et si mignardement dorees, que leur or les rend plus vivement colorees, car en cette considération le Prophete royal disoit aux Israelites:.

  A004000131 

 Vostre teint des-ormais se verra ressemblant.

  A004000135 

 Certes, l'Eglise est paree d'une varieté excellente d'enseignemens, sermons, traittés et livres pieux, tous grandement beaux et aymables a la veüe, a cause du meslange admirable que le Soleil de justice fait des rayons de sa divine sagesse avec les langues des Pasteurs, qui sont leurs plumes, et avec leurs plumes qui tiennent aussi quelquefois lieu de langues et font le riche pennage de cette colombe mystique.

  A004000135 

 Mays parmi toute la diversité des couleurs de la doctrine qu'elle publie, on descouvre par tout le bel or de la sainte dilection, qui se fait excellemment entrevoir, dorant de son lustre incomparable toute la science des Saintz et la rehaussant au dessus de toute science.

  A004000137 

 O qu'il fait bon ouir parler des choses du Ciel, saint Paul qui les avoit apprises au Ciel mesme! et qu'il fait bon voir ces ames nourries dans le sein de la dilection, escrire de sa sainte suavité! Pour cela mesme entre les Scholastiques, ceux qui en ont le mieux et le plus discouru ont pareillement excellé en pieté.

  A004000137 

 Saint Thomas en a fait un traitté digne de saint Thomas; saint Bonaventure et le bienheureux Denis le Chartreux en ont fait plusieurs tres excellens sous divers tiltres; et quant a Jean de Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, Sixte le Sienois en parle ainsy: «Il a si dignement discouru des cinquante proprietés du divin amour qui sont ça et la deduites au Cantique des Cantiques, qu'il semble que luy seul ayt tenu le conte des affections de l'amour de Dieu.» Certes, cet homme fut extremement docte, judicieux et devot..

  A004000138 

 Mays affin que l'on sceust que cette sorte d'escritz se font plus heureusement par la devotion des amans que par la doctrine des sçavans, le Saint Esprit a voulu que plusieurs femmes ayent fait des merveilles en cela.

  A004000139 

 Le Pere Jean de Jesus Maria, de l'Ordre des Carmes deschaussés, a composé un livret qui porte de mesme le nom de l'Art d'aymer Dieu, lequel est fort estimé.

  A004000140 

 Ainsy Dieu esleve le trosne de sa vertu sur le theatre de nostre infirmité, se servant des choses foibles pour confondre les fortes..

  A004000140 

 Je ne veux rien dire du Parenetique de ce fleuve d'eloquence qui flotte meshuy parmi toute la France par la multitude et varieté de ses sermons et beaux escritz; l'estroitte consanguinité spirituelle que mon ame a contractee avec la, sienne, lors que par l'imposition [6] de mes mains il receut le caractere sacré de l'ordre episcopal, pour le bonheur du diocese de Belley et l'honneur de l'Eglise, outre mille nœuds d'une sincere amitié qui nous lient ensemble, ne permettent pas que je puisse parler avec credit de ses ouvrages, entre lesquelz ce Parenetique de l'Amour divin fut une des premieres saillies de la non pareille affluence d'esprit que chacun admire en luy.

  A004000140 

 Mays en fin, la bienheureuse Therese de Jesus a si bien escrit des mouvemens sacrés de la dilection, en tous les livres qu'elle a laissés, qu'on est ravi de voir tant d'eloquence en une si grande humilité, tant de fermeté d'esprit en une si grande simplicité; et sa tres sçavante ignorance fait paroistre tres ignorante la science de plusieurs gens de lettres, qui, apres un grand tracas d'estude, se voyent honteux de n'entendre pas ce qu'elle escrit si heureusement de la prattique du saint amour.

  A004000140 

 Nous voyons de plus un grand et magnifique Palais que le Reverend Pere Laurens de Paris, predicateur de l'Ordre des Capucins, bastit a l'honneur de l'amour divin, lequel estant achevé sera un cours accompli de la science de bien aymer.

  A004000141 

 Il me semble mesme que mon dessein n'est pas celuy des autres, sinon en general, entant que nous visons tous a la gloire du saint amour: mays de ceci la lecture t'en fera foy..

  A004000141 

 Or, quoy que ce Traitté que je te presente, mon cher Lecteur, suive de bien loin tous ces excellens livres, sans espoir de les pouvoir aconsuivre, si est ce que j'espere tant en la faveur des deux amans celestes auxquelz je le dedie, qu'encor te pourra-il rendre quelque sorte de service, et que tu y rencontreras beaucoup [7] de bonnes considerations qu'il ne te seroit pas si aysé de treuver ailleurs, comme reciproquement tu treuveras ailleurs plusieurs belles choses qui ne sont pas icy.

  A004000142 

 Certes, j'ay seulement pensé a representer simplement et naifvement, sans art et encor plus sans fard, l'histoire de la naissance, du progres, de la decadence, des operations, proprietés, avantages et excellences de l'amour divin.

  A004000142 

 La nature mesme, qui est une si sage ouvriere, projettant la production des raysins, produit quant et quant, comme par une prudente inadvertence, tant de feuilles et de pampres, qu'il y a peu de vignes qui n'ayent besoin en leur sayson d'estre esfeuillees et esbourgeonnees..

  A004000142 

 Que si outre cela tu treuves quelque autre chose, ce sont des surcroissances qu'il n'est presque pas possible d'eviter a celuy qui, comme moy, escrit entre plusieurs distractions: mais je croy bien pourtant que rien ne sera sans quelque sorte d'utilité.

  A004000143 

 La douceur des lecteurs rend douce et utile la lecture; et pour t'avoir plus favorable, mon cher Lecteur, je te veux icy rendre rayson de quelques pointz qui autrement, a l'aventure, te mettroyent en mauvaise humeur..

  A004000143 

 La precipitation des jugemens met grandement en danger la conscience des juges et l'innocence des accusés: plusieurs escrivent sottement, et plusieurs censurent lourdement.

  A004000144 

 Certes, j'ay eu en consideration la condition des espritz de ce siecle, et je le devois: il importe beaucoup de regarder en quel aage on escrit..

  A004000144 

 Les quattre premiers Livres, et quelques chapitres des autres, pouvoyent sans doute estre obmis au gré des ames qui ne cherchent que la seule prattique de la sainte dilection, mays tout cela neanmoins leur sera bien utile, si elles le regardent devotement.

  A004000145 

 Ce que Nostre Seigneur dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, est grandement amplifié et declaré selon le [9] grec: Bienheureux sont les mendians d'esprit; et ainsy des autres..

  A004000146 

 J'ay souvent cité le sacré Psalmiste en vers, et ç'a esté pour recreer ton esprit et selon la facilité que j'en ay eu par la belle traduction de Philippe des Portes, abbé de Tiron, de laquelle neanmoins je me suis quelquefois departi: non certes cuydant de pouvoir faire mieux les vers que ce fameux poete, car je serois un grand impertinent si n'ayant jamais seulement pensé a cette sorte d'escrire, je pretendois d'y reuscir en un aage et en une condition de vie qui m'obligeroit de m'en retirer si jamais j'y avois esté engagé; mays en quelques endroitz ou il y pouvoit avoir plusieurs intelligences, je n'ay pas suivi ses vers parce que je ne voulois pas suivre son sens; comme au Psalme CXXXII, il a entendu un mot latin qui y est, des franges de la robbe, que j'ay estimé devoir estre pris pour le collet: c'est pourquoy j'ay fait la traduction a mon gré..

  A004000147 

 Je ne dis rien que je n'aye appris des autres: or, il [10] me seroit impossible de me resouvenir de qui j'ay receu chasque chose en particulier, mays je t'asseure bien que si j'avois tiré de quelque autheur des grandes pieces dignes de quelque remarque, je ferois conscience de ne luy en rendre pas la louange qu'il en meriteroit.

  A004000148 

 J'ay donq eu rayson de suivre en cela mon inclination, puisqu'elle fut aggreable a ce grand personnage, qui a esté l'un des plus saintz prelatz et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de nostre aage, et lequel, lhors qu'il m'honnora de sa lettre, estoit le plus ancien de tous les docteurs de la faculté de Paris..

  A004000148 

 Je n'ay pas tous-jours exprimé la suite des chapitres, mais si tu y prens garde, tu treuveras aysement les nœuds de leur liayson.

  A004000148 

 Lhors que j'eus fait imprimer l'Introduction a la Vie devote, Monseigneur l'Archevesque de Vienne, Pierre de Vilars, me fit la faveur de m'en escrire son opinion en termes si avantageux pour ce livret et pour moy, que je n'oserois jamais les redire; et m'exhortant [11] d'appliquer le plus que je pourrois de mon loysir a faire de pareilles besoignes, entre plusieurs beaux advis desquelz il me gratifia, l'un fut que j'observasse tous-jours tant que le sujet le permettrait la briefveté des chapitres.

  A004000149 

 J'admiray qu'il se treuvast des hommes qui, pour vouloir paroistre hommes, se monstrassent en effect si peu hommes; car je te laisse a penser, mon cher Lecteur, si la devotion n'est pas egalement pour les hommes comme pour les femmes, et s'il ne faut pas lire avec pareille attention et reverence la seconde Epistre de saint Jean, addressee a la sainte dame Electa, comme la troysiesme qu'il destine a Caïus, et si mille et mille lettres ou excellens traittés des anciens Peres de l'Eglise doivent estre tenus pour inutiles aux hommes, d'autant qu'ilz sont addressés a des saintes femmes de ce tems-la.

  A004000150 

 Toutefois, pour imiter en cette occasion le grand Apostre qui s'estimoit redevable a tous, j'ay changé d'addresse en ce Traitté, et parle a Theotime: que si d'aventure il se treuvoit des femmes (or cette impertinence seroit plus supportable en elles) qui ne voulussent pas lire les enseignemens qu'on fait a un homme, je les prie de croire que le Theotime auquel je parle est l'esprit humain, qui desire faire progres en la dilection sainte, esprit qui est egalement es femmes comme es hommes..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000152 

 J'ay touché quantité de poins de theologie, mais sans esprit de contention, proposant simplement, non tant ce que j'ay jadis appris es disputes, comme ce que l'attention au service des ames et l'employte de vingt quattre annees en la sainte predication m'ont fait penser [13] estre plus convenable a la gloire de l'Evangile et de l'Eglise..

  A004000153 

 A cette cause, mon cher Lecteur, je te diray que comme ceux qui gravent ou entaillent sur les pierres precieuses, ayans la veue lassee a force de la tenir bandee sur les traitz deliés de leurs ouvrages, tiennent volontier devant eux quelque belle esmeraude, affin que la regardant de tems en tems ilz puissent recreer en son verd et remettre en nature leurs yeux alangouris, de mesme en cette varieté d'affaires que ma condition me donne incessamment, j'ay tous-jours des petitz projetz de quelque traitté de pieté, que je regarde quand je puis, pour alleger et deslasser mon esprit..

  A004000155 

 Il y a dix neuf ans que me treuvant a Thonon, petite ville situee sur le lac de Geneve, laquelle lhors se convertissoit petit a petit a la foy Catholique, le ministre adversaire de l'Eglise crioit par tout que l'article catholique de la reelle presence du Cors du Sauveur en l'Eucharistie destruysoit le Symbole et l'analogie de la foy (car il estoit bien ayse de dire ce mot d'Analogie non entendu par ses auditeurs, affin de paroistre fort sçavant); et sur cela, les autres predicateurs catholiques avec lesquelz j'estois la, me chargerent d'escrire quelque chose en refutation de cette vanité; et je fis ce qui me sembla convenable, dressant une briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, pour confirmer la verité, et toutes les copies furent distribuees en ce diocese, ou je n'en treuve plus aucune..

  A004000156 

 Et parce que d'un costé il y avoit [15] des grans empeschemens a ce bonheur, selon les considerations que l'on appelle raysons d'Estat, et que d'ailleurs plusieurs, non encor bien instruitz de la verité, resistoyent a ce tant desirable restablissement, Son Altesse surmonta la premiere difficulté par la fermeté invincible de son zele a la sainte religion, et la seconde par une douceur et prudence extraordinaire; car elle fit assembler les principaux et plus opiniastres, et les harangua avec une eloquence si aimablement pressante, que presque tous, vaincuz par la douce violence de son amour paternel envers eux, rendirent les armes de leur opiniastreté a ses piedz, et leurs ames entre les mains de la sainte Eglise..

  A004000156 

 Peu apres, Son Altesse vint deça les montz, et treuvant les balliages de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont es environs de Geneve, a moytié disposés de recevoir la sainte religion Catholique, qui en avoit esté arrachee par le malheur des guerres et revoltes, il y avoit pres de soixante et dix ans, elle se resolut d'en restablir l'exercice en toutes les parroisses et d'abolir celuy de l'heresie.

  A004000164 

 Je fis donq cette orayson funebre et la prononçai en cette si grande assemblee, dans la grande eglise de Paris; et parce qu'elle contenoit un abbregé veritable des faitz heroiques du Prince defunct, je la fis volontier imprimer, puisque la Princesse vefve le desiroit et que son desir me devoit estre une loy.

  A004000164 

 Mays sur tout Madame Marie de Luxembourg, sa vefve, fit de son costé tout ce que son courage et l'amour du defunct luy peut suggerer pour solemnizer ses funerailles; et parce que mon pere, mon ayeul, mon bisayeul avoyent esté nourris pages des tres illustres et tres excellens princes de Martigues, ses pere et predecesseurs, elle me regarda comme serviteur hereditaire de sa mayson, et me choisit pour faire la harangue funebre en cette si grande celebrité, ou se treuverent non seulement plusieurs cardinaux et prelatz, mays quantité de princes, princesses, mareschaux de France, chevalier de l'Ordre, et mesme la cour de Parlement en cors.

  A004000164 

 Or je dediay cette piece la a Madame la Duchesse de Vandosme, lhors encor fille et toute jeune princesse, mais en laquelle on voyoit des-ja fort connoissablement les traitz de cette excellente vertu et pieté qui reluisent maintenant en elle, dignes de l'extraction et nourriture d'une si devote et pieuse mere.

  A004000166 

 Et moy, sachant la qualité de ces censeurs, je loue leur intention que je pense avoir esté bonne; mays j'eusse neanmoins desiré qu'il leur eust pleu de considerer que la premiere proposition est puisee de la commune et veritable doctrine des plus saintz et sçavans theologiens, que j'escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et les cours, qu'au partir de la j'inculque soigneusement l'extreme peril qu'il y a es danses; et que, quant à la seconde proposition, avec le mot de quolibet, elle n'est pas de moy, mais de cet admirable roy saint Loüys, docteur digne d'estre suivi en l'art de bien conduire les courtisans a la vie devote.

  A004000166 

 Troys ou quattre ans apres, je mis en lumiere l' Introduction a la Vie devote, pour les occasions et en la façon que j'ay remarqué en la Preface d'icelle; dont je n'ay rien a te dire, mon cher Lecteur, sinon que, si ce livret a receu generalement un gracieux et doux accueil, voire mesme parmi les plus graves prelatz et docteurs de l'Eglise, il n'a pas pourtant esté exempt d'une rude censure de quelques uns qui ne m'ont pas seulement blasmé, mais m'ont asprement baffoüé en publiq de ce que je dis a Philothee que le bal est une action de soymesme indifferente, et qu'en recreation on peut dire des quolibetz.

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000169 

 Il y a voirement long tems que j'avois projetté d'escrire de l'amour sacré; mais ce projet n'estoit point comparable a ce que cette occasion m'a fait produire, occasion que je te manifeste ainsy naifvement tout a la bonne foy, a l'imitation des anciens, affin que tu saches que je n'escris que par rencontre et occurrence, et que tu me sois plus amiable.

  A004000170 

 A cette intention, j'ay dedié cette œuvre a la Mere de dilection et au Pere de l'amour cordial, comme j'avois dedié l' Introduction au divin Enfant qui est le Sauveur des amans et l'amour des sauvés.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000172 

 Annessi, le jour des tres amans Apostres saint Pierre et saint Paul, 1616..

  A004000179 

 Affin qu'une musique soit belle, il ne faut pas seulement que les voix soyent nettes, claires et bien distinguees, mays qu'elles soyent alliees en telle sorte les unes aux autres, qu'il s'en fasse une juste consonance et harmonie, par le moyen de l'union qui est en la distinction et la distinction qui est en l'union des voix, que non sans cause on appelle un accord discordant, ou plustost une discorde accordante..

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000182 

 Mais quant aux choses animees et vivantes, leur beauté n'est pas accomplie sans la bonne grace, laquelle, outre la convenance des parties parfaittes qui fait la beauté, adjouste la convenance des mouvemens, gestes et actions, qui est comme [24] l'ame et la vie de la beauté des choses vivantes.

  A004000187 

 Le pere de famille conduit sa femme, ses enfans et ses serviteurs par ses ordonnances et commandemens, auxquelz ilz sont obligés d'obeir, bien qu'ilz puissent ne le faire pas; que s'il a des serfz et esclaves, il les gouverne par la force, a laquelle ilz n'ont nul pouvoir de contredire; mays ses chevaux, ses boeufs, ses muletz, il les manie par industrie, les liant, bridant, piquant, enfermant, laschant..

  A004000189 

 C'est ainsy, Theotime, que Nostre Seigneur enseigne qu' il y a des eunuques qui sont telz pour le Royaume des cieux, c'est a dire qui ne sont pas eunuques d'impuissance naturelle, mais par l'industrie de laquelle leur volonté se sert pour les retenir dans la sainte continence.

  A004000190 

 Il est vray qu'elle ne les peut pas manier ni ranger si absolument comme elle fait les mains, les pieds ou la langue, a rayson des facultés sensitives, et notamment de la fantasie, qui n'obeissent pas d'une obeissance prompte et infallible a la volonté, et desquelles puissances sensitives la memoire et l'entendement ont besoin pour operer: mays toutefois, la volonté les remue, les employe et applique selon qu'il luy plaist, bien que non pas si fermement et invariablement que la fantasie variante et volage ne les divertisse maintefois, les distraisant ailleurs; de sorte que comme l'Apostre s'escrie: Je fay non le bien que je veux, mays le mal que je hay, aussi nous sommes souvent contrains de nous plaindre dequoy nous pensons, non le bien que nous aymons, mais le mal que nous haïssons..

  A004000194 

 Avant que l'Empereur soit creé, il est sousmis aux electeurs qui dominent sur luy, pouvans ou le choisir a la dignité imperiale ou le rejetter; mays s'il est une fois esleu et eslevé par eux, ilz sont des lhors sous luy, et il domine sur eux.

  A004000196 

 Et sur tout ce peuple des passions sensuelles la volonté tient son empire, rejettant leurs suggestions, repoussant leurs attaques, empeschant leurs effectz, et au fin moins, leur refusant fortement son consentement, sans lequel elles ne peuvent l'endommager, et par le refus duquel elles demeurent vaincues, voire mesme a la longue, abbatues, allangouries, efflanquees, reprimees, et, sinon du tout mortes, au moins amorties ou mortifiees..

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000209 

 Or, tous ces mouvemens estoient en la partie raysonnable, puisque les sens, ni par consequent l'appetit sensuel, ne sont pas capables d'estre appliqués a ces objetz, et partant, ces mouvemens estoient des affections de l'appetit intellectuel ou raysonnable, et non pas des passions de l'appetit sensuel..

  A004000210 

 Combien de fois avons-nous des passions en l'appetit sensuel ou convoitise, contraires aux affections que nous sentons en mesme tems dans l'appetit raysonnable ou dans la volonté? Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, se coupant la langue a belles dens, et la crachant sur le nés de cette maudite femme qui l'enflammoit a la volupté, ne tesmoignoit-il pas d'avoir en la volonté une extreme affection de desplaysir, contraire a la passion du playsir que, par force, on luy faisoit sentir en la convoitise et appetit sensuel? Combien de fois tremblons nous de crainte entre les [35] hazards ausquelz nostre volonté nous porte et nous fait demeurer? combien de fois haïssons nous les voluptés esquelles nostre appetit sensuel se plait, aymans les biens spirituelz esquelz il se desplait? En cela consiste la guerre que nous sentons tous les jours entre l'esprit et la chair; entre nostre homme exterieur, qui depend des sens, et l'homme interieur, qui depend de la rayson; entre le viel Adam, qui suit les appetitz de son Eve ou de sa convoitise, et le nouvel Adam, qui seconde la sagesse celeste et la sainte rayson..

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000211 

 Les Stoïciens, ainsy que saint Augustin le rapporte, nians que l'homme sage puisse avoir des passions, confessoient neanmoins, ce semble, qu'il avoit des affections, lesquelles ilz appelloyent eupathies et bonnes passions, ou bien, comme Ciceron, constances; car ilz disoyent que le sage ne convoitoit pas, mays vouloit; qu'il n'avoit point de liesse, mays de joye; qu'il n'avoit point de crainte, mays de prevoyance et precaution: en sorte qu'il n'estoit esmeu sinon pour la rayson et selon la rayson.

  A004000212 

 Or ces affections que nous sentons en nostre partie raysonnable sont plus ou moins nobles et spirituelles selon qu'elles ont leurs objectz plus ou moins relevés, et qu'elles se treuvent en un degré plus eminent de l'esprit: car il y a des affections en nous qui procedent du discours que nous faysons selon l'experience des sens; il y en a d'autres, formees sur le discours tiré des sciences humaines; il y en a encor d'autres qui proviennent des discours faitz selon la foy; et, en fin, il y en a qui ont leur origine du simple sentiment et acquiescement que l'ame fait a la verité et volonté de Dieu..

  A004000213 

 Et ces affections surnaturelles sont principalement trois: l'amour de l'esprit envers les beautés des mysteres de la foy, l'amour envers l'utilité des biens qui nous sont promis en l'autre vie, et l'amour envers la souveraine bonté de la tressainte et eternelle Divinité.

  A004000213 

 Les affections du troisiesme rang se nomment chrestiennes, parce qu'elles prennent leur naissance des discours tirés de la doctrine de Nostre Seigneur, qui nous fait cherir la pauvreté volontaire, la chasteté parfaitte, la gloire du Paradis.

  A004000213 

 Les premieres sont nommees affections naturelles; car, qui est celuy qui ne desire naturellement d'avoir la santé, les provisions requises au vestir et a la nourriture, les douces et aggreables conversations? Les secondes affections sont nommees raysonnables, d'autant qu'elles sont toutes appuyees sur la connoissance spirituelle de la rayson, par laquelle nostre volonté est excitee a rechercher la tranquillité du cœur, les vertus morales, le vray honneur, la contemplation philosophique des choses eternelles.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000219 

 Isaac, Jacob et Joseph furent des enfans surnaturelz; car leurs meres, Sara, Rebecca et Rachel, estans steriles par nature, les conceurent par la grace de la bonté celeste: c'est pourquoy ilz furent establis maistres de leurs freres.

  A004000222 

 Les vertus sont en l'ame pour moderer ses mouvemens, et la charité, comme premiere de toutes les vertus, les regit et tempere toutes, non seulement [39] parce que «le premier en chaque espece des choses sert de regle et mesure a tout le reste,» mais aussi parce que Dieu, ayant creé l'homme a son image et semblance, veut que, comme en luy, tout y soit ordonné par l'amour et pour l'amour..

  A004000228 

 Le fer donques a une telle convenance avec l'aymant, qu'aussi tost qu'il en apperçoit la vertu il se retourne devers luy; puis il commence soudain a se remuer et demener par des petitz tressaillemens, tesmoignant en cela la complaisance qu'il ressent, en suite [41] de laquelle il s'avance et se porte vers l'aymant, cherchant tous les moyens qu'il peut pour s'unir avec iceluy.

  A004000229 

 Si que l'un et l'autre peut estre voirement nommé amour, mais diversement: car, comme l'aube du jour peut estre appellee jour, aussi cette premiere complaisance du cœur en la chose aymee peut estre nommee amour, parce que c'est le premier ressentiment de l'amour; mais comme le vray cœur du jour se prend des la fin de l'aube jusques au soleil couché, aussi la vraye essence de l'amour consiste au mouvement et escoulement du cœur, qui suit immediatement la complaysance et se termine a l'union.

  A004000230 

 Le poids des choses les esbranle, les meut et les arreste: c'est le poids de la pierre qui luy donne l'esmotion et le bransle a la descente, soudain que les empeschemens luy sont ostés; c'est le mesme poids qui luy fait continuer son mouvement en bas; et c'est en fin le mesme poids encores qui la fait arrester et accoiser quand elle est arrivee en son lieu.

  A004000231 

 Mais quand le bien devers lequel le cœur s'est retourné, incliné et esmeu, se treuve esloigné, absent ou futur, ou que l'union ne se peut pas encor faire si parfaittement qu'on pretend, alhors le mouvement d'amour par lequel le cœur tend, s'avance et aspire a cet objet absent, s'appelle proprement desir; car le desir n'est autre chose que l'appetit, convoitise ou cupidité des choses que nous n'avons pas, et que neanmoins nous pretendons d'avoir..

  A004000232 

 Or, ce sont des desirs, mais desirs imparfaitz lesquelz, ce me semble, a proprement parler s'appellent souhaitz: et de fait, telles affections ne s'expriment pas comme les desirs; car quand nous exprimons nos vrays desirs, nous disons: je desire, [44] mays quand nous exprimons nos desirs imparfaitz, nous disons: je desirerois, ou, je voudrois.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Et ces souhaitz, qui sont arrestés non point par l'impossibilité mais par l'incompatibilité qu'ilz ont avec des plus puissans desirs, s'appellent voirement souhaitz et desirs, mais souhaitz vains, suffoqués et inutiles.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000233 

 Pilate et Herodes souhaitoyent de delivrer, l'un le Sauveur, l'autre le Precurseur; mais parce que ces souhaitz estoyent incompatibles, l'un avec le desir de complaire aux Juifz et a Cesar, l'autre a Herodias et a sa fille, ce furent des souhaitz vains et inutiles.

  A004000233 

 Selon les souhaitz des choses impossibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne puis; et selon les souhaitz des choses possibles, nous disons: je souhaitte, mais je ne veux pas.

  A004000237 

 Or, il en est de mesme de l'amour humain, car il se prend quelquefois plus fortement entre des personnes de contraires qualités, qu'entre celles qui sont fort semblables..

  A004000238 

 En cette sorte, les melancholiques et les joyeux, les aigres et les doux s'entr'ayment quelquefois reciproquement, pour les mutuelles impressions qu'ilz reçoivent les uns des autres, au moyen desquelles leurs humeurs sont mutuellement moderees..

  A004000238 

 Les accors de musique se font en la discordance, par laquelle les voix dissemblables se correspondent, pour toutes ensemble faire un seul rencontre de proportion; comme la dissemblance des pierres precieuses et des fleurs fait l'aggreable composition de l'esmail et de la diapreure.

  A004000238 

 Les viellars ayment les enfans, [49] non point par simpathie, mais d'autant que l'extreme simplicité, foiblesse et tendreté des uns rehausse et fait mieux paroistre la prudence et asseurance des autres; et cette dissemblance est aggreable: au contraire, les petitz enfans ayment les viellars parce qu'ilz les voyent amusés et embesoignés d'eux, et que, par un sentiment secret, ilz connoissent qu'ilz ont besoin de leur conduite.

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000244 

 Le grand Salomon descrit d'un air delicieusement admirable les amours du Sauveur et de l'ame devote, en ce divin ouvrage que pour son excellente suavite on appelle le Cantique des Cantiques.

  A004000245 

 Le bayser de tout tems, comme par instinct naturel, a esté employé pour representer l'amour parfait, c'est a dire l'union des cœurs, et non sans cause.

  A004000245 

 On connoist l'homme au visage, dit l'Escriture; et Aristote, rendant rayson de ce que a l'ordinaire on ne peint sinon la face des grans hommes, «c'est d'autant,» dit-il, «que le visage monstre qui nous sommes.».

  A004000247 

 Ainsy donq le bayser estant la vive marque de l'union des cœurs, l'Espouse qui ne pretend en toutes ses poursuites que d'estre unie avec son Bienaymé, Qu'il me bayse, dit-elle, d'un bayser de sa bouche; comme si elle s'escrioit: Tant de souspirs et de traitz enflammés que mon amour jette incessamment, n'impetreront-ilz jamais ce que mon ame desire? Je cours, hé, n'atteindray-je jamais au prix pour lequel je m'eslance, qui est d'estre unie cœur a cœur, esprit a esprit avec mon Dieu, mon Espoux et ma vie? Quand sera-ce que je respandray mon ame dans son cœur, et qu'il versera [52] son cœur dedans mon ame, et qu'ainsy heureusement unis, nous vivrons inseparables!.

  A004000248 

 Le grand Apostre de France, tant selon son sentiment que rapportant celuy de son Hierotee, escrit, je pense, cent fois en un seul chapitre des Noms divins, que l'amour est unifique, unissant, ramassant, resserrant, recueillant et rapportant les choses a l'unité.

  A004000248 

 Quand l'Esprit divin veut exprimer un amour parfait, il employe presque tous-jours les paroles d'union et de conjonction: En la multitude des croyans, dit saint Luc, il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; Nostre Seigneur pria son Pere pour tous les fideles affin qu'ilz fussent tous une mesme chose; saint Paul nous advertit que nous soyons soigneux de conserver unité d'esprit par l'union de la paix.

  A004000248 

 Saint Gregoire de Nazianze et saint Augustin disent que leurs amis avec eux n'avoyent qu'une ame; et Aristote, appreuvant des-ja de son tems cette façon de parler: «Quand,» dit il, «nous voulons exprimer combien nous aymons nos amis, nous disons: l'ame de celuy ci et mon ame n'est qu'une.» La haine nous separe, et l'amour nous assemble: la fin donques de l'amour n'est autre chose que l'union de l'amant a la chose aymee.

  A004000252 

 Il faut pourtant prendre garde qu'il y a des unions naturelles, comme celle de ressemblance, consanguinité et de la cause avec son effect, et d'autres, lesquelles, n'estans pas naturelles, peuvent estre dites volontaires, car bien qu'elles soyent selon la nature, elles ne se font neanmoins que par nostre volonté; comme celle qui prend son origine des bienfaitz, qui unissent indubitablement celuy qui les reçoit a celuy qui les fait, celle de la conversation et compaignie, et autres semblables.

  A004000252 

 Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte.

  A004000253 

 Ce n'est pas, Theotime, qu'il n'y ait quelque sorte de passions en l'homme lesquelles, comme le guy vient sur les arbres par maniere d'excrement et de surcroissance, naissent aussi bien souvent parmi l'amour et autour de l'amour; mais neanmoins elles ne sont pas ni l'amour ni partie de l'amour, ains sont des excremens et superfluités d'iceluy, lesquelles non seulement ne sont pas prouffitables pour maintenir ou perfectionner l'amour, mais au contraire l'endommagent grandement, l'affoiblissent, et en fin finale, si on ne les retranche, le ruinent tout a fait; dequoy voyci la rayson..

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000256 

 Au contraire, ceux qui, allechés des playsirs sensuelz, appliquent leurs ames a la jouissance d'iceux, ilz descendent de leur moyenne condition a la plus basse des bestes brutes, et meritent autant d'estre appellés brutaux par leurs operations comme ilz sont hommes par leur nature: malheureux, en ce qu'ilz ne sont hors d'eux mesmes que pour entrer en une condition infiniment indigne de leur estat naturel..

  A004000256 

 Ceux donques qui, touchés des voluptés divines et intellectuelles, laissent ravir leur cœur aux sentimens d'icelles, sont voirement hors d'eux mesmes, c'est a dire au dessus de la condition de leur nature; mais par une bienheureuse et desirable sortie, par laquelle, entrans en un estat plus noble et relevé, ilz sont autant anges par l'operation de leur ame, [57] comme ilz sont hommes par la substance de leur nature, et doivent estre ditz ou anges humains ou hommes angeliques.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000257 

 Ainsy ces hommes angeliques qui sont ravis en Dieu et aux choses celestes, perdent tout a fait, tandis que leur extase dure, l'usage et l'attention des sens, le mouvement et toutes actions exterieures, parce que leur ame, pour appliquer sa vertu et activeté plus entierement et attentivement a ce divin object, la retire et ramasse de toutes ses autres facultés, pour la contourner de ce costé la.

  A004000257 

 Et de mesme les hommes brutaux, ravis en la volupté sensuelle, et particulierement quand c'est en celle du sens general, perdent tout a fait l'usage et l'attention de la rayson et de l'entendement, parce que leur miserable ame, pour sentir plus entierement et attentivement l'object brutal, se divertit des operations spirituelles, pour s'enfoncer et convertir du tout aux bestiales et brutales; imitans en cela mystiquement, les uns, Helie, ravi en haut sur le char enflammé entre les Anges, et les autres, Nabuchodonosor, abruti et ravalé au rang des bestes farouches..

  A004000261 

 Ainsy l'amour se peut bien treuver es unions des puissances sensuelles meslees avec les unions des puissances intellectuelles, mais non jamais si excellemment comme il fait lhors que les seulz espritz et courages, separés de toutes affections corporelles, jointz ensemble, font l'amour pur et spirituel; car l'odeur des affections ainsy meslees, est non seulement plus suave et meilleure, mays plus vive, plus active et plus solide.

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 Il est vray que plusieurs, ayans l'esprit grossier, terrestre et vil, estiment la valeur de l'amour comme celle des pieces d'or, desquelles les plus grosses et pesantes sont les meilleures et plus recevables; car ainsy leur est-il advis que l'amour brutal soit plus fort, parce qu'il est plus violent et turbulent; plus solide, parce qu'il est grossier et terrestre; plus grand, parce qu'il est plus sensible et farouche: mais au contraire, l'amour est comme le feu, duquel plus la matiere est delicate, aussi les flammes en sont plus claires et belles, et lesquelles on ne sçauroit mieux esteindre qu'en les deprimant et couvrant de terre; car de mesme, plus le sujet de l'amour est relevé et spirituel, plus ses actions sont vives, subsistantes et permanentes, et ne sçauroit-on mieux ruiner l'amour que de l'abbaisser aux unions viles et terrestres.

  A004000266 

 Nous n'avons qu'une ame, Theotime, et laquelle est indivisible; mais en cette ame il y a divers degrés de perfection, car elle est vivante, sensible et raysonnable, et selon ces divers degrés elle a aussi diversité de proprietés et inclinations, par lesquelles elle est portee a la fuite ou a l'union des choses.

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000270 

 En quoy il tesmoigne deux volontés: l'une inferieure, par laquelle il se faschoit de l'envoyer, l'autre superieure, par laquelle il se resolut de l'envoyer; car le discours pour lequel il se faschoit de l'envoyer, estoit fondé sur le playsir qu'il sentoit de l'avoir aupres de soy et le desplaysir qui luy revenoit de la separation d'iceluy, qui sont des fondemens perceptibles et sensibles; mais la resolution qu'il print de l'envoyer estoit fondee sur une rayson de l'estat de sa famille, pour la prevoyance de la necessité future et approchante.

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000273 

 Mais ce mesme Sauveur ayant fait cet exercice de la portion inferieure, et tesmoigné que, selon icelle et les considerations qu'elle faisoit, sa volonté inclinoit a la fuite des douleurs et des peynes, il monstra par apres qu'il avoit la portion superieure, par laquelle adherant inviolablement a la volonté eternelle et au decret que le Pere celeste avoit fait, il accepte volontairement la mort, et nonobstant la repugnance de la partie inferieure de la rayson, il dit: Ah non, mon Pere, que ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A004000273 

 Mais l'exemple de nostre Sauveur est admirable pour ce sujet, et apres la consideration duquel il n'y a plus a douter de la distinction de la portion superieure et inferieure de l'ame; car, qui ne sçait, entre les theologiens, qu'il fut parfaittement glorieux des l'instant de sa conception au ventre de la Vierge? et neanmoins il fut a mesme tems sujet aux tristesses, regretz et afflictions de cœur.

  A004000277 

 Il y avoit trois parvis au Temple de Salomon: l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le second estoit pour les Israëlites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour l'ordre Levitique; et en fin, outre tout cela, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle l e seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000279 

 Car, encor que la fov, l'esperance et la charité respandent leur divin mouvement presque en toutes les facultés de l'ame, tant raysonnables que sensitives, les reduisant et assujettissant saintement sous leur juste authorité, si est ce que leur speciale demeure, leur vray et naturel sejour, est en cette supreme pointe de l'ame, des laquelle, comme une heureuse source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur les parties et facultés inferieures..

  A004000279 

 La lumiere de la foy, representee par la manne cache [68] dans la cruche, par laquelle nous acquiesçons a la verité des mysteres que nous n'entendons pas; 2.

  A004000279 

 l'utilité de l'esperance, representee par la verge fleurie et feconde d'Aaron, par laquelle nous acquiesçons aux promesses des biens que nous ne voyons point; 3.

  A004000280 

 L'ame de saint Paul se sentit pressee de deux divers desirs, l'un desquelz fut d'estre deslié de son cors pour aller au Ciel avec Jesus Christ, et l'autre, de demeurer en ce monde pour y servir a la conversion des peuples: l'un et l'autre desir estoit sans doute en la partie superieure, car ilz procedoient tous deux de la charité; mais la resolution de suivre le dernier ne se fit pas par discours, ains par une simple veüe et un simple sentiment de la volonté du Maistre, a laquelle la seule pointe de l'esprit de ce grand serviteur acquiesça, au prejudice de tout ce que le discours pouvoit conclure..

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000281 

 Or, par ce que la connoissance de ces quatre divers degrés de la rayson est grandement requise pour entendre tous les traittés des choses spirituelles, j'ay voulu l'expliquer asses amplement..

  A004000286 

 Si celuy a qui nous voulons du bien l'a des-ja et le possede, alhors nous le luy voulons par le playsir et contentement que nous avons dequoy il l'a et le possede; et ainsy se forme l'amour de complaysance, qui n'est autre chose que l'acte de la volonté par lequel elle s'unit et joint au playsir, contentement et bien d'autruy.

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000300 

 Elle reside toute en tout son cors, et toute en chacune des parties d'iceluy, comme la Divinité est toute en tout le monde, et toute en chaque partie [74] du monde.

  A004000300 

 L'homme se connoist et s'ayme soy mesme par des actes produitz et exprimés de son entendement et de sa volonté, qui procedans de l'entendement et de la volonté distingués l'un de l'autre, restent neanmoins et demeurent inseparablement unis en l'ame et es facultés desquelles ilz procedent.

  A004000300 

 Nostre ame est spirituelle, indivisible, immortelle; entend, veut, et veut librement; est capable de juger, discourir, sçavoir et avoir des vertus: en quoy elle ressemble a Dieu.

  A004000302 

 L'Espouse sacree avoit souhaité le saint bayser d'union: O, dit-elle, qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Mais y a-il asses de convenance, o la bienaymee du Bienaymé, entre vous et l'Espoux, pour parvenir a l'union que vous desires? Ouy, dit-elle, donnes-le moy, ce bayser d'union, o le cher ami de mon ame, car vous aves des mammelles meilleures que le vin, odorantes de parfums excellens.

  A004000302 

 Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums.

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000309 

 Entre les perdrix il arrive souvent que les unes desrobbent les œufs des autres affin de les couver, [78] soit pour l'avidité qu'elles ont d'estre meres, soit pour leur stupidité qui leur fait mesconnoistre leurs œufs propres.

  A004000313 

 Ainsy nos espritz, animés d'une sainte inclination naturelle envers la Divinité, ont bien plus de clarté en l'entendement pour voir combien elle est aymable, que de force en la volonté pour l'aymer: car le peché a beaucoup plus debilité la volonté humaine, qu'il n'a offusqué l'entendement, et la rebellion de l'appetit sensuel, que nous appelions concupiscence, trouble voirement l'entendement, mais c'est pourtant contre la volonté qu'il excite principalement la sedition et revolte; si que la pauvre volonté, des-ja toute infirme, estant agitee des continuelz assautz que la concupiscence luy livre, ne peut faire un si grand progres en l'amour divin, comme la rayson et inclination naturelle luy suggerent qu'elle devroit faire.

  A004000314 

 Ilz l'ont certes aucunement glorifié, luy donnant des souverains filtres d'honneur, mays ilz ne l'ont pas glorifié comme il le falloit glorifier, c'est a dire ilz ne l'ont pas glorifié sur toutes choses; n'ayans pas eu le courage de ruiner l'idolatrie, ains communiquans avec les idolatres, retenans la verité qu'ilz connoissoient, en injustice, prisonniere dedans leurs cœurs, et preferans l'honneur et le vain repos de leurs vies a l'honneur qu'ilz devoient a Dieu, ilz se sont esvanouis en leurs discours..

  A004000315 

 N'est ce pas grande pitié, Theotime, de voir Socrate, au recit de Platon, parler en mourant des dieux comme s'il y en avoit plusieurs, luy qui sçavoit si bien qu'il n'y en avoit qu'un seul? N'est ce pas chose deplorable que Platon ayt ordonné que l'on sacrifie a plusieurs dieux, luy qui sçavoit si bien la verité de l'unité divine? Et Mercure Trismegiste n'est il pas lamentable, de lamenter et plaindre si laschement l'abolissement de l'idolatrie, luy qui en tant d'endroitz avoit parlé si dignement de la Divinité?.

  A004000316 

 Mais sur tout j'admire le pauvre bon homme Epictete, duquel les propos et sentences sont si douces a lire en nostre langue, par la traduction que la docte et belle plume du Reverend Pere Dom Jean de Saint François, [81] Provincial de la congregation des Feuillans es Gaules, a depuis peu exposee a nos yeux.

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000323 

 Tout de mesme que les cerfz ausquelz les grans princes font quelquefois mettre des colliers avec leurs armoiries, bien que par apres ilz les font lascher et mettre en liberté dans les forestz, ne laissent pas d'estre reconneus par quicomque les rencontre, non seulement pour avoir une fois esté pris par le prince duquel ilz portent les armes, mays aussi pour luy estre encor reservés: car ainsy conneut-on l'extreme viellesse d'un cerf qui fut rencontré, comme quelques historiens disent, trois cens ans apres la mort de Cesar, parce qu on luy treuva un collier ou estoit la devise de Cesar, et ces motz: Cesar m'a lasché.

  A004000332 

 Theotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pasle, ni gris, ni verd: ce grand luminaire n'est point sujet a ces vicissitudes et changemens de couleurs, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpetuelle lumiere, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable; mays nous parlons de la sorte parce qu'il nous semble estre tel, selon la varieté des vapeurs qui sont entre luy et nos yeux, lesquelles le font paroistre de diverses façons..

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000335 

 Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble.

  A004000335 

 O abisme des perfections divines, que vous estes admirable de posseder en une seule perfection l'excellence de toute perfection, en une façon si excellente que nul ne la peut comprendre, sinon vous mesme!.

  A004000341 

 Et neanmoins, chetifves creatures que nous sommes, nous parlons des actions de Dieu comme s'il en faysoit tous les jours grande quantité et en grande varieté, bien que nous sachions le contraire.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000341 

 Mays nous sommes forcés a cela, Theotime, par nostre imbecillité; car nous ne savons parler sinon selon que nous entendons, et nous entendons selon que les choses ont accoustumé de se passer parmi nous: or, d'autant qu'es choses naturelles il ne se fait presque point de diversité d'ouvrages que par diversité d'actions, quand nous voyons tant de besoignes differentes, une si grande varieté de productions, et cette multitude innumerable des exploitz de la puissance divine, il nous semble d'abord que cette diversité se fait par autant d'actes que nous voyons de differens effectz, et nous en parlons tout de mesme, pour parler plus a nostre ayse, selon nostre prattique ordinaire et la coustume que nous avons d'entendre les choses.

  A004000347 

 Car encor que l'historien sacré, s'accommodant a nostre façon d'entendre, raconte que Dieu repeta souvent cette toute puissante parole: Soit fait, es journees de la creation du monde, neanmoins, a proprement parler, cette parole fut tres unique; si que David l'appelle un souffle ou aspiration de la bouche divine, c'est a dire un seul trait de son infinie volonté, lequel respand si puissamment sa vertu en la varieté des choses creées, que pour cela nous le concevons comme s'il estoit multiplié et diversifié en autant de differences comme il y en a en ces effectz, quoy qu'en verité il soit tres unique et tres simple.

  A004000347 

 Cette parole donques, Theotime, estant tres simple et tres unique, produit toute la distinction des choses; estant invariable, produit tous les bons changemens, et en fin, estant permanente en son eternité, elle donne succession, vicissitude, ordre, rang et sayson a toutes choses..

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000348 

 Imaginons, je vous prie, d'un costé un peintre qui fait l'image de la naissance du Sauveur (et j'escris ceci es jours dediés a ce saint mystere): il donnera sans doute mille et mille traitz de pinceau, et mettra non seulement des jours mais des semaines et des moys a façonner ce tableau, selon la varieté des personnages et autres choses qu'il y veut representer.

  A004000349 

 En somme, la souveraine unité divine diversifie tout, et sa permanente eternité donne vicissitude a toutes choses, parce que la perfection de cette unité estant sur toute difference et varieté, elle a dequoy fournir l'estre a toute la diversité des perfections creées, et a la force de les produire.

  A004000354 

 aussi le seul eternel vouloir de sa divine Majesté estend sa force de siecle en siecle et jusques aux siecles des siecles, pour tout ce qui a esté, qui est et sera eternellement, sans que chose quelconque ayt estre que par ce seul tres unique, tres simple et tres eternel Acte divin, auquel soit honneur et gloire.

  A004000359 

 Et quant a la chose publique, il disposa de faire une mayson royale et une cour pour sa majesté, et en icelle tant de maistres d'hostelz, de gentilzhommes et autres courtisans; et pour le peuple, des juges et autres magistratz qui exerçassent la justice.

  A004000360 

 Mais d'autant que la disposition est inutile sans la creation ou levee des officiers, et que la creation est vaine sans la providence qui regarde a ce qui est requis pour la conservation des officiers creés ou erigés, et qu'en fin cette conservation qui se fait par le bon gouvernement n'est autre chose que la providence effectuee, partant, non seulement la disposition mais aussi la creation et le bon gouvernement de Salomon, furent appellés du nom de providence: aussi ne disons-nous pas qu'un homme ayt de la providence, sinon quand il gouverne bien..

  A004000360 

 Mais il ne s'arresta pas la, Theotime; car apres avoir fait son projet et deliberé en soy mesme des moyens propres pour en venir a bout, venant a la prattique, il crea tous les officiers selon qu'il avoit disposé, et, par un bon gouvernement, il fit faire toutes les provisions requises a leur entretenement et a l'execution de leurs charges: de sorte qu'ayant la connoissance de l'art de bien regner, il executa la disposition qu'il avoit fait a [95] part soy pour la creation de divers officiers, et mit en effect sa providence par le bon gouvernement dont il usa; et par ainsy, son art de regner, qui consistoit en la disposition et en la providence ou prouvoyance, fut prattiqué par la creation des officiers et par le gouvernement et bonne conduite.

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000363 

 Il y a toutefois, certes, des cas fortuitz et des accidens inopinés; mays [97] ilz ne sont ni fortuitz ni inopinés qu'a nous, et sont sans doute tres certains a la Providence celeste, qui les prevoit et les destine au bien public de l'univers.

  A004000363 

 Selon nous, ce cas fut inopiné; mais au regard de la Providence, qui regardoit de plus haut et voyoit la concurrence des causes, ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie..

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000368 

 Tout ce que Dieu a fait est destiné au salut des hommes et des Anges: mays voyci l'ordre de sa providence pour ce regard, selon que, par l'attention aux Saintes Escritures et a la doctrine des Anciens, nous le pouvons descouvrir, et que nostre foiblesse nous permet d'en parler..

  A004000370 

 Or, entre toutes les creatures que cette souveraine toute puissance pouvoit produire, elle treuva bon de choisir la mesme humanité que du despuis par effect fut jointe a la Personne de Dieu le Filz, a laquelle elle destina cet honneur incomparable de l'union personnelle a sa divine Majesté, affin qu'eternellement elle jouist par excellence des thresors de sa gloire infinie.

  A004000371 

 Outre cela, la sacree Providence determina de produire [100] tout le reste des choses, tant naturelles que surnaturelles, en faveur du Sauveur, affin que les Anges et les hommes peussent en le servant participer a sa gloire; en suite dequoy, bien que Dieu voulut creer tant les Anges que les hommes avec le franc-arbitre, libres d'une vraye liberté pour choisir le bien et le mal, si est-ce neanmoins que, pour tesmoigner que de la part de la Bonté divine ilz estoyent dediéz au bien et a la gloire, elle les crea tous en justice originelle, laquelle n'estoit autre chose qu'un amour tres suave qui les disposoit, contournoit et acheminoit a la felicité eternelle..

  A004000372 

 Et parce que la nature angelique ne pourroit faire ce peché que par une malice expresse, sans tentation ni motif quelcomque qui la peust excuser, et que d'ailleurs une beaucoup plus grande partie de cette mesme nature demeureroit ferme au service du Sauveur, partant, Dieu, qui avoit si amplement glorifié sa misericorde au dessein de la creation des Anges, voulut aussi magnifier sa justice, et en la fureur de son indignation resolut d'abandonner pour jamais cette triste et malheureuse trouppe de perfides, qui en la furie de leur rebellion l'avoient si vilainement abandonné..

  A004000373 

 C'estoit la nature humaine de laquelle il avoit resolu de prendre une piece bien heureuse pour l'unir a sa Divinité; il vit que c'estoit une nature imbecille, un vent qui va et ne revient pas, c'est a dire qui se dissipe en allant; il eut esgard a la surprise que Satan avoit faitte au premier homme et a la grandeur de la tentation qui le ruina; il vit que toute la race des [101] hommes perissoit par la faute d'un seul: si que, par ces raysons, il regarda nostre nature en pitié et se resolut de la prendre a merci..

  A004000378 

 Or disant, Theotime, que Dieu avoit veu et voulu une chose premierement, et puis secondement une autre, observant ordre en ses volontés, je l'ay entendu selon qu'il a esté declaré cy devant; a sçavoir, qu'encor que tout cela s'est passé en un tres seul et tres simple acte, neanmoins par iceluy, l'ordre, la distinction et [102] la dependance des choses n'a pas esté moins observee que s'il y eust eu plusieurs actes en l'entendement et volonté de Dieu.

  A004000379 

 Ainsy le grand Sauveur fut le premier en l'intention divine et en ce projet eternel que la divine Providence fit de la production des creatures: et en contemplation de ce fruict desirable fut plantee la vigne de l'univers et establie la succession de plusieurs generations, qui, a guise de feuilles et de fleurs, le devoyent preceder, comme avant coureurs et preparatifz convenables a la production de ce raisin que l'Espouse sacree loue tant es Cantiques, et la liqueur duquel res-jouit Dieu et les hommes..

  A004000379 

 Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté.

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000385 

 Dieu, certes, monstre admirablement la richesse incomprehensible de son pouvoir, en cette si grande varieté de choses que nous voyons en la nature, mays il fait encor plus magnifiquement paroistre les thresors infinis de sa bonté, en la difference non pareille des biens que nous reconnoissons en la grace.

  A004000386 

 De sorte qu'elle fut rachetee si excellemment, qu'encor que par apres le torrent de l'iniquité originelle vinst rouler ses ondes infortunees sur la conception de cette sacree Dame, avec autant d'impetuosité comme il eust fait sur celle des autres filles d'Adam, si est-ce qu'estant arrivé la, il ne passa point outre, ains s'arresta court, comme fit anciennement le Jourdain du tems de Josué, et pour le mesme respect: car ce fleuve retint son cours en reverence du passage de l'Arche de l'alliance, et le peché originel retira ses eaux, reverant et redoutant la presence du vray Tabernacle de l'eternelle alliance..

  A004000387 

 De cette maniere donques, Dieu destourna de sa glorieuse Mere toute captivité, luy donnant le bonheur des deux estatz de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam avoit perdue, et jouît excellemment de la redemption que le second luy acquit; en suite dequoy, comme un jardin d'eslite qui devoit porter le fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de perfections, ce Filz de l'amour eternel ayant ainsy paré sa Mere de robbe d'or, recamee en belle varieté, affin qu'elle fust la Reyne de sa dextre, c'est a dire la premiere de tous les esleuz, qui jouiroit des delices de la dextre divine.

  A004000387 

 Dieu disposa aussi d'autres faveurs pour un petit nombre de rares creatures qu'il vouloit mettre hors du danger de la damnation, comme il est certain de saint Jean Baptiste, et tres probable de Hieremie et de quelques autres, que la divine Providence alla saisir dans le ventre de leur mere, et des Ihors les establit en la perpetuité de sa grace affin qu'ilz demeurassent fermes en son amour, bien que sujetz aux retardemens et pechés venielz, qui sont contraires a la perfection de l'amour et non a l'amour mesme.

  A004000387 

 Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres..

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000392 

 Il y en eut aussi des speciales pour des autres.

  A004000392 

 Il y eut donq en la Providence eternelle une faveur incomparable pour la Reyne des reynes, Mere de tres belle dilection et toute tres uniquement parfaite.

  A004000392 

 Mays apres cela, cette souveraine Bonté respandit une abondance de graces et benedictions sur toute la race des hommes et la nature des Anges, de laquelle tous ont esté arrousés comme d'une pluye qui tombe sur les bons et les mauvais; tous ont esté esclairés comme d'une [108] lumiere qui illumine tout homme venant en ce monde; tous ont receu leur part, comme d'une semence qui tombe non seulement sur la bonne terre, mays emmi les chemins, entre les espines et sur les pierres; affin que tous fussent inexcusables devant le Redempteur, s'ilz n'employent cette tres abondante redemption pour leur salut..

  A004000393 

 Qui ne void qu'entre les Chrestiens les moyens du salut sont plus grans et puissans qu'entre les barbares, et que parmi les Chrestiens il y a des peuples et des villes ou les pasteurs sont plus fructueux et capables? Or, de nier que ces moyens exterieurs ne sovent pas des faveurs de la Providence divine, ou de revoquer en doute qu'ilz ne contribuent pas au salut et a la perfection des ames, ce seroit estre ingrat envers la Bonté celeste, et desmentir la veritable experience qui nous fait voir que, pour l'ordinaire, ou ces moyens exterieurs abondent, les interieurs ont plus d'effect et reussissent mieux..

  A004000394 

 Aussi nostre Sauveur compare sa grace aux perles, lesquelles, comme dit Pline, s'appellent autrement unions, parce qu'elles sont tellement uniques une chacune en ses qualités, qu'il ne s'en treuve jamais deux qui soyent parfaitement pareilles; et comme une estoile est differente de l'autre en clarté, ainsy seront differens les hommes les uns des autres en la gloire, signe evident qu'ilz l'auront esté en la grace.

  A004000394 

 Et bien que, quant aux hommes, la grace ne soit pas donnee selon leurs conditions naturelles, toutefois la divine Douceur, prenant playsir et, par maniere de dire, s'esgayant en la production des graces, elle les diversifie en infinies façons, affin que de cette varieté se fasse le bel esmail de sa redemption et misericorde; dont l'Eglise chante en la feste de chasque Confesseur Evesque: Il ne s'en est point treuvé de semblable a luy.

  A004000394 

 Et comme au Ciel, nul ne sçait le nom nouveau sinon celuy qui le reçoit, parce que chacun des Bienheureux a le sien particulier selon l'estre nouveau de la gloire qu'il acquiert, ainsy en terre chacun reçoit une grace si particuliere, que toutes sont diverses.

  A004000394 

 Les Anges, comme le grand saint Augustin et saint Thomas asseurent, receurent la grace selon la varieté de leurs conditions naturelles: or, ilz sont tous, ou de differente espece, ou au moins de diverses conditions, puisqu'ilz sont distingués les [109] uns des autres; donques, autant qu'il y a d'Anges, il y a aussi de graces differentes.

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000400 

 La Sapience eternelle, dit Salomon, presche tout en public, elle fait retentir sa voix emmi les places, elle crie et recrie devant les peuples, elle prononce ses paroles es portes des villes, elle dit: Jusques a quand sera-ce, o petitz enfans, que vous aymeres l'enfance? et jusques a quand sera-ce que les forcenés desireront les choses nuisibles, et que les imprudens haïront la science? Convertisses-vous, revenes a moy sur cet advertissement.

  A004000400 

 Le soleil visible touche tout de sa chaleur vivifiante, et comme l'amoureux universel des choses inferieures, [112] il leur donne la vigueur requise pour faire leurs productions; et de mesme la Bonté divine anime toutes les ames et encourage tous les coeurs a son amour, sans que homme quelcomque soit caché a sa chaleur.

  A004000405 

 Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy.

  A004000406 

 Il y a certains oyseaux, Theotime, qu'Aristote nomme apodes, parce qu'ayans les jambes extremement courtes et les pieds sans force, ilz ne s'en servent non plus que s'ilz n'en avoyent point: que si une fois ilz prennent terre, ilz y demeurent pris, sans que jamais d'eux mesmes ilz puissent reprendre le vol, d'autant que n'ayans nul usage des jambes ni des pieds, ilz n'ont pas non plus le moyen de se pousser et relancer en l'air; et partant, ilz demeurent la croupissans et y meurent, sinon que quelque vent propice a leur impuissance, jettant ses bouffees sur la face de la terre, les vienne saisir et enlever, comme il fait plusieurs autres choses; car alhors, si employans leurs aysles ilz correspondent a cet eslan et premier essor que le vent leur donne, [115] le mesme vent continue aussi son secours envers eux, les poussant de plus en plus au vol..

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000409 

 Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert.

  A004000414 

 Oyés donq, je vous prie, Theotime, que les habitans de Corozaïn et Bethsaïda, enseignés en la vraye religion, ayans receu des faveurs si grandes qu'elles eussent en effect converti les payens mesmes, neanmoins ils demeurerent obstinés et ne voulurent onques s'en prevaloir, rejettant cette sainte lumiere par une rebellion incomparable.

  A004000415 

 Car, comme pourroit-on autrement reprocher avec rayson aux impenitens leur impenitence, par la comparayson de ceux qui se sont convertis? Certes, Nostre Seigneur monstre clairement, et tous les Chrestiens entendent simplement, qu'en ce juste jugement on condamnera les Juifz par comparayson des Ninivites, parce que ceux la ont eu beaucoup de faveur et n'ont eu aucun amour, beaucoup d'assistance et nulle repentance; ceux cy, moins de faveur et beaucoup d'amour, moins d'assistance et beaucoup de penitence..

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000422 

 Il arrive que, estans inspirés de faire beaucoup, nous ne consentons pas a toute l'inspiration, ains seulement a quelque partie d'icelle; comme firent ces bons personnages de l'Evangile, qui, sur l'inspiration que Nostre Seigneur leur fit de le suivre, vouloyent reserver, l'un d'aller premier ensevelir son pere, et l'autre d'aller prendre congé des siens..

  A004000423 

 Tandis que la pauvre vefve eut des vaysseaux vuides, l'huyle de laquelle Helisee avoit miraculeusement impetré la maltiplication ne cessa jamais de couler, et quand il n'y eut plus de vaysseaux pour la recevoir, elle cessa d'abonder.

  A004000425 

 Mais, repliqua frere Rufin, comment pouves vous dire cela en verité et conscience, puisque plusieurs autres, comme l'on void manifestement, commettent plusieurs grans pechés, desquelz, grace a Dieu, vous estes exempt? A quoy saint François respondant: Si Dieu eust favorisé, dit-il, ces autres desquelz vous parles, avec autant de misericorde comme il m'a favorisé, je suis certain que, pour meschans qu'ilz soyent maintenant, ilz eussent esté beaucoup plus reconnoissans des dons de Dieu que je ne suis, et le serviroyent beaucoup mieux que je ne [123] fay; et si mon Dieu m'abandonnoit, je commettrois plus de meschancetés qu'aucun autre.».

  A004000426 

 Je sçay qu'il parloit ainsy de soy mesme par humilité, mais il croyoit pourtant estre une vraye verité qu'une grace egale, faitte avec une pareille misericorde, puisse estre plus utilement employee par l'un des pecheurs que par l'autre.

  A004000426 

 Or, je tiens pour oracle le sentiment de ce grand docteur en la science des Saintz, qui, nourri en l'eschole du Crucifix, ne respiroit que les divines inspirations.

  A004000431 

 Ainsy sa misericorde convertit et gratifie ordinairement les ames en une maniere si douce, suave et delicate, qu'a peyne apperçoit-on son mouvement; et neanmoins il arrive quelquefois, que cette Bonté souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé de l'affluence de ses eaux qui se desborde emmi la plaine, elle fait une effusion de ses graces si impetueuse, quoy qu'amoureuse, qu'en un moment elle detrempe et couvre [125] toute une ame de benedictions, affin de faire paroistre les richesses de son amour, et que, comme sa justice procede communement par voye ordinaire, et quelquefois par voye extraordinaire, aussi sa misericorde fasse l'exercice de sa liberalité par voÿe ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques uns aussi par des moyens extraordinaires..

  A004000431 

 La justice divine nous chastie en ce monde par des punitions qui, pour estre ordinaires, sont aussi presque tous-jours inconneües et imperceptibles; quelquefois neanmoins il fait des deluges et abismes de chastimens, pour faire reconnoistre et craindre la severité de son indignation.

  A004000432 

 Le propre lien de la volonté humaine, c'est la volupté et le playsir: «On monstre des noix a un enfant,» dit saint Augustin, «et il est attiré en aymant; il est attiré par le lien, non du cors, mais du cœur.» Voyés donq comme le Pere eternel nous tire: en nous enseignant il nous delecte, non pas en nous imposant aucune necessité; il jette dedans nos cœurs des délectations et playsirs spirituelz, comme des sacrees amorces par lesquelles il nous attire suavement a recevoir et gouster la douceur de sa doctrine..

  A004000432 

 Mays quelz sont donq les cordages ordinaires par lesquelz la divine Providence a accoustumé de tirer nos cœurs a son amour? Telz, certes, qu'elle mesme les marque, descrivant les moyens dont elle usa pour tirer le peuple d'Israël de l'Egypte et du desert en la Terre de promission: Je les tiray, dit-elle par Osee, avec des liens d'humanité, avec des liens de charité et d'amitié.

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 La grace est si gracieuse et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté; elle touche puissamment, mais pourtant si delicatement, les ressortz de nostre esprit, que nostre franc arbitre n'en reçoit aucun forcement; la grace a des forces, non pour forcer, ains pour allecher le cœur; elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement, que nostre volonté ne demeure point accablee sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise: si que nous pouvons, emmi ses forces, consentir ou resister a ses mouvemens selon qu'il nous plaist..

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000440 

 0 Jesus, que c'est un playsir delicieux de voir l'amour celeste, qui est le soleil des vertus, quand petit a petit, par des progres qui insensiblement se rendent sensibles, il va desployant sa clarté sur une ame, et ne cesse point qu'il ne l'ayt toute couverte de la splendeur de sa presence, luy donnant en fin la parfaitte beauté de son jour! 0 que cette aube est gaye, belle, amiable et aggreable! Mays pourtant il est vray que, ou l'aube n'est pas jour, ou, si elle est jour, c'est un jour commençant, un jour naissant, c'est plustost l'enfance du jour que le jour mesme: et de mesme, sans doute, ces mouvemens d'amour qui precedent l'acte de la foy requis a nostre justification, ou ilz ne sont pas amour, a proprement parler, ou ilz sont un amour commençant et imparfait; ce sont les premiers bourgeons verdoyans que l'ame eschauffee du soleil celeste, comme un arbre mystique, commence a jetter au printems, qui sont plustost presages de fruitz que fruitz..

  A004000441 

 Saint Pachome, Ihors encor tout jeune soldat et sans connoissance de Dieu, enroollé sous les enseignes de l'armee que Constance avoit dressee contre le tyran Maxence, vint avec la trouppe de laquelle il estoit, loger au pres d'une petite ville non guere esloignee de Thebes, ou, non seulement luy, mais toute l'armee se treuva en extreme disette de vivres: ce qu'ayant entendu les habitans de la petite ville, qui par bonne rencontre estoyent fidelles de Jesus Christ, et par consequent amis et secourables au prochain, ilz prouveurent soudain a la necessité des soldatz, mais avec tant de [130] soin, de courtoisie et d'amour, que Pachome en fut tout ravi d'admiration; et demandant quelle nation estoit celle-la, si bonteuse, amiable et gracieuse, on luy dit que c'estoyent des Chrestiens; et s'enquerant derechef quelle loy et maniere de vivre estoit la leur, il apprit qu'ilz croyoient en Jesus Christ, Filz unique de Dieu, et faisoyent bien a toutes sortes de personnes, avec ferme esperance d'en recevoir de Dieu mesme une ample recompence.

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000448 

 O discours humains, o sciences acquises, je suis brune, car je suis entre les obscurités des simples revelations, qui sont sans aucune evidence apparente, et me font paroistre noyre, me rendant presque mes-connoissable; mais je suis pourtant belle en moy mesme a cause de mon infinie certitude, et si les yeux des mortelz me pouvoient voir telle que je suis par nature, ilz me treuveroyent toute belle.

  A004000449 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres, entre les docteurs; mais la resolution et l'acquiescement se fait au Sanctuaire, ou le Saint Esprit, qui anime le cors de l'Eglise, parle par les bouches des chefz d'icelle, selon que Nostre Seigneur l'a promis.

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000454 

 Eliezer cherchoit une espouse pour le fïlz de son maistre Abraham: que sçavoit-il s'il la treuveroit belle et gracieuse comme il la desiroit? Mays quand il l'eut treuvee a la fontaine, qu'il la vid si excellente en beauté et si parfaite en douceur, mais sur tout quand on la luy eut accordee, il en adora Dieu et le benit, avec des actions de graces pleynes de joye nompareille.

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000474 

 Et cet accoisement est la racine de la tressainte vertu que nous appelions esperance, car la volonté, asseuree par la foy qu'elle pourra jouir de son souverain bien usant des moyens a ce destinés, elle fait deux grans actes de vertu: par l'un, elle attend de Dieu la jouissance de sa souveraine bonté, et par l'autre, elle aspire a cette sainte jouissance..

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous jouissons, mais d'une reciproque et mutuellement esgale jouissance, comme nous faysons de nos amis; car l'amour que nous leur portons entant qu'ilz nous rendent du contentement, est voirement amour de convoitise, mais convoitise honneste par laquelle ilz sont a nous et nous egalement a eux, ilz nous appartiennent, et nous pareillement leur appartenons.

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous nous servons en les employant, comme sont nos esclaves, nos serviteurs, nos chevaux, nos habitz; et l'amour que nous leur [144] portons est un amour de pure convoitise, car nous ne les aymons pas que pour nostre prouffit.

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000496 

 Nous pouvons donq bien dire, mon cher Theotime, que la pœnitence est une vertu toute chrestienne, puisque d'un costé elle a esté si peu conneüe entre les payens, et de l'autre elle est tellement reconneüe parmi les vrays Chrestiens qu'en icelle consiste une grande partie de la philosophie evangelique, selon laquelle quicomque dit qu'il ne peche point est insensé, et quicomque croid de remedier a son peché sans pœnitence, il est forcené; car c'est l'exhortation des exhortations de Nostre Seigneur: Faites penitence.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000505 

 Le commencement des choses bonnes est bon, le progres est meilleur, et la fin est tres bonne: toutefois, le commencement est bon en qualité de commencement, et le progres en qualité de progres; mays de vouloir finir l'œuvre par le commencement, ou au progres, c'est renverser l'ordre.

  A004000506 

 Conclusion: la repentance qui forclost l'amour de Dieu est infernale, pareille a celle des damnés; la repentance qui ne rejette pas l'amour de Dieu, quoy qu'elle soit encor sans iceluy, est une bonne et desirable repentance, mais imparfaite, et qui ne peut nous donner le salut jusques a ce qu'elle ayt atteint a l'amour et qu'elle se soit meslee avec iceluy: si que, comme le grand Apostre a dit que s'il donnoit son cors a brusler et tous ses biens aux pauvres, sans avoir la charité, cela luy seroit inutile, aussi pouvons-nous dire en verité, que quand nostre penitence seroit si grande que sa douleur fist fondre nos yeux en larmes et fendre nos cœurs de regret, si nous n'avons pas le saint amour de Dieu tout cela ne nous serviroit de rien pour la vie eternelle..

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000514 

 L'amour imparfait le desire et le requiert, la pœnitence le cherche et le treuve, l'amour parfait le tient et le serre: ainsy qu'on dit des rubis d'Ethiopie, qui ont naturellement leur feu fort blafastre, mais estans mis dans le vinaigre, il esclatte et jette son brillement fort clair; car l'amour qui precede le repentir est pour l'ordinaire [155] imparfait, mais estant detrempé dans l'aigreur de la pœnitence, il se renforce et devient amour excellent..

  A004000516 

 Si donques la penitence, selon l'Escriture, efface le peché, sauve l'ame, la rend aggreable a Dieu et la justifie, qui sont des effectz appartenans a l'amour et qui semblent ne devoir estre attribués qu'a luy, il ne le faut pas treuver estrange; car bien que l'amour ne se treuve pas tous-jours luy mesme en la pœnitence parfaitte, sa vertu neanmoins et sa proprieté y est tous-jours, s'y estant escoulee par le motif amoureux duquel elle provient..

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Comme s'il eut voulu dire: Je ne suis plus dans l'obscurité de la nuit d'infidelité, des-ja les rayons de vostre foy esclairent sur l'orison de mon ame, mais neanmoins je ne croy pas encor convenablement, c'est une connoissance encor toute foyble et meslee de tenebres; helas, Seigneur, secoures moy.

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000526 

 Que si nous ne la repoussons pas, elle vient avec nous et nous environne, pour nous inciter et pousser tous-jours plus avant; et si nous ne l'abandonnons, elle ne nous abandonne point qu'elle ne nous ayt rendus au port de la tressainte charité, faysant pour nous les troys offices que le grand ange Raphaël fit pour son cher Tobie: car elle nous guide en tout nostre voyage de la sainte pœnitence, elle nous garentit des perilz et des assautz du diable, et nous console, anime et fortifie en nos difficultés..

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Nous vivons entre les hazards des batailles que nos ennemis nous livrent; si nous ne resistons, nous perissons, et nous ne pouvons resister sans surmonter, ni surmonter sans victoire: car, comme dit le glorieux saint Bernard, «il est escrit tres specialement de l'homme, que jamais il n'est en un mesme estat:» il faut ou qu'il avance, ou qu'il retourne en arriere.

  A004000543 

 L'esprit de Dieu peut eslever le nostre et l'appliquer a toutes les actions surnaturelles qu'il luy plait, tandis qu'elles ne sont pas infinies: d'autant qu'entre les choses petites et les grandes, pour excessives qu'elles soyent, il y a tous-jours quelque sorte de proportion, pourveu que l'exces des excessives ne soit pas infini; mais entre le fini et l'infini il n'y a nulle proportion, et pour y en mettre, il faudroit, ou relever le fini et le rendre infini, ou ravaler l'infini et le rendre fini, ce qui ne peut estre.

  A004000543 

 La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable.

  A004000550 

 Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy..

  A004000551 

 Par quoy, tout ainsy que les perles prennent non seulement leur naissance mais aussi leur aliment de la rosee, les meres perles ouvrant pour cet effect leurs escailles du costé du ciel, comme pour mendier les gouttes que la fraischeur de l'air fait escouler a l'aube du jour, de mesme, ayans receu la foy, l'esperance et la charité, de la Bonté celeste, nous devons tous-jours retourner nos cœurs et les tenir tendus de ce costé-la, pour en impetrer la continuation et l'accroissement des mesmes vertus.

  A004000552 

 Ainsy se prattique l'exhortation du Sauveur: Amassés des thresors au Ciel; comme s'il disoit: Adjoustés tous-jours des nouvelles bonnes œuvres aux precedentes, car ce sont les pieces desquelles vos thresors doivent estre composés: le jeusne, l'orayson, l'aumosne.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Au commerce des vertus morales, les petites œuvres ne donnent point d'accroissement a la vertu de laquelle elles procedent, ains si elles sont bien petites elles l'affoiblissent; car une grande liberalité perit quand elle s'amuse a donner des choses de peu, et de liberalité elle devient chicheté: mais au traffiq des vertus qui viennent de la misericorde divine, et sur tout de la charité, toutes œuvres donnent accroissement.

  A004000555 

 Or, ce n'est pas merveille si l'amour sacré, comme roy des vertus, n'a rien, ou petit ou grand, qui ne soit aymable, puisque le baume, prince des arbres aromatiques, n'a ni escorce ni feuille qui ne soit odorante: et que pourroit produire l'amour, qui ne fust digne d'amour et ne tendist a l'amour? [173].

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000564 

 Ainsy saint Anthoine et saint Simeon Stylite estoyent en la grace et charité de Dieu quand ilz firent dessein d'une vie si relevee, comme aussi la bienheureuse Mere Therese quand elle fit le vœu d'obeissance speciale, saint François et saint Louys quand ilz entreprirent le voyage d'outremer pour la gloire de Dieu, le bienheureux François Xavier quand il consacra sa vie a la conversion des Indois, saint Charles quand il s'exposa au service des pestiferés, saint Paulin quand il se vendit pour racheter l'enfant de la pauvre vefve; jamais pourtant ilz n'eussent fait des coups si hardis et genereux, si a la charité qu'ilz avoient en leurs cœurs Dieu n'eust adjousté des inspirations, semonces, lumieres et forces speciales, par lesquelles il les animoit et poussoit a ces exploitz extraordinaires de la vaillance spirituelle..

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000565 

 Pour ces grandes œuvres, Theotime, nous avons besoin non seulement d'estre inspirés, mays aussi d'estre fortifiés, affin d'effectuer ce que l'inspiration requiert de nous; comme encor es grans assautz des tentations extraordinaires, une speciale et particuliere presence du secours celeste nous est tout a fait necessaire.

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000569 

 Et des ennemis de ma vie,.

  A004000590 

 En cette conduite que la douceur de Dieu fait de nos ames des leur introduction a la charité jusques a la finale perfection d'icelle, qui ne se fait qu'a l'heure de la mort, consiste le grand don de la perseverance, auquel Nostre Seigneur attache le tres grand don de la gloire eternelle, selon qu'il a dit: Qui perseverera jusques a la fin, il sera sauvé.

  A004000591 

 En plusieurs, au contraire, la perseverance est plus longue, comme en sainte Anne la prophetesse, en saint Jean l'Evangeliste, saint Paul premier hermite, saint Hilarion, saint Romuald, saint François de Paule: et ceux-ci ont eu besoin de mille sortes de diverses assistances, selon la varieté des adventures de leur pelerinage et de la duree d'iceluy..

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000604 

 Et alhors, cher Theotime, cette ame toute ravie d'amour pour son Bienaymé, se representant la multitude des faveurs et secours dont il l'a prevenue et assistee tandis qu'elle estoit en son pelerinage, elle bayse incessamment cette douce main secourable qui l'a conduite, tiree et portee en chemin, et confesse que c'est de ce divin Sauveur qu'elle tient tout son bonheur, puisqu'il a fait pour elle tout ce que le grand patriarche Jacob souhaittoit pour son voyage, lhors qu'il eut veu l'eschelle du ciel.

  A004000604 

 Hé, que reste-il, Seigneur, sinon que je proteste que vous estes mon Dieu es siecles des siecles! Amen..

  A004000609 

 Tel donq est l'ordre de nostre acheminement a la vie eternelle, pour l'execution duquel la divine Providence [184] establit des l'eternité la multitude, distinction et entresuite des graces necessaires a cela, avec la dependance qu'elles ont les unes des autres..

  A004000610 

 Il voulut premierement, d'une vraye volonté, qu'encor apres le peché d'Adam tous les hommes fussent sauvés; mays en une façon et par des moyens convenables a la condition de leur nature, douee de franc arbitre; c'est a dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prepareroit, offriroit et departiroit a cette intention.

  A004000611 

 Car la divine Bonté donne la gloire en suite des merites, les merites en suite de la charité, la charité en suite de la penitence, la penitence en suite de l'obeissance a la vocation, l'obeissance a la vocation en suite de la vocation, et la vocation en suite de la redemption du Sauveur; sur laquelle est appuyee toute cette eschelle mystique du grand Jacob, tant du costé du Ciel, puisqu'elle aboutit au sein amoureux de ce Pere eternel, dans lequel il reçoit les esleuz en les glorifiant, comme aussi du costé de la terre, puisqu'elle est plantee sur le sein et le flanc percé du Sauveur, mort pour cette occasion sur le mont de Calvaire.

  A004000611 

 Nous pouvons donq rendre rayson de l'ordre des effectz de la providence qui regarde nostre salut, en descendant du premier jusques au dernier, c'est a dire depuis le fruit qui est la gloire, jusques a la racine de ce bel arbre qui est la redemption du Sauveur.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000613 

 Que si ayans esté entés nous demeurons en luy, nous porterons sans doute, par la vie de la grace qu'il nous communiquera, le fruit de la gloire qui nous est preparé; que si nous sommes comme jettons et greffes rompus sur cet arbre, c'est a dire, que par nostre resistance nous rompions le progres et l'entresuite des effectz de sa debonnaireté, ce ne sera pas merveille si en fin on nous retranche du tout, et qu'on nous mette dans le feu eternel, comme branches inutiles..

  A004000620 

 Elle le treuve donq, ce Bienaymé, car il luy fait sentir sa presence par mille consolations; elle le tient, car ce sentiment produit [187] des fortes affections par lesquelles elle le serre et l'embrasse; elle proteste de ne le quitter jamais, oh non, car ces affections passent en resolutions eternelles; et toutefois, elle ne pense pas le bayser du bayser nuptial jusques a ce qu'elle soit avec luy en la mayson de sa mere, qui est la Hierusalem celeste, comme dit saint Paul.

  A004000621 

 Cette parfaitte conjonction de l'ame a Dieu ne se fera donq point qu'au Ciel, ou, comme dit l'Apocalipse, se fera le festin des noces de l'Aigneau.

  A004000622 

 Il est vray, Theotime, qu'en attendant ce grand bayser d'indissoluble union, que nous recevrons de l'Espoux la haut en la gloire, il nous en donne quelques uns par mille ressentimens de son aggreable presence; car si l'ame n'estoit pas baysee, elle ne seroit pas tiree, ni ne courroit pas a l'odeur des parfums du Bienaymé.

  A004000622 

 Pour cela, selon la naifveté du texte hebrieu et [188] selon la traduction des septantes interpretes, elle souhaitte plusieurs baysers: Qu'il me bayse, dit-elle, des baysers de sa bouche! Mais d'autant que ces menus baysers de la vie presente se rapportent tous au bayser eternel de la vie future, comme essays, preparatifs et gages d'iceluy, la sacree vulgaire Edition a saintement reduit les baysers de la grace a celuy de la gloire, exprimant le souhait de l'amante celeste en cette sorte: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! comme si elle disoit: Entre tous les baysers, entre toutes les faveurs que l'Ami de mon cœur, ou le cœur de mon ame m'a preparés, hé, je ne souspire ni n'aspire qu'a ce grand et solemnel bayser nuptial qui doit durer eternellement, et en comparayson duquel les autres baysers ne meritent pas le nom de bayser, puisqu'ilz sont plustost signes de l'union future entre mon Bienaymé et moy, qu'ilz ne sont pas l'union mesme..

  A004000626 

 Or, non seulement chacun en particulier aura plus d'amour au Ciel qu'il n'en eut jamais en terre, mays l'exercice de la moindre charité qui soit en la vie celeste sera de beaucoup plus heureux et excellent, a parler generalement, que celuy de la plus grande charité qui soit, ou ayt esté, ou qui sera en cette vie caduque, car la haut tous les Saintz prattiquent leur amour incessamment, sans remise quelconque, tandis qu'ici bas les plus grans serviteurs de Dieu, tirés et tirannisés des necessités de cette vie mourante, sont contrains de souffrir mille et mille distractions qui les ostent souvent de l'exercice du saint amour..

  A004000627 

 Au Ciel, Theotime, l'attention amoureuse des Bienheureux est ferme, constante, inviolable, qui ne peut ni perir ni diminuer; leur intention est tous-jours pure, exempte du meslange de toute autre intention inferieure: en somme, ce bonheur de voir Dieu clairement et de l'aymer invariablement est incomparable.

  A004000628 

 Certes, il n'y a pas de l'apparence que la charité du grand saint Jean, des Apostres et hommes apostoliques n'ait esté plus grande, tandis mesme qu'ilz vivoyent ici bas, que celle des petitz enfans, qui mourans en la seule grace baptismale, jouissent de la gloire immortelle..

  A004000628 

 Il y a donq plus de contentement, de suavité et de perfection, en l'exercice de l'amour sacré parmi les habitans du Ciel, qu'en celuy des pelerins de cette miserable terre; mais il y a bien eu pourtant des gens si heureux en leur pelerinage, que leur charité y a esté plus grande que celle de plusieurs Saintz des-ja jouissans de la Patrie eternelle.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire que les bergers soyent plus vaillans que les soldatz; et toutefois David, petit berger, [190] venant en l'armee d'Israël, treuva que tous estoyent plus habiles aux exercices des armes que luy, qui neanmoins se treuva plus vaillant que tous.

  A004000633 

 De cette Reyne celeste, je prononce de tout mon cœur cette amoureuse mais veritable pensee: qu'au moins sur la fin de ses jours mortelz sa charité surpassa celle des Seraphins; car si plusieurs filles ont assemblé des richesses, celle cy les a toutes surpassees.

  A004000633 

 La virginité de son cœur et de son cors fut plus digne et plus honnorable que celle des Anges; c'est pourquoy son esprit, non divisé ni partagé, comme saint Paul parle, estoit t out occupé a penser aux choses divines, comme elle plairoit a son Dieu.

  A004000633 

 Mais en tout et par tout, quand je fay des comparaysons, je n'entens point parler de la tressainte Vierge Mere, Nostre Dame.

  A004000636 

 Et puis, mon cher Theotime, ne saves vous pas que les songes mauvais procurés volontairement par les pensees depravees du jour, tiennent en quelque sorte lieu de peché, parce que ce sont comme des dependances et executions de la malice precedente? Ainsy, certes, les songes provenans des saintes affections de la veille sont estimés vertueux et sacrés.

  A004000636 

 Mais si jamais elle songea, comme l'ancien Joseph, a sa grandeur future, quand au ciel elle seroit revestue du soleil, couronnee d'estoiles, et la lune a ses pieds, c'est a dire toute environnee de la gloire de son Filz, couronnee de celle des Saintz, et l'univers sous elle; ou que, comme Jacob, elle vid le progres et les fruitz de la Redemption faite par son Filz en faveur des Anges et des hommes, Theotime, qui pourroit jamais s'imaginer l'immensité de si grandes delices? Que de colloques avec son cher Enfant, que de suavités de toutes pars!.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000637 

 Mais combien donq y a-il plus d'apparence que la Mere du vray Salomon ait eu l'usage de rayson en son sommeil, c'est a dire, comme Salomon mesme la fait parler, que son cœur ait veillé tandis qu'elle dormoit? Certes, que saint Jean eust l'exercice de son esprit dans le [194] ventre mesme de sa mere, ce fut une bien plus grande merveille: et pourquoy donques en refuserions nous une moindre a celle pour laquelle et a laquelle Dieu a fait plus de faveurs qu'il ne fit ni fera jamais pour tout le reste des creatures?.

  A004000638 

 Et les flammes sacrees de la Vierge ne pouvant ni perir, ni diminuer, ni demeurer en mesme estat, ne cesserent jamais de prendre des accroissemens incroyables jusques au Ciel, lieu de leur origine; tant il est vray que cette Mere est la Mere de belle dilection, c'est a dire, la plus aymable comme la plus amante, et la plus amante comme la plus aymee Mere de cet unique Filz, qui est aussi le plus aymable, le plus amant et le plus aymé Filz de cette unique Mere..

  A004000643 

 A mesure que nos sens rencontrent des objetz aggreables et excellens, ilz s'appliquent plus ardemment et avidement a la jouissance d'iceux: plus les choses sont belles, aggreables a la veüe et deüement esclairees, plus [195] l'œil les regarde avidement et vivement; et plus la voix ou musique est douce et souefve, plus elle attire l'attention de l'oreille.

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000645 

 Ah! dit saint Hierosme a son Paulin, «le docte Platon ne sceut onques ceci, l'eloquent Demosthenes l'a ignoré.» O que vos paroles, dit ce grand Roy, sont douces, Seigneur, a mon palais, plus douces que le miel a ma bouche! Nostre cœur n'est oit-il pas tout ardent, tandis qu'il nous parloit en chemin? disent ces heureux pelerins d'Emaüs, parlant des flammes amoureuses dont ilz estoyent touchés par la parole de la foy..

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen.

  A004000646 

 Ah, que belles et amiables sont les verités que la foy nous revele par l'ouïe! mais quand, arrivés en la celeste Hierusalem, nous verrons le grand Salomon, Roy de gloire, assis sur le trosne de sa sapience, manifestant avec une clarté incomprehensible les merveilles et secretz eternelz de sa verité souveraine, avec tant de lumiere que nostre entendement verra en presence ce qu'il avoit creu ici bas, oh alhors, trescher Theotime, quelz ravissemens! quelles extases! quelles admirations! quelles amours! quelles douceurs! Non jamais, dirons-nous en cet exces de suavité, non jamais nous n'eussions sceu penser de voir des verités si delectables.

  A004000646 

 Nous avons voirement creu tout ce qu'on nous avoit annoncé de ta gloire, o grande cité de Dieu, mays nous ne pouvions pas concevoir la grandeur infinie des abismes de tes delices..

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000659 

 Bonheur infini, Theotime, et lequel ne nous a pas seulement esté promis, mais nous en avons des arres au tressaint Sacrement de l'Eucharistie, festin perpetuel de la grace divine; car en iceluy nous recevons le sang du Sauveur en sa chair et sa chair en son sang, son sang nous estant appliqué par sa chair, sa substance par sa substance, a nostre propre bouche corporelle, affin que nous sachions qu'ainsy nous appliquera-il son essence divine au festin eternel de la gloire.

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000664 

 Car, comme se pourroit il faire que ce divin Filz fust la vraye, vrayement vive et vrayement naturelle image, semblance et figure de l'infinie beauté et substance du Pere, si elle ne representoit infiniment au vif et au naturel les infinies perfections du Pere? et comme pourroit elle representer infiniment des perfections infinies, si elle mesme n'estoit infiniment parfaite? et comme pourroit elle estre infiniment parfaite, si elle n'estoit Dieu? et comme pourroit elle estre Dieu, si elle n'estoit un mesme Dieu avec le Pere?.

  A004000665 

 Ce Filz donq, infinie image et figure de son Pere infini, est un seul Dieu tres unique et tres infini avec son Pere, sans qu'il y ait aucune difference de substance entre eux, ains seulement la distinction des Personnes; laquelle distinction de Personnes, comme elle est totalement requise, aussi est-elle tres suffisante pour faire que le Pere prononce, et que le Filz soit la Parole prononcee, que le Pere die, et que le Filz soit le Verbe ou la diction, que le Pere exprime, et que le Filz soit l'image, semblance et figure exprimee, et qu'en somme, le Pere soit Pere, et le Filz soit Filz, deux Personnes distinctes, mays une seule essence et Divinité.

  A004000665 

 O Theotime, Theotime, quelle joye, quelle allegresse, de celebrer cette eternelle naissance qui se fait en la splendeur des Saintz, de la celebrer, dis-je, en la voyant, et de la voir en la celebrant!.

  A004000669 

 vision, Theotime, qui combla tellement le cœur amiable du petit Bernard, d'ayse, de jubilation et de delices spirituelles, qu'il en eut toute sa vie des ressentimens extremes; et partant, combien que depuis, comme une abeille sacree, il recueillit tous-jours de tous les divins mysteres le miel de mille douces et divines consolations, si est-ce que la solemnité de Noël luy apportoit une particuliere suavité, et parloit avec un goust nompareil de cette nativité de son Maistre.

  A004000676 

 Or sus, Theotime, le roy David, descrivant la suavité de l'amitié des serviteurs de Dieu, s'escrie:.

  A004000693 

 L'entendement creé verra donq l'essence divine sans aucune entremise d'espece ou representation, mais il ne la verra pas neanmoins sans quelqu'excellente lumiere qui le dispose, esleve et renforce pour faire une veüe si haute et d'un object si sublime et esclattant; car, comme la chouette a bien la veüe asses forte pour voir la sombre lumiere de la nuict sereine, mais non pas toutefois pour voir la clarté du midi, qui est trop brillante pour estre receüe par des yeux si troubles et imbecilles, ainsy nostre entendement, qui a bien asses de force pour considerer les verités naturelles par son discours, et mesme les choses surnaturelles de la grace par la lumiere de la foy, ne sauroit pas neanmoins, ni par la lumiere de la nature ni par la lumiere de la foy, atteindre jusques a la veüe de la substance divine en elle mesme.

  A004000704 

 Or, ce sera cette lumiere de gloire, Theotime qui donnera la mesure a la veüe et contemplation des Bien-heureux; et selon que nous aurons plus ou moins de cette sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins clairement, et par consequent plus ou moins heureusement, la tressainte Divinité, qui, regardee diversement, nous rendra de mesme differemment glorieux.

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000706 

 Ainsy les poissons jouissent de la grandeur incroyable de l'ocean, et jamais pourtant aucun poisson, ni mesme toute la multitude des poissons, ne vid toutes les plages ni ne trempa ses escailles en toutes les eaux de la mer; et les oyseaux s'esgayent a leur gré dans la vasteté de l'air, mais jamais aucun oyseau, ni mesme toute la race des oyseaux ensemble, n'a battu des aysles toutes les contrees de l'air et n'est jamais parvenu a la supreme region d'iceluy.

  A004000715 

 Helas, o Theotime, qui sera donq asseuré de conserver l'amour sacré en cette navigation de la vie mortelle, puisqu'en la terre et au Ciel tant de personnes d'incomparable dignité ont fait des si cruelz naufrages!.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000717 

 Mon cher Theotime, les cieux mesmes s'esbahissent, leurs portes se froissent de frayeur, et les Anges de paix demeurent esperdus d'estonnement sur cette prodigieuse misere du cœur humain, qui abandonne un bien tant aymable pour s'attacher a des choses si deplorables.

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000720 

 Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie.

  A004000724 

 Ainsy la charité est quelquefois tellement alangourie et [218] abbatue dans le cœur qu'elle ne paroist presque plus en aucun exercice, et neanmoins elle ne laisse pas d'estre entiere en la supreme region de l'ame; et c'est lhors que, sous la multitude des pechés venielz, comme sous des cendres, le feu du saint amour demeure couvert et sa lueur estouffee, quoy que non pas amorti ni esteint.

  A004000725 

 Certes, la concupiscence ayant conceu, elle engendre le peché; mais ce peché, quoy que peché, n'engendre pas tous-jours la mort de l'ame, ains seulement lhors qu'il a une malice entiere et qu'il est consommé et accompli, comme dit saint Jacques: qui en cela establit si clairement la difference entre le peché veniel et le peché mortel, que je ne sçay comme il s'est treuvé des gens en nostre siecle qui ayent eu la hardiesse de le nier..

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000727 

 Donne-moi des enfans, disoit celle ci a son mari, autrement je mourray: et la charité presse le cœur auquel elle est mariee de la feconder en bonnes œuvres, autrement elle perira..

  A004000728 

 Ce qui arrive d'autant plus aysement, que par le peché veniel l'ame se dispose au mortel; car, comme cet ancien ayant continué a porter tous les jours un mesme veau, le porta en fin encor qu'il fut devenu un gros bœuf, la coustume ayant petit a petit rendu insensible a ses forces l'accroissement d'un si lourd fardeau, ainsy celuy qui s'affectionne a joüer des testons joüeroit en fin des escus, des pistoles, des chevaux, et apres ses chevaux toute sa chevance; qui lasche la.

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000734 

 Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent..

  A004000734 

 On void que les pigeons touchés de vanité se pavonnent quelquefois en l'air et font des esplanades ça et la, se mirant en la varieté de leur pennage, et lhors les tierceletz et faucons qui les espient viennent fondre sur eux et les attrappent, ce qu'ilz ne feroient jamais si les pigeons voloient leur droit vol, d'autant qu'ilz ont l'aisle plus roide que les oyseaux de proye.

  A004000735 

 Et ce que la tentation nous presente pour amorce est tous-jours de cette sorte; car, comme enseignent [223] les saintes Lettres, ou c'est un bien honnorable selon le monde pour nous provoquer a l' orgueil de la vie mondaine, ou un bien delectable aux sens pour nous porter a la convoitise charnelle, ou un bien utile a nous enrichir pour nous inciter a la convoitise et avarice des yeux.

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000736 

 Tel fut le progres de sedition que le desloyal Absalon excita contre son bon pere David; car il mit en avant des propositions bonnes en apparence, lesquelles estant une fois receües par les pauvres Israëlites desquelz la prudence estoit endormie et engourdie, il les sollicita tellement qu'il les reduisit a une entiere rebellion: de sorte que David fut contraint de sortir tout espleuré de Hierusalem avec tous ses plus fideles amis, ne laissant en la ville de gens de marque, sinon Sadoc et Abiathar, prestres de l'Eternel, avec leurs enfans; or Sadoc estoit voyant, c'est a dire prophete.

  A004000737 

 Helas, Theotime, quel pitoyable spectacle aux Anges de paix, de voir ainsy sortir le Saint Esprit et son amour de nos ames pecheresses! hé, je croy certes, que s'ilz pouvoyent alhors pleurer, ilz verseroyent des larmes infinies, et d'une voix lugubre lamentans nostre malheur, ilz chanteroyent le triste cantique que Hieremie entonna, quand, assis sur le sueil du Temple desolé, il contempla la ruine de Hierusalem au temps de Sedecie:.

  A004000745 

 Ouy, Theotime, car en ce mespris de Dieu consiste le peché mortel, et un seul peché mortel bannit la charité de l'ame, d'autant qu'il rompt le lien et l'union d'icelle avec Dieu, qui est l'obeissance et sousmission a sa volonté; et comme le cœur humain ne peut estre vivant et divisé, aussi la charité, qui est le cœur de l'ame et l'ame du cœur, ne peut jamais estre blessee qu'elle ne soit tuee: ainsy qu'on dit des perles, qui conceües de la rosee celeste perissent si une seule goutte de l'eau marine entre dedans leur escaille.

  A004000747 

 En quov elle ressemble au chef d'œuvre de Phidias, tant celebré par les anciens: car on dit que ce grand sculpteur fit en Athenes une statue de Minerve, toute d'ivoire, haute de vingt six coudees; et au bouclier d'icelle, auquel il avoit relevé les batailles des amazones et des geans, il grava avec tant d'art son visage de luy mesme, qu'on ne pouvoit oster un seul brin de son image, dit Aristote, que «toute la statue ne tombast desfaite:» si que cette besoigne ayant esté perfectionnee par assemblage de piece a piece, en un moment neanmoins elle perissoit si on eust osté une seule petite partie de la semblance de l'ouvrier.

  A004000747 

 Il est vray que la charité s'agrandit par accroissement de degré a degré et de perfection a perfection, selon [226] que par nos oeuvres ou la reception des Sacremens nous luy faisons place; mais, toutefois, elle ne diminue pas par amoindrissement de sa perfection, car jamais on n'en perd un seul brin qu'on ne la perde toute.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000753 

 Mays les uns esveillés se levent, et gaignans païs allerent heureusement au giste; les autres, non seulement ne se levent pas, mais tournans le dos au soleil et enfonçans leurs chapeaux sur leurs yeux, passerent la leur journee a dormir, jusques a ce que, surpris de la nuit et voulans neanmoins aller au logis, ilz s'esgarent qui ça qui la dans une forest, a la merci des loups, sangliers et autres bestes sauvages.

  A004000753 

 Plusieurs voyagers, environ l'heure de midi un jour d'esté, se mirent a dormir a l'ombre d'un arbre; mays tandis que leur lassitude et la fraicheur de l'ombrage les tient en sommeil, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux sa plus forte lumiere, laquelle par l'eclat de sa clarté faisoit des transparences, comme par des petitz esclairs, autour de la prunelle des yeux de ces dormans, et par la chaleur qui perçoit leurs paupieres les força d'une douce violence de s'esveiller.

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Ainsy les Japonois se plaignans au bienheureux François Xavier [230] leur Apostre, dequoy Dieu, qui avoit eu tant de soin des autres nations, sembloit avoir oublié leurs predecesseurs, ne leur ayant point fait avoir sa connoissance, par le manquement de laquelle ilz auroyent esté perdus, l'homme de Dieu leur respondit que la divine loy naturelle estoit plantee en l'esprit de tous les mortelz, laquelle si leurs devanciers eussent observee, la celeste lumiere les eust sans doute esclairés; comme au contraire, l'ayant violee, ilz meriterent d'estre damnés.

  A004000756 

 Responce apostolique d'un homme apostolique, et toute pareille a la rayson que le grand Apostre rend de la perte des anciens Gentilz, qu'il dit estre inexcusables, d'autant qu' ayans conneu le bien ilz suivirent le mal; car c'est en un mot ce qu'il inculque au premier chapitre de l'Epistre aux Romains.

  A004000760 

 L'amour des hommes envers Dieu tient son origine, son progres et sa perfection de l'amour eternel de Dieu envers les hommes: c'est le sentiment universel de l'Eglise nostre Mere, laquelle, avec une ardente jalousie, veut que nous reconnoissions nostre salut et les moyens pour y parvenir de la seule misericorde du Sauveur, affîn qu'en la terre comme au Ciel a luy seul soit honneur et gloire.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000765 

 Et quant a celle qui a conceu la perle et qui est restee engrossee de la rosee, elle n'a rien en cela qu'elle ne tienne du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle elle a receu la rosee; car sans le ressentiment des rayons de l'aurore, qui l'ont doucement excitee, elle ne fust pas venue en la surface de la mer ni n'eust pas ouvert son escaille.

  A004000770 

 Mais sur tout nous sommes bigearres en ce qui regarde la Providence divine touchant la diversité des moyens qu'elle nous distribue pour nous tirer a son saint amour, et par son saint amour a la gloire.

  A004000771 

 Et bien que le tressaint Esprit, parlant en l'Escriture Sainte, rende rayson en plusieurs endroitz de presque tout ce que nous sçaurions desirer, touchant ce que sa Providence fait en la conduite des hommes au saint amour et au salut eternel, si est-ce neanmoins qu'en plusieurs occasions il declare qu'il ne faut nullement se departir du respect qui est deu a sa volonté, de laquelle nous devons adorer le propos, le decret, le bon playsir et l'arrest; au bout duquel, comme souverain Juge et souverainement equitable, il n'est pas raysonnable qu'elle manifeste ses motifs, ains suffit qu'elle die simplement: et pour cause.

  A004000771 

 Que si nous devons charitablement porter tant d'honneur aux decretz des cours souveraines composees de juges corruptibles de la terre et de terre, que de croire qu'ilz n'ont pas esté faitz sans motifs, quoy que nous ne les sachions pas, hé, Seigneur Dieu, avec quelle reverence amoureuse devons-nous adorer l'equité de vostre providence supreme, laquelle est infinie en justice et bonté!.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000774 

 Nous voyons quelquefois des enfans jumeaux, dont l'un naist plein de vie et reçoit le Baptesme, l'autre en naissant perd la vie temporelle avant que de renaistre a l'eternelle; l'un, par consequent, est heritier du Ciel, l'autre privé de l'heritage.

  A004000774 

 Or, pourquoy la divine Providence donne-elle des evenemens si divers a une si pareille naissance? Certes, on peut dire que la Providence de Dieu ne viole pas ordinairement les lois de la nature; si que l'un de ces bessons estant vigoureux, et l'autre estant trop foible pour supporter l'effort de la sortie du ventre maternel, celuy ci est mort avant que de pouvoir estre baptizé, et l'autre a vescu; la Providence n'ayant pas voulu empescher le cours des causes naturelles, lesquelles en cette occurrence auront esté la rayson de la privation du Baptesme en celuy qui ne l'a pas eu.

  A004000774 

 «Alhors,» dit saint Augustin, «ce ne sera plus chose secrette pourquoy l'un plustost que l'autre est eslevé, la cause estant esgale de l'un et de l'autre; ni pourquoy des miracles n'ont pas esté faitz parmi ceux entre lesquelz s'ilz eussent esté faitz ilz eussent fait penitence, et ont esté faitz parmi ceux qui n'estoyent pas pour croire.» Et ailleurs, ce mesme Saint, parlant des pecheurs dont Dieu laisse l'un en son iniquité et en releve l'autre: «Or, pourquoy il retient l'un,» dit-il, «et ne retient pas l'autre, il n'est pas possible de le comprendre ni loysible de s'en enquerir, puisqu'il suffit de savoir qu'il depend de luy qu'on demeure debout, et ne vient pas de luy qu'on tumbe;» et derechef: «Cela est caché et tres esloigné de l'esprit humain, au moins du mien.».

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000780 

 On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains..

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000784 

 Ne permettons jamais a nos espritz de voleter par curiosité autour des jugemens divins, car comme petitz papillons nous y bruslerons nos aisles et perirons en ce feu sacré.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000789 

 Ainsy la charité, par la multitude des actes qu'elle produit, imprime en nous une certaine facilité d'aymer, laquelle elle nous laisse apres mesme que nous sommes privés de sa presence..

  A004000789 

 Apres avoir fait une longue habitude de prescher ou dire la Messe par election, il nous arrive maintefois en songe de parler et dire les mesmes choses que nous dirions en preschant ou celebrant: si que la coustume et habitude acquise par election et vertu, est en quelque sorte prattiquee par apres sans election et sans vertu, puisque les actions faites en dormant n'ont de la vertu, a parler generalement, qu'une apparente image, et en sont seulement des simulacres et representations.

  A004000790 

 Et de fait, il y avoit beaucoup a dire entre nos voix et celles-la: car quand nous disions une grande suite de motz elles n'en redisoyent que quelques uns, accourcissovent la prononciation des syllabes, qu'elles passoyent fort vistement et avec des tons et accens tout differens des nostres; et si, elles ne commençoyent a former ces motz qu'apres que nous les avions achevés de prononcer: en somme, ce n'estoyent [246] point des paroles d'un homme vivant, mais, par maniere de dire, des paroles d'un rocher creux et vain, lesquelles toutefois representoyent si bien la voix humaine de laquelle elles avoyent pris leur origine, qu'un ignorant s'y fust amusé et mespris..

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000791 

 Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature.

  A004000795 

 Helas, mon Theotime, voyés, je vous prie, le pauvre Judas apres qu'il eut trahi son Maistre, comme il va rapporter l'argent aux Juifz, comme il reconnoist son peché, comme il parle honnorablement du sang de cet Aigneau immaculé: c'estoyent des effectz de l'amour imparfait que la precedente charité passee luy avoit laissé dans le cœur.

  A004000795 

 Les parfumiers, quoy qu'ilz ne soyent plus en leurs boutiques, portent long tems l'odeur des parfums qu'ilz ont maniés; ainsy ceux qui ont esté es cabinetz des onguens celestes, c'est a dire en la tressainte charité, ilz en gardent encor quelque tems apres la senteur..

  A004000797 

 Nous avons veu des jeunes gens bien nourris en l'amour de Dieu, qui se detraquans, ont demeuré quelque tems au milieu de leur malheureuse decadence qu'on ne laissoit pas de voir en eux des grandes marques de leur vertu passee, et que, l'habitude acquise du tems de la charité repugnant au vice present, on avoit peyne durant quelques mois de discerner s'ilz estoyent hors de la charité ou non, et s'ilz estoyent vertueux ou vitieux; jusques a ce que le progres faisoit clairement connoistre que ces exercices vertueux ne prenoient pas leur origine de la charité presente, mais de la charité passee, non de l'amour parfait, mais de l'imparfait que la charité avoit laissé apres soy comme marque du logement qu'elle avoit fait en ces ames-la..

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000807 

 Mais si la desfiance se rendoit si demesuree qu'il nous semblast de n'avoir ni force ni courage, et que partant il nous arrivast du desespoir sur le sujet des tentations imaginees, comme si nous n'estions pas en la charité et grace de Dieu, il nous faut alhors faire resolution, malgré nostre sentiment et descouragement, de bien estre fideles en tout ce qui nous arrivera, jusques a la tentation qui nous met en peyne, et esperer que lhors qu'elle arrivera Dieu multipliera sa grace, redoublera son secours et nous fera toute l'assistance requise, et que ne nous donnant pas la force pour une guerre imaginaire et non necessaire, il nous la donnera quand ce viendra au besoin.

  A004000808 

 En fin, en ces espouventemens pris pour la representation des assautz futurs, lhors qu'il nous semble que le cœur nous manque, il suffit de desirer du courage et se confier en Dieu qu'il nous en donnera quand il en sera tems.

  A004000808 

 Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi.

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000820 

 Ainsy une ame esprise de l'amoureuse complaysance qu'elle prend a considerer la Divinité, et en icelle une infinité d'excellences, elle en attire aussi dans son cœur les couleurs, c'est a dire la multitude des merveilles et perfections qu'elle contemple, et les rend siennes par le contentement qu'elle y prend..

  A004000820 

 Les brebis de Jacob attirerent dans leurs entrailles la varieté des couleurs qu'elles voyoient en la fontaine en laquelle on les abbreuvoit lhors qu'elles estoyent en amour, car en effect leurs petitz aigneaux s'en treuverent par apres tachetés.

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000822 

 Ilz ont esté faitz abominables comme les choses [257] qu'ilz ont aymees, dit le Prophete parlant des meschans; et on peut de mesme dire des bons qu'ilz sont faitz aymables comme les choses qu'ilz ont aymees.

  A004000826 

 En somme, l'aphorisme des medecins est vray, que ce qui est savouré nourrit; et celuy des philosophes: ce qui plaist, paist..

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000827 

 Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy.

  A004000828 

 Et tout ainsy que l'enfançon fait des petitz eslans du costé des tetins de sa mere et trepigne d'ayse de les voir descouvertz, comme la mere aussi de son costé les luy presente avec un amour tous-jours un peu empressé, de mesme l'ame devote ressent des tressaillemens et des eslans de joye nompareille pour le playsir qu'elle a de regarder les tresors des perfections du Roy de son saint amour, et sur tout quand elle void que luy [260] mesme les luy monstre par amour et qu'entre ses perfections celle de son amour infini reluit excellemment.

  A004000828 

 L'ame, donques, qui contemple les tresors infinis des perfections divines en son Bienaymé, se tient pour trop heureuse et riche, d'autant que l'amour rend sien par complaysance tout le bien et contentement de ce cher Espoux.

  A004000829 

 Le vin, Theotime, est le lait des raysins, et le lait est le vin des tetins: aussi l'Espouse sacree dit que son Bienaymé est raysin pour elle, mais raysin cyprin, c'est a dire d'une odeur excellente.

  A004000829 

 Moyse dit que les Israëlites pouvoyent boire le sang tres pur et tres bon du raysin; et Jacob, descrivant a son filz Judas la fertilité du lot qu'il auroit en la Terre promise, prophetisa sous cette figure la veritable felicité des Chrestiens, disant que le Sauveur laveroit sa robbe, c'est a dire la sainte Eglise, au sang du raysin, c'est a dire en son propre sang.

  A004000830 

 Or, le lait que nos ames succent es mammelles de la charité de Nostre Seigneur, vaut mieux incomparablement que le vin que nous tirons des discours humains: car ce lait prend son origine de l'amour celeste, qui le prepare a ses enfans avant mesme qu'ilz y ayent pensé; il a un goust amiable et suave, son odeur surpasse tous les parfums, il rend l'haleine franche et douce comme d'un enfant de lait, il donne une joye sans insolence, il enivre sans hebeter, il ne leve pas le sens, mais il le releve..

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000844 

 Le chef des Apostres, ayant dit en sa premiere Epistre que les anciens Prophetes avoient manifesté les graces qui devoient abonder parmi les Chrestiens, et entre autres choses la Passion de Nostre Seigneur et la gloire qui la devoit suivre, tant par la resurrection de son cors que par l'exaltation de son nom, en fin il conclud que les Anges mesmes desirent de regarder les mysteres de la redemption en ce divin Sauveur: auquel, dit-il, les Anges desirent regarder.

  A004000845 

 La jouissance d'un bien qui contente tous-jours ne flestrit jamais, ains se renouvelle et fleurit sans cesse, elle est tous-jours aymable, tous-jours desirable; le continuel contentement des celestes amoureux produit un desir perpetuellement content, comme leur continuel desir fait naistre en eux un contentement perpetuellement desiré.

  A004000846 

 Or, bien que selon la condition ordinaire de cette vie mortelle nous n'ayons pas le repos en nostre mouvement, si est-ce toutefois, que lhors que nous faisons les essais des exercices de la vie immortelle, c'est a dire, que nous prattiquons les actes du saint amour, nous treuvons du repos dans le mouvement de nos affections et du mouvement au repos de la complaysance que nous avons en nostre Bienaymé, recevans par ce moyen des avant-goustz de la future felicité a laquelle nous aspirons..

  A004000847 

 Qui desire Dieu en le possedant, ne le desire pas pour le chercher, mais pour exercer cette affection dedans le bien mesme duquel il jouit; car le cœur ne fait pas ce mouvement de desir comme pretendant a la jouissance pour l'avoir, puisqu'il l'a des-ja, mais comme s'estendant en la jouissance laquelle il a; non pour obtenir le bien, mais pour s'y recreer et entretenir; non pour en jouir, mais pour s'y esjouir: ainsy que nous marchons et nous esmouvons pour aller en quelque delicieux jardin, auquel estans arrivés nous ne laissons pas de marcher et nous remuer derechef, non plus pour y venir, mais pour nous pourmener et passer le tems en iceluv; nous avons marché pour aller jouir de l'amenité du jardin, y estans, nous marchons pour nous esjouir en la jouissance d'iceluy..

  A004000855 

 Or c'est l'amour qui fait l'un et l'autre effect par la vertu qu'il a d'unir le cœur qui ayme a ce qui est aymé, rendant par ce moyen les biens et les maux des amis, communs; et ce qui se passe en la compassion, donne beaucoup de clarté a ce qui regarde la complaysance..

  A004000856 

 La compassion tire sa grandeur de celle de l'amour qui la produit: ainsy sont grandes les condoleances des meres sur les afflictions de leurs enfans uniques, comme l'Escriture tesmoigne souvent.

  A004000856 

 Quelle condoleance dans le cœur d'Agar sur la douleur de son Ismaël qu'elle voyoit presque perir de soif au desert! Quelle commiseration en l'ame de David sur la misere de son Absalon! Hé, ne voyes-vous pas le cœur maternel du grand Apostre, malade avec les malades, bruslant du zele pour les scandalisés, avec une douleur continuelle pour la perte des Juifz, et mourant tous les jours pour ses chers [268] enfans spirituelz? Mais sur tout, considerés comme l'amour tire toutes les peynes, tous les tourmens, les travaux, les souffrances, les douleurs, les blesseures, la passion, la croix et la mort mesme de nostre Redempteur dans le cœur de sa tres sacree Mere.

  A004000857 

 La condoleance tire aussi sa grandeur de celle des douleurs que l'on void souffrir a ceux que l'on ayme, car, pour petite que soit l'amitié, si les maux qu'on void endurer sont extremes ilz nous font une grande pitié.

  A004000857 

 On void pour cela Cesar pleurer sur Pompee; et les filles de Hierusalem ne sceurent jamais s'empescher de pleurer sur Nostre Seigneur, bien que la pluspart d'entr'elles ne luy fussent pas grandement affectionnees; comme aussi les amis de Job, quoy que mauvais amis, firent des grans gemissemens voyans l'effroyable spectacle de son incomparable misere; et quel grand coup de douleur au cœur de Jacob, de penser que son cher enfant estoit trespassé d'une mort si cruelle comme est celle d'estre devoré d'une beste sauvage? Mais la commiseration, outre tout cela, se renforce merveilleusement par la presence de l'object miserable: pour cela la pauvre Agar s'esloignoit de son filz languissant, affin d'alleger en quelque sorte la douleur de compassion [269] qu'elle sentoit, disant: Je ne verray pas mourir l'enfant; comme au contraire Nostre Seigneur pleure voyant le sepulchre de son bienaymé Lazare et regardant sa chere Hierusalem; et nostre bon homme Jacob est outré de douleur quand il void la robbe ensanglantee de son pauvre petit Joseph..

  A004000859 

 [270] Mais quand de ses propres yeux il vid par experience la verité des grandeurs de ce cher enfant en Gessen, panché sur luy et pleurant asses long tems sur le col d'iceluy: Hé, dit-il, maintenant je mourray joyeux, mon cher filz, puisque j'ay veu vostre face et que vous vives encores.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000864 

 Les angoisses de mon Bienaymé m'ont toute decoloree: car, comme pourroit une fidele amante voir tant de tourmens en celuy qu'elle ayme plus que sa vie, sans en devenir toute transie, havee et dessechee de douleur? les pavillons des nomades, perpetuellement exposés aux injures de l'air et de la guerre, sont presque tous-jours frippés et couvertz de poussiere, et moy, toute exposee aux regretz que par condoleance je reçois des travaux nompareilz de mon divin Sauveur, je suis toute couverte de detresse et transpercee de douleur; mais parce que les douleurs de Celuy que j'ayme proviennent de son amour, a mesure qu'elles m'affligent par compassion elles me delectent par complaysance, car, comme [272] pourroit une fidele amante n'avoir pas un extreme contentement de se voir tant aymee de son celeste Espoux?.

  A004000864 

 Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance.

  A004000865 

 Helas, il souffre des douleurs insupportables, ce divin Amant bienaymé, c'est cela qui m'attriste et me fait pasmer d'angoisse; mais il prend playsir a souffrir, il ayme ses tourmens et meurt d'ayse de mourir de douleur pour moy: c'est pourquoy, comme je suis dolente de ses douleurs, je suis aussi toute ravie d'ayse de son amour; non seulement je m'attriste avec luy, mais je me glorifie en luy..

  A004000865 

 Que si je porte le deuil sur la Passion et Mort de mon Roy, toute haslee et noiree de regret, je ne laisse pas d'avoir une douceur incomparable de voir l'exces de son amour emmi les travaux de ses douleurs; et les tentes de Salomon, toutes brodees et recamees en une admirable diversité d'ouvrages, ne furent jamais si belles que je suis contente, et par consequent douce, amiable et aggreable en la varieté des sentimens d'amour que j'ay parmi ces douleurs.

  A004000866 

 Alhors se prattique la douleur de l'amour et l'amour de la douleur; alhors la condoleance amoureuse et la complaysance douloureuse, comme des autres Esaii et Jacob, debattans a qui fera plus d'effort, mettent l'ame en des convulsions et agonies incroyables, et se fait une extase amoureusement douloureuse et douloureusement amoureuse.

  A004000866 

 Aussi ces grandes ames de saint François et sainte Catherine sentirent des amours nompareilles en leurs douleurs, et des douleurs incomparables en leurs amours lhors qu'elles furent stigmatisees, savourant l'amour joyeux d'endurer pour l'ami, que leur Sauveur exerça au supreme degré sur l'arbre de la Croix.

  A004000866 

 Car de mesme l'amoureuse complaysance que nous avons prise en l'amour de Nostre Seigneur, rend infiniment plus forte la compassion que [273] nous avons de ses douleurs, comme reciproquement, repassans de la compassion des douleurs a la complaysance des amours, le playsir en est bien plus ardent et relevé.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Hé, veut dire le divin amoureux de l'ame, je suis chargé des peynes et sueurs de ma Passion, qui se passa presque toute, ou es tenebres de la nuit ou en la nuit des tenebres que le soleil s'obscurcissant fit au plus fort de son midy; ouvre donq ton cœur devers moy, comme les mereperles leurs escailles du costé du ciel, et je respandray sur toy la rosee de ma Passion, qui se convertira en perles de consolation.

  A004000867 

 Il ne se peut dire, Theotime, combien le Sauveur desire d'entrer en nos ames par cet amour de complaysance douloureuse: Helas, dit-il, ouvre-moy, ma chere seur, ma mie, ma colombe, ma toute-pure, car ma teste est toute pleine de rosee, et mes cheveux des gouttes de la nuit.

  A004000867 

 Qui est cette rosee, et qui sont ces gouttes de la nuit, sinon les afflictions et peynes de sa Passion? Les perles, certes (comme nous avons dit asses souvent), ne sont autre chose que gouttes de la rosee que la fraicheur de la nuit espluÿe sur la face de la mer, receües dans les escailles des ouïtres ou mereperles.

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000881 

 Or, pour encor mieux magnifier ce souverain Bienaymé, l'ame va tous-jours cherchant la face d'iceluy, c'est a dire, avec une attention tous-jours plus soigneuse et ardente, elle va remarquant toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en luy, faysant un progres continuel en cette douce recherche de motifs qui la puissent perpetuellement presser de se plaire de plus en plus en l'incomprehensible bonté qu'elle ayme.

  A004000885 

 L'honneur, mon cher Theotime, n'est pas en celuy que l'on honnore, mays en celuy qui honnore; car, combien de fois arrive-il que celuy que nous honnorons n'en sçait rien et n'y a seulement pas pensé? combien de fois louons-nous ceux qui ne nous connoissent pas ou qui dorment? Et toutefois, selon l'estime commune des hommes et leur ordinaire façon de concevoir, il semble que c'est faire du bien a quelqu'un quand on luy fait de l'honneur, et qu'on luy donne beaucoup quand on luy donne des tiltres et des louanges; et nous ne faysons pas difficulté de dire qu'une personne est riche d'honneur, de gloire, de reputation, de louange, encor qu'en verité nous sachions bien que tout cela, est hors de la personne honnoree et que bien souvent elle n'en reçoit aucune sorte de prouffit, suivant ce mot attribué au grand saint Augustin: «O pauvre Aristote, tu es loué ou tu es absent, et tu es bruslé ou tu es present.» Quel bien revient il, je vous prie, a Cesar et Alexandre le Grand, de tant de vaines paroles que plusieurs vaines ames employent a leur louange?.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Et commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer a ce saint exercice, et comme une avette sacree elle va voletant ça et la sur les fleurs des œuvres et excellences divines, recueillant d'icelles une douce varieté de complaysances, desquelles elle fait naistre et compose le miel celeste de benedictions, louanges et confessions honnorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son Bienaymé, a l'imitation du grand Psalmiste, qui ayant environné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine Bonté, immoloit sur l'autel de son cœur l'hostie [282] mistique des eslans de sa voix, par cantiques et psalmes d'admiration et benediction:.

  A004000889 

 Des aysles de sa pensee,.

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000896 

 Or, a mesure aussi que l'ame s'eschauffe a loüer la douceur incomprehensible de son Dieu, elle aggrandit et dilate la complaysance qu'elle prend en icelle, et par cet aggrandissement elle s'anime de plus fort a la louange: de sorte que l'affection de complaysance et celle de louange, par ces reciproques poussemens et mutuelles incitations qu'elles font l'une a l'autre, s'entredonnent des grans et continuelz accroissemens.

  A004000897 

 Ainsy les rossignolz se complaysent tant en leur chant, au rapport de Pline, que pour cette complaysance, quinze jours et quinze nuitz durant ilz ne cessent jamais de gazouiller, s'efforçans de tous-jours mieux chanter a l'envi les uns des autres; de sorte que lhors qu'ilz se desgoisent le mieux ilz y ont plus de complaysance, et cet accroissement de complaysance les porte a faire des plus grans effortz de mieux gringotter, augmentant tellement leur complaysance par leur chant et leur chant par leur complaysance, que maintefois on les void mourir, et leur gosier esclatter a force de chanter: oyseaux dignes du beau nom de philomele, puisqu'ilz meurent ainsy en l'amour et pour l'amour de la melodie..

  A004000899 

 Les cygales, Theotime, ont leur poitrine pleine de tuyaux, comme si elles [284] estoyent des orgues naturelles; et pour mieux chanter elles ne vivent que de la rosee, laquelle elles ne tirent pas par la bouche, car elles n'en ont point, ains la succent par une petite languette qu'elles ont au milieu de l'estomach, par laquelle elles jettent aussi, toutes, leurs sons avec tant de bruit qu'elles semblent n'estre que voix.

  A004000899 

 Mais oyés une similitude aggreable sur ce sujet, tiree du nom que ce saint amoureux donnoit a ses religieux; car il les appelloit cygales, a rayson des louanges qu'ilz rendoyent a Dieu emmi la nuit.

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000906 

 Car n'est ce pas comme s'il eust dit: Je suis une cygale mystique; mon ame, mes espritz, mes pensees, et toutes les facultés qui sont ramassees au dedans de moy sont des orgues: o qu'a jamais tout cela benisse le nom et retentisse les louanges de mon Dieu!.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000923 

 Ainsy la celeste Espouse se sentant presque esvanouïe entre les violens essays qu'elle faysoit de benir et magnifier le bienaymé Roy de son cœur: Hé, crioyt elle a ses compaignes, ce divin Espoux m'a menee par la contemplation en ses celiers a vin, me faysant savourer les delices incomparables des perfections de son excellence, et je me suis tellement detrempee et saintement enivree par la complaysance que j'ay prise en cet abisme de beauté, que mon ame va languissant, blessee d'un desir amoureusement mortel [287] qui me presse de louer a jamais une si eminente bonté.

  A004000928 

 Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000930 

 Le cœur, donq, qui ne peut en ce monde ni chanter ni ouïr les louanges divines a son gré, entre en des desirs nompareilz d'estre deslivré des liens de cette vie, pour aller en l'autre ou on loue si parfaitement le Bienaymé celeste: et ces desirs s'estans ainsy emparés du cœur, se rendent quelquefois si puissans et pressans dans la poitrine des amans sacrés, que, bannissans tous autres desirs, ilz mettent en degoust toutes choses terrestres et rendent l'ame toute alangourie et malade d'amour; voire mesme cette sainte passion passe aucune-fois si avant, que si Dieu le permet on en meurt..

  A004000931 

 Ainsy ce glorieux et seraphique amant saint François, ayant longuement esté travaillé de cette forte affection de louer Dieu, en fin en ses dernieres annees, apres qu'il eut asseurance, par une tres speciale revelation, de son salut eternel, il ne pouvoit contenir sa joye, et s'alloit de jour en jour consumant, comme si sa vie et son ame se fust evaporee, ainsy que l'encens, sur le feu des ardens desirs qu'il avoit de voir son Maistre pour le louer incessamment; en sorte que ces ardeurs prenant tous les jours des nouveaux accroissemens, son [290] ame sortit de son cors par un eslan qu'elle fit vers le Ciel; car la divine Providence voulut qu'il mourust en prononçant ces sacrees paroles: Hé, tires hors de cette prison mon ame, o Seigneur, affin que je benisse vostre nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me rendies la tranquillité desiree.

  A004000931 

 Theotime, voyés de grace cet esprit qui, comme un celeste rossignol enfermé dans la cage de son cors, clans laquelle il ne peut chanter a souhait les benedictions de son eternel amour, sçait qu'il gazouilleroit et prattiqueroit mieux son beau ramage s'il pouvoit gaigner l'air, pour jouir de sa liberté et de la societé des autres philomeles entre les gaves et fleurissantes collines de la contree bienheureuse; c'est pourquoy il exclame: Helas, o Seigneur de ma vie, hé, par vostre bonté toute douce, deslivrés-moy, pauvre que je suis, de la cage de mon cors, retirés-moy de cette petite prison, affïn qu'affranchi de cet esclavage je puisse voler ou mes chers compaignons m'attendent la haut au Ciel, pour me joindre a leurs chœurs et m'environner de leur joye! la, Seigneur, alliant ma voix aux leurs, je feray avec eux une douce harmonie d'airs et d'accens delicieux, chantant, louant et benissant vostre misericorde..

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000937 

 Estant il y a deux ans a Milan, ou la veneration des recentes memoires du grand Archevesque saint Charles m'avoit attiré avec quelques uns de nos ecclesiastiques, nous ouïsmes en diverses eglises plusieurs sortes de musiques; mais en un monastere de filles, nous ouïsmes une religieuse de laquelle la voix estoit si admirablement delicieuse, qu'elle seule respandoit incomparablement plus de suavité dans nos espritz que ne fit tout le reste ensemble, qui, quoy qu'excellent, sembloit neanmoins n'estre fait que pour donner lustre et rehausser la perfection et l'esclat de cette voix unique.

  A004000938 

 Dieu provoque l'ame et donne la grace requise pour la production des autres [293] louanges, mais celles du Redempteur, luy qui est Dieu les produit luy mesme: c'est pourquoy elles sont infinies..

  A004000938 

 Le Pere eternel reçoit les louanges des autres comme senteurs de fleurs particulieres, mais au sentir des benedictions que le Sauveur luy donne, il s'escrie sans doute: O voyci l'odeur des louanges de mon Filz, comme l'odeur d'un champ plein de fleurs que j'ay beni.

  A004000938 

 O quel cantique du Filz pour le Pere! o que ce cher Bienaymé est beau entre tous les enfans des hommes! o que sa voix est douce, comme procedante des levres sur lesquelles la plenitude de la grace est respandue! Tous les autres sont parfumés, mais luy, il est le parfum mesme; les autres sont embaumés, mais luy, il est le baume respandu.

  A004000939 

 Ainsy, apres avoir ouï toutes les louanges que tant de differentes creatures, a l'envi les unes des autres, rendent unanimement a leur Createur, quand en fin on escoute celle du Sauveur, on y treuve une certaine infinité de merite, de valeur, de suavité, qui surmonte toute esperance et attente du cœur; et l'ame alhors, comme resveillee d'un profond sommeil et tout a coup ravie par l'extremité de la douceur de telle melodie: Hé, je l'entens; o la voix, la voix de mon Bienaymé! voix reyne de toutes les voix, voix au prix de laquelle les autres voix ne sont qu'un muet et morne silence.

  A004000939 

 Celuy qui, le matin, ayant ouï asses longuement entre les boscages voysins un gazouillement aggreable d'une grande quantité de serins, linottes, chardonneretz et autres telz menus oyseaux, entendroit en fin un maistre rossignol, qui en parfaitte melodie rempliroit l'air et l'oreille de son admirable voix, sans doute qu'il prefereroit ce seul chantre boscager a toute la trouppe des autres.

  A004000939 

 Il a la veüe de chevreuil, pour penetrer plus avant que nul autre en la beauté de l'object sacré qu'il veut louer; il ayme la melodie de la gloire et louange de son Pere plus que tous, c'est pourquoy il fait des tressaillemens de louanges et benedictions au dessus de tous.

  A004000939 

 Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde..

  A004000939 

 Voyés comme ce cher Ami s'eslance; le voyci qu'il vient tressaillant es plus hautes montaignes, outrepassant les collines: sa voix retentit au dessus des Seraphins et de toute creature.

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000940 

 O quelle suavité a nos cœurs quand nos voix, unies et meslees avec celle du Sauveur, participeront a l'infinie douceur des louanges que ce Filz bienaymé rend a son Pere eternel! [295].

  A004000940 

 Ouy certes, Theotime, l'amour divin assis sur le cœur du Sauveur comme sur son throsne royal, regarde par la fente de son costé percé tous les cœurs des enfans des hommes; car ce cœur, estant le Roy des cœurs, tient tous-jours ses yeux sur les cœurs.

  A004000944 

 Car tout ainsy qu'estans en une chambre nous ne recevons pas la lumiere selon la grandeur de la clarté du soleil qui la respand, mays selon la grandeur de la fenestre par laquelle il la communique, de mesme les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soyent d'infinie valeur, d'autant qu'encor que la Personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'estendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait: de sorte que comme les actions humaines de nostre doux Sauveur sont infinies en comparayson des nostres, aussi sont-elles finies en comparayson de l'essentielle infinité de la Divinité.

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000954 

 Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu.

  A004000963 

 L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire a Dieu; par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons; par l'un nous mettons Dieu sur nostre cœur, comme un estendart d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nostre bras, comme une espee de dilection par laquelle nous faysons tous les exploitz des vertus..

  A004000964 

 Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres..

  A004000965 

 Certes, si nos espritz vouloyent faire retour sur eux mesmes par les reflechissemens et replis de leurs actions, ilz entreroyent en des labyrinthes esquelz ilz perdroyent sans doute l'issue; et ce seroit une attention insupportable de penser quelles sont nos pensees, considerer nos considerations, voir toutes nos veües spirituelles, discerner que nous discernons, nons resouvenir que nous nous resouvenons: ce seroyent des entortillemens que nous [302] ne pourrions desfaire.

  A004000968 

 Le langage des amans est si particulier que nul ne l'entend qu'eux mesmes: Je dors, disoit l'amante sacree, et mon cœur veille; et voyla que mon Bienaymé me parle.

  A004000968 

 Qui eut peu deviner que cette Espouse estant endormie eut neanmoins devisé avec son Espoux? Mays ou l'amour regne, on n'a point besoin du bruit des paroles exterieures ni de l'usage des sens pour s'entretenir et s'entreouïr l'un l'autre.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000969 

 Pour cela, la bienheuree Mere Therese de Jesus treuvoit plus de prouffit, au commencement, es mysteres ou Nostre Seigneur fut plus seul, comme au [304] jardin des Olives et lhors qu'il fut attendant la Samaritaine, car il luy estoit advis qu'estant seul il la «devoit plus tost admettre aupres de luy.».

  A004000970 

 L'amour desire le secret, et quoy que les amans n'ayent rien a dire de secret ilz se playsent toutefois a le dire secretement: et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ilz ne veulent parler que pour eux mesmes, et disans quelque chose a haute voix il leur est advis que ce n'est plus pour eux seulz, partie parce qu'ilz ne disent pas les choses communes a la façon commune, ains avec des traitz particuliers et qui ressentent la speciale affection avec laquelle ilz parlent Le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la maniere et prononciation il est si particulier que nul ne l'entend sinon les amans.

  A004000970 

 O Dieu, quelle difference entre le langage de ces anciens amateurs de la Divinité, Ignace, Cyprian, Chrysostome, Augustin, Hilaire, Ephrem, Gregoire, Bernard, et celuy des theologiens moins amoureux! Nous usons de leurs mesmes motz; mais entre eux c'estoyent des motz pleins de chaleur et de la suavité des parfums amoureux, parmi nous ilz sont froids et sans aucune senteur..

  A004000971 

 Que la prunelle de ton œil ne se taise point, disoit le cœur desolé des habitans de Hierusalem a leur propre ville.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000975 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A004000975 

 Ce mot est grandement en usage dans les Saintes Escritures, et ne veut dire autre chose qu'une attentive et reiteree pensee, propre a produire des affections ou bonnes ou mauvaises.

  A004000976 

 Mays quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre mais pour nous affectionner a elles, cela s'appelle mediter, et cet exercice, meditation, auquel nostre esprit, non comme une mousche, par simple amusement, ni comme un haneton, pour manger et se remplir, mais comme une sacree avette, va ça et la sur les fleurs des saintz mysteres pour en extraire le miel du divin amour..

  A004000976 

 Or toute meditation est une pensee, mais toute pensee n'est pas meditation, Maintefois nous avons des pensees [306] auxquelles nostre esprit s'attache sans dessein ni pretention quelcomque, par maniere de simple amusement, ainsy que nous voyons les mousches communes voler ça et la sur les fleurs sans en tirer chose aucune; et cette espece de pensee, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de meditation, ains doit estre simplement appellee pensee.

  A004000977 

 En somme, la pensee et l'estude se font de toutes sortes de choses; mays la meditation, ainsy que nous en parlons maintenant, ne regarde que les objetz la consideration desquelz nous peut rendre bons et devotz: si que la meditation n'est autre chose qu'une pensee attentive, reiteree ou entretenue volontairement en l'esprit, affin d'exciter la volonté a des saintes et salutaires affections et resolutions..

  A004000978 

 Ainsy dit Isaïe: Nous rugirons ou bruyrons comme des ours, et gemirons, meditans comme colombes; le bruit des ours se rapportant aux exclamations par lesquelles on s'escrie en l'orayson vocale, et le gemissement des colombes a la sainte meditation..

  A004000978 

 Car, mon cher Theotime, si jamais vous y aves pris garde, les petitz des arondelles ouvrent grandement leur bec quand ilz font leur piallement; et au contraire les colombes, entre tous les oyseaux, font leur grommelement a bec clos et enfermé, roulant leur voix dans leur gosier et poitrine, sans que rien en sorte que par maniere de retentissement et resonnement: et ce petit grommelement leur sert egalement pour exprimer leurs douleurs comme pour declarer leurs amours.

  A004000978 

 Ezechias donq, pour monstrer qu'emmi son ennuy il faysoit plusieurs oraysons vocales: Je crieray, dit il, comme le poussin de l'arondelle, ouvrant ma bouche pour pousser devant Dieu plusieurs voix lamentables; et pour tesmoigner d'autre part qu'il employoit aussi la sainte orayson mentale: Je mediteray, adjouste il, comme la colombe, roulant et contournant mes pensees dedans mon cœur par une attentive consideration, affin de m'exciter a benir et louer la souveraine misericorde de mon Dieu, qui m'a retiré des portes de la mort, ayant compassion de ma misere.

  A004000979 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, est declairé en l'autre par celuy de repenser; et pour monstrer que la pensee reiteree et la meditation tend a nous esmouvoir aux affections, resolutions et actions, il est dit en l'un [309] et l'autre passage, qu'il faut repenser et mediter en la loy pour l'observer et prattiquer.

  A004000979 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte en cette sorte: Repenses a Celuy qui a receu une telle contradiction des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme s'il disoit, medités.

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000981 

 Ainsy la celeste amante, comme une abeille mistique, va voletant, au Cantique des Cantiques, tantost sur les yeux, tantost sur les levres, sur les joues, sur la cheveleure de son Bienaymé, pour en tirer la suavité de mille passions amoureuses, remarquant par le menu tout ce qu'elle treuve de rare pour cela: de sorte que toute ardente de la sacree dilection, elle parle avec luy, elle l'interroge, elle l'escoute, elle souspire, elle aspire, elle l'admire; comme luy, de son costé, la comble de contentemens, l'inspirant, luy touchant et ouvrant le cœur, puis respandant en iceluy des clartés, des lumieres et des douceurs sans fin, mais d'une façon si secrette, que l'on peut bien parler de cette sainte conversation de l'ame avec Dieu comme le sacré Texte dit de celle de Dieu avec Moyse: que Moyse estant seul sur le coupeau de la montaigne, il parlait a Dieu et Dieu luy respondoit.

  A004000981 

 Or telle est l'ame devote en la meditation: elle va de mystere en mystere, non point a la volee ni pour se consoler seulement a voir l'admirable beauté de ces divins objectz, mays destinement et a dessein pour treuver des motifs d'amour ou de quelque celeste affection; et les ayans treuvés elle les tire a soy, elle les savoure, elle s'en charge, et les ayans reduitz et colloqués dedans son cœur, elle met a part ce qu'elle void plus propre pour son avancement, faisant en fin des resolutions convenables pour le tems de la tentation.

  A004000986 

 Les petitz mouschons des abeilles s'appellent nymphes ou schadons jusques a ce qu'ilz fassent le miel, et lhors on les appelle avettes ou abeilles: de mesme, l'orayson s'appelle meditation jusques a ce qu'elle ayt produit le miel de la devotion; apres cela elle se convertit en contemplation.

  A004000987 

 Voyés la reyne de Saba, Theotime, comme considerant par le menu la sagesse de Salomon en ses responces, en la beauté de sa mayson, en la magnificence de sa table, es logis de ses serviteurs, en l'ordre que tous ceux de sa cour tenoyent pour l'exercice de leurs charges, en leurs vestemens et maintiens, en la [312] multitude des holocaustes qu'ilz offroyent en la mayson du Seigneur, elle demeura toute esprise d'un ardent amour qui convertit sa meditation en contemplation, par laquelle estant toute ravie hors de soy mesme, elle dit plusieurs paroles d'extreme contentement.

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004000998 

 Certes, l'eminente science des Cyprians, Augustins, Hilaires, Chrisostomes, Basiles, Gregoires, Bonaventures, Thomas, a non seulement beaucoup illustré, mais grandement affiné leur devotion, comme reciproquement leur devotion a non seulement rehaussé, mais extremement perfectionné leur science..

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001004 

 Il vid, dit l'Escriture, que la lumiere estoit bonne, que le ciel et la terre estoit une bonne chose; puis les herbes et plantes, le soleil, la lune et les estoiles, les animaux et en somme toutes les creatures, ainsy qu'il les creoit l'une apres l'autre, jusques a ce qu'en fin tout l'univers estant accompli, la divine meditation, par maniere de dire, se changea en contemplation; car, regardant toute la bonté qui estoit en son ouvrage, d'un seul trait de son œil, il vid, dit Moyse, tout ce qu'il avoit fait, et [320] tout estoit tres bon. Les pieces differentes considerees separement par maniere de meditation estoient bonnes, mays regardees d'une seule veüe toutes ensemble, par forme de contemplation, elles furent treuvees tres bonnes: comme plusieurs ruysseaux qui, s'unissans, font une riviere, qui porte des plus grandes charges que la multitude des mesmes ruysseaux separés n'eust sceu faire..

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Ainsy dit on entre les theologiens que les Anges plus eslevés en gloire ont une connoissance de Dieu et des creatures beaucoup plus simple que leurs inferieurs, et que les especes ou idees par lesquelles ilz voyent sont plus universelles; en sorte que ce que les Anges moins parfaitz voyent par plusieurs especes et divers regars, les plus parfaitz le voyent par moins d'especes et moins de traitz de leur veüe.

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001013 

 Mays, en quelle des trois façons que l'on procede, la contemplation a tous-jours cette excellence, qu'elle se fait avec plavsir, d'autant qu'elle presuppose que l'on a treuvé Dieu et son saint amour, qu'on en jouit et qu'on s'y delecte, en disant: J'ay treuvé Celuy que mon ame cherit, je l'ay treuvé et ne le quitteray point.

  A004001014 

 Theotime, hé! quand fut-ce, je vous prie, que Nostre Seigneur vint en son jardin, sinon quand il vint es tres pures, tres humbles et tres douces entrailles de sa Mere, pleynes de toutes les plantes fleurissantes des saintes vertus? Et qu'est-ce a Nostre Seigneur de moissonner sa myrrhe avec ses parfums, sinon assembler souffrances a souffrances jusques a la mort, et la mort de la croix? joignant par icelles merites a merites, tresors a tresors pour enrichir ses enfans spirituelz.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001021 

 Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable.

  A004001025 

 C'en est de mesme en cette sorte de recueillement de laquelle nous parlons; car a la seule presence de Dieu, au seul sentiment que nous avons qu'il nous regarde, ou des le Ciel ou de quelqu'autre lieu hors de nous, bien que pour lhors nous ne pensions pas a l'autre sorte de presence par laquelle il est en nous, nos facultés et puissances se ramassent et assemblent en nous mesmes pour la reverence de sa divine Majesté, que l'amour nous fait craindre d'une crainte d'honneur et de respect.

  A004001030 

 Et c'est cet aymable repos de l'ame que la bienheureuse vierge Therese, de Jesus appelle «orayson de quietude,» non guere differente de ce qu'elle mesme nomme «sommeil des puissances,» si toutefois je l'entens bien..

  A004001033 

 Dont le divin Berger adjure les filles de Sion, par les chevreuils et cerfs des campagnes, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille, c'est a dire, qu'elle s'esveille d'elle mesme.

  A004001033 

 Neanmoins l'ame qui en ce doux repos jouit de ce delicat sentiment de la presence divine, quoy qu'elle ne s'apperçoive pas de cette jouissance, tesmoigne toutefois clairement combien ce bonheur luy est precieux et aymable, quand on le luy veut oster ou que quelque chose l'en destourne: car alhors, la pauvre ame fait des plaintz, crie, voire quelquefois pleure, comme un petit enfant [331] qu'on a esveillé avant qu'il eust asses dormi, lequel, par la douleur qu'il ressent de son reveil, monstre bien la satisfaction qu'il avoit en son sommeil.

  A004001035 

 Les peintres peignent ordinairement le bienaymé saint Jean, en la cene, non seulement reposant, mais dormant sur la poitrine de son Maistre; parce qu'il y fut assis a la façon des Levantins, en sorte que sa teste tendoit vers le sein de son cher Amant, sur lequel, comme il ne dormoit pas du sommeil corporel, n'y ayant aucune vraysemblance en cela, aussi ne doute-je point que se treuvant si pres des mammelles de la douceur eternelle, il n'y fit un profond, mistique et doux sommeil, [332] comme un enfant d'amour qui, attaché au tetin de sa mere, allaite en dormant et dort en allaitant.

  A004001036 

 Quand donques vous seres en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, demeurés-y, mon cher Theotime, sans vous remuer nullement pour faire des actes sensibles ni de l'entendement ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras du Sauveur, comprend par excellence tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust.

  A004001040 

 Que si on incommode cette pauvre petite pouponne et qu'on luy veuille oster la poupette, d'autant qu'elle semble endormie, elle monstre bien alhors, qu'encor qu'elle dorme pour tout le reste des choses elle ne dort pas neanmoins pour celle la; car elle apperçoit le mal de cette separation et s'en fasche, monstrant par la.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001042 

 On ne se sert pas seulement du vin emmiellé pour retirer et rappeller les avettes dans les ruches, mays on s'en sert encor pour les appayser; car, quand elles font des seditions et mutineries entr'elles, s'entretuant et desfaisant les unes les autres, leur gouverneur n'a point de meilleur remede que de jetter du vin emmiellé au milieu de ce petit peuple effarouché; d'autant que les particuliers desquelz il est composé, sentans cette suave et aggreable odeur, s'appaysent, et s'occupans a la jouissance de cette douceur demeurent accoysés et tranquilles.

  A004001046 

 Il y a des espritz actifs, fertiles et foisonnans en considerations; il y en a qui sont souples, replians et qui ayment grandement a sentir ce qu'ilz font, qui veulent tout voir et esplucher ce qui se passe en eux, retournans perpetuellement leur veue sur eux mesmes pour reconnoistre leur avancement; il y en a encor d'autres qui ne se contentent pas d'estre contens s'ilz ne sentent, regardent et savourent leur contentement, et sont semblables a ceux qui, estans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre s'ilz ne sçavoyent combien de robbes ilz portent, ou qui voyans leurs cabinetz pleins d'argent, ne penseroyent pas estre riches s'ilz ne sçavoyent le compte de leurs escus..

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Mais je dis tellement attachee, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans en recevoir une grande douleur qui la provoquoit a des gemissemens, lesquelz mesme elle faisoit au plus fort de sa consolation et quietude; comme nous voyons les petitz enfans grommeler et faire des petitz plaintz quand ilz ont ardemment desiré le lait et qu'ilz commencent a tetter; ou comme fit Jacob qui, en baysant.

  A004001050 

 Et notés qu'alhors la volonté retenue en quietude par le playsir qu'elle prend en la presence divine, elle ne se remue point pour ramener les autres puissances qui s'esgarent; d'autant que si elle vouloit entreprendre cela elle perdroit son repos, s'esloignant de son cher Bienaymé, et perdroit sa peyne de courir ça et la pour attrapper ces puissances volages, lesquelles aussi bien ne peuvent jamais estre si utilement appellees a leur devoir que par la perseverance de la volonté en la sainte quietude, car petit a petit toutes les facultés sont attirees par le playsir que [338] la volonté reçoit et duquel elle leur donne certains ressentimens, comme des parfums, qui les excitent a venir aupres d'elle pour participer au bien dont elle jouit..

  A004001057 

 Et si on rechargeoit en cette sorte: Or dis-moy donq, statue, je te prie, tu ne vois point ton maistre, et comme prens tu du contentement a le contenter? Non certes, confesseroit elle, je ne le voy pas, car j'ay des yeux non pas pour voir, comme j'ay des pieds non pas pour marcher; mais je suis trop contente de sçavoir que mon cher maistre me void ici et prenne plavsir de m'y voir.

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001064 

 On appelle cœur de fer, de boys ou de pierre celuy qui ne reçoit pas aysement les impressions divines, ains demeure en sa propre volonté, emmi les inclinations qui accompaignent nostre nature depravee; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable est appellé un cœur fondu et liquefié: Mon cœur, dit David parlant en la personne de Nostre Seigneur sur la croix, mon cœur est fait comme de la cire fondue, au milieu de mon ventre: Cleopatra, cette infame reyne d'Ægypte, voulant encherir sur tous les exces et toutes les dissolutions que Marc Anthoine avoit fait en banquetz, fit apporter a la fin d'un festin qu'elle faysoit a son tour, un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle portoit en ses oreilles, estimee deux centz cinquante mille escus; puis la perle estant resolue, fondue et liquefiee, elle l'avala, et eust encor enseveli l'autre perle, qu'elle avoit en l'autre oreille, dans la cloaque de son vilain estomach, si Lucius Plancus ne l'eust empeschee.

  A004001065 

 Et comme l'on void qu'un bornai ou costeau touché des rayons ardens, sort de soy mesme et quitte sa forme pour s'escouler devers l'endroit duquel les rayons le touchent, ainsy l'ame de cette amante s'escoula du costé de la voix de son Bienaymé, sortant d'elle mesme et des limites de son estre naturel pour suivre Celuy qui luy parloit..

  A004001065 

 L'amour de l'Espoux estoit dans son cœur et sous ses mammelles comme un vin nouveau bien puissant qui ne peut estre retenu dans son tonneau, car il se respandoit de toutes pars; et parce que l'ame suit son amour, apres que l'Espouse a dit: Vos mammelles sont meilleures que le vin, respandant des unguens pretieux, elle adjouste: Vous aves nom, huyle respandue; et comme l'Espoux avoit respandu son amour et son ame dans le cœur de l'Espouse, aussi l'Espouse reciproquement verse son ame dans le cœur de l'Espoux.

  A004001065 

 Mon ame, dit l'amante sacree, s'est toute fondue a mesme que mon Bienaymé a parlé; et qu'est ce a dire, elle s'est fondue, sinon, elle ne s'est plus contenue en elle mesme, ains s'est escoulee devers son divin [344] Amant? Dieu ordonna a Moyse qu'il parlast au rocher, et il produiroit des eaux; ce n'est donq pas merveille si luy mesme fit fondre l'ame de son amante lhors qu'il luy parloit en sa douceur.

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001068 

 Telz furent, je pense, les sentimens des grans bienheureux Philippe Nerius et François Xavier, quand, accablés des consolations celestes, ilz demandoyent a Dieu qu'il se retirast pour un peu d'eux, puisqu'il vouloit que leur vie parust aussi encor un peu au monde, ce qui ne se pouvoit tandis qu'elle estoit toute cachee et absorbee en Dieu..

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001073 

 Mais cela, comme se peut-il faire? On a veu tel jeune homme entrer en conversation, libre, sain et fort gay, qui ne prenant pas garde a soy, sent bien, avant que d'en sortir, que l'amour se servant des regars, des maintiens, des paroles, voire mesme des cheveux d'une imbecille et foible creature, comme d'autant de fleches, aura feru et blessé son chetif cœur en sorte que le voyla tout triste, morne et estonné.

  A004001075 

 A mesme tems qu'elle est attiree puissamment a voler vers son cher Bienaymé, elle est aussi retenue puissamment et ne peut voler, comme attachee aux basses miseres de cette vie mortelle et de sa propre impuissance; elle desire des aysles de colombe pour voler en son repos, et elle n'en treuve point: la voyla donq rudement tourmentee entre la violence de ses eslans et celle de son impuissance.

  A004001075 

 Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre.

  A004001075 

 Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001077 

 Celuy des mortelz qui ne desire pas d'aymer davantage la divine Bonté, il ne l'ayme pas asses: la suffisance en ce divin exercice ne suffit pas a celuy qui s'y veut arrester comme si elle luy suffisoit.

  A004001077 

 Dieu, donq, tirant continuellement, s'il faut ainsy dire, des sagettes du carquois de son infinie beauté, blesse l'ame de ses amans, leur faysant clairement voir qu'ilz ne l'ayment pas a beaucoup pres de ce qu'il est aymable.

  A004001081 

 Le pellican fait son nid en terre, dont les serpens viennent souvent piquer ses petitz: or quand cela arrive, le pellican, comme un excellent medecin naturel, de la pointe de son bec blesse de toutes pars ces pauvres poussins, pour avec le sang faire sortir le venin que la morseure des serpens a respandu par tous les endroitz de leurs cors; et pour faire sortir tout le venin il laisse sortir tout le sang, et par consequent il laisse ainsy mourir cette petite trouppe pellicane; mais les voyans mortz il se blesse soy mesme, et respandant son sang sur eux il les vivifie d'une nouvelle et plus pure vie: son amour les a blessés, et soudain par ce mesme amour il se blesse soy mesme.

  A004001082 

 C'est encor une autre blesseure d'amour, quand l'ame sent bien qu'elle ayme Dieu et que neanmoins Dieu la traitte comme s'il ne sçavoit pas d'estre aymé, ou comme s'il estoit en desfiance de son amour; car alhors, mon cher Theotime, l'ame reçoit des extremes angoisses, luy estant insupportable de voir et sentir le seul semblant que Dieu fait de se desfier d'elle.

  A004001082 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedee, et le malin esprit estant pressé de dire quel estoit son nom: «Je suis,» respondit-il, «ce malheureux privé d'amour;» et soudain sainte Catherine de Gennes, qui estoit la presente, se sentit troubler et renverser toutes les entrailles, d'autant qu'elle avoit seulement ouï prononcer le mot de privation d'amour: car, comme les demons haïssent si fort l'amour divin qu'ilz tremblent lhors qu'ilz en voyent le signe ou qu'ilz en oyent le nom, c'est a dire quand ilz voyent la Croix et qu'ilz oyent prononcer le nom de Jesus, ainsy ceux qui ayment fortement Nostre Seigneur tremoussent de douleur et d'horreur quand ilz voyent quelque signe ou qu'ilz entendent quelque parole qui represente la privation de ce saint amour..

  A004001083 

 Helas, [353] cette pauvre ame qui sent bien qu'elle est resolue de plustost mourir que d'offencer son Dieu, mais ne sent pas neanmoins un seul brin de ferveur, ains au contraire une froideur extreme qui la tient toute engourdie, et si foible qu'elle tumbe a tous coups en des imperfections fort sensibles, cette ame, dis-je, Theotime, elle est toute blessee, car son amour est grandement douloureux de voir que Dieu fait semblant de ne voir pas combien elle l'ayme, la laissant comme une creature qui ne luy appartient pas; et luy est advis qu'emmi ses defautz, ses distractions et froideurs, Nostre Seigneur descoche contre elle ce reproche: Comme peux-tu dire que tu m'aymes, puisque ton ame n'est pas avec moy? ce qui luy est un dard de douleur au travers de son cœur; mais un dard de douleur qui procede d'amour, car si elle n'aymoit pas elle ne seroit pas affligee de l'apprehension qu'elle a de ne pas aymer..

  A004001086 

 Un Seraphin tenant un jour une fleche toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme, il la darda dans le cœur de la bienheureuse Mere Therese, et la voulant retirer il sembloit a cette vierge qu'on luy arrachast les entrailles, la douleur estant si grande qu'elle n'avoit plus de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens; mais douleur pourtant si aymable, qu'elle eust voulu n'en estre jamais delivree.

  A004001090 

 Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame.

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001092 

 [357] La passion amoureuse me fait trop heureuse de me donner un tel Espoux comme est mon Roy, mais cette mesme passion qui me tient lieu de mere, puisqu'elle seule m'a mariee et non mes merites, elle a des autres enfans qui me donnent des assautz et des travaux nompareilz, me reduisans a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble une reyne qui est au costé de son roy, aussi de l'autre je suis comme une vigneronne qui dans une chetifve cabanne garde une vigne, et une vigne encor qui n'est pas sienne..

  A004001093 

 Ce grand serviteur de Dieu, homme tout seraphique, voyant la vive image de son Sauveur crucifié, effigiee en un Seraphin lumineux qui luy apparut sur le mont Alverne, il s'attendrit plus qu'on ne sçauroit imaginer, saisi d'une consolation et d'une compassion souveraine; car regardant ce beau miroüer d'amour que les Anges ne se peuvent jamais assouvir de regarder, helas, il pasmoit de douceur et de contentement! Mais voyant aussi d'autre part la vive representation des playes et blesseures de son Sauveur crucifié, il sentit en son ame ce glaive impiteux qui transperça la sacree poitrine de la Vierge Mere au jour de la Passion, avec autant de douleur interieure que s'il eust esté crucifié avec son cher Sauveur.

  A004001093 

 O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié..

  A004001093 

 Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, ou de sainte Angele de Foligni, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse Mere Therese, ou de saint Bernard, ou de saint François? Et quant a ce dernier, sa vie ne fut autre chose que larmes, souspirs, plaintes, langueurs, definemens, pasmaysons amoureuses; mais rien n'est si admirable en tout cela, que cette admirable communication que le doux Jesus luy fit de ses amoureuses et pretieuses douleurs, par l'impression de ses playes et stigmates.

  A004001094 

 Or l'ame, comme forme et maistresse du cors, usant de son pouvoir sur iceluy, imprima les douleurs des playes dont elle estoit blessee, es endroitz correspondans a ceux esquelz son Amant les avoit endurees.

  A004001095 

 La mirrhe produit sa stacte et premiere liqueur comme par maniere de sueur et de transpiration, mais affin qu'elle jette bien tout son suc il la faut ayder par l'incision: de mesme, l'amour divin de saint François parut en toute sa vie comme par maniere de sueur, car il ne respiroit en toutes ses actions que cette sacree dilection; mais pour en faire paroistre tout a fait l'incomparable abondance, le celeste Seraphin le vint inciser et blesser, et affin que l'on sceust que ces playes estoyent playes de l'amour du Ciel, elles furent faittes, non avec le fer, mays avec des rayons de lumiere.

  A004001095 

 Mais de faire les ouvertures en la chair par dehors, l'amour qui estoit dedans ne le pouvoit pas bonnement faire: c'est pourquoy l'ardent Seraphin venant au secours, darda des rayons d'une clarté si penetrante, qu'elle fit reellement les playes exterieures du Crucifix, en la chair, que l'amour avoit imprimees interieurement en l'ame.

  A004001096 

 Le bienheureux Stanislas Koska, jeune garçon de quatorze ans, estoit si fort assailli de l'amour de son Sauveur, que maintefois il tumboit en defaillance tout [360] pasmé, et estoit contraint d'appliquer sur sa poitrine des linges trempés en l'eau froide, pour moderer la violence de l'ardeur qu'il sentoit..


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
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  A005000014 

 Chapitre II. Des divers degrés de la sainte union qui se fait en l'orayson.

  A005000018 

 Chapitre VI. Des marques du bon ravissement, et de la troisiesme espece d'iceluy.

  A005000021 

 Chapitre IX. Du supreme effect de l'amour affectif, qui est la mort des amans, et premièrement de ceux qui moururent en amour.

  A005000034 

 Chapitre VII. Que l'amour de la volonté de Dieu signifiee es commandemens nous porte a l'amour des conseilz 36.

  A005000035 

 Chapitre VIII. Que le mespris des conzeilz evangeliques est un grand péché.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000038 

 Chapitre XI. De l'union de nostre volonté a celle de Dieu es inspirations qui sont donnees pour la prattique extraordinaire des vertus, et de la perseverance en la vocation, premiere marque de l'inspiration.

  A005000050 

 Chapitre VIII. Comme nous devons unir nostre volonté a celle des Dieu en la permission des péchés 59.

  A005000080 

 Chapitre III. Comme il y a des vertus que la presence du divin amour releve a une plus haute excellence que les autres 102.

  A005000083 

 Chapitre VI. De l'excellence du prix que l'amour sacré donne aux actions issues de luy mesme, et a celles qui procèdent des autres vertus.

  A005000087 

 Chapitre X. Digression sur l'imperfection des vertus des payens.

  A005000090 

 Chapitre XIII. Comme nous devons reduire toute la prattique des vertus et de nos actions au saint amour 119.

  A005000093 

 Chapitre XVI. De la crainte amoureuse des espouses: suite du discours commencé.

  A005000110 

 Chapitre XI. Des motifs que nous avons pour le saint amour.

  A005000114 

 Approbations des docteurs.

  A005000157 

 Car il y a, certes, difference entre unir et joindre une chose a l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre: d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose a l'autre, en sorte qu'elles se touchent et soyent ensemble, ainsy que nous joignons les vignes aux ormeaux, et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait es jardins; mais pour serrer et [5] presser il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union: de sorte que serrer c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres; car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que mesme il penetre et entre dans leurs escorces..

  A005000158 

 La comparayson de l'amour des petitz enfans envers leurs meres ne doit point estre abandonnee, a cause de son innocence et pureté.

  A005000158 

 Mais toutefois ce pauvre petit fait bien ce qu'il peut de son costé, et se joint de toute sa force au sein maternel, non seulement consentant a la douce union que sa mere prattique, mais y contribuant ses foibles effortz de tout son cœur; et je dis ses foibles effortz, parce qu'ilz sont si imbecilles qu'ilz ressemblent presque plustost des essays d'union que non pas une union..

  A005000158 

 Mays voyés derechef ce petit poupon, apasté des caresses maternelles, comme de son costé il coopere a cette union d'entre sa mere et luy; car il se serre aussi et se presse tant qu'il peut pour luy mesme sur la poitrine et le visage de sa mere, et semble qu'il se veuille tout enfoncer et cacher dans ce sein aggreable duquel il est extrait.

  A005000159 

 Alhors l'ame, amorcee des delices de ces faveurs, non seulement consent et se preste a l'union que Dieu fait, mays de tout son pouvoir elle coopere, s'efforçant de se joindre et serrer de plus en plus a la divine bonté; de sorte, toutefois, qu'elle reconnoist bien que son union et liayson a cette souveraine douceur depend toute de l'operation divine, sans laquelle elle ne pourroit seulement pas faire le moindre essay du monde pour s'unir a icelle..

  A005000160 

 Quand on void une exquise beauté regardee avec grande ardeur, ou une excellente melodie escoutee avec grande attention, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit que cette beauté-la tient collés sur soy les yeux des spectateurs, cette musique tient attachees les aureilles, et que ce discours ravit les cœurs des auditeurs.

  A005000161 

 Et si vous prenes garde aux petitz enfans [7] unis et jointz aux tetins de leurs meres, vous verres que de tems en tems ilz se pressent et serrent par des petite eslans que le playsir de tetter leur donne; ainsy, en l'orayson, le cœur uni a son Dieu fait maintefois certaines recharges d'union, par des mouvemens avec lesquelz il se serre et presse davantage en sa divine douceur.

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Et le cœur humain, transplanté du monde en Dieu par le celeste amour, s'il s'exerce fort en l'orayson, certes, il s'estendra continuellement et se serrera a la Divinité s'unissant de plus en plus a sa bonté, mais par des accroissemens imperceptibles, desquelz on ne remarque pas bonnement le progres tandis qu'il se fait, ains quand il est fait.

  A005000170 

 Car ainsy, lhors que nous voyons nostre esprit s'unir de plus en plus a Dieu sous des petitz effortz que nostre volonté fait, nous jugeons bien que nous avons trop peu de vent pour singler si fort, et qu'il faut que l'Amant de nos ames nous tire par l'influence secrette de sa grace, laquelle il veut nous estre imperceptible affin qu'elle nous soit plus admirable, et que, sans [11] nous amuser a sentir ses attraitz, nous nous occupions plus purement et simplement a nous unir a sa bonté..

  A005000170 

 Et quelquefois aussi, comme il nous a attirés insensiblement a l'union, il continue insensiblement a nous ayder et secourir, et nous ne sçavons comme une si grande union se fait, mais nous sçavons bien que nos forces ne sont pas asses grandes pour la faire: si que nous jugeons bien par la que quelque secrette puissance fait son insensible action en nous; comme les nochers qui portent du fer, lhors que, sous un vent fort foible, ilz sentent leurs vaysseaux singler puissamment, connoissent qu'ilz sont proches des montaignes de l'aymant qui les tirent imperceptiblement, et voyent en cette sorte un connoissable et perceptible avancement provenant d'un moyen inconneu et imperceptible.

  A005000171 

 Aucunes fois cette union se fait si insensiblement que nostre cœur ne sent ni l'operation divine en nous ni nostre cooperation, ains il treuve la seule union insensiblement toute faite, a l'imitation de Jacob, qui, sans y penser, se treuva marié avec Lia; ou plustost comme un autre Samson, mais plus heureux, il se treuve lié et serré des cordes de la sainte union sans que nous nous en soyons apperceus.

  A005000171 

 D'autres fois nous sentons les serremens, l'union se faysant par des actions sensibles, tant de la part de Dieu que de la nostre..

  A005000173 

 Telle est la varieté des unions..

  A005000176 

 A cette union le divin Berger des ames provoquoit sa chere Sulamite: Mettes-moy, disoit-il, comme un sceau sur vostre cœur, comme un cachet sur vostre bras.

  A005000183 

 Jacob, dit saint Bernard, tenant Dieu bien serré le veut bien quitter, pourveu qu'il reçoive sa benediction; mais Sulamite ne le quittera point quelle benediction qu'il luy donne, car elle ne veut pas les benedictions de Dieu, elle veut le Dieu des benedictions, disant avec David: Qu'y a-il au Ciel pour moy et que veux-je sur la terre sinon vous? vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage a toute eternité.

  A005000185 

 Ainsy l'ame laquelle, par l'exercice de l'union, est parvenue jusques a demeurer prise et attachee a la divine Bonté, n'en peut estre tiree presque que par force et avec beaucoup de douleur; on ne la peut faire desprendre: si on destourne son imagination, elle ne laisse pas de se tenir prise par son entendement; que si on tire son entendement, elle se tient attachee par la volonté; et si on la fait encor [17] abandonner de la volonté par quelque distraction violente, elle se retourne de moment en moment du costé de son cher object, duquel elle ne se peut du tout desprendre, renouant tant qu'elle peut les doux liens de son union avec luy par des frequens retours qu'elle fait, comme a la desrobbee; experimentant en cela la peyne de saint Paul, car elle est pressee de deux desirs: d'estre delivree de toute occupation exterieure pour demeurer en son interieur avec Jesus Christ, et d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre requise..

  A005000187 

 Or, nous ne parlons pas de cette union qui est permanente en nous par maniere d'habitude, soit que nous dormions, soit que nous veillions; nous parlons de l'union qui se fait par l'action et qui est un des exercices de la charité et dilection.

  A005000188 

 Ah, Seigneur, puisque vostre cœur m'ayme, que ne me ravit il a soy puisque je le veux bien! Tires moy, et je courray a la suite de vos attraitz, pour me jetter entre vos bras paternelz et n'en bouger jamais es siecles des siecles.

  A005000188 

 Au demeurant, cet exercice de l'union avec Dieu se peut mesme prattiquer par des courtz et passagers mais frequens eslans de nostre cœur en Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires faites a cette intention: Ah, Jesus, qui me donnera la grace que je sois un seul esprit avec vous! En fin, Seigneur, rejettant la multiplicité des creatures, je ne veux que vostre unité! O Dieu, vous estes le seul un et la seule unité necessaire a mon ame! Helas, cher Ami de mon cœur, unisses ma pauvre unique ame a vostre tres unique bonté.

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000192 

 O hommes, jusques a quand seres vous si insensés que de vouloir ravaler vostre dignité naturelle, descendans volontairement et vous precipitans en la condition des bestes brutes?.

  A005000194 

 Et quelquefois, outre cela, Dieu donne a l'ame une lumiere non seulement claire, mais croissante comme l'aube du jour; et alhors, comme ceux qui ont treuvé une miniere d'or fouillent tous-jours plus avant pour treuver tous-jours davantage de ce tant desiré metail, ainsy l'entendement va de plus en plus s'enfonçant en la consideration et admiration de son divin objet; car ne plus ne moins que l'admiration a causé la philosophie et attentive recherche des choses naturelles, elle a aussi causé la contemplation et theologie mystique.

  A005000194 

 Or l'admiration des choses aggreables attache et colle fortement l'esprit a la chose admiree: tant a rayson de l'excellence de la beauté qu'elle luy descouvre, qu'a rayson de la nouveauté de cette excellence; l'entendement ne se pouvant asses assouvir de voir ce qu'il n'a [21] encor point veu et qui est si aggreable a voir.

  A005000199 

 Ce discours, Theotime, est presque tout composé des paroles du divin saint Denis Areopagite: et certes, il est vray que le soleil, source de la lumiere corporelle, est la vraye image du bon et du beau; car, entre les creatures purement corporelles, il n'y a point de bonté ni de beauté egale a celle du soleil.

  A005000200 

 Il est vray que, comme j'ay des-ja signifié, l'entendement entre quelquefois en admiration voyant la sacree delectation que la volonté a en son extase, comme la volonté reçoit souvent de la delectation appercevant l'entendement en admiration; de sorte que ces deux facultés s'entrecommuniquent leurs ravissemens, le regard de la beauté nous la faisant aymer, et l'amour nous la faisant regarder.

  A005000200 

 On n'est guere souvent eschauffé des rayons du soleil qu'on n'en soit esclairé, ni esclairé qu'on n'en soit eschauffé; l'amour fait facilement admirer, et l'admiration facilement aymer..

  A005000201 

 Et partant, le malin esprit peut extasier, s'il faut ainsy parler, et ravir l'entendement, luy representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent eslevé et suspendu au dessus de ses forces naturelles, et par telles clartés il peut encor donner a la volonté quelque sorte d'amour vain, mol, tendre et imparfait, par maniere de complaysance, satisfaction et consolation sensible; mais de donner la vraye extase de la volonté, par laquelle elle s'attache uniquement et puissamment a la Bonté divine, cela n'appartient qu'a cet Esprit souverain par lequel la charité de Dieu est respandue dedans nos cœurs..

  A005000205 

 C'est pourquoy il ne se faut pas estonner si le malin esprit, pour faire le singe, tromper les ames, scandaliser les foibles et se transformer en esprit de lumiere, opere des ravissemens en quelques ames peu solidement instruites en la vraye pieté..

  A005000205 

 Les philosophes mesmes ont reconneu certaines especes d'extases naturelles faites par la vehemente application de l'esprit a la consideration des choses plus relevees.

  A005000206 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés..

  A005000207 

 L'entiere observation des commandemens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien pourtant dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme tres conformes a la rayson et lumiere naturelle: de sorte que, vivans selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes pas pour cela hors de nostre inclination naturelle.

  A005000207 

 La seconde marque des vrayes extases consiste en la troysiesme espece d'extase que nous avons marquee ci dessus, extase toute sainte, toute aymable et qui couronne les deux autres; et c'est l'extase de l'œuvre et de la vie.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes.

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000214 

 Car, quel bien peut avoir une ame d'estre ravie a Dieu par l'orayson, si en sa conversation et en sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles? Estre au dessus de soy mesme en l'orayson et au dessous de soy en la vie et operation, estre angelique en la meditation et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu et jurer en Melchon, et en somme c'est une vraye marque que telz ravissemens et telles extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit.

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000221 

 Oyes, Theotime, je vous prie, soyes attentif et peses la force et efficace des ardentes et celestes paroles de cet Apostre, tout ravi et transporté de l'amour de son Maistre.

  A005000223 

 Mais ainsy que la flamme du feu commençoit a le saisir, l'aigle survint a grans traitz d'aysles, et voyant cet inopiné et triste spectacle, outree de douleur elle lascha ses serres, et abandonnant sa proye se vint jetter sur sa pauvre chere maistresse, et la couvrant de ses aysles comme pour la defendre du feu ou pour l'embrasser de pitié, elle demeura ferme et immobile, mourant et bruslant courageusement avec elle, l'ardeur de son affection ne pouvant ceder la place aux flammes et ardeurs du feu, pour ainsy se rendre victime et holocauste de son brave et prodigieux amour, comme sa maistresse l'estoit de la mort et des flammes..

  A005000224 

 Ah, Theotime, quel essor nous fait prendre cette aigle! Le Sauveur nous a nourris des nostre tendre jeunesse, ains il nous a formés et receus, comme une aymable nourrice, entre les bras de sa divine providence des l'instant de nostre conception:.

  A005000234 

 Comme c'est le propre des repreuvés de mourir en peché, aussi est-ce le propre des esleuz de mourir en l'amour et grace de Dieu; mays cela toutefois advient differemment.

  A005000234 

 Et combien de gens de bien void on mourir apoplectiques, lethargiques et en mille sortes fort subitement, et des autres mourir en resverie et frenesie hors de l'usage de rayson? et tous ceux ci, avec les enfans baptisés, sont decedés en grace, et par consequent en l'amour de Dieu..

  A005000234 

 Il y a eu de nostre aage, des tres grans personnages en vertu et doctrine, que l'on a treuvé mortz, les uns en un confessionnal, les autres oyans le sermon; et mesme on en a veu quelques uns tumber mortz au sortir de la chaire ou ilz avoyent presché avec grande ferveur: mortz toutes soudaines, mais non improuveues.

  A005000234 

 Si des espritz foibles et vulgaires eussent veu le feu du ciel tumber sur le grand saint Simeon Stylite et le tuer, qu'eussent-ilz pensé sinon des pensees de scandale? mais l'on n'en doit toutefois point faire d'autre, sinon que ce grand Saint s'estant immolé [36] tres parfaitement a Dieu en son cœur, des-ja tout consumé d'amour, le feu vint du ciel pour parfaire l'holocauste et le brusler du tout; car l'abbé Julien, esloigné d'une journee, vit l'ame d'iceluy montant au Ciel, et fit jetter de l'encens a mesme heure pour en rendre graces a Dieu.

  A005000235 

 Mais, comme pouvoyent ilz deceder en l'amour de Dieu, puisque mesme ilz ne pensoyent pas en Dieu lhors de leur trespas? Les sçavans hommes, Theotime, ne perdent pas leur science en dormant, autrement ilz seroyent ignorans a leur resveil et faudroit qu'ilz retournassent a l'escole; or c'en est de mesme de toutes les habitudes de prudence, de temperance, de foy, d'esperance, de charité; elles sont tous-jours dedans l'esprit des justes, bien qu'ilz n'en fassent pas tous-jours les actions.

  A005000237 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort.

  A005000237 

 L'admirable sainte Eusebe, surnommee l'Estrangere, mourut a genoux en une fervente priere; saint Pierre le Martir, escrivant avec son doigt et de son propre sang la confession de la foy pour laquelle il mouroit, et disant ces paroles: Seigneur, je recommande mon esprit en vos mains; et le grand apostre des Japponois, François Xavier, tenant et baysant l'image dit Crucifix et repetant a tous coups cet eslan d'esprit: O Jesus, le Dieu de mon cœur![39].

  A005000237 

 Saint Pierre Celestin, tout detrempé en des cruelles afflictions qu'on ne peut bonnement dire, estant arrivé a la fin de ses jours, se mit a chanter, comme un cygne sacré, le dernier des Pseaumes, et acheva son chant et sa vie en ces amoureuses paroles: Que tout esprit loüe le Seigneur.

  A005000241 

 Mays pourtant il y a eu des Martirs qui moururent expressement pour la charité seule, comme le grand Precurseur du Sauveur, qui fut martyrisé pour la correction fraternelle; et les glorieux Princes des Apostres, saint Pierre et saint Paul, mais principalement saint Paul, moururent pour avoir converti a la sainteté et chasteté les femmes que l'infame Neron avoit desbauchees.

  A005000242 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'ardeur du saint amour est grande, elle donne tant d'assautz au cœur, elle le blesse si souvent, elle luy cause tant de langueurs, elle le fond si ordinairement, elle le porte en des extases et ravissemens si frequens, que par ce moyen l'ame presque toute occupee en Dieu, ne pouvant fournir asses d'assistance a la nature pour faire la digestion et nourriture convenable, les forces animales et vitales commencent a manquer petit a petit, la vie s'accourcit et le trespas arrive..

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000248 

 Le grand saint François, qui en ce sujet de l'amour celeste me revient tous-jours devant les yeux, ne pouvoit pas eschapper qu'il ne mourust par l'amour, a cause de la multitude et grandeur des langueurs, extases et defaillances que sa dilection envers Dieu luy donnoit; mais, outre cela, Dieu qui l'avoit exposé a la veüe de tout le monde comme un miracle d'amour, voulut que non seulement il mourust pour l'amour, ains qu'il mourust encor d'amour.

  A005000249 

 Sainte Magdeleyne ayant l'espace de trente ans demeuré en la grotte que l'on void encor en Provence, ravie tous les jours sept fois et eslevee en l'air par les Anges, comme pour aller chanter les sept Heures canoniques en leur chœur, en fin un jour de Dimanche elle vint a l'eglise, en laquelle son cher Evesque saint Maximin la treuvant en contemplation, les yeux pleins de larmes et les bras eslevés, il la communia; et tost apres elle rendit son bienheureux esprit, qui derechef alla pour jamais aux pieds de son Sauveur, jouir de [43] la meilleure part, qu'elle avoit des-ja choisie en ce monde..

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000255 

 De Bethanie il va dans le desert, et y void, des yeux de son esprit, le Sauveur jeusnant, combattant et vainquant l'ennemi; puis les Anges qui le servent de viandes admirables..

  A005000255 

 De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit lieu de Bethanie, ou, se resouvenant que Nostre Seigneur s'estoit devestu pour estre baptisé, il se despouilla aussi luy mesme, et entrant dans le Jordain, se lavant et beuvant des eaux d'iceluy, il luy estoit advis d'y voir son Sauveur recevant le Baptesme par la main de son Precurseur, et le Saint Esprit descendant visiblement sur iceluy sous la forme de colombe, avec les cieux encor ouvertz, d'ou, ce luy sembloit, descendoit la voix du Pere eternel disant: Cestuy cy est mon Filz bienaymé auquel je me complais.

  A005000256 

 Il passe le torrent de Cedron et va au jardin de Getsemani; ou son cœur se fond es larmes d'une tres aymable douleur lhors qu'il s'y represente son cher Sauveur suer le sang en cette extreme agonie qu'il y souffroit, puis, tost apres, lié, garrouté et mené en Hierusalem, ou il s'achemine aussi, suivant par tout les [46] traces de son Bienaymé; et le void en imagination traisné ça et la, chez Anne, chez Caïphe, chez Pilate, chez Herodes; fouetté, baffoué, craché, couronné d'espines, presenté au peuple, condamné a mort, chargé de sa croix, laquelle il porte, et la portant fait le pitoyable rencontre de sa Mere toute detrempee de douleur, et des dames de Hierusalem pleurantes sur luy.

  A005000257 

 Mais ses compaignons et serviteurs qui virent ainsy subitement tumber comme mort ce pauvre amant, estonnés de cet accident, coururent de force au medecin, qui venant, treuva qu'en effect il estoit trespassé; et pour faire jugement asseuré des causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles mœurs et de quelles humeurs estoit le defunct, et il apprit qu'il estoit d'un naturel tout doux, amiable, devot a merveille et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005000257 

 Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object.

  A005000258 

 Certes, un autre autheur presque du mesme aage, qui a celé son nom par humilité, mais qui seroit neanmoins digne d'estre nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroüer des spirituelz, raconte une autre histoire encor plus admirable; car il dit qu'es quartiers de Provence, il y avoit un seigneur grandement addonné a l'amour de Dieu et a la devotion du tressaint Sacrement de l'autel.

  A005000258 

 Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour..

  A005000258 

 Or un jour, estant extremement affligé d'une maladie qui luy donnoit des vomissemens continuelz, on luy apporta la divine Communion, laquelle n'osant recevoir a cause du danger qu'il y avoit de la rejetter, il supplia son curé de la luy mettre au moins sur la poitrine et le signer avec icelle du signe de la Croix: ce qui fut fait, et en un moment cette poitrine enflammee du saint amour se fendit, et tira dedans soy [48] le celeste aliment dans lequel estoit le Bienaymé, et a mesme tems expira.

  A005000262 

 Helas, combien de douceur, de charité et de misericorde furent exercees par ce bon Pere nourricier envers le Sauveur lhors qu'il nasquit petit enfant au monde! et qui pourroit donq croire, qu'iceluy sortant de ce monde, ce divin Filz ne luy rendist la pareille au centuple, le comblant de suavités celestes? Les cigoignes sont un vray portrait de la mutuelle pieté des enfans envers les peres et des peres envers les enfans; car, comme ce sont des oyseaux passagers, elles portent leurs peres et meres vieux, en leurs passages, ainsy qu'estant encor petites leurs peres et meres [49] les avoyent portees en mesme occasion.

  A005000263 

 Et je dis de Mere unique et d'Enfant unique, parce que tous les autres enfans des hommes partagent la reconnoissance de leur production entre le pere et la mere; mays en celuy cy, comme toute sa naissance humaine dependit de sa seule Mere, laquelle seule contribua, ce qui estoit requis a la vertu du Saint Esprit pour la conception de ce divin Enfant, aussi a elle seule fut deu et rendu tout l'amour qui provient de la.

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000264 

 Le phœnix, comme on dit, estant fort envielli, ramasse sur le haut d'une montaigne une [51] quantité de bois aromatiques, sur lesquelz, comme sur son lit d'honneur, il va finir ses jours; car lhors que le soleil au fort de son midi jette ses rayons plus ardens, cet tout unique oyseau, pour contribuer a l'ardeur du soleil un surcroist d'action, ne cesse point de battre des aysles sur son bucher jusques a ce qu'il luy ait fait prendre feu, et bruslant avec iceluy il se consume et meurt entre ces flammes odorantes.

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000271 

 Ah non, Theotime, il ne faut pas mettre une impetuosité d'agitation en ce celeste amour du cœur maternel de la Vierge, car l'amour, de soy mesme, est doux, gracieux, paisible et tranquille: que s'il fait quelquefois des assautz, s'il donne des secousses a l'esprit, c'est parce qu'il y treuve de la resistance; mais quand les passages de l'ame luy sont ouvertz sans opposition ni contrarieté, il fait ses progres paisiblement, avec une suavité nompareille.

  A005000271 

 Car, comme l'on void les grans fleuves faire des bouillons et rejaillissemens avec grand bruit es endroitz raboteux, esquelz les rochers font des bancs et escueilz qui s'opposent et empeschent l'escoulement des eaux, ou au contraire, se treuvans en la plaine ilz coulent et flottent doucement, sans effort; de mesme le divin amour treuvant es ames humaines plusieurs empeschemens et resistances, comme a la verité toutes en ont, quoy que differemment, il y fait des violences, combattant les mauvaises inclinations, frappant le cœur, poussant la volonté par diverses agitations et differens effortz, affin de se faire faire place ou du moins outrepasser ces obstacles.

  A005000271 

 Mais en la Vierge sacree tout favorisoit et secondoit le cours de l'amour celeste, les progres et accroissemens d'iceluy se faysoient incomparablement plus grans qu'en tout le [54] reste des creatures; progres neanmoins infiniment doux, paisibles et tranquilles.

  A005000271 

 Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque.

  A005000272 

 Je ne dis pas, Theotime, qu'en l'ame de la tressainte Vierge il n'y eut deux portions, et par consequent deux appetitz, l'un selon l'esprit et la rayson superieure, l'autre selon les sens et la rayson inferieure, en sorte qu'elle pouvoit sentir des repugnances et contrarietés de l'un a l'autre appetit; car ce travail se treuva mesme en Nostre Seigneur son Filz.

  A005000272 

 Mais je dis qu'en cette celeste Mere, toutes les affections estoyent si bien rangees et ordonnees, que le divin amour exerçoit en elle son empire et sa domination tres paisiblement, sans estre troublee par la diversité des volontés ou appetitz, ni par la contrarieté des sens, parce que les repugnances de l'appetit naturel ni les mouvemens des sens n'arrivoyent jamais jusques au peché, non pas mesme jusques au peché veniel; ains au contraire, tout cela estoit saintement et fidelement employé au service du saint amour pour l'exercice des autres vertus, lesquelles, pour la pluspart, ne peuvent estre prattiquees qu'entre les difficultés, oppositions et contradictions..

  A005000273 

 Ainsy la glorieuse Vierge ayant eu part a toutes les miseres du genre humain, exceptees celles qui tendent immediatement au peché, elle les employa tres utilement pour l'exercice et accroissement [55] des saintes vertus de force, temperance, justice et prudence, pauvreté, humilité, souffrance, compassion: de sorte qu'elles ne donnoyent aucun empeschement, ains beaucoup d'occasions a l'amour celeste de se renforcer par des continuelz exercices et avancemens; et, chez elle, Magdeleyne ne se divertit point de l'attention avec laquelle elle reçoit les impressions amoureuses du Sauveur, pour toute l'ardeur et sollicitude que Marthe peut avoir: elle a choisi l'amour de son Filz, et rien ne le luy oste..

  A005000273 

 Les espines, selon l'opinion vulgaire, sont non seulement differentes mais aussi contraires aux fleurs, et semble que s'il n'y en avoit point au monde la chose en iroit mieux; qui a fait penser a saint Ambroise que sans le peché il n'en seroit point: mais toutefois, puisqu'il y en a, le bon laboureur les rend utiles et en fait des hayes et clostures autour des chams et jeunes arbres, ausquelz elles servent de defenses et rempars contre les animaux.

  A005000274 

 Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens.

  A005000274 

 l'amour propre, avec la multitude des passions desreglees qu'il produit et qui sont en nous un pesant fardeau lequel nous accable.

  A005000282 

 Le veritable amour n'est jamais ingrat, il tasche de complaire a ceux esquelz il se complait; et de la vient la conformité des amans, qui nous fait estre [59] telz que ce que nous aymons.

  A005000283 

 Celuy qui, attiré de la suavité des parfums, entre en la boutique d'un parfumier, en recevant le playsir qu'il prend a sentir ces odeurs il se parfume soy mesme, et au sortir de la il donne part aux autres du playsir qu'il a receu, respandant entr'eux la senteur des parfums qu'il a contractee: avec le playsir que nostre cœur prend en la chose aymee il tire a soy les qualités d'icelle, car la delectation ouvre le cœur comme la tristesse le resserre; dont l'Escriture sacree use souvent du mot de dilater, en lieu de celuy de res-jouir..

  A005000284 

 Ainsy, les disciples d'Aristote se plaisoyent a parler begue comme luy, et ceux de Platon tenoyent les espaules courbees, a son imitation; telle femme s'est retreuvee, au recit de Plutarque, de laquelle l'imagination et apprehension estoit si ouverte a toutes choses par la volupté, que regardant l'image d'un More elle conceut un enfant tout noir, d'un pere extremement blanc: et le fait des brebis de Jacob sert de preuve a cela.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000284 

 Or, le cœur se treuvant ouvert par le playsir, les impressions des qualités desquelles le playsir depend entrent aysement en l'esprit; et, avec elles, les autres encores qui sont au mesme sujet, bien qu'elles nous desplaysent, ne laissent pas d'entrer en nous parmi la presse du playsir, comme celuy qui sans robbe [60] nuptiale entra au festin parmi ceux qui estoyent parés.

  A005000286 

 L'amour est l'abbregé de toute la theologie, qui rendit tres saintement docte l'ignorance des Paulz, des Anthoines, des Hilarions, des Simeons, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour la bienaymee peut dire en asseurance: Mon Bienaymé est tout mien par la complaysance, de laquelle il me plait et me paist, et moy je suis toute a luy par la bienveuillance, de laquelle je luy plais et le repais; mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist dequoy je luy plais pour luy: tout ainsy qu'un sacré berger, il me paist comme sa chere brebis entre les lis de ses perfections, esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du lait de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire.

  A005000290 

 La complaysance attire donq en nous les traitz des perfections divines selon que nous sommes capables de les recevoir; comme le miroüer reçoit la ressemblance du soleil, non selon l'excellence et grandeur de ce grand et admirable luminaire, mays selon la capacité et mesure de sa glace: si que nous sommes ainsy rendus conformes a Dieu..

  A005000298 

 Et bien qu'en erité sa divine Majesté n'ayt qu'une tres unique et tres simple volonté, si est ce que nous la marquons de noms differens, suivant la varieté des moyens par lesquelz nous la connoissons; varieté selon laquelle nous sommes aussi diversement obligés de nous conformer a icelle.

  A005000301 

 En suite dequoy, es anciens Conciles on mettoit au milieu de toute l'assemblee des Evesques un grand throsne, et sur iceluy le livre des saintz Evangiles qui representoit la personne du Sauveur, Roy, Docteur, Directeur, Esprit et unique Cœur des Conciles et de toute l'Eglise; tant on honnoroit la signification de la volonté de Dieu exprimee en ce divin Livre.

  A005000305 

 A cette intention il nous a faitz a son image et semblance par la creation, et s'est fait a nostre image et semblance par l'Incarnation, apres laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver: ce qu'il fit avec tant d'amour, que, comme raconte le grand saint Denis, apostre de la France, il dit un jour au saint homme Carpus qu'il estoit «prest de patir encor une fois pour sauver les hommes,» et que cela luy seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché d'aucun homme..

  A005000307 

 Nostre sanctification est la volonté de Dieu et nostre salut son bon playsir: or, il n'y a nulle difference entre le bon playsir et la bonne volupté, ni par consequent donq entre la bonne volupté et la bonne volonté divine; ains la volonté que Dieu a pour le bien des hommes est appellee bonne parce qu'elle est amiable, propice, favorable, aggreable, delicieuse, et, comme les Grecs, apres saint Paul, ont dit, c'est une vraye philantropie, c'est a dire, une bienveuillance ou volonté toute amoureuse envers les hommes..

  A005000307 

 [68] Mays quelle est la volupté de la souveraine Bonté, sinon de se respandre et communiquer ses perfections? Certes, ses delices sont d'estre avec les enfans des hommes, pour verser ses graces sur eux.

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000311 

 David acceptoit en particulier les afflictions, comme un acheminement a sa perfection, quand il chantoit en cette sorte: O qu' il m'est bon, Seigneur, que vous m'ayes humilié, affin que j'apprenne vos justifications, ainsy furent les Apostres joyeux es tribulations, dequoy ilz avoyent la faveur d'endurer des ignominies pour le nom de leur Sauveur.

  A005000316 

 Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:.

  A005000323 

 Mais pour exciter ce saint et salutaire amour des commandemens, nous devons contempler leur beauté, laquelle est admirable; car, comme il y a des œuvres [71] qui sont mauvaises parce qu'elles sont defendues, et des autres qui sont defendues parce qu'elles sont mauvaises, aussi y en a-il qui sont bonnes parce qu'elles sont commandees, et des autres qui sont commandees parce qu'elles sont bonnes et tres utiles: de sorte que toutes sont tres bonnes et tres aymables, parce que le commandement donne la bonté aux unes qui n'en auroyent point autrement, et donne un surcroist de bonté aux autres qui, sans estre commandees, ne laisseroyent pas d'estre bonnes.

  A005000324 

 Ains, comme il y a des personnes qui, pour aggreable que soit un medicament, ont du contrecœur a le prendre, seulement parce qu'il porte le nom de medicament, aussi y a-il des ames qui ont en horreur les actions commandees, seulement parce qu'elles sont commandees; et s'est treuvé tel homme, ce dit on, qui ayant doucement vescu dans la grande ville de Paris l'espace de quatre vingtz ans sans en sortir, soudain qu'on luy eut enjoint de par le Roy d'y demeurer encor le reste de ses jours, il alla dehors voir les chams, que de sa vie il n'avoit desiré..

  A005000325 

 Au contraire, le cœur amoureux ayme les commandemens, et plus ilz sont de chose difficile plus il les treuve doux et aggreables, parce qu'il complait plus parfaitement au Bienaymé et luy rend plus d'honneur; [72] il lance et chante des hymnes d'allegresse quand Dieu luy enseigne ses commandemens et justifications.

  A005000325 

 Et comme le pelerin qui va gayement chantant en son voyage adjouste voirement la peyne du chant a celle du marcher, et neanmoins, en effect, par ce surcroist de peyne il se desennuye et allege du travail du chemin, aussi l'amant sacré treuve tant de suavité aux commandemens, que rien ne luy donne tant d'haleyne et de soulagement en cette vie mortelle que la gracieuse charge des preceptes de son Dieu; dont le saint Psalmiste s'escrie: O Seigneur, vos justifications ou commandemens me sont des douces chansons en ce lieu de mon pelerinage.

  A005000325 

 On dit que les muletz et chevaux chargés de figues succombent incontinent au faix et perdent toute leur force: plus douce que les figues est la loy du Seigneur; mais l'homme brutal, qui s'est rendu comme le cheval et mulet, esquelz il n'y a point d'entendement, perd le courage et ne peut treuver des forces pour porter cet amiable faix.

  A005000330 

 Le commandement tesmoigne une volonté fort entiere et pressante de celuy qui ordonne, mais le conseil ne nous represente qu'une volonté de souhait; le commandement nous oblige, le conseil nous incite seulement; le commandement rend coulpables les transgresseurs, le conseil rend seulement moins louables ceux qui ne le suivent pas; les violateurs des commandemens meritent d'estre damnés, ceux qui negligent les conseilz meritent seulement d'estre moins glorifiés.

  A005000331 

 Et Dieu ne veut pas qu'un chacun observe tous les conseilz, ains seulement ceux qui sont convenables, selon la diversité des personnes, des tems, des occasions et des forces, ainsy que la charité le requiert; car c'est elle qui, comme reyne de toutes les vertus, de tous les commandemens, de tous les conseilz et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrestiennes, leur donne a tous et a toutes le rang, l'ordre, le tems et la valeur..

  A005000332 

 Non seulement la charité ne permet pas aux peres de famille de tout vendre pour donner aux pauvres, mais leur ordonne d'assembler honnestement ce qui est requis pour l'education et sustentation de la femme, des enfans et serviteurs; comme aussi aux rois et princes d'avoir des tresors qui, provenus d'une juste espargne et non de tyranniques inventions, servent comme de salutaires [75] preservatifs contre les ennemis visibles.

  A005000332 

 Tu es un prince, par la posterité duquel les sujetz de la couronne qui t'appartient doivent estre conservés en paix et asseurés contre la tyrannie, sedition et guerre civile; l'occasion donq d'un si grand bien t'oblige de produire en un saint mariage des legitimes successeurs: ce n'est pas perdre la chasteté, ou au moins c'est la perdre chastement, que de la sacrifier au bien public en faveur de la charité.

  A005000333 

 Il y a des circonstances qui les rendent quelquefois impossibles, quelquefois inutiles, quelquefois perilleux, quelquefois nuisibles a quelques uns, qui est une des intentions pour lesquelles Nostre Seigneur dit de l'un d'iceux ce qu'il veut estre entendu de tous: Qui peut le prendre, si le prenne; comme s'il disoit, ainsy que saint Hierosme expose: Qui peut gaigner et emporter l'honneur de la chasteté «comme un prix» de reputation, qu'il le prenne, car il est exposé a ceux qui courront vaillamment.

  A005000334 

 Quand donq la charité l'ordonne, on tire les moines et religieux des cloistres pour en faire des cardinaux, des prelatz, des curés, voire mesme on les reduit quelquefois au mariage pour le repos des royaumes, ainsy que j'ay dit ci dessus.

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000335 

 Pour cela on doit prendre d'elle l'ordre de l'exercice des conseilz: car aux uns elle ordonnera la chasteté et non la pauvreté, aux autres l'obeissance et non la chasteté, aux autres le jeusne et non l'aumosne, aux autres l'aumosne et non le jeusne, aux autres la solitude et non la charge pastorale, aux autres la conversation et non la solitude.

  A005000339 

 Certes, ce grand Roy, qui avoit son cœur fait selon le cœur de Dieu, savouroit si fort la parfaite excellence des ordonnances divines, qu'il semble que ce soit un amoureux espris de la beauté de cette loy comme de la chaste espouse et reyne de son cœur; ainsy qu'il appert par les continuelles louanges qu'il luy donne..

  A005000340 

 Au contraire le meschant, des le siecle, c'est a dire tous-jours, a rompu le joug de la loy de Dieu, et a dit: Je ne serviray point; c'est pourquoy Dieu dit qu'il l'a appellé des le ventre de sa mere transgresseur et rebelle; et parlant au roy de Tyr il luy reproche qu'il avoit mis son cœur comme le cœur de Dieu: car l'esprit revolté veut que son cœur soit maistre de soy mesme et que sa propre volonté soit souveraine comme la volonté de Dieu; il ne veut pas que la volonté divine regne sur la sienne, ains veut estre absolu et sans dependance quelcomque.

  A005000340 

 Ce qui fut parfaitement verifié en la [78] primitive Eglise, lhors que, comme dit le glorieux saint Luc, en la multitude des croyans il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; car il n'entend pas parler du cœur qui fait vivre nos cors, ni de l'ame qui anime les cœurs d'une vie humaine, mais il parle du cœur qui donne la vie celeste a nos ames, et de l'ame qui anime nos cœurs de la vie surnaturelle: cœur et ame tres unique des vrays Chrestiens, qui n'est autre chose que la volonté de Dieu.

  A005000340 

 Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté.

  A005000340 

 Quand l'Espouse celeste veut exprimer l'infinie suavité des parfums de son divin Espoux, Vostre nom, luy dit elle, est un unguent respandu; comme si elle disoit: Vous estes si excellemment parfumé qu'il semble que vous soyes tout parfum, et qu'il soit a propos de vous appeller unguent et parfum, plustost qu'oint et parfumé.

  A005000341 

 O combien excellente est l'observation de la defense des injustes voluptés, en celuy qui a mesme renoncé aux plus justes et legitimes delices! O combien celuy la est esloigné de convoiter le bien d'autruy, qui rejette toutes richesses et celles mesme que saintement il pourroit garder! Que celuy est bien esloigné de vouloir preferer sa volonté a celle de Dieu, qui pour faire la volonté de Dieu s'assujettit a celle d'un homme!.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 A ce souhait, les plus vaillans Chrestiens se sont mis a la course, et forçans toutes les repugnances, convoitises et difficultés, ont atteint a la sainte perfection, se rangeans a l'estroitte observance des désirs de leur Roy, obtenans par ce moyen la couronne de gloire..

  A005000342 

 David estoit un jour en son preside, et la garnison des Philistins en Bethleem; or il fit un souhait disant: O si quelqu'un me donnoit a boire de l'eau de la cisterne qui est a la porte de Bethleem! Et voyla qu'il n'eut pas plus tost dit le mot, que trois vaillans chevaliers partent de la, main et teste baissee, traversent l'armee ennemie, vont a la cisterne de Bethleem, puisent de l'eau et l'apportent a David; lequel, voyant le hazard auquel ces gentilzhommes s'estoyent mis pour contenter son appetit, ne voulut point boire cette eau conquise au peril de leur sang et de leur vie, ains la respandit en oblation au Dieu eternel.

  A005000342 

 Hé, voyés, je vous prie, Theotime, quelle ardeur de ces chevaliers au service et contentement de leur maistre! ilz volent et fendent la presse des ennemis, avec mille dangers de se perdre, pour assouvir un seul simple souhait que le Roy leur tesmoigne.

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000349 

 Et c'en est de mesme des conseilz de l'Eglise, laquelle, a rayson de la continuelle assistance du Saint Esprit qui l'enseigne et conduit en toute verité, ne peut jamais donner des mauvais advis..

  A005000353 

 Mays de quel ami et de quelz conseilz parlons nous? O Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseilz sont plus aymables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseilz sont pour le salut..

  A005000354 

 Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain..

  A005000357 

 De prester aux pauvres hors la tres grande necessité, c'est le premier degré du conseil de l'aumosne; et c'est un degré plus haut de leur donner, plus haut encor de donner tout, et en fin encor plus haut de donner sa [86] personne, la voüant au service des pauvres.

  A005000357 

 En quoy excella ce grand saint Bernard de Menthon, originaire de ce Diocese, lequel estant issu d'une mayson fort illustre, habita plusieurs annees entre les jougs et cimes de nos Alpes, y assembla plusieurs compaignons pour attendre, loger, secourir, deslivrer des dangers de la tourmente les voyageurs et passans, qui mourroyent souvent entre les orages, les neiges et froidures, sans les hospitaux que ce grand ami de Dieu establit et fonda es deux montz qui pour cela sont appellés de son nom, Grand Saint Bernard, au Diocese de Sion, et Petit Saint Bernard en celuy de Tarentaise.

  A005000357 

 L'hospitalité hors l'extreme necessité est un conseil: recevoir l'estranger est le premier degré d'iceluy; mais aller sur les advenues des chemins pour le semondre, comme faisoit Abraham, c'est un degré plus haut; et encor plus de se loger es lieux perilleux pour retirer, ayder et servir les passans.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Le bienheureux portier de la prison de Sebaste, voyant l'un des quarante qui estoyent lhors martyrisés perdre le courage et la couronne du martyre, se mit en sa place sans que personne le poursuivit, et fut ainsy le quarantiesme de ces glorieux et triomphans soldatz de Nostre Seigneur.

  A005000358 

 Mays de passer outre et s'avancer en la perfection, c'est un conseil; les actes heroïques des [87] vertus n'estans pas pour l'ordinaire commandes, ains seulement conseillés.

  A005000358 

 Mille des anciens Martyrs en firent de mesme, et pouvans egalement eviter et subir le martyre sans pecher, ilz choisirent de le subir genereusement plustost que de l'eviter loysiblement: en ceux ci donq, le martyre fut un acte heroïque de la force et constance qu'un saint exces d'amour leur donna.

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000358 

 Que si en quelqu'occasion nous nous treuvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurrences rares et extraordinaires, qui les rendent necessaires a la conservation de la grace de Dieu.

  A005000362 

 Sans l'inspiration nos ames vivroyent paresseuses, perdues et inutiles; mais a l'arrivee des divins rayons de l'inspiration, nous sentons une lumiere meslee d'une chaleur vivifiante, laquelle esclaire nostre entendement, resveille et anime nostre volonté, luy donnant la force de vouloir et faire le bien appartenant au salut eternel.

  A005000363 

 Et voulant voir par experience, le jour suivant, ce qu'il avoit appris par le recit de son compaignon, il treuva ces Peres dans leurs formes, rangés comme des statues de marbre en une suite de niches, immobiles a toute autre action qu'a celle de la psalmodie, qu'ilz faisoyent avec une attention et devotion vrayement angelique, selon la coustume de ce saint Ordre: si que ce pauvre jeune homme, tout ravi d'admiration, demeura pris en la consolation extreme qu'il eut de voir Dieu si bien adoré parmi les Catholiques, et se resolut, comme il fit par apres, de se ranger dans le giron de l'Eglise, vraye et unique Espouse de Celuy qui l'avoit visité de son inspiration, dans l'infame litiere de l'abomination en laquelle il estoit..

  A005000363 

 Le moyen ordinaire c'est la predication; mais quelquefois, ceux auxquelz la parole ne proffite pas sont instruitz par la tribulation, selon le dire du Prophete: L' affliction donnera intelligence a l'ouïe; c'est a dire: ceux qui par l'ouïe des menasses celestes sur les meschans ne se corrigent pas, apprendront, la verité par l'evenement et les effectz, et deviendront sages sentans l'affliction.

  A005000363 

 Lhors que j'estois jeune, a Paris, deux escoliers, dont l'un estoit heretique, passans la nuit au fauxbourg Saint Jacques, en une desbauche deshonneste, ouïrent sonner les Matines des Chartreux; et l'heretique demandant a l'autre a quelle occasion on sonnoit, il luy fit entendre avec quelle devotion on celebroit les offices sacrés en ce saint monastere: O Dieu, dit-il, que l'exercice de ces religieux est different du nostre! ilz font celuy des Anges, et nous celuy des bestes brutes.

  A005000363 

 Saint Anthoine, saint François, saint Anselme, et mille autres recevoyent souvent des inspirations par la veüe des creatures.

  A005000363 

 Sainte Marie Egyptienne fut inspiree par la veüe d'une image de Nostre Dame; saint Anthoine, oyant l'Evangile qu'on lit a la Messe; saint Augustin, oyant le recit de la vie de saint Anthoine; le Duc de Gandie, voyant l'Imperatrice morte; saint Pachome, voyant un exemple de charité; le bienheureux Ignace de Loyola, lisant la vie des Saintz.

  A005000364 

 Hé, Seigneur, disoit le fidele Eliezer, voyci que je suis pres de cette fontaine d'eau, et les filles des habitans de cette cité sortiront pour puiser de l'eau; la jeune fille, donq, a laquelle je diray: Panches vostre cruche affin que je boive, et elle respondra: Beuves, ains je donneray encor a boire a vos chameaux, c'est celle la que vous aves preparee pour vostre serviteur Isaac.

  A005000368 

 Il y a des inspirations qui tendent seulement a une extraordinaire perfection des exercices ordinaires de la vie chrestienne.

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000368 

 Saint [93] Hierosme recevant en son hospital de Bethleem les pelerins d'Europe qui fuyoient la persecution des Goths, ne leur lavoit pas seulement les pieds, mais s'abbaissoit jusques la que de laver encor et frotter les jambes de leurs chameaux, a l'exemple de Rebecca dont nous parlions n'a guere, qui non seulement puisa de l'eau pour Eliezer, mais aussi pour ses chameaux.

  A005000369 

 Il ne veut pas empescher, [94] non plus que Pharao, que les mistiques femmes d'Israël, c'est a dire les ames chrestiennes, enfantent des masles, pourveu qu'avant qu'ilz croissent on les tue: au contraire, dit le grand saint Hierosme, «entre les Chrestiens on n'a pas tant d'egard au commencement qu'a la fin.» Il ne faut pas tant avaler de viande qu'on ne puisse faire la digestion de ce que l'on en prend.

  A005000369 

 L'esprit seducteur nous arreste aux commencemens et nous fait contenter du primtems fleuri; mais l'Esprit divin ne nous fait regarder les commencemens que pour parvenir a la fin, et ne nous fait res-jouir des fleurs du primtems que pour la pretention de jouir des fruitz de l'esté et de l'automne..

  A005000369 

 Toutes ces inspirations furent pour des exercices ordinaires, prattiqués neanmoins en perfection extraordinaire.

  A005000370 

 Il ne faut pas mesme passer d'une Religion en une autre sans des motifs grandement considerables, dit saint Thomas apres l'abbé Nestorius, rapporté par Cassian..

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 Or, il creut d'estre inspiré de quitter cette sainte Societé pour se rendre en une Religion formelle, et en fin se resolut a cela: mais le bienheureux Philippe, assistant a sa reception en l'Ordre de saint Dominique, pleuroit amerement; dont estant interrogé par François Marie Tauruse, qui despuis fut Archevesque de Sienne et Cardinal, pourquoy il jettoit ces larmes: «Je deplore,» dit-il, «la perte de tant de vertus.» Et de fait, ce jeune homme si excellemment sage et devot en la Congregation, si tost qu'il fut en la Religion devint tellement inconstant et volage, qu'agité de divers desirs de nouveautés et changemens, il donna par apres des grans et fascheux scandales..

  A005000371 

 Un jeune homme portugois nommé François Bassus, estoit admirable, non seulement en l'eloquence divine, mais en la prattique des vertus, sous la discipline du bienheureux Philippe Nerius, en la congreation de l'Oratoire de Rome.

  A005000376 

 Il se faut donq comporter ainsy, Theotime, es inspirations qui ne sont extraordinaires que d'autant qu'elles nous incitent a prattiquer avec une extraordinaire ferveur et perfection les exercices ordinaires du Chrestien; mais il y a d'autres inspirations que l'on appelle extraordinaires, non seulement parce qu'elles font avancer l'ame au dela du train ordinaire, mais aussi parce qu'elles la portent a des actions contraires aux lois, regles et coustumes communes de la tressainte Eglise, et qui partant sont plus admirables qu'imitables..

  A005000377 

 De s'habiller des habitz du sexe duquel on n'est pas, et s'exposer ainsy deguisé au voyage avec des hommes, cela est non seulement au dela, mais contraire aux regles ordinaires de la modestie chrestienne.

  A005000378 

 Saint Jean, Evesque, surnommé le Silentiaire, quittant son evesché a l'insceu de tout son clergé, alla passer le reste de ses jours au monastere de Laura, sans qu'on peust onques avoir de ses nouvelles: cela n'estoit ce pas contre les regles de la tressainte residence? Et le grand saint Paulin, qui se vendit pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve, comme le pouvoit il faire selon les lois ordinaires, puisqu'il n'estoit pas sien, ains a son Eglise et au public, par la consecration episcopale? Ces filles et femmes qui, poursuivies pour leur beauté, desfigurerent leurs visages par des blesseures volontaires affin de garder [99] leur chasteté sous la faveur d'une sainte laideur, ne faisoyent elles pas chose, ce semble, defendue?.

  A005000379 

 Et bien qu'elle soit belliqueuse et guerriere, si est ce que tout ensemble elle est tellement paisible, qu'emmi les armees et batailles elle continue les accors d'une melodie nompareille: Que verres-vous, dit elle, en la Sulamite sinon les chœurs des armees? Ses armees sont des chœurs, c'est a dire des accors des chantres; et ses chœurs sont des armees, parce que les armes de l'Eglise et de l'ame devote ne sont autre chose que les oraysons, les hymnes, cantiques et pseaumes.

  A005000379 

 Or, une des meilleures marques de la bonté de toutes les inspirations, et particulierement des extraordinaires, c'est la paix et tranquillité du cœur qui les reçoit; car l'Esprit divin est voirement violent, mais d'une violence douce, suave et paisible.

  A005000384 

 Mais je n'appelle pas humilité ce ceremonieux assemblage de paroles, de gestes, de baysemens de terre, de reverences, d'inclinations, quand il se fait, comme il advient souvent, sans aucun sentiment interieur de sa propre abjection et de la juste estime du prochain: car tout cela n'est qu'un vain amusement des foibles espritz, et doit plustost estre nommé phantosme d'humilité, qu'humilité.

  A005000386 

 Aussi Dieu, benissant la sousmission de ce grand homme, luy donna la grace de perseverer trente ans entiers sur une colomne haute de trente six coudees, apres avoir des-ja esté sept ans sur des autres colomnes de six, de douze et de vingt pieds de hauteur, et ayant auparavant esté dix ans sur une petite pointe de rocher au lieu appellé la Mandre.

  A005000387 

 En somme, les trois meilleures et plus asseurees marques des legitimes inspirations sont: la perseverance, contre l'inconstance et legereté; la paix et douceur de cœur, contre les inquietudes et empressemens; l'humble obeissance, contre l'opiniastreté et bigearrerie..

  A005000387 

 Quand Dieu jette des inspirations dans un coeur, la premiere qu'il respand c'est celle de l'obeissance.

  A005000387 

 Saint François, saint Dominique et les autres Peres des Ordres religieux vindrent au service des ames par une inspiration extraordinaire; mais ilz se sousmirent d'autant plus humblement et cordialement a la sacree hierarchie de l'Eglise.

  A005000387 

 Tous les prophetes et predicateurs qui ont esté inspirés de Dieu ont tous-jours aymé l'Eglise, tous-jours adheré a sa doctrine, tous-jours aussi esté appreuvés par icelle, et n'ont jamais rien annoncé si fortement que cette verité, que les levres du prestre gardoyent la science, et qu'on devoit requerir la loy de sa bouche: de sorte que les missions extraordinaires sont des illusions diaboliques, et non des inspirations celestes, si elles ne sont reconneües et appreuvees par les pasteurs qui sont de la mission ordinaire; car ainsy s'accordent Moyse et les Prophetes.

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000406 

 Voyons les hommes et les Anges, et toute cette varieté de nature, de qualités, conditions, facultés, affections, passions, graces et privileges que la supreme Providence a establie en la multitude innombrable de ces intelligences celestes et des personnes humaines, esquelles est si admirablement exercee la justice et misericorde divine; et nous ne pourrons nous contenir de chanter avec une joye pleine de respect et de crainte amoureuse:.

  A005000414 

 Ainsy la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux, dont nostre vie abonde, qui par la [110] juste ordonnance de Dieu sont les peynes du peché, sont aussi, par sa douce misericorde, des eschellons pour monter au Ciel, des moyens pour proffiter en la grace et des merites pour obtenir la gloire.

  A005000414 

 Bienheureuses sont la pauvreté, la faim, la soif, la tristesse, la maladie, la mort, la persecution; car ce sont voirement des equitables punitions de nos fautes, mais punitions tellement trempees et, comme parlent les medecins, tellement aromatisees de la suavité, debonnaireté et clemence divine, que leur amertume est tres aymable.

  A005000414 

 Mais d'autant que les effectz de sa justice nous sont aspres et pleins d'amertume, il les adoucit tous-jours par le meslange de ceux de sa misericorde, et fait qu'emmi les eaux du deluge de sa juste indignation, l'olive verdoyante soit conservee, et que l'ame devote, comme une chaste colombe, l'y puisse en fin treuver, si toutefois elle veut bien amoureusement mediter a la façon des colombes.

  A005000414 

 Si que les Saintz, considerans d'une part les tourmens des damnés, si horribles et effroyables, ilz en louent la justice divine et s'escrient:.

  A005000428 

 O Dieu, neanmoins que vostre volonté soit faite, non seulement en l'execution de vos commandemens, conseilz et inspirations, qui doivent estre prattiqués par nous, mais aussi en la souffrance des afflictions et peynes qui doivent estre receües en nous, affin que vostre volonté fasse par nous, pour nous, en nous et de nous tout ce qu'il luy plaira..

  A005000432 

 Voyes la verge de Moyse en terre, c'est un serpent effroyable; voyes-la en la main de Moyse, c'est une baguette de merveilles: voyes les tribulations en elles mesmes, elles sont affreuses; voyes-les en la volonté de Dieu, elles sont [112] des amours et des delices.

  A005000432 

 tout d'or, mais ostés de ces eaux qui sont le lieu de leur origine ilz ont la couleur naturelle des autres poissons.

  A005000434 

 Les Stoïciens, particulierement le bon Epictete, colloquoyent toute leur philosophie a s'abstenir et soustenir, a se deporter et supporter: a s'abstenir et se deporter [113] des playsirs, voluptés et honneurs terrestres; a soustenir et supporter les injures, travaux et incommodités.

  A005000434 

 Mais la doctrine chrestienne, qui est la seule vraye philosophie, a trois principes sur lesquelz elle establit tout son exercice: l'abnegation de soy mesme, qui est bien plus que de s'abstenir des playsirs; porter sa croix, qui est bien plus que de la supporter; suivre Nostre Seigneur, non seulement en ce qui est de renoncer a soy mesme et porter sa croix, mais aussi en ce qui est de la prattique de toutes sortes de bonnes œuvres.

  A005000436 

 Le malin ennemi sçavoit bien que c'estoit le dernier affinement de l'amour, quand, apres avoir ouÿ de la bouche de Dieu que Job estoit juste, droiturier, craignant Dieu, fuyant le peché et ferme en l'innocence, il estima tout cela peu de chose en comparayson de la souffrance des afflictions, par lesquelles il fit le dernier et plus grand essay de l'amour de ce grand [114] serviteur de Dieu.

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000438 

 Les chiens sont a tous coups en defaut au primtems, et n'ont quasi nul sentiment, parce que les herbes et fleurs poussent alhors si fortement leur senteur qu'elle outrepasse celle du cerf ou du lievre: parmi le primtems des consolations l'amour n'a presque nulle reconnoissance du bon playsir de Dieu, parce que le playsir sensible de la consolation jette tant d'attraitz dedans le cœur, qu'il en est diverti de l'attention qu'il devroit avoir a la volonté de Dieu.

  A005000442 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires, comme, par exemple, des jeusnes, veillees, cilices et autres macerations de la chair, et nous fait renoncer aux playsirs, honneurs et richesses; et l'amour en ces exercices est tout aggreable au Bienaymé.

  A005000443 

 Et plus l'amour en cet estat est desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il en est estimable de garder si constamment sa fidelité..

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000443 

 La bienheureuse Angele de Foligny fait une admirable description des peynes interieures esquelles quelquefois elle s'estoit treuvee, disant que son ame estoit en tourment «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne seroit pourtant pas estranglé, mais demeureroit en cet estat entre mort et vif, sans esperance de secours,» ne pouvant ni se soustenir sur ses pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, ni mesme souspirer ou plaindre.

  A005000444 

 Comme il a pleu au Seigneur, ainsy a-il esté fait; le nom du Seigneur soit beni: ce sont des paroles de resignation et acceptation, par maniere de souffrance et de patience.

  A005000453 

 O Dieu des armees redoutables,.

  A005000469 

 Et parce qu'elle estoit plus reconneüe es souffrances qu'es actions des autres vertus, il met l'exercice de la patience le premier, disant: Paroissons en toutes choses comme serviteurs de Dieu, en beaucoup de patience es tribulations, es necessités, es angoisses; et puis en fin, en chasteté, en prudence, en longanimité..

  A005000469 

 Voyes, je vous prie, Theotime, comme la vie des Apostres estoit affligee, selon le cors par les blesseures, selon le cœur par les angoisses, selon le monde par l'infamie et les prisons.

  A005000470 

 Ainsy nostre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de leze majesté divine et humaine, battu, foüetté, baffoüé et tourmenté, avec une ignominie extraordinaire; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruelz et sensibles tourmens que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, espouvantemens, angoisses, delaissemens et oppressions interieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles.

  A005000470 

 Ezechiel vid le simulachre d'une main qui le saisit par un seul flocquet des cheveux de sa teste, l'eslevant entre le ciel et la terre: Nostre Seigneur aussi, eslevé en la croix entre la terre et le ciel, n'estoit, ce semble, tenu de la main de son Pere que par l'extreme pointe de l'esprit, et, par maniere de dire, par un seul cheveu de sa teste, qui, touché de la douce main du Pere eternel, recevoit une souveraine affluence de felicité, tout le reste demeurant abismé dans la tristesse et ennuy; c'est pourquoy il s'escrie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu delaissé?.

  A005000471 

 O que bienheureux est l'amour qui regne dans la cime de l'esprit des fideles, tandis qu'ilz sont entre les vagues et les flotz des tribulations interieures! [124].

  A005000471 

 On dit que le poisson qu'on appelle lanterne de mer, au plus fort des tempestes tient sa langue hors des ondes, laquelle est si fort luisante, rayonnante et claire, qu'elle sert de phare et flambeau aux nochers; ainsy, emmi la mer des passions dont Nostre Seigneur fut accablé, toutes les facultés de son ame demeurerent comme englouties et ensevelies dans la tourmente de tant de peynes, hormis la pointe de l'esprit, qui, exempte de tout travail, estoit toute claire et resplendissante de gloire et felicité.

  A005000476 

 Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté..

  A005000479 

 Ce docte et saint predicateur d'Andalusie, Jean Avila, ayant dessein de dresser une compaignie de prestres reformés, pour le service de la gloire de Dieu, en quoy il avoit des-ja fait un grand progres, lhors qu'il vid celle des Jesuites en campaigne, qui luy sembla suffire pour cette sayson-la, il arresta court son dessein avec une douceur et humilité nompareille..

  A005000479 

 Ouy, Theotime, car Dieu bien souvent, pour nous exercer en cette sainte indifference, nous inspire des desseins fort relevés, desquelz pourtant il ne veut pas le succes; et lhors, comme il nous faut hardiment, courageusement et constamment commencer et suivre l'ouvrage tandis qu'il se peut, aussi faut il acquiescer doucement et tranquillement a l'evenement de l'entreprise, tel qu'il plaist a Dieu nous le donner.

  A005000480 

 Jonas fit la volonté de Dieu annonçant la subversion de Ninive, mais il mesla son interest et sa volonté propre avec celle de Dieu; c'est pourquoy, quand il void que Dieu n'execute pas sa prediction selon la rigueur des paroles dont il avoit usé en l'annonçant, il s'en fasche et murmure indignement.

  A005000480 

 O que bienheureuses sont telles ames, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces a les quitter quand Dieu en dispose ainsy! Ce sont des traitz d'une indifference tres parfaite, de cesser de faire un bien quand il plait a Dieu, et de s'en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est nostre guide, l'ordonne.

  A005000481 

 Ayes soin de luy, fut il dit au maistre d'estable, en la parabole du pauvre homme mi mort entre Hierusalem et Hierico; «il n'est pas dit,» remarque saint Bernard, «gueris-le, mais, ayes soin de luy.» Ainsy les Apostres, avec une affection nompareille, prescherent premierement aux Juifz, bien qu'ilz sceussent qu'en fin il les faudroit quitter, comme une terre infructueuse, et se retourner du costé des Gentilz.

  A005000481 

 Le grand Psalmiste fait cette priere au Sauveur, comme par une acclamation de joye et de presage de victoire: O Seigneur, par vostre beauté et bonne grace, bandes vostre arc, marches heureusement et montes a cheval; comme s'il vouloit dire que par les traitz de son saint amour, descochés dans les cœurs humains, il se rendroit maistre des hommes pour les manier a son gré, tout ainsy qu'un cheval bien dressé.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000488 

 Connoisses-vous que vostre retardement au chemin des vertus est provenu de vostre coulpe? or sus, humilies-vous devant Dieu, implores sa misericorde, prosternes vous devant la face de sa bonté et demandes-luy en pardon, confesses vostre faute et cries-luy mercy a l'oreille mesme de vostre confesseur pour en recevoir l'absolution: mais cela fait, demeures en paix, et ayant detesté l'offence, embrasses amoureusement [130] l'abjection qui est en vous, pour le retardement de vostre avancement au bien..

  A005000491 

 Jamais on ne dira a une femme grosse qu'elle n'ayt pas envie de manger des choses extraordinaires, car cela n'est pas en son pouvoir; mais on luy dira bien qu'elle die ses appetitz, affin que s'ilz sont de chose nuisible on divertisse son imagination, et que telle fantasie ne regne pas en sa cervelle.

  A005000493 

 Certes, comme j'ay dit cy dessus, l'Eglise condamna l'erreur de certains solitaires qui disoyent qu'en ce monde nous pouvions estre parfaitement exemptz des passions d'ire, de convoitise, de crainte et autres semblables.

  A005000493 

 Dieu veut que nous ayons des ennemis, Dieu veut que nous les repoussions: vivons donq courageusement entre l'une et l'autre volonté divine, souffrans avec patience d'estre assaillis, et taschans avec vaillance de faire teste et resister aux assaillans.

  A005000498 

 Cette affection toucha si vivement David qu'il en tumba a coeur failli: La pasmayson, [134] dit-il, m'a saisi pour les pecheurs abandonnans vostre loy; et le grand Apostre proteste qu'il a au cœur une douleur continuelle pour l'obstination des Juifz..

  A005000498 

 Que si le pecheur s'obstine, pleurons, Theotime, souspirons, prions pour luy, avec le Sauveur de nos ames, qui, ayant jetté maintes larmes toute sa vie sur les pecheurs et sur ceux qui les representoyent, mourut en fin les yeux couvertz de pleurs et son cors tout detrempé de sang, regrettant la perte des pecheurs.

  A005000500 

 Car on ne sçauroit s'amuser a pleurer trop longuement les uns, que ce ne fust en perdant le tems propre et requis a procurer le salut des autres.

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000500 

 L'Apostre, certes, dit qu'il a une douleur continuelle pour la perte des Juifz; mais c'est comme nous disons que nous benissons Dieu en tout tems, car cela ne veut dire autre chose, sinon que nous le benissons fort souvent et en toutes occasions: et de mesme, le glorieux [135] saint Paul avoit une continuelle douleur en son cœur a cause de la reprobation des Juifz, parce qu'a toutes occasions il regrettoit leur malheur..

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000501 

 Ainsy le juste, qui chante les louanges de la misericorde pour ceux qui seront sauvés, se res-jouira de mesme quand il verra la vengeance les Bienheureux appreuveront avec allegresse le jugement de la damnation des repreuvés, comme celuy du salut des esleuz; et les Anges ayans exercé leur charité envers les hommes qu'ilz ont en garde, demeureront en paix les voyans obstinés ou mesmes damnés.

  A005000505 

 Mais il arrivoit quelquefois que le prince, pour essayer l'amour de cet aymable musicien, luy commandoit de chanter, et soudain, le laissant la en sa chambre, il s'en alloit a la chasse; mais le desir que le chantre avoit de suivre ceux de son maistre luy faisoit continuer aussi attentivement son chant comme si le prince eust esté present, quoy qu'en verité il n'avoit aucun playsir a chanter: car il n'avoit ni le playsir de la melodie, duquel sa surdité le privoit, ni celuy de plaire au prince, puisque [137] le prince estant absent ne jouissoit pas de la douceur des beaux airs qu'il chantoit..

  A005000505 

 Mais parce qu'il n'avoit aucun playsir en son chant ni au son de son luth, d'autant qu'estant privé de l'ouïe il n'en pouvoit appercevoir la douceur et beauté, il ne chantoit plus ni ne sonnoit du luth que pour contenter un prince duquel il estoit né sujet, et auquel il avoit une extreme inclination de complaire, accompaignee d'une infinie obligation pour avoir esté nourri des sa jeunesse chez lui: c'est pourquoy il avoit un playsir nompareil de luy plaire, et quand son prince luy tesmoignoit d'aggreer son chant il estoit tout ravi de contentement.

  A005000505 

 Un musicien des plus excellens de l'univers, et qui jouoit parfaitement du luth, devint en peu de tems si extremement sourd qu'il ne luy resta plus aucun usage de l'ouïe; neanmoins il ne laissa pas pour cela de chanter et manier son luth delicatement a merveilles, a cause de la grande habitude qu'il en avoit, que sa surdité ne luy avoit pas ostee.

  A005000519 

 Les religieux voudroyent chanter le cantique des pasteurs, et les mariés celuy des religieux, affin, ce disent-ilz, de pouvoir mieux aymer et servir Dieu.

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000522 

 Mais telles gens sont exposés a beaucoup de danger, ou de retourner en arriere quand les goustz et consolations leur manquent, ou de s'amuser a des vaines suavités bien esloignees du veritable amour, et de prendre le miel d'Heraclee pour celuy de Narbonne.

  A005000530 

 La foy, certes, residente en la cime de l'esprit, nous asseure bien que ce trouble finira et que nous jouirons un jour du repos; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemi fait dans le reste de l'ame, en la rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendues, et ne nous demeure en l'imagination que ce triste presage: «Helas! je ne seray jamais joyeux.».

  A005000530 

 Mays ce qui accroist le mal en cette occurrence, c'est que l'esprit et supreme pointe de la rayson ne nous peut donner aucune sorte d'allegement; car cette pauvre portion superieure de la rayson, estant, toute environnee [144] des suggestions que l'ennemi luy fait, elle est mesme toute alarmee et se treuve asses embesoignee a se garder d'estre surprise d'aucun consentement au mal, de sorte qu'elle ne peut faire aucune sortie pour desengager la portion inferieure de l'esprit.

  A005000531 

 O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres.

  A005000536 

 Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame.

  A005000544 

 Il ne le treuve point es sens exterieurs, car ilz n'en sont pas capables; ni en l'imagination, qui est cruellement tourmentee de diverses impressions; ni en la rayson, troublee de mille obscurités de discours et apprehensions estranges: et bien qu'en fin elle le treuve en la cime et supreme region de l'esprit, ou cette divine dilection reside, si est ce neanmoins qu'elle le mesconnoist, et luy est advis que ce n'est pas luy, parce que la grandeur des ennuis et des tenebres l'empeschent de sentir sa douceur; elle le void sans le voir et le rencontre sans le connoistre, comme si c'estoit en songe et en image.

  A005000545 

 Le Filz recommanda son esprit au Pere en cette [148] derniere et incomparable detresse; et nous, lhors que les convulsions des peynes spirituelles nous ostent toute autre sorte d'allegemens et de moyens de resister, recommandons nostre esprit es mains de ce Filz eternel qui est nostre vray Pere, et baissant la teste de nostre acquiescement a son bon playsir, consignons luy toute nostre volonté..

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000549 

 Nous parlons avec une propreté toute particuliere de la mort des hommes, en nostre langage françois, car nous l'appelions trespas, et les mortz, trespassés; signifians que la mort entre les hommes n'est qu'un passage d'une vie a l'autre, et que mourir n'est autre chose sinon outrepasser les confins de cette vie mortelle pour aller a l'immortelle.

  A005000549 

 Que devient la clarté des estoiles quand le soleil paroist sur nostre orizon? elle ne perit certes pas, mais elle est ravie et engloutie dans la souveraine lumiere du soleil avec laquelle elle est heureusement meslee et conjointe.

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000555 

 Et qui luy eust repliqué: Mais au moins, o trescher divin Enfant, vous vous voules bien laisser porter a vostre douce Mere? Non fay certes, eust-il peu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mere marche pour moy, aussi elle veut pour moy: je luy laisse egalement le soin et d'aller et de vouloir aller pour moy ou bon luy semblera; et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et des que je me treuve entre ses bras je n'ay aucune attention ni a vouloir ni a ne vouloir pas, laissant tout autre soin a ma Mere hormis celuy d'estre sur son sein, de succer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché a son col tres aymable pour la bayser amoureusement des baysers de ma bouche.

  A005000556 

 Le Sauveur de nos ames eut l'usage de rayson des l'instant de sa conception au ventre de sa Mere, et pouvoit faire tous ces discours; ouy mesme le glorieux saint Jean, son Precurseur, des le jour de la sainte Visitation: et bien que l'un et l'autre, pendant ce tems-la et celuy de l'enfance, jouit de sa propre liberté pour vouloir et ne vouloir pas les choses, si est-ce qu'ilz laisserent le soin, en ce qui estoit de leur conduite exterieure, a leurs meres, de faire et vouloir pour eux ce qui estoit requis.

  A005000562 

 Demetrius tenant le siege devant Rhodes, Protogenes qui estoit en une petite mayson des fauxbourgs, ne cessa jamais de travailler, mais avec tant d'asseurance et de repos d'esprit, qu'encor qu'on luy tint presque tous-jours l'espee a la gorge, il fit l'excellent chef d'œuvre d'un satyre admirable qui s'esgayoit a jouer du flageolet.

  A005000564 

 Or dites moy maintenant, mon ami Theotime, cette fille ne tesmoigna elle pas un amour plus attentif et plus solide envers son pere que si elle eust eu beaucoup de soin de luy demander des remedes a son mal, de regarder comme on luy ouvroit la veyne ou comme le sang couloit, et de luy dire beaucoup de paroles de remerciment? Il n'y a, certes, doute quelcomque en cela; car, si elle eust pensé a soy, qu'eust elle gaigné sinon d'avoir du souci inutile, puisque son pere en avoit asses pour elle? regardant son bras, qu'eust elle fait sinon recevoir de la frayeur? et remerciant son pere, quelle vertu eust elle prattiquee sinon celle de la gratitude? N'a elle pas donq mieux fait de s'occuper toute es demonstrations de son amour filial, infiniment plus aggreable au pere que toute autre vertu? [157].

  A005000565 

 Es tu tumbé dans les filetz des adversités? hé, ne regarde pas ton adventure, ni les pieges esquelz tu es pris: regarde Dieu et le laisse faire, il aura soin de toy; jette ta pensee sur luy, et il te nourrira.

  A005000565 

 Mes yeux sont tous-jours au Seigneur, car il desengagera mes pieds des filetz et des pieges.

  A005000567 

 Mays voyes, je vous prie, Theotime, que tout ainsy que nostre Sauveur, apres l'orayson de resignation qu'il fit au jardin des Olives et sa prise, se laissa manier et mener au gré de ceux qui le crucifierent, avec un abandonnement admirable de son cors et de sa vie entre leurs mains, aussi mit-il son ame et sa volonté, par une indifference tres parfaite, es mains de son Pere eternel.

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000571 

 Representons-nous le doux Jesus, Theotime, chez Pilate, ou, pour l'amour de nous, les gens d'armes, ministres de la mort, le devestirent de tous ses habitz l'un apres l'autre, et non contens de cela luy osterent encor sa peau, la deschirans a coups de verges et de foüetz; comme par apres son ame fut despouillee de son cors et le cors de sa vie par la mort qu'il souffrit en la croix: mais trois jours passés, par sa tressainte Resurrection, l'ame se revestit de son cors glorieux, et le cors de sa peau immortelle, et s'habilla de vestemens differens, ou en pelerin, ou en jardinier, ou d'autre sorte, selon que le salut des hommes et la gloire de son Pere le requeroit.

  A005000572 

 Car, comme la belle et chaste Judith avoit voirement dans ses cabinetz ses beaux habitz de feste, et neanmoins ne les affectionnoit point, ni ne s'en para jamais en sa viduité sinon quand, inspiree de Dieu, elle alla ruiner Holophernes, ainsy, quoy que nous ayons appris la prattique des vertus et les exercices de devotion, si est ce que nous ne les devons point affectionner ni en revestir nostre cœur sinon a mesure que nous sçavons que c'est le bon playsir de Dieu; et comme Judith demeura tous-jours en habit de deuil, sinon en cette occasion en laquelle Dieu voulut qu'elle se mist en pompe, aussi devons nous paisiblement demeurer revestus de nostre misere et abjection, parmi nos imperfections et foiblesses, jusques a ce que Dieu nous exalte a la prattique des excellentes actions..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000573 

 Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire..

  A005000573 

 On ne peut longuement demeurer en cette nudité, despouillé de toute sorte d'affections: c'est pourquoy, selon l'advis du saint Apostre, apres que nous avons osté les vestemens du viel Adam, il se faut revestir des habitz du nouvel homme, c'est a dire de Jesus Christ.

  A005000574 

 Eliezer portoit des pendans d'aureilles, des brasseletz et des vestemens neufs pour la fille que Dieu avoit preparee au filz de son maistre; et par effect il les donna a la vierge Rebecca si tost qu'il conneut qu'elle estoit celle la.

  A005000574 

 Il faut des habitz neufs a l'espouse du Sauveur: si pour l'amour de luy elle s'est despouillee de l'affection ancienne qu'elle avoit a ses parens, au païs, a la mayson, aux amis, il faut qu'elle en prenne une toute nouvelle, affectionnant tout cela en son rang, non plus selon les considerations humaines, mais parce que l'Espoux celeste le veut, le commande et l'entend, et qu' il a mis un tel ordre en la charité.

  A005000574 

 Si on s'est desnué de la vielle affection aux consolations spirituelles, aux exercices de la devotion, a la prattique des vertus, voire mesme a nostre propre avancement en la perfection, il se faut revestir d'une autre affection toute nouvelle, aymant toutes ces graces et faveurs celestes non plus parce qu'elles perfectionnent et ornent nostre esprit, mays parce que le nom de Nostre Seigneur en est sanctifié, que son royaume en est enrichi et son bon playsir glorifié..

  A005000586 

 Dieu, au jour du jugement, imprimera es espritz des damnés l'apprehension de la perte qu'ilz feront, en une façon admirable: car la divine Majesté leur fera clairement voir la souveraine beauté de sa face et les tresors [166] de sa bonté, et a la veüe de cet abisme infini de delices, la volonté, par un effort extreme, se voudra lancer sur iceluy pour s'unir a luy et jouir de son amour; mais ce sera pour neant, d'autant qu'elle sera comme une femme qui, entre les douleurs de l'enfantement, apres avoir enduré des violentes tranchees, des convulsions cruelles et des detresses insupportables, meurt en fin sans pouvoir enfanter.

  A005000586 

 Si que les miserables damnés demeureront a jamais en une rage desesperee, de sçavoir une perfection si souverainement aymable sans en pouvoir jamais avoir ni la jouissance ni l'amour, parce que tandis qu'ilz l'ont peu aymer ilz n'ont pas voulu: ilz brusleront d'une soif d'autant plus violente que le souvenir de cette source des eaux de la vie eternelle aiguisera leurs ardeurs; ilz mourront immortellement, comme des chiens, d'une faim [167] d'autant plus vehemente, que leur memoire en affinera l'insatiable cruauté par le souvenir du festin duquel ilz auront esté privés:.

  A005000593 

 Certes, je ne voudrois pas asseurer que cette veùe de la beauté de Dieu, que les malheureux auront comme en eloyse et a guise d'un esclair, doive estre de mesme clarté que celle des Bienheureux; mais elle sera pourtant si claire qu' ilz verront le Filz de l'homme en sa majesté, ilz verront Celuy qu'ilz ont percé, et par la veüe de cette gloire connoistront la grandeur de leur perte.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000604 

 Mais il ne faut pas pretendre a cet amour si extremement parfait, en cette vie mortelle, car nous n'avons pas encor ni le cœur, ni l'ame, ni l'esprit, ni les forces des Bienheureux: il suffit que nous aymions de tout le cœur et de toutes les forces que nous avons.

  A005000609 

 Sara ne se fasche point de voir [171] Ismaël autour du cher Isaac, tandis qu'il ne se joue point a le hurter et piquer; et la divine Bonté ne s'offence point de voir en nous des autres amours aupres du sien, tandis qu'ilz conservent envers luy la reverence et sousmission qui luy est deüe..

  A005000610 

 Que si au Ciel, ou ces paroles, Tu aymeras le [172] Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, seront si excellemment prattiquees, on aura des si grandes differences en l'amour, ce n'est pas merveille si en cette vie mortelle il y en a beaucoup..

  A005000611 

 Apelles faysoit mieux une fois qu'autre, il se surmontoit aucunefois soy mesme, car bien qu'il mit ordinairement tout son art et toute son attention a peindre Alexandre le Grand, si est ce qu'il ne l'y mettoit pas tous-jours totalement, ni si entierement qu'il ne luy restast des autres effortz; par lesquelz il n'employoit pas ni un plus grand artifice ni une plus grande affection, mais il l'employoit plus vivement et parfaitement: il appliquoit tous-jours tout son esprit a bien faire ces tableaux d'Alexandre, parce qu'il l'appliquoit sans reserve, mais il l'appliquoit aucunefois plus fortement et plus heureusement.

  A005000611 

 Qui ne sçait que l'on proffite en ce saint amour, et que la fin des Saintz est comblee d'un plus parfait amour que le commencement?.

  A005000612 

 Or, selon la maniere de parler des Saintes Escritures, faire quelque chose de tout son cœur ne veut dire autre chose sinon la faire de bon cœur, sans reserve.

  A005000613 

 Qui le donne tout par le martire, qui tout par la virginité, qui tout par la pauvreté, qui tout par l'action, qui tout par la contemplation, qui tout par l'exercice pastoral; et tous le donnans tout par l'observance des commandemens, les uns pourtant le donnent avec moins de perfection que les autres.

  A005000613 

 Tous les vrays amans sont egaux en ce que tous donnent tout leur cœur a Dieu, et de toute leur force, mais ilz sont inegaux en ce qu'ilz le donnent tous diversement et avec des differentes façons; dont les uns donnent tout leur cœur de toute leur force moins parfaitement que les autres.

  A005000614 

 Il ayme Dieu de l'amour absolument et souverainement supreme, et Rachel, du supreme amour nuptial; et l'un des amours n'est point contraire a l'autre, puisque celuy de Rachel ne viole point les privileges et advantages souverains de celuy de Dieu..

  A005000615 

 Or, une goutte de cet amour vaut mieux, a plus de force et merite plus d'estime que tous les autres amours qui jamais puissent estre es coeurs des hommes et parmi les choeurs des Anges; car tandis que cet amour vit, il regne et tient le sceptre sur toutes affections, faysant preferer Dieu en sa volonté a toutes choses indifferemment, universellement et sans reserve.

  A005000619 

 Tandis que le grand roy Salomon, jouïssant encor de l'Esprit divin, composoit le sacré Cantique des Cantiques, il avoit, selon la permission de ce tems-la, une grande varieté de dames et damoyselles dediees a son amour en diverses conditions et sous des differentes qualités.

  A005000619 

 il y avoit des jeunes damoyselles sans nombre, reservees en attente, a guise de pepiniere, pour estre mises en la place des precedentes a mesure qu'elles viendroyent a defaillir..

  A005000620 

 Car, qu'est ce quitter les porceaux, sinon se retirer des pechés? et qu'est ce venir tout [177] deschiré, drilleux et puant, sinon avoir encor l'affection embarrassee des habitudes et inclinations qui tendent au peché? Mays cependant il avoit la vie de l'ame, qui est l'amour, et comme un phœnix renaissant de sa cendre il se treuva nouvellement resuscité: il estoit mort, dit son pere, et il est revenu a vie, il est ravivé..

  A005000620 

 Et comme un phœnix nouvellement esclos de sa cendre, n'ayant encor que des petites plumes fluettes et des poilz foletz, ne peut faire que des petitz eslans par lesquelz il doit estre dit sauter plustost que voler, ainsy ces tendres jeunes ames, nouvellement nees dans la cendre de leur pœnitence, ne peuvent encor pas prendre l'essor et voler au plein air de l'amour sacré, retenues dans une multitude de mauvaises inclinations et habitudes depravees que les pechés de la vie passee leur ont laissé.

  A005000620 

 Or, sur l'idee de ce qui se passoit en son palais, il [176] descrivit les diverses perfections des ames qui a l'avenir devoyent adorer, aymer et servir le grand Roy pacifique, Jesus Christ Nostre Seigneur.

  A005000620 

 Tel fut l'enfant prodigue quand, quittant l'infame compaignie ou la harde des porceaux entre lesquelz il avoit vescu, il vint es bras de son pere, a demi nud, tout crasseux, souillé et puant des ordures qu'il avoit contractees parmi ces vilains animaux.

  A005000622 

 Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000622 

 Mays il y a des ames qui, ayant des-ja fait quelque progres en l'amour divin, ont retranché tout l'amour qu'elles avoyent aux choses dangereuses, et neanmoins ne laissent pas d'avoir des amours dangereux et superflus, parce qu'elles affectionnent avec exces et par un amour trop tendre et passionné ce que Dieu veut qu'elles ayment.

  A005000622 

 Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré..

  A005000623 

 Et pour cela elles jouissent du lit nuptial du Salomon celeste, c'est a dire des unions, des recueillemens et des repos amoureux dont il a esté parlé au Livre V et VI; mais elles n'en jouissent pas en qualité d'espouses, parce que la superfluité avec laquelle elles affectionnent les choses bonnes, fait qu'elles n'entrent pas fort souvent en ces divines unions de l'Espoux, estant occupees et diverties pour aymer hors de luy et sans luy ce qu'elles ne devroyent aymer qu'en luy et pour luy.

  A005000627 

 Or il y a des autres ames qui n'ayment ni les superfluités ni avec superfluité, ains ayment seulement ce que Dieu veut et comme Dieu veut: ames heureuses, puisqu'elles ayment Dieu, et leurs amis en Dieu, et leurs ennemis pour Dieu; elles ayment plusieurs choses avec Dieu, mais pas une sinon en Dieu et pour Dieu; c'est Dieu qu'elles ayment non seulement sur toutes choses mais en toutes choses, et toutes choses en Dieu; semblables au phœnix parfaitement rajeuni et revigoré, que l'on ne void jamais qu'en l'air ou sur les coupeaux des montz qui sont en l'air.

  A005000628 

 Celuy qui pese une des petites boulettes du cœur de sainte Claire de Montefalco y treuve autant de poids comme il en treuve les pesant toutes trois ensemble; ainsy le grand amour treuve Dieu autant aymable luy seul que toutes les creatures avec luy ensemble, d'autant qu'il n'ayme toutes les creatures qu'en Dieu et pour Dieu..

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000629 

 Mays laissans cette nompareille Reyne en son incomparable eminence, on a certes veu des ames qui se sont tellement treuvees en l'estat de ce pur amour, qu'en comparayson des autres elles pouvoyent tenir rang de reynes, de colombes uniques et de parfaites amies de l'Espoux.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000635 

 Et de mesme il arrive quelquefois aux ames qui sont au rang des uniques et parfaites amantes, qu'elles se demettent et relaschent bien fort, voire mesme jusques a commettre des grandes imperfections et des fascheux pechés venielz; comme on void en plusieurs dissentions asses aigres, survenues entre des grans serviteurs de Dieu, ouï mesme entre quelques uns des divins Apostres, que l'on ne peut nier estre tumbés en quelques imperfections, par lesquelles la charité n'estoit pas certes violee, mais ouy bien toutefois la ferveur d'icelle.

  A005000635 

 Et lhors il faut confesser que ces arbres sont fructueux, autrement ilz ne seroyent pas bons; mais il ne faut pas nier non plus que quelques uns de leurs fruitz ne soyent infructueux, car qui niera que les chatons et le guy des arbres ne soit un fruit infructueux? Et qui niera que les menues choleres et les petitz exces de joye, de risee, de vanité et autres telles passions, ne soyent des mouvemens inutiles et illegitimes? et toutefois le juste en produit sept fois le jour, c'est a dire bien souvent.

  A005000635 

 Les ames qui, comme jeunes filles, sont encor [184] embarrassees de plusieurs affections vaines et dangereuses, ne laissent pas d'avoir quelquefois des sentimens de l'amour plus pur et supreme; mais parce que ce ne sont que des eloyses et esclairs passagers, on ne peut pas dire que ces ames soyent pour cela hors de l'estat des jeunes filles novices et apprentisses.

  A005000635 

 Or, d'autant neanmoins que ces grandes ames aymoient pour l'ordinaire Dieu de l'amour parfaitement pur, on ne doit pas laisser de dire qu'elles ont esté en l'estat de la parfaite dilection: car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais aucun fruit veneneux, mais ouï bien du fruit verd ou vereux et taré, du guy et de la mousse, ainsy les grans Saintz ne produisent jamais aucun peché mortel, mais ouï bien des actions inutiles, mal meures, aspres, rudes et mal assaysonnees.

  A005000641 

 Et c'est en somme l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui est commandé a tous les mortelz en general et a un chacun d'iceux en particulier, des lhors qu'ilz ont le franc usage de la rayson: amour suffisant pour un chacun, et necessaire a tous pour estre sauvés..

  A005000641 

 L'amour est comme l'honneur: car tout ainsy que les honneurs se diversifient selon la varieté des excellences pour lesquelles on honnore, aussi les amours sont differens selon la diversité des bontés pour lesquelles on ayme.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000647 

 La divine dilection veut bien que nous ayons des autres amours, et souvent on ne sçauroit discerner quel est le principal amour de nostre cœur; car ce cœur humain tire maintefois tres affectionnement dans le lit de sa complaysance l'amour des creatures, ains il arrive souvent qu'il multiplie beaucoup plus les actes de son affection envers la creature que ceux de sa dilection envers son Createur.

  A005000647 

 Mais quand ce vint a mettre ces deux amours en comparayson, le bon Abraham fit bien voir lequel estoit le plus fort; car Sarai ne luy eut pas plus tost remonstré qu'Agar la mesprisoit, qu'il luy respondit: Agar ta chambriere est en ta puissance, fais-en comme tu voudras; si que Sarai affligea des lhors tellement cette pauvre Agar qu'elle fut contrainte de se retirer.

  A005000647 

 Sarai donna la servante Agar a son mari Abraham affin qu'elle luy fist des enfans, selon l'usage legitime de ce tems-la; mais Agar ayant conceu mesprisa grandement sa dame Sarai.

  A005000648 

 On demande quelle est la plus excellente gloire d'un prince, ou celle qu'il acquiert en la guerre par les armes, ou celle qu'il merite en la paix par la justice; et il me semble que la gloire militaire est plus grande, et l'autre meilleure: ainsy qu'entre les instrumens, les tambours et trompettes font plus de bruit, mais les luths et les espinettes font plus de melodie; le son des uns est plus fort, et l'autre plus suave et spirituel.

  A005000648 

 Une des perles de Cleopatra valoit mieux que le plus haut de nos rochers, mais celuy ci est bien plus grand: l'un a plus de grandeur, l'autre plus de valeur.

  A005000649 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005000653 

 Et je dis ainsy avec un si grand soin, parce qu'il se treuve des personnes qui quitteroyent courageusement les biens, l'honneur et la vie propre pour Nostre Seigneur, lesquelles neanmoins ne quitteroyent pas pour luy quelqu'autre chose de beaucoup moindre consideration..

  A005000654 

 Du tems des empereurs Valerianus et Gallus, il y avoit en Antioche un prestre nommé Saprice et un homme seculier nommé Nicephore, lesquelz, a rayson de l'extreme et longue amitié qu'ilz avoyent eu ensemble, estoyent estimés freres.

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000658 

 Mais l'esprit humain est foible, inconstant et bigearre; c'est pourquoy quelquefois les hommes choisissent plustost de mourir que de subir d'autres peynes beaucoup plus legeres, et donnent volontier leur vie pour des satisfactions extremement niaises, pueriles et vaines.

  A005000662 

 Vous sçaves, Theotime, quelles furent les amours de Jacob pour sa Rachel; et que ne fit il pas pour en tesmoigner la grandeur, la force et la fidelité, des lhors qu'il l'eut saluee aupres du puitz de l'abbreuvoir? Car jamais onques plus il ne cessa de mourir d'amour pour elle; et pour l'avoir en mariage il servit avec une ardeur nompareille sept ans entiers, luy estant encor advis que ce ne fut rien, tant l'amour adoucissoit les travaux qu'il supportoit pour cette bienaymee, de laquelle estant par apres frustré, il servit derechef encor sept ans durant pour l'obtenir, tant il estoit constant, loyal et courageux en sa dilection.

  A005000663 

 Car dites la verité, Theotime; fut-ce pas une estrange et tres volage legereté en Rachel, de preferer un bouquet de petites pommes aux chastes amours d'un si aymable mari? Si c'eust esté pour des royaumes, pour des monarchies; mais pour une chetifve poignee de mandragores! Theotime, que vous en semble?.

  A005000663 

 Ce que voyant Rachel: Faites moy part, dit elle a Lia, je vous prie, ma seur, des mandragores que vostre filz vous a donees.

  A005000663 

 La condition fut acceptee; et comme Jacob revenoit des chams sur le soir, Lia, impatiente de jouir de son eschange, luy alla au devant, et puis, toute comblee de joye: Ce sera ce soir, mon cher Seigneur mon ami, que vous seres pour moy, car j'ay acquis ce bonheur par le moyen des mandragores de mon enfant; et sur cela luy fit le recit de la convention passee entr'elle et sa seur.

  A005000663 

 La pauvre Lia n'avoit plus aucun lien d'amour avec Jacob [197] que celuy de sa fertilité, par laquelle elle luy avoit fait quatre enfans masles; le premier desquelz, nommé Ruben, estant allé aux chams en tems de moisson, il y treuva des mandragores, lesquelles il cueillit et dont par apre, estant de retour au logis, il fit present a sa mere.

  A005000664 

 Et toutefois, revenans a nous, o vray Dieu, combien de fois faisons nous des elections infiniment plus honteuses et miserables! Le grand saint Augustin prit un jour playsir de voir et contempler a loysir des mandragores pour mieux pouvoir discerner la cause pour laquelle Rachel les avoit si ardemment desirees, et il treuva qu'elles estoyent voirement belles a la veüe et d'aggreable senteur, mais du tout insipides et sans [198] goust.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000677 

 Ce que je dis ainsy pour certains espritz chimeriques et vains qui, sur des imaginations impertinentes, roulent bien souvent des discours melancholiques qui les affligent grandement.

  A005000677 

 Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000684 

 Mais ce discours de l'amour du prochain requiert un traitté a part, que je supplie le souverain Amant des hommes vouloir inspirer a quelqu'un de ses plus excellens serviteurs, puisque le comble de l'amour de la divine bonté du Pere celeste consiste en la perfection de l'amour de nos freres et compaignons.

  A005000688 

 Comme l'amour tend au bien de la chose aymee, ou s'y complaysant si elle l'a, ou le luy desirant et pourchassant si elle ne l'a pas, aussi il produit la hayne, par laquelle il fuit le mal contraire a la chose aymee, ou desirant et pourchassant de l'esloigner d'icelle si elle l'a des-ja, ou le divertissant et empeschant de venir si elle ne l'a pas encor: que si le mal ne peut ni estre empesché ni estre esloigné, l'amour au moins ne laisse pas de le faire haïr et detester.

  A005000689 

 C'est pourquoy l'ardeur ou zele que nous avons d'estre aymés ne peut souffrir que nous ayons des rivaux et compaignons; et si nous nous imaginons d'en avoir, nous entrons soudain en la passion de jalousie, laquelle, certes, a bien quelque ressemblance avec l'envie, mays ne laisse pas pour cela d'estre fort differente d'avec elle..

  A005000690 

 Mays la jalousie n'est nullement marrie que le prochain ayt du bien, pourveu que ce ne soit pas le nostre; car le jaloux ne seroit pas marri que son compaignon fust aymé des autres femmes, pourveu que ce ne fust pas de la sienne, voire mesme, a proprement parler, on n'est pas jaloux d'un rival sinon apres qu'on estime d'avoir acquise l'amitié de la personne aymee: que si avant cela il y a quelque [208] passion, ce n'est pas jalousie, mais envie.

  A005000694 

 Dieu donques est jaloux, Theotime: mais quelle est sa jalousie? Certes, elle semble d'abord estre une jalousie de convoytise, telle qu'est celle des maris pour leurs femmes; car il veut que nous soyons tellement siens, que nous ne soyons en façon quelconque a personne qu'a luy: Nul, dit-il, ne peut servir a deux maistres.

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000695 

 Voyés un peu, Theotime, je vous prie, comme ce divin Amant exprime delicatement la noblesse et generosité de sa jalousie: Ilz m'ont laissé, dit-il, moy qui suis la source d'eau vive; comme s'il disoit: Je ne me plains pas dequoy ilz m'ont quitté, pour aucun dommage que leur abandonnement me puisse apporter; car quel dommage peut recevoir une source vive si on n'y vient pas puiser de l'eau? laissera-elle pour cela de ruisseler et flotter sur la terre? mais je regrette leur malheur, dequoy m'ayant laissé, ilz se sont amusés a des puitz sans eaux.

  A005000696 

 Et la rayson de cette demande de l'Amant divin est que, comme la mort est si forte qu'elle separe l'ame de toutes choses et de son cors mesme, aussi l'amour sacré, parvenu jusques au degré du zele, divise et esloigne l'ame de toutes autres affections et l'espure de tout meslange; d'autant qu'il n'est pas seulement aussi fort que la mort, ains il est aspre, inexorable, dur et impiteux a chastier le tort qu'on luy fait quand on reçoit avec luy des rivaux, comme l'enfer est violent a punir les damnés: et tout ainsy que l'enfer, plein d'horreur, de rage et de felonnie, ne reçoit aucun meslange d'amour, aussi l'amour jaloux ne reçoit aucun meslange d'autre affection, voulant que tout soit pour le Bienaymé.

  A005000696 

 Et pour ne jouïr pas seulement des affections de nostre cœur, ains aussi des effectz et operations de nos mains, il veut estre encor comme un cachet sur nostre bras droit, affin qu'il ne s'estende et ne soit employé que pour les œuvres de son service.

  A005000697 

 Un jour sainte Catherine de Sienne estoit en un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, et tandis que Dieu luy faisoit voir des merveilles, un sien frere passa pres d'elle, qui faysant du bruit la divertit, en sorte qu'elle se retourna pour le regarder un seul petit moment.

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000704 

 Imagines vous, Theotime, la comparayson qu'il y a entre ceux qui jouissent de la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe: ceux la ne sont point envieux ni jaloux les uns des autres, car ilz sçavent bien que cette lumiere la est tres suffisante pour tous, que la jouissance de l'un n'empesche point la jouissance de l'autre, et que chacun ne la possede pas moins, encor que tous la possedent generalement, que si un chacun luy seul la possedoit en particulier; mays quant a la clarté d'une lampe, parce qu'elle est petite, courte et insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir en sa chambre, et qui l'a est envié des autres.

  A005000704 

 Le bien des choses mondaines est si chetif et vil, que quand l'un en [214] jouit il faut que l'autre en soit privé; et l'amitié humaine est si courte et infirme, qu'a mesure qu'elle se communique aux uns elle s'affoiblit d'autant pour les autres: c'est pourquoy nous sommes jaloux et faschés quand nous y avons des corrivaux et compaignons.

  A005000704 

 Le soleil ne regarde pas moins une rose avec mille millions d'autres fleurs que s'il ne regardoit qu'elle seule; et Dieu ne respand pas moins son amour sur une ame, encor qu'il en ayme une infinité d'autres, que s'il n'aymoit que celle la seule, la force de sa dilection ne diminuant point pour la multitude des rayons qu'elle respand, ains demeurant tous-jours toute pleine de son immensité..

  A005000706 

 La poule est une poule, c'est a dire un animal sans courage ni generosité quelcomque, tandis qu'elle n'est pas mere; mais quand elle l'est devenue elle a un cœur de lion, tous-jours la teste levee, [216] tous-jours les yeux hagards, tous-jours elle va roulant sa veüe de toutes pars, pour peu qu'il y ait apparence de peril pour ses petitz; il n'y a ennemi aux yeux duquel elle ne se jette pour la defense de sa chere couvee, pour laquelle elle a un souci continuel qui la fait tous-jours aller glossant et plaignant: que si quelqu'un de ses poussins perit, quelz regretz! quelle cholere! C'est la jalousie des peres et meres pour leurs enfans, des pasteurs pour leurs ouailles, des freres pour leurs freres.

  A005000706 

 Quel zele des enfans de Jacob, quand ilz sceurent que Dina avoit esté violee! Quel zele de Job, sur l'apprehension et crainte qu'il avoit que ses enfans n'offençassent Dieu! Quel zele de saint Paul pour ses freres selon la chair et pour ses enfans selon Dieu, pour lesquelz il avoit desiré d'estre exterminé comme criminel d'anatheme et d'excommunication! Quel zele de Moyse envers son peuple, pour lequel il veut bien, en certaine façon, estre rayé du livre de vie!.

  A005000706 

 nous rend ardemment jaloux pour la pureté des ames qui sont espouses de Jesus Christ, selon le dire du saint Apostre aux Corinthiens: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, car je vous ay promis a un homme, a sçavoir, de vous representer une vierge chaste a Jesus Christ.

  A005000707 

 C'est pourquoy la sainte Sulamite s'escrioit: O le Bienaymé de mon ame, monstres-moy ou vous reposes au midy, affin que je ne m'esgare et que je n'aille a la suite des trouppeaux de vos compaignons.

  A005000711 

 Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable.

  A005000712 

 Or, ce n'est pas bon mesnage, disent nos gens des chams, de tenir des paons en la mayson, car encor qu'ilz chassent aux araignes et en desfont le logis, ilz gastent toutefois tant les couvertz et les toictz que leur utilité n'est pas comparable au grand degast qu'ilz font.

  A005000714 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele il ne s'arresta pas la, mais en fit grande feste au grand saint Denis Areopagite par une lettre qu'il luy en escrivit, de laquelle il receut une excellente responce, digne de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de saint Paul estoit animé: car il luy fit voir clairement que son zele avoit esté indiscret, imprudent et impudent tout ensemble, d'autant qu'encor que le zele de l'honneur deu aux choses saintes soit bon et louable, si est ce qu'il avoit esté prattiqué contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, puisqu'il avoit employé les coups de pieds, les outrages, injures et reproches, en un lieu, en une occasion et contre des personnes qu'il devoit honnorer, aymer et respecter; si que le zele ne pouvoit estre bon, estant exercé avec un si grand desordre.

  A005000715 

 Et pour conclusion, l'amiable et debonnaire Jesus, s'addressant au courroucé Carpus: Tiens, Carpus, dit-il, «frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver les hommes, et cela me seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; mais au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005000716 

 Ainsy y a-il des personnes qui ne pensent pas qu'on puisse avoir beaucoup de zele si on n'a beaucoup de cholere, n'estimans pas de pouvoir rien accommoder s'ilz ne gastent tout; bien qu'au contraire, le vray zele ne se serve presque jamais de la cholere, car, comme on n'applique pas le fer et le feu aux malades que lhors qu'on ne peut faire autrement, aussi le saint zele n'employe la cholere qu'es extremes necessités.

  A005000720 

 Il est vray certes, mon ami Theotime, que Moyse, Phinees, Helie, Mathathias et plusieurs grans serviteurs de Dieu se servirent de la cholere pour exercer leur zele en beaucoup d'occasions signalees: mays notes, je vous prie, que c'estoyent aussi des grans personnages, qui sçavoyent bien manier leurs passions et ranger leurs choleres; pareilz a ce brave capitaine de l'Evangile qui disoit a ses soldatz: Alles, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000720 

 Mais nous autres, qui sommes presque tous des certaines petites gens, nous n'avons pas tant de pouvoir sur nos mouvemens; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer a nostre guise.

  A005000722 

 Saint Thomas d'Aquin, ce grand astre de la theologie, estant malade de la maladie de laquelle il mourut au monastere de Fosseneuve, Ordre de Cisteaux, les religieux le prierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de saint Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de saint Bernard, et j'interpreteray ce divin Cantique comme saint Bernard.» De mesme, certes, si on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz et chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation en vostre zele, comme Phinees, Helie, Mathathias, saint Pierre et saint Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de la perfection et du pur zele, avec la lumiere interieure de ces grans Saintz, et nous nous animerons de cholere comme eux.

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000724 

 Il ne se parle que de zele, et on ne void point de zele, ains seulement des mesdisances, des choleres, des haynes, des envies et des inquietudes d'esprit et de langue..

  A005000724 

 Le zele du salut des ames fait desirer la prelature, a ce que dit cet ambitieux; fait courir ça et la le moyne destiné au choeur, a ce que dit cet esprit inquiete; fait faire des rudes censures et murmurations contre les prelatz de l'Eglise et contre les princes temporelz, a ce que dit cet arrogant.

  A005000725 

 Premierement, en faysant des grandes actions de justice pour repousser le mal: et cela n'appartient qu'a ceux qui ont les offices publiqs de corriger, censurer et reprendre en qualité de superieurs, comme les princes, magistratz, prelatz, predicateurs; mays parce que cet office est respectable, chacun l'entreprend, chacun s'en veut mesler.

  A005000725 

 Secondement, on use du zele en faysant des actions de grande vertu pour donner bon exemple, suggerant les remedes au mal, exhortant a les employer, operant le bien opposé au mal qu'on desire exterminer; ce qui appartient a un chacun, et neanmoins peu de gens le veulent faire.

  A005000726 

 Certes, le zele de Nostre Seigneur parut principalement a mourir sur la croix pour destruire la mort et le peché des hommes: en quoy il fut souverainement imité par cet admirable vaisseau d'election et de dilection, ainsy que le represente le grand saint Gregoire Nazianzene en paroles dorees; car, parlant de ce saint Apostre: «Il combat pour tous,» dit-il, «il respand des prieres pour tous, il est passionné de jalousie envers tous, il est enflammé pour tous, ains mesme il a osé plus que cela pour ses freres selon la chair; en sorte que, pour dire aussi moy mesme ceci fort hardiment, il desire par charité qu'iceux soyent mis en sa place aupres de Jesus Christ.

  A005000726 

 Et comme nostre Sauveur porta de sorte les pechés du monde, et fut fait tellement anatheme, sacrifié pour le peché et delaissé de son Pere qu'il ne laissa pas d'estre perpetuellement le Filz bienaymé, auquel le Pere prenoit son bon playsir, aussi le saint Apostre desira bien d'estre anatheme et separé de son Maistre pour estre abandonné d'iceluy et delaissé a la merci des opprobres et punitions deues aux Juifz, mais il ne desira pas pourtant jamais d'estre privé de la charité et grace de son Seigneur, de laquelle rien aussi ne le pouvoit jamais separer; c'est a dire, il desira d'estre traitté comme un homme separé de Dieu, mais il ne desira pas d'en estre par effect separé, ni privé de sa grace, car cela ne peut estre saintement desiré.

  A005000726 

 O excellence de courage et de ferveur d'esprit incroyable! il imite Jesus Christ qui pour nous fut fait malediction, qui prit nos infirmités et porta nos maladies; ou, affin que je parle plus sobrement, luy le premier apres le Sauveur ne refuse pas de souffrir et d'estre reputé impie a leur occasion.» Ainsy donq, Theotime, comme nostre Sauveur fut fouetté, condamné, crucifié, en qualité d'homme voué, destiné et dedié a porter et supporter les opprobres, ignominies et punitions deues a tous les pecheurs du monde, et a servir de sacrifice general pour le peché, ayant esté fait comme anatheme, separé et abandonné de son Pere eternel, de mesme [227] aussi, selon la veritable doctrine de ce grand Nazianzene, le glorieux Apostre saint Paul desira d'estre comblé d'ignominie, crucifié, separé, abandonné et sacrifié pour le peché des Juifz, affin de porter pour eux l' anatheme et la peine qu'ilz meritoyent.

  A005000727 

 L'ardeur du vray zele est pareille a celle du chasseur, qui est diligent, soigneux, actif, laborieux et tres affectionné au pourchas, mais sans cholere, sans ire, sans trouble; car si le travail des chasseurs estoit cholere, ireux, chagrin, il ne seroit pas si aymé ni affectionné: et de mesme, le vray zele a des ardeurs extremes, mais constantes, fermes, douces, laborieuses, egalement amiables et infatigables; tout au contraire, le faux zele est turbulent, brouillon, insolent, fier, cholere, passager, egalement impetueux et inconstant..

  A005000731 

 Ayant si longuement parlé des actes sacrés du divin amour, affin que plus aysement et saintement vous en conservies la memoire je vous en presente un recueil et abbregé.

  A005000732 

 Il nous ayma d'amour de complaysance, car ses delices furent d'estre avec les enfans des hommes et d'attirer l'homme a soy, se rendant homme luy mesme.

  A005000733 

 Ainsy fut-il triste et sua le sang de detresse au jardin des Olives, non seulement pour l'extreme douleur que son ame sentoit en la partie inferieure de sa rayson, mais aussi pour l'extreme amour qu'il nous portoit en la superieure portion d'icelle, la douleur luy donnant horreur de la mort et l'amour luy donnant un extreme desir d'icelle; en sorte qu'un tres aspre combat et une cruelle agonie se fit entre le desir [231] et l'horreur de la mort, jusques a grande effusion de sang, qui coula comme d'une vive source, ruisselant jusques a terre..

  A005000733 

 Il a eu des tendretés admirables envers les petitz enfans qu'il prenoit entre ses bras et dorlotoit amoureusement; envers Marthe et Magdeleyne, envers le Lazare qu'il pleura, comme sur la cité de Hierusalem.

  A005000733 

 Il prit une amoureuse quietude en nous, et mesme avec quelque suspension des sens, emmi le ventre de sa Mere et en son enfance.

  A005000743 

 Certes, encor que ces vertus eussent beaucoup d'apparence, si est ce qu'en effect elles estoyent de peu de valeur, a cause de la bassesse de l'intention de ceux qui les prattiquoyent, qui ne travailloyent presque que pour l'honneur, ainsy que dit saint Augustin, ou pour quelqu'autre pretention fort legere, comme est celle de l'entretien de la societé civile, ou pour quelque petite [235] inclination qu'ilz avoyent au bien, laquelle ne rencontrant point de grande contrarieté, les portoit a des menues actions de vertu, comme par exemple, a s'entresaluer, a secourir les amis, vivre sobrement, ne point desrobber, servir fidelement les maistres, payer les gages aux ouvriers.

  A005000743 

 Les payens, quoy qu'ennemis de sa divine Majesté, prattiquoyent parfois quelques vertus humaines et civiles desquelles la condition n'estoit pas au dessus des forces de l'esprit raysonnable: or, vous pouves penser, Theotime, combien cela estoit peu de chose.

  A005000744 

 Excuse qui n'eust pas esté a propos si ces sages femmes eussent esté Hebrieuses, et n'est pas croyable que Pharao eust donné une commission si impiteuse contre les Hebrieuses a des femmes Hebrieuses, de mesme nation et religion; et aussi Josephe tesmoigne qu'en effect elles estoyent Egyptiennes.

  A005000744 

 Les sages femmes auxquelles Pharao donna charge de faire perir tous les masles des Israëlites estoyent sans doute Egyptiennes et payennes, car s'excusant dequoy elles n'avoyent pas executé la volonté du Roy: Les femmes Hebrieuses, disoyent elles, ne sont pas comme les Egyptiennes, car elles sçavent l'art de recevoir les enfans, et devant que nous allions a elles, elles ont enfanté.

  A005000744 

 Or, toutes Egyptiennes et payennes qu'elles estoyent, elles craignirent d'offencer Dieu par une cruauté si barbare et desnaturee, comme eust esté celle du massacre de tant de petitz enfans: dequoy la divine Douceur leur sceut si bon gré, qu'elle leur edifia des maysons, c'est a dire les rendit plantureuses en enfans et en biens temporelz..

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000747 

 L'ame qui est en peché peut faire des biens qui, estans naturelz, sont recompensés de salaires naturelz, estans civilz, sont payés de monnoye civile et humaine, c'est a dire par des commodités temporelles.

  A005000747 

 Le pecheur n'est pas en la condition des diables, [237] desquelz la volonté est tellement detrempee et incorporee au mal qu'elle ne peut vouloir aucun bien.

  A005000747 

 Le peché rend sans doute l'esprit malade, qui partant ne peut pas faire des grandes et fortes operations, mais ouy bien des petites, car toutes les actions des malades ne sont pas malades: encor parle on, encor void on, encor ouït on, encor boit on.

  A005000747 

 Non, Theotime, le pecheur en ce monde n'est pas ainsy: il est la, emmi le chemin entre Hierusalem et Hierico, blessé a mort, mais non pas encor mort, car, dit l'Evangile, il est laissé a moitié vivant; et comme il est a moitié vif, il peut aussi faire des actions a moitié vives.

  A005000748 

 Le pecheur peut voirement bien observer quelques uns des commandemens par ci par la, ains il peut mesme les observer tous pour quelque peu de tems, lhors qu'il ne se presente point de sujet relevé auquel il faille prattiquer les vertus commandees, ou de tentation pressante de commettre le peché defendu: mais que le pecheur puisse vivre long tems en son peché sans en adjouster des nouveaux, certes cela ne se peut sans une speciale protection de Dieu.

  A005000752 

 Les maistres des choses rustiques admirent la fraiche innocence et pureté des petites fraises, parce qu'encor qu'elles rampent sur la terre et soyent continuellement foulees par les serpens, lezars et autres bestes veneneuses, si est ce qu'elles ne reçoivent aucune impression du venin, ni n'acquierent aucune qualité maligne; signe qu'elles n'ont aucune affinité avec le venin.

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 C'est une des proprietés de l'amitié qu'elle rend aggreable l'ami et tout ce qui est en luy de bon et d'honneste; l'amitié respand sa grace et faveur sur toutes les actions de celuy que l'on ayme, pour peu qu'elles en soyent susceptibles; les aigreurs des amis sont des douceurs, les douceurs des ennemis sont des aigreurs.

  A005000753 

 Non seulement les fruitz de la charité et les fleurs des œuvres qu'elle ordonne, mais les feuilles mesmes des vertus morales et naturelles tirent une speciale prosperité de l'amour du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Puisque le juste est planté en la mayson de Dieu, ses feuilles, ses fleurs et ses fruitz y croissent et sont dediés au service de sa Majesté: il est comme l'arbre planté pres le courant des eaux, qui porte son fruit en son tems; ses feuilles mesmes ne tumbent point, tout ce qu'il fait prosperera.

  A005000755 

 Et notés, Theotime, que toute œuvre vertueuse doit estre estimee œuvre du Seigneur, voire mesme quand elle seroit prattiquee par un infidele: car sa divine Majesté dit a Ezechiel que Nabuchodonosor et son armee avoyent travaillé pour [241] luy, parce qu'ilz avoyent fait une guerre legitime et juste contre les Tyriens; monstrant asses par la que la justice des injustes est sienne, tend a luy et luy appartient, bien que les injustes qui font la justice ne soyent pas siens, ne tendent pas a luy et ne luy appartiennent pas.

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000759 

 Mays il y a des vertus qui, a rayson de leur naturelle alliance et correspondance avec la charité, sont aussi beaucoup plus capables de recevoir la pretieuse influence de l'amour sacré, et par consequent la communication de la dignité et valeur d'iceluy: telles sont la foy et l'esperance, qui, avec la charité, regardent immediatement Dieu, et la religion avec la penitence et devotion, [242] qui s'employent a l'honneur de sa divine Majesté.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000765 

 La belle Rachel, apres avoir grandement desiré d'avoir generation de son cher Jacob, fut rendue fertile par deux moyens, dont elle eut aussi des enfans de deux differentes façons; car au commencement de son mariage, ne pouvant avoir des enfans de son propre cors, elle employa, comme par emprunt, celuy de sa servante Bala, qu'elle tira a sa societé pour l'exercice des fonctions de son mariage, disant a son mari: J'ay Bala ma chambriere, prenés-la en mariage, entrés vers elle, affin qu'elle enfante sur mes genoux et que j'aye des enfans d'elle.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000767 

 Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité..

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Or, neanmoins, quoy qu'en gros nous disions, apres le divin Apostre, que la charité souffre tout, elle croid tout, elle espere tout, elle supporte tout, et en somme qu'elle fait tout, si est-ce que nous ne laissons pas de distribuer en particulier la louange du salut des Bienheureux aux autres vertus, selon qu'elles ont excellé en un chacun; car nous disons que la foy en a sauvé les uns, l'aumosne quelques autres, la temperance, l'orayson, l'humilité, l'esperance, la chasteté les autres, parce que les actions de ces vertus ont paru avec lustre en ces Saintz.

  A005000772 

 «J'ay veu a Tivoli,» dit Pline, «un arbre enté de toutes les façons qu'on peut enter, qui portoit toutes sortes de fruitz; car en une branche on treuvoit des cerises, en une autre des noix, et es autres des raysins, des figues, des grenades, des pommes, et generalement toutes especes de fruitz.» Cela, Theotime, estoit admirable, mais bien plus encor de voir en l'homme chrestien la divine dilection sur laquelle toutes les vertus sont entees: de maniere que, comme l'on pouvoit dire de cet arbre qu'il estoit cerisier, pommier, noyer, grenadier, aussi l'on peut dire de la charité qu'elle est patiente, douce, vaillante, juste, ou plustost, qu'elle est la patience, la douceur et la justice mesme..

  A005000773 

 Et comme le tige communique sa saveur a tous les fruitz que les greffes produisent, en telle sorte que chasque fruit ne laisse pas de garder la proprieté naturelle du greffe duquel il est procedé, ainsy la charité respand tellement son excellence et dignité es actions des autres vertus, que neanmoins elle laisse a une chacune d'icelles la valeur et bonté particuliere qu'elle a de sa condition naturelle..

  A005000773 

 Mais le pauvre arbre de Tivoli ne dura guere, comme le mesme Pline tesmoigne, car cette varieté de productions tarit incontinent son humeur radicale, et le dessecha en sorte qu'il en mourut: ou, au contraire, la dilection se renforce et revigore de faire force fruitz en l'exercice de toutes les vertus; ains, comme ont remarqué nos saintz Peres, elle est insatiable en l'affection qu'elle a de fructifier, et ne cesse de presser le cœur auquel elle se treuve, comme Rachel faisoit son mari, disant: Donne moy des enfans, autrement je mourray.

  A005000773 

 Or, les fruitz des arbres entés sont tous-jours selon le greffe, car si le greffe est de pommier il jettera des pommes, s'il est de cerisier il jettera des cerises, en sorte neanmoins que tous-jours ces fruitz-la tiennent du goust du tronc: et de mesme, Theotime, [249] nos actes prennent leur nom et leur espece des vertus particulieres desquelles ilz sont issus, mais ilz tirent de la sacree charité le goust de leur sainteté; aussi, la charité est la racine et source de toute sainteté en l'homme.

  A005000774 

 Ains, tant s'en faut que l'amour celeste oste aux vertus les preeminences et dignités qu'elles ont naturellement, qu'au contraire, ayant cette proprieté de perfectionner les perfections qu'elle rencontre, a mesure qu'elle treuve des plus grandes perfections elle les perfectionne plus grandement: comme le sucre es confitures assaisonne tellement les fruitz de sa douceur, que les addoucissant tous il les laisse neanmoins inegaux en goust et suavité, selon qu'ilz sont inegalement savoureux de leur nature; et jamais il ne rend les pesches et les noix ni si douces ni si aggreables que les abricotz et les mirabolans..

  A005000774 

 Certes, nul homme de bon sens n'egalera la chasteté nuptiale a la virginité, ni le bon usage des richesses a l'entiere abnegation d'icelles: et qui oseroit dire que la [250] charité survenante a ces vertus leur ostast leurs proprietés et privileges? puisqu'elle n'est pas une vertu destruisante et appauvrissante, ains bonifiante, vivifiante et enrichissante tout ce qu'elle treuve de bon es ames qu'elle gouverne.

  A005000774 

 Toutes les fleurs perdent l'usage de leur lustre et de leur grace parmi les tenebres de la nuit; mais au matin, le soleil rendant ces mesmes fleurs visibles et aggreables n'egale pas toutefois leurs beautés et leurs graces, et sa clarté, respandue egalement sur toutes, les fait neanmoins inegalement claires et esclattantes, selon que plus ou moins elles se treuvent susceptibles des effectz de sa splendeur: et la lumiere du soleil, pour egale qu'elle soit sur la violette et sur la rose, n'egalera jamais pourtant la beauté de celle la a la beauté de celle ci, ni la grace d'une marguerite a celle du lys; mays pourtant, si la lumiere du soleil estoit fort claire sur la violette, et fort obscurcie par les brouillars sur la rose, alhors sans doute elle rendroit plus aggreable aux yeux la violette que la rose.

  A005000775 

 Ainsy, les menues vertus de Nostre Dame, de saint Jean, des autres grans Saintz, estoyent de plus grand prix devant Dieu que les plus relevees de plusieurs Saintz inferieurs, comme beaucoup des petitz eslans amoureux des Seraphins sont plus enflammés que les plus relevés des Anges du dernier ordre; ainsy que le chant des rossignolz apprentifs est plus harmonieux incomparablement que celuy des chardonneretz les mieux appris..

  A005000775 

 Il est vray, toutefois, que si la dilection est ardente, puissante et excellente en un cœur, elle enrichira et perfectionnera aussi davantage toutes les œuvres des vertus qui en procederont.

  A005000776 

 Pireicus a la fin de ses ans ne peignoit qu'en petit volume et choses de peu, comme boutiques de barbiers, de cordonniers, petitz asnes chargés d'herbes, et semblables menus fatras; ce qu'il faisoit, comme Pline [251] pense, pour assoupir sa grande renommee: dont en fin on l'appella peintre de basse estoffe; et neanmoins, la grandeur de son art paroissoit tellement en ses bas ouvrages, qu'on les vendoit plus que les grandes besoignes des autres.

  A005000777 

 L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté..

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000783 

 Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses..

  A005000785 

 Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!.

  A005000786 

 Mays, o Dieu, Theotime, que cette bonté est misericordieuse sur nous en ce partage! nous luy donnons la gloire de nos louanges, helas, et luy nous donne la gloire de sa jouissance, et en somme, par ces legers et passagers travaux nous acquerons des biens perdurables a toute eternité.

  A005000790 

 Encor bien, donques, qu'on puisse avoir quelques vertus separees des autres, si est-ce neanmoins que ce ne peut estre que des vertus languissantes, imparfaites et debiles: d'autant que la rayson, qui est la vie de nostre ame, n'est jamais satisfaite ni a son ayse dans une ame, qu'elle n'occupe et possede toutes les facultés et passions d'icelle; et lhors qu'elle est offencee et blessee en quelqu'une de nos passions ou affections, toutes les autres perdent leur force et vigueur, et s'alangourissent estrangement..

  A005000791 

 C'est donq un signe evident que ce cœur la n'est pas porté a la liberalité par le motif et la consideration de la rayson: dont il s'ensuit que cette liberalité qui semble estre vertu n'en a que l'apparence, puisqu'elle ne procede pas de la rayson, qui est le vray motif des vertus, ains de quelque autre motif estranger.

  A005000791 

 Il suffit bien vrayement a un enfant d'estre né dans le mariage pour porter parmi le monde le nom, les armes et les qualités du mari de sa mere; mais pour en porter le sang et la nature, il faut que non seulement il soit né dans le mariage, ains aussi du mariage: les actions ont le nom, les armes et marques des vertus, parce que naissant d'un cœur doué de rayson il est advis qu'elles soyent raysonnables; mais pourtant elles n'en ont ni la substance ni la vigueur si elles proviennent d'un motif estranger et adultere, et non de la rayson..

  A005000792 

 Il se peut donq bien faire que quelques vertus soyent en un homme auquel les autres manqueront; mais ce seront ou des vertus naissantes, encor toutes tendres, et comme des fleurs en bouton, ou des vertus perissantes, mourantes, et comme des fleurs fletrissantes: car en somme, les vertus ne peuvent avoir leur vraye integrité et suffisance qu'elles ne soyent toutes ensemble, ainsy que toute la philosophie et la theologie nous asseure.

  A005000793 

 Il est bien vray, Theotime, qu'on ne peut pas exercer toutes les vertus ensemble, parce que les sujetz ne s'en presentent pas tout a coup; ains il y a des vertus que quelques uns des plus saintz n'ont jamais eu occasion de prattiquer: car saint Paul premier hermite, par exemple, quel sujet pouvoit il avoir d'exercer le pardon des injures, l'affabilité, la magnificence, la debonnaireté? Mais toutefois, telles ames ne laissent pas d'estre tellement affectionnees a l'honnesteté de la rayson, qu'encor qu'elles n'ayent pas toutes les vertus quant a l'effect, elles les ont toutes quant a l'affection, estant prestes et disposees de suivre et servir la rayson en toutes occurrences, sans exception ni reserve..

  A005000794 

 Ainsy semble-il a plusieurs d'avoir des vertus, qui n'ont toutefois que des bonnes inclinations; et parce que ces inclinations sont les unes sans les autres, il est advis que les vertus le soyent aussi..

  A005000794 

 Il y a certaines inclinations qui sont estimees vertus et ne le sont pas, ains des faveurs et avantages de la nature.

  A005000795 

 «Catilina,» dit saint Augustin, «estoit sobre, vigilant, patient a souffrir le froid, le chaud et la faim; c'est pourquoy il luy estoit advis, et a ses complices, qu'il fut grandement constant: mais cette force n'estoit pas prudente, puisqu'il choisissoit le mal en lieu du bien; elle n'estoit pas temperante, car il se relaschoit a des vilaines ordures; elle n'estoit pas juste, puisqu'il conjuroit contre sa patrie: elle n'estoit donq pas une constance, mais une opiniastreté, laquelle pour tromper les sotz portoit le nom de constance.» [261].

  A005000799 

 sur l'entendement qu'on appelle prattique, c'est a dire qui discerne des actions qu'il convient faire ou fuir, la lumiere naturelle respand la prudence, qui incline nostre esprit a sagement juger du mal que nous devons eviter et chasser, et du bien que nous devons faire et pourchasser; 2.

  A005000801 

 Que si ces quatre courans et fleuves de la charité rencontrent en une ame quelqu'une des quatre vertus naturelles, ilz la reduisent a leur obeissance, se meslant avec elle pour la perfectionner, comme l'eau de senteur perfectionne l'eau naturelle quand elles sont meslees ensemble.

  A005000802 

 Certes, mon Theotime, Dieu a respandu en nos ames les semences de toutes les vertus, lesquelles [263] neanmoins sont tellement couvertes de nostre imperfection et foiblesse qu'elles ne paroissent point, ou fort peu, jusques a ce que la vitale chaleur de la dilection sacree les vienne animer et resusciter, produisant par icelles les actions de toutes les vertus: si que, comme la manne contenoit en soy la varieté des saveurs de toutes les viandes, et en excitoit le goust dans la bouche des Israëlites, ainsy l'amour celeste comprend en soy la diversité des perfections de toutes les vertus, d'une façon si eminente et relevee qu'elle en produit toutes les actions en tems et lieu, selon les occurrences.

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000802 

 Josué, par son commandement et bon ordre, employant la valeur de ses trouppes, faisoit des merveilles; mais Samson, par sa propre force, sans employer aucun autre, faisoit des miracles.

  A005000802 

 L'amour celeste excelle en l'une et l'autre façon: car treuvant des vertus en une ame (et pour l'ordinaire au moins y treuve-il la foy, l'esperance et la penitence), il les anime, il leur commande, et les employe heureusement au service de Dieu; et pour le reste des vertus, qu'il ne treuve pas, il fait luy mesme leurs factions, ayant autant et plus de force luy seul qu'elles ne sçauroyent avoir toutes ensemble..

  A005000802 

 Nous semons es jardins une grande varieté de graines, et les couvrons toutes de terre comme les ensevelissans, jusques a ce que le soleil plus fort les fasse lever et, par maniere de dire, resusciter, lhors qu'elles produisent leurs feuilles et leurs fleurs avec des nouvelles graines, une chacune selon son espece: en sorte qu'une seule chaleur celeste fait toute la diversité de ces productions par les semences qu'elle treuve cachees dans le sein de la terre.

  A005000803 

 Certes, le grand Apostre ne dit pas seulement que la charité nous donne la patience, benignité, constance, simplicité; mais il dit qu'elle mesme elle est patiente, benigne, constante: et c'est le propre des supremes vertus, entre les Anges et les hommes, de pouvoir non seulement ordonner aux inferieures qu'elles operent, mais aussi de pouvoir elles mesmes faire ce qu'elles commandent aux autres.

  A005000803 

 Voyci ses paroles: «Ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre» (il entend les quatre vertus cardinales), «on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: de maniere que je ne ferois nul doute de definir ces quatre vertus en sorte que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choisit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuisible.».

  A005000804 

 Celuy donq qui a la charité, a son esprit revestu d'une belle robbe nuptiale, laquelle, comme celle de Joseph, est parsemee de toute la varieté des vertus; ou plustost, il a une perfection qui contient la vertu de toutes les perfections ou la perfection de toutes les vertus.

  A005000808 

 La charité est donques le lien de perfection, puisqu'en elle et par elle sont contenues et assemblees toutes les perfections de l'ame, et que sans elle non seulement on ne sçauroit avoir l'assemblage entier des vertus, mais on ne peut mesme sans elle avoir la perfection d'aucune vertu.

  A005000808 

 Nostre Seigneur lie tous-jours l'accomplissement des commandemens a la charité: Qui a mes commandemens, dit-il, et les observe, c'est celuy qui m'ayme; Celuy qui ne m'ayme pas ne garde pas mes commandemens; Si quelqu'un m'ayme, il gardera mes paroles.

  A005000809 

 On peut, certes, bien avoir quelque vertu et demeurer quelque peu de tems sans offencer, encores que l'on n'ayt pas le divin amour; mais tout ainsy que nous voyons parfois des arbres arrachés de terre faire quelques productions, non toutefois parfaites ni pour long tems, de mesme un cœur separé de la charité peut voirement produire quelques actes de vertu, mais non pas longuement..

  A005000810 

 Les abeilles sont en leur naissance des petitz schadons et vermisseaux, sans pieds, sans aysles et sans forme; mais par succession de tems, elles se changent et deviennent petites mouches; puis en fin, quand elles sont fortes et qu'elles ont leur croissance, alhors on dit qu'elles sont avettes formees, faites et parfaites, parce qu'elles ont ce qu'il faut pour voler et faire le miel.

  A005000810 

 Les vertus ont leurs commencemens, leurs progres et leur perfection, et je ne nie pas que sans la charité elles ne puissent naistre, voire mesme faire progres; mays qu'elles ayent leur perfection pour porter le tiltre de vertus faittes, formees et accomplies, cela depend de la charité, qui leur donne la force de voler en Dieu, [267] et recueillir de la misericorde d'iceluy le miel du vray merite et de la sanctification des cœurs esquelz elles se treuvent..

  A005000811 

 La foy, l'esperance, la crainte et penitence viennent ordinairement devant elle en l'ame pour luy preparer le logis; et comme elle est arrivee, elles luy obeissent et la servent comme tout le reste des vertus, et elle les anime, les orne et vivifie toutes par sa presence..

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000817 

 Ces anciens sages du monde firent jadis des magnifiques discours a l'honneur des vertus morales, ouy mesme en faveur de la religion; mais ce que Plutarque a observé es Stoïciens est encor plus a propos pour tout le reste des payens.

  A005000817 

 Nous voyons, dit il, des navires qui portent des inscriptions fort illustres: il y en a qu'on appelle Victoire, les autres, Vaillance, les autres, Soleil; mais pour cela elles ne laissent pas d'estre sujettes aux vens et aux vagues.

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000822 

 «La convoitise humaine a fait la force des payens,» dit le Concile d'Auranges, «et la charité divine a fait celle des Chrestiens.» Les vertus des payens, dit saint Augustin, ont esté non vrayes, mais vraysemblables, [272] parce qu'elles ne furent pas exercees pour la fin convenable, mais pour des fins perissables: «Fabritius sera moins puni que Catilina, non pas que celuy la fut bon, mays parce que celuy ci fut pire; non que Fabritius eut des vrayes vertus, mais parce qu'il ne fut pas si esloigné des vrayes vertus: si que, au jour du jugement, les vertus des payens les defendront, non affin qu'ilz soyent sauvés, mais affin qu'ilz ne soyent pas tant damnés.» Un vice estoit osté par un autre vice entre les payens, les vices se faysans place les uns aux autres sans en laisser aucune a la vertu; et pour ce seul unique vice de la vayne gloire ilz reprimoyent l'avarice et plusieurs autres vices, voire mesme quelquefois ilz mesprisoyent la vanité par vanité; dont l'un d'entr'eux, qui sembloit le plus esloigné de la vanité, foulant aux pieds le lit bien paré de Platon: Que fais tu, Diogene? luy dit Platon.

  A005000823 

 Ce ne fut pas l'amour de l'honnesteté, mais l'amour de l'honneur qui poussa ces sages mondains a l'exercice des vertus; et leurs vertus de mesme furent aussi differentes des vrayes vertus comme l'honneur de l'honnesteté, et l'amour du merite d'avec l'amour de la recompense.

  A005000823 

 Ceux qui servent les princes pour l'interest font ordinairement des services plus empressés, plus ardens et sensibles; mais ceux qui servent par amour [273] les font plus nobles, plus genereux, et par consequent plus estimables..

  A005000824 

 Ainsy nos anciens Peres ont appellé les vertus des payens vertus et non vertus tout ensemble: vertus, parce qu'elles en ont la lueur et l'apparence; non vertus, parce que non seulement elles n'ont pas eu cette chaleur vitale de l'amour de Dieu qui seule les pouvoit perfectionner, mais elles n'en estoyent pas susceptibles, puisqu'elles estoyent en des sujetz infideles.

  A005000824 

 «Y ayant de ce tems-la,» dit saint Augustin, «deux Romains grans en vertu, Cesar et Caton, la vertu de Caton fut de beaucoup plus approchante de la vraye vertu que celle de Cesar;» et ayant dit en quelque lieu que «les philosophes destitués de la vraye pieté avoyent resplendi en lumiere de vertu,» il s'en desdit au livre de ses Retractations, estimant que cette louange estoit trop grande pour les vertus si imparfaites comme furent celles des payens: qui, en verité, ressemblent à ces vers a feu et luisans qui ne sont luisans qu'emmi la nuit, et le jour venu perdent leur lueur; car de mesme, ces vertus payennes ne sont vertus qu'en comparayson des vices, mais en comparayson des vertus des vrays Chrestiens ne meritent nullement le nom de vertus..

  A005000825 

 Je veux bien, Theotime, qu'il y eust quelque fermeté de courage en Caton, et que cette fermeté fust louable en soy: mais qui veut se prevaloir de son exemple, il faut que ce soit en un juste et bon sujet; non pas se donnant la mort, mais la souffrant lhors que la vraye vertu le requiert, non pour la vanité de la gloire, mais pour la gloire de la verité: comme il advint a nos Martyrs, qui, avec des courages invincibles, firent tant de miracles de constance et valeur, que les Catons, les Horaces, les Seneques, les Lucreces, les Arries ne meritent certes nulle consideration en comparayson.

  A005000825 

 Tesmoins les Laurens, les Vincens, les Vitaux, les Erasmes, les Eugenes, les Sebastiens, les Agathes, les Agnes, Catherines, Perpetues, Felicités, Symphoroses, Natalies, et mille milliers d'autres; qui me font tous les jours admirer les admirateurs des vertus payennes, non tant parce qu'ilz admirent desordonnement les vertus imparfaites des payens, comme parce qu'ilz n'admirent point les vertus tres parfaites des Chrestiens, vertus cent fois plus dignes d'admiration et seules dignes d'imitation..

  A005000829 

 Le grand ami de Dieu, Abraham, n'eut de Sara, sa femme principale, que son trescher unique Isaac, qui seul aussi fut son heritier universel; et bien qu'il eust encor Ismael d'Agar, et plusieurs autres enfans de [275] Cetura, ses femmes servantes et moins principales, si est ce toutefois qu'il ne leur donna sinon quelques presens et legatz pour les des-jetter et exhereder, d'autant que n'estans pas advoüés de la femme principale ilz ne pouvoyent pas aussi luy succeder.

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000831 

 Mays en fin, outre tout cela, comme les Israëlites vescurent paisiblement en Ægipte durant la vie de Joseph et de Levi, et soudain apres la mort de Levi furent tiranniquement reduitz en servitude, d'ou provint le proverbe des Juifz: «L'un des freres trespassé, les autres sont oppressés» (selon qu'il est rapporté en la Grande Chronologie des Hebrieux, publiee par le sçavant Archevesque d'Aix, Gilbert Genebrard, que je nomme par honneur et avec consolation pour avoir esté son disciple, quoy qu'inutilement, lors qu'il estoit lecteur royal a Paris et qu'il exposoit le Cantique des Cantiques), de mesme les merites et fruitz des vertus, tant morales que chrestiennes, subsistent tres doucement et tranquillement en l'ame tandis que la sacree dilection y vit et regne, mais a mesme que la dilection divine y meurt, tous les merites et fruitz des autres vertus meurent quant et quant.

  A005000832 

 O Dieu, Theotime, quel malheur! Si le juste se destourne de sa justice et qu'il face l'iniquité, on n'aura plus memoire de toutes ses justices, il mourra en son peché, dit Nostre Seigneur en Ezechiel: de sorte que le peché mortel ruine tout le merite des vertus; car, quant a celles qu'on prattique tandis qu'il regne en l'ame, elles naissent tellement mortes qu'elles sont a jamais inutiles pour la pretention de la vie eternelle; et quant a celles que l'on a prattiquees avant qu'il fust commis, c'est a dire tandis que la dilection sacree vivoit en l'ame, leur valeur et merite perit et meurt soudain a son arrivee, ne pouvans conserver leur vie apres la mort de la charité qui la leur avoit donnee..

  A005000833 

 Elles perissent sur leurs arbres, et ne peuvent estre conservees en la main de Dieu, parce qu'elles sont vuides de vraye valeur; comme il est dit en l'Apocalipse a l'Evesque de Sardes, lequel estoit estimé un arbre vivant, a cause de plusieurs vertus qu'il prattiquoit, et neanmoins il estoit mort, parce qu'estant en peché, ses vertus n'estoyent pas des vrays fruitz vivans, mays des escorces mortes, et des amusemens pour les yeux, non des pommes savoureuses, utiles a manger..

  A005000833 

 Le lac que les prophanes appellent communement Asphaltite, et les autheurs sacrés mer Morte, a une malediction si grande que rien ne peut vivre de ce que l'on y met: quand les poissons du fleuve Jordain l'approchent ilz meurent, si promptement ilz ne rebroussent contremont; les arbres de son rivage ne produisent rien de vivant, et bien que leurs fruitz ayent l'apparence et forme exterieure pareille aux fruitz des autres contrees, neanmoins, quand on les veut arracher, on treuve que ce ne sont que escorces et peleures pleines de cendres qui s'en vont au vent: marques des infames pechés pour la punition desquelz cette contree, peuplee de quatre cités plantureuses, fut jadis convertie en cet abisme de puanteur et d'infection; et rien aussi ne peut, ce semble, mieux representer le malheur du peché, que ce lac abominable qui prit son origine du plus execrable desordre que la chair humaine puisse commettre.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000834 

 De sorte que nous pouvons tous lancer cette veritable voix, a l'imitation du saint Apostre: Sans la charité je ne suis rien, rien ne me profite; et celle cy, avec saint Augustin: Mettes dans un cœur «la charité, tout proffite; ostés du cœur la charité, rien ne proffite.» Or je dis, rien ne proffite pour la vie eternelle, quoy que, comme nous disons ailleurs, les œuvres vertueuses des pecheurs ne soyent pas inutiles pour la vie temporelle; mays, Theotime mon amy, que proffite-il a l'homme s'il gaigne tout le monde temporellement et qu'il perde son ame eternellement? [279].

  A005000838 

 Car, comme le Sauveur, parlant de la petite Talithe de Jaïrus, dit qu'elle n'estoit pas morte, ains dormoit seulement, parce que devant estre soudain resuscitee, sa mort seroit de si peu de duree qu'elle ressembleroit plustost un sommeil qu'une vraye mort, ainsy les œuvres des justes, et sur tout des esleuz, que le peché survenu fait mourir, ne sont pas dites œuvres mortes, ains seulement amorties, mortifiees, assoupies ou pasmees, parce qu'au prochain retour de la sainte dilection elles doivent, ou du moins peuvent bien tost revivre et resusciter.

  A005000840 

 Dieu a promis des recompenses eternelles aux œuvres de l'homme juste, mais si le juste se destourne de sa justice par le peché, Dieu n'aura plus memoire des justices et bonnes œuvres qu'il avoit faites.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Ainsy tous-jours, es guerisons corporelles que Nostre Seigneur donnoit par miracle, non seulement il rendoit la santé, mais il adjoustoit des benedictions nouvelles, faysant exceller la guerison au dessus de la maladie; tant il est bonteux envers les hommes..

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000841 

 Il n'est pas du peché, en cet endroit, comme des [282] œuvres de charité: car les œuvres du juste ne sont pas effacees, abolies ou aneanties par le peché survenant, ains elles sont seulement oubliees, mais le peché du meschant n'est pas seulement oublié, ains il est effacé, nettoyé, aboli, aneanti par la sainte penitence; c'est pourquoy le peché survenant au juste, ne fait pas revivre les pechés autrefois pardonnés, d'autant qu'ilz ont esté tout a fait aneantis, mais l'amour revenant en l'ame du penitent, fait bien revivre les saintes œuvres d'autrefois, parce qu'elles n'estoyent pas abolies, ains seulement oubliees.

  A005000842 

 Mays que les œuvres saintes, qui comme douces abeilles font le miel du merite, estant noyees dans le peché puissent par apres revivre, quand, couvertes des cendres de la penitence, on les remet au soleil de la grace et charité, tous les theologiens le disent et enseignent bien clairement; et lhors il ne faut pas douter qu'elles ne soyent utiles et fructueuses comme avant le peché.

  A005000842 

 Quand l'homme juste est rendu esclave du peché, toutes les bonnes œuvres qu'il avoit faites sont miserablement oubliees et reduites en boue; mais au sortir de la captivité, lhors que par la penitence il retourne en la grace de la dilection divine, ses bonnes œuvres precedentes sont tirees du puitz de l'oubli, et, touchees des rayons de la misericorde celeste, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires que jamais elles furent, pour estre remises sur l'autel sacré de la divine approbation, et avoir leur premiere dignité, leur premier prix et leur premiere valeur.

  A005000842 

 «On dit» (ce sont les paroles de Pline) «que gardant les cors mortz des mousches a miel qu'on a noyees, dans la mayson tout l'hyver, et les remettant au soleil le primtems suivant couvertes de cendre de figuier, elles resusciteront» et seront bonnes comme auparavant.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000856 

 Et lhors que nous entrons es exercices des [290] vertus, nous devons souvent dire de tout nostre cœur: Ouy, Pere eternel, je le feray parce qu'ainsy a-il esté aggreable de toute eternité devant vous..

  A005000857 

 En cette sorte faut il animer toutes nos actions de ce bon playsir celeste, aymant principalement l'honnesteté et beauté des vertus parce qu'elle est aggreable a Dieu: car, mon cher Theotime, il se treuve des hommes qui ayment esperdument la beauté de quelques vertus, non seulement sans aymer la charité, mais avec mespris de la charité.

  A005000857 

 Qui ne sçait qu'il y a eu des pauvres de Lyon qui, pour louer avec exces la mendicité, se firent heretiques, et de mendians devindrent des faux belitres? Qui ne sçait la vanité des Enthousiastes, Messaliens, Euchites, qui quitterent la dilection pour vanter l'orayson? Qui ne sçait qu'il y a eu des heretiques qui, pour exalter la charité envers les pauvres, deprimoyent la charité envers Dieu, attribuant tout le salut des hommes a la vertu de l'aumosne, selon que saint Augustin le tesmoigne? quoy que le saint Apostre exclame que qui donne tout son bien aux pauvres, et il n'a pas la charité, cela ne luy proffite point..

  A005000858 

 L'amour, Theotime, est l'estendart en l'armee des vertus, elles se doivent toutes ranger a luy; c'est le seul drapeau sous lequel Nostre Seigneur les fait combattre, luy qui est le vray general de l'armee.

  A005000863 

 Ainsy, Theotime, le Saint Esprit qui habite en nous, voulant rendre nostre ame souple, maniable et obeissante a ses divins mouvemens et celestes inspirations, qui [291] sont les loix de son amour, en l'observation desquelles consiste la felicité surnaturelle de cette vie presente, il nous donne sept proprietés et perfections, pareilles presque aux sept que nous venons de reciter, qui, en l'Escriture Sainte et es livres des theologiens, sont appellees dons du Saint Esprit.

  A005000863 

 l'entendement n'est autre chose que l'amour attentif a considerer et penetrer la beauté des verités de la foy, pour y connoistre Dieu en luy mesme, et puis, de la, en descendant, le considerer es creatures; 3.

  A005000864 

 Ainsy, Theotime, la charité nous sera une autre eschelle de Jacob, composee des sept dons du Saint Esprit comme autant d'eschellons sacrés, par lesquelz les hommes angeliques monteront de la terre au Ciel pour s'aller unir a la poitrine de Dieu tout puissant, et descendront du Ciel en terre pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au Ciel.

  A005000865 

 Mays si ayans delicieusement joui de ces amoureuses faveurs nous voulons retourner en terre pour tirer le prochain a ce mesme bonheur, du premier et plus haut degré, ou nous avons rempli nostre volonté d'un zele tres ardent et avons parfumé nostre ame des parfums de la charité souveraine de Dieu, nous descendons au second degré, ou nostre entendement prend une clarté nompareille, et fait provision des conceptions et maximes plus excellentes pour la gloire de la beauté et bonté divine; de la nous venons au 3.

  A005000865 

 nous commençons a prescher par le don de science, exhortans les ames a la suite des vertus et a la fuite des vices; au 6.

  A005000865 

 ou par le don du conseil nous advisons par quelz moyens nous inspirerons dans l'esprit des prochains le goust et l'estime de la divine suavité; au 4.

  A005000870 

 Ah, Jonathas, mon frere, disoit David, tu estois aymable sur l'amour des femmes! et c'est comme s'il eut dit: tu meritois un plus grand amour que celuy des femmes envers leurs maris.

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000872 

 Or, la crainte initiale ou des apprentifs procede du vray amour, mais amour encor tendre, foible et commençant; la crainte filiale procede de l'amour ferme, [295] solide et des-ja tendant a la perfection; mais la crainte des espouses provient de l'excellence et perfection amoureuse des-ja toute acquise: et quant aux craintes serviles et mercenaires, elles ne procedent voirement pas de l'amour, mais elles precedent ordinairement l'amour pour luy servir de fourrier, ainsy que nous avons dit ailleurs, et sont bien souvent tres utiles a son service.

  A005000876 

 De mesme, Theotime, tandis que la Providence divine fait la broderie des vertus et l'ouvrage de son saint amour en nos ames, elle y laisse tous-jours la crainte servile ou mercenaire, jusques a ce que la charité estant parfaite, elle oste cette eguille piquante, et la remet, par maniere de dire, en son peloton.

  A005000884 

 Car l'ame, quoy que juste, se void maintefois attaquee par des tentations extremes, et l'amour, tout courageux qu'il est, a fort a faire a se bien maintenir, a rayson de la condition de la place en laquelle il se treuve, qui est le cœur humain, variable et sujet a la mutinerie des passions; alhors donq, Theotime, l'amour employe la crainte au combat, et s'en sert pour repousser l'ennemy.

  A005000884 

 Le brave prince Jonathas, allant a la charge sur les Philistins emmi les tenebres de la nuit, voulut avoir son escuyer avec soy, et ceux qu'il ne tuoit pas, son escuyer les tuoit: et l'amour, en voulant faire quelque entreprise hardie, il ne se sert pas seulement de ses propres motifs, ains aussi des motifs de la crainte servile et mercenaire; et les tentations que l'amour ne desfait pas, la crainte d'estre damné les renverse.

  A005000884 

 Si la tentation d'orgueil, d'avarice ou de quelque playsir voluptueux m'attaque: Hé, ce diray-je, sera-il bien possible que pour des choses si vaynes mon cœur voulust quitter la grace de son Bienaymé! Mais si cela ne suffit pas, l'amour excitera la crainte: Hé, ne vois-tu pas, miserable cœur, que secondant cette tentation, les effroyables flammes d'enfer t'attendent, et que tu perds l'heritage eternel du Paradis? On se sert de tout es extremes necessités; comme le mesme Jonathas fit, quand, passant ces aspres rochers qui estoyent entre luy et les Philistins, il ne se servoit pas seulement de ses pieds, mais gravissoit et grimpoit a belles mains comme il pouvoit.

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000885 

 Tout ainsy donques que les nochers qui partent sous un vent favorable, en une sayson propice, n'oublient pourtant jamais les cordages, ancres et autres choses requises en tems de fortune et parmi la tempeste, aussi, quoy que le serviteur de Dieu jouisse du repos et de la douceur du saint amour, il ne doit jamais estre desprouveu de la crainte des jugemens divins, pour s'en servir entre les orages et assautz des tentations.

  A005000886 

 Et quant aux craintes des enfans et des espouses, elles y [299] tiendront leur rang et leur grade, non pour donner aucune desfiance ou perplexité a l'ame, mais pour luy faire admirer et reverer avec sousmission l'incomprehensible majesté de ce Pere tout puissant et de cet Espoux de gloire:.

  A005000886 

 Or, bien que la crainte servile et mercenaire soit grandement utile pour cette vie mortelle, si est-ce qu'elle est indigne d'avoir place en l'eternelle, en laquelle il y aura une asseurance sans crainte, une paix sans desfiance, un repos sans soucy; mais les services neanmoins que ces craintes servantes et mercenaires auront rendu a l'amour y seront recompensés: de sorte que, si ces craintes, comme des autres Moyse et Aaron, n'entrent pas en la Terre de promission, leur posterité neanmoins et leurs ouvrages y entreront.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000896 

 Certes, Platon, en son Gorgias et ailleurs, tesmoigne qu'entre les payens il y avoit quelque sentiment de crainte, non seulement pour les chastimens que la souveraine justice de Dieu prattique en ce monde, mais aussi pour les punitions qu'il exerce en l'autre vie sur les ames de ceux qui ont des pechés incurables.

  A005000896 

 Et devant le Psalmiste, la bonne mere de Samuel avoit des-ja chanté que les ennemis mesmes de Dieu le craindroyent, d'autant qu'il tonneroit sur eux des le Ciel.

  A005000897 

 Sur cette [301] crainte, donq, le divin amour fait maintefois des actes de complaysance et de bienveuillance: Je vous beniray, Seigneur, car vous estes terriblement magnifié; Que chacun vous craigne, o Seigneur! O grans de la terre, entendés: servés Dieu en crainte, et tressailles pour hiy en tremblement..

  A005000898 

 Mays il y a une «autre crainte, qui prend origine de la foy, laquelle nous apprend qu'apres cette vie mortelle il y a des supplices effroyablement eternelz ou eternellement effroyables, pour ceux qui en ce monde auront offencé la divine Majesté et seront decedés sans s'estre reconciliés avec elle; qu'a l'heure de la mort les ames seront jugees du jugement particulier, et a la fin du monde tous comparoistront resuscités pour estre derechef jugés du jugement universel: car ces verités chrestiennes, Theotime, frappent le cœur qui les considere d'un espouvantement extreme.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 La crainte donq de ceux qui, comme esclaves, observent la loy de Dieu pour eviter l'enfer est fort bonne; mais beaucoup plus noble et desirable est la crainte des Chrestiens mercenaires, qui, comme serviteurs a gages, travaillent fidellement, non pas certes principalement pour aucun amour qu'ilz ayent encores envers leurs maistres, mais pour estre salariés de la recompense qui leur est promise.

  A005000902 

 Toutefois, quand il arrive que cette crainte filiale est jointe, meslee et detrempee avec la crainte servile de la damnation eternelle, ou bien avec la crainte mercenaire de perdre le Paradis, elle ne laisse pas d'estre fort aggreable a Dieu, et s'appelle crainte initiale, c'est a dire crainte des apprentifs, qui entrent es exercices de l'amour divin.

  A005000906 

 Ainsy, qui diroit: le fruit de la vigne c'est le raysin, le moust, le vin, l'eau de vie, la liqueur res-jouissant le cœur de l'homme, le breuvage confortant l'estomach, il ne voudroit pas dire que ce fussent des fruitz de differente espece, ains seulement qu'encor que ce ne soit qu'un seul fruit, il a neanmoins une quantité de diverses proprietés, selon qu'il est employé diversement..

  A005000906 

 Certes, la charité est l'unique fruit du Saint Esprit, mais parce que ce fruit a une infinité d'excellentes proprietés, l'Apostre, qui en veut representer quelques unes par maniere de monstre, parle de cet unique fruit comme de plusieurs, a cause de la multitude des proprietés qu'il contient en son unité, et parle reciproquement de tous ces fruitz comme d'un seul, a cause de l'unité en laquelle est comprise cette varieté.

  A005000908 

 Contentement lequel est si fort, que les eaux des tribulations et les fleuves des persecutions ne le peuvent esteindre; ains, non seulement il ne perit pas, mais il s'enrichit parmi les pauvretés, il s'agrandit es abjections et humilités, il se res-jouit entre les larmes, il se renforce d'estre abandonné de la justice et privé de l'assistance d'icelle lhors que, la reclamant, nul ne luy en donne; il se recree emmi la compassion et commiseration lhors qu'il est environné des miserables et souffreteux; il se delecte de renoncer a toutes sortes de delices sensuelles et mondaines pour obtenir la pureté et netteté de cœur; il fait vaillance d'assoupir les guerres, noises et dissensions, et de mespriser les grandeurs et reputations temporelles; il se revigore d'endurer toutes sortes de souffrances, et tient que sa vraye vie consiste a mourir pour le Bienaymé..

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de fruit, elle nous donne un goust et playsir extreme en la prattique de la vie devote, qui se sent es douze fruitz du Saint Esprit; et partant elle est le fruit des fruitz.

  A005000914 

 C'en est de mesme des amateurs des richesses et des ambitieux de l'honneur; car ilz sont rendus esclaves de ce qu'ilz ayment, et n'ont plus de cœur en leur poitrine, ni d'ame en leurs cœurs, ni d'affections en leur ame que pour cela..

  A005000914 

 Ne voyons nous pas les hommes qui ont donné leur cœur en proye a l'amour vil et abject des femmes, comme ilz ne desirent que selon cet amour, ilz n'ont playsir qu'en cet amour, ilz n'esperent ni desesperent que pour ce sujet, ilz ne craignent ni n'entreprennent que pour cela, ilz n'ont a contrecœur ni ne fuyent que ce qui les en destourne, ilz ne s'attristent que de ce qui les en prive, ilz n'ont de cholere que par jalousie, ilz ne triomphent que par cette infamie.

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000917 

 Mays quand fut-ce que l'aisné des peuples qui estoyent dans le ventre de Rebecca servit le puisné? Certes, ce ne fut jamais que lhors que David subjuga en guerre les Idumeens, et que Salomon les maistrisa en paix.

  A005000919 

 Ainsy je puis combattre le desir des richesses et voluptés mortelles, ou par le mespris qu'elles meritent, ou par le desir des immortelles; et par ce moyen l'amour sensuel et terrestre sera ruiné par l'amour celeste, ou comme le feu est esteint par l'eau a cause de ses qualités contraires, ou comme il est esteint par le feu du ciel a cause de ses qualités plus fortes et predominantes..

  A005000919 

 Mais donq, quelle methode doit on tenir pour ranger les affections et passions au service du divin amour? Les medecins methodiques ont tous-jours en bouche cette maxime, que «les contraires sont gueris par leurs contraires;» et les spagyriques celebrent une sentence opposee a celle la, disans que «les semblables sont gueris par leurs semblables.» Or, comme que c'en soit, nous sçavons que deux choses font disparoistre la lumiere des estoiles: l'obscurité des brouillas de la nuit, et la plus grande lumiere du soleil; et de mesme nous combattons les passions, ou leur opposant des passions contraires, ou leur opposant des plus grandes [311] affections de leur sorte.

  A005000919 

 S'il m'arrive quelque vayne esperance, je puis resister luy opposant ce juste descouragement: O homme insensé, sur quelz fondemens bastis tu cette esperance? Ne vois tu pas que ce grand auquel tu esperes est aussi pres de la mort que toy mesme? Ne connois tu pas l'instabilité, foiblesse et imbecillité des espritz humains? aujourd'huy, ce cœur duquel tu pretens est a toy; demain, un autre l'emportera pour soy.

  A005000921 

 Si j'espere l'assistance d'un ami, ne puis-je pas dire: Vous aves establi nostre vie en sorte, Seigneur, que nous ayons a prendre secours, soulagement et consolation les uns des autres; et parce qu'il vous plaist, j'employeray donq cet homme, duquel vous m'aves donnee l'amitié a cette intention.

  A005000925 

 Pour l'ire, nous l'avons veu au discours du zele; pour le desespoir, sinon qu'on le reduise a la juste desfiance de nous mesmes, ou bien au sentiment que nous devons avoir de la vanité, foiblesse et inconstance des faveurs, assistances et promesses du monde, je ne voy pas quel service le divin amour en peut tirer..

  A005000926 

 Il y a donq une tristesse selon Dieu, laquelle s'exerce, ou bien par les pecheurs en la penitence, ou par les bons en la compassion pour les miseres temporelles du prochain, ou par les parfaitz en la deploration, complainte et condoleance pour les calamités spirituelles des ames.

  A005000927 

 On dit qu'il y a un poisson nommé pescheteau, et surnommé diable de mer, qui, esmouvant et poussant ça et la le limon, trouble l'eau tout autour de soy pour se tenir en icelle comme dans l'embusche, des laquelle, soudain qu'il apperçoit les pauvres petitz poissons, il se rüe sur eux, les brigande et les devore; d'ou peut estre est venu le mot de pescher en eau trouble, duquel on use communement.

  A005000927 

 Or c'est de mesme du diable d'enfer comme du diable de mer; car il fait ses embusches dans la tristesse, lhors qu'ayant rendu l'ame troublee par une multitude d'ennuyeuses pensees jettees ça et la dans l'entendement, il se rüe par apres sur les affections, les accablant de desfiances, jalousies, aversions, envies, apprehensions superflues des pechés passés, et fournissant une quantité de subtilités vaines, aigres et melancholiques, affin qu'on rejette toutes sortes de raysons et consolations..

  A005000929 

 Finalement il y a une tristesse que la varieté des accidens humains nous apporte.

  A005000929 

 Le mondain est harnieux, maussade, amer et melancholique au defaut des prosperités terrestres, et en l'affluence il est presque tous-jours bravache, esbaudy et insolent..

  A005000930 

 Nous voyons aussi maintefois des penitences fort empressees, troublees, impatientes, pleureuses, ameres, souspirantes, inquietes, grandement aspres et melancholiques, lesquelles en fin se treuvent infructueuses et sans suite d'aucun veritable amendement, parce qu'elles ne procedent pas des vrays motifz de la vertu de penitence, mays de l'amour propre et naturel..

  A005000931 

 Si elle est naturelle, nous la devons repousser, contrevenans a ses mouvemens, la divertissans par exercices propres a cela, et usans des remedes et façon de vivre que les medecins mesme jugeront a propos.

  A005000932 

 Certes, il y a des actions qui dependent tellement de la disposition et complexion corporelle, qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les faire a nostre gré; car un melancholique ne sçauroit tenir ni ses yeux, ni sa parole, ni son visage en la mesme grace et suavité qu'il auroit s'il estoit deschargé de cette mauvaise humeur; mais il peut bien, quoy que sans grace, dire des paroles gracieuses, honteuses et courtoises, et, malgré son inclination, faire par rayson les choses convenables, en paroles et en oeuvres de charité, douceur et condescendance.

  A005000940 

 Or je ne pense pas qu'il veuille dire que l'amour sacré soit distribué aux hommes ni aux Anges en suite, et moins encor en vertu des conditions naturelles; ni qu'il veuille dire que la distribution de l'amour divin soit faite aux hommes selon leurs qualités et habilités naturelles: car ce seroit desmentir l'Escriture, et violer la regle ecclesiastique par laquelle les Pelagiens furent declarés heretiques..

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000942 

 Il est pourtant vray que ces ames ainsy faites, estant une fois bien purifiees de l'amour des creatures, font des merveilles en la dilection sainte, l'amour treuvant une grande aysance a se dilater en toutes les facultés du cœur; et de la procede une tres aggreable suavité, laquelle ne paroist pas en ceux qui ont l'ame aigre, aspre, melancholique et revesche..

  A005000948 

 Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!.

  A005000948 

 Thesaurises des thresors au Ciel.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000955 

 Pourquoy penses-vous, Theotime, que les chiens en la sayson primtaniere perdent plus souvent qu'en autre tems la trace et piste de la beste? C'est parce, disent les chasseurs et les philosophes, que les herbes et fleurs sont alhors en leur vigueur; si que la varieté des odeurs qu'elles respandent estouffe tellement le sentiment des chiens, qu'ilz ne sçavent ni choisir ni suivre la senteur de la proye entre tant de diverses senteurs que la terre exhale.

  A005000957 

 Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu.

  A005000957 

 Pour cela, les Saintz se retirerent es solitudes, affin que, despris des sollicitudes mondaines, ilz vacassent plus ardemment au celeste amour; pour cela, l'Espouse [323] sacree fermoit l'un de ses yeux, affin d'unir plus fortement sa veüe en l'autre seul, et viser plus justement par ce moyen au milieu du cœur de son Bienaymé qu'elle veut blesser d'amour; pour cela, elle mesme tient sa perruque tellement plicee et ramassee dans sa tresse, qu'elle semble n'avoir qu' un seul cheveu, duquel elle se sert comme d'une chaisne pour lier et ravir le cœur de son Espoux, qu'elle rend esclave de sa dilection.

  A005000969 

 Saint Bernard ne perdoit rien du progres qu'il desiroit faire en ce saint amour, quoy qu'il fut es cours et armees des grans princes, ou il s'employoit a reduire les affaires d'estat au service de la gloire de Dieu: il changeoit de lieu, mais il ne changeoit point de cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'object; et, pour parler son propre langage, ces mutations se faisoyent en luy, mais non pas de luy, puisque, bien que ses [325] occupations fussent fort differentes, il estoit indifferent a toutes occupations et different de toutes occupations; ne recevant pas la couleur des affaires et des conversations, comme le cameleon celle des lieux ou il se treuve, ains demeurant tous-jours tout uni a Dieu, tous-jours blanc en pureté, tous-jours vermeil de charité et tous-jours plein d'humilité..

  A005000970 

 Je sçay bien, Theotime, l'advis des sages:.

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000985 

 Dieu a soin de mesme de ceux qui ne vont a la cour, au palais, a la guerre, sinon par la necessité de leur devoir; et ne faut en cela ni estre si craintif que l'on abandonne les bonnes et justes affaires faute d'y aller, ni si outre-cuydé et presomptueux que d'y aller ou demeurer sans l'expresse necessité du devoir et des affaires..

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000995 

 Il y a des ames qui font des grans projetz de faire des excellens services a Nostre Seigneur, par des actions eminentes et des souffrances extraordinaires, mais actions et souffrances desquelles l'occasion n'est pas presente ni ne se presentera peut estre jamais; et sur cela pensent d'avoir fait un trait de grand amour: en quoy elles se trompent fort souvent, comme il appert en ce que, embrassant par souhait, ce leur semble, des grandes croix futures, elles fuyent ardemment la charge des presentes, qui sont moindres.

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000998 

 Ces condescendances aux humeurs d'autruy, ce support des actions et façons agrestes et ennuyeuses du prochain, ces victoires sur nos propres humeurs et passions, ce renoncement a nos menues inclinations, cet effort contre nos aversions et repugnances, ce cordial et doux aveu de nos imperfections, cette peyne continuelle que nous prenons de tenir nos ames en egalité, cet amour de nostre abjection, ce benin et gracieux accueil que nous faysons au mespris et censure de nostre condition, de nostre vie, de nostre conversation, de nos actions: Theotime, tout cela est plus fructueux a nos ames que nous ne sçaurions penser, pourveu que la celeste dilection le mesnage.

  A005000998 

 Mais nous l'avons des-ja dit a Philothee..

  A005001002 

 Nostre Seigneur, au rapport des Anciens, souloit dire aux siens: «Soyes bons monnoyeurs.» Si l'escu n'est de bon or, s'il n'a son poids, s'il n'est battu au coin legitime, on le rejette comme non recevable; si une œuvre n'est de bonne espece, si elle n'est ornee de charité, si l'intention n'est pieuse, elle ne sera point receüe entre les bonnes œuvres.

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001003 

 Il y a des personnes qui mangent beaucoup, et sont tous-jours maigres, extenuees et alangouries, parce qu'elles n'ont pas la force digestive bonne; il y en a d'autres qui mangent peu, et sont tous-jours en bon point et vigoureuses, parce qu'elles ont l'estomach bon.

  A005001007 

 Il est donq vray, Theotime, que, comme nous avons dit ailleurs, tout ainsy que l'olivier planté pres de la [332] vigne luy donne sa saveur, de mesme la charité se treuvant aupres des autres vertus, elle leur communique sa perfection.

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001008 

 O que les actions des vertus sont excellentes quand le divin amour leur imprime son sacré mouvement, c'est a dire lhors qu'elles se font par le motif de la dilection! Mais cela se fait differemment..

  A005001009 

 Telz tous ceux encor qui, a dessein, se procurent des profondes et puissantes resolutions de suivre la volonté de Dieu, faisans pour cela des retraittes de quelques jours, affin d'exciter leurs ames par divers [333] exercices spirituelz a l'entiere reformation de leur vie: methode sainte, familiere aux anciens Chrestiens, mais despuis presque tout a fait delaissee, jusques a ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en usage du tems de nos peres..

  A005001011 

 Et pourquoy donq, je vous prie, ne seront-ilz l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pieces de leurs sommes en vertu de leurs premiers propos et fondamentales resolutions? et si l'un, distribuant ses escuz sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoy l'autre, distribuant ses actions, ne jouira-il pas du fruit de sa premiere intention? Celuy qui destinement s'est rendu esclave amiable de la divine Bonté, luy a par consequent dedié toutes ses actions..

  A005001017 

 Quand les paonnesses couvent en des lieux bien blancs, les pouletz sont aussi tous blancs; et quand nos intentions sont en l'amour de Dieu, lhors que nous projettons quelque bon oeuvre, ou que nous nous jettons en quelque vacation, toutes les actions qui s'en ensuivent prennent leur valeur et tirent leur noblesse de la dilection de laquelle elles ont leur origine: car, qui ne void que les actions qui sont propres a ma vocation ou requises a mon dessein, dependent de cette premiere election et resolution que j'ay faitte?.

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001019 

 Outre cela, appliquons cent et cent fois le jour nostre vie au divin amour par la prattique des oraysons jaculatoires, eslevations de cœur et retraittes spirituelles; car ces saintz exercices lançans et jettans continuellement nos espritz en Dieu, y portent ensuite toutes nos actions.

  A005001020 

 Or cet exercice des continuelles aspirations est donq fort propre pour appliquer toutes nos œuvres a la dilection, mais principalement il suffit tres abondamment [336] pour les menues et ordinaires actions de nostre vie; car quant aux œuvres relevees et de consequence, il est expedient, pour faire un proffit d'importance, d'user de la methode suivante, ainsy que j'ay des-ja touché ailleurs.

  A005001021 

 C'est pourquoy, se representant la grandeur des peynes, travaux et hazards qu'il luy seroit force de subir pour ce sujet, il s'immola en esprit au bon playsir de Dieu, et baysant tendrement cette croix, il s'escria du fond de son cœur, a l'imitation de saint André: «Je te salue, o croix pretieuse,» je te salue, o tribulation bienheureuse! O affliction sainte, que tu es aymable, puisque tu es issue du sein amiable de ce Pere d'eternelle misericorde, qui t'a voulu de toute eternité et t'a destiné pour ce cher peuple et pour moy! O croix, mon cœur te veut, puisque celuy de mon Dieu t'a voulu; o croix, mon ame te cherit et t'embrasse de toute sa dilection! [337].

  A005001026 

 Le doux amour de la patrie, la suavité de la conversation des proches, les delices de la mayson paternelle, ne l'esbranlerent point; il part hardiment et ardemment, et va ou il plaira a Dieu de le conduire.

  A005001027 

 Mays cecy n'est rien en comparayson de ce qu'il fit [338] par apres, quand Dieu l'appellant par deux fois et ayant veu sa promptitude a respondre, il luy dit: Prens Isaac ton enfant unique, lequel tu aymes, et va en la terre de vision, ou tu l'offriras en holocauste sur l'un des montz que je te monstreray. Car voyla ce grand homme qui part soudain avec ce tant aymé et tant aymable filz, fait trois journees de chemin, arrive au pied de la montaigne, laisse la ses valetz et l'asne, charge son filz Isaac du bois requis a l'holocauste, se reservant de porter luy mesme le glaive et le feu.

  A005001028 

 Hé, voyes donq, de grace, quel holocauste ce saint homme fit en son cœur! sacrifice incomparable, sacrifice qu'on ne peut asses estimer, sacrifice qu'on ne peut asses louer! O Dieu! qui sçauroit discerner quelle des deux dilections fut la plus grande, ou celle d'Abraham qui pour plaire a Dieu immole cet enfant tant aymable, ou celle de cet enfant qui pour plaire a Dieu veut bien estre immolé, et pour cela se laisse lier et [339] estendre sur le bois, et comme un doux aignelet attend paisiblement le coup de mort, de la chere main de son bon pere?.

  A005001028 

 Theotime, qui void la femme de son prochain pour la convoiter, il a des-ja adulteré en son cœur; et qui lie son filz pour l'immoler, il l'a des-ja sacrifié en son cœur.

  A005001029 

 Car d'un costé c'est voirement une merveille, mais non pas si grande, de voir que Abraham, des-ja viel et consommé en la science d'aymer Dieu, et fortifié de la recente vision et parole divine, face ce dernier effort de loyauté et dilection envers un Maistre duquel il avoit si souvent senti et savouré la suavité et providence; mais de voir Isaac, au primtems de son aage, encor tout novice et apprentif en l'art d'aymer son Dieu, s'offrir, sur la seule parole de son pere, au glaive et au feu pour estre un holocauste d'obeissance a la divine volonté, c'est chose qui surpasse toute admiration..

  A005001036 

 Comme peut on avoir un cœur et n'aymer pas une si infinie Bonté? Or ce sujet est aucunement proposé au chapitre I et II du II e Livre, et des le chapitre VIII du III e Livre jusques a la fin, et au chapitre IX du Livre X..

  A005001039 

 motif c'est de considerer comme Dieu prattique cette providence et redemption, fournissant a un chacun toutes les graces et assistances requises a nostre salut; dequoy nous traittons au II e Livre, des le chapitre VIII, et au Livre III, des le commencement jusques au chapitre VI..

  A005001040 

 motif est la gloire eternelle que la divine Bonté nous a destinee, qui est le comble des bienfaitz de Dieu envers nous; dont il est aucunement discouru des le chapitre IX jusques a la fin du Livre III..

  A005001045 

 Par exemple: O qu'aymable est ce grand Dieu, qui par son infime bonté a donné son Filz en redemption pour tout le monde! Helas, ouy, pour tous en general, mais en particulier encor pour moy, qui suis le premier des pecheurs! Ah! il m'a aymé; je dis, il m'a aymé moy, mais je dis moy mesme, tel que je suis, et s'est livré a la Passion pour moy!.

  A005001046 

 Et cependant, Dieu, des l'abisme de son eternité, pensoit pour moy des pensees de benedictions; il meditoit et desseignoit, ains determinoit l'heure de ma naissance, de mon Baptesme, de toutes les inspirations qu'il me donneroit, et en somme tous les bienfaitz qu'il me feroit et offriroit.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001048 

 Ainsy, dedans sa poitrine maternelle, son cœur divin prevoyoit, disposoit, meritoit, impetroit tous les bienfaitz que nous avons, non seulement en general pour tous, mais en particulier pour un chacun; et ses mammelles de douceur nous preparoyent le lait de ses mouvemens, de ses attraitz, de ses inspirations, et des suavités par lesquelles il tire, conduit et nourrit nos cœurs a la vie eternelle.

  A005001058 

 Theotime, le mont Calvaire est le mont des amans.

  A005001067 

 O amour eternel, mon ame vous requiert et vous choisit eternellement! Hé, «venes, Saint Esprit, et enflammes nos cœurs de vostre dilection.» Ou aymer ou mourir! Mourir et aymer! Mourir a tout autre amour pour vivre a celuy de Jesus, affin que nous ne mourions point eternellement; ains que vivans en vostre amour eternel, o Sauveur de nos ames, nous chantions eternellement: VIVE JESUS! J'ayme Jesus! Vive Jesus [346] que j'ayme! J'ayme Jesus, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A005001068 

 Ces choses, Theotime, qui par la grace et faveur de la charité ont esté escrittes a vostre charité, puissent tellement s'arrester en vostre cœur que cette charité treuve en vous le fruit des saintes œuvres, non les feuilles des loüanges.

  A005001087 

 En quoy les Ames devotes de ce siecle nous semblent avoir autant de saincte obligation à remercier et magnifier la Divine Bonté, qui a voulu accroistre et favorablement gratifier l'honneur de leurs ans de la precieuse jouissance de cet Œuvre, et de la desirable presence de l'Autheur qui l'a composé, comme celles des siecles passés, si on leur en eust donné advis, eussent eu de juste occasion de regretter que l'un et l'autre ait esté refusé et ait manqué à la gloire et au bien de leurs jours..

  A005001087 

 Et non seulement y avoir trouvé toutes choses conformes à la saincte Doctrine des saincts Peres et Docteurs de l'Eglise, et adjustees au niveau de la Foy Catholique, Apostolique, et Romaine: mais d'abondant confessons ingenuëment y avoir rencontré tant d'avantages pour l'entiere recommandation de l'Amour de Dieu, tant d'ordre et de lumiere à le faire aisément concevoir, tant d'attraicts si puissants à luy gaigner les Ames; que nous estimons que ce sublime et Divin subject a vrayement rencontré cette fois celuy qu'il luy falloit pour dignement le [349] manier et l'estaller en public: et que l'esclat de son excellence et grandeur eust tousjours esté plus sombre et moindre parmy les hommes, quant à sa parfaite cognoissance, si ce Reverendissime Prelat, esgalement sçavant et Religieux, n'eust employé son net esprit et sa riche plume à le traicter.

  A005001087 

 Jehan Claude Deville, Chanoine en l'Eglise sainct Paul de Lyon, Docteur en saincte Theologie, Predicateur, et deputé a l'Approbation des Livres en ce Diœcese, par Monseigneur Denys Simon de Marquemont, Illustrissime, et Reverendissime Archevesque de Lyon: faisons foy d'avoir veu et leu ce present Livre de l'Amour de Dieu.

  A005001091 

 Thomas de Meschatin la Faye, Comte, Chanoine et Chamarier de l'Eglise de Lyon, et Vicaire General en l'Archevesché de Lyon, ayant veu les susdictes Approbations des Docteurs en Theologie, permettons l'impression du present Livre intitulé Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque de Geneve..

  A005001097 

 En consequence de l'approbation des Docteurs en Theologie, je consens pour le Roy, que ledict Livre soit imprimé et exposé en vente par Pierre Rigaud, avec deffences à tous autres fors ledict Rigaud de l'imprimer, sur peine de confiscation et amande arbitraire..

  A005001105 

 Nous à ces causes desirant gratifier ledit Rigaud, et empescher qu'il ne soit privé de son travail et labeur, Vous mandons, ordonnons, et enjoignons par ces presentes, comme nous avons permis et permettons de grace speciale audit Rigaud, qu'il puisse imprimer ou faire imprimer, vendre et debiter, tant de fois que bon luy semblera, ledit livre, pendant le temps de Dix ans entiers et consecutifs, à compter du jour et datte que ledit livre sera achevé d'imprimer, faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions, et deffences à tous Marchands, Libraires, et Imprimeurs, de nostre Royaume, de n'imprimer ou faire imprimer ledit livre, ny l'exposer en vante: sans l'exprez congé, et permission dudit Rigaud, ou de ceux qui auront droict de luy, sur peine de dix mille livres d'amande, applicable moitié à nous, et l'autre moitié audit suppliant, et confiscation des exemplaires qui seront treuvez avoir esté mis en vente contre la teneur des presentes; lesquels seront saisis et mis en nostre main, par le premier de nos Juges, Officiers, Huissiers, ou Sergents sur ce requis, luy monstrant ces presentes ou coppie d'icelles, deuëment collationnées: ausquels donnons pouvoir, commission et mandement special, de proceder a rencontre de tous ceux qui y contreviendront par toutes voyes deuës et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie et toutes autres Lettres à ce contraires, ausquelles nous avons derogé et derogeons par ces presentes.

  A005001128 

 D'autant que l'homme fait ses operations distinctes selon la distinction des facultés de son ame et des organes de son cors, nous attribuons a chasque faculté et a chasque organe les actions que nous faysons par icelles.

  A005001133 

 Premier: troys grans parvis, dont l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le [356] second estoit pour les Israelites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour tout l'ordre hierarchique; et en fin, outre tous ces parvis, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle le seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A005001135 

 Car encor que la foy, l'esperance et la charité respandent leurs actions et divins mouvemens en toutes les facultés de l'ame, non seulement entant qu'ell'est raysonnable mais encor entant qu'ell'est sensitive, les conduysant toutes et gouvernant, et les assujettissant saintement et justement sous leur divin'authorité, si est ce que leur speciale residence, leur vray et naturel sejour est establi [358] en cette supreme cime de l'ame, des-laquelle, comme un'heureuse fontayne et source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur toutes les parties et facultés inferieures..

  A005001138 

 En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe.

  A005001139 

 Et comme (au 4. livre des Roys, au chap. 9, v. 13.) les chefz de l'armee d'Israël mirent ensemble leurs vestemens et en firent comm'un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, disans: Jehu est roy, ainsy, a l'arrivee de la foy, l'entendement se despouille de tous discours et raysonnemens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux comme sur un trosne, la reconnoissant comme sa reyne.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001141 

 L'austruche produit les œufz sur le rivage sablonneux des ondes, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs argumens et discours, jettent dans l'ame la doctrine de verité toute debattue, mays les seulz celestes rayons du Soleil de justice en font esclorre l'acquiescement et certification absolue, qui est le vray effect et acte de foy.

  A005001141 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres; mais la resolution et acquiescement se fait dans le Sanctuaire, non point en vertu des raysons debattues au parvis, mais en vertu de la presence du S t Esprit, qui anime le cors de l'Eglise et le fait parler par les chefz d'icelle.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001142 

 En ce sanctuaire se practique l'encensement des oraysons plus parfaites, on y reçoit la manne secrette et cachee dans la cruche d'or, c'est a dire les divins Sacremens, et sur tout l'eucharistique.

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Or les coudees representent naïfvement les œuvres, par ce que c'est la mesure qui se prend des le coude a la main, qui est la partie du bras qui sert immediatement a l'œuvre.

  A005001146 

 Et comm'est ce que sa bonté pourroit mieux tesmoigner la volonté qu'ell'a de nous sauver, que faysant pour nous une si riche provision des moyens necessaires a cet effect, les nous offrant si liberalement, et nous pressant si chaudement de les recevoir, de les embrasser et de les employer? Il est vray, [363] Philothee, que Dieu ne nous veut pas porter au salut, d'une volonté absolue et inevitable, sinon Ihors quil void la nostre suivre volontairement les attraitz de la sienne.

  A005001147 

 Il conserve soigneusement le privilege [de] nostre liberté entre les graces de sa liberalité: il comble quelquefois la liberté de doux attraitz ou d'attrayantes douceurs, mais il ne l'estouffe jamais, il ne la suffoque point, ains luy laisse tous-jours l'aspiration et respiration libre pour recevoir ou rejetter son inspiration; car en fin ce sont des douceurs, et ce ne seroyent pas des douceurs si c'estoyent des violences: il la tire sans la tiranniser, et cela, ce me semble, ne tesmoigne pas moins la verité de la volonté de Dieu pour nostre salut; ains, au contraire, ceste volonté est dautant plus veritable qu'elle est plus douce et plus suave, dautant plus aymable qu'ell'est plus amiable..

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001154 

 Ce n'est pas que les payens n'eussent des repentances et pœnitences quand ilz avoyent fait quelques fautes contre leurs amis; car, comme Ciceron dit, 4 Tuscul., quand Alexandre eut tué Clytus, a peine se peut il empescher de se tuer soymesme, tant la force de la penitence fut grande: tanta vis fuit poenitendi.

  A005001154 

 Certes, Tertulien, au fin commencement de son livre De la Pœnitence, tesmoigne que parmi [les payens] il y avoit quelque sorte de pœnitence, mais inutile et vaine, par ce que mesme ilz en faysoyent pour des choses bonnes..

  A005001159 

 Il y a donq une pœnitence humaine, par laquelle on se repent d'avoir mal fait quelque chose par ce que de soymesme le mal estant conneu desplait: ainsy, ceux qui font des fautes es œuvres de leur mestier se repentent de les avoir faites.

  A005001159 

 Il y en a une mondaine, par laquelle on se repent d'avoir fait quelquefois du bien, a cause des pertes temporelles qui en proviennent.

  A005001159 

 des Ethiques, c. 7, quand il dit que l'intemperant lequel choysit par deliberation de vaquer aux voluptés ne se peut repentir; dont «il est incorrigible, car qui ne se repend, quem non pœnitet, incurabilis est, il est incurable;» comme sil disoit que le peché sans pœnitence est incurable.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001175 

 Comm'encor quand, touchés de l'exemple des Saintz, ou mors ou vivans, nous nous repentons; car, qui eut jamais peu voir, par exemple, le monastere appellé Prison, dont s t Clymacus parle, auquel on faysoit tant d'exercices d'un'incomparable pœnitence, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés?.

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001180 

 On craint plus d'estre damné pour des certains pechés que pour d'autres, et partant la repentance en vient plus tost que des autres.

  A005001180 

 Or toutes ces repentances qui procedent de la crainte de l'enfer, du desir du Ciel, de la consideration des autres maux et inconveviens que le peché nous apporte, elles sont quelques fois si fortes [370] qu'elles arrachent de nos ames toutes les affections qu'elle avoit eues au peché, et la determinent a ne vouloir plus pecher: et lhors elles s'appellent attritions des pœnitens.

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001180 

 Tel qui a le bien d'autruy et ne le veut nullement rendre ne laissera pas d'avoir des grans remors et extremes repentances d'avoir tué un homme; la cholere l'a transporté, ell'est passee, et par consequent la repentance est aysee.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001188 

 On considere combien on est coulpable de cette coulpe: Estonnés vous, o cieux, et que ses portes se desolent extremement, car mon ame a fait deux maux; elle vous a quitté, o Dieu eternel, vous qui estes la source inespuisable des eaux vives de toute bonté, et se retourne du costé de la creature pour fouir et creuser des puis, puis crevassés et dissipés qui ne peuvent contenir aucunes eaux de vray contentement.

  A005001193 

 Ainsy, certes, le peché veniel n'extermine pas la charité, ains seulement il la tient captive, prisonniere et esclave, et comme accablee, en sorte qu'elle ne puisse pas exercer sa douce activité et aimable promptitude pour produire la multitude des saintes actions qu'elle desire.

  A005001195 

 Et en somme, la charité, qui nous est donnee pour agir selon la volonté de Dieu, n'arreste guere en un cœur qui ne l'employe pas: ou ell'agit ou elle perit; elle veut avoir des enfans, comme Rachel, [374] ou mourir.

  A005001201 

 Et dites moy, Philothee, de quoy peut on accuser le ciel en cette diversité d'evenemens? a-il pas envoyé sa rosee et ses influences sur l'un'et l'autre mere perle? pourquoy donq l'une a elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Il n'y a rien en celle qui l'a produit qu'elle ne doive reconnoistre du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle ell'a receu la goutte; car, sans la souefve fraicheur de la rousee et le sentiment des premiers rayons de l'aube qui l'ont doucement excitee, elle n'eut pas ouvert son escaille.

  A005001202 

 L'autre aussi futvivement touché de [375] la clarté et chaleur du soleil, qui au travers de[ses] paupieres fait certaine transparence comme des petitz esclairs autour de la prunelle de ses yeux fermés; mais non seulement il, n'ouvre pas les yeux, qu'au contraire, tournant le dos au soleil, il met sa face en terre, et se rendormant, passe-la sa journee, jusques a ce que, se voyant surpris de la nuit, il se plaint par des cris effroyables de quoy il demeure exposé a la merci des loups, ou mesme des lions rugissans, si toutefois ceci arriva en Affrique..

  A005001204 

 Mays, au contraire, si le second se plaignoit du soleil et disoit: Hé, qu'ay-je fait au soleil pour quoy il ne m'ayt pas fait voir sa lumiere comm'a mon compagnon, affin que je fisse mon voyage et ne demeurasse pas icy en ces effroyables tenebres? dites-moy, Philothee, ne prendrions nous pas la cause du soleil en main, et ne dirions nous pas a cet insensé: Chetif ingrat que tu es, qu'est ce que le soleil pouvoit faire qu'il n'ayt fait? les faveurs quil t'a faites ont esté de son costé esgales a celles de ton compaignon; que si les mesmes effectz ne s'en sont pas ensuivis, c'est que tu en as empeché la production: le soleil t'a abordé avec une lumiere egale, il t'a touché des mesmes rayons, il t'a jetté une mesme chaleur; et, malheureux que tu es, tu luy as tourné le dos pour dormir ton saoul..

  A005001210 

 Car, disent les uns, si la grace et misericorde de Dieu fait le commencement, le progres et la fin du salut des esleuz, sil eut donq pleu a Dieu de faire autant de grace aux repreuvés et d'avoir autant de misericorde pour eux quil en a eu pour ceux quil luy a pleu de sauver, ilz se fussent aussi bien convertis a l'exercice du tresst amour, et par consequent au salut.

  A005001218 

 ...verra clairement quil confesse que la volonté de Dieu a eu des grans motifs et fortes raysons au decret de ce repoussement du peuple Juif, mays quil ne faut pas neanmoins en faire la recherche, ains que nous....................................................................................

  A005001224 

 C'est une des forces de l'amour..... L'amour est fort comme la mort, il........tristesses de la mort.

  A005001224 

 Cette attraction que l'amour [fait] de son Dieu a soy est pareille a celle que fait le petit enfant [des mammelles] de sa mere; sinon que les mammelles des meres tarissent et dessechent petit a petit, la ou la fontayne des perfections divines estant inespuisable et infinie ne diminue point, mais demeure tous-jours autant fœconde comme sil ne s'en tiroit rien.

  A005001226 

 Ainsy Cæsar pleure sur Pompé, et plusieurs des filles de Hierusalem pleuroyent sur Nostre Seigneur, bien que une partie d'entr'elles ne luy eusse pas grande affection.

  A005001237 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a toute son affection en la loy du Seigneur et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; c'est a [380] dire, qui desirant observer la loy de Dieu, il la meditera jour et nuit, affin que de la source de la meditation proviennent des ruisseaux continuelz d'affections, et des affections s'en ensuivent les actions.

  A005001237 

 Ce mot est fort usité en l'Escriture Sainte, et ne veut dire autre chose qu'un'attentive, longue ou reiteree pensee, propre a produire des affections en l'ame.

  A005001237 

 Et par ce que les affections, quand elles sont fortes, produisent fort souvent des actions conformes, la meditation mesme produit par l'entremise des affections plusieurs actions: or elle se fait pour le bien et pour le mal.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 Ainsy plusieurs prennent playsir a faire des cogitations sur divers objetz, et sont tous-jours songears et attentifs, et ne sçauroient dire pourquoy; ains, la plus part du tems, ilz sont attentifz par inadvertence, et s'ilz pouvoyent ilz ne feroyent nullement telles pensees, ni n'y prendroyent playsir, qui souvent mesme leur sont desagreables; tesmoin celuy qui disoit: Mes cogitations se sont dissipees, tormentant mon cœur.

  A005001239 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, en l'autre il est proposé par le mot de repenser, par ce que la meditation n'est autre chose qu'une pensee reiteree, attentive et entretenue volontairement; et affin qu'on sache que la meditation tend a esmouvoir les affections et a produire les actions, en l'un et en lautre passage il est dit quil faut mediter et repenser en la loy de Dieu pour l'observer.

  A005001239 

 v. 3: Repenses a Celuy qui a souffert un telle contradiction ou persecution des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme sil disoit medites, consideres diligemment.

  A005001240 

 Or toute la sainte doctrine, dit une des devotes bergeres qui accompagnoyent la celeste Sullamite, ell'est comme un vin prœcieux, digne non seulement d'estre beu par les [382] bergers et docteurs, mais d'estre savouré, et par maniere de dire, masché et ruminé; Cant.

  A005001243 

 Ainsy voyes vous es Cantique des Cantiques cette abeille mistique, l'ame royale de cette divine amante, voleter tantost sur les yeux, tantost sur les levres, tantost sur les joues, tantost sur la cheveleure de son Bienaymé pour tirer de tout ce qu'elle y treuve de rare des goustz, des suavités, des contentemens et des passions amoureuses; elle medite en cette sorte, car elle va espluchant et remarquant toutes choses en particulier pour se provoquer al'aymer.

  A005001243 

 Or en cett'action, Philothee, elle parle avec Dieu, elle l'interroge, elle souspire, elle aspire, elle reconnoist la grandeur de Dieu et sa misere propre, ell'admire; et Dieu l'inspire, luy touche le cœur, respand des clartés et lumieres sans fin: si qu'en cette conversation et colloque se commence la s te theologie mistique, car l'homme commence par la a savourer Dieu et a connoistre sa douceur et suavité nompareille..

  A005001253 

 Ceux qui me goustent auront encor faim, et ceux qui me boivent auront encor soif. Qui goustoit plus Dieu, ou le bon Guillaume Ocham, que quelques uns ont estimé le plus subtil des mortelz, ou S te Cath.

  A005001253 

 Et comme l'on void sous les effortz des vens les vagues s'entrepresser l'une lautre et s'eslever plus haut, comm'a l'envi, par le rencontre l'une de lautre, ainsy l'amour aiguise le goust et le goust affine l'amour.

  A005001253 

 Qui ayme plus la lumiere et qui l'estime plus: ou celuy qui estant né aveugle et n'ayant jamais joüy des effectz de cette noble clarté sçauroit neanmoins tous les discours qu'en font les Philosophes et toutes les louanges que les sçavans luy donnent, ou celuy qui avec une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur d'un beau soleil levant? Celuy-lâ, certes, en a plus de science, celui [ci] plus de jouissance; celuy [la] en a une certaine connoissance morte, ou pour le moins languissante, celuy ci une connoissance vive, animee, et qui respand dans le cœur un amour fort affectionné.

  A005001255 

 L'eminente science des Cyprians, Augustins, Hilaires, Chrisostomes, Basiles, Gregoires, [387] Cyrilles, et du mesme S t Thomas, a sans doute infiniment, non seulement illustré, mais affermi leur exquise devotion; comme reciproquement leur devotion à extremement rehaussé et perfectionné leur science.

  A005001259 

 L'amour estant parvenu a la contemplation et au regard simple de Dieu, fait ce regard en l'une des deux façons.

  A005001260 

 D'autrefois, il regarde plusieurs attributz et est attentif a les regarder, mais comme d'une veüe totalement uniforme et sans distinction; comme celuy qui regardant l'espouse d'un seul trait d'œil quil feroit, passant sa veue des la teste jusques aux pieds, n'auroit rien regardé distinctement, quoy qu'il auroit tout veu attentivement, et ne sçauroit dire autre, ni quel carquant ni quelle robbe elle porte, ni quelles bagues, ni quelz yeux, ni quelle bouche, ni quelles mains, ains sçauroit seulement dire que tout est beau et qu'ell'est toute belle: car ainsy on regarde la toute puissance, la toute justice, la toute sagesse de Dieu, non point distinctement, mays d'une simple veüe qui tire son regard d'un seul trait sur ces attributz, sans nulle interruption; et neanmoins ne sçauroit dire rien en particulier, ains seulement en general que tout est bon, quil [388] est tout beau, quil est tout desiderable, ainsy que Dieu mesme fit au commencement du monde: car il vid la bonté de tout ce quil faysoit separement et qu'un chacun ouvrage estoit bon; puis, d'un seul trait de son regard, il vid que tout estoit tres bon..

  A005001267 

 Car tout ainsy que les nouveaux esseims et jettons d'abeilles, lors qu'ilz veulent fuir et changer païs, sont revoqués et rappellés, ou par le son que l'on fait en battant doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin doux et emmiellé, ou par la senteur des herbes odorantes, en sorte qu'elles entrent par telz allechemens dedans les ruches; de mesme N. S r, ou par une douce voix quil fait dans le fin fons du cœur, ou par [389] certaine speciale suavité quil y produit, il rappelle et ramasse les facultés de l'ame, et les amorce pour penser a luy..

  A005001269 

 Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point..

  A005001270 

 Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé.

  A005001271 

 C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme..

  A005001273 

 Voyes un peu comm'elle bouillonne en varieté d'affections: la voix de mon Bienaymé, il est es montaignes, il passe les collines, il est icy a nos murailles, il est aux fenestres, il regarde; hé, voy le cy quil me parle! Voyla bien des affaires, o [392] S te Sulamite, en un seul moment.

  A005001274 

 Quelquefois mesmement l'ame en cette ferveur fait plusieurs commencemens de sentences et n'en acheve point, oubliant, laissant la fin de celle qu'ell'a commencé pour ne point retarder le commencement d'un'autre, luy estant advis qu'elle n'aura jamais asses dit; et par une sainte precipitation elle met quelquefois la fin devant le commencement: comme l'on void en tout le Cantique des Cantiques et en cent endroitz des Pseaumes..

  A005001274 

 Telles sont les ferveurs du grand S t Aug in en ses Confessions; ou vous voyes fort souvent des souspirs, des exclamations et des traitz amoureux dont l'un n'attend pas l'autre, mais semblent a une girandole de feus artificielz qui jettent de toutes pars des flammes: car ainsy, en cette ferveur, l'ame jette un meslange et confusion d'actions et passions amoureuses, sans autre methode que celle que l'empressement lui suggere, qui est de se haster et ne tenir aucune methode.

  A005001275 

 Mays ayes compassion a sa passion, ell'est transportee d'amour: c'est pourquoy elle s'excuse en disant que le vin des mammelles, ou les mammelles, c'est a dire les amours, plus fortz que le vin, l'ont enivree.

  A005001275 

 «Peut estre sortoit elle des-ja,» dit S t Bernard, « de la cave en laquelle elle se glorifie apres d'avoir esté introduitte.

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001280 

 Alhors il arrive que l'ame fait des plaintz, crie, voire pleure, tout ainsy que fait un petit enfant, lequel, si on l'esveille avant quil ayt achevé son sommeil, en s'esveillant crie, gemit et pleure; et bien quil ne sentit pas en dormant le bien quil recevoit du sommeil, neanmoins il le tesmoigne asses par la douleur quil ressent de son reveil præcipité, involontaire et contraint: que si on l'eut laissé assovir de sommeil, il se fut reveillé joyeux et sans pleur.

  A005001280 

 Dont ce divin Berger adjure les compaignes de sa pudique Bergere, par les chevreulz et cerfs des chams, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce que d'elle mesme elle s'esveille et qu'elle le veuille..

  A005001282 

 Mais [396] apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les douces vapeurs quil envoye au cerveau commencent a les endormir, Philothee, vous les verries fermer leurs petitz yeux tout bellement et ceder au sommeil, sans quilz facent plus aucun'autre action que celle d'un lent et tendre mouvement des levres, avec lequel ilz succent et avalent imperceptiblement le lait, sans y penser certes, mais non pas sans playsir, car si [on] leur oste ce bien ilz s'esveillent et pleurent amerement; si que tesmoignans de l'aigreur en la privation, ilz font asses connoistre qu'ilz avoyent de la douceur en la possession.

  A005001282 

 N'aves vous jamais veu (et j'emprunte cette similitude d'une des plus grandes Sulamites de cet aage, la mere Therese), ou n'aves jamais pris garde, ma chere Philothee, aux petitz enfans, qui, s'attachans a la mammelle de leur mere, grommelent au commencement, succent ardamment, pressent des levres et serrent si fort le sucheron et tetin, que mesme ilz font douleur a leur mere.

  A005001283 

 Certes, Philothee, il n'y dormit pas du sommeil naturel, car il n'y a pas de l'apparence; et quand il dit quil estoit couché ou panché au sein de son Maistre il ne veut nullement dire quil y fut gisant et dormant, ains seulement quil estoit assis en sorte qu'il estoit contorné devers le sein de son Maistre, selon la coustume des Levantins.

  A005001285 

 Les abeilles font quelquefois des seditions et mutineries entr'elles, par lesquelles, si leur garde n'y avise, elles s'entretuent et se desfont les unes les autres: le remede a ce desordre c'est de jetter emmi ce petit peuple effarouché, du vin emmiellé, car les abeilles sentant cette douceur s'appaysent, et s'amusant a la jouissance d'icelle demeurent accoysees.

  A005001286 

 Or en cette tranquillité il arrive quelquefois une tentation subtile: car si l'esprit a qui Dieu la donne est grandement actif, fertile et foisonnant en considerations, ou qui ayme grandement sentir ce quil fait et retourner sa veue sur soymesme, pour se voir et reconnoistre son avancement ou savourer son contentement... Car il y a des espritz de cette condition, qui veulent tout voir et sçavoir ce qui se passe en eux, et ne se contentent pas de savourer le bien silz ne savourent encor le contentement; et, [par] maniere de dire, encor quilz soyent contens, il leur est advis quilz ne le sont pas s'ilz ne sentent le contentement d'estre contens, et sont comme ceux qui, se sentans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre [398] silz ne contoyent combien de robbes ilz portent, ou comme ceux qui, estantz bien rassassiés ou desalterés, ne seroyent pas contens silz ne sçavoyent la quantité et qualité de ce qu'ilz ont beu et mangé..

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001292 

 D'autrefois, ni elle ne sent aucun signe de la presence, ni elle n'oyt, ni elle ne parle, mays simplement elle sçait qu'ell'est avec Dieu, que Dieu luy est present et quil luy plait qu'elle demeure la en sa presence, comme les Apostres ausquelz N. S r dit au jardin des Olives: Demeures icy, veilles.

  A005001294 

 Mon Dieu, chere Philothee, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que d'estre en son bon playsir et y demeurer volontairement! Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veue, a son gré et selon sa volonté; et semble qu'il nous jette la sur le lit comme des statues dans leurs niches, et nous nichons dans nos lictz comme les oyseaux dans leurs nids.

  A005001295 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un simple acquiescement a la volonté de Dieu est souverainement excellente, par ce qu'ell'est pure de tout l'interest des facultés de l'ame, qui ne jouissent d'aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, par laquelle elle se contente de n'avoir aucun contentement que d'estre sans contentement pour l'amour du contentement de Dieu.

  A005001302 

 Quand on void un'exquise beauté regardee avec grand'attention, ou un'excellente melodie escoutee avec ardeur, ou un rare discours entendu avec grande contention, on dit: cette beauté tient collé sur [403] soy les yeux des spectateurs, cette musique tient les aureilles des auditeurs attachees, ce praedicateur ravit les cœurs a soy.

  A005001304 

 Voyes un enfant pendu au col de sa mere, demeurer uni et joint a ses mammelles: si vous y prenes garde, de tems en tems il se pressera et serrera par des sursaultz de mouvemens que le playsir de tetter luy donne; ainsy un cœur aymant Dieu, demeure tous-jours uni par affection a sa divine Majesté, mais pourtant, en certaines occasions, il fait certain accroissement d'union, par un mouvement avec lequel il se serre et presse davantage en Dieu.

  A005001305 

 Quelquefois, par des actions de nostre cœur, sensibles et perceptibles.

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 En fin, quand cett'union est non seulement tres serree et estroitte, mais que la chose unie peut malaysement estre separee et desprise, [comme une] greffe qui s'attache a l'arbre, elle s'appelle par le grand s t Thomas et les Theologiens inhæsion ou adhæsion, parce que par cett'union non seulement on est fort uni et serré, mais on est attaché, affigé, collé a la chose, on se tient a elle, on est pris l'un a l'autre en sorte quil y a peyne de s'en desprendre; comm'il [arrive] quand la chose qui se prend a un'autre est visqueuse et gluante, ou qu'elle [est] attachee par des cloux ou par plusieurs neuds et liens entrelacés.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001313 

 Ainsy un'ame qui est en l'exercice de l'union, et qui est parvenue jusques a l'inhæsion, si on la retire de cet exercice ell'en ressent de la douleur; elle ne se peut oster de la: si on destourne son entendement, elle se tient a la volonté; et si on la fait encor desprendre de la volonté, l'occupant a quelque exercice fort divertissant de celuy la, elle retourne a tous momens du costé de son cher object, faysant des traitz d'union [407] comm'a la desrobbee; experimentant la peyne et le serrement de cœur du grand S t Pol, car ell'est pressee de deux desirs: l'un d'estre delivree de l'occupation alaquelle on l'appelle, et demeurer avec Jesus Christ; l'autre, d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre plus requise..

  A005001315 

 Abismes cette goutte d'eau dedans l'ocean de vostre bonté, affin qu'elle ne soit plus qu'en vous! Puysque vostre cœur m'ayme et me veut pour soy, hé, pourquoy ne me ravit il, puis que je le veux bien? Tires moy, je courray a la suite de vos attraitz, et me jetteray dedans vostre sein paternel pour n'en bouger es siecles des siecles.

  A005001315 

 Ah, qui me donnera la grace que je sois un esprit avec vous! En fin, Seigneur, l'unité m'est necessaire; pourquoy me troublerois-je en la multiplicité des choses? Hé, doux Ami de mon ame, que cett'unique soit pour l'Unique! Unisses ma pauvr'uniqu'ame a vostre unique bonté! Hé, vous estes tout mien, quand seray-je toute vostre! O cher aymant, tires ce fer a vous! soyes mon tire cœur comme l'aymant est un tire fer.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001319 

 Les choses humides ou liquides sont celles, disent les Philosophes, qui n'ont point de bornes ni de figure fermes d'elles mesme, et qui sont aysees a recevoir les bornes et les figures des autres choses.

  A005001320 

 Que veut il exprimer, ce Sauveur de nos ames, sinon qu'il respandit tant de sang quil ressembloit que ce fut comme un seau d'eau que l'on respand, et que ses os furent tous demis et disloqués de leur place, et que son cœur, c'est a dire l'ame quant a la partie inferieure, parmi tant de tourmens, estoit sans subsistence, fondu et dissoult en tristesse? Cleopatra, cett'infame reyned Ægipte, faisant des festins a l'envi avec Marc Antoyne, voulant encherir sur tous les exces et les dissolutions que Marc Anthoyne avoit fait, fit apporter a la fin de son festin un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle pourtoit a ses oreilles, estimee de valoir 250.000 escus; puis la perle s'estant resolüe et liquefiee, elle l'avala, et en eut fait de mesme de lautre perle qu'ell'avoit en lautre oreille si Lucius Plantius ne l'eut empeschée.

  A005001321 

 Et affin que vous sachies que cette fonte et cest escoulement est reciproque, voyes, Philothee, ce que l'Espouse dit: Tes mammelles, dit-elle, sont meilleures que le vin, jettant l'odeur des parfums plus parfaitz.

  A005001321 

 Et comme Dieu dit a Moyse quil parlast au rocher et il produiroit des eaux, [et] que le rocher se fut fondu et converti en eau si Moyse luy eut parlé, ainsy le Bienaymé parlant a l'amante, son ame s'est fondue et toute convertie en liqueur.

  A005001321 

 Et comme le s t Espoux respand son amour et son ame en celle de l'Espouse, aussi reciproquement l'Espouse sacree respand la sienne apres l'Espoux: Mon ame s'est fondue, dit elle; c'est a dire: comme l'on void que le vent meridional soufflant sur la neige des montaignes la fait fondre, et se fondant elle quitte sa place, sortant d'elle mesme pour ruisseler es vallees, ainsy la parole de mon Bienaymé, venant comm'un vent en mon ame, la fait fondre d'amour, et ell'est sortie d'elle mesme, s'escoulant apres son amant (par ce qu'en l'Hebrieu et Caldaique et es Sept, il y a: Anima mea egressa est, ut dilectus meus locutus est; vide Sa, Rio, Ghisler, Lyranus.) Ou bien: mon ame a esté comm'un bornai ou cousteau de cire, qui, touché des rays ardens du soleil, sortant de soymesme, de sa forme, de son estre, flue et s'ecoule devers l'endroit dont il est touché; car ainsy mon ame s'est escoulee du costé de la voix de mon bienaymé..

  A005001322 

 Ne voyes vous pas, Philothee, les nuees comm'elles demeurent la en l'air suspendues, comme si elles estoyent attachees au ciel? elles demeurent en elles mesme et se soustiennent, en sorte que quelquefois elles semblent des rideaux [411] qui sont tendus pour nous cacher le ciel.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001330 

 C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A005001330 

 Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies.

  A005001330 

 Quand nous aymons des-ja fort nostre object, si nous en sommes absens, l'amour alhors a un eguillon, a sçavoir, le desir qui nous pique et blesse incessamment; c'est pourquoy nous plaignons alhors et souspirons comme gens affligés et blessés.

  A005001333 

 Dieu, donq, comme tirant des sagettes du carquoys de son infinie beauté, blesse l'ame, luy faysant clairement voir qu'elle ne l'ayme pas asses; car qui ayme Dieu en ce monde en sorte quil ne voudroit et ne desire l'aymer davantage, il ne l'ayme pas comm'il faut.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001335 

 Helas! alhors l'ame, quoy qu'asseuree, ressent neanmoins des cruelles douleurs; car comme ceux qui ont des extremes aversions et répugnances a quelque chose n'en peuvent seulement pas [417] voir les ombres et les figures, non pas mesm'ouir les noms, aussi un'ame extremement amoureuse ne peut mesmement pas souffrir les semblans que Dieu fait de se desfier de nostre amour.

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 «Il n'y a point de travail,» dit s t Augustin, «ou il y a de l'amour, ou sil y a du travail c'est un travail bienaymé.» Un Seraphim tenoit un jour une sagette toute d'or, de la pointe de laquelle sortoit une petite flamme: il la darda dedans le cœur de la B. Therese, et la voulant retirer il sembloit a la vierge qu'on luy arrachast les entrailles; et la douleur en fut si grande qu'elle n'avoit de force que pour jetter des foibles et petitz gemissemens, mays douleur si aggreable, que jamais elle n'eut voulu en estre delivree.

  A005001340 

 Et outre cela, l'amour porte si puissamment l'ame en son objet, que quand il est vehement ell'est tellement occupee par luy qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; de sorte que pour [419] nourrir mieux cet amour, l'ame semble abandonner tout autre soin, tout'autr'action et soymesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, chetif, deschiré, nud, deschaux, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est « pauvre,» par ce quil quitte tout pour la chose aymee; il est «chetif,» pasle et maigre, par ce quil fait perdre le sommeil, le manger et le boire; il est «nud et deschaux,» par ce quil n'a aucune affection, sinon celles de la chose aymee; il est «sans mayson,» par ce quil n'habite point dedans l'amant, mais suit tous-jours la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» par ce quil ne peut demeurer couvert, ains se manifeste et descouvre par des souspirs, plaintes, afflictions desordonnees, louanges, soupçons, jalousies; il est «es portes» tout estendu comm'un gueux, tant par ce quil est tout occupé a regarder, ouïr et parler a celuy quil ayme (et les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes du cœur), comme encor, par ce qu'il est tous-jours aux oreilles de la chose aymee, ou a ses yeux, pour mendier des faveurs nouvelles, sans que jamais il en puisse estr'assovi.

  A005001342 

 L'amour qui me rend si heureuse que de me donner un si excellent ami comm'est mon Salomon, a des autres enfans qui me donnent des assaux et me reduisent a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble a une reyne qui est a costé de son roy, d'autre part je ressemble a une vigneronne qui dans une vile cabanne garde les vignes; et si encor ne gardé je pas ma vigne, car toutes mes douleurs amoureuses sont encor dediees a mon Bienaymé..

  A005001342 

 Oyes la tressainte Sullamite comm'elle s'escrie: Quoy qu'a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que ne furent jamais les riches pavillons de Salomon, plus belle certes que le Ciel mesme, car il est la tente inanimee du Roy, et je suis son pavillon animé, je suis neanmoins noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et des coups que ce mesm'amour me donne.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 Nissene lhors quil la regardoit, combien fut attendrie, je vous supplie, chere Philothee, l'ame du grand S t François, quand il vid l'image de nostre Seig r se sacrifiant luy mesme pour nous sur l'arbre de la croix! image fait'au Ciel et par des mains celestes..

  A005001343 

 Quel portrait admirable tiré aupres du vif et sur son propre original, par des maistresses mains ou des mains tant maistresses en cet art! o comme elle representoit naifvement et au naturel ce divin Roy des Anges, meurtri, froissé, blessé, tué, sur l'arbre de la croix! Que si l'image d'Abraham assenant le coup du sacrifice sur son unique Isaac, image faite en terre et par une main terrestre, eut le pouvoir de tous-jours attendrir et faire pleurer le grand s t Greg.

  A005001344 

 Puys l'ame, comme forme et maistresse du cors, usant de son pouvoir sur iceluy, imprima les douleurs des playes dont ell'estoit blessee es endroitz correspondans a ceux esquelz son Amour les avoit endurees.

  A005001345 

 Et a ce grand desir de conformité, a cet effort d'amour que l'ame de cet admirable amant faysoit pour se blesser soymesme et blesser son cors des playes du Sauveur, l'amour souverain et divin envoya le secours du Seraphin, qui cooperant aux essais et eslancemens que l'ame faysoit interieurement pour blesser son cors par son action exterieure, il ouvrit la chair de ce divin homme, la blessant es endroitz quil desiroit.

  A005001346 

 Dont le premier a une si vehemente inflammation de cœur, que la chaleur se faysant faire place aux costes, les eslargit et en rompit la quatriesme et cinquiesme, affin quil peut recevoir plus d'air pour se rafraichir; et le second, a cause des flammes de l'amour assaillant, tumboit en defaillance et se pasmoit, et estoit contraint d'appliquer des linges trempés en l'eau froide, pour moderer son ardeur.

  A005001346 

 Nerius et le B. Stanislas Kosca, l'un et lautre languissans d'un'ardeur excessive d'amour envers Dieu, pour la multitude des traitz enflammés que le celeste Amant descochoit dans leurs coeurs.

  A005001352 

 Dieu est jaloux de nous, et nous le devons estre de luy; mays sa jalousie et la nostre ne sont pas de mesme espece, a rayson de la difference des objetz: car Dieu a de la jalousie pour nous en deux façons.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001356 

 Ainsy, donq, l'amour fait une s te jalouzie et cree en nous un zele lequel estant vray fait des merveilles: car, procedant de l'amour, il n'agit que pour l'amour et par l'amour; et partant, plus il est excellent, plus il est doux; plus il est fort, plus il est suave et discret.

  A005001356 

 C'est la jalousie pour laquelle David se mouroit, et pour laquelle tant de gens sont mors, affin d'empescher le peché, et non seulement la damnation des ames; comme s t Jean Bape, s t Pierre et s t Paul, et mill'autres, par ce que le peché estoit contraire a la gloire de Dieu et a sa volonté.

  A005001356 

 L'amour est une passion de complaysance laquelle engendre la hayne du mal contraire a ce que nous aymons; et comme l'amour tend au bien de la chose aymee, ou s'y complaysant si elle l'a, ou le luy desirant et pourchassant si elle ne l'a pas, aussi ce mesm'amour engendre la hayne laquelle fuit le mal contraire a la chose aymee, ou le haissant simplement, ou desirant et pourchassant de l'esloigner et oster si elle a des-ja le mal, ou desirant de l'empescher et divertir si elle ne l'a pas..

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001363 

 Mays en quoy consiste cette crainte? La jalousie que nous avons pour Dieu ne nous met point en peyne si Dieu en ayme des autres ou sil ne nous ayme pas bien, mais si nous ne l'aymons pas bien nous mesme, si nous avons chose qui luy puisse desplaire.

  A005001363 

 effect c'est une sainte crainte des chastes espouses, la crainte parfaite, la crainte amoureuse, crainte delaquelle parle le Psalmiste disant: La crainte de Dieu est sainte; qui persevere, dure et demeure au siecle des siecles.

  A005001364 

 C'est pourquoy, l'amour d'estr'aymé estant fort grand et estant arrivé jusques au zele, il veut repousser tout ce qui est contraire au bien quil ayme: or, le bien qu'il ayme estant d'estre aymé, il veut repousser tout ce qui l'empesche d'estre pleynement aymé; or, entre les choses qui l'empeschent d'estr'aymé parfaitement, l'un'est d'avoir des compaignons et rivaux; c'est pourquoy, sil s'apperçoit d'en avoir, il entre en la passion de la jalousie..

  A005001365 

 Mays la jalousie n'est nullement marrie que chacun jouisse du sien, ains seulement lhors que la jouissance du compaignon empesche la nostre; car un homme, pour jaloux quil soit, ne sera jamais marri que celuy duquel il est jaloux soit aymé des autres femmes, pourveu que ce ne soit pas de la sienne: non pas mesme nous ne sommes pas jaloux, a proprement parler, de nos corrivaux, tandis que nous n'estimons d'avoir acquise l'amitié de la personne aymee (que si il y a de la passion pour cela, c'est une passion d'envie), mais oüy bien lhors que nous l'avons [430] acquise et que nous nous desfions qu'un autre ne l'emporte.

  A005001366 

 Il faut expliquer le passage: Fortis ut mors dilectio; Porte me ut signaculum, etc. Mets moy, dit le grand Amoureux des ames a sa chaste Sullamite, comm'un cachet sur ton cœur, comm'un cachet sur ton bras.

  A005001366 

 Voyes vous, Philothee, Sullamite avoit le cœur tout plein de l'amour de son unique Bienaymé, qui est l' affluence des delices; or, affin que jamais cette divine affection n'en sorte et qu'onques aucun autre amour n'y entre, ains qu'il demeure pur et net de tout autre meslange, ce celeste Bienaymé l'advertit disant: Je suis dedans ton cœur et sur ton cœur, car j'en suis l'habitateur et le maistre; je suis emmi ton cœur comme le cœur de ton cœur; mais je veux encor estre sur ton cœur comme le chef de ton cœur, affin que rien n'y entre que ce que j'y mettray, et que seul je le possede parfaitement.

  A005001367 

 Un jour S te Catherine de Siene estant ravie d'un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, tandis que Dieu luy monstroit ses merveilles, un sien frere passa pres d'elle, et par le bruit quil fit la provoqua a se retourner devers luy et le regarder un seul petit moment, apres lequel elle remit ses yeux sur le divin objet dont sort Espoux l'avoit gratifiee.

  A005001368 

 Ainsy, Philothee, l'Apostre, jaloux des ames des Chorinthiens, proteste que ce n'est pas pour luy quil est jaloux, mais pour son Maistre: Je suis jaloux de vous, ou, sil faut ainsy dire, je vous jalouze de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a luy de vous preenter une vierge chaste.

  A005001368 

 C'est pourquoy cette jalousie est une des proprieés du parfait et tre pur amour envers N. S r, laquelle s'estend jusques au prochain, envers lequel nous avons du zele et de la jalousie comme nous avons de l'amour, affin quil soit parfaitement fidele a nostre commun Sauveur, prestz a mourir pour l'empescher de perir, voire mesme d'offencer, comme tant de personnes saintes ont fait; car nous aymons le prochain comme nous mesme et avons de la jalousie pour luy comme pour nous..

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001369 

 Non pas certes que le s t amour, pour vehement quil soit, puisse estre excessif en soymesme ni en ses inclinations; mais par ce quil employe a l'execution de ses ordonnances l'entendement, auquel il commande de chercher les moyens de faire reuscir ses intentions, et la hardiesse et cholere pour les prattiquer, il advient que souvent l'entendement prend des voyes insolentes, trop aspres et violentes, et que l'audace ou cholere estant esmeüe fait plus [433] qu'on ne luy commande, et que par ainsy le zele est exercé indiscrettement et desreglement, dont il devient mauvais..

  A005001370 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele, il ne se peut tenir de s'en vanter au grand s t Denys Areopagite par une lettre quil luy escrivit, de laquelle il receut une admirable responce, digne certes de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de s t Paul estoit animé: car il luy fait voir clairement que son zele a esté un zele indiscret, imprudent et impudent tout ensemble; car encor que le zele du respect des choses saintes soit bon et louable, si est ce quil le prattiqua contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, employant des coups de pied, des outrages et des injures, en un lieu, en un'occasion et contre des personnes quil ne devoyt luymesme regarder qu'avec honneur et amour.

  A005001371 

 Et pour conclusion, le doux Jesus dit au courroucé Carpus: «Frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver ces hommes, et cela [435] me seroit aggreable sil se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005001374 

 Il est vray qu'estant puissant et courageux, il fait d'abord beaucoup de besoigne; mais il est aussi si ardant, si rude, si remuant, si inconsideré, si indiscret, qu'ordinairement il ne fait point de bien qu'il ne face quant et quand beaucoup de maux Ce n'est pas bon mesnage, disent nos œconomes, de tenir des paons, car si bien ilz chassent aux araignes et en desfont les maysons, ilz gastent tant les couvertz et le toict, que leur besoigne [436] n'est pas comparable a leur degast.

  A005001375 

 19; ce qu'ont fait plusieurs grans personnages, esquelz la cholere indubitablement fut employee par leur zele a faire des executions grandement rigoureuses.

  A005001375 

 Les chiens sages et bien appris tirent pais et retournent sur eux mesme selon que le piqueur leur parle, mais les apprentis et jeunes chiens s'esgarent et sont desobeissans: les grans personnages, qui ont rendu sages leurs passions a force de l'exercice des vertus, les peuvent employer selon qu'ilz veulent; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes et apprentisses, nous ne les pouvons employer qu'avec peril..

  A005001375 

 Mays consideres, Philothee, que c'estoyent des grans personnages, qui sçavoyent manier leur cholere et qui avoyent plein pouvoir sur leurs passions; pareilz a ce digne cappitaine evangelique qui disoyt a ses soldatz: Ailes, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005001375 

 Mays nous autres, qui sommes presque tous des petites gens, nous n'avons pas tant d'authorité; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer quand il nous plait.

  A005001376 

 Les occasions d'employer la cholere estoyent si solemnelles, si esclattantes et si pressantes, et l'exces des crimes si grand, qu'il n'y avoit nul danger qu'on peut exceder au chatiment; si que la [437] cholere pouvoit prendre toute son estendue, et son exces ne pouvoit exceder la coulpe contre laquelle le zele l'employoit.

  A005001378 

 L'impetuosité de l'esprit ne bouleverse point les cœurs, mais les fait aller viste; il y a difference entre avoir un grand vent et avoir des bourrasques ou de la tempeste.

  A005001379 

 Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités..

  A005001380 

 Math., «le zele qui refuse le pardon c'est une fureur plustost qu'un zele:» ainsy Lamech tua Cain, pensant que ce fut une beste; Simon le lepreux blasme Magdeleyne comme pecheresse, qui estoit des-ja sainte.

  A005001383 

 Le grand s t Thomas d'Acquin, estant tumbé malade de la maladie dont il mourut au monastere de Fosseneuve, de l'Ordre de Cisteaux, en la campaigne, les religieux le supplierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de s t Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de s t Bernard, et interpreteray ce divin Cantique comme s t Bernard.» Ainsy, certes, quand on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz, chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation, comme Phinees, Helie, Mathatias, S t Pierre, S t Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de perfection, le pur zele et la lumiere interieure de Phinees, Helie, S t Pierre et S t Paul, et nous employerons la cholere, l'ire, le courroux comm'eux.

  A005001384 

 En fin, la discretion qui accompaigne le vray zele luy fait non seulement discerner que c'est quil doit entreprendre, mays comment il le doit entreprendre; elle ne fait pas seulement choysir un juste sujet, mays des moyens convenables pour empescher le mal et conserver le bien..

  A005001386 

 C'est chose estrange de la jalouzie des chameaux, qui lhors de leurs amours, non seulement s'irritent de sentir approcher les animaux de leurs especes, mais mesme se rendent furieux contre tout'autre espece d'animaux et contre les hommes silz les apperçoivent venir pres d'eux.

  A005001386 

 La parfaite jalouzie de l'ame, non seulement ne veut souffrir les approches des affections qui sont contraires au s t amour, mais rejette tout ce qui peut ombrager et donner de la distraction, bref, qui peut estre entre Dieu et elle.

  A005001389 

 Apres cela, imagines vous encor, je vous supplie, ce divin Sauveur resusciter: cette ame celeste reprend son cors, et le cors a mesm'instant sa peau, puis reprend des habitz, ou formés par miracle ou autrement, car il parut a ses disciples allans en Emaus, et a Magdeleyne, habillé en pelerin et en jardinier, selon que la gloire de son Pere et le salut des ames le requeroit.

  A005001391 

 Ainsy l'ame desnuee, par un absolu despouillement et renoncement es mains de l'amour divin, de l'amour du pais, de la mayson, du pere, de la mere, des enfans, de lhonneur mondain, de l'estime, de la conversation, de la consolation interieure et spirituelle, de l'inclination a tel ou tel exercice spirituel, helas! alhors elle ne sçait plus que faire.

  A005001391 

 Alhors elle [444] reprend, selon qu'elle connoist estre la volonté de Dieu, l'affection, par exemple, de son cors, pour le nourrir affin quil puisse cooperer avec elle au service de Dieu; des enfans, affin quilz soyent eslevés en la crainte de Dieu; du pauvre, pour le soulager; de l'ignorant, pour l'instruire; de prier, d'estudier, de prescher; et le tout par ce que Dieu le veut, et tandis quil le veut, et comm'il le veut.

  A005001391 

 Elle n'espouse point d'affection, ains elle les prattique, indifferente pour en prendre d'autres et quitter celles-la soudain que Dieu le voudra, ne se voulant revestir que des habitz que Dieu luy marquera et selon quil luy marquera..

  A005001391 

 Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu.

  A005001398 

 Cependant, cette admiration tenant l'ame hors de soymesme, attentive aux choses celestes, elle la met en extase et en ravissement: et souvent il arrive que la volonté estant touchee de l'amour et de la delectation sacree qui en provient, l'entendement entre en admiration de voir cette douceur; et reciproquement il advient maintefois que l'entendement estant en admiration pour quelque nouvelle veue et connoissance des beautés celestes, la volonté entre en amour de sentir le contentement et assovissement de l'entendement; et qu'ainsy ces deux facultés s'entreprestent l'un'a lautre et se communiquent mutuellement leur ravissement: le regard de la beauté nous fait aymer, et l'amour pareillement nous fait regarder.

  A005001398 

 Et comme ceux qui s'arrestent en la pleyne lumiere du soleil, pour le playsir quilz ont a voir plus clairement les choses, tantost apres ilz sentent la chaleur, et ceux qui y sont pour recevoir la chaleur ne peuvent tenir les yeux si biens fermés quilz n'en voyent la lueur, ainsy ceux qui sont ravis en la contemplation des misteres en passent pour l'ordinaire aysement au ravissement de l'amour, et ceux qui sont en l'extase d'amour se treuvent pour l'ordinaire saysis de l'extase de l'admiration.

  A005001398 

 Et comme l'admiration est cause de la philosophie et attentive consideration des choses, ainsy que les Philosophes ont tesmoigné, aussi l'admiration est cause de la theologie mystique et de la contemplation.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001400 

 Il estoit tellement aliené des sens quil ne sentoit mesme pas quand on le brusloit, ains, apres estre revenu a soy il en souffroit la douleur; et neanmoins si quelqu'un luy parloit un peu fort et a voix claire il l'entendoit comme de loin, et n'avoit nulle respiration..

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Or les extases pouvant arriver et naturellement, et par l'artifice du malin esprit, et surnaturellement par la grace divine, on apporte plusieurs marques des vrayes extases, que la bien heureuse Mere Therese deduit en ses livres, et le P. Ribera, homme excellent, traitte asses amplement cette matiere, apres le grand Gerson, es deux premiers chapitres de la Vie de la mesme Sainte; le P. Ber.

  A005001401 

 Sur le Mag., chap. 16: car si bien ilz ne parlent pas tous de l'extase, neanmoins ce quilz disent du discernement des visions, revelations, instinetz et inspirations est convenable pour le discernement des vrayes et faulses extases.

  A005001402 

 La 2 e marque des vrayes extases de l'ame est une troysiesme extase, qui [est] l'extase toute desirable, toute aymable et qui couronne les deux autres; qui est l'extase de la vie.

  A005001402 

 Mays, outre les commandemens, il y a des conseilz et des inspirations evangeliques, qui nous eslevent a une vie qui, a la verité, n'est pas contraire, mais qui excede et surpasse toute l'inclination naturelle: et lhors que nous prattiquons ces conseilz et inspirations nous faysons une vie surhumaine, c'est a dire une vie qui est hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005001403 

 Non seulement ne desrobber point, mais quitter tous nos biens, nous plaire en la pauvreté, et quand il nous arrive des miseres, des necessités, des afflictions, des persecutions, les tenir pour des beatitudes et felicités, chantans de cœur avec David: Elegi abjectus esse in domo Dei mei, et cæt., Bienheureux sont les pauvres; appeller la pauvreté sa chere maistresse, comme s t François; rejetter les louanges, se plaire au mespris, aymer l'abjection; non seulement observer le commandement: Tu ne paillarderas point, mais quitter mesme les playsirs loysibles du mariage; et en fin, vivre emmi le monde contre les maximes et doctrines du monde, rejetter les playsirs, les honneurs, les richesses, vivre contre le courant du fleuve de cette vie: c'est vivre extatiquement et hors de nous mesme..

  A005001404 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit luy mesme sa vie, a la faveur, neanmoins, des rayons du soleil, pour en recevoir une plus belle et plus vigoureuse; les bigatz et vers de soye changent de vie, et de vers deviennent papillons; comme font aussi les abeilles, qui naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, puis enfin deviennent mousches.

  A005001404 

 Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition.

  A005001405 

 Et comme l'ame est le principe de tous les mouvemens animaux ou spontanees, et l'on connoit la diversité des ames par la varieté des mouvemens, aussi l'on connoit qu'une ame est aimante par le mouvement, et la diversité de ses mouvemens affectifz nous fait voir quelle ell'est.

  A005001405 

 Et comme l'on connoist la vie des animaux par leur mouvement, et les animaux qui sont sans vie sont sans mouvement naturel, en sorte que la vie semble consister au mouvement, dont les choses mortes n'ont nul mouvement, aussi un cœur sans amour n'a point de mouvement moral, et on connoit la vie morale du cœur par ses mouvemens affectifs: en sorte quil semble la vie estre le principe de tous les mouvemens naturelz et animaux, comme l'amour, vie morale, est le principe de tous les mouvemens moraux; et comme en l'ame gist la vie naturelle de l'homme, aussi en l'amour gist la vie morale..

  A005001407 

 Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint.

  A005001409 

 Et pour parvenir a cette seconde vie, il faut quil passe par la mort de la premiere, mourant a la vielle vie et au peché, ce qui se fait crucifiant sa chair avec tous ses vices et ses concupiscences, et l'ensevelissant dans le s t Baptesme ou dedans la sainte Pœnitence: comme l'aigle, qui se plonge et fourre dans la mer pour y laisser ses vielles plumes, et sortant de la toute nue, comme renaissante, comme quand elle fut esclose de sa coque, elle recommence une nouvelle vie et prend des nouvelles plumes; comme Naaman, qui prit une nouvelle vie dedans les eaux du Jordain, et on pouvoit dire de luy quil estoit un autr'homme, qui estoit mort a la ladrerie et vivoit a la netteté et santé..

  A005001411 

 Oyes, je vous supplie, Philothee, soyes attentive, et peses la force et efficace des divines paroles de cet Apostre, tout ravi et absorbé en l'amour de son Maistre.

  A005001414 

 Ah, Philothee, Nostre Seigneur nous a nourris des nostre [452] jeunesse! Mays que dis-je? Suscepisti me de utero matris meœ; in te projectus sum ex utero.

  A005001414 

 Des l'instant de nostre conception il nous a receu entre les bras de sa providence, et nous a rendu siens par le Baptesme, et nous a nourris temporellement et spirituellement, avec un amour incomparable; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort.

  A005001422 

 Mays ceux que l'amour de Dieu consume petit a petit, les extasiant, fondant leur cœur, les allanguissant, leur ostant le boyre et le manger, et en somme abbregeant leur vie, ilz meurent par l'amour: car comme ceux que le regret ou desplaysir empesche de [454] manger et de dormir, petit a petit tumbent en defaillance de forces et en fin meurent (ilz ne meurent pas de regret, mais par le regret, car ilz meurent de foiblesse: le regret les empesche de manger et dormir, le defaut du manger et dormir les affoiblit, et en fin, destitués de force naturelle, ilz meurent); ainsy l'amour de Dieu occupant grandement l'esprit des saintz amants, petit a petit la digestion et les autres functions animales et vitales manquent a leur office; l'ame ne leur pouvant asses fournir de forces a rayson du divertissement qu'ell'a sur l'object de l'amour, en fin la mort s'en ensuit.

  A005001423 

 Il faut qu'auparavant l'amour luy ayt tout fait quitter; qu'il luy ait mis des pendans aux oreilles, l'ayant rendu souple aux semonces amoureuses de l'Espoux; des brasseletz aux mains, l'ayant disposee a l'execution de toutes inspirations; quil luy ayt changé ses habitz, ou plus tost toutes ses habitudes, inclinations et humeurs terrestres [455] et mondaines, et quil luy ayt fait quitter pere, mere, mayson et toutes choses, comme le bon Eliezer fit envers la belle Rebecca.

  A005001423 

 Ou bien, comme le feu dans le boys separe les parties ignees et aeriennes, les evaporant en fumee, et laisse la les matieres terrestres et grossieres; ou comme la force du feu separe dans l'allambiq l'eau naphe du cors des fleurs, ainsy l'amour, quand il est enflammé, separe l'ame du cors: ce qui est le plus violent effect que l'amour face en un'ame, et faut que l'ame qui est ainsy tiree hors du cors soit grandement deschargee de toutes sortes d'affections pesantes, terrestres et corporelles, et qu'elle ne tienne plus a rien du monde.

  A005001424 

 Et c'est un jugement temeraire et un esprit populaire qui juge de la varieté des genres de mort la varieté des evenemens apres la mort: si l'homme est craignant Dieu, toutes mortz luy sont bonnes.

  A005001424 

 Si des foibles espritz eussent veu tumber le feu du ciel et tuer le grand S t Symeon Stilite ilz eussent esté grandement scandalisés, comme furent, au siecle passé, quelques religieux du monastere dans lequel le vertueux et tres pieux Jean Thaulere mourut, ayans veu les horribles gestes et convulsions dont il fut agité pendant quil agonizoit et tendoit au trespas; dont ilz furent par apres desabusés par le recit d'une vision qui leur fut fait, par laquelle il apparoissoit de sa felicité, quoy que la bonté et pureté de sa vie passee les en deut asses asseurer..

  A005001425 

 Le grand S t Thomas d'Acquin mourut exhortant ceux qui estoyent autour de luy, et sur le fin passage de sa mort il jetta les yeux au ciel, joignant les mains et, comme dit Sixte le Siennois, prononçant avec une grande ferveur et haussant fortement la voix, par maniere d'orayson jaculatoire, ces paroles du Cantique des Cantiques, qui estoyent les dernieres quil avoit exposees: Veni, dilecte mi, egrediamur in agrum, il eslança son esprit.

  A005001425 

 Quelques uns des Saintz et esleus meurent non seulement en la charité et amour de Dieu, mais en l'exercice et en l'action de la charité et saint amour; et cela arrive a presque tous ceux qui pendant leur vie ont esté fort ardens en l'exercice de l'amour divin.

  A005001425 

 S t Estienne, S t Jaques le [457] mineur, le grand S t Paul, S t André et la plus part des Martirs sont mors priant Dieu, et par consequent en l'acte de l'amour.

  A005001426 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux que, comme dit Sixte Siennois, «on ne sçauroit discerner sil a surmonté sa doctrine par la pieté ou la pieté par la doctrine,» trois jours apres avoir escrit des 50 proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, il mourut, le visage et le cœur fort vif, repetant plusieurs fois, par maniere d'eslancement d'esprit en Dieu: Fortis ut mors dilectio tua.

  A005001426 

 S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour.

  A005001426 

 S t Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand S t entre les roys, frappé de peste, ne cessa onques de prier; et ayant receu le tres divin Sacrement, il mourut: «les bras estendus en forme de croix,» dit Marule, «les yeux fichés au ciel, et jettant ces paroles de confiance amoureuse dans le sein de son Dieu: J'entreray, Seig r, en vostre demeure, je vous adoreray en vostre saint temple et confesseray vostre nom, il expira.» S t Pierre Celestin, apres avoir souffert des afflictions qu'on ne sçauroit bonnement dire, sur le point de la mort commença le Psalme: Laudate Dominum in sanctis ejus, et finit sa vie en le finissant, sur ces paroles si amoureuses: Omnis spiritus laudet Dominum.

  A005001427 

 Car des lhors quil eut receu les douloureuses stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit une vraye anatomie vivante de la mort.

  A005001427 

 Mays quant au grand s t François, Saint en la protection duquel la Providence divine, comme j'espere, me remit des qu'elle me fit escheoir son digne nom, a moy tres indigne, en mon Baptesme, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour de Dieu.

  A005001429 

 Dieu luy recommanda son Filz pour le sauver des mains d'Herodes et pour le faire rapporter d'Egipte en la terre de promission; et maintenant le Filz le recommande au Pere, qui le transporte tout plein d'amour de l'Egipte, lieu de sejour pour les enfans d'Israel, au sein d'Abraham, en attendant de le ravir par apres luymesme au Ciel, au jour de son Ascension.

  A005001429 

 La cigoigne, vray portrait du reciproqu'office des enfans envers les peres, porte son [pere] au passage, car ce sont oyseaux passagers, comm'elle avoit esté portee par son pere estant jeune.

  A005001432 

 Il va au dela du torrent de Cedron, au jardin de Getsemani; et la son cœur se fond en une douleur tres aymable, de voir suer le sang a son Sauveur en cett'extreme agonie quil y souffrit; il luy est advis quil le void prendre, lier et garrouter et mener en Hierusalem, ou il le suit d'esprit et de cors; et le void conduire câ et lâ chez les Pontifes, puis fouetter a la colomne, presenter au peuple, charger sa croix, la porter, et en chemin il void le pitoyable rencontre de la Mere affligee et des dames de Hierusalem pleurantes.

  A005001433 

 Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a soy toutes les forces de son amour, comme un archer fait la chorde de son arc quand il veut descocher sa fleche, se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «Ah mon doux Jesus,» dit il, «je ne sçai plus ou vous suivre en la terre; accordes, de grace, a ce cœur, que maintenant il vous suive et aille vers vous au Ciel.

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001435 

 En fin, quant a N. D., il m'a tous-jours esté impossible de croire qu'elle mourut d'autre mort que de la mort d'amour; car c'est la plus noble mort de toutes, et qui est deue a la plus noble vie de toutes celles des pures creatures, et les Anges desireroyent de mourir, silz avoyent dequoy pouvoir mourir, de cette s te mort.

  A005001436 

 Ainsy, chere Philothee, la tressainte Vierge ayant assemblé dedans son cœur la vive memoire de tous les plus aymables misteres qu'ell'avoit veu et senti se passer entre son Filz et elle, mais sur tout celuy de la croix, et [464] faysant d'un costé un perpetuel mouvement de meditation sur iceux, et de l'autre costé recevant tous-jours a droit fil les plus ardans rayons des inspirations divines, le Soleil de justice regardant tous-jours la poitrine et les entrailles de l'amour de sa Mere, comme le lit auquel il s'estoit reposé au midi, le feu sacré de l'amour l'enflamma si ardemment, qu'ell'en mourut, toute transportee entre les bras de la dilection de son cher Enfant.

  A005001436 

 Le phœnix envielly, ramasse sur le haut de quelque montaigne une quantité de boys aromatiques, sur lesquels, comme sur son lit d'honneur, il va finir ses jours; car lhors que le soleil au fort de son midi jette ses rayons plus ardans, cet unique oyseau battant des aysles pour contribuer son mouvement a l'action du soleil, il fait que son bucher odorant prend feu, et s'allumant entierement le consume et reduit en cendre.

  A005001444 

 Le choix de la vocation, l'entreprise de quelqu'affaire de grande consequence ou de quelqu'occupation de longue haleyne, de quelque grande despence, le choix de l'habitation et sejour, l'election des conversations et amitiés, et telles semblables choses meritent qu'on regarde avec extrem'affection ce que Dieu veut de nous, et que l'on s'essaye de bien reconnoistre la volonté de Dieu; conferer des charges, entreprendre des grans voyages.

  A005001444 

 Si ma profession ne m'oblige pas a l'office des Heures canoniques, qu'est il besoin que je me mette en peyne sil est mieux de dire tous les jours l'Office de N. D. ou le Rosaire? [465] L'un et lautre est bon, et n'y sçauroit avoir tant de difference entre l'un et lautre quil faille pour cela faire un grand examen, lequel tandis que je ferois, j'aurois des-ja dit ou l'un ou l'autre des deux.

  A005001447 

 C'est l'occean de la perfection divine qui fait que Dieu void tout et prouvoit a tout; et comme rien n'est caché a la chaleur du soleil, qui penetre jusques dans les entrailles de la terre pour cooperer a la generation des mineraux, aussi rien n'est hors la providence divine: elle void tout, elle dispose tout; et comme le soleil esclaire tous les yeux de ceux qui le regardent, aussi parfaitement comme sil n'en esclairoit qu'un, ainsy Dieu prouvoit....

  A005001447 

 Voyes les lis des chams, et toutes les fleurs de la varieté et multitude desquelles la terre est diapree au primtems: elles n'ont pas une seule feuille que la providence de [466] Dieu ne la leur ayt ordonnee.

  A005001452 

 Car c'est le haut point de la philosophie chrestienne, qui surmonte celle des Stoiques, d'aggreer, par un acquiescement de la supreme pointe de l'esprit, que toutes les facultés de l'ame et tout ce qui est en elle soit affligé, ou par la privation des vertus et qualités qui les peuvent res-jouir, ou par des [467] apprehensions et impressions de celles qui les peuvent attrister.

  A005001452 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires: les jeusnes, veilles, cilices et autres macerations; le renoncement aux playsirs et voluptés et consolations corporelles.

  A005001453 

 Or, plus cet amour est simple, desnué de tout secours, abandonné de toute l'assistence des vertus et facultés de l'ame, plus il est fidele et vaillant, plus il est estimable de garder sa fidelité..

  A005001453 

 S te Angele de Foligni fait un'admirable similitude, disant que son ame estoit en tel tourment quelquefois «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne serait pourtant pas estranglé, mais demeurerait en cet estat entre mort et vif, sans avoir aucun'esperance d'estre delivré ni estre secouru,» ne pouvant ni s'appuyer des pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, non pas mesme se plaindre ni jetter de souspirs.

  A005001455 

 Job, sans doute, ne fait en ses travaux que l'acte de resignation: Si nous avons receu, dit-il, des biens de la main du Seigneur, pourquoy ne soutiendrons nous les peynes quil nous envoye? Il parle de les soustenir, de supporter, de tolerer, d'endurer..

  A005001461 

 ...de mesme son desir le fait souspirer pour le Ciel; neanmoins, se doutant que la volonté de Dieu ne fut quil demeurast au travail de ce monde: O que vos tabernacles sont aymables, Seigneur Dieu des armees! a peu qu'a force de les souhaiter, mon ame ne tumbe en defaillance; «neanmoins, si adhuc populo tuo sum necessarius, je ne refuse point le travail; hé, Seigneur, vostre volonté soit faitte.» Comme sil eut voulu dire: Si vostre volonté pour moy est en mes travaux et non encor en Paradis, o Dieu, je prefere mes travaux au Paradis.

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001470 

 ... marches heureusement et montes a cheval; comme sil voulut dire que par les traitz de son amour il se rendroit maistre des cœurs, pour les manier, contourner et pousser comm'un piqueur feroit un cheval excellent; Psal. 44, v. 6..

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001477 

 Faysons de nostre costé tout ce que nous pourrons pour les acquerir, n'oublions rien pour cette entreprise, car cela est de nostre devoir, c'est une volonté signifiee de Dieu que nous fassions cela soigneusement, diligemment et constamment; mais les fruitz de ce soin, de cette diligence, ce ne sont pas des volontés signifiees, ce sont des effectz de la volonté effective de Dieu: c'est pourquoy il faut demeurer en une simple attente de l'evenement de nos diligences, pour le recevoir tel qu'il plaira a Dieu nous le donner, sans nous inquieter pour cela..

  A005001477 

 Il faut mesme demeurer sousmis en cette sorte a la volonté de Dieu en l'acquisition des vertus, et ne vouloir pas les vertus qu'a mesure qu'il plaist a Dieu nous les donner.

  A005001478 

 Si donques il vous vient en la pensee que par vostre faute vous n'avances pas en la vertu, demandes pardon a Dieu, humilies vous devant sa misericorde; cela fait, demeures en paix, et ayant detesté vostre faute, embrasses amoureusement l'evenement de la retardation des vertus..

  A005001483 

 Quand nostre cœur, Philothee, ayme son Dieu et quil s'apperçoit de cet amour, quil escoute et entend son chant, quil a le sentiment de l'amour quil porte a Dieu, et des vertus et saintes passions et [474] affections que cet amour produit, o Dieu, Philothee, que ce cœur est amoureux de son amour, quil est affectionné a ses affections, quil a de playsir a complaire a Dieu, quil a de suavité en son cantique de dilection! C'est lhors quil apperçoit la presence de l'Espoux; et un contentement se respand en toutes ses facultés, plus delicieux que l'odeur du baume et que tous les parfums.

  A005001487 

 Ceux qui sont au mariage voudroyent chanter le cantique des religieux et prattiquer le s t amour comm'eux, entre les commodités spirituelles des cloistres.

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001506 

 ...gloire d'un monarque, ou celle quil acquiert en la guerre par les armes, ou celle quil merite en la paix par la justice? Sans doute, la gloire militaire est plus grande, mais celle de la paix est meilleure; comme le bruit du tambour et le son des trompettes est bien plus grand que celuy du luth ou de l'espinette, mais celuy ci est aussi meilleur, plus suave et delicieux.

  A005001507 

 Car cet amour par lequel on ayme Dieu en qualitéde Dieu, si bién il ne presse pas tant l'ame, et n'est pas si ardent comme les autres amours pour multiplier les actes d'amour, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005001507 

 Et comme une des perles de Cleopatra valoit mieux que tous les rochers de nos montaignes, bien que ceux ci soyent plus gros, plus pesans, plus hautz et de plus d'usage, ainsy un brin de vray amour de Dieu vaut mieux que tous les autres amours de nos cœurs, pour pressans et ardens qu'ilz soyent.

  A005001511 

 Ainsy, au reng des uniques et parfaites amantes, il arrive quelques fois que cet amour si relevé cesse pour un peu, et l'on prattique seulement l'amour des reynes, ou celluy des simples amies, ou mesme celuy des fillettes, jusques a commettre des pechés venielz, par des affections qui, n'estant pas contraires a l'amour de Dieu, sont neanmoins outre cet amour et sans l'amour de Dieu.

  A005001511 

 Car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais du fruit veneneux, mais en produisent bien neanmoins de vert et inutile, qui ne meurit point, ainsy l'homme de bien ne produit jamais des actions de peché mortel, mais ouï bien des actions mal meures, aspres et inutiles du peché veniel.

  A005001511 

 En pas un rang neanmoins, ces amours ne sont sans meslange des amours des autres rangs: car au premier, ou l'ame est encor tout'adonnee aux pechés venielz par l'amour qu'ell'a a plusieurs vaines, impertinentes et dangereuses choses, il se peut faire, ains il se fait ordinairement, que quelques petitz rayons de l'amour du second, troysiesme, voyre quatriesme rang, s'y treuvent; mais c'est quelquefois, et foiblement.

  A005001511 

 Et lhors cette production est vaine, mais non pas l'arbre; ces fruitz sont infructueux, mais non pas l'arbre, puis qu'il en a des autres bien assaissonnés.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001521 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs en l'affinant s'affinent elles mesme, quoy que plus excellentes qu'elles, dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, [484] perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesme, et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A005001521 

 Que si elles ne trouvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A005001529 

 Et Ihors que nous sommes rendus esclaves du peché, nos œuvres bonnes sont deplorablement oubliees, reduites en boüe, amorties [485] et estouffees; mais apres nostre captivité, Ihors que par la pœnitence nous retournons en grace, nos œuvres sont tirees du puis de l'oubli, et, touchees des rayons de la charité, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires qu'au paravant, pour estre remises sur l'autel, et avoir leur premiere valeur; videatur locus.

  A005001533 

 Il faut avouer que quand la charité non seulement se treuve en l'ame qui fait les actions des vertus, mays qu'elle mesme les ordonne, elle les rend incroyablement plus nobles, car la vertu alhors est comme un instrument que la charité employe.

  A005001535 

 Apres tout le discours de la force de la charité pour l'annoblissement des vertus, il faut mettre la methode d'employer la charité a cela, et il faut mettre les Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A006000007 

 Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!.

  A006000013 

 Auquel est declarée l'obligation des Constitutions de la Visitation de Sainte Marie, et les qualités de la devotion que les Religieuses cludit Ordre doivent avoir.

  A006000020 

 Sur le depart des Sœurs de la Visitation qui s'en alloyent pour fonder une nouvelle maison de leur Institut.

  A006000021 

 Auquel les proprietés des colombes sont appliquées a l'ame religieuse par forme de loix 44.

  A006000027 

 Des Regles et de l'esprit de la Visitation.

  A006000029 

 Auquel on demande en quoy consiste la parfaite determination de regarder et suivre la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver et suivre és volontés des Superieurs, égaux ou inferieurs, que nous voyons proceder de leurs inclinations naturelles ou habituelles; et de quelques poincts notables touchant les confesseurs et predicateurs. 99.

  A006000030 

 Touchant les aversions comme il faut recevoir les livres et de ce qu'il ne se faut point estonner de voir des imperfections aux personnes religieuses ni mesmes aux Superieurs.

  A006000036 

 Approbation et Privilège de la première Edition des Vrays Entretiens spirituels.

  A006000043 

 I. Entretiens qui ne se trouvent dans aucune édition antérieure des vrays entretiens spirituels.

  A006000045 

 B. Des cinq degrés d'Humilité.

  A006000048 

 E. Recueil des questions qui ont esté faites en nostre Monastere de Lyon, à nostre bien-heureux Pere 152.

  A006000050 

 II. Passages des manuscrits et des colloques n'offrant aucune correspondance directe avec le texte définitif 169.

  A006000053 

 C. De l'Entretien de l'Esprit des Regles.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Toutesfois, il nous sera permis de dire avec toute verité, qu'une [1] grande partie des enseignemens qu'il nous a laissés y sont si naïfvement deduits et si fidelement rapportés, que quiconque aura eu le bon-heur de l'entendre ou qui sera versé en la lecture de ses livres, y recognoistra aussi tost son esprit, et ne fera point de difficulté de mettre ces Entretiens, sinon au rang des autres œuvres, qui sont immediatement sorties de ses mains, au moins au rang de celles qui ont en quelque façon l'honneur de luy appartenir.

  A006000074 

 Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulieres, mais non comme le Bienheureux les a dites, faute de memoire: en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquoit beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à peine est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remarquer par la conference des deux impressions..

  A006000075 

 Il a esté donc necessaire, nos tres-cheres Sœurs, de communiquer ces Entretiens premierement à ceux de qui nous dependons et de qui nous devons prendre conseil, et lesquels ont pris la peine de reparer les defauts qu'ils avoient contractés entre nos mains; puis de les mettre en lumiere et les donner au public en la forme qu'ils doivent estre, pour pouvoir veritablement porter le nom des Entretiens de nostre bien-heureux Pere.

  A006000075 

 Jouissons toutes ensemble de ces si utiles et agreables Entretiens; conservons-nous dans l'esprit de nostre Regle par leur frequente et attentive lecture, mais sur tout par la pratique fidele des saints enseignemens dont ils sont pleins: et à mesure qu'on les exprime extérieurement, imprimons-les profondement dans nos cœurs, à fin qu'ils n'en soient jamais effacés, et que nous ne soyons pas un jour obligées de rendre compte d'un si precieux talent, si nous ne l'avons fait profiter.

  A006000075 

 Neantmoins, ayant tousjours esté un des Salutaires conseils et desirs de nostre bien-heureux Pere, Instituteur et Fondateur, et qu'il nous a declaré dans l'un de ses Entretiens, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au prochain, pour donc ne pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obeissance et la charité veut que nous en fassions part au public: elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulierement dediés, comme à celles à qui ils sont particulierement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Pere les a faits.

  A006000093 

 Ces Constitutions n'obligent aucunement d'elles mesmes à aucun peché, ni mortel ni veniel, ains seulement sont données pour la direction et conduite des personnes de la Congregation.

  A006000093 

 Mais pourtant, si quelqu'une les violoit volontairement, à dessein, avec mespris, ou bien avec scandale tant des Sœurs que des estrangers, elle commettroit sans doute une grande offense; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonore les choses de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation, et dissipe les fruits de bon exemple et de bonne odeur qu'elle doit produire envers le prochain: si bien qu'un tel mespris volontaire seroit en fin suivi de quelque grand chastiment du Ciel, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés à ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis.

  A006000093 

 Or le mespris des Constitutions, comme aussi de toutes bonnes œuvres, se cognoist par les considerations suivantes.

  A006000094 

 Il est defendu de manger hors du repas: une fille mange des prunes, des abricots, ou autres fruits; elle viole la Regle et fait une desobeissance.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000097 

 Davantage, il s'ensuit que celuy qui viole la Regle et Constitutions par mespris, il l'estime vile et inutile, qui est une tres grande presomption et outrecuidance: ou bien, s'il l'estime utile et ne veut pas pourtant se sousmettre à icelle, alors il rompt son dessein avec grand interest du prochain, auquel il donne scandale et [7] mauvais exemple, il contrevient à la societé et promesse faite à la compagnie, et met en desordre une maison devote, qui sont des tres grandes fautes..

  A006000103 

 Ces signes, pourtant, ne sont pas si certains que quelquefois ils n'arrivent pour d'autres causes que pour celle du mespris: car il peut arriver qu'une personne se mocque de celuy qui la reprend, pour le peu d'estime qu'elle fait de luy, et qu'elle persevere par infirmité, et qu'elle conteste par despit et colere, et qu'elle desbauche les autres pour avoir des compaignes et excuser son mal.

  A006000104 

 Car lors que l'esprit de l'homme ne se conduit que selon ses inclinations et aversions, qu'arrive-il qu'une perpetuelle inconstance, et varieté de fautes? Hier j'estois joyeux, le silence me desagreoit, et la tentation me suggeroit que j'estois oyseux; aujourd'huy que je seray melancolique, elle me dira que la recreation et entretien est encore plus inutile: hier, que j'estois en consolation, le chanter me plaisoit; aujourd'huy, que je suis en secheresse, il me deplaira, et ainsi des autres..

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000107 

 Que si quelquefois il leur arrive quelque dégoust ou aversion des Constitutions et reglemens de la Congregation, elles se comporteront en mesme sorte qu'il se faut comporter envers les autres tentations, corrigeant l'aversion qu'elles ont par la raison, et par bonne et forte resolution de la partie superieure de l'ame, attendant que Dieu leur envoye de la consolation en leur chemin, et leur fasse voir (comme à Jacob, lors qu'il estoit las et recreu en son voyage) que les Regles et methode de vie qu'elles ont embrassées sont la vraye eschelle par laquelle elles doivent, à guise d'Anges, monter à Dieu par charité, et descendre en elles mesmes par humilité..

  A006000109 

 Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!.

  A006000112 

 Il faut croire qu'à mesure que le divin amour fera progres és ames des Filles de la Congregation, il les rendra tousjours plus exactes et soigneuses à l'observation de leurs Constitutions, quoy que d'elles mesmes elles n'obligent point sous peine de peché mortel ni veniel; car si elles obligeoient sous peine de la mort, combien estroittement les observeroit-on? Or, l'amour est fort comme la mort; donques les attraits de l'amour sont aussi puissans à faire executer une resolution comme les menaces de la mort.

  A006000113 

 Je ne dis rien icy de l'obligation que nous avons à l'observance des vœux; car il est tout evident que qui transgresse absolument la Regle és vœux essentiels de pauvreté, chasteté et obeissance, peche mortellement, et feroit-on le mesme, contrevenant à la closture.

  A006000117 

 Forte à supporter la varieté des esprits qui se trouveront en la Congregation, qui est un essay aussi grand pour les esprits foibles qu'on en puisse rencontrer..

  A006000121 

 Forte à se tenir independante des affections, amitiés ou inclinations particulieres, à fin de ne point vivre selon icelles, mais selon la lumiere de la vraye pieté..

  A006000122 

 Forte à se tenir independante des tendretés, douceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des creatures, pour ne point nous laisser engager par icelles..

  A006000124 

 Il faut en fin qu'elle soit genereuse, pour ne point s'estonner des difficultés, ains au contraire aggrandir son courage par icelles; car, comme dit saint Bernard, celuy là n'est pas bien vaillant, auquel le cœur ne croist pas entre les peines et contradictions.

  A006000125 

 C'est un advertissement que le grand Apostre saint Paul, fait aux Romains, XIV: L'un, dit-il, croid de pouvoir manger de tout; l'autre, qui est infirme, mange des herbes: que celuy qui mange ne mesprise point celuy qui ne mange pas, et que celuy qui ne mange pas ne juge point celuy qui mange.

  A006000125 

 Ceste devotion genereuse ne mesprise rien, et fait que, sans trouble ni inquietude, nous voyons un chacun cheminer, courir et voler diversement, selon la diversité des inspirations et varieté des mesures de la grace divine qu'un chacun reçoit.

  A006000125 

 Que chacun abonde en son sens: celuy qui mange, mange en Nostre Seigneur, et celuy qui ne mange pas, ne mange pas en Nostre Seigneur; et tant l'un que l'autre rendent graces à Dieu. Les Raglas ne commandent pas beaucoup de jeunes, neantmoins il se pourra faire que quelques unes, pour des nacessités particuliares, obtiendront l'obedience d'en faire davantage: que celles qui jeuneront ne mesprisent point celles qui mangent, ni celles qui mangent celles qui jeuneront.

  A006000126 

 La genereuse devotion ne veut pas avoir des compagnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa pretention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin; et pourveu qu'on s'achemine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est.

  A006000126 

 Mais aussi, celles qui ont telles inclinations et aversions se doivent bien garder de dire des paroles, ni donner aucune sorte de signe d'avoir à desgout que les autres fassent mieux, car elles feroient une grande impertinence: ains, considerant leur foiblesse, elles doivent regarder les mieux faisantes avec une [16] sainte, douce et cordiale reverence; car ainsi elles pourront tirer autant de proffit de leur imbecillité par l'humilité qui en naistra, que les autres en tirent par leurs exercices.

  A006000126 

 Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au prejudice des infirmes, se ressouvenant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inclinations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme.

  A006000127 

 Mais neantmoins, si quelques Sœurs avoient des aversions aux choses pieuses, bonnes et approuvées, ou bien des inclinations aux choses moins pieuses, si elles me croyent elles useront de violence, et contreviendront le plus qu'elles pourront à leurs aversions et inclinations, pour se rendre vrayement maistresses d'elles mesmes, et servir Dieu par une excellente mortification: repugnant ainsi à leurs repugnances, contredisant à leurs contradictions, declinant de leurs inclinations, se divertissant de leurs aversions, et en tout et par tout faisant regner l'authorité de la raison, principalement és choses esquelles on a du loisir pour prendre resolution.

  A006000132 

 Ce mot tant celebre entre les Anciens, « Cognois-toy toy-mesme, » encores qu'il s'entende de la cognoissance de la grandeur et excellence de l'ame, [19] pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognoissance de nostre indignité, imperfection et misere: d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons miserables, tant plus nous nous confierons en la bonté et misericorde de Dieu; car, entre la misericorde et la misere, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000136 

 Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cest abandonnement, lequel autrement seroit inutile, et ressembleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, pour une vaine preétention de s'adonner à la philosophie: comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de condition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit affranchir; mais luy, par un renoncement le plus extreme de tous, ne voulut point sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'apres sa mort on ne luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher à cause qu'elle avoit esté à un si grand homme.

  A006000137 

 Ce que j'entens selon la partie superieure de nostre ame, car il n'y a point de doute que l'inferieure et l'inclination naturelle tendra tousjours plustost du costé de l'honneur que du mespris, des richesses que [23] de la pauvreté; quoy qu'aucun ne puisse ignorer que le mespris, l'abjection et la pauvreté ne soient plus agreables à Dieu que l'honneur et l'abondance de beaucoup de richesses.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000139 

 En fin l'abandonnement est la vertu des vertus: c'est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruict de la perseverance; grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée des plus chers enfans de Dieu.

  A006000140 

 Car jamais nous ne sommes reduits à telle extremité, que nous ne puissions tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres-sainte volonté, et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer.

  A006000143 

 Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous [28] soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque desir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des desirs formés, car si tost qu'une ame qui s'est delaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu..

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000145 

 Ce sont des vertus qui font leur residence en la partie superieure de l'ame, l'inferieure pour l'ordinaire n'y entend rien; il n'en faut faire aucun estat, mais sans regarder ce qu'elle veut, il faut embrasser ceste volonté divine et nous y unir, malgré qu'elle en ayt..

  A006000145 

 Il ne faut pas aussi entendre qu'en toutes ces choses icy de l'abandonnement et de l'indifference nous n'ayons jamais des desirs contraires à la volonté de Dieu, et que nostre nature ne repugne aux evenemens de son bon plaisir; car cela peut souvent arriver.

  A006000145 

 Je desire toutesfois que vous remarquiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satisfactions ne sont que des amusemens de nostre amour propre.

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Je commence par la premiere remarque que fait le grand saint Jean Chrysostome, qui est de l'inconstance, varieté et instabilité des accidens de ceste vie mortelle.

  A006000151 

 O que ceste consideration est utile! car le defaut d'icelle est ce qui nous porte au descouragement et bijarrerie d'esprit, inquietude, varieté d'humeurs, inconstance et instabilité en nos resolutions; car nous ne voudrions pas rencontrer en nostre chemin nulle difficulté, nulle contradiction et nulle peine; nous Voudrions avoir tousjours des consolations sans secheresses ni aridités, des biens sans meslange d'aucun mal, la santé sans maladie, le repos sans travail, la paix sans trouble.

  A006000152 

 Bref, en toutes sortes d'evenemens, soit prosperité ou adversité, il demeure ferme, stable et constant en sa resolution de pretendre et tendre à la jouissance des biens eternels..

  A006000152 

 Dieu n'a pas seulement fait ceste grace à l'homme, de [33] le rendre seigneur des animaux, par le moyen du don qu'il luy a fait de la raison, par laquelle il l'a rendu semblable à luy; mais encore il luy a donné plein pouvoir sur toutes sortes d'accidens et evenemens.

  A006000152 

 Il est dit que l'homme sage, c'est à dire l'homme qui se conduit par la raison, se rendra maistre absolu des astres.

  A006000152 

 Qu'est-ce à dire cela, sinon que par l'usage de la raison il demeurera ferme et constant en la diversité des accidens et evenemens de ceste vie mortelle? Que le temps soit beau ou qu'il pleuve, que l'air soit calme ou que le vent souffle, l'homme sage ne s'en soucie pas, sçachant bien que rien n'est stable et permanent en ceste vie, et que ce n'est pas icy le lieu de repos.

  A006000154 

 Et non seulement ils sont bijarres et inconstans en cela, mais ils le sont mesme en leur conversation: ils veulent que l'on s'accommode à leurs humeurs, et ne se veulent point accommoder à celles des autres; ils se laissent emporter à leurs inclinations et particulieres affections et passions, sans que pourtant cela soit estimé vicieux parmi les mondains, et pourveu qu'ils n'incommodent pas beaucoup l'esprit du prochain, on ne les tient pas [35] pour bijarres et inconstans.

  A006000154 

 Je me veux faire entendre plus familierement: la pluspart des personnes du monde se laissent gouverner et conduire à leurs passions, et non à la raison; aussi sont-ils pour l'ordinaire bijarres, varians et changeans en leurs humeurs.

  A006000154 

 Mais en la Religion on ne peut pas tant se laisser emporter à ses passions; car pour les choses exterieures, les Regles y sont pour nous tenir reglés au prier, au manger et dormir et ainsy des autres exercices, tousjours à mesme heure, quand l'obeissance ou la cloche nous le signifie; et puis, nous n'avons tousjours qu'une mesme conversation, car nous ne pouvons pas nous separer..

  A006000155 

 En quoy donc peut on exercer la bijarrerie et inconstance? c'est en la diversité des humeurs, des volontés et des desirs.

  A006000157 

 Donc par ceste premiere remarque, nous sommes incités et semonds à considerer l'inconstance et varieté des succes, tant aux choses temporelles qu'aux choses spirituelles, à fin que par l'evenement des rencontres qui pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveües, nous ne perdions point courage, ne nous laissant emporter à l'inegalité d'humeur parmi l'inegalité des choses qui nous arrivent; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a mise en nous, et à sa providence, nous demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que nous avons faite de servir Dieu constamment, courageusement, hardiment et ardemment, sans discontinuation quelconque.

  A006000158 

 Si je parlois devant des personnes qui ne m'entendissent pas, je tascherois de leur inculquer le mieux qu'il me seroit possible ce que je viens de dire; mais vous sçavez que j'ay tousjours tasché de vous inculquer bien avant dans la memoire ceste tres-sainte egalité d'esprit, comme estant la vertu la plus necessaire et particuliere de la Religion.

  A006000158 

 Tous les anciens Peres des Religions ont visé particulierement à faire que ceste egalité et stabilité d'humeurs et d'esprit regnast dans leurs monasteres; pour cela ils ont establi les Statuts, Constitutions et Regles, à fin que les Religieux s'en servissent comme d'un pont pour passer de la continuelle egalité des exercices qui y sont marqués, et auxquels ils se sont assubjettis, à ceste tant aymable et desirable egalité d'esprit, parmi l'inconstance et inegalité des accidens qui se rencontrent tant au chemin de nostre vie mortelle que de nostre vie spirituelle..

  A006000159 

 Le grand saint Chrysostome dit: O homme, qui te fasches dequoy toutes choses ne te succedent pas comme tu voudrois, n'as-tu point de honte de voir que cela que tu voudrois ne s'est pas mesme trouvé dans la famille de Nostre Seigneur? Considere, je te prie, la vicissitude, le changement et la diversité des succes qui s'y rencontrent.

  A006000160 

 Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis des Israëlites? qui nous recevra? Et semblables choses, que nous eussions bien alleguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph; lequel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obeissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé..

  A006000162 

 De plus, il faut considerer la grande paix et egalité d'esprit de la tres-sainte Vierge et de saint Joseph, en leur constance parmi l'inegalité si grande des divers accidens qui leur arrivoient, ainsi que nous avons dit.

  A006000162 

 Il nous le faut dire et redire plusieurs fois, à fin de le mieux graver dans nos esprits, que l'inegalité des accidens ne doit jamais porter nos ames et nos esprits dans l'inégalité d'humeur; car l'inegalité d'humeur ne provient d'autre source que de nos passions, inclinations ou affections immortifiées, et elles ne doivent point avoir de pouvoir sur nous tandis qu'elles nous inciteront à faire, delaisser ou desirer aucune chose, pour petite qu'elle puisse estre, qui soit contraire à ce que la raison nous dicte qu'il faut faire ou delaisser pour plaire à Dieu..

  A006000163 

 Il faut premierement sçavoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut pas entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle; car cela veut dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu; mais Nostre Seigneur, qui est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas besoin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien.

  A006000164 

 Nous sommes en ceste vie comme dessus de la glace, trouvant à tous propos des occasions propres pour faire trebucher et tomber, tantost au chagrin, ores en des murmures, un peu apres en des bijarreries d'esprit qui feront que l'on ne pourra rien faire qui nous puisse contenter; et puis nous entrons en degoust de nostre vocation, la melancolie nous suggerant que nous ne ferons jamais rien qui vaille; et que sçay-je? semblables choses et accidens qui se rencontrent en nostre petit monde spirituel.

  A006000167 

 Il n'y a point de doute qu'il en estoit de mesme qu'en celle des [44] esperviers, où les femelles sont maistresses et valent mieux que les masles.

  A006000168 

 Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mysteres de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognoissance pourquoy cecy ou cela! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'experience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquietudes, des humeurs bijarres, des murmures.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Nous voudrions, par adventure, estre enseignés et instruits par Dieu mesme, par la voye des extases ou ravissemens et visions, et que sçay-je, moy? semblables niaiseries que nous forgeons en nos esprits, plustost que de nous sousmettre à la voye tres aymable et commune d'une sainte sousmission à la conduite de ceux que Dieu nous a donnés, et à l'observance de la direction tant des Regles que des Superieurs..

  A006000168 

 Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son superieur.

  A006000170 

 O que le Saint Esprit est ennemy des remises et delais!.

  A006000171 

 Considerez, je vous supplie, le grand patron et modele des parfaits Religieux, saint Abraham, voyez comme Dieu le traitte: Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, et va à la montagne que je te monstreray.

  A006000171 

 Il ne dit rien de tout cela, ains se confia pleinement que Dieu y pourvoiroit; ce qu'il fit, quoy que petitement, leur faisant trouver de quoy s'entretenir simplement, ou par le mestier de saint Joseph, ou mesme par des aumosnes que l'on leur faisoit.

  A006000171 

 Que dites-vous, Seigneur, que je sorte de la ville? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident? Il ne fait nulle replique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le [47] conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des graces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obeissance luy est agreable.

  A006000172 

 Il n'y? certes que le trop grand soin que nous avons de nous-mesmes qui nous fasse perdre la tranquillité de nostre esprit et qui nous porte à des humeurs bijarres et inegales, car dés que quelques contradictions nous arrivent, voire quand nous appercevons seulement un petit trait de nostre immortification, ou quand nous commettons quelque defaut, pour petit qu'il soit, il nous semble que tout est perdu.

  A006000173 

 Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont grandement contraires à la perfection; mais plus, sans comparaison, celles que nous avons sur nos esprits.

  A006000173 

 Se peut-il imaginer une affliction plus extreme que celle que saint Joseph ressentit lors qu'il s'apperceut que la glorieuse Vierge estoit enceinte, sçachant bien que ce n'estoit pas de son fait? Son affliction et sa detresse estoit d'autant plus grande que la passion de l'amour est plus vehemente que les autres passions de l'ame; et de plus, en l'amour, la jalousie est l'extremité de la peine, ainsi que le declare l'Espouse au Cantique des Cantiques: L'amour, dit-elle, est fort comme la mort, car l'amour fait les mesmes effets en l'ame qu'au corps la mort; mais la jalousie est dure comme l'enfer.

  A006000173 

 Voire, c'est bien dit: comme si Dieu donnoit tousjours des consolations à ses amis! A-t'il jamais esté pure creature si digne d'estre aymée de Dieu, et qui l'ait esté davantage, que Nostre Dame et saint Joseph? voyez s'ils sont tousjours en consolation.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000177 

 Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire.

  A006000178 

 Certes, il faut finir, et par ce moyen vous laisser en Egypte avec Nostre Seigneur, lequel, comme je croy, comme aussi d'autres tiennent, commençoit dés lors à faire des petites croix, quand il avoit du temps de reste après avoir aydé en quelque petite chose à saint Joseph, tesmoignant dés lors le desir qu'il avoit de l'œuvre de nostre redemption.

  A006000184 

 Ainsi la pluspart des amitiés que font les hommes n'ayant pas une bonne fin, et ne se conduisant pas par la raison, ne meritent aucunement le nom d'amitié..

  A006000184 

 Ainsi les bestes ont de l'amour, mais ne peuvent [54] avoir de l'amitié, puisqu'elles sont irraisonnables: elles ont de l'amour entre elles, à cause de quelque correspondance naturelle; voire mesme elles ont de l'amour pour l'homme, ainsi que l'experience le fait voir tous les jours, et divers autheurs en ont escrit des choses admirables: comme ce qu'ils disent de ce dauphin, lequel aymoit si esperduement un jeune enfant qu'il avoit veu par plusieurs fois sur le bord de la mer, que cest enfant estant mort, le dauphin mourut luy-mesme de desplaysir.

  A006000185 

 Aussi ces amitiés que les mondains contractent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grandement sujettes à perir et à se dissoudre; mais celle qui est entre les freres est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable.

  A006000185 

 C'est pourquoy les anciens Chrestiens de la primitive Eglise s'appelloient tous freres; et ceste premiere ferveur s'estant refroidie entre le commun des Chrestiens, l'on a institué les Religions, dans lesquelles on a ordonné que les Religieux s'appelleroient tous freres et sœurs, pour marque de la sincere et vraye amitié cordiale qu'ils se portent ou qu'ils se doivent porter, et comme il n'y a point d'amitié comparable à celle des freres, toutes les autres amitiés estant ou inegales ou faites avec artifice (comme celles que les personnes mariées ont par ensemble, lesquelles ils ont faites par des contracts escrits et prononcés par des notaires, ou bien par des promesses simples).

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000187 

 Il ne faudroit pas aussi si frequemment user de caresses, et à tout propos dire des paroles emmiellées, les jettant à belles poignées sur les premieres qu'on rencontre; car tout ainsi que si l'on mettoit trop de sucre sur une [58] viande elle tourneroit à dégoust, à cause qu'elle seroit trop douce et trop fade, de mesme les caresses trop frequentes seroyent rendues dégoustantes et l'on ne s'en soucieroit plus, sçachant que cela se fait par coustume.

  A006000187 

 Or, la vertu d'affabilité se tient entre le trop et le trop peu, faisant des caresses selon la necessité de ceux avec lesquels on traitte, conservant neantmoins une gravité suave, selon que les personnes et les affaires desquelles on traitte le requierent.

  A006000187 

 Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extremités de la vertu; la vertu donc d'affabilité est au milieu de deux vices: de la gravité ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles frequentes qui tendent à la flatterie.

  A006000188 

 Neantmoins, tous deux estoient grandement vertueux; mais l'un avoit plus de douceur, l'autre une plus grande austerité de vie, et tous deux (quoy que non pas esgalement ni doux ni rigoureux) ont esté des grands Saints.

  A006000189 

 C'estoit la coustume d'user des baisers quand les Chrestiens se rencontroyent; Nostre Seigneur usoit aussi envers ses Apostres de ceste forme de salutation, ainsi que nous apprenons en la trahison de Judas.

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000191 

 Saint Pierre fut choisi pour estre le chef des Apostres, quoy qu'il fust sujet à beaucoup d'imperfections, en sorte qu'il en commettoit mesme apres qu'il eut receu le Saint Esprit; mais parce que nonobstant ces defauts, il avoit tous jours un grand courage et ne s'en estonnoit point, Nostre Seigneur le rendit son lieutenant et le favorisa par dessus tous les autres, de sorte que nul n'eust eu raison de dire qu'il ne meritoit pas d'estre precipué et avantagé par dessus saint Jean ou les autres Apostres..

  A006000193 

 En quoy il nous apprend que de s'employer, voire de donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou par eux ou pour eux; et ce fut ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur sur la croix.

  A006000195 

 Et neantmoins nostre doux [65] Sauveur avoit des pensées d'amour pour eux, nous en donnant un exemple du tout inimaginable en ce qu'il excuse ceux qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire que son Pere leur pardonne en l'acte mesme du peché et de l'injure.

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000196 

 Il ne se faut pas donc estonner ni descourager quand nous commettons des imperfections et des defauts devant nos Sœurs; ains au contraire, il faut estre bien aises que nous soyons recognuës pour telles que nous sommes.

  A006000201 

 Dites-vous, ma fille, si vous devez rire au chœur et au refectoire, quand, sur quelque rencontre inopinée, les autres rient? Je vous dis que dans le chœur il ne faut nullement contribuer à la joye des autres; ce n'en est pas le lieu, et ce defaut doit estre vivement corrigé.

  A006000207 

 Les propos saintement joyeux sont ceux où il n'y a point de mal, qui ne taxent point le prochain d'imperfections, car c'est un defaut qu'il ne faut jamais faire, ni parler de choses messeantes et inconvenantes, comme aussi s'affectionner à parler long temps du monde et des choses vaines.

  A006000211 

 Pour mieux entendre cecy il faut sçavoir que comme il y a difference entre l'orgueil, la coustume de l'orgueil, et l'esprit de l'orgueil (car si vous faites un acte d'orgueil, voila l'orgueil; si vous en faites des actes à tout propos et à toute rencontre, c'est la coustume de l'orgueil; si vous vous plaisez en ces actes et les recherchez, c'est l'esprit d'orgueil), de mesme, il y a difference entre l'humilité, l'habitude de l'humilité, et l'esprit d'humilité.

  A006000212 

 Es choses evidemment mauvaises, il nous faut avoir compassion et nous humilier des defauts du prochain comme des nostres propres, et prier Dieu pour leur amendement, d'un mesme cœur que nous ferions pour le nostre si nous estions sujets aux mesmes defauts.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000214 

 L'humilité nous fait aneantir en toutes les choses qui ne sont pas necessaires pour nostre advancement en la grace, comme seroit de bien parler, avoir un beau maintien, de grands talents pour le maniement des choses exterieures, un grand esprit, de l'eloquence, et semblables; car en ces choses exterieures il faut desirer que les autres y fassent mieux que nous.

  A006000219 

 Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dependent du temps et des saisons? que la beauté, qui se ternit en moins de rien? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat; et pour ce qui est des sciences, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sçavions.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000219 

 Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes; car en verité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misere et le neant: mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous; et ces biens sont la santé, les richesses, [74] les sciences, et autres semblables.

  A006000220 

 Il y a des personnes qui s'amusent à une fausse et niaise humilité qui les empesche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon.

  A006000221 

 Mais remarquez que je dis, tout ce qu'on luy commande ou conseille, pour difficile qu'il soit; car je vous puis asseurer qu'elle ne juge pas que faire des miracles luy soit chose impossible, luy estant commandé d'en faire.

  A006000221 

 Que si elle se met à l'execution du commandement en simplicité de cœur, Dieu fera plustost [76] miracle que de manquer de luy donner le pouvoir d'accomplir son entreprise, parce que ce n'est point sur la confiance qu'elle a en ses propres forces qu'elle l'entreprend, ains elle est fondée sur l'estime qu'elle fait des dons que Dieu luy a faits.

  A006000225 

 Lors, Achaz se mesfiant de la bonté de Dieu et de sa liberalité: Non, dit-il, je ne le feray pas, d'autant que je ne veux pas tenter Dieu. Mais le miserable ne disoit pas cela pour l'honneur qu'il portoit à Dieu; car au contraire, il refusoit de l'honnorer, parce que Dieu vouloit estre glorifié en ce temps là par des miracles, et Achaz refusoit de luy en demander un qu'il luy avoit signifié qu'il desireroit faire.

  A006000226 

 Je dis qu'il ne vous faut pas tous-jours croire quand vous dites, poussées peut estre de découragement, que vous estes des miserables et toutes remplies d'imperfections; non plus qu'il ne faut pas croire que vous n'en ayez point quand vous n'en dites rien, estant pour l'ordinaire telles que vos œuvres vous font paroistre.

  A006000226 

 L'on ne sçauroit, pendant que l'on ne sent point de malice en son cœur, tromper l'esprit des Superieurs..

  A006000227 

 Mais j'entends bien la finesse: c'est que nous craignons de n'en pas sortir à nostre honneur; nous avons nostre reputation en si grande recommandation, que nous ne voulons point estre tenus pour apprentifs en l'exercice de nos charges, ains pour maistres et maistresses qui ne font jamais des fautes..

  A006000227 

 Or, ce qu'ils en ont fait n'a pas esté seulement à cause de la basse estime qu'ils faisoyent d'eux-mesmes, mais principalement à cause de ce qu'ils voyoient que ceux qui les vouloyent mettre en ces charges se fondoyent sur des vertus apparentes, comme sont les jeusnes, les aumosnes, les penitences et aspretés du corps, et non sur les vrayes vertus interieures, qu'ils tenoyent closes et couvertes sous la sainte humilité.

  A006000227 

 Puis, ils estoyent poursuivis et recherchés par des peuples qui ne les cognoissoyent point que par reputation.

  A006000228 

 Ces tendretés se nourrissent des vaines reflexions [81] que nous faisons sur nous-mesmes, principalement quand nous avons bronché en nostre chemin par quelque faute; car ceans, par la grace de Dieu, l'on ne tombe jamais du tout, nous ne l'avons encore point veu, mais l'on bronche; et au lieu de s'humilier tout doucement, et puis se redresser courageusement, comme nous avons dit, l'on entre en la consideration de sa pauvreté, et dessus cela l'on commence à s'attendrir sur soy-mesme.

  A006000228 

 Mon Dieu, que toutes ces choses sont esloignées de l'ame qui est genereuse et qui fait une grande estime, comme nous avons dit, des biens que Dieu a mis en elle! Car elle ne s'estonne point, ni de la difficulté du chemin qu'elle a à faire, ni de la grandeur de l'œuvre, ni de la longueur du temps qu'il y faut employer, ni en fin du retardement de l'œuvre qu'elle a entreprise.

  A006000229 

 Mais outre ce que nous avons dit de ceste generosité, il faut encore dire cecy, qui est que l'ame qui la possede reçoit également les secheresses et les tendresses des consolations, les ennuys interieurs, les tristesses, les accablemens d'esprit, comme les ferveurs et les prosperités d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité.

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000231 

 Or ne voila pas des enfances tres-grandes? Si nous avons commis quelques infidelités, bon de les dire; si nous avons esté fidelles il le faut aussi dire, mais courtement, sans exagerer ni l'un ni l'autre; car il faut tout dire à ceux qui ont la charge de nos ames..

  A006000237 

 Allez, leur dit-il, et ne pensez ni de quoy vous mangerez, ni de quoy vous boirez, ni de quoy vous vous vestirez, ni mesme ce que vous aurez à dire estant devant les grands seigneurs et magistrats des provinces par où vous passerez; car en chaque occasion vostre Pere celeste vous fournira de tout ce qui vous sera necessaire.

  A006000240 

 Allez donc pleines de courage faire ce à quoy vous estes appellées, mais allez en simplicité; si vous avez des apprehensions, dites à vostre ame: Le Seigneur nous pourvoira; si les considerations de vostre foiblesse vous travaillent, jettez-vous en Dieu et vous confiez en luy.

  A006000240 

 Les Apostres estoyent des pescheurs et ignorans la pluspart; Dieu les rendit sçavans selon qu'il estoit necessaire pour la charge qu'il leur vouloit donner.

  A006000240 

 Que si vous n'avez point de vertu, ou que vous n'en apperceviez point en vous, ne vous mettez pas en peine; car si vous entreprenez pour la gloire de Dieu et pour satisfaire à l'obeissance la conduite des ames ou quelque autre exercice quel qu'il soit, Dieu aura soin de vous, et sera obligé de vous pourvoir de tout ce qui vous sera necessaire, tant pour vous que pour celles que Dieu vous donnera en charge..

  A006000242 

 De mesme, s'il vous arrive des consolations, recevez-les avec esprit de gratitude et de [92] recognoissance envers la divine Bonté; que si vous n'en avez point, ne les desirez point, ains taschez de tenir vostre cœur preparé pour recevoir les divers evenemens de la divine Providence, et d'un mesme cœur autant qu'il se peut.

  A006000242 

 Je veux dire, si la divine Providence permet qu'il vous arrive des afflictions ou mortifications, ne les refusez point, ains acceptez-les de bon cœur, amoureusement et tranquillement; que si elle ne vous en envoye point, ou qu'elle ne permette pas qu'il vous en arrive, ne les desirez point ni ne les demandez point.

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000243 

 C'est un des principaux fruicts de la Religion que ceste sainte union qui se fait par la charité, union qui est telle, que de plusieurs cœurs il n'en est fait qu'un cœur, et de plusieurs membres il n'en est fait qu' un corps; tous sont tellement faits un en Religion, que tous les Religieux d'un Ordre ne sont, ce semble, qu'un seul Religieux.

  A006000243 

 Jettant mes yeux sur le sujet de vostre despart et sur les ressentimens inevitables que vous aurez toutes en vous separant les unes des autres, j'ay pensé que je vous devois dire quelque petite chose qui peust amoindrir ceste douleur, quoy que je ne veuille dire qu'il ne soit loisible de pleurer un peu; car il le faut faire, d'autant qu'on ne s'en pourroit pas tenir, ayant demeuré si doucement et si amoureusement assez long temps ensemble en la pratique des mesmes exercices, ce qui a tellement uni vos cœurs, qu'ils ne peuvent sans doute souffrir nulle division ni separation.

  A006000244 

 C'est peu [94] de chose que ceste separation corporelle, aussi bien la faudroit-il faire un jour, veuillons nous ou non; mais la separation des cœurs et desunion des esprits, c'est cela seul qui est à redouter.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000245 

 De mesme, devez-vous tascher d'accroistre et multiplier les actes des vertus, et devez agrandir vos courages pour vous rendre capables d'estre employées selon la volonté de Dieu.

  A006000247 

 O qu'heureuses sont les ames qui se dedient veritablement et absolument au service de Dieu, car Dieu ne les laisse jamais steriles ni infructueuses! Pour un rien qu'elles quittent pour Dieu, Dieu leur donne des recompenses incomparables, tant en cette vie qu'en l'autre.

  A006000247 

 Quelle grace, je vous prie, d'estre employées au service des ames que Dieu ayme si cherement, et pour lesquelles sauver Nostre Seigneur a tant souffert! Certes, c'est un honneur nompareil et duquel vous devez, mes cheres filles, faire un tres-grand estat: et pour vous y employer fidellement, ne plaignez ni peine, ni soin, ni travail, car tout vous sera cherement recompensé, bien qu'il ne faille pas se servir de ce motif pour vous encourager, ains de celuy de vous rendre plus agreables à Dieu et d'augmenter d'autant plus sa gloire..

  A006000249 

 Apres cecy, que vous sçaurois-je plus dire, mes cheres Sœurs, puisqu'il semble que tout nostre bonheur soit compris en ceste toute aymable pratique? Je vous representeray l'exemple des Israëlites, avec lequel je finiray.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000249 

 Mais qu'est-ce que je veux dire? Rien autre, sinon qu'il me semble que la divine Majesté vous a choisies, vous autres qui vous en allez, comme des parfumeuses ou parfumieres: ouy certes, car vous estes commises de sa part pour aller respandre les odeurs tres-suaves des vertus de vostre Institut.

  A006000249 

 Nostre Seigneur en fait de mesme, mes cheres filles, des ames qui se dedient à son service; car, comme vous voyez, aux Religions il y a diverses charges et divers offices.

  A006000254 

 Ainsi void on que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, est souventesfois nommée de ce nom, et à bon droit certes, car il y a une grande correspondance entre les qualités de la colombe et celles de l'amoureuse colombelle de Nostre Seigneur..

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000255 

 Les loix des colombes sont toutes infiniment agreables, et c'est une meditation tres-suave que de les considerer.

  A006000257 

 Et pendant tout ce temps-là la colombe ne va nullement à la cueillette pour se nourrir, ains elle en laisse tout le soin à son cher paron, lequel luy est si fidelle que non seulement il va à la queste des grains pour la nourrir, mais aussi il luy apporte de l'eau dans son bec pour l'abreuver; il a un soin nompareil que rien ne manque de ce qui luy est necessaire, et si grand que jamais il ne s'est veu colombe morte faute [104] de nourriture en ce temps-là.

  A006000257 

 Mais quelles sont-elles donc ces loix? La premiere que j'ay fait dessein de vous donner est celle des colombes qui font tout pour leur colombeau et rien pour elles; il semble qu'elles ne dient autre chose sinon: Mon cher colombeau est tout pour moy, et je suis toute à luy; il est tousjours tourné de mon costé pour penser en moy, et moy je m'y attends et m'y asseure: qu'il aille donc chercher, ce bien-aymé colombeau, où il luy plaira, si n'entreray-je point en défiance de son amour, ains je me confieray pleinement en son soin.

  A006000258 

 monde, ains seulement là haut au Ciel, où elle jouïra [105] à jamais pleinement des chastes embrassemens de son celeste Espoux..

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000259 

 Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux? Nos œufs sont nos desirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en proviennent, qui sont les effets de nos desirs; mais entre nos desirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui merite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appellé l'Espoux sacré de nos ames, tant sa bonté et son amour est grand envers nous.

  A006000260 

 C'est une grande pitié, certes, de voir des ames, dont le nombre n'est que trop grand, qui pretendant à la perfection s'imaginent que tout consiste à faire une grande multitude de desirs, et s'empressent beaucoup à [106] chercher ores ce moyen et tantost un autre pour y parvenir, et ne sont jamais contentes ni tranquilles en elles-mesmes; car dés qu'elles ont un desir, elles taschent vistement d'en concevoir un autre, et semble qu'elles sont comme les poules, lesquelles n'ont pas si tost fait un œuf qu'elles en chargent aussi tost un autre, laissant là celuy qu'elles ont fait sans le couver, de sorte qu'il n'en reussit point de poussin.

  A006000260 

 De mesme, il y a des ames lesquelles ne cessent de closser et s'empresser apres leurs petits, c'est à dire apres les desirs qu'elles ont de se perfectionner, et ne trouvent jamais assez de personnes pour en parler et demander des moyens propres et nouveaux.

  A006000260 

 La poule, si elle a des petits, s'empresse grandement et ne cesse de closser et mener du bruit; mais la colombe se tient coye et tranquille, elle ne closse ni ne s'empresse point.

  A006000260 

 Tout nostre bien dépend de la grace de Dieu, en laquelle nous devons jetter toute nostre confiance; et cependant il semble, par l'empressement qu'elles ont à beaucoup faire, qu'elles se confient en leur travail et en la multiplicité des exercices qu'elles embrassent, ne leur semblant jamais de pouvoir assez faire.

  A006000261 

 La sainte Eglise le chante en chaque feste des saints Confesseurs: Dieu a honnoré vos travaux en faisant que vous en tirassiez du fruict; pour monstrer que de nous mesmes nous ne pouvons rien sans la grace de Dieu, en laquelle nous devons mettre toute nostre confiance, n'attendant rien de nous mesmes.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000262 

 Il y a quelque temps qu'il y eut des saintes Religieuses qui me dirent: Monsieur, que ferons-nous ceste année? L'année passée nous jeusnasmes trois jours de la semaine, et nous faisions la discipline autant: que ferons-nous maintenant le long de ceste année? il faut bien faire quelque chose davantage, tant pour rendre graces à Dieu de l'année passée, comme pour aller tousjours croissant en la voye de Dieu.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000264 

 Mais un saint Paul premier hermite, parvint-il à la sainteté qu'il s'acquit par la lecture des bons livres? il n'en avoit point.

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000265 

 Ces grands saints Religieux qui vivoyent sous la charge de saint Pachome, avoyent-ils des livres, des predications? nulles.

  A006000265 

 Des conferences? ils en avoyent, mais rarement.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000267 

 Ainsi leurs livres, leurs predications rapportoyent des fruicts merveilleux; et nous autres qui nous confions en nos belles paroles, en nostre bien dire et en nostre doctrine, toutes nos peines s'en vont en fumée et ne rendent autre fruict que de vanité.

  A006000268 

 Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa prosperité, et se rendit plus agreable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie; car il falloit avoir un amour plus fort et genereux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble..

  A006000268 

 Qu'est-ce à dire cela? C'est que lors que leurs petits colombeaux sont un peu gros, le maistre du colombier les leur vient oster, et soudain elles se mettent à en couver des autres; mais si on ne les leur oste pas, elles s'amusent aupres de ceux-là longuement, et partant elles en font moins.

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000270 

 Les mortifications, dit-elle, ne me coustoyent rien durant ce temps-là, ains ce m'estoyent des consolations; les obeissances m'estoyent des allegresses; je n'avois pas si tost ouy le premier son de la cloche, que j'estois levée; je ne laissois point passer de pratique de vertu, et tout cela je le faisois avec une paix et tranquillité tres-grande: mais maintenant que je suis en desgoust et que je suis ordinairement en secheresse en l'oraison, je n'ay nul courage, ce me semble, pour mon amendement, je n'ay point ceste ardeur que je soulois avoir en mes exercices; en fin, la gelée et la froidure est passée chez moy.

  A006000270 

 O que ce sont là des œufs bien aymables! et tout cela est bien bon, et les petits colombeaux ne manquent point, qui sont les effects; car, qu'est-ce qu'elle ne fait pas? Ses œuvres de charité sont en si grand nombre! sa modestie paroist devant toutes les Sœurs, elle est d'une edification nompareille, elle se fait admirer de tous ceux qui la voyent ou qui la cognoissent.

  A006000271 

 C'est cette tres-sainte egalité d'esprit, mes cheres ames, que je vous souhaitte: je ne dis pas l'egalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'egalité d'esprit; car je ne fais, ni desire que vous fassiez nul estat des tracasseries que fait la partie inferieure de nostre ame, qui est celle qui cause les inquietudes et bijarreries, quand la partie superieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour découvrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie des remuemens et assauts que luy fait la partie inferieure, qui naissent de nos sens et de nos inclinations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix.

  A006000271 

 La troisiesme loy des colombes que je vous presente, c'est qu'elles pleurent comme elles se resjouïssent; elles ne chantent tousjours qu'un mesme air, tant pour leurs cantiques de resjouïssance que pour ceux où elles se lamentent, c'est à dire pour se plaindre et manifester leur douleur.

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000276 

 Les petites affections du tien et du mien sont des restes du monde, où il n'y a rien de si pretieux que cela; car c'est la souveraine felicité du monde d'avoir beaucoup de choses propres et de quoy on puisse dire: cecy est mien.

  A006000276 

 Mais il faut bien en cecy, comme en toute autre chose, faire difference entre les inclinations et affections; car quand ces choses ne sont que des inclinations et non pas des affections, il ne s'en faut point mettre en peine, parce qu'il ne depend pas de nous de n'avoir point de mauvaises inclinations, ouy bien des affections.

  A006000276 

 Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy.

  A006000277 

 Elle ne regarde pas tant ce qui est du vivre ou du vestir comme des exercices spirituels; car qui vous viendroit demander: Que voulez-vous faire demain? vous respondriez: Je ne sçay; aujourd'huy je feray une telle chose qui m'est commandée, demain je ne sçay pas ce que je feray parce que je ne sçay pas ce que l'on me commandera.

  A006000278 

 C'est pourquoy il faut faire des considerations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dependent en detail; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entierement despouillés.

  A006000281 

 Il y a une autre sorte de biens, qui ne sont ni interieurs ni exterieurs, qui ne sont ni biens du corps ni biens du cœur; ce sont des biens imaginaires qui dépendent de l'opinion d'autruy: ils s'appellent l'honneur, l'estime, la reputation.

  A006000281 

 Tous ces despouillemens et renoncemens des choses susdites se doivent faire non par mespris, mais par abnegation, pour le seul et pur amour de Dieu..

  A006000282 

 Il faut icy remarquer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des personnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en les voyant ne sont point contraires à ceste vertu de despouillement, pourveu qu'ils ne soyent point desreglés, et qu'estans absens, nostre cœur ne coure point apres [123] eux; car, comment se pourroit-il faire que les objets estans presens les puissances ne soyent point esmeuës? C'est comme qui diroit à une personne à la rencontre d'un lion ou d'un ours: n'ayez point peur.

  A006000283 

 C'est une faute que plusieurs font: ils se forment des chimeres en l'esprit, et pensent que le chemin du Ciel est estrangement difficile; en quoy ils se trompent et ont bien tort, car David disoit à Nostre Seigneur que sa loy estoit trop douce; et à mesure que les meschans la publioyent dure et difficile, ce bon Roy disoit qu'elle estoit plus douce que le miel.

  A006000284 

 Il est vray, mes cheres Sœurs, que l'on ne sçauroit jamais parvenir à la perfection tandis que l'on a de l'affection à quelque imperfection, pour petite qu'elle soit, voire mesme quand ce ne seroit qu'avoir une pensée inutile; et vous ne sçauriez croire combien cela porte de mal à une ame, car dés que vous aurez donné à vostre [124] esprit la liberté de s'arrester à penser à une chose inutile, il pensera par apres à des choses pernicieuses: il faut donc couper court au mal dés que nous le voyons, pour petit qu'il soit.

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000285 

 Je vous dis briefvement qu'il y a certains amours qui [125] semblent extremement grands et parfaits aux yeux des creatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées en la vraye charité, qui est Dieu, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quelques considerations humainement louables et agreables.

  A006000286 

 Ainsi en est-il des amitiés; quand l'on ne les tire point de leur source elles ne tarissent jamais.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000288 

 S'il se trouve des petites affections contraires, c'est signe qu'il y a encor du tien et du mien..

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000293 

 La premiere, et celle qui le porte par eminence au dessus des autres, c'est la bien-seance de nostre maintien exterieur: et à cette vertu sont opposés deux vices, à sçavoir, la dissolution en nos gestes et contenances, c'est à dire la legereté; l'autre vice qui ne luy est pas moins contraire, est une contenance affectée.

  A006000293 

 La seconde qui porte le nom de modestie, est l'interieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté: celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en l'entendement, la multitude des desirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses necessaires pour nostre [131] perfection, imperfection qui n'est pas moins dangereuse que l'autre.

  A006000296 

 Car dites-moy, celuy qui ne voudroit point rire à la recreation sinon comme l'on rit hors ce temps-là, ne seroit-il pas importun? Il y a des gestes et des contenances qui seroyent immodestie hors de ce temps-là, qui là ne le sont [133] nullement; de mesme, celuy qui voudroit rire lors que l'on est parmi les occupations serieuses, et relascher son esprit comme l'on fait tres-raisonnablement en la recreation, ne seroit-il pas estimé leger et immodeste? L'on doit aussi observer le lieu, les personnes, les conversations esquelles on est, mais tout particulierement la qualité de la personne.

  A006000297 

 Or, un jour que tous les Peres estoyent assemblés pour faire une conference spirituelle (car ç'a esté de tout temps qu'il s'en est fait entre les personnes pieuses), il y eut quelqu'un des Peres qui advertit le Superieur qu'Arsenius commettoit ordinairement une immodestie, en ce qu'il croisoit une jambe dessus l'autre.

  A006000299 

 Ceste modestie retient la volonté resserrée en l'exercice des moyens de son avancement en l'amour de Dieu, selon la vocation en laquelle nous sommes..

  A006000299 

 De mesme, la modestie interieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie, evitant, comme j'ay dit, la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des desirs, la faisant appliquer saintement à ce seul un que Marie a choisi et qui ne luy sera point osté, qui est la volonté de plaire à Dieu.

  A006000299 

 Je voy bien que vous desirez que je parle encor des autres vertus de modestie.

  A006000301 

 Mais dés que nos ames ont choisi Nostre Seigneur pour leur Roy unique et souverain, ces puissances s'accoisent à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se rangent aupres de luy, et ne sortent jamais de leur ruche sinon pour la cueillette des exercices de charité que ce saint Roy leur commande de pratiquer à l'endroit du prochain; et soudain apres, se remettent dans la modestie et en ce saint accoisement tant aymable, pour mesnager et ramasser le miel des saintes et amoureuses conceptions et affections qu'elles tirent de sa presence sacrée.

  A006000303 

 Il y en a d'autres, qui à force de penser à la vie de sainte Catherine de Sienne et de Genes, pensent aussi estre par imitation des saintes Catherines.

  A006000303 

 Je me souviens, sur le propos du danger qu'il y a en la curiosité de vouloir sçavoir tant de moyens de se perfectionner, d'avoir parlé à deux personnes religieuses, de deux Ordres bien reformés, l'une desquelles, à force de lire les livres de la bienheureuse Therese, apprit si bien à parler comme elle, qu'elle sembloit estre une petite Mere Therese; et elle le croyoit, s'imaginant tellement tout ce que la Mere sainte Therese avoit fait pendant sa vie, qu'elle croyoit en faire tout de mesme [139] jusques à avoir des bandemens d'esprit et des suspensions des puissances, tout ainsi comme elle lisoit que la Sainte avoit eu, si qu'elle en parloit fort bien.

  A006000305 

 Celuy qui escrit sa Vie dit qu'un jour qu'il alloit par les bois pour en couper, il vint une grande troupe de ces esprits infernaux pour l'espouvanter, qui se rangerent comme des soldats qui posent la garde, tous bien armés, et se crioyent l'un à l'autre: Faites place au saint homme.

  A006000305 

 Il y a des paroles qui seroyent immodestie en tout autre temps qu'en celuy de la recreation, où justement et avec bonne raison on doit relascher un peu l'esprit; et qui ne voudroit parler ni laisser parler les autres sinon de choses hautes et relevées en ce temps-là, feroit une immodestie; car n'avons-nous pas dit que la modestie regarde le temps, les lieux et les personnes? A ce propos, je lisois l'autre jour que saint Pachome, d'abord qu'il fut entré au desert pour mener une vie monastique, eut de grandes tentations, et les malins esprits luy apparoissoyent souvent en diverses manieres.

  A006000305 

 Saint Pachome, qui recognut bien que c'estoyent des fanfares de l'esprit malin, [141] se print à sousrire, disant: Vous vous mocquez de moy; mais je le seray, s'il plaist à Dieu.

  A006000306 

 Souventefois aussi on se rencontre en des occasions où il est necessaire de beaucoup dire en se taisant, par la modestie, égalité, patience et tranquillité.

  A006000307 

 Ce qui faisoit ainsi parler ce Saint estoit, si je ne me trompe, à cause qu'il parloit à des courtisans qu'il voyoit tellement pancher du costé de la delicatesse, qu'il estoit besoin de leur parler ainsi un peu plus asprement; comme ceux qui veulent redresser un jeune arbrisseau ne le redressent pas seulement au pli qu'ils veulent luy donner, mais ils le font mesme courber de l'autre costé à fin qu'il ne retourne à son pli.

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000311 

 Saint François mesme, sur le dernier temps de sa vie, apres tant de ravissemens et d'unions amoureuses avec Dieu, apres avoir tant fait pour sa gloire et s'estre surmonté en tant de sortes, un jour qu'il plantoit des choux dans le jardin, il arriva qu'un Frere, voyant qu'il ne les plantoit pas bien, l'en reprit; et le Saint fut esmeu d'un si puissant mouvement de colere de se voir repris, qu'il prononça à moitié une injure contre ce Frere qui l'avoit repris.

  A006000312 

 Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmes un certain monastere dont l'amour propre est superieur, et partant il impose des penitences; et ceste peine est la penitence qu'il vous impose pour la faute que vous avez faite d'avoir fasché la Superieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas failli..

  A006000317 

 Il me semble que ceux auxquels on demande le chemin du Ciel ont grande raison de dire comme ceux qui disent que pour aller à un tel lieu il faut tousjours aller, mettant l'un des pieds devant l'autre, et que par ce moyen on parviendra où l'on desire.

  A006000317 

 Il y a certes des ames qui s'occupent tant à penser comment elles feront, qu'elles n'ont pas le temps de faire; et toutesfois, en ce qui regarde nostre perfection, qui consiste en l'union de nostre ame avec la divine Bonté, il n'est question que de peu sçavoir et de beaucoup faire.

  A006000319 

 Mais je voudrais bien que l'on remarquast que quand je dis qu'il faut faire, j'entends tousjours parler de la partie superieure de nostre ame; car pour toutes les repugnances de l'inferieure il ne se faut non plus estonner que les passans font des chiens qui abbayent de loin.

  A006000320 

 Il luy respondroit: ne mangez point de telles ou telles viandes, parce qu'elles engendrent des crudités qui causent par apres des douleurs; elle ne voudroit pourtant pas s'en abstenir.

  A006000320 

 Mais vous dites que vous demeurez tousjours si foible, qu'encor que vous fassiez souvent des fortes resolutions de ne pas tomber en l'imperfection dont vous desirez de vous amender, l'occasion se presentant vous ne laissez pas de donner du nez en terre.

  A006000320 

 Voulez-vous que je vous die pourquoy nous demeurons si foibles? c'est parce que nous ne voulons pas nous abstenir des viandes mal saines; comme si une personne laquelle voudroit bien n'avoir point de mal d'estomac, demandoit à un medecin comment elle pourroit faire.

  A006000321 

 Au reste, ce n'est pas estre foible de tomber quelquesfois en des pechés veniels, pourveu que nous nous en relevions tout incontinent par un retour de nostre ame en Dieu, nous humiliant tout doucement.

  A006000321 

 Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000322 

 Et pourquoy cela, sinon parce que Nostre Seigneur voyant qu'elles ne se feroyent pas grand mal en tombant, les a laissées marcher toutes seules, ce qu'il n'a pas fait lors qu'elles estoyent dans les precipices des grandes tentations, d'où il les a tirées par sa main toute-puissante.

  A006000322 

 Nous avons souvent veu des ames supporter courageusement des grands assauts sans estre vaincues par leurs ennemis, lesquelles par apres ont esté surmontées en des bien legers rencontres.

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000330 

 Il se trouve par tout des exemples admirables de la perseverance, mais particulierement dans la vie de saint Pachome.

  A006000330 

 Il y a des moines qui ont perseveré avec une patience incroyable à ne faire toute leur vie qu'un mesme exercice, comme le bon Pere Jonas qui ne fit jamais en sa vie autre chose, outre le jardinage, que des nattes, et s'estoit tellement habitué à cela qu'il les faisoit sa fenestre fermée, en meditant et faisant oraison; l'un ne luy empeschoit point l'autre, de sorte qu'on le trouva mort les genoux croisés et sa natte attachée dessus: il mourut en faisant ce qu'il avoit fait toute sa vie.

  A006000330 

 Si nous voulions suivre tous les mouvemens de nostre esprit, ou qu'il nous fust possible de le faire sans qu'il y eust du scandale ou du deshonneur, nous ne verrions autre chose que des changemens: ores nous voudrions estre en [159] une condition, et peu apres nous en chercherions une autre, tant ceste inconstance de l'esprit humain est extravagante; mais il la faut arrester avec les forces de nos premieres resolutions, à fin de vivre également parmi les inégalités de nos sentimens et des evenemens..

  A006000331 

 Or, pour mieux nous affectionner à l'obeissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considerations de son excellence, de sa beauté et de son merite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre: cela s'entend pour les ames qui ne sont pas encore bien establies en l'obeissance; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust dela chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne.

  A006000332 

 Cela procede de ce qu'il nous fasche d'assujettir nostre entendement, car c'est la derniere piece que nous sousmettons, et neantmoins il est entierement necessaire que nous assujettissions nostre pensée à certains objets; de maniere que quand on nous marque des exercices ou pratiques de vertu, il faut que nous demeurions en ces exercices et que nous y assujettissions nostre esprit.

  A006000332 

 Je n'appelle pas manquer à la perseverance quand nous faisons quelques petites interruptions, pourveu que nous ne quittions pas tout à fait; comme ce n'est pas manquer à l'obeissance de manquer à quelques unes de ses conditions, attendu que nous ne sommes pas obligés sinon à la substance des vertus et non pas aux conditions.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000335 

 Si neantmoins au signe de ma repugnance je joins des paroles qui tesmoignent apertement que je n'ay point d'envie de faire ce dont ceste Sœur me prie, elle peut et doit me dire doucement que je ne le fasse pas, quand ce sont personnes égales; car il faut que ceux qui ont authorité tiennent ferme et fassent plier leurs inferieurs.

  A006000336 

 Nous devons tous estre capables des defauts les uns des autres, et ne faut en façon quelconque s'estonner d'en rencontrer; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons par apres un autre temps que nous ne ferons que faillir et ferons plusieurs grandes imperfections, de la suite desquelles il faut profiter par l'abjection qui nous en revient.

  A006000337 

 Demeurez donc, ma chere fille, parfaitement abandonnée à sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laissez faire, jettant sur sa bonté tout le soin du corps et de l'ame, demeurant ainsi toute resignée, remise et reposée en Dieu, sous la conduite des Superieurs, sans soin que d'obeir..

  A006000337 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en l'attente, ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs, lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir tout d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000340 

 Bref, il faut avoir bon courage et ne dependre que de Dieu; car le caractere des Filles de la Visitation est de regarder en toutes choses la volonté de Dieu et la suivre..

  A006000340 

 Il arrive souvent qu'une personne petite et foible de corps et d'esprit, qui ne s'exercera qu'en des choses petites, les fera avec tant de charité qu'elles surpasseront beaucoup le merite des actions grandes et relevées; car pour l'ordinaire, ces actions relevées se font avec moins de charité, à cause de l'attention et de diverses considerations qui se font autour d'elles.

  A006000341 

 Vous m'avez autresfois demandé si l'on pouvoit faire des prieres particulieres: et je responds que quant à ces petites prieres qu'il vous vient quelquefois devotion de faire, il n'y a point de mal, pourveu que l'on ne [166] s'y attache pas, en sorte que ne les disant pas il vous en vienne du scrupule, ou que vous fissiez dessein de dire tous les jours, ou un an durant ou certain temps, quelque oraison à vostre fantasie; car cela, il ne le faut pas.

  A006000342 

 Il ne faut donc se prescrire de faire certain nombre de genuflexions, d'oraisons jaculatoires, et semblables pratiques par jour, ou durant quelque temps, sans le dire à la Superieure, bien qu'il faille estre fort fidelle en la pratique des eslevations et aspirations en Dieu.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 Il est porté dans le second Livre des Machabées, d'un nommé Rasias, lequel, poussé d'un zele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exposer aux coups, dont il sçavoit ne pouvoir eviter les blesseures et la mort; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jetta en l'air en presence de ses ennemis.

  A006000349 

 Or, je sçay bien que plusieurs ont fait des choses contre les commandemens de Dieu par l'instinct de cette obeissance, laquelle ne veut pas seulement obeir aux commandemens de Dieu et des Superieurs, mais aussi à leurs conseils et à leurs inclinations.

  A006000350 

 Les payens, tous meschans qu'ils estoyent, nous ont monstré exemple de cecy, car le diable parloit à eux en diverses sortes d'idoles: les unes estoyent des statues d'hommes, les autres des rats, des chiens, des lyons, des serpens et choses semblables; et ces pauvres gens adjoustoyent foy également à tous, obeissant à la statue d'un chien comme à celle d'un homme, à celle d'un rat comme à [172] celle d'un lyon, sans aucune difference.

  A006000351 

 O certes, le vray obeissant ne fait pas des [174] discours; il se met simplement en besogne, sans s'enquerir d'autre chose que d'obeir..

  A006000354 

 A ceste response, Naaman commença à se dépiter et dire: N'y a-t'il pas des eaux en nostre pays aussi bonnes que celles qui sont au fleuve Jourdain? et n'en voulut rien faire.

  A006000355 

 Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Regle de la Religion et les commandemens des Superieurs; elle prend ce chemin en simplicité [176] de cœur, sans pointiller si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi: pourveu qu'elle obeisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agreable à Dieu, pour l'amour duquel elle obeit purement et simplement..

  A006000357 

 Ce grand Saint, qui ne desiroit pas moins de dresser ses Religieux à une totale mortification des sens comme à la mortification interieure des passions et inclinations, appella Jonas et luy commanda que le lendemain il ne manquast à couper le figuier; à quoy le pauvre Jonas repliqua: Hé, mon Pere, encor faut-il un peu supporter ces jeunes gens; il les faut bien recréer en quelque chose; ce n'est pas pour moy que je le veux conserver.

  A006000357 

 Le pauvre [178] Jouas disoit fort veritablement que ce n'estoit pas pour luy qu'il vouloit garder le figuier; car on remarqua que de soixante et quinze ans qu'il vesquit en la Religion et qu'il fut jardinier, il n'avoit jamais tasté aucun fruict de son jardin, mais il en estoit fort liberal à l'endroit des Freres.

  A006000358 

 David ne fit qu'un simple souhait de boire de l'eau de la cisterne de Bethlehem, et soudain partirent trois chevaliers qui à teste baissée traverserent l'armée des ennemis et luy en allerent querir.

  A006000358 

 Ils furent extremement prompts à suivre le desir du roy; ainsi void-on que tant de grands Saints ont fait pour suivre les inclinations et les desirs qu'il leur sembloit que le Roy des roys, Nostre Seigneur, avoit.

  A006000358 

 Nostre Seigneur tout le temps de sa vie a donné des exemples continuels de ceste promptitude à l'obeissance, car il ne se peut rien voir de si souple ni de si prompt qu'il estoit à la volonté d'un chacun.

  A006000360 

 En ces paroles, jusques à la mort, est presupposé qu'il a esté obeissant tout le temps de sa vie, pendant lequel on ne void autre chose que des traits d'obeissance rendue par luy, tant à ses parents qu'à plusieurs autres, voire mesme à des impies et meschans; et comme il commença par ceste vertu, de mesme il paracheva par elle le cours de ceste vie mortelle..

  A006000361 

 Le bon Religieux Jonas nous fournit deux exemples sur le sujet de la perseverance; et bien qu'il n'obeist si promptement au commandement que saint Pachome luy donna, c'estoit neantmoins un Religieux de grande perfection: car dés qu'il entra en Religion jusques à la mort il continua en l'office de jardinier, sans jamais le changer durant soixante et quinze ans qu'il vescut en ce monastere; et l'autre exercice auquel il persevera aussi toute sa vie, comme je vous ay dit cy-devant, fut de faire des nattes de joncs entrelacés avec des feuilles [181] de palmes, tellement qu'il mourut en les faisant.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 Car ils donnent des advis en trois sortes: les uns par forme de commandement, les autres par forme de conseil, et les autres par forme de simple direction.

  A006000365 

 Dans les Constitutions et Regles [188] c'en est tout de mesme, car il y a des articles qui disent: Les Sœurs pourront faire telle chose, et d'autres qui disent: Elles feront, ou bien, se garderont de faire.

  A006000365 

 Et, bien qu'elles ne contreviennent pas à l'obeissance qu'elles ont vouée, qui est celle des commandemens et conseils, quand elles ne s'assujettissent pas à la suite de la direction, elles contreviennent neantmoins à l'obeissance amoureuse à laquelle toutes les Filles de la Visitation doivent pretendre..

  A006000365 

 Les uns sont des conseils et les autres des commandemens.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Le vray obeissant, dit l'Escriture Sainte, parlera de ses victoires; c'est à dire il demeurera vainqueur en toutes les difficultés esquelles il sera porté par obeissance, et sortira à son honneur des chemins esquels il entrera par obeissance, pour dangereux qu'ils puissent estre.

  A006000366 

 Nostre Seigneur a promis que le vray obeissant ne se perdra jamais; non certes, celuy qui suivra indistinctement la volonté et direction des Superieurs que Dieu establira sur luy.

  A006000368 

 Bien que l'on voye pour l'ordinaire en toutes les Religions les Novices fort exacts et mortifiés, ce n'est pas qu'ils soyent plus obligés que les Profés: ô non, car ils ne le sont encore nullement, ains ils perseverent en obeissance pour parvenir à la grace de la profession; mais les Profés y sont obligés en vertu des vœux qu'ils ont faits, lesquels il ne suffit pas d'avoir faits pour estre Religieux, si on ne les observe.

  A006000368 

 Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desapprouver ce que ceste Superieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas? O certes, non jamais, mes cheres filles; ains il faut approuver tout ce que les Superieures font ou disent, permettent ou defendent, pourveu qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obeir ni approuver cela.

  A006000368 

 [192] Mais ne seroit-il point loisible à une fille qui a desja vescu longuement en Religion, et qui y a rendu de grands services, de se relascher un peu à l'obeissance, au moins en quelque petite chose? O bon Dieu! que seroit cela, sinon faire comme un maistre pilote qui ayant amené sa barque au port, apres avoir longuement et peniblement travaillé pour la sauver des perils de la tourmente et des vagues de la mer, voudrait en fin, estant arrivé au port, rompre son navire et se jetter luy-mesme dans la mer? Ne le jugeroit-on pas bien fol? car s'il vouloit faire cela, il ne se devoit pas tant travailler pour amener la barque jusqu'au port.

  A006000369 

 Reste seulement de dire un petit mot sur la question [193] qui me fut faite hier au soir, sçavoir, s'il est loisible aux Sœurs de se dire l'une à l'autre qu'elles ont esté mortifiées par la Superieure ou la Maistresse des Novices sur quelque occasion.

  A006000370 

 D'aller aussi dire: Je viens de parler à nostre Mere, je suis aussi seche que j'estois auparavant, il n'y a que s'attacher à Dieu; pour moy je ne retire aucune consolation [194] des creatures, j'ay esté moins consolée que je n'estois; cela n'est pas à propos.

  A006000370 

 Mais en ce sens-là que vous dites, qu'il se faut bien attacher à Dieu, prenez garde que cherchant Dieu au defaut des creatures il ne se veuille laisser trouver; car il veut estre cherché avant toutes choses et au mespris de toute chose.

  A006000370 

 Quand donc nous sortons de devant la Superieure toutes seches et sans avoir receu une seule goutte de consolation, il faut que nous emportions nostre secheresse comme un baume precieux, comme l'on fait des affections que l'on reçoit en la sainte oraison, comme un baume, dis-je, et que nous ayons un grand soin de ne pas laisser respandre ceste liqueur precieuse qui nous a esté envoyée du Ciel comme un don tres-grand, à fin de parfumer nostre cœur de la privation de la consolation que nous pensions rencontrer és paroles de la Superieure..

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000372 

 Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur.

  A006000373 

 C'est d'un grand docteur, et grandement renommé, lequel composa un livre qu'il intitula: Des Dispensations et des Commandemens, lequel tombant un jour entre les mains du Pape, il jugea qu'il contenoit quelques propositions erronées; il l'escrivit à ce docteur à fin qu'il eust à les rayer de dessus son livre.

  A006000374 

 Abigaïl sçachant le dessein de David, s'en alla le lendemain au [199] devant de luy avec des presens pour l'appaiser, usant de ces termes: Monseigneur, que voudriez-vous faire à un fol? hier que mon mary estoit ivre, il parla mal, mais il parla en ivrogne et comme un fol.

  A006000374 

 L'on void encor assez souvent des sens mortifiés, parce que la propre volonté se mesle de les mortifier, et ce seroit une chose honteuse de se monstrer retifs à l'obeissance: que diroit-on de nous? mais de propre jugement, fort rarement on en trouve de bien mortifiés.

  A006000375 

 O Dieu! il ne faut pas faire ce jugement des Sœurs de ceans; car cela n'appartient qu'aux filles du monde de perdre l'asseurance quand 0n les advertit de leurs defauts.

  A006000375 

 Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez: Ma Sœur, cela n'est pas bien fait; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus [200] dextrement que l'on peut.

  A006000375 

 Vous dites que vous craignez d'advertir si souvent une Sœur des fautes qu'elle fait, parce que cela luy oste l'asseurance et la fait plustost faillir à force de craindre.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000380 

 Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité de cœur, n'ayant qu'une seule pretention et une seule fin en tout ce que vous ferez; mais n'imitez pas seulement la simplicité de l'amour des colombes en ce qu'elles n'ont tousjours qu'un paron pour lequel elles font tout et auquel seul elles veulent complaire, mais imitez-les aussi en la simplicité qu'elles pratiquent en l'exercice et au tesmoignage qu'elles rendent de leur amour; car elles ne font point tant de choses ni tant de mignardises, ains elles font simplement leurs petits gemissemens à l'entour de leurs colombeaux, et se contentent de leur tenir compagnie quand ils sont presens..

  A006000380 

 Les payens, voire ceux qui ont le mieux parlé des autres vertus, n'en ont eu aucune cognoissance, non plus que de l'humilité; car de la magnificence, de la liberalité, de [203] la constance, ils en ont fort bien escrit; mais de la simplicité et de l'humilité, rien du tout.

  A006000381 

 Or, ce que nous [204] disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés: L'Art d'aymer Dieu; car ces livres enseignent qu'il n'y a point d'autre art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettre en la pratique des choses qui luy sont agreables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquerir cest amour sacré, pourveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000383 

 Il est vray que par fois nous avons des grandes émotions en nostre interieur sur la rencontre d'une correction ou de quelqu'autre contradiction; mais ceste émotion ne provient pas de nostre volonté, ains tout ce ressentiment se passe en la partie inferieure; la partie superieure ne consent point à tout cela, ains elle aggrée, accepte et trouve bonne ceste rencontre.

  A006000383 

 Je n'entends pas pourtant de dire qu'il faille tesmoigner en nos émotions, des passions à l'exterieur ainsi que nous les avons en l'interieur; car ce n'est pas contre la simplicité de faire bonne mine en ce temps-là, ainsi que l'on pourroit penser.

  A006000383 

 La consideration des creatures ne l'esmeut point pour aucune chose, car elle refere tout au Createur..

  A006000386 

 Au surplus, les Superieurs doivent estre parfaits, ou du moins ils doivent faire les oeuvres des parfaits; et partant ils ont les oreilles ouvertes pour recevoir et entendre tout ce que l'on leur veut dire, sans s'en mettre beaucoup en peine.

  A006000387 

 Je vous responds: comme en toute autre action, bien qu'en celle-cy il y faut avoir une sainte liberté et franchise pour s'entretenir des sujets qui servent à l'esprit de joye et de recreation.

  A006000387 

 Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement.

  A006000389 

 C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considerations quand nous nous voyons faire des defauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses necessaires à dire à la Superieure; car dites-moy, la Superieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire la correction ou non? Mais que sçay-je moy à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose? dites-vous.

  A006000389 

 La Regle qui commande de procurer l'amendement des Sœurs par le moyen des advertissemens, ne nous commande pas d'estre si considerées [212] en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ceste accusation.

  A006000390 

 Il y a des ames qui ne veulent, à ce qu'elles disent, estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort.

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000392 

 Mais à quoy servent aussi les desirs si pressans et inquietans des vertus dont la pratique ne nous est pas necessaire? La douceur, l'amour de nostre abjection, l'humilité, la douce charité et cordialité envers le prochain, l'obeissance, sont des vertus dont la pratique nous doit estre commune, d'autant qu'elle nous est necessaire, parce que la rencontre des occasions nous en est frequente; mais quant à la constance, à la magnificence, et telles autres vertus que peut estre nous n'aurons jamais occasion de pratiquer, ne nous en mettons point en peine; nous n'en serons pas pour cela moins magnanimes ni genereux.

  A006000393 

 Et pour cela, qu'elles tiennent leur ame ferme en ce train, sans permettre qu'elle se divertisse à faire des retours sur elle-mesme, pour voir ce qu'elles font ou si elles sont satisfaites.

  A006000394 

 Cest exercice d'abandonnement continuel de soy-mesme és mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices en sa tres-parfaite simplicité et pureté; et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer.

  A006000394 

 Les amantes [217] spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voirement de temps en temps, comme les colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancées au gré de leur Amant; et cela se fait és examens de la conscience par lesquels elles se nettoyent, purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour estre parfaites, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progrés au bien, mais pour obeir à l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent et pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner du contentement.

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000396 

 Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice.

  A006000397 

 Alors encor l'amour naturel du sang, des convenances, des bien-seances, des correspondances, des sympathies, des graces sera purifié et reduit à la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon plaisir divin; et certes, le grand [219] bien et le grand bon-heur des ames qui aspirent à la perfection seroit, de n'avoir nul desir d'estre aymées des creatures, sinon de cest amour de charité qui nous fait affectionner le prochain et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur..

  A006000400 

 La vraye vertu de prudence doit estre veritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui [221] donne goust et saveur à toutes les autres vertus; mais elle doit estre tellement pratiquée des Filles de la Visitation, que la vertu d'une simple confiance surpasse tout; car elles doivent avoir une confiance toute simple, qui les fasse demeurer en repos entre les bras de leur Pere celeste et de leur tres-chere Mere Nostre Dame, devant estre asseurées qu'ils les protegeront tousjours de leur soin tres-aymable, puisqu'elles sont assemblées pour la gloire de Dieu et l'honneur de la tres-sainte Vierge.

  A006000406 

 Pour le mieux entendre il faut donner des exemples qui soyent hors de nous, et apres, nous [224] reviendrons à nous-mesmes.

  A006000407 

 Au contraire, l'esprit particulier des autres est voirement de s'unir à Dieu et au prochain, mais c'est par le moyen de l'action, quoy que spirituelle.

  A006000407 

 Les autres ont un esprit severe et rigoureux, avec un parfait mespris du monde et de toutes ses vanités et sensualités, voulans par leur exemple induire les hommes à ce mespris des choses de la terre; et à cela, sert l'aspreté de leurs habits et exercices.

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000408 

 Quant à la fin de vostre Institut, il ne la faut pas chercher en l'intention des trois premieres Sœurs qui commencerent, non plus que celle des Jesuites au premier dessein qu'eut saint Ignace; car il ne pensoit à rien moins qu'à faire ce qu'il a fait par apres, comme de mesme saint François, saint Dominique et les autres qui ont commencé des Religions.

  A006000409 

 Chacun sçait que les richesses et les biens de la terre sont des puissans attraits pour dissiper l'ame, tant pour la trop grande affection qu'elle y met, que pour les sollicitudes qu'il faut avoir pour les garder, voire pour les accroistre, d'autant que l'homme n'en a jamais assez selon ce qu'il desire.

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000410 

 Et si bien les austerités sont bonnes en elles-mesmes et sont des moyens de parvenir à la perfection, elles ne seroyent pas pourtant bonnes chez vous, d'autant que ce seroit contre les Regles..

  A006000410 

 Tous les anciens Peres ont determiné que, où l'aspreté des mortifications corporelles manque, il y doit avoir plus de perfection d'esprit; il faut donc que l'humilité envers Dieu et la douceur envers le prochain supplée en vos maisons à l'austerité des autres.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000411 

 Vous me direz peut estre: S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien [229] faire des austerités plus que les autres, avec la permission de la Superieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas? je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe.

  A006000412 

 Et s'il se rencontre des Sœurs qui ayent des corps forts et robustes, à la bonne heure; il ne faut pas [230] pourtant qu'elles veuillent aller plus viste que celles qui sont foibles..

  A006000412 

 Que s'il y avoit une Sœur qui fust si genereuse et courageuse que de vouloir parvenir à la perfection dans un quart d'heure, faisant plus que la Communauté, je luy conseillerois qu'elle s'humiliast et se sousmist à ne vouloir estre parfaite que dans trois jours, allant le train des autres.

  A006000413 

 Il estoit à pied, et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les benedictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et au Seigneur des Anges et des hommes; et en fin il fut mieux partagé que son frere, qui estoit si bien accompagné..

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000415 

 Il y a certes moins à faire à estre exacte en l'observance des Regles, que non pas de les vouloir observer en partie..

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Elle tranche court à toutes les inventions de son amour propre, lequel prend une souveraine delectation à faire des entreprises de choses grandes et excellentes et qui nous font surestimer au dessus des autres.

  A006000418 

 O non, car la perfection ne consiste point és austerités; encore que ce soyent des bons moyens d'y parvenir, et qu'elles soyent bonnes en elles-mesmes, neantmoins pour nous elles ne le sont pas, parce qu'elles ne sont pas conformes à.

  A006000419 

 A cela je vous responds que ce n'est pas une regle generale qu'il faille faire tout ce à quoy on a de la repugnance, non plus que de s'abstenir des choses auxquelles on a de l'inclination; car si une Sœur a de l'inclination à dire l'Office divin, il ne faut pas qu'elle laisse d'y assister sous pretexte de se vouloir mortifier.

  A006000419 

 Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre..

  A006000420 

 Mais remarquez que ce que j'ay dit plusieurs fois, qu'il faut estre fort ponctuelles à l'observance des Regles et à la moindre petite dependance, ne se doit pas entendre d'une ponctualité de scrupule: ô non, car cela n'a pas esté mon intention; mais d'une ponctualité de chastes espouses, qui ne se contentent pas d'éviter de desplaire à leur celeste Espoux, ains veulent faire tout ce qu'elles peuvent pour luy estre tant soit peu plus agreables.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000421 

 Elle pouvoit bien dire: La loy n'est pas faite pour mon tres-cher Fils ni pour moy, elle ne nous oblige aucunement; mais puisque le reste des hommes y est obligé et l'observe, nous nous y sousmettons tres-volontiers pour nous conformer à un chacun d'eux, et n'estre singuliers en aucune chose.

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000422 

 Vous sçavez bien que la colombe se tient en asseurance aupres de ces eaux parce qu'elle y void les ombres des oyseaux de proye qu'elle redoute, et soudain qu'elle les void, elle prend la fuite et ainsi ne peut estre surprise.

  A006000422 

 Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux? Ainsi certes le font tous les vrays amans, car ils n'evitent pas seulement la prevarication de la loy, mais ils evitent aussi l'ombre de la prevarication; et c'est pourquoy l'Espoux dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000424 

 N'y a-t'il donques point d'exception en Religion? les Regles obligent-elles également? Ouy sans doute, mais il y a des loix qui sont justement injustes.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000428 

 Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits.

  A006000428 

 Il se trouve beaucoup de personnes qui renoncent à leur propre volonté, les uns pour un sujet, les autres pour un autre; je ne dis pas seulement en Religion, mais parmi les seculiers et dans les cours des princes mesmes.

  A006000428 

 Nul ne peut douter, mes cheres filles, que cecy ne soit fort contraire à la perfection, car il produit pour l'ordinaire des inquietudes d'esprit, des bijarreries, des murmures, et en fin il nourrit l'amour de sa propre estime; de maniere donc que la propre opinion ni le propre jugement ne doit pas estre aymé ni estimé..

  A006000428 

 Sur quoy je responds qu'estre sujet à avoir des propres opinions ou n'y estre pas, est une chose qui n'est ni bonne ni mauvaise, d'autant que cela est tout naturel.

  A006000429 

 Et comme ceux-cy seroyent estimés peu attentifs à leur perfection et personnes inutilement occupées, s'ils vouloyent s'arrester à considerer leurs propres opinions, de mesme les Superieurs devroyent estre estimés peu capables de leurs charges, s'ils ne formoyent leurs opinions et ne vouloyent en fin prendre des resolutions, quoy qu'ils ne s'y doivent pas complaire ni s'y attacher, car cela seroit contraire à leur perfection..

  A006000429 

 Mais il faut que je vous die qu'il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme sont les Evesques, les Superieurs qui ont charge des autres, et tous ceux qui ont gouvernement; les antres ne le doivent nullement faire, si l'obeissance ne le leur ordonne; car autrement ils perdroyent le temps qu'ils doivent employer à se tenir fidellement aupres de Dieu.

  A006000430 

 Le grand saint Thomas, qui avoit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pregnantes qu'il pouvoit; et neantmoins, s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon, [245] ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur; en quoy il tesmoignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non.

  A006000430 

 Les Apostres n'estoyent pas attachés à leurs propres opinions, non pas mesme és choses du gouvernement de la sainte Eglise, qui estoit un affaire si important: si qu'apres qu'ils avoyent determiné l'affaire par la resolution qu'ils en avoyent prise, ils ne s'offençoyent point si on opinoit là-dessus; et si quelques-uns refusoyent d'agréer leurs opinions, quoy qu'elles fussent bien appuyées, ils ne recherchoyent point de les faire recevoir par des disputes ni contestes..

  A006000432 

 Il se trouve aussi des esprits grands et fort capables qui ne sont point sujets à ceste imperfection, ains se demettent fort volontiers de leurs opinions, bien qu'elles soyent tres-bonnes.

  A006000432 

 Il y a certes des grands esprits qui sont fort bons, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveüe, car apres il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'autant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire.

  A006000433 

 D'estre donc sujets à faire estime de nostre propre jugement, et pour cela de s'enfoncer à la recherche des raisons propres à soustenir ce que nous avons une fois compris et trouvé bon, est une chose toute naturelle; mais de s'y laisser aller et s'y attacher, seroit une imperfection notable.

  A006000433 

 Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laisserent pas pour cela d'estre grands Saints et fort agreables à Dieu; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imperfections ou des inclinations contraires à la vraye vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir perseverer en icelles; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoy que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela.

  A006000433 

 La grande sainte Paule estoit opiniastre à soustenir l'opinion qu'elle s'estoit formée de [247] faire des grandes austerités, plustost que de se sousmettre à l'advis de plusieurs qui luy conseilloyent de s'en abstenir; et de mesme plusieurs autres Saints, lesquels estimoyent qu'il falloit grandement macerer le corps pour plaire à Dieu, en sorte qu'ils refusoyent pour cela d'obeir au medecin et de faire ce qui estoit requis à la conservation de ce corps perissable et mortel.

  A006000434 

 Il faut mesme opiner aucune fois sur les opinions des autres et remonstrer les raisons sur quoy nous appuyons les nostres; mais il faut que cela se fasse modestement et humblement, sans mespriser l'advis des autres, ni contester pour faire recevoir les nostres..

  A006000434 

 Vous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme: Helas! qu'ay-je à faire de telle chose, puisqu'elle ne m'est pas commise? Il est tousjours beaucoup [248] mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre esprit pour nous faire croire que nous avons tort; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est preoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change; de sorte qu'au lieu d'aneantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre pour bonne.

  A006000435 

 Sans doute que ce seroit là nourrir et maintenir nostre inclination, et par conséquent commettre de l'imperfection; car c'est [249] la vraye marque que l'on ne s'est pas sousmis à l'advis des autres et que l'on prefere tousjours le sien particulier.

  A006000436 

 Car l'oraison n'est autre chose qu'une application totale de nostre esprit avec toutes ses facultés en Dieu: or, estant lassé à la poursuite des choses inutiles, il se rend d'autant moins habile et apte à la consideration des mysteres sur lesquels on veut faire l'oraison..

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000437 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire sur le sujet de la premiere question, par laquelle nous avons esté enseignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose [250] contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par consequent.

  A006000440 

 Des esprits bien faits ne s'arrestent point à ces niaiseries et fades tendretés, qui ne sont propres qu'à nous arrester en la voye de nostre perfection.

  A006000442 

 O Dieu! mes cheres filles, cela sont des enfances; il faut aller simplement.

  A006000444 

 Marcher simplement, c'est la vraye voye des Filles de la Visitation, qui est grandement agreable à Dieu et tres-asseurée..

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000446 

 Je desire grandement [257] que l'on distingue tousjours les effets de la partie superieure de nostre ame d'avec les effets de la partie inferieure, et que nous ne nous estonnions jamais des productions de l'inferieure, pour mauvaises qu'elles puissent estre; car cela n'est nullement capable de nous arrester en chemin, pourveu que nous nous tenions fermes en la partie superieure, pour aller tousjours avant au chemin de la perfection, sans nous amuser et perdre le temps à nous plaindre que nous sommes imparfaits et dignes de compassion, comme si on ne devoit faire autre chose que de plaindre nostre misere et infortune d'estre si tardifs à venir à chef de nostre entreprise..

  A006000447 

 Que si neantmoins il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la premiere occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes..

  A006000449 

 C'en est de mesme des redditions de compte comme de la confession; il faut avoir une égale simplicité en l'un comme en l'autre.

  A006000450 

 Il faut bien apprendre à souffrir un peu genereusement ces petites choses auxquelles nous ne pouvons pas mettre du remerle, estant des productions, pour l'ordinaire, de nostre nature imparfaite: comme sont ces inconstances d'humeurs, de volontés, de desirs, qui produisent tantost un peu de chagrin, tantost une envie de parler et puis, tout pour un coup, une aversion grande de le faire, et choses semblables, auxquelles nous sommes sujets et le serons tant que nous vivrons en ceste vie perissable et passagere.

  A006000451 

 Mais j'ay fait une faute à l'endroit de la Superieure, dira quelqu'une, et partant j'entre en des apprehensions qu'elle ne m'en sçache mauvais gré; et en un mot, elle ne m'aura pas en si bonne estime qu'elle m'avoit.

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000454 

 O Dieu! ma Mere, nos Soeurs sont tellement resolues d'aymer la mortification, que ce sera une chose agreable de les voir: la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des secheresses, des repugnances, tant elles sont desireuses de se rendre semblables à leur Espoux.

  A006000459 

 Or, la pratique des conseils qu'il faut que nous pratiquions nous autres, sont ceux qui sont compris dans nos Regles..

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoye des Anges pour les nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, és choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos ames.

  A006000461 

 Ce que pour vous mieux faire entendre, il faut que je vous die ce que j'ay leu ces jours passés dans la Vie du grand saint Anselme, où il est dit que durant tout le temps qu'il fut Prieur et Abbé de son Monastere, il fut extremement aymé d'un chacun, parce qu'il estoit fort [266] condescendant, se laissant plier à la volonté de tous, non seulement des Religieux, mais aussi des estrangers.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000462 

 Outre cela, Nostre Seigneur n'a-t'il pas dit que si nous ne sommes faits comme un petit enfant nous n'entrerons point au Royaume des cieux? Ne vous estonnez donc point si je suis doux et facile à condescendre comme un enfant, puisqu'en cela je ne fais que ce qui m'a esté ordonné par mon Sauveur.

  A006000464 

 Il n'y a pas aussi grand danger de passer ainsi ou ainsi les joncs à faire des nattes; mais il y auroit bien du danger si nous n'avions à cœur ceste [269] parole tant celebre du Sauveur: Si vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'aurez point de part au Royaume de mon Pere.

  A006000464 

 Saint Pachome faisant un jour des nattes, il y eut un enfant lequel regardant ce que faisoit le Saint, luy dit: O mon Pere, vous ne faites pas bien; ce n'est pas ainsi qu'il faut faire.

  A006000466 

 A la premiere, il faut estre bien fort pour embrasser volontiers ces volontés qui sont si contraires à la nostre, qui ne voudroit point estre contrariée; et cependant pour l'ordinaire, il faut grandement souffrir en ceste pratique de suivre les volontés [270] des autres, qui sont pour la pluspart differentes de la nostre.

  A006000466 

 Or, pour dire un mot de la volonté des creatures, elle se peut prendre en trois façons: par maniere d'affliction, par maniere de complaisance, ou bien sans propos ou hors de propos.

  A006000468 

 C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des inclinations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les defauts de leurs inferieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par consequent sujets à avoir des inclinations et des passions; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent [272] parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire.

  A006000468 

 Que si l'on doit ainsi condescendre à la volonté d'un chacun, beaucoup plus le doit-on faire à celle des Superieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu mesme; aussi sont-ils ses lieutenans.

  A006000470 

 Il ne s'en faut pas estonner, puisque l'Espoux dit au Cantique des Cantiques que le lieu où il se repose est au midy.

  A006000470 

 Je m'en vay vous donner encor un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire de l'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieurs.

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 Premierement, je voudrois qu'on portast un grand honneur aux confesseurs; car, outre que nous sommes fort obligés d'honnorer le sacerdoce, nous les devons regarder comme des Anges que Dieu nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté.

  A006000471 

 Que si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous apprehendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre: J'en ay, mon Pere, mais par la grace de Dieu, je ne pense pas y avoir offencé sa Bonté; mais jamais ne dites qu'on vous a defendu de vous confesser de cecy ou de cela.

  A006000472 

 Il faut eviter les extremités; car, comme il n'est pas bon de supporter des notables defauts en la confession, aussi ne faut-il pas estre si delicates qu'on n'en puisse supporter quelques petits..

  A006000472 

 Mais cecy ne se doit pas faire à la legere et pour des causes de rien.

  A006000473 

 Il faut que la colere soit déreglée, ou qu'elle nous porte à des actions déreglées, pour estre peché.

  A006000473 

 Je veux dire que celles qui n'auront rien remarqué qui fust digne de l'absolution, dissent quelque peché particulier; car de dire qu'on s'accuse d'avoir eu plusieurs mouvemens de colere, de tristesse et ainsi des autres, cela n'est pas à propos; car la colere et la tristesse sont des passions, et leurs [276] mouvemens ne sont pas pechés, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les empescher.

  A006000474 

 Dites seulement le mal que vous avez fait, et non pas la cause et ce qui vous y a poussée; et jamais, ni directement ni indirectement, ne descouvrez le mal des autres en accusant le vostre, et ne donnez jamais sujet au confesseur de soupçonner qui c'est qui a contribué à vostre peché.

  A006000474 

 Vous avez eu des pensées d'imperfection sur le prochain, des pensées de vanité, voire mesme de plus mauvaises; vous avez eu des distractions en vos oraisons; si vous vous y estes arrestées deliberément, dites-le à la bonne foy, et ne soyez pas contentes de dire que vous n'avez pas apporté assez de soin à vous tenir recolligées durant le temps de l'oraison; mais si vous avez esté negligentes à rejetter une distraction, dites-le, car ces accusations generales ne servent de rien à la confession..

  A006000475 

 Certes, on a beaucoup d'obligation de le faire; car il semble que ce soyent des messagers celestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de salut.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000481 

 Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les seculiers, lesquels toutesfois n'entendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aversions pour des grosses malveillances, des petits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises.

  A006000481 

 Il faut estre spirituel pour entendre le langage des ames spirituelles..

  A006000481 

 La Superieure qui s'apperçoit de cela doit, par forme de discours cordial et humble, donner à entendre à tel confesseur la maniere d'agir des Filles de l'Institut.

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000487 

 Quant à l'acte de contrition, il faut avoir un vray regret du mal passé et une bonne resolution de ne le plus commettre; et à cest effect, le Confiteor, qui est la confession generale des Chrestiens, se doit dire bien devotement devant Dieu.

  A006000490 

 Ce qui fait que la benediction [284] des Evesques efface les pechés veniels, c'est à cause de l'humilité et acte de sousmission que font ceux qui la demandent.

  A006000493 

 Mais en nos entretiens familiers, je viens en qualité de chirurgien, n'apportant que des emplastres et cataplasmes pour appliquer sur les playes de mes cheres filles; et, bien qu'elles crient un peu holà, je ne lairray pas de presser ma main pour faire mieux tenir l'emplastre, et les guerir par ce moyen.

  A006000493 

 Ne voyez-vous pas que quand je presche au choeur devant les seculiers, comme [286] barbier, je ne fay point de mal? Je ne jette que des parfums, je ne parle que des vertus et des choses propres à consoler nos ames; je joüe un peu du flageolet, parlant des louanges que nous devons rendre à Dieu.

  A006000496 

 Mais il y a des personnes qui ont si grand peur d'avoir de l'aversion à ceux qu'ils ayment par inclination, qu'ils en fuyent la conversation, de crainte qu'ils ont de rencontrer quelque defaut qui leur oste la suavité de leur affection et de leur amitié..

  A006000496 

 Or, de ces aversions naturelles il n'en faut pas faire grand cas, non plus que des inclinations, pourveu que nous sousmettions le tout à la raison.

  A006000498 

 Je dis donc: quand ce sont des simples aversions naturelles il n'en faut faire aucun estat, ains s'en divertir sans faire semblant de rien et tromper ainsi nostre esprit.

  A006000499 

 De vouloir lire pour contenter la curiosité, est une marque que nous avons encore un peu l'esprit leger, et qu'il ne s'amuse pas assez à faire le bien qu'il a apprins en ces petits livres de la pratique des vertus; car ils parlent fort bien de l'humilité et de la mortification, que l'on ne pratique pourtant pas lors que l'on ne les accepte pas de bon cœur..

  A006000499 

 La seconde demande est: Comment on se doit comporter en la reception des livres que l'on nous donne à lire? La Superieure donnera à une des Sœurs un livre qui traitte fort bien des vertus; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le lira avec une negligence d'esprit; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans [291] ce livre, et qu elle auroit plus de desir que l'on luy en fist lire un autre.

  A006000500 

 Tout cela sont des enfances.

  A006000501 

 La troisiesme demande est si nous nous devons estonner de voir des imperfections entre nous autres, ou mesmes aux Superieures.

  A006000502 

 Certes, il y a beaucoup de gens qui se trompent grandement en ce qu'ils croyent [294] que les personnes qui font profession de la perfection ne devroyent point broncher en des imperfections, et particulierement les Religieux, parce qu'il leur semble qu'il ne faille qu'entrer en la Religion pour estre parfaits, ce qui n'est pas; car les Religions ne sont pas pour amasser des personnes parfaites, mais des personnes qui ayent le courage de pretendre à la perfection..

  A006000502 

 Il faut tousjours demeurer humbles et ne pas croire que nous ayons les vertus, encore que nous ne fassions pas, au moins que nous cognoissions, des fautes qui leur sont contraires.

  A006000503 

 Helas! mes cheres filles, si l'on ne vouloit mettre des Superieurs et Superieures sinon qu'ils fussent parfaits, il faudroit prier Dieu de nous envoyer des Saints ou des Anges pour l'estre, car des hommes nous n'en trouverons point.

  A006000503 

 Mais que faudroit-il faire si l'on voyoit de l'imperfection aux Superieures aussi bien qu'aux autres? ne faudroit-il pas s'en estonner? car on ne met pas des Superieures imparfaites, dites-vous.

  A006000504 

 En un mot, mes cheres filles, ressouvenons-nous des paroles du grand Apostre saint Paul: La charité ne pense point de mal; voulant dire que dés qu'elle le void elle s'en destourne, sans y penser ni s'amuser à le considerer..

  A006000504 

 Ne pensons pas, tandis que nous serons en ceste vie, de pouvoir vivre sans commettre des imperfectoins; car il ne se peut, soit que nous soyons Superieurs, soit que nous soyons inferieurs, puisque nous sommes tous hommes, et par consequent avons tous besoin de croire ceste verité comme tres-asseurée, à fin que nous ne nous estonnions pas de nous voir tous sujets à des imperfections.

  A006000507 

 Il faut aussi prendre garde de ne nous pas estonner si nous avons des passions, car nous n'en serons jamais exempts; ces hermites qui voulurent dire le contraire furent censurés par le sacré Concile, et leur opinion condamnée et tenue pour erreur.

  A006000508 

 Les Sœurs ne doivent pas s'estonner dequoy la Superieure commet des imperfections, puisque saint Pierre, tout Pasteur qu'il estoit de la sainte Eglise et Superieur universel de tous les Chrestiens, tomba bien en defaut, et tel qu'il en merita correction, ainsi que dit saint Paul.

  A006000509 

 La Religion est une ruche mystique toute pleine d'abeilles celestes, lesquelles sont assemblées pour mesnager le miel des celestes vertus; et pour cela il faut que la Superieure, qui est entre elles [300] comme leur roy, soit soigneuse de les tenir de pres pour leur apprendre la façon de les acquerir et conserver.

  A006000509 

 Les abeilles sortent bien voirement de leur ruche, mais ce n'est que par necessité ou utilité, et demeurent peu sans y retourner; et principalement le roy des abeilles ne sort que rarement, comme quand il se fait un essaim d'abeilles, qu'il est tout environné de son petit peuple.

  A006000509 

 Mais les Religieux et Religieuses ne se doivent jamais amuser avec les seculiers, sous pretexte d'acquerir des amis pour leur Congregation.

  A006000509 

 O certes, il n'est pas besoin de cela, car s'ils se tiennent dedans pour bien faire ce qui est de leur charge, ils ne doivent point douter que Nostre Seigneur ne pourvoye assez leur Congregation des amis qui leur sont necessaires..

  A006000509 

 Vous demandez en quatriesme lieu, s'il arrivoit un jour qu'une Superieure eust tant d'inclination de complaire aux personnes seculieres, sous pretexte de leur profiter, qu'elle en laissast le soin particulier qu'elle doit avoir des filles qui sont en sa charge, ou bien qu'elle n'eust pas assez de temps pour faire ce qui est des affaires de la maison, à cause qu'elle demeureroit trop longuement au parloir, si elle ne seroit pas obligée de retrancher ceste inclination, encore que son intention fust bonne.

  A006000510 

 Mais s'il fasche à la Superieure de rompre compagnie quand on sonne les Offices pour y aller, de crainte de mescontenter ceux avec qui elle parle? Il ne faut pas estre si tendre; car si ce ne sont des personnes de grand respect, ou bien qui ne viennent que fort rarement ou qui sont de loin, il ne faut pas quitter les Offices ni l'oraison, si la charité ne le requiert absolument.

  A006000510 

 Quant aux visites ordinaires des personnes desquelles on se peut librement dispenser, la Portiere doit dire que nostre Mere ou les Sœurs sont en l'oraison ou à l'Office; s'il leur plaist d'attendre ou de [301] revenir, Mais s'il arrive que pour quelques grandes necessités l'on aille au parloir pendant ce temps là, qu'au moins l'on reprenne du temps apres pour refaire l'oraison, tant qu'il se pourra; car de l'Office, nul ne doute que l'on ne soit obligé de le dire..

  A006000511 

 Il nous faut eviter soigneusement toutes ces choses qui nous font paroistre quelque chose au dessus des autres, je veux dire suréminent [302] et remarquable.

  A006000511 

 Or, pour le regard de la derniere question, qui est si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de necessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs.

  A006000512 

 Pleust à Dieu, mes cheres Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer! l'on verroit bien tost des grands changemens en eux, qui reussiroyent à la gloire de Dieu et au salut de leurs ames.

  A006000512 

 Qu'y a-t'il plus à dire? Comment il faut faire pour bien conserver l'esprit de la Visitation et empescher qu'il ne se dissipe? L'unique moyen est de le tenir enfermé et enclos dans l'observance des Regles.

  A006000514 

 Ce qui a esté obmis de l'Entretien des Aversions.

  A006000516 

 L'on demande si l'on se peut plaindre au Superieur ou confesseur quand l'on a des insatisfactions de la Superieure.

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000520 

 Si c'estoit pour tout un Caresme ou pour manger des viandes prohibées, il faudroit licence du Superieur.

  A006000525 

 Deux choses sont requises pour donner sa voix comme il convient à telles personnes: la premiere, que ce soit à des personnes bien appellées de Dieu; la seconde, qu'elles ayent les conditions requises pour nostre maniere de vivre.

  A006000526 

 D'autres sont incités d'entrer en [311] Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le defaut de la santé ou beauté corporelle; et quoy que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes.

  A006000526 

 En fin les voyes de Dieu sont incomprehensibles, et ses jugemens inscrutables et admirables en la varieté des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses creatures à son service, lesquels doivent estre tous honnorés et reverés..

  A006000529 

 Ce n'est pas donques par ces divers mouvemens et sentimens qu'il faut juger de la fermeté et constance de la volonté au bien que l'on a une fois embrassé; mais ouy bien si parmi ceste varieté de divers mouvemens la volonté demeure ferme à ne point quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'elle sente le dégoust ou le refroidissement en l'amour de quelque vertu, et qu'elle ne laisse pour cela de se servir des moyens qui luy sont marqués pour l'acquerir.

  A006000529 

 Non, je ne dis pas cela; ni moins que ceste fermeté et constance soit telle qu'elle la rende exempte de faire des fautes, ni que pour cela elle soit si ferme qu'elle ne vienne jamais à chancelier ni varier en l'entreprise qu'elle a faite de pratiquer les moyens qui la peuvent conduire à la perfection.

  A006000530 

 Doncques, pour sçavoir si Dieu veut que l'on soit Religieux, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensiblement, ou qu'il nous envoye quelque Ange du Ciel pour nous signifier sa volonté; ni moins est-il besoin d'avoir des revelations sur ce sujet.

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000532 

 Il se sert quelquefois de la predication, d'autres fois de la lecture des bons livres.

  A006000532 

 Les autres ont esté appellés par des ennuis, desastres et afflictions qui leur survenoyent au monde; ce qui leur a donné sujet de se despiter contre luy et l'abandonner.

  A006000534 

 J'ay apprins de bonne part qu'un gentilhomme de nostre âge, brave d'esprit et de corps, de fort bon lieu, voyant passer des Peres Capucins, dit aux autres seigneurs avec lesquels il estoit: Il me prend envie de sçavoir comme vivent ces pieds deschaux et de me rendre parmi eux, non point à dessein d'y tousjours demeurer, mais seulement pour un mois ou trois semaines, à fin de mieux remarquer ce qu'ils font, pour puis apres m'en rire et mocquer avec vous autres.

  A006000535 

 Il y en a encor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy: c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque defaut naturel, comme pour estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil defaut; et, ce qui semble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs peres et meres, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement defectueux, les laissent au coin du feu et disent: Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion; il luy faut procurer quelque benefice, ce sera autant de descharge pour nostre maison.

  A006000535 

 Les enfans se laissent conduire où l'on veut, sous espoir de vivre des biens de l'autel.

  A006000535 

 Mais Dieu bien souvent en cecy fait voir la grandeur de sa clemence et misericorde, employant ces intentions, qui d'elles-mesmes ne sont aucunement bonnes, pour faire de ces personnes-là des grands serviteurs de sa divine Majesté; et en cecy il se fait voir admirable..

  A006000536 

 Ainsi ce divin Artisan se plaist à faire des beaux edifices avec du bois qui est fort tortu, et qui n'a aucune apparence d'estre propre à chose du monde.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000536 

 Or, telles sortes de gens estans ainsi venus en Religion, on les a veu souventefois faire des grands fruicts et perseverer fidelement en leur vocation..

  A006000537 

 D'où vient donc, qu'estant si bien appellé, il ne persevera pas en sa vocation? O c'est qu'il abusa de sa liberté, et ne voulut pas se servir des moyens que Dieu luy donnoit pour ce sujet; mais au lieu de les embrasser et d'en user à son profit, il s'en servit pour en abuser et pour les rejetter, et, en ce faisant, il se perdit.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000539 

 Voila donc pour la premiere partie et cognoissance des vocations.

  A006000540 

 Ces filles en font ainsi: elles font tant de prieres, tant de reverences, elles tesmoignent tant de bonne volonté, que l'on ne peut bonnement les esconduire; et en effet, l'on n'y doit pas faire trop grande consideration, ce me semble, Je dis cecy pour l'interieur, car certes, il est bien difficile en ce temps-là de le pouvoir cognoistre, principalement des filles qui viennent icy de loin; tout ce que l'on peut faire à celles-cy, c'est de sçavoir qui elles sont, et telles choses qui regardent le temporel et l'exterieur, puis leur ouvrir la porte et les mettre à leur premier essay.

  A006000540 

 Si c'est des filles qui soyent du lieu, l'on peut observer leur façon, et par la conversation que l'on a avec elles, recognoistre quelque chose de leur interieur; mais je trouve qu'il est encor bien malaisé, car elles viennent tousjours en la meilleure mine et posture qui se peut..

  A006000541 

 Or, il me semble que pour ce qui est de la santé [324] corporelle et infirmités du corps, l'on n'y doit point faire ou fort peu de consideration, d'autant qu'en ces maisons l'on y peut recevoir les foibles et imbecilles aussi bien que les fortes et robustes, puisqu'elles ont esté faites en partie pour elles; pourveu que ce ne soyent des infirmités si pressantes qu'elles les rendent tout à fait incapables d'observer la Regle et inhabiles à faire ce qui est de ceste vocation.

  A006000541 

 Quand il se presentera des infirmes, dites: Dieu soit beni! en vient-il des robustes: à la bonne heure! En somme, les maladies qui n'empeschent point d'observer la Regle ne doivent point estre considerées en vos maisons.

  A006000542 

 Mais tout cela ne doit point les empescher d'estre admises au Novitiat, pourveu qu'elles ayent une bonne volonté de s'amender, de se sousmettre, et se servir des medicamens propres à leur guerison.

  A006000542 

 Quant à la seconde, qui est de recevoir une fille au [325] Novitiat, je ne trouve pas encor qu'il y ayt des grandes difficultés.

  A006000542 

 Tout de mesme, voila une fille qui a ses passions fortes; elle est colere, elle fait plusieurs manquemens: si avec cela elle veut bien estre guerie, et veut qu'on la corrige, mortifie et qu'on luy donne des remedes propres à sa guerison, combien qu'en les prenant cela la fasche et la, travaille, il ne faut point pour cela luy refuser sa voix; car elle n'a pas seulement la volonté de guerir, mais encor elle prend les remedes qui luy sont donnés pour ce sujet, combien qu'avec peine et difficulté..

  A006000543 

 Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries; mais neantmoins, si elles veulent bien estre gueries et tesmoignent une volonté ferme à vouloir recevoir les remedes, [326] quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes; car ces filles-là, apres beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, deviennent des grandes servantes de Dieu et acquierent une vertu forte et solide, car la grace de Dieu supplée au defaut; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grace.

  A006000544 

 Je dis qu'il y faut bien prendre garde, et non qu'il n'en faille point recevoir, si l'on void qu'elles veuillent estre changées et humiliées; car elles pourront bien, avec le temps et la grace de Dieu, faire ce changement; ce qui arrivera sans doute, si avec fidelité elles se servent des remedes qui leur seront donnés pour leur guerison.

  A006000544 

 La seconde, que ces filles ayent l'esprit bon: or, quand je dis un bon esprit, je n'entends pas dire de ces grands esprits qui sont pour l'ordinaire vains et [327] pleins de propre jugement, de suffisance, et qui estans au monde estoyent des boutiques de vanité; qui viennent en Religion non point pour s'humilier, mais comme si elles y vouloyent faire des leçons de philosophie et theologie, voulant tout conduire et gouverner.

  A006000544 

 Quand doncques je parle d'un esprit bon, j'entends parler des esprits bien faits et bien sensés, et encor des mediocres, qui ne sont ni trop grands ni trop petits; car tels esprits font tousjours beaucoup, sans que pour cela ils le sçachent.

  A006000545 

 Car bien que nonobstant cela elle ne laisse pas de faire des fautes, et mesmes assez grandes, il ne faut pas pourtant luv refuser sa voix; car bien qu'en l'année de son Novitiat elle doive travailler en la reformation de ses mœurs et habitudes, ce n'est pas à dire pour cela qu'elle ne doive point faire de cheute, ni qu'elle doive à la fin de son Novitiat estre parfaite.

  A006000545 

 Je veux dire par là que les cheutes ne doivent pas estre cause que l'on rejette une fille, [329] quand parmi tout cela elle demeure avec une forte volonté de se radresser et de se vouloir servir des moyens que l'on luy donne pour ce sujet.

  A006000545 

 La troisiesme chose qu'il faut observer c'est si la fille a bien travaillé en son année de Novitiat, si elle a bien souffert et profité des medecines que l'on luy a donné, si elle a bien fait valoir les resolutions qu'elle fit entrant en son Novitiat de changer ses mauvaises humeurs et inclinations; car l'année du Novitiat luy a esté donnée pour cela.

  A006000546 

 L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour des petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquietude, et qu'elle ne tesmoignast parmi cela guere d'amour pour sa vocation, et que neantmoins, cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion; mais parmi tout cela ne veut-elle point estre guerie? car si cela n'est, il la faut congedier.

  A006000547 

 Pour ce qui est de la tendreté, tant sur l'esprit que sur le corps, c'est l'un des grands empeschemens qui soyent en la vie religieuse; et partant il faut avoir un tres-grand soin de ne pas recevoir celles qui en sont démesurément atteintes, parce qu'elles ne veulent point estre gueries, refusans de se servir de ce qui leur peut donner la santé..

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000550 

 En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu qui est à l'advantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au vostre et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourra servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire.

  A006000550 

 Le Saint Esprit doit presider aux Communautés, et selon la varieté des opinions on se resout pour faire comme l'on juge plus expedient pour sa gloire.

  A006000551 

 En fin, pour toutes les imperfections que les filles apportent du monde il faut garder ceste regle: quand [335] l'on void qu'elles s'amendent, combien qu'elles ne laissent pas de commettre des fautes, il ne faut pas les rejetter, car par l'amendement elles font voir qu'elles ne veulent pas demeurer incorrigibles.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000555 

 Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu..

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000557 

 Quant à la pureté d'intention, c'est une chose totalement necessaire, non seulement en la reception des Sacremens, mais encor en tout ce que nous faisons.

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000560 

 Les personnes les plus spirituelles se reservent pour l'ordinaire la volonté d'avoir des vertus; et quand elles vont à la Communion: O Seigneur, disent-elles, je m'abandonne entierement entre vos mains, mais plaise vous me donner la prudence pour sçavoir vivre honnorablement; mais de simplicité, ils n'en demandent point.

  A006000560 

 O mon Dieu, je suis absolument sousmise à vostre divine volonté, mais donnez-moy un grand courage pour faire des œuvres excellentes pour vostre service; mais de douceur, pour vivre paisiblement avec le prochain, il ne s'en parle point.

  A006000560 

 O mon Dieu, puisque je suis tout vostre, que j'aye tousjours des consolations à l'oraison.

  A006000560 

 Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la pretention que nous avons! et jamais ils ne demandent des tribulations ou mortifications.

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000564 

 Nous pouvons bien impetrer des graces pour les autres, mais leur meriter, nous ne le pouvons pas faire.

  A006000565 

 Vous voudriez peut estre sçavoir comme vous cognoistrez si vous profitez par le moyen de la reception des Sacremens.

  A006000567 

 Il faut avoir des esprits genereux qui ne s'attachent qu'à Dieu seul, sans s'arrester aucunement à ce que nostre partie inferieure veut, faisant regner la partie superieure de nostre ame, puisqu'il est entierement en nostre pouvoir, avec la grace de Dieu, de ne jamais consentir à l'inferieure.

  A006000568 

 Il ne faut pas aussi estre si tendres à se vouloir confesser de tant de menues imperfections, puisque mesme nous ne sommes pas obligés de nous confesser des [344] pechés veniels, si nous ne voulons; mais quand on s'en confesse, il faut avoir la volonté resolue de s'en amender, autrement ce seroit un abus de s'en confesser.

  A006000571 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles disent à l'Office employent fidellement ce talent selon le bon plaisir de Dieu, qui le leur a donné pour les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui [345] n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses.

  A006000572 

 Que si vous dormez [346] le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire; mais quand l'on fait des choses qui sont necessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des ceremonies parle pour ce qui est de l'Office, alors on n'est point obligé de le redire..

  A006000574 

 Car il ne faut pas tousjours penser que l'on a eu de la negligence quand la distraction a esté longue, car il se pourra bien faire qu'elle nous durera le long d'un Office sans qu'il y ayt de nostre faute; et pour mauvaise qu'elle fust, il ne faudroit pas s'en inquieter, ains en faire des simples rejets de temps en temps devant Dieu.

  A006000575 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont remarquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considerations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la fin pour laquelle nous faisons les considerations.

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000578 

 C'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde pour nous enseigner ce que nous devions faire; et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modelle, nous devons grandement estre exactes à considerer ses actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que Nostre Seigneur les a faites; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Pere les a pratiquées et comme il les a pratiquées.

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000580 

 Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidelité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune secheresse, repugnance ou contradiction qui se puisse presenter.

  A006000585 

 Le juste est fait semblable à la palme, ainsi que la sainte Eglise nous fait chanter en chaque feste des saints Confesseurs; mais comme le palmier a une tres-grande varieté de proprietés particulieres au dessus de tous les autres arbres, comme estant le prince et le roy des arbres tant pour la beauté que pour la bonté de son fruict, de mesme il y a une tres-grande varieté de justice.

  A006000586 

 C'est donc à juste raison qu'il est accomparé à la palme, qui est le roy des arbres, et lequel a la proprieté de la virginité, celle de l'humilité et celle de la constance et vaillance, trois vertus esquelles le glorieux saint Joseph a grandement excellé; et si l'on osoit faire des comparaisons, il y en auroit plusieurs qui maintiendroyent qu'il surpasse tous les autres Saints en ces trois vertus..

  A006000586 

 O quel Saint est le glorieux saint Joseph! Il n'est pas seulement Patriarche, ains le coryphée de tous les Patriarches; il n'est pas simplement Confesseur, mais plus que Confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des Evesques, la generosité des Martyrs et de tous les autres Saints.

  A006000588 

 Et si bien il n'y contribua rien du sien, il eut neantmoins une grande part en ce fruict tres-saint de son Espouse sacrée; car elle luy appartenoit et estoit plantée tout aupres de luy comme une glorieuse palme aupres de son bien-aymé palmier, laquelle, selon l'ordre de la divine Providence, ne pouvoit et ne devoit produire sinon sous son ombre et à son aspect; je veux dire sous l'ombre du saint mariage qu'ils avoyent contracté ensemble, mariage qui n'estoit point selon l'ordinaire, tant pour la communication des biens exterieurs comme pour l'union et conjonction des biens interieurs..

  A006000588 

 Mais, ô Dieu! pour quelle raison, disent les saints Docteurs, ordonna-t'il deux choses si differentes, estre vierge et mariée tout ensemble? La pluspart des Peres disent que ce fut pour empescher que Nostre Dame ne fust calomniée des Juifs, lesquels n'eussent point voulu exempter Nostre Dame de calomnie et d'opprobre, et se fussent rendus examinateurs de sa pureté; et que, pour conserver ceste pureté et ceste virginité, il fut besoin que la divine Providence la commist à la charge et en la garde d'un homme qui fust vierge, et que ceste Vierge conceust et enfantast ce doux fruict de vie, Nostre Seigneur, sous l'ombre du saint mariage.

  A006000588 

 Saint Joseph donc fut comme un palmier, lequel ne portant peint de fruict n'est pas toutefois infructueux, ains a beaucoup de part au fruict de la palme femelle; non que saint Joseph eust contribué aucune chose pour ceste sainte et glorieuse production, sinon la seule ombre du mariage, qui empeschoit Nostre [354] Dame et glorieuse Maistresse de toutes sortes de calomnies et des censures que sa grossesse luy eust apportées.

  A006000589 

 O quelle divine union entre Nostre Dame et le glorieux saint Joseph! union qui faisoit que ce Bien des biens eternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grace, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chere Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection; et c'est par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui possedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure creature n'y sçauroit parvenir; neantmoins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Il dit donc ainsi: Nostre sœur, ceste petite fillette, helas, qu'elle est petite! [356] elle n'a point de mammelles: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Que si c'est un mur faisons-luy des boulevars d'argent, et si c'est une porte, il la nous faut renforcer et doubler d'ais de cedre ou de quelque bois incorruptible.

  A006000591 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, use de termes admirables pour descrire la pudeur, la chasteté et la candeur tres-innocente de ses divins amours avec sa chere Espouse bien-aymée.

  A006000591 

 Que si c'est, dit le sacré Espoux, un mur, faisons-luy des boulevars d'argent; si c'est une porte, au contraire que nous la veuillions enfoncer, nous la doublerons ou renforcerons d'ais de cedre, qui est un bois incorruptible..

  A006000592 

 La tres-glorieuse Vierge estoit une tour et des murailles bien hautes dans l'enclos desquelles l'ennemy ne pouvoit nullement entrer, ni nulle sorte de desirs autres que de vivre en parfaite pureté et virginité.

  A006000592 

 Si c'est une tour ou une muraille, establissons au dessus des boulevars d'argent, qui, au lieu d'abattre la tour, la renforceront davantage.

  A006000593 

 Car encor que la palme soit le prince des arbres, elle est neantmoins le plus humble, ce qu'elle tesmoigne en ce qu'elle cache ses fleurs au printemps où tous les autres arbres les font voir, et ne les laisse paroistre qu'au gros des chaleurs.

  A006000593 

 La palme tient ses fleurs resserrées dedans des bourses qui sont faites en forme de gaines ou estuis; ce qui nous represente tres-bien la difference des ames qui tendent à la perfection d'avec les autres, la difference des justes d'avec ceux qui vivent [358] selon le monde; car les mondains et hommes terrestres, qui vivent selon les loix de la terre, dés qu'ils ont quelque bonne pensée ou quelque cogitation qui leur semble estre digne d'estre estimée, ou s'ils ont quelque vertu, ils ne sont jamais en repos jusques à tant qu'ils l'ayent manifestée et fait cognoistre à tous ceux qu'ils rencontrent.

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000596 

 Non qu'il y ayt de la [360] comparaison, sinon en ce qui regarde Nostre Seigneur, qui est l'une des Personnes de la tres-sainte Trinité, car quant aux autres ce sont des creatures; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c'est une trinité en terre qui represente en quelque façon la tres-sainte Trinité.

  A006000598 

 Sur quoy les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement sont enseignés qu'il ne leur suffit pas d'estre vierges s'ils ne sont humbles, et s'ils ne resserrent leur pureté dans la boite pretieuse de l'humilité; car autrement il leur arrivera tout ainsi qu'aux folles vierges, lesquelles, faute d'humilité et de charité misericordieuse, furent rechassées des noces de l'Espoux, et partant furent contraintes d'aller aux noces du monde, où l'on n'observe pas le conseil de l'Espoux celeste qui dit qu'il faut estre humble pour entrer aux noces, je veux dire qu'il faut pratiquer l'humilité: car, dit-il, allant aux noces, ou estant invité aux noces, prenez la derniere place.

  A006000599 

 Cette boite d'albastre est donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, attendans, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire..

  A006000600 

 J'ay accoustumé de dire, que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des Saints dont je parle) portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, diroit-on pas que le palmier qui en viendroit appartient à celuy à qui est le jardin? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint Esprit ayant laissé tomber ceste divine datte, comme un divin Colombeau, dans le jardin clos et fermé de la tres-sainte Vierge, jardin seellé, et environné de toutes parts des hayes du saint vœu de virginité et chasteté toute immaculée, lequel appartenoit au glorieux saint Joseph comme la femme ou l'espouse à l'espoux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier qui porte des fruicts qui nourrissent à l'immortalité, n'appartienne quant et quant à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s'en esleve point davantage, n'en devient point plus superbe, ains en devient tousjours plus humble?.

  A006000602 

 Elle monstre sa vaillance en ce que ses feuilles sont faites comme des espées, et semble en avoir autant pour batailler, comme elle porte de feuilles..

  A006000605 

 Quant à la perseverance, contraire à cest ennemy interieur qui est l'ennuy qui nous survient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, penibles, des mauvaises fortunes, s il faut ainsi dire, ou bien és divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut [366] esprouvé de Dieu et des hommes mesmes en son voyage! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et son Fils tres-cher en Egypte, le voila que soudain il part sans dire mot; il ne s'enquiert pas: Où iray-je? quel chemin tiendray-je? de quoy nous nourrirons-nous? qui nous y recevra? Il part d'aventure avec ses outils sur son dos, à fin de gaigner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage.

  A006000606 

 Il estoit en une terre non seulement estrangere, mais ennemie des Israëlites, d'autant que les Egyptiens se ressentoyent encor dequoy ils les avoyent quittés, et avoyent esté cause qu'une grande partie des Egyptiens avoyent [367] esté submergés lors qu'ils les poursuivoyent.

  A006000606 

 Je vous laisse à penser quel desir devoit avoir saint Joseph de s'en retourner, à cause des continuelles craintes qu'il pouvoit avoir emmi les Egyptiens.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000608 

 La pauvreté volontaire dont les Religieux font profession est fort aymable, d'autant qu'elle n'empesche pas qu'ils ne reçoivent et prennent les choses qui leur sont necessaires, defendant et les privant seulement des superfluités; mais la pauvreté de saint Joseph, de Nostre Seigneur et de Nostre Dame n'estoit pas telle, car encor qu'elle fust volontaire, d'autant qu'ils l'aymoyent cherement, elle ne laissoit pas pourtant d'estre abjecte, rejettée, mesprisée et necessiteuse grandement; car [368] chacun tenoit ce grand Saint comme un pauvre charpentier, lequel sans doute ne pouvoit pas tant faire, qu'il ne leur manquast plusieurs choses necessaires, bien qu'il se peinast avec une affection nompareille pour l'entretien de toute sa petite famille.

  A006000610 

 Il nous obtiendra, si nous avons confiance en luy, un saint accroissement en toutes sortes de vertus, mais specialement en celles que nous avons trouvé qu'il avoit en plus haut degré que toutes autres, qui sont la tres-sainte pureté de corps et d'esprit, la tres-aymable vertu d'humilité, la constance, vaillance et perseverance; vertus qui nous rendront victorieux en ceste vie de nos ennemis, et qui nous feront meriter la grace d'aller jouïr en la vie eternelle des recompenses qui sont preparées à ceux qui imiteront l'exemple que saint Joseph leur a donné estant en ceste vie; recompense qui ne sera rien moindre que la felicité eternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000614 

 Elles viendront en un parloir, elles verront des Religieuses avec un visage serein, tenant bonne mine, bien modestes, fort contentes, elles diront en elles-mesmes: Mon Dieu, qu'il fait bon là! allons-y; aussi bien le monde nous fait mauvaise mine, nous n'y rencontrons point nos pretentions.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000618 

 Mais, mou Dieu! me direz-vous, ce n'est pas cela que je cherchois; je pensois qu'il suffisoit pour estre bonne Religieuse, d'avoir desir de bien faire l'oraison, avoir des visions et revelations, voir des Anges en forme d'homme, estre ravie en extase, aymer bien la lecture des bons livres.

  A006000618 

 N'estoit-ce pas estre bien humble de parler si doucement à ses compagnes des choses de devotion, raconter les sermons estant chez soy, traiter doucement avec ceux du logis, sur tout quand ils ne contredisoyent point? Certes, mes cheres filles, cela estoit bon pour le monde; mais la Religion veut que l'on fasse des œuvres dignes de sa vocation, c'est à dire, mourir à soy-mesme en toutes choses, tant à ce qui est bon à nostre gré [374] qu'aux choses mauvaises et mutiles.

  A006000618 

 Nullement; au contraire, ils se privoyent volontairement de ces plaisirs pour s'adonner à des œuvres de travail et penibles..

  A006000619 

 Et comme il ne faut pas que le laboureur se fasche, puisqu'il ne merite pas d'estre blasmé pour n'avoir point recueilli une bonne prise, pourveu neantmoins qu'il ayt eu soin de cultiver bien la terre et de la bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruicts de la perfection et des vertus, pourveu qu'il ayt une grande fidelité de bien cultiver la terre de son cœur, en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la [375] perfection à laquelle il s'est obligé de pretendre, puisque nous ne serons jamais parfaitement gueris que nous ne soyons en Paradis..

  A006000619 

 L'office des Religieux doit estre de bien cultiver leur esprit, pour en déraciner toutes les mauvaises productions que nostre nature depravée fait bourjonner tous les jours, si bien qu'il semble qu'il y ayt tousjours à refaire.

  A006000620 

 Elle nous donne des Regles pour servir à nos cœurs de pressoirs, et en faire sortir tout ce qui est contraire à Dieu: vivez donc courageusement selon icelles..

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000622 

 Vos passions parfois vous font teste, et pour cela vous direz: Je ne suis pas propre pour la Religion à cause que j'ay des passions; non, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi.

  A006000622 

 Voyez-vous pas tous les jours les personnes qui apprennent à tirer des armes? ils tombent souvent; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval: mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus.

  A006000625 

 Cela est du devoir des nautonniers, qui voyant tousjours la belle estoille, ceste boussole du navire, sçavent qu'ils sont en bonne voye et disent aux autres qui sont en la barque: Courage, vous estes en bon chemin..

  A006000627 

 Dieu nous attire par des attraits particuliers, chacun a le sien special, nous ne sommes pas toutes tirées par un mesme chemin.

  A006000627 

 Il n'appartient pas à nous autres, qui sommes inferieurs, de juger de nos attraits particuliers; cela est du devoir des Superieurs, et pour cela la direction particuliere est ordonnée.

  A006000632 

 Je luy dis que si j'estois Religieux, je pense que je ferois cecy: je ne demanderois point à communier plus souvent que la Communauté le fait; je ne demanderois point à porter la haire, le cilice, la ceinture, à faire des jeusnes extraordinaires, ni disciplines, ni aucune autre chose; je me contenterois de suivre en tout et par tout la Communauté.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000635 

 Que si bien maintenant vous vous sentez la force de souffrir la mortification et l'humiliation, que sçavez-vous si vous l'aurez tousjours? Bref, il faut tenir le desir des charges, quelles qu'elles soyent, basses ou honnorables, pour tentation.

  A006000638 

 Il ne suffit pas d'estre malade et d'avoir des afflictions puisque Dieu le veut; mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut, autant de temps qu'il veut et en la façon qu'il luy plaist que nous le soyons, ne faisant aucun choix ni rebut de quelque mal ou affliction que ce soit, tant abjecte ou deshonnorable nous puisse-t'elle sembler; car le mal et l'affliction sans abjection enfle bien souvent le cœur au lieu de l'humilier.

  A006000640 

 Il recevoit les services de saint Joseph, les adorations des Roys et des bergers, et le tout avec esgale indifference.

  A006000640 

 Voyez le pauvre petit Jesus en la creche: il reçoit la pauvreté, nudité, la compagnie des animaux, toutes les injures du temps, le froid et tout ce que son Pere permet luy arriver.

  A006000658 

 Veu l'Approbation des Docteurs en Theologie, nous permettons l'Impression des Entretiens Spirituels de feu M r de Geneve.

  A006000667 

 Au premier de nos Amez et feaux Conseillers, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Conseillers de nos Cours Souveraines, Lieutenant general à Lyon, et autres nos Juges qu'il appartiendra, chacun endroict soy, Salut.

  A006000667 

 Mandons en outre au premier nostre Huissier, ou Sergent, sur ce requis, faire pour l'execution des presentes tous exploits requis et necessaires, sans pour ce demander congé, placet, Visa, ne pareatis: Car tel est nostre plaisir.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000667 

 Sur ce qui nous a esté remonstré: Que depuis quelque temps, il a esté mis en lumiere un livre intitulé, Entretiens et Colloques spirituels, de defunct FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, Fondateur des Religieuses de la Visitation Saincte Marie; imprimé avec Privilege obtenu de Nous, comme ayant ledit livre esté tiré au vray de l'Original de l'Autheur.

  A006000681 

 A ces causes, apres qu'il nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Theologie, cy attaché soubs le contre-seel de nostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre de contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; Avons au susdict Exposant permis et octroyé, permettons et octroyons par ces presentes de faire imprimer en nostre Royaume ledict Livre, sans qu'aucuns autres Imprimeurs que celuy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant le temps de six ans; Faisant pareillement defence à tous Imprimeurs, d'imprimer à l'advenir aucunes des Œuvres dudict feu sieur Evesque, cy devant imprimées, et à imprimer, sans l'expies consentement dudict Exposant, sur peine d'amende arbitraire, confiscations desdicts Livres, et de tous despens, dommages, et interests.

  A006000681 

 Nostre amé et feal Conseiller en nos Conseils, le sieur JEAN FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, Nous a fait remonstrer: Que le feu sieur Evesque de Geneve son frere, desireux de l'avancement en la vertu des Religieuses de l'Ordre de la Visitation de nostre Dame, par luy fondées, et establies en ce Royaume, avoit souvent eu avec elles plusieurs Entretiens des choses spirituelles, tendant à leur instruction et edification, lesquels ayans esté jugés par lesdictes Religieuses, non seulement utiles poulies ames retirees du monde; mais aussi pour toutes sortes de conditions: Elles eurent soing de les recueillir diligemment, pour les faire quelque jour imprimer, et donner au public; et à ceste fin les auroyent à present mis és mains dudit Exposant.

  A006000681 

 Voulons et nous plaist qu'en faisant mettre au commencement, ou à la fin dudict Livre un bref, ou sommaire extraict des presentes, ensemble le consentement et permission dudict sieur Evesque de Geneve, elles soyent tenuës pour suffisamment signifiées, et venuës à la cognoissance de tous, comme si plus particulierement elles estoyent exprimées: Car tel est nostre plaisir.

  A006000730 

 Et qu'y ferois-je, ma fille? pas si bien que vous sans doute, car je ne [397] vaux rien; mais il me semble qu'avec la grace de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites ceans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu.

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000740 

 Jamais nous ne nous devons estonner ni descourager pour estre sujettes à faire des fautes; nous en ferons tousjours, Dieu le permettant ainsi pour nous faire pratiquer l'humilité: de nous-mesmes nous ne pouvons rien autre chose.

  A006000741 

 Il m'est advis que je me tiendrois bien bas et petit au prix des autres.

  A006000749 

 Voila donc comme ces termes d'humilité ne sont que sur le bout des levres et ne partent nullement de l'intime du cœur; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations ils s'en offenceroyent, et voudroyent que tout sur le champ on leur fist reparation d'honneur.

  A006000763 

 La rose represente l'amour et charité; elle a ses feuilles incarnates, toutes faites en façon de cœurs: telles doivent estre toutes les actions des espouses de Jesus Christ, ayant autant de cœurs que de feuilles et autant de feuilles que de cœurs; c'est à dire des cœurs pleins d'amour; et de feuilles, pour le peu d'estime qu'elles doivent avoir de tout ce qu'elles font.

  A006000766 

 L'on n'est en Religion que pour conserver en nous l'image et semblance de Dieu sans intermission, et le moyen de le faire, c'est d'estre continuellement en sa presence et former toutes nos actions au modele des siennes.

  A006000767 

 » Il ne faut jamais estimer de soy selon le jugement des hommes..

  A006000769 

 Quand nous faisons des fautes il ne s'en faut point descourager, car cela ne provient que de l'amour propre; au contraire, nos imperfections nous doivent servir d'eschelle pour monter au Ciel.

  A006000772 

 C'est une des plus grandes graces que nous puissions recevoir de Nostre Seigneur que la cognoissance de ce que nous sommes, par quelque voye que ce soit..

  A006000779 

 Il faut tascher de faire de bons et fervens actes, car un de ceux-là vaut mieux que dix des autres.

  A006000779 

 Il ne faut pas pourtant vouloir aller par une autre voye que celle qu'il plaist à Dieu nous conduire, soit à pied, soit en barque; mais il faut avoir ceste resolution de se monstrer fidelle aux occasions, car nous sommes des geans à pecher et des nains à bien faire.

  A006000781 

 Il est meilleur et plus seur d'establir le royaume des vertus en guerre qu'en paix, bien qu'il ne faille desirer ni la paix ni la guerre; mais si cela estoit remis à nostre choix, il faudroit choisir la guerre, parce qu'il y auroit plus de tesmoignage de nostre fidelité..

  A006000786 

 Il y a des heretiques en la charité comme il y en a en la foy: ce sont ceux qui veulent bien observer quelqu'un des commandemens, mais non pas tous.

  A006000787 

 Nos resolutions ne sont que des avortons, si nous ne venons aux effects.

  A006000789 

 La cause pourquoy nous ne faisons pas nostre profit de l'usage frequent des Sacremens c'est parce que nous n'y portons pas un esprit vuide et despouillé, et qu'apres les avoir receus nous nous retournons endormir en nos miseres..

  A006000809 

 La premiere fois qu'il arriva il nous entretint environ une heure et demie de la tranquillité d'esprit, avec ressentiment de devotion, et nous dit plusieurs fois qu'il ne falloit jamais se mettre en peine de rien, ni perdre la paix du cœur pour chose qui nous peust arriver; que pour luy il choisiroit plustost d'estre logé au coin d'une chambre, avec repos, que d'estre dans la Cour parmi le tracas des honneurs et richesses; et pour cela il tesmoigna de desirer d'estre logé dans la chambre de Monsieur Brun, nostre confesseur.

  A006000810 

 Et comme il continuoit tousjours à nous parler de la tranquillité d'esprit, nous luy dismes: Monseigneur, nous vous supplions tres-humblement de nous en faire un Entretien, et comme il se faut comporter en la deposition des Superieures.

  A006000810 

 Si bien il est dit que sainte Therese pleuroit beaucoup à la mort de quelque serviteur de Dieu, elle ne doit pas estre imitée en cela, car il faut seulement imiter les vertus des Saints.

  A006000810 

 « Je le veux bien, » dit-il, « mais il faut attendre que nostre Mere y soit.» Il s'estendit fort à parler du desnuement qu'il faut avoir en ces changemens-là: « Bien des larmes, » dit-il, « qui se jettent en ce temps-là, ne proviennent que d'amour propre, de flatterie et de la crainte que l'on a qu'on ne pense que l'on n'est pas de bon naturel et que l'on n'ayme pas assez; et tout cela ne sont que des petites dissimulations, où il y peut avoir du mensonge aussi bien qu'en nos paroles.

  A006000811 

 Tout depend de la fidelité que l'on a de s'unir à Dieu par la fidelité à l'observance des Regles et Constitutions; et on a beau rechercher des moyens, rien ne maintiendra la compagnie que la fidelité d'une chacune à garder ses Regles.

  A006000813 

 L'exclusion des malades est tout à fait contre mon esprit et sentiment: qui laissera gouverner la prudence humaine et naturelle gastera la charité.

  A006000813 

 Le soin des Superieures, leur devotion et leur esprit doit suppleer à tout ce qui n'est pas escrit.

  A006000815 

 Il se faut priver des biens, non pas par desdain ni mespris, mais par abnegation.

  A006000819 

 Il est vray, ma fille, que je ne trouve jamais à redire aux viandes, tant que je puis, sinon quelquefois qu'elles sont trop bonnes: ne faut-il pas faire ainsi, ma fille? Vous craignez qu'il ne fasse mal au cœur de nos Sœurs, de manger des entrées de table [411] faites des restes; il me fait mal à moy d'en entendre parler, mais d'en manger, jamais..

  A006000820 

 Ce que je dis aux Constitutions de ne point mettre de poupées sur l'autel, est parce que pour l'ordinaire elles sont mal faites et c'est une grande perte de temps, et que les filles naturellement se plaisent à cela; mais pour des anges et cherubins vous en pouvez mettre sans scrupule.

  A006000820 

 La pauvreté et la simplicité vous sont grandement recommandées; neantmoins, vous dites qu'il y a des Sœurs qui sur ce que je dis aux Constitutions, que la Congregation a un interest nompareil que la charge de la Sacristie soit passionement bien exercée, entendent qu'il faille avoir des grandes sollicitudes à fin que rien n'y manque et qu'il y ayt quantité de belles besognes.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000821 

 «Il y a peu de Superieures qui se meslent des affaires temporelles.

  A006000822 

 Parlant des Superieures qui demeurent trop long temps au parloir, il dit: « Je ne l'approuve nullement; mais que faire à cela? ».

  A006000824 

 Il respondit: « Nos paroles ne font pas des miracles; il faut s'adonner à la pratique que les Constitutions nous enseignent: elles disent prou comme il faut faire, mais les filles ont tant de petites volontés, qu'elles ayment mieux suivre qu'obeir! Et que faire là? Il faut laisser pleurer les filles et tesmoigner les affections qu'elles ont, car elles penseroyent qu'on croiroit qu'elles n'ont point d'amour, si elles ne tesmoignoyent tout cela, qui n'est que foiblesse de filles..

  A006000824 

 Nous luy dismes: Monseigneur, quand vous aurez fait l'Entretien comme il se faut comporter és depositions et elections des Superieures nous ferons des merveilles à le bien pratiquer.

  A006000825 

 Et puis, dequoy nous mettons-nous tant en peine d'estre aymés des creatures, pourveu que l'on le soit du Createur? Comme cela nous est tres asseuré, cela nous doit suffire..

  A006000825 

 Il ne faut rien dire ni faire pour estre aymés ni estimés des creatures, ni pour estre mesprisés, et faut croire que si les creatures ne nous ayment pas icy bas, elles nous aymeront au Ciel où nous nous verrons tous.

  A006000827 

 On luy demanda s'il se falloit confesser des imperfections, s'il estoit mal de le faire.

  A006000829 

 « Il ne faut pas avoir un sentiment qui nous fasse jetter des larmes, mais un desplaisir d'avoir offencé Dieu.

  A006000831 

 Quand nous avons des pensées de mesestime contre le prochain, il n'y a point de mal quand nous ne les rejettons pas faute d'attention; suffit que nous les rejettions quand nous nous en appercevons.

  A006000832 

 Ma chere fille, le desir des choses eternelles doit accoiser vostre esprit, [415] sans vous soucier d'avoir du sentiment; et mesme l'on doit croire qu'on n'est pas digne de l'avoir..

  A006000832 

 Si bien vous faites des fautes par le mouvement de vostre sentiment, n'y regardez pas de si pres, et vous destournez de toutes ces reflexions; il faut tendre au blanc de la perfection, et ne pas s'estonner si nous ne rencontrons pas selon nostre desir.

  A006000835 

 Pour nous disposer à la sainte Communion, il nous faut bien tenir proches de Nostre Seigneur, et luy dire des paroles selon nostre affection, et qu'il nous suggerera, considerant ou regardant qu'il se fait chair de nostre chair à fin de s'unir à nous; et luy faut dire comme l'Espouse au Cantique, qu'il nous baise d'un baiser de sa bouche; et il le fait quand il vient dedans nous, et alors l'ame peut dire: Mon Bien-Aymé est à moy, et je suis toute sienne..

  A006000838 

 Il y a des defauts pour lesquels on s'en doit priver quelquefois, comme une action ou parole d'impatience ou soudaineté, qui auroit mal edifié le prochain..

  A006000840 

 O Dieu, ne faites pas ceste faute de regarder les imperfections des Sœurs, car cela retarderoit beaucoup vostre perfection et ferait beaucoup de dommage à vostre ame..

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000845 

 Ne vous estonnez point des tentations; tenez-vous comme un vray neant; vuidez vostre cœur de toutes les affections mondaines et y gravez Nostre Seigneur crucifié; rendez-luy grace de vostre vocation et resolvez-vous d'obeir, car possible ne commanderez-vous jamais; et ne faites pas comme plusieurs qui disent: Je ne voudrois pas estre Superieure, mais tenez-vous tousjours en la sainte indifference: ni rien desirer, ni rien refuser..

  A006000846 

 O qu'il est bien raisonnable que nous nous privions des contentemens du monde pour Dieu, puisqu'il se prive de sa gloire pour nous.

  A006000849 

 Il ne faut pas pleurer inutilement, car si nous devons rendre compte des paroles inutiles, à plus forte raison des larmes jettées sans sujet.

  A006000849 

 Il se faut aussi garder de dire des paroles inutiles, et quand on y a manqué deux ou trois fois il s'en faut confesser..

  A006000854 

 Quant au bon et vray gouvernement, il ne depend point des talens naturels, mais de la grace surnaturelle, laquelle donne beaucoup plus parfaitement l'experience qui est necessaire, que ne fait toute la sagesse et prudence humaine, quoy qu'avec moins d'esclat, en quoy consiste son excellence..

  A006000855 

 Cela est bon pour des filles foibles; [419] les filles de Dieu ne doivent point s'amuser à ces tendretés.

  A006000858 

 Escoutez-les doucement sans les interrompre, car ce n'est pas mon intention, sinon à des personnes qui apportent beaucoup de nouvelles du monde, desquelles vous ne vous devez pas enquerir.

  A006000868 

 La peine que nous avons de souffrir l'abjection, la crainte d'estre humiliée, sont des imperfections auxquelles nous sommes tous sujets; il ne faut point s'en estonner, mais prendre bon courage et mettre son cœur en Dieu, ne desirant autre chose que de luy plaire.

  A006000872 

 Non, ma fille, il ne faut point s'amuser à des petits desirs qui tiendroyent vostre cœur trop bas et l'empescheroyent de s'appliquer aux solides vertus.

  A006000872 

 Or, pour le froid, sçavez-vous quand il le faut souffrir? c'est quand la Superieure vous envoye au jardin cueillir des herbes et que vous fussiez en danger que les mains vous gelassent sur la plante; il ne faudrait pas laisser de le faire, parce que c'est l'obeissance..

  A006000875 

 Vous m'avez dit encore, comme s'entend ce que disent les Constitutions: de ne se servir de nostre cœur, ni de nos yeux, ni de nos paroles, que pour le service de l'Espoux celeste, et non pour le service des humeurs et inclinations humaines? O ma fille, que vous me parlez d'une perfection que bien peu de gens pratiquent, bien qu'ils le doivent tous faire.

  A006000878 

 Il nous dit: « Il faut accoustumer les seculiers à venir hors le temps des Offices, tant qu'il se peut.

  A006000878 

 » Luy parlant des prrdications et confessions: « J'ayme grandement entendre la parole de Dieu.

  A006000882 

 Nous luy demandasmes si c'estoit l'intention des Constitutions de [423] dire à la Suprrieure ce que l'on pense [d'elle], parce qu'elles nous envoyent à l'Ayde de la Suprrieure.

  A006000884 

 Je vous raconteray ce qui m'arriva une fois avec un bon Religieux, lequel desiroit fort de faire des penitences et mortifications au dessus de la Communauté; je luy parlay tout au long du bonheur de la suivre en tout, et le priay de se mettre en la pratique, ce qu'il fit; et à quelque temps de là, il me vint trouver et me remercia de grande affection, et me dit que j'estois causede son bien.

  A006000885 

 Luy parlant qu'il y a quelques fois des filles naturellement sobres et qui pour l'ordinaire ne mangent que le tiers de leurs portions, s'il falloit leur dire resolument de manger davantage, il nous respondit qu'il seroit mieux de souffrir quelque temps un peu de peine à s'accoustumer, parce qu'il le falloit ainsi à cause qu'il leur pourroit nuire avec le temps.

  A006000885 

 « Non, il n'y a point de peché veniel de manger avec goust, ce sont des imperfections de nostre nature.

  A006000886 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au desir que les Superieures ont de descharger leur maison par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a à porter son fardeau..

  A006000887 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fussent des infirmités marquées aux Regles et Constitutions.

  A006000896 

 C'est une bonne chose de regarder et se representer les exemples des Saints à fin de les imiter, et sur tout du Roy des Saints, nostre Seigneur et Redempteur.

  A006000896 

 On luy demanda s'il n'estoit pas mieux et plus simple de regarder les vertus de Dieu que non pas celles des Superieures et des Soeurs.

  A006000897 

 Monseigneur, luy dit-on, il y a des filles qui s'amusent tant à regarder les vertus des Superieures, qu'elles sont tousjours apres à les louer et applaudir.

  A006000898 

 Le desir des charges est fort commun, mais il n'y a point de mal quand il est hors de nostre volonté: il se faut mocquer de tout cela.

  A006000898 

 « Vous demandez si ce n'est pas une grande foiblesse de desirer [426] des charges et se mettre en peine quand on ne nous en donne point.

  A006000899 

 Elles ressemblent à ceux qui ont peur des larrons: ils sortent dehors et laissent la porte ouverte, et ce pendant les larrons entrent et font ce qu'ils veulent.

  A006000899 

 Il faut bien prendre garde aussi qu'il y a des ames qui ont si grand peur que le desir des charges entre en leur esprit, qu'elles sont tousjours en apprehension et inquietude, et n'ont jamais l'esprit tranquille ni reposé; car ce pendant qu'elles s'amusent à l'apprehension, elles tiennent leur cœur ouvert, et le diable y jette par ce moyen la tentation dedans.

  A006000899 

 Il ne se faut pas mettre en peine quand nous sentirons des desirs en nous; tant que nous vivrons, nostre nature nous les produira.

  A006000900 

 Il faut tenir le desir des charges, tant des unes que des autres, honnorables et abjectes, pour tentation; car il est tousjours mieux de ne rien desirer, mais de se tenir preste pour faire l'obeissance.

  A006000900 

 Vous demandez si on ne peut pas desirer des charges basses, parce qu'elles sont penibles, et semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu et plus de merite que de demeurer en sa cellule.

  A006000900 

 « Saint Paul nous defend de desirer des charges relevées et des preeminences.

  A006000900 

 » Monseigneur, ce n'est pas seulement des charges honnorables, mais de toutes autres.

  A006000901 

 C'est une façon de parler des chasseurs, que quand les chiens ont le sentiment diverti et rempli de divers gousts, ils perdent facilement la mutte.

  A006000904 

 Si l'on me donnoit des charges honnorables ou abjectes, je les prendrais et les recevrais avec humilité sans en dire un seul mot, ni n'en parlerais en façon quelconque, sinon que l'on m'en interrogeast; car alors je dirais simplement la verité comme je me sentirais, sans autre chose..

  A006000906 

 Nostre Seigneur nous en a voulu donner l'exemple au jardin des Olives, voulant sentir des mouvemens contraires à sa partie superieure; bien que sa volonté fust conforme à celle de son Pere eternel, il ne laissoit pas de ressentir.

  A006000909 

 Quand nous demandons l'amour de Dieu et la charité nous y comprenons l'humilité et toutes les vertus, car elles ne sont point separées les unes des autres.

  A006000909 

 « O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien desirer ni demander, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander.

  A006000911 

 Pour les larmes, il y a des naturels qui ne s'en peuvent pas empescher, et nous sommes quelquesfois si ayses de pleurer, sur tout quand on nous change de Superieure, pour monstrer que ma Sœur une telle n'est pas desnaturée et qu'elle le ressent bien.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000913 

 En ces descharges qui tirent à la longue devant le confesseur, il est dangereux que nous ne meslions les defauts des autres avec les nostres, ce qu'il ne faut point faire.

  A006000913 

 La seconde et troisiesme condition c'est d'y aller purement et charitablement; et au lieu de faire cela, l'on y porte bien souvent des ames toutes embrouillées et embarrassées, qui fait qu'elles ne sçavent pas bonnement ce qu'elles veulent dire: ce qui est de grande importance, car elles mettent en peine les confesseurs, parce qu'ils ne les peuvent pas entendre, ni comprendre ce qu'elles veulent dire, et au lieu de se confesser de leurs pechés elles pechent pour l'ordinaire en se confessant.

  A006000914 

 L'on demande si les Sœurs doivent discerner les petites obeissances d'avec les grandes, et si on doit s'accuser en ces termes: Mon Pere, je m'accuse dequoy j'ay fait une desobeissance en chose d'importance, ou en chose legere, ou s'il faut dire la chose tout simplement comme elle est; et si l'on doit discerner les obeissances de la Regle et des Constitutions, parce qu'il y en a qui nous sont conseillées seulement, et d'autres qui nous sont commandées absolument.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000919 

 L'on demande si sçachant veritablement que l'on a des pechés veniels, si l'on peut s'approcher de la sainte Communion sans se confesser, parce que, Monseigneur, vous avez dit qu'ils font une petite separation entre Dieu et l'ame.

  A006000919 

 Mais je n'approuve point que l'on se confesse outre les jours que la Communauté le fait, parce que cela ne peut donner que des soupçons aux autres que l'on a fait quelque grande chose.

  A006000923 

 Je vous diray qu'entre tous les Saints qui sont au Ciel il y en a bien peu qui ayent [toujours] donné droit au blanc des vertus; les uns ont excedé du costé de l'austerité, et il y en a bien peu qui se soyent tenus [invariablement] dans les bornes de la sainte mediocrité.

  A006000937 

 C'en est de mesme comme d'une personne melancolique; car il est en son pouvoir de chanter, de se promener, de dire des paroles de recreation, mais elle ne peut pas faire tout cela de l'air ni de la grace qu'elle feroit si elle n'estoit melancolique: aussi ne faut-il pas requerir cela ni de l'une ni de l'autre, car il ne seroit pas à propos.

  A006000937 

 Mais si nostre aversion continue et que nous fassions quelque action ou disions des paroles par ce motif, alors il y a du mal, car despuis que le cœur le pousse jusques à la bouche, c'est signe que la volonté est coulpable et qu'elle n'a pas reprimé le premier mouvement..

  A006000939 

 Il y a tousjours un petit mot à dire sur le sujet des aversions, bien que non pas pour nous arrester beaucoup, car nous l'avons desja dit d'autres fois qu'il ne se faut pas estonner si l'on ne rit pas de si bonne grace que si l'on n'en avoit point, non plus que quand on se trouve mal; car en ces deux occasions, pourveu que l'on se sousrie un peu et que l'on ne tienne pas sa contenance refrognée quand on nous parle, nous nous devons contenter; car quand la [439] passion est fort esmeue il est bien difficile de faire meilleure mine, au moins avec ceux auxquels nous avons de l'aversion ou quand le mal nous presse.

  A006000939 

 Or bien, nous avons souventesfois dit cecy, c'est pourquoy il suffit que nous sçachions qu'il faut marcher selon la partie superieure en la voye de nostre perfection, et ne nous pas soucier des esmotions de la partie inferieure; autrement nous serions en perpetuel chagrin et inquietude d'esprit, et ne ferions pas grand avancement.

  A006000947 

 Il faut bien prendre garde quand nous sommes esmeus de quelque passion, de ne faire point d'action qui parte de nostre mouvement; quand neantmoins il arrive en des choses de peu, comme seroit de jetter une plume ou chose semblable avec un peu de sentiment, ce n'est pas matiere de confession.

  A006000948 

 Il ne faut donc pas se laisser ainsi aller selon ses inclinations ou aversions, mais suivre la raison et la conduite des Superieurs..

  A006000950 

 Car si vous battez des portes ou marchez fort, vous troublez la tranquillité d'une Sœur qui est peut estre en oraison; si vous estes habillée de travers ou avec quelque indecence, vous donnez occasion à une autre de rire ou de se distraire de la presence de Dieu, et luy faites ce dommage; et ainsi en d'autres occasions.

  A006000950 

 Et cela est mal, car nous devons toutes estre en ce continuel exercice de charité, de contribuer tout ce qui nous est possible pour le bien les unes des autres; car tout doit estre en commun, voire Nostre Seigneur mesme: il ne veut pas que nous l'ayons en particulier, il veut tellement estre en particulier qu'il soit à tous en commun, et tellement en commun qu'il soit à tous en particulier..

  A006000959 

 Et si bien j'ay laissé la liberté à Philothée de le faire ou de ne le pas faire, selon qu'elle jugera luy estre convenable, s'occupant durant icelle à des autres prieres, soit mentales ou vocales, je l'ay fait parce que je ne la cognois pas tousjours ceste Philothée; mais cest exercice me semble estre meilleur pour estre plus conforme à l'intention de la sainte Eglise.

  A006000959 

 Je suis fort volontiers l'opinion de ce grand Saint et ay tousjours esté de cest advis, qu'il faut nous appliquer durant le saint Sacrifice de la tres-sainte Messe à la consideration des mysteres qui y sont compris, selon qu'ils sont marqués en l'exercice de la Messe.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000970 

 O sans doute, c'est cela; mais que faut-il faire? il se faut mocquer de tout cela comme estant des enfances.

  A006000973 

 Les personnes qui font estai de servir Dieu le plus fidelement qu'elles peuvent, ne sont pas exemptes de l'ambition, non, mais elles l'exercent aux desirs des choses interieures, souhaitans les vertus au plus haut degré de leur perfection; [445] mais l'amour tendre et affectif ayant plus de pouvoir sur elles que non pas sur les mondains, les fait amuser à ce desir sans s'appliquer soigneusement et laborieusement à la recherche de venir à chef de leur pretention et sainte entreprise, parce qu'il leur cousteroit cher de renoncer à soy-mesme en tant d'occasions.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000974 

 Il y a certes des personnes qui sont tousjours en necessité, parce qu'ils ont besoin de tant de choses pour les contenter que c'est grande pitié; et c'est ceux-cy qui sont pauvres, pourveu qu'ils ne se procurent pas tant de choses, parce qu'ils ont de la disette de ce qu'ils n'ont pas et qu'il semble qu'ils devroyent avoir..

  A006000975 

 Mais si l'on me donnoit des [446] chausses qui fussent si estroittes qu'il me fallust demeurer un demi quart d'heure à les chausser, j'en demanderois d'autres, plustost que de perdre le temps là tous les matins; mais pour porter quelque chose mal accommodée ou qui me blesseroit, un peu, je n'en voudrais rien dire.

  A006000975 

 Or, quant à souffrir le froid, il faut avoir esgard à ne pas souffrir des grandes froidures contraires à la santé; il ne le faut pas faire..

  A006000976 

 Il y en a qui demandent des croix, et ne leur semble jamais que Nostre Seigneur leur en donnera assez pour satisfaire à leur ferveur; moy je n'en demande point, seulement je desire de me tenit prest pour porter celles qu 'il plaira à sa Bonté de m'envoyer, le plus patiemment et humblement que je pourray.

  A006000976 

 Non certes, ma chere fille, je ne demanderais point des mortifications; je me tiendrais prest pour bien recevoir celles que vous me feriez, mais je n'en demanderais point.

  A006000981 

 De quel costé que ce soit, ne nous lassons point de faire et souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur, auquel soit à jamais rendu grace, gloire et louange par tous les siecles des siecles.

  A006000981 

 Il faut donc conclure maintenant et clore nostre Entretien par la recommandation de la simplicité et generosité d'esprit: marcher tousjours en la voye de nostre propre perfection sans nous amuser en chemin, quel rencontre de contradiction que nous puissions faire, soit de nos propres imperfections, repugnances ou passions immortifiées, soit des autres exercices qui proviennent d'ailleurs.

  A006000994 

 La premiere qu'il m'a donnée a esté de bastir une sainte retraitte pour des filles infirmes de corps et saines d'esprit; c'est pourquoy je ne veux pas qu'on introduise d'autres austerités que celles qui sont marquées.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006000998 

 « Il faut, mes cheres filles, » nous dit-il, « s'edifier des vertus de nos Sœurs, sans en rire ni leur en parler, crainte que la vanité leur en fasse perdre le merite.

  A006001000 

 Je sçay que les Peres Jesuites, s'ils se rencontrent cent fois le jour, ils tirent tousjours le bonnet; et pour vous, vous vous ferez l'enclin de la teste seulement lors que vous vous rencontrerez; et pour observer plus d'esloignement des manieres du monde, aux seculieres vous ferez des enclins.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001001 

 « Vous prendrez tous vos chapelets, » dit-il, « vos croix et ce qu'il faut changer, vous en ferez des petits monceaux, vous mettrez le [nom du] Saint dessus, puis vous tirerez au sort.

  A006001004 

 « L'affabilité, » dit-il, « mes cheres filles, se pratique, comme dit saint Paul, se rendant tout à tous pour les gaigner tous, s'accommodant à la façon et humeur des autres, compatissant aux affligés; car il ne seroit pas à propos d'aller rire pres d'une personne affligée, ni de mesme, paroistre triste devant une autre qui seroit dans la joye..

  A006001013 

 Pourquoy pensez-vous, mes filles, que Dieu vous a mises au monde, et sur tout appellées à la sainte Religion, sinon à fin que [453] vous y soyez des hosties d'holocaustes à sa divine Majesté et des victimes qui se consomment chaque jour en son saint amour? Ce qui vous oblige à destruire en vous tout ce qui s'oppose à la perfection et à l'union avec Dieu, autant que vous pourrez, sur tout l'amour propre, la propre volonté, la recherche de l'honneur, la satisfaction des sens.

  A006001021 

 En leur faisant ses adieux, il leur dit qu'elles monteroyent et s'envoleroyent comme des passereaux, et prendroyent leur essor sur les celestes monts en la terre des vivans; ou bien comme des chastes colombes en leur colombier, esloignées de toutes sortes de bruits et du tumulte du monde, et par consequent plus capables de la vraye tranquillité d'esprit, pour respandre leur ramage en la presence de leur celeste Espoux.

  A006001027 

 Il y a bien difference entre le nid de l'arondelle et celuy du cinnamologue, oyseau d'Arabie, d'autant que l'un n'est plastré que de bouë, que de pailletes, que de festus; là où l'autre est charpenté sur les hautes branches des arbres, de bois de canelle, de cinnamome et autres materiaux aromatiques.

  A006001027 

 Vostre Congregation, mes filles bien-aimées, est un nid d'arondelles, elle est bastie de faciles constitutions selon vostre portee; laissez les autres Congregations, establies sur des hauts statuts, ardus et sublimes, pour les cinnamologues, c'est à dire pour les esprits plus parfaits.

  A006001030 

 J'en dis de mesme des autres vertus.

  A006001030 

 O qu'il se trouvera de vertus comme cela, quand Dieu manifestera les secrets des cœurs! Telle personne croit d'en avoir maintenant bonne provision, qui à cette heure-là ne verra que du vent, je veux dire en trois mots, qu'il faut avoir la perfection, mais celle qui est vraye et solide.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
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  A007000007 

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 XVI. Sermon pour le Dimanche des Rameaux.

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 XXIII. Sommaire d'un sermon sur la mission des Pasteurs de l'Eglise.

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 XXXIII. Notes pour un sermon sur les reliques des Saints.

  A007000058 

 XXXIV. Notes pour des sermons sur divers sujets.

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 XL. Notes pour des sermons sur la sainte Eucharistie.

  A007000078 

 Raysons des Catholiques.

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 IV — Sur l'office des Pasteurs.

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 VI — Sur le culte des Saints.

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 XLVII. Notes pour des sermons sur divers sujets.

  A007000126 

 Je viens et me presente icy avec l'esprit de sousmission et obeissance selon lequel je desire marcher tout le tems de ma vie, lequel, encores qu'il soit favorable a toutes sortes d'entreprises, si est ce neantmoins que j'ay sujet de craindre que quelqu'un ne dise de moy ce qu'aujourd'huy a grand tort les Juifz ont dict des [1] Apostres a sçavoir, Musto plenus est iste: il faut bien dire que celuy cy soit enyvré de quelque temerité, qui, en tel tems, en tel lieu, et en son novitiat ecclesiastique, ose monter en ceste chaire apres de si grans peres.

  A007000130 

 O saint amour, o amour eternel et infini! Doriques, mes Freres, des lhors, c'est a dire des l'eternité, avant les siecles, en l'infinité, en l'abisme de la perpetuité, ce Pere et ce Filz eternelz, jettans a force d'une mesme et seule volonté, d'une mesme et seule amitié, d'un mesme et seul courage, jettans dis je, par une mesme et seule bouche, un souspir, une respiration, un esprit d'amour, ilz produirent, ilz expirerent un souffle d'ou proceda le Saint Esprit, tierce Personne de la Trinité, « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, Dieu vray de Dieu vray.

  A007000131 

 Dequoy si je voulois parler davantage, on pourroit bien dire a bon droit de moy ce qu'aujourd'huy les Juifz disoyent sans rayson des Apostres: Musto plenus est iste, c'est a dire: il faut bien que cestuy ci soit enyvré d'une grande presomption de vouloir expliquer les interieures operations de Dieu, qui sont voylëes de leur infinité en telle façon que l'œil de l'homme n'y peut approcher que de bien loin.

  A007000131 

 Grand a la verité, et parfaict fut l'amour que l'Espouse portoit a l'Espoux au Cantique des Cantiques (chap. 5 ), puysqu'a sa parolle son ame sembloit se fondre et dissoudre comme faict la cire aux rayons du soleil: Anima mea liquefacta est, cum dilectus meus loquutus est.

  A007000131 

 Maintenant je parle des choses claires et fort intelligibles aux fidelles..

  A007000132 

 Ce que nous voulant enseigner lhors qu'elle parle de la creation des choses en leur estre naturel, parlant de celle de l'homme, elle introduit la Majesté divine en ses troys Personnes, disant: Faisons l'homme a nostre sem blance car si une seule Personne eust creé l'homme, elle eust dict: Je fais, et non pas: Faisons, comme nous trouvons escrit: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et David chante: Benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus; Dieu nous benie, Dieu nostre, Dieu nous benie; ne reprenant par troys fois ce nom de Dieu sinon pour nous monstrer que non seulement le Pere benit, non [5] seulement le Filz benit, mais encores le Saint Esprit, et tous trois ensemble sont ceux qui benissent.

  A007000137 

 Et comme des gourmans, nous disons qu'ilz ont l'ame en la panse, et de certaine nation, qu'elle a l'ame au bout des doigtz, pour ce que ne monstrant d'ailleurs guere de bon entendement, elle en faict plus paroistre es ouvrages manuelz, ainsy (et vaille la comparayson tant qu'elle pourra) nous disons le Saint Esprit descend la ou il faict quelque particuliere operation et participation de ses graces, ou pour le moins quelque nouvelle demonstration, comme quand il descendit sur Nostre Seigneur en son Baptesme; car la il ne communiqua pas nouvelle grace, Jesus en ayant la plenitude des sa conception, mais il donna seulement l'attestation de sa grandeur..

  A007000139 

 Ne sçaves vous pas que le plus souvent, l'esté principalement, avant que pleuvoir il tonne et fait vent? Ainsy aujourd'huy il tonne et fait vent, pour monstrer qu'il veut pleuvoir les douces pluyes des consolations du Saint Esprit, ainsy qu'il est escrit: Flabit spiritus ejus, et fluent aquæ.

  A007000140 

 Hé ne vous est il jamais advenu en une seche et alterëe sayson d'esté de voir vos jardins a gueule bëe, ouvrant par maniere de dire la gorge pour recevoir la pluÿe, et ne venant point de secours du ciel a leur soif, en fin les herbes paslir et secher, les fleurs se ternir et faner, et les arbrisseaux sembler plustost un bois mort qu'une plante? Les païsans alhors s'assemblent, font des prieres et processions pour impetrer ramollissement du ciel et la desiree liqueur pour les champs.

  A007000141 

 Mais ce bruit, ce vent, ceste impetuosité, au lieu de frayeur se changea en une douce pluye des graces celestes, qui abbreuva si a souhait leurs courages, que des lhors il ne se parla plus de secheresse, ni d'aridité, ni de fletrisseure; car il leur arriva ce qui est dict de l'homme de bien par le saint roy David, lequel dict: Tanquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore suo; et folium ejus non defluet, et omnia quæcumque faciet prosperabuntur..

  A007000141 

 Tous ensemble faisoyent prieres pour impetrer la sainte rosëe de l'Esprit consolateur, quand voyci ce vent impetueux et ce bruit du ciel remplir de frayeur leurs craintifz courages, et leur faire jetter de plus en plus des souspirs de prieres a la divine Majesté.

  A007000142 

 Mais c'est asses parlé de ce premier signe pour le peu de tems que nous avons; venons a parler du second, qui fut des langues de feu ou comme de feu.

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000145 

 Je sçay bien, o doctes, la vraye et recevable distinction des Peres [et] theologiens, de saint Chrisostome et de saint Bonaventure, de la volonté de Dieu, in « voluntatem signi et voluntatem beneplaciti, » « antecedentem et consequentem, » « efficacem et inefficacem; » mais je veux estre entendu de tous mes freres..

  A007000145 

 O combien de resistance trouve Dieu en ceste besoigne! Que si vous me demandes: Hé, qui est si osé et si temeraire que de faire resistance a Dieu, et qui le peut faire? Saint Pol ne dict il pas en ce chapitre scabreux et qui ne devroit estre leu que des doctes (c'est aux Rom., 9 ): Voluntati ejus quis resistit? et au Psalm.

  A007000146 

 Des choses que Dieu veut estre faites, il veut les unes [12] estre faites sans nostre consentement, et en celles cy tousjours il est obei: telle est la production des choses, la pluye, neige, tempeste, les maladies et afflictions.

  A007000147 

 Et pour nous conduire en Paradis, il se sert des remedes telz qu'ilz ne puissent pas lever la liberté qu'il a donné..

  A007000148 

 Ainsy Dieu en la constitution et reformation des choses jura, par maniere de dire, sur son immutabilité, que si nous voulons voguer sur la nacelle de l'Eglise parmi l'eau amere de ce monde, il nous conduiroit en Paradis.

  A007000148 

 Dieu pourroit bien nous creer en Paradis, nous y mettre des l'enfance, en tout tems; mais nostre nature requiert qu'il nous fasse ses cooperateurs, et que « Celuy qui nous fit sans nous, ne nous sauve pas sans nous.

  A007000151 

 Il appelle icy les nuëes eaux, a cause que des nuëes se faict la pluÿe et les eaux, comme s'il vouloit dire: Factus est repente de cœlo sonus tanquam advenientis spiritus vehementis; car le tonnerre ne se faict pas sans nuages.

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000153 

 Donq ceste voix, ce son, estoit signe que par la parolle de Dieu portee par la voix des Apostres, l'idolatrie avec ses adhaerans seroit bouleversee comme les veaux qui paissent au Liban et que in omnem terram exibit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et que portæ inferi non prævalebunt adversus eam; et que reges erunt nutritii Ecclesiæ et principes pulverem ejus lingent..

  A007000153 

 Il va poursuyvant, que les Apostres fortifiés par cest Esprit desracineront la gloire et vanité mondaine: Et comminuet eas tanquam vitulum Libani; c'est a [16] dire, le Seigneur ayant consolé, conforté, corroboré avec ce son, ce vent et ce feu les cœurs des Apostres, par leur ministere il fracassera, il fera sauter, il dissipera cedros Libani, c'est a dire les plus haut eslevés mescreans et infidelles: et ainsy est il advenu, mes Freres.

  A007000153 

 Ou sont ces glorieux Cesars, ou sont tant de grans personnages en guerre qui estoyent du tems des Apostres? Ou eux, ou leur posterité ne se sont ilz pas mis a genoux aux piedz des Apostres ou de leurs successeurs? Dites moy un peu, ou est la memoire de Neron? il ne s'en parle plus qu'en mal.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000164 

 Mes Freres, ores que vous aves ouy quelque chose de l'infinité des graces que le Saint Esprit communiqua a sa venue, et quoy que ce que j'ay dict soit peu en comparayson de ce qui en est, si est ce que je ne crois pas que vous ne desirassies extremement une venue du Saint Esprit sur vous autres; ou si vous estes si durs que de ne la pas desirer, je vous oseray bien dire a l'imitation de saint Pol, pour la premiere fois que j'ay eu cest honneur que de vous parler de la part de Dieu: O insensati Allobroges, usquequo gravi corde? Mais je ne le dis pas, ne pouvant croire tant de mal de [20] ceux auxquelz je desire tant de bien.

  A007000165 

 Et comme estoyent ilz alhors? Au chapitre I des Actes, rapporté a cestuy cy: Erant perseverantes unanimiter in oratione, cum mulieribus et Maria Matre Jesu, et fratribus ejus; un peu apres: Erat autem turba centum et viginti.

  A007000166 

 Ainsy voulons nous dire que le juste vit selon la foy, selon qu'elle enseigne, ex præscripto fidei; et aussi, qu'il vit du gain qu'il faict en la foy, c'est a dire des œuvres bonnes et qui sont selon la foy..

  A007000166 

 Il faut apprendre que si nous voulons recevoir le Saint Esprit, il nous faut multiplier et enrichir les douze articles de la foy par l'observation et execution des dix commandemens de la loy.

  A007000168 

 Il se rencontre quelquefois une trouppe de damoyselles vertueuses, lesquelles apres avoir long tems parlé et devisé ensemble, estant au bout de leur roolle, ne le voulant dilater aux despens de celle cy et de ceste la, se mettent a jouer quelque honneste jeu, comme au change des couleurs.

  A007000169 

 En fin, nous jouerons tant a ce jeu si nous n'y advisons, qu'il nous faudra rompre ceste conversation; et comme nous avons veu courir des autres nations ça et la pour vivre, ainsy nous faudra il faire si nous ne prenons garde a nous mesme.

  A007000169 

 Parles aux cappitaines, les princes auront le change, qui ont tort de vouloir faire la guerre sans argent, ou qui n'advisent pas d'y mettre l'ordre au moins mal; et aucuns crient que tout le mal vient des peuples qui ne sont pas asses reformés.

  A007000170 

 Donques, omnes declinaverunt; que personne ne s'excuse d'estre cause des malheurs de nostre aage: nous avons tous part a la peyne et fascherie, nous avons tous part a la coulpe..

  A007000170 

 Je n'ay garde de dire qu'il faille chasser le peché des autres, affin de ne pas jouer au change aussi bien que les autres; mais je vous prieray que chacun die comme moy, et que chacun parle a sa conscience propre et non pas a celle des autres.

  A007000172 

 Si nous nous mettons a faire des oraysons, le Saint Esprit viendra en nous et dira: Pax vobis; ego sum, nolite timere.

  A007000173 

 Gardes, mes Freres, car c'est offencer Dieu de demander la paix pour faire des superfluités, pour des passetems; il la faut demander pour plus commodement le servir, comme faysoit ce Prophete: Ut sine timore, de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi; et comme fait l'Eglise: « Ut et corda nostra mandatis tuis dedita, et, hostium sublata formidine, tempora sint tua protectione tranquilla.

  A007000174 

 Il nous faut rendre graces a Dieu de tous ses bien-faictz, si nous voulons qu'il nous donne des victoires qui sont commencement de paix.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000176 

 L'Evangeliste dict bien qu'il y avoit des hommes et des femmes, a fin de monstrer que tous devons attendre le Saint Esprit; mays il nomme celle cy, pour monstrer qu'elle estoit plus que femme, comme la Dame des Apostres, et partant il ne dict pas qu'elle fut avec les Apostres, mays les autres estoyent avec elle et sa suite.

  A007000179 

 Mais de cecy, une autre fois; il faudra que vous me facies ce bien que de m'assister pour ouyr des louanges de ceste Vierge un peu plus amplement; et ce pendant je la prieray qu'elle me rende capable.

  A007000193 

 Mais si la nativité des Saintz est miserable, et leur [32] mort glorieuse, pourquoy, a une chose glorieuse comme est la mort, donne on le nom miserable de nativité? Je trouve qu'il y a tant de similitude entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, que toutes deux se doivent appeller mort ou toutes deux nativité; car il n'y a nulle apparence que deux choses si semblables doivent avoir diversité de noms.

  A007000196 

 Ce que je ne dis pas pour vous faire entendre que saint Jan ne sceust bien la verité, mais affin que vous sçachies que comme saint Pierre, qui estoit le luminaire qui præsidoit au jour, parle ouvertement, aussi saint Jan, pour s'accommoder au tems auquel il præsidoit, qui estoit le tems des ombres et des figures, il parle plus couvertement..

  A007000198 

 Et de vray, Simon, l'un des noms de saint Pierre, veut quasi signifier cela, car Simon veut dire obediens, et Moyse signifie extractus, c'est a dire retiré simplement, d'autant qu'il n'avoit pas encores [35] l'usage de rayson quand on le retira.

  A007000198 

 Et voicy que Nostre Seigneur, l'unique Sapience du Pere eternel, retire le grand chef de l'Eglise militante, saint Pierre, des eaux aupres de la mer de Cesarëe; lequel on pourroit bien appeller Moyse, puysqu'il a esté retiré des eaux comme Moyse.

  A007000198 

 Pharao avoit commandé aux sages-femmes des Hebrieux qu'elles tuassent tous les enfans masles d'Israël; la mere de Moyse, l'ayant enfanté et gardé troys moys, en fin ne le pouvant plus cacher, elle le mit en un panier de joncs qu'elle accommoda le mieux qu'elle peut, puys l'exposa parmi certaines herbes aquatiques au bord de l'eau; et la fille de Pharao y venant pour se baigner, l'appercevant, le fit prendre, et voyant que ce petit enfant estoit fort beau, par bonheur elle le fit nourrir par sa mere propre; et parce qu'elle l'avoit retiré des eaux, elle l'appella Moyse, c'est a dire retiré; Exod., 1 et 2.

  A007000198 

 Vous apperceves vous point du mistere que contient ceste histoire? Moyse estoit chef de la Synagogue, et fut a cest effect sauvé et retiré des eaux par la providence de Dieu.

  A007000203 

 par necessité de consequence: c'est ainsy que fut sanctifié Nostre Seigneur, lequel estant Filz naturel de Dieu, ne pouvoit qu'il ne fust saint; et parce qu'il estoit saint par nature, il s'appelle saint par excellence: Sanctus vocabitur Filius Dei (Luc., I ); estant l'un des trois Sanctus, Sanctus, Sanctus (Isa., 6 ), que les Seraphins que vit Isaye repetent sans cesse dans le Ciel en l'honneur de la tressainte Trinité.

  A007000208 

 En fin ces noms donnés aux hommes monstrent plustost la gloire de Dieu que celle des hommes: il a tant de bonté que de nous vouloir rendre semblables a luy, autant que nostre bassesse le peut porter..

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000209 

 Il ne faut donq pas, mes chers auditeurs, avec nostre petit entendement contreroller et sindiquer quand nous voyons que l'Eglise donne a certains grans Saintz, notamment a nostre glorieuse Maistresse, des tiltres excellens.

  A007000211 

 Et neantmoins Papias (au recit d'Eusebe), disciple des Apostres, nous en asseure, apportant pour tesmoignage que saint [41] Pierre date sa premiere Epistre de Babylone, c'est a dire de Rome, interpretation laquelle est suyvie du grand saint Hierosme, au traitté qu'il a faict Des hommes illustres.

  A007000211 

 Le lieu ou saint Pierre a esté crucifié, c'est Rome sans doute, car ainsy le rapporte toute l'antiquité; de quoy nos adversaires sont bien marris, et veulent non seulement nier qu'il soit mort a Rome, mais encores qu'il y aye reside, avec des raysons les plus impertinentes et frivoles qu'on se puisse imaginer.

  A007000211 

 Ouy vrayement, car l'idolatrie regnant en ce tems la a Rome qui estoit baignëe du sang des Martirs par la tyrannie de Neron, ceste ville devoit estre appellëe neronienne ou Babylone, et non pas chrestienne.

  A007000212 

 Or, tout ce que je vous ay dict est rapporté par des autheurs irreprochables, a l'opinion desquelz il n'y a homme de bon jugement qui ose s'opposer.

  A007000215 

 L'Evangeliste ne nomme pas la pluspart des personnes qui se trouverent a la Passion; mais cestuy ci, il le nomme, non sans mistere, et l'appelle Simon.

  A007000216 

 Quand Nostre Seigneur voulut monstrer a saint Pierre qu'il le vouloit faire chef de l'Eglise, il luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; en quoy, comme il luy communiquoit la charge de son troupeau, aussi luy donnoit il l'un de ses noms qui signifie puyssance; car le nom de Pierre est un des noms que l'Escriture attribue a Nostre Seigneur: Petra autem erat Christus, I Cor., 10; Lapis quem reprobaverunt ædificantes, hic factus est in caput anguli Epist.

  A007000217 

 Et quel nom de martyre, de passion et de souffrance avoit Nostre Seigneur? Le nom que nous devrions tous avoir au cœur pour nous encourager a l'observation des commandemens divins: c'est le nom d'obeyssant.

  A007000220 

 Il est dict que ce [47] Roy fit chercher des pierres pour fonder son temple, et qu'on les fit esquarrer; Nostre Seigneur ayant choysi nostre saint Apostre pour estre apres luy la premiere pierre du fondement de son Eglise, il la fit esquarrer en croix.

  A007000222 

 Et laissant a part le consentement universel de tous les siecles, notamment des huict premiers, ainsy qu'il se voit clairement dans la Visible Monarchie de Sander, voyci une rayson puyssante: pource que jamais il n'y a eu Evesque qui ait pensé d'estre sauverain et [48] commun pasteur de toute l'Eglise, que les successeurs de saint Pierre, et jamais on n'a mis en doute ni proposé qu'aucun autre le fust; sur tout maintenant il n'y a Evesque en tout le Christianisme qui s'attribue ceste qualité, et duquel on propose qu'il soit pasteur general, sinon le Pape.

  A007000222 

 Que dirons nous donq? Il n'y en a point qui ayent jamais pretendu de l'estre que les successeurs de saint Pierre; il n'y en a point qui le pretendent, il n'y en a point de qui on aye jamais eu ceste pensëe que du Pape; c'est une des verités que l'Eglise a tousjours creu: et d'autre part il faut qu'il y en aye un; donques c'est luy sans doute.

  A007000223 

 La rayson en est bien aysëe a donner: c'est que Dieu avoit dessein de prendre les Gentilz pour son peuple, abandonnant l'ingrate nation des Juifz, non en la destituant des secours necessaires pour son salut, mays luy ostant les privileges qu'il luy avoit concedés, desquelz elle s'estoit rendue indigne.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000225 

 Les autheurs qui ont traitté de la nature des animaux disent que l'aigle a le bec si vif et luy croist tellement, que souvent il l'empesche de prendre sa nourriture, et asseurent qu'elle ne meurt jamais sinon pour avoir le bec trop long et trop crochu.

  A007000226 

 Confessons nous donques souvent, puysque nous pechons souvent; brisons nos pechés des leur commencement, contre ceste pierre..

  A007000230 

 Je sousmetz tousjours a vos pieds ce que jamais je diray en la chaire et hors d'icelle; car vous estes ceste pierre sur laquelle a esté fondëe l' Eglise de Jesus Christ, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A007000246 

 Si l'ancienne Sinagogue, par le commandement de Dieu, celebroit si solemnellement le premier jour de chasque mois, qu'on appelloit neomenie, en reconnoissance du gouvernement et solicitude que Dieu a des hommes, il me semble, que nous avons tout'occasion a ce premier jour du mois d'aoust de solemniser la feste que nostre Mere l'Eglise nous y presente, puysque elle se faict en contemplation d'un miracle auquel reluit tres [55] clairement la faveur et assistence de Dieu aux prieres de son Eglise, sa providence sur le chef general d'icelle, et la misericorde que sa Majesté a usëe vers le paganisme (duquel nous sommes la race) en [la] translation de son Eglise d'entre les Hebreux aux Gentilz..

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000252 

 Nostre Seigneur donques ayant praedict a ses Apostres quilz devoyent estre persecutés pour son nom, Math, 10: Ecce ego mitto vos in medio luporum, et en saint Jan, 16: Venit hora ut omnis qui interficit vos arbitretur se obsequium præstare Deo, il veut encores en particulier [prédire] a saint Pierre les assaultz quil devoit recevoir pour son nom, par un particulier privilege quil faict au Prince des Apostres..

  A007000253 

 En saint Jan, 16, Nostre Seigneur ayant praedict aux Apostres les persecutions quilz devoyent endurer, il leur donne la rayson pour laquelle il le leur praedict, laquelle servira a present a ceux qui me demanderont pourquoy j'apelle privilege du Prince des Apostres qu'on luy aye praedict sa mort et son emprisonnement: Ut, cum venerit hora eorum, reminiscamini quia ego dixi vobis..

  A007000260 

 Ceste cy est l'occasion pour laquelle Nostre Seigneur delivra saint Pierre des liens, par un si grand miracle, affin quil ne mourut pas en Judëe mais a Romme, pour y fonder l'Eglise.

  A007000260 

 Mes Freres, l'Eglise ne devoit pas demeurer en Judëe, et partant Nostre Seigneur ne meurt pas par les mains des Juifz ni des Rois de Judëe; mays elle devoit venir entre les Gentilz, a Romme, et partant il meurt entre [60] les mains de Pilate et des Romains.

  A007000261 

 Lhors, les cheynes luy tumbant des mains, l'Ange luy dict: Ceins toy et te chausse, mets tes vestemens et me suys.

  A007000261 

 Saint Pierre suit, ne sachant [61] bonnement si c'estoit un songe; et passans jusques a la porte de fer, elle s'ouvrit d'elle mesme, et ayant faict quelque chemin, l'Ange disparut, et saint Pierre, retourné a soy mesme, il dict: C'est maintenant que je sçay que Nostre Seigneur a envoyé son Ange, et m'a delivré de la main d'Herodes et de toute l'attente du peuple des Juifz..

  A007000267 

 Quand on a quelque crainte on ne peut pas dormir, sinon qu'elle soit du tout grande, comme celle de Jonas lequel au milieu des tempestes s'en alla dormir.

  A007000277 

 Les quattre bras esquelz il se separe, sont quattre principaux documens qu'il contient: de bien croire: Beati oculi qui vident, etc.; de bien esperer et desirer: Domine, quid faciendo? etc.; de bien aymer, et garder les commandemens: In lege quid scriptum est? Diliges Dominum Deum tuum et finalement, de l'usage des Sacremens: Samaritanus [66] misericordia motus, alligavit vulnera ejus, infundens oleum et vinum.

  A007000279 

 Il y avoit, veut il dire, des pechés en abondance, mais de grace, il y en a eu en surabondance, prenant la grace pour ceste satisfaction..

  A007000281 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur a faict comme le bon mary, lequel voyant sa chere moitié atteinte de peste, sçachant quelque expert medecin qui en sceust guerir avec des tablettes, il va, et poussé d'une extreme affection de voir sa compaigne guerie, il offre cent beaux escuz de ces tablettes, sans s'amuser a considerer que les ingrediens d'icelles ne valent pas trois solz.

  A007000282 

 N'aves vous jamais ouÿ dire: Je voudrois avoir racheté ce cheval de troys fois autant qu'il valoit? N'aves vous jamais veu des dames tuer des moutons pour nourrir un petit chien couard et caignard, qui ne valoit pas l'un des pieds du pauvre mouton? Qui faict cela? l'affection, non la valeur et juste estimation.

  A007000289 

 rayson pour laquelle Nostre Seigneur a dict: Beati oculi, etc., est prise encores de ce mesme Docteur seraphique: pource que la gloire principale des yeux corporelz sera de voir Jesus Christ, et de l'ouye, de l'ouyr; en l'autre monde sera parfaitte pour lhors ceste gloire qui n'a esté ici que commencëe, dont Job a dict: Credo quod Redemptor meus vivit, et in carne mea videbo Deum Salvatorem meum: quem oculi mei [72] conspecturi sunt.

  A007000291 

 Et partant il ne dict pas omnes, mais multi, d'autant que quelques Prophetes ont eu si particuliere revelation des mysteres evangeliques, qu'ilz semblent plustost Evangelistes que Prophetes: David, Hieremie, Esaye, Moyse.

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000293 

 Qui pourroit jamais lire sans larmes ce qu'on escrit du bon capitaine Anthoyne de Paive, qui convertit si tost les roys des Mazacariens, des Sianiens et Supaniens? Et qui ne se trouvera le cœur saysi, considerant la premiere conversion si soudaine et si grande que firent trois Peres de l'Ordre de saint Dominique en Conge? Qui ne dira avoir esté bienheureux les travaux de tant de prestres et Religieux qui sont allés prescher es Indes, puysqu'ilz ont trouvé la terre des cœurs humains si fertile et traittable, que, a une seule rosëe de la parolle de Dieu, elle germe et bourgeonne toutes sortes de fleurs chrestiennes? Cela nous doit faire pleurer de consolation d'un costé, de voir Dieu receu en ces contrëes, et pleurer de detresse de l'autre costé, de nous voir recevoir si abondamment ses graces sans rendre aucun fruict.

  A007000294 

 Je diray encores que c'est une grande honte d'avoir veu les Indiens si catholiques qu'ilz croyent tout sans douter a la simple parole des prestres, et nous, qui sommes nourris et nays en l'Eglise, voulons tout contreroller.

  A007000295 

 Or, ce pendant que Nostre Seigneur dict ces paroles, tout a propos arriva un docteur de la loy, qui, pour le tenter, demanda: Maistre, qu'est ce qu'il faut faire pour avoir la vie eternelle? Je dis tout a propos, non pour l'intention de cestuy cy, qui estoit mauvaise, mays pour les paroles qu'il dict: Domine, quid faciendo? etc., lesquelles de soy estoyent tres bonnes et a propos; car Nostre Seigneur ayant loué le bien croire des Apostres, cestuy cy l'interroge du bien faire: Domine, quid faciendo? Laissons a part l'intention; ces paroles sont pleines d'esperance.

  A007000297 

 David, Psal. 16, dict il pas: Propter verba labiorum tuorum, ego custodivi vias duras? Et qui sont ces parolles des levres de Nostre Seigneur? Saint Pierre: Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes..

  A007000315 

 Les Hebreux faysoyent feste au renouveau de la lune pour la delivrance d'Isaac, et pour ce que on trouva le mouton arresté es espines; les trombes estoient de corne, et les Juifz de præsent l'apellent la feste des cornes.

  A007000318 

 Je vis jamais chose qui se rapportat mieux a un'autre que le therebinthe qui estoit aupres de la ville de Sichem, rencontré par Jacob quand il alloit en Bethel, au pied duquel il enterra tous les idoles des siens.

  A007000328 

 Car encores que l'Evangile semble avancer son histoire d'une paralysie corporelle, neantmoins Nostre Seigneur parle et guerit principalement la spirituelle, disant au paralytique: Confide, fili; et semble que sa premiere visëe estoit sur la paralysie spirituelle, mays que, a l'occasion des murmures que faisoyent les Juifz, il aye jetté l'œil sur la corporelle.

  A007000328 

 Or, ce discours de la paralysie spirituelle est bien l'un des plus necessaires que vous puissies ouÿr.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000330 

 La paralysie corporelle est une maladie causee d'une humeur peccante qui saysit les nerfz et muscles, empeschant la communication des espritz vitaux et animaux, et par consequent privant les parties occupees, de mouvement et sentiment; et ceste humeur est ordinairement froide.

  A007000330 

 Or, la paralysie spirituelle, parlant avec proportion, est une maladie causee par la saysie et occupation que le peche faict des nerfz spirituelz, c'est a dire des desirs de nostre ame, empeschant la communication et influence des inspirations divines en nos consciences, et par consequent le mouvement naturel de nostre ame et le sentiment des choses celestes.

  A007000331 

 En somme nous appellons, pour le dire en un mot, estre paralytiques [86] ceux lesquelz demeurent en leurs pechés; car ilz ne sçauroyent garder en eux ce catharre, qu'ilz ne deviennent comme percluz, impotens et comme transis de ce froid, engourdis de tous leurs membres spirituelz, dont parlant le Prov., au 20 chap., il dict: Propter frigus, piger arare noluit; comme s'il vouloit dire: Le paresseux estant engourdi du froid du peché, faute d'estre revestu des vertus et eschauffé du feu de charité, il n'a point voulu travailler.

  A007000331 

 Mays quelques uns s'en remuent, taschant a se depetrer des eaux et se lever du peché, desquelz on peut dire: Benedicite omnia quæ moventur in aquis Domino; mays ceux qui ne se remuent point ne peuvent pas tenir ce langage..

  A007000332 

 Ilz ont les yeux ouvertz pour voir des vanités mondaynes, ilz ont la langue bien desployëe, mais c'est pour se repaistre d'un grand parler sans vouloir rien faire; ilz [87] ne veulent recevoir correction de personne, ains c'est eux qui censurent tout le monde..

  A007000334 

 Et le chicaneur qui sur un pied de mouche entretient un proces qui ruine l'ame, le cors et la mayson de deux miserables parties, il se flatte et s'excuse sur une petite et malotruë loy toute escorchëe, et par des tergiversations, faict perdre le droit a son prochain; et neantmoins c'est bien a luy auquel Nostre Seigneur a faict dire: Si utique justitiam loquimini, recta judicate, filii hominum.

  A007000334 

 Que penses vous que faict l'artisan qui survend sa marchandise, et lequel a tout propos jure, se maudit, etc., affin de vendre troys foys autant, et dict que c'est un gain honneste qu'il faict en homme de bien? Il cherche des excuses ad excusandas excusationes in peccatis, et c'est pour luy que David a adjousté: Qui jurat proximo suo, etc.; et Dieu: Non furtum facies.

  A007000336 

 L'usurier va il pas se trompant luy mesme, avec dix mille excuses pour faire mentir l'Escriture qui dict que telles sortes de gens n'iront point in tabernaculum Domini? Les prestres se flattent ilz pas avec des dispenses, quoy que le nemo potest duobus dominis inservire soit escrit en grosse lettre? Les dames se flattent elles pas, n'aymant point leurs maris, se playsant d'estre courtisees, s'excusant qu'elles ne font point d'actes contraires a leur honneur? Se plaisent elles point de passionner cestuy ci et celuy la, s'excusant que nonobstant, elles ne voudroyent pour rien violer la loy de leur mariage? C'est pour cela que Nostre Seigneur dict: Non concupisces.

  A007000337 

 Qui ne pleureroit lisant le chap. 5 du livre 8 des Confessions de saint Augustin, ou il se lamente d'avoir procrastiné sa conversion? O Seigneur, comme te respondois je? « Modo, ecce modo, sine paululum; sed modo et modo non habebant modum, et sine paululum ibat in longum.

  A007000337 

 S'il faut se confesser: O que cela est fascheux, o que c'est une chose mal savoureuse! et ne considerent pas qu'il n'est pas des pechés comme des fruictz qui meurissent sur l'arbre et puys tombent d'eux mesmes, mais qu'au contraire, plus ilz demeurent en l'ame, tant plus malaysé est il de les arracher.

  A007000338 

 Ne faites pas comme l'Espouse [90] es Cantiques, qui trouva des excuses quand son amy vint disant qu'elle estoit au lict; elle le voulut par apres chercher et elle ne le retrouva plus.

  A007000339 

 Je suys homme de conversation, et ne puys que je ne me trouve en des lieux ou il me faut faire le bon compaignon.

  A007000340 

 Le feu des tribulations guerit, mays il n'est pas propre a tout le monde.

  A007000367 

 Il aurait eu à craindre, le Prévôt qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans les bornes de l'honneur et du devoir.

  A007000368 

 Je reconnais assez qu'habitués jusqu'à ce jour à des Prévôts si doctes, si distingués, si habiles, il ne se peut qu'en face d'un tel changement et déclin de cette première dignité de votre Chapitre, vous n'éprouviez quelque répugnance; vous pourriez vous rappeler ce qu'a dit quelqu'un:.

  A007000371 

 Et on serait en droit d'appliquer à toute notre société ce texte: Pour vos pères, des enfants vous sont nés; c'est-à-dire: par une malheureuse vicissitude, [97] les hommes de premier ordre que vous avez eus pour pères et Prévôts ont été remplacés par des jeunes gens, presque des enfants..

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000417 

 Les préfets des provinces avaient coutume, en entrant en charge, de former de grands, de magnifiques projets, pour signaler les débuts de leur administration par quelque action d'éclat.

  A007000419 

 Bien que le sens littéral concerne un autre objet, ne pourrait-on pas facilement, grâce à l'esprit qui vivifie, appliquer ces paroles à ceux qui cherchent à présider avant d'avoir siégé, et qui, semblables à des fruits printaniers et hâtifs, ne peuvent être conservés longtemps sans se corrompre? [101].

  A007000422 

 Ce Prévôt aurait à craindre, qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans le devoir; mais moi, mes Pères, quelle appréhension puis-je avoir [102] en cette occasion, en face de vous dont la charité et la prudence l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer du Prévôt le plus accompli? Pourquoi rappeler mon inexpérience et ma faiblesse, puisque dans mes fonctions, je n'aurai jamais à user, de mesures de discipline ou de correction? A moins qu'on ne veuille « instruire Minerve, » « prêcher saint Bernard, » ou, selon notre proverbe, poser pour la latinité parmi les Cordeliers..

  A007000423 

 Je suppose volontiers, je reconnais même, qu'habitués jusqu'à ce jour à des Prévôts si distingués, vous éprouviez nécessairement en face d'un tel changement, et, à mon avis, pour dire vrai, d'un tel déclin de la première dignité de votre Chapitre, une répugnance qui vous rappelle ces vers:.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000428 

 » O Dieu immortel, que vos voies sont éloignées de nos voies! O suprême Protecteur des petits, vous pouvez, des pierres, susciter des enfants d'Abraham.

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000429 

 Je répéterai donc sincèrement, quoique dans une condition différente et bien inférieure, ce que disait autrefois le plus sage des hommes: Je suis l'être le plus insensé et je ne possède pas la sagesse des hommes; je n'ai pas appris la sagesse, je ne connais pas la science des saints.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000433 

 Veuillez croire que je recevrai toujours humblement, dans le Seigneur, les avis de chacun d'entre vous, de telle sorte que si vous n'avez tous qu'un seul Prévôt, moi seul je paraisse en avoir autant que je compte de [106] Chanoines, et que je sois moins appelé préposé aux Chanoines que Prévôt des Chanoines..

  A007000434 

 Dans une de leurs fréquentes communications épistolaires, le grand Augustin écrivait à Jérôme (je cite deux brillantes lumières de l'Eglise): « Bien que, comme titre honorifique, l'épiscopat soit supérieur au simple sacerdoce, cependant, sous bien des rapports, Augustin est inférieur à Jérôme.

  A007000435 

 Que notre camp soit le camp du Dieu dont les [107] trompettes font entendre, avec des accents pleins de douceur, ce chant: Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées.

  A007000437 

 Il est un aqueduc qui alimente et ranime pour ainsi dire toute la race des hérétiques: ce sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot, l'iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques.

  A007000437 

 Voilà l'eau de contradiction qui me paraît étancher la soif brûlante des hérétiques, boisson vraiment digne de ceux qui la prennent; c'est notre iniquité que boivent ces hommes iniques, ainsi qu'il est écrit: Ils boivent l'iniquité comme l'eau..

  A007000439 

 Il faut renverser les murs de Genève par des prières ardentes, et livrer l'assaut par la charité fraternelle.

  A007000439 

 Le Royaume des cieux, en effet, souffre violence et ce sont les violents qui le ravissent.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000440 

 Nous laisserait-elle donc insensibles cette douleur que nous devrions éprouver au sujet d'un exil d'autant plus lourd et moins honorable que nos péchés à tous en prolongent la durée? Les Israëlites s'assirent sur les rives des fleuves de Babylone, et pleurèrent au souvenir de Sion.

  A007000440 

 Que ferons-nous donc, Chanoines de Genève? Ne sommes-nous pas exilés et pèlerins sur une terre étrangère, celle que nous habitons et foulons aux pieds? Asseyons-nous [110] donc sur ces rivages des fleuves de Babylone, c'est-à-dire de la confusion, des péchés; pleurons au souvenir de cette Sion genevoise, jadis si glorieuse des trophées du Christ, et aujourd'hui, pour les crimes de notre époque et de nos ancêtres, gisant accablée sous la plus honteuse servitude de l'hérésie..

  A007000441 

 Je voudrais que nous comprissions ainsi ce passage: nous, Chanoines, comme sénateurs de l'Eglise, nous imiterions les vieillards d'Israël, et nous réserverions aux vierges de Sainte Claire, survivantes aussi du clergé de Genève, le rôle des vierges de Juda.

  A007000442 

 A votre avis, Messieurs, pourquoi les citoyens de Genève, si obstinés contempteurs de la discipline ecclésiastique, ont-ils cependant conservé tous [111] les noms et tous les monuments qui rappellent cette discipline? Evêché, Pré l'Evêque, Rue des Chanoines, Maison du Chantre, notre Temple de Saint-Pierre, ceux de la Madeleine, de Saint-Gervais: tous ces anciens noms, les novateurs, comme oublieux de leur rôle, continuent à les employer.

  A007000442 

 Genève conserve ses temples intacts, le visage seul de ses images a été récemment détérioré; les stalles des Chanoines subsistent encore.

  A007000442 

 L'hérésie, partout où elle passe, renverse, détruit les temples, brise les images des Saints.

  A007000447 

 Nous avons en effet une consolation à notre époque si malheureuse: la plupart des hommes de bien et de jugement pensent qu'à cette époque est réservée la réalisation d'un vœu formé depuis si longtemps.

  A007000447 

 Nous recouvrerons nos anciens sièges, et enfin délivrés des mains de nos ennemis, nous servirons dans la sainteté et la justice ce Dieu souverainement exalté dans les siècles..

  A007000456 

 Donques sont tout des moyens pour aller au Ciel.

  A007000458 

 ad [Thess.,] I, [l'Apôtre] remercie de la patience [114] des Thessaloniciens, et dict quil se comporte tellement, ut digni habeamini Regno Dei, pro quo et compatimini.

  A007000460 

 Sil y a en nous l'adoption, elle vient du merite de Nostre Seigneur; si la foy, elle vient de Nostre Seigneur; si de l'esperance, de Nostre Seigneur; si de la charité, de Nostre Seigneur; si des Sacremens, de Nostre Seigneur; si des bonnes œuvres, de Nostre Seigneur.

  A007000489 

 Or, tout ce mal icy leur advint de ce qu'ilz presterent trop legerement l'oreille a quelques fauses relations des espions qui furent envoyés en la terre de promission, et ne voulurent pas croire Caleb et Josué qui les conseilloyent sainctement..

  A007000491 

 Seigneur, arrouses de la douce pluÿe de vostre grace ceste vostre vigne, affin que la houë et la pesle y puyssent bien entrer; rendes la traittable, et donnes a cest indigne vigneron la force et l'addresse d'oster les espines et superfluités des mauvaises opinions que le tems y pourroit avoir apporté, a celle fin qu' en son tems elle vous rende le fruict, et le vigneron en puysse avoir le denier promis, qui est ce jour perpetuel.

  A007000493 

 Moyse, ce grand capitaine de probité, estant appellé de Dieu, lhors qu'il paissoit les brebis de son beau-pere Jetro en la montaigne Oreb, a la charge de la conduitte [120] et gouvernement general d'Israël pour le delivrer des mains de Pharao, la majesté de Dieu luy apparoissant en un buysson ardent, il prattiqua tous les vrays moyens, et demanda a Dieu toutes les vrayes qualités, marques et conditions avec lesquelles il faut entreprendre de parler de la part de Dieu et de gouverner un peuple..

  A007000497 

 O saint Prophete, o grand pasteur d'Israël, o advisé Moyse, o digne ambassadeur de Dieu, digne secretaire de Dieu, que tu sçavois bien les conditions requises et fondamentales a une telle charge! Il se tient indigne, il demande le nom, il demande des signes..

  A007000499 

 Si c'est Dieu, ou c'est mediatement ou immediatement: si mediatement, qu'ilz monstrent la succession; si immediatement et extraordinairement, qu'ilz en produisent les preuves, qu'ilz fassent des miracles.

  A007000502 

 O mes Freres, tenes ceste preuve pour fondamentale, et demandes a, ceux qui vous veulent retirer du sein de l'Eglise: Quis te misit? Saint Jan Baptiste fut un grand reformateur et envoyé de Dieu extraordinairement; mays, encores qu'il ne dist rien contraire a l'eglise judaïque, pour ce qu'il venoit a un grand office, vous verres qu'il a des marques pour se faire connoistre; sa vie miraculeuse, sa nativité, contraignoit de dire Quis, putas, puer iste erit? Saint Pol, extraordinairement envoyé, voulut encor une marque visible par l'imposition des mains d'Ananie, Act., 9: Ut videas, dict Ananie, et implearis Spiritu Sancto..

  A007000510 

 En somme, comme c'est grand peché de suivre la voix des faux pasteurs, aussi est-il péché de n'ouÿr la voix des vrays et ne leur obeir.

  A007000510 

 Mays cela s'entend quant a la vocation des prædicateurs, docteurs et pasteurs de l'Eglise, laquelle n'est commune a tous, car si chacun est pasteur, ou sont les brebis? mays seulement de quelques uns qui sont envoyés, comme Moyse, Aaron, saint Jan, Isaye, Hieremie, Helie et David, etc. Or, il y a une autre vocation qui est commune, et comme chacun ne doit penser estre appellé a la premiere, aussi chacun se doit tenir pour appellé a la seconde.

  A007000511 

 An nescis, dict saint Pol, quia patientia Dei ad pænitentiam te expectat? Tu autem secundum impænitens cor tuum, etc. Commences des aujourd'huy, de peur d'estre surpris.

  A007000524 

 La prise de la ville de Hiericho par le vaillant capitaine general des Israëlites Josué, est bien l'une des remarquables qui furent onques faites, pour le stratageme avec lequel les murailles d'icelle furent du tout renversëes, et Hiericho demeura toute nue et demantelee devant l'armëe des Israëlites..

  A007000525 

 Environnes la une foys le jour durant six jours; le septiesme, environnes la sept fois; et en ces environnemens, mettes ordre que l'on porte l'Arche, et devant [130] icelle, aillent sept prestres avec des trompettes sonnant.

  A007000525 

 Or le stratageme fut tel, au rapport qu'en faict Josué mesme es sacrés memoyres qu'il escrivit des choses advenues sous sa conduitte, au sixiesme chapitre.

  A007000525 

 Qui ouÿt jamais raconter un tel siege? Qui conneut jamais un ingenieur si subtil, qui, au son des trompettes, fit renverser des murailles entieres? Qui vid jamais, semblable batterie? Josué leve les yeux en haut; d'en haut vient l'Ange, il l'adore; l'Ange luy enseigne de la part de Dieu le stratageme, Josué croid et se fie en Dieu, il faict ce qui luy est commandé; parmy son armëe l'Arche de Dieu y est, les prestres sonnent, les murailles tombent..

  A007000526 

 Mays je ne suis pas icy pour apprendre la maniere comme il faut entrer et prendre a force les villes terrestres; je voudrois plustost vous dire comme il faut prendre et subjuguer les villes et forteresses spirituelles, ennemies de Dieu et des Saintz, pour le service de la divine Majesté.

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000531 

 Que si celles de Hiericho tomberent au son des trompettes des prestres, celles-ci doivent tomber encores au son de la trompette evangelique et la prædication de la parolle de Dieu, suivant ce que sa Majesté dict a Hieremie: Ecce dedi Mot meum in ore tuo; constitui te super gentes, ut evellas, et destruas, et disperdas, et dissipes, et ædifices, et plantes; c. I. Ainsy David se fit maistre de Sion, suivant ce qu'il dict: Ego autem constitutus sum rex ab eo super Sion montent sanctum ejus, prædicans præceptum ejus.

  A007000532 

 Et avec ces troys conditions, au son de la trompette des prestres, ilz se rendirent maistres de Hiericho..

  A007000533 

 Je voudrois qu'elle fust comme celle des bons prædicateurs, qui est, comme dict saint Pol: Prædicamus autem Jesum Christum crucifixum; Judæis quidem scandalum, etc.; et aussi que l'intention fust de recevoir en son cœur Jesus Christ.

  A007000533 

 Ou sont ceux qui ne vont a la prædication par curiosité de voir les façons et les paroles? Que diries vous de ce malade lequel sçachant qu'en un jardin il y a l'herbe qui le peut guerir, n'y va que pour voir quelques fleurettes? Semblables a Herodes, qui ne desiroit de voir Nostre Seigneur que par curiosité, et le mesprisa; aussi mesprisent-ilz les prædicateurs quand ilz en ont passé leur fantasie, comme les femmes grosses, qui non par faim, mais par fantasie, desirent des viandes.

  A007000537 

 Ce qui procede de plusieurs causes: l'une, qu'ilz ne reçoivent pas la parole de Dieu comme telle, ains comme la parole des prædicateurs; et toutesfois Nostre Seigneur a dit une foys pour toutes: Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit; Et ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi; et ailleurs: Non estis vos qui loquimini, sed Spiritus Patris vestri, etc. Dequoy se plaignant Nostre Seigneur, il dict a Ezechiel: Nolunt audire te, quia nolunt audire me.

  A007000539 

 La parole de Dieu est une medecine, une manne: Beati qui audiunt Mot Dei, en mangeant, et custodiunt illud, en digerant, etc. C'est pourquoy on voit si peu de fruict des prædications, et on rebat tant de fois une chose: Manda, remanda, etc..

  A007000554 

 Ce sont les premieres ou plustost fondamentales paroles de la predication de Nostre Seigneur, lequel apres avoir jeusné quarante jours en la montaigne, descendant de la, commença a prescher aux Juifz, et puys a tout le monde, la sainte pœnitence pour la remission des pechez; nous faysant connoistre qu'ayant faict ce saint jeune pour une pœnitence non ja necessayre (car qui ne pecha jamays et ne peut onques pecher n'avoit ja besoin de pœnitence), mays pour une pœnitence exemplayre, il demandoit de nous pareille pœnitence, et qu'avec semblable façon nous surmontassions [139] les tentations.

  A007000554 

 Enseignement lequel a esté entendu de ceste façon de tous nos anciens Peres, du college mesmes des Apostres, et semini ejus in secula, et a esté ainsy interpreté per os sanctorum qui [ a ] Christo sunt prophetarum; lhors que par « tradition de main en main, » ilz ont observé tres etroittement et commandé le sainct jeusne de Caresme, affin qu'en ce tems la on fit particulierement pœnitence, pour s'approcher dignement autant qu'on peut du Royaume des cieux, ou ne se rendre pas incapables d'iceluy, s'approchant de nous par la communication du præcieux Cors de Nostre Seigneur, vive memoyre de la mort de Nostre Seigneur et de sa Croix, par laquelle le Royaume de Dieu, qui n'estoit qu'a Dieu seul, a esté mesme communiqué aux hommes..

  A007000555 

 Nous sommes advisés que, si nous voulons, le Royaulme des cieux, vraÿe terre de promission, est pour nous; il ne faut que sortir d'Egipte et fayre pœnitence, que bien tost nous y arriverons.

  A007000556 

 Mays pour ce que le chemin par lequel nous devons passer est un grand desert de pœnitence, avant toutes choses je vous veux dire un peu des conditions et qualités d'iceluy, affin que vous ne soyes pas si nouveaus par apres des choses que nous y verrons par le menu; et puys, nous regarderons de nous acheminer.

  A007000565 

 Puys, regardant en haut, et voyant le Ciel ouvert avec la clef de la Croix, il monte sur la colline d'esperance, toute fleurie et pleyne de l'odeur des olives de grace et des lauriers de gloire; et c'est alors que l'ame souspire, c'est alors que les espris se resveillent pour aller en Paradis, pour sortir du peché.

  A007000566 

 Mays comme l'espervier affamé regardant contre la belle proye, se voulant jetter au vol pour s'en saysir et assovir son estomac et avidité, au premier elancement quil faict se trouvant attaché, tout colere, bat tant des aisles et des pieds quil romp son lien, ainsy l'ame qui est arrivëe sur ceste verdoyante et gaÿe colline d'esperance, regardant le Paradis qui luy est donné en proÿe, tasche de s'y eslancer; et c'est lhors quil se sent estre lié par le peché, non pas au paravant.

  A007000568 

 Regarde ce beau jeune gentilhomme, la beauté du monde, la bonté parfaitte, la douceur des Anges, venu en terre, et demande: Pourquoy est venu le Roy du Ciel en terre? Et les Anges te respondront: Sic Deus dilexit mundum.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000585 

 Ceste ci est l'une des plus notables et signalëes sentences de l'Evangile, en laquelle la maniere de bien et deüement servir Dieu est exprimee et declairee par Dieu mesme.

  A007000592 

 Or, il entre en propos avec elle, parce que ses disciples estoyent allés en la ville acheter des viandes; Discipuli enim ejus abierant in civitatem ut cibos emerent.

  A007000610 

 Apres qu'Helie eut faict ceste grande vengeance et tuerie des prophetes de Baal vers le torrent de Cison, comme il est escrit 3.

  A007000612 

 Dieu envoya des lyons; en remede dequoy on leur envoye un prestre de ceux qui estoyent captifz, qui leur enseignoit la loy de Dieu; mays ces gens ne se sçavoyent resoudre a abandonner leur idolatrie, et partant adoroyent Dieu et tenoyent sa religion, et la religion des faux dieux.

  A007000612 

 En fin, sous Osee, Salmanazar roy d'Assyrie rendit captifz tous ces schismatiques, comme le Turc a faict nos schismatiques, et pour les garder de rebellion les fit tous transmarcher en Assyrie, et en leur place envoya des Scythiens et Babyloniens; c'estoyent [154] des meschans.

  A007000612 

 L'origine des Samaritains est, qu'apres la division du royaume d'Israël faite par Hieroboam (3. Reg., 12), comme Achias Silonite avoit prædict 3.

  A007000612 

 Reg., 11, qui seroit long a raconter, Hieroboam, de peur que les dix tribuz de son obeyssance ne reprinssent l'affection de leur roy naturel, Roboam, s'ilz alloyent reconnoistre le Temple et l'ordinaire succession des prestres en Hierusalem, il fit un temple des faux dieux en Samarie, et fit des prestres du vulgaire, qui n'estoyent pas de la succession legitime de Levi.

  A007000613 

 11, c. 8; [7.] mais sur tout, c'est parce qu'ilz estoyent schismatiques, et avoyent dressé autel contre autel, ayant faict un temple au mont de Garisin, et des prestres autres que de la succession ordinaire, dont vint la dispute devant le roy d'Egypte, qui adjugea pour les Hebreux (Josephe, l. 11 et 13); et qu'ilz ne recevoyent que les cinq Livres de Moyse, le Pentateuche, du reste ilz s'en mocquoyent.

  A007000613 

 [5.] C'estoyent des gens neutres, ce dict Josephe, l. 12, c. 7.

  A007000613 

 parce qu'ilz estoyent de la race des Assyriens qui avoyent fort tourmenté les Juifz; 3.

  A007000614 

 Mais parce qu'il luy faschoit de s'arrester sur ce discours, elle le destourne sur une dispute de la religion; car c'est l'ordinaire des religions vicieuses que de mettre force disputes en avant, et que les peuples s'en veulent aussi bien mesler que les autres.

  A007000627 

 Nostre Seigneur avoit receu ceste courtoise cene ou souper des Bethaniens six jours avant sa Passion, en laquelle se trouva Marie et Marthe, et mesme le glorieux Lazare resuscité, quand, le cinquiesme jour avant sa glorieuse et douloureuse mort, comme vray aigneau paschal, il se faict amener et l'asnon et l'asnesse pour se monstrer, affin de venir faire en cest humble equipage, l'incomparable et glorieux triomphe en Hierusalem, duquel l'Eglise celebre aujourd'huy la bienheureuse memoyre, triomphant ainsy humblement pour la victoire, laquelle ne se devoit rapporter qu'avec humilité.

  A007000631 

 Ce seroit quelque chose de plus doux s'il eust dict: Vita hominis est in militia super terram, car encores se trouve-il des gens qui ont le repos et leur ayse en guerre; dequoy font foy ceux qui s'y enrichissent [158] et engraissent, butinans paisiblement ores sur celuy cy, ores sur cestuy la.

  A007000631 

 Ilz ne pensent pas autre chose, sinon que ceste horrible et affreuse Megere, la guerre, ceste ruine commune des republiques, ceste perte de l'Estat, soit une favorable occasion de s'accommoder, volant, pillant, saccageant, assassinant impunement, s'y jouant aux despens du pauvre homme, comme l'on feroit au roy despouillé, avec toute sorte de liberté, sans crainte de la justice, laquelle se ressentant fort de sa viellesse en nostre miserable aage, est fort foible en tout tems, mays principalement en tout tems de guerre.

  A007000633 

 L'un de ces troys au Deut., est fort et puyssant; que sera ce des troys ensemble? Dict le divin Prescheur, Eccl., IV: Funiculus triplex difficile rumpitur..

  A007000634 

 Ceste chair alleche la volonté, ores par des playsirs, ores par des richesses; ores elle nous met des imaginations de pretentions, ores en l'entendement une grande curiosité, tout sous especes et prætexte de bien.

  A007000639 

 Oui sent l'assaut de l'avarice, il faut qu'il coure a l'aumosne, et a la consideration de la vanité des biens de ce monde.

  A007000641 

 Quatriesmement, une grande diligence a nous servir des moyens que Nostre Seigneur nous a mis en main, pour monstrer que nous nous fions en luy, non pas en nous.

  A007000643 

 Coupans les branches d'arbres, ilz monstrent qu'il faut combattre la concupiscence; ce qu'ilz jettent leurs vestemens aux pieds de Nostre Seigneur, monstre qu'ilz n'ont nulle confiance en eux mesmes, comme s'ilz osoyent dire: Non nobis; ce qu'ilz crient Hosanna, monstre qu'ilz se fient en la seule protection divine, et se veulent servir du premier moyen; ce qu'ilz vont jusques au mont des Olives et qu'ilz le menent dans leur ville, monstre la reception que nous luy devons faire.

  A007000651 

 La joye fut sans doute bien grande en l'arche de Noë, quand la colombe, peu auparavant sortie comme pour espier l'estat auquel estoit le monde, revint en fin portant en son bec le rameau d'olive, signal bien asseuré de la cessation des eaux, et que Dieu avoit redonné au monde le bonheur de sa paix.

  A007000651 

 Mays, o Dieu, de quelle joye, de quelle feste, de quelle allegresse fut ravie la trouppe des Apostres, quand ilz virent revenir entr'eux la sainte humanité du Redempteur apres la resurrection, portant en sa bouche l'olive d'une sainte et aggreable paix: Pax vobis, et leur monstrant les marques et signes indubitables de la reconciliation des hommes avec Dieu: Et ostendit eis manus et pedes.

  A007000654 

 Helas, que leur foy estoit esbranlëe! La pauvre Magdeleine le va cherchant parmi les mortz pour l'embaumer, et croit qu'on l'aye desrobbé; les Apostres sont telz, que visa sunt illis deliramenta, et non crediderunt illis, c'est a dire aux dames qui l'avoyent appris des Anges; les deux pelerins disent: Sperabamus; le grand saint Thomas crie: Non credam.

  A007000654 

 Mais comme se peut il faire qu'ilz croyent, puysqu'ilz ont veu et touché? Le sens a faict comme le fourrier qui loge un autre et n'y demeure pas; car il a logé la foy dans le cœur des Apostres et dans les nostres, et neantmoins n'y demeure plus en credit, car la foy estant arrivëe, le sens cesse, comme l'esguille introduit la soye, etc..

  A007000655 

 Mais quelz articles sont establis? [1.] De l'identité des cors en la resurrection: In carne mea videbo Deum Salvatorem meum; rursum circumdabor pelle mea.

  A007000655 

 [2.] De la qualité des cors, qui suivront les mouvemens de l'ame comme les vestemens.

  A007000656 

 Aves vous besoin de force, voicy mes mains; aves vous besoin de cœur, voicy le mien; estes vous colombelle, voicy des trous; estes vous des malades, voicy la medecine: Et absorpta est mors in victoria.

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000672 

 Saint Pol, racontant aux Hebrieux, 9, comme l'Ancien Testament fut dedié, il dict que Moyse ayant leu tous les commandemens de la Loy, prenant le sang des veaux et boucs, avec l'eau et la laine pourprine, et l'hyssope, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit. Mais omnia in figura contingebant illis; et ou est le livre que Nostre Seigneur a aspersé de son sang, au Nouveau Testament, sinon la Croix, en laquelle Nostre Seigneur ayant leu tous les commandemens de la Loy, qui n'est autre sinon: Diliges Dominum, etc., Mandatum novum do vobis, ut diligatis vos invicem, crie a haute voix: Pater, ignosce illis; In manus tuas, etc.? Il asperse tout le monde de son sang par l'institution des saintz Sacremens, particulierement de celuy de l'Autel..

  A007000674 

 Ou voules vous donques aller sinon a la Croix pour l'apprendre? dont saint Pol, le plus savant des hommes qui furent onques, s'escrie: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum Christium, et hunc crucifixum..

  A007000677 

 Continues a y lire, et vous y trouveres Nazarenus, qui signifie floridus, qui est encores un autre tres grand sujet de glorification; car par la Croix, nostre ame a esté parëe des belles et saintes fleurs de tant de vertuz, de tant d'aureoles si odoriferantes.

  A007000678 

 En fin vous y lires Rex Judæorum, Roy des Juifz.

  A007000681 

 Sainte donq est la coustume des Chrestiens: « Tanta veneratione lignum illud habetur, » dict saint Chrysostome, Homil.

  A007000682 

 Je reviens a Helene, l'honneur des princesses, qui a cherché et trouvé ce saint bois, avec tant de soin, de travaux et de peyne.

  A007000694 

 Nostre Seigneur n'a esté servi des Anges que deux fois, que je me souvienne, immediatement: au jardin d'Olivet, et au desert apres le jeusne.

  A007000704 

 des Rois, 19, se confesse recevoir un grand honneur de David d'estr'en sa table: Tu autem posuisti me servum tuum inter convivas mensæ tuæ..

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000725 

 Quelle merveille donques si en l'Evangile du jourdhuy nous le voyons environné de malades: pecheurs et publicains? O vayne et sotte murmuration des Juifz: Hic peccatores recipit.

  A007000728 

 C'est vrayement la proprieté des pecheurs que de s'esloigner de Dieu tant qu'il est possible.

  A007000728 

 Je trouve admirable et profonde la description que le saint personnage et langoureux prophete Job faict des pecheurs, quand il les qualifie en ceste façon: Qui dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus (cap. 21 ); Retire toy, va t'en, destourne toy de nous, nous ne voulons point sçavoir tes chemins. O belle façon de parler, o description pleine de doctrine! Pour dire les pecheurs, il dict ceux qui ont dict a Dieu: Retire toy de nous.

  A007000729 

 De maniere qu'en saint Luc, 13, parlant des pecheurs obstinés, il dict qu'il leur sera dict: Discedite a me, omnes operarii iniquitatis, et tesmoigne que ibi erit fletus et stridor dentium..

  A007000731 

 La ou, remarques la façon, l'immobilité est propre a Dieu et la mobilité aux pecheurs, et ilz la veulent renverser: Recede a nobis, etc. Secondement, l'ame s'esloigne de Dieu fuyant ses graces et les moyens qu'il nous propose pour nostre salut; comme l'on dict qu'un tel fuit les medecins, non pas pource qu'il laisse la personne des medecins, mays les remedes: Scientiam viarum tuarum nolumus..

  A007000733 

 C'estoit pour figurer que ce second et veritable David devoit laisser approcher de luy les pauvres et necessiteux, les affligés et les miserables, ceux qui gemissent sous le pesant fardeau des infirmités corporelles, et beaucoup plus ceux qui sont accablés sous l'espouvantable fardeau du peché..

  A007000733 

 Il est raconté de David, au chap. 22 du I. des Roys, qu'estant dans la caverne de Odolla, les souffreteux et affligés s'en vindrent a luy, et il se rendit leur roy.

  A007000735 

 O difficile condition des prædicateurs..

  A007000739 

 Ce sont les eaux de contrition qui font germer ceste terre, produire des fruictz.

  A007000739 

 Il tire des plus grans pecheurs les exhalaisons saintes, qui sont les considerations de leurs fautes, jusques a un certain degré de crainte et d'apprehension, jusques a la moyenne region de l'air, considerant qu'ilz sont entre le Paradis et l'enfer, entre la damnation et salvation.

  A007000739 

 Il va dardant ses rayons sur les justes et injustes, et des plus fangeux bourbiers, il tire les vapeurs en haut, lesquelles, arrivëes a certaine distance, sont converties en une douce pluÿe, laquelle descendant donne vie et faict germer les fruictz.

  A007000750 

 Celuy que vous estes venuz adorer, Jesus Christ vostre Seigneur et le mien, vous doint si bien faire ce pour quoy vous estes venuz, que vous recevies abondamment grace, paix et benediction de sa part, et luy, tout honneur et gloire de la vostre es siecles des siecles.

  A007000792 

 Hæretiques de nostre aage ne sont envoyés, car ilz ne prouvent: voicy l'argument des argumens..

  A007000795 

 Il estoit de la race des prestres, et a luy appartenoit l'office.

  A007000804 

 Mays tout cecy ne sont qu'occasions recherchëes pour pallier et masquer l'abomination de la division qu'ilz ont faitte en l'Eglise, laquelle donnant des tesmoignages de sa visibilité et de son incorruption, pendant que les sectaires devisent ainsy d'elle, elle comparoist par tous les lieux de la [206] terre sur l'ancien et le nouveau monde, et par tout se faict voir et regarder en ses serviteurs et prædicateurs, pour tesmoignage tres asseuré de sa visibilité et pour attester de son incorruption.

  A007000807 

 Mays pour ne laisser aucune occasion en arriere pour faire reconnoistre l'Eglise, je vous apporteray maintenant des preuves tres certaines et tres claires comme elle est visible..

  A007000809 

 Ilz trouveront bien, Num. 20, 4, que le peuple se plaignant de Moyse au desert Sin a faute d'eau, il dict: Cur eduxisti ecclesiam in solitudi nem? Mais qui [207] ne void que ceste assemblæe estoit visible? Ilz trouveront, Actes, 20, que saint Pol allant de Chio en Hierusalem, ne voulant passer par Ephese de peur d'y arrester trop, voulant faire le jour de Pentecoste en Hierusalem, des Milette il envoya appeller les anciens de l'Eglise, et en une exhortation qu'il leur fit: Attendite vobis, et universo gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei, quam acquisivit sanguine suo.

  A007000815 

 Donques en ce verset, il parle de ce que devoit estre [210] le Christianisme et l'Eglise, et la compare a troys des plus nobles et illustres choses du monde.

  A007000818 

 Dites moy ou est la vraye prædication sinon en l'Eglise? et ou la chercheray je si je ne sçay ou est l'Eglise? Ou est la vraye administration des Sacremens sinon en l'Eglise? et ou voules vous que je les cherche si ceste Eglise est invisible et cachëe? Le jour de Pentecoste, le Saint Esprit vint il pas en l'Eglise, et toute ceste assemblëe estoit ce pas un cors visible? Mesme le Saint Esprit tient l'Eglise visible a tel poinct que, pour s'accommoder a sa visibilité, luy mesme qui est invisible, s'apparut a elle en forme visible.

  A007000821 

 Mays combien que la sainteté et les esleuz ne soyent conneuz que de Dieu, combien qu'elle soit l'Eglise du Sauveur qu'on ne void pas, n'est il pas vray que l'Eglise est ce champ qui comprend la bonne semence et la zizanie; qu'elle est ceste grange laquelle enferme le grain et la paille; qu'elle est ceste grande mayson dont parle saint Pol, ou il y a des vaysseaux prætieux et des vaysseaux vilz et abjectz, et que la separation ne sera faite qu'a la fin du monde, lhors que de militante elle deviendra triomphante?.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000835 

 Et qui diroit autrement, il feroit tort au sang de Jesus Christ, lequel n'a pas eu moins d'efficace pour fonder son Eglise a perpetuité, que le sang d'Adam a entretenir les generations des hommes; car ne sçaves vous pas que comme Adam a laissé une generation perpetuelle en son sang, aussi Jesus Christ a laissé une generation au sien? Que si le monde dure encores au sang d'Adam, pourquoy ne [216] durera aussi l'Eglise au sang de Jesus Christ? C'est ce que vouloit dire le grand David: Deus fundavit eam in æternum (Pseau. 47); Magnus Dominus et laudabilis nimis, in civitate Dei nostri..

  A007000838 

 Donq, avec ceste verge de la sainte Loy, domine au milieu de tes ennemis, qu'est ce a dire sinon que tousjours ceste Eglise seroit stable et visible, en laquelle Nostre Seigneur regneroit et domineroit, voire parmi les plus grandes bourrasques et tempestes des afflictions? Il n'y aura donq jamais tempeste qui empesche Nostre Seigneur de regner en l'Eglise; car autrement il ne domineroit pas parmi ses ennemis, mays demeureroit sans seigneurie et domination en ce monde.

  A007000844 

 Voyla qui me faict arrester a prouver contre eux ces [221] verités, lesquelles estant bien certaynes et asseurees, il est bien certain et asseuré aussi que l'eglise des adversaires, qui n'a pas esté visible avant cinquante ou soixante ans, et qui n'a point esté tousjours, n'est pas la vraye Eglise et par consequent que tous ceux qui sont en icelle sont hors de leur salut æternel, s'ilz ne s'amendent.

  A007000855 

 Et quand a l'Eglise Catholique, elle tient que Nostre Seigneur est receu reellement et spirituellement, et que comme reellement il entra en la salle les portes fermëes, ainsy entre il dans nostre cors; mays comme il entra en la salle en façon d'esprit, sans ouverture des portes, sans estre veu ni apperceu jusques a tant qu'il fut au milieu des Apostres, ainsy il entre en nous en façon d'esprit sans occuper place, estre veu ni apperceu..

  A007000856 

 Secondement, parce que le cors de Nostre Seigneur entrant en la salle estoit vray cors, et entra sans estre veu ni apperceu, sans ouvrir les portes, sans occuper place; ainsy sortit il du sepulchre, ainsy monta il au Ciel, tout sur la nature des cors, ainsy chemina il sur les ondes..

  A007000863 

 Les saintes ceremonies et paroles des Evangelistes: Sciens Jesus quia venit hora ejus ut transeat ad Patrem, cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos; cæna facta, etc., surgit a cæna et posuit vestimenta sua, et cum accepisset linteum præcinxit se; deinde misit aquam in pelvim, etc. [227] La benediction, etc.; action de graces; la menace de saint Pol: Non dijudicans Corpus Domini..

  A007000873 

 Ni la ceremonie et forme; nom plus que celle des advérsaires, qui font le matin, ou on dict l'Epistre aux Chorinth., ou on ne lave point les pieds; mays a sçavoir si en la Cene Nostre Seigneur fit le sacrifice.

  A007000876 

 Actes des Apostres, 13: sacrificantibus..

  A007000900 

 Ainsy Nostre Seigneur desirant extremement de parachever l'œuvre de nostre redemption, s'avoisinant le tems de sa Passion, il en faict des discours et prædictions a ses Apostres en plusieurs lieux, et particulierement en la portion evangelique que [231] l'Eglise nostre Mere nous propose aujourd'huy pour l'entretien de nos ames, ou Nostre Seigneur, comme grand Cappitaine, traitte avec ses Apostres de la victoire qu'il devoit remporter sur le peché et ses complices; mays auparavant il discourt de l'aspre bataille de sa Passion, ce que les Apostres ne comprirent pas pour l'heure.

  A007000903 

 La chere Espouse donques dict que son Amy luy sera comme un faisceau de myrrhe sur son cœur, pour monstrer qu'elle se resouviendroit [232] a jamais des amertumes de sa Passion douloureuse: Fasciculus myrrhæ, etc. Ce qui est encores dict avec extreme elegance par le prophete royal David, Psal. 44: Myrrha et gutta, et cassia a vestimentis tuis; ex quibus delectaverunt te filiæ regum in honore tuo; car le Prophete parlant au Messie, il luy dict: La myrrhe et la goutte d'icelle, et la casse, c'est a dire l'odeur de ces prætieuses liqueurs, vient de tes vestemens.

  A007000903 

 Qui sont vestemens du Sauveur, sinon son cors et son ame, comme dict l'Apostre, Philipp., 2: Formam servi accipiens, in similitudinem hominum factus, et habitu inventus ut homo? Et ce cors icy et l'ame mesme ne respirent que l'odeur de myrrhe, c'est a dire de grandes consolations provenantes d'un fondement douloureux, qui est la Passion, lesquelz vestemens viennent des maysons d'ivoire tres pures du Ciel et de la glorieuse Vierge..

  A007000909 

 Au tems de Julien l'Apostat, voulant iceluy faire redresser le temple judaïque en desdain des Catholiques, il apparut un cercle argentin au ciel, avec la Croix; Nazian., Orat.

  A007000909 

 Du tems d'Alfonce Albuquerque de Bargua, en l'une des contrëes des Indes il en apparut une..

  A007000910 

 Par ce que l'Eglise en a prattiqué des les premiers siecles: tesmoin saint Denis, 4, 5, 6 de sa Hier.

  A007000916 

 Pourquoy appelle on le Dimanche saint? Pourquoy l'escabeau des pieds? Exod., 3: Solve calceamenta pedum, locus enim in quo stas, terra sancta est.

  A007000918 

 Selon la version des septante interpretes, il y avoit a ligno, mais, au recit de Justin, in Dialogo cum Tryphone, les Juifz osterent ce mot.

  A007000930 

 Et nos plus proches devanciers, suyvant le sacré ton de leurs ayeulz en une devotieuse harmonie, chantoyent a tous coups, en tous lieux Ave Maria, pensans se rendre tres aggreables au Roy celeste, honnorans reveremment sa Mere, et ne sçachans ou rencontrer maniere plus propre pour l'honnorer qu'en imitant les honneurs et respectz que Dieu mesme luy avoit decreté et accommodé selon son bon playsir, pour l'en faire honnorer, le jour que sa divine Majesté voulut tant honnorer en ceste Vierge tout le reste des hommes, que de se faire homme luy mesme.

  A007000932 

 En fin, toute leur reprehension contient trois poinctz: premierement, que c'est un attentat du ministere des Anges de dire la Salutation angelique, puysque nous n'en avons pas charge; secondement, que c'est superstition de saluer une absente; tiercement, que c'est une lourdise de penser prier avec ceste sainte Salutation.

  A007000933 

 Toute l'Escriture est pleyne de beaux exemples et salutations des Patriarches aux Anges et entr'eux; et par tout, a tous rencontres, la salutation y est cottëe.

  A007000952 

 Ainsy le faut il croire sans doute; et partant, voulant aujourd'huy vous monstrer avec ces paroles un des premiers et plus importans fondemens de la doctrine chrestienne, je vous supplie, demandons a ce celeste Consolateur son ayde, laquelle pour mieux obtenir, il nous y faut employer l'intercession de tous les Saintz, particulierement de la glorieuse Vierge, a laquelle partant nous presenterons l' Ave Maria..

  A007000952 

 C'est un viel axiome entre les philosophes que tout homme desire de sçavoir: « Omnis homo natura scire desiderat, » dict Aristote; en quoy l'esprit humain est si ardent, que l'ennemy ne sceut trouver tentation plus grande pour decevoir nostre premier pere que de luy proposer: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, Vous seres comme des dieux, sçachans le bien et le mal; Genes., 3.

  A007000952 

 ad Paulinum Presbyterum; qui fit aller des le bout de France et d'Espagne a Rome vers Tite Live.

  A007000954 

 des Roys, de l'admirable fabrique du Temple de Salomon, raconte qu'il n'y avoit qu'une entrëe en l'oracle qui estoit dans iceluy; mays ceste entrëe avoit deux huis de bois d'olive, il y avoit cinq posteaux, et sur les huis estoyent peintz des cherubins, des palmes, entaillé et relevé d'ouvrages; au parsus tout y estoit doré.

  A007000956 

 Mais parce qu'en ceste doctrine nous ne sommes pas d'accord avec les adversaires, j'en diray sommairement quelque chose qui confirmera l'interpretation et la foy catholique, en cest ordre: premierement, qu'il y a des saintes Traditions en l'Eglise; 2.

  A007000956 

 une briefve resolution contre toutes les objections des adversaires..

  A007000962 

 Il parle des ceremonies du Baptesme, du signe de la Croix, du sacrifice anniversel pro defunctis, et dict: « Si legem expostules Scripturarum, nullam invenies; Traditio tibi prætendetur auctrix, consuetudo confirmatrix, fides observatrix.

  A007000964 

 Que diray je des adversaires? Combien ont ilz de Traditions? Le Dimanche, par tout l'observation d'iceluy; Pasques, l'Ascension en quelques lieux; le Baptesme des petitz enfans, les parrains, l'imposition des noms, donner la cene le matin, se marier devant le ministre.

  A007000965 

 Quant au II e, je dis les Traditions estre necessaires: [1.] pour authentiquer l'Escriture; car qui nous a dict qu'il y a des Livres canoniques? L'Alcoran dict bien qu'il a esté envoyé du ciel, mais qui le croit? Qui nous a dict l'Evangile de saint Marc, etc., plustost que celuy de [249] saint Thomas et de saint Bartholomé? Pourquoy ne reçoit on l'Epistre qui porte le tiltre ad Laodicenses puysque saint Pol aux Coloss., c. ult., atteste leur avoir escrit, plustost que celle aux Hebrieux? Pourquoy croiray je que l'Evangile de saint Marc est celuy de saint Marc qu'on monstre maintenant?.

  A007000968 

 Pour le nombre des Sacremens; car qui m'a dict que le lavement des piedz que fit Nostre Seigneur ne fut pas Sacrement et le Baptesme le fut? et qui m'a dict qu'il falloit mettre du vin au calice? etc..

  A007000969 

 Nous avons plusieurs articles de foy par la, comme: [1.] que le Baptesme des hæretiques est bon; 2.

  A007000989 

 Ce fut le Saint des saintz, ce fut Dieu mesme qui luy apparut, mays en quelle forme? Cumque levasset oculos, apparuerunt ei tres viri; sous l'apparence de troys, Celuy qui est unique Seigneur vint visiter son serviteur.

  A007000989 

 Entre les signalëes faveurs que la bonté de Dieu fit a son bon serviteur Abraham nostre grand pere, l'une fut a mon advis, des plus grandes, lhors qu' en la vallee de Mambré, sa divine Majesté le vint visiter en son tabernacle visiblement, ainsy que raconte le Genese, chap. 18; car quel homme estoit ce qu'Abraham, affin que vous le visities? Apparuit ei Dominus in convalle Mambre.

  A007000989 

 Il est bien dict au commencement du Genese, que Dieu dict: Faciamus hominem ad imaginem et [254] similitudinem nostram, par lesquelles paroles la Trinité de ce Facteur estoit monstrëe; mays jamais l'apparition n'en avoit esté faitte devant Abraham, dont avec merite on a appellé justement Abraham pere des croyans, comme ayant eu une si signalëe revelation de ce mistere fondamental de nostre foy: Apparuit Dominus; « tres vidit, et unum adoravit.

  A007000989 

 O mistere des misteres! Le Seigneur unique apparoist en troys personnes a Abraham.

  A007000992 

 C'est l'article fondamental de toute nostre foy chrestienne, que celuy pour la celebration duquel l'Eglise solemnise ceste journëe, a sçavoir la sainte Trinité des Personnes divines.

  A007000992 

 Voicy donques l'article des articles: « Fides ergo Catholica hæc est, ut unum Deum, » etc..

  A007000995 

 Et cest amour supreme qui les lie ainsy l'un a l'autre, procedant du regard qu'ilz ont l'un a l'autre, est une troysiesme Personne divine esgale a eux, consubstantielle a eux, infinie, æternelle et independante comme eux, qui est le Saint Esprit, l'amour et l'unité du Pere et du Filz, et le terme sans terme de leur mutuelle complaysance et des emanations æternelles..

  A007000995 

 Penses quelle gloire a un tres bon pere d'avoir un filz qui luy ressemble parfaittement; mais s'il le ressembloit tant que ce fust un autre luy mesme, ah quelle consolation! J'ay veu des peres qui avoyent quelque vertu, o combien ilz estoyent consolés d'avoir des enfans vertueux, etc. C'est ceste gloire qui [258] merite d'estre celebrëe a jamais: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc.

  A007000997 

 Gloria, en singulier, en [259] parlant des troys, pource que ces troys Personnes ont la mesme gloire; Patri et Filio, pource que, combien que ces deux Personnes soyent un seul et mesme Dieu, et que le Pere regarde son Filz comme un autre luy mesme, il y a neantmoins ceste distinction, que le Pere a la divinité par luy mesme, et le Filz, par la communication du Pere: et sans cela, ni l'un ne seroit Pere, ni l'autre ne seroit Filz, ains ces deux noms seroyent des noms faintz et sans fondement.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 O malheureux et infortunés docteurs, qui ayment mieux estre latins que chrestiens! C'est une des ruses du diable, qui, sous couleur de quelque plus grande pureté de latin, tend a nous enlever la creance des premiers et plus importans misteres de nostre sainte religion.

  A007001002 

 Saint Pol se plaint des philosophes gentilz, Rom., I, quia cum Deum cognovissent, non tanquam Deum glorificaverunt, aut gratias egerunt; sed evanuerunt in cogitationibus suis, et obscuratum est insipiens cor eorum.

  A007001005 

 La memoire morte est le saint signe de la Croix; ce sont les prætieuses reliques des Saintz qui ont souffert en leurs cors, comme dict l'Apostre saint Pol, ce qui reste des souffrances de Jesus Christ.

  A007001029 

 Gamaliel: Si cette œuvre est des hommes, elle se dissipera.

  A007001038 

 Le propre des hérétiques est de perdre ce que le Siège Romain avait acquis, de dissiper ce qu'il avait amassé: exemples en Allemagne..

  A007001059 

 par des autres passages, par l'antiquité et les miracles et les raysons, et toute sorte de tesmoins.

  A007001060 

 Que qui voudra me demander des doutes, soit par escrit ou autrement, il m'obligera infiniment a luy, et le prendray a singuliere faveur, et tascheray a luy fayre en contrechange toute bonne satisfaction avec toute charité et respect.

  A007001064 

 2, ayant parlé des ceremonies anciennes, il les apelle quæ sunt umbra futurorum.

  A007001064 

 il compare les Juifz a des hommes dormans et les autres aux veillans: Il est tems, dict il, que nous levions du sommeil.

  A007001067 

 On mangeoit le pain sans levain, avec des lettues sauvages, pour monstrer qu'au lieu de l'aigneau succederoit le banquet Eucharistique du saint Pain avec contrition..

  A007001081 

 Les saintes reliques des Martirs, que Nostre Seigneur a voulu estre recommandables et honnorables par beaucoup de tesmoignages..

  A007001086 

 13, les larrons de Moab courans, des gens qui portoyent un mort les virent et le jetterent au sepulcre d'Helisëe; ayant touché il resuscita.

  A007001132 

 David, 16 du premier [des Rois]: Deus intuitur cor, et le faict roy ex intuitu cordis; et tamen, il peche..

  A007001213 

 Vous serez comme des dieux, ou bons ou mauvais.

  A007001215 

 Ainsi les mots: esprit, spirituel, vie, vital, Sacrement, sacramentel, ne nient point la réalité des corps, ils la supposent au contraire.

  A007001215 

 Ainsi: La vie était la lumière des hommes, et cet esprit, qui est Dieu le Verbe, s'est fait chair.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001215 

 Celui qui me mange vit lui-même par [ moi ]. Nul ne peut s'écarter du sens propre de toutes ces affirmations, à moins que l'Ecriture ne l'y force par des textes contraires.

  A007001215 

 Il est étrange de voir des hommes qui en appellent constamment aux Ecritures se tromper parce qu'ils ne connaissent ni les Ecritures ni la puissance de Dieu..

  A007001215 

 Leur fussent-ils même contraires, il ne s'en suivrait pas qu'une proposition détruisît l'autre, car chacune d'elles pourrait être comprise littéralement, à des points de vue divers.

  A007001216 

 Gardez-vous du levain des Pharisiens, qui est l'hypocrisie.

  A007001218 

 Par le fait que l'Eglise l'a toujours cru ainsi, comme le prouvent le Concile de Nicée, le soulèvement de l'Eglise contre Bérenger et l'aveu même des adversaires..

  A007001221 

 Jésus-Christ marche habituellement pas à pas, Pour montrer à la Vierge que rien n'est impossible à Dieu, il lai donne l'exemple de la femme stérile; pour prouver son pouvoir de remettre les péchés, il guérit les maladies du corps; et ainsi des autres.

  A007001231 

 De Saintes, Répétition II, chap. X.: Sabellius soutenait l'unité de personne dans la Trinité; Arius, qu'il n'y avait d'unité que par l'accord mutuel des trois Personnes.

  A007001233 

 Car je désirais, etc., pour mes frères qui sont mes proches selon la chair; qui sont les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des enfants, et la gloire, [et] l'alliance.

  A007001252 

 Je suis un des serviteurs auxquels a été confiée la charge d'inviter, etc..

  A007001254 

 Abraham avait habité ce lieu et y avait creusé des puits.

  A007001254 

 Jésus-Christ nous a creusé des puits de doctrine dans l'Ecriture, mais les Philistins les remplissent de leurs interprétations terre-à-terre.

  A007001256 

 C'est donc, d'après l'usage universel, un mot générique; il indique des choses qui se ressemblent par leur forme et leur destination plutôt que par la matière.

  A007001256 

 Mais pourquoi Jésus l'avait-il employé? Je réponds que le mot pain peut signifier des aliments d'espèces et de substances absolument différentes.

  A007001276 

 Pétris vite trois mesures de fleur de farine, et fais des pains cuits sous la cendre.

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001307 

 Saint Cyprien, De la Cène: « Ce même pain des Anges que nous mangeons ici-bas sous les voiles sacramentels, au Ciel, nous nous en nourrirons plus véritablement, sans l'entremise du corps, sans Sacrement.

  A007001308 

 Saint Ambroise, liv. I des Devoirs, chap. XLVIII: « Ombre dans la Loi, vérité voilée dans l'Evangile, vérité sans voile au Ciel.

  A007001312 

 Afin que nous n'ayons pas horreur; saint Ambroise, liv. VI des Sacrements, chap. 1..

  A007001320 

 Comme le mesme soleil faict voir au printems la beauté des jardins, des champs, des prés, des boscages et riantes campaignes, et descouvre la laideur des esgoustz et cloaques, ainsy la mesme semence qui met en prix la fertilité d'un bon champ, faict cognoistre la sterilité de l'autre et le met en mespris.

  A007001344 

 Comme le soleil environnant toute la terre vivifie tout ce qui se descouvre et presente a ses rayons, ainsy Nostre Seigneur se promenant au travers la ville de Hiericho, se presentant a ses yeux lumineux Zachee mort de la mort de plusieurs pechés, il le revivifie, et faict en luy l'une des admirables conversions qui fut onques faite; de laquelle conversion je ne puys rien dire qui soit utile et prouffitable a vos ames, si Nostre Seigneur ne m'esclaire encores et remplit ma bouche des parolles de vie.

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Et pourquoy donques y a il des jours qui sont appellés saintz, consacrés, dediés, et qui s'appellent jours de Dieu, jours du Seigneur? Dieu est il plus en ces jours la qu'es autres? Non [313] veritablement.

  A007001350 

 Mais c'est une regle generale que voyant l'Escriture affermer une chose d'un costé et la nier de l'autre, on ne doit pas entendre la negation absolument, mays seulement avec quelque condition; ainsy quand il nie estre au temple, cela s'entend y estre comme des choses creëes, lesquelles sont tellement en un lieu qu'elles ne sont pas en l'autre.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001351 

 En quoy encores elle nous instruit de ce que nous devons faire affin que Jesus Christ fasse son habitation chez nous; car nous sommes les temples de Dieu, pour lesquelz les autres temples ont esté faictz: Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? Saint Luc dict donques que Nostre Seigneur traversant la ville de Hieri cho, voicy qu'un homme appellé Zachee, prince des publicains, fort riche, vouloit voir Nostre Seigneur quel homme c'estoit.

  A007001353 

 Ainsy plusieurs estans couchés parmi leur meschanceté, sentent que Dieu frappe a la porte, ilz font des sourds; apres, ilz voudroyent se confesser, qu'il faut passer outre, et sçachans la beauté de la vertu, ilz font comme le paresseux: Vult et non vult piger; 13 Proverbes.

  A007001353 

 Ilz font comme ces gens des Proverbes, 1: Pedes eorum ad malum currunt; mais a bien faire, ilz font comme ces invités, avec un monde d'excuses; ilz font comme ces vierges folles: Date nobis de oleo vestro, quand ilz sentent venir l'Espoux; mays, helas, c'est trop tard..

  A007001354 

 Ne sçaves vous pas que Joab respondit a Abner (2 des Rois, 2 )? Il l'avoit poursuivi si vivement, qu'Abner voyant le soleil couché, et que neantmoins Joab poursuivoit tousjours a les battre, il s'escria: Num usque ad internecionem tuus mucro desæviet? Et ait Joab: Vivit Dominus, si locutus fuisses mane, recessisset populus persequens.

  A007001356 

 Voules vous le salut? faites comme Zachee, festinans; commences des maintenant, ce ne peut jamais estre trop tost, mais bien trop tard: Deus pœnitentibus veniam promisit, tempus pœnitendi non promisit.

  A007001366 

 Considerons cecy plus particulierement, et voyons quelle des troys façons est plus convenable a la presence et manducation du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement..

  A007001367 

 Ainsy les antropophages des Indes s'entremangent les uns les autres reellement et de fait, et quant et quant charnellement, comme s'ilz mangeoyent la chair des moutons et des veaux.

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001369 

 Or, entre les Juifz, la chair humaine estoit tellement hors d'usage, que mesme en touchant un cors mort on estoit contaminé et souillé devant le monde; et quant au sang il estoit tellement prohibé, que mesme il n'estoit pas loysible, selon la Loy, de manger de celuy des bestes.

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001372 

 Combien de fois nous objectent ilz que si nous mangeons reellement le cors de Nostre Seigneur, donques il faut que nous le deschirions, maschions et rongions; et de la, ilz passent a des argumens si insolens et extravagans, qu'il n'est pas possible de plus.

  A007001372 

 O peuple, des personnes baptizëes, nourries et instruites en l'Eglise de Dieu, qui ont mille fois ouÿ et veu la celebration de la sainte Eucharistie et cent fois peut estre y ont participé; et apres tout cela, s'estant [325] separés de la sainte compaignie des fidelles pour faire des sectes a part, ne laissent pas de nous faire des argumens sur ceste calomnie aussi asseurement comme s'ilz estoyent tout a fait ignorans de nostre creance.

  A007001373 

 Et les Capharnaïtes, qui l'entendirent comme cela, estoyent des pauvres gens et qui n'avoyent pas bien consideré les parolles de Nostre Seigneur, lesquelles ne peuvent nullement estre tirëes a ce sens.

  A007001373 

 Il dict: Ma chair est vrayement viande, mays qui mange ma chair il a la vie eternelle; que s'il n'avoit dict que cela, l'interpretation des Capharnaïtes eust eu quelque apparence, puysqu'il ne parloit que de la chair simplement.

  A007001374 

 « Et comment donques, » dict saint Chrisostome, « la chair ne prouffite de rien? ne parle il pas de sa chair mesme? Ja n'advienne, mays il parle des personnes qui entendent charnellement.

  A007001379 

 Or, je commençay a prouver que Dieu le pouvoit, tant par la commune regle de sa toute puyssance, que par des preuves particulieres touchant la pluralité des lieux d'un mesme cors.

  A007001386 

 Or, quoy qu'il soit praesent a toutes choses, si est ce qu'il n'occupe aucun lieu ou place: ainsy les Anges n'occupent aucune place en eux [mêmes], de façon que des legions entieres de diables se sont trouvëes en un cors.

  A007001387 

 Ilz le nient, et nous le prouvons; et nostre premiere preuve se prend de ce que nous disions Dimanche, comme reciproquement ce que nous prouvions Dimanche se peut prouver par ce que nous dirons maintenant, estant la nature des verités de s'entr'ayder l'une l'autre.

  A007001389 

 En saint Jan, 20, Nostre Seigneur, le jour de sa resurrection, vint les portes fermëes au milieu des disciples, et fut la au milieu d'eux et leur dict: Pax vobis.

  A007001391 

 En ceste entrëe icy, Seigneur, comme comparustes vous au milieu des hommes? Sans doute que vous y entrantes, la porte virginale de Nostre Dame vostre sainte Mere estant tres bien fermëe, car elle fut Vierge en l'enfantement et apres; jamais il n'y eut aucune corruption ny en sa tressainte ame ny en son cors.

  A007001402 

 Secondement, ilz disent que ce Sacrement est appellé pain; mais je respons que ce n'est pas parce qu'il y ayt du pain, mais parce qu'il y a apparence de pain exterieure, ou bien parce qu'il a esté faict du pain, ou parce qu'il a les effectz et proprietés du pain, ou parce que, selon la coustume des Hebrieux, toute sorte de viande a esté appellëe pain (comme on voit de la manne qui a esté appellëe pain, Exode, 16, dont Nostre Seigneur n'a pas dict: Caro mea vere est panis, mays vere est cibus, qui est le mesme que quand il dict: Ego sum panis vivus), et que l'Escriture ayt accoustumé d'appeller les choses du nom de celles la desquelles elles ont esté faites, ainsy qu'il est aysé a voir Exod., 7, ou la verge d'Aaron estant convertie en serpent ne laisse d'estre appellëe verge; au Genes., 3, ou l'homme faict et tiré de poudre, ne laisse d'estre appellé poudre..

  A007001404 

 Il est voylé en l'Eucharistie, mays cela ne doit pas empescher qu il n'y soit adoré; car ainsy fut il adoré des Roys, voylé des langes et emmailloté..

  A007001407 

 Puys, la mesme, il raconte d'un autre qui avoit appris par vision que ceux qui prenoyent ce saint Sacrement deuëment a la fin de leur vie, avoyent des Anges autour de leurs cors qui les accompaignoyent jusques au Ciel.

  A007001422 

 Les Catholiques respondent qu'ouy, parce, disent ilz, que accepimus a Domino, quoniam Dominus Jesus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit: Accipite et manducate, hoc est corpus meum; Nous avons appris du Seigneur que le Seigneur Jesus, la nuict en laquelle il fut livré, prit du pain, et rendant graces, il le rompit et dict: Prenes et manges, cecy est mon cors. C'est en cest article, auditeurs, ou je vous desire attentifz, si jamais vous le fustes, pour entendre nos raysons, vous conjurant de laisser toute passion pour bien juger en une cause si importante; et je suis asseuré que, le tout meurement consideré, vous feres jugement en faveur des Catholiques, tant leurs raysons devancent en fermeté, en sainteté, en solidité et en bonté celles des adversaires..

  A007001423 

 Je prie, si jamais je priay humblement et d'affection, que Celuy qui faict la bouche des enfans diserte, daigne par sa bonté me donner l'entendement de bien sonder ses tesmoignages: Da mihi intellectum, et [342] scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo; et a vous, mes tres chers auditeurs, qu'il incline vos coeurs es tesmoignages de sa parolle; car en ceste difficulté je vois les ennemys qui m'attendent avec une trouppe de doutes et questions humaines: Me expectaverunt peccatores ut perderent me, testimonia tua intellexi; mays l'intelligence de vos commandemens m'en delivre.

  A007001423 

 Pendant que l'un me veut tirer par la voye des figures, l'autre de l'ubiquité, l'autre des effectz, faites, Seigneur, que j'aÿe pour ma guide vostre seule parolle, et qu'elle me soit phare en ceste navigation: Lucerna pedibus meis Mot tuum, et lumen semitis meis.

  A007001425 

 Si donques on vous a dict que l'Eglise n'alleguoit que l'authorité des hommes, si on vous a dict qu'elle laissoit en arriere l'Escriture, je vous prie de vous en desabuser, et croire que l'Escriture [343] a tousjours esté en nos mains, et que ce riche thresor n'a esté gardé que par l'Eglise, et que nos adversaires ne l'ont eu que de nous.

  A007001428 

 Cor., 11; en tous lesquelz lieux Nostre Seigneur parlant de la viande qu'il donnoit instituant la manducation de la Cene, ilz rapportent qu'il dict que c'estoit son cors, par des paroles si expresses qu'elles ne le sçauroyent estre davantage, dont elle tire ceste claire rayson: Dieu l'a dict, Dieu ne peut mentir, donques il y est.

  A007001432 

 Pourquoy voules vous, o Messieurs, adjouster vos interpretations sur le testament de Nostre Seigneur? Si saint Pol faict consideration sur un singulier et pluriel, tant il veut prendre rigoureusement la proprieté des parolles, pourquoy [345] voulons nous prendre la licence de renoncer a la proprieté des paroles du Filz de Dieu en ce sien testament?.

  A007001433 

 En outre, Nostre Seigneur n'avoit que son cors et son sang; car Filius hominis non habet ubi caput suum reclinet; donques faisant son testament et laissant des legs a ses amys, il ne pouvoit laisser que son cors et son sang.

  A007001443 

 Mays Luther, pour monstrer qu'il avoit autant d'esprit que les autres pour se mocquer des Sacremens, en son livre Quod verba Domini firmiter stent, dict: « Meum, quia omnia mea sunt.

  A007001452 

 (Les huguenotz gastent et avilissent la parole de Dieu, celle des Sacremens et celle cy. Sil dict delere, ilz disent non imputare.) O quelle grace de Nostre Seigneur: Tu es Petrus, Cepha, Petros, et super hanc petram ædificabo.

  A007001477 

 Jacob in plaga orientali, trouve des pasteurs qui assemblent leurs troupeaux, et unanimement levent la pierre de la bouche du puy, et unanimement les abbreuvent.

  A007001486 

 du 6. livre des Confessions.

  A007001517 

 Qui sont ceux-ci qui volent comme des nuées, comme des colombes vers les ouvertures de leurs colombiers? Puisque à cause de vous nous sommes mis a mort tout le jour, nous sommes regardés comme des brebis d'immolation.

  A007001517 

 Royaume [356] des cieux.

  A007001528 

 Tes prophètes ont eu pour toi des visions fausses et insensées, et ils ne te [357] découvraient pas ton iniquité pour te provoquer à la pénitence.

  A007001564 

 Choisis des hommes, et étant sorti, combats contre Amalec; demain je me tiendrai sur le sommet de la colline, ayant la verge de Dieu en ma main. Moïse frappe la mer de sa verge et elle est divisée; il frappe de nouveau, et elle se rejoint.

  A007001567 

 Reporte la verge d'Aaron dans le tabernacle du témoignage, afin qu'elle y soit gardée comme un signe de la rébellion des enfants d'Israël..

  A007001576 

 Saul manda des sergens par trois fois en Najoth de Ramatha, puys y vint, et tous prophetisent; et voyla pourquoy..

  A007001593 

 Après que Dieu s'est plaint amèrement des péchés de Jérusalem: Montez sur ses murs et renversez-les.

  A007001593 

 Courtisane, parce qu'elle n'enfante pas des fils de la foi, c'est-à-dire des bonnes œuvres, mais des fils illégitimes, c'est-à-dire des œuvres mauvaises.

  A007001593 

 L'environnera, parce que comme les murs garantissent la ville des étrangers, ainsi le péché sépare de Dieu qui est pressé de frapper à la porte, et maintient sous la puissance du diable, à qui le pécheur appartient.

  A007001593 

 Les murs de Jéricho tombent au son des trompettes; l'armée de Josué entre, tout est tué, Rahab la courtisane est sauvée.

  A007001603 

 Mays sur tout en ce tems de Caresme ou nous aspirons a la penitence, il nous faut attendre de recevoir des attaques plus rudes et plus frequentes qu'en aucune autre sayson.

  A007001646 

 A la mortification corporelle, il allait, pour notre exemple, joindre l'éloignement des choses périssables et la fuite de la vaine gloire..

  A007001686 

 L'accusateur des frères voulait aussi accuser le Père..

  A007001710 

 O sainte affliction, o benite tribulation qui nous faict recourir a ce celeste Consolateur! Certes, entre tous les prouffitz de la tribulation qui ne sont pas petitz, je trouve celuy cy l'un des plus excellens, qu'elle nous faict revenir a Nostre Seigneur.

  A007001726 

 Nostre Seigneur nous l'enseigne, se prosternant sur sa face au jardin des Olives.

  A007001745 

 (Quiconque s'humilie sera exalté. Mon esprit n'était-il pas présent lorsque l'homme est revenu de son char à ta rencontre? Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a reçu en partage est bien différent du leur. Car auquel des [377] Anges a-t-il jamais dit? etc. Et encore: Je serai son Père, et il sera mon Fils? Voici le jour que le Seigneur a fait..

  A007001748 

 Saint Augustin, liv. VIII des Confessions, chap. III: « Le vainqueur triomphe; » et il n'eût pas triomphé s'il n'eût vaincu, « il n'eût pas vaincu s'il n'eut [378] combattu.

  A007001757 

 P uer non comparet, et ego quo ibo? 2 des Rois, dix huict: Fili mi Absalom, Absalom fili mi, quis mihi tribuat ut ego moriar pro te, Absalom fili mi, fili mi Absalom?.

  A007001776 

 Icy la substance sans ses accidens; car n'est ce pas le propre des cors de diminuer, et qu'en levant il en reste moins? Et icy au contraire.

  A007001777 

 Levain des Phariseens et d'Herodes; pensent que ce soit pour avoir oublié le pain.

  A007001857 

 Les bienfaits de Dieu à notre égard sont si nombreux, que, pussions-nous vivre sans fin et le servir de toutes manières, nous n'égalerions pas sa libéralité; et après tout cela, nous devrions dire: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A007001867 

 Abraham constitue Isaac son seul héritier; aux fils des servantes, il distribue des présents..

  A007001876 

 Elle fut favorablement accueillie lhors que je la prononçay devant plusieurs grans princes et princesses, et en la presence de ceste fille aisnee de l'Astree françoise, je veux dire de ce grand oracle de la France, de ce Parlement de Paris, Cour des pairs, et premier des Parlemens de France, lequel y assista en cors, comme aussi les autres chambres et cours souveraines, a celle fin que Paris, mais toute la France conneust l'estime qu'elle fait des merites du prince decedé, et que l'on sceust qu'elle advoüoit l'obligation que toute la Chrestienté a a sa memoire.

  A007001876 

 Je sçay bien que ce bonheur m'arriva pour le sujet que je traittois, auquel je ne pouvois contribuer que de l'affection, de laquelle aussi je ne pouvois pas manquer puisqu'elle m'est hereditaire, mon pere, mon ayeul et mon bisayeul ayans eu l'honneur d'avoir esté nourris [398] pages et presque le reste de leur vie, en la mayson des tres illustres princes de Martigues, les pere, ayeul et bisayeul de Madame vostre mere, au service desquels leur fidelité a tous-jours rencontré beaucoup de faveur..

  A007001877 

 Vous y verres que la vie de Monseigneur vostre pere a esté l'une des plus belles et accomplies entre celles des princes des derniers siecles, et comparable a celle des plus excellens de l'antiquité.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001889 

 Aussi, s'il ne failloit plustost recevoir avec humilité les commandemens des grans que d'en esplucher les motifz, j'aurois a mon advis rayson de m'estonner du choix que l'on a fait de moy pour parler en ceste occasion, en ceste assemblee et en ce lieu.

  A007001890 

 Mais que sçay je si a l'adventure j'auray rencontré la rayson de ce choix? Les couleurs de l'eloquence, les fleurs des paroles, l'esmail des sentences n'est peut estre pas convenable ni au dueil ni aux funerailles:.

  A007001894 

 [402] Que s'il est ainsy, me voicy riche d'affection, de simplicité et de fidelité pour entreprendre le discours des vertus du prince decedé, lequel j'envoye de bon cœur a son ame, c'est a dire a cest esprit que j'espere, mays que je crois estre au Ciel, et a celuy lequel estant en terre n'est pourtant qu'une mesme ame avec luy, non plus que par le mariage ilz ne furent qu'un mesme cors icy bas.

  A007001895 

 Prendre playsir a ouÿr les louanges des bons, c'est participer a leur gloire..

  A007001897 

 Nous mourons tous les jours, et nostre vie s'en va par pieces et morceaux, comme cest animal des Indes, lequel estant de sa nature terrestre, petit a petit et piece a piece perd du tout son estre naturel et devient entierement poisson; car ainsy, piece a piece, nous changeons ceste vie mortelle, jusques a tant que par une entiere et finale mutation, que nous appelions mort, nous ayons du tout acquise une vie immortelle..

  A007001898 

 Mais, je vous supplie, nostre Dieu ne dit-il pas au premier homme qu'au jour qu'il mangeroit du fruit defendu il mourroit de mort? Et neanmoins, si nous parlons selon le vulgaire, il ne mourut qu'apres plusieurs centaines d'annees despuis qu'il eut prevariqué; toutefois la verité est qu'il commença a mourir des le jour qu'il eut offencé, et continua jusques a son dernier jour..

  A007001899 

 Mais si nous les voyions maintenant qu'ilz en sont delivrés, mon Dieu, que nous serions honteux de les avoir appellés mortz, et que nous serions en peyne de trouver des belles parolles pour exprimer l'excellence de la vie en laquelle ilz sont arrivés! Aussi nostre langue françoise ne les appelle pas mortz, mais trespassés, protestant asses que la mort n'est qu'un passage et trait, au dela duquel est le sejour de la gloire..

  A007001899 

 Nous imitons les peintres qui ne sçavent representer les Anges qu'avec des cors, parce que jamais ilz ne furent veuz autrement; car ainsy n°us nommons les deffunctz mortz, parce que nous ne les avons jamais veuz sinon en la mort de ceste vie ou en la vie de ceste mort.

  A007001900 

 Il n'est pas si loin de nous que nous pensons; il y est allé, selon le vulgaire des hommes, en un moment, car la mort, a leur advis, ne dure pas davantage; mais selon les sages, il a mis quarante trois ans en ce voyage..

  A007001900 

 Que si nous n'avions la veuë si debile, nous le verrions bien loin au dela de la mort, en ce jardin celeste ou il jouît des consolations eternelles.

  A007001902 

 Bref, par la hauteur et latitude des actions que nous faysons ça bas, ilz mesurent les distances et estendues de la gloire que nous aurons en ce grand mont celeste: Prout gessit unusquisque in corpore suo, sive bonum, sive malum..

  A007001902 

 Mays leurs phœnomenes et inspections sont du tout opposees et contraires; car les astrologues predisent ce qui doit arriver en terre, par l'inspection des rencontres et divers mouvemens qui se font au ciel; nos theologiens au contraire ne praedisent sinon ce qui se fait au Ciel, par la consideration des œuvres que l'on fait en terre.

  A007001903 

 Que si je raconte quelques unes de ses vertus, ce ne sera pas pour donner lumiere [407] au soleil, comme l'on dit, ni que je presume de le pouvoir dignement louer, mais seulement pour faire reconnoistre a tout le monde que ce n'est pas sans grande rayson que l'on l'a regretté avec des pleurs si extraordinaires, que l'on honnore tant sa memoire, et que l'on a une si grande esperance qu'il est maintenant en la gloire de son Dieu.

  A007001904 

 J'imiteray donq les cosmographes, qui en leurs mappemondes ne marquent que des pointz pour des villes, des lignes pour des montaignes, et layssent a l'imagination son office pour se representer le reste.

  A007001904 

 Je ne diray des genereuses actions et belles qualités de ce prince, sinon celles que le tems par lequel mon discours doit estre limité me permettra de dire.

  A007001904 

 Mais sur tout je vous supplie de croire qu'en ceste chaire et en cest habit je parle tous-jours avec beaucoup de sincerité et de religion; aussi, puisque la verité est nue et simple, je penserois faire tort a ma veritable narration si je la desguisois avec des artifices..

  A007001905 

 O saint et celeste Esprit, o bel Ange de lumiere et de paix, qui fustes assigné a ce prince pour protecteur de son ame, et qui aves esté fidelle tesmoin des bonnes actions que Dieu luy a inspirees et que vous aves sollicitees, je suis vostre humble serviteur et devot; [408] suggeres maintenant a ma foible memoire ce que vous en jugerés de plus digne d'honneur et d'imitation..

  A007001907 

 Le prince Philippe Emmanuel duc de Mercœur receut abondamment des biens de la premiere façon, sur lesquelz il bastit un excellent ediffice de perfection de ceux de la seconde sorte; car quant au premier, Dieu le fit naistre de deux maysons des plus illustres, anciennes et catholiques qui soyent entre les princes de l'Europe.

  A007001908 

 Mays tous s'accordent bien que ç'a esté une pepiniere plantureuse et feconde d'une grande quantité d'empereurs et de roys, et des plus genereux princes de toute la Chrétienté, et qu'il n'y a contree en laquelle elle n'aye heureusement planté les lauriers et les palmes de sa valeur et pieté..

  A007001910 

 Mais qui ne sçait que les deux ducz de Lorraine, René premier et second, en furent rois? Et par ce, passons outre mer, et voyons l'heureuse Palestine en laquelle nostre redemption fut faitte; nous y contemplerons ce trois fois grand Godefroy de Bouillon, lequel ayant quitté son païs et ses biens, et mesme vendu son duché de Bouillon, pour chasser les infidelles de la Terre Sainte, y alla armé de zele et de religion, brave et conquerant, et comme un autre Josué il establit la foy au peril de son sang au lieu ou le Sauveur avoit respandu le sien pour la planter et faire le salut des hommes.

  A007001911 

 D'elle sont sortis plusieurs Amés, Louys, Humbertz, Pierres, Philibertz et autres grans princes, entre lesquelz l'un des Amés, par sa force et valeur, delivra l'isle de Rhodes de la servitude des infidelles, et l'asseura pour le Christianisme entre les mains des chevaliers de saint Jean de Hierusalem, lesquelz desirans que la posterité de leur protecteur receust des lhors quelques marques de l'obligation qu'ilz luy avoyent, communiquerent les armes [411] de leur milice, qui sont de gueules en une croix d'argent, a toute la mayson de Savoye, laquelle les a cherement retenues, non tant en memoire de la valeur de ce grand ancestre, que comme un signe sacré qui peust servir de protestation perpetuelle que ceste race est toute dediee a la defense de l'honneur de la Croix, comme elle a fait voir en la Moree, en Cypre et en plusieurs autres lieux ou elle a porté les armes avec non moins de pieté que de valeur..

  A007001911 

 La mayson de Saxe, l'une des plus puissantes et anciennes de toute l'Allemagne, ayant fourni a l'empire plusieurs grans empereurs, electeurs, defenseurs et conducteurs d'armes, produisit, il y a plusieurs centaines d'annees, le prince Berard, tres vaillant et tres catholique, lequel donna heureux commencement a la serenissime mayson de Savoÿe, laquelle, d'aage en aage sans interruption, a continué jusques a present autant magnanime que constante en la religion.

  A007001912 

 Ceste princesse estant mariee au tres illustre prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudemont, eut de luy plusieurs enfans, l'aisné desquelz fut le duc de Mercœur, qui nasquit au marquisat de Nomeny, tenu lhors, et despuis a luy laissé par son pere en tiltre de souveraineté; nasquit, dis je, pour la gloire des armes et l'honneur de l'Eglise, ce prince decedé, digne surgeon de deux si grandes races, desquelles comme il receut le sang, aussi herita-il de leurs vertus.

  A007001912 

 Et comme deux rivieres se joignant font un grand et noble fleuve, ainsy ces deux maysons des ayeulz paternelz et maternelz de ce prince, ayant mis ensemble leurs belles qualités en son ame, le rendirent accompli en tous les dons de la nature; pour quoy il pouvoit bien dire avec le divin Sage: Puer autem eram ingeniosus, et sortitus sum animam bonam.

  A007001914 

 Et a la verité, l'extraction sert de beaucoup et a un grand pouvoir sur nos desseins, voire sur nos actions mesmes, soit pour la sympathie des passions que nous empruntons souvent de nos predecesseurs, soit pour la memoire que nous conservons de leur prouesse, soit aussi pour la bonne et plus curieuse nourriture que nous en recevons..

  A007001917 

 Il a pourtant vescu parmi le tumulte en repos, et au milieu des vices, avec des tres grandes vertus..

  A007001917 

 Il estoit donq des plus temperans en son vivre, attendu qu'il ne mangeoit que comme par force et ne beuvoit presque que de l'eau.

  A007001917 

 Pour moy, je tiens qu'il n'est pas plus difficile qu'un fleuve passe par la mer sans se saler, que de demeurer en la cour sans y apprendre et prattiquer des mœurs corrompues.

  A007001917 

 Quant a la temperance, qui n'est autre chose qu'un retranchement des playsirs et delices de ce monde, elle se trouve en ce prince au plus haut degré.

  A007001918 

 Ce prince s'est tous-jours monstré sobre en la possession des grandeurs et faveurs immenses dont le Ciel l'avoit comblé et n'en abusa jamais; car sa grande reputation, ni l'estre beau-frere de roy, ni la rareté des graces qui estoyent en luy, ni les heureux succes de ses armes et desseins ne le firent jamais sortir des bornes de la modestie ni abandonner la bien-seance d'une humble gravité, par laquelle il donnoit un acces esgalement facile et gratieux aux petitz et aux grans.

  A007001919 

 Bref, il ne touchoit la terre que des piedz, comme la mere perle se conserve pure et nette au fond de la mer, ne sortant jamais de sa coquille que pour recevoir sa nourriture de la rosee du ciel.

  A007001919 

 Car il avoit une exacte connoissance et prattique des mathematiques, que le fameux Bressius luy avoit enseignees; il avoit aussi l'usage de l'eloquence et la grace de bien exprimer ses belles conceptions, non seulement en ceste nostre langue françoise, mays mesme en allemande, italienne et espagnole, esquelles il estoit beaucoup plus que mediocrement disert; et neanmoins il n'employa jamais son bien dire en choses vaines, ou pour mieux dire, il ne voulut abuser de ce beau talent que Dieu luy avoit si liberalement departi, ains il l'employa a la persuasion des choses utiles, louables et vertueuses.

  A007001919 

 Tellement que le tems qui luy restoit pour son playsir, il l'employoit partie a l'orayson et partie a la lecture des bons livres, au moyen dequoy il s'estoit acquis la connoissance de trois sciences non seulement bien-seantes, mays presque necessaires a la perfection d'un prince chrestien.

  A007001921 

 Il ne craignoit rien tant que de voir entrer en ses coffres ou des exactions indeuës ou des deniers mal acquis ou l'or du sanctuaire; au contraire, il en faysoit sortir beaucoup de bonnes et de belles aumosnes pour les pauvres et de grandes liberalités pour les autres.

  A007001923 

 A ce saint autel de la religion il avoit consacré son ame, voué son cors, dedié toute sa fortune, et pouvoit bien dire avec ce grand Roy: Deus, docuisti me a juventute mea; In te projectus sum ex utero; [416] car si nous considerons les desirs de la jeunesse, ce n'ont esté que les fleurs des fruitz qu'il a fait paroistre en son plein aage..

  A007001924 

 Cardinal de Vaudemont, la vie duquel n'a esté qu'un recueil de toutes les vertus qu'on peut desirer en un grand prelat, aupres duquel je pourrois mettre Monsieur de Verdun, si la louange des vivans, pour juste qu'elle puisse estre, n'estoit sujette au soupçon de l'interest et de la flatterie.

  A007001924 

 La loüange d'avoir esté des lhors tres chrestiennement eslevé ne luy est point particuliere, mais commune a tous les princes et princesses ses freres et seurs: tesmoins les annees de virginité, de mariage et viduité de Louise de Lorraine, tres chrestienne et tres pieuse reyne de France et de Pologne, d'heureuse memoire, miroüer de la pieté et idee des princesses de nostre aàge, de laquelle je vous ay veu, o Paris, unanimement admirer la religion, humilité et charité.

  A007001925 

 Mais la louange d'avoir si bien nourri ses premieres inclinations a la vertu parmi tant de rencontres et d'occasions doit estre fort consideree en ce prince, veu que, comme nous avons ja dit, ni la cour ni la guerre, ennemies jurees de la devotion, quoy qu'aydees des secrettes amorces de la jeunesse, beauté et commodités de cest excellent prince, ne peurent jamais rien gaigner dessus son ame, laquelle il maintenoit tous-jours pure parmi tant d'infections.

  A007001928 

 Mais ou vay je? Ne sçay je pas en quel danger de naufrage je me precipite, me hazardant a de telles louanges? Je cours bien encor une plus grande fortune, si je single en ceste mer sans fond et sans fin des vertus et genereux exploitz de ce prince.

  A007001929 

 Il a basti a ses despens les monasteres des Peres Capucins et Minimes de Nantes, comme tres devot aux bienheureux saintz François, desquelz il avoit receu plusieurs faveurs signalees, et nommement Mademoyselle sa fille, qu'il obtint par l'intercession de saint François d'Assise.

  A007001930 

 Je dis donq que, quelque jeune qu'il ait esté, estant accompaigné et doué des vertus susdites, il a tous-jours fait reconnoistre et remarquer en luy de grandes arrhes de sa pieté et prudence a venir: prudence tant requise en un chef de guerre que chacun sçait, attendu qu'elle est la memoire des choses passees, le jugement des futures et la disposition des presentes..

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001931 

 Mais cependant, si tost que l'aage le luy permit, il ne laissa passer aucune occasion de s'employer aux armes qu'il n'aÿe embrassé avec beaucoup d'honneur et de merite, comme a la charge faitte a Dormans contre les reystres, en Brouage, a la Fere et par tout ailleurs, mesme au siege d'Issoire, ou, commandant a l'une des batteries, il donna un signe tres certain de sa grandeur future en la profession des armes.

  A007001931 

 Que restoit il donq a ce prince pour dedier a Dieu, sinon son cors et sa vie? Ce qu'il fit par le desir continuel qu'il eut des sa plus tendre jeunesse de faire la guerre [419] contre les infidelles, desir que Dieu luy a donné la grace d'assovir avec la gloire que la Hongrie et tout le Christianisme sçait et tesmoigne.

  A007001933 

 Et sçachant que l'ennemy s'approchoit avec une armee de cent cinquante mille hommes pour assieger Strigonie, ville tres importante, il l'alla incontinent visiter, et l'asseura si bien de sa presence, par l'offre qu'il fit de s'y enfermer et l'ordre qu'il donna pour la conservation des fortz qu'on estoit sur le point d'abandonner, que les ennemis estant advertis de son arrivee et resolution, changerent de dessein et tirerent droit contre nostre armee, a la teste de laquelle ilz trouverent tout aussi tost ce grand prince, qui leur eut fait des lhors ressentir les effectz de sa presence, s'il eut eu autant de pouvoir et de commandement en l'armee chrestienne qu'il y en a eu despuys, ainsy qu'il fut reconneu par la perte des occasions qui, selon son advis, devoyent estre embrassees..

  A007001933 

 On ne parloit plus que des progres de l'armee turquesque et de son cimeterre, quand, le vray Soleil de justice suscita ce vaillant et genereux prince, qui volontairement et librement, je ne diray pas seulement de gayeté mais encores de pieté de cœur, part de son païs, et, comme un autre Machabee, se rend en l'armee chrestienne au commencement du mois d'octobre, l'annee 1599.

  A007001936 

 A peyne estoit-il arrivé, que voyant Canise assiegee de six ou sept vingt mille Turcz, apres avoir soigneusement mis ordre a tout ce qu'il jugeoit a propos pour son dessein, et sur tout ayant tiré promesse des princes et seigneurs du païs qu'il auroit la commodité des vivres necessaires pour l'entretenement de son armee, la teste eslevee en la confiance qu'il avoit en son Dieu, il la baissa par apres contre l'ennemy, s'achemine contre ceste puyssante armee, et de son premier effort en emporte une partie, qui l'attendoit avec force canons sur les avenues et passages, en un lieu fort avantageux pour l'ennemy et ou il s'estoit fort bien retranché.

  A007001936 

 Le champ de bataille, les canons, les drapeaux demeurent neanmoins aux nostres pour la bienvenue de ce grand general; dont le Turc estonné de se voir battu d'un si petit nombre de Chrestiens, eust indubitablement levé des l'heure le siege, si la nuict avec son obscurité n'eust empesché le progres des armes de ce grand conducteur..

  A007001937 

 Le jour suivant, le Turc voulant reconquerir ce qu'il avoit perdu, ne fit qu'augmenter sa honte par la perte qu'il fit de sept mille autres Turcz, et d'un fort ou l'on trouva treize autres pieces de canon qui servirent despuis contre l'ennemy, pendant sept jours entiers que nostre general garda le champ de bataille qu'il avoit gaigné, lequel il eut conservé davantage, si la necessité des vivres qui survint par la faute de ceux du païs qui manquerent a leur promesse n'eut donné sujet aux gens du conseil de l'Empereur et a toute l'armee de le presser, voire contraindre par leur importunité de se retirer, ce que neanmoins il ne voulut faire qu'ilz ne luy eussent donné leurs advis signés.

  A007001942 

 Mais, mon Dieu, qu'il faisoit bon voir ce grand general demeurer a la queue de son armee, qui estoit presque destituee de tous ses autres chefz et reduitte a six ou sept mille hommes, la faim ayant fait retirer le reste, et amuser le Turc par escarmouches pendant qu'elle faisoit sa retraitte l'espace de cinq a six lieues, et jusques a ce qu'il l'eut entierement degagee d'une grande quantité de mauvais passages; combattant tantost a pied, tantost a cheval, se trouvant ores en teste de l'avant garde, ores a la queue de l'arriere garde, faysant l'office non seulement de general, mais de mareschal de camp, de general de l'artillerie, de sergent majeur, de colonnel, et bref ayant luy seul sur les bras le faix et la charge de ceste si perilleuse et tant admirable retraitte, en laquelle il se trouva plusieurs fois aux mains et meslee, donnant secours aux siens, signamment en une assistance fort remarquable qu'il donna a son arriere-garde laquelle s'en alloit desconfite par la furieuse charge de cinquante mille chevaux turcz, quoy que courageusement combattuz par le vaillant comte de Chaligny sous les heureux auspices de son frere et general, qui le secourut en fin si a propos, que les Turcz, battuz et repoussés, firent les premiers une autant honteuse retraitte que celle de nostre armee fut glorieuse, pour avoir esté faitte avec une poignee de gens que nostre general sauva et garantit heureusement des effortz [423] d'une si effroyable multitude, avec le butin de plusieurs pieces de canon..

  A007001943 

 Et peu apres, faysant courir le bruit d'aller assieger Bude, apres avoir usé de plusieurs beaux stratagemes, en fin il se logea devant la ville neuve et a la portee du canon d'Albe-Royale, ville principale de la basse Hongrie, saisit toutes les avenues, s'y retranche et dresse sa batterie, et l'attaque si furieusement de tous costés, se mettant luy mesme avec cinquante chevaux-legers françois a la teste d'un regiment d'infanterie, si a propos et si vaillamment, faysant office de cappitaine et soldat tout ensemble, que les ennemis, apres [avoir] long tems rendu combat, perdent en fin autant de leur courage que nostre general en donnoit aux siens, qui le voyans a leur teste, forcent l'ennemy et le menent battant jusques a la porte de la vielle ville, les murailles de laquelle ayant luy mesme reconneu, et despuis fait battre jusques a ce qu'il y eust breche raysonnable, il presente l'assaut qui fut bravement soustenu par les assiegés, jusques a ce que ce grand prince se presentant avec ses gentilz-hommes armés de toute piece, anima tellement les assaillans, que l'ennemy fut contraint d'abandonner la breche et se trouva si fort pressé, qu'une grande quantité de Turcz se precipita dans les fossés, et l'autre partie se retira dans les maysons ou estoyent leurs poudres, auxquelles ayans mis le feu par desespoir, ilz firent mourir plusieurs des nostres avec eux.

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001945 

 Or l'ennemy s'approchoit, faysant demonstration de tirer droit a Albe-Royale pour la reprendre comme il en avoit l'ordre, et pensoit le pouvoir aysement faire d'autant que les munitions de guerre et les vivres [425] avoyent esté presque consumés par le feu, et une grande partie des murailles ruinees tant par la batterie des nostres que par les mines des siens.

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001947 

 Il sçavoit que le fruit des belles et saintes actions c'est de les avoir faittes, et que hors de la vertu il n'y a point de loyer digne d'elle; c'est pourquoy il n'en desiroit point d'autre que la gloire de nostre Dieu.

  A007001947 

 Mais apres la victoire de tant d'ennemis, ce grand prince ne fut pas pourtant vaincu de la vanité, laquelle bien souvent est victorieuse des autres vainqueurs.

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001953 

 Aussi ce prince renouvelloit la façon chrestienne de venir aux combatz; car il n'y entra jamais qu'apres avoir demandé le secours a Celuy duquel il conduisoit les armees et auquel il faysoit tousjours des saintz vœux, qu'apres le succes il rendoit fort religieusement.

  A007001953 

 Consideres comment avec treize mille hommes il attaque et surmonte cent cinquante mille Turcz, renouvellant les miracles des anciens cappitaines Josué, Gedeon, David, les Machabees, Godefroy, saint Louis, Scanderbeg et du bon comte de Montfort.

  A007001953 

 Il avoit tousjours en son armee des Peres Capucins, lesquelz portans une grande croix, non seulement animoyent les soldatz, mais aussi apres la confession generale que tous Catholiques faisoyent en signe de contrition, ilz leur donnoyent la sainte benediction.

  A007001954 

 De peur que ce courage se relaschast par le repos, il l'a exercé despuis son enfance jusques a la fin par des labeurs et dangers continuelz, avec tel heur neanmoins, que tant de hazardeuses secousses ne luy ont esté qu'une escole de vertu et une occasion de gloire.

  A007001955 

 C'est grand cas que la presence de ce cappitaine françois ayt peu arrester la course des armees turquesques, et qu'a son aspect leur lune se soit eclipsee.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001956 

 Mais estant a Noremberg il fut saysi d'une fievre pestilente, laquelle jettant le pourpre luy fit connoistre des le troysiesme jour qu'elle devoit finir ses peynes et labeurs et qu'elle luy serviroit de barque pour passer le trait de ceste mortalité.

  A007001958 

 L'aumosnier ayant donq pris ce gage sacré de nostre redemption au lieu le plus voysin qu'il peut, l'apporta a ce prince malade, lequel l'attendoit avec une devotion et avec des souspirs ineffables.

  A007001959 

 Je dis le duc de Mercœur, un des rempartz de la Chrestienté, un des boulevertz de [431] l'Eglise, un des protecteurs de la foy, guidon du Crucifix, terreur des Musulmans et Mahometans, support des affligés, exemplaire de charité, bref, la benediction de son siecle.

  A007001959 

 O trespas, que tu nous prives de grandes choses! Si nous croyons le desir des siens, voire de tous les gens de bien, ce grand prince a fort peu vescu; si nous mesurons la grandeur de ses actions, il a asses vescu; si nous mesurons la misere du tems, il a trop vescu; si nous regardons la memoire de ses beaux exploitz, il vivra aeternellement..

  A007001961 

 Que vous semble il maintenant, Messieurs, de la vie et du deces de ce prince? Sa vie merite elle pas d'estre celebree par des louanges immortelles? Vous est il advis qu'il faille regretter le trespas de celuy qui a si bien vescu? Il a receu la mort de bon cœur, et vous en voules detester la nouvelle? Non, non; quicomque vous a [432] dict qu'il estoit mort vous a trompés, ceux qui ont si bien vescu ne meurent jamais.

  A007001962 

 Mays il nous a laissé ceste sainte devise qu'il a tant cheri en ce monde, montant en l'autre; car le mot est bon pour avoir le passage au Ciel, mais il ne se peut dire des qu'on y est entré.

  A007001965 

 Mais encores me semble-il qu'il vous parle, Madame sa tres chere vefve, et a vous, Messieurs ses parens, et qu'il vous dit ces paroles: Regardes ou je suis, je vous supplie: je suis au lieu que j'ay tant desiré, auquel je me console en mes travaux passés qui m'ont acquis ceste gloire presente; pourquoy ne vous consoles vous avec moy? Quand j'estois avec vous, vous faisies profession de vous resjouïr avec moy de toutes mes consolations, [434] mesmement des caduques et illusoires: hé, ne suis-je pas tous-jours celuy-la? Pourquoy vous affliges vous donques de mon trespas, puysqu'il m'a donné tant de gloire? Non, je desire de vous tout autre chose que ces regretz; si vous aves des larmes, gardes les pour pleurer vos pechés et les malheurs de vostre siecle..

  A007001966 

 Pour moy, je le considere en cest estat; car encor que je m'imagine que ce grand prince a esté pecheur, au moins comme le sont ceux qui tombent sept fois le jour, et qu'a l'adventure il a eu besoin de quelque purgation selon la severité du juste jugement divin, si est ce que d'ailleurs, considerant sa belle vie: helas, dis je, est il possible que celuy duquel Dieu s'est servi pour delivrer tant d'ames de la captivité des infidelles, soit encor privé de la jouissance de la pleine et triomphante liberté?.

  A007001992 

 Comme au printemps les oiseaux gazouillent avec grâce, ainsi en fut-il au jour de la naissance de Jean-Baptiste, pour Marie, Elisabeth, Zacharie, tous les voisins et chacun des saints qui vinrent ensuite.

  A007002020 

 Et des mains d'hommes étaient sous leurs ailes.

  A007002033 

 Et lhors la resjouyssance fut si grande en Hierusalem, que le sang des sacrifices ruisseloit par les rues, l'air estoit couvert des nuages de tant d'encensemens et suffumigations, et les maysons et places retentissoyent des cantiques et psaumes que l'on chantoit par tout en musique et sur les instrumens harmonieux.

  A007002036 

 Dieu mit au ciel deux luminaires au commencement, l'un desquelz fut appellé par grand excellence le grand luminaire, et l'autre fut nommé le moindre; le grand pour esclairer et præsider au jour, et le moindre pour esclairer et præsider a la nuict; car encores que nostre Createur voulust qu'il y eust vicissitude de jour et de nuict, et que les tenebres succedassent a la lumiere, si est ce qu'estant lumiere luy mesme, il ne voulut pas que les tenebres et la nuict demeurassent du tout privees de lumiere; dont ayant creé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuict, affin que l'obscurité des tenebres fust encores meslee et attrempee par le moyen de sa clarté..

  A007002037 

 chapitre des Actes et au 1 er, tesmoigne que Nostre Dame estoit avec les disciples au jour de la Pentecoste, et qu'elle perseveroit avec eux en orayson et communion; dont quelques errans sont convaincus de faute en ce qu'ilz ont estimé qu'elle mourut avec son Filz, a cause des parolles de Simeon qui avoit prædit que le glaive transperceroit son ame; mais je declaireray bien tost ce passage, et monstreray par le vray sens que Nostre Dame ne mourut pas avec son Filz..

  A007002038 

 Ce luminaire estoit requis pour la consolation des fidelles qui estoyent en la nuict des afflictions.

  A007002038 

 Sa demeure ici bas luy donna loysir de faire un grand amas de bonnes œuvres, affin qu'on peust dire d'elle: Plusieurs filles ont assemblé des richesses, mais tu les as toutes surpassees.

  A007002038 

 » Elle vesquit donques apres la mort de sa vie, c'est a dire de son Filz, et apres son Ascension, et vesquit asses longuement, bien que le nombre des annees ne soit pas bien asseuré; mais le moins ne peut estre que de quinze ans, qui auroit fait arriver son aage a 63 ans.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002050 

 Le glaive d'amour, duquel Nostre Seigneur parle: Non veni mittere pacem, sed gladium; Je ne suis [444] pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui est le mesme que quand il dit: Ignem veni mittere; Je suis venu mettre le feu. Et au Cantique des Cantiques, l'Espoux estime que l'amour soit une espee par laquelle il a esté blessé, disant: Tu as blessé mon cœur, ma seur, mon espouse. De ces trois glaives fut transpercee l'ame de Nostre Dame en la mort de son Filz, et principalement du dernier qui comprend les deux autres..

  A007002051 

 L'amour a accoustumé de faire recevoir les contre coups des afflictions de ceux que l'on cherit: Quis infirmatur, et ego non infirmor? Qui est malade, que je ne le sois? qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre coup? dit le saint Apostre; et neanmoins l'ame de saint Paul ne touchoit pas de si pres au reste des fidelles, comme l'ame de Nostre Dame touchoit et attouchoit de fort pres, et de si pres que rien plus, a Nostre Seigneur, a son ame et a son cors, duquel elle estoit la source, la racine, la Mere.

  A007002051 

 Le cors de Nostre Dame n'estoit pas joint et ne touchoit pas a celuy de son Filz en la Passion; mais quant a son ame, elle estoit inseparablement unie a l'ame, au cœur, au cors de son Filz, si que les coups que le beny cors du Sauveur receut en la croix ne firent aucune blesseure au cors de Nostre Dame, mais ilz firent des grans contre coups en son ame, dont il fut verifié ce que Simeon avoit prædit.

  A007002052 

 Lhors je puis bien dire avec verité, o sainte Vierge, que vostre ame fut transpercee de l'amour, de la douleur et des paroles de vostre Filz.

  A007002053 

 Helas, comme fut il possible que des sagettes tant amoureuses fussent si douleureuses? Ainsy les eguillons emmiellés des abeilles font extreme douleur a ceux qui en sont piqués, et semble que la douceur du miel avive la douleur de la pointe.

  A007002053 

 Quelle plus douce parole que celle qu'il dit a sa Mere et a saint Jean, paroles tesmoins asseurés de la constance de son amour, de son soin, de son affection a ceste sainte Dame; et neanmoins ce furent des paroles qui sans doute luy furent extremement douleureuses.

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002055 

 Aristote raconte que les chevres sauvages de Candie (Pline en dit de mesme des cerfz) ont une malice et ruse, ou plustost un instinct admirable; car estant transpercees d'une flesche elles recourent au dictamon, par le moyen duquel la flesche est expulsee et rejettee du cors.

  A007002055 

 Mays qui est le Chrestien qui n'ayt esté quelquefois blessé du dard de la Passion du Sauveur? Qui est le cœur qui ne soit atteint, considerant son Sauveur fouetté, tourmenté, garrouté, cloué, couronné d'espines, crucifié? Mays je ne sçay si je le dois dire, que la pluspart des Chrestiens ressemblent aux hommes de Candie desquelz parlant l'Apostre, il dit: Cretenses mendaces, ventres pigri, malæ bestiæ; Les Candiotz sont menteurs, ventres coüars, mauvaises bestes. Au moins puis je bien dire que plusieurs ressemblent aux chevres sauvages de Candie; car ayant esté blessés et atteins en leur ame de la Passion du Sauveur, ilz recourent incontinent au dictamon des consolations mondaines, par lequel les dars de l'amour divin sont rejettés et repoussés de leur memoire.

  A007002056 

 Nostre Dame mourut de la mort de son Filz; mais son Filz, de quelle mort mourut il? Voicy des nouvelles flammes, o Chrestiens.

  A007002058 

 Tout autre homme fut mort de tant de douleurs, mais Nostre Seigneur, qui tenoit en ses mains les clefs de la mort et de la vie, pouvoit tous-jours empescher les effortz de la mort et les [448] effectz des douleurs.

  A007002060 

 Mays comment cela? Vous aves veu qu'elle fut blessee d'une playe d'amour sur le mont de Calvaire voyant mourir son Filz; des lhors cest amour luy donna tant d'assautz, elle ressentit tant d'eslancemens, ceste playe receut tant d'inflammation, qu'en fin il fut impossible qu'elle n'en [449] mourust.

  A007002062 

 Ceste Vierge assemblant en son cœur la croix, la couronne, la lance de Nostre Seigneur, les posa au plus haut de ses pensees, et faisant sur ce buscher un grand mouvement de continuelle meditation, le feu en sortit aux rayons des lumieres de son Filz.

  A007002062 

 Le phœnix assemble des busches de bois aromatiques, et les posant sur la cime d'un mont, fait sur ce buscher un si grand mouvement de ses aisles, que le feu s'en allume aux rayons du soleil.

  A007002063 

 Ah, cela se croit des cors d'Helie et Enoch lesquelz, comme il est dit en l'Apocalypse, mourront, mais pour trois jours seulement et sans corruption; combien plus de la Vierge, de laquelle la chair immaculee a une si estroitte alliance avec celle du Sauveur, qu'on ne sçauroit imaginer aucune imperfection en l'une que le deshonneur ne rejaillisse [451] sur l'autre.

  A007002067 

 Vous aves commandé l'assistance des enfans a l'endroit de leurs peres vieux, et l'aves gravé si avant en la nature que les cigoignes mesmes en prattiquent la loy.

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002069 

 Elle monte sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris: Qui est celle, est il dit au Cantique des Cantiques, qui monte du desert comme une colomne de fumee, parfumee de mirrhe et d'encens, et de toutes les poudres d'un parfumeur? La reyne de Saba vint, comme vous sçaves, visiter le roy Salomon pour considerer sa sagesse et le bel ordre de sa cour, et a son arrivee elle luy donna une grande quantité d'or, de parfums et de pierres pretieuses: Non sunt allata ultra tam multa aromata, quam ea quæ dedit regina Saba regi Salomoni.

  A007002070 

 Mais nostre sainte Dame ayant esté comblee de grace en sa conception, des qu'elle eut l'usage de sa rayson n'a jamais cessé de prouffiter et croistre de plus en plus en toutes sortes de vertus et de graces, si que l'amas d'icelles en fut incomparable: Multæ filiæ congregaverunt divitias, sed tu supergressa es universas; Plusieurs ames ont assemblé des richesses, mais vous les aves toutes surpassees..

  A007002070 

 Mays parlons des plus parfaitz.

  A007002071 

 O qu'elle fut abondante en delices, puisqu'elle avoit esté si abondante en bonnes œuvres et travaux en ce monde! Aussi fut-elle establie au plus haut lieu de la gloire des Saintz.

  A007002072 

 C'est la conclusion de toutes les louanges que l'Eglise donne saintement aux Saintz, et sur tout a la Vierge; car nous les rapportons tous-jours a l'honneur de son Filz, par la force et vertu duquel elle monte et a receu la plenitude des delices.

  A007002073 

 Et pour tesmoigner la pureté de l'intention de l'Eglise en l'honneur qu'elle rend a la Vierge, je vous represente deux heresies contraires, qui ont esté contre le juste honneur de Nostre Dame: l'une par l'exces, qui nommoit Nostre Dame deesse du Ciel et luy offroit sacrifice, et celle-ci fut maintenue par les Collyridiens; l'autre par le defaut, qui rejettoit l'honneur que les Catholiques font a la Vierge, et celle-ci fut des Antidicomarites.

  A007002074 

 Et pour moy, j'ay accoustumé de dire qu'en certaine façon la Vierge est plus creature de Dieu et de son Filz que le reste du monde; pour autant que Dieu a creé en elle beaucoup plus de perfections qu'en tout le reste des creatures, qu'elle est plus rachetee que tout le reste des hommes, parce qu'elle a esté rachetee non seulement du peché, mays du pouvoir et de l'inclination mesme du peché, et que racheter la liberté d'une personne qui devroit estre esclave, avant qu'elle le soit, est une grace plus grande que de la racheter apres qu'elle est captive.

  A007002075 

 Bref, nous la nommons belle, et belle plus que tout le reste des creatures, mais belle comme la lune qui reçoit sa clarté de celle du soleil, car elle reçoit sa gloire de celle de son Filz.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002077 

 Regardes le Christianisme: de trois eglises, les deux sont sous l'invocation de la Vierge, ou ont des marques signalees de la devotion du peuple en son endroit.

  A007002077 

 Viderunt eam filiæ Sion: Les filles de Sion, les ames des fidelles, les peuples l'ont consideree, et l'ont louee pour tres heureuse.

  A007002078 

 En ces deux actes est comprins l'exercice de la charité et volonté de la Vierge a l'endroit des hommes; c'est de prier pour eux, et partant nous la devons invoquer avec grande confiance.

  A007002078 

 Je trouve que Nostre Dame ne parla que deux fois aux hommes pour ce qui en est recité en l'Evangile: l'une, quand elle salua Elisabeth, et lhors c'est sans doute qu'elle pria pour elle, car le salut des fidelles se fait par prieres.

  A007002078 

 La seconde fut quand elle parla aux serviteurs des noces, en Cana de Galilee, et lhors elle ne dit sinon: Faites tout ce que mon Filz vous dira.

  A007002081 

 O tres sacree et tres heureuse Dame, qui estes au plus haut du Paradis de felicité, helas, ayes pitié de nous qui sommes au desert de misere; vous estes en l'abondance des delices, et nous sommes en l'abisme des desolations; impetres nous la force de bien porter toutes afflictions, et que nous soyons tous-jours appuyés sur vostre Bien-aymé, seul appuy de nos esperances, seule recompense de nos travaux, seule medecine de nos maux.

  A007002081 

 Soyes propice au Roy: vostre grand père [461] David fit du bien au filz de Jonathas pour la memoire des services et offices receuz de Jonathas, et ce Roy est petit filz d'un de vos plus fidelles et devotz serviteurs, le bienheureux saint Louys; nous vous prions de luy donner vostre protection au nom de ce saint Roy.

  A007002081 

 Vous estes une mer, prestes les ondes de vos graces a ce jeune dauphin; vous estes estoille de mer, hé, soyes favorable au navire de Paris, affin qu'il puysse surgir au saint havre de gloire, pour y louer le Pere, le Filz et le Saint Esprit es siecles des siecles.

  A007002110 

 Les evenemens des Machabees..

  A007002118 

 Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur; vous avez posé sur sa tête une couronne de pierres précieuses..

  A007002125 

 Pais tes chevreaux, c'est-à-dire les mouvements dépravés, réduis-les en servitude, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire, selon les lois de l'Eglise..

  A007002126 

 L'homme est un petit monde; au temps de la justice originelle la raison en était le roi, toutes les passions lui étaient soumises: le désir, l'espérance du bien futur; la joie, l'allégresse pour le bien obtenu; l'amour des choses indifférentes de leur nature; la crainte du mal à venir; la tristesse, la douleur pour le mal présent..

  A007002129 

 Pline dit que les lis sont toujours inclinés; le lis des vallées, comme le Christ.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002135 

 Il la pratiqua avant tout à l'égard des blasphémateurs, car le blasphème est un crime de lèse-majesté divine; il n'en va pas de même de tout péché.

  A007002155 

 Saint Louis était semblable à Jacob; il était revêtu des vêtements de l'aîné, mais au dedans il était simple.

  A007002156 

 Le roi d'Israël passe comme le matin. L'aurore se détruit elle-même eu naissant et croissant; Similitudes: d'après saint Jacques, la vapeur qui paraît [469] pour un peu de temps... pour cela les royaumes des Babyloniens, des Persans, des Grecs, des Romains sont vus en songe..

  A007002156 

 Le seigneur Louis est entré dans le royaume en passant au milieu des lions.

  A007002159 

 Roiteletz curent les dens des crocodiles et leur font ouvrir la bouche en dormant; ce pendant le rat d'Inde se lance dedans, et luy ronge les entrailles et le fait mourir; [l.

  A007002172 

 Envoyéz d'en-haut le secours de votre main; délivrez-moi, sauvez-moi des grandes eaux et de la main des fils des étrangers... [471].

  A007002172 

 Saint Grégoire de Tours, De la gloire des Confesseurs: « Garde le silence, ô homme de Dieu; c'est inutile de publier le nom d'un inconnu quand personne ne le demande.

  A007002172 

 » Je voyais un cep, etc. Retirez-moi de la fange afin que je n'enfonce point; délivrez-moi de ceux qui me haïssent et du profond des eaux.

  A007002173 

 Quelle force plus que celle de l'amour nous prive de nos biens? La chaleur des rayons du soleil nous oblige à rejeter nos vêtements; mais cet astre même revêt les arbres de fleurs et de feuilles.

  A007002195 

 Le livre de vie, c'est-à-dire des prédestinés; d'après Anselme, c'est la vie du Christ..

  A007002196 

 Avec des lampes; de la parole de Dieu et de l'exemple des Saints.

  A007002196 

 En ce jour-la je scruterai Jérusalem avec des lampes et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal. [ En ce jour-là; ] 1.

  A007002197 

 Le quatrième jour: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament, etc. Toute la milice des cieux s'anéantira, et les deux se rouleront comme un livre.

  A007002197 

 Les cieux qui, comme des livres, ont annoncé la gloire de Dieu.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000007 

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  A008000007 

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  A008000023 

 LXXVI. Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents.

  A008000025 

 LXXVIII. Sermon pour le mercredi des Cendres.

  A008000031 

 LXXXIV. Sermon pour le mercredi des Cendres.

  A008000130 

 Le Christ ne semble-t-il pas leur reprocher de demander des miracles? Et [1] comment cela? N'ont-ils pas raison de demander, de réclamer des miracles du Christ?.

  A008000131 

 Afin de comprendre ce point, notez que Dieu a coutume de faire des miracles pour accréditer ses paroles, surtout lorsqu'il annonce quelque chose de nouveau.

  A008000131 

 Ensuite, les miracles sont une prérogative de l'Eglise: Des prodiges [ accompagneront ] ceux qui auront cru.

  A008000131 

 Il en est de même du Christ, qui déclare ses miracles si nécessaires que si je n'avais pas fait, [dit-il,] parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de peché.

  A008000131 

 Pour faire saisir cette vérité, je considère la sainteté de l'Eglise sous deux aspects: Toute la gloire de la fille du roi est au dedans, avec des franges d'or, etc.; mais le parfum des vêtements, etc. De même Isaac, au parfum de son fils, etc. Voir le Manuscrit.

  A008000132 

 Ainsi, en saint Jean, chap. IV: Si [ vous ne voyez ] des miracles, etc. Ainsi Thomas: Si je ne vois.

  A008000132 

 Tes yeux sont ceux des colombes... Beaucoup disent: Qui nous montre le bien?.

  A008000133 

 Mais l'interprétation est très difficile, Et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas. 1 re interprétation, celle d'un grand nombre: c'est-à-dire la résurrection du Christ, etc. Mais il y a là de nombreuses difficultés; car la résurrection [du Christ] n'était pas plus un signe pour eux que Son ascension ou [la résurrection] des morts, etc. 2 me.

  A008000153 

 Pour la rémission des péchés.

  A008000185 

 La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence; fausse, car le pécheur se réjouit et s'attriste, comme le singe qui mange une noix.

  A008000185 

 Voici que je meurs, à quoi me servira mon droit d'aînesse? A proportion de la multitude des douleurs de mon cœur, vos consolations ont réjoui mon âme.

  A008000206 

 Quand vous aurez fait tout cela, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A008000207 

 Tu ne seras pas, sur le gibet, la pâture des corbeaux.».

  A008000241 

 Au Ciel: Je me suis réjoui des paroles qui m'ont été dites: II vivra eternellement.

  A008000267 

 Exposer au debut l'histoire de Josue, VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres qui portaient l'Arche d'alliance, au son des trompettes.

  A008000269 

 Et toi, fils de l'homme, prends une brique, mets-la devant toi et tu y décriras la cité de Jérusalem; et tu disposeras contre elle un siège, et tu bâtiras des fortifications, tu formeras un rempart, tu établiras contre elle des camps, et tu mettras des béliers autour. La brique, c'est le cœur de l'homme, car il est terre; Jérusalem, c'est l'ornement et la dignité de l'âme et de l'image de Dieu, de la foi et des dons de Dieu; connaître le Christ, être Chrétien.

  A008000269 

 Ils s'endurcirent de même ici et prirent des pierres.

  A008000269 

 Tes prophètes ont eu pour toi des visions fausses et insensées, et ils ne découvraient pas ton iniquité pour te provoquer à la pénitence.

  A008000271 

 Comment connaissez-vous que quelqu'un est sourd, sinon quand les paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine, Eliézer donne à Rébecca des pendants d'oreilles du poids de deux sicles, et des bracelets du poids de dix sicles..

  A008000273 

 Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.

  A008000291 

 C'est icy le dernier et le complement des misteres de la Redemption.

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000298 

 Pour l'honneur dû à la Sainte Vierge, les Collyridiens la veulent adorer par des sacrifices, Copronyme ne la uge digne d'aucun culte.

  A008000304 

 Car je me sens pressé des deux côtés, etc. [25].

  A008000304 

 Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates.

  A008000317 

 Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les affections: ô Dieu! tout changera; les affections dépravées tomberont, ainsi que l'amour des biens passagers, etc. Et sur la terre la détresse des nations: dans la chair, détresse des sens.

  A008000318 

 Les montagnes élevées fournissent des pâturages aux cerfs quand ils sont repoussés par le veneur.

  A008000348 

 Et celui-ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme, Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se tient debout liée dans des canaux, comme le lis entre les épines..

  A008000350 

 Denis l'Aréopagite, liv. IV des Noms Divins, dit que le Christ subit une extase en entrant dans le sein de la Vierge: C'est moi qui suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature.

  A008000398 

 POUR LE PREMIER DIMANCHE DE JANVIER QUI SE TROUVAIT ÊTRE L'OCTAVE DES SAINTS INNOCENTS. 1609, ANNECY.

  A008000400 

 Dans les tableaux et peintures qui représentent un grand nombre de personnages en petit volume, il reste toujours quelque chose à voir et à noter, ombres, profils, raccourcissements, entorses; il en est de même pour l'Evangile des saints Innocents, qui représente tant de petits personnages, et surtout ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver.

  A008000402 

 Je dirai quelques mots des Anges gardiens.

  A008000403 

 Tel luxurieux s'est confessé et a reçu le Christ, et voici qu'Hérode lui envoie une pensée honteuse ou des séductions; et voilà que l'Ange accourt et dit: Fuis, fuis.

  A008000408 

 Joseph qui plus tard devait si bien interpréter les songes, en faisait dans son enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi, le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard, devait être si excellemment crucifié et crucifiant..

  A008000409 

 Les enfants caracolent sur des chevaux de bois, ils les appellent chevaux, hennissent pour eux, courent, sautent, et se délectent dans ce puéril divertissement; de même, les hommes disent qu'ils regnent quand ils se font craindre; régner pourtant c'est être aimé.

  A008000409 

 Qu'as-tu fait pour régner? Tu as mis à mort des enfants.

  A008000437 

 Grande fête que celle où l'Eglise des Gentils est acceptée par le Christ et reçoit le Christ.

  A008000438 

 C'est aujourd'hui le jour des dons.

  A008000439 

 Nous l'apprendrons par l'exemple des Mages; car le premier acte en chaque genre sert de type aux autres.

  A008000442 

 Apportez au Seigneur, enfants de Dieu, apportez au Seigneur des petits de béliers.

  A008000442 

 Celle de Julien, au contraire, était sans cesse secouée par des tremblements de terre, comme si la terre eût voulu la rejeter de son sein..

  A008000442 

 Des rois pieux, qui observaient les étoiles en vue de la prophétie de Balaam.

  A008000442 

 Qui sont ceux-ci? Des Mages, non des magiciens, mais des rois sages; sans avoir la foi, ils croyaient.

  A008000443 

 Bon Dieu! qui sait si tu vieilliras? Un autre dit: Si j'étais Capucin je ferais des sacrifices à Dieu; honore Dieu du bien que tu as.

  A008000443 

 Dieu se contente de tout: Abel donne de ses troupeaux, et celui qui n'avait que des poils de chèvre pouvait les offrir.

  A008000444 

 Tu vois Jésus affamé, tu lui donnes des prières; tu le vois méprisé, tu lui donnes de l'argent; tu le vois affligé, quelle peine en éprouves-tu? Le Cynique demandait un talent à Antigone; celui-ci lui offre aussitôt un denier.

  A008000448 

 Eschine et Socrate; Sénèque, liv. des Bienfaits, chap. VII: «Un grand nombre de disciples offraient à Socrate de riches présents.

  A008000449 

 Exode, XXXV: Le peuple offre spontanément de l'huile, du bois, des poils de chèvre, de l'airain, de l'argent, de l'or, des pendants d'oreille, des bijoux, des pierres précieuses; on fît don de peaux de brebis, etc. On donna plus qu'il ne fallait.

  A008000473 

 Festivos vos monstrate; prenes vostre visage des bonnes festes.

  A008000487 

 MERCREDI DES CENDRES, 1609, ANNECY.

  A008000489 

 Thésaurisez des trésors dans le Ciel.

  A008000490 

 Dans ce premier sermon nous traiterons de ces deux termes; dans les autres, des moyens.

  A008000490 

 Voici que d éjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; cet hiver qui porte à la chair et décharné les âmes, qui avait terni toute cette beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait alangui les cœurs, qui avait produit cette malheureuse averse de plaisirs indignes.

  A008000491 

 Eh bien! ce trésor secret, ouvrez-le nous, car voici que votre fils grossi, pour ainsi dire, et débordant de la trop grande abondance de ses trésors, s'écrie: Thésaurisez des trésors dans le Ciel..

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000492 

 Seigneur, il n'existe au Ciel que des trésors de sagesse, de science et de bonté; mais vous les possédez tous, ils sont tous en vous; pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-nous vous-même vos trésors, et nous thésauriserons; et puisque votre Mère, comme trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous les ouvrir.

  A008000493 

 Convertissez-vous donc au Seigneur et faites pénitence; car voici bientôt, pour les impénitents, les supplices de l'enfer, et, pour les pénitents, le Royaume des cieux.

  A008000493 

 Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en plus, le Royaume des cieux approche, et par la pénitence nous sont préparés d'indéfectibles trésors.

  A008000494 

 Mais comme l'âme est supérieure au corps et [47] que le traitement de celui-ci n'est qu'en vue de la grâce qui en revient à l'âme, parlons d'abord des trésors qu'il faut amasser..

  A008000494 

 orner notre âme de tous ses atours: Thésaurisez des trésors.

  A008000495 

 D'après lui, des pièces de monnaie livrées à la rouille, des vêtements, à la teigne, des pierres précieuses, aux déprédations des voleurs: voilà le trésor.

  A008000495 

 Il renferme dans des trésors les abîmes.

  A008000495 

 On appelle trésor «un ancien dépôt d'argent, complètement oublié, et qui, partant, n'a pas de propriétaire.» Code, liv. X, [titre XV,] Des Trésors, loi unique.

  A008000495 

 Quelques-uns, comme l'Empereur Léon cité par Hilaret, le définissent: «des objets meubles, cachés par des maîtres inconnus, à une époque très éloignée.» Saint Augustin, d'après saint Thomas, en donne une définition analogue, si ce n'est qu'il ne parle pas du temps éloigné.

  A008000496 

 C'est une sainte avarice des enfants de Dieu que de ne jamais se rassasier de bonnes œuvres.

  A008000496 

 Comme attendre en attendant, pleurer en pleurant, crier en criant indique un renforcement de l'idée, de même, thésauriser des trésors veut dire amasser de grands trésors.

  A008000496 

 De là, dans l'Ecriture les âmes pieuses sont appelées pauvres et mendiantes, car bien qu'elles abondent en bonnes œuvres, néanmoins elles mendient toujours: Le désir des pauvres.

  A008000496 

 Il faut qu'elles soient nombreuses; nul n'appelle trésor une seule pièce d'or; c'est ce que Notre-Seigneur montre en disant: Thésaurisez des trésors, car, quoiqu'il y ait là un hébraïsme, cet hébraïsme marque bien la quantité, la grandeur.

  A008000496 

 Il se trouve des Chrétiens dont la faim spirituelle est rassasiée par la moindre bonne œuvre, dire un Pater, donner une miette de pain, pardonner une légère injure; ceux-là ne thésauriseront jamais..

  A008000497 

 Quant à celui qui veut amasser, il doit se préoccuper des plus petites choses, des nouvelles et des anciennes, être fidèle en peu de choses, ne rien mépriser; mettre sa main aux choses fortes, au négoce, et en même temps, tenir le fuseau.

  A008000497 

 Quelles sont les petites? Retirez-vous du plaisir des conversations inutiles, des ornements superflus; triomphez des moindres affections; soupirez fréquemment [50] de courtes mais très fréquentes oraisons jaculatoires; dites de bonnes paroles; humiliez-vous, etc..

  A008000498 

 Et le Seigneur nous montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être vus des hommes.

  A008000498 

 Pour constituer un trésor il faut amasser des choses précieuses; car celui qui amasserait de vils métaux composerait moins un trésor qu'un monceau quelconque.

  A008000498 

 parce qu'on le fait afin d'être vu des hommes.

  A008000499 

 Mon désir est donc que vous soyez tous joyeux de ce temps de jeûne quadragésimal, et que vous vous confessiez dès le début, afin que vos œuvres soient d'or et capables de vous former des trésors..

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000499 

 Saint Jérôme dit: Jésus parle selon la coutume juive; aux jours de fête, en effet, et au milieu des festins, les Juifs oignaient leur tête et se lavaient le visage.

  A008000500 

 J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.

  A008000501 

 Pour mieux cacher vos trésors, couvrez-les des cendres de l'humilité.

  A008000503 

 «On dit que ces oiseaux tuent leurs petits en leur donnant comme des soufflets avec le bec, ensuite, ils les pleurent trois jours, enfin, la mère se fait une blessure et les arrose de sang; cette rosée les ranime.

  A008000505 

 C'était en effet du salut des âmes qu'il avait faim et soif durant sa Passion..

  A008000506 

 Ainsi le Christ, tout couvert des merites de sa Passion, nous appelle, et, en nous appelant, il nous blesse pour que nous recourions à ses merites.

  A008000506 

 Voir liv. V, chap. IV, au verset [6] du Psaume XLIV, Pinéda, folio 282: Vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds, elles pénétreront dans le cœur des ennemis du roi.

  A008000507 

 La valeur des pierres precieuses dépend de 1'appréciation des hommes.

  A008000527 

 Et l'Apôtre développe cette conséquence: Marchons dignement comme durant le jour, etc.; rejetons les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière, etc..

  A008000529 

 Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été écrites pour notre instruction, pour nous qui nous trouvons à la fin des temps... Mes petits enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont souillées en tout temps; vos jugements sont otés de devant sa face.

  A008000529 

 Saint Jérôme, dans les Règles des Moines: Soit que je mange, etc. L'heure est venue..

  A008000544 

 Divinus, quadruplex: servorum, des esclaves.

  A008000550 

 Or, voici que le Christ vient à notre recherche et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y aura des signes, etc. Combien est utile la crainte de Dieu; combien juste la crainte du jugement..

  A008000552 

 La crainte divine est quadruple: celle des esclaves.

  A008000552 

 Saint Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs princes des menottes de fer, distingue parmi eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or, c'est-à-dire avec les liens de la charité.

  A008000577 

 Hélas! il y a des prédicateurs au milieu du peuple, et on ne prend pas la peine de venir les entendre.

  A008000577 

 Que faisait Jean-Baptiste au désert? Il baptisait en figure et les peuples étaient purifiés; il prêchait la pénitence et la rémission des péchés, il annonçait Celui qui devait venir.

  A008000578 

 Cela est vrai surtout des prédicateurs.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000580 

 Ainsi au jour du jugement, il redira comme il dit aujourd'hui de saint Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour des roseaux, pour des hommes mollement vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y préparèrent.

  A008000580 

 Ce sont des anges envoyés devant ma face; ils la verront un jour pleins de joie, dans les siècles des siècles..

  A008000581 

 En ce temps-ci, le diacre et le sous-diacre portent à la Messe des planètes ou chasubles dont la partie antérieure est repliée, pour signifier qu'avant la venue [du Messie] les mystères [66] n'avaient pas encore été révélés et que les anciens n'avaient qu'un sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement, parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et des membres de la Synagogue, contemporains du Christ qui annoncèrent sa venue..

  A008000584 

 3 e, celle de Bède, de saint Jérôme, de saint Grégoire, pourrait s'appliquer à l'impénitence des damnés..

  A008000585 

 4 e, celle des auteurs que cite saint Ambroise, peut s'entendre de l'amour désordonné et charnel de ces hommes qui empêchent leurs fils de se faire prêtres ou religieux, ou les autres de s'adonner aux pratiques de dévotion..

  A008000597 

 Servorum, des esclaves, serfz, forsatz, quia timent pœnam.

  A008000603 

 Le quatrième jour de la création Dieu dit: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour les temps, les jours et les années, afin qu'ils brillent dans le firmament du ciel et qu'ils éclairent la terre..

  A008000604 

 Le Ciel n'a plus besoin de ces astres, car les cors des Bienheureux tiendront leur place: Fulgebunt justi sicut sol, et sicut stellæ splendentes in perpetuas æternitates; ni la terre d'estre eclairee, car il ny aura plus d'yeux pour voir.

  A008000605 

 Devant votre face (version des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que nous vous craignons ) nous avons conçu et comme enfanté l'esprit, c'est-à-dire l'amour.

  A008000606 

 La crainte humaine à son tour est double: naturelle ou morale et mondaine; la crainte de Dieu, quadruple: servile, mercenaire, filiale, crainte des épouses..

  A008000607 

 Celle des serviteurs... qui agissent par crainte du châtiment; elle se subdivise encore en bonne et mauvaise.

  A008000607 

 La crainte dont nous parlons ne diffère en rien du stérile regret des damnés.

  A008000607 

 Voir page 28 des exemples pour nous faire saisir..

  A008000607 

 [La crainte des esclaves peut être] bonne: 1.

  A008000607 

 quand, sans faire la réflexion indiquée plus haut, on redoute simplement l'enfer; ce fut la crainte des Ninivites.

  A008000626 

 Le sceptre ne sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, Siloh. Ce mot a différentes significations, selon la diversité des racines: son fils, pacifique, envoyé; les Septante: jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été gardé, c'est-à-dire le sceptre.

  A008000627 

 Et lui-même sera l'attente des nations.

  A008000639 

 Armes, a la verite dire, peu sortables au dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au fil de l'espee.

  A008000639 

 Aussi, ces lampes ardentes qui sortoyent des potz casses estoyent un signe mistique que bien tost la gloire d'Israel et le triomphe de la victoire sortiroit d'entre les cors mortz et abbatuz des Madianites, dequoy la trompette les advertissoit..

  A008000639 

 Car le son des trompettes ayant donne une effroyable alarme aux oreilles, le feu qui paroissoit de toutes pars autour de l'ost et en pleyne minuit, donna un'apprehension comme de quelque spectre espouvantable, aux [troupes] de l'ennemi.

  A008000639 

 Le son des trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre entre les potz casses.

  A008000639 

 Quand Gedeon entreprit la celebre bataille qui est descritte au Livre des Juges, chap. 7, il commanda aux troys cens soldatz d'eslite qu'il avoit pris pour compaignons d'une si dign'entreprise, de ne point employer d'autres armes que le son des trompettes et de la clarte des lampes ardantes qu'un chacun d'eux portoit en sa main.

  A008000640 

 Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des prædicateurs.

  A008000641 

 C'est le sujet general des prædicateurs, la mort et la vie; mais c'est le sujet particulier que je doys traitter en cette journee.

  A008000641 

 Mays prions affin que je parle des paroles celestes, et que vous oyes avec un'attention convenable, et employons les prieres de la tressainte Vierge.

  A008000647 

 Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei.

  A008000654 

 Nescitis quod dæmones a sagis et magis non petunt plerumque res magnas, sed pilum barbæ vel [83] rasuram unguium? Si des, captus es.

  A008000654 

 Sic hæretici petunt sibi concedi unum iota: omiousion (sic); si des, captus es.

  A008000663 

 Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes..

  A008000663 

 Ou bien l'exorde sera ainsi qu'il suit: Le Seigneur me fit voir, et voici deux paniers pleins de figues, placés devant le Temple du Seigneur, et le Seigneur me dit: Que vois-tu, Jérémie? Et je dis: Des figues, etc. De même, mes auditeurs, dans l'office de ce jour très solennel, je croyais voir le Seigneur me montrer deux paniers, celui des Prophéties et celui de l'Evangile; et il semblait me dire: Que vois-tu, Jérémie? Je vois les deux espèces de figues dont doivent se nourrir les peuples.

  A008000664 

 Ou [commencer le sermon] de cette manière: Elisée donna cet ordre à l'un de ses serviteurs: Prends la grande marmite et fais cuire un mets pour les fils des prophètes.

  A008000665 

 Malgré l'amertume des condiments, cette composition, par l'adjonction de la farine de la récompense, n'offre plus rien d'amer.

  A008000666 

 Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains.

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000668 

 Il y a deux interprétations: la première est celle d'Honorius, de Rupert et des modernes, et surtout de Théodoret.

  A008000668 

 Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique.

  A008000670 

 Et il lui commanda, disant: Mange du fruit de tous les arbres du paradis, c'est-à-dire, tu peux manger; mais quant aux fruits de l'arbre de la science du bien et du mal, n'en mange pas; car, a quelque heure, etc. Durant le peu de temps qu'Adam demeura seul, il obéit; il donna des noms aux choses et aux animaux: le serpent ne voulait pas le tenter alors; il attendit pour cela d'avoir un puissant instrument de tentation, la femme.

  A008000670 

 Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [ Nous mangeons ] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre..

  A008000674 

 Dieu le forma et lui inspira un souffle de vie, de la vie mortelle et de l'immortelle, de la temporelle et de l'éternelle; des trois vies sensitive, végétative, raisonnable; de la nature et de la grâce.

  A008000696 

 Les mariages selon Dieu unissent toujours des êtres semblables.

  A008000696 

 L'anneau qui porte le sceau, comme à un homme initié à tous les secrets pour l'expédition des affaires, etc. Ainsi dans notre Evangile, l'Ange révèle à Joseph le secret des secrets.

  A008000697 

 Tes yeux sont ceux des colombes.

  A008000697 

 Vierge des vierges..

  A008000727 

 La Providence ne s'occupe pas seulement des plus grandes choses, comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la disposition des sphères célestes, de la variété de leur cours et de leurs mouvements, de la place et de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais aussi des moindres, comme [89] de la génération du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien petit et le moindre de tous ceux qui se communiquent la vie sans génération spontanée.

  A008000729 

 Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement.

  A008000730 

 Et Celui qui pourvoit aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne déposerait pas le venin des passions! Celui qui n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit, pourrait-il abandonner l'homme qui le suit fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de Dieu..

  A008000730 

 O Dieu! que cette providence est admirable à l'égard des serpents! Ils se [90] purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs le croient, avec du serpolet.

  A008000731 

 D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat.

  A008000731 

 [2.] Mais, d'après notre version, sa main toute-puissante rejeta les démons comme des monstres.

  A008000733 

 Dans le temple comme dans le Ciel se trouve la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les aromates sont les prières des Saints, et les vingt-quatre [ vieillards ] prient par la mélodie de leurs harpes d'or.

  A008000733 

 Là, le démon voulait acheter et dérober l'indépendance, et, prince de l'orgueil, se faire valoir au-dessus des autres; ici, c'est une caverne de voleurs.

  A008000733 

 Un temple est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils les temples des images des Saints, comme Dieu avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du Ciel.

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000736 

 Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie.

  A008000737 

 Comme elle était la pire des pécheresses publiques, elle ne put entrer dans le temple de Jérusalem où la Croix était conservée, jusqu'à ce qu'elle eût été touchée de componction à la vue d'une image de la Vierge.

  A008000758 

 Comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008000758 

 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre oreille a entendu la préparation de leur cœur.

  A008000759 

 Dieu nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables..

  A008000759 

 Voici une histoire remarquable: Rabsacès, ou le roi des Assyriens, expédie des lettres à Ezéchias; celui-ci monta dans la maison du Seigneur, les ouvrit devant le Seigneur et il pria; 185000 Assyriens furent tués.

  A008000761 

 Dieu a vraiment besoin de notre misère: Ayez pitié de moi parce que je suis infirme; et notre misère a besoin de la miséricorde de Dieu; Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions dans son cœur.

  A008000761 

 Saint Ambroise, Des Sacrements, liv. III, chap. II: Jésus applique de la boue sur les yeux de l'aveugle, pour lui rappeler qu'il est poussière; car l'aveuglement de l'esprit provient ordinairement de l'orgueil.

  A008000762 

 En Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des considérations qui excitent les larmes..

  A008000763 

 en rendant l'esprit, avec un grand cri et avec des larmes.

  A008000787 

 Comme Vestiana parait sa dépouille mortelle des ornements que la coutume a réservés aux vierges: «Voilà quel joyau,» dit-elle, «est suspendu au collier qui entoure le cou de la Sainte,» etc. [Gretser, De la Croix,] liv. I, [100] folio 198.

  A008000808 

 Dans les desers, il y a bien des arbres mais sauvages, des bestes mais farouches; in hoc mundo sunt arbores et homines, sed agrestes.

  A008000820 

 L'âme est cultivée par la mortification, ensemencée des vertus et arrosée par la prière.

  A008000820 

 La mortification concerne surtout la chair; la prière, l'esprit; la pratique des vertus, tout l'homme.

  A008000821 

 Elle avait son cœur dilaté en sorte qu'elle courait dans la voie des commandements du Seigneur..

  A008000822 

 Dans les déserts, il y a bien des arbres, mais sauvages; des bêtes, mais farouches; en ce monde, il y a des hommes et des arbres, mais ils sont sauvages.

  A008000822 

 La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour.

  A008000822 

 O Dieu immortel! quelle vie que celle de cette Vierge et quelle mort! Mais éprouva-t-elle des douleurs? Oui, des douleurs d'amour.

  A008000822 

 Rappelez-vous, je vous prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait les jours écoulés depuis le départ de son fils; ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le cerf soupire après les sources des eaux.

  A008000827 

 Du désert des Anges: les quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert, car elle s'élève au-dessus de tout.

  A008000827 

 Selon la multitude, etc. Et ces mérites nous sont appliqués en vertu de la communion [des Saints].

  A008000851 

 Dieu a voulu le salut de tous, il invita surtout les Juifs et ils ne voulurent pas venir; il leur envoya des apôtres, ils ne voulurent pas les recevoir et même les mirent à [108] mort.

  A008000851 

 Et la salle des noces fut remplie: l'Eglise Catholique était fondée.

  A008000851 

 Le salut des hommes, telles sont les noces du Fils de Dieu.

  A008000851 

 Voyant que les Juifs refusaient, il invita les bons et les méchants, le reste des Juifs et les païens.

  A008000852 

 Ce vêtement couvre la multitude des péchés.

  A008000853 

 Mais Dieu lui fit des vêtements de peau, ce que quelques-uns entendent de la mortification et de la pénitence, et que nous entendons de la charité et des mérites du Christ, afin que nous fussions couverts du vêtement fait de la laine de l'Agneau immolé.

  A008000854 

 C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus.

  A008000854 

 C'était une robe longue qui descendait jusqu'à terre pour préserver son talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait des embûches: «Sors, mon âme, que crains-tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les exemples du Saint en attirèrent un grand nombre à la vie monastique.

  A008000872 

 Etonnant fut l'orgueil du démon et de l'homme, quand ils se persuadèrent qu'ils deviendraient comme des dieux.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Du péril auquel s'exposa Eve en entrant en conversation avec le serpent, il faut tirer la conséquence qu'on ne doit jamais s'entretenir avec un ennemi de l'Etat, ou avec un hérétique, ou avec des hommes aux moeurs corrompues.

  A008000873 

 Et le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; car Dieu sait qu'en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal.

  A008000889 

 in margine: «Ces choses-la sont comprinses en la doctrine des Apostres, hors laquelle il ne nous faut rien chercher.» Finesse.

  A008000901 

 Jésus déclare donc qu'il retourne à son Père pour envoyer l'Esprit-Saint, et que l'Esprit-Saint étant venu, par des preuves, ou plutôt par une grande lumière intérieure, il convaincra le monde du péché, de la justice et du jugement.

  A008000903 

 Les Epîtres et les écrits des Apôtres renferment aussi bien des points difficiles; et saint Pierre parlant des Epîtres de saint Paul et des enseignements qui y sont proposés: Dans lesquelles, dit-il, il y a quelques passages difficiles a entendre, que des hommes ignorants et légers détournent pour leur propre perte a de mauvais sens, ainsi que les autres Ecritures.

  A008000904 

 De même, tout ce qu'il est nécessaire de croire n'est pas explicitement écrit, en particulier le nombre et le vrai sens des Livres canoniques, et les mots: «est descendu aux enfers.».

  A008000915 

 Un pere qui a des enfans, va, vient, court, mais son cceur ne bouge, il est tous-jours avec son tresor: Gaudium meum, corona mea vos estis.

  A008000930 

 Si parfois ils s'en éloignent, c'est pour revenir aussitôt, le souvenir des petits qu'ils ont quittés leur permettant à peine de chanter ailleurs.

  A008000932 

 Le Cantique des Cantiques est l'épithalame de l'Eglise et du Christ.

  A008000932 

 Le bienheureux Bernard, d'accord en cela avec la plupart des commentateurs, applique ces paroles à l'Ascension du Seigneur: Venez, fuyez; un mot se trouve au début, l'autre à la fin.

  A008000932 

 Qu'il descende comme la pluie sur la toison, etc.), et il finit par l'Ascension: Fuyez, dit-il, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes des aromates.

  A008000933 

 Avant que Benjamin fût venu dans le royaume de son frère Joseph, celui-ci envoyait bien aux siens quelques provisions alimentaires; mais dès qu'il eut vu Benjamin, il envoya des chariots, des robes et tout ce qui était nécessaire.

  A008000933 

 Le chevreuil gagne le sommet des monts pour voir plus distinctement à ses pieds toutes choses et contempler de plus près le soleil.

  A008000985 

 (Signaler, en passant, les murmures des enfants d'Israël: librement sortis de l'Egypte, comme sortent du monde la plupart des religieux, ils sont à peine au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils murmurent et se ressouviennent des plaisirs du monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et, au [124] matin, vous verrez la gloire du Seigneur.

  A008000988 

 Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus l'aliment mystique des cœurs de tous les hommes.

  A008000996 

 Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai..

  A008000996 

 Placé entre des animaux, il accueille avec douceur leur haleine et même leur stupidité.

  A008000999 

 La cause des pleurs des enfants, c'est premièrement une raison naturelle: ils sentent pour la première fois le froid, la lumière, un air nouveau après l'air tiède et le sommeil dans le sein maternel.

  A008000999 

 La raison mystique est qu'ils naissent pour mourir et pour souffrir beaucoup; aussi plusieurs ont observé que le premier vagissement des garçons est a, celui des filles hé, premières lettres des noms d'Adam et d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous accablent.

  A008001000 

 Ainsi donc vous êtes des abeilles bien-aimées; mais, n'avez-vous pas un roi? Voici votre petit Souverain, vrai Roi des abeilles; entourez-le, considérez-le, imitez-le et soyez des Oblates de probation parfaite.

  A008001000 

 Contemplez la Mère, contemplez le petit Roi des abeilles, contemplez le Père.

  A008001000 

 Elles obéissent, car à l'appel de l'une d'entre elles, toutes accourent; le matin, toutes à la même heure, se lèvent au son de la cloche; elles ont des supérieures.

  A008001000 

 Les Oblates sont des abeilles.

  A008001000 

 Qu'il soit votre manne, votre miel, ce Roi, et qu'il régisse vos cœurs et vos corps jusqu'à ce rucher des cieux, où vous ferez un miel bien plus savoureux, etc..

  A008001025 

 Il fut chéri de Dieu et des hommes, et sa mémoire est en bénédiction..

  A008001027 

 Voici que parmi bien des sujets se présente la mémoire du bienheureux Joseph, objet de dévotion pour vous et pour moi.

  A008001030 

 J'ai, dit Rachel, ma servante Bala; prends-la, afin qu'elle enfante sur mes genoux, et que j'aie par elle des fils.

  A008001031 

 Aussi vit-il la lune, le soleil et les étoiles l'adorer: l'immense multitude des hommes (comprise dans le nombre dix) et la nature angélique sous un seul nom, la très sainte Vierge et le Seigneur.

  A008001065 

 Elle devint pourtant grande comme un fleuve, car «Marie, Mère de grâce,» produisit la grâce des grâces.

  A008001065 

 Puis elle laissa déborder des eaux très abondantes..

  A008001067 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs, si vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que je languis d'amour.

  A008001067 

 Probablement à 63 ans, plus probablement à 72, d'après ce que dit saint Denis, Des Noms Divins, chap. III; car saint Denis ne se convertit qu'en l'an 52 du Seigneur, comme le remarque Baronius.

  A008001071 

 Si «les Anges se réjouissent,» pourquoi cette Reine des Anges ne se réjouirait-elle pas? Voilà pourquoi tant d'églises en son honneur..

  A008001072 

 Quelques-uns disent: Elle est le refuge des pécheurs.

  A008001091 

 20: Hieremias maudit le jour de sa naissance, id est, il dit mal, il blasme le jour de sa naissance pour la multitude des maux quil devoit voir..

  A008001099 

 Et omnes simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des oeillades interieures de la meditation; afferte des pensees sans nombre, et voyes que cette fille est nee pour nostre bonheur, voyes qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere Dame, les delices des Anges, et la dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit.

  A008001099 

 Et representent le prince ou prælat, auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz n'est autre chose qu'un bouton de rose despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de dignite, mais non pas la grace.

  A008001099 

 Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux.

  A008001105 

 Misère de la naissance des hommes: L'homme né de la femme vit peu de temps, etc.; Job, chap. XIV. Job dit de lui-même chap. III: Périssent le jour où je suis né et la nuit où l'on a dit: Un homme est né. Il maudit, c'est-à-dire il affirme que ce jour a été mauvais et plein de misères; Sa.

  A008001109 

 En effet, Zoroastre, roi des Bactriens, après avoir été plusieurs fois vaincu par Ninus, roi d'Assyrie, fut détrôné, fait captif et tué, malgré la protection qu'il attendait de l'astrologie judiciaire et de la magie.

  A008001110 

 Toutefois, l'Eglise célèbre trois naissances: celle du Christ, dont la naissance éternelle est l'éternelle joie des Bienheureux et dont la naissance temporelle fait la joie des hommes et des Anges; celle de Jean-Baptiste et celle de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A008001111 

 Et remarquez: Dès le commencement et avant les siècles je fus créée (c'est-à-dire de stinée à prendre la naturehumaine créée: Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies ); et après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi affermie dans Sion, et je me suis reposée dans la cité sainte, et ma puissance a été dans Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints.

  A008001111 

 Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela en faveur des filles de Jérusalem..

  A008001112 

 Aussi dit-il lui-même: Je t'ai comparée, mon amie, à l'attelage des chars de Pharaon.

  A008001113 

 Au contraire, Ochosias, Joas, Amasias sont omis, parce que, idolâtres et impénitents, ils firent la pire des morts..

  A008001116 

 Ou, si vous voulez, ce char est la Bienheureuse Vierge; il est composé du bois de la blancheur et de l'incorruptibilité; virginité insigne, virginité des virginités.

  A008001117 

 De même, nous qui sommes préposés à la direction d'autrui, apportons les roses, symbole de l'autorité et de la dignité, roses qui ne sont jamais sans les épines des sollicitudes.

  A008001117 

 Les roses ne sont autre chose qu'une multitude de feuilles rouges ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une même tige; elles surpassent, de plus, toutes les autres fleurs, les simples fleurs qui croissent sur des arbustes.

  A008001117 

 Mais maintenant honorons donc Celle qui vient de naître, fêtons son [145] berceau, comme on a coutume de fêter le berceau des grands; on le couvre de fleurs pour souhait et présage d'une vie florissante.

  A008001128 

 7. c. 12, des deux jumeaux.

  A008001140 

 Bien que Calepin et Maldonat diffèrent un peu d'opinion entre eux et avec d'autres auteurs, il n'importe, car la différence des deux expressions ne porte que sur le plus et sur le moins.

  A008001141 

 Et au commencement [147] du sermon: Dieu nous a recommandé en diverses occasions et en bien des manières la charité envers le prochain.

  A008001142 

 La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même.

  A008001145 

 Combien les injustices qui nous sont faites sont légères! Ce sont des songes pour la plupart.

  A008001157 

 Scio esse des quint'essences desquelles fort peu fait grand'operation; sed raræ, sed prætiosæ: sic latro in cruce.

  A008001167 

 Pline dit au sujet de l'ingratitude des Arabes: «Ils rendent grâces au Ciel de ce qu'ils reçoivent des enfers.» Voir ce Manuscrit, folio 324.

  A008001168 

 Il faut de plus véritablement prier; or, nos prières sont plutôt des simulacres de prières que des prières.

  A008001168 

 Il y a, je sais, des quintessences desquelles fort peu fait grande opération; mais elles sont rares, précieuses: c'est le cas du larron en croix.

  A008001169 

 Saint Chrysostôme: Il augmente, exagère son malheur; «car celui qui demande a coutume d'amplifier,» et la douleur suggère des paroles à ceux qui souffrent.

  A008001170 

 Le Christ attire le cœur des hommes par des bienfaits, les hommes attirent le cœur du Christ par l'humilité.

  A008001204 

 Saint Grégoire de Nazianze et saint Chrysostôme: orné comme le roi de toute la splendeur des vertus.

  A008001206 

 Martyre continuel des prélats; c'est pourquoi Anselme les appelle chouettes: J'ai été fait comme le hibou.

  A008001230 

 POUR LA CONGRÉGATION DES OBLATES DE LA VISITATION.

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001232 

 L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations.

  A008001232 

 [157] Collines éternelles; les Pères l'entendent des Patriarches et autres Saints éminents entre tous; à mon avis, ce sont les Anges..

  A008001234 

 Nous avons déjà donné bien des comparaisons à ce sujet, et voici maintenant celle de la myrrhe; car Marie est aussi appelée myrrhe de la mer; or la myrrhe produit comme virginalement sa goutte et la myrrhe première ( Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe ), car elle perle comme une sueur sans qu'on la presse.

  A008001234 

 Tel le lis qui verse des gouttes semblables à une graine.

  A008001237 

 Des vierges seront, à sa suite, amenées au Roi.

  A008001241 

 Il est comme le roi des abeilles, il naît avec des ailes; et pourtant il observe le silence dans une merveilleuse simplicité.

  A008001262 

 Adorer le Christ est le plus ancien des preceptes; lui refuser l'adoration, la plus ancienne des heresies.

  A008001262 

 Aussi, les Anges sont-ils les premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

  A008001262 

 L'Eglise celebre cette derniere adoration par une fête des plus solennelles, car dans ces premices de la gentilite, elle-même adora le Seigneur.

  A008001262 

 Maintenant, c'est le tour des payens.

  A008001263 

 Ce sont des Mages qui adorent: Je n'ai pas trouvé une si grande foi dans Israël.

  A008001266 

 Ils offrent des dons précieux, de l'or, de l'encens, de la myrrhe.

  A008001287 

 Il en va souvent de même de nos pénitents quand ils se confessent: ils ont une langue d'or, mais ils retiennent leur langue de serpent; ils ont un vêtement babylonien pour couvrir leurs mauvaises habitudes; ils ont deux cents sicles d'argent, mais ils retiennent l'argent des autres.

  A008001288 

 Ramessès, première étape des Hébreux, signifie selon saint Jérôme, commotion de la teigne.

  A008001289 

 En jetant des cris; voir plus haut.

  A008001311 

 Le juif Philon, au rapport d'Eusèbe, écrivit un livre sur la Vie contemplative ou Vie des suppliants, qu'il appelle thérapeutes (c'est-à-dire médecins, guérisseurs), ou adorateurs.

  A008001313 

 On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes.

  A008001313 

 Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux acceptions: [1.] il est employé dans le sens strict et signifie alors demande; c'est la demande faite à Dieu de tout ce que nous désirons de lui; or, nous demandons de trois manières (voir l'Inventaire des vertus).

  A008001314 

 La pensée [167] est une opération de l'intelligence qui ressemble aux évolutions des mouches; l'étude aux travail des hannetons; la méditation à celui des abeilles; la contemplation au vol du roi des abeilles.

  A008001338 

 Excite en toi le désir des biens célestes; 2.

  A008001340 

 Voici des règles pour éviter la rechute.

  A008001356 

 Nicanor au milieu du bruit des [172] voix et des trompettes; mais Judas et les Juifs combattant des mains, et priant le Seigneur dans leurs cœurs... Or ceux-là même qui étaient restés dans la cité n'avaient pas une moindre sollicitude, etc..

  A008001370 

 Mais [174] pour un entretien général qui doit être d'une générale utilité, invoquons l'Avocate universelle des Chrétiens..

  A008001372 

 Comme les singes qui abandonnent des noix ou des châtaignes, le pécheur s'attriste et se réjouit de sa tristesse.

  A008001389 

 Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [ dans son troupeau ].

  A008001389 

 Saint Ambroise le nie; car [177] cet impie offrait [au Seigneur] des dons de moindre valeur.

  A008001390 

 Similitude tirée des caractères imprimés aux plantes dans les jardins, caractères qu'il faut extirper.

  A008001413 

 Ilz s'embarassent en leurs chemins comm'en des labyrintes.

  A008001419 

 Car le Seigneur ne laissera pas la verge des pécheurs sur l'héritage des justes, de peur que les justes n'étendent leurs mains vers l'iniquité..

  A008001420 

 Après la paraphrase des versets précédents..

  A008001421 

 Notons qu'on peut entendre de trois manières cette verge des pécheurs.

  A008001421 

 Verge des pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent le pêcheur, mais la miséricorde environne celui qui espère dans le Seigneur.

  A008001422 

 Aussi David dit-il: Mes pieds ont presque chancelé parce que j'ai été ému de zele contre les méchants, voyant la paix des pécheurs.

  A008001422 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se sont couverts de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que ces pêcheurs eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont acquis des richesses.

  A008001422 

 Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur... Pourquoi la voie des impies est-elle prospère?.

  A008001422 

 Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes.

  A008001423 

 Au jugement, dit-il, ceux dont la domination est injuste seront déchus, et le Seigneur changera de main (il distinguera les brebis des boucs ), il préférera Ephraïm à Manassès, bien que celui-ci soit l'aîné.

  A008001425 

 Elle n'est donc pas la verge des pécheurs, mais celle des justes, car le serpent s'est changé en verge..

  A008001425 

 Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père.

  A008001427 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se couvrent de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voila que [ ces pécheurs ] eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont obtenu des richesses.

  A008001427 

 Voyez les hérétiques et les Catholiques; les premiers sont florissants, s'emparent des biens ecclésiastiques, sont puissants, etc. Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes.

  A008001428 

 Voyez le très saint Joseph et la Bienheureuse Vierge, ces lis de pureté, ces miroirs d'innocence: Hérode les persécute, ils souffrent dans la fuite en Egypte, etc. Voyez le Juste des justes, le Christ Notre-Seigneur..

  A008001430 

 Je répète ce que dit saint Augustin dans tous les endroits de son Commentaire sur les Psaumes où il parle des cœurs droits.

  A008001430 

 Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits.

  A008001431 

 Si la tempête faisait pleuvoir des perles, la plupart la désireraient pour leurs champs.

  A008001433 

 Aussi c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur droit; faites ce bien non pas de la manière que nous jugeons, mais selon votre volonté et selon qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce monde, fût-ce en nous donnant des croix, des tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le Seigneur t'a comblé de bienfaits.

  A008001433 

 Il est donc désormais inutile de demander pourquoi des malheurs arrivent aux bons.

  A008001436 

 Ils tombent dans les [185] filets, ils ont tissé des toiles d'araignées.

  A008001455 

 A peyne Isaac avoit acheve son propos et Jacob estant sorti, voyci Esau arrive, et apporte des viandes de sa chasse apprestees a son pere, disant: Levés vous, mon pere, et manges de la chasse de vostre filz, affin que vostr'ame me benisse ................................................ [191].

  A008001465 

 Il en était de même des Gentils, comme le témoigne Pline, parlant de la dîme de l'encens donnée au dieu Sabin.

  A008001467 

 Exagérer le vol des dîmes, car il est très commun en Savoie..

  A008001514 

 Il ne suffit pas d'être auprès des brebis, si on ne les nourrit.

  A008001514 

 Le Christ nous l'enseigne en s'adressant au Prince des pasteurs: M'aimes-tu? Pais mes brebis.

  A008001514 

 Or, les hérétiques ne ressemblent pas aux autres brebis, ils pensent différemment: Luther était seul, Calvin seul, etc. Le bon pasteur doit être brebis, fait sur le modèle du troupeau ( ne dominant pas le clergé ); quand une brebis paît des brebis, elle-même paît parmi ces brebis..

  A008001516 

 Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur.

  A008001516 

 Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition.

  A008001517 

 Admirable exemple de saint Jérôme qui lavait les pieds des pèlerins, et même ceux des chameaux et des chevaux dans sa maison de Bethléem.

  A008001517 

 Rébecca agit d'après ce principe même envers des chameaux; la charité ne méprise rien.

  A008001520 

 Vrai Dieu! jadis tous les Chrétiens étaient saints et sains, nul donc ne craignait le contact des lèvres, personne n'évitait une haleine pure; mais aujourd'hui:.

  A008001522 

 De même, anciennement avaient lieu des veilles parce que les Chrétiens étaient lumière dans le Seigneur; on les a supprimées aujourd'hui de peur que les ténèbres ne nous surprennent..

  A008001522 

 Il n'y avait alors que des brebis, il y a aujourd'hui des boucs à l'haleine fétide: Leur gorge est un sépulcre ouvert.

  A008001524 

 Qui revenait couvert des dépouilles d'Achille!».

  A008001526 

 Oh! donnez-moi des personnes qui aient l'innocence de Jacob et de Rachel et je leur permets de se baiser.

  A008001532 

 Mais où donc le Christ donne-t-il le baiser de paix à l'âme fidèle? En pleurant sur la croix, car là est le puits des eaux de ses mérites.

  A008001571 

 Ayant donques a traitter avec vous, mes treschers auditeurs, des choses divines qui regardent le salut æternel de vos ames, j'ay choisi pour sujet le divin cantique de Zacharie, parce qu'a mon advis, il vous sera extremement aggreable, estant un cantique de louange, un cantique de joye et cantique d'encouragement a bien recevoir le Filz eternel du Pere celeste, qui vient visiter et faire la redemption de son peuple.

  A008001585 

 SUJETS DES SERMONS SUR LE CANTIQUE DE ZACHARIE ADRESSÉS AUX GRENOBLOIS PENDANT L'AVENT DE 1616.

  A008001591 

 Tirer l'exorde des grenades et des sonnettes, comme il est dit folio 15, en ajoutant simplement ceci: quoique chaque grenade fût accompagnée de sa sonnette, toutefois, de temps à autre, par suite du mouvement imprimé par la [202] marche, le bord du vêtement ou de la frange se repliait, et une sonnette voisine d'une grenade en touchait une autre et sonnait près d'elle.

  A008001593 

 Pourquoi donc a-t-il créé le monde? Ecoutez la réponse du plus sage des hommes: Le Seigneur a tout fait pour lui, et l'impie même [qui doit servir à sa gloire] au jour mauvais.

  A008001594 

 Mangerai-je la chair des taureaux? etc. Si j'ai faim, je ne te le dirai pas.

  A008001595 

 C'est pourquoi, invitant toute créature à la louange de Dieu, David dit: Louez le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le, rendez-lui grâces.

  A008001596 

 Aussi l'Eglise a-t-elle ses chantres qui continuellement donnent des louanges à Dieu.

  A008001596 

 Et au Cantique: Que verrez-vous dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais cette guerre est pacifique, la paix triomphe: c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la victoire sur le démon, et dans le trouble de l'âme [205] le démon triomphe.

  A008001596 

 La Sulamite, la pacifique, possède des camps, et ces camps combattent rangés en chœurs; or le chœur est composé d'une multitude de chanteurs: Une multitude de la milice céleste se réunit, chantant et disant: Gloire au plus haut des cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et l'enchaînait par son chant.

  A008001596 

 Oh! ne demandez pas pourquoi taut de collégiales, de moines, de moniales! Ce sont les chœurs des camps.

  A008001596 

 Qu'il est donc délicieux de chanter et d'entonner des cantiques au nom du Dieu Très-Haut!.

  A008001597 

 Mais il y a des cantiques qui surpassent les autres en suavité; il y eu a d'anciens, il y en a de nouveaux.

  A008001598 

 Le premier est celui de la Sainte Vierge, Magnificat; le deuxieme, celui des Anges, Gloria in excelsis; le troisieme, Nunc dimittis; le quatrieme, Benedictus; le cinquieme, l'hymne dite (au grec, l'hymne chantée ).

  A008001598 

 On appelle hymne l'eloge prolonge des hauts faits accomplis; comme elle est chantee, c'est une espece de cantique.

  A008001599 

 Cependant, l'objet de ces cantiques a plus ou moins d'etendue; car il y a quatre espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux; semblable au son des trompettes qui retentirent au siege de Jericho et contre Madian: de cette sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne dite par le Christ apres la cene.

  A008001599 

 On chantait aussi, après les victoires, des cantiques de ce genre, comme le Cantemus Domino, gloriose, etc. 3.

  A008001600 

 De plus, il y a des cantiques prophétiques, comme celui-ci: Deus, Deus, respice in me; des cantiques didactiques: Nisi Dominus œdificaverit domum; des cantiques laudatifs: Magnificat, Gloria in excelsis; des cantiques d'exhortation: Beati.

  A008001601 

 Et enfin: Il y aura des signes.

  A008001601 

 Premièrement, à l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après: La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y aura des signes, chant Myssolydien.

  A008001621 

 Il faut ajouter en troisième lieu qu'il était le Dieu d'Israël parce qu'il avait été très souvent promis à ce peuple et qu'il lui avait donné des gages de son arrivée dans la bénédiction de Jacob; aussi l'appelait-on Celui qui doit venir.

  A008001659 

 On disait parmi les anciens payens qu'une chèvre appelée Amalthée, ayant creusé la terre avec sa corne, découvrit un immense trésor dont fut enrichi le chevrier, si bien que la corne d'Amalthée devint proverbiale pour désigner l'abondance des biens temporels.

  A008001660 

 Mais ce passage suffira: Et je briserai toutes les cornes des pécheurs et les cornes des justes seront exaltées.

  A008001662 

 Evidemment, il fallait une dispense, comme dit Génébrard sur ce passage du Psaume, pour faire servir l'huile sacerdotale à l'onction des rois, car il était défendu d'oindre toute chair d'homme de cette huile sainte destinée au sacre des prêtres.

  A008001662 

 Mais tout ainsi que les prêtres sont des anges préposés au gouvernement spirituel, ainsi les rois sont moins des hommes que des anges délégués au gouvernement temporel.

  A008001662 

 On emploie un vase pastoral pour oindre les rois, afin [de leur signifier qu'ils doivent être] de vrais pasteurs et non des tondeurs..

  A008001662 

 Quoi qu'il en soit, l'huile sainte employée pour le sacre des rois démontre que les rois doivent être saints et qu'ils sont adjoints aux prêtres, qu'ils sont leurs collaborateurs et leurs associés.

  A008001665 

 A ce passage, Maldonat dit que le roi est appelé corne parce qu'il est la gloire et le défenseur de l'Etat, comme la corne est la force, la puissance, l'ornement des animaux qui la portent.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001665 

 Origène (voir son témoignage dans la Chaîne d'or ), Rupert, Haimon, Théophylacte, Eusèbe (liv. IV des Démonstrations, chap. XV), d'après Rio (Adage DCXCI de la I re Partie), appliquent au Christ ce passage d'Isaïe, et disent que le Christ est à la fois la corne et le fils de l'huile, parce que Dieu l'a oint de l'huile de la joie, que le Christ est oint et que son nom est un parfum répandu..

  A008001666 

 C'étaient des cornes de bélier qu'on faisait résonner à la fête des trompettes, nul ne le nie (et voir le même auteur, au même [livre,] chap. IX et X).

  A008001666 

 Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac.

  A008001666 

 De plus, Tolet, au même endroit, et Bellarmin, sur le Psaume LXXX, pensent que ce verset: Sonnez de la trompette en ce premier jour du mois, ne s'applique qu'à la fête des trompettes, parce que les autre néoménies n'avaient rien de très solennel et que l'on n'observait le repos sabbatique qu'à la seule néoménie de septembre où se rencontrait la fête des trompettes.

  A008001666 

 Il faut remarquer que les trompettes au son desquelles on annonçait le jubilé étaient de cornes de bélier; c'est l'opinion de la plupart des hommes savants, bien que Ribéra (liv. V sur le Temple, chap. XXIV, n° 9 et suivants) pense qu'elles étaient de cornes de taureau.

  A008001666 

 Voir Tolet sur le chap. VII de saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme cause probable de l'institution de cette fête, quoiqu'il admette comme une cause plus probable encore le son des trompettes qui retentissaient lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï.

  A008001667 

 En cet endroit, Bellarmin reconnaît dans les quatre instruments [le symbole] des quatre vertus cardinales: la harpe représente la prudence; le psaltérion a dix cordes, la justice des commandements; les trompettes battues au marteau, la force; la trompette de corne, la tempérance.

  A008001667 

 Maintenant nous faisons résonner notre trompette de corne et de corne de bélier, c'est-à-dire, nous chantons maintenant dans la puissance du Christ, comme il est dit au Psaume XCVII: Chantez sur la harpe des cantiques au Seigneur, sur la harpe et sur l'instrument à dix cordes, au son des trompettes de métal battu au marteau, et des trompettes d'argent, au son de la trompette de corne.

  A008001670 

 Après avoir déposé leurs bois, les cerfs se cachent; ils se recèlent dans leurs forts et buissons, etc. Hélas! Adam se cacha parce qu'il avait perdu la grâce et sa dignité; Jonas s'enfuit, et David s'écrie: Détournez votre face de mes péchés, etc.; jusqu'à ce que vienne le Désiré des collines éternelles.

  A008001670 

 Et Job: Comme le cerf souhaite l'ombre, et comme le mercenaire [220] attend la fin de son travail, ainsi j'ai eu des mois vides et des nuits laborieuses.

  A008001671 

 Ainsi le visage de Moïse était entouré de rayons de lumière semblables à des cornes, afin que les enfants d'Israël ne pussent regarder sur sa face.

  A008001671 

 Je briserai toutes les cornes des pêcheurs, et les cornes des justes seront exaltées.

  A008001671 

 Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et ton [221] oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi.

  A008001672 

 Et chap. VIII: Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates.

  A008001672 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs.

  A008001672 

 Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille..

  A008001672 

 Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres.

  A008001672 

 Soyez semblable, mon Bien-Aimé, au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes de Béther, taillées à pic, sillonnées de cavernes profondes.

  A008001673 

 Au sens mystique, [la première représente] la foi catholique, [222] qui est le plein jour, si on la compare à la foi des Patriarches: La nuit passe, et le jour approche.

  A008001674 

 Au milieu des années vous ferez connaître votre œuvre; lorsque vous serez irrité, vous vous souviendrez de la miséricorde.

  A008001674 

 Seigneur, c'est votre œuvre, vivifiez-la au milieu des années.

  A008001674 

 Votre œuvre, le genre humain, qui semble avoir coûté un travail à Dieu: Il forma [ l'homme ] du limon de la terre et le vivifia, il lui inspira un souffle de vie au commencement des années; mais maintenant, au milieu des années, vivifiez-le, car il était mort.

  A008001696 

 Comme un bel olivier dans la campagne; l'olivier a une admirable propriété: planté par des vierges, il croît plus touffu.

  A008001697 

 Délivrez- moi [226] de la gueule du lion et de la corne des licornes dans l'état d'humiliation où je suis (Psaume XXI); le Christ en croix.

  A008001698 

 David était très doux, le roi des affligés et des gens accablés de dettes.

  A008001699 

 Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et mon oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi.

  A008001723 

 Dieu dit à Job: Qui a donné l'intelligence au coq? On prépare des bijoux et des vêtements pour l'épouse d'Isaac avant qu'elle soit connue.

  A008001723 

 Et saint Paul: C'est pourquoi il est le médiateur du nouveau testament, pour la rédemption des prévarications qui existaient sous le testament [228] précédent.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que l'Eglise est appelée Epouse de l'Agneau, et le temps évangélique, la plénitude des temps.

  A008001726 

 Hélas! quelle n'est pas la misère des hommes! Les Messaliens et les Euchites contestaient toute efficacité aux Sacrements afin d'en attribuer davantage à la prière.

  A008001727 

 Parler ensuite des autres Sacrements.

  A008001739 

 Protogenes fit un colosse couche en petit volume; et pour en signifier la grandeur il peignit des petitz garçons qui avec des tiges d'herbes mesuroyent son poulce..

  A008001749 

 Ainsi, des enfants d'Israël, deux seulement entrèrent dans la terre promise: Pendant quarante ans j'ai été irrité contre cette génération, etc.; [ j'ai juré ] qu'ils n'entreraient point dans mon repos.

  A008001749 

 Ce mot testament est un mot aimé de notre interprète latin et des Septante, bien que le mot hébreu berith signifie proprement alliance.

  A008001749 

 Dans les Nombres il est dit vingt-quatre mille, mais les Hébreux ne tiennent pas compte des quantités intermédiaires.

  A008001749 

 Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne convoitions pas les choses mauvaises comme ils les convoitèrent.

  A008001781 

 Annoblit des vilains et canailles: comme la haine, du tiltre de courage, et la vengeance; la vanite, du tiltre de bienseance, etc. Vidi servos ambulantes in equis, et dominos eorum ambulantes super terram.

  A008001791 

 Après que vous aurez tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète, oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean répond: Je ne le suis pas.

  A008001792 

 Aussi ajoute-t-il: La malice des pécheurs sera anéantie, et vous dirigerez le juste.

  A008001793 

 Je vois des pécheurs paralytiques; je vois le Christ, médecin plein de miséricorde pour les pécheurs; je vois le centurion.

  A008001794 

 Il est vrai que «saint Augustin, Strabus, Lyranus, Hugues, Bède estiment que Capharnaum est appelée cité du Christ parce qu'elle était la capitale de la Galilée, comme on appelle romain celui qui est soumis au pouvoir de Rome ou qui est né dans cette ville.» Saint Chrysostome, Euthymius, Théophylacte disent qu'elle est ainsi appelée parce que le Christ y habitait fréquemment; c'est aussi l'opinion des pasteurs de Genève.

  A008001797 

 Voir au I er Livre des Rois, chap. XXX, ce serviteur d'un Amalécite qui, pour cause de maladie, avait été abandonné de son maître.

  A008001798 

 Pline dit que de son temps, à Rome, la culture des champs était ordinairement réservée à des esclaves stigmatisés; ces caractères étaient empreints sur le front ou sur le visage.

  A008001798 

 Valentinien rendit une loi par laquelle il défendait de baptiser les histrions, sinon à leur dernière heure, parce que le théâtre était interdit aux Chrétiens, et que ces esclaves du théâtre ou de la scène amusaient [241] le peuple, et comme des esclaves publics, s'appliquaient aux inepties du théâtre.

  A008001800 

 Pour l'amour des ennemis.

  A008001802 

 Pour écarter absolument les hommes de discorde de la ville où l'on doit vivre en parfaite union; pour [242] signifier le jugement particulier qui aura Heu au sortir de cette vie; pour déclarer que les disputes sont indignes des citoyens..

  A008001803 

 Jusqu'à quand les pensées nuisibles demeureront-elles en toi? Parfois le démon ne veut pas l'acte du péché, de peur que le pécheur surpris en faute ne fasse pénitence; mais il veut des pensées, des désirs longuement entretenus, des omissions, des paroles, des murmures..

  A008001807 

 J'ai vu des esclaves aller à cheval, et leurs maîtres aller a pied.

  A008001833 

 Craintes des petitz enfans: il ny a rien de si grande consolation que l'observance de la discipline ecclesiastique.

  A008001847 

 Ainsi, saint Antoine se moquait des tentations de luxure, etc., que le diable lui suggérait; saint Martin s'écriait: «Arrière, [246] bête cruelle!» Ainsi, les Tentyrites domptent par leur seule haleine les crocodiles dont ils se servent comme de chevaux..

  A008001847 

 Alléguer sur ce point la doctrine de saint Augustin, livre des Questions sur l'Ancien et le Nouveau Testament, tome IV; saint Thomas le cite à propos de ces paroles: Un glaive transpercera ton âme.

  A008001849 

 La tentation du Christ fut donc purement extérieure, car il avait non pas des passions ou des troubles intérieurs, mais des propassions; aussi remporta-t-il une victoire complète.

  A008001850 

 Au paradis terrestre, Eve fut sa collaboratrice; ici le Christ est seul, au milieu des bêtes sauvages.

  A008001851 

 Après son baptême; par le Baptême, en effet, nous acquérons (ceci néanmoins ne s'applique pas au Christ) des forces et de la constance, comme par les autres Sacrements.

  A008001851 

 C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi.

  A008001851 

 La Pénitence nous rend plus forts, comme des chevaux blessés par la dent du loup; voir Pline.

  A008001851 

 La belette ne craint rien auprès du serpolet; il en est ainsi de nous en présence des Sacrements..

  A008001854 

 Dites à ces pierres qu'elles deviennent des pains.

  A008001854 

 Tertullien [249] appelle les philosophes défenseurs et maîtres des hérétiques.

  A008001856 

 Ainsi font toujours les hérétiques, ils détournent le sens par des réticences ou des suppressions de mots, etc..

  A008001856 

 Le tentateur se conduit à la façon des hérétiques.

  A008001856 

 Tous les Pères observent que c'est le propre des hérétiques de citer les bonnes paroles dans un mauvais sens.

  A008001856 

 «La science des Ecritures consiste non pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute est dans l'intention [de celui qui entend mal], non dans le texte.» « Dans toutes tes voies, non dans les précipices;» Satan en outre tronque le texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard).

  A008001858 

 Mais [la prétention qu'ont] les [250] enfants d'imiter leurs parents n'a rien de ridicule; sans quoi ils ne devraient jamais commencer à parler parce qu'ils ne peuvent d'abord parler aussi vite que leur mère; ni à marcher, parce qu'ils ne peuvent faire des pas égaux à ceux de leur père.

  A008001858 

 Noter que Calvin se moque des Catholiques parce que, dans un zèle qu'il appelle outré, ils veulent imiter le Christ.

  A008001859 

 O festin des Anges! Que le Seigneur mon Dieu soit béni, lui qui dresse mes mains au combat et mes doigts à la guerre.

  A008001878 

 O Estendart ami! o terreur des ennemis! [256].

  A008001885 

 Au quatrième jour de la création [Dieu dit]: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour [252] les temps, les jours et les années, et qu'ils éclairent la terre.

  A008001885 

 Mais au dernier jour, à la fin des temps, alors, dit Isaïe, toute la milice des cieux s'anéantira, et les cieux se rouleront comme un livre et toute leur milice périra.

  A008001891 

 De la même fournaise sortent une matière plus pure que la brise, et des bois noirs et des charbons.

  A008001891 

 Les corps des Bienheureux fleuriront; ceux des damnés seront comme une chaudière bouillante, animés par le feu et les tourments, [255] horribles, affreusement hérissés; à leurs palais d'autrefois sont maintenant substituées des prisons, comme les prisons des Bienheureux font place à des palais.

  A008001915 

 La vallée de Josaphat, d'après l'opinion commune, serait l'espace situé entre Jérusalem et le mont des Oliviers.

  A008001915 

 Le Maître des Sentences se moque de cette interprétation parce que le nom même de Josaphat signifie jugement de Dieu; mais l'opinion [257] énoncée ci-dessus n'en est pas moins certaine.

  A008001915 

 Les Anges, d'après l'Ecriture, sépareront les méchants des bons.

  A008001916 

 (Le livre de vie, dans l'Apocalypse, XX, c'est la vie du Christ.) Je regardais jusqu'à ce que des trônes fussent placés, et l'Ancien des jours s'assit, etc.; le jugement se tint et les livres furent ouverts: «Le livre écrit sera présenté.».

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001917 

 En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal.

  A008001917 

 Votre parole est une lampe qui éclaire mes pieds; texte qui amène une quatrième interprétation: des hommes saints.

  A008001944 

 Le Seigneur parlait des rigueurs de l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors quelques-uns d'entre les Scribes et les Pharisiens lui répondirent: Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008001946 

 Ainsi, après la discussion, j'entends, d'une part, et je vois le Christ étincelant des rayons de bénédiction: Venez, bénis; et faisant descendre de l'autre côté la nuit la plus sombre, [je l'entends prononcer cette sentence]: Allez, maudits..

  A008001947 

 Ainsi, au jugement, le Seigneur séparera les eaux des eaux; «les grandes eaux sont des peuples nombreux:» les eaux supérieures montent au-devant du Christ, dans les airs, au-devant du Christ, dis-je, descendu vers eux comme pour les ramener, et ils bondiront comme des béliers; les eaux inférieures descendent à la mer, à la mer Morte, etc..

  A008001947 

 Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume: Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement).

  A008001948 

 La voix des eaux de la vie et de la mort, mer Morte... Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant tout: Vous avez sondé mon cœur et vous l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé d'iniquité en moi.

  A008001948 

 Saint Jean vit le Seigneur dans sa majesté, vêtu d'une longue robe et ceint, au-dessous des mamelles, d'une ceinture d'or, etc. J'entendis sa voix comme la [263] voix des grandes eaux, ses yeux étaient comme une flamme de feu, et de sa bouche sortait un glaive à deux tranchants, et sa face était comme le soleil dans sa force.

  A008001976 

 O toute-puissance de la prière! Deux hérésies pourtant se sont élevées à ce sujet: celle des Euchites et des Messaliens qui disaient que la prière suffit; et celle des Pélagiens, dont la plupart prétendaient que nous n'avons pas besoin de prier.

  A008001977 

 Cette femme était chananéenne, elle était sortie des confins de son pays.

  A008001977 

 Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image.

  A008001978 

 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre oreille a entendu la préparation de leur cœur.

  A008001981 

 Et Jésus, s'avançant semblable au cerf qui bondit: Ce n'est pas bien, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens.

  A008002010 

 Du consentement commun des Pères, cette piscine figure le Baptême; le paralytique représente le genre humain qui n'aurait pas été guéri si le Christ ne fût venu..

  A008002011 

 Bethsaïda ainsi écrit signifie maison des fruits.

  A008002011 

 D'après l'opinion commune des anciens, cette appellation vient de ce que les brebis offertes au Temple y étaient lavées, ou du moins on y lavait leurs intestins; aussi, saint Jérôme, au livre Des Lieux hébraïques, dit-il que de son temps cette piscine était encore rougie et comme teinte de sang.

  A008002011 

 D'autres, d'après Barradas, disent que si Bethsaïda s'écrit par un sin, il signifie maison d'effusion; si par un sade, maison des chasseurs.

  A008002015 

 Comme Sara reçoit des enfants d'Agar, etc..

  A008002018 

 Celui qui descendait le premier était guéri; d'après le Concile de Nicée, [le Baptême est] «pour la rémission des péchés.» Le Christ n'en guérit qu'un, il ne sauve que le seul Chrétien Catholique..

  A008002019 

 Les Apôtres sont des pêcheurs d'hommes.

  A008002020 

 Plusieurs des commentateurs pensent que le Christ interrogea le malade sur lès causes et la durée de son infirmité, et que le malade confessa ses péchés; c'est pour cela que Jésus lui dit: Ne pèche plus désormais..

  A008002048 

 De là, ces paroles à l'Ange de Pergame: Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l'Esprit dit aux Eglises: Je donnerai au vainqueur une manne cachée, et je lui donnerai une pierre blanche, et un nom nouveau écrit sur la pierre, lequel nul ne connaît que celui qui le reçoit..

  A008002049 

 Notre Evangile est comme une mappemonde où le Royaume des cieux ou l'autre monde nous est indiqué par certains points et certaines lignes.

  A008002087 

 La première est la fausse pénitence, car la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables à celles des autres fleuves; comète et planète... Cette pénitence n'est pas de tout cœur: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur.

  A008002088 

 La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence.

  A008002088 

 Le singe avec une noix ou des châtaignes.

  A008002121 

 Elle est nommée aussi Chaire de Pierre, parce que Pierre était chef des Apôtres, comme ses successeurs le sont des Evêques, «afin qu'un chef étant établi, toute occasion de schisme fût ôtée.» Ainsi la Loi ancienne n'avait qu'un seul grand Prêtre, et aux Israélites, toutes choses arrivaient en figures..

  A008002124 

 Caïphe, en effet, [286] le plus méchant des hommes, porta un jugement très sacré: Il est avantageux, qu'un seul homme meure pour le peuple, afin que toute la nation ne périsse pas.

  A008002125 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; or, par les portes de l'enfer est signifiée la pire des apostasies.

  A008002127 

 Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute.

  A008002127 

 Si quelqu'un s'enorgueillit, ne voulant pas obéir, etc. Car c'est l'Ange du Seigneur des armées.

  A008002128 

 D'autres enfin parlent et agissent; voilà les meilleurs: toutefois, ils parlent non seulement par la prédication, mais encore par les commandements qu'ils donnent et par des entretiens utiles.

  A008002128 

 Mais ce qu'on demande ici des dispensateurs, etc. On en distingue quatre classes, 1.

  A008002129 

 Double amour: l'un affectif, en signe duquel le grand Prêtre portait sur la poitrine les noms des enfants d'Israël; l'autre effectif, et qui porte même les méchants et les brebis perdues; de là vient que les noms des enfants d'Israël étaient aussi gravés sur deux onyx fixés à l'huméral..

  A008002129 

 Plusieurs ressemblent à Nabal et à Absalon; ils ne célèbrent de fête qu'à la tonte des brebis et lorsqu'ils en reçoivent la laine.

  A008002156 

 Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha..

  A008002157 

 Etrange rusticité et importunité de l'ambition! Le Seigneur méditait sa croix et sa mort, et voici que cette femme accourt, préoccupée de l'idée de la gloire et des honneurs: Un récit inopportun est comme une musique pendant le deuil..

  A008002158 

 Tandis qu'ils se trouvaient en Galilée, Jésus leur dit: Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes; et ils furent extrêmement contristés.

  A008002159 

 Convaincue de ces vérités, l'Eglise réveille très fréquemment chaque jour le souvenir de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur les routes, partout; et c'est pour cela que nous portons des croix au cou (Macrine et Vestiane), que nous honorons chaque vendredi.

  A008002159 

 Nous ne comprenons pas ce que nous ne voulons pas comprendre; nous cherchons des divertissements et nous les excusons..

  A008002159 

 O malheureux! nous avons sans cesse à la bouche le récit de nos souffrances et de nos agitations, au lieu de nous entretenir de la Passion du Christ! Réfléchissez a Celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui.

  A008002160 

 Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha.

  A008002161 

 Ils avaient entendu le Christ Seigneur dire peu auparavant: Vous siégerez vous aussi sur des trônes, et tout à l'heure: le troisième jour il ressuscitera; ils saisissent l'occasion d'exposer une demande à laquelle peut-être ils songeaient depuis longtemps.

  A008002192 

 De même, du vivant des hommes, personne n'estime facilement les riches malheureux et les pauvres heureux, etc..

  A008002193 

 Il y a l'hérésie des Pauvres de Lyon, des Apostoliques, des Manichéens et de Julien l'Apostat..

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002194 

 Dans l'acquisition des biens.

  A008002195 

 Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs.

  A008002198 

 Ils pèchent de même au sujet des legs pieux, etc. (Haliète, aigle marin; voir plus bas, page 342.) Retenir le bien d'autrui; en disposer.

  A008002200 

 Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation, dans les filets du diable et dans des désirs nombreux et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition..

  A008002201 

 Servitude des idoles.

  A008002203 

 Dignité des pauvres; combien nous devons les honorer, et partant les visiter comme représentant Notre-Seigneur..

  A008002237 

 Le pressoir des fidèles est la charité, à laquelle se rapportent les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la charité du Christ nous presse.

  A008002237 

 Ta taille est semblable a un palmier et tes mamelles a des grappes de raisin.

  A008002238 

 Cette tour est l'espérance qui du haut des prophéties voit venir le Christ, et alors, comme du sommet d'une montagne, nous respirons l'odeur des parfums et nous sentons notre proie, le Christ.

  A008002239 

 Les vignerons de la Synagogue tuèrent [303] les Prophètes que le Seigneur leur envoyait (comme on peut le voir dans Barradas [ Commentaire sur la Concordance des Evangiles,] liv. V, chap. XXIII du premier tome); ils furent sciés, lapidés, tués par le tranchant du glaive: Isaïe fut scié, Jérémie lapidé, Ezéchiel massacré à Babylone par le juge du peuple d'Israël, Amos le fut par le prêtre Amasias, etc..

  A008002239 

 Voici la couche de Salomon; soixante vaillants guerriers, des plus vaillants d'Israël, l'environnent, tous portant des glaives et très habiles dans les combats; chacun a son glaive sur sa cuisse 'a cause des craintes nocturnes.

  A008002241 

 Iscariote périt: il est de la tribu d'Issachar (ou bien son nom dériverait de sechar, mot qui signifie en syriaque, bourse), et voilà que Pierre se levant au [304] milieu des frères: [ Qu'un autre reçoive ] son épiscopat.

  A008002242 

 Cette mission et succession dure, dit saint Léon, «même en des successeurs indignes,» et durera jusqu'au jour du jugement.

  A008002276 

 En tout ce passage, voici le point le plus difficile; et même, nous dit saint Augustin, sermon XI des [306] Paroles du Seigneur, «il n'y en a pas de plus difficile dans toute l'Ecriture.

  A008002276 

 Et en saint Marc: En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes; mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera coupable d'un péché éternel.

  A008002277 

 Les théologiens enseignent que certains péchés sont contre le Père, d'autres, contre le Fils, d'autres, contre le Saint-Esprit; ils s'expriment ainsi en vue des perfections attribuées spécialement à chacune des divines Personnes, et cela d'après le double rapport de ressemblance et d'opposition avec ce qui arrive dans l'ordre naturel..

  A008002280 

 C'est précisément ce qui arrive à la plupart des hérétiques..

  A008002280 

 Nous avons des exemples de ces péchés dans les trois premiers individus de la race humaine: Adam, Eve, Caïn.

  A008002281 

 La chute d'Adam commença par une vaine complaisance en cette promesse: Vous serez comme des dieux; puis, de ce sentiment procéda un amour déréglé; en troisième lieu, il consentit à manger..

  A008002281 

 Par orgueil, elle se complut en cette parole: Vous serez comme des dieux; ensuite, elle crut qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de Dieu ne devait pas être entendue à la lettre, comme elle l'avait tout d'abord comprise, et alors elle se décida à manger du fruit.

  A008002283 

 Ce ne fut, à mon avis, qu'un péché véniel, d'après ce passage du III0 Livre des Rois: Il ne s'était point détourné de tout ce que Dieu lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002286 

 Tel est celui des hérétiques de notre temps.

  A008002314 

 Ces deux dogmes sont opposés à deux hérésies très pernicieuses: celle des Pélagiens et celle des Luthériens.

  A008002315 

 Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le culte des faux dieux: Je serai comme une lionne, comme un léopard sur la voie des Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs entrailles, je les dévorerai comme un lion.

  A008002318 

 Donc: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Parler ensuite des deux histoires [mentionnées par Jésus]: ces veuves d'Israël n'auraient pas reçu Elie; ces lépreux n'auraient pas obéi, ne seraient pas venus vers Elisée.

  A008002351 

 C'est ainsi que saint Paul a repris saint Pierre: Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible; car bien que saint Pierre eût à peine commis un péché véniel en cette occasion, néanmoins saint Paul le reprit à cause des graves conséquences que pouvait avoir sa faute, «et pour que le premier en dignité fût aussi le premier en humilité,» «La différence d'opinions sur une même chose n'a jamais nui à l'amitié entre honnêtes gens.» Mais celui qui corrige doit être juste, c'est-à-dire irrépréhensible; sinon, on pourrait lui répondre: Médecin, guéris-toi toi-même.

  A008002353 

 Abraham éloignait les oiseaux de la victime; on chasse même les mouches de la table des rois et des princes: ainsi entre les religieux et ceux qui tendent à la perfection, on doit chasser même les mouches, car elles gâtent la suavité du parfum..

  A008002357 

 Quant à la personne [qui a besoin de correction], saint Grégoire donne des règles à ce sujet.

  A008002385 

 Pourquoi vos disciples transgressent-ils les traditions des anciens?.

  A008002387 

 Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu.

  A008002389 

 Jésus-Christ nous l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute m'écoute, et en cent lieux ( Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

  A008002390 

 Et ce caractère [322] se retrouve, pour ainsi dire, en tout; les hérétiques admettent certains points et en rejettent d'autres: ils voudraient la figure, le signe, et non la réalité; l'attribution, non la grâce; la foi, mais non les œuvres; la rémission, et non l'absolution des péchés; l'administration, mais non l'épiscopat; la prière adressée directement à Dieu, mais non la médiation des Saint6..

  A008002390 

 L'histoire racontée au III e Livre des Rois, chap. III, me vient présentement en mémoire: la femme à qui appartient l'enfant, c'est-à-dire la doctrine chrétienne, ne veut pas de partage.

  A008002390 

 Les sectes, au contraire, veulent toujours diviser; il en est ainsi de notre temps: Gaspard Swenfeld et les Libertins ne voulaient pas des Ecritures; les Calvinistes ne veulent pas de la Tradition.

  A008002392 

 pour savoir qu'il existe des Ecritures; car, comment le saurions-nous sans le témoignage de l'Eglise qui a reçu cette tradition? Ainsi donc, ou l'Ecriture ne fait pas foi, ou la Tradition fait foi..

  A008002393 

 Pour nous apprendre le nombre des Livres canoniques.

  A008002394 

 Que penser du livre d'Hermès ou du Pasteur, de l'Evangile des Nazaréens, de celui de saint Thomas?.

  A008002395 

 Pour expliquer le sens des Ecritures; car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise interprétation des bonnes Ecritures.» [324].

  A008002427 

 Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile.

  A008002430 

 Sans la Tradition, nous ne pourrions jamais confondre l'opiniâtreté des hérétiques; aussi haïssent-ils la Tradition.

  A008002430 

 Si, par la Tradition, on n'eût allégué l'autorité des Pères et des Apôtres, sans doute les Ariens fussent restés mille ans dans leur erreur obstinée.

  A008002430 

 [La Tradition est encore nécessaire] pour éclaircir le sens des Ecritures.

  A008002431 

 L'Apôtre ne dit-il pas, en effet: Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai? Il avait pourtant réglé bien des choses par écrit..

  A008002431 

 Pour la forme, le nombre, la matière, le rite des Sacrements.

  A008002432 

 Par exemple, la translation du Sabbat au Dimanche, le jour de la Pâque, le Carême, la permission après un certain temps, d'user du sang des animaux et des chairs de l'animal étouffé.

  A008002433 

 La loi très ancienne sur le célibat des prêtres motivée par mille causes..

  A008002435 

 La Tradition n'ajoute donc rien, elle procède à la manière de ceux qui extraient la liqueur de la myrrhe et du baume, non pas avec un couteau de fer, mais avec du verre, de la pierre, de l'os, de l'ivoire, ou un autre bois; de même que les abeilles tirent le miel de la fleur; mais les hérétiques, semblables à des araignées, tirent de l'Ecriture fiel et poison, non pas que l'Ecriture contienne du poison, mais parce qu'ils en convertissent le sens en poison.

  A008002437 

 L'erreur des Ariens en est la preuve; ils voulaient changer de place le point en ce texte: Au commencement était le [328] Verbe, et le Verbe était en Dieu, et Dieu était.

  A008002462 

 Il est raconté dans le Livre des Nombres qu' un homme ramassait du bois le jour du Sabbat; sur l'ordre du Seigneur, il fut lapidé.

  A008002462 

 Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IV e Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve.

  A008002462 

 Terrible sentence! Dans le II e Livre des Rois, nous voyons un fait bien plus terrible.

  A008002466 

 Nous ressemblons à Nabal et à Absalon, qui ne se réjouissaient qu'à la tonte des brebis.

  A008002466 

 Oh! que je voudrais voir des Ambroise commandant aux Théodose, des Chrysostôme réprimandant des Eudoxie, des Hilaire corrigeant des Constance!.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002499 

 Quelquefois les afflictions sont envoyées pour prémunir contre le péché: De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât..

  A008002501 

 Il les envoie aussi pour punir dans les enfants les péchés de leurs pères, visitant l'iniquité des pères dans les enfants, jusqu'à la troisième et a la quatrième génération.

  A008002501 

 Ou encore afin de venger sur les pères les péchés des enfants, comme il arriva pour Héli..

  A008002503 

 Je n'ai point péché, et cependant mon œil ne voit que des sujets d'amertume..

  A008002505 

 Dire quelques mots des cérémonies du Baptême.

  A008002505 

 L'obéissance des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne voit pas, mais elle croit, et plus son objet est obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans les vérités difficiles à comprendre.

  A008002540 

 Rappeler l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette réserve c'est que très souvent nous nous trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes, XXVIII. [340] 3.

  A008002546 

 Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342].

  A008002580 

 Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire.

  A008002580 

 le jour même de la Communion et de la complète purification par le lavement des pieds: Vous êtes purs, mais non pas tous [343] (voir saint Jean, XIII, à ces paroles); 3.

  A008002581 

 C'est ainsi que, en bien des circonstances, le péché provient du choc subit des passions; mais ce péché dure peu et se guérit plus facilement..

  A008002581 

 Raconter l'histoire et l'enrichir des explications de Lyranus.

  A008002582 

 L'insensé est inconstant: Un roseau agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu d' insensé on trouve inconstant (voir Pinéda, liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de l'Histoire de Salomon ); tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou bien, l'insensé change peu à peu comme la lune; il descend graduellement, et non par une chute soudaine; il en est ainsi souvent de la santé lorsqu'on méprise les moindres périls..

  A008002587 

 Abus des consolations spirituelles.

  A008002587 

 Clément d'Alexandrie, liv. III de la Pédagogie, tire un remarquable exemple des temples d'Egypte.

  A008002587 

 Il se complut dans ses oeuvres magnifiques: J'ai fait des choses magnifiques, je me suis bâti des maisons, etc. Tout ce qu'ont désiré mes yeux, je ne le leur ai pas refusé, et je n'ai pas défendu à mon cœur de goûter toutes sortes de voluptés.

  A008002587 

 Oubli des choses célestes: Le Seigneur s'irrita contre Salomon parce que son âme s'était détournée du Seigneur Dieu d'Israël.

  A008002588 

 Il y a donc «des degrés dans l'impiété.» Les péchés véniels disposent au péché mortel, en affaiblissant et ôtant l'aide et secours spécial..

  A008002594 

 Alors ils dirent à Pierre: Et toi, n'es-tu pas aussi des disciples de cet homme? Tu étais aussi avec Jésus le Nazaréen.

  A008002595 

 Enfin un parent de celui à qui il avait coupé l'oreille [lui dit]: Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui? Il le nia de nouveau: O homme, je ne sais ce que tu dis; il commença a faire des imprécations et a jurer: Je ne connais point cet homme dont vous parler..

  A008002625 

 Citerai-je un ou deux exemples? Amnon et Thamar: Aussitôt il la prit en très grande haine, etc. Saül aima d'abord souverainement David, mais [352] cet amour se changea en colère et extrême jalousie au chant des filles de Jérusalem.

  A008002625 

 L'audace des Apôtres et de Pierre fut répréhensible; car, ou ils pensèrent que le Christ ferait des miracles, et alors ce fut de la vanité de dire: Si nous frappions du glaive? ou ils ne le pensèrent pas, et alors leur témérité fut inopportune.

  A008002625 

 L'éléphant qui est le plus doux des animaux est aussi le plus cruel.

  A008002625 

 On peut appliquer à ceux que troublent les passions, les paroles du Psaume CVI au sujet des navigateurs; de même l'histoire de Barach et de Sisara, car Sisara, après une grande crainte, s'endormit dans la plus profonde sécurité..

  A008002626 

 Le cheval qui a rencontré la trace des loups s'avance avec peine.

  A008002628 

 [Pierre est] enlacé: Les liens des pécheurs m'ont enlacé.

  A008002629 

 Ce qui étonne c'est que la crainte ait été assez forte pour pousser Pierre à un double ou à un triple reniement avec serment et anathème: c'est l'effet de la convoitise et du dérèglement des passions.

  A008002631 

 Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe..

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002631 

 Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [ de Dieu ], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions.

  A008002632 

 Saint Grégoire à Grégoria, camériste de l'Impératrice: «Tu as demandé une chose aussi inutile que difficile.» Rappeler l'histoire des quarante Martyrs, à la vigile desquels je prononce ce sermon.

  A008002633 

 Histoire des saints Thomas et Augustin.

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002634 

 Soyez la terreur et l'épouvante de tous les animaux de la terre: des animaux, mais non des pénitents.

  A008002634 

 Voir saint Chrysostôme, dans la Chaîne [ des Pères ], sur ces paroles: Or, Pierre suivait.

  A008002657 

 De là ces paroles: Adam, où [358] es-tu? Et à Caïn irrité: Si tu fais bien, ne [ recevras-tu pas la récompense] D'où vient, Israël, que tu habites la terre des étrangers? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu f es souillé avec les morts, tu es devenu semblable à ceux qui descendent en enfer; tu as abandonné la source de la sagesse.

  A008002658 

 C'est la cause de la misère des pécheurs et de leur juste condamnation.

  A008002687 

 Ainsi les inspirations sont appelées flèches parce qu'elles causent des souffrances.

  A008002717 

 Beaux exemples cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365] de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première ouverture, elle entend le messager, écoute sa proposition; Eliézer lui donne ensuite des pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité et la douceur à l'audition de ses paroles, et des bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en exécution.

  A008002717 

 Une fois entrée, la grâce appelle le consentement, et dès qu'il s'est présenté, elle offre à son hôte des vases d'argent, c'est-à-dire la crainte, et d'or, c'est-à-dire l'amour; bientôt elle le revêt d'un très ferme propos, c'est-à-dire que, de l'amour ébauché, elle le conduit à cet amour puissant qui se propose de persévérer même jusqu'à la mort.

  A008002718 

 Ainsi Eliézer raconte qu'il est envoyé pour ramener une épouse à son maître, c'est la direction; ensuite, pour la protéger, il lui donne des vêtements qui la défendent contre l'intempérie de l'air; troisièmement, pour la soutenir, il lui amène des chameaux.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002719 

 La persévérance est donc nécessaire au salut des pécheurs: Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé.

  A008002720 

 Exemple des Israélites dans le désert: la manne ne manqua pas, mais ils manquèrent à la manne; ils eurent la colonne de nuée le jour, et de feu la nuit.

  A008002754 

 ET LA RATIFICATION DU TRAITÉ DE PAIX, AINSI AFFERMI PAR L'EXÉCUTION DES ARTICLES.

  A008002760 

 Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie.

  A008002762 

 Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur.

  A008002763 

 Voir la Chaîne [372] des trois Pères grecs, citée par Ghisler, [ Commentaire sur le Cantique,] chap. II, appendice au commentaire sur les versets 8, 9..

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Or, il enseigna cette science, premièrement, par la parole: Faites pénitence, car le Royaume des cieux approche; secondement, par les œuvres: [ Vêtement ] de poils de chameau, contrition du passé; ceinture de cuir, bon propos pour l'avenir.

  A008002765 

 Ainsi les Anges résument de cette sorte tout le livre de la Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

  A008002766 

 Toutefois, la guerre est permise à cause de la malice des hommes: on peut repousser la force par la force.

  A008002793 

 Saint Bernard, dans son sermon n° pour la veille de la Nativité du Seigneur, dit que «l'avancement dans la vie spirituelle est semblable à un voyage.» Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions [376] dans son cœur, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé.

  A008002813 

 L'hypocrite a conçu la douleur et il a enfanté l'iniquité, et son cœur prépare des fourberies.

  A008002816 

 Voir le remarquable passage: Nous avons conçu et proféré de notre cœur des paroles de mensonge... Lorsque la concupiscence a conçu, elle enfante le péché... Voila qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur et mis au monde l'iniquité; il a ouvert un abîme et il Va creusé, il est tombé dans la fosse qu'il avait faite..

  A008002819 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous... As-tu observé les biches lorsqu'elles enfantent? Elles se courbent pour produire leur fruit et elles le mettent au jour, et elles poussent des rugissements.

  A008002820 

 Saint Bernard dit que nous devons être des mères..

  A008002841 

 Je présuppose que le Christ nous a apporté le salut éternel, et, partant, ne nous a délivrés que des ennemis du salut; 2.

  A008002842 

 Le diable est le chef des ennemis, car il met en action tous les autres; de là ces expressions: ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous donnerai toutes ces choses.

  A008002867 

 «Du Ciel dans la boue;» Tertullien, livre Des spectacles, chap. XXV..

  A008002869 

 Pour moi, je cours, mais non au hasard; je combats et je ne donne pas [384] des coups en l'air.

  A008002870 

 Il fit encore un bassin d'airain avec sa base, des miroirs des femmes qui veillaient à la porte du tabernacle.

  A008002872 

 Dans cette milice, dit saint Chrysostôme dans sa VIII e homélie sur saint Matthieu, «les femmes ont souvent combattu plus vaillamment que les hommes.» Saint Ambroise, livre I Des Vierges, les appelle invincibles et infatigables soldats de la chasteté..

  A008002872 

 La version des Septante porte, [385] celles qui jeûnaient; la Chaldaïque, celles qui priaient; Cajetan, celles qui s'exerçaient, et l'hébreu, celles qui militaient ou veillaient... Et les vierges qui étaient retirées.

  A008002874 

 C'est pourquoi il est [386] écrit: Je détruirai la sagesse des sages et je réprouverai la prudence des prudents.

  A008002874 

 Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit.

  A008002874 

 [Faire allusion à la chute] des Anges: Afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence.

  A008002875 

 Geneviève devenue toute céleste, répand des larmes chaque fois qu'elle regarde le Ciel.

  A008002875 

 Tous ceux qui veulent [conserver la chasteté] doivent craindre comme des funambules, vivre dans la retraite, jeûner, prier avec insistance, car les imprudents périssent.

  A008002900 

 Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles.

  A008002902 

 Qui, durant les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et avec des larmes ses prières et ses supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, a été exaucé à cause de sa révérence.

  A008002903 

 Le principe des créatures de Dieu.

  A008002924 

 Sanctus Franciscus Fratri: «Et a cause des biens que j'attens,» etc. Bernardus, D e Convers., ad Cler.: « Non sunt condignæ ad culpam praeteritam quae remittitur, ad consolationem quae immittitur, ad gloriam quae promittitur.» Redemptori, Creatori, Glorificatori..

  A008002934 

 Cette vigne est chargée d'une copieuse vendange, toutefois il est écrit: Etant entré dans la vigne de ton prochain, mange des raisins autant qu'il te plaira, mais n'en emporte point avec toi.

  A008002935 

 «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés.

  A008002937 

 Saint Adrien entendant les histoires des Martyrs, etc.; voir Corneille, [dans son Commentaire sur la] I re Epître aux Corinthiens, chap. II, v. 9.

  A008002938 

 C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense.

  A008002939 

 Saint François au Frère: «Et à cause des biens que j'attends,» etc. Saint Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être comparées à la faute passée qui est remise, à la consolation qui est communiquée, à la gloire qui est promise.» [Nous souffrons pour notre] Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre Glorifîcateur..

  A008002940 

 Quoi, Seigneur? Le Royaume des cieux.

  A008002959 

 Ceux-ci, se flattant d'être riches de la connaissance des mystères de Dieu, sont tardifs à abandonner leurs richesses.

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002985 

 DANS L'ÉGLISE DU NOVICIAT DES PÈRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS, LE JOUR OU SE CÉLÉBRA POUR LA PREMIÈRE FOIS LA FÊTE PATRONALE DE CETTE ÉGLISE RÉCEMMENT CONSTRUITE.

  A008002993 

 Or, on dit, apres la revolution de plusieurs siecles il devient si charge des infirmites de sa viellesse en sorte qu'a peine peut il voler, et sa vie alhors luy semble tellement mortelle qu'il ne peut pas mesme esperer de vivre que par la mort; de sorte quil assemble et, etc., et se fait un bucher, etc. Or, apres il vole, il vit gay et joyeux, et avec une jeunesse toute vitale il passe un'autre nouvelle suite de siecles, etc. Telle est la narration des Anciens, non seulement prophanes mais aussi chrestiens; de saint Basile, saint Ambroyse et cent autres.

  A008002995 

 carnis, a ainsy entendu nostre verset et la comparayson qui y est: Justus ut palma fiorebit; car ayant treuve le mot de phoenix en la version des 72: Justus ut phoenix florebit, il y a dit que le poenitent parvenu a la parfaite resipiscence et poenitence, il se treuve tout rajeuni et comme resuscite a la grace..

  A008002996 

 Et de fait, bien que phoenix en grec signifie ce rare et admirable oyseau duquel nous avons parle, si est ce quil signifie aussi la palme: la palme estant le phoenix des arbres comme le phoenix est la palme des oyseaux, avec beaucoup de similitude de l'un a l'autre, hormis que la palme n'est pas si rare que le phcenix, ni le phoenix si fertile que la palme..

  A008002997 

 Disons donques que David a dit: Justus ut palma florebit, parlant de la vraye palme; car qui ne void que sa comparayson est des arbres de la palme et du cedre? Sicut cedrus; et puis, florebit, et plantatus, etc. [399].

  A008002998 

 C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph..

  A008002998 

 Ell'est tous-jours verdoyante, elle prend ses accroissemens en haut, demeurant petite et mince du coste de la terre, ell'est toute armee, elle resiste au poids, elle porte des fruitz si excellens.

  A008002998 

 La palme est le prince des arbres, lejuste, des hommes.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008003047 

 MAIS EN 1622, LE 1 ER MAI, FETE DES SAINTS PHILIPPE ET JACQUES ET DIMANCHE DES ROGATIONS, J'AI ECRIT LE SERMON AINSI.

  A008003049 

 Après avoir lavé les pieds de ses Disciples et prédit la trahison de Judas et le reniement de Pierre (Jean, chap. XIII), Jésus, dans les chapitres suivants, adressa à ses Disciples des paroles consolatrices, pleines [405] de mystère.

  A008003049 

 Voilà pourquoi nous devons absolument parler de la prière; le temps des Rogations du reste l'exige.

  A008003051 

 Il faut éviter les erreurs des Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir plus haut.

  A008003052 

 Wiclef use mal de la distinction des anciens théologiens et des Saints qui comptaient trois sortes de prières: la vocale, la mentale et la vitale ou la prière des œuvres; quant à nous, nous en devons bien user.

  A008003055 

 C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407].

  A008003055 

 L'abbé Lucius, dans les Vies des Pères, cité par Corneille, dans son Commentaire sur la [ I re ] Epître aux Thessaloniciens, folio 697.

  A008003058 

 Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père.

  A008003078 

 Il faut entendre dans ce sens ce que le même saint Paul dit des vases, et de Jacob et d'Esau; car un passage donne peut-être lumière pour l'interprétation de l'autre..

  A008003078 

 Voir dans les Actes des Apôtres, saint Paul appelé vase d'élection, non seulement parce que Dieu le prédestinait à la gloire, comme il y prédestine les autres élus, mais parce qu'il le destinait soit à une éminente grâce de celles qui sont appelées gratum faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et qu'il l'appelait à une mission extraordinaire.

  A008003081 

 Effectivement, tout en se mettant à notre portée par des similitudes et des paraboles, elle s'éleve, du reste, à de sublimes et difficiles mystères..

  A008003081 

 L'hérésie rampe parce qu'elle s'appuie tout entière sur la terre et sur la raison humaine, et qu'elle favorise l'avidité des sens et la liberté de la chair; mais la parole du Seigneur court toujours, parce qu'elle touche la terre du bout des pieds, comme font ceux qui courent avec célérité.

  A008003082 

 Celui qui se fonde sur le titre Des présomptions, mérite qu'on lui applique le chapitre: Apportez-moi un glaive.

  A008003086 

 L'imprudent qui, sans discernement, veut y cueillir des roses, c'est-à-dire des interprétations arbitraires, se pique souvent.

  A008003087 

 Les paroles qu'on lit dans Osée, la Genèse, l'Epître aux Romains et ailleurs prouvent très clairement, si, comme on le doit, on les compare toutes entre elles, qu'il s'agit non des personnes, mais des peuples d'Israël et de l'Idumée.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003090 

 Dieu m'a donné un extraordinaire desir de planter en tous les cœurs des enfans de la sainte Eglise la reverence et l'amour de la sainte Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A008003091 

 L'ancien Temple ne fut jamais teint d'autre sang que des bestes, mais ceste sainte Croix a esté teinte du sang de l' Autheur et consommateur de tous les sacrifices.

  A008003092 

 Les bons Juifz ont tousjours essayé de rebastir leur Temple quand les ennemis l'ont abbatu ou qu'ilz y ont fait des bresches; de mesme les bons Chrestiens doivent tousjours travailler a exalter la sainte Croix, quand plus les ennemis s'efforçent d'en abbattre l'honneur et la devotion..

  A008003096 

 Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions.

  A008003097 

 A Messeigneurs les Prelatz, je presente la croix de la sollicitude et des travaux qu'il faut qu'un bon pasteur souffre pour garder, [416] augmenter, nourrir, perfectionner et corriger ses brebis.

  A008003097 

 Quelques contemplatifz ont medité que Jesus Christ, dans la boutique de saint Joseph et en ses trente ans de son adorable vie cachee, s'occupoit quelquefois a faire des croix pour toutes sortes de personnes; et j'ose de sa part en presenter a tous.

  A008003098 

 Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix..

  A008003099 

 A Messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du tems par des occupations d'esprit bonnes et saintes, autant relevees par dessus les œuvres manuelles des roturiers, que leur condition leur donne de preeminence, et leur naissance d'advantage sur les autres.

  A008003099 

 Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle..

  A008003100 

 A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle David; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles..

  A008003101 

 A ceux du tiers estat, j'offre la croix de l'humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix que Dieu a attachee a leur naissance, mais sanctifiee par l'usage que Jesus Christ a fait du mestier de charpenterie; et il fait [417] dire de soy mesme par son Prophete: Je suis dans le labeur et dans le travail des ma jeunesse.

  A008003101 

 Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable innocence et bonne foy..

  A008003104 

 Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy..

  A008003105 

 Si elles sont vrayes vefves leur cœur, leur amour et leur playsir doivent estre attachés a la Croix de Jesus Christ, par l'abnegation des passetems du monde et par la meditation de la mort, puisque leur chere moitié est des-ja pourrissante au tombeau..

  A008003107 

 Certes, les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons merité par nos offences.

  A008003107 

 Mais les impies, les ames mal faites sont, contre leur gré, et en despit qu'elles en ayent, attachées a la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales; elles ont des sentimens d'estime d'elles mesmes, approchant ceux du mauvais larron; elles unissent par ce moyen leur croix a celle de ce meschant, et aussi infalliblement leurs salaires seront esgaux.

  A008003107 

 Unissons donq, comme le bon larron, nostre croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis..

  A008003111 

 Et cherchant en la sainte Croix mon support parmi les angoisses de ceste vie, j'espere d'y trouver ma joye eternelle; car ayant aymé Jesus Christ crucifié en ce monde, je jouiray en l'autre de Jesus glorifié, auquel soit honneur et gloire aux siecles des siecles.

  A008003120 

 C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité..

  A008003123 

 C'est ainsi que dans une autre occasion il reprit saint Thomas de n'avoir pas cru au témoignage des autres Apôtres: Noli esse incredulus; Ne soyez pas incrédule, lui dit-il.

  A008003123 

 De quoi Jésus reprend-il ses Apôtres? C'est de n'avoir pas cru au témoignage des personnes qui avaient vu qu'il était ressuscité: Quia iis qui viderant eum resurrexisse, non crediderunt.

  A008003124 

 Avant de monter au Ciel, il établit dans son Eglise non des écrivains, mais des pasteurs et des docteurs: Ascendens in altum, ipse dedit... alios autem pastores et doctores.

  A008003128 

 C'est le cantique des Bienheureux, ainsi que nous l'apprenons de saint Jean.

  A008003130 

 Il y a l'amour qui jouit, c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum..

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003138 

 Pourquoi le Prophète nous invite-t-il à la joie en nous rappelant le souvenir des plaies sanglantes de notre Sauveur? Comment chanter l' Alleluia à la vue des tristes marques de sa douloureuse Passion? Haurietis aquas in gaudio.

  A008003138 

 Quand l'Eglise nous fait chanter des cantiques d'allégresse en l'honneur de Jésus ressuscité, ce n'est pas pour que nous bannissions de notre esprit l'attendrissant souvenir de ses tourments et de ses supplices, ni pour que nous cessions de verser des larmes sur ses cruelles souffrances.

  A008003139 

 Ce serait donc s'écarter de son esprit que de penser, qu'en ce temps d'une sainte joie, il faut s'abstenir de [426] prêter l'oreille avec une vive émotion aux coups redoublés des bourreaux qui percent les pieds et les mains de Jésus, qui déchirent sa chair adorable, qui ouvrent ses veines, qui meurtrissent cruellement ses nerfs.

  A008003140 

 Ah! s'écrie saint Bonaventure, si une épine seulement nous blesse le pied, nous jetons des cris de douleur; et comment donc serions-nous insensibles aux maux extrêmes qu'a soufferts notre Chef et notre Seigneur! «Quare magis compateris parvae puncturae pedis tui, quam gravissimae morti Domini tui!» Quoi! dit encore le même Saint, nous ne pourrions soutenir la vue d'un tourment affreux exercé, je ne dis pas sur un parent ou sur un ami, je ne dis pas sur un homme inconnu, mais sur un vil animal; et nous verrions sans douleur l'excès des maux que souffre notre Dieu! «Si videres animal brutum ita affligi, humano affectu compatereris, quanto magis Domino Deo!».

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003143 

 «Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non, elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu affectuque, et amoris manifestatione.».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003148 

 Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le second point.

  A008003153 

 Nous apprenons de l'Apôtre saint Paul que Jésus-Christ était figuré par la pierre salutaire, le rocher mystérieux d'où Moïse fit couler des eaux abondantes pour désaltérer le peuple d'Israël: Bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus.

  A008003156 

 Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est!».

  A008003157 

 «Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris? Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum.» En vain le monde frémissant de rage m'attaque avec fureur; en vain la chair rebelle me livre de violents assauts; en vain le démon artificieux me dresse des embûches perfides, je ne tomberai jamais, pourvu que, caché dans les plaies de Jésus, je m'appuie sur cette pierre ferme.

  A008003158 

 Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu' il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.

  A008003161 

 Là j'embrasserai avec une vive reconnaissance ces pieds percés pour mon amour; là j'apprendrai à détourner mes pieds de toutes les routes qui conduisent aux folles joies du monde; là je comprendrai le bonheur de marcher au Calvaire sur la trace sanglante des pas de Jésus: Deus omnia subjecit sub pedibus ejus..


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
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  A009000007 

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 V. Sermon pour le Dimanche des Rameaux.

  A009000022 

 Sermon pour le Dimanche des Rameaux.

  A009000025 

 XIII. Sermon de Vêture pour la fête de Notre-Dame des Neiges.

  A009000054 

 XLII. Sermon sur le premier verset du Cantique des Cantiques.

  A009000067 

 En la primitive Eglise, les Chrestiens fidelles qui vouloyent rendre en quelque façon satisfaction à Nostre Seigneur [1] du sang qu'il avoit fraischement respandu en mourant sur la croix, avoyent un tres grand soin de bien employer le temps des festes et de les solemniser le mieux qu'il se pouvoit; et pour ce sujet il n'y avoit presque point de feste qui n'eust sa vigile, en laquelle ils commençoyent à se preparer pour la solemnité.

  A009000067 

 La tres sainte Eglise a accoustumé de nous preparer dès la veille des grandes solemnités, à fin que nous venions à estre plus capables de reconnoistre les grans benefices que nous avons receus de Dieu en icelles.

  A009000069 

 Car ils pensoyent que si bien il y avoit un Dieu supreme qui est le premier principe de toutes choses, il pouvoit neanmoins y avoir plusieurs dieux, ou du moins des hommes qui, participant en quelque façon aux qualités divines, se pouvoyent appeller dieux.

  A009000069 

 Comme s'il eust voulu dire: Il n'appartient pas à des hommes malheureux, perissables et mortels de faire des dieux, qui ne peuvent estre que bienheureux et immortels..

  A009000069 

 Entre les payens, cet instinct qu'ils avoyent que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu leur a fait faire des choses estranges, jusques là qu'ils croyoient, au moins quelques-uns, de se pouvoir faire dieux et se faire adorer comme tels du reste des hommes.

  A009000069 

 Je sçay bien qu'en l'ancienne Loy il y avoit les Prophetes et certains personnages grans et relevés qui le sçavoyent, mais quant au commun des hommes, nul ne le pouvoit comprendre.

  A009000070 

 Les Chrestiens ont esté plus esclairés, et ont eu l'honneur de sçavoir que l'homme a esté fait Dieu et que Dieu s'est fait homme, bien qu'ils ne soyent pas capables de comprendre la grandeur du mystere de l'Incarnation et de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur, car c'est un mystere caché dans l'obscurité des tenebres de [3] la nuit; non pas que le mystere soit tenebreux en soy mesme, car Dieu n'est que lumiere.

  A009000072 

 Ç'a tousjours esté le nord de tous les nochers qui ont navigé sur les ondes de la mer de ce miserable monde, pour s'empescher des naufrages ordinaires des navigations des mondains..

  A009000074 

 Il est bon pourtant de s'en servir pour fondement des meditations que nous faisons sur le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur.

  A009000075 

 Je remarque en second lieu que la manne avoit trois sortes de gousts qui luy estoyent propres et particuliers, outre ce qu'elle avoit tous les gousts que l'on eust peu souhaiter; car si les enfans d'Israël avoyent envie de manger du pain, la manne avoit le goust du pain; s'ils desiroyent de manger des perdrix et autre telle chose quelle qu'elle fust, la manne avoit quant et quant ce goust là.

  A009000075 

 La pluspart des Peres sont en doute si tous, tant les mauvais que les bons, participoyent à cette faveur; mais que cela soit ou non, la manne avoit le goust particulier ou la saveur de la farine, du miel et de l'huile.

  A009000076 

 De mesme, la nature divine de Nostre Seigneur vint et descendit du Ciel à l'heure mesme de son Incarnation sur cette benite fleur de la tres sainte Vierge Nostre Dame, où la nature humaine l'ayant recueillie l'a conservée dans la ruche des entrailles de la glorieuse Vierge l'espace de neuf moys, apres lesquels il a esté transporté dans la creche où nous le verrons demain..

  A009000076 

 En la manne estoit le goust du miel, qui est une liqueur celeste; car si bien les abeilles cueillent le miel de sur les fleurs, elles ne tirent pourtant pas le suc des fleurs, ains cueillent et ramassent avec leur petite bouchette le miel qui descend du ciel avec la rosée, et seulement en un certain temps de l'année.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000079 

 Dieu, quelles enseignes sont celles cy pour faire reconnoistre Nostre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïfvement ce qui leur estoit annoncé! Les Anges eussent eu quelque rayson de se faire croire s'ils eussent dit: Allez, vous trouverez l'Enfant assis sur un throsne d'ivoire et entouré de courtisans celestes qui luy tiennent compagnie.

  A009000079 

 Je remarque en passant que de tout le peuple alors en grand nombre à Bethleem, il n'y eut que des simples bergers qui vindrent visiter Nostre Seigneur, et puis apres eux les Rois Mages, qui vindrent de fort loin pour adorer et prester hommage à nostre nouveau Roy couché dans une creche.

  A009000079 

 Les Anges ayant annoncé la nouvelle de cette heureuse naissance donnerent des enseignes admirables aux pasteurs: Allez, dirent-ils, et vous trouverez l'Enfant emmaillotté en des langes et couché dans une creche.

  A009000079 

 Mais ils disent: Vostre Sauveur est né à ces enseignes: vous le trouverez dans une creche, entre des animaux et emmaillotté dans des langes..

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000080 

 Pourquoy pensez-vous que les Anges s'addresserent aux bergers plustost qu'à nul autre qui fust en Bethleem? Non pour autre cause, sinon parce que Nostre Seigneur, estant venu comme Pasteur et le Roy des pasteurs, ne vouloit favoriser que ses semblables.

  A009000081 

 Mais qu'est-ce qu'il fait, ce tres doux Enfant? Regardez-le couché dedans la creche: Vous le trouverez, disent les Anges, emmaillotté dans des langes.

  A009000082 

 Et tout ainsy que nous le voyons emmaillotté et serré dans des bandelettes et maillots par sa tres benite Mere, il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et en fin toutes nos puissances tant interieures qu'exterieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte obeissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous mesmes, de crainte d'en mesuser, sinon autant que l'obeissance nous le pourra permettre..

  A009000082 

 Quant à l'irascible, elle produit les chagrins, les repugnances, les esmotions de colere, le desespoir et ainsy des autres.

  A009000084 

 Qu'avons nous de plus à dire sinon que le mystere de la Nativité de Nostre Seigneur est un mystere de la Visitation? Comme la tres sainte Vierge fut visiter sa cousine sainte Elizabeth, de mesme il nous faut aller fort souvent le long de cette octave visiter le divin Poupon couché dans la creche, et là nous apprendrons de ce souverain Pasteur des bergers à conduire, gouverner et ranger nos troupeaux, de sorte qu'ils soyent aggreables à sa Bonté.

  A009000085 

 Mais saint Joseph et la tres glorieuse Vierge receurent des consolations indiciblement plus grandes, parce qu'ils luy assisterent et demeurerent arrestés à sa presence pour le servir selon leur pouvoir.

  A009000086 

 Anne, mere de Samuel, demeura longuement sans avoir des enfans, ce qui luy causoit une si grande bigearrerie que l'on ne la trouvoit jamais de mesme humeur; car quand elle voyoit des femmes qui s'esjouissoyent avec leurs enfans, elle se lamentoit et se chagrinoit dequoy elle n'en avoit pas, et quand elle en voyoit quelques unes qui se plaignoyent de leurs enfans, elle se resjouissoit dequoy Dieu ne luy en donnoit point; mais dès qu'elle eut le petit Samuel, dès lors on ne la vit jamais plus inegale.

  A009000087 

 De mesme nos sens, nos puissances interieures, les facultés de nostre ame, comme des abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusqu'à ce qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur nouveau né pour leur Roy, elles n'ont aucun repos.

  A009000087 

 Mais dès qu'elles ont choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles doivent, à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se ranger aupres de luy et ne sortir jamais de leur ruche, sinon pour la cueillette des exercices de charité qu'il leur commande de prattiquer à l'endroit du prochain; et soudain apres se retirer et ramasser aupres de ce Roy tant aymable, pour mesnager et conserver le miel des saintes et amoureuses conceptions qu'elles tirent de la presence sacrée de nostre souverain Seigneur, lequel, par des simples regards qu'il fait sur nos ames, cause en elles des [13] ardeurs et affections nompareilles de le servir et aymer tousjours plus parfaitement..

  A009000088 

 C'est la grace que je vous desire, mes cheres ames, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de luy, à fin de nous tenir tousjours sous l'estendart de sa tres sainte protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roy des abeilles, qui en a un tel soin que l'on dit qu'il ne sort jamais de sa ruche sans estre entouré de tout son petit peuple.

  A009000093 

 Il y a une telle conformité entre les Evangiles de ces deux festes, que j'ay bien voulu des deux en tirer la petite exhortation que je m'en vay faire.

  A009000094 

 Il se sert de nos sens, et il est si malicieux que dès que nous luy ostons le pouvoir de faire ses operations en celuy de la veüe, il se saisit de celuy de l'ouÿe, et ainsy des autres; bref, nous sommes au temps qu'il faut travailler..

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000099 

 D'autre part, il estoit cruellement travaillé et tourmenté en son corps, car il nous asseure qu'il fut fouetté par trois fois, de sorte que les traces en paroissoyent sur ses espaules; apres, qu'il fut lapidé et que l'on remarquoit encores les coups; puis, qu'il fut submergé, et ainsy des autres tourmens qu'il endura.

  A009000099 

 Escoutons un peu son grand Apostre saint Paul, lequel nous asseure que rien ne le separera de son Maistre parce qu'il est marqué de sa marque, et qu'en quelle part qu'il aille il sera tousjours reconneu pour estre des siens.

  A009000099 

 Tout cela estoit la marque de Nostre Seigneur, par laquelle on le reconnoissoit pour estre des siens..

  A009000100 

 Par exemple, un Religieux se sousmettroit volontiers à faire des grandes austerités, comme de jeusner, porter la haire, faire des rudes disciplines, et tesmoigneroit de la repugnance à obeir lors qu'on luy commande de ne pas jeusner, ou bien de prendre du repos, et telles choses auxquelles il semble y avoir plus de recreation que de peine.

  A009000101 

 Il ne s'en faut pas estonner, puisque l'Espoux, au Cantique des Cantiques, dit que le lieu où il se repose est au midy.

  A009000101 

 Je m'en vay vous donner un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire d'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieures.

  A009000102 

 Et tout de mesme des maladies; ils voudroyent avoir celles que Dieu a données à un autre et non pas celles qu'ils ont..

  A009000102 

 O Seigneur Dieu, me direz-vous, il faut estre grandement sur ses gardes pour ne la point suivre, cette propre volonté, et n'escouter point ce que nostre amour propre desire, car ils font des artifices pour attirer nostre attention.

  A009000105 

 Les uns l'ont sur la langue: ils disent merveille de Dieu et le louent avec beaucoup d'ardeur; il y en a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et amoureuses, et se fondent presque en pensant à luy.

  A009000120 

 Et pourquoy, sinon pour nous gendarmer, fortifier et rendre vaillans et courageux en son service pour la conqueste des vrayes et solides vertus? C'est un abus de croire de les pouvoir acquerir et parvenir à la [24] perfection sans estre tenté des vices contraires.

  A009000120 

 Vaines sont les pensées des personnes du monde qui croyent que les ames pieuses ne sont point tentées; mais plus vaines et frivoles sont les plaintes et complaintes que les ames devotes font de leurs tentations et aridités, puisqu'elles peuvent beaucoup gagner par icelles..

  A009000121 

 Ceux qui se sont precipités l'ont fait par des particulieres inspirations de Dieu, car autrement ils eussent peché..

  A009000121 

 Ils entendent raconter que les Saints ont accompli des œuvres admirables: les uns se sont precipités pour estre martyrisés pour Dieu, les autres ont jeusné les semaines entieres, et ainsy des autres.

  A009000122 

 Il faut que chacun marche en sa voye: la voye des Saints estoit de faire ce qu'ils faisoyent, mais la vostre c'est de parvenir, ou tascher de parvenir à la perfection peu à peu, et non pas tout d'un coup comme vous voudriez.

  A009000130 

 L'ame de Nostre Seigneur fut bienheureuse dès l'instant de sa conception; elle ressembloit à l' eschelle de Jacob, laquelle de l'un des bouts touchoit le ciel et de l'autre la terre.

  A009000131 

 Les quatre considerations que je m'en vay deduire vous monstreront assez si vous faites de l'avancement, puisque ce sont des excellens degrés de perfection..

  A009000134 

 L'on est veritablement fort en crainte emmy la consolation, car on ne sçait si on ayme les consolations de Dieu, ou bien le Dieu des consolations; mais en l'affliction il n'y a rien à craindre, pourveu qu'on soit fidelle, d'autant qu'il n'y a rien de delectable.

  A009000134 

 Saint Jean y demeura ferme aux pieds de son Maistre, et jamais plus on ne trouve qu'il commit des pechés.

  A009000135 

 Avant de commencer sa predication et la conversion des ames, il s'y retira quarante jours.

  A009000146 

 Un autre exemple: aller à l'oraison pour adorer Dieu, et y joindre l'intention d'obtenir des consolations, qui ne voit que cela est impur? La pureté donques n'a qu'une seule intention, ou au moins n'en conserve point d'impure et qui ne tende à la gloire de Dieu..

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000149 

 Mais ces bonnes gens ne disent mot, ains vont simplement; et ils rencontrerent aussi des bonnes gens et bien simples, car ayant deslié l'asnesse, ceux à qui elle estoit demanderent seulement: Que voulez vous faire? Et les Apostres respondant: Le Seigneur en a besoin, ils ne repliquerent pas un mot.

  A009000149 

 Voyez-vous, ce sont des bons Religieux, d'autant qu'ils obeissent tout promptement, sans replique.

  A009000150 

 Et que nul ne demande pourquoy Dieu veut tout l'amour, car on ne le sçauroit dire, sinon parce qu'il en a besoin pour faire des choses si excellentes et si grandes en l'ame qui le luy donne tout, que nul esprit humain ne les peut sçavoir ni comprendre..

  A009000151 

 L'heresie n'est autre chose sinon le choix que l'on fait d'accorder creance à quelques uns des articles de la foy, ne voulant pas croire les autres.

  A009000151 

 Tout de mesme en est-il de la charité: choisir un des commandemens de Dieu sans les vouloir observer et honnorer tous, c'est estre heretique en la charité.

  A009000152 

 Mais si bien la palme appartient et represente particulierement les martyrs, elle appartient aussi aux confesseurs, car la vie des justes est un continuel martyre.

  A009000152 

 Nostre Seigneur s'acheminant en Hierusalem, ceux de la ville luy vindrent au devant, et coupoyent des rameaux et branches d'olive et de palme pour parer le chemin par où il passoit.

  A009000154 

 Un jour que les princes d'Israël estoyent tous reunis, Dieu parla à Elisée, luy commandant d'envoyer un fils des Prophetes en cette assemblée pour sacrer roy l'un de ces princes.

  A009000156 

 Cet exemple confirme ce que j'ay ja dit, et de plus nous sommes enseignés que si nous voulons crier veritablement vive le Roy, il faut que nous nous despouillions de tout, voire mesme que nous aneantissions toutes nos passions, humeurs et inclinations, les sousmettant avec tout nostre estre aux pieds de la divine Majesté pour estre parfaitement sujets à sa sainte volonté; car l'on ne peut dire vive le Roy, pendant qu'il y a des rebelles en son royaume.

  A009000161 

 Oh! il ne faut pas penser que Nostre Seigneur ait voulu mourir seulement pour nous racheter, car un seul de ses souspirs, à cause de la dignité et merite du Souspirant, suffisoit pour nous sauver et delivrer des mains de nos ennemis; mais cet amour infini ne pouvoit pas estre content s'il ne mouroit de l'amour mesme.

  A009000162 

 O Dieu, que cecy est admirable, que le Verbe eternel s'aneantisse et se demette de sa propre gloire pour des creatures qui correspondent si peu à son amour! Il s'est rendu obeissant jusques à la mort, et jusques à la mort de la croix; il est bien raysonnable que nous luy soyons obeissans jusques à la mort, voire jusques à la mort de la croix, pour luy tesmoigner nostre amour.

  A009000162 

 Remarquez icy, je vous prie, l'infinie bonté du Sauveur qui voulut mourir de la mort des hommes, pour nous faire vivre, selon la pretention d'Adam, de la vie de Dieu.

  A009000163 

 Et si bien nous commettons des imperfections en combattant, il ne s'en faut point estonner ni perdre courage, tant que nous avons la volonté de nous amender..

  A009000164 

 Ne sçavez-vous pas qu'Adam tout aussi tost qu'il eut prevariqué commença à avoir honte de luy mesme, et se fit au mieux qu'il peut des vestemens de feuilles de figuier? car devant le peché il n'y avoit point d'habits et Adam estoit tout nud.

  A009000164 

 Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nud emmi une rue par quelques uns de ses amis; ceux-cy, meus de compassion, luy dirent: Qui vous a mis en tel estat et qui vous a osté vos habits, mon cher ami? Oh, dit-il, «c'est ce livre qui m'a ainsy despouillé,» parlant du livre des Evangiles qu'il tenoit.

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000168 

 Et comment ce divin Sauveur ne seroit-il l'amour de nos ames, veu qu'il est leur Espoux, et tout particuliement celuy des Religieuses? car les anciens Peres disent tout clair et hardiment qu'elles ont esté espousées par le Fils de Dieu, et fondent sur cette alliance les relations speciales que Dieu le Pere et Nostre Dame contractent avec elles.

  A009000169 

 Si nous choisissons en cette vie la couronne d'espines, indubitablement nous aurons celle d'or apres nostre mort, en l'eternité des Bienheureux, où nous jouirons pleinement de l'amour de ce cher Sauveur, qui ne desire rien tant que de nous voir brusler de ce feu sacré duquel il a dit qu'il l'a apporté en terre et qu'il ne l'a fait sinon à fin qu'il brusle.

  A009000179 

 De mesme, la meditation se fait lors que nous arrestons nostre entendement sur un mystere duquel nous pretendons tirer des bonnes affections, car si nous n'avions cette intention ce ne seroit plus meditation, ains estude.

  A009000182 

 Mais Dieu qui n'est point carnassier, ne tient pas de ces oyseaux de proye, ains seulement des petits oyselets qui sont enfermés dans la voliere pour luy donner du playsir.

  A009000182 

 Si vous allez regarder en un autre lieu, vous y verrez des esperviers, faucons et tels oyseaux de proye qui sont chaperonnés, et ceux là sont pour prendre la perdrix et autres oyseaux pour nourrir delicatement le prince.

  A009000183 

 Les anciens Chrestiens qui estoyent eslevés par saint Marc l'Evangeliste estoyent si assidus à l'oraison, que pour cela plusieurs des anciens Peres les surnommerent les supplians, et d'autres les appellerent medecins, parce que par le moyen de l'oraison, ils trouvoyent remede à tous leurs maux.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000191 

 Ils fondent leur opinion sur ce que ce divin Sauveur dit à ses Disciples: Je m'en vay à mon Pere, mais je ne dis pas que je prieray; et ils adjoustent: S'il ne dit pas qu'il va prier, pourquoy le dirons-nous, nous autres? L'autre partie des Peres tiennent que Nostre Seigneur prie, parce que son bien-aymé a escrit, en parlant de son Maistre, que nous avons un Advocat aupres du Pere.

  A009000191 

 Plusieurs des anciens Peres, et mesme saint Gregoire Nazianzene, enseignent que Nostre Seigneur Jesus Christ ne peut non plus prier (entant que Dieu il est tout evident, puisqu'il est un mesme Dieu avec son Pere; nous en avons desja parlé).

  A009000194 

 Ils ressemblent aux petits oyseaux lesquels dès qu'ils ont pris leurs panaches peuvent voler d'eux mesmes par le moyen de leurs aisles; mais s'ils se viennent poser sur le glu qu'on leur a preparé pour les prendre, qui ne voit que cette humeur visqueuse leur serrera les aisles et qu'apres ils ne pourront pas voler? Ainsy en arrive-t-il aux pecheurs, lesquels se meslent et se posent dessus l'humeur visqueuse des vices, si qu'ils se laissent tellement serrer au peché qu'ils ne peuvent se guinder au Ciel par l'oraison.

  A009000196 

 Et si bien aucuns des docteurs interpretent ainsy cette parole: Bienheureux les pauvres d'esprit, ces deux interpretations ne sont pas contraires, parce que tous les pauvres sont mendians s'ils ne sont glorieux, et tous les mendians sont pauvres s'ils ne sont avaritieux.

  A009000196 

 Parlons d'abord de la premiere qui n'est autre que cette mendicité spirituelle de laquelle Nostre Seigneur dit: B ienheureux sont les mendians d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux.

  A009000197 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques fait esmerveiller les Anges et leur fait dire: Qui est celle cy qui vient du desert, et qui monte comme une verge de fumée odoriferante, composée de myrrhe et d'encens et de toutes les bonnes odeurs du parfumeur, et qui est appuyée sur son Bien-Aymé? L'humilité en son commencement est un desert, bien qu'à la fin elle soit fort fructueuse, et l'ame qui est humble pense estre un desert où n'habitent ni oyseaux, ni mesmes les bestes sauvages, et où il n'y a aucun arbre fruitier..

  A009000197 

 Ne voyez-vous pas que les grans voulant faire monter une fontaine au plus haut de leurs chasteaux, vont prendre la source de cette eau en quelque lieu fort eslevé, puis la conduisent par des tuyaux, la faisant descendré autant qu'ils veulent qu'elle monte? car autrement l'eau ne monteroit jamais.

  A009000201 

 Lors que Jacob voulut avoir la benediction de son pere Isaac, sa mere luy fit apprester un cabri en la sauce de la venaison, parce qu'Isaac l'aymoit; mais de plus elle luy fit mettre des gans de poils, parce qu'Esaü, le fils aisné à qui appartenoit la benediction, estoit tout velu.

  A009000208 

 Nous avons des preuves en quantité que les prieres des pecheurs penitens sont aggreables à la divine Majesté, mais je me contenteray de vous apporter l'exemple du publicain, lequel monta au Temple pecheur et en sortit justifié par le merite de l'humble priere qu'il fit..

  A009000209 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, ayant louangé son Bien-Aymé disant qu'il avoit les levres comme un lis qui distille la myrrhe, son Espoux luy respond en contreschange qu'elle a le miel et le lait dessous la langue..

  A009000210 

 Le miel est une liqueur qui descend du ciel parmi la rosée, et tombant dessus les fleurs elle prend le goust d'icelles, comme font toutes les liqueurs que l'on met dans des vaisseaux qui ont quelque sorte de goust.

  A009000210 

 Plusieurs se trompent en ce qu'ils pensent que le miel soit fait seulement du suc des fleurs.

  A009000215 

 C'est pourquoy ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens, ains demeurent devant Dieu comme des enfans devant leur pere, remettant en luy toute leur confiance; ou bien comme un valet qui sert bien son maistre, car il ne va pas requerant tous les jours sa nourriture, mais ses services demandent assez pour luy.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000216 

 Je ne m'arresteray pas sur tout cela, ains seulement sur ce qu'il ne mangeoit que des locustes ou cigales..

  A009000216 

 Toutes les actions de ceux qui vivent en la crainte de Dieu sont des continuelles prieres, et cela se nomme oraison vitale.

  A009000217 

 L'on ne sçavoit s'il estoit celeste ou terrestre, car si bien il touchoit aucunefois la terre pour prendre ses necessités, il se relevoit soudain et se jettoit du costé du Ciel, se nourrissant plus des viandes [61] celestes que non pas des terrestres.

  A009000217 

 Ne voyez-vous pas sa grande abstinence? Il ne mangeoit que des locustes et ne beuvoit que de l'eau, encores bien sobrement.

  A009000219 

 Celles qui sont seulement recommandées sont les Pater ou Rosaires qui sont ordonnés pour gagner les indulgences; laissant de les dire nous ne pechons pas, mais nostre bonne Mere l'Eglise, pour monstrer qu'elle desire que nous les disions, donne des indulgences à ceux qui les recitent.

  A009000223 

 Nous ne devrions jamais venir aux Offices, principalement nous autres qui les disons en chant, sans faire des actes de contrition, et sans demander l'assistance du Saint Esprit, premier que de les commencer.

  A009000228 

 Quand nous allons immediatement à Dieu nous protestons de sa bonté et de sa misericorde en laquelle nous mettons toute nostre confiance; mais quand nous prions mediatement et que nous implorons l'assistance de Nostre Dame, des Saints et Esprits bienheureux, c'est à fin d'estre mieux receus de la divine Majesté, et alors nous protestons de sa grandeur et toute puissance, et de la reverence que nous luy devons..

  A009000233 

 En nos ames il y a le premier estage, lequel est une certaine connoissance que nous avons par le moyen des sens, comme par nos yeux nous connoissons que tel objet est vert, rouge ou jaune.

  A009000236 

 La meditation se fait comme les abeilles font et cueillent leur miel: elles vont cueillant le miel qui descend du ciel sur les fleurs et tirent un peu du suc des [68] mesmes fleurs, puis le portent clans leurs ruches.

  A009000237 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, apres avoir loué son Bien-Aymé pour la beauté de ses yeux, de ses levres, bref de tous ses membres l'un apres l'autre, elle conclut en cette sorte: O que mon Bien-Aymé est beau, o que je l'ayme, il est mon tres cher! C'est icy la contemplation, car à force de considerer mystere apres mystere combien Dieu est bon, nous venons à faire comme les cordons de nos bateaux.

  A009000238 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, dit: Venez, mes bien-aymés, car j'ay cueilli ma myrrhe, j'ay mangé mon pain et mon bornai avec son miel, j'ay beu mon vin avec mon lait.

  A009000238 

 Or, quand il dit: Mangez, mes bien-aymés, il veut dire meditez; car ne sçavez-vous pas que pour rendre la viande capable d'estre avalée il la faut premierement mascher et amenuiser, et la jetter tantost d'un costé de la bouche et tantost de l'autre? Ainsy faut il que nous fassions des mysteres de Nostre Seigneur: il faut que nous les maschions et roulions plusieurs fois dans nostre entendement, premier que d'eschauffer nostre volonté et passer à la contemplation.

  A009000239 

 C'estoyent des parolles de contemplation..

  A009000240 

 Qui vous empesche de luy parler au fond de vostre cœur, puisqu'il n'importe que [70] vous luy parliez mentalement ou vocalement? Dites des paroles courtes mais ferventes.

  A009000242 

 L'Espoux dit au Cantique des Cantiques que sa bien-aymée luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux qui pend dessus son col.

  A009000242 

 Quand un mari et une femme ont des affaires en leur mesnage qui les contraignent de se separer, s'il arrive [71] par hasard qu'ils se rencontrent, ils se regardent un peu en passant, mais ce n'est que d'un œil, parce que, se rencontrant de costé, l'on ne peut pas bonnement le faire des deux.

  A009000248 

 La sainte Eglise celebre aujourd'huy l'une des festes du glorieux saint Jean l'Evangeliste.

  A009000249 

 Certes, cette bonne Mere ne veut pas que nous nous estonnions et mettions en peine de ce que nous avons esté, des grans pechés que nous avons commis autrefois, ni de nos miseres presentes; o non, pourveu que nous ayons maintenant une resolution ferme et inviolable d'estre tout à Dieu et d'embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l'amour sacré, faisant que cette resolution soit efficace et produise des œuvres.

  A009000250 

 Et il dit encores, [74] ce glorieux Saint: Qui est malade avec lequel je ne sois malade? qui est triste avec lequel je ne sois triste? qui est joyeux avec lequel je ne me resjouisse? qui est scandalisé avec lequel je ne sois bruslé? Certes, les anciens qui escrivoyent les vies des Saints estoyent tres exacts à rechercher leurs defauts et pechés, les racontant et declarant à fin d'exalter et magnifier Nostre Seigneur qui estoit glorifié en eux, les ayant relevés de leurs miseres, convertis et faits des grans Saints..

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000251 

 Ils vont donques prier leur mere de faire cette requeste; elle, qui estoit toute desireuse du bonheur de ses enfans, s'en va trouver Nostre Seigneur pour ce sujet, comme dit un des Evangelistes, et, rusee comme un petit renardeau, elle va autour de ses pieds avec tant de genuflexions et d'humiliations, elle se prosterne devant luy pour gagner ses bonnes graces à fin qu'il luy donnast ce qu'elle souhaittoit de luy..

  A009000252 

 Or, c'est l'amour propre qui faisoit cela; [75] elle n'avoit garde de luy dire: Je veux une telle chose, octroyez-moy cette grace; o non, car l'amour propre est plus sage et discret que cela, il fait faire des preambules et harangues bien composées, avec une humilité feinte et fausse, à fin que l'on pense que nous sommes bien braves et prudens.

  A009000254 

 Il [76] s'en trouve beaucoup qui s'humilient, qui se mortifient, portent la haire, font des penitences et austerités, qui prient et font oraison, mais fort rares sont ceux qui sousmettent entierement leur propre jugement et leur propre volonté..

  A009000256 

 O non certes, car ne sçavez-vous pas, mes cheres ames, que tout nostre bien et bonheur depend d'estre entierement abandonné à la Providence divine, ne cherchant que son bon playsir, estant parfaitement sousmis à sa tres sainte volonté, [77] nous resjouissant de la voir accomplir en nous et en toutes creatures, quoy que ce soit avec des afflictions et des souffrances? Nous avons quelquefois affection et inclination à prattiquer les vertus qui sont selon nostre volonté.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000257 

 Le divin Sauveur dit à ses Apostres sur ce sujet de l'ambition de ces deux Saints: Ne pensez pas que pour avoir des preeminences et dignités en mon Royaume vous ayez pour cela plus de gloire et d'amour.

  A009000257 

 Vous autres que j'ay choisis et esleus pour estre as sis sur des throsnes pour juger avec moy au jour du jugement, vous n'en serez pas plus haut et n'aurez pas plus de gloire pour cela.

  A009000258 

 Saint Jean fut martyr de la premiere maniere, Dieu ne permettant pas qu'il fust martyr effectif, ains seulement de volonté et affection; car l'huile bouillant qu'on avoit preparé pour le mettre, et dedans lequel on le mit, ne luy fit aucun mal, ains luy fut aussi doux et suave que si c'eust esté un bain des plus aggreables.

  A009000259 

 Et il adjousta: Sçavez-vous que c'est que boire mon calice? Ne pensez pas que ce soit avoir des dignités, des faveurs et consolations, o non certes; mais boire mon calice c'est participer à ma Passion, endurer des peines et souffrances, des clous, des espines, boire le fiel et le vinaigre..

  A009000261 

 Nostre Seigneur estant sur l'arbre de la croix, il dit avant que de rendre l'esprit ces paroles, mais d'une voix haute, esclattante et ferme: Mon Pere, je recommande mon esprit entre vos mains, et rendit son esprit tout incontinent en les prononçant; l'on ne pouvoit croire qu'il fust mort, l'ayant ouy parler tout à l'heure d'une voix si forte qu'il ne sembloit pas qu'il [79] deust si tost mourir; de sorte que le capitaine des soldats vint pour sçavoir s'il estoit vrayement trespassé, et voyant qu'il l'estoit, il commanda qu'on luy donnast un coup de lance au costé; ce que l'on fit, et donna-t-on droit contre son cœur.

  A009000262 

 La premiere est à fin qu'on vist les pensées de son cœur, qui estoyent des pensées d'amour et de dilection pour nous, ses bien aymés enfans et cheres creatures, qu'il a creées a son image et semblance, à fin que nous vissions combien il desire de nous donner de graces et benedictions, et son cœur mesme, comme il fit à sainte Catherine de Sienne.

  A009000264 

 Et de nostre temps, le bienheureux Philippe Nerius avoit receu cette mesme grace de la divine Bonté; souvent il se bouchoit le nez pour ne sentir une si grande puanteur qui sortoit des pecheurs.

  A009000264 

 L'autre rayson est parce qu'il n'est pas expedient que l'on voye le cœur des bons, de peur qu'ils ne tombent en vanité ou que cela ne donne de la jalousie aux autres.

  A009000264 

 La premiere, pour ce que l'on auroit horreur de descouvrir dans les cœurs des meschans et grans pecheurs des choses si sales, horribles et tant de miseres; car sainte Catherine, qui avoit receu ce don de Dieu, de [80] penetrer les consciences et connoistre les pechés les plus secrets, en avoit une si grande horreur, qu'il failloit qu'elle se destournast pour s'empescher de les voir.

  A009000265 

 Nous faisons comme ces soldats d'Ephraïm, lesquels avoyent fait des grans exploits de guerre et avoyent tant de vaillance en imagination qu'ils pensoyent massacrer tous leurs ennemis; mais quand ce vint au fait et au prendre ils devïndrent pasles et sans courage, tournant le dos.

  A009000265 

 Voyez-vous, lors que nous avons des chaleurs, des bons sentimens et consolations il nous semble que nous ferons des merveilles; mais aux moindres petites occasions, nous choppons et donnons du nez en terre.

  A009000266 

 Nous autres qui voulons acheter le Ciel, et faire ce grand bastiment et edifice de la perfection, nous sommes des fols lors que nous ne considerons pas si nous avons de quoy payer et ce qu'il faut donner pour l'avoir; faute de cette consideration, nous demeurons court en chemin..

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000275 

 [85] Confessez donques que vous manquez de force et de courage et que vous vous laissez surmonter par des ames que vous estimiez plus foibles et plus fragiles que vous.

  A009000276 

 Chose fort admirable que la diversité des attraits du Saint Esprit! L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit à son divin Espoux: Ton nom, o mon Bien-Aymé, est comme un huile et un baume respandu; il donne une si bonne odeur par toute la terre, que les jeunes filles t'ont desiré.

  A009000276 

 O que grand est le bonheur des jeunes filles qui desirans Nostre Seigneur se viennent toutes consacrer à son amour! Je n'entens pas, par ce mot de jeunes, parler de celles qui le sont d'aage, bien que le bonheur de celles cy soit tres grand de pouvoir dedier leurs premieres et meilleures années au service de la divine Majesté; ains je veux dire celles qui sont encores tendres et jeunes à la devotion.

  A009000277 

 Vous viviez en l'esperance d'avoir des biens que les anciens philosophes ont voulu appeller de fortune, à sçavoir les richesses, les honneurs, les grandeurs, les preeminences; desormais il faut mourir à cela.

  A009000279 

 Apres avoir donné des rares exemples de vertu à l'ordre clerical, estant chanoine de Besançon, il fut esleu d'un commun consentement Archevesque de cette ville; et bien que son humilité faisoit qu'il s'en croyoit indigne, il ne laissa pas de l'accepter, parce que le Superieur commandoit, le Pape ordonnoit, et le commun consentement du peuple luy faisoit connoistre que c'estoit la volonté de Dieu.

  A009000280 

 Les habits que nous leur donnons font assez entendre tout cela, mais particulierement le voile que nous leur mettons dessus la teste, lequel leur monstre qu'elles ne se doivent plus servir de leurs sens ni de leurs puissances [87] pour aucune chose de la terre, ains que, comme des filles mortes, rien ne devra plus vivre en elles de tout ce qui y a vescu jusques à l'heure presente.

  A009000280 

 Mais ce n'est pas tout, car nous disons à ces filles qui veulent entrer en Religion qu'il faut mourir à tous leurs sens, à sçavoir, qu'il ne faut plus avoir d'yeux pour voir ni d'oreilles pour ouïr, et ainsy des autres; on leur devra donques retrancher leurs fonctions.

  A009000281 

 Au demeurant, je m'estonne grandement comme on a le courage de venir au service de Dieu, puisqu'on ne promet point des consolations ni des delices, ains qu'il faudra tousjours travailler et souffrir, tousjours se mortifier et humilier.

  A009000281 

 O sans doute, il y a une vertu secrette qui opere en cecy; c'est la force des attraits du Saint Esprit qui le fait ainsy pour sa plus grande gloire..

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000282 

 Ce pendant, je considere qu'en l'Evangile d'aujourd'huy, qui est celuy des talens que le seigneur bailla à ses serviteurs lors qu'il alla faire son voyage, il est rapporté qu'il en donna un, puis deux, puis cinq.

  A009000290 

 De mesme quand nostre divin Maistre dit, parlant des Superieurs: Qui vous escoute m'escoute et celuy qui vous mesprise me mesprise, c'est comme s'il disoit: Je tiens que [91] ceux qui vous obeissent c'est à moy qu'ils obeissent; et ceux qui mesprisent vos paroles ne s'en voulant pas servir, je tiens que ce sont mes paroles mesme qu'ils mesprisent..

  A009000291 

 De mesme, si nous voulons avoir soin de garder nostre cœur des suggestions et distractions du malin esprit, il faut, au sortir de la predication, le garnir d'aspirations et oraisons jaculatoires sur le sujet d'icelle, invoquant la divine Misericorde pour nous fortifier à fin de mettre en effect ce que nous avons affectionné..

  A009000293 

 Mais qui est-ce, je vous prie, qui ne luy en auroit, veu qu'elle est nostre tres aymable Mere? Et qu'il ne soit vray, escoutez l'Espoux au Cantique des Cantiques lors qu'il luy dit: Ton ventre, o ma Bien-Aymée, est comme un monceau de grains de froment qui est tout entouré de lys de la pudeur de sa virginité.

  A009000294 

 Il a, nostre tres cher Maistre, des mammelles tres douces et tres delectables, comme nous le tesmoigne sa divine Espouse, disant: O mon Bien-Aymé, que tes mammelles sont douces! Elles sont meilleures que le vin de tous les contentemens de ce monde.

  A009000294 

 Nous avons tous esté nourris de ces sacrées mammelles, car Nostre Seigneur en ayant tiré sa nourriture et les ayant succées, nous a par apres nourris des siennes.

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000295 

 Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté.

  A009000296 

 Ainsy ces benites ames ne veulent pas [94] seulement se tourner et abandonner à Dieu à demi, mais tout entieres; elles mesmes et tout ce qui en depend: les feuilles des vaines esperances que le monde donne, la fleur de leur pureté et les fruits de tout ce qu'elles feront et possederont à jamais..

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Nostre Seigneur pouvoit bien faire tomber de la manne comme il fit anciennement au desert pour les Israëlites, ou bien couvrir des plus belles fleurs cette place qu'il avoit choisie; mais il ne le voulut pas, d'autant qu'ès qualités de la neige se peuvent retrouver les conditions necessaires aux ames qu'il a esleües pour estre plus specialement siennes en la Religion.

  A009000300 

 Comme s'il vouloit dire que nul ne jouira des cheres caresses ni des delicieux playsirs de Nostre Seigneur, que ceux qui renonceront à tous les vains playsirs de la chair et du monde, puisqu'on ne sçauroit posseder les uns et les autres tout ensemble.

  A009000302 

 Le boire, le manger, le dormir sont des choses d'elles mesmes indifferentes et sans aucun merite.

  A009000302 

 Les paysans et ceux qui labourent la terre asseurent que lors qu'il tombe mediocrement de la neige en hiver, la prise en sera plus belle l'année suivante, d'autant qu'elle empesche la terre des grandes gelées.

  A009000304 

 Ces ames parleront alors des victoires remportées non seulement sur elles mesmes en s'assujettissant à l'obeissance, [98] mais aussi de plusieurs qu'elles auront remportées sur leurs ennemis.

  A009000311 

 En fin ils ne cessent de nous donner des inspirations pour le salut et perfection de nostre ame en la dilection de l'amour divin, jusques à ce que nous parvenions à la patrie celeste pour demeurer eternellement en leur compagnie.

  A009000312 

 Nos bons Anges nous donnent à tous des inspirations conformes à nostre vocation et condition.

  A009000313 

 Sa Bonté desire que nous nous rendions parfaits et signalés en cette vertu à son imitation, nous l'ayant singulierement recommandée, disant que nous apprenions de luy «non à former la machine du monde, [101] à ressusciter les morts et à faire des miracles» (nous en pourrions faire sans luy estre aggreables, comme nous luy pouvons estre aggreables sans faire ces prodiges et grandes choses); «mais il a dit que nous apprinssions de luy à estre doux et humbles de cœur.» Donc, cette resolution forte doit estre le pain universel que nous devons manger avec toutes sortes de viandes, s'entend que nous devons avoir en toutes nos actions; et par le moyen d'icelle il nous faut demeurer fermes et stables en nos exercices et en tout ce que nous entreprenons pour la gloire de sa divine Majesté..

  A009000313 

 Si nous voulons faire un festin aux Anges et à Nostre Seigneur le Roy des Anges, nous leur devons donner, à l'imitation d'Abraham, du pain cuit sous la cendre de l'humilité.

  A009000314 

 Encores que les oyseaux viennent souvent en la terre et y demeurent, on ne laisse pas de les appeller oyseaux du ciel; ainsy, ces personnes religieuses, quoy qu'elles soyent en la terre elles n'y ont point leur cœur, car elles le lancent si souvent du costé du Ciel et ont leurs desirs, affections et pensées tellement tournés vers Dieu, ne visant qu'à luy complaire, que ce ne sont plus des poissons, mais des oyseaux du Ciel.

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000315 

 Les personnes du monde ne sont point en un estat stable, car pour grande que soit la dignité en laquelle elles se trouvent eslevées, elles en peuvent descheoir; mais les ecclesiastiques et Religieux sont en un estat stable, parce que, par le moyen des vœux qu'ils font, ils se lient estroittement à Dieu, en sorte qu'ils ne peuvent plus demordre de leur resolution.

  A009000316 

 Il y a des personnes si bigearres! Plusieurs parlent de la bigearrerie, mais peu sçavent que c'est que d'estre bigearre: je veux l'expliquer et donner à entendre.

  A009000316 

 Les bigearres ce sont des personnes qui n'ont point de stabilité et fermeté en leurs resolutions, qui ne font autre chose que varier et faire divers desseins, sans les effectuer avec la maturité et consideration convenables; c'est pourquoy elles changent à tous propos sans s'arrester à rien.

  A009000316 

 Nous avons tous grand sujet de nous humilier, car ce sont des effects de la foiblesse et niaiserie de l'esprit humain.

  A009000316 

 Quand nous voyons une robbe composée de rouge, de blanc, de vert, nous disons qu'elle est bigarrée; de mesme, quand nous voyons des personnes qui ont divers desseins et resolutions, ne s'arrestant à rien, nous disons qu'elles sont bigearres, parce qu'elles sont habillées de diverses couleurs: tantost de jaune, voulant une chose, tantost de rouge, en voulant une autre.

  A009000317 

 Ils firent alors les vœux, se liant estroittement à luy pour le servir à jamais; et la resolution des Esprits angeliques, cuite sous la cendre de l'humilité, les a faits ce qu'ils sont et rendus eternellement heureux..

  A009000317 

 Lors saint Michel, comme en reprenant Lucifer de sa temerité, luy dit: Qui est semblable à Dieu? et par cette parolle le fit tresbucher avec sa malheureuse trouppe au profond des enfers.

  A009000317 

 Or, l'aliment qui a le plus de rapport avec la nature des Anges, c'est la volonté de Dieu.

  A009000319 

 Non, je ne dis pas qu'il faille avoir des grans sentimens et consolations; neanmoins quand Dieu les nous donne nous sommes bien obligés d'en faire nostre proffit et correspondre à son amour.

  A009000321 

 On ne leur presente pas des honneurs et grandeurs, mais on leur dit qu'il faut s'humilier, vivre en pauvreté et quitter entierement toute propre volonté pour passer sa vie en obeissance et parfaite sousmission.

  A009000322 

 Avec quel amour s'employent-ils en cet office, quelle douceur exercent-ils autour des petits enfans! Si vous leur demandez ce qu'ils font aupres de ces berceaux, veu que ces enfans n'ont point l'usage de rayson et ne sont capables de faire le bien ou de correspondre à leurs inspirations, ils vous diront qu'ils leur donnent du lait, et qu'à mesure qu'ils vont croissant ils leur donnent de plus grandes inspirations.

  A009000322 

 Ils sont autour d'eux pour les garder et preserver de tout danger, et se plaisent à les servir, les regardant comme des estres creés pour le Ciel et pour participer à leur felicité..

  A009000323 

 L'on n'a pas accoustumé de nourrir les petits enfans d'autre chose que de lait, et quand ils deviennent grans et commencent à avoir des dents on leur donne du pain et du beurre; car on ne leur baille pas le beurre tout seul, on attend qu'ils puissent manger du pain pour leur en mettre dessus.

  A009000323 

 Les Superieurs et ceux qui sont eslevés à la conduite des ames doivent particulierement imiter les Anges en cette douceur et support du prochain, les conduisant, eslevant et traittant avec une grande charité selon la capacité de leur esprit, pour les gaigner à Nostre Seigneur et les faire croistre en des vertus vrayes et solides.

  A009000324 

 Il faut prendre garde de traitter ces ames doucement, de peur qu'elles ne mordent, car elles ont des dents; elles ont leurs passions si fortes que quand on les contrarie elles regimbent..

  A009000324 

 Il y a des ames simples, douces et toutes colombines qui sont vrayement aymables; elles sont bien heureuses ces ames là.

  A009000325 

 Mais, mon Dieu, qui n'admirera l'humilité des Esprits angeliques en les voyant abaissés en des offices si vils que de servir les hommes, non seulement ceux qui ont l'usage de rayson et qui sont capables de correspondre à leurs inspirations, mais encores les petits enfans? O qu'ils ont bien compris la leçon de leur Maistre: Apprenez de moy que je suis doux, debonnaire et humble de cœur.

  A009000325 

 Plusieurs parlent de l'humilité et des autres vertus, mais fort peu sçavent en quoy elles consistent; neanmoins c'est le principal que de le [108] sçavoir par prattique, plustost que par science speculative.

  A009000326 

 Car cette dignité est si excellente qu'elle surpasse en certaine façon celle des Esprits angeliques, quoy qu'ils soyent plus heureux, estans en lieu asseuré et voyans Dieu face à face.

  A009000326 

 Ils ont aussi le pouvoir de remettre les pechés; ce sont les tresoriers de l'Eglise et dispensateurs des tresors que la divine Bonté y a laissés, à sçavoir des Sacremens qui nous conferent la grace..

  A009000330 

 Cela nous represente que nous devons faire toutes nos actions, soit de boire, manger, travailler, marcher et parler, à l'abri de l'arbre de la Croix et en presence des Anges, ayant tousjours devant les yeux le divin Sauveur crucifié, pour nous mirer en luy et nous conformer à sa vie, nous moulant sur ce divin portrait, l'imitant au plus pres qu'il nous sera possible selon nostre petit pouvoir.

  A009000346 

 Ce sont, mes cheres Sœurs, les parolles desquelles saint Paul se servoit en escrivant aux Corinthiens pour les exciter à se desprendre des choses basses et transitoires, à se desvelopper des biens caducs et terriens, à se desgager des affections de cette mortalité, à relever leurs cœurs en haut et à penser aux biens perdurables et eternels.

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 Ceux qui servoyent à ce festin estoyent des personnes constituées par le roy, lesquelles s'acquittoyent fort soigneusement de leur office.

  A009000347 

 En premier lieu, celuy qui le faisoit estoit roy de cent vingt sept provinces, et il y fut present, d'autant que c'est une des principales pieces du convive que celuy qui le fait y prenne part, mais sur tout lors que c'est une personne de qualité royale.

  A009000347 

 Il y avoit des couches battues d'or et d'argent; les musiques les plus belles et accomplies des instrumens et accords les plus harmonieux; les parterres les plus artificieux et diaprés d'une varieté innombrable de fleurs.

  A009000347 

 Quant aux viandes, elles estoyent des plus excellentes; les vins, les plus exquis et delicieux qui se peussent trouver.

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000349 

 Or, c'est une chose toute claire et hors de doute et de controverse que la felicité des Bienheureux, ainsy que les theologiens enseignent, consiste en la vision de Dieu, comme au contraire la peine des damnés qu'on appelle du dam, consiste en la privation de cette claire vision.

  A009000350 

 L'on voit en cette gloire des choses si relevées et excellentes que Dieu, avec l'infinité de sa toute puissance, n'en peut pas produire de plus grandes.

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000354 

 En cette claire vision de Dieu ils descouvrent et viennent à l'intelligence des autres plus hauts et plus inscrutables mysteres, dont ils ont la connoissance avec une telle allegresse qu'ils n'en peuvent souhaitter ni desirer de plus grande.

  A009000355 

 Je lisois hier en la Vie du bienheureux Ignace, fondateur des Jesuites, que Dieu luy descouvrit un jour le mystere de l'ineffable et tres adorable Trinité, de laquelle vision il receut tant de clarté et de lumiere en son entendement qu'il en faisoit despuis des discours les plus relevés qui se puissent entendre; et demeura plusieurs jours à escrire ce qu'il avoit appris, remplissant divers cahiers des choses plus hautes et plus subtiles qui soyent en la theologie.

  A009000355 

 Que si ce Saint receut tant de consolation par cette vision, quelle pensez-vous doit estre celle des Bienheureux en la claire veuë de ce mystere ineffable?.

  A009000356 

 Quelle felicité et quelle joye de voir encores le fruit et l'utilité de l'usage des Sacremens, car c'est là où l'on conçoit comment la grace se communique par iceux selon la correspondance que l'on y apporte; comme les uns la reçoivent, les autres la rejettent, comme Dieu donne sa grace efficace aux uns, comme il la refuse à quelques autres sans leur faire tort.

  A009000357 

 Mais quel langage est-ce qu'ils tiennent et de quel parler se servent-ils? Leur parler et leur langage n'est autre que celuy d'un pere avec ses enfans, il est tout filial et plein d'amour; car, comme ce lieu est la demeure des enfans de Dieu, aussi leur langage est-il tout filial et plein de dilection, puisque le Ciel est le lieu d'amour et que nul n'y entre qu'il n'aye la charité et qu'il n'ayme Dieu.

  A009000357 

 Or, non seulement ils voyent Dieu, qui est en quoy consiste la felicité, ains encores ils l'entendent parler et parlent avec luy, et c'est icy un des principaux points de leur felicité.

  A009000357 

 Que si estant encores en cette vallée de misere, l'Espouse prononçoit ces parolles d'amour avec tant de suavité, o Dieu, quelle joye et quelle jubilation pensons-nous que sera celle des Bienheureux en ce dialogue qu'ils feront en cette felicité?.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000360 

 Les puissances et facultés des Esprits bienheureux seront tellement rassasiées qu'ils ne pourront rien souhaitter davantage de ce qu'ils ont.

  A009000360 

 Mais quel sera le nom qui sera gravé en cette pierre? Certes, il n'y a point de doute que nous sommes comme des caracteres gravés en l'humanité du Sauveur: il nous a escrits en ses mains, car ces clous qui les percent nous ont gravés en icelles; et de mesme la lance nous a escrits en son cœur en luy ouvrant le costé..

  A009000360 

 Reste maintenant la memoire, qui sera toute pleine de Dieu et des biens qu'il nous a faits en cette vie, et mesme du peu de service que nous luy avons rendu au prix de ces grans salaires et recompenses.

  A009000361 

 Ha, mes cheres Sœurs, c'est icy le comble de la felicité des Bienheureux, de sçavoir que cette felicité sera eternelle et ne prendra jamais fin.

  A009000362 

 Or, si la pensée que le regne de Dieu est eternel cause au cœur humain tant de liesse spirituelle, quelle pensez-vous doit estre la joye des Esprits celestes en l'asseurance qu'ils ont de la perpetuité de leur gloire? Voyla pour ce qui est de la gloire essentielle des Bienheureux..

  A009000363 

 Ceux qui en ont moins se resjouissent de ceux qui en ont davantage, car dans le Ciel la charité est en sa perfection, [120] il n'y a point d'envie ni de jalousie, ains elle s'esjouit de la gloire de ces bienheureux citadins, et par cette douce participation et communication qu'ils ont de la felicité les uns des autres, tous demeurent satisfaits.

  A009000366 

 Toutefois, et les uns et les autres sont satisfaits, bien que le contentement des uns soit beaucoup plus excellent que celuy des autres..

  A009000367 

 On voit aussi toutes les choses creées: comme Dieu a fait le ciel, l'a orné du soleil et de la lune, l'a enrichi des estoilles et de tout ce qui se retrouve en iceluy; comme il fit la terre diaprée d'une si grande varieté de fleurs; en somme comme il crea toutes choses et la maniere avec laquelle il y proceda.

  A009000368 

 Ils admireront la foy des Patriarches, l'obeissance des Prophetes, la charité des Apostres, l'ardeur et ferveur des Martyrs, la pureté des Vierges, l'humilité et fidelité des Confesseurs.

  A009000368 

 Là les Bienheureux auront encores pour gloire accidentelle la claire vision des Cherubins et Seraphins, des Throsnes et Dominations, Vertus, Puissances, Principautés, Archanges et Anges, qui sont les neuf chœurs de ces Esprits celestes divisés en trois hierarchies, parmi lesquelles se trouveront les Saints.

  A009000369 

 C'est ce que nous fait entendre la Sainte Escriture quand elle nomme Nostre Seigneur le Dieu des dieux, c'est à dire le Dieu de tous ces petits dieux, des Saints qui sont en Paradis..

  A009000371 

 Remplissez-la encores du souvenir de vos fautes et infidelités pour vous en humilier et amender, et des benefices que vous avez receus de Dieu pour l'en remercier; et si vous avez receu des graces, resouvenez vous-en pour les bien cultiver et conserver, vous disposant à l'augmentation et accroissement d'icelles.

  A009000376 

 Ainsy que l'on ne vit jamais tant de parfums dans la ville de Hierusalem comme elle y en porta quant et soy pour offrir à ce grand roy, de mesme, jamais tant de parfums et tant de baume ne furent presentés à Dieu en son Temple comme la tres sainte Vierge en porte aujourd'huy avec elle; jamais aussi la divine Majesté n'avoit jusques alors receu un si excellent et tant aggreable present comme celuy des bien heureux saint Joachim et sainte Anne.

  A009000378 

 Chose admirable qu'estans si asseurés que nous ne sçaurions discourir beaucoup sans chopper [126] et faire des fautes, nous soyons neanmoins tousjours si avides et prompts à le faire, voire mesme de ce que nous ignorons! Et puis nous trouvons estrange qu'ès Religions il y ait des heures où le silence soit imposé et que l'on ne puisse point parler..

  A009000378 

 Le Sauveur s'estant revestu de nostre chair ne voulut point se departir des loix de l'enfance; partant il fit ses croissances et toutes ses petites actions comme les autres enfans, tout ainsy que s'il n'eust peu faire autrement.

  A009000381 

 Les anciens Chrestiens faisoyent des grandes festes, mais spirituelles, à l'anniversaire de leur Baptesme, qui estoit le jour de leur dedicace, c'est à dire celuy auquel ils s'estoyent dediés à Dieu.

  A009000381 

 Venons maintenant à la solemnité qui se celebre aujourd'huy ceans, qui est le renouvellement et reconfirmation des vœux.

  A009000382 

 La tres sainte Eglise celebre chaque année la commemoration des principales actions de nostre divin Sauveur, de Nostre Dame et Maistresse, comme aussi de tant de Saints qu'elle nous presente comme des patrons à imiter.

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000387 

 Puis, venant au printemps, qui est le temps de nos renouvellemens, nous devons prendre courage pour reparer le deschet que nous avons fait au temps des froidures de nos laschetés..

  A009000390 

 Mais pensez-vous que la jeunesse soit tousjours prise et entendue de nostre aage, et que la divine Espouse veuille parler de celles qui sont jeunes d'années, lors qu'elle dit au Cantique des Cantiques que les jeunes ames ont desiré son celeste Espoux et sont allées apres luy attirées de l'odeur de ses parfums? O non, sans doute, ains elle parle de celles qui sont jeunes de ferveur et de courage, et qui viennent nouvellement consacrer au service de son saint amour non seulement tous les momens de leur vie, mais aussi toutes leurs actions, sans reserve d'aucune.

  A009000391 

 Et tout [132] ainsy que les cerfs qui courent si legerement, redoublent neanmoins le pas lors qu'ils sont pressés du veneur et vont d'une si grande vistesse qu'il semble quasi qu'ils volent, de mesme devons-nous tascher de courir en nostre voye; mais au temps de nostre renouvellement et de la reconfirmation de nos resolutions nous ne devons pas seulement courir ains aussi voler, et pour cela demander avec le saint Prophete des aisles de colombe, à fin qu'à tire d'aisles nous volions sans nous arrester jusques à ce que nous allions reposer dans les trous du mur de la sainte Hierusalem, je veux dire que nous soyons tout unis à Nostre Seigneur crucifié sur le mont de Calvaire par une parfaite conformité de vie..

  A009000392 

 Et c'est icy la seconde remarque que je fais en cette sainte Presentation, et le second point auquel nous devons imiter nostre glorieuse Princesse, pour bien nous presenter de nouveau à fin de bien reoffrir à son divin Fils ce que nous luy avons une fois dedié et consacré, à sçavoir nous mesme, par le moyen des vœux que nous venons maintenant renouveller, c'est à dire renouer; car cette sainte coustume de renouveller nos vœux sert encores à reparer les manquemens que nous pourrions avoir commis en les faisant..

  A009000393 

 Je veux dire qu'il nous tient par la main et nous fait marcher en l'exercice des vertus, car s'il ne nous tenoit il ne seroit en nostre pouvoir de cheminer en cette voye de benediction.

  A009000394 

 Mais Nostre Seigneur nous ayant menés par la main, faisant avec nous des œuvres pour lesquelles il demande nostre cooperation, il nous porte par apres et fait en nous des œuvres toutes ouvrées, je veux dire auxquelles il semble que nous ne fassions rien.

  A009000395 

 O qu'heureuses sont les ames qui font ainsy leur voyage et qui ne partent des bras de la divine Majesté, sinon pour marcher et faire de leur costé ce qu'elles pourront en l'exercice des vertus et des bonnes œuvres, tenant tousjours neanmoins la main de Nostre Seigneur; car il ne faut pas que nous pensions estre suffisans pour rien faire de bien de nous-mesmes.

  A009000397 

 Il me souvient à ce propos qu'il faut tout quitter pour estre bonne Religieuse, qu'il y eut un senateur lequel fut inspiré de Dieu d'abandonner le monde, car il pensoit que pour evader les perils des vagues de la mer de ce miserable siecle il failloit surgir au port de la vie monastique.

  A009000398 

 Dieu ne se contente pas de nos offrandes quand elles ne sont pas accompagnées de celle de nostre propre cœur, car il est comme l'aigle qui se repaist plus pleinement du cœur des oyseaux qu'elle prend pour sa proye que non pas des autres parties de leur corps.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000405 

 Celle de l'adoration des Roys en est une, car elle ne se contente pas d'en commencer l'office à Vespres de la vigile, mais elle commence dès la Messe qui est propre à ce jour.

  A009000405 

 Il y a des festes que la sainte Eglise celebre beaucoup plus solemnellement que d'autres.

  A009000408 

 La premiere est le modele et le patron des Religieux: c'est celle de son enfance jusques à ce qu'il commença sa predication; car l'Evangeliste dit expressement qu'il demeura sujet à ses parens.

  A009000410 

 Et en premier lieu, se peut-il voir ou penser une pauvreté plus pauvre que celle du Sauveur? Voyez comme il renonce à la maison de son Pere et de sa Mere, voire mesme devant sa naissance, car il vient au monde en une ville laquelle si bien elle luy appartenoit en quelque façon, puisqu'il estoit de la lignée de David, neanmoins il renonce tellement à tout, que le voyla reduit dans une estable destinée à la retraitte des bestes.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000412 

 L'on en voit bien autour de luy en sa Nativité: la vocation des Gentils representés par les Roys qui le vindrent adorer, celle des pasteurs, les Anges qui chantent dans les airs; mais en sa personne, nullement.

  A009000412 

 O abnegation non plus ouye que celle cy! estant à son pouvoir d'operer des miracles, il n'en fait point.

  A009000413 

 Ne voyla-t-il pas une merveille tres grande, que ce tres saint Enfant ayt tellement renoncé et abandonné le soin de soy mesme pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs, qu'il n'ayt pas seulement voulu prononcer une petite parole pour avancer leur despart? Document certes tres remarquable: Nostre Seigneur est rempli de toutes les sciences, ains il est la science et la sagesse mesme; neanmoins il tient un continuel silence, tandis que l'ordinaire des personnes du monde est que si elles ont une once de sçavoir on ne les peut tenir de parler, tant elles ont envie de se faire estimer sçavantes..

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000416 

 Luy mesme declare au Cantique des Cantiques quelle fleur il est: Je suis la fleur des campagnes et le lys des vallées.

  A009000416 

 Mais quelle fleur des champs estes-vous, Seigneur? O quand il dit la fleur seulement, on doit entendre la fleur qui excelle entre toutes les autres et en odeur et en beauté.

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000417 

 Il choisit en outre la rose entre toutes les autres fleurs pour l'amour qu'il portoit à la sainte pauvreté parce qu'il n'y a rien de plus pauvre que la rose: elle n'a que des espines et ne requiert point, comme nous avons dit, que l'on s'employe apres elle pour la cultiver.

  A009000417 

 Le lys peut croistre sans artifice aussi bien que la rose, comme on le voit en certains païs; et cecy nous monstre l'amour que Nostre Seigneur portoit à la simplicité, car il ne veut pas estre appellé du nom des fleurs des jardins qui sont cultivées avec tant de soin et d'artifice.

  A009000418 

 On ne trompe jamais ces ames qui se viennent presenter pour estre offertes et sacrifiées à la divine Bonté; car on leur promet qu'elles jouiront des richesses de la felicité eternelle, mais à condition qu'elles renonceront d'abord aux terriennes et perissables; on leur dit qu'il faut quitter la mayson de ses parens et sa patrie d'effect et d'affection, pour n'en avoir jamais plus que celle de Nostre Seigneur, qui est la Religion en laquelle elles entrent.

  A009000419 

 Nous leur disons qu'elles sont voirement appellées pour jouir de la felicité du Sauveur sur le mont de Thabor, mais apres avoir esté crucifiées avec luy sur celuy de Calvaire, par une continuelle mortification d'elles mesmes et volontaire acceptation, sans choix, des mortifications qui leur seront faittes.

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000420 

 Les espoux du monde baillent à leurs espouses des carcans, des bracelets, des bagues, des velours, des satins et semblables bagatelles; de plus, ils font des festins à leurs noces.

  A009000420 

 Nostre Seigneur en fait de mesme; mais sçavez-vous ce qu'il donne, au lieu des faisans et des perdrix? Des mortifications, des humiliations, des mespris, des douleurs et des peines interieures, lesquelles nous font presque douter que nous ne soyons tout à fait abandonnés de sa bonté..

  A009000421 

 Il faut que je dise encores cette admirable condition des abeilles: c'est qu'elles sont si fidelles à leur roy, [147] que lors qu'il vient à mourir elles se mettent tout autour de son corps et mourroyent plustost que de le quitter; si leur gouverneur ne venoit pour les faire retirer, indubitablement elles ne s'en separeroyent jamais.

  A009000421 

 Les gouverneurs des abeilles spirituelles font tout au contraire; car, comme celuy-là prend peine de les esloigner de crainte qu'elles ne meurent autour de leur roy, ceux cy ont un tres grand soin de faire que les ames demeurent autour du corps de leur Roy mort, c'est à dire proches de Nostre Seigneur mort et crucifié, aupres duquel nous devons nous tenir fidellement tout le temps de nostre vie pour considerer l'amour qu'il nous a porté, et qui l'a fait mourir pour nous à fin que nous vescussions pour son amour et en son amour.

  A009000428 

 A Pasques il estoit ordonné d'offrir des javelles comme primices des blés; partant les anciens s'en alloyent parmi leurs moissons couper les premiers espis qui s'avançoyent par dessus les autres; et à la Pentecoste l'on offroit deux pains faits du froment ja meur.

  A009000428 

 La feste que nous celebrons en ces jours est tres solemnelle, tant pour son antiquité comme à cause des grans mysteres qu'elle comprend et qu'elle nous represente.

  A009000428 

 Le Seigneur commanda qu'en reconnoissance on celebrast la feste de la Pentecoste, cinquante jours apres Pasques, en action de graces d'un si signalé bienfait; et pour la mieux solemniser, il marqua ce qu'il vouloit qu'on fist en icelle, à sçavoir, que l'on offrist au Temple deux pains faits du blé nouveau, deux beliers, des petits aignelets et un bouc.

  A009000429 

 Mais à quoy bon tout cecy, sinon pour servir de preface au discours que je m'en vay vous faire? Tous les Chrestiens en leur Baptesme sont offerts à la divine Majesté comme des javelles à la feste de Pasques.

  A009000429 

 Nous prenons l'habitude du mal et des vices, comme si c'estoit chose impossible de nous empescher de faire ce à quoy nostre nature et la tentation nous convient..

  A009000429 

 Pasques ne signifie autre chose que passage; et les hommes font un passage tres heureux en leur Baptesme, car ils passent de la tyrannie et servitude du diable à la grace de l'adoption des enfans de Dieu.

  A009000431 

 Ils se sont offerts à Nostre Seigneur comme de bienheureuses javelles, au temps de Pasques, c'est à dire lors qu'ils quitterent toutes choses pour le suivre; neanmoins c'estoyent à la verité des javelles environnées de plusieurs superfluités: on le voit clairement en ce qu'ils commirent des pechés et de grandes imperfections, voire mesme ils abandonnerent leur bon Maistre!.

  A009000431 

 Lors les Chrestiens ainsy fortifiés par ce moyen, se viennent par apres offrir au jour de la Pentecoste comme des pains faits avec le nouveau froment des inviolables resolutions qu'ils ont prises de plustost mourir que d'offenser Dieu volontairement.

  A009000432 

 Mais apres, en la Pentecoste, ils firent l'offrande parfaitte, d'autant qu'ils ne presenterent plus seulement des javelles, ains des pains cuits par le feu de l'amour de Dieu.

  A009000433 

 Ils paracheverent encores l'offrande que Dieu requeroit en la feste de Pentecoste, se sacrifiant comme des boucs, je veux dire conversant avec les pecheurs et voulant estre tenus pour tels comme le reste des hommes.

  A009000433 

 Lors cependant ils estoyent encores des pastes muables et pliables, car ils le pouvoyent [151] derechef abandonner, et perdre son saint amour.

  A009000433 

 On le voit au succes du reste de leur vie, d'autant qu'ils s'immolerent pour la confession de la foy, comme des petits aignelets qui sont conduits à la boucherie.

  A009000434 

 Les beliers qu'il failloit offrir representent nostre imagination, les petits aignelets nos affections, et le bouc nostre chasteté, par laquelle nous nous privons pour l'amour de Dieu de tous les playsirs sensuels, voire mesme des permis et licites..

  A009000435 

 Ces trois vertus furent tellement [152] estimées et prisées comme estans les trois principales pour l'acquisition de la perfection, que tous les premiers Chrestiens en faisoyent profession à l'imitation des Apostres.

  A009000435 

 Le monde a accoustumé de nous faire imaginer que les richesses, les honneurs et les commodités sont des biens desirables; ils y renoncerent pour jamais, faisant estime de la pauvreté comme d'une chose tres prisable.

  A009000435 

 Mais apres que cette premiere ferveur fut esteinte, il n'y eut plus que des particuliers qui suivissent cette perfection evangelique; et d'autant qu'il y a une extreme difficulté de s'y adonner demeurant dans le monde, ceux qui veulent faire cette genereuse entreprise en sortent et se viennent renfermer dans les monasteres..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000437 

 On les fait entrer quant et quant en l'exercice d'une obeissance continuelle, de la mortification de la propre volonté, de l'abnegation du propre jugement; on ne leur parle que «de la mortification des sens et de toutes les» inclinations «humaines;» en fin on vient à leur faire connoistre combien leurs imaginations estoyent vaines d'estimer que les biens, les richesses, les honneurs fussent choses desirables.

  A009000437 

 On ne les trompe point en leur promettant des consolations, bien que la moindre qu'elles goustent vaille mieux sans nulle comparaison que toutes celles que le monde presente, mises ensemble.

  A009000439 

 Elles sont determinées à ne jamais plus occuper leur entendement à la consideration des choses terrestres et caduques, ains à celle des vrays biens eternels et à la connoissance de Dieu et d'elles mesmes.

  A009000439 

 Elles suivront constamment les conseils de ceux que Dieu leur a donnés pour leur conduitte, se rendans souples à suivre leurs volontés; elles sont resolues de faire les œuvres des ames fortes et genereuses, n'ayans pas moindre pretention que de parvenir au plus haut point de la perfection chrestienne, sans se descourager au bien, mais s'appuyans et s'asseurans en la faveur et protection de la divine Bonté, qui ayant commencé l'œuvre de leur perfection la parachevera, moyennant qu'elles luy soyent fidelles..

  A009000441 

 Mais dites-moy, je vous supplie, que reste-t-il à ces ames bienheureuses qui se sont ainsy disposées pour se sacrifier entierement et sans aucune reserve au service de l'amour celeste, sinon que le Saint Esprit, qui leur a desja fait tant de dons, descende maintenant en forme de feu sur leur sacrifice pour le consommer, ou, pour mieux dire selon nostre premier discours, qu'il vienne cuire les pains qu'elles ont petris, puisqu'ils sont tout prests à estre mis dans le four? La paste a esté preparée le long de leur année de noviciat, en suite des resolutions qu'elles ont prises de se laisser froisser et moudre tant par la sainte obeissance que par la mortification de leur propre jugement et volonté, qui sont les deux pains que Nostre Seigneur demande des ames religieuses.

  A009000454 

 Abiit in montana: elle monta dans les montagnes de Juda et entreprit le voyage, quoy que long et difficile; car, comme disent plusieurs autheurs, la ville en laquelle demeuroit [157] Elizabeth est esloignée de Nazareth de vingt sept lieues; d'autres disent un peu moins, mais c'estoit tousjours un chemin assez malaysé pour cette si tendre et delicate Vierge, parce que c'estoit à travers des montagnes..

  A009000457 

 Elle estoit en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie par la plus parfaitte dilection qui se puisse dire, mais encores elle avoit l'amour du prochain en un degré de tres grande perfection, qui luy faisoit desirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des ames; et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à celle de saint Jean, encores dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence.

  A009000458 

 Mais comme il n'eust pas esté raysonnable que celuy qui estoit choisi pour preparer les voyes du Seigneur fust entaché du peché, Nostre Dame alla promptement à ce qu'il fust sanctifié, et que ce sacré Enfant qui estoit Dieu, à qui seul appartient la sanctification des ames, peust operer en cette visite celle du glorieux saint Jean, le purifiant et retirant du peché originel; ce qu'il fit avec une telle plenitude que plusieurs docteurs soustiennent hardiment que jamais il ne pecha veniellement, bien que quelques autres tiennent l'opinion contraire..

  A009000459 

 Mais ce n'est pas merveille que son cœur sacré fust tout rempli d'amour et de desir du salut des hommes, puisqu'elle portoit en ses chastes entrailles l'amour mesme, le Sauveur et Redempteur du monde; et me semble que c'est à elle que l'on doit appliquer ces paroles du Cantique des Cantiques: Ton chef ressemble au mont Carmel.

  A009000459 

 Mais que veut entendre ce divin Amant quand il dit que le chef de sa bien-aymée ressemble au mont Carmel? Le mont Carmel est tout diapré de fleurs tres odoriferantes, et les arbres qui se trouvent sur iceluy ne portent que des parfums.

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 Ainsy Nostre Seigneur considera bien la varieté et beauté des vertus de Nostre Dame, qui la rendoyent extrement belle, mais lors que le Pere eternel jetta les yeux sur ses sandales ou souliers, il en fut tellement espris qu'il se laissa gaigner et luy envoya son Fils, lequel s'incarna en ses tres chastes entrailles..

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000466 

 Or, tant en une maniere comme en l'autre, elle parla avec une si grande humilité qu'elle fit bien voir qu'elle tenoit tout son bonheur de ce que Dieu avoit jetté les yeux sur sa petitesse; c'est pourquoy on luy peut approprier ces parolles du Cantique des Cantiques: Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum; Ma bien-aymée m'est un nard qui respand une tres odoriferante odeur.

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000468 

 Exurgens Maria; elle se leve promptement et va hastivement par les montagnes de Judée, car l'Enfant duquel elle estoit grosse ne l'incommodoit aucunement, d'autant qu'il n'estoit pas semblable aux autres; partant la Vierge n'en ressentoit pas l'incommodité des autres femmes, lesquelles sont pesantes et [165] ne peuvent marcher à cause de la pesanteur de l'enfant qu'elles portent, parce que ces enfans sont pecheurs.

  A009000468 

 L'Evangeliste dit donc que la Vierge se leva hastivement et monta les montagnes de Judée, pour monstrer la promptitude avec laquelle on doit correspondre aux inspirations divines; car c'est le propre du Saint Esprit, lors qu'il touche un cœur, d'en chasser toute la tepidité: il ayme la diligence et promptitude, il est ennemy des remises et dilayemens dans l'execution des volontés divines.

  A009000468 

 Mais celuy de Nostre Dame n'estoit point pecheur, ains le Sauveur des pecheurs et Celuy qui venoit pour oster le peché du monde, partant elle n'en estoit aucunement chargée, ains plus legere et plus agile.

  A009000470 

 Mais sainte Elizabeth sçavoit bien que la Vierge enfanteroit heureusement, et partant elle ne fait point de difficulté de l'appeller Mere avant qu'elle le soit, car elle est asseurée qu'elle le sera, et non Mere d'un homme seulement, mais de Dieu, et par consequent Reyne des hommes et des Anges; pour ce, elle s'estonne qu'une telle Princesse la soit allée visiter..

  A009000471 

 En quoy nous voyons en quel degré elle receut le don de prophetie, car elle parle des choses passées, presentes et futures.

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000484 

 Le Royaume des cieux est semblable à.

  A009000485 

 un marchand qui cherche des perles;.

  A009000491 

 C'est certes tres à propos que Nostre Seigneur dit que le Royaume des cieux est semblable à un marchand, lequel cherchant des perles en trouve en fin une d'un prix et d'une valeur si excellente au dessus de toutes les autres, qu'il va et vend tout ce qu'il a pour l'acheter.

  A009000491 

 Voyez-vous ce marchand? Il cherche des perles, mais [170] en ayant trouvé une, il s'arreste à cause de son prix et de son excellence; il vend tout ce qu'il a pour se la rendre sienne.

  A009000493 

 La pauvre Sainte, toute esprise de l'amour de son Maistre, retourna pour le chercher devant que nul autre, apres qu'il fut mort et mis dans le sepulcre; mais ne l'ayant trouvé, ains des Anges, elle ne se peut contenter, bien qu'ils fussent tres beaux et habillés à l'angelique.

  A009000493 

 La tres sainte Vierge, laquelle, a [171] des sureminences si grandes, et qui est si particulierement gratifiée au dessus de tous les Anges, s'estonne neanmoins à la veue de saint Gabriel qui l'estoit venu trouver pour parler avec elle du tres sacré mistere de l'Incarnation..

  A009000493 

 Les hommes, pour grans qu'ils soyent et pour magnifiquement ornés qu'ils puissent estre, ne sont rien aupres des Anges, leur lustre n'a point d'esclat et ne sont pas dignes de comparoistre en leur presence; aussi voit-on que jamais ils n'ont apparu aux hommes sans que ceux ci ne soyent tombés dessus leur face, n'estans pas capables de supporter la splendeur et l'esclat de la beauté angelique.

  A009000495 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit que son Bien-Aymé ayant frappé à sa porte passa outre; et elle, ayant ouvert et ne le trouvant pas, s'en va apres luy pour le chercher, puis rencontrant les gardes de la ville elle leur demande si elles ont point veu son Bien-Aymé: Hé, de grace, si vous le rencontrez, annoncez-luy que je languis d'amour.

  A009000496 

 Le Royaume des cieux, dit Nostre Seigneur, est semblable au marchand qui vend tout ce qu'il a [172] pour acheter la perle inestimable qu'il a trouvée.

  A009000497 

 Les Religieux et Religieuses ont esté de tout temps fort loués et estimés à cause de ce parfait abandonnement de toutes choses; mais laissons les Religieux et ne parlons que des Religieuses, puisqu'il est plus à mon propos..

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000498 

 Il les recommande tant les unes que les autres, à cause du grand renoncement qu'elles ont fait de tout ce qui est sur la terre, tant de ce qu'elles possedoyent comme des pretentions qu'elles pouvoyent avoir, comme aussi à cause de leur parfait renoncement à elles mesmes..

  A009000498 

 Le grand saint Augustin fait reproche aux Manicheens dequoy en leur religion ils n'ont rien de semblable ni qui approche tant soit peu la vertu des vierges renfermées dans les monasteres, lesquelles sont pures comme des colombes et font vœu d'une perpetuelle chasteté; mais sur tout il extolle ce renoncement de toutes choses, disant qu'elles ont tellement quitté tout ce qu'elles avoyent qu'elles n'ont rien en particulier, et que jamais les mots pernicieux de mien et de tien ne s'entendent parmi elles.

  A009000500 

 Escoutez l'Espouse au Cantique des Cantiques, laquelle dit que si quelqu'un donne toute sa substance pour Dieu, pour son pur amour, il ne l'estimera rien, croyant de n'avoir gueres donné pour une perle si pretieuse.

  A009000501 

 De mesme, dit saint Paul, on ne voit l'heure que l'on nous oste de devant les yeux des hommes, tant ils nous ont en horreur.

  A009000504 

 C'est en quoy le nostre doit de mesme paroistre, non pas tant à faire, [176] comme à laisser faire en nous et de nous tout ce que l'on voudra; et non seulement à Nostre Seigneur, mais aussi à nos Superieurs, nous rendant maniables, souples et humbles comme des petits enfans, car nostre grandeur gist en nostre petitesse et nostre exaltation en nostre humiliation..

  A009000504 

 Resouvenez-vous de cette parole tant admirablement bien inculquée par Nostre Seigneur dans le cœur des Apostres: S i vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'entrerez point au Royaume des cieux.

  A009000505 

 La troisiesme consideration qui vous doit estre de grande consolation, c'est l'honneur que vous avez de venir faire vos offrandes sous la protection de la glorieuse mere de la tres sainte Mere de Dieu, laquelle, comme une mere perle, demeura erami la mer de ce monde sans recevoir aucune goutte d'eau salée, je veux dire, sans estre aucunement abreuvée des vains playsirs terrestres, ains vescut tousjours tres saintement en la prattique de toutes sortes de vertus.

  A009000510 

 Il y a des milliers de considerations à faire sur ce sujet; mais je me restreins et n'en diray que deux, à sçavoir mon, comment cette sacrée Vierge receut Nostre Seigneur et Maistre lors qu'il descendit du Ciel en terre, et comment son divin Fils la receut lors qu'elle quitta la terre pour aller au Ciel..

  A009000511 

 L'Evangile que nous avons dit aujourd'huy à la sainte Messe nous fournit assez de matieres pour l'une et l'autre des propositions.

  A009000513 

 Mais ce qui est plus admirable, voyez-la sur le mont de Calvaire: ni elle ne jette des eslans, ni elle ne dit un seul mot; elle est aux pieds de son Fils, et c'est cela seul qu'elle desire.

  A009000515 

 Et parce qu'elle aymoit grandement sa sœur, elle desiroit qu'elle s'embesoignast comme elle pour servir son tres cher Maistre, qui neanmoins prenoit plus de playsir à l'exercice de Marie, dans le cœur de laquelle il distilloit, par le moyen de ses paroles, des graces plus grandes que nous ne sçaurions penser..

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000518 

 Vous sçavez tous l'histoire de son glorieux trespas; je suis pourtant tousjours poussé de faire le recit des [181] mysteres que nous celebrons, à cause des grossiers et simples auditeurs.

  A009000520 

 Sa tres sainte ame s'envola droit au Ciel; car qu'est-ce, je vous prie, qui l'en eust peu empescher, veu qu'elle estoit toute pure et n'avoit jamais contracté aucune souilleure de peché? Ce qui nous empesche nous autres quand nous mourons d'y aller tout droit comme Nostre Dame, c'est que nous avons presque tous en nos pieds de la poussiere ou des souilleures qu'il est necessaire que nous allions laver et purger en ce lieu que l'on nomme Purgatoire, devant que d'entrer au Ciel..

  A009000521 

 La mort du juste est pretieuse devant le Seigneur, comme au contraire la mort des meschans luy est en horreur, d'autant qu'elle les porte à la damnation..

  A009000521 

 Les chandelles et flambeaux apportent trop de clarté, partant il faut mettre des lampes nourries d'huile parfumée; et ces lampes jettant des continuelles exhalaisons, donnent plus de suavité et de recreation à la compagnie.

  A009000521 

 Les grans de ce monde font aucunefois des assemblées, et le plus souvent fort inutiles.

  A009000521 

 Nous trouvons en beaucoup de lieux de la Sainte Escriture que les lampes representent les Saints, lampes qui ont jetté des continuelles exhalaisons de bons exemples devant les hommes et qui ont esté tousjours ardentes du feu de l'amour de Dieu.

  A009000521 

 O que ces lampes ont respandu des odeurs suaves devant la divine Majesté durant le cours de leur vie, mais beaucoup plus à l'heure de la mort.

  A009000522 

 Or, si les Saints ont esté des lampes ardentes et odoriferantes, combien plus la tres sainte Vierge, la perfection de laquelle surpasse toutes celles des Bienheureux; voire mesme si elles estoyent toutes assemblées [183] en une, elles ne seroyent pas comparables à la sienne.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000526 

 Je ne sçay si vous aurez remarqué que le petit David, avant qu'entreprendre la bataille contre Goliath, s'informa soigneusement parmi les soldats de ce que l'on donneroit bien à celuy qui vaincroit et terrasseroit ce grand geant, ennemy des enfans de Dieu.

  A009000528 

 Que nous reste-t-il maintenant à dire sinon de voir si nous ne pourrons point en quelque façon imiter l'Assomption de nostre glorieuse et tres digne Maistresse? Quant au corps, nous ne le pouvons point faire jusques au jour du jugement dernier, où les corps des Bienheureux ressusciteront glorieux, et ceux des reprouvés pour estre eternellement damnés.

  A009000530 

 Escoutez des Religieux quand ils parlent de leur Institut, ils l'estiment tousjours au dessus de tous les autres: Il est vray, disent-ils, que cet Ordre dont vous parlez est de grande perfection, mais le mien est tousjours quelque chose davantage.

  A009000530 

 Mais parlons encores un peu de ces petits traits d'envie que produit nostre amour propre, lesquels sont certes comme des petits renardeaux qui vont fracassant et gastant les vignes.

  A009000531 

 Ces deux hommes s'exercent ainsy en l'observance des deux principaux commandemens, sur lesquels, comme sur deux colonnes, est fondée et accomplie toute la Loy et les Prophetes.

  A009000531 

 L'homme exterieur c'est celuy que nous voyons, qui regarde, qui parle, qui touche, qui gouste, qui escoute; c'est celuy cy qui s'empresse en l'exercice des vertus lesquelles concernent le commandement de l'amour du prochain, tandis que l'homme interieur prattique l'amour de Dieu.

  A009000533 

 Entrons donc en cette economie des vertus pour rechercher si nous en pourrions point prattiquer sans soin et attention.

  A009000533 

 Les anciens qui ont fait le denombrement des vertus en ont remarqué une peuplade, et à la fin ils s'y sont encores trouvés court.

  A009000533 

 Voyons maintenant comme cet homme exterieur ne sçauroit rien faire sans un extreme souci, non pas mesme [188] la prattique des vertus.

  A009000536 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez le grand Apostre: La charité est douce, elle est patiente, elle est benigne, elle est condescendante, elle est humble, elle est affable, elle supporte tout; en fin elle comprend en soy toutes les perfections des autres vertus, mais beaucoup plus excellemment qu'elles ne font pas elles-mesmes.

  A009000537 

 Si vous avez l'amour de Dieu, ne vous mettez point en peine ni en souci de prattiquer les autres vertus, d'autant qu'il ne se presentera point d'occasion de vous y exercer que sans soin vous ne le fassiez; je dis quelle vertu que ce soit: de patience, de douceur, de modestie, et ainsy des autres..

  A009000538 

 Les lapins font des petits toutes les trois semaines; l'on [190] trouve quantité de levraux, des mouches, à milliers, des moucherons sans nombre, mais des aigles extremement peu.

  A009000539 

 En contreschange dequoy, ce grand Roy eternel, Dieu tout puissant, luy bailla un degré de gloire digne de sa grandeur, comme aussi le pouvoir de distribuer à ses devots des graces dignes de sa liberalité et magnificence.

  A009000539 

 Et tout ainsy qu'il ne fut jamais veu tant de parfums dans la ville de Hierusalem comme la reyne de Saba en porta lors qu'elle alla visiter le grand roy Salomon, lequel en contreschange luy fit des presens selon sa grandeur et magnificence royale, de mesme, dis-je, l'on ne vit jamais tant de merites ni tant d'amour portés au Ciel par aucune pure creature, comme la tres sainte Vierge y en porta à sa glorieuse Assomption.

  A009000539 

 Il semble que l'Assomption de Nostre Dame fut en certaine façon plus glorieuse et triomphante que non pas l'Ascension de Nostre Seigneur, d'autant qu'à l'Ascension il n'y avoit que des Anges qui luy vinssent au devant, mais en l'Assomption de sa tres sainte Mere le Roy des Anges y vint luy mesme.

  A009000557 

 Hé Dieu, n'est-il pas bien raysonnable que cet amour domine et tienne le donjon au dessus de tous les autres, qu'il regne et commande et que tout luy soit sujet? Aymer le Seigneur d'un amour d'election, c'est cela, c'est le choisir entre mille, comme l'Espouse du Cantique des Cantiques: Mon Bien-Aymé est beau à merveille, toutes sortes de perfections sont en luy, je l'ay choisi entre mille, c'est à dire entre un nombre infini, pour mon Bien-Aymé et mon choisi..

  A009000557 

 Il ne se contente pas, certes, d'estre aymé d'un amour commun, ainsy que nous faisons nos semblables, mais d'un amour d'election, choisi et esleu entre tous les autres, en sorte que tous les amours que nous avons pour les creatures ne soyent que des images en comparaison de celuy qu'il veut que nous luy portions.

  A009000559 

 Mais quant à nous, combien de fois nous trouvons-nous en des distractions qui nous sont inevitables! Nous pouvons voirement aymer Dieu d'un amour ferme et [194] invariable, mais non pas estre en l'exercice continuel de nostre amour..

  A009000559 

 O pauvres gens, que vous monstrez bien qui vous estes, et que vous avez des esprits, mais non pas pour penetrer les choses de Dieu, ni les comprendre et connoistre pour telles qu'elles sont.

  A009000562 

 Ce n'est pas sans rayson, mes chers auditeurs, que les peintres peignent l'amour en archer, qui descoche incessamment des fleches dans le cœur des mortels pour les blesser et navrer de ses aymables traits.

  A009000563 

 L'amour que le vulgaire des hommes porte à Dieu, s'entend les Catholiques, est semblable à ce premier archer que nous nous sommes representé, car ils sont resolus de mourir plustost que d'offencer mortellement la divine Majesté en prevariquant ses commandemens.

  A009000564 

 Ces ames donques que je dis estre comparables au second archer, sont celles qui se retirent du commun du peuple pour mener une vie plus parfaite, soit qu'elles s'en sequestrent tout à fait ou non, et qui ne se contentent pas de vivre selon l'observance des commandemens de Dieu, mais passant plus outre, embrassent la prattique de ses conseils; partant elles descochent le plus souvent qu'elles peuvent des traits et des sagettes dans le cœur de la divine Majesté par des eslancemens fervens et affectionnés de leur esprit.

  A009000564 

 Mais il y a des ames plus nobles et genereuses qui, sçachans que la suffisance ne suffit pas en ce qui est d'aymer Dieu, passent plus outre.

  A009000564 

 Par ainsy elles navrent et blessent ce Roy des cœurs, comme luy mesme l'asseure quand il dit à son Espouse: Ma mie, ma belle et ma colombe, tu m'as ravi le [196] cœur, tu m'as blessé et navré par l'un de tes yeux et par l'un de tes cheveux qui pend sur ton col, c'est à sçavoir par l'une des pensées qui viennent du costé de ton cœur.

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000569 

 Je vay vous en donner des marques infaillibles.

  A009000569 

 Les amans cherchent tousjours de parler secrettement, bien que ce qu'ils ont à dire ne soyent pas des secrets ou choses qui meritent d'estre tenues pour tels.

  A009000571 

 Ainsy faisant, nous nous resjouirons davantage des dons que Dieu fera à leurs ames, de sa grace, des vertus et benedictions celestes, que non pas des honneurs, richesses et biens caducs et perissables qui leur pourroyent arriver.

  A009000571 

 Aymer le prochain pour le Ciel c'est luy procurer des graces et des benedictions par le moyen de nos prieres, voire encores l'encourageant à l'exercice des vrayes vertus, tant par paroles que par exemples.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000578 

 Il dit: Despouillez-vous des habitudes du monde et des affections d'iceluy.

  A009000578 

 Pensant à ce que je devois prendre pour la ceremonie que nous allons celebrer, qui est de recevoir nostre Sœur la Pretendante au Noviciat, j'ay trouvé que ces paroles des Epistres de saint Paul, escrivant aux Ephesiens et Colossiens, viennent fort à mon propos: Soyez renouvellés en justice et verité; despouillez-vous du viel homme pour vous revestir du nouveau en Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A009000579 

 Il y en a d'autres qui s'y enferment pour estre tousjours en repos avec Nostre Seigneur par le moyen de l'oraison, et y jouir des douceurs qu'il donne à ceux qui le servent; car, qui ne desireroit ces douceurs?.

  A009000579 

 Les autres viennent pour avoir le Paradis, parce qu'ils sçavent qu'on l'acquiert plus facilement en Religion où, sequestrés des fatras de ce siecle et vivant en l'observance, ils pourront plus facilement arriver au Ciel.

  A009000580 

 Il n'y faut point venir pour avoir du bon temps, d'autant qu'il se faut mortifier en tout ce à quoy la nature pouvoit prendre du playsir au monde, renoncer à sa propre volonté pour suivre en tout celle des autres, renoncer à son propre jugement, surmonter ses inclinations, ses passions, pour se sousmettre parfaittement aux Superieurs, en somme se despouiller du viel homme, de nous mesme, de nostre chair, de nos habitudes que nous avons tant suivies au monde..

  A009000581 

 Mais despuis elles se sont mesme enviellies, car l'on voit maintenant beaucoup plus de vanité qu'autrefois, plus d'avarice, plus de convoitise des playsirs mondains, plus d'ambition pour les honneurs et grandeurs.

  A009000582 

 Nous avons receu d'eux le peché et toutes les passions que nous avons: la colere, la convoitise qui nous fait desirer des biens, des honneurs; l'amour à la propre estime, la tendreté sur soy rnesme qui fait que l'on ayme tant la liberté et que l'on n'ayme pas la sujetion.

  A009000582 

 On ayme sa liberté, et icy il se faut assujettir aux Regles, à l'obeissance et aux commandemens des Superieurs.

  A009000582 

 Or, il faut mortifier tout cela pour venir en Religion, et prendre des habitudes toutes contraires au monde pour vivre selon le nouvel homme.

  A009000584 

 Combien a-t-on veu de personnes devenir saintes sous des habits de soye, de satin, de velours, de drap d'or? tesmoin sainte Radegonde reyne de France, sainte Elizabeth reyne d'Hongrie, sainte Elizabeth reyne de Portugal, et tant d'autres; de maniere que ce n'est rien de quitter ses habits exterieurs si on ne se revest des nouveaux en justice et verité.

  A009000585 

 Il prend le livre, et l'ouvrant il trouve l'Epistre que l'Apostre escrivoit aux Romains: Ne soyez ivrognes, ne soyez faiseurs de banquets, fuyez la conversation des femmes, et ce qui s'ensuit.

  A009000585 

 Or, Nostre Seigneur disoit au cœur de saint Augustin: Changez-vous des vielles habitudes, n'aymez point tant les festins, les playsirs, les vaines conversations, despouillez-vous du viel homme et vous revestez du nouveau..

  A009000585 

 Un jour estant en un jardin sous un figuier, il entendit comme des voix de petits enfans, qui chantoyent si melodieusement que jamais il n'en avoit ouy de pareilles.

  A009000586 

 Pour paroistre devant le Pere eternel il se faut revestir des livrées de son Fils et mespriser tout ce dont le monde fait tant d'estat.

  A009000586 

 Revestez-vous donc aussi, ma chere fille, des habits et habitudes de ce sacré Fils du Pere eternel, à fin que vous puissiez meriter la grace de recevoir sa benediction..

  A009000587 

 O que bienheureuses sont les ames qui entrent en Religion à cette supreme fin, pour cueillir les fleurs des graces de Dieu et jouir apres de leurs fruits au Ciel! Mais ceux qui sont venus pour d'autres motifs il ne faut pas qu'ils perdent courage, car on peut tousjours redresser son intention, la bonifier et la rendre meilleure, pourveu qu'on se despouille bien du viel homme, comme nous avons dit, et qu'on prenne les habitudes de la Religion..

  A009000595 

 Ce que sçachant, le roy fut fort fasché, et appellant à soy de ses gentilshommes il leur commanda de s'en aller par la ville et par toutes les avenues des chemins pour inviter [208] tous les pauvres, tant malades que sourdsmuets, boiteux, aveugles, bossus et contrefaits, sans en laisser un seul auquel ils ne dissent: Le roy vous prie de venir en son festin..

  A009000595 

 Le Sauveur preschant dit que le Royaume des cieux estoit semblable à un roy qui, voulant faire les noces de son fils, fit preparer un grand festin, lequel estant dressé, il envoya ses serviteurs aux invités pour leur dire qu'ils vinssent, d'autant que le banquet estoit prest; et ils s'excuserent.

  A009000597 

 Les uns, comme les plus malheureux, ne refusent pas seulement d'y venir, s'excusans sur leurs affaires, mais ils mesprisent, rejettent et maltraittent les inspirations que le Seigneur leur envoye comme des messagers celestes.

  A009000597 

 Voyla le contenu de la parabole, laquelle je ne m'amuseray pas à expliquer selon le sens litteral, parce qu'il regarde la prediction que nostre divin Sauveur faisoit de la reprobation des Juifs et de l'election des Gentils, qui, comme borgnes, boiteux, bossus et impotens, furent amenés au festin des noces du Fils du Roy par la predication du saint Evangile qui leur fut faitte tant par les Apostres que par Nostre Seigneur mesme.

  A009000598 

 Et premierement, je considere que ce festin auquel nous sommes invités par le souverain Roy de gloire, c'est le festin de la Croix, qui est dressé sur la montagne de Calvaire où se celebre la solemnité des fiançailles de Jesus Christ avec nos ames.

  A009000598 

 Il seroit hors de propos de m'arrester sur ce sujet, et partant je passe au troisiesme sens de la parabole que je declareray un peu au long; puis j'adjousteray quatre mots sur la robe nuptiale qu'il faut avoir pour aller au festin des noces de Nostre Seigneur.

  A009000598 

 Je dis des fiançailles, parce que la consommation de nostre mariage eternel ne se fera qu'en l'eternité et en la possession de la beatitude, où nous serons tellement unis avec la divine Bonté que jamais nous n'en pourrons estre separés.

  A009000599 

 Mais, me demanderez-vous, comme osez-vous appeller le jour de la Passion jour des noces de Nostre Seigneur, puisque le jour où on celebre des noces est ordinairement un jour de consolation, de playsir et de joye? Il est vray; mais ne pensez pas que ce soit moy seul qui dise cecy, ni de moy mesme, car sa divine Espouse le dit elle mesme au Cantique des Cantiques.

  A009000601 

 Le reste des Peres qui ont consideré les parolles de l'Espouse tiennent que lors qu'elle invitoit ces filles de Sion à regarder la couronne de son Bien-Aymé, de laquelle sa mere [la Synagogue] l'avoit couronné au jour de sa joye et de son allegresse, elle entendoit parler de la couronne d'espines qu'il portoit au jour de sa Passion.

  A009000602 

 Si cela est, qui peut douter que le jour de la Passion du Sauveur ne fust le jour de sa joye et de son allegresse? car ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner autour de la Croix, presage certain des fruits que devoit rendre cet arbre de vie? je veux dire les merites de cette mort, produisans les doux fruits de la salvation des hommes qui espereroyent en ces merites? Que si la joye de la femme est de produire beaucoup d'enfans, combien de sujets de resjouissanee Nostre Seigneur et Maistre eut-il au jour de sa Mort et Passion, puisque ce fut en iceluy qu'il fut fait Pere de tous les enfans des hommes, et leur acquit la grace pour cette vie passagere et la gloire pour la vie eternelle..

  A009000602 

 [211] Vous sçavez que chaque chose se resjouit lors qu'elle produit son fruit; si que l'on dit qu'au printemps la terre semble se resjouir, les arbres commençans à produire des fleurs qui sont des presages de la production des fruits.

  A009000603 

 Ce ne fut pas seulement le jour de la joye de nostre cher Sauveur, mais encores celuy de la joye du Pere eternel, des Anges et de toutes les ames des Bienheureux.

  A009000604 

 Je sçay bien que quelques docteurs tiennent que c'est la veue de la Divinité qui fera cette felicite; mais pourtant l'un ne contrarie pas beaucoup à l'autre, d'autant que cette veue sacrée est ce qui nous excitera à des ardeurs incomparables pour l'aymer.

  A009000604 

 Partant, et la connoissance que nous aurons des grandeurs de Dieu, et l'amour que nous luy porterons et qu'il nous portera seront le sujet de nostre bonheur eternel.

  A009000609 

 Au contraire, celle des ames religieuses est large, tout y entre; je veux dire tout ce qu'elles peuvent sçavoir qui est aggreable à leur Espoux..

  A009000609 

 La charité des personnes du monde est si estroitte que rien n'y sçauroit entrer que la simple observance des commandemens de Dieu; car quant aux conseils ils ne peuvent entrer en cette robe.

  A009000610 

 Les Religieuses au contraire sont vestues d'une robe large, qui puisse «faire des plis estant ceinte.» Les robes de ces filles du monde ont les manches larges et grosses du costé des espaules, mais au bout, devant elles, elles sont fort estroittes.

  A009000610 

 Les manches des robes des Religieuses sont larges du costé des mains pour monstrer que les parolles ne suffisent pas, ains qu'il faut des œuvres; elles sont larges en sorte qu'elles puissent tenir les bras croisés dedans, pour monstrer que dès qu'elles ont fait quelques bonnes actions, quelques actes de vertu, il faut remettre la main dans la manche, c'est à dire il faut cacher cette prattique de vertu pour en eviter la louange, et ne vouloir qu'elle soit remarquée que de leur Espoux auquel seul elles desirent de plaire..

  A009000610 

 Premierement les filles du monde portent des [214] robes qui les serrent et les gesnent extremement, et cela pour faire voir qu'elles ont la taille belle; folie qui les rend pour l'ordinaire incapables de rien faire, parce qu'elles en deviennent malades ou languissantes.

  A009000610 

 Voyez, je vous prie, comme la difference des habits des filles du monde d'avec ceux des Religieuses monstre bien cecy.

  A009000611 

 Au lieu de tout cela, on donne un voile aux Religieuses, qui rejettent toutes ces vanités; et de mesme que leur divin Espoux est couronné d'une couronne d'espines, comme estant le Roy des miserables, ainsy couvrent-elles leurs testes du voile d'abjection et du mespris non seulement de toutes les vanités, mais aussi d'elles mesmes, pour estre plus conformes à leur Bien-Aymé..

  A009000611 

 Les filles du monde portent leurs cheveux esparpillés et poudrés, leur teste est ferrée comme l'on ferre les pieds des chevaux, elles sont plus empanachées et bouquetées qu'il ne se peut dire; bref, elles portent quantité d'affiquets.

  A009000618 

 Mes tres cheres Sœurs, ayant un mot à vous dire de la part de Nostre Seigneur, je ne puis vous entretenir plus utilement que de vous parler des medecins et des malades, puisqu'il est à mon propos à cause de la feste que nous celebrons aujourd'huy de deux grans Martyrs et medecins tant du corps que de l'esprit.

  A009000621 

 Il y a des ames grandement malades et si chargées de pechés et d'imperfections qu'elles sont bien dignes de [218] compassion, d'autant qu'elles sont en plus grand peril, parce qu'estans pleines de rancune, d'orgueil, presomption et de mille autres defauts, elles s'estiment neanmoins bien parfaites et bien saines et ne reconnoissent pas leurs maladies; partant elles ne recourent point au medecin, croyans n'en avoir aucune necessité, c'est pourquoy elles viennent à mourir de la mort eternelle..

  A009000621 

 Il y a deux sortes de malades: les uns sont malades à la mort, et les autres sont malades d'une maladie langoureuse et traisnante; car on voit des personnes presque tousjours incommodées, elles ont tousjours quelque fer qui loche, mais pourtant il n'y a rien à craindre qu'elles fassent sonner les cloches.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000623 

 Ce cher Sauveur et Amant de nos ames voyant le danger où nous estions reduits à cause du peché de nostre premier pere Adam, vint par son amour ineffable ça bas en terre pour s'unir à nostre nature, et souffrir la mort à fin de nous donner la vie, nous laissant ses divins Sacremens comme des medicamens efficaces et pleins d'energie pour nous guerir de toutes nos maladies et souilleures, si nous nous en approchons avec l'humilité, la reverence et l'amour requis.

  A009000624 

 Il y a aussi d'autres ames qui servent Dieu si langoureusement et negligemment que c'est pitié; elles tombent [219] à tout propos en des imperfections et n'ont point de courage pour s'en relever.

  A009000625 

 La maladie corporelle arrive quelquefois lors qu'il y a quelque desordre en nous, que les humeurs s'espanchent par tout le corps et que quelque humeur froide tombe sur le foie; cela donne des douleurs d'estomach.

  A009000626 

 Certes, toutes les ames chrestiennes sont espouses de nostre Sauveur et Maistre et sont creées pour participer à sa gloire; neanmoins les Religieuses sont particulierement destinées au lit nuptial de l'Espoux celeste, car on ne sçauroit nier qu'elles ne soyent plus specialement ses espouses qu'aucune autre des creatures.

  A009000626 

 Elles sont en fin cette unique; c'est pourquoy il faut qu'elles taschent de se laver, nettoyer et purifier, voire des moindres defauts qui les peuvent rendre desaggreables à leur divin Espoux à fin de paroistre devant luy toutes belles, toutes pures, candides et ornées des vertus qui sont plus à son gré..

  A009000626 

 Nous voyons par ces paroles que ce grand Saint appelle toutes les ames des Chrestiens generalement, espouses de ce grand Dieu.

  A009000628 

 Il leur parle donques ainsy, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; et ce qui suit..

  A009000629 

 Le monde estime bienheureux ceux qui rient, qui font des festins et qui prennent leurs playsirs; et le [222] Sauveur s'escrie: Bienheureux ceux qui pleurent.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000634 

 (Il y a des pauvres qui ne sont pas miserables parce qu'ils sont sains, forts et gaillars, de sorte qu'ils peuvent gaigner leur vie.).

  A009000634 

 Bon, tout cela est bon; mais a-t-elle de la charité et de l'humilité? car si elle n'en a, je ne fais point d'estat de tout le reste; ses vertus ne sont que des fantosmes et non des vrayes et solides vertus.

  A009000635 

 Cet Evesque avoit de vray des grans talens et richesses interieures, mais parce qu'il n'avoit pas ces deux vertus et qu'il estoit enflé d'orgueil et de vanité en soy mesme, devant Dieu il est pauvre et vuide de tout bien.

  A009000635 

 Plusieurs diront à Nostre Seigneur au jour du jugement: S eigneur, nous avons fait des miracles en ton nom, nous avons gueri les malades en ton nom, nous avons ressuscité des morts en ton nom.

  A009000637 

 Ne sçavez-vous pas que le grand saint Paul dit que luy et les autres Apostres, parce qu'ils servoyent leur Maistre et mesprisoyent le monde, estoyent reputés des mondains comme les excremens du monde, les balayeures et peleures des pommes, qui sont des choses si viles et que l'on jette là? Voyez comme il parle, ce divin [226] Apostre: J'ay reputé toutes choses fange et ordure pour gaigner Jesus Christ et sa bonne grace.

  A009000638 

 Elles sont bien au contraire de ces damoyselles du monde, lesquelles pour estre bien accommodées, s'en vont enflées d'orgueil et de vanité, la teste levée, les yeux ouverts, desirans estre remarquées des mondains..

  A009000638 

 On doit s'estimer vil, pauvre et vuide de tout bien, et y venir avec cette croyance que l'on n'est rien, que l'on ne vaut rien; c'est pourquoy on se cache, comme ne meritant pas d'estre regardé de Dieu ni des creatures.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000641 

 Voyez le grand saint Augustin comme il veut qu'elle soit exactement observée, car il defend tres absolument que l'on ayt «chose quelconque, pour petite qu'elle soit,» non pas mesme une epingle en particulier, ains que tout soit en commun, en sorte que ce mot de tien et mien en soit entierement banni; que les portions et tout le reste soit esgal autant que la necessité le pourra permettre, parce qu'es Religions où toutes choses ne sont communes il y a des portions particulieres.

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000650 

 C'est un honneur tres grand sans doute de m'avoir porté dans son ventre et nourri du lait descoulant de ses mammelles, moy qui suis la pasture des Anges et des hommes là haut en la gloire celeste; cependant cela n'a pas esté le fondement de sa beatitude, ains d'avoir tousjours esté obeissante à la volonté de mon Pere.

  A009000657 

 Mais, me dira-t-on, comment cela se peut-il faire que je donne à Dieu mon cœur qui est tout plein de pechés et d'imperfections? comment pourroit-il luy estre aggreable, puisqu'il est tout rempli de desobeissances à ses volontés? Hé, pauvre homme, de quoy te fasches-tu? pourquoy refuses-tu de le luy donner tel qu'il est? N'entens-tu pas qu'il ne dit point: Donne-moy un cœur pur comme celuy des Anges ou de Nostre Dame, mais: Donne-moy ton cœur? C'est le tien propre qu'il demande; donne-le tel qu'il est.

  A009000658 

 Mais que les ames riches en saintes pretentions de faire de grandes choses pour Dieu ne viennent pas apporter l'offrande des pauvres, car il ne s'en contenteroit pas.

  A009000658 

 Pourtant il ne vouloit pas que tous fissent une esgale offrande, car il vouloit que les riches, comme opulens, offrissent selon [235] leurs richesses et les pauvres, selon leur pauvreté; de sorte qu'il ne se fust pas contenté si les riches eussent fait des offrandes convenables aux pauvres, parce que cela eust ressenti l'avarice, non plus qu'il n'eust pas esté content que les pauvres eussent fait l'offrande des riches, d'autant que c'eust esté presomption.

  A009000659 

 Oh que bien heureux sommes-nous donques nous autres, qui, par le moyen des vœux que nous avons faits, luy avons tout dedié, et nos corps et nos cœurs et nos moyens, renonçant aux richesses par le vœu de pauvreté, aux playsirs de la chair par celuy de chasteté, et à nostre propre volonté par celuy d'obeissance.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000661 

 Et la sainte Eglise, comme une sage mere, nous va presentant de temps en temps, tout le long de l'année, des festes signalées, pour nous encourager à renouveller nos bons propos.

  A009000661 

 Les Israëlites, qui estoyent le peuple de Dieu, faisoyent leur renouvellement à chaque nouvelle lune, et pour y inviter un chacun, ils celebroyent des festes solemnelles, sonnant les trompettes pour resveiller l'esprit, non en des fanfares ou choses vaines, ains apres les choses eternelles.

  A009000662 

 Et comme le pourrions-nous mieux faire que par des reconfirmations du dessein que nous avons et du choix que nous en avons fait? Vous avez donques, mes cheres ames, mis aujourd'huy un clou à vostre vocation par le renouvellement de vos vœux en presence de la divine Majesté, qui demande cela de vous en reconnoissance du don sacré qu'elle vous a fait à mesme temps d'elle mesme..

  A009000663 

 Prenez garde que nostre divin Maistre ne voulut estre redouté qu'une fois en sa vie, ainsy que je l'ay desja touché, quand il dit à ceux qui le voulurent prendre au jardin des Olives: C'est moy.

  A009000671 

 Cette mesme louange se peut donner aux Religieux et Religieuses, non comme estans successeurs immediats des Apostres quant à l'office, car tous ne preschent pas, mais ouy bien quant à la maniere de servir Dieu, en la pretention de suivre ses conseils et ses volontés, à fin de tascher d'acquerir la perfection..

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000675 

 Ces bigearreries, ces propres volontés qui ne se veulent point sousmettre, ces jugemens particuliers, ces intentions impures qui ruinent et gastent toutes nos meilleures actions, ces laschetés et cette negligence d'esprit qui n'a point de cœur pour la pretention de la perfection, [242] qu'est-ce autre chose que des maladies contractées par nostre ame en la communication que nous avons eue avec le peché?.

  A009000675 

 L'Eglise n'est autre chose qu'un hospital où il y a plusieurs sortes d'infirmeries pleines de malades; car les pecheurs ne sont-ce paà des malades? Mais comme aux hospitaux il y a tousjours quelque infirmerie ou chambre pour les convalescens, de mesme les Religions sont destinées aux ames relevées qui desirent grandement de se rendre quittes des maladies qu'elles ont apportées du monde et que Nostre Seigneur par sa grace leur a fait connoistre.

  A009000676 

 C'est en cette façon que tous peuvent estre appellés et estre par consequent dignes successeurs des Apostres; car si bien tous ne preschent pas et n'administrent pas les Sacremens, qui sont les remedes dont se sert la sainte Eglise pour la guerison de ses malades, tous neanmoins peuvent et doivent prescher d'exemple; et cette predication ne sera peut estre pas moins utile que l'autre.

  A009000676 

 Or, les Religieux et Religieuses recherchent la guerison de ces maladies, car si bien ils ne sont pas tenus d'estre parfaits, ils sont neanmoins obligés de tendre à la perfection, puisque en faisant des vœux, nous autres tant ecclesiastiques que Religieux, nous nous obligeons quant et quant de tascher de tout nostre pouvoir d'acquerir la perfection et de vivre selon icelle.

  A009000677 

 Qu'est ce que l'office du Religieux sinon de bien cultiver son esprit, pour en desraciner toutes les mauvaises productions que nostre nature depravée fait bourgeonner tous les jours, si qu'il semble qu'il soit tousjours à refaire? Et comme il ne faut pas que les laboureurs se faschent, puisqu'ils ne meritent pas d'estre blasmés, pour n'avoir recueilli une bonne prise, pourveu neanmoins qu'ils ayent eu soin de bien cultiver la terre et de bien ensemencer, de mesme le Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille pas si tost les fruits de la perfection et des [243] vertus, pourveu qu'il aye une grande fidelité pour bien cultiver la terre de son cœur en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à la perfection à laquelle il est obligé de pretendre, et faisant ce qu'il voit devoir estre fait pour l'acquisition des vertus..

  A009000678 

 La convoitise de l'honneur brusle les uns, celle de l'avarice les autres, et d'autres le sont par la convoitise des playsirs vilains, brutaux et deshonnestes; cependant ils ne sont point malades! ou du moins ils se vantent de ne l'estre pas.

  A009000678 

 Mais, je vous supplie, considerez un peu la folie des mondains lesquels estans fort malades n'estiment pourtant pas l'estre, ains ils se louent de la meilleure santé du monde, bien que leurs maladies soyent telles qu'ils sont prests à tomber dans la fosse de la mort eternelle.

  A009000679 

 Les Religieux ne veulent pas estre si insensés que ceux cy, lesquels le sont d'autant plus qu'ils ne le pensent pas estre, ains s'estiment si sages qu'ils ne tiennent nul compte des autres hommes, ne les croyant pas mesme capables de leur servir de planche, eu esgard à leur grande sagesse et preudhommie.

  A009000681 

 Certes, la pluspart des mondains font presque tout par caprice et fantasie.

  A009000681 

 La folie des mondains fait d'autant plus connoistre et estimer la sagesse de ceux qui renoncent à leur propre liberté et s'assujettissent volontairement pour jamais.

  A009000681 

 Pourtant ils sçavent [245] bien que ce temps là est principalement donné pour la priere et pour rendre graces à Nostre Seigneur des mysteres qui y sont representés..

  A009000681 

 S'ils s'en vont dormir ils le font souventesfois par caprice; ils mangent de mesme et ainsy des autres choses.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000684 

 Le roy ne seroit pas reputé sage et prudent s'il ne se faisoit paisiblement obeir par ses sujets et ne gouvernoit son royaume selon la justice et l'equité comme il convient à un souverain; un marchand ne sera pas estimé sage s'il ne tasche, par le moyen de son traffic, de s'enrichir et augmenter ses moyens; et ainsy des autres.

  A009000685 

 O Dieu, si nous autres qui sommes drdiés au service de la divine Bonté faisions la centiesme partie des choses que les courtisans des rois et des princes font pour eux, indubitablement nous serions tous saints.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000686 

 Or, considerez combien le sont davantage les actions penibles et contraires à la nature: la mortification des passions, de la propre volonté, du propre jugement et en fin l'entier renoncement de nous mesmes pour nous laisser conduire et gouverner au gré d'autruy, nous rendre maniables, pliables et entierement sousmis en toutes occasions.

  A009000688 

 Vous allez devenir esclaves bien aymées de son Fils tres beni Nostre Seigneur, car que voulons-nous signifier quand nous jettons la croix au col de ces filles, ainsy que vous verrez tantost? Que nous les attachons à la Croix de Nostre Seigneur, pour passer le reste de leurs jours sur le mont de Calvaire à fin d'y considerer le renoncement parfait et les travaux qu'il a soufferts pour nous, nous excitant par ce moyen à cette continuelle attention de faire tout pour luy, et preserver ainsy nos actions de la corruption et putrefaction qu'elles contractent en la communication des intentions obliques et impures.

  A009000693 

 Ils signifioyent ainsy que l'homme de bien et vertueux a non seulement une langue pour dire beaucoup de bonnes choses, mais que cette langue estant appliquée sur son cœur, il ne parle sinon à mesure que son cœur le veut, c'est à sçavoir, il ne dit sinon des paroles qui procedent premierement de son cœur, qui le porte quant et quant à l'operation et aux effects de ses paroles.

  A009000693 

 Pour le mesme sujet, les quatre-animaux n'avoyent pas seulement des aisles pour voler, mais aussi des mains au dessous d'icelles, à fin de nous donner à entendre que nous [250] ne nous devons pas contenter d'avoir des aisles pour voler au Ciel par des saints desirs et speculations, si avec cela nous n'avons des mains qui nous portent aux œuvres et à la prattique de nos desirs, estant chose asseurée que les seuls bons propos et saintes resolutions ne nous conduiront point en Paradis, s'ils ne sont accompagnés des effects conformes à iceux..

  A009000694 

 Sur ce sujet je fais trois considerations auxquelles je ne m'arresteray pas beaucoup, ains ne feray que les toucher en passant, les laissant par apres ruminer à vos esprits, comme des animaux mondes, pour en faire une bonne et heureuse digestion.

  A009000695 

 Et premierement, quelle humilité plus grande et plus profonde se peut-il imaginer que celle que Nostre Seigneur et Nostre Dame pratiquent en venant au Temple, [251] l'un pour y estre offert comme tous les autres enfans des hommes pecheurs, et l'autre se venant purifier? C'est chose certaine que Nostre Seigneur ne pouvoit estre obligé à cette ceremonie, puisqu'il estoit la pureté mesme et qu'elle ne regardoit que les pecheurs.

  A009000695 

 Neanmoins, et l'Enfant et la Mere, nonobstant leur incomparable pureté, se viennent aujourd'huy presenter au Temple comme s'ils eussent esté pecheurs ainsy que le reste des hommes.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000696 

 Plus la dignité des personnes qui s'humilient est grande, plus aussi l'acte d'humilité qu'elles font est estimable.

  A009000698 

 Or, celle-cy pour estre bonne, doit non seulement nous faire connoistre, mais reconnoistre pour des vrays neants qui ne meritons pas de vivre; elle nous rend souples, maniables et sousmis à un chacun, observant par ce moyen ce precepte du Sauveur qui nous ordonne de renoncer à nous mesmes si nous le voulons suivre..

  A009000700 

 C'est une parole des philosophes, mais qui a esté approuvée pour bonne par les docteurs chrestiens: «Connois-toy toy mesme,» c'est à dire, connois l'excellence de ton ame à fin de ne la point avilir ni mespriser.

  A009000700 

 Ce n'est point mal de se considerer soy mesme pour glorifier Dieu des dons qu'il nous a faits, pourveu que nous ne passions à la vanité et complaisance sur nous mesmes.

  A009000702 

 Ce n'est pas grand chose ni un abaissement de grande importance que celuy que font les petits en comparaison de celuy des geants.

  A009000702 

 De mesme ce n'est pas grand chose de nous voir [255] abaisser et humilier nous autres qui ne sommes que des neants et qui ne meritons que l'abjection et l'aneantissement; mais nostre cher Sauveur et la sacrée Vierge qui sont comme des geants d'une grandeur et hauteur incomparable, leurs humiliations sont d'un prix inestimable.

  A009000702 

 Et à cette intention, Nostre Seigneur et Nostre Dame viennent aujourd'huy prendre la marque des pecheurs, eux qui ne le pouvoyent estre, et s'assujettir à la Loy qui n'estoit point faitte ni pour l'un ni pour l'autre.

  A009000702 

 Mais nous autres miserables qui, comme des rats, des chats et autres tels animaux, ne faisons que ramper et nous traisner sur la terre, dès que nous nous sommes abaissés ou humiliés en quelques legeres occurrences, nous nous relevons tout incontinent, faisons les hautains et recherchons d'estre estimés quelque chose de bon..

  A009000706 

 Elle vient donques aujourd'huy au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auroyent peu considerer, et pour nous monstrer encores que nous ne nous devons pas contenter d'eviter les pechés ains l'ombre des pechés, ne nous arrestans pas non plus à la resolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel peché, mais fuir mesme les occasions qui nous pourroyent servir de tentation d'y tomber.

  A009000706 

 Nostre Dame et sacrée Maistresse ne craignoit pas de desobeir, parce qu'elle n'estoit nullement obligée à la Loy qui n'estoit point faite pour elle ni pour son Fils, ains elle craignoit l'ombre de la desobeissance; car si elle ne fust pas venue au Temple pour offrir Nostre Seigneur et pour se purifier, quoy qu'elle n'en eust point besoin, estant toute pure, l'on eust peu trouver des gens qui eussent voulu faire l'enqueste de sa vie à fin de sçavoir pourquoy elle ne faisoit pas comme le reste des femmes.

  A009000708 

 Il est fort bon de faire des considerations, mais non pas de s'attacher tellement à une methode ou à une autre qu'on pense que tout depende de nostre industrie..

  A009000708 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont marquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher et les affecter tellement que nous mettions toute nostre confiance en icelles, comme ceux qui pensent que pourveu qu'ils fassent tousjours leurs [259] considerations devant les affections, tout va bien.

  A009000711 

 Mais quoy qu'il en soit, il n'importe pas beaucoup; il suffit que saint Simeon receut ce tres beni Poupon entre ses bras, ou des mains de Nostre Dame ou bien de saint Joseph.

  A009000712 

 Il estoit donc plein de reverence autour des choses sacrées; en apres, il attendoit la redemption d'Israël et le Saint Esprit estoit en luy.

  A009000712 

 Mais considerons un peu, je vous prie, les conditions necessaires pour obtenir cette faveur de prendre le Sauveur entre nos bras et de le recevoir des mains de Nostre Dame, comme saint Simeon et Anne, cette bonne vefve qui eut le bonheur de se trouver au Temple en [261] ce mesme temps.

  A009000713 

 C'est bien dit; vous ne voulez donques pas ajuster vostre volonté à celle de Dieu qui veut que vous y ayez des secheresses et des sterilités? cela n'est pas estre juste.

  A009000713 

 Cela est bon, Dieu vous veuille acheminer au but de vostre desir et entreprise; mais dites-moy, je vous prie, qu'est-ce que vous y allez faire? Je m'en vay demander à Dieu des consolations.

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000714 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en attente ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir toutes d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A009000722 

 Les Atheniens, comme la pluspart des hommes de ce temps-là, reconnoissoyent plusieurs dieux, mais en fin ils confessoyent qu'entre tous ceux-là il y en avoit un qu'ils ne connoissoyent point..

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Le grand Apostre donc print sujet de cette inscription pour leur faire une excellente predication, leur donnant à entendre avec des termes admirables quel estoit ce Dieu qu'ils ignoroyent encores.

  A009000725 

 Si nous avons des larmes, pleurons tout simplement, car nous ne les sçaurions jetter pour un plus digne sujet; mais ne nous arrestons pas là, passons à des considerations plus utiles selon que le requiert le patir de nostre Sauveur..

  A009000726 

 Ce qui arriva tant en la personne de plusieurs d'entre eux, comme en la conversion des Apostres et des autres disciples qui estoyent leurs enfans.

  A009000726 

 Qui eust jamais pensé que des paroles si saintes eussent esté prononcées par la miserable bouche d'un si meschant homme qu'estoit Pilate? Pourtant elles furent tres veritables, et Nostre Seigneur les confirma pour telles en sa Passion, ainsy que nous verrons en la suite de nostre discours.

  A009000728 

 Ils se servirent malheureusement de leur franc arbitre contre la volonté divine, c'est pourquoy ce franc arbitre a esté fait serf des peines infernales pour jamais.

  A009000728 

 Mais il faut confesser que les hommes ont un sujet d'une consolation inexplicable en cette Mort et Passion de Nostre Seigneur; car si bien il est le Sauveur des Anges il n'est pas pourtant leur Redempteur, mais ouy bien des hommes.

  A009000728 

 O combien cecy est veritable! Il est Sauveur non seulement des hommes mais [268] aussi des Anges.

  A009000729 

 O que cette rayson est puissante pour nous faire dedier totalement au service de cet amour celeste duquel nous avons esté si cherement favorisés, et si je l'ose dire, au dessus des Anges mesmes..

  A009000729 

 Or, Nostre Seigneur possede une vie non commune et petite, mais une vie surabondante, à fin qu'un chacun des hommes y participast et vescust de la mesme vie, qui est celle de la grace, toute parfaite et tout aymable.

  A009000730 

 Mon Dieu, que ces parolles sont admirables! Considerez, je vous prie, la douceur du cœur de nostre Maistre, et voyez comme la charité recherche des artifices pour parvenir au but de sa pretention qui est la gloire de Dieu et le salut du prochain.

  A009000730 

 Voyons maintenant comme Nostre Seigneur se monstra veritablement Sauveur et Redempteur des hommes en sa Mort et Passion.

  A009000731 

 Et pour cela, plusieurs font leur testament en pleine santé craignant que l'effort des douleurs mortelles ne leur oste le moyen de manifester leurs intentions à leur trespas.

  A009000733 

 Puis il fit son testament, manifestant ses dernieres volontés sur la croix un peu avant que de mourir, à fin qu'un chacun des hommes qui devoyent estre ses coheritiers au Royaume de son Pere celeste fussent grandement bien instruits, tant de ce qu'ils devoyent faire comme de l'affection incomparable qu'il avoit pour eux.

  A009000734 

 Mais maintenant il en donne un exemple du tout inimaginable: il excuse ceux-là mesme qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire que son Pere leur pardonne, et cela en l'acte mesme du peché et de l'injure.

  A009000735 

 Mais pourtant plusieurs ne rendirent pas sur l'heure mesme leur vie par leur conversion, ains porterent le coup de ces divines sagettes des remords interieurs jusques à la Pentecoste, jour auquel, en la premiere predication de saint Pierre, se convertirent bien trois mille personnes, entre lesquelles estoyent indubitablement plusieurs de ceux qui se trouverent à la mort de nostre Sauveur; conversion [272] qui appartenoit au merite de cette tant admirable priere qu'il fit à son Pere celeste en l'acte mesme des injures et meschancetés que ses ennemis luy faisoyent souffrir..

  A009000735 

 Nostre divin Maistre avoit obtenu de son Pere celeste qu'il envoyast des hauts lieux plusieurs traits et sagettes dans les cœurs de ceux pour qui il prioit; ce qu'il fit tout ainsy qu'il avoit desiré.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000738 

 Mais il faut remarquer en passant que l'un des larrons se convertit et l'autre non.

  A009000738 

 Nous autres, dit le bon larron, sommes tres justement punis de nos mesfaits, car nous avons tousjours esté meschans et malheureux, ayans commis des grandes voleries: il confessa ainsy ses pechés.

  A009000739 

 La tres sainte Vierge l'a esté d'une façon toute particuliere au dessus de tous autres, car elle ne fut pas [274] seulement preservée de peché tant originel qu'actuel, mais elle fut aussi preservée de l'ombre d'iceluy, ne commettant pas mesme des imperfections pour petites qu'elles peussent estre..

  A009000740 

 Les Martyrs ont esté penitens en respandant leur sang dans lequel ils ont esté lavés comme dans un bain de penitence; tous les tourmens qu'ils ont soufferts n'ont esté que des actes de penitence.

  A009000740 

 Tous sans exception ont eu besoin du merite du sang respandu par Nostre Seigneur, lequel, comme je crois, jettoit des odeurs et des parfums si excellens, tant devant la Majesté du Pere eternel que devant les hommes, qu'il estoit presqu'impossible qu'il ne fust reconneu pour estre le sang non d'un homme seulement, mais d'un homme Dieu..

  A009000741 

 Il m'est advis que ce sang tres sacré estoit comme l'encens lequel estant jetté dessus le feu respand de toutes parts autour d'iceluy sa fumée odoriferante, voire exhale cette fumée en haut; ainsy le sang de Nostre Seigneur distillant de son corps tres sacré en terre jusques à la derniere goutte, jettoit des parfums de tous costés.

  A009000742 

 Regardant donques de ses yeux pleins de compassion sa tres benite Mere, qui estoit debout au pied de la croix avec son bien aymé disciple, il ne luy voulut pas donner la grace ou la demander pour elle, car elle la possedoit desja fort excellemment, ni moins luy promettre la gloire, car elle en estoit toute asseurée; mais il luy donna une certaine union de cœur et amour tendre pour le prochain, cet amour des uns pour les autres qui est un don des plus grans que sa bonté fasse aux hommes..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000745 

 Elle demeura donc, cette tres glorieuse Mere, ferme, constante et parfaittement sousmise au bon playsir de Dieu, qui avoit decreté que Nostre Seigneur mourroit pour le salut et redemption des hommes..

  A009000747 

 Le doux Sauveur de nos ames [277] voulut qu'on le nommast Jesus de Nazareth pource que Nazareth est interpreté ville fleurie ou fleurissante; et luy mesme, au Cantique des Cantiques, avoit voulu estre appellé la fleur des champs et le lys des vallées.

  A009000747 

 Or, pour nous monstrer qu'il n'estoit pas seulement une fleur, ains qu'il estoit un bouquet composé de l'assemblage des plus belles et plus odoriferantes fleurs que l'on sceust rencontrer, il a voulu garder le nom de fleurissant sur l'arbre de la croix.

  A009000748 

 Ces quatre fleurs ne sont autre que quatre vertus des plus remarquables et des plus necessaires.

  A009000749 

 Quant à la premiere, Nostre Seigneur ne prattiqua-t-il pas au temps de sa Passion l'humilité la plus profonde, la plus veritable et sincere qui se puisse imaginer, ains [278] la plus inimaginable, dans tous les tourmens et abjections qu'il endura? Ne prattiqua-t-il pas cette vertu tout le temps de sa vie? Elle fut certes tres grande en ce que se pouvant faire appeller Hierosolymitain ou bien de Bethleem, ville où il estoit né et qui appartenoit à son grand pere David, il ne le voulut neanmoins pas, pour monstrer qu'il choisissoit tout au contraire des grans de ce monde, lesquels prennent les noms les plus honnorables qu'ils peuvent.

  A009000751 

 Mais quant au sentiment de cette tres sainte protection et union, il estoit retiré tout entierement en la pointe de son esprit, le reste de l'ame estant absolument delaissé à la merci de toutes sortes de peines et d'afflictions, si qu'il se print à dire: Pourquoy m'avez-vous abandonné? Durant le cours de sa vie il avoit tousjours, ou pour l'ordinaire, receu quelques consolations; il tesmoignoit aucunesfois de ressentir de la joye en la conversion des pecheurs, comme il le disoit aux Apostres; mais en sa Mort et Passion il n'en avoit aucune, tout luy servoit d'affliction, de tourment et d'amertume.

  A009000752 

 Mais quant aux Juifs qui crucifierent Nostre Seigneur, le peché qu'ils commirent fut un monstre [280] de meschanceté; et neanmoins Nostre Seigneur avoit des pensées d'amour pour eux, prevoyant les moyens qu'il leur vouloit donner pour tirer le fruit de sa sainte Passion..

  A009000752 

 Non, cette haine ne se peut trouver qu'au cœur des hommes forcenés de desespoir et de rage à cause des vehementes douleurs qu'ils souffrent; et cela fait que quelquefois ils haïssent Dieu et sont du tout incapables de l'aymer.

  A009000753 

 Je vous laisse à penser: estant attaché avec des clous sur la croix, navré dès la teste jusques aux pieds en telle sorte qu'il n'avoit qu'une seule playe qui tenoit tout au long de son tres sacré corps; ses os tout disloqués.

  A009000755 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmenteroit ses peines, neanmoins il le prit tout simplement, sans rendre nul tesmoignage que cela luy faschoit ou qu'il ne l'eust pas trouvé bon, pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre ce qui nous est ordonné quand nous sommes malades, voire quand nous serions en doute que cela pourroit accroistre nostre mal; et de mesme devons-nous faire des viandes qui nous sont presentées, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes degoustés et ennuyés..

  A009000755 

 Il dit bien voirement qu'il avoit soif, mais quoy qu'il fust tres vray, helas, il ne demanda pourtant pas à boire, car c'estoit du salut des ames qu'il estoit alteré.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000758 

 Mais plus excellente que toute autre est la quatriesme vertu, car elle est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruit de la perseverance; grande est cette vertu, et seule digne d'estre prattiquée des plus chers enfans de Dieu: c'est la tres aymable indifference.

  A009000760 

 Nostre cher Sauveur expose son ame, c'est à dire sa vie, à la cruauté des ennemis des hommes, pour les defendre de tous malheurs et leur redonner la paix qu'ils avoyent pour jamais perdue par le peché.

  A009000771 

 Les Apostres et les disciples de Nostre Seigneur, comme des enfans sans pere et des soldats sans capitaine, s'estans retirés dans une mayson tout craintifs qu'ils estoyent, le Sauveur s'apparut à eux pour les consoler en leur affliction et leur dit: Paix vous soit.

  A009000771 

 Si j'ay du temps je traitteray de ces trois sortes de paix, mais du moins parleray-je des deux premieres..

  A009000772 

 Les Iraëlites ayans quitté l'observance des commandemens de Dieu et s'estans departis de sa grace, le Seigneur justement indigné contre eux, les laissa, en punition, tomber entre les mains des Madianites, leurs ennemis jurés; partant il leur osta sa paix en laquelle il les avoit tousjours tenus tandis qu'ils avoyent esté fidelles.

  A009000773 

 Grand cas de la tromperie du monde et des hommes qui croyent que là où est Nostre Seigneur l'affliction et la peine n'y peut estre, ains que la consolation y abonde tousjours.

  A009000774 

 Ce que Gedeon fit tout promptement, et ayant tué le chevreau et l'ayant accommodé avec une bonne sauce, print de la farine et fit des tourtes cuites sous la cendre.

  A009000779 

 Vous sçavez que ma grandeur ne consiste point en la possession des biens de la terre, puisque je n'en ay point eu tout le temps de ma vie; mais pour toutes richesses j'ay la paix, qui est le legat eternel que je vous ay fait en me departant d'avec vous et lequel je vous reconfirme encores.

  A009000786 

 Car, d'où vient, je vous prie, [293] tant de pauvreté que plusieurs souffrent, sinon des miserables pretentions que les autres ont d'accroistre leurs biens et d'estre riches, quoy que ce soit aux despens du prochain? Les uns ont trop et les autres n'ont rien.

  A009000786 

 Qu'est-ce qui ruine la paix, sinon les proces, les ambitions, les desirs des honneurs, des dignités, des preeminences? Si la paix estoit entre les hommes l'on ne verroit point de telles miseres.

  A009000787 

 Que craindroyent-ils? de quoy auroyent-ils peur? Des lions? Nullement; car, comme nous disions tout à cette heure, ils auroyent suffisamment d'industrie en eux mesmes pour eviter leur rage et celle de tous les autres animaux, pour brutaux qu'ils puissent estre..

  A009000788 

 Saint Thomas ne receut pas cette faveur qu'il ne fust retourné en l'assemblée des autres Apostres.

  A009000789 

 L'esprit n'a pour toutes ses forces que trois soldats qui combattent pour luy, et lesquels encores font à tous propos des faux bonds et des cheutes en la fidelité qu'ils doivent à leur capitaine, se rangeant du costé de la chair pour combattre pour elle contre l'esprit mesme qui est leur maistre..

  A009000790 

 Le monde, le diable et la chair ayans bandé toutes leurs forces contre luy ne peuvent aucunement l'espouvanter; ils brouilleront bien quelque chose, se servant des autres facultés de l'ame, mais pourtant, en vertu de la paix que Nostre Seigneur nous a acquise, ils ne sçauroyent nullement luy nuire.

  A009000790 

 Or, si ces soldats estoyent fideles, l'esprit n'auroit aucune crainte, ains il se moqueroit de ses ennemis, comme font ceux qui, ayans des munitions suffisantes, se trouvent au donjon d'une forteresse imprenable; et ce, bien que les ennemis soyent aux fauxbourgs, voire que la ville fust prinse, ainsy qu'il arriva en la citadelle de Nice, devant laquelle les forces de trois grans princes n'estoyent pas capables d'estonner ceux qui estoyent au donjon.

  A009000791 

 Ce sont les vrayes armes des Chrestiens que la paix; avec icelle ils demeureront victorieux en tous combats.

  A009000791 

 Lors que l'entendement se tient ferme en la croyance des choses que la foy nous enseigne ou que Nostre Seigneur nous a apprises, il a une force incomparable au dessus de celle de la chair, laquelle n'est que foiblesse au prix de celle là.

  A009000792 

 Nul ne peut douter que nostre cher Maistre n'ayt dit: Bienheureux les pauvres et ceux qui souffrent persecution; et l'entendement, au lieu de demeurer fermement attentif à cette verité, va recevoir la suggestion que la chair luy represente qu'il faut avoir des biens et beaucoup, à fin de luy donner ses ayses et commmodités: voyla quant et quant la guerre.

  A009000793 

 La perte des Anges et des hommes est venue de là.

  A009000794 

 Au lieu de l'arrester et attacher à se conduire en tout selon que Nostre Seigneur nous l'a enseigné, nous nous servons des considerations de la sagesse humaine laquelle nous represente qu'il faut bien estre discret, et moderer les choses selon la prudence pour que tout aille bien.

  A009000796 

 Donques le premier sujet qui cause en nous la guerre et qui en chasse la paix n'est autre chose que le manquement de [298] foy et d'asseurance ès parolles de Nostre Seigneur, et la facilité avec laquelle nous escoutons la multitude des raysons de la prudence humaine..

  A009000797 

 La pluspart des troubles que nous avons en nostre ame viennent dequoy l'imagination de la chair presente des souvenirs à l'imagination de l'esprit, lesquels estans receus par nostre memoire, nous nous laissons aller à de vaines craintes de n'avoir pas assez de cecy et de cela, au lieu de nous occuper à nous resouvenir des promesses que Nostre Seigneur nous a faites, et ainsy demeurer fermes en cette confiance que tout perira plustost que ces promesses viennent à manquer, et partant les inquietudes arrivent.

  A009000798 

 C'est grand pitié du desgat que ce manquement de paix fait en l'ame; au lieu que nous jouirions d'un grand repos si la memoire demeuroit ferme au souvenir des promesses divines qui nous asseurent non seulement de la fidelité de Dieu, mais encor de son soin tendre et amoureux pour tous ceux qui se confient en luy et ont logé en sa bonté toutes leurs esperances.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 Bref, nostre volonté est si pleine de pretentions et de desseins que bien souvent elle ne fait rien que s'amuser à les regarder l'un apres l'autre, ou bien tous à la fois, au lieu de s'occuper à en faire reussir quelques uns des plus profitables..

  A009000799 

 La chair a des ruses nompareilles pour vaincre l'esprit et l'attirer à ses bestiales inclinations; mais le principal ennemy de la volonté et ce qui la fait estre si lasche que de quitter l'esprit qui est comme son tres cher espoux, c'est la multitude des desirs que nous avons de cecy et de cela.

  A009000803 

 Ils se vantent de dormir d'un bon repos, comme s'ils possedoyent la paix, mais en fin ils se trouvent bien trompés à leur resveil, se voyant environnés de mille troubles qui sont pres de les precipiter en la mer des tourmens eternels, s'ils ne se repentent et ne se retournent du costé de la divine Bonté pour implorer sa misericorde sur eux, à fin de pouvoir par leur contrition, recouvrer la grace qu'ils ont perdue emmi leur paix et tranquillité.

  A009000803 

 L'autre barque dont je vous parle et qui represente la paix des enfans du monde, est celle où estoit Jonas.

  A009000804 

 Les enfans de la paix font une continuelle guerre à la chair qui leur cause des attaques tres violentes, laquelle n'a pourtant pas le pouvoir de troubler leur repos, non plus que le diable et le monde, ainsy que nous avons desja dit..

  A009000804 

 Mais beaucoup plus vraye et plus grande est celle que possedent [302] ceux qui ne vivent pas seulement selon les commandemens, ains en l'observance des conseils et selon la regle de la vertu, car la vraye paix se trouve en la parfaite mortification.

  A009000805 

 Elle a des ruses estranges pour dresser des embusches à nostre esprit; mais si nous nous tenons fermes dans le donjon, accompagnés des trois soldats dont nous avons parlé, nous serons tousjours les plus forts et possederons la vraye paix qui nous tient contens emmi les injures, les mespris, les afflictions, les contradictions et en fin emmi tout ce qui nous arrive de contraire à la nature..

  A009000806 

 Il faut que je vous raconte sur ce sujet un bel exemple que je lisois l'autre jour dans les Vies des Peres nouvellement recueillies.

  A009000807 

 Ne voyez-vous pas qu'en l'eschelle de Jacob il y avoit des eschellons par lesquels il failloit monter de l'un à l'autre jusques à tant que l'on fust au haut bout auquel on rencontroit la poitrine du Pere celeste? Et avant que d'aller succer ses divines mammelles il faut monter de degré en degré, car la perfection que vous desirez ne se trouve pas toute faite.

  A009000808 

 O Dieu, dit le pauvre garçon, quoy, n'est-il pas encores fait? faut-il encores recommencer? est-il requis de faire si souvent des noviciats? trois ans ne suffiront-ils pas? Helas, je pensois estre parfait en le voulant, et cependant il y a encores tant à faire! Apres qu'il eut bien fait ses plaintes, le bon maistre ne s'en estonnant pas beaucoup, commença à l'encourager disant que puisqu'il avoit desja tant fait il failloit poursuivre, que la perfection estoit un si grand bien qu'il ne failloit pas regretter la peine ni le temps que l'on employe à l'acquerir..

  A009000809 

 Ce qu'il promit d'accomplir, et le fit fort fidellement, bien qu'il ne manquast pas d'exercice; car le bon Pere donna le mot du guet aux Religieux pour l'esprouver comme il failloit, si qu'à tous propos il estoit en peine de faire des presens, d'autant que les mespris, mortifications et humiliations ne luy manquoyent point..

  A009000809 

 La prattique que le Pere luy recommanda fut de recevoir si bien les mortifications, mespris, corrections et humiliations que jamais il ne manquast de faire quelque service ou quelque present à ceux qui les luy procureroyent, et cela tout promptement; et s'il n'avoit rien autre chose à donner, qu'il fist des bouquets pour leur presenter, ou des stolles, ou telles et semblables choses.

  A009000810 

 Le Pere donques le fit tout barbouiller et le mena dans une ville qui estoit proche de là, à la porte de laquelle il y avoit des soldats qui n'avoyent pas autre chose à faire qu'à [305] regarder les passans et prendre d'eux sujet de rire, de maniere que si tost qu'ils virent ce pauvre jeune homme ils commencerent à se mettre apres luy: qui le brocardoit de parolles, qui venoit jusques aux coups, d'autres l'injurioyent; bref, ils s'en jouoyent tout ainsy que s'il eust esté fol.

  A009000811 

 L'un des soldats retournant en fin son esprit sur la contenance de ce pauvre novice, plein d'estonnement, se print à l'interroger, luy demandant comment il pouvoit rire (il ne rioit pas d'un grand ris, ains se sousrioit seulement), ne comprenant pas qu'un homme peust demeurer aussi insensible aux injures comme il le sembloit estre.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000819 

 En la primitive Eglise on celebroit la feste d'aujourd'huy fort solemnellement, parce que c'estoit la feste des nouveaux convertis et catechisés; c'est pourquoy on l'appelle le Dimanche blanc, d'autant que les nouveaux baptizés se revestoyent à tel jour de robes toutes blanches.

  A009000819 

 Jadis, en l'ancienne Loy, l'on n'avoit pas accoustumé de faire feste à la naissance des enfans, comme on fait en beaucoup de lieux, ains seulement quand on les sevroit, ainsy que nous apprenons en l'histoire d'Abraham, lequel ne fit pas de festin à la naissance d'Isaac son cher fils, ains au jour qu'on le retira de la mammelle et qu'on le sevra.

  A009000820 

 Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés [308] à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent, nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizés..

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000821 

 En effect, ils ne se contentent pas de renouveller les vœux, à sçavoir les promesses d'observer les commandemens de Dieu, ains se resolvent d'entreprendre la prattique des conseils de Nostre Seigneur et de vivre selon la perfection du saint Evangile.

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000823 

 Lors que nous venons en Religion l'on ne nous amorce point par les promesses des consolations, comme fait le monde quand il veut attirer quelqu'un à sa suite; l'on ne nous fait point d'offre de biens terrestres, ni des honneurs, grandeurs ou dignités, ains des humiliations, des abjections, et au lieu des consolations on nous presente des mortifications.

  A009000823 

 Nonobstant tout cela, nous ne laisserons pas de nous venir ranger sous l'estendart de vostre sainte protection, estans tres asseurées que puisque vostre Bonté nous a appellées à cette maniere de vie plus parfaite que la commune des mondains, voire de ceux qui font profession de vivre tres chrestiennement dans le monde, vostre mesme Bonté nous fortifiera et nous baillera la grace de bien faire ce que nous entreprenons aujourd'huy pour la gloire de vostre saint nom et pour le salut de nos ames; car nous croyons fermement que, selon la parolle de vostre saint Apostre, si nous mourons avec vous en cette vie, nous ressusciterons avec vous en la gloire..

  A009000824 

 C'est une chose des plus necessaires pour nostre salvation que de faire de saintes conversations en cette vie, car, à dire vray, nous sommes quasi pour l'ordinaire tels que ceux que nous aymons et pratiquons..

  A009000825 

 C'est grand cas des personnes libertines et qui ne veulent point avoir d'autres lois que celles que la propre volonté leur dicte.

  A009000825 

 Incredulité tres grande! Malheur qui ne luy arriva que pource qu'il avoit quitté la conversation tres sainte des Apostres et de Nostre Dame mesme, pour aller vagabond à la promenade, sous pretexte de quelqu'affaire qui n'estoit pas sans doute si necessaire qu'elle ne peust bien estre remise jusques apres le temps que Nostre Seigneur leur avoit marqué, auquel ils le devoyent voir ressuscité.

  A009000825 

 L'on en voit une grande quantité lesquelles n'ont nulle affaire tout au long de la journée, mais si ce vient l'heure de la sainte Messe ou du sermon, il n'y a rien de si affairé qu'elles sont, et pour des choses si pressantes qu'elles ne se peuvent remettre..

  A009000825 

 Voyez, je vous prie, le pauvre saint Thomas aujourd'huy (et j'entre par icy dans le sujet de l'Evangile): il s'estoit absenté de la compagnie des Apostres pour aller se promener, promenade et séparation qui luy cousta cher.

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000831 

 Nostre Seigneur tout bon et tout misericordieux, ne pouvant plus souffrir que cette chere brebis de son troupeau demeurast errante et vacillante en la foy, vient tout doux et debonnaire trouver saint Thomas en presence des autres Apostres, et apres les avoir salués selon son [313] accoustumée, disant: Paix vous soit, il s'addresse au plus malade de tous.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000841 

 Des langues comme de feu leur apparurent,.

  A009000847 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste des presens et du don des dons qui est le Saint Esprit, lequel fut envoyé du Pere et du Fils sur les Apostres, sous la forme et figure de langues de feu.

  A009000848 

 Il les renvoya tous-jours chargés de blé et de viandes; mais lors qu'on luy amena le petit Benjamin, il les renvoya non pas comme auparavant, chargés de grains et de vivres donnés par mesure, ains accompagnés de riches dons, avec des chariots remplis de tout ce qu'ils pouvoyent desirer.

  A009000849 

 Et pour preuve de cette verité, escoutez ce qu'il dit luy mesme à sa bien-aymée au Cantique des Cantiques: Ouvre-moy, mon espouse, ma sœur. Il l'appelle mon espouse à cause de la grandeur de son amour, et ma sœur pour tesmoigner la pureté de son affection.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000849 

 Ouvre-moy, dit-il, mais ouvre-moy vistement, car j'ay mes cheveux t ous pleins de la rosée, et les flocons de ma cheveleure pleins des gouttes de la nuit.

  A009000852 

 Certes, nous ne sçaurions assez remercier Dieu de ce qu'il a fait ce singulier present à son Eglise, à cause des biens qui en resultent.

  A009000854 

 Le don de crainte est le plus universel, car nous voyons que les meschans mesme ont de la crainte et frayeur entendans parler de la mort, du jugement et des peines eternelles.

  A009000857 

 Aristote a fait un traitté admirable des vertus, lequel nonobstant cela, ne laisse pas de brusler en enfer, parce qu'ayant reconneu le chemin de la vertu il ne l'a pas voulu suivre.

  A009000857 

 Plusieurs des anciens philosophes ont bien sceu faire cette distinction.

  A009000858 

 Il n'avoit pas le don de force, combien qu'on le luy attribue pour ses conquestes; sa force consistoit en des balles de plomb qui fracassoyent les murailles des villes et abattoyent les chasteaux.

  A009000859 

 Au contraire, nostre grand Apostre semble vouloir subjuguer et parcourir toute la terre pour renverser non les murailles mais les cœurs des hommes, et les sousmettre à son Maistre par sa predication; et non content de cela, voyez, je vous prie, le pouvoir qu'il a sur soy mesme, debellant et assujettissant ses affections et passions à la regle de la rayson, et le tout à la tres sainte volonté de la divine Majesté.

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000860 

 Que sçay-je moy, si en telle occasion il ne sera point plus expedient que je ne prattique la patience sinon interieurement et non pas exterieurement, ou bien si je dois joindre l'une avec l'autre? Il faut donques avoir le don de conseil à fin de suivre l'exercice que le don de force et de courage nous a fait commencer, et pour que nous ne nous trompions point nous mesmes, choisissant les vertus selon nos inclinations et non selon nostre necessité, regardant seulement à l'escorce et non point à la vraye essence des vertus..

  A009000861 

 Apres le don de conseil vient celuy d' entendement, lequel nous fait penetrer les mysteres de nostre foy par le moyen des meditations, et choisir les maximes de la perfection interieure au fond de ces mysteres.

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000862 

 Ainsy, faisant tout au contraire des gens du monde, qui estiment bienheureux les riches, ceux qui sont honnorés et qui vivent delicieusement, elle tient pour bienheureux les pauvres d'esprit, puisqu'elle a trouvé cette vertu dans le cœur de Dieu mesme; bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui portent et font paroistre dans leur exterieur la mortification procedante de l'interieure renonciation et mespris de tout ce dont le monde fait estat..

  A009000862 

 Or, le Saint Esprit n'a pas accoustumé de laisser l'ame à laquelle il a bien voulu octroyer ces six dons que nous venons d'expliquer, sans y adjouster celuy de sapience, c'est à dire de la «savoureuse science,» luy donnant un goust, une saveur, une estime, bref un [321] contentement en la prattique des maximes de la perfection chrestienne qu'elle a reconneues par le don d'entendement.

  A009000863 

 Il veut entendre que la beauté des cieux et du firmament convie les hommes à admirer la grandeur du Createur et à prescher ses merveilles.

  A009000863 

 Je finis par cette consideration que tous ceux qui estoyent dans le cenacle receurent le Saint Esprit et parloyent tous selon que le mesme Saint Esprit leur donnoit; mais non pas tous d'une mesme façon, n'ayans pas tous esté commis pour prescher l'Evangile comme saint Pierre et les autres Apostres; car nous ne pouvons pas nier qu'il n'y eust des femmes, puisque l'Evangeliste escrit qu' ils estoyent six vingts avec Nostre Dame et les autres femmes.

  A009000864 

 Le bon exemple est une predication muette, et si bien nous n'avons receu le don des langues pour prescher, nous pouvons neanmoins le faire tousjours en cette sorte.

  A009000869 

 Puis apres, sentant la main puissante de Dieu qui le deslioit, il poursuit avec ces paroles qui sont du Psalme CXV: Dirupisti vincula mea; O Seigneur, vous m' avez deslié des liens de mes pechés, et que feray-je en reconnaissance d'une telle faveur? Je vous sacrifieray un sacrifice de louange, je boiray le calice de vostre salutaire et invoquer ay le nom du Seigneur.

  A009000870 

 J'estois, escrit-il, lié et enchaisné des chaisnes et liens d'une maudite volupté, avec une volonté enferrée qui faisoit que de mon plein gré je me vautrois dans mes vicieuses habitudes..

  A009000871 

 Le diable a des liens et cadenes par lesquels il tient les hommes enchaisnés et les rend ses esclaves et sujets.

  A009000871 

 Les theologiens, parlans des liens dont les hommes sont liés, disent qu'il y en a de trois sortes.

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000873 

 Les liens d'or sont des liens d'amour et dilection desquels Nostre Seigneur lie plusieurs ames et les rend ses sujettes et esclaves, mais d'un esclavage doux et grandement amoureux.

  A009000873 

 Mais Dieu a aussi des liens, des ceps et cadenes desquels il enchaisne ses serviteurs: les uns sont de fer et les autres d'or.

  A009000874 

 Il failloit, comme il dit luy mesme, vostre main toute puissante, o Seigneur, pour me deslier de ces liens et pour m'arracher des griffes de mon ennemy, entre lesquelles je m'estois volontairement jetté.

  A009000875 

 Il estoit un grand orateur et faisoit des oraisons de rhetorique à merveille, d'où vient qu'il se faisoit ainsy redouter, car on ne l'osoit approcher ni entrer en dispute avec luy, crainte d'en sortir confus.

  A009000876 

 Il fait la roue et esparpille ses plumes; mais quelles sont ses œuvres? Il ne s'amuse qu'à des niaiseries; il se nourrit de mouches et de moucherons, et pour cela l'artisan n'en nourrit point, d'autant qu'outre qu'il est inutile en sa maison, il y apporte du dommage, car il monte sur le toit et le descouvre pour chercher des araignes.

  A009000876 

 Les aigles, au contraire, qui n'ont point cette beauté en leur plumage et cette apparence exterieure, font neanmoins des œuvres plus nobles et solides.

  A009000876 

 On ne les voit presque jamais sur terre, ains elles se guindent tousjours en haut; aussi les naturalistes disent que c'est le roy des oyseaux, non à cause de sa beauté mais pour sa generosité..

  A009000877 

 Au contraire, les bons esprits font des œuvres bonnes et solides et ne s'enflent point, ains deviennent plus humbles et rabaissés.

  A009000877 

 Et que faire à cela? Les beaux esprits sont sujets à telles vanités et folies; mais un bon esprit fait, comme j'ay dit, des œuvres bonnes et solides, ne s'enfle ni glorifie point, ains se tient tousjours bas et humble.

  A009000877 

 Il en est tout de mesme des beaux et des bons esprits.

  A009000877 

 Les uns estans vains, ne s'amusent qu'à des vaines imaginations, et pour peu qu'ils fassent deviennent enflés à merveille.

  A009000878 

 (Il n'estoit pas de grande extraction, mais ouy bien d'une bonne famille, quoy que pauvre. Il avoit des freres et des sœurs; il confesse luy mesme et n'a point honte de le declarer, qu'il fut entretenu aux estudes par un gentilhomme. O Dieu, cela ne se diroit pas par un homme de nostre temps!) Or, il estoit avaritieux.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000881 

 O Dieu, comme apres sa conversion ce glorieux Saint estoit contrit et humilié, combien rabaissé et plein de reconnoissance des graces qu'il avoit receuës de la souveraine Bonté! Avec quel ressentiment de dilection s'escrioit-il: Que rendray-je au Seigneur pour tant de biens qu'il m'a faits? Puis, cherchant en soy avec un esprit tout plein d'une humble et amoureuse gratitude, il disoit: Je luy sacrifieray un sacrifice de louange..

  A009000883 

 Mais saint Augustin ne dit pas simplement qu'il chantera ses louanges, ains qu'il luy sacrifiera un sacrifice de louange, pour monstrer qu'il n'entend pas seulement parler de ceux qui, comme le commun du peuple, louent Dieu, ains d'une sorte de gens comme ceux qui en ont receu des graces particulieres.

  A009000884 

 Ailleurs, descrivant la beauté de cette Sulamite, il conclut en fin: Ma bien-aymée est telle qu'elle blesse mon cœur; elle ressemble à des chœurs et à des armées.

  A009000884 

 C'est ce que le divin Espoux a signifié lors que parlant de l'Espouse au Cantique des Cantiques, il dit: Ma bien-aymée, ma mie qui est parmi vous et que vous connoissez, laquelle s'est donnée toute à moy, ne prend playsir qu'à me louer et me repaistre des fruits de son jardin; et non contente de m'en donner les fruits, elle me donne encores l'arbre.

  A009000884 

 Et qui est cette Sulamite sinon l'ame devote? Qu'est-ce que des chœurs sinon des lieux designés pour chanter les louanges divines? Donc, l'ame devote qui s'essaye de louer et glorifier Dieu ressemble à des chœurs.

  A009000884 

 Mais le divin Espoux ne se contente pas de cela, ains dit encores qu'elle ressemble à des armées.

  A009000885 

 Cette douce Sulamite donques est semblable à des chœurs et à des armées, car elle accompagne ses louanges d'affection et ses affections de louange; elle donne les fruits de son jardin lors quelle loue, et l'arbre, lors qu'elle unit aux louanges ses affections amoureuses; [330] et avec cette belle varieté elle va, comme une armée celeste, mettant en fuite les ennemis de Dieu, qui ne taschent rien tant sinon d'empescher ce saint exercice.

  A009000886 

 Il estoit si devot à cette divine grace qu'il ne se pouvoit rassasier non seulement de l'exalter, mais encores de parler et escrire à sa louange; il refute d'une eloquence admirable ces heretiques qui en nient l'efficacité, et par ses escrits et disputes demontre que leurs doctrines sont des resveries.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000888 

 Ce sont les discours des mondains.

  A009000888 

 Le chant des Religieux n'est pas si haut que celuy des autres, mais il est plus melodieux; ils ressemblent aux oyseaux qui sont dans des cages pour recreer leur maistre par leur gazouillement..

  A009000889 

 Il y a deux sortes d'oyseaux dans les maysons des grans: les uns ne chantent pas et les autres chantent.

  A009000890 

 On raconte qu'un jour un grand seigneur acheta un petit oyseau qui cousta cinq cent septante escus; c'estoit une grande somme et il y en avoit suffisamment pour acheter des chevaux.

  A009000891 

 L'on en peut dire autant des ames qui se sont enfermées dans les cloistres, lesquelles, comme des petits oyseaux, recreent leur Maistre par la melodie de leurs chants; elles quittent leur liberté, qui est la vie de l'ame, pour vivre en prison, et se privent de toutes sortes de contentemens pour le resjouir par leurs prieres, souspirs et continuelles meitations.

  A009000893 

 Il y a des hommes qui sont mesconnoissans des graces et faveurs qu'ils ont receues; cette ingratitude reside quelquefois en l'entendement, et fait qu'ils ne voyent point le devoir qu'ils ont à ceux qui leur font du bien.

  A009000894 

 O Dieu, que c'est un vice espouvantable que cette ingratitude! Saint Augustin n'en estoit nullement entaché, mais au contraire il se sentoit tellement redevable à ce bien aymé Sauveur de nos ames qui l'avoit deslié des liens de ses pechés et vicieuses habitudes, qu'il se perdoit en la consideration de l'amour qu'il portait à son souverain Bienfacteur et Liberateur.

  A009000894 

 Souvent en ses meditations son ame se fondoit d'amour pour Celuy qui luy avoit fait de si grandes misericordes; voire, il fut tellement enivré des douceurs et suavités de cet amour, que, comme en ce qui est de la theologie il partage la gloire avec saint Thomas, aussi la partage-t-il avec saint Bernard en ce qui est de la dilection sacrée.

  A009000895 

 Cela est bon quand il vient de Dieu, et saint Augustin l'a experimenté, à ce qu'il confesse luy mesme avec une grande sincerité lors qu'il dit: O Dieu, Jesus, Jesus, vous me desliiez des liens de mes pechés, mais à mesme temps vous me reliiez et menottiez avec ces liens, ces cadenes d'amour et de dilection.

  A009000895 

 O Dieu, que c'est une grande suavité! On sent des presseures de cœur, des sentimens d'amour que le Saint Esprit donne comme grains sucrés ainsy qu'à des petits enfans pour nous attirer.

  A009000898 

 Il souffre des travaux et des peines, il endure des injures et calomnies.

  A009000899 

 Combien pensez-vous qu'il souffrit lors qu'il rembarra les heresies des Manicheens, des Donatistes et autres Africains? O Dieu, ce ne fut pas sans grand travail et peine.

  A009000899 

 Mais certes, l'amour effectif franchit tout cela et quitte ses propres humeurs pour se conformer en tout et par tout à celles des autres..

  A009000902 

 Ce glorieux Saint fut mesme tenté du desir d'operer des miracles en faveur de ce prochain, tant il souhaitloit de luy faire du bien et de l'ayder en ses miseres.

  A009000904 

 Pour vous laisser suivre vostre Office, je finiray donques en vous disant: Que Celuy qui a beni ce glorieux Saint vous benisse, que Celuy qui l'a sanctifié vous sanctifie, et que Celuy qui l'a glorifié vous glorifie là haut, par tous les siecles des siecles.

  A009000910 

 Ce n'est pas pour cela qu'Adam ne soit le chef absolu des deux sexes; oh non, mais Eve participe en quelque façon à la gloire qu'il en reçoit..

  A009000910 

 Lors que Dieu crea Adam il le fit pere de tout le genre humain, des hommes et des femmes esgalement; neanmoins il crea la femme, que nous appelions nostre mere Eve, qui est comme la capitainesse du sexe feminin.

  A009000911 

 Ce n'est pas que Moyse ne fust gouverneur et conducteur de toute l'armée esgalement, des femmes comme des hommes; neanmoins Marie sa sœur participoit à cette gloire, d'autant qu'elle estoit comme la conductrice de celles de son sexe.

  A009000911 

 Mais l'Escriture sacrée remarque qu'en ce mesme temps Marie sa sœur chantoit le mesme cantique avec celles de son sexe, comme capitainesse et chef d'iceluy, ayant aussi des fifres et flageolets.

  A009000913 

 Elle fut encores en cela l'exemple des filles qui se consacrent à la divine Majesté.

  A009000913 

 Puis elle fut mariée, pour estre le mirouer des mariés, et en fin vefve.

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000917 

 Le predicateur exhortoit vivement le peuple à ne point s'arrester à ses pompes et vanités, disant: Je vous prie, mes tres chers freres, de ne vous point attacher au monde de cœur ni d'affection, car le ciel et la terre passeront, et tout ce qui se trouve en iceux; ce qu'il vous presente n'a qu'un peu d'apparence, mais certes, ce ne sont que des fleurs qui passent et sont ja toutes fletries.

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Plusieurs entrent en des monasteres qui ont leur affection aux honneurs, dignités, preeminences, surestime et playsirs du monde, et ce qu'ils ne peuvent posseder en effect ils le possedent de cœur et de desir.

  A009000919 

 Voyez-les à l'entour de son berceau, et oyez comme tout esmerveillés de la beauté de cette Dame ils dient ces paroles du Cantique des Cantiques: Qui est celle-cy qui monte du desert comme une verge de fumée sortant de la myrrhe, de l'encens et de toutes sortes de parfums odoriferans? Puis, la considerant encores de plus pres, ravis et hors d'eux mesmes ils poursuivent leur admiration: Qui est celle-cy qui chemine comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme un [345] bataillon de soldats rangés? Cette fille n'est pas encor glorifiée, mais la gloire luy est promise; elle l'attend non en esperance comme les autres, mais en asseurance.

  A009000920 

 Quand il donne sa grace à une ame il la luy donne pour tousjours et ne la luy oste jamais si celuy à qui il l'octroye ne la veut perdre luy mesme; ainsy en est-il des autres dons, qui ne nous sont point ostés si ce n'est par nos demerites.

  A009000922 

 Aristote dit que les abeilles naissent comme des petits vers, puis il leur vient des aisles et en fin elles deviennent abeilles; mais leur roy ne naist pas en cette sorte, ains il naist comme roy.

  A009000922 

 Nous autres sommes de pauvres gens, nous naissons en la plus grande misere qui se puisse voir, car nous sommes comme des bestes qui n'avons en nostre enfance ni discours ni rayson.

  A009000922 

 Nous sommes certes comme des mouches, nous naissons comme des petits vers foibles et impuissans; mais la sacrée Vierge naist comme nostre Reyne, avec l'usage de rayson, et en cette naissance elle fait desja les mesmes renoncemens qu'elle fit puis apres avec tant de perfection..

  A009000925 

 O Dieu, si Nostre Seigneur a traitté si rudement sa chair tres sainte, qui n'avoit aucune mauvaise inclination, nous qui en avons une tant desloyale, traistreuse et maligne, refuserons-nous et serons-nous lasches à la mortifier pour l'assujettir à l'esprit? Et, voyant ce que fait nostre Chef et Capitaine, serons-nous des soldats couards et foibles de courage?.

  A009000926 

 Il veut estendre ses petits bras, on les prend et on les luy replie; il veut manier ses petits pieds, et on les lie avec des bandelettes; il voudroit bien voir le jour, mais on le couvre de peur qu'il ne l'apperçoive; il veut veiller, et on le berce pour l'endormir; en somme, on le contrarie en tout.

  A009000928 

 Que veut signifier ce silence qu'elles gardent, sinon qu'elles ne doivent plus avoir de langue que pour chanter avec Moyse ce beau cantique de la divine misericorde, qui les a non seulement retirées comme des Israelites de la tyrannie de Pharaon, c'est à dire du diable qui les tenoit en esclavage et servitude, mais encores qui n'a point permis qu'elles fussent englouties dans les ondes de la mer Rouge de leurs iniquités..

  A009000929 

 Des deux autres on en vient encores à bout, mais de celuy cy il s'agit de se quitter soy mesme, c'est à dire son propre esprit, sa propre ame, son propre jugement, voire en des choses bonnes et qui mesme semblent estre meilleures que celles qu'on nous ordonne, pour s'assujettir en tout à la conduite d'autruy, c'est icy où il y va du bon.

  A009000929 

 Ne vous y trompez donques pas, car si vous venez en Religion avec vostre esprit propre, vous y aurez souvent du trouble et des convulsions, d'autant que vous y trouverez un esprit entierement contraire au vostre et qui l'ira tousjours contrepointant jusques à ce qu'il vous en ayt entierement rendues quittes.

  A009000931 

 Les devots qui sont dans le monde font en quelque maniere les deux premiers renoncemens dont nous avons parlé, mais pour celuy cy, o certes, il se fait seulement en Religion; car bien que les seculiers renoncent au monde et à la chair et qu'ils s'assujettissent en certaine façon, ils retiennent tousjours quelque chose, et tous se reservent au moins la liberté du choix des exercices spirituels.

  A009000931 

 Mais en Religion l'on renonce à tout et on s'assujettit en tout, puisqu'en quittant sa liberté on renonce absolument au choix des exercices de devotion pour suivre le train de la Communauté..

  A009000933 

 Et bien que la bonté de Nostre Seigneur soit si grande que de faire quelquefois gouster la douceur de sa Divinité, accordant quelque grace et faveur aux ames, si est-ce que pour cela nous ne nous devons point oublier des amertumes qu'il a souffert pour [353] nous en son humanité; car je l'a y dit et le diray et ne me lasseray jamais de le redire, la Religion «est un mont de Calvaire» où il se faut crucifier avec Nostre Seigneur et Maistre pour regner «avec luy.».

  A009000934 

 Estant donques tout transformé ès douleurs de Nostre Seigneur, il merita que ce divin Sauveur s'apparust à luy à l'heure de sa mort, appuyé d'un des bras sur la sacrée Vierge et de l'autre sur saint Augustin.

  A009000935 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si vous faites ce renoncement absolu du monde, de la chair et de vous mesme, et si vous vivez desormais en l'exacte observance des Regles et Constitutions qui vous ont esté données de la part de Dieu.

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000947 

 O Dieu, d'où vient qu'ils produisent si peu de fruits? car nous sommes Chrestiens, disons-nous, et comme tels nous escoutons de la voix des hommes la parole divine.

  A009000948 

 Cependant saint Hierosme, fidelle interprete de la Sainte Escriture, tient que ce fut vrayement Dieu, mais par le ministere des Anges.

  A009000948 

 Dieu a encores une autre façon de parler à ses creatures: c'est par le ministere des Anges.

  A009000949 

 Il entretient Moyse cœur à cœur et luy enseigne ce qu'il doit faire touchant la conduite des Israelites, et en tant d'autres choses desquelles il l'instruisoit si clairement et confidemment, tantost par ses Anges, comme nous avons dit, et tantost par luy mesme.

  A009000950 

 Puis aussi en d'autres endroits: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre.

  A009000951 

 Un jour le grand saint Antoine ayant receu des lettres de l'Empereur et voyant ses Religieux tout estonnés de l'honneur que ce prince luy faisoit, il les reprint en leur monstrant leur aveuglement.

  A009000953 

 Ce sont des animaux qui engloutissent la viande sans la mascher, et pour cela Dieu les rejettoit en l'ancienne Loy, comme au contraire il aggreoit ceux qui ruminent, tels que les taureaux et aigneaux lesquels luy estoyent ordinairement offerts et immolés.

  A009000953 

 O Dieu, si l'on sçavoit l'importance de ce point! Helas, il y a tant de personnes qui entendent la divine parole! mais que font-elles sinon l'engloutir comme des corbeaux, ours et lions, sans la ruminer? De là vient que tant de gens se perdent, qui pour cela sont appellés immondes et ne sont point propres pour le sacrifice.

  A009000954 

 Hé, malheureux, ne sçavez-vous pas qu'il n'est pas asseuré? Des larrons pourroyent venir vous le desrober dans cette armoire.

  A009000955 

 Certes, il se trouve des estomachs si indigestes que si tost qu'ils ont receu les alimens ils les rejettent.

  A009000956 

 Les naturalistes disent qu'il y a un animal terrestre auprès de la mer qui va si souvent s'y jetter qu'il se nourrit de ses eaux, et les conserve et digere en telle sorte par les frequentes entrées et sorties qu'il fait en icelles qu'il change en fin de nature, car luy qui estoit animal des champs devient poisson comme ceux qui vivent dans la mer.

  A009000959 

 C'estoit un pauvre homme qui n'avoit point estudié, et neanmoins il preschoit et faisoit des merveilles.

  A009000959 

 Le grand saint François fut admirable en la digestion qu'il fit des maximes sacrées qu'il entendit en l'Evangile, car il se convertit absolument et les changea tellement en soy qu'il n'estoit plus luy mesme, ains estoit devenu ce que ces maximes signifioyent.

  A009000960 

 Il vous a dit un mot en secret et vous luy avez obei; car c'est luy seul qui peut parler au cœur des hommes, et, par mesme moyen, leur donner la grace de faire ce qu'il demande d'eux.

  A009000961 

 Vous voyez que quand on veut joindre deux pieces de bois l'on y apporte la regle, ensuite on retranche ce qui est superflu, puis on les ajuste; et ainsy des pierres que l'on taille pour mettre en quelque edifice, et lors on dit: Voyla qui est bien ajusté.

  A009000966 

 Cette feste est pleine d'un grand nombre de matieres propres à monstrer sa grandeur et solemnité, et les predicateurs s'esgayent parmi la varieté et l'affluence des sujets dont on peut traitter à ce jour.

  A009000966 

 Les uns parlent de la gloire des Saints et de leur felicité, les autres, autant utilement que louablement, discourent de leurs vertus et sainteté par laquelle ils ont acquis cette felicité.

  A009000966 

 Mais pour moy, je veux en ce discours me conformer et suivre au moins mal qu'il me sera possible l'intention de la sainte Eglise, en vous entretenant de l'un des articles de nostre foy, à sçavoir de la communion des Saints..

  A009000967 

 Sa beatitude est au dessus de celle de tous les Bienheureux, des Anges, de la Vierge, et leur bonheur derive de Dieu, car c'est luy qui le leur donne et communique.

  A009000968 

 Cette charité n'est autre que la communion des Saints, et quand nous mourrons nous serons plus unis avec eux que nous ne sommes pas avec les plus chers amis que nous ayons ça bas en terre..

  A009000968 

 Mais revenons à nous mesmes, et voyons comment la communion des Saints, en laquelle nous croyons, se peut entendre par cet amour de complaisance et de bienveuillance.

  A009000968 

 Quand nous disons: «Je crois en la communion des Saints,» cela monstre que leurs biens [367] nous sont communs, c'est à dire que nous participons à tous les biens qu'ils ont au Ciel, et que les Saints participent aux petits biens que nous autres mortels avons icy bas.

  A009000969 

 C'est pourquoy aujourd'huy nous faisons la feste de tous en general, non seulement des Saints, mais encores des Seraphins, des Cherubins, et de tous les Anges, lesquels se resjouissent en cette solemnité, louant Dieu des graces qu'il a octroyées aux Bienheureux que nous festons.

  A009000969 

 Car, comme il est dit en tant d'endroits de la Sainte Escriture, il y a des Anges au Ciel en telle quantité que le nombre en est inconcevable; et quoy qu'il en tombast la troisiesme partie dans l'enfer avec Lucifer (car il est escrit que dans sa cheute il tira apres soy le tiers des estoilles du Ciel, c'est à sçavoir des Esprits angeliques), neanmoins le nombre de ceux qui sont restés fidelles est si grand qu'il est impossible de le concevoir.

  A009000969 

 En outre de tous ces celestes Esprits, la multitude des ames bienheureuses est si grande que le denombrement n'en peut estre fait; car, combien pensez vous qu'il y a eu de Saints despuis la creation du monde jusques à maintenant? C'est une chose qui ne se peut dire.

  A009000969 

 L'Eglise participe à cette joye, et nous invite à nous resjouir en ce jour et à louer le Fils de Dieu à cause des Saints..

  A009000969 

 Saint Hierosme, parlant de la multitude des Saints qui sont au Ciel, dit que si l'Eglise vouloit faire la feste de tous les Martyrs il y en auroit chaque jour de l'année sept cents de ceux que l'on sçait asseurement avoir esté martyrisés; or, combien y en a-t-il qu'on ne [368] connoist pas! Et s'il y a tant de Martyrs, combien y aura-t-il de Docteurs, de Confesseurs et autres? Le nombre en est indicible.

  A009000970 

 C'est cette complaisance qui fait la communion des Saints, car à mesure que nous nous complaisons aux biens qu'ils ont nous en sommes faits participans, la complaisance ayant cette vertu de tirer à soy la chose aymée pour se la rendre propre.

  A009000970 

 Considerant cette Hierusalem celeste et voyant en icelle ces ames bienheureuses jouissantes d'une si grande gloire et felicité, hors des perils et dangers de ce monde où nous sommes encores nous autres mortels, nous devons produire des actes de complaisance, nous resjouissant et complaisant en leur gloire et felicité comme si nous en jouissions nous mesmes.

  A009000970 

 Or, pour nous bien resjouir et entrer en l'intention de l'Eglise, il faut exercer l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints qui sont au Ciel, puisque nous le pouvons aysement faire.

  A009000971 

 J'ay dit que cet amour de complaisance est la cause principale de la beatitude des Saints, car, tout en parlant tousjours avec estime et respect de ceux qui tiennent l'opinion contraire, je pense [369] que la cause principale de la gloire des Bienheureux ne consiste pas en l'entendement par lequel ils voyent et connoissent Dieu, mais en la volonté par laquelle ils l'ayment de cet amour de complaisance; et j'estime qu'en cela gist leur felicité.

  A009000973 

 Les Saints sont des hommes comme nous, composés d'ame et de corps.

  A009000974 

 Car que signifient ces paroles: Vostre royaume nous advienne, sinon que nous representons le desir que nous avons de la reunion des ames avec leurs corps? Comme si nous disions: Seigneur, vostre royaume est desja venu, il est fait et preparé pour les Saints, il est preparé pour tous; et non seulement pour tous ceux qui sont saints, mais encores pour ceux qui ne le sont pas.

  A009000974 

 Elle fait aussi des actes de bienveuillance lors qu'elle leur souhaitte la resurrection de la chair, comme nous voyons qu'elle la demande par tant de Psalmes et Cantiques tirés de la Sainte Escriture.

  A009000974 

 L'Eglise exerce donc en ce jour l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints, et se resjouissant de la gloire que desja ils possedent, elle les congratule et provoque ses enfans à s'y complaire et à glorifier Dieu qui les a sanctifiés.

  A009000975 

 Ils louent Dieu en luy mesme de ce qu'il est Dieu et des biens qu'il a en soy et de soy, de la veuë desquels ils ont une parfaite complaisance; ils le louent encores de ce qu'il les a faits saints, reconnoissant que leur sainteté procede de luy comme de son principe et cause fondamentale, et luy en donnent toute la gloire.

  A009000975 

 Outre ces actes de bienveuillance que nous exerçons a l'endroit des Saints, il y en a encores deux autres qui dependent immediatement de nostre cooperation, par [371] lesquels nous pouvons correspondre aux desirs qu'ils ont, et par cette correspondance leur causer une gloire accidentelle qu'ils n'auroyent point sans cela.

  A009000977 

 En toutes les heures du jour et de la nuit il se trouve des ames qui louent et glorifient Dieu..

  A009000979 

 Quand nous taschons de nous perfectionner de plus en plus, de procurer la sanctification [373] des autres, contribuant de nostre costé tout ce que nous pouvons, que nous desirons que tous louent et benissent Dieu, puisque tous le peuvent et doivent faire, que tous soyent saints, puisque tous le peuvent estre, nous causons une gloire accidentelle aux Bienheureux, laquelle ils n'auroyent pas sans cela.

  A009000979 

 Voyla comme se fait la communion des Saints par l'amour de complaisance et de bienveuillance..

  A009000981 

 Dites à une personne qu'il est expedient qu'elle se corrige de la colere ou de la fierté, ou qu'elle quitte un point d'honneur dont elle est si amoureuse qu'elle s'esleve bien fort si tost qu'on la touche en sa reputation (c'est une chose dequoy tous les hommes sont tellement jaloux qu'il semble qu'ils ne soyent nés que pour se faire estimer, louer et aymer; aussi applique-t-on son principal soin à acquerir des honneurs et de la renommée devant tous).

  A009000982 

 Bien que nous ayons dit que cet amour d'imitation vient d'une certaine sympathie des uns avec les autres, il ne faut pas entendre neanmoins que les ambitieux de l'honneur et gloire humaine s'accordent mieux avec ceux qui sont coleres et fiers qu'avec ceux qui ne le sont pas.

  A009000984 

 C'est ce que l'Eglise nous represente aujourd'huy quand en l'Evangile de la sainte Messe elle nous propose le sermon que Nostre Seigneur fit sur la montagne, où il parle des huit beatitudes.

  A009000984 

 Donques, pour bien celebrer la feste des Saints, il les faut aymer d'un amour d'imitation, de complaisance et de bienveuillance.

  A009000984 

 Il est escrit en iceluy qu' estant assis il ouvrit sa bouche sacrée et dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy des autres.

  A009000984 

 Il s'addressa à ses Apostres pour nous faire voir que c'estoit pour eux et ceux qui les ensuivroyent qu'il prononçoit principalement la premiere et la derniere des beatitudes: Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice; car ils devoyent pratiquer cette pauvreté d'une façon speciale, et souffrir plusieurs persecutions comme personnes dediées plus particulierement à Nostre Seigneur.

  A009000985 

 La pauvreté est honnorable, et il s'est trouvé mesme des philosophes payens, comme un Crates, un Epictete, qui se sont glorifiés d'estre pauvres.

  A009000985 

 Plusieurs veulent bien embrasser la pauvreté pourveu qu'ils ayent tout ce qui leur est necessaire, mais ce n'est pas de tels pauvres d'esprit que Nostre Seigneur parle, ni à qui il promet le Royaume des cieux..

  A009000986 

 Apres la venue du Saint Esprit ils allerent prescher l'Evangile, mais ce n'estoit point pour gaigner de l'argent, des rentes ou des revenus, ains ils vivoyent d'aumosnes qu'ils mendioyent de jour à autre.

  A009000986 

 Nostre divin Maistre ayant prononcé ces beatitudes, le monde en a prononcé d'autres et a dit: Bienheureux les riches, car la richesse fait que l'on n'a besoin de rien, que l'on est honnoré, que l'on gaigne des proces; en un mot, les riches sont bienheureux, car ils n'ont besoin de personne et chacun a à faire d'eux.

  A009000987 

 Et quelle pauvreté fut celle du grand Apostre, lequel apres avoir tout quitté pour l'amour de son Maistre voulut servir les Corinthiens et autres pour rien! En effect, [377] apres avoir presché, sué et souffert pour l'Evangile et pour monstrer la voye du salut, il ne vouloit point vivre des aumosnes des Chrestiens, ains du travail de ses mains et à la sueur de son corps; car il travailloit pour gaigner sa vie, disant: Pour monstrer combien j'ayme mon Maistre pour l'amour duquel je vous sers, et que la peine que je prens n'est point pour m'enrichir de vos moyens, ains purement pour l'amour de Celuy à qui je sers, je ne veux pas qu'apres vous avoir aydé à vous sauver vous me nourrissiez de vos aumosnes comme vous faites les autres Apostres, ains je veux gaigner ma vie à la sueur de mon front et vous servir pour rien, vous donnant ainsy tout ce que j'ay.

  A009000988 

 Car que pensez-vous qui aye fait supporter avec tant de suavité l'aspreté des deserts à nos anciens Peres, en sorte qu'elle leur sembloit peu de chose, sinon cette pauvreté qu'ils cherissoyent si tendrement que rien plus? Saint François [378] n'en estoit-il pas passionné comme un jeune homme de sa maistresse qu'il aymeroit grandement? Aussi l'appelloit-il sa dame et estoit-il tousjours en attention pour en ressentir les incommodités, prenant en icelles tous ses delices.

  A009000999 

 Cette divine Majesté avoit donc commandé à Moyse que l'on fist une cuve d'airain, laquelle on rempliroit d'eau, à fin que les prestres de la Loy s'y lavassent les pieds et les mains avant que d'aller offrir les sacrifices; et que pour l'embellissement d'icelle on l'entourast toute de miroüers tels qu'estoyent ceux des dames juifves.

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001000 

 Certes ils ont bien quelque rayson, car personne ne sçauroit entrer au tabernacle interieur, qui n'est autre que le Ciel, sans passer par l'exterieur qui est l'Eglise, à laquelle appartient cette cuve pleine des eaux baptismales où il faut estre trempé et lavé.

  A009001000 

 Quant au premier point, une grande partie des anciens Peres disent que cette cuve representoit le Baptesme, et que pour cela elle estoit posée entre le tabernacle exterieur et l'interieur.

  A009001001 

 Quelques autres Peres tiennent que cette cuve represente la penitence, et ceux cy approchent de la verité encores de plus pres, ce me semble; car qu'est-ce autre chose la penitence sinon des eaux dans lesquelles il est du tout expedient que nous lavions nos pieds et nos mains, je veux dire nos œuvres et affections souillées et tachées de tant de pechés et imperfections? O mes cheres arnes, il est vray que la seule porte pour entrer au Ciel est la Redemption, sans laquelle nous n'y eussions jamais eu d'acces; mais à fin que cette Redemption nous soit appliquée il faut que nous fassions penitence.

  A009001002 

 Que personne ne se trompe en cecy, pensant arriver à ce tabernacle interieur pour y sacrifier des sacrifices de louange sans se laver dans ces eaux ou se mouler sur cette doctrine; car nul ne peut estre sauvé en se faisant des lois selon son caprice ou fantasie ou se contentant de la loy naturelle.

  A009001003 

 C'est ce qu'a voulu dire le grand Apostre saint Paul: nos corps sont des tabernacles faits et formés d'argile, et Dieu a enfermé dans iceux de grans tresors.

  A009001003 

 Quels sont ces tresors sinon nos ames qui, comme des tabernacles interieurs, sont cachées dans nos corps? Mais tout ainsy que l'ame anime et donne la vie au corps, aussi la doctrine evangelique la nourrit et vivifie, luy fournissant la lumiere et la force pour la conduire et la faire arriver à cet autre tabernacle plus interieur où habite le Tres Haut.

  A009001004 

 Car bien que nous n'ayons pas besoin de miroüers comme ces dames hebreuses, pour mirer nos corps qui pourriront avec les chiens et autres animaux, neanmoins nous devons tous-jours avoir devant les yeux les mirouers des vertus et exemples des Saints pour former et dresser sur iceux toutes nos actions..

  A009001004 

 Ceux cy nous representent les exemples des Saints, qui ayans receu la doctrine chrestienne, l'ont pratiquée si parfaitement et au pied de la lettre, que nous pouvons dire que les histoires de leur vie sont autant de mirouers qui ornent et enrichissent cette cuve de la Loy evangelique.

  A009001004 

 Et tout ainsy que cette Loy les a ornés et enrichis, et que s'estans plongés dans icelle ils se sont purifiés et rendus capables d'offrir à la divine Bonté des sacrifices d'un prix et valeur inestimable, ils luy ont aussi, de leur costé, fait ce que faisoyent à cette cuve les mirouers des dames hebreuses et juifves; car ils l'ont embellie par la pratique des preceptes et conseils qu'ils ont puisés en icelle, nous laissant à imiter des admirables exemples, qui sont comme des mirouers dans lesquels nous [383] nous pouvons continuellement regarder.

  A009001007 

 C'est donc une chose toute asseurée que dès l'instant de sa conception Dieu la rendit toute pure, toute sainte, avec l'usage parfait de la foy et de la rayson en une façon du tout admirable et qui ne peut assez estre admirée; car il avoit fait cette pensée de toute eternité parce que ses cogitations sont tres hautes, et ce qui n'avoit jamais peu entrer en l'entendement des hommes, Dieu l'avoit medité avant tous les temps.

  A009001008 

 Je ne parleray pas à cette heure ni de ce que nostre tres chere Mere et Maistresse fit en sa conception et nativité, ni des benedictions qu'elle y receut; je ne veux traitter que de cette feste en laquelle elle se vint offrir et consacrer au service du Temple.

  A009001010 

 Ce Psalme est certes admirable et tout emmiellé à cause des paroles de louange et benediction qu'il donne à la divine Majesté; aussi le Prophete royal disoit: Je me sers de ce cantique comme d'une douce recreation pour entonner et psalmodier aux trois divers temps que je vay au Temple, selon qu'il est ordonné par la Loy.

  A009001012 

 O que bienheureuses sont les ames qui, à l'imitation de cette sacrée Vierge, se dedient comme des primices au service de Nostre Seigneur dès leur jeunesse! O qu'elles sont heureuses de s'estre retirées du monde avant que le monde les ayt conneùes, car n'ayans point esté mariées, ni par consequent flestries par l'ardeur de la concupiscence, elles donnent une odeur de grande suavité par leurs vertus et bonnes œuvres.

  A009001013 

 Nous lisons mesme qu'elle a tousjours esté celebrée des cathoques orientaux, bien qu'en Orient la solemnité s'en fust un peu refroidie; mais despuis que le Pape Sixte Quint l'a restablie, l'Eglise la solemnise et en fait l'office.

  A009001014 

 Les Pharisiens, pleins d'envie, commencerent à murmurer et à le calomnier, disant que ce n'estoit pas en son nom qu'il operoit ces choses, ains par la puissance du prince des tenebres.

  A009001015 

 Ce grand aumosnier Abraham fut estimé bien favorisé parce qu'en logeant les pelerins il eut un jour la grace d'avoir le Roy et Seigneur des pelerins en sa mayson, de manger avec luy et luy laver les pieds; comme n'estimerons-nous heureux ce ventre de la Vierge qui l'a logé non un jour ains neuf mois tout entiers, et ces mammelles qui l'ont nourri non de pain mais de lait, de la propre substance de cette glorieuse Vierge?.

  A009001016 

 Qu'est-ce que cette manne sinon le Fils de Dieu qui est descendu du Ciel? N'est-il pas aussi cette verge et ces tables de la Loy? Ouy, il est la pierre vive; sur son propre corps ont esté escrits et gravés les dix commandemens de la loy de grace avec les burins des clous, de la lance et des fouets.

  A009001019 

 Ils sont bien tous, en la cour et en la presence du prince, lequel regarde les uns, jette des œillades plus particulieres sur les autres, rit contre cestuy cy, parle à celuy là, donne des dignités aux uns, favorise les autres, que sçay-je moy, telles ou semblables choses qui se passent tous les jours parmi les cours des roys.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001022 

 Mais helas, c'est un grand malheur que si peu entendent comme il faut ces saintes inspirations! Plusieurs vivent au monde et usent des richesses, honneurs et dignités dont la loy divine permet d'user, mais non point d'abuser; ils ajustent aux commandemens de Dieu leur affection pour la jouissance des biens et dignités, [392] quoy qu'il ne leur faille pas parler des conseils, d'autant qu'ils se contentent seulement d'eviter ce qui les peut condamner.

  A009001024 

 Au moins ils pretendent se reserver le choix des exercices spirituels, car cela est bon, disent-ils, c'est pour Dieu, c'est à fin de le mieux servir, et je voy bien qu'un tel exercice m'est meilleur qu'un autre.

  A009001025 

 Elle vous doit tousjours estre devant les yeux, mes tres cheres Filles, pour former vostre vie sur la sienne et ajuster toutes vos actions et affections au niveau des siennes; car vous estes ses filles, vous la devez donc suivre et imiter, et vous servir de ses exemples comme d'un mirouer dans lequel vous vous regardiez sans cesse.

  A009001027 

 Pourquoy donques n'escoutez-vous et ne recevez-vous la sacrée parole des uns comme des autres?.

  A009001027 

 Pourquoy? parce qu'il fait des merveilles.

  A009001028 

 Qui ne voit qu'elle n'ayme pas Dieu qui commande, ains seulement la chose commandée? car si elle aymoit Dieu qui commande elle aymeroit autant le Donateur des contrarietés que le Donateur des consolations..

  A009001030 

 Jettez des souspirs et eslancemens amoureux à nostre cher Sauveur; accompagnez cette glorieuse Vierge, mettez vos cœurs et vos vœux entre ses mains et elle les presentera à son Fils, lequel les recevra et offrira à son Pere eternel qui vous benira avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001044 

 Pourquoy donques, disent nos anciens Peres, estant en prison et entendant parler des grans prodiges et miracles que faisoit nostre divin Maistre, envoye-t-il ses disciples pour sçavoir de luy quel il est, si c'est luy qui doit venir ou s'ils en attendroyent un autre? Certes, tous sont admirables à demesler cette difficulté, et si je vous voulois rapporter la multitude et varieté de leurs opinions sur ce sujet, il me faudroit employer beaucoup de temps qui nous desroberoit ce que nous avons à deduire pour nostre utilité.

  A009001045 

 L'on n'interroge pas tousjours pour sçavoir, disent ces saints Peres, ni moins parce que l'on ignore ce que l'on demande, mais l'on fait des questions pour plusieurs autres causes et raysons; car autrement la divine Majesté ne feroit jamais aucune question aux hommes, d'autant qu'elle sçait tout et ne peut ignorer chose quelconque.

  A009001046 

 Une partie des [400] Peres tiennent que s'il eust advoué son peché quand Dieu l'appella, s'il eust frappé sa poitrine et dit un bon peccavi, le Seigneur luy eust pardonné et ne l'eust pas chastié par le fleau dont il le menaçoit et duquel il a puni luy et tous ses descendans.

  A009001047 

 La seconde cause pour quoy la divine Majesté fait des questions aux hommes est pour les esclairer ou instruire sur ce qui concerne les mysteres de la foy, comme il fit à l'endroit des deux disciples qui alloyent en Emmaus.

  A009001048 

 La troisiesme cause pour quoy l'on peut faire des demandes c'est pour provoquer l'amour.

  A009001048 

 Mais ce cher Sauveur de nos ames fait telles et semblables questions pour faire produire des oraisons jaculatoires et actes d'amour et d'union..

  A009001050 

 Les maistres et ceux qui gouvernent et ont charge des ames ne doivent chercher ni procurer sinon que Celuy qu'ils preschent et au nom duquel ils enseignent soit conneu de tous.

  A009001051 

 Certes, les docteurs et predicateurs, les maistres des novices et ceux qui ont charge d'ames ne feront jamais rien qui vaille s'ils n'envoyent leurs disciples et ceux qu'ils enseignent à l'escole de Nostre Seigneur, s'ils ne les plongent dans cette mer de science, s'ils ne les sollicitent et portent à rechercher nostre cher Sauveur pour estre instruits de luy.

  A009001054 

 Il les traitte comme des petits enfans, car pour luy il croit asseurement qu'il est le Fils de Dieu, l'Aigneau qui oste le peché du monde.

  A009001056 

 Aux autres qui ont quatre ou cinq ans, elle leur commence à apprendre à mieux parler, à manger des viandes un peu plus grossieres; et ceux qui sont un peu plus grans elle les dresse à la civilité et modestie..

  A009001060 

 Mais quand on vous fait cette question: Qui estes-vous? il faudroit pouvoir respondre: Dites que vous avez veu un homme doux, cordial, humain, protecteur des vefves, pere des pupiles et orphelins, charitable et benin envers ses sujets.

  A009001061 

 C'est une grande misere qu'estans ce que nous sommes nous voulons neanmoins paroistre, et marchons sur la pointe des pieds à fin de nous faire voir à tout le monde.

  A009001063 

 Il s'en trouve beaucoup qui ont les deux parties gastées, et ceux icy boitent des deux costés; les autres ne clochent que d'un seul.

  A009001063 

 Il y en a qui ne sont pas avaricieux, mais ils ont la partie irascible si forte que lors qu'elle n'est pas bien sousmise à la rayson ils se troublent et ressentent vivement les moindres choses qui leur sont faites; ils s'eslevent et recherchent tousjours des inventions pour se venger d'une petite parole ou d'un petit tort qui leur aura esté fait.

  A009001063 

 La partie concupiscible convoite des biens, des honneurs, des dignités et preeminences, des voluptés et mignardises; ce qui fait que l'homme devient cupide, avaricieux, et par ce moyen il cloche de ce costé là.

  A009001063 

 Soit que les infirmes dont parle Nostre Seigneur fussent boiteux des deux costés ou d'un seulement, cela n'importe gueres; mais la pluspart de ceux qui vivent en ce monde sont boiteux des deux costés.

  A009001065 

 On ne se soucie pas d'entendre prescher la parole de Dieu, de lire des livres devots, d'estre reprins ni corrigé; on s'amuse à des niaiseries et l'on se met en grand peril, car, comme c'est un tres bon signe quand une personne escoute volontiers la divine parole, aussi en est-ce un mauvais quand elle en est degoustée et pense n'en avoir plus besoin..

  A009001067 

 Il refuit les cœurs altiers et orgueilleux et se communique aux simples; il leur oste leur esprit grossier et pesant et leur donne le sien par lequel ils operent choses grandes, et par ce moyen il confond les choses hautes et relevées par des basses et simples.

  A009001068 

 Et nous voyons encores pour le jourd'huy combien ceux qui ont l'esprit grossier sont mesprisés des hommes de ce siecle, combien l'on se fasche et ennuye en leur conversation.

  A009001068 

 Mais l'Esprit de Dieu fait tout le contraire; il rejette les superbes et [411] converse avec les humbles, et Nostre Seigneur met cecy au nombre des miracles: Dites à Jean que les pauvres sont evangelisès..

  A009001069 

 Mais quoy, que dites-vous, Seigneur? Comme se pourroit-il faire que vous voyant operer tant de prodiges, vous voyant exercer les oeuvres d'une si grande charité et misericorde, l'on peust se scandalizer? Je seray, dit ce Seigneur, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple; je seray scandale aux Juifs et pierre de tresbuchement aux Gentils.

  A009001069 

 Oh! bienheureux ceux qui ne se scandalizeront point des opprobres et ignominies de Nostre Seigneur, lors qu'ils le verront fait le rejet et la risée du monde; bienheureux ceux qui pendant cette vie se crucifieront avec luy, meditant sa Passion et portant en eux sa mortification!.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001074 

 Vous n'avez point trouvé un roseau, mais un rocher en fermeté, un homme d'une esgalité admirable parmi la varieté des divers accidens; vertu la plus aggreable et desirable qui soit en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il se trouve des personnes si bigearres qui lors que le temps est beau il n'y a rien de si joyeux, et quand il est pluvieux, rien de si triste.

  A009001075 

 Nous sommes des roseaux qui nous laissons emporter à toutes nos humeurs..

  A009001075 

 Quand on fait tout ce qu'ils desirent, qu'on escoute tout ce qu'ils disent, qu'on ne les contrarie en rien, o Dieu, ils sont si braves et font des merveilles; mais si on les touche, qu'on les contrarie tant soit peu, tout est perdu.

  A009001075 

 Vous en verrez d'autres qui veulent la prosperité parce qu'en ce temps ils font des merveilles, ce leur semble.

  A009001077 

 Dites donques ce que vous avez veu et entendu; car la renommée de ce grand Saint s'estendoit par tout, de maniere que des gens doctes et bien experimentés venoyent de fort loin pour entendre sa doctrine..

  A009001091 

 Les theologiens philosophant sur la cause de la cheute de Lucifer et des autres anges, disent que ce fut une certaine complaisance spirituelle qu'ils eurent en eux mesmes, laquelle leur causa un tel orgueil par la connoissance de la grandeur et excellence de leur nature, qu'ils voulurent avec une outrecuidance insupportable estre comme Dieu, mettre leur siege à l'esgal du sien.

  A009001092 

 Mais à quel propos tout cecy sinon pour exalter l'humilité de saint Jean Baptiste, qui est une des personnes qui intervinrent au mystere de la Visitation? Humilité, ce me semble, la plus excellente et la plus parfaite qui ait jamais esté apres celle de Nostre Seigneur et de la tres sacrée Vierge.

  A009001095 

 Les princes des prestres et les docteurs, qui avoyent en main la Loy, gouvernoyent toute la republique; ils envoyerent donc à saint Jean.

  A009001095 

 Mais qui? Peut estre quelques valets de leurs fils ou quelques autres gens? O non certes, ains ils manderent de leur part et de toute la republique, des ambassadeurs qui estoyent docteurs et religieux.

  A009001095 

 Or, voyci que l'une des plus fortes, subtiles et dangereuses tentations qui se puissent voir s'addresse à saint Jean, non par des ennemis, comme j'ay desja dit, ni par des gens revestus de quelque masque d'hypocrisie, mais par ses amis, envoyés à luy de Hierusalem par les princes et docteurs de la Loy.

  A009001096 

 Remarquez un peu, je vous prie, les fantasies de l'esprit humain: ils attendoyent le Messie, ils voyoient que toutes les propheties estoyent accomplies, car ils avoyent en main la Sainte Escriture; le Sauveur estoit venu et alloit parmi eux enseignant sa doctrine, faisant des miracles, et confirmant tout ce qu'il disoit par ses œuvres; neanmoins, au lieu de le reconnoistre, ils en vont chercher un autre..

  A009001097 

 Il confessa et ne le nia point. Ce sont les parolles des Evangelistes qui sont briefves et succinctes, car ils en ont tousjours fait ainsy en tout ce qu'ils ont rapporté.

  A009001098 

 Il estoit homme comme nous autres, il estoit [420] sujet à commettre des pechés veniels, et neanmoins il estoit arrivé à une telle humilité qu'il triomphe excellemment de l'orgueil et de l'ambition, repoussant et refusant d'accepter les dignités et honneurs qui luy estoyent presentés..

  A009001102 

 Combien fut grande cette tentation et combien grande aussi l'humilité avec laquelle il la repoussa! Mais remarquez, je vous prie, comme les envoyés des princes des prestres luy parlent: Nous sommes icy mandés de la part des Scribes et Pharisiens et de toute la republique pour vous dire que les propheties sont accomplies et que le temps est arrivé auquel nous doit venir le Messie.

  A009001103 

 Ces Scribes et Pharisiens declarent qu'ils attendent le Messie promis, le Desiré des nations, et Celuy que Jacob nomme le Desir des collines eternelles.

  A009001103 

 Je sçay bien que c'estoyent des erreurs; mais nous voyons ainsy le desir que Dieu avoit infus dans tous les cœurs de l'Incarnation de son Fils, de cette union de la nature divine avec l'humaine.

  A009001103 

 Pour cela ils dressoyent des idoles et simulacres lesquels ils ornoyent et tenoyent parmi eux comme des dieux.

  A009001103 

 Que signifie donc ce bayser sinon l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine? Les autres le desiroyent, mais comme imperceptiblement; car de tout temps l'on a veu les hommes enclins à rechercher une Divinité, et ne pouvans se faire un Dieu humanisé, parce que cela appartenoit à Dieu seul, ils recherchoyent des inventions pour faire des deités.

  A009001103 

 Salomon, au Cantique des Cantiques, nous foit entendre ce souhait par les paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001109 

 Voyla donques comme saint Jean rembarra cette tentation d'orgueil et d'ambition, et comme l'humilité luy donna des inventions admirables pour ne point admettre ni recevoir l'honneur qu'on luy vouloit rendre, dissimulant et niant d'estre ce que veritablement il estoit; car il n'y a point de doute qu'il ne fust Elie et Prophete, voire plus que Prophete, Dieu l'ayant declaré luy mesme.

  A009001110 

 Mais plusieurs ayans mal entendu cecy, s'en sont servi, et n'ont point pensé mentir en disant beaucoup de choses fort esloignées de la verité; et mesme il en est qui sont arrivés jusques là que de croire qu'ils pouvoyent proferer des menteries quand il s'agissoit de la gloire de Dieu.

  A009001111 

 A la verité, les ambassadeurs ont besoin de patience, et c'est une grande vertu que celle cy, laquelle est du tout necessaire non seulement aux ambassadeurs mais à tous les Chrestiens; aussi j'ay accoustumé de dire que la patience est la vraye vertu des Chrestiens..

  A009001111 

 Or ces ambassadeurs tout estonnés repartirent: Si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni Prophete, pourquoy est-ce que tu baptises, pourquoy as-tu des disciples et fais-tu des œuvres si merveilleuses? En quel esprit les fais-tu? Certes, tu as beau te cacher et dissimuler, tes œuvres nous font bien voir que tu es quelque chose de grand, c'est pourquoy dis-le-nous, à fin que nous sçachions ce que nous rapporterons à ceux qui nous ont envoyés.

  A009001113 

 Un autre dira: J'ay mesdit d'autruy, mais ç'a esté en des sujets tout clairs et manifestes, je ne suis pas le seul qui aye dit ou veu cela.

  A009001114 

 Vous trouverez des ames auxquelles on dira: Il faut faire cela, il faut aller là.

  A009001116 

 Je vous raconteray à ce propos, puisqu'il fait à mon sujet, un beau trait que j'ay leu avec playsir ès Vies des Peres tout fraischement imprimées; l'autheur les a recueillies fort curieusement et soigneusement.

  A009001117 

 Il leur dit: J'ay veu le monde tout rempli de filets propres à faire non seulement chopper, mais encores tomber lourdement les hommes dans des profonds precipices.

  A009001118 

 Si vous allez clans ce desert, vous trouverez des echos parmi ces rochers; que si vous parlez ils vous respondront, d'autant que vos voix entrans dans la concavité de la montagne il s'y forme une parole semblable à la vostre.

  A009001119 

 Il y a des personnes si pleines d'orgueil qu'elles ne peuvent s'assujettir à aucun, ni souffrir qu'on die ce qu'elles sont.

  A009001120 

 Il ne doit pas seulement estre regardé des prelats et predicateurs, mais encores des Religieux et Religieuses qui doivent considerer son humilité et mortification pour estre, à son exemple, des voix les uns parmi les autres, criant que l'on prepare les voyes et que l'on applanisse le chemin du Seigneur, à ce que, le recevant en cette vie, nous jouissions de luy en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009001134 

 penitence en la remission des pechés..

  A009001137 

 Le glorieux saint Jean, ainsy que je vous le monstray Dimanche, donna suffisamment et excellemment des preuves et tesmoignages de son humilité lors qu'il fut enquis s'il estoit le Christ, Elie ou Prophete; car sçachant que Moyse parlant de la venue de Nostre Seigneur dit qu'il devoit venir un grand Prophete, et voyant que les Juifs croyoient que ce fust luy qui estoit promis, il advoua franchement: Non sum, je ne le suis pas.

  A009001140 

 Or ce choix ou eslection est commun et ordinaire, et l'on ne doit point desirer ni rechercher des vocations particulieres et extraordinaires, car telles vocations sont dangereuses et suspectes quand elles ne sont pas approuvées ni autorisées par les pasteurs et maistres de la vie spirituelle.

  A009001143 

 Donques, si cela est, comment osons-nous remettre l'execution et la prattique de ce que nous avons ouy qui doit servir à nostre conversion, puisque de ce moment auquel nous entendons ce qui est propre à nostre amendement depend toute nostre vie? Voyla la premiere rayson pour laquelle nous ne profitons pas des choses qui nous sont dites et enseignées..

  A009001144 

 Et qu'est-ce cela sinon une avarice spirituelle, qui est un vice assez grand en la vie devote? Vous en trouverez d'autres qui ne sont jamais assouvis d'entendre ou de voir de nouvelles choses; ils assemblent quantité de livres et font des bibliotheques à merveille, ils sont tousjours à faire des remarques.

  A009001144 

 Vous trouverez des personnes qui ne seront jamais lasses [435] de ramasser et recueillir des documens et instructions nouvelles, tant d'advis, tant d'enseignemens, et neanmoins n'en font pas une seule prattique.

  A009001145 

 Il est vray que dans les viandes qui sont gardées il s'y engendre des vers, et pour moy je crois que les vers qui rongent les consciences des damnés ne sont point les moindres, ains les plus grandes peines qu'ils souffrent.

  A009001145 

 Mais outre cela, il commanda qu'aucun n'en gardast pour le lendemain et que pas un n'en recueillist plus qu'il n'estoit marqué à dessein d'en faire provision, car il s'y engendreroit des vers et elle tourneroit à corruption.

  A009001146 

 Du temps que Tibere Cesar estoit Empereur, qu'Herode estoit roy de la Galilée, que Ponce Pilate presidoit en Hierusalem, qu'Anne et Caïphe estoyent princes des prestres et siegeoyent dans la chaire de Moyse, Dieu envoya son Prophete lequel fut sa voix qui crioit au desert: Applanissez le chemin du Seigneur, faites penitence, car le salut est proche.

  A009001148 

 Il parloit ainsy à cause des grans travaux et tribulations qu'il souffroit..

  A009001149 

 Certes, quand la divine Providence a voulu monstrer aux hommes combien estoit grande sa misericorde, ç'a esté par des esclats admirables; et lors qu'on ne pouvoit esperer sinon de [438] sentir la fureur de son courroux et la terreur de sa justice, alors, dis-je, qu'il n'y avoit aucune disposition de la part des hommes ni aucun motif pour esmouvoir le Seigneur et l'attirer à faire misericorde, c'est en ce temps-là qu'il en a fait voir des effects admirables..

  A009001151 

 Mais quand, outre ce que dessus, sa Providence a voulu faire des esclats plus grans de cette misericorde, ç'a esté une chose admirable, car il n'a voulu qu'aucun motif l'induisist à ce faire; ains, sans estre poussé d'autre cause que de sa seule bonté, il s'est communiqué en une façon du tout merveilleuse.

  A009001153 

 Helas, son peché eust esté en quelque façon excusable s'il l'eust commis en gardant ses brebis, quand il estoit berger; mais que David aye tant offensé Dieu apres en avoir receu des graces si singulieres, apres tant de clartés, de lumieres et de faveurs, luy qui estoit selon le cœur de [440] Dieu, par lequel il avoit fait tant de merveilles et prodiges, luy qui avoit tousjours esté nourri dans le sein de la douce clemence et misericorde divine, soit venu jusques là que de commettre de si grans forfaits et qu'il soit demeuré un an entier sans en avoir la connoissance, o certes, c'est une chose qui estonne grandement..

  A009001155 

 Il luy parla de quelque faute qui avoit esté commise par un de ses sujets, et soudain David jettant sa sentence dit: Il a desrobé la brebis de ce pauvre homme, il le faut faire mourir, monstrant en cela jusqu'à quel point il estoit endurci en son peché et n'en avoit aucun sentiment; mais pour les fautes des autres il les connoissoit fort bien et [441] sçavoit leur imposer le chastiment condigne à leur demerite.

  A009001155 

 Mais quel changement, quelle metamorphose fut cette conversion, car ce grand Roy reconnoissant sa faute, ne fit que gemir et deplorer son aveuglement; l'on n'entendoit sortir de sa bouche que des peccavi, et criant misericorde au Seigneur il alloit tousjours disant: Miserere mei, Deus.

  A009001159 

 C'estoit une grande pecheresse, elle estoit pleine de crainte à cause des pechés qu'elle avoit commis.

  A009001159 

 Ce bon Saint luy respondit: Garde toy bien de lever les yeux pour regarder le Ciel, toy qui tant et tant de fois t'en es servie pour jetter des regards dangereux, pour muguetter et pour telles autres choses; ne leve point ces mains par lesquelles tu as fait tant d'œuvres malignes, mais exerce toy toute ta vie en humilité et te confie en la bonté de Dieu.

  A009001159 

 Il faut donques remplir ces vallées creusées par les frayeurs provenantes de la connoissance des grosses imperfections et des pechés commis; il faut, dis-je, les remplir par la confiance meslée avec la crainte de Dieu..

  A009001160 

 Et ce pauvre publicain, qui devant le monde estoit une montagne haute et raboteuse, fut rabaissé et applani devant la divine Majesté lors qu'il vint au Temple; car n'osant lever les yeux pour regarder le ciel à cause des grans pechés qu'il avoit commis, il se tenoit à la porte avec un cœur contrit et humilié; partant il fut digne de trouver grace devant Dieu.

  A009001160 

 Il disoit asseurement: Seigneur, je te rends graces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes: je paye les dismes, je jeusne tant de fois la semaine, et autres choses semblables qu'il alleguoit.

  A009001161 

 Mais il se trouve des personnes lesquelles ne veulent point regarder la penitence jusqu'à ce qu'elles n'en puissent plus.

  A009001162 

 Tous les autres Saints ont bien travaillé en l'acquisition de cette perfection, mais quoy qu'ils ayent fait, il n'y en a pas un qui n'ayt esté quelque peu raboteux; leur esgalité n'a point esté si esgale qu'il ne s'y soit trouvé quelqu'inesgalité, non pas mesme en saint Jean Baptiste, car il avoit, [445] selon l'opinion de quelques Docteurs, commis des pechés veniels..

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001169 

 De là vient que lors qu'on considere ces mysteres l'on fait souvent des erreurs; car, comme pouvons-nous mediter ce que nous ne connoissons pas? C'est pour cela qu'en ces maysons l'on enseigne le catechisme aux novices, à ce qu'elles sçachent ce qu'elles doivent croire et comme elles doivent entendre ce qu'elles meditent.

  A009001172 

 Elle tomboit pendant la nuit comme de petits grains de dragées, elle estoit faite dans l'air par le ministere des Anges, comme disent quelques Docteurs.

  A009001172 

 Or, nous voyons en luy trois substances: le corps, la nature divine et l'ame; mais nous ferons mieux entendre cecy par des similitudes.

  A009001174 

 Il n'en prit pas du corps de Nostre Seigneur comme de celuy des autres hommes, lequel demeure quarante jours sans estre animé dans les entrailles de la mere, estant là comme une masse de chair; mais aussi tost que le consentement de la glorieuse Vierge fut donné, le Saint Esprit forma le corps du Sauveur, et en mesme temps sa tres sainte ame vint l'animer.

  A009001174 

 L'huile ne vient point de la terre ni du ciel: elle ne sort point de la terre comme d'autres plantes, ni moins tombe-t-elle du ciel comme le miel, car les olives croissent sur des arbres eslevés; c'est une liqueur qui surnage au dessus de toutes les autres.

  A009001176 

 O admirable invention de la providence de Dieu! Cette divine Majesté voyant que la Divinité n'estoit pas conneue des hommes voulut s'incarner et joindre avec la nature humaine, à fin que sous ce manteau de l'humanité, la Divinité peust estre reconneue.

  A009001176 

 Si donques Nostre Seigneur ne se fust incarné, il eust tousjours demeuré caché dans le sein de son Pere eternel et partant fust resté inconneu des hommes..

  A009001177 

 Ces deux natures sont tellement unies par ensemble que l'on peut prononcer sans blasphemer: Ce sang est le sang de Dieu, le sang de l'Aigneau mort pour les pechés des hommes; Dieu a esté flagellé, fouetté; les mains de Dieu ont esté tendues et clouées à la croix.

  A009001177 

 Mais comment de Dieu? car Dieu entant que Dieu n'a point de corps; et s'il n'a point de corps comme est-ce que les Mages luy ont baysé les pieds? Neanmoins il en est ainsy à cause de cette union des deux natures qui ne font qu'une personne.

  A009001178 

 Ainsy, à cause de cette si estroitte union que la nature divine et la nature humaine ont ensemble, on vient à parler des deux comme s'il n'y en avoit qu'une seule, disant: Pourquoy ne souffriray-je telle chose puisque Dieu l'a soufferte?.

  A009001178 

 Or voyez-vous, si cet homme qui plaint le bras ou qui discourt n'estoit composé que de corps ou d'ame seulement, il ne discourroit pas ni ne plaindroit pas, mais à cause de cette estroitte union entre la nature du corps et celle de l'ame, lesquelles estans deux ne font toutefois qu'une personne, l'on dit avec verité que cet homme, ou autrement cet animal raysonnable, a mal à la jambe, qu'il parle et discourt, meslant tellement ces deux natures qu'on parle des deux comme s'il n'y en avoit qu'une.

  A009001179 

 Vous entendrez mieux cecy par des similitudes, non point toutefois comme on entend ce qui se passe au dessous des sens, ni comme on comprend la maniere de faire un ouvrage, une broderie; mais vous en aurez suffisamment l'intelligence pour le croire comme vous le devez.

  A009001183 

 Mais certes, despuis que les Juifs la presenterent à Nostre Seigneur lors qu'il dit en sa Passion qu'il avoit soif, et que cette esponge eut touché les levres sacrées de ce [455] divin Sauveur, elle fut canonizée, et dès lors aussi on n'a point fait de difficulté de la nommer dans les discours des choses saintes, et ce n'a plus esté une incivilité d'en parler mais au contraire une chose honnorable et bienseante; c'est pourquoy je m'en serviray pour vous faire entendre que c'est que l'Incarnation.

  A009001184 

 Avant l'Incarnation les hommes vivoyent ainsy que des bestes brutes, courant apres les dignités et voluptés de cette vie comme les chevaux, chiens et tels autres animaux font apres ce qu'ils appetent.

  A009001184 

 Nostre Seigneur vient en effect nous enseigner l'abstinence et sobrieté des biens, honneurs et commodités de ce siecle, [456] à fouler aux pieds tout cela pour embrasser le contraire.

  A009001185 

 Lors donques que l'homme vivoit brutalement, Nostre Seigneur l'est venu retirer d'entre les animaux, il luy a donné des exemples d'une admirable sobrieté et, pour peu de jugement et de rayson qu'on ayt eu, il n'y a personne qui le sçachant n'en ayt esprouvé quelque sorte de ressentiment..

  A009001189 

 Et qu'est-ce que vous faites? Vous vous trompez si vous pensez y venir pour y estre consolée, pour y gouster et y recevoir des douceurs spirituelles.

  A009001189 

 Je dis tousjours à ces ames, et je ne le sçaurois trop repeter: Or sus, ma chere fille, qu'estes-vous venue chercher en Religion? Y cherchez-vous des consolations? Ouy.

  A009001189 

 Que si Dieu vous donne des consolations ou grains de dragées, baysez-luy la main et le remerciez tres humblement, mais ne vous arrestez point à cela, ains passez outre et vous humiliez..

  A009001189 

 Si vous voulez du sucre et de la dragée, allez en querir chez les apothicaires; car l'on ne mange icy que des viandes ameres et fascheuses à la chair, lesquelles sont toutefois profitables au cœur.

  A009001190 

 Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne.

  A009001190 

 Oh, avec quelle reverence la glorieuse Vierge vostre Mere alloit regardant ce cœur qu'elle voyoit tout palpitant d'amour dans sa poitrine sacrée, comme alloit-elle essuyant ces douces larmes qui couloyent si suavement des doux yeux de ce beni Poupon! Comme couroit-elle à la suave odeur de ses vertus!.

  A009001197 

 vin, et respandent des odeurs plus.

  A009001201 

 Le Saint Esprit ne resout point si ces paroles du Cantique des Cantiques sont de l'Espoux à l'Espouse ou de l'Espouse à l'Espoux, ou bien des compagnes de l'Espouse à la maistresse Espouse; c'est pourquoy les Docteurs ne l'ont pas aussi voulu resoudre, mais ils disent qu'elles se peuvent entendre en toutes ces manieres.

  A009001203 

 O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés.

  A009001204 

 Car encores que les mammelles de Nostre Seigneur soyent tres douces et meilleures mille fois que le vin des delices mondaines, neanmoins nous ne nous en approcherions jamais s'il ne nous attiroit par le moyen de ses divines odeurs..

  A009001204 

 Mais apres que l'Espouse luy a dit: Meliora sunt ubera tua vino; Vos mammelles sont meilleures que le vin, elle adjouste: Fragrantia unguentis optimis; car elles respandent des odeurs tres suaves, qui ne sont autres que les saintes inspirations que Nostre Seigneur va respandant dans les cœurs des fidelles, par lesquelles il les sollicite à se convertir et retirer leurs affections des choses de la terre.

  A009001205 

 Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous [464] y retournez cent fois, vous n'y trouverez plus que du degoust.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001206 

 Certes, tu as rayson, c'est une chose tres bonne, tres excellente et desirable que celle que tu demandes; mais ce n'est pas assez, car tes mammelles sont meilleures que le vin, c'est à dire qu'il est meilleur d'assister le prochain et porter le lait de la sainte exhortation aux foibles et ignorans que d'estre tousjours occupé en des hautes contemplations, de sorte que quelquefois il faut quitter l'un pour l'autre.

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001209 

 Il arrive quelquefqis que nous nous trouvons le cœur tout aride; mais si nous celebrqns avec reverence et devotion le saint Sacrifice de la Messe, ou que nous assistions aux divins offices, ou fassions une bonne oraison, nous en sortons avec la poitrine si remplie de charité et de saintes affections, qu'il semble que nous ne pouvons durer que nous n'ayons trouvé quelqu'un pour luy faire part des consolations que nous ayons receuës de la main liberale de Nostre Seigneur..

  A009001211 

 Et ce trait de ce mesme Apostre n'est-il pas admirable, quand, pressé de la vehemente affection qu'il avoit du salut des Juifs, il quittoit en telle sorte son propre interest qu'il desiroit d'estre anatheme pour eux? O ptabam anathema esse a Christo pro fratribus meis; luy qui aymoittant son divin Maistre qu'il disoit: Je ne vis plus en moy mesme, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy; Vivo ego jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001213 

 Voyla en fin quelles sont les mammelles de l'Espouse et de l'Espoux; voyla les fruits d'une parfaitte oraison, laquelle se fait non seulement à certaines heures et à certains temps limités, mais encores par des eslevations d'esprit et des eslancemens du cœur en Dieu, que l'on appelle oraisons jaculatoires, et par des actes frequens d'union de nostre volonté avec celle de Dieu, qui se peuvent faire à tous momens et en toutes sortes d'occasions..

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais cette mammelle de la crainte n'est pas la mammelle des espouses, ains celle des serviteurs et des valets, à qui il faut donner la crainte des chastimens pour les ranger à leur devoir et à l'observance des commandemens de Dieu.

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001216 

 Et David mesme, duquel l'ame estoit vrayement espouse, puisqu'il estoit selon le cœur de Dieu, confesse neanmoins qu'il se servoit de ce motif: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; O Seigneur, dit-il, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent..

  A009001216 

 Or, ces deux mammelles sont proprement celles des espouses; car encores que l'esperance des recompenses eternelles ne soit pas un motif si noble et si excellent que celuy de l'amour, il est pourtant quelquefois expedient de s'en servir pour nous animer à l'amour.

  A009001218 

 Mais l'Espouse, toute esprise de l'amour de son divin Espoux, ne se contente pas de l'esperance de le posseder un jour en la gloire eternelle, ains elle veut encores jouir de sa presence des cette vie mortelle; et à fin d'obtenir ce bien, voyez quelle diligence elle fait pour le trouver, apres que par la negligence qu'elle eut à luy ouvrir sa porte il fut passé outre: Surgam, et Circuibo civitatem, per vicos et plateas quaeram quem diligit anima mea; Je me leveray, dit-elle, et chercheray celuy que mon ame cherit, par toutes les rués et les carrefours de la cité.

  A009001219 

 Mais considerez, je vous prie, l'ardent amour de cette Espouse: certes, rien ne la peut contenter que la presence de son Bien-Aymé; elle ne veut point de benedictions, ni ne s'arreste point à l'esperance des biens à venir comme Jacob; elle ne veut que son Dieu, et pourveu qu'elle le possede elle est contente.

  A009001220 

 Mais comment ferons-nous pour ressembler à des petits enfans? Escoutez l'Apostre saint Pierre instruisant et donnant cette leçon aux premiers Chrestiens: Soyez, dit-il, sans dol et sans feintise, comme des petits enfans: Sicut modo geniti infantes, sine dolo; leçon qu'il avoit apprise en l'escole du Sauveur lors qu'il disoit à ses Apostres: Soyez simples comme des colombes.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 Vous voyez quelquefois des enfans qui ne veulent point prendre la mammelle parce qu'ils ont l'estomach tout rempli de catarrhe, de maniere que n'ayans point de faim, on ne les peut faire tetter, quoy que la nourrice les provoque et leur presente son sein.

  A009001222 

 L'Escriture Sainte nous enseigne que quand ce divin Sauveur de nos ames estoit en ce monde conversant avec les hommes, il caressoit les petits enfans, les embrassoit et prenoit entre ses bras, comme il fit le petit saint Martial, ou saint Ignace martyr, suivant l'opinion de plusieurs Docteurs, qui disent que Nostre Seigneur le tenant un jour entre ses bras et le considerant, il se tourna vers ses disciples et leur dit: En verité, si vous n'estes faits comme ce petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume des cieux; Amen dico vobis, nisi efficiamini et conversi fueritis sicut parvulus [473] iste, non intrabitis in Regnum caelorum.

  A009001223 

 Il veut dire: Encor que vous m'ayez eslevé à des honneurs et à des faveurs si grandes que de me porter dessus vostre poitrine et me donner vos divines mammelles à succer, neanmoins je n'ay point eslevé mon regard en choses hautes, ni n'ay point retiré mes yeux de dessus la terre, qui est mon origine et en laquelle je dois retourner, ains j'ay tous-jours porté la veuë basse, en la consideration de mon neant et de mon abjection; mon cœur ne s'est point enflé d'orgueil pour les grandes graces que vous m'avez faites.

  A009001223 

 Neque ambulavi in magnis, neque in mirabilibus super me; Je n'ay point cheminé plus hautement qu'il ne m'appartenoit, et n'ay point porté mon entendement à la recherche des choses curieuses et admirables..


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000007 

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  A010000007 

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  A010000025 

 LIV. Sermon pour le Mercredi des Cendres.

  A010000035 

 LXIV. Sermon pour le Dimanche des Rameaux.

  A010000061 

 Je sçay bien neanmoins que plusieurs raysons et disputes s'eslevent de part et d'autre entre quelques Docteurs pour monstrer que ce miracle ne fut pas le premier que fit Nostre Seigneur; mais puisque non seulement saint Jean l'atteste, ains encores saint Ambroise, et que la pluspart des autres anciens Peres tiennent cette opinion, nous nous y arresterons et la suivrons.

  A010000061 

 Nous lisons en la Messe d'aujourd'huy deux Evangiles: l'un est celuy des Confesseurs; l'autre, celuy du premier miracle que fit Nostre Seigneur aux noces de Cana en Galilée.

  A010000061 

 Or, à fin de mieux establir le sentiment de saint Ambroise et des autres Peres, nous escarterons avant tout deux difficultés qui rendroyent leur opinion moins recevable, et nous ferons par apres une consideration pour la consolation de nostre foy..

  A010000062 

 Ce tres haut mystere de l'Incarnation est si profond que jamais il n'estoit entré et ne pouvoit entrer dans l'esprit des anciens payens et philosophes; voire mesme les docteurs de la Loy de Moyse, quoy qu'ils maniassent la Sainte Escriture, ne l'ont peu comprendre parce qu'il estoit invisible et d'une telle hauteur qu'il surpasse tous les entendemens humains et angeliques.

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000066 

 Il voulut sortir du monde comme il y estoit entré, mourant tout nud sur l'arbre de la croix; apres sa mort il en fut descendu, puis il se laissa ensevelir dans des langes comme il avoit fait en sa nativité.

  A010000068 

 La divine Providence voyant comme ce mystere sacré de l'Eucharistie estoit obscur, nous a fourni mille et mille preuves de cette verité en cent et cent lieux tant de l'Evangile que de l'Ancien Testament; Nostre Seigneur luy mesme en a donné des lumieres et intelligences si grandes que c'est chose admirable de voir ce que plusieurs ont escrit sur ce sujet, le traittant d'une façon si claire et intelligible que l'on est tout ravi en l'entendant et lisant.

  A010000069 

 Au reste, plusieurs des anciens Peres pensent que Nostre Seigneur et sa tres sainte Mere estans invités, les Apostres le furent aussi à cause d'eux.

  A010000069 

 C'est chose admirable des diverses opinions qu'il y a sur cecy; mais laissons leurs raysons et nous tenons à ce que dit l'Evangeliste.

  A010000069 

 Il se fit, dit saint Jean, des noces à Cana en Galilée.

  A010000069 

 Ils y allerent; mais comment? O certes, il est croyable que la Sainte Vierge s'y rendit dès la veille, car lors qu'il se fait des noces, les dames et parentes n'y vont pas le jour mesme mais dès la veille, et non seulement pour estre receues, ains encor pour ayder à recevoir les autres invités, et par ce moyen faire honneur à l'espouse.

  A010000069 

 On fit donc des noces, et le Sauveur et sa Mere y furent invités.

  A010000071 

 C'est peut estre par tel moyen que cela vint aux oreilles des dames, lesquelles se prindrent à deviser par ensemble de ce qu'il faudroit faire.

  A010000071 

 Il estoit ordinairement parmi eux; il ayme par tout la pauvreté, voirement dans les palais des roys, et prend un singulier playsir de se trouver où la pauvreté demeure.

  A010000071 

 Que si ce cher Sauveur de nos ames se plaist à la rencontrer ès maisons des grans et parmi les noces, quel sera son contentement de la voir dans les Religions où l'on fait vœu de la garder! combien se plaira-t-il d'y trouver l'indigence parmi la suffisance, je veux dire, non pas le defaut des choses necessaires, mais neanmoins que l'on y est pauvre des superflues.

  A010000073 

 Priere certes tres excellente, en laquelle cette sainte Dame parle à Nostre Seigneur avec la plus grande reverence et humilité qui se peut imaginer; car elle s'en va à son Fils non point avec asseurance ni avec des paroles pleines de presomption, comme font plusieurs personnes indiscretes et inconsiderées; mais, avec une humilité tres profonde, elle luy represente la necessité de ces noces, tenant pour tout asseuré qu'il y pourvoira, ainsy que nous le dirons bien tost..

  A010000075 

 La sainte Eglise a mesme des prieres speciales pour demander à Dieu les choses temporelles, car elle a des oraisons propres pour impetrer la paix en temps de guerre, la pluye en temps de secheresse et la serenité en temps de trop grande pluye; voire il y a des messes toutes particulieres pour le temps de la contagion.

  A010000076 

 Que requerez-vous, ma chere fille? Je demande des consolations.

  A010000077 

 O Dieu, attendez un peu, mes cheres ames, ce n'est pas icy le lieu des gousts et sentimens; attendez d'estre là haut au Ciel où vous connoistrez si vous avez l'humilité et jouirez de ces suavités.

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Et quant aux yeux, les larmes qui en deseoulent sont des preuves de l'amour; c'est en cette façon que le Psalmiste donnoit des tesmoignages du sien lors qu'il respandoit une grande abondance de larmes devant son Dieu..

  A010000079 

 Il y a parmi les Docteurs une grande varieté d'opinions sur ces paroles de Nostre Seigneur: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Aucuns disent qu'il vouloit signifier: Qu'avons-nous à faire, vous et moy, de nous mesler de cela? Nous ne sommes que des invités, nous ne devons donc point avoir soin de ce qui manque; et plusieurs semblables raysons.

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000079 

 Or, nostre divin Maistre voulant faire cette leçon au inonde, se servit du cœur de la tres sainte Vierge; en quoy certes il luy donna des preuves tres grandes de son amour, comme s'il disoit: Ma tres chere Mere, en vous respondant: Qu'avez-vous à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire en vostre demande; car qu'est-ce que peut refuser un tel Fils à une telle Mere, la plus aymée et la plus aymante qui ayt jamais esté? Mais d'autant que vous m'aymez parfaitement, aussi vous aymé-je souverainement; et cet amour que je vous porte et celuy duquel je sçay que vous m'aymez m'a fait prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour donner cette leçon au monde, estant tout asseuré que ce cœur tres amoureux ne s'en esmouvra point.

  A010000080 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, disoit: Mon Amy m'est un faisceau de myrrhe, je le prendray et le mettray au milieu de mes mammelles, c'est à dire au milieu de mes affections; et la goutte de cette myrrhe venant à tomber, fortifiera et confortera mon cœur.

  A010000081 

 Cependant, Dieu avoit veu de toute eternité que Rebecca concevroit et auroit des enfans, mais avec cette condition qu'elle les obtiendroit par ses prieres; et si elle n'eust prié avec son mary Isaac elle n'eust point conceu.

  A010000081 

 Il est vray qu'il y a des heures ordonnées de la divine Providence desquelles depend tout nostre bien et conversion.

  A010000081 

 Il y a plusieurs autres interpretations et sentimens des saints Peres sur ce sujet, mais je ne veux pas m'y arrester.

  A010000081 

 Voyant donc qu'ils ne pouvoyent avoir des enfans à cause de sa sterilité, elle et son mary s'enfermerent en une chambre et prierent si fervemment que Dieu les ouyt, les exauça, et Rebecca devint grosse de deux jumeaux, Esau et Jacob.

  A010000081 

 Voyla Rebecca et Isaac qui desiroyent tous deux des enfans; mais le malheur estoit que Rebecca estant sterile n'en pouvoit naturellement avoir.

  A010000082 

 Il avoit donc veu de toute eternité qu'il la devoit [14] devancer à la faveur des prieres de Nostre Dame.

  A010000083 

 J'ay veu une de ces cruches à Paris en une mayson de Religieux de l'Ordre de Cisteaux: elles sont fort grandes et ont en icelles des caracteres hebreux, mais je ne les leus pas, parce que je ne la vis que de loin.

  A010000083 

 Le Sauveur commanda aux serviteurs de remplir six cruches de pierre qui estoyent là pour la purification des Juifs, d'autant qu'ils se lavoyent quand ils avoyent touché quelque chose defendue par la Loy; car ils faisoyent force ceremonies exterieures auxquelles ils estoyent grandement exacts, mais ils ne se soucioyent gueres de purifier leur interieur.

  A010000084 

 D'aller chercher les raysons de telles disputes cela n'est point propre pour nous; mais tenons-nous à cette heure du costé de ceux qui disent qu'il y a des licornes et que leur poudre a la proprieté de chasser le venin.

  A010000084 

 Il faisoit au moyen d'icelle, sortir de l'eau des rochers, il convertissoit les eaux en sang, en somme il faisoit des prodiges qui tous estoyent des figures de ceux qui devoyent arriver en la loy de grace..

  A010000084 

 L'esprit humain est admirable! Plusieurs disputent s'il y a des licornes ou non et si la poussiere de leur corne a cette vertu.

  A010000084 

 Moyse avoit une verge par laquelle il operoit des choses merveilleuses et espouvantables; car elle se changeoit en serpent et couleuvre, et puis, quand il vouloit, elle retournoit en sa premiere forme.

  A010000084 

 Tous peuvent avoir de cette poudre aussi bien que les princes; neanmoins ces derniers ont cet advantage par dessus les autres qu'on leur fait des gobelets de cette corne, et ils prennent dans iceux la poudre de la licorne.

  A010000085 

 Cela est bon, c'est bien fait de se servir de l'invocation des Saints; mais, ma chere fille, pourquoy demandez-vous tant la santé de ce fils? Quand il se portera bien qu'en ferez-vous? Je le mettray sur l'autel de mon cœur et je l'encenseray.

  A010000085 

 Mais, mes cheres ames, quel vin demandez-vous? O certes, non autre que celuy des consolations, c'est celuy que nous voulons et pas un autre.

  A010000086 

 Voulez-vous estre bien recueillie en l'oraison? Tenez-vous hors de l'oraison comme si vous y estiez et n'employez pas le temps à des reflexions inutiles tant sur vous que sur ce qui se passe autour de vous; ne vous amusez pas à des niaiseries.

  A010000086 

 Voulons-nous avoir une longue et fervente oraison? Entretenons-nous parmi la journée en de bonnes pensées, faisant des frequentes oraisons jaculatoires.

  A010000093 

 L'Evangile fait mention d'une parabole ou similitude en laquelle il est dit qu'un certain negociateur qui cherchoit des perles en trouva une d'un si grand prix qu'il vendit tout ce qu'il avoit pour l'acheter.

  A010000093 

 Or, d'autant que cette similitude renferme et enclot une milliace d'advis et documens tres excellens pour parvenir à la perfection chrestienne, je m'en serviray pour ce petit discours auquel nous verrons qui est ce negociateur qui cherchoit des perles, quelle est cette perle et ce qu'il faut faire pour l'avoir..

  A010000094 

 L'avare la cherche dans les richesses, [18] mais il ne l'y sçauroit trouver, d'autant que les richesses ne sont qu'amertume; d'autres la cherchent dans les voluptés, mais ils ne l'y peuvent rencontrer, car les voluptés sont plus propres aux bestes qu'aux hommes, et au lieu de contenter le cœur elles l'abrutissent; d'autres recherchent leur felicité dans les honneurs et satisfactions de cette vie, mais ils ne l'y trouvent pas non plus, car tous les playsirs sont sujets à mille vicissitudes et accidens, et ceux qui possedent le plus de ces biens l'experimentent journellement; les plus grans roys et princes le ressentent mesme tous les jours, voire bien souvent avec plus de rigueur que le reste des hommes..

  A010000094 

 Quant au premier point, tous les hommes sont ces marchans et negociateurs qui cherchent des perles, lesquelles ne sont autre chose que la felicité et beatitude.

  A010000094 

 Que s'il s'en rencontre quelques uns qui ne sont pas bienheureux, ce n'est pas faute de cette pretention generale, ains de la particuliere; car bien qu'ils tendent à cette felicité, si est-ce qu'ils la mettent en des choses où elle ne se trouve pas.

  A010000095 

 Il y a un negociateur qui cherche des perles, lequel est par dessus tous les autres.

  A010000098 

 Le negociateur de nostre Evangile cherchoit donques des perles; il represente tous les Chrestiens.

  A010000098 

 Mais quelles sont ces perles sinon les vertus et bonnes œuvres qui sont comme des perles et pierres pretieuses? Or, d'où vient que les pierreries ont un si grand prix parmi les hommes? Leur beauté et esclat les rend sans doute aggreables et prisables, mais ce n'est pas là la principale cause de leur valeur, ouy bien l'estime qu'on en fait parmi les mortels.

  A010000098 

 N'est ce pas une chose horrible et espouvantable de voir cette ehontée Cleopatra porter attachées à ses oreilles deux perles qui valoyent cinq mille escus? N'est ce pas un prodige et une estrange fantasie des humains que ces pierreries qu'ils estiment pretieuses et qui ne sont en effect que des pierres, soyent arrivées à une telle estime parmi eux qu'on vienne à vendre un diamant les cinq cens escus et davantage? N'est ce pas, dis-je, une grande folie? Certes, quand ces pierres, pour pretieuses qu'elles puissent estre, seroyent achetées un escu, c'est tout ce qu'elles vaudroyent, excepté celles qui peuvent servir à la santé de l'homme.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000099 

 Les vertus, comme ces pierreries, sont d'elles mesmes d'un grand prix à cause de leur esclat qui les rend aggreables et prisables aux yeux des hommes; car elles sont fort belles, et tout ce qui est beau est pretieux.

  A010000101 

 Les Chrestiens sont donques ces chercheurs de perles et pierres pretieuses: ils en cherchent plusieurs, ils s'essayent de faire diverses bonnes œuvres; mais helas, miserables que nous sommes, apres beaucoup de peine et de travail pour trouver les vertus et faire des bonnes œuvres, nous n'en trouvons point et pour l'ordinaire n'en exerçons aucune, d'autant que nous ne les recherchons pas où elles sont et que nous ne faisons pas nos bonnes œuvres en la façon requise pour les rendre valables et meritoires.

  A010000102 

 Quelle est donques cette perle unique sinon la perfection chrestienne? car bien qu'elle se produise en plusieurs façons, chacune d'icelles est cependant si differente des autres qu'elle peut s'appeller unique.

  A010000104 

 Les premiers Chrestiens vendoyent tout ce qu'ils avoyent pour acheter cette perle et apportoyent leurs biens aux pieds des Apostres.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000105 

 Sainte Brigide fit cecy avec une admirable perfection, et pour le vous faire mieux entendre, je vous rapporteray sommairement l'histoire de sa vie, parce qu'il est necessaire, combien que vous la puissiez lire en des livres et [24] y voir tout ce que j'ay à dire.

  A010000107 

 C'est beaucoup fait que d'avoir quitté les pretentions et esperances; il est mesme plus malaysé de s'en desprendre que des biens que l'on possede.

  A010000109 

 Quant à la force il n'en est quasi point parlé entre le sexe feminin, c'est un don duquel il ne se prise gueres; de là vient la mollesse et grande tendreté des femmes qui sont si fades et delicates qu'il ne faut que la piqueure d'une mouche pour leur faire prendre le lit; voyla pourquoy elles ne se soucient pas beaucoup du don de force.

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000110 

 Puisque nous ne sommes icy que des gens de connoissance, je vous parleray tout franchement.

  A010000111 

 Voyez-vous que c'est du monde? Quand elle estoit belle et recherchée des plus grans du païs son pere la tenoit chez luy à cause du bien et advantage qu'il eu attendoit; mais la trouvant changée, oh! il la faut envoyer en Religion, elle ne vaut rien pour le monde..

  A010000113 

 Quant à l'abnegation de la propre volonté j'ay tous-jours accoustumé de dire que c'est la principale piece de nostre renoncement; c'est par où il faut commencer et finir, car la volonté propre n'est qu'une formiliere de petits vouloirs, inclinations et humeurs, lesquelles on doit toutes assujettir à l'obeissance et à la rayson; autrement elles font un desordre et rebellion tant à la loy et volonté de Dieu qu'à celle des Superieurs.

  A010000114 

 Certes, quand le jugement et la volonté propres sont renoncés, tout est fait; mais il faut bien travailler pour en arriver là, et ne pas s'estonner des difficultés ou de la peine que l'on esprouve tant pour les ruiner comme pour acquerir les vertus, car on ne les sçauroit avoir sans travail.

  A010000114 

 Or, de penser parvenir à ce point de perfection sans peine et d'obtenir les vertus sans difficulté, c'est une heresie plustost qu'autre chose, car la sainte Eglise a declaré, et c'est une verité infaillible, que l'homme sera toute sa vie sujet à des passions, changemens et vicissitudes; de sorte que pour aller contre ces passions, pour demeurer ferme et esgal parmi ces variations et marcher avec la pointe de l'esprit et de la rayson, il faut de necessité supporter du travail et de la peine.

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000116 

 Pour nous autres mondains personne ne nous reprend; nous marchons par les grandes rues de ce monde avec des robes toutes boueuses, et pas un ne nous dit mot ni s'essaye de nous nettoyer; on nous laisse aller nostre chemin sans nous rien dire, ce qui fait que nous demeurons tousjours tout crotteux.

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000118 

 Vous suivrez ainsy l'exemple de sainte Brigide qui estoit entre les mains de ses Superieurs comme une boule de cire, prenant toutes les impressions qu'on luy vouloit donner et se laissant manier au gré des autres sans aucune resistance.

  A010000119 

 Certes, la renommée de la vertu de sainte Brigide s'estoit tellement espanchée qu'on luy amenoit [31] des malades de toutes parts, car Nostre Seigneur luy accordoit tout ce qu'elle luy demandoit.

  A010000120 

 Ensuite elle luy commanda de laver son compagnon, apres quoy, ayant esté lavé encores une fois des autres, il fut gueri..

  A010000121 

 En quoy elle nous fait une belle leçon de la charité et dilection mutuelle qui doit regner parmi les Chrestiens, et qui doit estre tout particulierement gravée dans le cœur des Religieux et Religieuses; car ils se doivent nettoyer reciproquement de la lepre spirituelle par le moyen de la reprehension et correction fraternelle qui s'exerce en tout Ordre bien reformé..

  A010000121 

 Mais à quel propos ce miracle, et pourquoy est-ce que je le dis? Parce qu'il est beau et qu'il me semble devoir [32] estre rapporté à cause des excellens documens qui y sont compris.

  A010000124 

 Cette fille donc recouvra la veuë, et quand elle vit ce merveilleux luminaire du soleil, la beauté des choses creées, tant du ciel que de la terre, elle fut remplie d'une grande admiration et consolation.

  A010000125 

 Vous quitterez le rien pour avoir le tout sans fin; vous arriverez là haut au Ciel pour jouir de cette felicité apres laquelle nos cœurs tendent continuellement, et où nous serons unis de cette union indissoluble et eternelle par tous les siecles des siecles.

  A010000134 

 Cependant la pluspart des hommes ne demeurent gueres en cet estat, car aussi tost ils tombent en des fautes desquelles neanmoins ils se peuvent relever par le moyen de la Confession.

  A010000134 

 Dieu a esté si bon en nostre endroit qu'il a institué des Sacremens en son Eglise pour toutes sortes de vocations, et sa Providence a voulu qu'en toutes les conditions il y eust des Saints: des rois, des empereurs, des princes, des prelats, des mariés, des vefves, des clercs, des religieux.

  A010000134 

 Ils pensent faire prou quand ils se gardent des gros pechés, comme de desrober, de tuer et choses semblables; et on dit: C'est un homme de bien.

  A010000134 

 Neanmoins ils ne se soucient point des conseils que Nostre Seigneur donne, lesquels sont: Qui veut venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et me suive, et tant d'autres beaux enseignemens qui nous peuvent faire arriver à la perfection.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000135 

 Pour moy, je n'ay pas accoustumé de flatter en ces occasions; je dis tout librement qu'il ne faut pas entrer en Religion pour avoir des consolations.

  A010000136 

 Ainsy vos mains, vous ne les tiendrez plus dans des manchons, vous ne prendrez plus tant de peine pour les entretenir, mais les employerez à tout ce que l'obeissance ordonnera.

  A010000136 

 Il ne vous sera point loysible d'ouyr des choses inutiles, non pas mesme ce que vous pouviez bonnement entendre dans le monde; car il faut tout quitter en la Religion pour se dedier tout entiere à la plus grande gloire de Dieu.

  A010000136 

 Vos yeux, vos oreilles, seront assujettis pour ne regarder ni entendre des choses vaines comme les passetemps, ains vous porterez la veue basse.

  A010000138 

 De mesme, il y a plusieurs Sacremens en la sainte Eglise pour acheminer un chacun à la perfection: le Sacrement du Baptesme, pour nous laver et purger de tous nos pechés, celuy de Confirmation pour nous fortifier, et ainsy des autres; celuy de l'Ordre pour nous enseigner et celuy du Mariage pour multiplier les fideles..

  A010000139 

 Il ne faut pas faire comme les charbonniers lesquels, encores qu'ils soyent tout noircis et maschurés ne s'en soucient point, se contentant d'avoir des yeux et un nez et de paroistre hommes; de mesme les gens du monde pensent que quand ils se [39] gardent des gros pechés ils font assez.

  A010000139 

 Si vous luy estes fidelles, les Regles vous seront du miel, les Constitutions du sucre et les mortifications des roses; l'obeissance vous sera un doux repos et vous vivrez comme des vrayes espouses de Jesus Christ crucifié; et de mesme qu'on appelle reynes les espouses des roys, vous, on vous appellera les crucifiées, parce que vostre Espoux c'est Jesus Christ crucifié, pendant cette vie, mais en l'autre il sera Jesus Christ glorifié.

  A010000150 

 parfums des onguens les plus exquis..

  A010000153 

 La divine amante, jettant un profond souspir, se print à dire: Qu'il me bayse, ce cher Ami de mon ame, qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, car tes mammelles sont meilleures que le vin, respandant des odeurs grandement aggreables.

  A010000153 

 Ton nom est comme un huile respandu, lequel estant composé de tous les parfums plus pretieux, rend des odeurs souverainement delectables; c'est pourquoy les jeunes filles t'ont aymé.

  A010000154 

 Les Peres, considerant cette parolle du Cantique des Cantiques que l'Espouse addresse à son Espoux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, disent que ce bayser qu'elle desire si ardemment n'est autre que [41] l'execution du mystere de l'Incarnation de Nostre Seigneur, bayser tant attendu et souhaitté pendant une si longue suite d'années par toutes les ames qui meritent le nom d'amantes.

  A010000155 

 Cela estant donc ainsy presupposé par maniere de preface à ce que nous avons a deduire, nous ferons une petite meditation sur la suite des paroles que la divine amante dit à son Bien-Aymé, par lesquelles elle luy donne des louanges admirables..

  A010000156 

 En effect, les mammelles representent les affections, d'autant qu'elles sont posées sur le cœur et, ainsy que disent les medecins, [42] le lait dont elles sont remplies est comme la moelle de l'amour maternel des meres envers leurs enfans, cet amour le produisant pour leur nourriture..

  A010000156 

 Premierement, apres avoir demandé cet amoureux bayser elle adjouste: Car tes mammelles sont meilleures que le vin, respandant des odeurs fort suaves.

  A010000157 

 Or, dit la chere amante, tes amours qui sont tes mammelles, o mon Bien-Aymé, produisent une certaine liqueur odoriferante qui recrée merveilleusement mon ame, si que je n'estime nullement la bonté des vins plus pretieux et delicats des playsirs de la terre; ils ne sont rien en comparaison, ce sont plustost des ennuis.

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000160 

 Je passe plus avant et veux que nous aymions les Anges; parlant communement, quel gain en tirerons-nous? car ce sont comme nous des creatures, esgalement sujettes à Dieu, nostre commun Createur.

  A010000163 

 Dieu a mis en nostre pouvoir l'acquisition de son pur amour qui nous peut infiniment relever au dessus de nous mesme, il le donne à qui luy donne le sien; pourquoy donques nous amusons-nous autour des creatures, esperant quelque chose au trafic que nous ferons en la recherche de leurs affections?.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000164 

 O que cette sainte Amante, nostre Dame et Maistresse, avoit bien gousté la douceur de ces divines mammelles lors qu'en l'abondance des consolations qu'elle recevoit en la contemplation, toute transportée d'ayse et d'un contentement indicible, elle se prit à les louer! Elle nous incite par son exemple à quitter toute autre pretention des satisfactions de la terre, à fin d'avoir l'honneur et la grace de les succer, et recevoir le lait de la misericorde qui en distille goutte à goutte sur ceux qui s'en approchent pour le recevoir..

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000165 

 Ton nom, poursuit la sainte Espouse, respand des odeurs si delicates que les jeunes filles t'ont aymé, te dediant toutes leurs amours et toutes leurs affections.

  A010000168 

 Aussi, sans l'ayde de cette divine grace et des Constitutions que l'on garde ceans sous la conduite de nostre sacrée Mere et Maistresse la Sainte Vierge, elles ne parviendroyent jamais à ce haut degré d'espouses de Jesus Christ.

  A010000171 

 Cette sacrée Vierge lut donques une tres parfaite Religieuse, ainsy que nous avons dit; aussi est-elle la particuliere protectrice des ames qui se dedient à Nostre Seigneur.

  A010000172 

 La virginité et absolue chasteté est une vertu angelique; mais bien qu'elle appartienne plus particulierement aux Anges qu'aux hommes, si est-ce pourtant que la pureté de Nostre Dame surpassa infiniment celle des Anges, ayant trois grandes excellences au dessus de la leur, mesme de celle des Cherubins et Seraphins.

  A010000173 

 Celle des Anges est sterile et ne peut avoir de fecondité; celle de nostre glorieuse Maistresse, au contraire, a esté non seulement feconde en ce qu'elle nous a produit ce doux fruit de vie, Nostre Seigneur et Maistre, mais en second lieu, en ce qu'elle a engendré plusieurs vierges.

  A010000173 

 La pureté et virginité de Nostre Dame eut cette excellence, ce privilege et cette sureminence au dessus de celle des Anges, que ce fut une virginité feconde.

  A010000174 

 Et non seulement elle produit elle mesme, mais elle fait encores que la virginité qu'elle engendre en produise des autres; car une ame qui se dedie parfaittement au divin service ne sera jamais seule, ains en attirera plusieurs à son exemple, à la suite des parfums qui l'ont attirée elle-mesme; c'est pourquoy l'amante sacrée dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy et nous courrons..

  A010000174 

 La virginité de nostre divine Maistresse n'est donc point sterile comme celle des Anges, ains elle est tellement [50] feconde que dès l'instant qu'elle fut vouée à Dieu jusqu'à maintenant elle a tousjours fait de nouvelles productions.

  A010000175 

 De plus, la virginité de Nostre Dame surpassa celle des Anges parce que ceux cy sont vierges et chastes par nature.

  A010000176 

 Sa virginité surpassa encores celle des Anges entant qu'elle fut combattue et esprouvée, ce qui ne peut estre pour celle des Esprits celestes, parce qu'ils ne sçauroyent descheoir de leur pureté ou recevoir en façon quelconque tare ni espreuve.

  A010000177 

 Et tout ainsy que la sacristaine d'une eglise a un grand soin de bien fermer les portes, de peur que l'on ne vienne à despouiller ses autels, et regarde tousjours autour d'iceux si on n'a point pris quelque chose, de mesme la pudeur des vierges est sans cesse aux aguets pour voir si rien ne viendra point attaquer leur chasteté ou mettre en peril leur virginité, de laquelle elle est extremement jalouse; et dès qu'elle apperçoit quelques choses noires, quand ce ne seroit que l'ombre du mal, elle s'esmeut et se trouble comme fit la tres auguste Marie..

  A010000182 

 Lors, en la jouissance d'icelles, nous chanterons, apres Nostre Dame et tres sainte Maistresse, le cantique des louanges de ce Dieu qui nous aura fait tant de grace de la suivre en ce monde et de batailler sous son estendart.

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour dire la verité, les hommes ne font pas un si grand renoncement de leur liberté comme font les filles, qui se tiennent resserrées dans les celestes prisons de Nostre Seigneur, qui sont les Religions, pour passer le reste de leurs jours sans en pouvoir jamais sortir, si ce n'est pour de certaines occasions fort rares et signalées, comme d'aller establir et fonder des monasteres..

  A010000189 

 Ils quittent voirement bien le monde d'affection, car tous les Religieux le doivent faire; mais neanmoins on les void tousjours avoir quelque conversation avec les personnes du monde, ce qui soulage un peu la rigueur des lois qui sont dans l'enclos du monastere.

  A010000189 

 Les hommes qui entrent en Religion y entrent bien pour y vivre en obeissance selon les Regles et Statuts d'icelle; mais si faut-il confesser que le renoncement qu'ils font de leur liberté n'est pas si extreme que celuy des filles, d'autant qu'ils ont encores la liberté de sortir, d'aller de couvent en couvent, de prescher, de confesser et faire ainsy plusieurs autres exercices qui leur servent de divertissement.

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000193 

 Les Religieux et Religieuses ne sont-ils pas au païs de transmigration, et ne font-ils pas le passage du monde en la Religion, comme en un lieu de printemps, pour chanter les divines louanges et pour s'exempter de souffrir les froidures et les gelées du monde? Hé! n'est-ce pas pour cela qu'ils entrent en la Religion, où il n'y a que printemps et que chaleur, le Soleil de justice dardant fort ordinairement ses rayons sur les cœurs des Religieux, lesquels il n'eschauffe pas moins en les esclairant qu'il les esclaire en les eschauffant? Et qu'est-ce que le monde sinon un hiver extremement froid, où il n'y a que des ames gelées et froides comme glace? J'entens ceux qui estans au monde vivent selon les lois du monde, car je sçay bien qu'on peut vivre parfaittement en toutes sortes de vocations, mesme dans le monde, aussi bien [58] qu'en Religion; et pourveu qu'on le veuille, l'on peut en tous lieux parvenir à un tres haut degré de perfection.

  A010000193 

 Mais pour parler selon que nous voyons estre le plus ordinaire, l'on ne rencontre presque au monde que des cœurs de glace, tant ils sont froids et peu eschauffés de ce feu supresme dont tous les autres feux prennent leur origine et leur chaleur.

  A010000194 

 L'amour ne dit jamais: C'est assez, sufficit; il veut que l'on aye le courage de vouloir tousjours aller plus avant en la voye des volontés du Bien-Aymé..

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000195 

 O que cette cité represente bien à propos la Religion! car qu'est-ce que la Religion, sinon une maison ou une cité fleurie et toute parsemée de fleurs, d'autant qu'on n'y fait chose quelconque, quand on y vit selon les Regles et Statuts d'icelle, que ce ne soyent autant de fleurs? Les mortifications, les humiliations, les oraisons, bref, tous les exercices, qu'est-ce autre chose que des pratiques de vertus, qui sont comme de belles fleurs qui [59] respandent une odeur extremement suave devant la divine Majesté? Or, qu'est-ce que la Religion sinon un parterre tout semé de fleurs tres aggreables à la veuë et d'odeur tres salutaire à ceux qui les veulent odorer?.

  A010000195 

 Or, Nazareth veut dire fleur; elle fut donc trouvée en la cité des fleurs ou fleurie.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000197 

 Il y a quelques Docteurs qui tiennent qu'elle a institué des congregations de filles, et qu'estant allée à Ephese avec son bien aymé fils adoptif saint Jean, elle en dressa une à laquelle elle donna mesme des Regles et Constitutions.

  A010000203 

 Mais ce n'est pas de cette union naturelle de l'ame et du corps en Nostre Dame que je veux parler, d'autant qu'elle est generale et commune au reste des hommes; ains je me veux arrester sur trois autres unions merveilleuses que Dieu a fait en elle.

  A010000207 

 C'est sur cette derniere union que je m'arresteray, laquelle me donnera entrée dans le sujet de cette feste; car qu'est-ce que la Visitation de Nostre Dame à sainte Elizabeth sinon un assemblage de l'humilité et de la charité, ou un sommaire des effects de ces deux vertus pratiquées par la Sainte Vierge envers sa cousine? L'humilité et la charité n'ont qu'un seul objet qui est Dieu, à l'union duquel elles tendent; neanmoins elles passent de Dieu au prochain, et c'est là où elles se perfectionnent.

  A010000207 

 Certes, nostre tres glorieuse Maistresse pratiqua ces deux vertus en un souverain degré au temps de l'Incarnation, lors que l'Ange Gabriel luy avant annoncé ce mystere ineffable, elle respondit: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car pendant qu'il la declaroit Mere de Dieu et Reyne des Anges et des hommes, qu'il luy faisoit entendre qu'elle estoit eslevée par dessus toutes les creatures angeliques et humaines, elle s'abaissa aux pieds [63] de toutes, disant: Voicy la chambriere du Seigneur.

  A010000208 

 Il est vray qu'elle ne s'humilia jamais si profondement que quand elle dit: Voicy la servante du Seigneur; mais apres avoir fait des actes d'une si parfaite humilité et aneantissement et estre descendue le plus bas qu'elle pouvoit, elle produit consecutivement des actes de charité, en adjoustant: Me soit fait selon ta parole; car en donnant son consentement et acquiescement à ce que l'Ange luy annonçoit que son Dieu demandoit d'elle, elle fit paroistre la plus grande charité qui se peut imaginer.

  A010000208 

 Vous voyez donques comme en cet instant, Dieu unit en la Sainte Vierge la charité et l'humilité; en disant: Voicy la servante du Seigneur elle s'est abaissée jusques au profond abisme du neant, mais en mesme temps elle est relevée par la charité au dessus des Cherubins et Seraphins lors qu'elle adjouste: Me soit fait selon ta parole, car à cette heure le Verbe divin print chair dans son ventre virginal, et par ce moyen elle devint Mere de Dieu..

  A010000211 

 Nostre Dame est Reyne du Ciel et de la terre, des Anges et des hommes; et encores ces tiltres que nous luy donnons ne servent qu'à ayder nos pauvres entendemens à se la representer en quelque façon qui nous fasse un peu comprendre sa grandeur, d'autant qu'elle est souverainement plus grande que tout ce que l'on en peut dire.

  A010000213 

 Le premier est que saint Jean eut l'usage de rayson; le second, qu'il fut sanctifié dans le sein de sa mere, et le troisiesme, qu'il fut rempli de science et de la connoissance «le Dieu et des divins mysteres, ce qui est cause qu'il l'ayma, l'adora et tressaillit de joye.

  A010000213 

 Nous autres nous sommes bien vivans dans le sein maternel, mais pourtant nous n'avons pas l'usage de nos facultés; nous y sommes comme des masses de chair, et quoy que nous ayons nos sens, nous ne pouvons pourtant pas nous en servir.

  A010000214 

 Voyez aussi quelque jeune muguet, quelque jeune sot: ne remarquerez-vous pas son orgueil, sa presomption et vanité? Prenez garde à sa demarche, à son maintien, comme il va sur le bout des pieds, comme il leve la teste, en somme il fait mille niaiseries et lanterneries qui sont toutes marques de sa fierté et outrecuidance.

  A010000215 

 Certes, l'homme est grandement sujet à cette fierté et presomption, mais quand ce vice entre dans la teste des femmes il y fait de grandes ruines et ravages; et parce qu'elles sont si sujettes au desir de paroistre, elles sont obligées d'y apporter une attention particuliere à fin de s'en garantir et preserver.

  A010000215 

 La foiblesse de leur sexe les porte bien à cela: pour peu qu'on les touche elles s'eslevent; souvent elles se forgent des pensées et opinions d'elles mesmes qui les font presumer d'estre quelque chose au dessus des autres.

  A010000218 

 Il se faudroit donc bien garder de dire: C'est assez, j'ay suffisamment de la grace divine ou des vertus; c'est assez de mortification, je m'y suis assez exercé..

  A010000219 

 Certes, en telles choses on peut dire: J'en ay raysonnablement, je me contente, j'en ay à suffisance; mais en ce qui est des biens spirituels, oh! il ne faut jamais penser, tandis que nous sommes en cet exil, que nous en ayons assez, ains il se faut disposer continuellement à recevoir une augmentation de grace..

  A010000219 

 Le monde a une certaine ambition d'acquérir des richesses, des honneurs, et ne dit jamais: C'est assez; combien qu'il soit aveugle en cecy, car pour peu qu'il en possedast il en auroit suffisamment, veu que le trop de gloire, de biens et de dignités cause la mort et perte de nos ames.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 Nostre Dame va donques pour visiter sainte Elizabeth; mais cette visite ne fut point inutile ni semblable à celles qui se font par les dames de ce temps, seulement par ceremonie, esquelles on tesmoigne bien souvent des affections plus grandes qu'on ne les sent pas et où l'on discourt frequemment des uns et des autres, si que l'on en sort avec des consciences interessées.

  A010000220 

 Saint Hierosme parlant de la devote Proba, descrit merveilleusement bien l'inutilité des visites des dames romaines, disant que ces bonnes matrones ne faisoyent autre que se visiter, [70] et que la pluspart de ces visites estoyent superflues et temps mal employé, ce qu'il deplore en cette epistre.

  A010000222 

 Il est vray, semble dire sainte Elizabeth la Vierge, que vous estes benite entre toutes les femmes, mais il est vray aussi que cette benediction [71] vous vient du fruit de vostre sein, lequel est le Maistre des benedictions; car on ne benit pas le fruit à cause de l'arbre, ains l'arbre à cause de la bonté de son fruit.

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000224 

 Considerez cependant que le Sauveur voulant faire cette union, a voulu et ordonné que nous nous servissions de l'invocation des Saints.

  A010000224 

 Il a fait de grandes faveurs aux hommes par leur entremise, et d'autres fois il a employé celle des Anges.

  A010000224 

 Il a voulu que ceux-cy fussent servis par les Esprits celestes, et que la conversion des hommes fust pour iceux une augmentation de gloire à cause de cette union..

  A010000224 

 Mais pourquoy employe-t-il l'entremise des Anges pour nous garder et nous conferer ses graces? ne pourroit-il pas bien le faire luy mesme sans se servir d'eux? Il le pourroit, sans doute, mais pour operer cette union dont je vous parle il a resolu d'unir les Anges avec les hommes et de les assujettir les uns aux autres.

  A010000225 

 C'est pourquoy l'Eglise voulant, comme bonne mere, nous mieux apprendre à nous servir de l'entremise de la Sainte Vierge et des Saints, elle a joint l' Ave Maria au Pater pour le reciter consecutivement apres l'Oraison Dominicale..

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000225 

 Or, quand je dis que les Anges font feste au Ciel et se resjouissent, il faut aussi l'entendre des Saints qui sont avec eux; car si bien l'Evangile ne parle que des bienheureux Esprits, c'est parce que devant la Passion de Nostre Seigneur il n'y avoit encores point d'hommes dans le Ciel; mais despuis que les Saints y sont entrés ils ont esté tellement unis avec les Anges qu'ils participent à leur joye sur le retour des pecheurs.

  A010000226 

 Certes, quand nous parlons d'eux nos cœurs doivent estre prosternés par terre, car il y a une si grande distance entre nous et ces Esprits celestes qu'il ne se peut imaginer; et neanmoins un si grand rapport, que tout ainsy que la terre ne peut rien produire sans les influences du ciel, aussi ne pouvons-nous rien de nous mesmes si nous ne sommes assistés des Saints.

  A010000226 

 De plus, il faut tousjours traitter des choses saintes, des Saints et de la sacrée Vierge avec un profond honneur et respect.

  A010000226 

 Il est vray pourtant qu'à une telle et si grande Vierge il ne faut pas aller demander des bagatelles, comme quelques uns font: par exemple, d'estre plus riche, plus belle, et semblables niaiseries; car tout ainsy que ce seroit incivilité de se servir de l'entremission d'un grand prince pour obtenir du roy ou de l'empereur quelque chose de vil prix, aussi seroit-ce une incivilité en la vie spirituelle de se servir de l'entremise de nostre glorieuse Reyne pour des choses basses et caduques.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000226 

 Voyla donc comment nous recevons le Saint Esprit par l'entremise des Saints et de la Vierge..

  A010000227 

 Et pourquoy? Pour estre consolée, car c'est une chose si douce d'avoir des consolations! Je voudrois bien avoir quelque extase, quelque ravissement; je souhaitterois volontiers que cette sacrée Vierge se monstrast à moy.

  A010000228 

 Celuy cy ayant esté fait Evesque d'un diocese où il y avoit beaucoup à travailler à cause des heretiques qu'il failloit convertir, entra en de grandes apprehensions et craintes de n'avoir pas assez de science et d'eloquence pour refuter leurs erreurs.

  A010000229 

 Il s'en est trouvé quelques uns qui ont voulu railler et discourir sur les escrits de ce glorieux Saint, et certes à tort, car saint Gregoire a esté l'un des plus grans Papes qui ayent siegé en la chaire de saint Pierre; peu d'années apres son exaltation il se retira en solitude et fit le livre de ses Dialogues.

  A010000229 

 Je ne sçay si je l'ay desja racontée en ce lieu, je n'en ay pas bonne memoire; mais encores que je l'aye ja dite, je ne laisseray pas de la repeter, parce que je ne suis pas devant des personnes si degoustées qu'elles ne puissent entendre deux fois une mesme chose; car ceux qui ont bon appetit mangent bien d'une mesme viande deux fois.

  A010000231 

 Et quoy? Des secheresses, des aridités, des degousts.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000237 

 L'esprit de l'homme est tousjours inquiet, il est en de continuelles agitations en la recherche des biens humains et apparens, ce qui fait que ne trouvant point de contentement en ceux qu'il rencontre, il demeure plein de trouble.

  A010000238 

 Hé, disent-ils, les autres peuples sont sous la juridiction des roys et princes, ils ont des sceptres et des couronnes imperiales; pour nous, nous sommes sans roy et sans loy..

  A010000238 

 Mais ce peuple ingrat, grossier et mesconnoissant n'estoit [78] point content, ains s'amusoit à la recherche d'un bien où il peust trouver plus de suavité; et quoy que le Seigneur fust, par maniere de dire, descendu du Ciel pour eux et leur eust donné des preuves plus que suffisantes de l'amour qu'il leur portoit, ils ne laisserent pour cela d'estre pleins de murmures et de chagrin.

  A010000239 

 Ce n'est pas qu'ils fussent despourveus de princes terriens qui leur donnassent des lois et qui eussent soin de leur conduite; non certes, car ils avoyent eu Aaron et le grand Moyse et leurs successeurs.

  A010000239 

 Ils se tenoyent parmi le peuple comme des capitaines et gouverneurs dependans du domaine et authorite de Tres Haut, et le faisoyent reconnoistre pour Roy souverain et unique Legislateur.

  A010000239 

 O peuple ingrat et murmurateur! Le Seigneur, le Dieu vivant quoy qu'invisible, estoit leur Roy et leur Prince, leur sceptre et leur couronne imperiale; mais ils ne s'en contentent pas, ains en demandent un autre, quoy qu'ils eussent bien veu la tyrannie des souverains de la terre, ayans experimenté la cruauté d'un Pharaon, roy des Egyptiens, bien contraire à la douceur de leur Roy invisible, nostre unique Seigneur.

  A010000239 

 Or, les princes du peuple de Dieu ne faisoyent pas comme ceux de cette heure, parce que le Seigneur leur communiquoit tellement son Esprit qu'ils ne commandoyent ni ordonnoyent que ce qu'ils sçavoyent estre de la divine volonté, laquelle ils connoissoyent par le moyen des Prophetes et souverains Prestres de la Loy auxquels ils s'addressoyent.

  A010000240 

 Il vous baillera des lois et constitutions lesquelles vous suivrez et observerez; car puisque vous vous plaignez d'estre sans roy, estimant les autres nations bien heureuses d'en avoir, nonobstant qu'ils soyent cruels et tyrans, or sus, vous en aurez un desormais, et vous luy obeirez.

  A010000242 

 Bien que cette prophetie de Samuel aux Israelites fust pour leur tesmoigner l'ire et l'indignation de Dieu, si estoit-elle encores une figure de ce que Nostre Seigneur devoit faire en la loy de grace parmi le peuple chrestien, ses vrays enfans et sujets, auxquels, comme Roy, il devoit donner des lois qui ne sont autres que ses saints commandemens.

  A010000242 

 Et il agit ainsy envers tous les Chrestiens; mais pour ne parler à cette heure que des femmes, nous dirons que Nostre Seigneur en appelle plusieurs à son service.

  A010000242 

 Or, ce que ce roy faisoit à l'endroit des enfans d'Israël nous represente les diverses [80] vocations par lesquelles nostre divin Maistre appelle ses creatures à son service, non point en usant de tyrannie comme ce prince terrien, mais doucement et avec des entrailles pleines de misericorde.

  A010000243 

 Cette excellente Magdeleine fut sa parfumeuse, employ qu'elle exerça toute sa vie, ayant tousjours avec soy des parfums pour oindre son divin Maistre.

  A010000245 

 En somme, toutes sont allées à Nostre Seigneur avec des attraits et un amour interessés..

  A010000247 

 L'Eglise la met au nombre des pecheresses et ne permet point qu'on la nomme vierge, ains elle defend au jour qu'on relebre sa feste de reciter l'antienne propre aux Vierges.

  A010000247 

 Mais helas, elle avoit tellement plongé toutes ses affections et pensées dans la vanité et sensualité, que pour y entre entortillée de la sorte il ne se peut qu'elle ne commist des fautes tres griefves..

  A010000250 

 Quant à sa penitence, combien a-t-elle esté genereuse! combien pleura-t-elle ses pechés, que n'a-t-elle fait pour les effacer et pendant la vie et apres la mort du Sauveur! Elle a jette des larmes en si grande abondance qu'elles surpassent celles de David lequel disoit: Je pleurois nuit et jour mon iniquité en telle sorte que mon lit nageoit dans le torrent des eaux que je respandois.

  A010000251 

 C'est pourquoy elle se peut bien nommer reyne des penitens, puisqu'elle les a tous surpassés..

  A010000251 

 Ceux, dit le sacré Texte, qui portoyent des habits [84] de soye les quitterent pour se revestir de la haire et du cilice; ceux qui couvroyent leurs cheveux de poudre d'or les couvrirent de cendre.

  A010000251 

 Comme elle avoit offencé Dieu de tout son cœur, de toute son ame et d'une grande partie des membres de son corps, aussi les employa-t-elle à faire penitence; elle la lit de tout son cœur, de tout son corps et de toute son ame, sans reserve quelconque, ains elle s'employa generalement et totalement ès œuvres d'icelle.

  A010000251 

 Ils jeusnoyent tous les jours jusques aux petits enfans; et, ce qui est davantage, ils faisoyent jeusner leurs chevaux et leurs bœufs pour plus grande austerité, en penitence des fautes de leurs maistres.

  A010000251 

 La Sainte Escriture ne parle et ne nous remet rien tant devant les yeux que la penitence des Ninivites, laquelle fut si grande que c'est chose admirable de voir ce qu'ils firent et les effects operés par les paroles de Jonas.

  A010000252 

 Dieu luy donna en recompense un amour tres fort et ardent, accompagné d'une tres grande pureté; et tout ainsy que le divin Espoux luy navroit le cœur, de mesme luy blessoit-elle le sien par des desirs, souspirs et eslans amoureux.

  A010000252 

 En second lieu elle est reyne des justes.

  A010000253 

 Voyez donques comment sainte Magdeleine est reyne des justes; car qu'est-ce qui la pouvoit rendre plus juste que cette dilection, jointe avec sa grande humilité et componction qui la faisoit tousjours estre aux pieds du Sauveur? Aussi l'aymoit-il de l'amour tendre et delicat dont il ayme les justes, lequel estoit cause qu'il ne pouvoit souffrir qu'on la touchast ou reprist de quelque chose sans prendre son parti.

  A010000255 

 Non point pour avoir des extases, des revelations, suspensions ou telles autres choses, o non certes; tant de mouvemens, de lumieres, de sentimens sensibles, qui sont presque communement desirés de tous, ne sont pas necessaires à nostre salut ni requis pour entretenir et perfectionner nostre amour.

  A010000257 

 Là elle mena une vie plus divine qu'humaine, estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que pour cela son cœur sortist des pieds de son Sauveur..

  A010000257 

 Nostre Dame aussi l'aymoit grandement et plus qu'aucune des femmes qui la suivoyent.

  A010000258 

 O que vous serez heureuses si vous faites des sacrifices entiers de vous mesme à la divine Majesté, si vous ne vous reservez l'usage d'aucune chose, pour petite qu'elle soit! [88] Dieu vous demande cela.

  A010000260 

 Il leur est facile de se divertir des cogitations coulpables, parce que n'ayans plus d'occasion presente et estans en des lieux où elles ne voyent rien que des sujets pieux, où elles ne lisent que des bons livres, où elles n'entendent parler que de Dieu et des choses spirituelles, elles s'en rendent plus facilement quittes..

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Qu'est ce que les cheveux? C'est ce qu'il y a de plus vil et abject au corps humain, les excremens de la nature, une superfluité et chose de nul prix; on n'en tient aucun compte, non pas mesme de ceux des roys, car on les foule aux pieds comme n'ayant nulle valeur, et neanmoins l'esprit humain constitue sa gloire en iceux.

  A010000261 

 Mais cela n'est encores rien, il faut de plus sacrifier ses yeux; car pourquoy croyez-vous qu'on vous aye mis des voiles sur la teste, sinon à fin de vous apprendre à ne vous plus servir de vos yeux pour voir et pleurer que quand la grace vous y excitera, et non pour les niaiseries et tendretés pour lesquelles les femmes sont sujettes aux larmes, larmes folles et vaines, certes! Je voudrois bien faire telle chose, mais je ne peux.

  A010000262 

 C'est par les yeux et par les cheveux que le divin Espoux dit au Cantique des Cantiques que son Espouse luy a navré le cœur; neanmoins les paroles qui sortent de la bouche expriment bien mieux encores que les yeux les mouvemens et sentimens interieurs.

  A010000263 

 Il faut donques sacrifier ses cheveux, ses paroles et ses yeux a Dieu, ne s'en servant point pour des niaiseries, et ne pleurant point de ces larmes tendres et molles, ni moins des naturelles.

  A010000264 

 Mais vous avez trouvé des Anges.

  A010000265 

 En effect, l'une des grandes miseres de l'esprit humain est que chacun s'en fait accroire, et vous ne sçauriez penser combien il est difficile de se rendre quitte de ce parfum.

  A010000265 

 On se souvient des maysons, des extractions, on recherche si son grand pere et arriere grand pere n'est pas issu de la race d'Abraham.

  A010000267 

 Voyez-vous, la Religion «est un mont de Calvaire,» on ne vous y a pas receues pour vous y donner des consolations; o non certes, car on ne demande rien moins de vous que d'estre crucifiées.

  A010000268 

 Et qui n'aymeroit sainte Dorothée? Comme on la menoit au martyre, un advocat nommé Theophile, qui estoit present, luy ayant ouy asseurer que là où estoit Jesus Christ et où elle alloit il y avoit des pommes en toute saison et des roses qui ne flestrissoyent jamais, il luy dit, comme en se moquant d'elle: Dorothée, faites-moy tant de faveur que de m'envoyer du jardin de vostre Espoux de ces roses et de ces pommes dont vous nous faites si grand cas.

  A010000269 

 Et qui n'aymeroit saint Bonaventure pour sa grande humilité? Qui ne s'estonneroit de celle qu'il prattiqua lors que, ayant eu commandement des Cardinaux d'eslire un Pape tel qu'il voudroit, ou d'accepter luy mesme le siege pontifical, à cause des grandes difficultés qu'il y avoit à se resoudre sur ce choix, non seulement il refusa cette souveraine dignité, mais de plus il ne voulut pourvoir aucun de ses parens ni amis, ains nomma Pape, Thibaut, vicomte de Plaisance, qui estoit à la guerre et parmi les armes.

  A010000270 

 Et sainte Agnes, qui, aagée seulement de treize ans, triompha du monde et de la chair, donnant son sang pour son Espoux celeste! O que vous serez heureuses si voir, imitez ces Saints et Saintes en leur mespris des creatures et d'eux mesmes! Il faut de necessité faire une parfaite abnegation pour parvenir à la perfection, et ne penser plus au monde ni à vos parens; je veux dire aux maysons desquelles vous estes sorties, car je n'entens pas que vous oubliiez de prier pour eux..

  A010000271 

 Et ne dites point: O Dieu, tousjours vivre icy! et le moyen? (Peut estre que cela ne vous viendra pas en teste pendant vostre noviciat, mais puis apres il pourroit survenir des fantosmes qui vous estonneront.) Ressouvenez-vous des paroles de saint Paul: J'ay tellement mesprisé le inonde que je le tiens comme un pendu et il me tient comme un pendard; je suis crucifié au monde et le monde m'est crucifié; je n'ay pas de vie pour moy, ni pas un bouton pour le monde; car si bien je vis, je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000272 

 C'est celuy des deux grandes reynes, vos maistresses et protectrices, à sçavoir la sacrée Vierge Marie vostre Mere, et Marie Magdeleine, lesquelles sont toutes deux nommées Marie, qui signifie estoile de mer ou mer amere, dame exaltée, illustrée ou illustratrice.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Je conclus ce discours en vous souhaittant, mes cheres Filles, l'une des benedictions de sainte Marie Magdeleine; et si, je ne vous souhaitte point d'extases, de ravissemens, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle fut à la Sainte Baume, ni de vous apparoistre comme elle fit à plusieurs, ni de jetter une grande abondance de larmes, ni le don tres excellent de la contemplation.

  A010000274 

 O qu'en ce temps icy l'on se garderoit bien d'appeller Monsieur un jardinier! Vous rencontrerez parmi le monde des femmes qui sont si coquettes qu'elles font mille difficultés de nommer Monsieur et Madame celuy cy et celle là; il faut tant d'examens, tant de niaiseries pour s'asseurer si celuy cy est monsieur ou non! Or vous, mes cheres Filles, quand vous serez humbles comme Magdeleine vous appellerez tous Monsieur, c'est à dire vous obeirez à tous sans exception de personne, donnant à un chacun le pouvoir de vous commander..

  A010000275 

 Vous l'emporterez? Mais il est parmi les Juifs et soldats; vous n'estes qu'une femme, comment ferez-vous? O Dieu, respond-elle, ne craignez point cela, car je l'iray prendre au milieu des Juifs et je l'emporteray; je me sens assez de force pour le faire.

  A010000276 

 Et, comme Magdeleine, vous respondrez: Rabboni, mon Maistre! Maistre que nous avons suivi, Maistre auquel nous avons obei, Maistre auquel nous nous sommes conformées, et pour et avec lequel nous nous sommes «crucifiées, pour apres cette vie estre glorifiées avec luy» en l'eternité de la vie bienheureuse, et là chanter avec nostre reyne sainte Magdeleine les cantiques eternels par tous les siecles des siecles.

  A010000289 

 En la premiere, ses desbauches et sa purgation, suivant ce texte: Sortez de vos couches sensuelles et voluptueuses; en la seconde, comme il se revestit des habits et habitudes de Jesus Christ, et en la troisiesme, comme il ne parut plus en la lumiere avec ses vestemens de la nuit..

  A010000289 

 O mes enfans, dit le grand Apostre escrivant aux Romains, levez-vous, quittez vos desbauches, vos jeux et festins, l'ivrognerie et la gourmandise, sortez de vos couches sensuelles et voluptueuses, devestez-vous de vos vestemens et de vos habitudes, et vous revestez des vestemens et habitudes [100] de Jesus Christ.

  A010000289 

 Or, oyant cette frequente repetition, il prit le livre des Epistres de saint Paul qui estoit aupres de luy, et l'ouvrant, sans aucune pensée ni souci de ce qu'il faisoit, il leut ces paroles que j'ay prises pour mon theme: Non in commessationibus, et ce qui suit.

  A010000291 

 Combien de Saints et de Saintes se sont dès leur enfance dediés et consacrés au service de Dieu, lesquels ont perseveré constamment jusqu'à la fin, portant des fruits tres delicieux; entre autres, le glorieux saint Jean Baptiste duquel nous celebrerons demain la Decollation.

  A010000291 

 Les uns n'ont rien eu en eux que de saint, suave et aggreable; ils ont fait des commencemens tres fervens, des progres et des fins pretieuses.

  A010000291 

 Or, pour entrer en mon premier point, vous sçavez toutes, je m'en asseure, qu'il y a trois sortes d'hommes qui sont arrivés à la sainteté, c'est à dire qu'ils ont esté saints en des aages et manieres differentes.

  A010000292 

 Ses fleurs sont non seulement belles à la veue, ains propres à resister au venin du serpent; et son fruit, qui n'estant encores meur ne laisse de servir à l'usage de l'homme (car c'est d'iceluy que l'on fait le verjus tres utile à sa santé), va tousjours faisant des accroissemens jusques à ce qu'il soit arrivé à sa maturité, en laquelle il nous rend alors du vin tres proffitable [101] et aggreable.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000294 

 Aussi estoyent-ils fiers, bien qu'avec cette difference, qu'Alexandre ne vouloit point recevoir de louanges que pour des choses de grande valeur en elles mesmes, tandis que pour les menues actions qu'il faisoit ou pour les qualités qui estoyent en luy il n'en pretendoit point; au contraire, Philippe ne tiroit sa gloire que des actions basses et petites, comme à bien sçavoir jouer du luth et telles autres bagatelles..

  A010000294 

 Il s'efforçoit avec un style d'heretique, tel qu'il estoit, de renverser [102] ceux, qui defendoyent la verité, d'autant qu'il avoit plus d'esgard aux erreurs de sa secte qu'au sens de l'Escriture Sainte laquelle a un langage plus simple que celuy des Manicheens.

  A010000295 

 Il disoit avoir fait des insignes meschancetés desquelles il n'estoit point coulpable, à fin de s'en glorifier et estre estimé par ces desbauchés un homme courageux, vaillant et genereux..

  A010000295 

 Il dit en effect qu'il se glorifioit parmi ses compagnons et jeunes libertins en des oeuvres tres mauvaises, vilaines et insolentes, et qu'il rougissoit de n'avoir commis les mesmes impertinences et meschancetés dont les autres se vantoyent, ayant honte de ne se trouver aussi vicieux.

  A010000295 

 Saint Augustin avoit voirement un courage genereux comme un autre Alexandre, qui cherchoit de la gloire aux actions hautes et relevées, mais encores en prenoit d aux petites, comme Philippe; et passant plus outre, il en tiroit aussi des choses qui de soy estoyent mauvaises, voire du mensonge mesme, ainsy qu'il le raconte au livre de ses Confessions.

  A010000296 

 Il escrit qu'estant encor petit il se vantoit et glorifioit de ce qu'il desroboit les fruits des jardins de ses voysins, s'en estimant d'autant plus que le larcin, quoy que leger, estoit subtil et secret; car en le racontant il faisoit voir les ruses et inventions de son esprit..

  A010000296 

 Remarquez un peu que c'est des miseres de l'esprit [103] humain, en quelle extremité va la desbordée jeunesse et de quoy se prisent les troupes des escoliers qui vivent sans crainte et sans retenue.

  A010000298 

 Devestez-vous de la gourmandise, et vous revestez de la sobrieté en vous rendant austeres; devestez-vous de la sensualité, quittez vos couches pretieuses, et vous revestez de la chasteté, et priez sans cesse; devestez-vous des contentions, envies et courroux, et vous revestez de la douceur et debonnaireté.

  A010000298 

 Mais le Saint Esprit luy inspire sa purgation pour faire une entiere conversion, et apres l'avoir sollicité de se retirer de son peché il l'invite non seulement à se despouiller de ses vestemens, mais encores à se revestir des habits et habitudes de Jesus Christ.

  A010000301 

 O certes, il failloit bien, pour traitter en cette sorte, que ce fust entre un cœur de pere et des cœurs de fils: un cœur de pere en saint Augustin, et de fils en ses sujets.

  A010000301 

 Quand il n'avoit plus rien pour leur donner il s'addressoit à son peuple et luy disoit avec une simplicité, candeur et liberté du tout admirable: Mon tres cher peuple, je n'ay plus rien pour pourvoir aux miseres des pauvres, j'ay donné [106] tout ce que j'avois, j'ay mesme vendu les ornemens de l'eglise pour ce sujet.

  A010000302 

 Tant en son manger qu'en son vestir il se contentoit de ce qui estoit necessaire pour l'entretien de la vie humaine; aussi, à l'imitation du grand Apostre, il ne demandoit que du pain et de l'eau pour son entretenement et une robe pour couvrir sa nudité, disant avec le mesme saint Paul, que tout le reste c'estoyent des superfluités.

  A010000303 

 Il a gardé avec tant de soin sa chasteté, il l'a tant estimée et louée qu'il en a composé des livres dignes de l'admiration de tous ceux qui les lisent, lesquels ils rendent amateurs de cette belle vertu.

  A010000304 

 Aussi saint Augustin s'en servoit-il pour conserver cette chasteté par laquelle il surpassoit la virginité des vierges; et, poussé de l'Esprit divin, de l'amour et connoissance qu'il avoit de la beauté et grandeur d'icelle, il en composa des livres, comme nous avons dit, addressés aux vierges et aux vefves, lesquels ravissent en admiration et portent à l'amour de cette vertu tous ceux qui les lisent.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Que faut-il donques faire pour acquerir et attirer ce don des mains de Dieu, puisque nul ne peut estre chaste si le Seigneur ne luy en fait la grace? Priez, dit l'Apostre; c'est à dire, demandez-la en esprit de profonde humilité, car c'est par la priere que vous l'obtiendrez, et que, l'ayant receuë, vous la conserverez.

  A010000305 

 L'humilité est la vertu des vertus, puisque c'est elle qui attire et conserve les autres en l'aine.

  A010000306 

 Ce grand Saint donna des preuves de sa tres profonde humilité en plusieurs choses tres remarquables qui peuvent estre utiles et profitables au lieu où je suis; c'est pourquoy je ne me sçaurois empescher de les dire.

  A010000306 

 Chacun sçait que saint Augustin est l'un des grans esprits qu'on ayt jamais veu et qu'il estoit encores doué d'une science admirable.

  A010000306 

 Mais en dehors de cela, il est notoire à tous que saint Augustin est tenu pour le plus grand esprit entre nos anciens Peres, lesquels ne se feignent point de l'appeller le phœnix des Docteurs..

  A010000306 

 Or, je ne parle point de ces grans hommes qui vivoyent en l'Ancien Testament, je parle de ceux de la Loy nouvelle, entre lesquels il peut estre compté pour l'un des premiers.

  A010000310 

 Considerez, mes cheres Sœurs, la candeur, simplicité et humilité des paroles de ce glorieux Pere.

  A010000310 

 O Dieu, en ce temps cy nous ne voulons point de correction; c'est beaucoup quand nous la souffrons de nos Superieurs, mais des esgaux on ne le peut supporter, le cœur s'enfle et bondit, car celuy cy m'estant esgal n'a nulle authorité de me reprendre.

  A010000310 

 On le souffriroit peut estre encores de quelqu'un qui nous seroit superieur mais des autres, o non certes!.

  A010000310 

 Pour les inferieurs, o certes, il n'en faut pas parler: si cela m'estoit dit par un de mes Superieurs je le souffrirois encores, mais par un tel je ne l'endureray pas, je ne luy donneray point cette authorité sur moy, Neanmoins c'est là où gist un des principaux points de l'humilité et de la perfection de la vie chresienne.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000312 

 Seroit ce point pour la faire voir au peuple de sa contrée ou de son diocese lequel, pour l'estime qu'il avoit de sa sainteté, tiendroit pour rien ces actions de son jeune aage, au prix des vertus qui reluisoyent en luy de ce temps-là? Ou bien peut estre fit-il cette confession pour estre loué des justes qui sçauroyent asseurement contrepointer la conduite qu'il avoit tenue despuis sa conversion avec celle de sa jeunesse? O non, ses Confessions ne s'addressent point à telles sortes de gens.

  A010000313 

 Il refutoit ainsy l'heresie des Pelagiens, tant par ses disputes que par son livre De la Grace, où il monstre que nous ne pouvons rien sans icelle..

  A010000313 

 J'eusse bien voulu, pour mon dernier point, dire un mot sur la douceur de ce grand Saint, mais le temps me manque; c'est pourquoy je le laisseray et me contenteray, pour fermer ce discours, d'adjouster deux ou trois mots encores sur ces paroles de saint Paul: Revestez-vous des habitudes de Jesus Christ.

  A010000313 

 Or, dit l'Apostre, ne vous revestez point de soye, de peau de buffle ni de chameau, mais revestez-vous des habitudes de Jesus Christ, de la Passion de Nostre Seigneur, revestez-vous du sang du Sauveur; et tout ainsy que les vestemens environnent le corps, environnez aussi tout vostre cœur et vos affections du Sauveur, c'est à dire ne vous appuyez point sur vos merites, mais sur les merites de sa Mort et Passion.

  A010000315 

 Et pourquoy donques? Pour plaire à Dieu en toutes vos œuvres, ains pour davantage luy plaire; pour vous revestir des merites de la Passion et du sang pretieux de Jesus Christ.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000324 

 Je feray donques ce petit discours sur ce sujet, lequel je diviseray en deux points: au premier nous verrons comme vous devez estre desormais des guerisseuses, et au second, des peintresses..

  A010000326 

 Par exemple, quand le flegme vient à surabonder, il reduit l'homme à de graves infirmités; ainsy en est-il des autres humeurs peccantes de nostre corps.

  A010000327 

 En temps de carnaval on verra des joyes et liesses qui se monstrent par des actions badines et folastres, et bien tost apres vous verrez des tristesses et ennuis si extremes que c'est chose horrible et, ce semble, irremediable.

  A010000327 

 Il en prend tout de mesme de la santé de nos cœurs et de nos esprits; car certes, ils sont remplis d'un grand nombre de meschantes et malignes humeurs, à sçavoir des passions et inclinations vicieuses, qui nous causent plusieurs graves et dangereuses maladies, pour la guerison desquelles il nous faut continuellement veiller et combattre.

  A010000327 

 Quand l'une de ces passions predomine sur les autres elle cause des maladies en l'ame; et parce qu'il est extremement difficile de les tenir en regle, de là vient que les hommes sont bigearres et variables, et que l'on ne voit que fantasies, inconstances et niaiseries parmi eux.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000329 

 Adam cultivoit la terre par recreation, courboit les jeunes entes pour en faire des treilles et pavillons, Dieu luy ayant ordonné cela pour son exercice et pour eviter l'oysiveté.

  A010000329 

 Adam et Eve estans au paradis terrestre en estat de justice originelle, n'avoyent point besoin de labourer la terre, car ce paradis estoit plein de bons et beaux arbres: les uns portoyent des fruits aggreables, doux et gracieux; les autres en produisoyent de propres à la nourriture et entretien de l'homme.

  A010000329 

 Mais despuis qu'il eut peché et que la terre fut maudite, elle n'a plus rien produit de soy mesme que des ronces et espines; si que pour en tirer ce qui est necessaire à la vie de l'homme, il la faut cultiver à force de bras et à la sueur de son corps, puis l'ensemencer.

  A010000331 

 Aussi l'esgalité et constance que l'on a en l'observance des exercices de la Religion cause cette paix et tranquillité d'esprit qui conduit à la perfection..

  A010000332 

 Il n'a onques varié en ses entreprises et resolutions, ains les a tousjours gardées, tant en l'estat du celibat comme en l'election qu'il fit de suivre Nostre Seigneur sans chanceler jamais ni peu ni d'un costé ou d'un autre, ce qui ne se lit pas des Apotres et de quelques autres disciples de nostre divin Sauveur.

  A010000335 

 Mais helas! cela ne se fait pas, car venant en Religion on y apporte des cœurs marqués de tant de traits, je veux dire qu'ils sont si rudes, grossiers, aigres, mal façonnés et peu civilisés que c'est pitié de les voir.

  A010000336 

 D'autre viennent avec des affections mondaines ou grandement contraires à l'esprit de religion; que si l'on ne se despouille de ces choses on ne possedera jamais la vraye paix des enfans de Dieu.

  A010000337 

 Il se faut donques purger de telles choses, bien que bonnes en apparence, et s'assujettir à la conduite d'autruy, embrassant la simplicité et l'humilité qui se trouvent parmi les considerations basses des choses ordinaires, et non point se complaire dans les subtiles, excellentes et qui sont au delà de la portée de nos esprits..

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000338 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si maintenant que vous venez de faire et prononcer vos vœux, vous demeurez attachées avec une invariable fermeté à la Croix de nostre Sauveur et à vostre vocation! car alors, comme sur des tableaux d'attente, on retracera dans vos cœurs et vos esprits la face de Nostre Dame.

  A010000341 

 Mais il est plus probable que saint Luc se servit pour faire le portrait de la Sainte Vierge de la façon ordinaire des peintres, et qu'il la pria, ou quelque autre pour luy, de se laisser tirer.

  A010000344 

 Il ne commence point son Evangile comme saint Jean qui dit tout au debut: In principio erat Mot; ce qui ne peut estre bien compris des hommes, ains des Anges seulement.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000344 

 Saint Luc n'a pas esté seulement instruit de saint Paul, mais encores de nostre divine Maistresse, laquelle luy apprit à escrire avec un style humble, quoy que plein d'une admirable science, et à traitter des mysteres bas et cachés, comme de celuy de la Nativité de Nostre Seigneur, faisant voir ce petit Enfant dans les langes et maillots, parmi le foin et la paille.

  A010000345 

 Mais voyez encores mieux ce que je vous veux dire touchant les escrits de saint Luc. Ce glorieux Saint estoit souvent envoyé en mission par saint Paul pour le bien de l'Eglise; or, quand il raconte ses voyages, il le fait avec une simplicité et humilité admirables, sans parler des merveilles qu'il operoit ni des peines qu'il souffroit, ains il dit simplement: Nous allasmes, nous vinsmes, nous retournasmes.

  A010000346 

 C'est pourquoy il fait mention de l'election de saint Mathias, car Nostre Seigneur ne voulut point, n'avant que de monter au Ciel, nommer un Apostre pour mettre en la place de Judas, ains en laissa le choix et nomination au college apostolique pour destruire l'erreur [129] de ceux qui croyent que despuis l'Ascension du Sauveur la generation des Apostres a failli, ce qui n'est pas; car Jesus Christ luy mesme a voulu que les Apostres se soyent assemblés pour eslire ceux qui leur devoyent succeder, à commencer par saint Mathias.

  A010000346 

 Le college apostolique donques ne viendra jamais à defaillir, et bien que ce soit tousjours Nostre Seigneur qui fasse telles elections, comme Celuy qui preside aux assemblées reunies pour ce sujet, c'est neanmoins tousjours par la voix des creatures que sont faites telles nominations..

  A010000346 

 Mais il faut d'abord que je die cecy en passant: Pourquoy est-ce que saint Luc escrit les Actes des Apostres? Pour rapporter leurs actions et rien autre.

  A010000346 

 Quand, aux Actes des Apostres, il parle de l'election qu'ils firent de saint Mathias pour succeder à Judas, lequel vendit son Maistre et de desespoir se pendit, saint Luc dit que les Apostres et les disciples, les femmes devotes et Nostre Dame estoyent assemblés.

  A010000347 

 En effect, on trouve en cent endroits de la Sainte Escriture que les plus grans sont nommés les derniers; voire mesme aux supplications que l'Eglise addresse à Nostre Seigneur par les merites des Apostres, elle met saint Pierre et saint Paul à la fin.

  A010000347 

 On en fait de mesme quand on parle du roy, d'autant qu'on dit: Là estoyent les princes, tout le peuple ou l'armée, puis le roy; mais ce n'est pas que le roy pour estre nommé le dernier soit au dessous des autres, o non, car chacun sçait qu'il est plus que tous; aussi le nomme-t-on tout à part.

  A010000349 

 Resouvenez vous des paroles du Psalmiste qui dit que le bon serviteur a tousjours les yeux sur les mains de son maistre, et la bonne servante sur celles de sa maistresse.

  A010000354 

 Il est dit dans la Genese que lors que Dieu eut creé le ciel et la terre, il les regarda, les trouva bien et s'y compleut; car considerant la lumiere il dit qu'elle estoit bonne; voyant ensuite la terre comme la pepiniere des arbres, herbes et plantes, et la mer qui retenoit dedans soy tant de poissons, il dit derechef que cela estoit bon.

  A010000355 

 Lors qu'elle les considere et les honnore en particulier, voyant la ferveur des Martyrs, l'amour des Apostres, la pureté des Vierges, elle dit à l'imitation du Createur que cela est bien; mais quand elle vient à tout ramasser et faire à tous ensemble [133] une feste, contemplant les couronnes, les palmes, les victoires et triomphes de tous les Saints, elle en ressent une complaisance nompareille et s'escrie: O que cela est bon, ains plus que tres bon! C'est cette feste que nous celebrons aujourd'huy..

  A010000355 

 Or, la sainte Eglise qui non seulement est espouse de Nostre Seigneur, mais encores son imitatrice, se voulant en tout et par tout conformer à luy, celebre les festes des Saints avec un playsir admirable.

  A010000357 

 Et que rend la terre au ciel en recompense? Elle luy expose ces plantes, ces fleurs et ces fruits, et elle luy renvoye des vapeurs qui montent comme la fumée de l'encens bruslé, et le ciel les reçoit.

  A010000357 

 On admire le merveilleux rapport et correspondance que la terre a avec le ciel, qui est tel que l'on peut dire que le ciel est le mari de la terre et qu'elle ne peut rien produire que par le moyen des influences qu'elle en reçoit.

  A010000358 

 Ce qu'elle nous veut faire entendre au commencement de la sainte Messe du jour lors qu'elle dit: «Resjouissons-nous pour la feste des Saints,» chantons leur triomphe et victoire, et autres paroles de joye et d'exultation.

  A010000358 

 Comme chante-t-elle la ferveur et constance de saint Laurent, comme admire-t-elle un saint Barthelemy, et ainsy des autres! Mais outre cela, voyant qu'il se fait en Paradis une resjouissance pour tous en general, elle a aussi establi une solemnité à cette fin; c'est celle que nous celebrons aujourd'huy.

  A010000360 

 Il veut pour cela que nous nous servions de l'invocation des Saints et Saintes, qu'ils soyent nos mediateurs et «que nous recevions par leur entremise ce que nous ne meritons pas d'obtenir» sans [135] icelle.

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000362 

 Nostre Seigneur a si [136] aggreable que l'on se serve de l'invocation des Saints, que voulant nous departir quelque faveur il nous inspire souvent de recourir à leur entremise à fin de nous accorder ce que nous demandons.

  A010000365 

 La Chananée, apres avoir prié immediatement le Sauveur, se sentant rejettée par luy, luy parla mediatement par l'entremise des Apostres, les suppliant d'estre advocats pour elle.

  A010000365 

 Prier Dieu mediatement c'est s'addresser à luy par le moyen des Saints et de la Sainte Vierge, comme fit le centurion, lequel envoya ses amis pour conjurer Nostre Seigneur de venir guerir son serviteur.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000368 

 Nous autres Chrestiens, qui vivons en cette vallée de miseres, prions et envoyons nos requestes et nos souspirs au Ciel, implorant le secours de Dieu et luy demandant sa grace; pour cela nous nous servons de l'invocation des Saints, les suppliant d'interceder pour ce qui nous regarde, nous qui sommes advenaires et pelerins sur cette terre, et qu'ils nous aydent à parvenir à cette felicité de laquelle ils jouissent..

  A010000369 

 Il en prend tout de mesme comme d'une goutte d'eau qui est jettée dans un tonneau de vin, laquelle vient à quitter ce qu'elle estoit et à se convertir en vin; ainsy nos prieres estans presentées à la divine Majesté en union de celles des Saints glorieux, perdent leur foiblesse et prennent la force, vigueur et vertu des leurs.

  A010000369 

 Mais helas! nous sommes de pauvres gens; nos prieres sont si froides, si foibles, lasches et tiedes! Certes, il y a bien de la difference et disproportion entre celles des Bienheureux et les nostres.

  A010000371 

 Celle des ames bienheureuses procede de la connoissance tres claire qu'elles ont, sans ombre ni figure, de la grandeur et essence de Dieu, de cette distance infinie qu'il y a entre Dieu et l'homme, entre la creature et le Createur; et plus ils ont de degrés de gloire plus ils connoissent cette distance infinie, et par consequent leur humilité est plus profonde.

  A010000371 

 Oh si nous pouvions un peu comprendre quelle est cette charité des Saints et de quelle ferveur et humilité ils accompagnent leurs prieres! Certes, nous aurions bien sujet de nous confondre si nous venions à faire comparaison du peu d'humilité qui se trouve en nos oraisons avec celle qu'ils joignent aux leurs, car nous verrions que pour grande que fust l'humilité qui accompagne nos prieres, elle ne seroit rien au prix de celle qu'ils [140] prattiquent au Ciel.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000372 

 Voyla comme l'humilité se prattique dans la gloire; il n'y a donques point de doute que les prieres des Saints, estans faites et accompagnées d'une telle humilité, ne soyent bien meritoires et ne nous puissent beaucoup ayder..

  A010000373 

 Nous les prions de nous obtenir des vertus et nous ne voulons pas nous mettre en l'exercice d'icelles ni en faire aucun acte; neanmoins nous pretendons que les Saints les nous obtiennent, nonobstant que nous fassions les actes contraires aux vertus que nous demandons.

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Il n'y a point d'autre porte pour entrer en Paradis que celle de la redemption du Sauveur; c'est pourquoy l'Eglise termine toutes ses prieres par le nom de Nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous monstrer que les prieres des Anges ni celles des hommes ne peuvent estre ouyes du Pere eternel si ce n'est au nom de son Fils.

  A010000375 

 Lors il dit ces sacrées paroles dans lesquelles est comprise toute la perfection chrestienne: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; bienheureux en fin ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux..

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000376 

 O mes cheres Sœurs, c'est à vous à qui je parle, car si bien vous n'estes pas encores hors du monde, vous estes neanmoins comme des Nazareens, esloignées et sequestrées du monde et de la vanité.

  A010000376 

 Qu'est-ce, je vous prie, cette statue sinon ce monde, ou plustost la vanité et orgueil d'iceluy, qui a la teste d'or et tout ce qui suit? Et cette montagne dont il est descendu une petite pierre n'est autre que Nostre Seigneur, de la bouche duquel est sortie cette pierre des huit beatitudes qui renverse la statue de la vanité, faisant que tant et tant de personnes ont quitté le siecle, ses richesses, honneurs et dignités, et se sont rendues pauvres, viles et abjectes..

  A010000377 

 Mais Nostre Seigneur voyant la folie et misere des mondains et en quoy ils constituent leur beatitude, jette cette pierre aux pieds de cette statue et dit en premier lieu: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; et au contraire, malheur aux riches, car outre qu'ils ne possederont point ce Royaume, ils seront malheureux, d'autant qu'ils n'auront pour recompense que l'enfer et la compagnie des diables..

  A010000379 

 Et le monde ne dit-il pas tout au rebours? Ne va-t-il pas constituant son bonheur en tout ce qui est contraire aux preceptes de l'Evangile? C'est pourquoy Nostre Seigneur considerant cette statue, non point en songe comme Nabuchodonosor, ains en verité, et voyant qu'elle n'avoit que des pieds de terre, c'est à sçavoir que tout ce que ce siecle prise n'est fondé que sur des choses perissables et transitoires, il jetta, comme nous avons dit, cette pierre des huit beatitudes auxquelles est enclose toute la perfection chrestienne..

  A010000380 

 Mais n'est-ce pas estre pauvre d'esprit que d'avoir l'usage des richesses, de posseder des biens et dignités, pourveu qu'on n'y attache pas trop son affection? D'autres diront: Pour estre pauvre d'esprit il suffit d'estre Religieux et d'avoir quitté le monde, et choses semblables.

  A010000381 

 Si on luy eust demandé: O bon Saint, qui vous a reduit en tel point? O Dieu, eust-il dit, c'est cette aymable pauvreté à laquelle est promis le Royaume des cieux; c'est elle qui m'a icy conduit et qui me fait patir de la sorte.

  A010000381 

 Voyez le saint abbé Serapion duquel il est parlé en la Vie des Peres, qui delaissa toutes choses et se despouilla tout nud.

  A010000382 

 Or, ce que la prudence humaine trouve contre la pauvreté, elle le trouve de mesme de la debonnaireté, des larmes et en somme de toutes les autres beatitudes.

  A010000382 

 Si nous voulons faire profession d'embrasser la pauvreté, embrassons de bon cœur les miseres et incommodités qu'elle mene quant et soy; soyons doux, cordials envers tous; pleurons si nous voulons estre consolés, je veux dire, versons des larmes spirituelles.

  A010000395 

 Cette superstition a passé si avant parmi les hommes que l'on a eu peine de l'arracher; c'est pourquoy la sainte Eglise la voulant extirper a dedié ces jours aux Saints, et a mieux aymé nommer du nom de ferie ceux auxquels il n'escheoit point de feste dont elle fasse l'office, plustost que de se servir des noms dont les anciens prophanes usoyent.

  A010000395 

 Je sçay que les anciens avoyent tellement accommodé ces jours et années qu'ils les nommoyent et distinguoyent selon le cours de la lune, et leur donnoyent des noms propres et appartenans à leurs fausses deités, comme de Mercure, de Mars, de Jupiter et autres semblables.

  A010000398 

 Dès l'instant de son Incarnation il fut rempli de toutes sortes de graces et benedictions quant au corps et quant à l'ame par cette estroitte union de l'humanité avec la Divinité, à cause dequoy il fut non seulement comblé de la plenitude des graces, mais son ame fut encores toute glorieuse, jouissant de la claire vision de Dieu, de maniere qu'il n'avoit aucun besoin de s'assujettir à la loy de la circoncision, et neanmoins il n'a pas voulu laisser de s'y sousmettre.

  A010000399 

 Cette circoncision se faisoit en l'une des parties du corps la plus interessée et endommagée par le peché d'Adam.

  A010000400 

 Il y en a d'autres qui sont avaricieux, cupides d'amaser et avoir des richesses, biens et commodités; ils veulent [149] pourtant se circoncire, et pour cela ils font des veilles, de grans jeusnes et abstinences, se chargent de haires, de ceintures, et que sçay-je moy, et en faisant cela ils croyent estre à moitié saints.

  A010000404 

 La pluspart des Chrestiens font des incisions au lieu de faire des circoncisions: ils donnent bien quelque coup au membre infecté, mais ils n'apportent pas le couteau pour couper et retrancher du coeur ce qui est superflu.

  A010000405 

 De là vient que vous verrez dans le monde des personnes qui se vautrent dans la fange et le bourbier de mille pechés, qui sont liées de plusieurs passions et affections depravées; si vous leur demandez ce qu'elles font ou ce qu'elles ont [151] fait, elles respondront qu'elles n'ont point fait de mal.

  A010000405 

 Il y a des Chrestiens qui coupent tout ce qui les empesche de garder la loy de Dieu; ils sont bien heureux ceux cy, car ils auront en fin le Paradis, puisque pour l'avoir il ne faut que bien garder et observer les divins commandemens.

  A010000405 

 Lors que le Seigneur donna sa Loy à Moyse il ne dit pas seulement: Celuy qui tuera mourra, ni celuy qui desrobera mourra, mais il fit aussi la mesme menace, et ordonna la mesme peine et le mesme chastiment à l'esgard des autres commandemens..

  A010000407 

 Il se trouve encores aujourd'huy des Religieux et Religieuses qui font cet examen deux fois le jour, à fin de voir et reconnoistre en quel estat est leur cœur, pour puis apres racler avec le couteau de la circoncision tout ce qui est superflu et dangereux; et non seulement ce qui est malade, mais ce qui peut causer quelque petite incommodité ou empeschement en la vie spirituelle.

  A010000407 

 Voire, l'on passe plus outre et l'on vient à s'y purger des moindres tares, des choses legeres mais qui peuvent tant soit peu empescher la vie spirituelle et retarder la perfection.

  A010000408 

 C'est l'universelle opinion des Docteurs, qui est receuë de toute l'Eglise..

  A010000408 

 Celuy qui seroit icy bas sans passions ne patiroit pas, ains il jouiroit desja; or, cela ne se peut ni ne se doit, car tant que nous vivrons nous aurons des passions et nous n'en serons point quittes jusqu'à la mort, puisqu'au combat de telles passions et esmotions gist nostre victoire et nostre triomphe.

  A010000409 

 Mais leur opinion a esté condamnée comme fausse et rejettée de l'Eglise, laquelle a declaré, ce qui est vray, que tant que l'homme vivra, rampera et traisnera sur cette terre il aura des passions, sentira des tremoussemens de colere, des soulevemens de cœur, des affections, inclinations, repugnances, aversions et telles autres choses auxquelles nous sommes tous sujets..

  A010000410 

 Il ne faut pas penser quand [154] vous sentez dos esmotions et des repugnances que vous pechiez et offenciez tant soit peu.

  A010000410 

 O non certes, car ce sont des passions naturelles, qui ne sont point peché en elles mesmes.

  A010000410 

 Plusieurs se trompent s'imaginant que tout consiste à ne rien sentir, et quand ils esprouvent quelque rebellion des passions il leur semble que tout soit perdu.

  A010000411 

 Allez donc, vous autres, tout à l'entour du cœur, regardez soigneusement vos passions, inclinations et affections, puis raclez et coupez tout cela nettement et absolument; ne vous contentez pas de faire seulement des incisions, comme ceux qui vivent parmi le monde, mais faites de bonnes circoncisions spirituelles et interieures.

  A010000412 

 Certes, je sçay assez combien sont recommandables ces anciens hermites et anachoretes qui vivoyent parmi les deserts, et en quelle estime il les faut avoir pour les admirables triomphes et victoires qu'ils ont remportés en mortifiant ou circoncisant eux mesmes leur cœur et leurs passions interieures, aydés à ce faire par la grace de Dieu, et sollicités et poussés par l'inspiration du Saint Esprit, des Saints et de leurs bons Anges.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000412 

 Mais aussi sçay-je bien que la circoncision que nous autres souffrons des mains d'autruy va au dessus de la leur, parce qu'elle est plus douloureuse et partant plus meritoire..

  A010000413 

 Mais si en ce temps là quelqu'un leur va dire: [156] Vous estes un lourdeau, un rusteau ou quelque autre chose semblable, o certes, tout le sang se remue, l'on est tout troublé, l'on sent promptement des mouvemens de colere; cela ne peut estre supporté et l'on trouve de beaux discours pour faire entendre et valoir ses raysons.

  A010000413 

 Neanmoins dans les familles et maisons religieuses il y a tousjours des personnes qui, outre cela, se tiennent en attention et qui veillent continuellement sur leur propre cœur pour connoistre ce qu'il faut tordre et mortifier, et par consequent elles ont le couteau entre les mains à fin de se circoncire elles mesmes; ce qui ne les empesche pas pourtant de vouloir l'estre par autruy, et il n'y a point de doute que cette circoncision ne soit plus douloureuse et sensible que l'autre.

  A010000413 

 Vous verrez des gens orgueilleux, hautains, fiers, grossiers; ils comprennent bien qu'il est du tout necessaire de circoncire ces passions, car elles sont un grand empeschement à la grace de Dieu.

  A010000414 

 Le premier des Apostres, saint Pierre, estant au jardin des Olives et voyant venir les soldats pour prendre son bon Maistre, fut soudain saisi d'un tremoussement d'ire, et s'addressant à Nostre Seigneur il luy demanda s'il frapperoit du glaive, comme s'il eust dit: Je n'ay qu'un petit couteau, mais s'il vous plaist que je frappe ces canailles, je feray du carnage.

  A010000415 

 Voyez-vous que c'est de l'esprit humain: elle alla non seulement pour regarder, mais certes aussi, comme je crois, pour estre regardée des autres, car elle estoit belle et elle le sçavoit bien.

  A010000416 

 Cet autre amour, au contraire, est fol, dangereux et damnable, n'ayant pour sa cause et entretien que [158] des muguetteries, sottises et niaiseries.

  A010000417 

 Mais comme elle estoit grandement douloureuse, la pluspart des hommes en demeuroyent tellement affoiblis qu'ils estoyent presqu'à demi morts.

  A010000418 

 Quoy, souffrirons-nous qu'il nous invite à cette circoncision interieure, non pour son proffit et playsir mais pour nostre bien, salut et utilité, et refuserons-nous apres cela de faire ce qu'il nous demande? Aurons-nous bien le courage de voir ce peuple de Sichem se sousmettre à une si rude loy uniquement pour donner de la satisfaction au fils du Roy, et nous, d'estre si poltrons et couards que de ne vouloir assujettir nos esprits à des choses si faciles et aysées?.

  A010000419 

 Aussi Nostre Seigneur, se faisant Sauveur et Redempteur des hommes, commence, en prenant ce nom, à payer nos dettes non d'autre monnoye que de son sang pretieux.

  A010000420 

 Nous portons à cette heure le nom de Christ, à sçavoir Chrestien, et nous sommes tous oints par les Sacremens que nous recevons; quand nous serons au Ciel nous porterons celuy du Sauveur, d'autant que là nous jouirons tous du salut et nous serons tous des sauvés.

  A010000422 

 Il est rapporté dans le Livre des Juges que Jephté, grand capitaine, remporta la victoire contre les Ammonites par le vœu qu'il fit au Seigneur.

  A010000422 

 Or Jephté plaça un corps de garde et des sentinelles sur le quay du Jourdain et leur donna le mot du guet, disant: Demandez à ceux qui voudront avoir le passage quels ils sont; s'ils vous respondent qu'ils sont d'Ephraïm, massacrez-les, et s'ils le nient faites-leur dire vostre mot du guet: Scibboleth.

  A010000427 

 Là se trouverent Nostre Dame et saint Joseph qui estoyent à la fois vierges et mariés, saint Simeon qui estoit prestre, selon la plus commune opinion des anciens Peres; là se trouva aussi la bonne Anne prophetesse qui estoit vefve, et Nostre Seigneur qui estoit Dieu et homme.

  A010000428 

 De tous les sacrifices qui avoyent esté offerts à la divine Majesté dès le commencement du monde, aucun autre que celuy cy n'avoit esté esgal à ses merités; d'autant que si bien on luy immoloit plusieurs holocaustes et victimes, c'estoyent des sacrifices de bestes viles et abjectes, comme de moutons, veaux, taureaux ou oyseaux.

  A010000430 

 Dieu fait sa demeure en soy, son centre n'estant autre que luy mesme; aussi, lors qu'il a voulu se communiquer à l'homme il est sorti de soy mesme: il a fait comme un effort, il a esté comme en ravissement et en extase par laquelle il est sorti de soy pour se communiquer à sa creature; mais il n'eust peu demeurer en terre ni estre veu des hommes s'il ne se fust attaché à une nature qui luy servist en quelque façon de matiere pour le retenir.

  A010000430 

 Le feu est une lumiere qui esclaire; la Divinité est une lumiere qui esclaire les tenebres, mais ce qui est davantage, sa lumiere est si lumineuse et esclattante qu'elle en est toute tenebreuse et obscure, en sorte qu'elle ne peut estre regardée ni apperceuë en cette vie que par des ombres et figures.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000432 

 Le sacré corps de Nostre Seigneur ne fut pas spirituel, non plus que ceux des autres hommes, bien qu'il fust plus noble et excellent que les nostres, n'ayant point esté conceu par œuvre d'homme, mais du Saint Esprit, lequel print pour le former le plus pur sang de la Vierge; de sorte qu'en verité ce corps est esgal aux nostres quant à la substance.

  A010000432 

 Or, bien que l'ame et le corps soyent si differens l'un de l'autre, ils ne font neanmoins qu'une personne que nous appelions homme; voire mesme ils viennent à faire un tel meslange par cette union et jonction, que nous parlons des deux comme s'il n'y en avoit qu'un; tout ainsy que quand on parle de la bonté, beauté, ou telle autre qualité du cierge on ne distingue pas la cire ni le luminon, ains on dit seulement et en un mot: Ce cierge est beau ou bon, parlant des deux natures qui se trouvent en luy comme s'il n'y en avoit qu'une seule.

  A010000435 

 Comment donc va-t-elle aujourd'huy au Temple pour se purifier? Certes, jusqu'à cette heure-là toutes les femmes qui devenoyent meres estoyent souillées, ce qui estoit une des consequences du peché originel; c'est pourquoy non seulement elles, mais aussi les enfans qui naissoyent en peché avoyent besoin de cette purgation, laquelle ils recevoyent en une façon bien rigoureuse.

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 On doit demeurer à table en silence jusques à la fin du repas pour entendre la lecture qui s'y fait: Hé Dieu, à quel propos tout cecy? ne vaudroit-il pas mieux sortir quand on a achevé? En somme, c'est le degoust des commandemens qui fait raysonner ainsy et qui nous fait manquer à l'obeissance..

  A010000441 

 Un pere ou une mere aura defendu à une fille de ne pas aller au bal à ce carnaval, ou de ne pas aller en telle compagnie, et voyla que cette fille vient à haïr cette defense et dit: On n'oseroit regarder les bals ni les mascarades, ni on n'oseroit lever les yeux pour regarder un homme; il vaudroit autant les avoir cousus, ou bien il nous les faudroit arracher, ou nous les boucher comme à des esperviers.

  A010000442 

 O que bienheureux sont ceux qui ayment les commandemens de Dieu, et qui ne font pas seulement ce qu'ils sont obligés de faire, mais encores ce qui ne les oblige pas, s'y sousmettant pour le bien et edification des autres! C'est cet amour, que la sacrée Vierge portoit à l'obeissance et à l'edification du prochain qui la fit assujettir à la loy de la purification..

  A010000443 

 Or, quand la tentation arrive jusques là que de faire haïr celuy qui commande, elle est dangereuse et extremement mauvaise, sur tout quand on vient à dire que celuy qui commande n'a point eu rayson de faire cette ordonnance, que cela est hors de propos, et que l'on profere des paroles de mespris de la chose commandée ou conseillée, à cause de la haine que l'on porte à celuy qui l'a ordonnée..

  A010000444 

 Je sçay bien que l'on peut avoir des degousts et des aversions non seulement pour le commandement, ains encor pour ceux qui commandent; mais de dire quelque chose ou d'entretenir les pensées que ces degousts et repugnances fournissent, c'est ce qu'il ne faut jamais faire.

  A010000445 

 C'est la façon des heretiques de faire ce choix et c'est pour cela qu'ils sont nommés heretiques; mais entre les Chrestiens il ne faut point de choix en ce qu'ils doivent croire et observer, ains il faut simplement croire.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000445 

 Les uns ayment la discipline, les autres la haire; qui voudra faire les choses de conseil et non celles de commandement; tel voudra jeusner le jour de Pasques, que l'Eglise ne commande pas, et ne voudra pas jeusner le jour des Cendres.

  A010000445 

 Neanmoins il se trouve parmi les Chrestiens des heresies, non point certes telles que celles des heretiques qui sont hors de l'Eglise; cependant il y a des Chrestiens qui le veulent bien estre, et qui malgré cela ne veulent obeir qu'aux commandemens qu'ils affectionnent.

  A010000446 

 Il y a encores des heresies en l'obeissance: c'est quand on fait choix de ce que l'on veut observer, quand on ne veut pas obeir generalement à toutes sortes de commandemens.

  A010000446 

 Je sçay bien qu'il prioit pour tout le monde et que ses prieres estoyent de grande utilité pour le public; cependant c'est une chose certaine que la perfection religieuse, c'est à dire la maniere de vivre des Religieux et Religieuses qui sont sous l'obeissance, surpasse de beaucoup la vie des anachoretes, car leur obeissance doit estre generale et sans exception d'aucune chose; ils n'ont point l'usage de leur liberté au choix de leurs exercices, ains ils se sousmettent aux Regles et Constitutions et aux directions particulieres des Superieurs.

  A010000446 

 N'est-ce pas une chose pouvantable de voir un saint Paul hermite au fond d'un desert, enfermé dans une grotte comme un sauvage, ne mangeant que du pain et ne beuvant que de l'eau? Certes, ce sont des choses du tout admirables, et neanmoins avec cela il usoit de sa liberté, ce qui soulageoit en quelque façon les austerités qu'il faisoit, parce qu'il y avoit du propre choix en cette maniere de vivre, ci ne travailloit que pour son salut particulier.

  A010000446 

 Or, cette obeissance absolue et sans reserve est ce qui releve les Religieux au dessus mesme des hermites [176] et anachoretes qui demeuroyent ès solitudes, y menant une vie plus admirable qu'imitable.

  A010000449 

 O que bienheureuse est l'ame qui ne chemine plus sur ses propres pieds, c'est à dire qui ne va plus selon ses propres affections et ses pensées, ni selon ses humeurs et inclinations! car l'ame a des pieds [178] spirituels aussi bien que le corps.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000457 

 Les anciens philosophes le gardoyent [181] et le recommandoyent: ce n'est pas qu'ils fussent vertueux pour cela, ni qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, o non, puisque le jeusne n'est vertu sinon entant qu'il est accompagné des conditions qui le rendent aggreable à Dieu; de là vient qu'il proffite aux uns et non aux autres parce qu'il n'est pas fait esgalement de tous.

  A010000457 

 Mais c'est une pensée trop grossiere pour entrer dans le cœur des Religieuses, car c'est à vous à qui je parle, et aux personnes dediées à Nostre Seigneur.

  A010000457 

 Nous voyons cecy ès gens du monde, lesquels pensent que pour bien jeusner le saint Caresme il ne faille sinon se garder de manger des viandes prohibées.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000460 

 Combien de pechés sont entrés en l'ame par les yeux, que la Sainte Escriture marque pour la concupiscence de la veuë? C'est pourquoy il les faut faire jeusner, les portant bas et ne leur permettant pas de regarder des objets frivoles et illicites; les oreilles, les privant d'entendre les discours vains qui ne servent qu'à remplir l'esprit d'images mondaines; la langue, en ne disant point des paroles oyseuses et qui ressentent le monde ou les choses d'iceluy.

  A010000460 

 Il dit donques que le jeusne a esté institué de Nostre Seigneur pour remede à nostre bouche, à nostre gourmandise et à nostre gloutonie; car pour ce que le peché est entré au monde par la bouche, il faut aussi que ce soit la bouche qui fasse penitence par la privation des viandes prohibées et defendues par l'Eglise, s'abstenant d'icelles l'espace de quarante jours.

  A010000462 

 C'est aussi ce que nous signifioyent les Chrestiens de la primitive Eglise, lesquels se privoyent en ce temps des conversations ordinaires avec leurs amis et se retiroyent en de grandes solitudes et lieux escartés du commerce du peuple pour mieux faire le Caresme.

  A010000462 

 De mesme les anciens Peres et les Chrestiens de l'an 400 ou tant apres la venue de Nostre Seigneur, estoyent si soigneux de bien faire la sainte Quarantaine qu'ils ne se contentoyent pas de s'abstenir des viandes prohibées, mais encores ils ne mangeoyent ni œufs, ni poisson, ni lait, ni beurre, ains se nourrissoyent d'herbes et de racines.

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000466 

 C'est ce qui faisoit que le grand Apostre se plaignoit, disant: Nous nous trouvons bien empeschés avec deux sortes de gens pour ce qui regarde le jeusne; car les uns ne veulent pas jeusner autant qu'ils doivent et ne se peuvent contenter des viandes permises (ce que l'ont encores aujourd'huy plusieurs mondains lesquels pour ce sujet alleguent mille raysons; mais je ne suis pas icy pour parler de telles choses, car c'est à des Religieuses à qui je m'addresse).

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000467 

 Mais quand Nostre Seigneur dit: Faites vostre jeusne en secret, il veut entendre: Ne le faites point pour estre veus ni estimés des creatures, ne faites point vos œuvres pour les yeux des hommes; soyez soigneux de les bien edifier, mais non pas à fin qu'ils vous estiment saints et vertueux.

  A010000467 

 Ne faites point, dit Nostre Seigneur, comme les hypocrites, lesquels quand ils jeusnent sont tristes et melancoliques à fin d'estre loués des hommes et estimés grans jeusneurs; mais que vostre jeusne se fasse en secret; lavez alors vostre face, oignez vostre chef, et vostre Pere celeste qui voit le secret de vostre cœur vous sçaura bien recompenser.

  A010000469 

 Et que l'on ne m'amene point icy des exemples pour prouver qu'il n'y a point tant de mal à ne pas suivre la vie commune; que l'on ne me dise point qu'un saint Paul premier hermite a vescu des nonante ans dans une grotte sans ouyr la sainte Messe, et qu'il faut donc que je demeure retiré et en solitude en ma chambre pour y avoir des extases et ravissemens, au lieu de descendre pour aller aux Offices.

  A010000469 

 Que l'on ne me rapporte point non plus un saint Simeon Stylite lequel demeura quarante quatre ans sur une colonne, luisant chaque jour deux cens actes d'adoration par des [189] genuflexions; car il agissoit de la sorte, aussi bien que saint Paul, par une inspiration toute particuliere, Dieu voulant faire voir en iceluy un miracle de sainteté, et comment les hommes sont appellés et peuvent mener en ce monde une vie toute celeste et angelique..

  A010000470 

 L'araignée ourdit sa toile à la veue de tout le monde et jamais en secret; elle la va filant par les vergers, d'arbre en arbre, dans les maisons, aux fenestres, aux planchers, en somme sous les yeux de tous: elle ressemble en cela aux vains et hypocrites qui font toutes choses pour estre veus et admirés des hommes; aussi leurs œuvres ne sont-elles que des toiles d'araignées, propres à estre jettées dans le feu d'enfer.

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000470 

 O non, dit saint Augustin, ne paroissez point plus vertueux que les autres, contentez-vous de faire ce qu'ils font; accomplissez vos bonnes œuvres en secret et non pour les yeux des hommes.

  A010000471 

 Ceux cy le virent bien, mais pas un ne pensa pourquoy il faisoit cela, car ils n'alloyent point picotant sur les actions des autres; ils creureut donques que leur Frere faisoit cela tout simplement; aussi n'en tirerent-ils aucune consequence.

  A010000471 

 Ils ne censuroyent point les actions d'autruy, ils n'estoyent pas comme ceux qui vont tousjours espluchant les faits du prochain, faisant sur tout ce qu'ils voyent des livres, des commentaires et des interpretations..

  A010000471 

 [190] Donques, pendant cette conférence un des Religieux qui avoit fait deux nattes en un jour, vint les estendre au soleil en la presence de tous ces Peres.

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000473 

 Que vostre jeusne ne ressemble point à celuy des [191] hypocrites, qui font les mines melancoliques et qui n'estiment saints que ceux qui sont maigres.

  A010000474 

 (Plusieurs Saints en faisoyent un si grand estât qu'ils ne se couchoyent jamais sans en avoir leu un chapitre pour recueillir leur esprit en Dieu.) Il dit donc: Que te proffitera-t-il de faire ce que tu fais pour les yeux des creatures? Rien que vanité et complaisance, qui ne sont bonnes que pour l'enfer; mais si tu accomplis ton jeusne et toutes tes œuvres pour plaire à Dieu seul, tu travailleras pour l'eternité, sans te complaire en toy mesme, ni te soucier si tu es veu ou non des hommes, d'autant que ce que tu fais n'est pas pour eux, et que ce [192] n'est point d'eux que tu attens ta recompense.

  A010000475 

 Chacun scait qu'il est ordonné en expiation du peché de nostre premier pere Adam, lequel prevariqua en rompant le jeusne qui luy estoit enjoint par la defense de manger du fruit de l'arbre de science; pour ce, il faut que la bouche fasse penitence en s'abstenant des viandes prohibées.

  A010000475 

 Plusieurs ont des difficultés sur ce sujet; mais je ne suis pas icv pour y respondre, ni moins pour dire quels sont ceux qui sont obligés au jeusne.

  A010000478 

 Luy, connoissant qu'ils estoyent envoyés de Dieu, les avoit receus et en avoit une sollicitude toute particuliere; c'est pourquoy en s'en allant il recommanda fort soigneusement qu'on les recreast et qu'on leur fist manger des herbes cuites.

  A010000479 

 Celuy cy luy respondit que c'estoit parce que nul n'en mangeoit que ces enfans, et qu'il avoit pensé que c'estoit chose perdue; mais qu'il ne s'estoit pas reposé, ains avoit fait des nattes.

  A010000479 

 Voyla comme ceux qui oublient [194] les ordonnances et commandemens de Dieu, qui font des interpretations ou qui veulent faire des prudens sur les choses commandées se mettent en peril de mort; car tout leur travail accompli selon la propre volonté ou la discretion humaine n'est digne que du feu..

  A010000480 

 La premiere chose est que vostre jeusne soit entier et general, c'est à sçavoir que vous fassiez jeusner tous les membres du corps et les puissances de l'ame: portant la veuë basse, ou du moins plus basse qu'à l'ordinaire; gardant plus de silence, ou du moins le gardant plus ponctuellement que de costume; mortifiant l'ouye et la langue pour n'entendre ni dire rien de vain et inutile; l'entendement, pour ne considerer que des sujets saints et pieux; la memoire, en la remplissant du souvenir de choses aspres et douloureuses et quittant les joyeuses et gracieuses; en fin tenant en bride vostre volonté, et vostre esprit aux pieds du Crucifix et en quelque sainte et dolente pensée.

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000491 

 Ainsy que les Evangelistes nous racontent, il fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; sur lequel mystere je tireray des documens pour nostre instruction particuliere, le plus familierement qu'il me sera possible..

  A010000493 

 Se venir laver en un lieu où elle s'exposoit à estre regardée des galeries du palais royal, c'est une inconsideration tres grande.

  A010000495 

 Ananias et Saphira font vœu de se consacrer, eux et leurs biens, à la perfection dont tous les premiers Chrestiens faisoyent profession, se sousmettans à l'obeissance des Apostres.

  A010000496 

 C'est donques un document fort necessaire de preparer nostre ame à la tentation; c'est à dire que, où que nous soyons et pour parfaits que nous puissions estre, il se faut tenir asseurés qu'elle nous attaquera; partant l'on s'y doit disposer et se pourvoir des armes necessaires pour combattre vaillamment à fin de remporter la victoire, puisque la couronne n'est que pour les combattans et vainqueurs.

  A010000498 

 Or, nostre cher Maistre surmonta son ennemy en se servant des parolles de la Sainte Escriture pour toutes les tentations qu'il luy presenta..

  A010000499 

 Nostre divin Maistre ne pouvoit avoir la foy, d'autant qu'il possedoit en la partie superieure de son ame, dès l'instant qu'elle commença d'estre, une connoissance parfaite des choses que la foy nous enseigne; cependant il voulut se servir de cette vertu pour rembarrer l'ennemy, non pour autre rayson, mes cheres ames, sinon pour nous enseigner tout ce que nous avions à faire.

  A010000500 

 La premiere est la crainte des couards et paresseux, la seconde, celle des enfans, et la troisiesme, celle des delicats.

  A010000502 

 Et qui ne s'en estonneroit? voir une ame hors de la [201] grace de Dieu se resjouir! O que leurs joyes sont vaines et leurs allegresses trompeuses, car elles sont suivies des douleurs et des regrets eternels.

  A010000502 

 Laissons-les, je vous prie, et retournons à cette crainte des paresseux..

  A010000503 

 Mais Nostre Seigneur ne veut point de ces guerriers en son armée, il veut des combattans et des vainqueurs, et non pas des faineans et des couards; il a voulu estre tenté et attaqué luy mesme pour nous donner exemple..

  A010000503 

 Mais ne sçavez-vous pas que la faineantise et l'oysiveté fit perir le pauvre David en la tentation? Vous voudriez, à l'adventure, estre de ces soldats de garnison lesquels ont tout à souhait dans une bonne ville: ils sont joyeux, ils sont maistres de la maison de l'hoste, ils couchent dans son lit et font bonne chere; ils s'appellent neanmoins soldats, faisans des vaillans et courageux tandis qu'ils ne vont point à la bataille ni à la guerre.

  A010000505 

 La deuxiesme crainte nocturne est, ainsy que dit saint [202] Bernard, celle des enfans.

  A010000506 

 Ou bien il s'en rencontre d'autres qui, allans aux champs, des qu'ils voyent de loin l'ombre des arbres s'espouvantent bien fort, croyant que c'est quelqu'un qui les attend.

  A010000508 

 De mesme en arrive-t-il à ces jeunes ames qui tesmoignent tant d'ardeur en leur conversion: tandis que ces premiers sentimens de devotion durent elles font des merveilles; il leur semble que rien n'est difficile au chemin de la perfection et que rien ne peut attiedir leur courage; elles desirent tant d'estre mortifiées, d'estre bien esprouvées à fin de monstrer leur generosité et le feu qui brusle dans leur poitrine! Mais helas, attendez un peu, car si elles entendent courir une souris, je veux dire, si la consolation et les sentimens de devotion qu'elles ont eus jusqu'alors viennent à se retirer, et si quelque petite tentation les attaque: Helas, disent-elles, qu'est-ce que cecy? Elles commencent à craindre et à se troubler.

  A010000508 

 Tout leur semble pesant si elles ne sont [204] tousjours dans le sein de leur Pere celeste, s'il ne leur donne des suavités et ne tient leur bouche emmiellée; elles peuvent vivre contentes ni en asseurance si elles ne reçoivent sans cesse des consolations et jamais de peines.

  A010000509 

 La tentation entra dans la congregation des Apostres mesmes: et pourquoy donques vous estonnerez-vous si elle vous attaque?.

  A010000510 

 Nous eussions bien eu de l'espouvante, car le diable y vint tout à descouvert; il ne fit pas avec Nostre Seigneur comme avec saint Pacome ou avec saint Antoine, lesquels il effraya par des bruits et tintamarres qu'il fit autour d'eux, faisant fendre le ciel et la terre devant leurs yeux pour les faire craindre et fremir comme des enfans.

  A010000512 

 Je le crois bien; aussi ne pensez pas pouvoir vivre sans commettre des imperfections, d'autant que cela est impossible tandis que [206] vous serez en cette vie.

  A010000513 

 La troisiesme crainte nocturne est celle des delicats.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus que la Magdeleine eust la jouissance de cette tant aymable contemplation qui la tenoit en un si doux repos avant d'avoir passé par des espineuses difficultés, par la voye d'une aspre penitence et avant d'avoir avalé les amertumes d'une confusion tres grande; car allant chez le Pharisien pour pleurer ses pechés et en obtenir le pardon elle souffrit les murmures que l'on faisoit contre elle, la mesestimant et nommant pecheresse et femme de mauvaise vie.

  A010000517 

 L'on en trouve qui n'esperent rien tant que d'estre bien tost des Meres Therese, et mesme des saintes Catherines de Sienne et de Genes.

  A010000517 

 Le Psalmiste donques nous asseure, ainsy que l'interprete saint Bernard, que celuy qui a la foy et s'est armé de la verité ne craindra point ces craintes nocturnes ni des paresseux, ni des enfans, ni moins des delicats.

  A010000517 

 Ne voyla pas de belles esperances, lesquelles nonobstant leur vanité ne laissent pas de consoler beaucoup ceux qui les ont? Mais d'autant plus que ces [209] esperances et pretentions portent à la joye du cœur tandis qu'il y a lieu d'esperer, plus aussi la douleur des effects contraires apporte de la tristesse à ces esprits si fervens; car se voyant estre non pas des saints comme ils pensoyent, ains au contraire des creatures prou imparfaites, ils se trouvent bien souvent descouragés à la poursuite de la vraye vertu qui conduit à la sainteté.

  A010000518 

 Mes cheres ames, il y a encores d'autres sortes de vaines esperances, dont l'une est de vouloir tousjours des consolations, des suavités et des tendretés à l'oraison durant le cours de cette vie mortelle et passagere; esperance frivole et niaise à merveille, comme si nostre perfection et bonheur dependoit de cela! Ne voyons-nous pas que Nostre Seigneur pour l'ordinaire ne donne ces tendretés que pour nous amorcer et amadouer, comme on fait les petits enfans auxquels on baille du sucre? Mais passons outre, car il faut finir..

  A010000519 

 Mais ce n'est pas des avares temporels que je veux parler, ains de l'avarice spirituelle..

  A010000519 

 Voyez-vous, les ambitieux n'ont garde d'aller tout à descouvert au pourchas des honneurs, des preeminences, des charges ou des offices relevés; ils marchent en l'obscurité, craignans d'estre apperceus.

  A010000521 

 Certes, l'on pourroit bien addresser à ces avares spirituels ce reproche que le Prophete fait aux avares temporels: Que veux-tu, pauvre homme? Tu veux maintenant avoir ce chasteau parce, dis-tu, qu'il regarde le tien; apres celuy là il s'en trouvera un autre qui l'avoisinera, et parce qu'il te sera commode, tu le voudras aussi avoir, et ainsy des autres.

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000521 

 Les avares spirituels sont ceux qui ne sont jamais rassasies d'embrasser et rechercher beaucoup d'exercices de piete pour parvenir tant plus tost à la perfection, disent ils; comme si la perfection consistoit en la multitude des choses que nous faisons, et non pas en la perfection avec laquelle nous les faisons.

  A010000522 

 Considerez, je vous prie, ces avares spirituels: ils ne se contentent jamais des exercices qui leur sont presentés.

  A010000522 

 Ils ne cessent d'estre tousjours en action pour inventer de nouveaux moyens à fin de ramasser toute la sainteté des Saints en une sainteté qu'ils voudroyent avoir; par consequent ils ne sont jamais contens, d'autant qu'ils n'ont pas la force de retenir tout ce qu'ils pretendent embrasser, car qui trop embrasse mal estreint.

  A010000522 

 La vie des Peres Jesuites est pleine [211] de perfection, mais ils n'ont pas le bien de la solitude auquel on reçoit tant de consolation.

  A010000523 

 Cet esprit qui marche en plein jour est celuy qui nous attaque au beau midy des consolations interieures, lors que le divin Soleil de justice darde si amoureusement ses rayons sur nous et nous remplit d'une chaleur et d'une lumiere tant aggreable, chaleur qui nous embrase d'un amour si delectable et si tendre que nous mourons presque à toutes autres choses pour mieux jouir de nostre Bien-Aymé.

  A010000525 

 Il est dit en effect que Nostre Seigneur ayant surmonté son ennemy et rejetté ses tentations, les Anges vindrent et luy apporterent à manger des viandes celestes.

  A010000526 

 Nous n'apprehenderons pas non plus les craintes nocturnes qui sont de trois sortes, ni moins les vaines esperances d'estre ou vouloir estre des saints dans trois moys.

  A010000538 

 En nostre homme exterieur, la bonté est convoitée par nostre concupiscence et la beauté est aymée par nos yeux; de mesme prend-il de l'homme interieur à l'esgard des verités de la foy, lesquelles estans bonnes, douces et veritables, sont non seulement aymées et affectionnées par la volonté, ains encores prisées par l'entendement à [215] cause de la beauté qui se trouve en icelles.

  A010000539 

 Je dis aymées, car bien que la volonté aye pour objet direct de son amour la bonté, si est-ce que l'entendement luy representant la beauté des verités revelées, elle vient à y descouvrir aussi la bonté, et par consequent elle ayme cette bonté et beauté des mysteres de nostre foy.

  A010000539 

 Voyla donques comme la foy n'est autre chose qu'une adhesion de l'entendement et de la volonté aux verités des divins mysteres..

  A010000540 

 Il est vray qu'il n'y a qu' une seule foy laquelle tous les Chrestiens doivent avoir, neanmoins un chacun ne l'a pas en un mesme degré de perfection; de la vient que pour faire entendre la grandeur ou la petitesse d'icelle, on parle des conditions qui la rendent grande et des vertus qui l'accompagnent.

  A010000540 

 Mais quant à l'objet, cette foy ne peut pas estre plus grande aux uns qu'aux autres, ni moins aussi quant à la quantité des choses qu'on doit croire, car il faut que nous croyions tous une mesme chose quant à l'objet et quant à la quantité.

  A010000542 

 Il en prend de cecy comme d'une personne qui va trespasser: quand [217] il luy survient quelque defaillance ou qu'il semble qu'elle ayt expiré, on luy met une plume sur les levres et la main sur le cœur; si l'ame est encores là, on sent que le cœur bat, on voit à la plume qui est devant sa bouche qu'elle respire encores, et de là on conclud, comme chose certaine, que bien que cette personne soit mourante, elle n'est pas neanmoins du tout morte; puisqu'elle fait des actions vitales, il faut de necessité que l'ame soit unie avec son corps.

  A010000542 

 Tout de mesme que l'ame ne peut demeurer dans le corps sans produire des actions vitales, ainsy la charité ne peut estre jointe à nostre foy sans operer des œuvres conformes à icelle; cela ne peut estre autrement.

  A010000543 

 La foy morte ressemble à un arbre sec lequel n'a point d'humeur vitale; et pour ce, lors qu'au printemps les autres arbres jettent des feuilles et des fleurs, celuy cy n'en jette point, parce qu'il n'a pas cette seve comme ceux qui ne sont pas morts ains seulement mortifiés.

  A010000543 

 Or, cecy est une autre chose, car combien qu'en hiver ils soyent pour l'apparence exterieure semblables aux arbres morts, si est-ce qu'en leur saison ils portent des feuilles, des fleurs et des fruits, ce que ne fait jamais celuy qui est mort.

  A010000545 

 Ainsy la charité unie à la foy n'est pas seulement suivie de toutes les vertus, ains comme reyne elle leur commande, et toutes obeissent et combattent pour elle et selon son gré: de là vient la multitude des bonnes operations de la foy vivante..

  A010000545 

 Elle est grande à cause des bonnes œuvres qu'elle opere, et aussi pour la multitude des vertus qui l'accompagnent, lesquelles elle gouverne, faisant comme une reyne qui travaille pour la defense et conservation des divines verités.

  A010000545 

 Et en ce que ces vertus luy obeissent, elle monstre son excellence et grandeur, tout ainsy que les rois ne sont pas grans seulement quand ils ont plusieurs provinces et de nombreux sujets, ains quand avec cela ils ont des sujets qui les ayment et leur sont sousmis.

  A010000546 

 Elle est lasche à s'appliquer à la consideration des mysteres de nostre Religion, elle est toute engourdie, d'où il s'ensuit qu'elle ne penetre point les verités revelées; elle les void bien et les entend parce qu'elle n'a pas les yeux tout à fait fermés, d'autant qu'elle ne dort pas, mais elle est dormante ou assoupie.

  A010000547 

 Mais la foy veillante fait non seulement de bonnes operations comme la vivante, ains elle penetre et comprend avec subtilité et promptitude les veités revelées; elle est active et diligente à rechercher et embrasser ce qui la peut aggrandir et fortifier; elle veille et apperçoit de fort loin tous ses ennemis; elle est tousjours aux aguets pour descouvrir le bien et eviter le mal; elle se garde de ce qui pourroit servir à sa ruine, et, comme veillante, elle marche fermement et s'empesche aysement de tomber en des precipices..

  A010000548 

 Cette foy veillante est accompagnée des quatre vertus cardinales: elle a la force, la prudence, la justice, la temperance; elle s'en sert comme d'une cuirasse d'armes pour donner la fuite à ses ennemis, et demeure parmi iceux ferme, invincible et inebranlable.

  A010000548 

 Les hommes ont bien cette force, ils ont puissance et seigneurie sur tous les animaux; mais parce que nous ne connoissons pas qu'elle est en nous, il s'ensuit que nous craignons comme foibles et couards, et fuyons comme des lourdeaux devant les bestes.

  A010000549 

 Or, cette prudence n'est point comme elle de plusieurs mondains, qui sont fort soigneux d'amasser des biens, des honneurs et tels autres fatras qui les enrichissent et relevent aux yeux des hommes, mais qui ne leur proffitent de rien pour la vie eternelle.

  A010000550 

 Ceux cy sont des serviteurs fidelles, ils auront donc la vie eternelle, et de plus une grande gloire et suavité en la presence et jouissance de la divine Majesté..

  A010000550 

 La pluspart des hommes Chrestiens qui ont la loy (car il la faut avoir pour estre tels) croyent tout ce qu'il faut croire pour estre sauvés.

  A010000552 

 Se voulant donques cacher, il entra dans une des maysons qui estoyent là [222] aupres.

  A010000553 

 Ceux qui le suivoyent ou qui demeuroyent ès maysons prochaines de celle où il s'estoit retiré, avoyent bien veu et entendu parler des merveilles et des miracles qu'il operoit, par lesquels il confirmoit la doctrine qu'il enseignoit; ils avoyent autant de foy que la Chananée, car une grande partie croyoit de luy ce qui s'en disoit, mais leur foy n'estoit pas si grande que celle de cette femme parce qu'elle n'estoit pas attentive comme la sienne..

  A010000554 

 Nous voyons communement cecy parmi le vulgaire des hommes du monde.

  A010000554 

 Pourquoy voyons-nous que l'on fait si peu de profit des predications ou des mysteres que l'on nous explique ou enseigne, ou de ceux que l'on medite? C'est parce que la foy avec laquelle nous les entendons ou meditons n'est pas attentive; de là vient que nous les croyons bien, mais ce n'est pas avec une aussi grande asseurance.

  A010000554 

 Voyla des personnes qui se trouvent en une compagnie en laquelle on s'entretient de bons devis et de choses belles et saintes: un homme avaricieux entendra bien ce que l'on dit, mais au partir de là, demandez-luy ce dont on a parlé en cette conversation, il n'en sçaura rapporter un mot.

  A010000556 

 Elle avoit la confiance, qui est l'une des principales conditions qui rendent nostre priere grande devant Dieu.

  A010000558 

 Grande vertu que cette perseverance! Si vous eussiez demandé à ce bon Religieux de saint Pacome qui estoit jardinier, s'il ne feroit rien autre chose que le jardin et des nattes ou stolles: Rien autre, eust-il respondu.

  A010000559 

 On se lasse de prier, avec cette secheresse et cet abattement de cœur; et que veut-on? Des extases, des ravissemens, des suavités et consolations.

  A010000559 

 Qu'il y a peu de gens qui comprennent bien en quoy elle consiste! Vous verrez des jeunes filles qui ne font que de naistre à la devotion, et encores des hommes (mais ne parlons pas de ceux cy, ne parlons pour maintenant que des filles, puisque c'est à des filles que je m'addresse); l'on en verra donc qui ne font que commencer à prier et suivre Nostre Seigneur, lesquelles demandent et veulent ja avoir des gousts et consolations, et ne peuvent point perseverer en la priere qu'à force de douceurs et de suavités.

  A010000561 

 O que l'on seroit heureux si l'on accompagnoit la priere de cette perseverance; si lors qu'on a des degousts, des secheresses en icelle, lors que la suavité de l'oraison nous est soustraite, l'on perseveroit à prier sans se lasser ni se plaindre ni rechercher d'en estre delivré, se contentant parmi cela de crier sans cesse: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000563 

 N'est-ce pas un martyre, je vous prie, d'aller tousjours habillé d'une mesme façon sans avoir la liberté de se chamarrer et decouper ses vestemens comme font les mondains? N'est-ce pas un martyre de manger tousjours à une mesme heure et quasi des mesmes mets, comme c'est une grande perseverance aux paysans de n'avoir [228] ordinairement pour leur nourriture que du pain, de l'eau et du fromage? Neanmoins ils n'en meurent pas plus tost, sins se portent mieux que ces delicats auxquels l'on ne sçait quelle viande est propre.

  A010000563 

 Qu'est-ce cecy sinon des bigearreries de l'esprit humain qui n'a point de perseverance en ce qu'il entreprend? C'est pourquoy les mondains, qui vivent selon leurs fantasies, sçavent si bien diversifier les saisons par des passetemps et recreations.

  A010000563 

 Tantost ils font des ballets, des danses, des masques en temps de carnaval, en somme ils employent les saisons en une varieté d'amusemens qui ne sont que bigearreries et inconstances de l'esprit humain.

  A010000564 

 Ceux qui connoissent que c'est que de la chasse sçavent bien que l'hiver les chiens ne peuvent sentir la proye, l'air estant froid, et les gelées les empeschant de flairer comme en un autre temps; tout de mesme au printemps, la varieté et l'odeur des fleurs leur oste aussi la facilité de sentir le flair de la beste, pour à quoy remedier le chasseur prend du vinaigre dans sa bouche, et tenant la teste du chien il jette le vinaigre dans son museau.

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000565 

 Mais quand il dit: Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, ains seulement pour les brebis perdues de la mayson de mon Pere, il veut faire entendre qu'il estoit seulement promis aux Juifs lesquels estoyent nommés enfans de Dieu; c'est à dire qu'il avoit esté predit qu'il viendroit et marcheroit sur ses propres pieds parmi ce peuple, qu'il l'enseigneroit de sa propre bouche, gueriroit ses malades de ses propres mains, feroit des miracles en propre personne en Israël, et partant qu'il ne failloit pas oster le pain des enfans de Dieu, à sçavoir au peuple Juif, pour le jetter aux chiens ou au peuple Gentil, nation qui ne le connoissoit pas.

  A010000565 

 Pour cela il respondit à ses Apostres qui le prioyent de la congedier, [229] une parole qui la devoit bien piquer et, ce semble, luy faire perdre contenance: II n'est pas raysonnable, dit-il, que j'oste le pain des enfans pour le donner aux chiens.

  A010000566 

 Certes, l'on void ordinairement qu'il n'y a rien qui offesse tant que les paroles piquantes et qui sont dites pour mepriser ceux à qui l'on parle, principalement si elles sont dites par des personnes de marque et authorité.

  A010000566 

 Et cette femme entendant Nostre Seigneur n'en entra point en impatience, elle ne s'en attrista ni offença point, mais se prosternant a ses pieds elle respondit: Il est vray, je suis une chienne, je le vous confesse; mais je vous prens au mot, car les chiens suivent leurs maistres et se nourrissent des miettes qui tombent sous leur table..

  A010000566 

 Mais comme est-ce donques que se doit entendre que Nostre Seigneur est venu pour les Gentils aussi bien que pour les Juifs? Voyez-vous, c'est que, comme il estoit venu pour marcher sur ses propres pieds parmi les enfans d'Israël, il devoit marcher sur les pieds de ses Apostres parmi les Gentils; il devoit guerir leurs malades non de ses propres mains mais par celles des Apostres, leur prescher sa doctrine mais par la bouche de ses Apostres, retrouver la brebis esgarée mais par le moyen et le labeur de ses Apostres.

  A010000566 

 On a veu des hommes mourir de douleur et desplaysir pour avoir receu des paroles de mespris de leurs princes, quoy qu'elles leur fussent dites par le mouvement ou surprinse de quelque passion.

  A010000567 

 Il y en a plusieurs qui disent bien qu'ils ne sont rien, qu'ils ne sont qu'abjection, que misere et telles autres choses (le monde est tout plein de cette humilité); mais ils ne sçauroyent supporter qu'un autre leur dise qu'ils ne valent lien, qu'ils sont des sots, et semblables paroles de mespris.

  A010000568 

 Or sus, relevons donques nostre foy et la vivifions par le moyen de la charité et des prattiques et bonnes œuvres faites en charité.

  A010000568 

 Veillons soigneusement à la conserver et aggrandir tant par la consideration attentive des mysteres qu'elle nous enseigne que par l'exercice des vertus dont nous avons parlé, particulierement de l'humilité, par laquelle la Chananée a obtenu tout ce qu'elle desiroit.

  A010000582 

 qu'il y ouyt des paroles mysterieuses.

  A010000588 

 Cet enfant estant desja un peu grand, la mere le veut instruire, s'il faut ainsy dire, des choses de l'autre monde, car ayant tousjours vescu dans cette continuelle obscurité, il n'a nulle connoissance ni de la clarté du soleil, ni de la beauté des estoilles, ni de l'amenité des campagnes.

  A010000588 

 Saint Gregoire le Grand, ayant à traitter en ses Dialogues des choses merveilleuses de l'autre monde, dit: Imaginez-vous, de grace, de voir une femme laquelle estant enceinte est mise en prison, où elle demeure jusques [233] à son accouchement, voire mesme elle y accouche; apres quoy elle est condamnée d'y passer le reste de ses jours et d'y eslever son enfant.

  A010000589 

 En apres, cette pauvre femme luy veut donner une idée de l'amenité des collines chargées d'arbres et de fruits divers: d'oranges, de citrons, de poires, de pommes et semblables; mais l'enfant ne sçait que c'est que tout cela, ni comme il peut estre.

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000593 

 Ce que le medecin fit, et son guide le mena en une grande et spacieuse campagne où d'un costé il luy monstra des beautés incomparables, et de l'autre il luy fit entendre un concert de musique grandement delectable; puis le medecin se resveilla.

  A010000593 

 Confesse donques, que puisque tu me vois, tes yeux estans fermés, que tu me connois fort bien et que tu as ouy la musique quoy que tes sens soyent endormis, que les fonctions de l'esprit ne dependent pas des sens corporels, et que l'ame estant separée du corps elle ne lairra pas pourtant de voir, ouyr, considerer et entendre.

  A010000595 

 Ils pensent que c'en est de mesme que des consolations que l'on reçoit quelquefois en la terre, lesquelles font entrer l'ame en un certain endormissement spirituel, en sorte que pour un temps il n'est pas possible de se mouvoir et comprendre mesme où l'on est, ainsy que le tesmoigne le Psalmiste royal en son Psalme In convertendo: Nous avons esté faits, dit-il, comme consolés; ou bien, selon le texte hebreu et la version des Septante, co mme endormis, lors que le Seigneur nous a retirés de la captivité.

  A010000595 

 La seconde difficulté est touchant l'opinion que plusieurs ont que les Bienheureux dans la Hierusalem celeste sont tellement enivrés de l'abondance des divines consolations, que cela leur oste l'esprit en l'esprit mesme, je veux dire que cet enivrement leur enleve le pouvoir de faire aucune action.

  A010000596 

 Ne croyons donques pas, mes cheres ames, que nostre esprit soit rendu stupide et endormi en l'abondance de la jouissance des bonheurs eternels; au contraire, il sera grandement resveillé et agile en ses differentes actions.

  A010000597 

 C'est pourquoy la multiplicité des sujets que nous aurons en nostre entendement, des souvenirs de nostre memoire, ni moins les desirs de nostre volonté ne feront nullement que l'un empesche l'autre ni que l'un soit mieux compris que l'autre.

  A010000599 

 Je ne parleray pas non plus de l'eternité de cette gloire des Saints, mais seulement d'une certaine gloire accidentelle qu'ils reçoivent en la conversation qu'ils ont par ensemble.

  A010000601 

 Il nous fit voir un petit eschantillon du bonheur eternel et une goutte de cet ocean et de cette mer d'incomparable felicité pour nous faire desirer la piece tout entiere; si que le bon saint Pierre, qui parloit pour tous comme devant estre le chef des autres: O qu'il est bon d'estre icy, s'escria-t-il tout esmeu de joye et de consolation.

  A010000602 

 Nous aymerons des personnes particulierement, mais ces amitiés particulieres n'engendreront point de [240] partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aymerons un chacun des Bienheureux de cet amour eternel dont nous aurons esté aymés de la divine Majesté..

  A010000603 

 O Dieu, quelle consolation recevrons-nous en cette conversation celeste que nous aurons les uns avec les autres! Là nos bons Anges nous apporteront une joye plus grande qu'il ne se peut dire quand ils se feront reconnoistre à nous, et qu'ils nous representeront si amoureusement le soin qu'ils ont eu de nostre salut durant le cours de nostre vie mortelle; ils nous resouviendront des saintes inspirations qu'ils nous ont apportées, comme un lait sacré qu'ils alloyent puiser dans les mammelles de la divine Bonté, pour nous attirer à la recherche de ces incomparables suavités dont nous serons lors jouissans.

  A010000604 

 Nostre glorieux pere saint Augustin (je me plais à parler de luy car je sçay que le souvenir vous en est fort aggreable) faisoit un jour un souhait de voir Rome triomphante, le glorieux saint Paul preschant et Nostre Seigneur allant parmi le peuple, guerissant les malades et faisant des miracles.

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000604 

 Un chacun des Esprits bienheureux aura un entretien particulier selon son rang et sa dignité.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000606 

 C'est cet unique bien que la divine amante du Cantique des Cantiques demandoit à son Bien-Aymé, observant en cela, comme estant tres prudente, le dire du Sage, qu'il faut penser à la fin premier qu'à l'œuvre.

  A010000606 

 Ce bayser, ainsy que je declareray tantost, n'est autre chose que la felicité des Bienheureux.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000608 

 Quelle delectation admirable pour un chacun des Bienheureux quand ils verront dans ce cœur tres sacré et tres adorable les pensées de paix qu'il faisoit pour eux et pour nous à l'heure mesme de sa Passion! pensées qui nous preparoyent non seulement les moyens principaux de nostre salut, mais aussi tous les divins attraits, inspirations et bons mouvemens desquels ce tres doux Sauveur se vouloit servir pour nous attirer à la suite de son tres pur amour.

  A010000610 

 Dieu dira un mot si particulier à chacun des Bien-heureux qu'il n'y en aura point de semblable.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000618 

 Nous y trouverons aussi dequoy condamner ceux qui censurent et parlent injustement contre la Providence divine, et ne veulent adorer ni approuver les effects et evenemens d'icelle touchant l'election des bons et la reprobation des mauvais; car lors qu'on voit l'ejection de ceux cy, la prudence humaine se met à la recherche des motifs et raysons de leurs cheutes, et au lieu de regarder la douce Providence de Dieu, elle se jette sur le defaut de la grace et dit: Si ce [248] pecheur en eust receu autant que le juste il ne fust pas tombé en tel defaut.

  A010000619 

 Nostre Seigneur n'avoit pas encores dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; aussi en ce temps-là Dieu favorisoit ses amis en leur faisant part des richesses et commodités temporelles par lesquelles il les obligeoit à le servir..

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000621 

 Il ne fut pas instruit par le Sauveur mesme et ne vit point ses miracles, car il n'estoit pas des Apostres qui le suivoyent; neanmoins il persevera fidellement et mourut tres saintement.

  A010000621 

 Voyez d'abord comme la vocation et election de Judas estoit advantageuse par dessus celle de saint Mathias; car Judas, le plus meschant homme qui se puisse trouver, fut appellé à l'apostolat de la propre bouche de Nostre Seigneur qui l'appella mille fois par son nom; il fut instruit de luy comme les autres Apostres, il l'entendit parler et prescher, il fut tesmoin des œuvres merveilleuses qu'il faisoit et comment il confirmoit sa doctrine par de tres grans miracles; son cher Maistre luy avoit fait beaucoup de graces singulieres lesquelles saint Mathias ne receut point, car il ne fut pas appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur ni de son vivant, ains par les Apostres apres [250] son Ascension, de sorte qu'il vint comme un avorton succeder à ce miserable Judas.

  A010000622 

 Qui dit enfant de consolation veut signifier de la plus grande consolation ou de tres grande consolation; fils de joye s'entend de la plus grande joye ou de tres grande joye: de mesme Judas estant tombé dans cette iniquité que de vendre son Seigneur et Maistre, est dit fils ou enfant de perdition, c'est à sçavoir de la plus grande ou tres grande perdition, telle que celle des diables, car il estoit pire qu'un diable; aussi brusle-t-il avec eux dans les flammes eternelles.

  A010000623 

 Lucifer traisna apres soy [251] dans les enfers la troisiesme partie des Anges, qui estoyent innombrables; et ceux qui estoyent au sein mesme de la gloire devindrent diables et furent condamnés aux peines eternelles.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000625 

 C'est une chose perilleuse de vivre dans le monde en la conversation des meschans; c'est pourquoy demeurer bon parmi iceux sans descheoir de la grace est une faveur tres speciale de Dieu, et pour ce, dit saint Hierosme, il en retire plusieurs hors de ce siecle et les appelle dans le desert où ils n'ont point la societé des pervers..

  A010000626 

 Chose estrange que dans l'Eglise triomphante (non pas triomphante pour lors, mais angelique), parmi des esprits si purs, doués d'une si noble et excellente nature, parmi une si sainte compagnie où il n'y avoit aucune occasion de peril, sans tentation ni suggestion des esprits malins, car il n'y en avoit point encores, il y ayt eu un si petit nombre d'Anges qui ayent perseveré, et que la troisiesme partie se soit revoltée contre Dieu et ayt esté precipitée dans les enfers! Chose espouvantable aussi que Judas, qui avoit esté appellé du Sauveur mesme à l'apostolat, ayt commis un si execrable peché et une si estrange trahison que de vendre son Maistre au temps qu'il alloit en sa compagnie, qu'il oyoit sa parole et qu'il voyoit les œuvres merveilleuses [253] qu'il faisoit! Ce sont des exemples qui doivent faire trembler toutes sortes de personnes, de quel estat, condition ou vocation qu'elles soyent..

  A010000626 

 Or, ce bienfait de la perseverance est tres grand, d'autant que quand on vient à manquer à la grace en telle maniere de vie les cheutes en sont plus graves et perilleuses, comme ont esté celle des Anges dans le Ciel, celle d'Adam dans le Paradis terrestre et de Judas au college de Nostre Seigneur.

  A010000626 

 Or, ceux qu'il a placés en quelque bonne et sortable vocation ont un grand sujet de le louer et remercier, il est vray, car ils ont receu un singulier benefice d'estre separés de la compagnie des meschans et associés avec les bons; mais sont-ils hors de danger? O non.

  A010000627 

 C'est à telles sortes de gens que le Prophete dit à l'oreille: O fols que vous estes, croyez-vous que le monde ne soit fait que pour vous? Comme s'il disoit: O miserables, que faites-vous? Pensez-vous tousjours demeurer en la terre, ou n'y estre que pour amasser des biens temporels? O certes, vous n'estes point creés pour cela..

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000629 

 C'est une grande pitié à qui taste le pouls de la pluspart des mondains et à qui regarde un peu de pres les [254] mouvemens de leurs cœurs! L'on descouvre facilement qu'ils veulent jouir du monde et de ce qu'il contient, mais quant à Dieu ils se contentent d'en user.

  A010000629 

 De là vient que tout ce qu'ils font n'est que pour la conservation des choses temporelles, et qu'ils ne font quasi rien pour acquerir la felicité eternelle.

  A010000630 

 On rencontrera des hommes qui ayans femme, enfans et une famille à entretenir, pour laquelle ils auroyent besoin d'acquerir quelques commodités à fin de la subvenir, lesquels neanmoins ne s'en soucient pas, ains mangent et dissipent toute leur substance, demeurant toute leur vie pauvres, chetifs et miserables; mais ils sont tellement avaricieux de leur liberté, qui est leur tresor, leur richesse et la plus noble piece qu'ils ayent, ils la tiennent si ferme et de si pres que pour rien au monde ils ne la veulent perdre, quitter ni assujettir, ains en veulent jouir pour vivre selon leurs fantasies et se vautrer en toutes sortes de playsirs et voluptés.

  A010000630 

 On verra des riches qui n'auront point cette premiere avarice d'amasser tresor sur tresor, mais ils enfonceront tellement leur cœur dans celuy qu'ils ont, à dessein de le mieux conserver, qu'il est presque impossible de les tirer de là.

  A010000631 

 Il y a mesme des ames spirituelles qui possedent ce qu'elles ont avec tant d'attache et qui prennent tant de playsir à voir et regarder ce qu'elles font, qu'elles commettent une espece d'idolatrie, se faisant autant d'idoles que d'actions, lesquelles elles adorent.

  A010000632 

 Il y a aussi difference entre user des richesses et les adorer: en user selon son estat et condition, car il faut dire cela, c'est une chose permise quand on le fait comme il faut; mais de s'en faire des idoles c'est une condamnation et damnation.

  A010000632 

 Il y a bien de la difference entre boire du vin et s'enivrer, entre user des richesses et les adorer.

  A010000632 

 Ils estoyent avides d'amasser des richesses et de mettre argent sur argent, mais encores ils cachoyent et serraient si fort les biens qu'ils avoyent et les aymoient si demesurement qu'ils les adoroyent et en faisoyent leur dieu.

  A010000633 

 Tel fut le noviciat des Apostres, et tout le reste de leur vie devoit estre fondé sur cette beatitude: Bienheureux sont les pauvres d'esprit..

  A010000634 

 C'est ce que remarque le grand saint Bernard faisant un mot d'advertissement à [257] un Pontife: Nostre Seigneur, souverain Pontife et Chef du college apostolique, dit-il, ne s'occupoit jamais des biens et commodités permises ou de ce qui estoit requis pour son apostolat; partant il failloit qu'il eust un econome general qui prist soin des affaires, et ce fut Judas.

  A010000634 

 Le Sauveur donques luy remit la charge des choses temporelles; et il n'y eust point eu de mal de porter la bourse et de manier l'argent s'il l'eust fait comme il le devoit, mais ce desloyal et miserable homme ne s'y comporta pas en econome fidelle, ains en larron et avaricieux.

  A010000635 

 Par ce moyen il cuydoit faire un trait d'un insigne larron et voleur, d'autant qu'ayant receu l'argent des Juifs, il se moqueroit d'eux par apres, puisque son Maistre ne mourroit point.

  A010000637 

 C'est une chose tres difficile de declarer quels sont les commencemens de la cheute des pecheurs; il est neanmoins tres asseuré, comme disent les theologiens, que ce n'est pas que la grace leur ayt manqué, ains ce sont eux qui ont manqué à la grace; mais de sçavoir comme ils ont commencé à luy manquer, c'est bien difficile..

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000639 

 D'autres disent qu'on tombe dans les ruines du peché à cause des inclinations mauvaises qui sont en l'homme.

  A010000639 

 Il est vray que nous avons tous des inclinations au mal: les uns sont portés à la colere, les autres à la tristesse, d'autres à l'envie, d'autres à la vanité et vaine gloire, d'autres à l'avarice; et si nous vivons selon telles ou semblables inclinations nous sommes perdus.

  A010000640 

 Comme s'il vouloit dire: J'estois un grand roy, j'avois plusieurs choses propres à recreer ma veuë, les magnifiques et somptueux palais qui m'appartenoyent, les tapisseries, la varieté des riches vestemens, en somme je ne refusois rien à mes yeux de tout ce qu'ils desiroyent.

  A010000641 

 Saint Pierre, le chef des Apostres, les fit reunir avec les disciples de Nostre Seigneur qui estoyent en tout six vingts, et ce à dessein d'en choisir un des six vingts, ou plustost des cent neuf, car il ne faut pas compter les Apostres qui estoyent onze.

  A010000642 

 Nous sommes donques enseignés que bien que Judas quittast l'apostolat, neanmoins l'apostolat ne perit pas pour cela, il demeura tousjours en estre; car le college des Apostres dura non seulement pendant la vie de Nostre Seigneur qui les appella et les receut, mais apres sa mort [261] ils en esleurent un autre pour remplacer le traistre.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000656 

 Ces paroles sont des plus remarquables, des plus considerables et qui portent plus de poids que nostre divin Maistre ayt dites; c'est pourquoy les anciens Peres se sont beaucoup arrestés à en tirer des interpretations.

  A010000657 

 Cette union et concorde nous a esté preschée, recommandée et enseignée tant d'exemple que de parolle, par Nostre Seigneur, mais avec une exageration nompareille et avec des termes admirables; de sorte qu'il semble qu'il se soit oublié de nous recommander l'amour que nous luy devons porter, et à son Pere celeste, pour mieux nous inculquer l'amour et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres; il a mesme appellé le commandement de l'amour du prochain son commandement, comme estant le sien le plus cheri.

  A010000657 

 Il estoit venu en ce monde pour nous enseigner en Maistre tout divin, et cependant il n'inculque rien tant ni avec des paroles si pregnantes que l'observance de ce commandement de l'amour du prochain.

  A010000659 

 Cette comparaison semble estre du tout estrange, car l'union des trois divines Personnes est incomprehensible, et nul, quel qu'il soit, ne sçauroit s'imaginer cette simple union et cette unité si indiciblement simple.

  A010000660 

 Concorde et dilection est une mesme chose; car le mot de concorde signifie union des cœurs, et dilection, élection des affections, union des affections.

  A010000660 

 J'ay pris d'autant plus de playsir à traitter de ce sujet aujourd'huy, que j'ay trouvé que saint Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables dans l'Epistre que nous avons leuë à la sainte Messe, en laquelle il dit escrivant aux Ephesiens: Bien aymés, marchez en la voye de la dilection des uns envers les autres comme enfans tres chers de Dieu; marchez en icelle comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa propre vie pour nous, s'offrant à Dieu son Pere en holocauste et en hostie d'odeur et de suavité.

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000663 

 Ces deux enfans se ressembloyent tellement et si parfaittement que le maquignon luy fit accroire qu'ils estoyent jumeaux, n'estant pas croyable qu'ils peussent avoir une si parfaitte ressemblance autrement; car estans separés l'un de l'autre l'on ne pouvoit nullement juger quel c'estoit des deux, rareté dont Marc Antoine fit un si grand estat qu'il les acheta fort cherement.

  A010000663 

 Marc Antoine acheta un jour deux jeunes jouvenceaux que luy presenta un certain maquignon; car en ce temps là, comme il se fait encores en quelques contrées, l'on vendoit les enfans: il y avoit des hommes qui en faisoyent provision et usoyent de ce traffic comme l'on fait des chevaux en nos païs.

  A010000664 

 C'est pourquoy nous devons faire comme Marc Antoine: nous devons acheter ces deux amours, comme jumeaux sortis tous deux des entrailles de la misericorde de nostre bon Dieu, et ce en mesme temps; car dès que Dieu crea l'homme à son image et semblance il ordonna à cet instant mesme qu'il aymeroit Dieu et son prochain aussi..

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000668 

 Et comme nous voyons encores que de plusieurs raisins pressurés les uns avec les autres se fait un seul vin, et qu'il n'est plus possible de remarquer quel est le vin sorti d'une telle graine ou d'une telle grappe, ains tout estant pesle meslé ne forme qu'un vin tiré de plusieurs graines de raisins, de mesme ces cœurs des premiers Chrestiens, esquels regnoit la sainte charité et dilection, n'estoyent qu'un vin composé de plusieurs cœurs comme de plusieurs raisins.

  A010000670 

 Il est nouveau aussi à cause des nouvelles obligations que nous avons de l'observer.

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000676 

 Nostre divin Maistre nous a donné sa vie non seulement l'employant à guerir les malades, faire des miracles et nous enseigner ce que nous devions faire pour nous sauver ou pour luy estre aggreables; mais il l'a donnée aussi en fabriquant sa croix tout le temps d'icelle, souffrant mille et mille persecutions de ceux mesmes auxquels il faisoit tant de bien et pour lesquels il livroit sa vie.

  A010000677 

 En quoy il nous enseigne que de s'employer, voire jusqu'à donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000685 

 Quant à nous autres, nous n'avons pas eu cet honneur, ains ce que nous sçavons nous l'avons appris des Apostres; nous sommes donques comme les vestemens de nostre grand Prestre, nostre Sauveur, sur lesquels neanmoins descoule encores cet onguent pretieux de la tres sainte dilection qu'il nous a tant commandée et recommandée.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000686 

 Les eaux des plus ameres afflictions n'ont peu esteindre le feu de cette dilection qu'il nous portoit, tant il estoit ardent, et les persecutions envenimées de ses ennemis n'ont pas eu assez de force pour vaincre la solidité et fermeté incomparable de l'amour dont il nous a aymés.

  A010000691 

 Voyci le contenu de l'histoire: nostre divin Maistre estant en cette ville où il publioit les effects et grandeurs de la providence de son Pere celeste, apres avoir fait plusieurs guerisons et delivré un demoniaque, c'est à dire une personne tourmentée du diable, il entra en la mayson de Simon et d'André et guerit la belle mere de Pierre qui estoit travaillée des fievres.

  A010000692 

 Premierement, l'Evangeliste escrit que Jesus entra en la mayson de Simon, qui estoit le grand Apostre saint Pierre, le premier des Apostres qui avoit suivi nostre cher [281] Maistre avec son frere saint André.

  A010000692 

 Saint Matthieu le tesmoigne clairement en son chapitre huitiesme, et saint Marc indirectement en son chapitre premier, bien qu'en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy, saint Luc ne le dise pas, ains seulement que Jesus entrant en la mayson de Simon il guerit sa belle mere qui estoit travaillée des fievres.

  A010000694 

 De là il faut conclure que le Prince des Apostres estoit en celibat et qu'il suivoit d'un cœur entier nostre cher Sauveur..

  A010000694 

 Nostre Seigneur ayant choisi saint Pierre pour chef des ecclesiastiques, il estoit convenable qu'il vescust en celibat, d'autant que, comme escrit saint Hierosme, la vierge qui vient à se marier ne peut pas dire qu'elle soit toute à Dieu.

  A010000696 

 Certes, telles gens ne croyent point à cet article du Symbole, puisque c'est une chose tres certaine que, comme nous participons icy bas aux prieres les uns des autres, ces mesmes prieres et bonnes œuvres profitent aux ames du Purgatoire qui en peuvent estre aydées.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000696 

 Et non seulement cette communion se fait ça bas en terre, mais elle s'estend jusques à l'autre vie; celuy là est donc bien sot et hebeté qui, voulant croire la communion des Saints en la terre, ne veut pas croire qu'elle passe jusques au Ciel.

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000698 

 Mais j'ay pensé de ne point traitter aujourd'huy de celles là, ains des corporelles dont les Religieux et Religieuses ne sont pas plus exempts que les autres, car ces maladies corporelles vont dans les Religions aussi bien que dans le monde; et puis c'est de celles-cy qu'il est question dans nostre Evangile, et c'est une chose de grande importance de sçavoir comme il en faut bien user.

  A010000698 

 Nous le verrons en nostre febricitante, laquelle prattiqua tant et de si admirables vertus en sa maladie que je pense que l'histoire en devroit estre escritte par toutes les infirmeries des monasteres, à fin de servir d'exemple à tous ceux qui y souffriroyent quelque maladie et leur apprendre à en faire leur proffit.

  A010000698 

 Quant à ce qui est des maladies spirituelles, elles sont en si grand nombre que si j'entreprenois d'en parler je n'aurois jamais fait, d'autant plus qu'elles sont l'exercice de toute l'année; et, bien que les Religieuses soyent exemptes de quelques unes, neanmoins elles ne le sont pas de toutes.

  A010000699 

 Cecy sera par forme d'entrée en mon discours, et je me serviray des paroles de saint Paul au sujet de Melchisedech; je m'en serviray, dis-je, comme d'une «preface armée,» selon l'expression de saint Hierosme, à sçavoir, d'une preface qui ayt ses armes et qui porte en teste le morillon.

  A010000699 

 Mais avant de passer aux maladies corporelles, il faut que je guerisse, ou du moins que je donne le remede propre à la guerison d'une maladie spirituelle qui se trouve en plusieurs personnes, touchant la consideration des choses qu'on medite.

  A010000699 

 Or, plusieurs esprits bigearres et niais ont fait des heresies sur ces paroles, croyant, voire disant que Melchisedech n'estoit point un homme, qu'il n'avoit pas un vray corps comme nous, et luy ont quant et quant voulu attribuer la divinité, comme s'il eust esté Dieu, ce qui est faux; car, d'apres saint Paul, c'estoit un homme juste et paisible, et n'y a point de difficulté qu'il ne fust semblable aux autres.

  A010000700 

 La premiere est de se servir des considerations pieuses dressées par plusieurs qui ont eu la conduite des ames, lesquels ont fait de belles conceptions tant sur la vie et mort de Nostre Seigneur que sur les autres mysteres de nostre foy, conceptions dont on peut user en la meditation.

  A010000701 

 C'est donques une imagination que nos peintres ont fait qui n'est non plus veritable que celle par laquelle quelques uns peignent le bon larron attaché à la croix avec des doux, ce qu'ils ne veulent pas faire du mauvais, comme s'il ne le meritoit pas; et telles autres suppositions sur la Sainte Escriture, lesquelles sont heteroclites et dangereuses et dont il faut user sobrement; de mesme de ce qu'on pretend des trois Maries..

  A010000702 

 Or, je ne dis pas qu'il ne se faille servir de l'imagination pour mediter, ni des considerations pieuses qui nous ont esté laissées par les saints Peres et par tant de bonnes ames.

  A010000702 

 Puisque ces saints et grans personnages les ont faites, qui n'osera s'en servir, et qui refusera de penser ou croire pieusement ce que pieusement ils ont creu? O certes, il faut aller asseurement apres des personnages de telle authorité.

  A010000703 

 Mais parce qu'il n'est rien dit en la Sainte Escriture des pere et mere, de la genealogie, de la naissance ni de la mort de Melchisedech, saint Paul n'en veut rien declarer ni rien adjouster à la lettre, il ne veut rien dire de ce qui n'est pas escrit; c'est pourquoy il parle de la sorte de ce saint personnage..

  A010000706 

 Cette charité est plus forte et presse de plus pres que la nature, elle n'espargne rien; c'est donc pur ce motif que les Superieurs et Superieures des Religions pourvoyent aux necessités de ceux qu'ils ont en charge.

  A010000706 

 Que si un pere ayant malade un fils qu'il n'ayme point ne laisse de le faire traitter selon son besoin, poussé d'une compassion naturelle, que n'attendrons-nous des Superieurs qui nous servent par une vraye charité?.

  A010000706 

 Si les gens du monde ont sujet de se delaisser ainsy à ceux qui les soignent, à cause de l'amour ou compassion [288] naturelle qu'ils leur portent, à plus forte rayson les Religieuses qui vivent sous des Superieures lesquelles, par le motif de la charité, les servent et pourvoyent à leurs besoins.

  A010000707 

 La pluspart sont allés au Sauveur pour estre gueris des maladies qu'ils avoyent au corps, et non point pour celles qu'ils avoyent en l'ame; il n'y a que la Magdeleyne, cette grande Sainte, qui soit venue à luy pour faire traitter son cœur et recevoir la guerison de ses infirmités spirituelles, ce qu'elle fit en une façon admirable lors qu'elle estoit encores en la fleur de son aage..

  A010000708 

 Certes, le centurion fut [289] voirement bien louable pour le soin qu'il prit d'envoyer au Sauveur des principaux de la ville à fin de l'advertir de la maladie de son serviteur, comme aussi pour sa vive foy par laquelle il confessa qu'il ne failloit qu' une parole pour cette guerison; mais il tesmoigna un grand empressement et inquietude pour le restablissement de son malade.

  A010000709 

 Ce sont des moines qui se nomment comme cela, lesquels demeuroyent à Rome.

  A010000709 

 Ils ne doivent user ni de medecin ni de medecine; cela estant propre aux gens du monde de faire venir avec grand empressement les medecins, et d'employer frequemment des remedes, mais aux moines il ne leur est point licite.

  A010000709 

 Le glorieux saint Bernard, qui entendoit bien cecy, escrivit une epistre traittant tout au long des maladies corporelles, aux Freres de saint Anastase.

  A010000709 

 Les moines qui se sont consacrés au service de Nostre Seigneur, adjouste-t-il, ne doivent plus avoir soucy des maladies corporelles, mais bien des spirituelles, et pour les premieres il leur faut s'en remettre à la providence de Dieu qui les permet, et au soin des Superieurs qui ont charge d'eux.

  A010000711 

 L'on n'est pas si rigoureux maintenant comme autrefois; chacun veut avoir l'usage du vin et se servir des medecines et desmedecins..

  A010000712 

 Il est vray aussi que l'on est bien plus tendre et douillet qu'autrefois; et ce seroit encor peu si l'on usoit seulement des medecines et des medecins selon que nos Superieurs l'ordonnent.

  A010000712 

 Mais l'on ne se contente pas de cela, ains on veut se gouverner selon sa fantasie: on a tant de soin de soy! On s'inquiete et s'empresse à rechercher des moyens pour sa guerison, on voudroit volontiers sçavoir tout ce qui nous est propre ou non, connoistre tous les remedes du monde pour s'en servir, et pretendroit-on que chacun s'y employast.

  A010000718 

 Certes, il est bon de recourir à Dieu, mais pour l'ordinaire cela se fait avec tant d'imperfection que c'est pitié; l'on en a mesme veu commettre de notables pour ce sujet par des grans personnages, comme il arriva à un Roy de France: c'estoit Louys unziesme.

  A010000718 

 Il y a des personnes qui voudroyent, quand elles sont malades, employer tout le monde, si elles pouvoyent, pour estre gueries, et envoyent de costé et d'autre à ce que l'on prie Dieu de les delivrer de ces maladies corporelles.

  A010000722 

 Ne rien refuser ni des viandes, ni des medecines, ni d'aucun [296] traittement que l'on nous fasse, car c'est en cela que consiste la pauvreté evangelique.

  A010000723 

 Aussi cette grande Sainte ne pouvant mourir en effect en cette pauvreté evangelique, y mourut du moins par desir et affection; et à ces deux saintes ames, comme à tous ceux qui les imitent, on peut dire: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux.

  A010000735 

 semblablement des poissons autant.

  A010000740 

 Or, entre ceux cy il se trouve encores quelques troupes, comme nous voyons en nostre Evangile, qui meritent que Nostre Seigneur ayt d'eux un soin plus special: ce sont ceux qui pretendent parvenir à la perfection et lesquels, pour ce faire, ne se contentent pas de le suivre en la plaine [298] des consolations, ains ont le courage de le suivre encores parmi les deserts jusques sur la cime de cette haute montagne.

  A010000743 

 Je ne dis pas tant cecy pour ce qui est des choses temporelles comme pour les spirituelles; luy mesme l'enseigna à sa bien aymée sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» luy dit-il, «et je penseray en toy.» O qu'heureuses sont les ames qui sont si amoureuses de Nostre Seigneur que de bien suivre cette regle de penser en luy, se tenant fidellement en sa presence, escoutant ce qu'il nous dit continuellement au fond du cœur, obeissant à ses divins traits et attraits, mouvemens et inspirations, respirant et aspirant sans cesse au desir de luy plaire et d'estre sousmises à sa tres sainte volonté; pourveu toutefois que cela ne soit point sans cette divine confiance en sa toute bonté et en sa providence, car il nous faut tousjours demeurer tranquilles, et non point troublés ni pleins d'anxieté apres la recherche de la perfection que nous entreprenons..

  A010000745 

 Par exemple, on a des poules pour pondre, et des rossignols ou tels autres oyselets dans des cages pour chanter; tous sont nourris, mais non pas à mesme fin, car les uns le sont pour l'utilité et les autres pour le playsir..

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000747 

 Il faut avoir une grande fidelité, mais sans anxieté ni empressement; nous servir des moyens qui nous sont donnés selon nostre vocation, et puis nous tenir en repos pour tout le reste; car Dieu, sous la conduite duquel nous nous sommes embarqués, sera tousjours attentif à nous pourvoir de ce qui nous sera necessaire.

  A010000748 

 Dieu fera plustost des miracles que de laisser sans secours, tant spirituel que temporel, ceux qui se confient pleinement en sa divine providence; mais neanmoins il veut que nous fassions de nostre costé ce qui est en nous, c'est à dire il veut que nous nous servions des moyens ordinaires pour nous perfectionner, [302] au defaut desquels il ne manquera jamais de nous secourir.

  A010000748 

 Il a des vaches, qu'il se nourrisse de leur lait; ou bien, s'il veut, qu'il fasse tuer ses veaux gras et qu'il en fasse festin aux Anges.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000748 

 Tandis que nous avons nos Regles, nos Constitutions, des personnes qui nous disent ce que nous devons faire, n'attendons pas que Dieu fasse des miracles pour nous conduire à la perfection, car il ne le fera pas.

  A010000749 

 Il semble que le Sauveur, tout amoureux des cœurs de ces bonnes gens, qui estoyent environ cinq mille, disoit à part luy: Vous n'avez nul soin de vous, mais je le prendray moy mesme.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000752 

 Nous avons bien de bons livres spirituels, nous avons des predication nous avons du temps pour vaquer à l'oraison, voire mesme il me vient bien de bonnes affections; mais il n'est-ce que cela? Ce n'est rien.

  A010000755 

 Nostre Seigneur, nonobstant que saint Philippe et saint André affirmassent que ce n'estoit rien des cinq pains et des deux poissons pour cette multitude, ne laissa pas de dire qu'on les luy apportast, et commanda à ses Apostres de faire asseoir le peuple.

  A010000756 

 Cette question a esté esmeuë entre plusieurs, à sçavoir mon, si tous mangerent des cinq pains ou si Nostre Seigneur, par sa toute puissance, en fit des nouveaux lesquels on distribua au peuple.

  A010000756 

 Mais l'Evangeliste saint Marc, en l'histoire qu'il rapporte d'un autre miracle presque tout semblable à celuy cy, miracle qui n'est pas neanmoins le mesme, d'autant qu'il y avoit sept pains, ainsy qu'il le tesmoigne, et saint Jean escrit qu'il n'y en avoit que cinq en celuy de ce jour, saint Marc donc dit expressement que tous mangerent des sept pains et des deux poissons.

  A010000758 

 Ainsy Nostre Seigneur fit que les cinq mille hommes mangerent tous des cinq pains et des deux poissons, les reproduisant autant de fois qu'il estoit requis pour que chacun en eust une partie selon sa necessité.

  A010000758 

 Tandis que nous avons du pain Dieu ne fait pas des prodiges pour nous nourrir..

  A010000759 

 Je considere en troisiesme lieu que Nostre Seigneur pouvant faire tomber la manne sur cette montagne, comme autrefois au desert pour les enfans d'Israël, il ne le fit neanmoins pas, ains dressa son festin avec des pains d'orge.

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000760 

 Plus honnorées mille fois sont ces pauvres troupes mangeant un morceau de pain d'orge à la table de nostre doux Sauveur, que d'estre nourries de perles et des viandes les plus exquises du monde à celle de cette miserable Cleopatra..

  A010000760 

 Quant à moy je vous diray ma pensée sur la question que je m'en vay vous faire: à sçavoir mon, lequel vous aymeriez mieux, ou d'estre nourries d'un peu de pain cuit sous la cendre avec le Prophete Elie dans le desert de Bersabée, ou bien avec le mesme Prophete, des pains et de la chair qu'il reçoit du bec d' un corbeau pres du torrent de Carith? Je ne puis sçavoir vostre pensée, mais quant à moy je vous diray bien franchement que j'aymerois mieux de la main de l'Ange le pain cuit sous la cendre, que non pas le pain, pour blanc qu'il fust, ni de la chair m'estant apportés au bec d' un corbeau, qui est un oyseau infect et puant.

  A010000763 

 Par exemple, si nous avons des bons desirs ou des bons documens, et que nous n'ayons pourtant pas assez de force pour les prattiquer et mettre en effect, presentons-les-luy et il les rendra capables d'estre digerés; si nous mettons nostre confiance en sa Bonté il reproduira ces desirs autant de fois qu'il sera necessaire pour nous faire perseverer en son service..

  A010000771 

 Premierement, le miracle de la resurrection de ce jeune homme a esté l'un des plus grans que Notre Seigneur ayt operé en Galilée, car il le fit de son propre mouvement, sans y estre incité que par sa seule bonté et misericorde.

  A010000774 

 En troisiesme lieu, quant à ce qui est dit qu'il trouva ce mort à la porte de la ville, c'est qu'on le portoit [313] hors d'icelle, car en cette ancienne Synagogue l'on enterroit les morts hors des villes à cause de l'infection des corps et par crainte du mauvais air.

  A010000774 

 Mais despuis que la porte du Ciel a esté ouverte aux hommes on a trouvé le moyen d'enterrer les Chrestiens dans les eglises ou dans des cimetieres faits à l'entour d'icelles pour ce sujet..

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000777 

 Mais à qui parle cet Archange? Aux morts qui sont dans les tombeaux, à des charognes puantes, car nos corps ne sont que pourriture quand ils sont separés de l'ame.

  A010000778 

 Alors nous verrons cet admirable miracle de la transsubstantiation qui s'opere tous les jours au Sacrement de l'Eucharistie; car en cette resurrection generale se fera la transsubstantiation des cendres qui estoyent dans les tombeaux ou ailleurs, en vrays corps vivans, lesquels en un instant se trouveront au lieu destiné [315] pour le dernier jugement.

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000782 

 Ceux qui veulent traverser des ruisseaux ou des rivieres sur quelque planche sont en grand peril de se perdre s'ils portent des bericles; car il y a deux sortes de bericles: les unes font les caracteres plus grans qu'ils ne sont, les autres les font plus petits, et ceux qui ont la veuë courte en usent.

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000782 

 Que s'ils se servent des bericles qui rapetissent les choses, elles leur feront paroistre cette planche si petite qu'ils n'oseront jamais entreprendre de passer sur icelle, ou s'ils y passent ils seront saisis d'une si grande frayeur qu'elle sera suffisante pour les perdre.

  A010000783 

 Helas! qui peut sçavoir s'il est digne d'amour ou de haine, s'il sera du nombre des esleus? Donques celuy qui ne craint point la mort est en tres mauvais estat et en grand peril, puisque nous sçavons que le lieu où nous irons apres icelle est eternel et que nous serons sauvés ou damnés eternellement.

  A010000783 

 Il la faut craindre, car qui n'en auroit peur, puisque tous les Saints l'ont redoutée, et mesme le Saint des Saints, nostre Sauveur? car la mort n'est pas naturelle à l'homme, ains il a esté condamné à icelle à cause de son peché.

  A010000784 

 Ainsy, quoy qu'il y ayt eu des Saints qui ont desiré et demandé la mort il ne faut pas penser qu'il ne l'ayent point apprehendée, car il n'y a personne, pour saint qu'il soit, qui ne l'ayt justement redoutée, si ce n'est ceux qui ont eu des asseurances toutes particulieres de leur salut par des revelations tres speciales..

  A010000784 

 Il est vray qu'il y a eu des Saints qui semblent l'avoir desirée, mais ce n'est pas qu'ils ne l'ayent crainte pour cela ni qu'ils n'ayent eu peur d'elle, car l'on peut bien desirer ce que l'on redoute et demander ce qu'on n'ayme pas.

  A010000785 

 Le premier est le grand Apostre saint Paul, qui receut des asseurances si certaines de la beatitude qu'il semble n'avoir eu nulle frayeur de la mort, car il dit [318] luy mesme: Je me sens pressé de deux desirs du tout contraires, lesquels me travaillent sans cesse et me font bien de la peine, dont l'un est de sortir de cette vie pour m'en aller jouir de la douce presence et veuë de mon Maistre.

  A010000786 

 Je ne desire point la mort pour estre delivré des travaux que j'endure, o non, ce n'est point pour cela; ni moins encores pour estre quitte de la peine que [319] me cause la soif que j'ay de voir mon Seigneur, mais seulement je la souhaitte pour le voir, car je sçay bien qu'apres cette vie je le verray.

  A010000787 

 Il y a plusieurs personnes qui la demandent à Nostre Seigneur, et quand on les interroge pourquoy: C'est, respondent-elles, pour estre delivrées des miseres de cette vie.

  A010000787 

 Mais quand vous seriez asseurés d'aller en Paradis il ne la faudroit pas desirer ni demander pour estre delivrés des miseres de ce monde, ni sans cette condition de la volonté de Dieu.

  A010000787 

 Ouy, et sçavez-vous bien si estant delivrées des travaux de cette vie vous arriverez au repos de l'autre? O non certes.

  A010000789 

 Ces paroles, qui paroissent extravagantes, sont des paroles amoureuses lesquelles ne sont pas entendues de imis; car ceux qui ne sçavent que c'est de l'amour n'ont point compris ce que ce saint homme vouloit dire.

  A010000789 

 Il en est de mesme de l'amour divin, la force duquel fait employer des mots qui sentent sujets à la censure s'ils n'estoyent compris par ceux qui connoissent le langage de ce celeste amour..

  A010000789 

 Il en prend de l'amour divin comme de l'amour humain; souvent il arrive aux fols amoureux du monde de proferer des paroles qui certes seroyent ridicules si elles ne sorloyent d'un cœur passionné; ils disent ce que la force de l'amour leur fait dire, et ce langage n'est entendu que de ceux qui sçavent que c'est que d'aymer.

  A010000790 

 Or donques, comme Job estoit un grand amoureux de Dieu, toutes les paroles qu'il prononça sur son fumier cstoyent certes des paroles amoureuses; la flamme qui embrasoit son cœur luy faisoit faire des extravagances, mais le Seigneur, qui penetroit le fond de ce cœur, voyoit bien que ce n'estoit ni l'ennuy ni l'impatience qui le faisoit parler de la sorte, ains l'amour dont il estoit animé; car nostre cher Maistre sçait bien que c'est que d'aymer, il connoist bien le langage de l'amour, et pour ce il declare que Job n'a point peché en tout ce qu'il a dit.

  A010000793 

 Mais, nonobstant ces deux exemples qui sont des exceptions, je dis pour conclusion que tous doivent craindre la mort..

  A010000795 

 Ne nous laissons donc point aller à des frayeurs inquietes et chagrines, comme il arrive à quelque bonne femme [323] qui pour avoir pensé une matinée à la mort brouillera tout ce jour-là son mesnage, si que personne ne pourra avoir paix avec elle.

  A010000796 

 De tout cela que nous importe? Laissons ce soin à la divine Providence qui s'occupe bien des oyseaux du ciel, desquels une seule plume ne tombe sans sa permission.

  A010000798 

 Outre cela, nous avons encores les Sacremens de la sainte Eglise pour nous laver de nos iniquités, car ils sont comme des canaux par lesquels les merites de la Passion du Sauveur descoulent en nous, si que par iceux l'on recouvre la grace quand on l'a perdue.

  A010000800 

 A quoy il leur respondit qu'il n'avoit fait qu'une seule chose, à sçavoir de bien penser qu'on feroit la visite des Estats en la province et que sans doute il y viendroit des visiteurs qui s'acquitteroyent bien de leur charge; que pour ce il s'estoit tousjours comporté comme il desireroit avoir fait lors que ces visiteurs se presenteroyent.

  A010000800 

 Ils donnerent aux uns des amendes, ils deschargerent les autres de leurs fonctions, et mesme ils en envoyerent quelques uns en galere.

  A010000800 

 Le Roy d'Espagne envoya faire la visite des Estats en une province dans laquelle tous les officiers de la police se trouverent coulpables en quelque chose, et pour cela les visiteurs se monstrerent fort exacts et severes à les punir et chastier.

  A010000802 

 Que nous serions heureux si nous pensions ainsy au compte qu'il nous faudra rendre, et que, desoccupés de toute autre affaire, nous le tinssions tousjours prest pour le jour qui nous seroit assigné pour cela! Il le faut faire, car la mort a des pieds de coton avec lesquels elle vient si doucement qu'on ne s'en apperçoit point, et comme cela elle nous surprend.

  A010000819 

 Mais l'on ne doit pas l'entendre des pecheurs tels quels, ains des grans et signalés pecheurs; car autrement, qui l'annonceroit, veu que tous les hommes sont pecheurs et que quiconque dira le contraire mentira meschamment? Les Apostres mesmes n'ont pas esté sans peché; celuy qui pretendroit n'estre point pecheur commettroit une tres grande imposture, et feroit bien voir le contraire de son dire en mesme temps qu'il prononceroit ce mensonge.

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000821 

 Apres avoir demeuré desja longuement dans les deserts, il fut un jour inspiré de Dieu de venir à Edesse, qui estoit sa propre ville; et luy, qui avoit exposé son cœur devant la divine Majesté pour recueillir cette pretieuse rosée des inspirations celestes, et qui avoit tousjours eu une fidelité tres grande à les recevoir et à leur obeir, se rendit fort docile à celle cy..

  A010000821 

 Pour confirmation de mon dire, je vous raconteray volontiers un bel exemple qui se trouve en la Vie du grand saint Ephrem; je dis grand non seulement parce qu'il fut diacre de deux illustres Docteurs de l'Eglise, mais aussi parce qu'il fut grand Docteur luy mesme, ayant escrit des choses infiniment belles qui causent une merveilleuse suavité à ceux qui les lisent.

  A010000823 

 Lors ce grand Saint fit un tel cas des documens que luy donnoit cette miserable femme, que non content de les recevoir humblement, il luy en tesmoigna mesme de la gratitude, la remerciant bien fort; et despuis, il fit une si grande estime de ce document que non seulement il porta tousjours les yeux corporels bas et regardant la terre, mais beaucoup plus les yeux interieurs et spirituels en la consideration de son neant, de sa vileté et de son abjection, si qu'il fit un continuel progres en la vertu de la tres sainte humilité tout le reste de ses jours.

  A010000823 

 Nous sommes donques enseignés par cette histoire comme nous ne devons pas mesestimer la parole de Dieu ni les bons enseignemens, quoy qu'ils nous soyent presentés par des personnes de mauvaise vie.

  A010000824 

 Par ainsy nous voyons que combien qu'il ne faille pas estimer ni approuver la mauvaise vie des hommes meschans et pecheurs, neanmoins nous ne devons pas mespriser la parole de Dieu qu'ils nous proposent, ains en faire nostre profit comme saint Ephrem.

  A010000828 

 Tout le bien de l'homme consiste non seulement à recevoir cette verité de la parole de Dieu, mais à demeurer en icelle, comme au contraire tout le [333] mal des Anges et des hommes provient dequoy ils sont descheus de la verité au lieu d'y demeurer..

  A010000829 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, declare, ainsy que je disois l'autre jour, que son Bien-Aymé, qui est nostre cher Maistre, a deux mammelles remplies de parfums tres pretieux qui r espandent des odeurs tres souefves.

  A010000829 

 Quand il est escrit que Nostre Seigneur estoit plein de grace et de verité, cela se doit entendre qu'il estoit plein de foy et de charité; non pas qu'il eust la foy pour luy mesme, car il n'en avoit pas besoin, ayant la claire vision des choses que cette foy nous apprend, mais il estoit plein de foy pour la distribuer à ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000834 

 Dites-moy, si nous demeurions attentifs à la verité des mysteres que Nostre Seigneur nous apprend en l'oraison, que nous serions heureux! Quand nous le voyons mourant sur la croix pour nous, que ne nous enseigne-t-il pas? Je suis mort pour toy, dit-il, ce souverain Amant; qu'est-ce que requiert ma mort sinon que, comme je suis mort pour toy, tu meures aussi pour moy, ou que du moins tu ne vives que pour moy? O combien cette verité apporte d'ardeur en nostre volonté pour luy faire aymer cherement Celuy qui est tant aymable et si digne d'estre aymé! La verité est l'objet de l'entendement comme Famour est celuy de la volonté: soudain donques que nostre entendement apprehende cette verité que Nostre Seigneur est mort d'amour pour nous, ha, nostre volonté [336] s'enflamme tout incontinent et conçoit de grandes affections de contreschanger autant qu'elle pourra cet amour.

  A010000836 

 Et ainsy des autres beatitudes.

  A010000838 

 Pour nous bien disposer et nous rendre capables de l'entendre comme nous sommes obligés, nous devons respandre nos cœurs en presence de la divine Majesté à fin de recevoir cette rosée celeste, tout de mesme que Gedeon espandit sa toison dans la prairie pour qu'elle fust arrousée des pluyes et des eaux du ciel..

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000839 

 Oyons avec esprit de devotion et d'attention les verités que le predicateur nous propose; mettons cette parole sur nos testes, à l'imitation des Espagnols, lesquels quand ils reçoivent une lettre de quelque grand, ils la posent aussi tost sur leur teste pour monstrer l'honneur qu'ils portent à celuy qui leur a escrit, comme aussi pour tesmoigner qu'ils se sousmettent aux commandemens qui leur sont faits par cette lettre.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000841 

 Mais avant que finir il faut que je leve une petite espine que vous pourriez ficher bien avant dans vostre pied si vous vouliez vous mettre promptement à marcher en l'observance des choses que je viens de deduire.

  A010000841 

 Quand je suis à la predication mon esprit est tellement agité des distractions, que j'ay une grande peine à le ramener pour ouyr ce que le predicateur dit; il me semble que je n'ay point de goust ni de devotion, ni presque de desir de mettre en prattique ce que j'y apprens..

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000849 

 En tout estre raysonnable il se trouve donc de la perfection et de l'imperfection, comme marque des deux principes d'où il est issu.

  A010000850 

 Comme toutes les creatures ont en soy de la perfection et de l'imperfection la Sainte Escriture s'en sert pour nous representer tantost le bien tantost le mal; il n'y en a point desquelles elle ne tire des similitudes à fin de nous signifier l'un et l'autre: aussi toutes peuvent estre accomodées à figurer et le bien et le mal.

  A010000850 

 La colombe en mille endroits des saints Livres est prise pour nous representer la vertu; Nostre Seigneur s'en est servi luy mesme, disant: Soyez simples comme la colombe, lions monstrant par là comme il vouloit que nous fussions simples pour l'attirer en nos cœurs.

  A010000853 

 Aussi n'ay-je onques leu en l'Escriture qu'elle l'ayt employé pour figurer autre chose que la perfection; ce qui ne se trouve point de tout le reste des creatures.

  A010000853 

 Cependant je n'ay jamais trouvé en la Sainte Escriture que l'on se soit servi de la palme pour representer autre chose que la perfection et pour donner des comparaisons de choses excellentes et honnorables; il semble qu'on ne puisse rien trouver en icelle de vil et mesprisable, tout ainsy que le lys, parmi les fleurs, paroist ne rien avoir d'abject.

  A010000853 

 En somme, toutes les creatures ont en elles de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy elles sont propres à fournir des similitudes pour l'un et l'autre.

  A010000854 

 En toutes les autres, quelles qu'elles soyent, il se rencontre generalement de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy celuy qui diroit à un homme qu'il n'a aucune [344] imperfection seroit aussi menteur que celuy qui diroit qu'il n'a point de perfection; car tout homme, pour saint qu'il puisse estre, a des imperfections, et, pour meschant qu'il soit, il a quelque perfection.

  A010000855 

 Il advint ainsy aux Anges gardiens des Persans et des Juifs qui desbattoyent ensemble pour ce qui estoit de l'execution de la volonté de Dieu; en quoy ils commirent une imperfection, sans toutefois pecher car ils ne le pouvoyent pas faire.

  A010000856 

 Tous les grans Saints escrivant les vies des autres Saints ont tousjours dit ouvertement et naïfvement leurs fautes et imperfections, pensant, comme il est vray, rendre en cela autant de service à Dieu et aux Saints mesmes qu'en racontant leurs vertus.

  A010000857 

 C'est ainsy que faisoit le grand saint Antoine, lequel s'estant retiré du monde s'en alloit parcourant les deserts dans toutes les grottes des anachoretes pour non seulement remarquer et recueillir, comme une avette sacrée, le miel de leurs vertus à fin de s'en sustenter, ains encor pour eviter et se garder de tout ce qu'il trouveroit de mal ou d'imparfait en eux; de sorte qu'en fin il devint un grand Saint..

  A010000857 

 Il est bon de voir les defauts aux vies des Saints, non seulement pour reconnoistre la bonté que Dieu a exercée en leur pardonnant, mais encores pour apprendre à les abhorrer, eviter et à en faire penitence comme eux.

  A010000857 

 Nous y voyons aussi leurs vertus pour les imiter; et en effect, les vrays Chrestiens, les vrayes Religieuses doivent estre comme des avettes qui vont voltigeant sur toutes les fleurs pour y ramasser le miel et s'en nourrir.

  A010000858 

 Cependant il se trouve des ames qui font tout le contraire: elles ressemblent non à des abeilles, mais à des guespes, meschans animaux qui vont voirement bien volant sur les fleurs, mais pour en tirer non point le miel ains le venin; que si elles recueillent le miel, c'est pour [346] le convertir en fiel.

  A010000858 

 Certes, il y a des Chrestiens lesquels sont non point comme des abeilles, mais comme des guespes qui voltigent tousjours sur les fleurs, c'est à dire sur les œuvres et actions de leur prochain, non pour mesnager le miel d'une sainte edification par la consideration de leurs vertus, mais pour en tirer le venin, en remarquant les fautes et imperfections soit des Saints dont on leur raconte la vie, soit de ceux avec lesquels ils conversent, en prenant occasion de commettre les mesmes defauts..

  A010000860 

 Un saint Pierre a esté brusque et actif, est-ce merveille que je le sois? Cela le portoit à faire souvent des fautes; et qu'est-ce si j'en fais de mesme? Hé Dieu, voyla pas de belles raysons? Mais quelle folie est celle cy! Ne voyez-vous pas que telle sorte de gens prennent de là occasion de nourrir leurs imperfections et croupir dans leurs mauvaises habitudes?.

  A010000861 

 Certes, à telles gens s'approprie tres bien ce que saint Basile dit des chiens: si tost que l'un abbaye et jappe, tous les autres en font de mesme, sans prendre garde s'ils ont tort ou droit, ains seulement pour y estre excités et provoqués..

  A010000861 

 Il y a des ames tellement malignes et malicieuses, que non contentes de remarquer les fautes d'autruy pour se confirmer en leur malice, elles passent jusques là que de faire tant de regards et d'interpretations sur les œuvres du prochain qu'elles changent le miel en poison, tirant des mauvaises consequences de ses actions; et non seulement cela, mais elles excitent et provoquent les autres à en faire de mesme, tout ainsy que la guespe, par son bourdonnement, attire les autres à venir sur la fleur où elle a trouvé du venin.

  A010000861 

 La nature des guespes est telle que si elles ne trouvent du venin dans les fleurs, elles y recueillent bien le miel, mais elles le convertissent en venin.

  A010000862 

 Aussi tous les Saints ont tasché de se rendre sages de cette folie et ont souffert pour icelle tous les mespris, censures et humiliations qui leur sont arrivés de la part des sages du monde; car cette perfection de la croix requiert que l'on endure pour la justice les travaux, les reprehensions, les persecutions.

  A010000862 

 Mais, comme l'enseignent plusieurs saints Peres, ne laissez pour les abbayemens des chiens de perseverer en vostre chemin.

  A010000864 

 Or, ceux qui ont esté à Milan sçavent que dès......jusques à cette ville il y a des canaux lesquels ont une fort belle grace et sont tres aggreables.

  A010000866 

 Certes, le Saint Esprit regnoit en cette reretion; et c'est bien la recreation des Saints que de s'advertir humblement et charitablement les uns les autres avec grande verité et naïfveté.

  A010000866 

 D'autres disoyent: On a remarqué que vous estes vain et orgueilleux, vous vous plaisez de porter des moustaches relevées, vous regardez souvent si vostre barbe est bien peignée, en un mot l'on voit que vous estes vain à merveille.

  A010000870 

 La pluspart des Peres anciens tiennent que Nostre Seigneur monta et sur l'asnesse et sur l'asnon, lequel n'avoit jamais rien porté; d'autres sont d'une opinion differente, et chacun s'efforce de prouver la sienne par raysons.

  A010000871 

 Il n'a point d'orgueil ni de vanité, il n'est point comme le cheval, qui est orgueilleux; pour cela l'homme vain et superbe est comparé aux chevaux qui sont fiers et morgans, car non seulement ils donnent des ruades, ains encores ils mordent, et il s'en trouve de si furieux qu'on n'ose les approcher.

  A010000872 

 Et en cette gloire il s'est humilié; il a fait son entrée en Hierusalem, non sur un cheval ou autre equipage, mais sur une asnesse et un asnon couverts des pauvres manteaux de ses Apostres..

  A010000872 

 Il s'est humilié et aneantisoy mesme; on ne l'a point humilié ni mesprisé qu'il ne l'ayt voulu, c'est luy mesme qui s'est abaissé et qui a fait choix des abjections; car luy, qui estoit en tout et par tout esgal à son Pere, sans laisser de demeurer ce qu'il estoit, a voulu estre le rebut et rejet de tous les hommes.

  A010000877 

 Certes, il y a des ames si reflechissantes qu'elles trouvent tant de regards, tant d'interpretations et mille repliques à faire sur toutes les obeissances qu'on leur donne; l'on ne voit point en elles de sousmission, aussi vivent-elles en de perpetuelles inquietudes.

  A010000879 

 Le Sauveur sçavoit bien que ses Apostres trouveroyent des gens qui leur demanderoyent ce qu'ils vouloyent faire de ces bestes et où ils les menoyent; et il arriva [357] ainsy, car non seulement celuy à qui elles appartenoyent mais encores les voysins s'en meslerent.

  A010000881 

 Cet asnon et cette asnesse furent couverts des manteaux des Apostres; puis Nostre Seigneur monta dessus et fit en cette abjection et humilité son entrée triomphale en Hierusalem, confondant par là le monde, qui renverse toutes les maximes de l'Evangile, qui ne veut gouster l'humilité et le mespris, et qui ne cesse de dire que malheureux sont les pauvres et souffreteux.

  A010000881 

 Il faut aussi remarquer qu'il leur commanda de les deslier pour les luy amener, et non sans cause; car si nous voulons aller au Sauveur il faut souffrir qu'on nous deslie de nos passions, habitudes, affections et des liens des pechés qui nous empeschent de le servir.

  A010000882 

 Nostre Seigneur renverse tout cela aujourd'huy, en faisant son entrée en Hierusalem, non comme les princes du monde, qui voulant entrer en quelque ville, le font avec tant de pompe, d'appareil et de frais, ains il ne veut d'autre monture qu'une asnesse couverte des vils et pauvres manteaux de ses Apostres.

  A010000882 

 O que bienheureuses sont les ames que nostre divin Maistre choisit pour sa monture et qui sont couvertes des manteaux des Apostres, c'est à dire revestues des vertus apostoliques, pour estre capables de porter nostre cher Sauveur et estre conduites par luy.

  A010000888 

 Jesus de Nazareth, Roy des Juifs..

  A010000891 

 D'autant qu'il y a peu d'heures pour parler de la Passion par laquelle nous avons tous esté rachetés, je ne prendray pour sujet de ce que j'ay à vous dire que les paroles du tiltre que Pilate fit escrire sur la croix: Jesus Nazarenus, Rex Judœorum; Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000891 

 En ce tiltre sont comprises les causes de cette divine Passion qui sont toutes reduites à deux, signifiées par ces mots: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs; car bien qu'il y ayt quatre paroles, elles ne signifient pourtant pas quatre causes de sa mort, ains seulement deux..

  A010000893 

 Juif signifie confessant: il est donques Roy, mais seulement des Juifs, c'est à sçavoir de ceux là seuls qui le confesseront; et pour racheter ces confessans il est mort, ouy, il est veritablement mort, et de la mort de la croix..

  A010000893 

 Roy des Juifs, c'est à dire qu'il est Sauveur et Roy tout ensemble.

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000896 

 Ce que Moyse executa promptement, enjoignant à ceux qui seroyent mordus des serpens de jetter les yeux sur celuy qui estoit eslevé sur cette colonne.

  A010000896 

 Et le Seigneur luy commanda de faire un serpent d'airain et de le poser sur une haute colonne, avec promesse que ceux qui seroyent mordus des petits serpenteaux gueriroyent en le regardant.

  A010000900 

 Il est mort pour les pechés des hommes sans avoir en luy aucune iniquité, puisqu'il estoit, comme dit le tiltre de la croix, Nazareen, à sçavoir fleurissant en toute sainteté.

  A010000900 

 Il n'estoit point serpent, ni en verité ni en figure, mais pour nous guerir des morseures du vray serpent, à cause de l'amour extreme qu'il nous portoit, il se chargea de nos iniquités, c'est à dire de nos miseres et foiblesses; il se revestit de nostre plumage et escaille, et en fin il fut fait ce serpent posé sur le bois de la croix pour preserver de la mort et donner la vie à tous ceux qui le regarderoyent.

  A010000910 

 Ce fut donques par inspiration divine que Pilate mit sur le tiltre de la croix: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000912 

 Vous y verrez voirement la gloire de la Transfiguration, neanmoins on vous defendra de [368] rapporter ce que vous aurez veu; mais en la montagne du Calvaire vous ouyrez des plaintes, des souspirs, des prieres faites pour la remission de vos pechés; vous entendrez des paroles de grande doctrine et l'on ne vous defendra point de dire ce que vous y aurez veu, ains on vous ordonnera d'en parler et de n'en jamais perdre la memoire..

  A010000913 

 Il est tres certain que la pluspart du peuple connoissoit que nostre divin Maistre estoit innocent, de sorte que si bien il demanda qu'il fust crucifié ce fut à cause des princes des prestres; car vous sçavez que quand il se fait une sedition en quelque ville tout le menu peuple se range, soit à tort soit à droit, du costé de ceux qui gouvernent tout l'affaire.

  A010000913 

 Pilate fit escrire sur la croix: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs sans sçavoir ce qu'il faisoit, et, pour chose qu'on luy dist, il ne voulut oster ni permettre qu'on changeast ce tiltre; car Dieu vouloit qu'en iceluy fussent mises les deux causes de la mort de son Fils.

  A010000915 

 Il faut, puisque je suis en ce lieu où je parle tousjours librement et franchement, que je vous die ce qui m'arriva un jour que je devois prescher la Passion de Jesus Christ en l'une des plus fameuses villes de France.

  A010000919 

 La premiere parole donc que Nostre Seigneur prononça sur la croix fut une priere pour ceux qui le crucifioyent; et c'est alors qu'il fit ce qu'escrit saint Paul: Aux jours de sa chair il offrit des sacrifices à son Pere celeste.

  A010000921 

 Tout ainsy que deux grans rois, esgaux en grandeur et en puissance, se rencontrant ensemble se traittent et parlent à l'envi avec tant d'honneur et respect que si l'un des deux prie l'autre de quelque chose il le luy accorde fort promptement et absolument, de mesme en est-il du Pere eternel et de son Fils Nostre Seigneur, car tous deux sont esgaux en dignité, excellence et perfection..

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000924 

 Saint Pierre, l'un des Apostres, fit un grand tort à son Maistre, car il le renia et jura qu'il ne le connoissoit pas, et, non content de cela, il le maudit et blasphema, protestant ne pas sçavoir qui il estoit.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000926 

 Chose estrange, qu'apres un bon commencement, mesme apres avoir demeuré trente et quarante ans en ce saint service, sur la viellesse, lors qu'il est temps de recueillir, l'on vienne à tout perdre et à se precipiter dans des abismes.

  A010000927 

 Cependant nostre Sauveur inspira au cœur de Judas le mesme peccavi qu'au cœur de saint Pierre; ce mesme peccavi que Dieu avoit inspiré au cœur de David, il l'inspira à celuy des deux Apostres, et neanmoins l'un le rejetta et l'autre le receut; car saint Pierre entendant le coq chanter se resouvint de ce qu'il avoit fait et de ce que luy avoit dit son bon Maistre, et lors, reconnoissant sa faute, il sortit et pleura si amerement que pour cela il receut indulgence pleniere et remission de tous ses pechés.

  A010000929 

 Et non seulement cela, ains il receut icy bas des faveurs et des privileges signalés et fut comblé de beaucoup de benedictions en cette vie et en l'autre.

  A010000929 

 L'on rapporte mesme, et il est vray, qu'il jettoit des larmes en telle abondance qu'elles luy avoyent creusé les joues et s'estoyent fait comme deux canaux: par ce moyen, de grand pecheur qu'il estoit il devint un grand Saint.

  A010000930 

 Ainsy il ne voulut point l'implorer de crainte de faire cette penitence, ains se desesperant il s'en alla pendre, et le ventre luy creva, ses entrailles se respandirent et il fut enseveli au plus profond des enfers.

  A010000930 

 Il fit voirement bien la confession de son peché, car en rapportant aux princes des prestres les deniers pour lesquels il avoit vendu son bon Maistre, il dit tout haut qu'il avoit vendu le sang de l'innocent.

  A010000932 

 Certes, ni l'un ni l'autre n'avoyent jamais fait de bien, et le bon larron estoit un des plus scelerats voleurs qui se puissent voir; neanmoins sur la fin de sa vie il regarda la Croix, il y trouva la redemption et fut sauvé.

  A010000932 

 Mais l'autre larron, encores qu'il se trouvast au costé du doux Jesus, il y fut en vain, d'autant qu'il ne voulut jamais regarder la Croix; et combien qu'il receust beaucoup d'inspirations, et mesme des gouttes de ce sang divin qui l'aspergeoit, et que nostre cher Sauveur le sollicitast souvent en son cœur par des secrettes et tres amoureuses semonces de regarder ce bois sacré et le mystique Serpent qui y estoit attaché à fin d'obtenir sa guerison par ce moyen, il ne le voulut point faire; c'est pourquoy il se perdit miserablement, et s'obstinant mourut en son peché..

  A010000933 

 Certes, il y a des ames qui tombent apres avoir long temps servi Dieu et estre arrivées à la montagne de la perfection.

  A010000933 

 Un des premiers de sauvé, qui fut le glorieux saint Pierre, et un de damné qui fut Judas, tous deux Apostres de Nostre Seigneur.

  A010000933 

 Voyla, mes cheres Sœurs, deux sortes de pecheurs qui nous doivent faire vivre en grande crainte et tremeur, mais aussi en grande esperance et confiance, puisque des deux sortes il y en a eu un de sauvé et un de damné.

  A010000934 

 O Dieu, que grande est l'humilité et le rabaissement avec lequel nous devons vivre sur cette terre! Mais aussi, quel sujet de bien ancrer nostre esperance et confiance en Nostre Seigneur; car si apres avoir commis des pechés tels que de le renier, de perseverer et user sa vie en des horribles forfaits et iniquités l'on trouve la remission quand on se retourne du costé de la Croix où est attachée nostre Redemption, que doit craindre le pecheur de l'une et l'autre sorte de revenir à son Dieu en la vie et en la mort? Escoutera-t-il encores cet esprit malin qui luy fait voir ses fautes telles qu'il n'en puisse recevoir le pardon? Hé, qu'il responde hardiment que son Dieu est mort pour tous, et que ceux qui regarderont la Croix, pour grans pecheurs qu'ils soyent, trouveront le salut et la redemption..

  A010000935 

 O Dieu, combien de fois nostre divin Sauveur l'offrit-il à Judas et au mauvais larron! Avec quelle patience attendit-il l'un et l'autre! Que ne fit pas le cœur sacré de ce cher Sauveur à l'endroit de celuy de Judas? combien de mouvemens, d'inspirations secrettes ne luy donna-t-il pas, tant en la cene, quand il estoit à genoux devant luy, luy lavant les pieds, qu'au jardin des Olives, lors qu'il l'embrassa et le baysa, comme aussi durant le chemin et en la mayson de Caïphe lors que ce malheureux confessa sa faute.

  A010000938 

 Il le luy donna pour avoir soin d'elle, car cette Vierge sacrée n'y pensoit point; elle avoit toutes ses pensées à l'entour des douleurs de son divin Fils, douleurs qu'elle ruminoit en son ame au pied de la croix.

  A010000941 

 Je sçay bien qu'il y a une dispute entre les Docteurs, à sçavoir si ces tenebres couvrirent toute la terre, ou bien seulement une partie d'icelle; j'ay souvent veu les opinions des uns et des autres.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000943 

 Or, que fit Nostre Seigneur pendant ces trois heures là? Il les employa à offrir des sacrifices de louange.

  A010000946 

 Ceux cy estoyent quasi Chrestiens, c'est à sçavoir ils avoyent encores quelques dispositions pour recevoir la grace, puisqu'ils croyoient à l'invocation des Saints.

  A010000947 

 Gracieuse offre que celle cy au cœur de nostre doux Sauveur qui estoit tant amoureux du salut de nos ames! Plusieurs blasphemoyent contre [384] luy, l'appellant sorcier et enchanteur, reputant ces tenebres à quelque trait de magie; d'autres disoyent que ce n'estoyent pas des tenebres, mais qu'ils avoyent les yeux sillés et esblouis par ses enchantemens; et par tels et semblables discours ce tres sacré cœur de Nostre Seigneur souffroit des douleurs incomparables..

  A010000948 

 Jamais cerf parcouru des chiens et veneurs ne fut si alteré et desireux de rencontrer une fontaine d'eau fraische comme nostre cher Sauveur le fut de cette soif corporelle; partant il dit avec juste rayson: J'ay soif..

  A010000948 

 Voyant la multitude des ames qui se perdroyent et ne voudroyent pas se servir de la redemption de la Croix, c'est à dire se sauver par le moyen d'icelle, il prononça la cinquiesme parole, parole de plainte et de lamentation: Sitio; Jay soif.

  A010000949 

 Mais quoy que Nostre Seigneur fust si infiniment desireux du salut des ames que pour leur acquerir ce salut il avoit exposé sa vie en mourant pour nous, il ne voulut pas neanmoins descendre de la croix parce que la volonté de son Pere n'estoit pas telle, ains au contraire c'estoit cette volonté qui le tenoit attaché à ce bois..

  A010000951 

 Cette redemption est si copieuse qu'elle ne sçauroit estre espuisée non seulement par des millions d'années, mais par des millions de millions de siecles.

  A010000951 

 O miserables gens, qui demandez une autre redemption que celle de la Croix, celle-cy n'est-elle donc pas suffisante? Elle est mesme plus que suffisante, puisqu'il est vray qu'une seule larme, un seul souspir amoureux sortant de ce cœur sacré pouvoit racheter des millions de milliers de natures humaines et angeliques, s'il y en eust eu autant qui eussent peché; et toutefois il ne nous a pas rachetés avec un seul souspir ni une seule larme, ains avec tant et tant de travaux et de peines, ayant espuisé tout le sang de ses veines.

  A010000952 

 Ils parlent bien des cinq degrés d'obeissance; nanmoins ils ne font rien plus que les theologiens qui en discourent si excellemment.

  A010000952 

 La premiere est speculative, c'est celle des theologiens quand ils declarent et expliquent l'excellence de cette vertu.

  A010000952 

 Partant, s'il vous vient des inspirations ou mouvemens quels qu'ils soyent qui vous portent à faire chose aucune qui vous tire hors de l'obeissance, rejettez-les hardiment et ne les suivez point..

  A010000954 

 Que le prelat et celuy qui a charge d'ames ne desire point d'estre destaché de cette croix à cause du tracas de [387] mille soucis et empeschemens qu'il y rencontre; ains qu'il fasse ce qui est de son devoir en son office, ayant soin des ames que Dieu luy a commises, instruisant les uns, consolant les autres, tantost parlant, tantost se taisant, donnant le temps à l'action et, quand il le doit, à la priere.

  A010000960 

 O que nous serions heureux si nous prattiquions bien ce point icy qui est l'abbregé et la quintessence de la vie spirituelle! Nous arriverions à la haute perfection d'une sainte Catherine de Sienne, de sainte Françoise, de la bienheureuse Angele de Foligny et de plusieurs autres qui estoyent comme des boules de cire entre les mains de Nostre Seigneur et de leurs Superieurs, recevant toutes les impressions qu'on leur vouloit donner..

  A010000961 

 Voulez-vous que je sois contrariée, que j'aye des repugnances et des difficultés, que je sois aymée ou non, que j'obeisse à celuy cy ou à celle là, et en quoy que ce soit, en choses grandes ou petites? Je remets mon esprit entre vos mains.

  A010000962 

 Demeurons sur la croix où Dieu nous a mis, prions sur icelle, voire plaignons-nous à luy de nos afflictions et aridités et disons, quand il est requis, des paroles de consolation au prochain.

  A010000962 

 En somme, consommons-nous sur cette croix et accomplissons tout ce qui est des divines volontés, et en fin nous recevrons de ce grand Dieu, comme je l'en prie de tout mon cœur, et pour moy particulierement, la grace de remettre nostre esprit entre ses mains.

  A010000977 

 Cette doctrine, qui est la fin de l'Evangile du jour de saint Leger, presuppose plusieurs choses mentionnées dans le texte de ce mesme Evangile; mais pour bien digerer et gouster le fruit de cette doctrine il faut remarquer qu'il y a icy des propositions fort generales à tous et en tout..

  A010000978 

 Elle est aussi general e au regard des choses qu'il faut quitter; car le Sauveur ne dit pas: Qui ne renonce à une bonne partie de ce qu'il a, mais il se sert de ce mot tout qui rejette toute sorte d'exception..

  A010000979 

 Voyla des belles leçons pour ceux qui se disent escoliers de Jesus Christ ou qui veulent gaigner le Ciel, car il n'y a point de difference entre gaigner le Ciel et estre disciple de Jesus Christ.

  A010000981 

 Cecy estant posé, le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous donner des maximes, comme fondemens generaux et tres asseurés par le moyen desquels nous puissions parvenir à la connoissance de la vraye perfection et à l'exercice d'icelle.

  A010000981 

 Pour acquerir quelque science que ce soit, il faut, selon l'opinion de tous les philosophes, se fonder sur des propositions generales; autrement il seroit impossible de jamais atteindre à une parfaitte connoissance d'icelle.

  A010000982 

 Et la devise de Jesus Christ est tout au rebours: Bienheureux ceux qui souffrent persecution pour l'amour de la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy de toutes les autres maximes.

  A010000982 

 Mais celles de Dieu nous enseignent tout au contraire que [393] bienheureux sont les pauvres d'esprit, carie Royaume des cieux est à eux.

  A010000985 

 Mais la providence de Dieu est admirable en cecy, ayant voulu, par une prescience tres utile, exprimer ces mots, ce qu'il possede, pour nous enseigner que principalement et en premier lieu nous devons faire banqueroute aux choses possedées avant que de venir à l'abnegation des futures..

  A010000986 

 Miserable que tu es, tu veux donc faire present à Dieu de ce que par adventure tu n'auras jamais! Et s'il dispose de toy en tes tendres années, lesquelles tu pretens passer servant au monde, en quelle voye de salut te verras-tu reduit? O deplorable ignorance de la doctrine celeste! Lors qu'il s'agit du service de Dieu nous voulons renoncer aux choses futures pour laisser l'exercice des presentes..

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000994 

 de loysir que le tracas du monde nous laisse sera cause que je vous entretiendray fort simplement et familierement (car il me semble que les choses en sont meilleures) des deux points que je ne vous peus expliquer jeudy dernier, c'est à dire comme il faut celebrer les festes et quelles sont les festes et mysteres que nous celebrons.

  A010000995 

 Celle de la Conception de la Vierge ne nous est pas commandée, mais bien recommandée; et pour nous inviter à la devotion et solemnité de cette feste l'Eglise, comme une charitable mere, nous [399] donne des indulgences, et il se fait mesme des confreries à cette intention.

  A010000996 

 Mais premier que d'entrer plus avant en nostre discours, disons ce mot sur l'abbregé de nostre foy pour l'instruction des Chrestiens.

  A010000997 

 La premiere est renfermée dans le Symbole des Apostres, lequel s'appelle ainsy parce que ce sont les Apostres qui l'ont composé.

  A010000997 

 Par exemple, il n'est pas dit dans le Credo qu'il y a des Anges; neanmoins c'est une verité que nous croyons et trouvons dans la Sainte Escriture, et que mesme ils sont employés en des ministeres icy bas en ce monde.

  A010000999 

 De fait, en Italie, sur la coste de Genes, et encores en ces païs de France, comme en Provence, le long des rivages on le void porter en toute saison ses feuilles, ses fleurs et ses fruits.

  A010001000 

 De plus, il y a en icelle sept Sacremens, lesquels pourtant nous ne sommes pas obligés de prattiquer tous, ains seulement chacun selon sa vocation, comme celuy des Ordres pour les prestres et celuy du Mariage pour ceux que Dieu y a appellés.

  A010001001 

 Saint Michel voyant cela, se prit à dire: Qui est comme Dieu? et par ce moyen le renversa en l'abisme des enfers, d'autant, comme l'escrit saint Bernard, que nul ne peut estre eslevé qu'au prealable il ne se soit humilié.

  A010001003 

 Bien est-il vray que nostre premier pere et Eve aussi furent creés et non pas conceus; neanmoins toutes les conceptions des hommes se font en peché.

  A010001003 

 Nostre Seigneur et saint Jean Baptiste se visiterent dans le ventre de leurs meres (les entrailles de nos meres sont des petits mondes), et l'on tient que le glorieux Precurseur se mit à genoux pour adorer son Sauveur, et que l'usage de rayson luy fut donné à mesme instant.

  A010001005 

 Sçavez-vous comme se font les perles? (Plusieurs dames desirent des perles, mais elles ne se soucient pas du reste.) Les meres perles font comme les abeilles: elles ont un roy, et prennent pour cela la plus grosse d'entre elles et la suivent toutes.

  A010001006 

 C'est pour cette cause que l'Evangeliste ne fait point mention des pere et mere de la Vierge, ains seulement de Joseph, espoux d'une Vierge nommée Marie, de laquelle est né le Christ.

  A010001006 

 Et comme si la goutte de rosée ne trouvoit pas l'escaille pour la recevoir elle tomberoit dans la mer et seroit convertie en eau amere et salée, mais l'escaille la recevant elle est changée en perle, de mesme la tres sainte Vierge a esté jettée et envoyée en la mer de ce monde par voye commune de generation, mais preservée des eaux salées de la corruption du peché.

  A010001008 

 Nous avons des exemples de cecy; je me contenteray [404] d'en dire un ou deux.

  A010001008 

 Nous avons un autre exemple au troisiesme Livre des Rois, chapitre premier, où il est dit que la reyne Bethsabée vint trouver David en luy faisant plusieurs genuflexions et humiliations.

  A010001014 

 En ce siecle où nous sommes, les historiens en font de mesme pour ce qui regarde les faits des grans de la terre, car ils cachent et seellent la verité en tout ce qui a apparence de mal, de sorte que l'on ne peut rien apprendre d'eux.

  A010001014 

 Il en est ainsy de saint Matthieu et des autres, notamment de saint Thomas..

  A010001015 

 Mais, je vous prie, [406] pourquoy la font-ils sinon pour nous faire voir l'infinie misericorde de Dieu en comparaison de la misere des pecheurs? Nous trouvons qu'il est dit en la Sainte Escriture que Dieu fait son throsne de nostre misere.

  A010001016 

 De mesme en est-il pour ce qui est de descheoir d'icelle et de tomber en quelque peché et imperfection: l'on ne tombe pas tout à coup, mais des petites fautes l'on vient aux plus grandes.

  A010001018 

 Sur quoy saint Bernard replique et dit: O pauvre Thomas, pourquoy ne voulez-vous pas croire sans toucher, puisque nostre foy n'est point palpable et qu'elle ne depend point des sens? Et de vray il a rayson, ce grand Saint, d'autant que la foy est un don de Dieu qu'il infuse en l'ame humble, car elle n'habite pas en une ame pleine d'orgueil; il faut avoir l'humilité pour recevoir ce rayon de la lumiere divine qui est un don purement gratuit.

  A010001020 

 Certes, il n'y a point de doute que ceux qui sont en communauté et qui ne vont pas le train d'icelle touchent bien fort leurs freres, sur tout ceux qui ont le desir du salut des ames.

  A010001020 

 Il nous donne en cecy des preuves de la douceur avec laquelle il traitte les pecheurs, car il a deux bras: l'un de sa justice toute puissante et equitable, et l'autre de sa misericorde qu'il exalte par dessus celuy de sa justice..

  A010001022 

 Mais que pensez-vous que fit ce bon Saint? O certes, il n'y a point de doute que quand il l'eut touché il sentit une grande chaleur divine, principalement quand il mit la main dans ce pretieux cabinet des tresors de la Divinité, quand il toucha [409] ce sacré cœur tout ardent d'amour.

  A010001023 

 Nostre bon Sauveur luy respondit: Thomas, Thomas, tu as creu parce que tu as veu, mais bienheureux seront ceux qui croiront et ne verront pas, parce que sa divine Bonté nous avoit tous presens, nous autres qui sommes en son Eglise, car elle a pris son commencement du petit college des Apostres.

  A010001023 

 Nous ne sçavons rien des mysteres de nostre foy que ce qu'ils nous ont appris, bien que leur foy fust pour lors imparfaite parce qu'ils n'estoyent pas confirmés en grace, à ce que disent les theologiens.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001025 

 Supplions aussi de toute nostre affection Nostre Seigneur de nous donner ce bien de perseverer en la fidelité que nous luy avons vouée; et nous resouvenons que ce qui causa la cheute de saint Thomas fut qu'il se tint absent des autres, qu'il fut dur à croire et qu'il s'opiniastra en son mal.

  A010001033 

 Et moy je responds que c'estoit bien celle des anciens en la primitive Eglise, lors qu'elle estoit en sa fleur et en sa vigueur; saint Gregoire nous [413] tenons par tradition certaine qu'il y a mil six cent vingt et deux ans que Nostre Seigneur est venu en ce monde et qu'en prenant nostre nature il s'est fait homme..

  A010001034 

 Nous dirons un mot de ces deux naissances desquelles nous avons des preuves certaines, comme nous declarerons tantost..

  A010001034 

 Si nous estions des Anges nous parlerions de Dieu bien autrement et d'une maniere bien plus excellente; mais helas, nous ne sommes qu'un peu de poussiere et des enfans qui ne sçavons ce que nous disons.

  A010001037 

 En la naissance de Nostre Seigneur nous avons des preuves de sa Divinité et des preuves tres evidentes: l'on voit les Anges descendre du Ciel pour annoncer aux pasteurs qu' un Sauveur leur est né, et les Rois Mages le venir adorer.

  A010001038 

 Considerons, je vous prie, la bonté du Pere eternel; car s'il eust voulu il eust peu creer l'humanité de son Fils comme il crea nos premiers parens, ou bien luy donner la nature des Anges, cela estant en son pouvoir.

  A010001039 

 Je vous laisse aux pieds de cette bienheureuse accouchée, à fin que, comme des sages avettes, vous ramassiez le miel et le lait qui distillent de ces saints mysteres et de ses chastes mammelles, en attendant que je vous explique le reste, si Dieu nous en fait la grace et nous en donne le temps, lequel je supplie nous benir de sa benediction.

  A010001042 

 Et par consequent il est impossible que ce que fait l'une des Personnes divines les autres deux ne le fassent semblablement; et, comme dit le Symbole de saint Athanase, le Pere est createur, le Fils est createur et le Saint Esprit est createur, et toutes les œuvres de la creation et autres ont esté et sont esgalement faites par les trois Personnes divines.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001042 

 Toutes les œuvres de Dieu qui regardent le salut des hommes et des Anges sont attribuées d'une façon particuliere au Saint Esprit, d'autant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A010001044 

 Il est dit au Livre des Nombres, chapitre VIII, que Dieu commanda à Moyse de mettre un grand chandelier d'or aupres du tabernacle, lequel portoit sept lampes pour ardre perpetuellement.

  A010001048 

 C'est pourquoy le saint Prophete David parlant à Dieu, au Psalme CXLIX, luy dit: Vous assujettirez sous vostre empire les rois et les grans, et les emprisonnerez avec des menottes de fer; Ad alligandos reges eorum in compedibus, et nobiles eorum in manicis ferreis..

  A010001048 

 Mais cette [première] crainte est servile et semblable à celle des forçats de galere, qui ne voguent que par force et ne vogueroyent jamais s'ils ne craignoyent qu'on les accablast de coups de nerfs de bœuf.

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001050 

 Et ne lisons-nous pas ès Actes des Apostres que Felix, president de Judée, trembla et fut saisi d'une grande crainte, nonobstant qu'il fust payen, entendant parler saint Paul du jugement dernier, et toutefois il ne se convertit pas? Ainsy plusieurs craignent les divins jugemens, mais leur cœur n'est [pas] transpercé de cette crainte.

  A010001050 

 Il leur vient bien une certaine crainte laquelle n'estant que dans la partie inferieure et dans les sens n'opere rien dans leurs ames; où la crainte don du Saint Esprit entre et penetre le cœur, et opere des fruits dignes [420] de penitence.

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 L'autre partie de cette crainte que j'appelle superieure est celle qu'on a de perdre le Ciel; ce que je dis d'autant qu'il y a des personnes si charnelles lesquelles, comme s'il n'y avoit point de Paradis ains seulement des peines d'enfer, ne se soucient point de le perdre, estans tres contentes de la possession de ce paradis mondain, terrestre, malheureux et infortuné, n'ayans point de pretention au Paradis celeste.

  A010001052 

 La generosité relevant donques nostre cœur apres ces biens eternels, nous l'ait dire avec le Psalmiste: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; Ah, Seigneur, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent.

  A010001052 

 Or, la crainte de Dieu ne comprend pas seulement l'apprehension des peines d'enfer, ains elle a encores celle de perdre le Paradis.

  A010001052 

 Pourquoy ne travaillerois-je pas, disent-elles, pour entrer en possession de cet heritage celeste? J'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des recompenses.

  A010001053 

 Vous voyez donques bien maintenant que cette crainte est appellée inferieure et superieure parce qu'elle est composée de ces deux craintes, des peines d'enfer et de la perte du Paradis.

  A010001056 

 Ainsy devons nous faire, mes cheres Sœurs, envers Dieu, le reverant comme nostre Pere, le servant avec amour, sans apprehension des supplices ni pretention des recompenses, nous laissant porter entre les bras de sa sainte providence tout ainsy qu'il luy plaira.

  A010001056 

 Et pour vous monstrer que ce don de pieté, c'est à dire cette crainte filiale, nous est donnée du Saint Esprit, l'Apostre saint Paul escrivant aux Romains leur dit: Non accepistis spiritum servitutis iterum in timoré, sed accepistis spiritum adoptionis flliorum Dei, in quo clamamus: Abba, Pater; c'est à dire que nous devenons comme des petits enfans aupres de Nostre Seigneur.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001058 

 Dieu sçait le mal, mais pour le detester, et le bien pour le prattiquer: Vous serez comme des dieux; Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, dit le serpent à nos premiers parens pour les tromper miserablement, leur faisant prattiquer le mal.

  A010001058 

 N'avons-nous pas aussi veu plusieurs grans theologiens qui ont dit merveille des vertus, non pour les exercer, comme au contraire il y a eu tant de saintes femmes qui ne sçavoyent pas parler des vertus, lesquelles neanmoins en sçavoyent tres bien l'exercice? car on a veu les unes [424] avec un soin extreme de conserver leur virginité, les autres avec un cœur pur et net en leur viduité, les autres en la chasteté conjugale.

  A010001058 

 Saint Augustin, en une homelie de ce jour, dit que les philosophes ont parlé des vertus magnifiquement, mais pour les mespriser, et des vices pour les prattiquer, parce qu'ils estoyent aveugles, d'autant qu'il n'y a point de vraye science que celle du Saint Esprit, laquelle il ne depart qu'aux cœurs humbles.

  A010001059 

 Certes, on a veu des Saintes admirablement sçavantes en leur ignorance et admirablement ignorantes en leur science.

  A010001060 

 Combien a-t-on veu de personnes qui ont sceu le bien et n'ont pas eu le courage de le prattiquer, ainsy que nous voyons encores aujourd'huy en la plus-part des Chrestiens!.

  A010001061 

 Par exemple, l'on vient à la Confession où l'on reçoit le Saint Esprit avec la remission des pechés; et neanmoins combien y en [425] a-t-il qui recidivent aux mesmes pechés apres la Confession! Et d'où vient cela, sinon faute de courage? On pense: Qu'est-ce qu'on dira de moy si je deviens devote, si je fais penitence, si je quitte les conversations mondaines? On craint une parole dite en l'air; et n'est-ce pas tout à fait manquer de force que cela?.

  A010001064 

 Vous verrez des personnes dans le monde sujettes à la colere, lesquelles s'adonneront au jeu où ils se laissent emporter pour l'ordinaire à dire quantité de blasphemes et injures: que faire là? C'est qu'il faut quitter le jeu.

  A010001065 

 J'ay accoustumé de dire que presque tous perissent faute de suivre les maximes du Christianisme, comme celles cy: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux, Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est Regnum cœlorum; Bienheureux sont les debonnaires, Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram.

  A010001065 

 Le don suivant est le don d' entendement, entendement spirituel que le Saint Esprit enchasse dans nostre entendement humain, lequel n'est autre qu'une certaine clarté par laquelle nous voyons et penetrons la beauté et bonté des mysteres de la foy.

  A010001065 

 Une ame simple, prosternée devant Dieu, entendra le mystere de la tres sainte Trinité, [427] non pour le dire, ains pour en tirer des maximes pour son salut, parce que le Saint Esprit luy a communiqué le don d'entendement.

  A010001066 

 Lors que nous voyons les beaux palais dorés, les perles et joyaux: Ah, disons-nous, que ces choses sont belles! Mais à qui? Aux yeux des mondains.

  A010001067 

 Et d'où vient cela? C'est que nous n'avons pas le don d'entendement pourvoir et penetrer la beauté et bonté des maximes de Nostre Seigneur.

  A010001067 

 Mais particulierement les ames religieuses doivent bastir et fonder toute leur perfection sur ses saintes maximes, [428] et les establir fortement en leur cœur à fin de n'y laisser jamais entrer des maximes contraires, suivant l'exemple de tant de Saints et Saintes lesquels on a veu aymer plus les larmes que la joye, la tribulation que la prosperité, la pauvreté que les richesses..

  A010001069 

 Qui veut recevoir les dons du Saint Esprit [il luy] faut se purger des humeurs peccantes.

  A010001070 

 Plaise donques à la divine Majesté de nous donner le don de crainte à fin que nous le servions finalement; le don de pieté pour le reverer comme nostre Pere tres aymable; le don de science pour connoistre le bien que nous devons faire et le mal que nous devons fuir; le don de force pour surmonter courageusement toutes les difficultés que nous rencontrerons en la prattique de la vertu; le don de conseil pour discerner et choisir les moyens propres à nous perfectionner; le don d' entendement pour penetrer la beauté et l'utilité des mysteres de la foy et des maximes evangeliques, et en fin le don de sapience pour gouster combien Dieu est aymable et pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001100 

 des Rois, 19: Tu autem posuisti me servum tuum inter convivas mensœ tuae.

  A010001115 

 La difference des deux pointz; au gauche il ne vaut que comme samech..

  A010001115 

 des Juges: Les Ephraites interrogés par les Galaadites, Sciboleth, Sibollet [ ad ] vada Jordanis.

  A010001117 

 Il donne du pain [ cuit ] [436] sous la cendre (des affections de l'humilité); mais pour le bien prendre il faut avoir les conditions cottees:.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
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 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

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  A011000016 

 Succès des armes du roi de Navarre.

  A011000027 

 Exposition des mêmes pensées. 25.

  A011000038 

 Désir de profiter des nombreuses occasions que procurera la belle saison pour se voir plus fréquemment.

  A011000052 

 Endurcissement des hérétiques.

  A011000052 

 — Aveu des ministres en faveur des missionnaires. 54.

  A011000054 

 — Premiers fruits des prédications. 56.

  A011000060 

 Commencement de la rédaction des Controverses. 60.

  A011000062 

 Difficultés qu'offre la rédaction des Controverses. 62.

  A011000064 

 Courage invincible en face des dangers que présente la mission du Chablais. 65.

  A011000065 

 Difficulté et lenteur des conversions. 65.

  A011000066 

 — Etat des affaires religieuses en Chablais.

  A011000067 

 — Présents des PP. Possevin et Chérubin.

  A011000074 

 Violation des immunités ecclésiastiques; le Saint sollicite l'intervention du Nonce auprès du duc de Savoie. 78.

  A011000076 

 — Remerciements pour un ouvrage de Sponde; calomnies des hérétiques contre ce personnage et contre Pierre Poncet.

  A011000079 

 — Accueil fait par les hérétiques à la Centurie premiere. — L'avocat de Prez adresse des vers à l'auteur. 84.

  A011000079 

 — Allusion à la bénédiction apostolique envoyée à Henri IV. —Suite du travail des Controverses.

  A011000082 

 LXIII. Au duc de Savoie, Charles-Emmanuel I er Exposé des mesures à prendre pour assurer la conversion du Chablais.

  A011000085 

 — Désir de recevoir le douzième Livre des Conjectures.

  A011000087 

 — Récit de l'apostasie du Chablais et des tentatives faites pour la conversion de cette province.

  A011000088 

 Nécessité de rendre une des églises de Thonon au culte catholique.

  A011000089 

 — Opposition à redouter de la part des Chevaliers de Saint-Lazare.

  A011000091 

 — Nécessité d'y envoyer un nombre suffisant de prédicateurs, et de nommer aux cures des prêtres dignes de les occuper. 100.

  A011000100 

 — Recommandation en faveur des nouveaux convertis de la paroisse de Mésinge. 110.

  A011000101 

 Remerciements pour l'autorisation d'absoudre des cas réservés.

  A011000101 

 — Conversions opérées en Chablais; état des esprits dans cette province.

  A011000107 

 LXXXIV. Au Conseil des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (Minute inédite).

  A011000109 

 — Difficultés qui retardent l'établissement des curés en Chablais.

  A011000109 

 — Pauvreté des paroisses.

  A011000109 

 — Prétentions injustes des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare relativement à la nomination des curés.

  A011000110 

 — Nouvel exposé des difficultés de la mission.

  A011000111 

 Demande de secours pour des indigents.

  A011000111 

 — Menées des protestants contre M. d'Avully. 127.

  A011000111 

 — Requête en faveur de quelques hameaux des Allinges.

  A011000113 

 Mesures à prendre pour pourvoir à la subsistance des curés du Chablais.

  A011000113 

 — Désignation des PP. Capucins et Jésuites dont le concours serait le plus utile à la mission; frais que nécessiterait leur entretien. 129.

  A011000118 

 — Etat des affaires du Chablais. 138.

  A011000119 

 — Requête des habitants de Bernex.

  A011000121 

 — Indigence des Religieuses de Sainte-Claire.

  A011000122 

 Affaires du Chablais: démêlés avec les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare; encore la conférence de Genève. 148.

  A011000125 

 Assemblée faite à Annemasse pour traiter des intérêts de la religion en Chablais.

  A011000125 

 — Succès prodigieux des Quarante-Heures d'Annemasse. 151.

  A011000128 

 — Bonnes dispositions des habitants du Chablais.

  A011000128 

 — Intervention en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures ecclésiastiques. 153.

  A011000129 

 Instantes prières pour que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare soient contraints à payer les pensions dues aux curés du Chablais.

  A011000129 

 — Députation des villageois de cette province pour obtenir du duc la restauration de leurs églises.

  A011000132 

 Rumeurs inquiétantes qui circulent en Chablais; alarmes des Catholiques. 159.

  A011000133 

 — Ebranlement produit par l'annonce des Quarante-Heures à Thonon.

  A011000133 

 — Mauvais vouloir des Chevaliers.

  A011000134 

 — Nouvelles poursuites au sujet de la cession des cures du Chablais.

  A011000137 

 Préparatifs à faire en vue des Quarante-Heures qui doivent se célébrer à Thonon.

  A011000138 

 Les exercices des Quarante-Heures à Thonon sont fixés aux 23 et 24 août. 168.

  A011000139 

 CXIV. A don Juan de Mendoça, commandant des troupes espagnoles (Minute).

  A011000139 

 Supplications collectives des missionnaires du Chablais pour obtenir que les troupes espagnoles ne traversent pas cette province. 169.

  A011000140 

 — Retard des Quarante-Heures projetées à Thonon. 171.

  A011000143 

 — Admirables résultats des Quarante-Heures de Thonon.

  A011000143 

 — Mesures à prendre contre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011000143 

 — Zèle des Evêques de Genève et de Saint-Paul-Trois-Châteaux.

  A011000146 

 — Envoi des documents qui doivent être présentés à Sa Sainteté. 178.

  A011000174 

 Dès que parut le premier volume (1892) de la nouvelle édition des œuvres de saint François de Sales, publiée par les soins des Religieuses de la Visitation du I er Monastère d'Annecy, avec l'intelligent concours du docte Bénédictin P. Mackey, il obtint l'applaudissement universel des érudits..

  A011000175 

 Cette diligence a obtenu des résultats si excellents que, du premier volume au dixième (1898) — et l'on espère qu'il en sera ainsi jusqu'au dernier — la pensée de saint François de Sales, celle qu'il confia lui-même à ses pages immortelles, s'y trouve fidèlement reproduite et d'une manière définitive..

  A011000175 

 La solidité du papier, la clarté et l'élégance des caractères, la parfaite correction typographique, supérieures à tout ce que l'on pouvait attendre de ce petit bijou qu'on nomme la Savoie, furent considérées comme des avantages bien inférieurs à l'extrême diligence mise à assurer l'authenticité du texte.

  A011000176 

 En conséquence, ils s'adressèrent à moi, comme au Supérieur des Salésiennes de Rome, afin que, faisant appel aux Evêques d'Italie, j'obtinsse leur concours pour cette entreprise.

  A011000176 

 Or, les principaux ouvrages du Saint ayant été déjà édités jusqu'aux Sermons, parmi lesquels il ne s'en est pas peu trouvé d'inédits, l'impression des lettres allait être commencée, lorsque les éditeurs constatèrent qu'un grand [XXX] nombre demeurent encore cachées dans les bibliothèques et dans les archives des institutions publiques et privées.

  A011000177 

 C'est pourquoi, non seulement en mon nom et au nom des Salésiennes d'Annecy, mais aussi, en quelque sorte, de la part du Saint-Père, j'invite et je prie les Evêques d'Italie de faire faire des recherches dans les bibliothèques et les archives dépendantes de leur juridiction, pour savoir s'il s'y trouve des Lettres ou autres écrits inédits du saint Evêque de Genève.

  A011000177 

 Et en ayant trouvé, je les prie d'en tirer une copie authentique et de l'expédier ou directement à la Supérieure du I er Monastère des Salésiennes d'Annecy ou à moi..

  A011000182 

 Vicaire général de Sa Sainteté, Supérieur des Salésiennes de Rome.

  A011000188 

 L'absence de cette indication distingue les Lettres empruntées à des publications antérieures.

  A011000188 

 La plupart des Lettres insérées dans ce volume ont été confrontées sur les originaux, comme l'atteste l'indication de provenance placée au bas de chacune.

  A011000191 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la corrélation ne soit évidente.

  A011000191 

 Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A011000191 

 Les passages biffés dans l'Autographe sont enchâssés dans des [ ]..

  A011000192 

 Dans les variantes des lettres latines et italiennes les seuls passages qui diffèrent considérablement du texte ou qui n'y figurent pas du tout ont été traduits.

  A011000193 

 On trouvera à la suite de la Table de correspondance un Index des notes historiques et biographiques contenues dans ce volume.

  A011000193 

 Pour l'orthographe des noms propres, voir l'Avant-Propos, p. xxvii. [XXXII].

  A011000204 

 J'auroys bien bonne volonté de vous escrire des nouvelles de pardeça, mays les nostres ne sont que de colleges, outre ce qu'elles sont si incertaynes (on a faict le prince de Condé mille foys mort) que pour ce seul respect il me semble que je suys asses excusé d'en escrire..

  A011000227 

 Il est bien vrai que le zèle de Votre Seigneurie pour notre foi catholique est la cause principale qui l'empêche de se réjouir d'un [1 bis ] évènement si affligeant pour quiconque ne l'envisage pas au travers des lunettes du propre intérêt.

  A011000239 

 Premierement, que comme je croys que n'ayes receu aucune de mes lettres, bien que realement je vous en aye envoyé plusieurs a diverses foys, aussy n'en ay je receu aucune des vostres despuys que j'estoys malade, comme si je ne devoys avoyr ces deux consolations ensemble, santé et vos lettres.

  A011000265 

 Je me fais accroyre que monsieur des Granges, present porteur, m'ayme beaucoup, comme j'en ay eu de fort bons signes; dont l'ayant prié fort instamment [5] qu'estant de pardela il me recommandasse fort affectionnement a vostre bonne grace, je ne doute poinct que sil vous peut trouver et se souvient, il ne face cela pour moy.

  A011000299 

 Le fait est que je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres, sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues.

  A011000300 

 Sur ce sujet, je garde en mon cœur bien des choses que je ne puis entièrement révéler, et, le pourrais-je, que le temps laissé par le porteur ne me permettrait pas de les écrire..

  A011000302 

 Mon frère me ressemble assez, je crois, pour demeurer toujours des vôtres.

  A011000335 

 Je vous remercie de tout mon cœur des paroles si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les mériter..

  A011000336 

 Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VI e Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code: « Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement.

  A011000336 

 La dernière Loi du même [16] Titre, si l'on compare exactement le commencement avec la fin, et les derniers mots de la dernière Loi du Titre des Pandectes, De Muneribus et Honoribus, le confirment.

  A011000361 

 La bonté qui vous porte, homme vénérable de l'ordre des sénateurs, à rechercher l'amitié d'un novice inexpérimenté, et mon désir déjà ancien de mériter votre affection excitent dans mon cœur un contentement égal à ma surprise..

  A011000363 

 Je le fais non seulement parce qu'il est impossible de rencontrer ailleurs des talents supérieurs aux vôtres, et difficile d'en rencontrer de semblables, mais surtout parce que les exemples que nous trouvons dans nos provinces, dans nos villes, et pour ainsi dire à notre foyer, ont plus de force, d'énergie et d'efficace..

  A011000365 

 Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats, j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes, et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu; car j'aurais considéré comme un [21] plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout.

  A011000367 

 Et pour ne pas paraître honorer en vous la dignité sénatoriale plutôt que la vertu consommée du sénateur, je n'estimais pas convenable de vous adresser mes hommages à distance, car je ne me croyais pas un jeune homme assez important pour mériter que mon nom eût été prononcé ou entendu par quelqu'un des membres de votre illustre corps.

  A011000386 

 C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les [25] plus illustres ceux que vous aimez vous-même.

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000386 

 Tout le monde peut aimer; beaucoup à mon avis peuvent se faire aimer; mais susciter aux autres des amis est au pouvoir de ceux-là seulement qui jouissent d'une autorité transcendante et reconnue.

  A011000387 

 C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites.

  A011000411 

 Si vos vertus et votre bienveillance pour moi ne vous assuraient depuis longtemps des droits à mon dévouement, il vous serait acquis aujourd'hui à juste titre en retour des agréables relations que vous m'avez procurées avec François Girard; car, d'après sa lettre, c'est à l'influence et à l'autorité que vous avez sur lui que j'en suis redevable.

  A011000416 

 Après les avoir relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire....

  A011000416 

 Vos deux lettres me sont parvenues le jour des saints Simon et Jude.

  A011000439 

 Si nous trouvons quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux également, quoique à des titres divers.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000458 

 Je me réjouis spécialement et j'exulte de pouvoir correspondre au moins par cet office le plus sublime de tous, je veux dire par des sacrifices et par le sacrifice de la plus auguste des victimes... [40].

  A011000484 

 En effet, quoi de plus doux, de plus avantageux pour un convalescent que de quitter l'obscurité d'une [41] maisonnette pour aller souvent contempler des jardins les plus agréables et les plus émaillés de fleurs et d'y respirer à souhait l'air embaumé des parfums les plus suaves! Telle est l'impression que me fait éprouver la lecture de votre lettre si amicale..

  A011000487 

 Ils prenaient en quelque sorte congé les uns des autres avant cette longue retraite..

  A011000488 

 Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés; car vers ce même temps de carnaval, [43] M. le sénateur Roget, un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur..

  A011000519 

 Il avait surtout insisté pour être mon intermédiaire auprès de vous parce que, étant lui-même ami des lettres, il vous a voué une spéciale admiration, et qu'il pensait vous être agréable en vous remettant mon message..

  A011000520 

 Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt, à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais de plus grand en recevant tout autre envoi? C'est que vos lettres ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer l'extrême douceur de ces rayons de miel); elles sont aussi des chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié.

  A011000534 

 Une noble femme, M me de Ville, veuve de celui qui par suite des embûches des hérétiques périt, il y a quelques années, dans l'incendie de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et M. Bessonnet, procès [50] dans lequel vous êtes rapporteur.

  A011000554 

 Cependant je préfère vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout; car, dans ce temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres, et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente privation de votre présence, trouve tout fade et insipide.

  A011000567 

 Comment [54] en effet laisser partir l'un de nos serviteurs sans lui remettre une lettre pour vous? Mais son départ précipité m'a ôté le loisir et la facilité d'écrire à mon gré; en l'absence de mes parents, il doit aller à Chambéry traiter une affaire au nom des paysans de la Thuille.

  A011000585 

 C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu.

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000607 

 Pour ma part, je veillerai avec grand soin à ce que des amis comme nous ne le cèdent pas à cette malheureuse sorte de gens.

  A011000607 

 Puisqu'ils se donnent volontiers tant de peine pour entretenir leurs discordes et leurs inimitiés, la bienséance et la noblesse exigent que des amis très affectionnés prennent au moins autant de soin pour conserver entre eux la concorde et l'amitié, à raison de la souveraine jouissance attachée à ce bien..

  A011000626 

 Ensuite, vient pour quelques jours le règlement des affaires de notre Eglise; et encore que j'y sois inutile, notre Révérendissime Evêque et père ne permet absolument pas que je m'absente pendant tout ce temps.

  A011000648 

 Ainsi, mon Frère, il sera impossible qu'elle ne soit pas véritable cette fraternité, laquelle doit être jurée en la présence de ce bois qui a réconcilié les immortels des Cieux avec les mortels d'ici-bas.

  A011000649 

 Je vous envoie les Statuts de notre Confrérie mis en ordre; si quelque point vous paraît offrir des inconvénients à cause de la variété des lieux, vous le modifierez.

  A011000689 

 Je réprime autant que je le puis, et avec bien des efforts, la peine que j'éprouve, ne pouvant [72] en même temps, dans une lettre écrite à la hâte, allier le courroux et la modération.

  A011000690 

 Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de n'avoir pas d'appartement; si vous venez, vous aurez des maisons de ville à votre disposition.

  A011000690 

 « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » parce qu'il est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des excuses.

  A011000723 

 C'est ainsi que l'oracle d'Apollon répondait, dit-on, avec tant de subtilité, que s'il eût posé lui-même des questions, la sagesse humaine aurait été incapable de les résoudre.

  A011000758 

 Je m'en réjouis vivement et je vous félicite tous deux de ce que, suivant le proverbe, vous ne jetez pas des épines sous les pieds du voyageur de bonne foi..

  A011000759 

 Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel? C'est bien.

  A011000777 

 Du reste, comme il aura trouvé en moi si peu des qualités que vous m'avez attribuées, il ne voudra plus être ni votre ami ni le mien, à moins que, pour s'expliquer l'amour que vous me portez, il ne vous considère avec beaucoup d'indulgence, moi avec beaucoup de bienveillance, et tous deux avec quelque surprise.

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000795 

 Il n'est pas très pénible d'embrasser la Croix lorsqu'elle est debout, que personne ne l'ébranle et ne s'efforce de la renverser; mais la soutenir contre le choc des assaillants pour qu'elle ne tombe pas, voilà le propre d'un courage éprouvé.

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000796 

 En conséquence nous participons aux avantages les uns des autres: nous, à la gloire de vos combats, vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices..

  A011000796 

 » Votre gloire me [86] devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot, déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix.

  A011000817 

 [Forteresse des Allinges,] commencement d'octobre 1594..

  A011000829 

 Ce ne serait pas assez, sans doute, de l'obstination privée de chacun, s'ils ne se moquaient des désirs du prince aussi bien que de nos efforts, et ne s'acharnaient à leur perte par une abominable entente.

  A011000829 

 Cela fut fait, à ce que l'on m'a dit, avant-hier à la maison de ville, et plusieurs avaient déjà pris cette résolution à l'assemblée des impies, qu'ils nomment leur consistoire, où ils [91] s'étaient réunis sous prétexte d'invalider, selon leur coutume, certain mariage..

  A011000829 

 Le gouverneur, avec quelques autres Catholiques, n'a rien négligé pour attirer, par de secrètes persuasions, les paysans des environs et les bourgeois d'Evian à nos sermons, et pour faire avancer, avec un zèle ardent et éclairé, les affaires de la religion.

  A011000830 

 Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à Dieu: Nous ne servirons pas; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.

  A011000851 

 Et apportent pour excuse le mauvais traittement qu'ilz recevroyent des Bernois et Genevois, qui les traitteroyent comme des deserteurs de leur creance, s'ilz les [94] voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec des injures a la bouche ou des pierres a la main.

  A011000852 

 Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont confessé que nous tirions de tres bonnes conclusions des Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le tres auguste Mistere de l'autel; les autres confessent la mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s'ilz n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du monde.

  A011000868 

 Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus.

  A011000869 

 D'ailleurs, la solennité des fêtes de la Toussaint et des Fidèles Trépassés me laisse à peine le loisir de m'entretenir avec vous, à moins que ce noble M. de Blonay ne remette son départ à une autre heure.

  A011000869 

 Vous me demandiez de vous écrire au sujet des affaires de notre Rolland, mais je l'ai déjà fait.

  A011000874 

 Forteresse des Allinges, milieu de novembre 1594..

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000884 

 Je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau pour vous parler de ce qui se passe ici et des affaires de la religion..

  A011000887 

 De la forteresse des Allinges.

  A011000892 

 Forteresse des Allinges, milieu de novembre 1594..

  A011000901 

 Le très grand respect et la profonde vénération dont je suis pénétré à votre égard m'ont seuls empêché jusqu'à présent de vous prévenir par mes lettres, sachant Votre Seigneurie toujours appliquée à des études ou à des occupations très importantes.

  A011000902 

 En conséquence, lorsqu'il vous plaira de faire le dénombrement de vos Allobroges, je me présenterai enfin le dernier à votre mémoire; je serai d'ailleurs facilement des premiers si vous voulez bien prendre en considération non pas le mérite personnel, mais l'estime et l'affection dont tous ces cœurs vous entourent..

  A011000904 

 De la forteresse des Allinges..

  A011000933 

 En quoy, le peu d'asseurance que j'avoys du lieu ou vous esties et le respect que je dois a vos occupations me pourroit beaucoup excuser, puysque je n'ay pas layssé de demander a toutes occasions de vostre santé, tant quil y a quelques moys que j'en eus des nouvelles par le P. Jean Lorrini.

  A011000933 

 Pour me nourrir en vostre memoyre [et] [104] conserver ce bien pour moy, je vous ay voulu addresser ceste lettre comm'une humble requeste, pour vous supplier m'entretenir tousjours en la faveur laquelle une foys vous m'avies accordëe, n'ayant rien faict des lors qui m'en puysse priver, sinon que ce fut d'avoir tant attendu de vous escrire et salluer.

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000956 

 Notre ami de la Servette est sur le point de partir; d'autre part je roule en mon esprit des Méditations sur les mutations des hérétiques de notre temps.

  A011000961 

 Forteresse des Allinges, février 1595..

  A011000970 

 En somme, parce que vous avez aimé la paix au milieu des guerriers, vous vous montrez bon soldat.

  A011000974 

 Forteresse des Allinges, milieu de février 1595..

  A011000985 

 Pressé par ma conscience, j'ai enfin écrit à notre Guichard, mais à la hâte, ayant employé la première partie de la journée à des conférences sur la doctrine chrétienne et à un [111] sermon.

  A011001004 

 Cæterum, velim a te scire quonam [modo] latine exprimere possim commissaire des guerres; et num procurator Principis idem sit quod procurator fisci? vel enim id antea numquam scivi, vel servisse non memini.

  A011001014 

 Je craignais en effet que, selon notre habitude de ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche [112] l'humanité, votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à supporter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit..

  A011001015 

 Je le savais, mon Frère: par l'observation attentive et le mépris des choses périssables du temps, par l'attente et l'amour des biens incorruptibles de l'éternité, vous avez porté jusqu'au dernier degré de perfection cette force d'âme dont la nature vous a gratifié.

  A011001021 

 Attaqué des hauteurs lointaines de ma citadelle, il a méprisé de justes conditions; maintenant je lui livrerai de près le dernier assaut.

  A011001021 

 Ceux-ci se confient dans des chariots et ceux-là dans des chevaux; mais nous, c'est dans le nom du Seigneur que nous espèrerons, si toutefois les paroles de David peuvent être citées au milieu de ces rodomontades.

  A011001022 

 Des prédications plus nombreuses m'empêchent de donner à nos Méditations contre les hérétiques toute l'attention qu'il faudrait.

  A011001023 

 Je ne m'étonne pas qu'ils refusent de venir sur l'invitation d'un homme aussi froid que je le suis; mais s'ils refusaient encore après avoir été appelés par des hommes qui ont bien fait leurs preuves, alors je n'hésiterais pas à adopter le sentiment du P. Chérubin.

  A011001024 

 Encore un mot: je voudrais apprendre de vous comment il faut traduire en latin commissaire des guerres, et si procureur du Prince a la même signification que procureur fiscal.

  A011001050 

 Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que nous faisons maintenant, vous le trouveres tout en la lecture des Epistres de saint Paul.

  A011001051 

 Je suis pecheur, et rien plus, indigne tout a faict des graces que Dieu espanche sur moy.

  A011001062 

 Et toutefois, ayant presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays esté oùy des huguenotz que de troys ou quatre qui sont venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetes, par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tous-jours, et les principaux.

  A011001063 

 Au reste, tous les benefices de ce pais sont es mains des seculiers, ou bien peu s'en faut; on attendoit que leurs Altesses en fissent lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques prædicateurs, mays nous en sommes encor là, sans autre ordre que celuy que le Gouverneur y a mis par provision..

  A011001063 

 J'en dis trop, a vous qui sçaves bien de quell'estouffe doit estre la resolution qui faict abandonner le soucy des biens de ce monde et de la famille.

  A011001091 

 Au nombre des épis dont je parle, est Pierre Poncet, savant jurisconsulte et cœur droit.

  A011001091 

 La crainte de la perte de ses biens, les reproches des amis, l'incertitude de la durée des trèves, tout se réunit pour entraver sa conversion.

  A011001091 

 Malgré ses erreurs grossières sur presque tous les points de notre croyance, il avait depuis longtemps des idées justes sur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie; ainsi ce fut chose aisée de le détacher de la secte de Calvin, laquelle se trompe et trompe les autres en ce qui concerne cet auguste Sacrement.

  A011001091 

 » Je m'arrête donc ici à cause des tranchées de cet enfantement qui arrive au septième mois.

  A011001109 

 Comme le chevalier de Compois n'a pas envoyé son serviteur en ville au jour convenu, j'ai eu soin d'expédier tout récemment par une autre voie des lettres pour vous et pour le P. Possevin.

  A011001123 

 Le candidat ne se trouve donc dans aucune des conditions voulues, [130] et nous savons qu'ayant sollicité une dispense en Cour de Rome, il a subi un refus.

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001178 

 Mais serais-je le plus diligent des mortels, que je ne pourrais témoigner tout ce que je porte de respect et d'affection à ce très illustre Guichard.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001181 

 Mais quelle est l'opinion du public? La voici: on admire le charme du style, la richesse et l'élévation des pensées; on semblait même dire que si vous ne m'eussiez appelé votre frère, l'obscurité de mon nom aurait rabaissé un ouvrage si excellent et fait de main de maître..

  A011001182 

 Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits esprits ne peuvent traiter de si grands sujets? Et en vérité, si j'ai énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi; mais ce ne sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une peinture si achevée.

  A011001183 

 Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci: je ne crois pas [138] qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point.

  A011001183 

 Vous attendiez-vous, pour un si beau présent, à un si grave réquisitoire? Mais c'est la vieille coutume des débiteurs insolvables de recourir à cette adresse ordinaire de la diversion.

  A011001187 

 C'en est un aussi de voir des hommes au milieu des domaines de l'Eglise, sous un prince catholique, vivre d'une vie précaire et pour ainsi dire au jour le jour.

  A011001216 

 Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul qu'ils sont Chrétiens..

  A011001217 

 Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile [141] à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions.

  A011001218 

 Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le coffre du Seigneur; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers.

  A011001218 

 Voyant dans des entretiens familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur lui, je lui prêtai votre Catéchisme qui contient les enseignements des Pères rapportés au long par Busée.

  A011001219 

 Or, je ne pouvais suffisamment réfuter cette objection, même avec le secours des œuvres de Bellarmin; les livres nécessaires pour cela me manquent ici, car il est arrivé que je n'en ai apporté avec moi qu'un petit nombre traitant des controverses de notre temps.

  A011001261 

 Les officiers de l'illustrissime duc de Nemours et de Genevois commençaient à faire la recherche des délits d'usure commis par [148] les ecclésiastiques dans le diocèse de Genève, et même de la contravention faite à un édit annuel de Son Altesse Sérénissime défendant la vente des blés et autres grains hors du marché.

  A011001301 

 Cependant, je continue à préparer par toutes sortes d'expédients et d'industries de nouveaux ouvriers pour cette œuvre, et à leur chercher des moyens de subsistance.

  A011001302 

 Bien plus, les Genevois allaient répétant avec orgueil qu'un certain Démosthène de leur école avait réfuté les arguments de Sponde avec tant d'éloquence et des raisons si [154] probantes que l'auteur avait d'abord renoncé à sa religion, puis, bientôt après, perdu la raison.

  A011001303 

 Cependant, mon Frère, parmi ces [155] désordres (dirai-je plutôt cette ruine de la patrie?), alors que nos yeux ne rencontrent que des sujets de tristesse, fixons plus attentivement nos regards sur notre patrie céleste, et souvenons-nous toujours qu'Hélie le Thesbite n'est monté au ciel que dans un tourbillon..

  A011001318 

 N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle [156] de Sales, par Coquin, avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires.

  A011001318 

 On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres, qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril.

  A011001334 

 Ils avaient un si grand désir d'entendre de moi l'exposé de la croyance des Catholiques et leurs preuves touchant ce mystère, que n'ayant osé venir publiquement, crainte de paraître oublieux de la loi qu'ils se sont imposée, ils m'entendirent d'un certain endroit où ils ne pouvaient être vus, si toutefois la faiblesse de ma voix n'y a pas mis obstacle..

  A011001336 

 En effet, ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest, les Thononais ont résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confession de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers ou par écrit.

  A011001337 

 Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et qu'ils pensent à nous proposer des conditions.

  A011001355 

 Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps: la crainte est plus nuisible que le mal lui-même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.

  A011001357 

 Cet homme est enfoncé dans l'hérésie; toutefois je lui ai témoigné beaucoup d'affection dans l'espoir de le ramener à de meilleurs sentiments, et parce qu'il y a en lui bien des germes de vertu.

  A011001357 

 Mais parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catholiques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit..

  A011001392 

 Je n'ose reprendre Calvin ni Beze en façon que ce soit, la ou ilz sont imposteurs et blasphemateurs, que chacun ne veuille sçavoir ou ce que je dis se trouve; dequoy j'ay desja receu deux affrontz que je n'eusse pas eu si ne me fusse pas fié aux citations des livres qui m'ont faict faute.

  A011001393 

 Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut des ames que, selon la malice du tems et la distance des lieux, Sa Sainteté nous ouvrist par deça un peu liberalement la main de sa clemence in foro conscientiæ..

  A011001394 

 Je vous entretiens comme celuy que je sçay se trouver en des grandes occasions d'y prester ayde et avoir sur tout en zele le salut des ames.

  A011001410 

 A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a [168] la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor paÿés.

  A011001411 

 Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché..

  A011001412 

 Mays l'on prechera pour neant si les habitans fuyent la prædication et conversation des pasteurs, comm'ilz ont faict cy devant en ceste ville.

  A011001412 

 Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les [169] Senateurs de Savoÿe de venir icy convoquer generalement les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr' Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoÿé.

  A011001413 

 Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre; ce que je crois quil fera volontiers selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tous-jours veu des le commencement que je vins icy..

  A011001414 

 Apres cela, dresser une compaignie de gens d'armes ou cavallerie pour engager la jeunesse, suyvant l'advis de feu monsieur le baron d'Hermance, pourveu qu'elle fut dressëe religieusement, avec quelques institutions chrestiennes, ne seroit pas un moyen inutile d'attirer les courages a la religion; ny aussy, en cas d'obstination, de priver a forme des edictz de tous offices de justice et charges publiques les persistans en l'erreur.

  A011001415 

 Il y a de la despence en ceste poursuite, mais c'est aussy le supreme grade de l'aumosne chrestienne que de procurer le salut des ames.

  A011001415 

 Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous presente de si signalëes occasions, et allum'en vous de [170] si sains desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001431 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser quelques eglises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a propos, avec les autelz bien proprement parés, pour apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catholique; et en ces lieux la establir revenu competent pour les curés qui en auront charge, ne pouvans les precheurs demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché, et mesme des deux autres balliages, s'il y eschoit.

  A011001431 

 Et puys, de main en main, a mesure qu'on jugera convenable, faudra ainsy par toutes les parroisses remettre sus l'exercice de la foy catholique et y colloquer des pasteurs..

  A011001431 

 Mays sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressat l'autel et fit on parer l'eglise en ceste ville et de la parroisse des Alinges, et qu'on y logeat des prestres pour y administrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire, qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent.

  A011001432 

 Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoÿe de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de [173] pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoÿé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele.

  A011001433 

 Monsieur d'Avully aussy, avec son exemple et la sollicitation familiere quil pourra faire vers les particuliers, aydera beaucoup a l'œuvre, ce que je crois quil fera volontiers, selon la bonne volonté et disposition quil a, en laquelle mesme je l'ay tousjours veu des le commencement que je vins icy..

  A011001435 

 Il va de la despence en ceste poursuite, mays c'est le supreme grade de l'ausmone chrestienne que de procurer le salut des ames.

  A011001435 

 Reste, Monseigneur, que je remercie de tout mon cœur nostre Sauveur qui vous presente de si grandes occasions, et donne de si ardantz desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001461 

 Je l'ai vu lire et relire attentivement cette lettre où il était question de moi, et grâce à elle, vous auriez semblé partager notre causerie, si, en nous entretenant de vous, nous n'eussions dit des choses que votre modestie n'eût pas souffert être dites en votre présence..

  A011001462 

 Comment? Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande [178] joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard! Et moi au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le plus heureux le parti choisi par notre Genand, dont vous me dites plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier.

  A011001463 

 Pour la question des prieurés, je suis le premier persuadé qu'elle ne me concerne aucunement.

  A011001464 

 Cette œuvre est, en effet, plus élevée et plus profonde que la première; d'ailleurs, c'est dans l'ordre de ne pas toujours descendre des plus hauts degrés aux plus bas, mais de monter parfois des degrés inférieurs aux degrés supérieurs..

  A011001464 

 Vous m'avez dédié, dites-vous, le douzième livre des Conjectures.

  A011001465 

 Je n'ai pas apporté avec moi le chapitre sur l'accord discordant des hérétiques entre eux.

  A011001507 

 C'est pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie.

  A011001508 

 Bien que la crainte des hérétiques nos voisins ait grandement nui au succès de cette entreprise, on obtient néanmoins toujours quelques fruits par la conversion de plusieurs personnes, parmi lesquelles il s'en trouve deux des plus versées dans l'hérésie..

  A011001508 

 Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier.

  A011001508 

 Une partie de ce diocèse de Genève fut envahie par les Bernois, il y a soixante ans, et demeura hérétique; mais, ces années passées, ce pays, par la force des armes, rentra sous la domination de Son Altesse et fut réuni à son antique patrimoine.

  A011001509 

 Ce serait un grand secours pour nous si Son Altesse commandait au gouverneur de la province de favoriser les convertis, d'inviter les obstinés, et de les priver [en cas de refus] de toute charge et de tout honneur public, et surtout s'il ordonnait à l'un des membres du souverain Sénat de Savoie de venir ici à Thonon exhorter les habitants..

  A011001509 

 Et en outre, il devrait être pourvu dans le même temps aux besoins de quatre ou cinq paroisses qui ont demandé des prêtres pour les [187] desservir.

  A011001509 

 Il faudrait avoir des moyens et des revenus assurés pour nombre de prédicateurs qui pussent répandre la sainte parole dans les diverses parties de cette province hérétique.

  A011001509 

 Il faudrait d'autres revenus destinés aux prêtres qui doivent demeurer dans les paroisses converties pour y administrer les Sacrements; car les prédicateurs ne peuvent se fixer dans un lieu particulier, mais doivent être libres pour se rendre là où les besoins des populations les réclameront.

  A011001509 

 Mais surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office convenablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables.

  A011001510 

 Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les revenus nécessaires; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombre de bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011001559 

 L'espérance en laquelle je me trouve maintenant de moissonner bon nombre d'âmes dans cette province du Chablais, si l'on donne des ordres conformes au zèle de Son Altesse Sérénissime, me fait prier en toute humilité Votre Seigneurie de daigner intercéder, afin que non seulement ce bien s'effectue, mais encore que ce soit avec cette promptitude si agréable au Seigneur.

  A011001560 

 Il pourra se faire qu'on en soit empêché par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclésiastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs.

  A011001561 

 Et moi, persévérant dans la soumission que je dois à Votre Seigneurie, je ne manquerai pas de lui donner avis dans la suite de certaines choses importantes pour le bien spirituel de ce diocèse et des autres de la Savoie..

  A011001591 

 Thonon, troisième jour des fêtes de la Résurrection du Sauveur, 1596..

  A011001620 

 Je ne puis néanmoins indiquer à Votre Seigneurie Illustrissime, ainsi qu'elle me l'a ordonné, les noms, prénoms, patrie et diocèse des intéressés, faute d'avoir reçu la réponse de leur curé qui demeure assez loin..

  A011001620 

 M'étant rendu ici auprès de Monseigneur notre Révérendissime Evèque pour le synode et pour d'autres affaires, j'ai reçu trois [195] des lettres qu'il plut à Votre Seigneurie Illustrissime m'écrire: deux du 8 avril, traitant du même sujet, et une autre du 3.

  A011001621 

 J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite, si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de [196] prédicateurs en cette province.

  A011001621 

 Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseignements détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai laissée à Thonon.

  A011001622 

 Encore qu'ils fussent aptes au ministère des âmes dans les lieux où tout est en paix, beaucoup d'entre eux toutefois ne sauraient s'en acquitter convenablement où l'on doit lutter et combattre.

  A011001622 

 Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables.

  A011001622 

 Il importe infiniment de prendre des mesures éclatantes et absolues, cette province de Chablais étant environnée d'un si grand nombre d'hérétiques..

  A011001637 

 Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict: « Mortui vero nihil valent adjicere; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions.

  A011001639 

 Monseigneur le Nonce m'escrit que Son Altesse est tres bien resolue pour le revenu des benefices et affectionnëe a ceste besoigne..

  A011001678 

 J'ai le cœur brisé de me voir hors d'état de satisfaire des paroisses entières qui désirent être rassasiées de la sainte doctrine catholique, faute d'avoir les moyens de leur envoyer à cet effet un nombre suffisant de prédicateurs et de pasteurs.

  A011001678 

 Que si, comme il convient, on donne promptement des ordres, je reviendrai sûr et certain de voir bientôt mûrir une heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes; si au contraire on ne les donne pas, je demanderai votre bénédiction et la permission d'abandonner cette entreprise à d'autres plus capables que moi.

  A011001680 

 Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les consciences du peuple.

  A011001713 

 Je dirai seulement que l'espérance différée afflige incroyablement mon âme et celles de beaucoup de bons Catholiques, surtout des nouveaux convertis; peut-être même sera-t-elle la cause de la désolation éternelle d'un grand nombre d'autres..

  A011001738 

 [208] Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons.

  A011001740 

 Nous saisissons toutes les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins.

  A011001801 

 L'on doit aussi avoir égard à la calamité qui a jusqu'ici fermé les passages d'Italie; ces curés de campagne n'étaient pas obligés à des démarches pour obtenir des passeports de Son Altesse, car ainsi ces legs auraient été consumés en dépenses qu'ils ne sont pas en mesure de faire.

  A011001803 

 Je n'ai pas encore été à Annecy à cause des soupçons de peste, bien qu'en ce moment il n'y ait aucun cas de cette maladie.

  A011001822 

 Dans le cas où vous échangeriez difficilement la [217] compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois de l'Orient.

  A011001823 

 Ils vont solliciter du procureur principal du patrimoine ducal la ratification des immunités qu'ils ont obtenues du prince en conséquence de cet acte.

  A011001855 

 Depuis que je suis revenu ainsi dépourvu des expéditions nécessaires pour cette œuvre, j'ai été la fable de ces mécréants, et néanmoins quatre-vingts personnes ont été gagnées, tant parmi les petits [219] que parmi les grands.

  A011001856 

 Un certain nombre sont catholiques depuis que Son Altesse a passé ici; beaucoup, contraints par la force et par la violence des armées ennemies, sont relaps au for extérieur seulement; quantité d'autres sont indifférents, ne sachant pas même à quelle religion ils appartiennent, et tous sont sans pasteur comme des brebis errantes.

  A011001856 

 Votre Seigneurie m'a rendu la vie en m'assurant que, nonobstant les plaintes des Chevaliers, nous aurons bientôt le moyen de commencer à donner un peu d'extension au culte catholique parmi ces populations; car je me suis convaincu plus que jamais qu'il est extrêmement nécessaire de leur ouvrir de saints pâturages.

  A011001857 

 Cette huile, qui leur paraît peu de chose, suffira pour produire une lumière de saints exercices qui projettera ses rayons jusqu'au milieu des Bernois et des Genevois, pourvu qu'ils nous laissent ce revenu sans contestation..

  A011001858 

 J'ai retrouvé encore ici nombre de personnes et des paroisses entières bien disposées à l'égard de notre sainte foi.

  A011001859 

 Et particulièrement Berne veut, par des menaces, l'empêcher d'en solliciter d'autres à se convertir à notre foi.

  A011001859 

 Il le fait néanmoins en toute sorte d'occasions, et s'estime plus heureux d'endurer des tribulations étant catholique, que s'il jouissait de grandes prospérités étant hérétique.

  A011001859 

 Mais je ne laisserai pas de vous dire que l'ennemi ne manque point de diriger contre ce chevalier tous les assauts possibles, afin d'obscurcir l'éclat qu'a eu sa conversion; il suscite contre lui beaucoup de haines, tant de la part des hérétiques que de celle des Catholiques.

  A011001874 

 J'attens le bon playsir de Vostre Altesse pour le restablissement de la religion catholique en ce balliage de Thonon, et ce pendant je pensois dresser un autel en l'eglise Saint Hypolyte, en laquelle je preche ordinayrement des deux ans en ça, affin d'y pouvoir celebrer Messe ces bonnes festes de Noel.

  A011001911 

 Ceci est le dernier effort que le démon tente contre cette œuvre, en mettant à profit les délais que l'on apporte à l'exécution des bonnes intentions de Son Altesse.

  A011001911 

 Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de me procurer des lettres que je puisse montrer à ce petit nombre d'opposants, pour leur prouver qu'il leur doit suffire d'avoir la liberté appelée de conscience, sans troubler l'exercice du culte catholique.

  A011001911 

 Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques..

  A011001927 

 C'est pourquoy je vous escris ceste [lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en secours, attendu que la charge et distraction des affaires de l'Eglise me levent la commodité de m'arrester dans Thonon pour la continuation des divins offices et administration des saintz Sacremens.

  A011001939 

 Le seigneur chevalier Bergere, connoissant bien que l'assignation des six pensions que l'on a faicte sur les revenus de la Religion de Saint Lazare ne peut pas joindre a l'œuvre de la reduction de ces peuples a la foy catholique, a trouvé raysonnable la proposition que je luy ay faicte que la Religion rendist absolument les cures a cest effect.

  A011001967 

 Cet expédient consiste en ce que, étant donné le traité de paix désiré, Vos Seigneuries voulussent bien céder absolument toutes les cures dont elles jouissent en ce pays avec leurs dépendances; en y ajoutant celles qui sont provenues des particuliers, on pourrait faire en ce bailliage un service religieux si éclatant que la lumière s'en répandrait de tous côtés..

  A011001967 

 Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre.

  A011001992 

 Il me semble [235] qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctæ obedientiæ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir..

  A011001993 

 Et pour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parmi ces gens-ci), il faudra faire l'une de ces deux choses: ou réserver à cet effet, pendant quelque temps, deux des six pensions, ou bien prélever par voie de contribution une partie des revenus que les particuliers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage; car des Chevaliers il ne faut rien espérer de plus.

  A011001993 

 Il nous faudrait encore d'autres missionnaires en aussi grand nombre que possible, soit de l'Ordre des Capucins, soit de la Compagnie de Jésus, afin qu'unis aux prêtres séculiers qui viendront, nous puissions livrer un vigoureux assaut à l'hérésie en ces petits pays; ainsi, peu à peu, l'odeur s'en répandra dans tout le voisinage, tant à Berne qu'à Genève.

  A011001994 

 De même, je ne vous ai point encore parlé des [238] trois cents écus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu que le paiement n'en est pas achevé.

  A011001994 

 Il a encore voulu que j'en écrivisse à Son Altesse et au Conseil des Chevaliers, ce que j'ai fait pour ne pas négliger de mon côté le peu qui est en mon pouvoir.

  A011001994 

 Il est vrai que M. le chevalier Bergera, porteur de ces lettres, m'a promis, moyennant l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime, de faire tous ses efforts auprès du Conseil de l'Ordre des Chevaliers, afin que toutes les cures de ce bailliage nous soient complètement abandonnées pour que le service divin puisse s'y faire entièrement; mais cela, à la condition qu'on ne leur demanderait plus rien.

  A011001994 

 Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer.

  A011002021 

 Afin de vous donner pleine connaissance des choses, je dirai que M. le chevalier Bergera est arrivé ici depuis longtemps, muni de l'ordre dont vous m'avez écrit.

  A011002021 

 Je vois les grands embarras que Votre Seigneurie Illustrissime aura eus pour obtenir la provision en faveur des six curés, et je ne puis que m'étonner du peu de zèle de ceux qui font des difficultés en [240] un pareil sujet.

  A011002022 

 Mais, comme Votre Seigneurie me l'écrit, le même Dieu qui, avec le temps, fait sortir de très grands arbres des petites semences, donnera aussi, moyennant le temps et votre travail, un accroissement convenable à ce faible commencement..

  A011002024 

 Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant [243] des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1 er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement.

  A011002024 

 Au reste, il n'y a ni église restaurée ni autel dressé; nous n'avons pas même des calices, missels et tels autres objets indispensables aux six paroisses.

  A011002024 

 Mais afin que messieurs les Chevaliers n'excitent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue, j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille bons ducats..

  A011002025 

 A la vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent [244] qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont il'ordinaire les confidentiaires..

  A011002025 

 Par un billet de M. de Ruifia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.

  A011002026 

 Je loue le Dieu béni de ce que Sa Sainteté a quelque intention de placer dans l'abbaye d'Abondance les réformés de Saint-Bernard, et je supplie le Seigneur lui en donner une volonté absolue pour le bien des finies.

  A011002053 

 J'ai reçu aujourd'hui votre lettre en date du 25 février, avec la triple copie des précédentes; elle m'a causé autant de douleur que [246] Votre Seigneurie Illustrissime me montre d'étonnement du retard de ma réponse aux lettres précédentes, car elle m'inspire la crainte d'être tenu pour peu empressé à exécuter vos ordres.

  A011002055 

 Ce n'est pas la faute dudit chevalier, qui est bon et bien intentionné, mais celle des gens.

  A011002056 

 C'est pourquoi je ne puis appeler des prêtres et des curés, n'ayant pas d'argent à leur donner pour commencer à établir leur résidence dans ce bailliage.

  A011002056 

 Je n'espère donc pas un grand résultat de ces pensions avant la fin du Carême, soit parce que je manque d'argent, soit parce que nous ne pourrions retirer les prêtres des églises où ils sont occupés à entendre les confessions et à exercer d'autres ministères.

  A011002057 

 Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de Lyon, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

  A011002058 

 Ayant donc sondé la disposition du peuple de cette paroisse, j'ai résolu d'y placer un des six curés pensionnés et un autre aux Allinges.

  A011002058 

 Dimanche dernier, troisième de Carême, ayant prêché le matin de bonne heure, selon la coutume, dans la paroisse des Allinges, je passai dans une autre paroisse distante de trois milles, appelée Cervens, où je n'avais pas encore été.

  A011002058 

 Et ayant averti le peuple que je souhaitais prêcher, j'eus une nombreuse et bienveillante assistance qui, au sortir du sermon, me témoigna un ardent désir de ce pain des enfants.

  A011002058 

 [249] Mais je suis résolu de n'admettre à l'abjuration que des personnes véritablement bien instruites, dans la mesure que leur capacité comportera.

  A011002059 

 Il n'a point voulu le souffrir, disant que ce consistoire n'étant établi que pour la correction des vices, sa conversion au catholicisme ne lui a point ôté le zèle et le jugement nécessaires à cette correction, mais qu'elle les lui a grandement augmentés, en sorte qu'il ne doit point être tenu pour incapable..

  A011002059 

 Je ne veux pas omettre de vous dire que M. d'Avully ayant été jusqu'ici juge du consistoire suprême des hérétiques, ceux-ci prétendaient le récuser ces jours passés.

  A011002072 

 Et parce que leur pauvreté pourroit estre secourue avec une petite piece des graines de [251] Ripaille et Filly qui sont destinees aux aumosnes, je suppliay tres humblement Vostre Altesse, a leur nom, de leur en assigner quelque portion; et selon la pieté dont Dieu l'a enrichie elle le trouva raysonnable.

  A011002073 

 Il y a aussy certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse d'Alinges, et personne ne leur contredisoit d'en estre encores maintenant; mays par ce que Vostre Altesse, selon son saint zele, a gratiffié la parroisse d'Alinges d'un'immunité de toutes charges pour quattre ans a venir, en contemplation de [252] leur retour a l'Eglise, on a opposé a ces petitz vilages que du tems de l'occupation des Bernois on leur commanda d'aller ailleurs a la præche.

  A011002074 

 Les gens du consistoire supreme de ce balliage taschent de lever a monsieur d'Avully la judicature qu'il y tient de Vostre Altesse; mays puysque ce consistoire n'est que pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre, comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catholique, aussy n'en devroit on pas perdre la judicature, specialement quand elle depend de la volonté de Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de] me pouvoir et devoir dire,.

  A011002105 

 Je crois que tous ceux à qui j'ai confié des lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime rivalisent entre eux pour me faire paraître très négligent, puisque, d'après ce qu'on me dit, M. le chevalier Bergera n'est pas encore parti de Chambéry, et on laisse assez de temps à ce gentilhomme qui devait se mettre en route la semaine dernière, pour me permettre d'ajouter ceci à mes lettres précédentes..

  A011002106 

 En somme, si l'on en excepte Thonon, les âmes nous sont partout offertes comme une proie; il ne manque que des chasseurs.

  A011002106 

 J'ai placé à Cervens un bon prêtre qui, au commencement de ces guerres, avait [254] déjà été nommé pour desservir cette paroisse si les choses réussissaient et il était connu d'une grande partie des habitants.

  A011002106 

 J'ai reçu cent florins des pensions et pas davantage.

  A011002106 

 Si par hasard le porteur des présentes, M. de Blonay, avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique..

  A011002140 

 Je crois que cet arrangement serait avantageux; mais je ne voudrais pas que les Chevaliers eussent le droit de patronage sur ces cures: ce serait ruiner le concours, et, avec le temps, on verrait des nominations peu avouables.

  A011002140 

 Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues, ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien [257] et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent remplir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses; car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière expédient.

  A011002141 

 Ayant été naguère mandé à Genève, du commun consentement de M gr notre Evêque et du P. Chérubin, pour approfondir un peu mieux cette affaire, il vit en cette ville une grande porte ouverte au très saint Crucifix, pourvu qu'il y soit porté secrètement par des personnes humbles, patientes et familiarisées avec les mœurs des hérétiques.

  A011002143 

 Hier les paroissiens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire catholiques; mais mon insuffisance d'une part, et de l'autre les affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Allinges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous serons aidés par d'autres prédicateurs..

  A011002144 

 Partant, on pourrait procéder ainsi: Votre Seigneurie Illustrissime donnerait ordre aux Provinciaux d'envoyer des Religieux selon les occasions; nous ferons ensuite venir autant de prêtres séculiers que nous pourrons..

  A011002144 

 Quant aux Pères Jésuites, je voudrais le P.Jean Saunier, un des premiers qu'ils aient envoyés ici, et un autre qui a prêché ce Carême à Rumilly, mais dont je ne me rappelle pas le nom.

  A011002145 

 Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et [261] à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés.

  A011002145 

 Je ne saurais sur cette réduction rien dire de plus spécial que le contenu des mémoires laissés à Votre Seigneurie Illustrissime et au P. Jules Coccapane pour être présentés à Son Altesse..

  A011002155 

 Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholiques, pauvres et indigens, et pour un qui servist a Thonon au clocher pour les Catholiques.

  A011002156 

 Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz desirent estre reunis a leur ancienne eglise et y faire l'exercice catholique; a quoy personne ne contrediroit, si ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa liberalité, exempté la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy ilz auroyent part par consequent.

  A011002191 

 Je loue le Seigneur de ce qu'il a donné à Sa Sainteté l'intention de rendre au service de Dieu et des âmes les revenus des cures, ainsi que le demande la justice.

  A011002192 

 Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance, et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales..

  A011002193 

 M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de grand mérite, qui peut nous rendre bien des services.

  A011002228 

 L'année dernière le P. Esprit de Beaume, prédicateur de l'Ordre des Capucins, et moi-même, persuadés par les sérieuses affirmations d'un grand nombre, avions commencé à bien espérer de la conversion de Bèze et de son retour à l'Eglise Catholique.

  A011002230 

 Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques.

  A011002240 

 Souverain Pontife des Chrétiens.

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 Ceux de Genève poursuivaient fort pendant ce Carême pour qu'elle se fît; mais ne pouvant tirer des nôtres une réponse précise, que nous n'étions pas à même de donner, il me semble qu'ils se sont un peu refroidis.

  A011002286 

 Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse.

  A011002290 

 Me confiant en votre bonté, je vous remémorierai la réforme des abbayes de cette contrée, particulièrement de celles d'Aulps et d'Abondance, ainsi que la provision pour le P. Prédicateur d'Evian, afin qu'on lui paie exactement la prébende accoutumée..

  A011002304 

 Ce pendant que j'attens plusieurs graces de la liberalité de Vostre Altesse, desquelles je l'ay suppliee ci devant, les occasions me naissent tous les jours de luy en demander des autres.

  A011002306 

 Ce sera un'aumosne des plus fleuries qui puissent partir de la main de Vostre Altesse.

  A011002306 

 Je ne lairray pas encores de remettr'en memoyre a Vostre Altesse la pauvreté du ministre qui se recatholise, duquel je luy ay ja si souvent escrit, qui ne peut estre secouru d'ailleurs, et celle de ces set ou huict personnes catholiques qui sont en extreme disette, pour lesquelz aussy j'ay ci devant supplié a Vostre Altesse, affin que quattr'ou cinq muis des aumosnes de Ripaille et Filly leur soyent appliqués en pension leur vie durant, qui ne peut plus guere durer puysque ce sont presque tout gens vieux; et ces aumosnes ne touchent en aucune façon la Religion de Saint Lazare.

  A011002326 

 Il buon, dotto P. Fra Spirito, Cappucino, essendo venuto qui queste feste di Pentecoste et predicato qui nella terra et nella parrochia des Alinges, si è sentito molto consolato di questo nuovo popolo, et il popolo incredibilmente delle sue fruttuose prediche.

  A011002347 

 Deux craintes m'ont empêché jusqu'ici d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime: l'une provenant des bruits de guerre, l'autre, de la [282] peste, dont on a été un peu menacé de nos côtés.

  A011002348 

 De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont arrivées des lettres du juge-mage de Gex et autres en faveur du curé dudit lieu.

  A011002348 

 On m'a raconté que le peuple, les larmes aux yeux, priait à genoux le curé de rester; mais, voyant bien que tant que les prêtres seront regardés comme des agneaux le loup les mangera, il résolut, malgré tout, de quitter ses paroissiens, avec l'intention néanmoins de retourner chaque Dimanche les consoler..

  A011002349 

 J'ai donc recours à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, lui envoyant à cet effet la requête des gens de Bernex et celle du curé de Saint-Julien qui, une fois déjà présentée à Son Altesse, est demeurée sans réponse sur son principal objet.

  A011002350 

 Le bon et docte P. Esprit, Capucin, étant venu ici ces fêtes de Pentecôte et ayant prêché soit en cette ville, soit dans la paroisse des Allinges, est demeuré fort consolé de ce nouveau peuple, et le peuple, à son tour, l'a été incroyablement de ses fructueuses prédications.

  A011002351 

 Mais un des plus obstinés de la ville, s'apercevant que l'issue de la dispute ne pouvait être à l'honneur du ministre, l'entraîna de force hors de la place, disant que Son Altesse n'entendait pas qu'ils traitassent avec nous des choses de la religion.

  A011002352 

 Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire: ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière! Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses..

  A011002354 

 Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes), Comme au Père très affectionné de ces populations.

  A011002396 

 Vous ayant exposé dans la précédente l'état des affaires du Chablais, je n'ai maintenant aucune réponse à vous faire, si ce n'est au sujet du prédicateur d'Evian.

  A011002397 

 Ce pays est dans la gueule des hérétiques et n'a aucun autre moyen d'entretenir un prédicateur; l'Abbé perçoit toutes les dîmes, c'est donc justice qu'il paisse la brebis dont il tond la laine.

  A011002397 

 L'Abbé d'Aulps, lequel n'y est pas si fort tenu, donne une pension [292] entière pour l'école des enfants.

  A011002397 

 S'il n'est pas allé à Abondance, ce sera sans doute ou parce qu'il n'aura pas été invité, ou parce que la cessation de la prébende aura précédé la cessation des prédications.

  A011002398 

 J'aurai bientôt des renseignements vrais et détaillés à ce sujet..

  A011002399 

 Qu'il s'efforce tant qu'il voudra d'insinuer de semblables opinions; pour moi je suis sûr de convaincre du contraire par des effets: c'est-à-dire, qu'en cela ni en chose quelconque je n'use point de mensonge ou d'artifice auprès de Votre Seigneurie, et que je ne demande pas un seul denier des revenus de son abbaye.

  A011002400 

 M gr le Révérendissime manda aussitôt le P. Provincial des Capucins, qui était ici, pour le charger d'écrire au P. Chérubin, actuellement à Montmélian, et lui ordonner de venir rendre une réponse positive à ceux de Genève.

  A011002401 

 Il espère néanmoins recouvrer un peu de force et vous donner, dans quelques jours, pleine et entière satisfaction au sujet de vos lettres [296] et de celles de M. Giustiniani, lequel n'est certainement pas bien informé des affaires de ce pays ni des comptes de Monseigneur son oncle.

  A011002436 

 Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre..

  A011002437 

 Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à M gr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables.

  A011002437 

 Toutefois, il me semble que MM. les Chevaliers ne doivent pas, sous de vains prétextes, retarder cette œuvre et dire que presque toutes les cures sont entre les mains des ecclésiastiques; car il n'y a pas cinq prêtres qui jouissent paisiblement de ces bénéfices.

  A011002439 

 Je crains que les mouvements des troupes en Maurienne ne nous causent de grands embarras, surtout pour la venue du P. Jésuite que Votre Seigneurie Illustrissime veut nous envoyer.

  A011002439 

 Les Genevois, il est vrai, font grande difficulté d'admettre des Jésuites à cette conférence, disant qu'ils sont hommes d'Etat et explorateurs d'Espagne; cependant nous emploierons de notre côté toutes sortes d'instances.

  A011002449 

 Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne, et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si [306] est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable..

  A011002450 

 J'ay escrit pieça a Vostre Altesse des necessités du Chablais, et quoy que je ne doute point que le zele dont Nostre Seigneur a eschauffé son cœur ne luy en tienne tousjours la memoyre fraiche, si ay je prié monsieur le baron de Chevron de la luy representer..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002489 

 Mais afin d'empêcher les habitants de conserver quelque froideur à l'égard des Pères, ce qui entraverait beaucoup le progrès de leur conversion, on proposa de prier Son Altesse de vouloir bien, en dédommagement de ce prieuré, abandonner à la commune l'impôt ou taille qu'elle perçoit maintenant de la ville de Thonon.

  A011002489 

 Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

  A011002490 

 Le P. Chérubin m'a dit que Votre Seigneurie Illustrissime se proposait de prier Sa Sainteté de vouloir bien écrire à M. le Cardinal Légat de France, afin qu'il tâche d'obtenir que le roi ordonne aux Genevois de venir à la conférence; or, je ne puis omettre de vous prévenir que, de cette manière, elle se ferait avec beaucoup plus de fruit et dans des conditions plus avantageuses..

  A011002490 

 On traita ensuite des moyens à prendre pour acheminer le projet de la conférence; mais je laisserai le P. Chérubin écrire sur ce sujet, puisque c'est à lui que les réponses ont été données.

  A011002491 

 Il avait été aussi question de célébrer les prières des Quarante-Heures audit lieu d'Annemasse pour réveiller les ministres de Genève.

  A011002492 

 Cet exercice des Quarante-Heures se fit à Annemasse le premier Dimanche de septembre et le jour de la Nativité de Notre-Dame, avec un fruit beaucoup plus grand que celui que nous en espérions; il tient même un peu du miracle.

  A011002492 

 Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisseries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout le peuple pût demeurer... [311].

  A011002540 

 C'est dans cette prévision que je m'étais rendu au camp avant de tomber malade: d'abord pour avoir un passeport de Son Altesse, et ensuite pour obtenir la déclaration de son consentement à la restitution des cures du Chablais aux curés qui s'y établiront aussitôt que cette restitution sera faite.

  A011002540 

 Son Altesse, avec toutes les démonstrations de piété que l'on pouvait espérer, donna ordre d'écrire trois lettres, l'une à Sa Sainteté et les autres à deux Cardinaux, afin de prier instamment le Saint-Siège de révoquer l'union de ces bénéfices avec ceux des Chevaliers.

  A011002541 

 Il y a vraiment urgence: ce qui le prouve, c'est que pendant [315] les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent d'heure en heure qu'il soit rétabli..

  A011002542 

 On m'a dit que Son Altesse a saisi à son profit le revenu des Chevaliers, et je l'ai fait prier de donner la provision nécessaire aux ecclésiastiques qui sont dans les trois cures déjà établies..

  A011002543 

 Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

  A011002557 

 Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que l'annee passee, appres plusieurs declarations de la bonne intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des gens d'Eglise qui seroient emploiés pour le service de Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le Nonce de donner chasque annee six pensions pour autant de gens d'Eglise; mais pour ne se forcer pas de premier coup, ilz ne firent ceste premiere annee la que la moytié de ce quilz avoient promis, qui fut cause de reduire les six a troys.

  A011002558 

 Mais voiant quilz n'en tiennent aucun conte, je suis contraint de recourir a la bonté de Vostre Altesse pour la supplier tres humblement que, comme par son authorité et zele elle tira la promesse desditz seigneurs Chevaliers, il luy plaise aussy d'en faire sortir l'effait, commandant a ses officiers et ministres de Chablais de faire saisir sur le revenu des cures ces six pensions, au prouffit des trois curés dejaz constitués et de trois autres qu'on y establira tout aussi tost que l'on aura le moien de les entretenir.

  A011002559 

 Ce furent des bergers qui les premiers adorerent Nostre Seigneur né..

  A011002559 

 Ces bons paisans, deputés de plusieurs parroisses, vont supplier Vostre Altesse de leur doner moyen de refaire leurs eglises et d'avoir des pasteurs catholiques.

  A011002559 

 Je puis dire avec verité que la pluspart des vilages du balliage de Thonon sont de mesme vollonté; pour tous lesquelz je prie Dieu de tout mon cœur quil les fasse jouir des desirs quil a mis en eux, et supplie Vostre Altesse en toutte humilité qu'elle leur fasse voir la grandeur de l'affection qu'ell'a a l'honneur de Dieu, puisque l'acueil et faveur que leur simplicité recepvra de Vostre Altesse servira de mesure et de reigle a tout le reste de Chablais, et en fin mesme a ceux de la ville de Thonon, quoy quilz semblent maintenant revesches et rebelles a la lumiere.

  A011002560 

 Je pensois bien obtenir de Sa Sainteté la restitution universelle des cures des balliages, suivant l'expres consentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit, [320] si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les commandementz et le congé de Vostre Altesse.

  A011002572 

 On avoit defendu aux huguenotz de Thonon de sonner la cloche qui est en l'eglise des Catholiques.

  A011002599 

 J'ai reçu des lettres du P. Chérubin et de M. d'Avully touchant le dessein qu'ils ont conçu ensemble de célébrer les prières des [322] Quarante-Heures à Thonon le plus dignement possible; puis, après les Quarante-Heures, de proposer officiellement des disputes théologiques.

  A011002599 

 Tous les hérétiques des environs seraient invités à y assister, afin de ne négliger aucune tentative pour ébranler ces âmes infectées d'hérésie..

  A011002600 

 J'envoie donc leurs lettres à Votre Seigneurie Illustrissime; et, pour dire en même temps ce qu'il m'en semble, je vous prie de croire que, quant à l'exercice des Quarante-Heures, il ne peut être que très fructueux.

  A011002600 

 Un grand mouvement se produisit alors dans les consciences des hérétiques qui en furent témoins; un certain nombre d'entre eux se convertirent, et les Catholiques en reçurent une grande consolation.

  A011002601 

 Du reste, ce n'est pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort souvent par le collège de Tournon.

  A011002602 

 Cet Herman, qui jouit d'une très grande réputation auprès des hérétiques, a été appelé d'Allemagne parce qu'on le tient pour très subtil; toutefois, au témoignage dudit procureur fiscal, il s'est trouvé fort embarrassé avec le P. Chérubin..

  A011002612 

 Maintenant ilz m'escrivent de trois ou quattre endroitz que le bruit y est bien gros qu'a la solicitation des Bernois, on y redoublera le nombre des ministres pour y accroistre l'exercice de la nouvelle religion.

  A011002647 

 Je vous prie très humblement de commander à votre agent à Rome, de retirer lesdites expéditions des mains de Favret et de vous les envoyer.

  A011002649 

 Il ne se peut dire quelles excellentes dispositions on trouve en ce pays pour la foi catholique; mais elles demeurent infructueuses par le manque d'exercice du culte, lequel ne peut être rétabli sans des ecclésiastiques, et les ecclésiastiques ne peuvent être envoyés sans faire des dépenses et avoir besoin de revenus.

  A011002649 

 J'ai les lettres que Son Altesse Sérénissime adressait à Sa Sainteté pour prier le Saint-Siège de daigner retirer les paroisses du Chablais des mains profanes et les remettre à la disposition de [330] l'Evêque; mais, par suite de ma maladie, elles sont restées ici.

  A011002650 

 Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots.

  A011002651 

 Comme me semble que la faculté communiquée à M gr le Révérendissime de déléguer des ecclésiastiques pour l'absolution de l'hérésie expire à la fin de ce mois, il serait surtout urgent de la renouveler..

  A011002651 

 Il serait très à propos que Sa Sainteté voulût bien [331] pour la circonstance accorder, outre l'indulgence plénière, quelque grâce spirituelle, comme l'absolution des cas réservés; car en vérité, de ces côtés il y a beaucoup de gens qui, en ayant sur la conscience depuis dix et vingt ans, s'en déchargeraient en cette occasion.

  A011002651 

 La nouvelle s'en étant répandue dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fribourg, de Schwitz et du Valais; mais aussi des territoires hérétiques, comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confusion des ministres.

  A011002652 

 J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise..

  A011002653 

 Il a déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers; mais les subordonnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur..

  A011002653 

 Si on lui obéissait comme on le devrait, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes et, de plus, nous n'aurions pas [332] à causer tant d'ennui à Votre Seigneurie au sujet des pensions.

  A011002691 

 J'ai entre les mains les lettres que Son Altesse a écrites à Sa Sainteté et à MM. les Cardinaux, pour prier instamment le Saint-Siège de rendre la jouissance des cures des bailliages aux prêtres qui doivent y faire le service divin.

  A011002691 

 Mais maintenant je vois que ces lettres vieillissent; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette [335] affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si nous serons en vie! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protectrice de l'entreprise.

  A011002692 

 Il est temps désormais de presser d'un côté Genève à recevoir au moins l' Intérim, grâce à cette [336] paix, et de l'autre, de faire aux alentours de cette ville des œuvres pies en grand nombre: réforme d'abbayes, prédications, disputes, publication d'opuscules et choses semblables; car ainsi le renard crèvera dans sa tanière..

  A011002692 

 Quant au payement des six pensions promises en 1596 par les Chevaliers, aucun ordre n'a été donné, sinon l'année dernière pour trois; et cette année, pour aucune.

  A011002693 

 Les hérétiques publient à chaque instant des livres très pernicieux, tandis que plusieurs ouvrages catholiques demeurent entre les mains de leurs autcurs parce qu'on ne peut les envoyer sûrement à Lyon, et qu'ils n'ont pas d'imprimeur à leur disposition.

  A011002694 

 Je crois que la durée des pouvoirs accordés à M gr le Révérendissime touchant l'absolution des hérétiques est près d'expirer.

  A011002695 

 Je m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres semblables; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heureux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées..

  A011002728 

 Pour moi, qui n'ai en telles rencontres d'autre pouvoir que celui des soupirs et des désirs, il me suffit d'ouvrir mon cœur à Votre Seigneurie.

  A011002742 

 Que si je puys, a la prochaine je me rendray par dela, et sans honte ni autre apprehension je prendray logis chez vous, comme vous me commandes; car puysque je suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous ay, il ne m'importe meshuy de rien de l'estre tous-jours [341] plus; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connoistre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre tres et tres obligé, mais encores.

  A011002783 

 La devotion des Quarante Heures a esté retardee jusques au Dimanche et jour de saint Barthelemi, 23 et [345] 24 de ce moys.

  A011002789 

 Le R. P. Cherubin et toute la brigade des serviteurs de Dieu que nous avons icy vous salue tres affectionnement..

  A011002815 

 Des multitudes considérables, venues soit du côté du Valais, soit du [347] côté de Fribourg, comme aussi de tous les environs, se mettront en route cette semaine afin d'assister à une fête qui a été préparée pour la conversion de ces hérétiques.

  A011002815 

 Nous sommes sur le point de célébrer Dimanche, 23 de ce mois, les prières des Quarante-Heures en cette ville, avec l'agrément de Sa Sainteté et de Son Altesse.

  A011002815 

 On en espère un très grand fruit, à la gloire de Dieu et au salut des âmes..

  A011002816 

 S'il en est ainsi, très certainement la célébration des Quarante-Heures ne pourra aucunement se faire, car les habitants, chargés de soldats, ne sauront y assister; au contraire, comme ils l'ont déjà résolu, ils laisseront les maisons vides et passeront de l'autre côté du lac.

  A011002818 

 Nous dirons de plus que nous ne savons qui a pu lui indiquer cette route; car il y a près du lac, entre Evian et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.

  A011002848 

 C'est certainement fâcheux; mais nous devons obéir et croire, comme il convient, que ce retard apportera des fruits plus abondants..

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002849 

 J'ai voulu que vous en fussiez averti l'un des premiers, et, tant en mon nom qu'en celui du P. Chérubin, je vous offre nos meilleures salutations..

  A011002867 

 Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique.

  A011002869 

 Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent des trouppes de reitres dela le lac, c'est une bride a veau: est spaventa velliacho.

  A011002888 

 Puysque nous avons observé jusques a præsent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés..

  A011002927 

 Si toujours elle nous fut chère, elle doit maintenant nous être très chère, puisque nos affaires sont dans un tel état que nous avons besoin plus que jamais d'un protecteur et promoteur tel que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime l'a toujours été à notre égard; car du côté de Son Altesse on ne peut, on ne doit même espérer ni désirer que la continuation des œuvres très chrétiennes qu'elle a déjà accomplies.

  A011002929 

 C'est non seulement pour les grâces spirituelles, mais encore pour les temporelles que nous avons besoin d'un Jubilé, et ceci ne se peut différer qu'au grand détriment des consciences.

  A011002930 

 Malheur à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles: « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A011002930 

 Où en prendrons-nous? Les curés que l'on aura à placer ici ne doivent pas être des personnes à cinquante ducats; ils doivent avoir un autre ecclésiastique avec eux.

  A011002930 

 » Je veux dire qu'il faut que Sa Sainteté, ayant égard à l'importance de cette affaire, intime des ordres pour que les Chevaliers permettent [359] que les revenus des biens donnés à cet effet par la piété et la religion de nos pères et de nos ancêtres soient employés au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

  A011002955 

 Cette nouvelle inspire une incroyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi catholique; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclésiastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice..

  A011002970 

 Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province.

  A011002970 

 Mais enfin il s'est mis en route, et ayant, comme je l'espère, surmonté les difficultés des chemins, il a dû se prosterner déjà aux pieds de Votre Sainteté..

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011003007 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A011003339 

 Itaque accipio, quamquam illubenter et perinvitus, excusationem illam quam mihi Thovesius tuo nomine pro literis reddidit; sed ea lege, ut si posthac chartæ penuriâ ullius ex amicissimis meis literis mihi carendum sit, des operam et diligentiam aliorum ut omnium quotquot sunt, fuerunt et erunt, caream potius quàm tuis.

  A011003483 

 Non que j'estime quil y aye en tous de la malice (j'en ay congnu qui, hors le faict de la religion, pouvoient passer en monstre pour honestes hommes); mais je ne peux les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les plus habiles entre eux, d'un grand deffaut de jugement et de trop de presomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient maintenant des nostres..

  A011003490 

 Encor avois je a vous prier de m'ayder a me faire avoir responce des lettres que j'ay escrit a Geneve et addressé a l'hoste du Lyon d'Or, pour sçavoir si ces imprimeurs mettront la main a imprimer mes derniers Livres de Conjectures suyvant les promesses qu'ilz m'en ont faites toute ceste annee.

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003630 

 Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel vous m'escrivez a la premiere assemblee qui se fera, qui ne peut estre devant demain, 15 e de ce mois, et n'oublieray rien de ce que je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre recommandation; me resjouissant au reste des bonnes esperances que vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance, et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy, n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu: et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que son sçavoir..

  A011003631 

 Je suis retenu plus que jamais d'aller en Genevois jusques a ce que j'y aille pour une bonne fois, pour ne sembler vouloir courir au devant des honneurs; sinon que les lettres de monsieur de Charmoisy, mon cousin, ou quelque sien commandement ou vostre m'en fist naistre l'occasion.

  A011003631 

 [418] Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire.

  A011003651 

 Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur, lequel m'a remis voz dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le [419] greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur..

  A011003673 

 Despuis, j'ay receu une des vostres datee du jour de Sainct Thomas, non toutefois l'autre laquelle vous dites m'avoir escrit par autre voye..

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003694 

 [422] La faute est venue en partie des porteurs, en partie aussy de ce que j'ay esté absent de ceste ville pour certain appointement que je suis allé faire du costé de Belley.

  A011003695 

 Tant y a que voz scyndics de Tonon n'ont point esté icy pour se plaindre de vous, mais seulement pour presenter requeste a la Chambre des Comptes a cause de la gabelle du sel, a ce que leur Procureur mesme m'a asseuré.

  A011003698 

 Monsieur l'Evesque de Sainct Paul se recommande a vos bonnes graces et m'a asseuré d'avoir fait tenir vostre pacquet a Monseigneur [423] le Nonce, qui doit l'avoir receu ja des samedy dernier.

  A011003719 

 Dieu est bien le chef des Conseilz d'Estat, lesquelz se tiennent en ce tems par tout le monde; mais quand on vient a parler de luy et de ses affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblee, comme s'il en estoit seulement le president ou l'un des conseillers.

  A011003721 

 Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France, ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par consequent la chose ira a la longue..

  A011003741 

 Maintenant je me passeray [426] de luy, et au premier Conseil d'Estat, qui se tiendra demain comme j'espere, j'auray quelque bonne provision, a ce que me fait esperer monsieur le president Pobel, auquel j'en ay parlé ja des long tems et qui m'a promis toute la faveur qui luy sera possible.

  A011003741 

 Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de voz nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement.

  A011003761 

 Sil se fait quelque chose, je m'asseure que j'en seray adverty des premiers et que j'auray ce credit de m'y pouvoir treuver en quelque coin..

  A011004061 

 En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant; et Nous desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez.

  A011004079 

 A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires..

  A011004143 

 Si aultre ne retarde le Legat, il s'y treuvera des mardy prochain en six jours, non compris le mardy, et Nous un peu auparavant, ne le desirant pas moingtz que vous..

  A011004161 

 Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre ledict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry: ce que [451] Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat et au Cardinal Aldobrandin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000007 

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  A012000007 

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  A012000015 

 — Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais.

  A012000018 

 Retard que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare apportent à l'exécution du Bref apostolique.

  A012000018 

 — Activité des Genevois pour entraver les conversions.

  A012000018 

 — Persévérance des convertis; grâces qu'ils reçoivent de Dieu.— Demande de diverses faveurs 20.

  A012000020 

 — Espérances que fait concevoir le collège des Pères Jésuites.

  A012000022 

 Rupture des communications entre Annecy et Chambéry.

  A012000032 

 Constance des Catholiques de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois.

  A012000035 

 CXLI. A des amis (Minute inédite).

  A012000035 

 Départ précipité pour traiter des intérêts de la religion dans le pays de Gex. 48.

  A012000036 

 Le pays de Gex soumis à la France; intention du roi d'y rétablir la religion catholique; opposition des Genevois; démarches faites pour en triompher.

  A012000036 

 — Reprise des poursuites commencées au sujet de la coadjutorerie.

  A012000037 

 Prière de s'intéresser à la restitution des biens ecclésiastiques du pays de Gex. 51.

  A012000041 

 Bonnes intentions du roi de France en faveur des Catholiques.

  A012000043 

 Le Saint s'estime heureux d'entrer en relation avec ce personnage et lui promet des documents historiques.

  A012000044 

 Evangélisation des bailliages de Gex et de Gaillard.

  A012000044 

 — Avantages qu'apportera l'établissement de la Sainte-Maison; moyens de lui assurer des ressources.

  A012000044 

 — Prochain voyage du Saint à Paris pour négocier la restitution des biens ecclésiastiques.

  A012000049 

 — Lenteur des négociations poursuivies à la cour.

  A012000050 

 Difficulté et lenteur des poursuites faites à Paris; espérance de les voir aboutir.

  A012000055 

 Remerciements des avances affectueuses qui lui sont faites.

  A012000055 

 — Intérêt pour le monastère des Filles-Dieu.

  A012000061 

 Compte-rendu des négociations faites à la cour de France.

  A012000061 

 — Remerciements pour la remise des droits d'annates.

  A012000062 

 Combien l'établissement des Carmélites en France contribuerait à la gloire de Dieu.

  A012000064 

 CLXVIII. Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu.

  A012000064 

 — Danger des exemptions et des dispenses.

  A012000071 

 CLXXIV. A la Soeur de Soulfour, Novice au Monastere des Filles-Dieu.

  A012000078 

 Ne pas chercher au loin des directeurs à consulter.

  A012000080 

 Ordonnance relative au choix des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-Dieu. 107.

  A012000087 

 — Ne pas se préoccuper des dangers à venir.

  A012000090 

 Exposé des différends qui existent entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre-Dame de Liesse pour une question de préséance.

  A012000090 

 — Les usages des Chapitres de Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy. 120.

  A012000098 

 Prière de lui envoyer le bilan des comptes de la Sainte-Maison. 127.

  A012000101 

 Envoi d'une attestation relative à la conversion des bailliages de Chablais, Gaillard et Ternier.

  A012000102 

 Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du Chablais: pression exercée par les Genevois.

  A012000103 

 Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme; autorité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre.

  A012000106 

 Union créée entre les deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques.

  A012000107 

 Ordre de transférer à d'autres jours des aumônes générales. 140.

  A012000109 

 CCX. A M. Antoine des Hayes.

  A012000116 

 En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde: s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons jaculatoires.

  A012000118 

 — Canonicité des Livres des Machabées et de l'Apocalypse.

  A012000119 

 — Le Prieur est digne des libéralités de Son Altesse.

  A012000121 

 Opportunité de quelques modifications dans les lois relatives à l'immunité des églises 155.

  A012000126 

 — Eloge des Dijonnais: fruits de salut opérés parmi eux.

  A012000128 

 — Des comparaisons et des allégories.

  A012000128 

 — Des trois conditions nécessaires au prédicateur.— Fin qu'il doit se proposer: instruire et émouvoir.

  A012000128 

 — Disposition des matières; différentes méthodes à adopter selon la diversité des genres: sermons sur les mystères et les vertus, homélies, panégyriques.

  A012000128 

 — Objet de la prédication: l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est susceptible; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints; interpréter le « grand livre » de la création.

  A012000129 

 — Comment il faut se préparer à la mort: se détacher peu à peu des choses de la terre.

  A012000130 

 — Combien est utile la méditation des fins dernières; elle doit se terminer par des actes de confiance.

  A012000133 

 » — Assistance des pauvres et des malades.

  A012000133 

 — Pour l'éducation de ses enfants agir « a la façon des Anges.

  A012000134 

 Décadence de l'observance régulière dans la plupart des monastères de Savoie.

  A012000134 

 — Recours au Saint-Siège pour obtenir l'introduction des Feuillants au monastère d'Abondance 196.

  A012000136 

 Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard au sujet de la cure des Allinges.

  A012000139 

 — D'une certaine impuissance spirituelle et des tentations qui en dérivent.

  A012000139 

 — Indifférence à pratiquer dans l'acceptation des croix.

  A012000140 

 — Dignité royale des malades.

  A012000154 

 Les Bernois prétendent s'emparer des bailliages de Thonon et de Ternier.

  A012000157 

 — Recours à l'autorité de celui-ci pour obtenir la répression définitive des protestants.

  A012000162 

 — Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la Chambre Apostolique.

  A012000165 

 Ordres à donner pour la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage de Gaillard 233.

  A012000167 

 — On pourrait y pourvoir au moyen des revenus de l'abbaye de Filly.

  A012000168 

 Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A012000171 

 — Il serait nécessaire de subvenir à la gène des nouveaux convertis par la fondation d'un établissement approprié à leurs besoins.

  A012000172 

 Prière de plaider auprès de Sa Sainteté divers intérêts du diocèse de Genève: entretien des curés, création de prébendes théologales, requête des chanoines de la cathédrale, décimes de l'Evêque.

  A012000179 

 E. Lettre du Maire et des Échevins de Dijon.

  A012000194 

 Il a accordé la des-union des benefices de Chablaix, Ternier et autres balliages jusques a la somme necessaire pour le restablissement de la sainte religion et des pasteurs.

  A012000195 

 Il luy renvoye encores de prendre advis touchant l'affranchissement des talliables, sil sera expedient, et comm'il se pourra mieux faire..

  A012000196 

 Quand a la visite des monasteres, il l'accorde, et la fera faire le tems estant venu.

  A012000200 

 Le seul Cardinal Mathæi estant malade, nous retient encor sans autre [3] response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris admissum esset in mora, absolvit ad cautelam, et fera droit touchant la prætention que vous aves d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation; mais il ni a pas moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer..

  A012000201 

 Et parce quil ni a point de Nonce en France, il a fallu attendre qu'on en deputast un, qui est Monseigneur de Modene, lequel est arrivé icy et prend ses memoires pour partir, et entre autres il en aura des bonnes pour nos affaires, comme m'a dit encor ce mattin le Cardinal Aldobrandino.

  A012000204 

 Or, nous esperons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en presence du tems et loysir que nous avons fait des nostre despart; ce ne sera jamais si tost que je le desire.

  A012000256 

 Entre autres discours, Son Altesse vint à me parler de Votre Paternité en des termes aussi honorables qu'on peut l'attendre d'un [9] tel prince, non cependant sans un affectueux ressentiment au sujet de l'évêché refusé,.

  A012000259 

 Cependant MM. les Chevaliers de Saint-Lazare sachant que j'étais porteur du Bref de Sa Sainteté qui confère à M gr de Genève l'autorité d'appliquer à la subsistance des curés, des pasteurs et des prédicateurs les revenus qu'ils ont sur les paroisses converties, me font citer pour rendre raison de mon administration.

  A012000292 

 Revu sur l'Autographe conserve à Turin, Archives de la Grande Maîtrise des Saints Maurice et Lazare.

  A012000298 

 Il reste que Votre très Illustre Seigneurie, de son côté, ne tarde pas à s'y rendre, afin de terminer ce qui concerne [13] le service de Dieu et des âmes dans ces bailliages de Thonon et Ternier, puisque je vois que Votre très Illustre Seigneurie a été nommée pour assister à l'exécution du Bref du Siège Apostolique..

  A012000310 

 Grand Prieur de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare en Piémont,.

  A012000368 

 Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la difficulté des passages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime et que, de notre coté, nous ne pouvons lui en expédier aussi facilement que nous le devrions et désirerions..

  A012000369 

 Et l'on ne peut nier qu'il ne soit coupable en cela, ou d'une extrême négligence, ou d'un retard affecté pour maintenir l'injuste possession des Chevaliers relativement à ces bénéfices; bien que l'on retire une partie du revenu pour l'exercice du culte catholique, cela se fait cependant avec tant de difficulté que la chose ne peut réussir..

  A012000369 

 Et même les ecclésiastiques établis de ces côtés n'ont pas les provisions strictement requises à leur entretien; de sorte que si M gr notre Révérendissime Evêque ne les avait charmés par des caresses et de belles paroles, il n'en serait pas resté la moitié.

  A012000369 

 La cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime ayant député M. le premier Président du Sénat et M. le chevalier de Ruffia pour assister à la répartition que M gr l'Evêque doit faire, selon l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires aux curés, prises sur les bénéfices des bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je partis de Turin, devait venir immédiatement, n'a jamais paru.

  A012000369 

 Me trouvant maintenant à Chambéry, je puis écrire à Votre Seigneurie, et lui dire que si bien les affaires de la conversion du Chablais et des autres bailliages ne reculent pas, de même aussi n'avancent-elles pas beaucoup; car le progrès dépend des offices et des exercices du culte catholique qui, faute d'argent et d'autres moyens [17] nécessaires, ne peuvent se faire avec la décence et l'éclat qui seraient convenables dans ces commencements.

  A012000370 

 Cependant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'hérésie.

  A012000370 

 D'autre part, les Genevois et d'autres ennemis des environs ne [18] manquent pas de s'opposer au progrès de la sainte négociation en répandant des menaces et des bruits de guerre.

  A012000370 

 Ils répandent aussi des livres et des écrits, et envoient secrètement parmi ces populations des espions et des corrupteurs d'âmes; et en toute façon, leur diligence pour le mal condamne la négligence des Catholiques pour le bien.

  A012000371 

 J'attends aussi l'annonce de la dérision que Sa Sainteté aura prise relativement à la mission des [19] PP. Jésuites, dont Votre Seigneurie me parla quand je lui baisai les mains près de Chieri.

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000373 

 Il s'agit de pauvres gens qui ont... échangé des promesses de mariage; voulant ensuite en venir a l'exécution, on a découvert qu'ils étaient parents au troisième et quatrième degré, ce qu'ils n'avaient pas su jusqu'alors.

  A012000374 

 Je ne laisserai pas de vous demander encore quelle est l'intention de Sa Sainteté touchant la réforme des monastères de Savoie, œuvre nécessaire autant qu'il se peut dire..

  A012000416 

 Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M gr de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité; mais c'est un Prélat [23] de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire..

  A012000419 

 Ce Père m'a dit, il est vrai, que non seulement il faudrait avoir l'argent au moment de l'arrivée des Pères de la mission, mais qu'il serait bon d'en avoir d'avance pour fournir aux frais de voyage depuis le lieu de leur résidence jusqu'ici..

  A012000419 

 J'écris au P. Provincial des Jésuites pour hâter la venue des six Pères que Sa Sainteté veut entretenir à ses frais; je suis sûr que nous les aurons au commencement du mois prochain, ce qui sera une grande consolation pour les pasteurs et pour le peuple.

  A012000420 

 Je n'écrirai pas encore à Votre Seigneurie Illustrissime touchant les particularités nécessaires à connaître pour la supplique que j'ai présentée relativement aux prébendes théologales; car je n'ai conservé ni dans mes papiers ni dans mes souvenirs le nombre des abbayes et des monastères capables de supporter cette dépense; mais M gr le Révérendissime étant à Annecy m'en enverra l'indication exacte, tirée de ses livres de visite, et aussitôt j'en donnerai un compte-rendu détaillé [27] à Votre Seigneurie, que je supplie de vouloir bien me pardonner si, étant distrait par une multitude d'affaires, je lui écris si mal..

  A012000427 

 Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de me pardonner si j'ose expédier à Rome par son entremise la lettre ci-jointe, n'ayant d'autre moyen à cause de la difficulté des passages.

  A012000437 

 Et crois que Sa Sainteté n'aura que tres bonne satisfaction du rapport qu'il aura de l'estat de ces affaires; mesmement apres ce bon commencement donné pour le college des PP. Jesuites, l'une des pieces fondamentales de tout ce saint edifice.

  A012000493 

 Non pas que la contagion soit à Annecy, par la grâce de Dieu; mais le seul respect dû à la personne du prince exige que nul venant des lieux qui ont été infectés, encore qu'ils soient entièrement purifiés, ne se présente à la cour que longtemps après la quarantaine.

  A012000496 

 Je vous envoie une longue information au sujet de l'érection des prébendes théologales; vous y trouverez tous les renseignements que vous désiriez de moi.

  A012000496 

 Si j'ai été longtemps avant de l'expédier, la distance des lieux et des abbayes dont je parle est la seule cause de ce retard..

  A012000499 

 Avant tout il faudra, s'il est nécessaire, la mettre en sécurité à l'égard de l'Inquisition, et, dans ce cas, je me prévaudrai auprès des inquisiteurs de la charité de Votre Seigneurie Illustrissime..

  A012000534 

 Son Altesse a une très ferme intention d'embrasser cette œuvre des deux bras, ayant chargé M. d'Avully d'en prendre soin.

  A012000535 

 Le P. Recteur des Jésuites m'a soulevé une difficulté touchant les pouvoirs qui nous ont été concédés pour absoudre les hérétiques; à savoir, que la veille de Noël de l'année jubilaire Sa Sainteté a coutume de déroger généralement à tous les privilèges précédemment accordés.

  A012000564 

 Mais si la divine Bonté a donné jusqu'à présent des témoignages de protection à cette œuvre, il me semble qu'en voici un très signalé et très certain, à savoir, que le Souverain Pontife en prenne le soin et la sollicitude qu'il a coutume d'avoir pour ce qui touche le service du Sauveur, dont il est le lieutenant sur la terre..

  A012000564 

 Si l'œuvre difficile et laborieuse de la conversion de ces provinces ne provenait de Dieu, il y a longtemps qu'elle serait ruinée; car les empêchements et les obstacles n'ont point manqué, et ils ont été en si grand nombre et de telle nature qu'ils n'auraient jamais pu [42] être surmontés par des moyens humains.

  A012000566 

 Voyant donc le projet arrêté et le fondement solide de ce mur pour la maison d'Israël dans ces confins des Philistins, j'en loue d'abord la divine Bonté; je remercie ensuite en toute humilité Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime des secours si nombreux qu'Elle a accordés et qu'Elle accorde encore à ce saint édifice.

  A012000593 

 En attendant elle pensait écrire à l'abbé d'Abondance afin qu'il donne audit docteur, pour cette [47] année, deux des cinq ou six prébendes vacantes de son abbaye, lesquelles sont mises dans le trésor commun par les administrateurs.

  A012000593 

 Mais toutes ces faveurs ne sont que des témoignages de la bonté du prince et, du reste, aliment de caméléon..

  A012000604 

 Cependant que j'ay suivi le proces que j'ay eu avec messire Nicolas Balli pour la parrochiale du Petit Bornand par devant les juges lais pour le possessoire, j'ay laissé en surseance la poursuitte de l'adjournement que j'avoys eu a Vienne des que maistre Coquin se presenta pour moy et vous constitua mon procureur, il y a environ deux ans.

  A012000639 

 Il est vrai que jusqu'ici ils n'ont eu à souffrir que des menaces, car ces hérétiques ne se sont point mis en campagne.

  A012000639 

 Mais la crainte que le roi ne vînt à employer ces [50] infidèles eût été suffisante pour ébranler considérablement le faible courage des convertis.

  A012000639 

 Menacés tantôt par les incursions des Genevois, tantôt par celles des Bernois, ils sont cependant demeurés fermes en notre sainte religion.

  A012000640 

 La plupart des curés restent dans leurs paroisses, bien que quelques-uns des plus timides se soient retirés pour voir comment finiront les choses..

  A012000640 

 Les Pères de la mission sont encore en Chablais, quoique dispersés en différents endroits par crainte des Genevois et des Bernois.

  A012000640 

 M gr de Vienne s'était retiré en un lieu de ce diocèse, qui appartient, quant à la juridiction temporelle, partie à la Savoie et partie aux Valaisans; mais ceux-ci lui ont fait intimer l'ordre de se retirer, sous peine de confiscation des biens qu'il possède sur leur territoire.

  A012000640 

 M gr notre Révérendissime Evêque est encore assez malade, soit par suite des fatigues endurées en Chablais le mois dernier, soit à cause du chagrin qu'il éprouve en voyant nos affaires s'engager en une aussi mauvaise voie.

  A012000735 

 Je lui donnerai en [57] même temps une consolation: celle de lui apprendre que si bien à Thonon et à Ternier, d'où je revins seulement le Dimanche de la Quinquagésime, on a beaucoup souffert sous le gouvernement de M. de Montglat, huguenot, et par les diverses embûches des Genevois (à Ternier surtout ils ont exercé une tyrannie, et commis à l'égard des choses sacrées des indignités qui ne se peuvent dire), néanmoins, malgré tout cela, parmi un si grand nombre de convertis il ne s'en trouvera pas quatre qui soient retombés, et encore sont-ils de basse condition.

  A012000735 

 Reste donc à mettre désormais à exécution le Bref de Sa Sainteté relatif à l'application des biens ecclésiastiques à l'usage des pasteurs et des curés, sans intrigues de ces bénis Chevaliers.

  A012000736 

 Je vous en supplie aussi moi-même, baisant très humblement vos mains sacrées, et priant Dieu de nous faire jouir longues années des fruits de votre protection..

  A012000751 

 Mays sil vous plait d'en venir [60] a l'amiable et prendre un des premiers jours apres Pasques, vous series bien tost expedié.

  A012000757 

 Je n'ay pas parlé des 150 escus baillés au conte de Tournon par ce que je n'entendois pas bien l'affaire..

  A012000795 

 C'est pourquoi je dois vous remercier d'abord, comme je le fais très humblement, des faveurs infinies dont, par votre bonté, vous m'avez comblé pour ma consolation et pour le bien de cette province, de laquelle vous êtes non seulement le bienfaiteur signalé, mais aussi le père très aimant.

  A012000796 

 Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domination du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité.

  A012000796 

 Toutefois, je ne laisserai pas de donner à Votre Seigneurie des [62] nouvelles de nos affaires aux environs de Genève.

  A012000797 

 Mais quant au moyen de doter les églises, la difficulté est très grande pour les mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici: c'est-à-dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M. le Prévôt du Grand-Saint-Bernard qui, sous certaines prétentions de nominations qu'il [63] avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a jamais paru au temps du labeur, veut maintenant s'emparer des bénéfices; de sorte que, craintes au dehors, combats au dedans.

  A012000798 

 Il est vrai que ce bailliage n'étant pas très éloigné des nouveaux Catholiques du Chablais d'un côté, et des anciens de notre côté du Genevois, les habitants étaient déjà à moitié instruits de la sainte religion.

  A012000798 

 Voilà donc que M gr notre Evêque aura de nouvelles fatigues pour envoyer des ouvriers en cette vigne, et leur procurer les provisions nécessaires..

  A012000800 

 Et parce que j'ai l'habitude de vous présenter toujours quelque requête pour ma consolation particulière, je vous demanderai de vouloir bien vous rappeler des prébendes obtenues pour M. Nouvellet, vétéran de la milice ecclésiastique, dont M. de Villette vous parlera plus amplement..

  A012000847 

 L'une concerne l'extension de la sainte foi près de Genève, dans le bailliage de Gex, qui appartient à ce diocèse, et s'étend des confins de la Bourgogne et du pays des Bernois jusqu'à un demi-mille de Genève.

  A012000848 

 Mais ceci est peu de chose si le Saint-Siège n'emploie fortement [71] son autorité auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux Genevois, on exécute cette restitution des biens de l'Eglise; par ce moyen, ces hérétiques recevront le plus grand affront qu'on leur ait jamais fait jusqu'à présent.

  A012000848 

 Sans cette mesure, la religion ne pourra être rétablie; car il est impossible de pourvoir ce pays de pasteurs si on ne pourvoit les pasteurs des ressources nécessaires et d'une église.

  A012000849 

 C'est que, ma famille ayant beaucoup souffert par le malheur des temps passés, et me trouvant privé de mon père depuis trois mois, je ne suis pas en mesure de faire une grande dépense.

  A012000849 

 Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi; de plus, il y a tant de travaux à supporter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne..

  A012000879 

 Or, parce que si cette restitution a lieu, ce sera l'un des plus grands coups qu'aient reçus jusqu'ici ces hérétiques, il m'a semblé convenable d'informer de toutes ces choses Votre Seigneurie, afin qu'Elle aussi emploie son saint zèle à favoriser cette entreprise en la recommandant au Saint-Siège.

  A012000895 

 Neanmoins je n'ay encor peu tirer d'eux pleyne resolution, et en ay trouvé des autres qui sont si avant en leur opiniastreté que mesme ilz refusent leurs aureilles a la sainte parole, et ne veulent se prester a aucune rayson; gens ignorans et qui d'ailleurs sont de nulle consideration.

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000897 

 Et toutefois on estime qu'il ny aura aucun mescontentement pour ce regard; et quant il y seroit, quil ne devroit entrer en aucune consideration aupres de Vostre Altesse, qui n'a que faire d'incommoder ses saintes intentions pour gratifier des gens qui, en cas pareil, ne voudroyent en rien s'accommoder au gré de Vostre Altesse..

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000935 

 Le roi très chrétien a écrit le 17 octobre à M gr l'Evêque de Genève d'envoyer au bailliage de Gex, récemment soumis à sa [81] couronne, des pasteurs et des curés capables pour y rétablir l'exercice de la sainte foi catholique, selon la teneur du décret de l' Intérim fait pour le reste de la France.

  A012000936 

 Autant que j'ai pu le découvrir, le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon prétexte pour enlever lesdits revenus à cette ville, sans offenser les cantons hérétiques des Suisses et la reine d'Angleterre qui font beaucoup d'instances en faveur des Genevois; et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de refuser une si juste requête..

  A012000936 

 Entre autres choses, on a parlé des revenus de l'Evêque et du Chapitre de Genève et de ceux de Saint-Victor, usurpés par les [82] Genevois, ainsi que des moyens à prendre pour les recouvrer.

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000950 

 Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex et moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses.

  A012000959 

 Il y a un article en la paix qui porte que un chacun des deux princes possederà les terres qui luy demeurent a mesmes termes qu'elles estoyent auparavant la guerre.

  A012000974 

 Car ayant pieça beaucoup honnoré vostre nom, sous lequel tant de beaux ouvrages, marqués d'une rare vertu et doctrine de leur autheur, paroissent aux yeux du monde, j'ay aussi des lhors fort souhaitté lhonneur d'estre en vostre connoissance; non que je cuyde y pouvoir entrer que pour fort peu de chose, mais parce que ça tous-jours esté une honneste ambition a ceux qui ont la vertu en reverence, de rechercher la bienveuillance de ceux qui en ont la possession.

  A012000974 

 Un mien ami demeurant a Lion m'a demandé quelques memoires sur les particularités de la revolte de Geneve, des conversions qui se font aupres et du tems auquel le P. Justinien en a esté Evesque.

  A012000975 

 Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises pour s'en bien servir.

  A012000975 

 Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous envoyeray..

  A012001007 

 Je vais maintenant rendre compte à Votre Seigneurie des progrès [de la religion] dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très heureux, non seulement à Thonon et Ternier, car cela est désormais ancien; mais aussi, tout récemment, dans les bailliages de Gex et de Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de Genève.

  A012001008 

 Or, parce que M gr l'Illustrissime Nonce de France écrit qu'il en a reçu l'ordre du Saint-Père, et qu'il ne lui manque qu'un des nôtres pour lui donner une plus particulière connaissance de nos raisons, j'espère partir pour Paris la troisième fête de Noël, afin d'accomplir cette mission.

  A012001009 

 Aujourd'hui elle est dans l'état et a l'apparence d'une maison sortie depuis peu d'entre les mains des soldats et des hérétiques, c'est-à-dire ruinée, et semblable à une cabane destinée à retirer les fruits..

  A012001009 

 Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons; ce sera un asile assuré et une maison de refuge, afin que des âmes innombrables soient sauvées.

  A012001009 

 Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et brisera la tête venimeuse du serpent qui s'est refugié à Genève et à Lausanne; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible.

  A012001010 

 On pourrait y remédier par les moyens suivants: il faudrait que le Saint-Siège prît sous sa très spéciale protection cet établisse-ment de Thonon, et que, dans ce but, il employât le concours des princes catholiques; que le Sérénissime duc fît ceindre cette ville de murailles, ce qui, de l'avis de personnes expérimentées, peut se faire [92] en peu de temps; que l'on usât d'une grande charité et libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y appliquât largement les revenus de bon nombre d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant les réserves de droit.

  A012001010 

 Un si beau dessein peut être entravé par les incursions des Genevois et des Bernois, s'ils voulaient en faire, et par la pauvreté de ces pays.

  A012001011 

 Il a composé des ouvrages, mais peu estimés et non imprimés.

  A012001012 

 Je prie Dieu de vous conserver de longues années sain et sauf pour le bien des âmes..

  A012001025 

 Nous avons deux proces, ou mediatement ou immediatement, avec le procureur Chappaz: l'un est en estre, celuy des Miucet; l'autre n'est qu'au projet dudit Procureur, qui est celuy quil prætendoit mouvoir pour la [95] mayson de monsieur Jan de la Thuille.

  A012001027 

 Je finis, et dis que je suis d'advis qu'on prenne jour avec des bons arbitres, [ce] qui pourroit attendre le retour de monsieur le President; il le desire, et il seroit le mieux.

  A012001045 

 Me voyci a Messemieu avec monsieur nostre Præsident, et chez luy, devans partir tous deux aujourdhuy pour aller a Dijon, luy, a la solicitation d'un proces qui luy est important, moy, pour y trouver monsieur le mareschal de Biron et monsieur le baron de Lux desquelz je prætens obtenir une puissante recommandation aupres du Roy, ou, des Dijon, je m'achemineray pour nos affaires de Gex desquelz voyci l'estat..

  A012001046 

 Monsieur le baron de Lux, au nom du Roy, conduisit Monseigneur le R me au balliage de Gex sur le commencement du moys passé, et luy donna trois parroisses pour y exercer la religion catholique: la ville de Gex, [98] Farges et Asserens, et en consequence, bailla mainlevee a mondit Seigneur R me des revenuz ecclesiastiques desdites parroisses.

  A012001048 

 A mon despart du pais j'ay laissé tout en santé, les vostres et les nostres, specialement madame vostre partie, laquelle estoit a Polinge quand Monseigneur le R me estoit a Gaillart a la benediction des eglises, ou je fus; et, sur mon chemin, visitay les freres et seurs audit Pollinare et Mairens..

  A012001049 

 Je bayse mille fois les mains a nostre R. P. Juvenal, auquel j'escriray des Paris de statu rerum omnium.

  A012001069 

 Je suis marry que la despence soit si grande que des-ja nous soyons en faute d'argent; toutefois, ce n'est ni faute d'espargne ni faute de soin, mays parce que tout nous a esté fort cher.

  A012001089 

 Je desirois infiniment de faire que Madame vous envoyast argent et, quant et quant, congé pour revenir aupres de madame ma seur, laquelle commença des-ja a vous attendre des vostre despart.

  A012001093 

 Monsieur de Quoex vostre oncle m'a escrit des Merly qu'un de ces jours il viendra icy me consoler, et je luy ay escrit que sil ne vient, je l'iray treuver..

  A012001096 

 Or, ne sçai je si ledit prieuré est deça ou dela le Rosne; car sil estoit deça, necessairement on le voudroit reduire a la forme des benefices de France.

  A012001097 

 J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes.

  A012001153 

 Je m'essayeray a me desvelopper le plus tost que je pourray, [109] mais le train des affaires est si malaysé en ceste court que quand on pense estre delivré, on est le plus embarrassé.

  A012001173 

 Vos premiers desirs ayans tenu lieu de commandemens sur ma volonté lhors que vous jettastes les yeux sur ma petitesse pour le discours funebre de feu monsieur le duc de Mercœur, je dois recevoir avec le mesme respect les tesmoignages des seconds, souffrant, Madame, que la piece soit mise au jour et donnee au public, puisque vous l'aggrees..

  A012001174 

 Ce qu'il y a de plus considerable c'est le sommaire tres fidelle des rares et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé.

  A012001174 

 Et si bien l'escrit que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de duree que ma voix n'en a eu en les prononçant, ce sera plus par la consideration des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant..

  A012001175 

 Au reste, si mon affection et bonne volonté n'estoit garante de ma sincerité et obeissance, la plus belle partie, qui en a esté obmise, auroit rayson de se plaindre; mais ayant entrepris seulement de faire un simple eloge et sommaire de ce qui estoit convenable au tems, au lieu et a l'assemblee, j'ay deu laisser a l'histoire, qui reserve des volumes entiers pour une si belle vie, de suppleer a mon defaut, me contentant du nom et du devoir de panegyriste, dont j'ay tasché de m'acquitter.

  A012001189 

 J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de vostre retour que vous desires; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy Madame asses disposee; niais les executions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste.

  A012001191 

 J'attens aussi que vous me donnies advis des remerciemens que j'auray a faire.

  A012001191 

 Mes freres m'escrivent que par deux diverses voÿes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les [114] 200 escus quil faut pour les escritures, propines, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz.

  A012001192 

 Je desirerois fort de sçavoir quelle resolution le seigneur Persiani aura prinse pour garantir son prieuré en ceste court; car j'apprens tous les jours qu'il y survient des nouveaux competiteurs, et entr'autres un filz de monsieur Des-Aires, conseil (sic) en la court de Parlement.

  A012001212 

 Mais je pense bien avoir asses de vraye et franche affection pour correspondre a la faveur que vous me faittes de m'aimer, si ell'est mesuree par l'estendue de son acte et non pas par le merite de l'agissant; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison..

  A012001213 

 J'accepte tout ce que vous me donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la benediction des enfans que Dieu vous a donnés, affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence: Beatius est dare quam accipere.

  A012001214 

 Je n'ay eu la commodité des vostre despart de visiter mes dames Filles de Dieu sinon une fois en ces octaves, que je leur presentay un metz du grand festin qui se celebroit en ce tems-la; mais je me suis obligé de leur en porter un autre sur le mesme sujet.

  A012001216 

 Croyes que j'en suis infiniment marri; mais, si je puis, je ne perdray qu'en l'attente, car estant despeché je retarderay plus tost quelques jours pour rencontrer l'occasion de recevoir ce bien, et lhors je vous diray plus de nouvelles du dessein des Religieuses reformees que je ne sauroys faire maintenant, car Sa Majesté en aura receu la requeste et declairé son bon plaisir.

  A012001244 

 Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001328 

 Quant au reste, le roi lui-même nous représenta la dureté des temps: « Je désirerais plus que nul autre, » dit-il, « l'entier rétablissement de la religion catholique, mais mon pouvoir n'égale pas mon bon plaisir; » et semblables propos.

  A012001351 

 A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, princesse de Longueville, très illustre non seulement par la noblesse des [131] princes de sa maison, mais encore, ce qui est le principal, par son amour pour le Christ, ayant projeté de fonder à Paris un monastère de femmes de l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de m'adjoindre à d'autres théologiens d'une piété éminente et d'un profond savoir pour délibérer ensemble sur ce projet de fondation.

  A012001352 

 Ils pourraient ainsi au fur et à mesure remédier à chacune des difficultés que les circonstances des lieux et des temps feraient surgir..

  A012001352 

 Une chose toutefois nous préoccupait: il semblait impossible d'introduire maintenant en France des Frères du même Ordre pour gouverner ce monastère.

  A012001365 

 Sil vous plaist me faire ce bien de l'en supplier avec moy, vous aures tous-jours tant plus de rayson de le vous promettre, et moy de l'esperer comme l'un des plus grans contentemens que j'aye jamais souhaitté..

  A012001366 

 Permettes moy ce pendant que je vous salue des icy, attendant que bien tost j'aye le bonheur de me voir en vostre ville, a laquelle je desire toute benediction du Ciel, et de laquelle je suis entierement comme de vous,.

  A012001375 

 Revu sur le texte inséré dans le Registre des Délibérations municipales d'Annecy.

  A012001386 

 Que si elles me mettent en danger de quelques inquietudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet au mouvement des vens et de la maree.

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit donner; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection; que vous estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect.

  A012001389 

 Mes cheres Seurs, on m'a dit qu'il y a en vostre mayson des pensionnettes particulieres et des proprietés, dont les malades ne sont pas esgalement secourues, et les saines ont des particularités aux viandes et habitz sans necessité, et que les entretiens et recreations n'y sont pas fort devotes.

  A012001390 

 Certes, il faut que vous soyes sans tache ou macule apparente; mays ne sont ce pas des macules bien noires et manifestes que ces defautz et grans manquemens que j'ay marqués ci devant, et principalement en une telle mayson? Il les faut donq corriger.

  A012001390 

 L'aigneau pascal doit estre sans macule vous estes des aigneaux de la Pasque, c'est a dire du passage, car vous aves passé de l'Egypte du monde au desert de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promission.

  A012001391 

 La fille de Babylone est miserable; oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petitz contre la pierre. Le desordre, le desreglement des Religions est vrayement une fille de Babylone et de confusion; ah, que bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que les commencemens, ou plustost les terrassent ou fracassent a la pierre de la reformation.

  A012001391 

 Prenes moy, dit le Cantique, ces petitz renardeaux qui ruinent les vignes; ilz sont petitz, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera lhors qu'ilz auront des-ja tout gasté.

  A012001392 

 C'est aussi une grande tare a la bonté de vostre mayson d'y avoir des pensions particulieres et semblables defautza, apres que l'on y veu tant d'autres qualités luables; soyés donq fideles en la reformation de ces menues imperfections, affin que vostre Espoux vous constitue sur beaucoup de perfections et qu'il vous appelle un jour a sa gloire..

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001393 

 Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit; mais si vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux.

  A012001394 

 La chair et partie corporelle n'engendre qu'Ismaël: c'est le soin et desir des choses exterieures et temporelles.

  A012001396 

 Bien souvent les Superieures plient ce qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher; et la permission, par apres, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble perdre petit a petit sa laideur et difformité.

  A012001396 

 C'est des-ja un mauvais mot que celuy de permission et licence parmi l'esprit de perfection: il seroit mieux de vivre sous les lois et ordonnances que d'avoir des exemptions, licences et permissions.

  A012001396 

 Vous voyes des-ja un sujet de reformation.

  A012001397 

 Il y a des permissions qui peuvent estre aucunement bonnes, mais celle cy ne l'est pas, car c'est en fin une proprieté, quoy que voilee et cachee; c'est l'idole que Rachel tenoit cachee sous sa robe.

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001399 

 C'est bien fait de ne point dire inutilement les defautz que l'on voit dans les maysons et de ne les point [145] manifester; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui peuvent estre utiles pour y donner remede, c'est un amour des-ordonné.

  A012001399 

 Je pense que vous en pouves bien dire autant de vostre mayson: elle est belle et vertueuse, c'est la verité; mais la longueur du tems et des annees a un petit alteré son teint.

  A012001400 

 Il y a en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes; a Venise les particuliers ne sont pas si riches qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des particuliers empesche celle du public.

  A012001401 

 Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres ecclesiastiques devons faire; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas defendu aux mondains; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en ceste mesme Providence comme les Religieux; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.

  A012001402 

 David admire comme Dieu nourrit les petitz poussins des corbeaux; aussi est ce chose admirable.

  A012001403 

 Je loue leur methode, bien que ce ne soit pas la mienne, sur tout a l'endroit des espritz nobles et bien nourris comme sont les vostres; je croy qu'il est mieux de leur monstrer simplement le mal, et leur mettre le fer en main affin qu'ilz fassent eux mesmes l'incision.

  A012001405 

 Pries Dieu par des oraisons communes et distinctes a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la grace.

  A012001405 

 Vous aves des-ja fait la premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté: mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres? Marchés plus avant, achevés la journee: mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la sainte Parole, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens..

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001406 

 Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns des plus spirituelz qui sont a l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas.

  A012001406 

 Ce sont gens extremement bons a cela, des espritz doux et gracieux, condescendans quand ce vient a l'effect, bien que leurs reprehensions semblent un petit aspres et mordicantes.

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001407 

 Il me fasche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de vostre mayson, esclaves sous ces menues imperfections, et, comme parle l'Escriture, de voir vostre vertu reduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite souilleure, et un vin exquis, par le meslange de l'eau.

  A012001407 

 Je suis indigne d'estre escouté, mais j'estime vostre charité si grande que vous ne mespriseres point mon advis, et croy que le bon Jesus ne m'a pas donné tant d'amour et de confiance en vostre endroit qu'il ne vous aye donné une affection reciproque de prendre en bonne part ce que je vous propose pour le service de vostre mayson, laquelle je prise et honnore a l'esgal de toute autre, et l'estime une des bonnes que j'aye veües.

  A012001425 

 Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre incommodité, neanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guere de peyne..

  A012001459 

 Il ni a remede: nous aurons tous-jours besoin du lavement des piedz, puisque nous cheminons sur la poussiere.

  A012001459 

 J'ay eu le bien de faire un peu de recollection et exercice en l'assistence du P. Forier, l'un des excellens Jesuites que j'aye rencontré, avant mon sacre.

  A012001459 

 Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe.

  A012001519 

 En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies difficiles du gouvernement des églises, et que son bon [161] Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne l'abomination de la désolation.

  A012001535 

 Vous me demandes si vous deves recevoir et prendre des sentimens; que sans eux vostre esprit languit, et neanmoins vous ne pouves les recevoir qu'avec soupçon et vous semble que vous les deves rejetter.

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Recevés les donq, dis je, ma tres chere Seur, vous estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Medecin vous donne du vin, nonobstant les fievres des imperfections qui sont en vous.

  A012001540 

 Et pour vous, j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la creature; mays je pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la creature, et neanmoins de Dieu, car il me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens.

  A012001540 

 Mais quand ilz seroyent de la creature, encor ne seroyent ilz pas a rejetter, puisqu'ilz conduisent a Dieu, ou au moins qu'on les y conduit; il faudroit seulement prendre garde a ne se point laisser surprendre, selon les regles generales de l'usage des creatures..

  A012001541 

 Or, je vous dis en verité, comme il est escrit au Livre des Rois: Dieu n'est ni au vent fort, ni en [166] l'agitation, ni en ces feux, mais en ceste douce et tranquille portee d'un vent presque imperceptible.

  A012001543 

 De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie; ni nous en contrister, car il n'y a remede; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement; car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissees, n'estans pas excusables de n'en rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de [167] ne le faire pas entierement, car il n'en prend pas des imperfections comme des pechés..

  A012001545 

 Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante et estrange.

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001546 

 Ne fuyés pas la compaignie des Seurs, encor qu'elle ne soit pas selon vostre goust; fuyés plustost vostre goust, quand il ne sera pas selon la conversation des Seurs.

  A012001547 

 Au demeurant, quand il vous viendra des doutes en ceste vie que vous aves entrepris de suivre, je vous advertis de ne vous pas attendre a moy, car je suis trop loin de vous pour vous assister, cela vous feroit trop languir; il ne manque pas de peres spirituelz pour vous ayder: employés les avec confiance.

  A012001547 

 Ce n'est pour desir que j'aye [169] de ne recevoir pas de vos lettres, car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les desire, voire avec toutes les particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la presente vous tesmoignera asses que je ne me lasse pas de vous escrire); mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagee de l'ennemi..

  A012001548 

 Si vous sçavies la grande multiplicité des affaires que j'ay et l'embarrassement ou je suis en ceste charge, vous auries pitié de moy et prieries quelquefois Dieu pour moy, et il l'auroit bien aggreable..

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 Il faut avoir esgard aux vielles: elles ne peuvent s'accommoder si aysement; elles ne sont pas souples, car les nerfz de leurs espritz, comme ceux de leurs cors, ont des-ja fait contraction..

  A012001565 

 Au demeurant, Madame, ne doutés point que je ne vous communique et applique beaucoup des sacrifices que Nostre Seigneur me permet de luy presenter.

  A012001577 

 Je vous remercie de l'advis que vous me donnés touchant la resolution de messieurs de Saint Claude et du soin quil vous plait avoir de cet affaire pour la gloire de Dieu et le bien des brebis quil m'a commises.

  A012001596 

 Je receu nagueres une des lettres quil vous a pleu m'escrire, si pleyne de tesmoignages de vostre bienveuillance que je n'en pourray jamais tant meriter.

  A012001625 

 Faites le, je vous supplie de tout mon cœur, et je prie Nostre Seigneur qu'il accroisse en vous ses saintes consolations et vous comble des graces que vous souhaitte,.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001661 

 La varieté des viandes, si elles sont en grande quantité, charge tous-jours l'estomach; mais s'il est foible, elle le ruine.

  A012001661 

 Quand l'ame a quitté les concupiscences et qu'elle s'est purgee des affections mauvaises et mondaines, rencontrant les objetz spirituelz et saintz, comme toute affamee elle se remplit de tant de desirs et avec tant d'avidité qu'elle en est accablee.

  A012001662 

 Or, exercés vous fort a la production des effectz de ces desirs la, car l'occasion ni le sujet ne vous en manqueront pas.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001663 

 On empesche les vignes et les arbres de porter des feuilles affin que leur humidité et suc soit par apres suffisant pour rendre du fruict, et que toute leur force naturelle ne s'en aille en la production trop abondante des feuilles.

  A012001679 

 D'ou je ne suis de retour que des trois jours en ça, ayant esté despeché seulement au dernier jour que Son Altesse fut en Piemont, apres lequel il partit pour aller a Nice conduire Messeigneurs les Princes sur la mer pour le voyage d'Espagne, lequel, autre chose ne survenant, je tiens des ormais pour fait: et ce sont toutes les nouvelles de Piemont..

  A012001679 

 Mais la favorable plainte que vous me faites a moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de vous en envoyer comme j'en ay eu de desir; car, en l'asseurance de vostre bonté, Madame, je n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la reverence par lettres, si je n'eusse esté empesché par le voyage et sejour que j'ay esté contraint de faire en Piemont, pour obtenir la mainlevee des revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu apres que je fus fait Evesque.

  A012001692 

 Je veux absolument et sans replique que vos chantres, le sousdiacre que vous me donneres et l'encenseur [186] soyent des chanoynes, nonobstant toutes vos coustumes, puisque ceux de mon eglise sont de cette qualité la.

  A012001711 

 C'est un extreme soulagement que d'avoir des confidens pour l'esprit.

  A012001712 

 Il faut le lire avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions..

  A012001712 

 Mon opinion seroit que vous commençassies a le [189] lire par la grande Guide des Pecheurs, puis que vous passassies au Memorial, et en fin que vous le leussies tout.

  A012001714 

 Entant qu'Evesque, pour vous ayder a la conduitte de vos affaires, ayés le livre des Cas de conscience, du Cardinal Tolet, et le voyés fort: il est court, aysé et asseuré, il vous suffira pour le commencement.

  A012001718 

 Il faut peu de chose pour bien prescher, a un Evesque, car ses sermons doivent estre des choses necessaires et utiles, non curieuses ni recherchees; ses paroles simples, non affectees; son action paternelle et naturelle, sans art ni soin, et, pour court qu'il soit et peu qu'il die, c'est tous-jours beaucoup.

  A012001718 

 Le sermon paternel d'un Evesque vaut mieux que tout l'artifice des sermons elabourés des predicateurs d'autre sorte.

  A012001732 

 Je luy proposay que, venant un agent de Madame, il seroit expedient de commander a quelques uns des officiers de la justice de terminer en une journee amiable toutes les difficultés qu'elle avoit, soit avec le seigneur Dom Amedeo, soit avec autres; ce que Son Altesse accorda fort volontier, et monstra de priser extremement tout ce qui appartenoit au contentement de Madame, comme sa parente proche et vefve d'un prince son parent, et des louanges duquel il me dit merveilles..

  A012001733 

 Mais ce pendant que je traittoys ces choses en Piemont, la Chambre des Comptes acheminoyt le proces que Madame a avec le seigneur Dom Amedeo pour Conflens, si que, a mon arrivee, je le treuvay prest a juger; et, selon l'advis du juge, j'escrivis tout aussi tost a Son Altesse [194] pour avoir surseance et ordre que tout fut retardé, suivant l'accord qu'il m'avoit fait de terminer les differens sans proces.

  A012001769 

 Dieu neanmoins nous fait des consolations en ce que jamais nos ennemis ne sont rencontrés quilz ne soyent battus.

  A012001769 

 Nos nouvelles ne sont que des [197] vielles miseres, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui concernent l'abandonnement de cent eglises autour de Geneve, presque desolees.

  A012001770 

 Cependant continues, je vous prie, a m'aymer, et me donnes advis de vostre santé et des vostres.

  A012001787 

 J'ay encor voulu sçavoir sil desiroit plus de soin et d'obligation de vostre Chapitre a la conservation du fondz et des revenuz de sa fondation que vous n'en aves au demeurant des biens de vostre eglise; il m'a semblablement dit que non, et que son intention n'estoit que de vous obliger d'avoir un pareil soin de la maintenance et conservation de sa fondation que celuy que vous estes obligés d'avoir du reste de vos revenuz et autres fondations.

  A012001788 

 C'est pour cela que je vous ay voulu escrire ces deux motz, me doutant que, faute de vous entr'entendre, cette œuvre ne se perdit, comme il arrive bien souvent des bons desseins.

  A012001822 

 Les fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee..

  A012001823 

 A cette occasion, elle multiplioit des desirs inutiles, qui, comme des bourdons et freslons, devoroyent le miel de la ruche, et les vrays et bons desirs demeuroyent affamés de toutes consolations.

  A012001823 

 Maintenant donq prenés un petit haleyne, respirés quelque peu, et, par la consideration des dangers echappés, divertissés ceux qui pourroyent advenir ci apres.

  A012001823 

 Tenés pour suspectz tous ces desirs qui, selon le commun sentiment des gens de bien, ne peuvent pas estre suyvis de leurs effectz: telz sont les desirs de certaine perfection chrestienne qui peut estre imaginee mais non pas prattiquee, et de laquelle plusieurs font des leçons, mais nul n'en fait les actions..

  A012001825 

 Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparation de nostre cœur.

  A012001825 

 Quand nostre cœur, a part soy, en sa meditation, prepare le service qu'il doit rendre a Dieu, c'est a dire quand il fait ses desseins de servir Dieu, de l'honnorer, de servir le prochain, de faire la mortification des sens exterieurs et interieurs et semblables bons propos, en ce tems la il fait des merveilles; il fait des preparations et dispose ses actions a un degré si eminent de perfection admirable.

  A012001826 

 On peut mortifier la chair, mais non pas si parfaittement qu'il n'y ayt quelque rebellion; nostre attention sera souvent interrompue de distractions, et ainsy des autres..

  A012001826 

 Tout cela est fort bon, voyla des bonnes preparations; encor en faudroit il davantage pour servir Dieu selon nostre devoir.

  A012001826 

 Un esprit qui, d'un costé, considere la grandeur de Dieu, son immense bonté et dignité, ne se peut saouler de luy faire des grandes et merveilleuses preparations.

  A012001827 

 On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance; je puis bien dire: Hé, que ne suis je aussi fervent que les Seraphins pour mieux servir et louer mon Dieu! Mais je ne doy pas m'amuser a faire des desirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise perfection, disant: Je le desire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray.

  A012001828 

 Nous ne pouvons aller sans toucher terre; il ne faut pas s'y coucher ni vautrer, mais aussi ne faut il pas penser voler; car nous sommes des petitz poussins qui n'avons pas encores nos aisles.

  A012001829 

 Je ne sçai si je vous escris a propos; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivee de ce que vous aves fait des grandes preparations; et voyant que les effectz estoyent tres petitz et les forces insuffisantes pour prattiquer ces desirs, ces desseins et ces idees, vous aves eu des certains creve cœur, des impatiences, inquietudes et troubles; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou defaillances de cœur.

  A012001830 

 Allons terre a terre, puisque la haute mer nous fait tourner la teste et nous donne des convulsions.

  A012001830 

 Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant elles sont sortables a nos jambes: la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la douceur de courage, l'affabilité, la tolerance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz.

  A012001831 

 Il vous semble que ce soyent des armees; ce ne sont que des saules esbranchés, et ce pendant que vous regardés la, vous pourries faire quelque mauvais pas.

  A012001846 

 Rencontrant donques cette commodité d'envoyer des lettres a Paris au jour anniversaire de celuy auquel vous me fites lhonneur de m'escrire la vostre, j'ay voulu vous en rafraichir la memoire et vous supplier de me continuer tous-jours cette affection quil vous pleut me [207] tesmoigner.

  A012001856 

 Pour moy, a cette derniere allarme, a peu que je ne perdis courage, comm'ayant des-ja esté longuement debout et en faction pour les præcedentes difficultés; outre ce, quil me sembloit que meshuy la chose devoit estr'asseuree, puisque la court de Parlement avoit interposé son arrest..

  A012001856 

 [Monsieur] de la Bastie de Dombes me fait une recharge de toute autre façon; car il vient (sic) a Farges [208] et Asserens, ou il monstra un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establissement.

  A012001859 

 Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté prendre congé de Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin: c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre.

  A012001873 

 Et bien que la Sainte Chapelle et Sainte Genevieve soyent des eglises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a costé de la cathedrale si elles n'avoyent des privileges speciaux du Saint Siege a cest effect; ce que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue, disant que les Rois de France ont obtenu cela par privilege special, que leur chapelle estant prés de leur personne, sont esgalees (sic) avec toutes cathedrales.

  A012001895 

 C'est pourquoy, Monsieur, je vous en supplie humblement, et de me pardonner si je suis si prompt a vous importuner, puisque c'est pour un œuvre charitable et le soulagement des affligés, comm'est ce creancier..

  A012001895 

 Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent; neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit proposés.

  A012001911 

 Despuis vostre despart, madame de Beaulieu a esté demandee en mariage par monsieur de Sainte Clere, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections.

  A012001931 

 Le R. Pere Cherubin, præsent porteur, m'a dit et fait entendre combien de zele Dieu vous a donné a l'advancement des affaires de la Sainte Maison de Thonon et le bon commencement que vous y aves fait donner.

  A012001932 

 Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition.

  A012001951 

 C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et mesme pour les prises des annees passees, desquelles il desire avoir honneste prix en payant argent content.

  A012001953 

 Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens; mais il n'est pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a present pour ces troubles des guerres, qui ne font que de finir.

  A012001971 

 Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur.

  A012001972 

 Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter; et neanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville.

  A012002037 

 Je ne doute point que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'ait appris par le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour ce qui a été trouvé au deçà des monts.

  A012002037 

 Reste à dresser ceux qui concernent les affaires d'au delà des monts.

  A012002053 

 Ce que vous manquant, si vous m'en donnes advertissement, je ne feray aucune faute de [226] m'essayer d'y remedier, honteux que je serois de faire des ordonnances aux visites des autres monasteres, ainsy que nostre Saint Pere et Son Altesse le veulent, si a la premiere j'avois esté du tout inutile..

  A012002070 

 J'envoye a Vostre Altesse l'attestation qu'elle desiroit de moy sur la conversion des peuples de Chablaix, Gaillart et Ternier.

  A012002104 

 Aussi importe-t-il beaucoup de lui faire un rapport consciencieux et fidèle des évènements qui intéressent l'Eglise en chaque pays; sinon, quand on soumettra un exposé de faits à la sollicitude souveraine du Pontife, on pourra faire passer pour vrai ce qui est faux ou pour faux ce [228] qui est vrai.

  A012002105 

 Certes, la clause était tout à fait inique, mais on s'y résigna dans l'espérance de jours meilleurs; d'ailleurs les circonstances des temps et des lieux n'en comportaient pas d'autre..

  A012002105 

 D'autre part, on n'était pas en mesure de se faire justice par la force des armes; voici donc ce qui fut conclu et ce qui fut fait: le duc reprendrait ce qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon, Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent à Genève de quatre côtés et s'étendent tout autour de cette ville, à la condition expresse toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la religion catholique.

  A012002105 

 Ils en vinrent, par le plus malheureux des changements, à tomber jusqu'au fond de cette démocratie dont l'esprit séditieux agite à cette heure le pays, et en fait en quelque sorte une caverne de voleurs et de bannis.

  A012002105 

 Or, comme les armes des Français avaient occasionné cette irruption des Bernois et leur domination si funeste à nos Savoisiens, par contre, quand la paix se fit entre Henri, fils de François I er, et Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, ce fut avec la condition de rétablir l'ancien [229] état de choses.

  A012002106 

 Comme si l'entreprise ne pouvait être exécutée sans le méritoire concours d'un grand nombre de personnes, elle coûta bien des labeurs, de longues guerres, sanglantes à la fois pour les deux partis, car les succès furent partagés selon la vicissitude des armes..

  A012002107 

 Aussitôt, dans le temps même où se concluait la trêve, il pria l'Evêque mon prédécesseur, dont la mémoire est en bénédiction, d'envoyer à ces populations des prédicateurs catholiques pour les convertir, en affirmant sa volonté formelle de rétablir chez elles la religion catholique.

  A012002108 

 Des temples la plupart détruits ou dépouillés; plus, absolument plus de croix, plus d'autels, mais partout les vestiges de l'ancienne et vraie foi anéantis.

  A012002108 

 Je parle donc de ce que j'ai vu, et pour ainsi dire, de ce que mes mains ont touché; le dernier des hommes si je dis le contraire de la vérité, le plus inconsidéré, si je ne la connais pas.

  A012002108 

 Partout des ministres, comme on les appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie, pervertissant les familles, insinuant leur doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et autres semblables enfants de perdition, terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs [232] émissaires, pour les détourner de nos prédications.

  A012002109 

 Quelques-uns des principaux seigneurs furent par eux retirés du gouffre de l'hérésie, et ramenés au port de la communion catholique.

  A012002109 

 Six paroisses furent érigées en divers lieux: trois dans le bailliage de Thonon et autant dans celui de Ternier (on ne put en établir davantage, faute d'ouvriers évangéliques, faute de fonds suffisants pour leur subsistance, et aussi parce que la paix n'ayant rien de stable, les choses flottaient dans l'incertitude), et l'Ordre des Capucins envoya de nouveaux aides, moissonneurs intrépides dont chacun, par son zèle infatigable, réalisait le travail de plusieurs..

  A012002110 

 Deux années se passèrent donc de la sorte quand enfin le duc, dans une affaire qu'il avait si vivement prise à cœur, ne s'accommoda plus des retardements.

  A012002111 

 L'exemple des bonnes œuvres, ses grandes qualités d'âme, ses meilleures ressources, il mettait tout en jeu dans ce corps à corps avec le peuple qu'il voulait ramener tout entier à l'Eglise Catholique.

  A012002111 

 Tantôt il faisait publiquement des exhortations au peuple; tantôt il entamait des conférences privées avec ceux qui passaient pour les plus fortes [234] colonnes de l'hérésie.

  A012002112 

 La scène eut lieu sous les yeux des députés Bernois indignés; car ils étaient venus précisément avec la mission officielle de parer ce coup.

  A012002112 

 Le duc redouta le danger de perversion pour le reste des habitants.

  A012002112 

 Mais dès que la paix, peu de temps après, l'eut [236] remis au pouvoir du duc, celui-ci y envoya à ses frais des missionnaires de la Compagnie de Jésus et du clergé séculier.

  A012002112 

 On le voit, il n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres mains: caresses, menaces, il n'a rien épargné de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces peuples; et, ce qui est encore plus digne d'éloges, il agissait ainsi à l'encontre des avis et des sentiments d'un grand nombre de ses conseillers.

  A012002112 

 Pourtant le bailliage de Gaillard restait toujours aux mains des Genevois, d'après les articles de la trêve; il était donc fermé à la foi catholique.

  A012002112 

 Terrifiés par cet ordre sévère, quelques-uns se convertirent; car les piquants des épines et de l'affliction donnent l'intelligence à l'ouïe.

  A012002113 

 Aujourd'hui, dans les mêmes quartiers, l'Eglise Catholique étend de part et d'autre ses branches, avec des poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus de place.

  A012002113 

 Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholique; chaque paroisse est pourvue de son curé; enfin ces trois bailliages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que [237] ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des hérétiques aient jamais pu les ébranler.

  A012002113 

 Pour résumer l'historique de cette grande œuvre en quelques mots, il y a douze ans, dans soixante-quatre paroisses voisines de Genève et, pour ainsi dire, sous ses murs, l'hérésie occupait des chaires publiques; elle avait tout envahi; à la religion catholique il ne restait plus un pouce de terrain.

  A012002114 

 Et maintenant, Très Saint Père, cette restauration catholique, importante à coup sûr et digne de considération, ce prince qui en a été l'heureux instrument, ce diocèse tout entier qui mérite la sympathie à tant de titres, attendent du Siège Apostolique, des marques sérieuses de sollicitude, des témoignages de tendresse et votre bienveillante protection.

  A012002138 

 Ceci pourrait se faire sans préjudice des juridictions ecclésiastiques, [240] puisque le bras séculier n'interviendrait que pour faire exécuter au besoin les mesures jugées nécessaires..

  A012002138 

 Il est certain que le relâchement de tous les monastères de Savoie, excepté toutefois ceux des Chartreux, est tellement invétéré qu'un remède ordinaire ne suffirait pas à les assainir.

  A012002138 

 Je réponds à la lettre que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime m'a écrite il y a quelque temps relativement à la réforme [239] des monastères de ce diocèse.

  A012002139 

 Il serait expédient, me semble-t-il, qu'en certains monastères on introduisît des Religieux d'une Congrégation différente, tels que des Feuillants ou des Chartreux, et qu'en d'autres on remplaçât les moines par des prêtres séculiers ou des chanoines.

  A012002139 

 Voici la raison qui me porte à désirer cette mesure: une partie des monastères étant soumis à des supérieurs non réformés, la réforme, quand bien même leurs inférieurs l'accepteraient, ne pourrait être durable.

  A012002140 

 C'est pourquoi, à mon avis, l'une de ces deux mesures serait nécessaire pour en éloigner le scandale: ou bien y placer d'autres moines réformés, ou en faire des collégiales séculières; ou encore, comme troisième expédient, les soumettre à une Congrégation réformée de l'Ordre auquel ils appartiennent; enfin, un quatrième moyen serait de les soumettre à l'Ordinaire, ainsi que l'étaient jadis plusieurs excellents monastères avant que les exemptions fussent en usage.

  A012002166 

 Je suis chaque jour tellement fatigué des difficultés et contre-temps que provoque la mesure imposée depuis peu, de ne pas laisser passer les simples signatures sans expédier les Bulles pour les petits bénéfices, que je me vois contraint de recourir de nouveau à la charité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant de daigner... [245].

  A012002189 

 C'était l'usage parmi les anciens prélats de l'Eglise de s'écrire des lettres: tout le monde le sait, et vous, Révérendissime Père, vous l'ignorez moins que personne.

  A012002191 

 En vérité, votre parole et votre éloquence ont un singulier effet: jadis, au bruit strident des trompettes, les murs de Jéricho tombèrent; mais au son de votre voix, pareille à un clairon évangélique, Bois-le-Duc a vu ses murailles et ses défenses se tenir debout et demeurer jusqu'ici hors de toute atteinte..

  A012002191 

 Il se plaît souvent à dire que vous [247] méritez de grandes louanges, principalement pour ceci: ses concitoyens, si attachés qu'ils soient à leurs princes, doivent surtout à votre vigilance de n'avoir pas vu leur ville tomber au pouvoir des ennemis, malgré les stratagèmes inouïs tant de fois employés pour la séduire.

  A012002202 

 C'est pourquoy je vous prie de faire transferer ladite aumosne en un autre jour moins celebre, affin que l'un des biens n'empesche point l'autre.

  A012002217 

 La premiere m'advertit de l'ennuy que vous a fait un secretaire au traitté des offices de Montargis.

  A012002218 

 Je ne puis encor rien dire pertinemment de la volonté dudit seigneur Archevesque que je ne me sois abouché avec luy, comme j'espere faire restant a Dijon ce Caresme, ou j'ay accordé d'aller plus pour cette seule affaire que pour nulle autre; estimant que j'y seray d'ailleurs asses inutile, principalement maintenant que [252] la presence des Jesuites ne laisse cette ville la en aucune necessite d'assistence spirituelle.

  A012002218 

 Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens ecclesiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par surprise, au prejudice de la concession que Sa Majesté en avoit faitte precedemment a l'Eglise et aux curés.

  A012002219 

 Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de dela, mays il faut que je vous confesse la verité: c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes apres tant de remuemens et troubles..

  A012002221 

 Je me suis extremement res-joui du bon succes des affaires des Peres Jesuites en France, a laquelle, comme vous sçaves, je desire et souhaitte toute bonne et sainte prosperité, qui ne luy peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisee du zele de Sa Majesté comme elle va estre, a ce qu'on me dit..

  A012002222 

 Je ne sçay comme je doy vous remercier de tant de faveurs que vous me faites; l'amas des obligations en est [253] si grand que j'en ay l'esprit et le cœur tout saysis.

  A012002227 

 L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payees, est entre les mains des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur foy; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remede..

  A012002228 

 A Monsieur des Hayes,.

  A012002239 

 Et ne vy jamais mon esprit party au choix de deux inconveniens, comme je l'ay eu en ceste occasion; mais ayant tout consideré, j'ay fait election de celluy qui pouvoit recepvoir plus de remede et qui ne tumboit pas si droittement sur le service des ames, aymant mieux m'exposer a la mercy de l'opinion des bons qu'a la cruauté de la calomnie des mauvais.

  A012002272 

 Parmi les nombreuses difficultés que présente l'administration de ce diocèse, l'une des plus considérables vient de ce qu'il est soumis à deux juridictions temporelles différentes; bien qu'il soit en grande partie sous la domination du Sérénissime duc de Savoie, néanmoins une partie très considérable est soumise à la couronne de France.

  A012002273 

 La quatrième est celle-ci: grâce à la diligente intervention de M gr l'Illustrissime Nonce de France, il n'est plus question d'établir le culte hérétique à Seyssel; toutefois, à [258] moins que je ne donne un mémoire particulier des circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, ce projet ne sera point abandonné, mais seulement ajourné.

  A012002273 

 La seconde concerne la manière de visiter cette partie du diocèse, car il est défendu d'exiger aucun argent du peuple, soit pour la bâtisse des églises, soit pour autre chose.

  A012002274 

 Là je travaillerai, selon que Dieu m'en donnera le moyen, à l'arrangement des affaires indiquées ci-dessus, et je rendrai compte de tout aux deux Nonces de Votre Sainteté en France et en Savoie.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Ce ne sont pas celles desquelles il est dit: Benissant je beniray la vefve; et ailleurs, que Dieu est le juge, protecteur et defenseur des vefves.

  A012002302 

 Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre est point esbranlee, par quelque devote meditation et consideration pareille a celle de laquelle je vous envoye une copie, et que j'ay communiquee avec quelque fruit a des autres ames que j'ay en charge.

  A012002303 

 Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection.

  A012002303 

 Gardés vous des scrupules et vous reposes entierement [265] sur ce que je vous ay dit de bouche, car je l'ay dit en Nostre Seigneur.

  A012002304 

 Priés Dieu pour eux affin qu'en se sauvant ilz procurent fructueusement le salut des ames; et en cet endroit, je vous supplie de ne jamais m'oublier, puisque Dieu me donne tant de volonté de ne jamais vous oublier aussi..

  A012002319 

 Les moyens de parvenir a la perfection sont divers selon la diversité des vocations; car les Religieux, les vefves et mariés doivent tous rechercher cette perfection, mais non pas par mesme moyen.

  A012002320 

 Le moyen pour s'unir a Dieu ce doit estre principalement l'usage des Sacremens et l'orayson.

  A012002320 

 Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progres que vous aurés fait au service de Dieu et selon le conseil de vos peres spirituelz, vous pourres vous communier plus souvent.

  A012002321 

 Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade, Bellintani, [268] Capillia, Bruno, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je vous donnay le Jeudy Saint..

  A012002322 

 Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et vostre cœur en Dieu.

  A012002323 

 Il faut rapporter a ce point les oraysons et meditations, car apres avoir demandé l'amour de Dieu il faut tous-jours demander [269] celuy des prochains, et particulierement de ceux ausquelz nostre volonté n'a null'inclination..

  A012002323 

 Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant extérieurement; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point laisser pour cela, car ceste repugnance de la partie inferieure en fin sera vaincue de l'habitude et bonn'inclination qui sera produite par la repetition des actions.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002336 

 Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Religieux des SS. Cœurs, dits de Picpus, à Paris..

  A012002364 

 Vous sçavés bien ce que je veux dire quand je parle du Livre des Maccabees II en a deux, et deux font un cors de livre.

  A012002365 

 La priere pour les trespassés a esté faitte par toute l'ancienne Eglise, Calvin mesme le reconnoist; les Peres l'ont preuvee par l'authorité du Livre des Maccabees et l'usage general de leurs predecesseurs.

  A012002365 

 Ni les Livres des Maccabees, ni l'Apocalipse n'ont pas esté si tost reconneus que les autres; l'un et l'autre neanmoins le fut esgalement au Concile de Carthage, ou saint Augustin assista.

  A012002367 

 Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous sommes trop esloignés de sejour; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois? Si la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes..

  A012002397 

 Toutes ses parties sont aggreables: la souvenance que vous avés de moy en vos prieres, car cela tesmoigne vostre charité; le memoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme, car encor que de mon costé il ni aÿe eu autre chose qu'imperfection, si est ce que ç'a tous-jours esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile; le desir que vous aves de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir.

  A012002399 

 Pour certain, ni recevoir les advis et enseignemens des autres, ni recourir a eux en l'absence du directeur, n'est nullement contraire a ce respect, pourveu que le directeur et son authorité soit tous-jours præferé.

  A012002402 

 Je suis en un lieu et en une occupation qui me rend digne de quelque compassion, et ce m'est consolation de recevoir, parmi la presse de tant de fascheuses et difficiles affaires, des nouvelles de vos semblables; [280] ce m'est une rosee.

  A012002419 

 J'ay eu tant de distractions pour ne l'avoir pas voulu permettre, que j'ay bien occasion aussi de mon [281] costé de souhaitter que les loix de l'immunité des eglises soyent moderëes a cet effect.

  A012002419 

 Le desir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre chastiés selon leurs demerites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq.

  A012002438 

 Peu auparavant que je receusse vos lettres, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mere Therese, pour delasser mon ame des travaux de la journée, et je treuvay qu'ell'avoit fait vœu d'obeissance particuliere au P. Gracian, de son Ordre, pour faire toute sa vie ce quil luy ordonneroit qui ne seroit contraire a Dieu ni a l'obeissance des superieurs [283] ordinaires de l'Eglise et de son Ordre.

  A012002440 

 Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz d'obeissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences; mais celuy de la charité croit avec le tems et prend nouvelles forces par la duree.

  A012002441 

 Mais si est ce que ce n'eut pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne.

  A012002442 

 J'ay reprins la plume plus de douze fois pour vous escrire ces deux feüilles, et sembloit que l'ennemi me procuroit des distractions et affaires pour m'empescher de ce faire.

  A012002443 

 Vous aures des contradictions et amertumes; les tranchees et convulsions de l'enfantement spirituel ne sont pas moindres que celles du corporel: vous aves essaÿé les unes et les autres.

  A012002444 

 Gardes vous des empressemens, des melancholies, des scrupules.

  A012002444 

 Madame, pries-le pour moy, qui suis fort miserable et accablé de moy mesme et des autres, qui est une charge intolerable si Celuy qui m'a des-ja porté avec tous mes pechés sur la Croix ne me porte encores au Ciel.

  A012002474 

 C'est pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre Béatitude pourvoit avec une très diligente sollicitude les églises cathédrales et qu'Elle veut user d'une bienveillance apostolique toute spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose, quelque chétif et indigne que je sois, la supplier de favoriser le théologien susnommé, pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le bien des âmes.

  A012002474 

 Ce n'est pas un intérêt personnel qui me sollicite, [290] puisque je ne connais ce personnage que depuis un an; il a fait plusieurs prédications dans ce diocèse de Genève, au grand avantage et à la satisfaction des auditeurs..

  A012002474 

 Or, quoique cette Eglise vacante soit très [289] pauvre, elle est néanmoins importante, car elle se trouve dans le voisinage des hérétiques et sur les frontières; le bien de ce diocèse peut contribuer beaucoup à celui du diocèse de Genève.

  A012002486 

 Le seigneur chevalier Lobet m'a treuvé chez ma mere, ou je n'ay sceu luy donner autre satisfaction que de vous supplier bien humblement, comme je fay, qu'il vous playse, Monsieur, de faire examiner ses pretentions autant comme il se peut sommairement, en la presence des seigneurs officiers de Son Altesse qui ont charge de la conservation des biens de la Sainte Mayson; et je donne des a present mon consentement a tout ce qui sera advisé et treuvé raysonnable pour terminer cette affaire.

  A012002519 

 Encor vous diray-je cecy: j'y ay reconneu plusieurs centaines de personnes laïques et seculieres qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des affaires du monde, font tous les jours leur meditation et saintz exercices de l'orayson mentale..

  A012002519 

 Quelques huguenotz se sont convertis; quelques gens douteux et chancelans se sont affermis; plusieurs ont fait des confessions generales, mesme a moy, tant ilz avoyent de confiance en mon affection; plusieurs ont pris nouvelle forme de vivre, tant ce peuple est bon.

  A012002520 

 Plusieurs parroisses, a cette occasion, vinrent demander l'exercice de la sainte Eglise, qui jusques a l'heure n'avoyent pas osé; et le Roy du despuis le leur a accordé, bien que l'execution en soit un petit retardee pour des considerations que la malice du tems donne..

  A012002521 

 Je bransle a sçavoir si je doy respondre, et n'estoit l'opinion de mes amis qui me combat, je serois resolu a la negative; mesme que j'ay en main quelque petite besoigne qui sera sans doute plus utile que celle la, et je suis si tourmenté de la multiplicité des sollicitudes que je n'ay nul loysir d'estudier..

  A012002522 

 Permettes moy, je vous supplie, que je desire de sçavoir presque aussi particulierement de vos nouvelles comme je vous en dis des miennes, mais sur tout si vous ne montes pas en chaire, ou au moins si vous ne faites pas de sermons a l'autel; et pardonnés moy, Monsieur, si c'est trop..

  A012002536 

 Je me resjouis fort des bonnes nouvelles de monsieur d'Abondance et de l'establissement des Feüillans.

  A012002542 

 Je differerois [298] bien mon voyage, mais j'ay des autres assignations qui ne me laissent libre que ce tems-la pour le faire..

  A012002556 

 Je ne sçai si c'est l'amour que vous me portes qui tire cette eau de la pierre, ou si c'est celuy que je vous porte [299] qui fait sortir des roses de l'espine.

  A012002556 

 Permettes-moy ce mot d'amour, car je parle a la chrestienne, et ne treuvés pas estrange que je vous promette des eaux et des roses; car ce sont des epithetes qui conviennent a toute doctrine catholique, pour mal ageancee qu'elle soit.

  A012002560 

 » Cette consideration nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste specialement; et c'est merveille combien la predication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres predicateurs.

  A012002562 

 C'est donq des-ja autant de fait: Oportet, dit saint Paul, Episcopum esse irreprehensibilem..

  A012002564 

 J'en dis de mesme des despenses superflues en festins, en habitz, en livres; es seculiers ce sont superfluités, es Evesques ce sont des grans pechés.

  A012002565 

 L'hospitalité ne consiste pas a faire des festins, mais a recevoir volontier les personnes a table, telle que les Evesques la doivent avoir et que le Concile de Trente determine: Oportet mensam Episcoporum esse frugalem.

  A012002571 

 C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres, le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consecration episcopale, ayans des-ja eu la sacerdotale le jour de la Cene, des langues de feu; affin qu'ilz sceussent que la langue de l'Evesque doit esclaircir l'entendement des auditeurs et eschauffer leurs volontés..

  A012002576 

 Mais qu'est-ce autre chose la doctrine des Peres de l'Eglise que l'Evangile expliqué, que l'Escriture Sainte exposee? Il y a a dire entre l'Escriture Sainte et la doctrine des Peres comme entre une amande entiere et une amande cassee, [305] de laquelle le noyau peut estre mangé d'un chacun, ou comme d'un pain entier et d'un pain mis en pieces et distribué.

  A012002576 

 Se faut-il donq point servir des Docteurs chrestiens et des livres des Saintz? Si faut, a la verité.

  A012002577 

 Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile, rien de si beau? Mais aussi, qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre? Il n'y a non plus de difference entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notee et une musique chantee..

  A012002578 

 Et des histoires prophanes, quoy? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appetit; et lhors encor faut il qu'elles soyent bien apprestees, et, comme dit saint Hierosme, il leur faut faire comme faisoyent les Israëlites aux femmes captives quand ilz les vouloyent espouser: il leur faut rogner les ongles et couper les cheveux, c'est a dire les faire entierement servir a l'Evangile et a la vraye vertu chrestienne, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et prophanes, et faut, comme dit la sainte Parolle, separare pretiosum a vili.

  A012002579 

 Et des fables des poëtes? O de celles la point du tout, si ce n'est si peu et si a propos, et avec tant de circonstances, comme contrepoisons, que chacun voye qu'on n'en veut pas faire profession; et tout cela si briefvement que ce soit asses.

  A012002579 

 Mays quant aux fables, je n'en ay jamais rencontré en pas un sermon des Anciens, sauf une seule [306] d'Ulysses et des syrenes employee par saint Ambroyse en un de ses sermons.

  A012002580 

 Et des histoires naturelles? Tres bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de toutes pars cette parole; toutes ses parties chantent la louange de l'Ouvrier.

  A012002581 

 Mais sur tout, que le predicateur se garde bien de raconter des faux miracles, des histoires ridicules, comme certaines visions tirees de certains autheurs de basse ligne, choses indecentes et qui puissent rendre nostre ministere vituperable et mesprisable..

  A012002582 

 Voyla ce qu'il me semble touchant la matiere en gros; reste neanmoins a dire en particulier des parties de la matiere du sermon..

  A012002583 

 Or, on peut bien user des passages de l'Escriture, les expliquant en l'une des quattre manieres que les Anciens ont remarquees:.

  A012002587 

 Je pensois avec nostre saint Bernard: ex toto corde, c'est a dire courageusement, vaillamment, fervemment, par ce qu'au cœur appartient le courage; ex tota anima, c'est a dire affectueusement, par ce que l'ame entant qu'ame est la source des passions et affections; ex tota mente, c'est a dire spirituellement, discretement, par ce que mens, c'est l'esprit et partie superieure de l'ame, a laquelle appartient le discernement et jugement pour avoir le zele [308] secundum scientiam et discretionem.

  A012002587 

 Pour le regard du sens litteral, il se doit puiser dans les commentaires des Docteurs, c'est tout ce qu'on en peut dire; mays c'est au predicateur de le faire valoir, de peser les motz, leur proprieté, leur emphase.

  A012002588 

 Mais on peut bien apporter plusieurs interpretations, les louant et faysant valoir toutes l'une apres l'autre, comme je fis, le Caresme passé, de six opinions et interpretations des Peres sur ces paroles: Dicite quia servi inutiles sumus, et dessus ces autres paroles: Non est meum dare vobis; car, si vous vous en resouvenes, je tiray de chacune de tres bonnes consequences, mais je teus celle de saint Hilaire, ce me semble; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois faire, parce qu'elle n'estoit pas probable..

  A012002590 

 Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais simplement par maniere de comparayson; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie s'endormit de detresse est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy: Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation; et non pas: Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix.

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002600 

 Apres les sentences de l'Escriture, les sentences des Peres et Conciles tiennent le second rang; et pour le [311] regard d'icelles, je dis seulement que, si ce n'est bien rarement, il faut les choisir courtes, aiguës et fortes.

  A012002600 

 Les predicateurs qui en alleguent de longues allanguissent leur ferveur et l'attention de la pluspart des auditeurs, outre le danger auquel ilz s'exposent de manquer de memoire.

  A012002602 

 Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obeissance d'Abraham.

  A012002603 

 Mais il faut prendre garde a ne faire pas des descriptions vaines et flacques, comme font plusieurs escoliers qui, en lieu de proposer l'histoire naïfvement et pour les mœurs, se mettront a descrire les beautés d'Isaac, l'espee tranchante d'Abraham, l'enceinte du lieu du sacrifice et semblables choses' impertinentes.

  A012002604 

 Ainsy ceux qui par la meditation ont rencontré des colloques, doivent observer deux regles en la predication: l'une, de voir s'ilz sont solidement fondés sur une apparente probabilité; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit et le predicateur et l'auditeur..

  A012002604 

 Il faut aussi se garder de faire des introductions de colloques entre les personnes de l'histoire, sinon qu'elles soyent tirees des parolles de l'Escriture, ou tres probables.

  A012002605 

 Les exemples des Saintz sont admirables, et sur tout de ceux de la province ou on presche, comme de saint Bernard a Dijon..

  A012002606 

 Celles qui sont tirees des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle, c'est un double lustre; comme celle de l'Escriture de la renovation ou rajeunissement de l'aigle, par nostre penitence..

  A012002606 

 Il reste un mot a dire des similitudes: elles ont une efficace incroyable a bien esclairer l'entendement et a esmouvoir la volonté.

  A012002606 

 Les similitudes des choses triviales, estans subtilement appliquees, sont excellentes; comme Nostre Seigneur fait en la parabole de la semence.

  A012002606 

 On les tire des actions humaines, passant de l'une a l'autre; comme de ce que font les bergers a ce que doivent faire les Evesques et pasteurs, [313] comme fit Nostre Seigneur en la parabole de la brebis perdue; des histoires naturelles, des herbes, plantes, animaux, et de la philosophie, et en fin de tout.

  A012002607 

 Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur: c'est de faire des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la meditation des paroles..

  A012002608 

 L'autre: quand un grand riche meurt, on sonne toutes les cloches, on luy fait des grandes funerailles; mais, passé le son des cloches, qui le benit? qui parle de luy? Personne.

  A012002608 

 On tire une similitude de la cloche, qui appelle les autres a l'eglise et n'y entre point; car ainsy un homme qui fait des œuvres sans charité, il edifie les autres et les incite au Paradis, et il n'y va point luy mesme..

  A012002609 

 Lhors que le vent favorable du Saint Esprit entre dans nostre cœur, nostre ame court et single dans la mer des commandemens.

  A012002614 

 Es Maries j'y voy la ferveur et diligence; es Anges, la joye et jubilation en leurs habitz blancz et en leur lumiere; es gardes je voy la foiblesse des hommes qui entreprennent contre Dieu; en Jesus je voy la gloire, le triomphe de la mort, l'esperance de nostre resurrection..

  A012002615 

 Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche des dames, la response des Anges; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre..

  A012002615 

 La resurrection est precedee de la mort, de la descente aux enfers, de la delivrance des Peres qui estoyent au sein d'Abraham, de la crainte des Juifz qu'on ne desrobbe le cors; la resurrection, en cors bienheureux et glorieux.

  A012002617 

 Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre offencé par la fraction des especes, et qu'il y est en une façon spirituelle, quoy que reelle.

  A012002617 

 Pour la charité: Tout resuscité qu'il est, il converse neanmoins encor en terre pour instruire l'Eglise, et retarde de prendre possession du Ciel, lieu propre des cors resuscités, pour nostre bien.

  A012002619 

 Encores peut-on traitter autrement: c'est a sçavoir, des biens que cette vertu donne et des maux que le vice opposé apporte; mais la premiere est la plus utile..

  A012002623 

 Pour remplir de conceptions, vous chercheres en la table des autheurs les motz humilitas, humilis, superbia, superbus, et verrés ce qu'ilz en disent; et treuvant des descriptions ou definitions, vous les mettres sous le tiltre: « En quoy gist cette vertu, » et tascheres de bien esclaircir ce point, monstrant en quoy gist le vice contraire..

  A012002624 

 S'il y a des exemples de l'une et de l'autre, vous les apporteres; et ainsy des autres deux pointz.

  A012002626 

 Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez m'aggree infiniment: il va a la bonne foy, il a l'esprit de predication, il inculque bien, explique bien les passages, fait de belles allegories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend l'occasion de dire admirablement, et est fort devot et clair.

  A012002629 

 Comme donq faut il dire en la predication? Il se faut garder des quanquam et longues periodes des pedans, de leurs gestes, de leurs mines, de leurs mouvemens: tout cela est la peste de la predication.

  A012002629 

 Il faut que nos paroles soyent enflammees, non pas par des cris et actions desmesurees, mais par l'affection interieure; il faut qu'elles sortent du cœur plus que de la bouche.

  A012002630 

 J'ay dit noble, contre l'action rustique de quelques uns qui font profession de battre des poings, des piedz, de l'estomach contre la chaire, crient et font des hurlemens estranges, et souvent hors de propos.

  A012002630 

 J'ay dit qu'il faut une action libre, contre une certaine action contrainte et estudiee des pedans.

  A012002632 

 Je suis bien d'advis qu'on tesmoigne le desir qu'on a de son bien, qu'on commence par des salutations et benedictions, par des souhaitz de le pouvoir bien ayder au salut; de mesme a sa patrie: mais cela briefvement, cordialement et sans paroles attiffees.

  A012002633 

 On doit finir par des parolles courtes, plus animees et vigoureuses.

  A012002634 

 Pour la preparation au sermon, j'appreuve qu'elle se fasse des le soir, et que le matin on medite pour soy ce que l'on veut dire aux autres.

  A012002635 

 J'ayme la predication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les deplorant..

  A012002640 

 Je me suis allegué moy mesme; mais c'est, Monsieur, parce que vous voules mon opinion et non celle des autres.

  A012002642 

 Le Cardinal Borromee, sans avoir la dixiesme partie des talens que vous aves, presche, edifie, se fait saint.

  A012002642 

 Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure: « Mes enfans, aymés vous les uns les autres, » et avec cette provision il montoit en chaire: et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence! Laissés dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur: il commença une fois comme vous..

  A012002656 

 Monsieur de Bourges et madame de Chantal, vos chers et dignes [326] enfans, m'ont sans doute esté trop favorables en la persiasion qu'ilz vous ont faitte de me vouloir du bien; car je voy bien, Monsieur, par la lettre qu'il vous a pleu de m'escrire, qu'ilz y ont employé des couleurs desquelles ma chetifve ame ne fut onques teinte.

  A012002657 

 C'est bien la verité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conferer avec luy des offices de nostre commune vocation, avec tant de liberté que, revenant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de simplicité, on luy a m'escouter, ou moy a luy parler.

  A012002658 

 Mais M. le President des Comptes, vostre bon frere, ne vous a-il point dit qu'il m'aymoit aussi bien fort? Je vous diray bien au moins que je m'en tiens pour tout asseuré.

  A012002658 

 » Je luy parle fidellement et uveo toute la confiance que mon ame peut avoir en celle [327] que j'estime des plus franches, rondes et vigoureuses en amitié.

  A012002660 

 Il n'est pas possible que vivans au monde, quoy que nous ne le touchions que des piedz, nous ne soyons embroüillés de sa puossiere.

  A012002660 

 Nos anciens peres, Abraham et les autres, presentoyent ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz; je pense, Monsieur, que la premiere chose qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon Dieu en son Paradis..

  A012002661 

 Il faut tout a l'ayse dire ses adieux au monde, et retirer petit a petit ses affections des creatures..

  A012002662 

 Ceux qui partent a l'improuveuë sont excusables de n'avoir pas pris congé des amis et de partir en mauvais equipage, mais non pas ceux qui ont sceu l'environ du tems de leur voyage.

  A012002662 

 Et puisque de cette terre miserable nous devons estre transplantés en celle des vivans, il faut retirer et desengager nos affections l'une apres l'autre de ce monde.

  A012002662 

 Je ne dis pas qu'il faille rudement rompre toutes les alliances que nous y avons contractees (il faudroit a l'adventure des effortz pour cela); mais il les faut descoudre et desnouer.

  A012002664 

 La sagesse et consideration de la philosophie accompagne souvent les jeunes gens: c'est plus pour recreer leur esprit que pour creer en leurs affections aucun bon mouvement; mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de devotion.

  A012002664 

 Saint Hierosme a plus d'une fois rapporté a la sapience des vielles gens l'histoire d'Abisag, Sunamite, dormant sur l'estomach de David, non pour aucune volupté mais seulement pour l'eschauffer.

  A012002665 

 Vostre saint Bernard dit que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit du monde et de ses vanités; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette supreme Bonté.

  A012002666 

 Ceux qui pretendent au païs eternel, quoy que singlans en la haute mer des affaires de ce monde, ont un certain pressentiment du Ciel qui les anime et encourage merveilleusement; mays il faut se lenir en prouë et le nés tourné de ce costé la..

  A012002666 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit luy seul et premierement l'Arabie Heureuse a l'odeur des bois aromatiques qui y sont; aussi, luy seul y avoit sa pretention.

  A012002667 

 En fin aux amis: mais n'estes vous pas le premier des vostres? Je remarque que saint Paul dit a son Timothee: Attende tibi et gregi; primo tibi, deinde gregi, dit il..

  A012002668 

 Voyla des eaux, Monsieur; si elles sortent d'une maschoire d'asne, Samson ne laissera pas d'en boire..

  A012002683 

 Je vous ay mis quelques autres exercices et des oraysons jaculatoires.

  A012002685 

 Faites tous-jours l'entree de l'orayson en vous mettant en la presence de Dieu, l'invoquant et proposant le mystere; et apres les considerations, faites tous-jours les actes des affections, non pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions; apres cela l'action de graces, l'offre, la priere; en fin lisés bien le petit memorial que je vous envoye et le prattiqués..

  A012002686 

 Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance: O port de mes esperances, ah, vostre sang me garentira; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres.

  A012002686 

 Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces meditations la des quatre fins se finissent toutes par l'esperance et confiance en Dieu, et non pas par la crainte et l'effroy; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout celles de la mort et de l'enfer.

  A012002686 

 Vous pourres donq faire ces meditations des quatre fins de l'homme tous les trois mois une fois, et ce en quatre jours..

  A012002690 

 Requiescant in pace. Et des cette heure-la, que chacune se retire a sa celle, apres s'estre saluees toutes ensemble..

  A012002693 

 Mesme s'il y en a de maladives, monstrés leur une tendre compassion, les dispensant aysement des charges de l'Office, selon que vous jugeres convenable, car cela les gaignera infiniment..

  A012002694 

 Pour le regard des Communions et Confessions, je treuve bon que ce soit tous les huit jours, et que le soir du samedi vous adjousties au Visita l'orayson du Saint Sacrement.

  A012002697 

 Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres, et ce devant les autres; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance avec des termes d'amour: Ma chere Seur, ou Fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le faire: Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu?.

  A012002698 

 Ce sont: Platus, Du Bien de l'Estat religieux, lequel est traduit en françois et impunie a Paris; Le Gerson des Religieux, composé par le Pere Pinel, imprimé a Lion et a Paris; Le Desirant ou Thresor de Devotion, imprimé a Paris et a Lion.

  A012002698 

 Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002700 

 Et je suis experimenté de semblables accidens pour les avoir veuz advenir en France, en des Monasteres ou il n'y a pas eu peu de peyne d'apayser ces orages..

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002701 

 Mais pourtant il ne faut donner nulle alarme de tout cela, ains les y conduire par des douces et souëfves inspirations, a quoy aussi serviront les livres susditz..

  A012002702 

 Mays que ce soit en sorte qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrees des mondains; et en fin, un jour (il suffira bien si c'est apres une annee, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure..

  A012002702 

 Quant a la chasteté il faut commencer ainsy: tesmoigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses; et semblables petites inspirations.

  A012002704 

 Mais dites moy, estimés vous peu ce que vous aves des-ja fait pour l'Office, pour la table, pour le voile et semblables choses? Seigneur Jesus! Nostre Seigneur demeura trois ans et demi a former le college de ses douze Apostres, encores y avoit il et un traistre et beaucoup d'imperfections quand il mourut.

  A012002704 

 Quand vous rencontreres des difficultés et contradictions, ne vous essayes pas de les rompre, mais gauchisses dextrement et pliés; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres.

  A012002705 

 Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument.

  A012002706 

 Je treuverois bon que l'exercice de l'examen ne se fist qu'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure apres souper, et que pendant les trois quartz d'heure on fist un peu de recreation a deviser honnestement, voire a chanter des chansons spirituelles, au moins pour ce commencement..

  A012002708 

 Je le supplie de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos Religieuses, que je saluë et prie de ne point m'oublier en leurs [340] oraysons, mays de me donner quelques uns des souspirs de devotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur esperance.

  A012002728 

 C'estoit l'un des plus grans serviteurs de Dieu qui l'ust de cet aage, et de mes plus intimes amis; il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy.

  A012002729 

 Cela vous suffira, ou une partie, avec ceux que je sçai que vous aves des-ja..

  A012002729 

 Les livres que vous pouves avoir pour le present, sont: Platus, Du Bien de l'Estat de religion; Le Gerson des Religieux, de Luc Pinel; Paul Morigie, De l'institution et commencement des Religions; les Œuvres de Grenade, imprimees nouvellement a Paris; Bellintani, De l'Orayson mentale, les Meditations de Capiglia, Chartreux; celles de saint Bonaventure; Le Desirant; les Œuvres de François Arias et sur tout l' Imitation de Nostre Dame; les Œuvres de la Mere Therese; le Catechisme spirituel de Cacciaguerre et ses autres Œuvres.

  A012002742 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'avoir eu et veu vostre lettre; je voudrois bien que les miennes vous en peussent donner un reciproque, et particulierement pour le remede des inquietudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre separation.

  A012002746 

 Qu'une personne face miracle estant en estat de mariage, et qu'elle ne rende pas le devoir de mariage a sa partie ou qu'elle ne se soucie point de ses enfans, elle est pire qu'infidelle, dit saint Paul; et ainsy des autres..

  A012002749 

 La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la vocation.

  A012002751 

 D'ou vient cette generale inquietude des espritz, sinon d'un certain desplaysir que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait penser que chascun est mieux que nous? Mais c'est tout un: quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deça et dela, il n'aura jamais repos.

  A012002751 

 Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres: ceux qui sont Evesques voudroyent ne l'estre pas; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le voudroyent estre.

  A012002752 

 Il ne faut pas porter la croix des autres, mais la sienne; et pour porter chascun la sienne, Nostre Seigneur veut qu'un chascun se renonce soy mesme, c'est a dire a sa propre volonté.

  A012002754 

 Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses: les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde.

  A012002754 

 Saint François et tant de Religieux de nostre aage ont baysé et rebaysé mille fois des ladres et ulcerés; les autres se sont confinés es desers; les autres, sur les galeres avec les soldatz; et tout cela pour faire chose aggreable a Dieu.

  A012002758 

 Il faut aymer ce que Dieu ayme: or, il ayme nostre vocation; aymons-la bien aussi, et ne nous amusons pas a penser sur celle des autres.

  A012002759 

 Le soir, faire l'examen de conscience, et, le long de la journee, faire des oraysons jaculatoires.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002776 

 Ilz pressent, ilz veulent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté, et se contentent d'une courte priere, qui ne sert que de pretexte pour establir des choses les plus importantes..

  A012002776 

 La premiere parole qu'ilz jettent a l'oreille de l'ame qui en est agitee c'est de n'ouïr point de conseil, ou, si elle en oyt, que ce soyent des conseilz de gens de peu et sans experience.

  A012002778 

 Pour le second, ma tres chere Seur, sçachés que, comme je viens de dire, des le commencement que vous conferastes avec moy de vostre interieur Dieu me donna un grand amour de vostre esprit.

  A012002780 

 Il faut, en cette tentation, tenir la posture que l'on tient en celle de la chair: ne disputer ni peu ni prou, mais faire comme faysoyent les enfans d'Israël des os de l'Aigneau pascal, qu'ilz ne s'essayoient nullement de rompre, mays les jettoyent au feu.

  A012002782 

 Il en faut dire aussi a Jesus Christ et au Saint Esprit, telles qu'il vous suggerera, et mesme a l'Eglise: O mere des enfans de Dieu, jamais je ne me separeray de vous; je veux mourir et vivre en vostre giron..

  A012002782 

 Sçaves vous ce que vous feres pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir escalader l'intellect? Sortés par la porte de la volonté et luy faites une bonne charge; c'est a dire, comme la tentation de la foy se presente pour vous entretenir: Mais comment se peut faire cecy? mais si cecy, mais si cela? faites qu'en lieu de disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et mesme joignant a la voix interieure l'exterieure, criant: Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz! Desloyal, infidelle, perfide, tu presentas a la premiere femme la pomme de perdition, et tu veux que j'y morde.

  A012002783 

 Je veux dire qu'il faut se revancher avec des affections et non pas avec des raysons, avec des passions et non pas avec des considerations.

  A012002785 

 Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture: Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera le calme.

  A012002787 

 Adjoustés le Pater noster, l' Ave Maria, le Credo, le Veni Creator Spiritus, l' Ave maris Stella, l' Angele Dei et une courte orayson pour les deux saintz Jan et les deux saintz François d'Assise et de Paule, que vous treuveres dans le Breviaire, ou peut estre les aves vous des-ja dans le livret que vous penses m'envoyer.

  A012002787 

 Ainsy vous aures visité toute l'Eglise, dont l'une des parties est au Ciel, l'autre en terre et l'autre sous terre, comme saint Paul et saint Jan tesmoignent.

  A012002787 

 Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale: « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles.

  A012002788 

 Le long du jour, force oraysons jaculatoires, et particulierement celles des heures, quand elles sonnent: c'est une devotion utile..

  A012002789 

 Or, la recollection se pourra faire avec une entree de l'ame en l'une des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours; le sixiesme, dans les espines de sa couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir de mesme; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur..

  A012002790 

 Le soir, environ une heure ou une heure et demie apres souper, vous vous retireres et dires le Pater noster, l' Ave, le Credo; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa; puis l'examen de conscience, apres lequel vous acheveres le mea culpa, et dirés les Litanies de Nostre Dame de l'eglise de Lorette; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait expres.

  A012002794 

 Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de devotion; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jesus, de Nostre Dame et des autres.

  A012002795 

 Les meditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance.

  A012002796 

 J'appreuve qu'on la matte le long de la semaine, non tant au retranchement des viandes (la sobrieté estant gardee) comme au retranchement du choix d'icelles.

  A012002798 

 Ayés les Confessions de saint Augustin, et lisés soigneusement des le huitiesme Livre; vous verrés sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront..

  A012002798 

 Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les desirer totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des pensees conformes a cela.

  A012002799 

 Ce pendant prenes garde, non seulement pour luy, mais pour ses seurs, qu'ilz ne dorment que seulz, le plus qu'il se pourra, ou avec des personnes esquelles vous puissies avoir autant de juste confiance comme en vous mesme.

  A012002799 

 Quant a Celse Benine, il faut que ce soit avec des motifz genereux, et qu'on luy plante dans sa petite ame des pretentions au service de Dieu toutes nobles et vaillantes, et luy ravaler fort les apprehensions de la gloire purement mondaine; mays cela petit a petit.

  A012002800 

 Il faut neanmoins user de moderation; j'ay tout dit quand j'ay dit des inspirations soüefves..

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002800 

 Je sçai que vous aves les Epistres de saint Hierosme en françois: voyés celle qu'il escrit de Pacatula, et les autres pour la nourriture des filles; elles vous recreeront.

  A012002800 

 Si Françoise veut de son gré estre Religieuse, bon; [360] autrement je n'appreuve pas qu'on previenne sa volonté par des resolutions, mais seulement, comme celle de toutes les autres, par des inspirations soüefves.

  A012002801 

 J'ayme la Visitation des malades, des vieux, et des femmes principalement, et des jeunes quand ilz le sont bien fort.

  A012002801 

 J'ayme la Visitation des pauvres, specialement des femmes, avec grande humilité et debonnaireté..

  A012002802 

 Pour le sixiesme point, j'appreuve que vous partagies vostre sejour aupres de monsieur vostre pere et de monsieur vostre beau pere, et que vous vous exercies a procurer le bien de leur ame a la façon des Anges, comme j'ay dit.

  A012002802 

 Taschés de [361] vous rendre tous les jours plus aggreable et humble a l'un et l'autre des peres, et procurés leur salut en esprit de douceur.

  A012002803 

 Mon advis gist en deux pointz: l'un, qu'il face une generale reveuë de toute sa vie, pour faire une penitence generale ou confession, c'est une chose sans laquelle nul homme d'honneur ne doit mourir; l'autre, qu'il s'essaye petit a petit de se desprendre des affections du monde, et luy en dis les moyens.

  A012002806 

 La liberté de laquelle je parie c'est la liberté des enfans bienaymés.

  A012002806 

 Tout homme de bien est libre des actions de peché mortel et n'y attache nullement son affection: [362] voyla une liberté necessaire a salut; je ne parie pas de celle la.

  A012002811 

 Au contraire, si j'ay l'esprit de contrainte ou servitude, je ne laisseray pas ma meditation ores qu'un malade ayt grandement besoin de mon assistence a cette heure la, ores que j'aye un depesche de grande importance et qui ne puisse estre bien differé; et ainsy des autres sujetz..

  A012002812 

 C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses exercices et les communes regles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé.

  A012002817 

 Dieu sçait si ce cœur de saint Jan, touché de l'amour de son Sauveur des le ventre de sa mere, eut desiré de jouïr de sa douce præsence.

  A012002822 

 Pour le neufviesme point, croyes de moy deux choses: l'une, que Dieu veut que vous vous servies de moy, et n'en doutes point; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut, Dieu m'assistera de la lumiere qui me sera necessaire pour vous servir; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnee si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage.

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002824 

 Je vous prie de benir Dieu avec moy des effectz du voyage de Saint Claude; je ne vous les puis dire, mais ilz sont grans.

  A012002853 

 Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de l'ennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles, [371] Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré..

  A012002853 

 Or, de toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au fléau des mauvaises figues c'est celui de Genève, et pourtant nul n'aurait plus besoin de se refaire par une cueillette d'excellentes ligues.

  A012002854 

 Œuvre excellente, œuvre digne de toute louange, de transplanter dans le jardin de l'Eglise des fleurs à la place des épines!.

  A012002855 

 Pour assurer le succès de l'entreprise, toutes les dispositions jugées nécessaires ont été prises et concertées avec le Général des Feuillants.

  A012002870 

 Je sçai des long tems combien Vostre Altesse desire la reformation des monasteres de deça les mons, et qu'ell'a tous-jours jugé que le meilleur moyen d'y parvenir c'estoit d'oster par voye raysonnable les moynes et [374] Religieux qui, jusques a present, s'y sont mal comportés, et y mettre en leur place des autres Religieux des Congregations reformees.

  A012002871 

 Je l'en supplie avec tout'humilité et confiance en son saint zele au bien des ames de ses sujetz..

  A012002887 

 Il a des-ja esté condamné devant les officiers de Vostre Altesse; il a neanmoins recouru a Sa Sainteté, laquelle a deputé Monsieur de Tharantayse, devant lequel il me fait appeller, et ou, j'espere, son tort sera reconnu sil ne cesse de nous travailler..

  A012002887 

 La cure des Alinges, qui ne fut onques a la disposition du Praevost de Montjou, a esté legitimement conferee a un fort honneste prestre lequel, des le commencement du restablissement de la sainte religion en ces quartiers la, y a tres utilement travaillé.

  A012002887 

 Monseigneur, il a tort, et c'est a moy de supplier tres humblement Vostre Altesse de luy commander de ne point troubler l'establissement des curés de Chablaix, qui a tant cousté et de peynes et de soin au zele de Vostre [376] Altesse.

  A012002905 

 J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la.

  A012002905 

 Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre.

  A012002916 

 Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de la Grande Maîtrise des Saints Maurice et Lazare..

  A012002924 

 Mais cela ne se peut ni attendre ni esperer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse qui le commandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des ames qui en seroyent assistees et du bon monsieur Nouvelet, duquel la pauvreté seroit soulagee et la viellesse consolee, et qui ne respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prosperité de Vostre Altesse, de Messeigneurs ses enfans et de la posterité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine Majesté, comm'estant,.

  A012002942 

 C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la transaction de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la mesme mayson, devant les mesmes tesmoins.

  A012002942 

 Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et dela s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'enorme lesion, il faut aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif, et laysser les affaires au mesme estat auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des [381] moulins.

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002943 

 C'est pourquoy, en ayant conferé avec des personnes entendantes au mestier et consciencieuses, desquelles vous ne manques pas a Dijon, si mon opinion n'est pas jugee bonne ne la suivés pas, mais la leur, car je le desire ainsy, bien que j'espere que j'auray bien deviné, selon la proposition que vous m'en avés faitte.

  A012002945 

 C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court; et de la vient le torment des tentations de la foy.

  A012002946 

 Et courage, car elle ne laissera pas de faire des beaux enfans et des œuvres aggreables a Dieu.

  A012002946 

 Mais que vous importe-il de savourer ou ne savourer pas, puis que vous ne laissés pas de bien manger? Sil me failloit perdre l'un des sentimens, je choysirois que ce fut le goust, comme moins necessaire, voire mesme que l'odorat, ce me semble.

  A012002946 

 Vous voyes, mais sans contentement; vous maschés le pain comme si c'estoyent des estouppes, sans goust ni saveur.

  A012002947 

 Cependant, seroit-ce point peut estre une multitude de desirs qui fait des obstructions en vostre esprit? J'ay esté malade de cette maladie.

  A012002947 

 Il faut faire des essays, mais moderés, mais sans se debattre, mais sans s'eschauffer..

  A012002947 

 L'oyseau attaché sur la perche se connoit attaché et sent les secousses de sa detention et de son engagement seulement quand il veut voler; et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol. Pour un remede donques, ma chere Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et que vostre propre impuissance met une barriere a vos effortz, ne vous debattes point, ne vous empressés point pour voler; ayes patience que vous ayes des aisles pour voler comme les colombes.

  A012002947 

 Vous voyes la beauté des clartés, la douceur des resolutions; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysinage du bien vous en suscite un appetit demesuré, et cet appetit vous empresse et vous fait eslancer, mais pour neant; car le Maistre vous tient attachee sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses continuellement vos forces.

  A012002949 

 Le saint homme, arrivé sur le mont de Phasga, il vit toute la terre de promission devant ses yeux, terre a laquelle il avoit aspiré et esperé quarant'ans continuelz, parmi les murmurations et seditions de son armee et parmi les rigueurs des desers: il la vit et ni entra point, mais mourut en la voyant.

  A012002949 

 Or sus, sil vous failloit mourir sans boire de l'eau de la Samaritaine, et qu'en seroit ce pour cela, pourveu que nostr'ame fut receue a boire æternellement en la source et fontaine de vie? Ne vous empresses point a des vains desirs, et mesme ne vous empresses pas a ne vous empresser point.

  A012002953 

 Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu veut que je le serve en souffrant les sterilités, les angoisses, les tentations, comme Job, comme saint Paul, et non pas en preschant.

  A012002955 

 Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien du tout, bien que je l'ayme extremement quand elle est appliquee a la louange de Nostre Seigneur..

  A012002958 

 La Messe de Nostre Dame que vous voules vouer pour toutes les semaines le pourra bien estre, mais je desire que ce ne soit que pour une annee, au bout de laquelle vous revoüeres, s'il y eschoit; et commencés le jour de la Conception Nostre Dame, jour de mon sacre, et auquel je fis le grand et espouvantable vœu de la charge des ames et de mourir pour elles s'il estoit expedient.

  A012002967 

 La [389] premiere volonté ne fait que commencer a vouloir et desirer, mais elle n'acheve pas de vouloir; ses desirs n'ont pas asses de courage, ce ne sont que des avortons de volonté, c'est pourquoy elle remplit l'enfer.

  A012002967 

 Mais la seconde produit des desirs entiers et bien formés, et c'est pour celle la que Daniel fut appellé homme de desirs..

  A012002984 

 Ce ne sera pas sans des douleurs extremes; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses commandemens! O courage, ma chere Seur; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il vous envoye ses livrees.

  A012002984 

 Faites estat que le fer qui ouvrira vostre jambe soit l'un des cloux qui perça les pieds de Nostre Seigneur.

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002991 

 Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les chambres; adorés des le lict Nostre Seigneur a l'autel et contentes vous.

  A012003023 

 J'ay veu le testament des deux Religieux, par lequel l'ame se donne toute a Dieu.

  A012003023 

 O que les sentiers de la providence que Dieu a des siens sont admirables et imperscrutables!.

  A012003024 

 Si cet homme ne passoit a Geneve je vous eusse renvoyé tous vos papiers; mais je craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent, comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust.

  A012003025 

 Et courage, nous ne nous sçaurions confier a des mains plus amies et favorables.

  A012003030 

 Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec vostre confesseur, mais nompas mes lettres qui sont un petit trop naifves et [398] cordiales pour estre veües par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et ronde en vostre endroit..

  A012003122 

 J'ay tous-jours esté avec vostre [403] cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est descendu dans le vostre.

  A012003122 

 L'amour fait quelquefois des præsages par la force de la simpathie.

  A012003137 

 Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre,.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003186 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de vouloir bien traiter des affaires du Chablais avec Sa Majesté le roi très chrétien, afin qu'il daigne faire à ces peuples la [410] grâce de ne pas les livrer entre les mains de ces républiques hérétiques; ou, si absolument il veut les livrer, que ce soit du moins sous cette réserve, que nulle innovation ne sera faite en ce qui concerne la religion, mais que toutes choses seront maintenues dans l'état où elles se trouvent maintenant....

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003196 

 Ce que j'estois sur le point de faire, et cependant avois des-ja, des le passage de mondit Seigneur Legat, establi par tout des pasteurs par provision..

  A012003196 

 De laquelle reduction, Monseigneur le Cardinal de Medicis, pour lhors Legat a latere, a esté non seulement tesmoin, mais fut encor luy mesme instrument, en ayant conferé l'absolution a un tres grand nombre des convertis.

  A012003196 

 Dequoy ayant fait recit a Sa Sainteté, elle m'envoya un Brief apostolique affin que je reprinse les revenus ecclesiastiques de ces balliages et, par tout ou il me sembleroit, je restablisse les eglises, y constituant absolument des curés, pasteurs et prædicateurs.

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003196 

 J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse; je me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui s'ensuivroit d'une telle saysie.

  A012003198 

 Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement.

  A012003214 

 Et outre ce, de prendre sur tous autres benefices desdits balliages, de quelle qualité qu'ilz fussent, et sur tous biens dependantz de l'Eglise, ce qui seroit necessaire pour les portions des curés et prædicateurs, en cas que les benefices de Saint Lazare ne fussent suffisans, avec tout pouvoir d'unir les parroisses ensemble ou les diviser selon que je jugerois a propos..

  A012003214 

 Sa Sainteté sachant fort distinctement la disposition de ces pauvres peuples, me depescha un Brief expres et bien ample par lequel elle me charge de desunir tous les benefices, tant curés qu'autres, des balliages de Thonon et Ternier, lesquelz jusques a l'heure avoyent estés unis a la Milice de Saint Lazare.

  A012003215 

 Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la derniere execution de ceste volonté du Saint Siege quand ces troubles de guerre survindrent, et, en consideration de la ruine de beaucoup d'eglises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une, selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de Vullionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'eglise de Vullionnex est en masures; et du tout j'ay envoyé au Saint Siege distincte et vraye instruction.

  A012003215 

 Si que je suis obligé a suyvre ce qu'une fois pour tout j'en ay ordonné apres meure deiberation, puisque l'advis en est allé jusques aux mains des superieurs, et que d'ailleurs malaysement se pourroit il mieux faire.

  A012003220 

 Monsieur de Sancy, Conseiller d'Estat, Colonnel des Suisses,.

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003248 

 Au moyen dequoy, ayans contrains quelques uns des pasteurs catholiques d'absenter, sur tout en Ternier, ilz veulent maintenant usurper leurs places..

  A012003248 

 Les huguenotz, sachans bien quilz n'oseroyent en vostre præsence user de la violence quilz ont accoustumé d'employer a l'advancement de leur hæresie, ne vous eurent pas si tost perdu de vëue qu'ilz font sortir de Geneve des ministres et autres telles gens, non seulement pour precher publiquement, mais aussi pour honnir et profaner nos eglises, renverser nos autelz et desrobber les cloches et autres meubles sacrés, comm'ilz ont fait a Veyri, Saint Julien et en deux lieux de Chablais, injurians et menaçans les personnes.

  A012003269 

 C'était un coup d'audace dont le succès égala l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très [421] bon, très grand, une si particulière assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents personnes des deux sexes furent arrachées à l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms rétablis sur les registres de la catholicité..

  A012003269 

 Deux d'entre eux, le jour même de la solennité de la Pentecôte, prirent quelques aides parmi les prêtres séculiers qui depuis longtemps se sont voués dans le champ des âmes de Thonon aux labeurs évangéliques, puis, ensemble, ils entrèrent soudainement dans les localités les plus voisines de Genève, comprises sous le nom de bailliage de Gaillard.

  A012003269 

 Ils instruisent le peuple par leurs prédications, s'adonnent au ministère des confessions, et forment les enfants aux éléments des belles-lettres aussi bien qu'aux principes de la foi.

  A012003270 

 Notre ville de Thonon est en effet placée de telle sorte entre ces deux dernières, qu'un soldat, s'il pouvait combattre des deux mains, pourrait les attaquer toutes deux en même temps..

  A012003271 

 Pour conquérir les bailliages de Thonon, de Ternier et de Gaillard il a fallu des labeurs extraordinaires; c'est donc un devoir strict de les défendre.

  A012003271 

 Pour y faire face, il faut des trésors d'énergie et des âmes intrépides.

  A012003281 

 A quoy personne n'avoit apporté de la difficulté pendant que les scindiques y ont esté catholiques; [426] mais des l'annee passee, que la guerre ouvrit la porte a ceste poignee d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement de la ville, les ditz Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que lesditz scindiques se sont opposés a leur jouissance, sous prætexte que les assignations n'ont pas eu effect; ce que la guerre a causé.

  A012003281 

 Ce pendant que par l'heureuse reprise que Vostre Altesse fait de la possession de son balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant sous son authorité les ames lesquelles y estoyent perdues par l'heresie, l'ennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si saintement faitz a Thonon.

  A012003281 

 Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en ce balliage un college de Jesuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville, et le remettre aux Peres Jesuites pour le commencement dudit college, avec intention neanmoins de rembourser ladite ville de l'argent qu'elle avoit delivré a l'achapt de ce benefice, par de bonnes assignations qu'elle leur avoyt accordees.

  A012003282 

 C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remede qu'elle connoistra bien y estre propre; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et heureuse santé, demeurant,.

  A012003325 

 En conséquence j'ai recouru à M. le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le rétablissement du culte catholique et la restitution des églises, avec leurs revenus, aux pasteurs et autres qui en sont les possesseurs canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute la [429] France conformément à l'édit de l' Interim.

  A012003355 

 Assurément, si les travaux qu'il a, pendant plusieurs années, soutenus pour la conversion des hérétiques, et ceux qu'il est sur le point d'entreprendre en ce champ laborieux sont pris en considération, je crois que Sa Sainteté lui multipliera ses faveurs et réduira les frais qu'il devrait faire et que, sans cette réduction, il n'est pas en mesure de soutenir..

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003355 

 Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui survint alors, soit encore parce que le Prévôt manque des ressources nécessaires, la concession de cette faveur est restée jusqu'ici sans effet.

  A012003386 

 J'ai aussitôt écrit à Sa Majesté très Chrétienne et à M. le baron de Lux, son lieutenant dans le susdit pays, pour solliciter le rétablissement du culte catholique, et la réapplication au service religieux des églises et des biens ecclésiastiques, comme il a été fait dans tout le royaume de France.

  A012003386 

 Le roi très chrétien vient de prendre possession du pays de Gex, et il a reçu le serment de fidélité des habitants.

  A012003387 

 Sa Majesté a déclaré être absolument résolue à entériner notre requête, bien que, pour certaines considérations, elle sursoie à l'exécution jusqu'à ce qu'on ait présenté des instances..

  A012003402 

 La multiplication des peuples lesquelz se vont d'heure a autre reduysans au giron de l'Eglise, sous l'heureuse authorité de Vostre Altesse, fait de plus en plus croistre la necessité d'ouvriers et pasteurs ecclesiastiques; a laquelle il me sera des ores impossible de bien prouvoir s'il ne se fait quelque college de Peres Jesuites en ce mien diocæse, duquel, comme d'un Seminaire, je puisse retirer gens capables a cest effect.

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003437 

 Aiant donné le dernier ordre a l'establissement des eglises et pasteurs des balliages de Chablaix et Ternier, et jetté des bons commencemens de semblables effectz au balliage de Galliard, je vay m'entretenant en ce voysinage pour attendre le tems d'en pouvoir faire de mesme au balliage de Gex, selon le bon playsir de Sa Majesté tres Chrestienne.

  A012003443 

 Monsieur le Baron de Lux, Chevalier des deux Ordres,.

  A012003456 

 Attendu mesme qu'aussi bien sera-il requis de procurer vers Sa Sainteté quelque recompense pour la Milice de Saint Maurice, en contrechange des biens qui ont estés appliqués aux autres cures des balliages; si que, par mesme moyen et avec mesme facilité, on la pourroit obtenir pour ce reste de Filly..

  A012003471 

 Il est vray que, n'ayant pas jugé lesdites raysons considerables pour empescher ledit establissement des curés, sans lequel des lhors toutes les eglises demeuroyent despourvëues, puysque les pasteurs, entretenuz jusques a l'heure avec tous les artifices possibles, estoyent resoluz d'abandonner silz ne se voyoyent en asseurance de leurs [443] provisions, ayant sur ce prins l'advis de gens tres zeléz au service de Vostre Altesse et qui sont capables de semblables conseilz, sans la presence desquelz je n'ay rien voulu faire, je passay outre a l'execution du Brief; en telle sorte neanmoins, que je retranchay de beaucoup son estendue, laquelle si j'eusse voulu suyvre, j'eusse esté contraint de lever tout le bien d'Eglise que ladite Milice tient es balliages: encor ni eut il pas esté suffisant.

  A012003471 

 J'avois des-ja amplement donné advis a Vostre Altesse de tout ce que j'avois fait en Chablais et Ternier pour l'establissement des cures, quandj'ay receu la lettre quil luy a pleu m'escrire, du... octobre, par voye du seigneur chevallier Bergeraz, par laquelle j'ay conneu que mon action avoit esté bien mal representee a Vostre Altesse, en ce qu'on luy a dit que j'avois procedé sans ouÿr les seigneurs de la Milice de Saint Maurice; car j'ay trop de bons et irreprochables tesmoins au contraire, qui m'ont veu ouïr fort au long toutes les raysons et allegations que ledit sieur Bergeraz a voulu advancer, comme procureur general de ladite Milice, et, avec luy encores, le sieur juge de Prez, conseil ordinaire d'icelle.

  A012003471 

 Mays le respect que je porte aux intentions de Vostre Altesse m'a fait tenir le plus court quil m'a esté possible, et en telle sorte que, n'ayant du tout rien touché a Ripaille, je n'ay prins de Filly et Doveynoz sinon justement ce qui estoit requis pour les curés des parroisses riere lesquelles ces deux benefices prenoyent les diesmes; et ce, pour autant quil estoyt impossible de faire autrement..

  A012003472 

 Et quant a Doveynoz, bien que Vostre Altesse l'avoit entierement layssé pour estre employé a l'entretenement des pasteurs, si est ce que j'ay laissé au prieuré une bonne piece de revenu de laquelle je n'ay encor aucunement disposé, attendant la resolution que Vostre Altesse me donneroit pour la dotation de la cure de Thonon et de deux autres qui sont aux chams, lesquelles ne sont pas appointees de ce qui leur est necessaire.

  A012003489 

 Sur le bon playsir de Vostre Majesté, qu'elle me delaira par sa lettre, j'ay esté en son balliage de Gex, [445] et y ay establi des ecclesiastiques pour l'exercice de la sainte religion catholique es lieux que M. le baron de Lux m'a assigné, qui ne sont que trois en nombre; beaucoup moins, a la verité, que je n'avois conceu en mon esperance, laquelle, portee de la grandeur de la pieté qui reluit en la couronne de Vostre Majesté, n'aspiroit a rien moins qu'au tout.

  A012003515 

 Il reste encore dans le diocèse de Genève beaucoup d'hérétiques et quelques relaps; ceux-ci, subissant la pression de la force armée au cours des dernières guerres, ont fait profession de la foi catholique, et ensuite, violentés par une pression contraire, sont retombés dans l'hérésie.

  A012003515 

 On espère la conversion de tous, moyennant la grâce divine, par le ministère des prédicateurs.

  A012003516 

 En outre, comme il est nécessaire aux prédicateurs qui travaillent à la conversion des hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les réfuter plus commodément, ceux surtout que les Genevois et autres gens du voisinage font paraître chaque jour, l'Evêque demande très humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il jugera convenable, tel le Prévôt de la cathédrale de Genève, à lire et garder les livres susdits pendant qu'ils travaillent à cette mission.

  A012003517 

 Là, ces bannis pour le Christ, surtout les enfants et les jeunes gens des deux sexes, pourraient être accueillis, élevés et instruits chrétiennement.

  A012003517 

 Parmi les milliers de personnes qui, par la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont converties et soumises à la sainte Eglise cette année dernière aux environs ou sur les confins du territoire de Genève, bon nombre ont été, par suite de leur conversion, dépouillées de tous leurs biens: les unes, parce qu'elles sont sorties de Genève ou de quelque autre ville; et d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur commerce avec les Genevois la majeure partie des ressources nécessaires à cette misérable vie temporelle.

  A012003518 

 L'un des nouveaux convertis, gentilhomme distingué, poussé par une véritable compassion envers ceux qui, touchés de l'Esprit-Saint, embrassent la sainte foi, a donné huit mille écus d'aumône; quelques autres personnes ont fait de petites offrandes proportionnées à leurs ressources.

  A012003518 

 Mais un tel projet, suggéré et inspiré par la charité, ne peut aboutir sans une grande charité; car il est impossible d'établir cet hospice autrement que par des aumônes ou par l'application de quelques revenus ecclésiastiques.

  A012003540 

 Au sujet des difficultés qui se rencontrent dans les articles proposés de la part de l'Evêque de Genève, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est très humblement suppliée de soumettre ce qui suit à la considération de Sa Sainteté:.

  A012003541 

 Qu'on doit enfin donner à ces peuples qui demandent du pain des prêtres pour le leur rompre.

  A012003541 

 Quant à l'application des bénéfices à l'entretien des pasteurs des paroisses revenues à la vraie foi: Que les biens des cures sont en partie aliénés de par l'autorité apostolique, et en partie ruinés et [451] abandonnés par suite du peu de soin qu'en ont eu les possesseurs; partant ils ne suffiraient en aucune manière à l'entretien des susdits pasteurs.

  A012003542 

 Que les monastères desquels on demande les prébendes sont, à une exception près, situés en des lieux inhabités et éloignés des [452] centres; de sorte que leurs théologaux, si toutefois ils en avaient, seraient peu utiles au diocèse, tandis qu'en appliquant ces prébendes à l'entretien de chanoines théologaux, elles seraient infiniment plus utiles au bien public..

  A012003545 

 Et en somme, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est suppliée de considérer combien graves et combien nombreux sont les besoins de ce diocèse, car « aux maux extrêmes il faut appliquer des remèdes extrêmes, et le salut du peuple est la suprême loi.

  A012003573 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A012003574 

 avec le texte des Lettres de saint François de Sales. [456].

  A012003603 

 Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour l'entretenement des curez, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y exercer religieusement ce qui est de leur charge; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve..

  A012003619 

 Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que concerne le spirituel; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue, et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe.

  A012003635 

 Il y a quelques sepmaines que Nous vous escripvismes sur quelque mauvays rapport qu'a esté faict a Sa Sainteté de la conversion des heretiques des baillages, luy ayant este donné a entendre que tout estoit en son premier estat, et que les curez n'ont point esté retablis en leurs eglises.

  A012003870 

 J'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principalement de tous ceux du premier temps, selon vostre division; entre lesquelz, apres Grenade que j'ay tout en sa langue, au moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila; mais il les fauldroit avoir aussy en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est tres mal faicte.

  A012003887 

 En fin, n'en ayant sceu rien apprendre, j'ay creu qu'en tout cas vous n'auriez point desagreable ce tesmoignage de l'affection que je vous doy, [477] vous suppliant de prendre en bonne part que je vous rende conte de moy despuis le temps que vous n'avez eu des miennes, et que je vous donne advis jusques ou je suis advancé en la profession dont vous m'avez faict l'honneur de me donner les premieres instructions..

  A012003887 

 J'attendoy de sçavoir si l'on vous auroit rendu celles que je vous escrivis sur la reception de la lettre de Rome quil vous pleust m'envoier, desirant en avoir des nouvelles advant que de vous importuner d'aultres lettres.

  A012003887 

 Je n'ay pas oublié le devoir que je vous ay, encor qu'il y ait long temps que je ne vous en aye rendu des effectz.

  A012003888 

 Je les receuz quelques jours advant les festes de Noel passé, et me disposoy apres au sacre, que je receuz le jour de la feste des Roys de la main de Monsieur l'Archevesque d'Aix, assisté de Messieurs de Bologne et de Mascon, aiant auparavant usé de la preparation dont vous me fistes ce bien de m'advertir, le mieux qu'il m'a esté possible; non pas toutes fois si bien que j'eusse desiré..

  A012003903 

 Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres; ainsi, cherissant voz merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme.

  A012003920 

 Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en supplier de nostre part; mais le peril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que nous a faict Monsieur Brunet de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre supplication, et mesme vous la presenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle, recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais,.

  A012003933 

 Je me resjoüys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beaucoup plus en l'ample et grande evesché de Geneve, comme serviteur tres humble et tres ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour mieux dire, des le berceau; me resjouyssant d'ailleurs du bien et bon heur que, par ce moyen, arrive a voz diocezes.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000007 

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  A013000012 

 Pierre Lucien Campistron, Évêque d'Annecy, aux lecteurs de la nouvelle édition des Œuvres de Saint François de Sales 15.

  A013000018 

 — La simplicité chrétienne dans l'accusation des péchés.

  A013000018 

 — Penser à « la grande dereliction » du jardin des Olives.

  A013000020 

 » — Eviter la fréquentation des hérétiques; le négoce avec eux n'est pas défendu 31.

  A013000022 

 — La plus belle harangue des mendiants.

  A013000022 

 — On ne se guérit pas en un jour des mauvaises habitudes.

  A013000025 

 — A l'égard des offenses, le Saint n'est « nullement tendre et douillet.

  A013000027 

 — Solidité éternelle des amitiés fondées sur l'amour de Jésus-Christ.

  A013000029 

 Plusieurs paroisses sont dépourvues de pasteurs ou n'ont que des vicaires.

  A013000029 

 — Le collège d'Annecy aurait grand besoin des Pères Jésuites.

  A013000032 

 A qui revient la bénédiction des cloches; délégation générale et pouvoir de déléguer par l'Abbé d'Abondance, en des cas semblables.

  A013000034 

 — Le propre des roses et des lis.

  A013000035 

 La vraie simplicité dans l'accusation des péchés, très agréable à Dieu.

  A013000035 

 — Se défier des divagations de l'esprit.

  A013000037 

 — Indications pour la récitation des Heures, conformes aux prescriptions de sainte Thérèse.

  A013000037 

 — Permission de chanter des cantiques pendant la récréation.

  A013000038 

 — Le Saint se défend de « vouloir surnager » au conseil des autres.

  A013000045 

 — « Les hostelz » des princes à Paris et leur nom gravé sur le frontispice.

  A013000047 

 — Désir de régler la question de l'entretien des églises.

  A013000047 

 — Insistances nouvelles en faveur des paroisses en détresse.

  A013000048 

 Désir d'avoir des nouvelles; nécessité d'un sage directeur pour conduire les Religieuses.

  A013000049 

 — Le Saint dit un mot des honneurs qu'on lui propose; ses sentiments à cet égard.

  A013000049 

 — Se contenter des lumières qu'on a. — Simplicité et prudence avisée dans la fréquentation des hérétiques.

  A013000050 

 — Désir d'avoir des nouvelles de l'Abbesse du Puits-d'Orbe; légère inquiétude à son sujet.

  A013000051 

 — « Le frifillis des feuilles.

  A013000055 

 » — « Le panier des figues douces.

  A013000065 

 — Circonstances où la déférence aux volontés des parents ne convient pas.

  A013000072 

 CCCXXVI. A M. Rodolphe des Oches, Curé de Talloires.

  A013000072 

 Les jeunes filles peuvent chanter à l'église « des Noelz et chansons spirituelles » sans enfreindre le précepte de l'Apôtre saint Paul. 96.

  A013000073 

 — Zèle du P. Maurice pour la conversion des hérétiques 97.

  A013000074 

 — Son amour des âmes; l'affection de son peuple pour lui.

  A013000076 

 — La considération des plaies de Notre-Seigneur.

  A013000077 

 — Les jugements bons ou mauvais des hommes; le cas qu'il en faut faire.

  A013000080 

 Le Bienheureux s'intéresse à l'avenir d'un jeune gentilhomme, et promet à sa mère de faire des démarches pour lui. 107.

  A013000084 

 « Le mal des maux, » pour les âmes « qui ont des bonnes volontés.

  A013000084 

 » — Prendre modèle sur les abeilles: faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse.

  A013000087 

 — Pour le nombre des Communions, s'en remettre au confesseur ordinaire.

  A013000088 

 Démarche des habitants de La Roche pour obtenir l'établissement d'un collège.

  A013000094 

 Les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare ne tiennent pas leurs promesses.

  A013000095 

 CCCXLIX. Au Conseil des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A013000097 

 — La quenouille et le fuseau des âmes dévotes et des saintes ménagères.

  A013000097 

 — Les travaux des mains.

  A013000097 

 — S'abstenir des longues oraisons, des imaginations violentes et des considérations prolongées.

  A013000098 

 Départ du Saint pour la visite des paroisses; ses impressions.

  A013000099 

 Conseils variés à une personne du monde: servir Dieu par les exercices de sa vocation et par l'accomplissement des devoirs d'état.

  A013000099 

 — La patience avec soi-même; la modération des désirs 127.

  A013000104 

 — Une sainte villageoise, l'une des « grandes amies » du Saint.

  A013000105 

 — L'éducation des filles dans les monastères, d'après les idées du Saint; les enfants de la Baronne, Marie-Aimée, Celse-Bénigne.

  A013000105 

 — Profit qu'on doit tirer des impuissances d'esprit.

  A013000107 

 » — La vertu des femmes mariées, « celle seule que saint Paul indique.

  A013000107 

 — Jeanne de Sales et « la vie des chams.

  A013000111 

 — Comment « divertir » ses yeux « des curiosités de la terre.

  A013000112 

 Au retour de la visite, le Saint revoyant son âme en a compassion; il veut profiter des loisirs de l'hiver suivant pour se remettre dans la ferveur.

  A013000112 

 — Les chevreuils et chamois des Alpes.

  A013000113 

 » — Lire sans scrupule la traduction des Psaumes de des Portes.

  A013000118 

 — Le glorieux auteur des Annales a l'autorité nécessaire pour lui prêter cette assistance.

  A013000128 

 L'ambition des pères.

  A013000128 

 — La vraie grandeur des veuves et des Evoques.

  A013000129 

 CCCLXXXII. A Sa Saintete Paul V. Le Saint prie le Souverain Pontife d'accueillir paternellement un gentilhomme converti qui a donné des gages de fidélité.

  A013000132 

 » — L'âme chrétienne et la vicissitude des saisons; au Ciel, il n'y aura nul hiver.

  A013000135 

 Le Saint donne des nouvelles, des commissions et des encouragements à l'un de ses familiers. 169.

  A013000138 

 Le Carême, la moisson des âmes.

  A013000139 

 CCCXCII. A des destinataires inconnus (Inédite).

  A013000142 

 Désir de recevoir des nouvelles.

  A013000145 

 — Hors de Dieu et sans lui, nous ne sommes que « des vrais riens.

  A013000147 

 Pour des âmes novices, il n'est pas bon de penser toujours rencontrer Dieu sans préparation.

  A013000153 

 — Inconvénients des longs voyages pour les femmes de piété.

  A013000153 

 — La prudence des serpents et la simplicité des « blanches colombelles; » l'une très nécessaire, l'autre très aimable.

  A013000154 

 — Les fanfares de l'ennemi des âmes.

  A013000158 

 Le Saint sollicite des encouragements pour deux gentilshommes qui voulaient doter la Sainte-Maison de Thonon d'ateliers d'arts mécaniques.

  A013000163 

 CDXVI. A M. Antoine des Hayes.

  A013000177 

 — La baronne de Chantal auprès des malades.

  A013000178 

 — La première des vertus.

  A013000180 

 — Zèle des chanoines d'Annecy.

  A013000185 

 Le Saint désire qu'on ne prenne pas dans un sens absolu les directions adressées à des personnes particulières.

  A013000189 

 — L'un des plus grands traîtres de la vraie dévotion.

  A013000193 

 — Les « prieres penetrantes » des petits.

  A013000193 

 — Lumières qu'il en reçoit pour lui parler de l'humilité, la vertu propre des veuves.

  A013000193 

 — Ne pas pointiller dans la pratique des vertus.

  A013000213 

 La nouvelle Edition des Œuvres de saint François de Sales compte à l'heure actuelle douze beaux volumes.

  A013000213 

 Voici le tome XIII, le troisième volume des Lettres..

  A013000214 

 Nous la donnons avec un bonheur d'autant plus grand, qu'en encourageant la diffusion des écrits du saint Docteur, nous faisons œuvre d'actualité et de bonne propagande.

  A013000216 

 Il n'hésitait pas à entreprendre de lointains voyages pour rechercher en quelque coin ignoré de bibliothèque, une lettre, un écrit quelconque du Saint, et il prolongeait volontiers ses veilles, qu'il consacrait à coordonner les textes et à établir les sources des citations par des références très laborieusement notées..

  A013000216 

 Les Religieuses de la Visitation d'Annecy avaient en main des pièces inédites, des écrits inconnus du public, des lettres nombreuses; tous ces documents précieux, elles les avaient recueillis, groupés et mis [V] en ordre.

  A013000217 

 Or, parmi les admirateurs des écrits de notre aimable Saint, quelques-uns, considérant la lenteur avec laquelle les volumes se sont succédé, se laisseront peut-être aller au découragement; d'autres peuvent se demander avec inquiétude si ce travail de si longue portée aboutira jamais à son achèvement complet..

  A013000220 

 Les lecteurs qui liront leurs notices rapides ne se douteront pas, peut-être, des labeurs considérables que chacune d'elles a coûtés..

  A013000221 

 Ajoutons que c'est précisément à ces recherches laborieuses, à la restitution des dates incertaines, des destinataires inconnus, que s'applique la sagacité doucement obstinée et toujours heureuse des Religieuses de la Visitation d'Annecy.

  A013000221 

 Les vénérées Filles du Saint me pardonneront de dire la part qui leur revient dans cette œuvre immense, et le grand public ne sera pas fâché, sans doute, de savoir que les monastères d'aujourd'hui continuent d'être, comme au temps passé, des ruches ferventes où s'amassent silencieusement des trésors d'érudition et de science historique..

  A013000222 

 On comprend donc facilement que l'interprétation et l'annotation de ces Lettres demandent une spéciale préparation, et notamment des notions précises et variées d'histoire, de littérature, de linguistique.

  A013000222 

 Pour y réussir, il est armé de toutes pièces, et, ce qui, dans l'espèce, le dispose mieux à ce genre de travail, il possède une connaissance approfondie des âmes, qu'il a puisée dans l'expérience du ministère sacré. [VII].

  A013000224 

 Entre autres judicieux et fins aperçus, le nouvel éditeur note que saint François de Sales « a dépassé son temps, » et qu'en donnant des conseils pour des états d'âme particuliers, « il les a marqués d'un caractère de vérité générale et profondément humaine.

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000225 

 Les contemporains du Saint, fatigués des luttes fratricides qui avaient rempli tout le XVI e siècle du fracas des armes et du bruit des discussions politiques et religieuses, aspiraient de tous leurs vœux au calme, à la paix, à la tranquillité dans l'ordre et dans la pratique de la tolérance.

  A013000236 

 La nouvelle série de Lettres, qui vont de janvier 1605 à fin mars 1608, montre les mêmes qualités qu'on a pu remarquer dans les lettres précédentes: le charme savoureux de la langue, la finesse des observations morales et surtout l'art de présenter sur un ton gracieux et persuasif les conseils de la perfection chrétienne.

  A013000236 

 Mais l'intérêt particulier des Lettres de cette période, c'est qu'elles éclairent d'une vive lumière l'histoire du sentiment religieux en France au début du XVII e siècle; ajoutons que le portrait de saint François de Sales s'y dessine en traits plus nombreux et plus saisissants..

  A013000238 

 Le temps était fini des luttes, les ardeurs batailleuses commençaient de s'éteindre.

  A013000239 

 Cet appel à la perfection qui sollicitait alors les plus nobles instincts de la conscience humaine, ce travail mystérieux de fermentation religieuse qui mettait en vibration tant de nobles âmes, revit et transpire à travers la plupart des lettres de cette époque..

  A013000240 

 C'est l'étonnante diffusion des FF. Mineurs Capucins établis en Bourgogne et dont l'intrépide apostolat se multiplie dans les environs de Genève, dans les régions Chablaisienne et Valaisanne..

  A013000241 

 Ce sont les monastères d'hommes en Savoie qui se réforment; les tièdes et les récalcitrants se voient remplacés par des Ordres nouveaux.

  A013000242 

 De toutes parts enfin circule une ardeur généreuse pour réparer les brèches faites aux murailles de la cité chrétienne par les assauts des novateurs..

  A013000243 

 Et comme il faut donner à toutes ces âmes affamées de perfection une doctrine substantielle et nourrissante, la traduction française des Œuvres de sainte Thérèse et des parties morales des anciens Pères vient à son heure.

  A013000243 

 Les ministres de l'hérésie aux abois essaient en vain de regagner dans des conférences publiques le peuple qui les abandonne.

  A013000243 

 Les ouvrages de spiritualité se répandent partout; les plus subtils, les plus obscurs eux-mêmes trouvent des lecteurs..

  A013000244 

 A la faveur des prédications et des exercices du Carême, la religion s'installe dans les âmes et en prend une possession définitive.

  A013000244 

 La jeunesse curieuse et ardente trouve dans les collèges des Jésuites des maîtres habiles pour la discipliner et l'instruire.

  A013000244 

 Pour célébrer les Grands Pardons d'Annecy, des multitudes de pèlerins viennent de tous pays et se pressent pendant trois jours dans le sanctuaire de Notre-Dame de Liesse.

  A013000245 

 En les lisant, on a comme la sensation d'entendre le bruissement de cette germination merveilleuse qui devait s'épanouir plus tard en opulentes floraisons de sainteté; ainsi voit-on, aux premiers jours du printemps, la sève lentement circuler à travers les tiges souples des arbres reverdis, puis gonfler les bourgeons, annonciateurs des fleurs et des fruits..

  A013000245 

 Tous ces renseignements, tous ces traits, tous ces détails si précieux pour l'histoire générale des mœurs et de la piété, les Lettres de François de Sales les fournissent à toutes les pages.

  A013000248 

 Son influence dépasse visiblement les limites de la Savoie, elle s'exerce sur tout et sur tous; rien n'en montre mieux l'étendue que le nombre et la qualité de ses correspondants et la variété des objets qu'il traite avec eux.

  A013000249 

 Ce sont des collèges de Jésuites qu'il voudrait ériger à Annecy et à La Roche, c'est l'Abbesse d'un monastère qu'il faut encourager dans ses projets de réforme.

  A013000249 

 Des jeunes filles, des jeunes gens rêvent de la vie claustrale; mais il s'en faut bien que le Saint fasse à tous ces désirs le même accueil: il encourage les uns, et parfois, mais toujours suavement, il déconseille les autres.

  A013000249 

 Il bénit les espérances d'une jeune femme, il pourvoit les paroisses de pasteurs, et ceux-ci, de subsides convenables qu'il doit arracher à l'odieuse avarice des Chevaliers des saints Maurice et Lazare.

  A013000250 

 Bien des figures ne font que passer dans cette correspondance, qu'on voudrait revoir; d'autres reviennent souvent et finissent par nous devenir familières.

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000256 

 La dernière lettre qui figure dans ce volume nous la fait voir appliquée à l'oraison et à la lecture des écrits de sainte Thérèse et de sainte Catherine de Sienne..

  A013000258 

 Il semble qu'à cette vaillante Philothée les étapes intermédiaires furent épargnées; saint François de Sales prenait plaisir à former cette conscience virile et à la mener par des enseignements progressifs aux joies austères de la vraie dévotion.

  A013000258 

 Un juge clairvoyant, le meilleur des amis du Saint, son directeur fidèle, y avait vu un trésor qu'il fallait publier.

  A013000260 

 Des intelligences vives et curieuses se sont exercées à décrire les délicates opérations de la grâce et l'influence du prêtre dans cette âme vigoureuse.

  A013000260 

 L'histoire de cette grande âme et de la direction du Saint a tenté bien des plumes.

  A013000260 

 Les plus discrets, pour ne rien dire des pamphlétaires, ont avancé sur le ton grave d'un impertinent pharisaïsme, que cette direction était une domination lente et progressive de l'âme humaine, paralysant la volonté, enfermant les facultés actives dans l'observation exclusive du dedans, quand elle ne les endormait pas, en supprimant tout désir, dans un quiétisme paresseux..

  A013000260 

 Mais leurs intéressantes et fines analyses ont été trop souvent gâtées par des préjugés ridicules.

  A013000261 

 Au lieu d'écrire ces fantaisies dans des revues et de les débiter du haut d'une tribune, on ferait bien de lire les lettres adressées à la baronne de Chantal, et surtout on ferait mieux de les comprendre.

  A013000261 

 La doctrine du saint Directeur, telle du moins qu'elle ressort des Lettres de 1605-1607, peut d'ailleurs se résumer en quelques lignes..

  A013000261 

 Qu'on les lise donc, au lieu de rééditer, quoiqu'en les atténuant, les imaginations des historiens romanciers de la Restauration et de l'Empire.

  A013000263 

 Or, à tous ces [XV] ennemis de la paix et de l'activité, l'habile Directeur fait une guerre sans merci, et quand il a débarrassé l'âme des vaines craintes et dégagé la volonté des obstacles qui lui font échec, alors il lui donne un point d'appui immuable: la volonté de Dieu..

  A013000265 

 Ce dépouillement spirituel, cette purification incessante de la volonté et des mobiles d'action ne va pas sans de continuels renoncements.

  A013000265 

 Et ce conseil viril n'était pas de trop pour suivre son programme; car, tout en parlant dans une langue suave, le Directeur n'en demandait pas moins des choses héroïques..

  A013000267 

 Un autre jour, elle est troublée par des peines d'esprit fort douloureuses.

  A013000267 

 » Est-ce que de telles paroles sont inspirées par la molle complaisance d'un fade attendrissement? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller [XVI] même cette innocente consolation: « Vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous amuser a considerer vostre mal, non pas mesme pour me le dire.

  A013000271 

 Plus récemment, on a prétendu que l'idéal de saint François de Sales en fait de piété avait le défaut de se limiter à la perfection des âmes individuelles.

  A013000272 

 Il est vrai, l'effort du Saint et de sa direction va tout d'abord à épurer l'âme, à illuminer l'intelligence, à rectifier la volonté, à mettre de l'ordre dans toutes les puissances; mais la volonté n'est-ce pas la pièce maîtresse, l'instrument des actions humaines dont il importe avant tout de s'assurer? Régler la volonté, la fortifier, lui donner du ressort, de l'élan, est-ce faire autre chose que d'accumuler d'avance, pour l'action ultérieure, les trésors de l'énergie morale? Et les facultés agissantes, qui les excite, qui les met en jeu, sinon le vouloir intérieur? L'activité n'est souple, n'est durable, n'est féconde que si elle jaillit de cette force invisible qui s'appelle la volonté.

  A013000273 

 Pour toutes les misères du corps et de l'âme, des instituts surgissent; mais qui les fonde? De grandes chrétiennes, la plupart admiratrices du saint Evêque de Genève, formées à la piété par ses écrits, ou même encouragées par les exemples de la baronne de Chantal devenue à son tour fondatrice, et laissant à ses filles son esprit de charité active et bienfaisante..

  A013000275 

 Quant aux lecteurs qui aiment à pénétrer dans l'intimité des Saints, à connaître leurs confidences, qui s'édifient à contempler la ravissante simplicité de leurs âmes, ils feront dans ces lettres des découvertes touchantes.

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000277 

 Tous les bruits, tous les accents de la nature, depuis le « frifillis des feuilles » jusqu'au « tintamarre » des grands orages alpestres, son âme de poète a tout perçu, tout noté..

  A013000278 

 Sous sa plume, les scènes de l'Evangile méditées par manière de contemplation, sous l'inspiration évidente des Exercices de saint Ignace, deviennent des tableaux dignes de la grâce et de la gentillesse d'un Pérugin..

  A013000280 

 C'est des habitants de Rumilly qu'il écrivait, en s'excusant de dire une « petite folie... Je presche si jolyment a mon gré en ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent volontier.

  A013000280 

 » Il faut le voir se divertissant des masques avec les enfants de son catéchisme, devant une assistance qui le « convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013000281 

 Quelle humilité que celle qui lui fait accepter avec une gratitude touchante les conseils de sa fille spirituelle! L'illustre ami des Cardinaux, le conseiller vénéré des Papes, le grand convertisseur d'âmes devient un enfant quand il écrit au P. Possevin, son ancien maître, et surtout quand il se remet pour « rabiller » son âme sous la conduite de son vieil ami, le P. Fourier..

  A013000287 

 Comme on s'y [XXI] attend bien, le saint Evêque trouve des accents attendris, il rencontre des expressions d'une délicieuse fraîcheur quand il vient à parler de la « petite defuncte, » cette enfant d'espérance, si « cordialement » aimée, délicate comme « les fraises et les cerises » de nos jardins et, comme elles, prématurément cueillie..

  A013000287 

 Les passages des Confessions où saint Augustin nous fait des confidences sur sa mère ne sont pas plus touchants.

  A013000288 

 » Leçon bien « haute, » de l'aveu même de celui qui la donnait, trop haute sans doute pour des « cœurs a demi mortz; » mais pouvait-elle effrayer ce « cœur vigoureux » qui aimait et qui voulait « puissamment? ».

  A013000289 

 Cette lettre, en outre des peintures d'âmes variées qu'elle nous offre ramassées dans un même cadre, défend victorieusement la piété catholique contre un reproche odieusement rebattu de nos jours: celui d'altérer et de refroidir les affections de famille.

  A013000291 

 En adressant les conseils de son intuitive sagesse à des âmes particulières, il les a marqués d'un caractère de vérité générale et profondément humaine.

  A013000292 

 Après les avoir lues, on garde comme conclusion le souvenir de la bonne Pernette Boutey, la sainte villageoise de La Roche, l'une des « grandes « amies » du Saint, qui « devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie.

  A013000292 

 Il faut donc leur infuser des goûts qui ne passent pas, des sentiments et des espoirs qui les fixent dans un état tranquille et sûr.

  A013000292 

 » On se rappelle aussi cette pauvre veuve d'Annecy que le Bienheureux aperçut « a la suite du Saint Sacrement, et ou les autres portoyent des grans flambeaux de cire blanche, elle ne portoit qu'une petite chandelle, que peut estre elle avoit faite; encores, le vent l'esteignit.

  A013000293 

 Puisqu'elles faisaient l'admiration du saint Evêque, nul doute qu'elles fassent envie à bien des lecteurs..

  A013000301 

 Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune.

  A013000301 

 Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures.

  A013000304 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A013000304 

 Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A013000305 

 Des points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet.

  A013000306 

 A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques.

  A013000306 

 Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés à l'Evêché d'Annecy; elles sont désignées par les deux initiales R. E..

  A013000316 

 Et quant a moy, ma tres chere Fille, adorant de tout mon cœur cette divine Providence, je la supplie de respandre sur vostre cœur l'abondance de ses faveurs, affin que vous soyes benite en ce monde et en l'autre des benedictions du ciel et de la terre, des benedictions de la grace et de la gloire eternelle.

  A013000348 

 Ny il ne fust pas loisible de s'enquerir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de detours et les conduisoit par des chemins si aspres; et tous ceux qui en murmurerent moururent avant l'arrivee.

  A013000350 

 Passez oultre, je vous supplie, et pensés a ceste grande dereliction que souffrit nostre Maistre au jardin des Olives.

  A013000351 

 Or, il veut que vous le serviez sans goust, sans sentiment, avec des repugnances et convulsions d'esprit.

  A013000352 

 Mais (listes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine premiere confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce peché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), purement et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliees, cett'ame la ne se doit nullement troubler. Et ostez luy la mauvaise apprehension qui la peut mettre en peyne pour ce regard; car la verité est que le premier et principal point de la simplicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses pechés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans apprehender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la presente que pour ouyr des pechés et non des vertus, et des pechés de toute sorte..

  A013000355 

 Mais cependant, pratiquons le dire de David: Eslevez vos mains du costé des lieux saints emmi la nuict, et benissez le Seigneur.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000376 

 Je m'asseure que l'un et l'autre a esté grand, car c'est la coustume de nostre bon Dieu de ne point envoyer des afflictions et tourmentz a ceux qui l'aiment, qu'il ne leur envoye quant et quant des grandes consolations, et, comme dit le Psalme, selon la multitude des tribulations, ses delectations rejouissent nostre ame.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000377 

 Mais maintenant, vous devez, ce me semble, estre bien glorieuse, ayant receu au moings une de ses marques; car, sans doubte, les marques de Nostre Seigneur ne sont autre chose que des playes: ce sont les [12] livrees qu'il fait porter aux siens et les bagues qu'il donne a ses espouses..

  A013000401 

 Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument defendu a ceux qui sont meslés avec eux; mays la verité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la devotion.

  A013000401 

 Quant a prendre leur marchandise, si elle est meilleure que celle des autres, il n'y a nul danger.

  A013000411 

 Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter.

  A013000414 

 Dieu soit en tout et par tout beni, et veuille se saysir de nos cœurs es siecles des siecles.

  A013000426 

 Et je vous dis, qu'encor que je n'aye pas connoissance des actions que vous faites en mon absence, car je ne suis pas prophete, je pense toutefois que, pour le peu de tems que je vous ay veuë et ouÿe, il n'est pas possible de mieux connoistre vos inclinations et les ressortz d'icelles que je fay, et m'est advis qu'il y a peu de replis dans lesquelz je ne penetre bien aysement; et pour peu que vous m'ouvries la porte de vostre esprit, il me semble que j'y voy tout a descouvert.

  A013000427 

 Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems apres leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit: tesmoin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la premiere vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort miserablement une fois par la negation..

  A013000429 

 Es palais des princes et des rois on y met des statues qui ne servent qu'a recreer la veuë du prince: contentés vous donq de servir de cela en la presence de Dieu, il animera cette statue quand il luy plaira..

  A013000433 

 Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tesmoignent leurs desplaysirs seulement en disant: Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit.

  A013000435 

 Il faut donques, et par exemples et par paroles, semer parmi eux tout bellement des choses qui les puissent induire a vostre dessein, et, sans faire semblant de les vouloir instruire ou gaigner, jetter petit a petit des saintes inspirations et cogitations dedans leur esprit.

  A013000444 

 Que le lict de vostre douleur est bien meilleur que le lict des delices, el que je l'honnore du fons de mon ame! Il me sera advis, en l'imagination [que] j'en feray souvent, de vous voir presser cette croix sur vostre cœur, et dire au [Sauveur crucifié,] comme saint Pierre: [Hé, Seigneur, ] non seulement les jambes, mais ....

  A013000471 

 Mon mal aussi fut peu de chose, s'il me semble; mais les medecins, qui croyoyent que j'estois empoisonné, donnerent tant de crainte a ceux qui m'ayment, qu'il leur estoit advis que je leur eschappois des mains.

  A013000471 

 Vous aures des-ja sceu toutes les nouvelles de ma guerison, laquelle est si entiere que j'ay presché le Caresme tout entierement.

  A013000472 

 Voyla le chemin du Ciel le plus asseuré et le plus royal; et, a ce que j'entens, vous estes pour y demeurer quelque tems, puisque, a ce que m'escrit nostre bon pere, vous estes encor es mains des medecins et chirurgiens.

  A013000473 

 Considerés que la couronne de l'espouse ne doit pas estre plus douce que celle de l'Espoux, et que si on l'a tellement descharné qu'on ayt peu conter tous ses os, il est bien raysonnable qu'on en voye l'un des vostres.

  A013000474 

 C'est un des grans proffitz de l'affliction que de nous faire voir le fond de nostre neantise et faire sortir [27] au dessus la crasse de nos mauvaises inclinations.

  A013000478 

 C'est la l'autre source de nostre inquietude: nous ne voulons que des consolations, et nous estonnons de reconnoistre et toucher au doigt nostre misere, nostre neant et nostre imbecillité..

  A013000478 

 L'amour propre est donques l'une des sources de nos inquietudes; l'autre c'est l'estime que nous faysons de nous mesme.

  A013000480 

 Or, quand Nostre Seigneur nous separe de ces passions si mignonnes et cheries, il semble qu'il escorche le cœur tout vif et l'on en a des sentimens tres aigres; on ne [29] peut presque qu'on ne desbatte de toute l'ame, parce que cette separation est sensible.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000484 

 De paroles, comme vous humiliant a une inferieure; d'effect, comme faysant quelque moindre office ou service, ou de la mayson ou des particulieres..

  A013000484 

 L'humilité fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz: a l'endroit de ceux la par reverence, a l'endroit de ceux ci par compassion.

  A013000486 

 Mays vous sçaves le rendes vous de nos cœurs: la ilz se peuvent voir les uns les autres malgré la distance des lieux..

  A013000487 

 Parlés a ce bon Pere dont je vous ay parlé de vostre interieur; il aura asses de conformité avec moy, et moy [32] avec luy, pour ne point distraire vostre esprit a la diversité des chemins, laquelle aussi luy seroit fort nuisible.

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000491 

 C'est une de ses grandes passions et des miennes: Dieu veuille que ce soit avec autant de vostre contentement..

  A013000492 

 Il n'estoit ja besoin de me faire des excuses de la lettre ouverte; car mon propre cœur voudroit estre ouvert devant vos yeux, si ses imperfections et imbecillités ne vous donnoyent trop d'ennuy.

  A013000493 

 Oh que nostre saint Bernard dit divinement bien que l'office de la charge des ames ne regarde pas les ames fortes, car celles la vont a leur propre pied; mays il regarde les ames foibles et languissantes, lesquelles il faut porter et supporter sur les espaules de la charité, laquelle est toute puissante.

  A013000494 

 Je le supplie qu'il vous preserve des vaines tristesses et inquietudes, et qu'il se repose en vostre cœur, affin que vostre cœur se repose en luy.

  A013000504 

 Mais je ne voudrois pas aussi qu'elle laissast pour cela de se prevaloir des bons advis et [35] conseilz qu'elle peut recevoir d'ailleurs, et particulierement du bon Pere de Saint Benigne, duquel vous m'escrives, et moy a elle, pour luy en declarer mon opinion telle que je vous dis..

  A013000504 

 Que vous m'obliges a vous rendre une vraye et entiere obeissance filiale par la faveur qu'il vous plaist me faire en m'escrivant si souvent et de vostre santé et de l'estat des affaires de madame l'Abbesse, ma tres chere Seur! Rien sans doute ne me peut donner plus de consolation que de me voir vivre en vostre souvenance et bonne grace, et de vous estre aggreable au desir que j'ay de servir cette Seur en tous ses vertueux desseins, pour la poursuitte desquelz j'appreuve bien qu'elle ne change pas le chemin que je luy ay proposé, qu'avec beaucoup de consideration.

  A013000505 

 Ce n'est pas de mon eschole qu'elle a jeusné ce Caresme contre l'opinion des medecins, a l'obeissance desquelz je l'exhorte bien fort, sachant bien Dieu seul estre servi comme cela..

  A013000505 

 Mais comment me pourrois je jamais lasser de souhaitter graces et des benedictions abondantes a cette chere Seur et a toute sa Mayson, la voyant si desireuse de mon bien que, pour seulement sçavoir de ma santé, elle m'a envoyé un expres? Avec cette occasion, je luy ay escrit le plus amplement que j'ay peu pour la consoler, sachant bien que le bon portement de son cors depend beaucoup de celuy de son ame, et celuy de son ame, des consolations spirituelles.

  A013000521 

 Il me semble qu'elle a un petit trop de crainte que je ne m'offence si elle communique son interieur a quelque autre; et la verité est que quicomque veut proffiter il ne faut pas l'aller espanchant ça et la indistinctement, ni changer a toute apparence de methode et façon de vivre; mais aussi doit on vivre avec une honneste liberté, et, quand il est requis, il ne faut faire nulle difficulté d'apprendre d'un chacun et de se prevaloir des dons que Dieu met en plusieurs.

  A013000522 

 Pour vous, ma chere Seur, je vous ay des-ja dit en une autre lettre que non seulement j'appreuvois le choix que vous avies fait d'iceluy pour estre vostre confesseur, mais que je m'en consolois; et vous disois que vous pourres apprendre de luy ce qui sera convenable touchant les aumosnes et autres charités que vous voules et deves faire.

  A013000523 

 Embrassés avec sincerité ses saintes volontés, quelles [38] qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus repugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne tres sainte; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves, quand il luy plaist..

  A013000542 

 En ce qui regarde les ennuys des tentations de la foy ne vous y amuses pas, mais attendes que vous soyes icy, car ce sera bien asses tost.

  A013000548 

 Je vous invitois a la veille de l'Ascension, mais comme je fermois la lettre, des Peres Chartreux me sont venuz conjurer d'aller en un monastere voysin consacrer des filles; si que le jour auquel je vous attendrey sera le samedi suivant.

  A013000560 

 Il y a encor plusieurs autres parroisses qui ne sont pas assorties de leurs besoins, comme Thounon, qui n'a point de curé, ains seulement des vicaires; Ivoire en est de mesme et quelques autres, a quoy messieurs les Chevaliers sont tenus de fournir et prouvoir quant aux portions congrues, comme moy quant aux personnes.

  A013000560 

 Ilz n'ont plus aucun sujet de se plaindre de l'excessiveté des portions, puisque, Monsieur, elles ont esté reduites en vostre præsence a la plus moderee quantité qu'elles pouvoyent avoir; il ne reste donques que d'accomplir ce qui fut arresté..

  A013000561 

 Il sera requis que tout de mesme, sur chacun d'iceux, on prenne des portions congrues pour les curés, affin que le service pour lequel les biens furent mis en l'Eglise, ne soit pas du tout delaissé; et si en ce commencement cela ne se fait, il sera par apres malaysé de le faire, d'autant que la douceur de la possession rendra les commendeurs difficiles a lascher..

  A013000561 

 Les mesmes sieurs Chevaliers commencent a prendre possession de certaines autres commendes nouvellement erigees sur des prieurés et benefices ecclesiastiques.

  A013000563 

 Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien esperer pour le college de cette ville, qui a tant besoin des Peres Jesuites, mays je sçai bien que n'en puis rien esperer [44] que par l'assistence de vostre charité, la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité..

  A013000578 

 Je m'en vay consacrer des vierges a Nostre Seigneur, [45] et mentalement je luy consacreray une vefve avec elles, a laquelle je souhaitte la pureté, le merite et la recompense des vierges..

  A013000590 

 Voyla, ma Fille, l'image que je vous envoye: elle est de vostre sainte Abbesse, pendant qu'elle estoit encor au monastere des mariees, et de sa bonne mere, laquelle estoit venue du convent des vefves pour la visiter.

  A013000591 

 Je pense que ce sont les actions de sainteté des vertus humbles et basses, qu'elle veut donner a son mignon tout aussi tost qu'elle l'aura entre ses bras..

  A013000604 

 C'est sans doute que, de droit ordinaire, la benediction des cloches, come (sic) de toutes autres choses qui sont beneistes avec le cresme, ne peut estre faite que par l'Evesque, ou soit que telle benediction procede de l'Ordre episcopal, ou, come je crois plustost, qu'elle soit reservee pour la dignité.

  A013000604 

 Et pour dire la verité, il me semble qu'en ces choses cerimoniales, il n'y a pas grand danger de suivre l'opinion qui facilite nostre charge, et mesmes es lieux ou pour la multitude des parroisses, la distraction seroit grande de se porter a touttes sortes de semblables actions..

  A013000609 

 Il y a quinze jours quil se tint une conference a Dijon entre un Pere Jesuiste et l'un des plus habiles ministres [49] qui soit en France, ou le Jesuiste feit si excellemment, que le ministre, ne pouvant supporter les efforts du combat, demeurast pasmé sur la place, avec une tres-grande confusion..

  A013000625 

 Ouy da, ma Fille, ce sont des jours desquelz le souvenir nous sera eternellement aggreable et doux sans doute, pourveu que nos resolutions, prises avec tant de force et de courage, demeurent closes et a couvert sous le precieux sceau que j'y ay mis de ma main.

  A013000626 

 Que rien ne vous trouble ci apres, ma Fille; dites avec [51] saint Paul: Au demeurant, que nul ne me fasche, car je suis stigmatisé des playes de mon Maistre; c'est a dire, je suis sa servante, voüee, dediee, sacrifiee.

  A013000638 

 Je le beniray toute ma vie des graces qu'il vous a preparees: preparés-luy aussi de vostre costé des grandes resignations en contreschange, et portés vaillamment vostre cœur a l'execution des choses que vous sçaves qu'il veut de vous, malgré toutes sortes de contradictions qui se pourroyent opposer a cela..

  A013000639 

 Ne regardés nullement a la substance des choses que vous feres, mais a l'honneur qu'elles ont, toutes chetifves qu'elles sont, d'estre voulues de sa volonté divine, ordonnees par sa providence, disposees par sa sagesse.

  A013000640 

 Ce n'est pas le propre des roses d'estre blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur; c'est neanmoins le propre du lys.

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000656 

 Tenes donq ferme, car ce n'est rien; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensee a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mere..

  A013000657 

 Vous aves maintenant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité; mais il ni a remede, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des ceremonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous.

  A013000681 

 Je vous l'ay dit, Madame, et je vous l'escris maintenant: je ne veux point une devotion fantasque, brouillonne, melancholique, fascheuse, chagrine; mais une pieté douce, souëfve, aggreable, paysible et, en un mot, une pieté toute franche et qui se fasse aymer de Dieu premierement, et puis des hommes.

  A013000701 

 Non, ma Fille, je ne crain (sic) point les liens et chaisnes qui m'obligeront a vous, car le grand lien spirituel me serre si fort, que tous les autres me semblent des filetz d'araignees en comparayson.

  A013000709 

 Item, je vous avois escrit que les Dames pouvoyent, au tems de la recreation, chanter des cantiques spirituelz en françois, selon leur disposition; et je l'ay, du despuis, treuvé de mesme en la Mere Therese..

  A013000735 

 Je vous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aoustun qui doit venir a Lion au jour de saint Bonaventure; je luy envoyeray mes lettres pour les vous faire tenir..

  A013000754 

 Et permettes moy, Monsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries lhonneur de considerer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matiere criminelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi....

  A013000781 

 C'est aujourd'huy, et tout maintenant, que je vay prescher l'Evangile du pardon des offences et de l'amour des ennemis.

  A013000801 

 Sans doute, pour l'obéissance, la fidélité et le respect envers Votre Béatitude, elle ne le cède à nulle autre; mais en fait de mérites, elle languit dans un tel effacement qu'elle pourrait tout juste s'attirer, en comparaison des autres, un regard d'attention..

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000803 

 D'ailleurs, c'est le Christ, Chef des Evêques, dont sur terre vous tenez la place, qui, la où le péché avait abondé, fait surabonder la grâce..

  A013000812 

 Je suis icy parmi mille traverses et tout plein d'impuissances a l'execution de ma charge, mais neanmoins consolé par Nostre Seigneur de plusieurs conversions d'heretiques, et nommement des bourgeois de Geneve qui, par un mouvement extraordinaire, sortent a la file de [73] l'heresie pour entrer en la sainte Eglise; mays tous presque de jeunes gens, comme si c'estoit un essaim qui cherchast une meilleure ruche....

  A013000821 

 Dequoy pleures-vous, o femme? Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des tenebres, ni des impuissances, ni des barrieres.

  A013000822 

 Voyes vous, ma chere Fille, ou mon esprit se laisse aller? Je me ressouvins aussi des hostelz de Paris, sur le frontispice desquelz le nom des princes ausquelz ilz appartiennent est escrit, et je me res-jouissois de croire que celuy de vostre cœur est a Jesus Christ.

  A013000831 

 Revu sur l'Autographe conservé en la Maison des Prêtres.

  A013000851 

 Mais je ne lairray pas de vous supplier, Monsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Bergeraz, et de me marquer le jour et le lieu auquel je me rende ensemblement pres de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions necessaires a l'entretenement du service de Dieu es eglises des balliages.

  A013000870 

 J'attens impatiemment des nouvelles plus grandes de vostre santé, que celles que j'en ay receuës jusques a present: ce sera quand il plaira a Nostre Seigneur, auquel je la demande affectionnement, estimant qu'elle sera employee a sa gloire et a l'acheminement et perfection de l'œuvre encommencee en vostre Monastere..

  A013000871 

 Je suis tous-jours en peyne de sçavoir si vous aures encor point rencontré de personnage propre pour la conduire de cette trouppe d'ames, qui, sans doute, ne peut autrement estre qu'avec beaucoup de troublement et d'inquietudes, qui sont des herbes qui croissent volontier dans les monasteres mal cultivés, et principalement en ceux des filles.

  A013000872 

 Soyés soigneuse, mais gardés-vous des empressemens.

  A013000881 

 Rachel, ne pouvant avoir des enfans, donna en mariage pour sa seconde a son mary la bonne fille Bala (en ce tems la, il estoit permis d'avoir plusieurs femmes pour multiplier le peuple de Dieu), et Bala enfantoit sur les [80] genoux de Rachel; dont Rachel prenoit les enfans a soy et les tenoit pour siens, si que Bala, sa seconde, n'en avoit plus de soin, au moins, elle n'en avoit pas le plus grand soin.

  A013000882 

 A la mort de nostre doux Jesus, il se fit des tenebres sur toute la terre.

  A013000883 

 Demeurés en paix, ma Fille, vous aves le partage des enfans de Dieu.

  A013000883 

 Vous ne sçaves pas que je pense sur ce que vous me demandés des remedes? C'est que je n'ay point souvenance que Nostre Seigneur nous ayt commandé de guerir la teste de la fille de Sion, mais seulement son cœur.

  A013000884 

 Et bien, sur des nouvelles scabreuses, il ressent du trouble.

  A013000884 

 Je vis dernierement une vefve a la suite du Saint Sacrement, et ou les autres portoyent des grans flambeaux de cire blanche, elle ne portoit qu'une petite chandelle, que peut estre elle avoit faite; encores, le vent l'esteignit.

  A013000889 

 Despuis vostre despart, je n'ay cessé de recevoir des traverses et grosses et petites; mais ni mon cœur ni mon esprit n'a nullement esté traversé, Dieu mercy.

  A013000889 

 J'ay fait [83] en partie ce que vous desiries de moy, c'est a dire pour la reserve des œuvres requises au cors et a l'esprit.

  A013000891 

 O Sauveur de mon ame, quelle joye de l'ouyr si saintement accuser ses pechés, et, parmi le discours d'iceux, faire voir une providence de Dieu si speciale, si particuliere a le retirer, par des mouvemens et ressortz si secretz a l'œil humain, si relevee, si admirable.

  A013000892 

 De deux costés j'ay des nouvelles que l'on me veut relever plus haut devant le monde; l'un suivant le billet que je vous leus en la gallerie de vostre Sales, l'autre de Rome.

  A013000905 

 Cela m'ennuye, car elle m'est si chere que je ne me puis empescher de quelque petite inquietude, si je ne sçai souvent des nouvelles de l'estat de son ame et de ses bons desseins, mesmement a present que monsieur nostre pere mesme m'a escrit qu'il se traittoit a descouvert de la reformation de sa Mayson.

  A013000905 

 Faites moy ce bien de m'en escrire quelque chose au retour de ce porteur, lequel peut estre ne sera pas si soudain qu'elle mesme ne puisse bien vous envoyer des lettres pour me faire tenir par son entremise..

  A013000915 

 Revu sur l'Autographe conservé au Couvent des Sœurs de Saint-Vincent de Paul.

  A013000923 

 Non, non, ma Fille, laisses courir le vent, ne penses pas que le frifillis des feuilles soit le cliquetis des armes..

  A013000924 

 Dernierement j'estois aupres des ruches des abeilles, et quelques unes se mirent sur mon visage.

  A013000925 

 J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des eglises, j'y ay esté fort empesché; mais Dieu y a mis une tres bonne fin par sa grace, et encores s'y est il fait quelque peu de fruit spirituel.

  A013000925 

 Je reviens du bout de mon diocæse qui est du costé des Suisses, ou j'ay achevé l'establissement de trente trois parroisses esquelles, il y a unze ans, il n'y avoit que des ministres, et y fus en ce tems la, trois ans tout seul a prescher la foy catholique.

  A013000944 

 Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses: il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien.

  A013000960 

 Non: que Nostre Seigneur nous tourne et vire a gauche ou a droitte; que, comme avec des autres Jacobs, il nous serre, il nous donne cent entorses; qu'il nous presse tantost d'un costé, tantost de l'autre; bref, qu'il nous face mille maux, nous ne le quitterons point pourtant qu'il ne nous ayt donné son eternelle benediction.

  A013000961 

 Allons cependant, allons, ma chere Fille, cheminons par ces basses vallees des humbles et petites vertus.

  A013000961 

 Non, nous n'avons pas encor les bras asses larges pour atteindre aux cedres du Liban, contentons nous de l'hyssope des.

  A013000961 

 Nous y verrons des roses entre les espines, la charité qui esclatte parmi les afflictions interieures et exterieures; les lys de pureté, les violettes de mortification, que sçai-je moy? Sur tout j'ayme ces trois petites vertus: la douceur de cœur, la pauvreté d'esprit et la simplicité de vie; et ces exercices grossiers: visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables; mais le tout sans empressement, avec une vraye liberté.

  A013000971 

 Y a-il rien de si doux que de ne voir guere de terre et beaucoup de ciel? Mais souvenes vous que je parle d'une closture tres douce, comme celle des Chartreux, et vous jugeres aussi tost qu'elle est faysable, pour peu qu'on y veuille employer de loysir, d'industrie, de priere..

  A013000972 

 Je voudrois bien sçavoir tout nettement ce que je dois esperer de l'assistance de monsieur Viardot pres des Peres Jesuites, pour vostre Mayson... Or bien, la gloire de Dieu soit faitte..

  A013000973 

 Ce me seroit pourtant de la consolation de vous voir assistee de quelqu'un qui fust propre a vostre dessein, et qui, par la veuë et presence, sceust mieux juger des particulieres convenances que je sçaurois faire de si loin..

  A013000974 

 Vous exclames de desir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas.

  A013000977 

 Courage, ma Fille, courage; a quoy sert il de desguiser nostre bonheur? Non, sans doute, Dieu nous donne des grandes conjectures qu'il est nostre et que nous serons un jour du tout a luy.

  A013000993 

 Non, dit saint Bernard, il ni a nul (sic) douleur esgale a la douleur des dens; il ni a aussi mal comparable au mal d'un monastere gasté.

  A013000993 

 Que vous estes donques heureuses d'estre dans le panier des figues douces, car il ni a point de douceur qui puisse estre parangonnee a une Religion reformee..

  A013000994 

 Mais, mes Dames, permettes moy que je m'en resjouisse avec vous d'une speciale allegresse, car sans doute ce sujet est extraordinaire et des plus grans.

  A013000994 

 Non seulement vous jouires du bonheur que la vie vrayement religieuse donne aux ames qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particuliere consolation: c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette benediction pour vous, mais vous la feres couler a vostre posterité spirituelle, et laisseres dedans vostre Mayson des plantes apres vous, qui rendront le mesme fruit, Dieu [96] aydant.

  A013000994 

 Vous n'estes pas seulement des ruisseaux, mais vous estes des fontaines.

  A013000995 

 Que l'Abbesse est heureuse d'avoir treuvé des cœurs si disposés au bien que Dieu luy avoit inspiré de procurer; que les Religieuses sont heureuses de s'estre rencontrees en un tems auquel leur Abbesse devoit faire tel dessein.

  A013001014 

 Il estoit couché parmi les obscures tenebres, en un lieu fort affreux: il sentit des grans espouvantemens, mais ce fut pour peu, car soudain il vit une clairté de feu et ouyt la voix de Dieu qui luy promit ses benedictions.

  A013001016 

 O Dieu, courage! Les lumieres ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui depend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie celeste sera sur vostre cœur, il n'y a rien a craindre..

  A013001044 

 Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse; car voyés vous, ma tres chere Fille, cet amoureux cœur de nostre Redempteur mesure et adjuste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour..

  A013001045 

 Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos ames, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors..

  A013001074 

 Aussi, ayant su naguère que vous étiez à Venise pour l'impression de votre Apparatus Sacer et cet honnête homme devant s'y rendre (c'est encore lui qui, de retour, pourra me rapporter exactement des nouvelles de votre santé), je désire en vous saluant très humblement, s'il vous plaît, me rappeler à votre souvenir..

  A013001074 

 Voici bien longtemps que je vais m'enquérant de vos nouvelles et du lieu précis où vous demeurez, afin de vous en donner pareillement [105] des miennes.

  A013001077 

 J'entretiens des rapports de très particulière amitié avec le P. Jean Fourier, Recteur de votre collège de Chambéry, qui m'assiste grandement de sa direction et de ses avis..

  A013001091 

 A cette intention je vous escriray asses souvent, non pour vous provoquer a me faire des responses (ce vous seroit peut estre trop de peyne), mais pour me ramentevoir en vostre bienveuillance et vous tesmoigner, tant que je pourray, combien j'en cheris l'honneur..

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001109 

 Ayant jusques icy esté detenu par un monde de cuisantes affaires, ma chere Fille, je m'en vay a cette benite visite, en laquelle je voy a chaque bout de champ des croix de toutes sortes.

  A013001113 

 Les nuitz nous sont des jours, quand Dieu est en nostre cœur, et les jours sont des nuitz, quand il n'y est point..

  A013001114 

 Il n'est pas besoin de dire en confession ces petites pensees, qui, comme mousches, passent et viennent devant vos yeux, ni l'affadissement des goustz que vous aves eu en vos vœux, car tout cela ne sont point pechés, mais ennuis, mais incommodités..

  A013001127 

 Et puisqu'il vous plait achever l'œuvre, il ne sera pas besoin de faire rayer aucun des noms des freres, mais seulement celuy de la mere, laquelle ne pretend rien a l'achast.

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001148 

 Vous m'obligeres extremement si, a vos commodités, vous me faites part du succes et des particularités de l'arrivee de cet Ordre en France, et des ames qui s'y sont reduites.

  A013001157 

 Au Monastere des Carmelines..

  A013001169 

 Opprimé et accablé d'affaires en cette visite de mon diocese que je fay, je ne laysse pas de prier nostre bon Dieu tous les jours et luy offrir le saint Sacrifice, affin que vous ne soyes pas accablee des douleurs que vostre jambe vous apporte, ni des difficultés que nos saintes entreprinses ont et doivent avoir en ces commencemens.

  A013001180 

 Pour le papier des cinq mille francz, je ne puis vous en donner resolution, que vous ne me marquiés a qui l'interest en pourroit revenir; c'est a dire qui en pourroit souffrir perte si vous le gardies, car de la depend le jugement que j'en dois faire.

  A013001182 

 J'ay esté consolé, au recit que vous me faites des traitz de vertu qui parurent en l'ame de feu monsieur vostre mari, sur le point de son depart de ce monde: signes evidens de son bon fons et de la presence de la grace de Dieu.

  A013001184 

 Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de messieurs nos pere, oncle et frere; mais que ce mot me console: [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions... car je cheris ce bon oncle du fons de mon ame.

  A013001185 

 Il faut user des frications et bains chauds pour, petit a petit, dissiper l'humeur qui nous alentit et engage nos jambes.

  A013001185 

 Voyes vous bien, cette chere seur que j'ayme infiniment, ell'est guerie, Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson: encor un peu de respect aux volontés des freres, des peres, des meres, que sçai-je moy? O mon Dieu! que bien heureux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs peres et freres: Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois point.

  A013001187 

 Je suis bien content que M me Brulart, nostre bonne seur, les gouverne, pourveu que cet object ne tire point son cœur a des vains desirs de cette vie-la, pendant qu'ell'en doit cultiver un'autre.

  A013001189 

 Que Satan est mauvais! Jusques ou se va-il fourrer! Mais ne vous en estonnes pas: les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz.

  A013001192 

 Toutes les croix que j'avois preveues, a l'abord n'ont esté que des oliviers et palmiers; tout ce qui me sembloit fiel s'est treuvé du miel, ou peu s'en faut.

  A013001206 

 Je considerois l'autre jour ce que quelques autheurs disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade de la mer: c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les penetrer; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer.

  A013001207 

 Mais pendant que les alcions bastissent leurs nidz et que leurs petitz sont encor tendres, pour supporter l'effort des secousses des vagues, helas, Dieu en a le soin et leur est pitoyable, empeschant la mer de les enlever et saysir.

  A013001220 

 L'affaire du college de La Roche s'avançoit fort heureusement, si quelques uns, selon leur particuliere opinion, ne se fussent mis a la traverse pour en destourner les effectz: dont il a esté requis de reprendre de nouveau le consentement du general, pour l'opposer au jugement des particuliers.

  A013001253 

 Ell'a desiré, Monsieur, que j'adjoustasse ma supplication a sa misere, pour obtenir, ce luy semble plus aysement, vostre compassion; et je n'ay pas deu l'esconduire, tant en faveur des bonnes festes, que pour connoistre son mari exempt de malice et fort homme de bien et fidelle, qui me fait vous supplier humblement, Monsieur, de luy vouloir estre propice..

  A013001254 

 Dieu veüille vous combler des benedictions qu'il respandit sur terre, quand il y envoya son Filz pour naistre petit enfant parmi nous; de quoy nous celebrons la memoire en ces jours, que je vous souhaite pleins de joye et contentement, estant,.

  A013001271 

 Dieu veuille couronner vostre commencement d'annee des roses que son sang a teint..

  A013001286 

 J'entens neanmoins que ce ne soit pas pour dire une partie de l'Office publiq et solemnel, mais simplement, comme vous dites, des Noelz et chansons spirituelles.

  A013001286 

 Je sçai ce que dit saint Paul: Mulier in ecclesia taceat; mais il [135] parle tout ouvertement de la doctrine et non des cantiques, comme monstre le texte: Si quid autem volant discere, domi viros suos interrogent..

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001320 

 Je [138] ne puis pas m'estendre selon mon cœur; car voyci le jour de mes adieux, devant partir demain devant jour pour aller a Chamberi, ou le P. Recteur des Jesuites m'attend, pour me recevoir ces cinq ou six jours de Caresme prenant, que j'ay reservé pour rasseoir mon pauvre esprit tout tempesté de tant d'affaires.

  A013001321 

 Ce ne sont pas des eaux, ce sont des torrens que les affaires de ce diocese.

  A013001322 

 Il y a tous-jours quelque chose a dire, car je fais des fautes par ignorance et imbecillité, parce que je ne sçai pas tous-jours bien rencontrer le bon biais.

  A013001322 

 Je me sens un peu plus amoureux des ames que l'ordinaire; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes secheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy.

  A013001324 

 Mon Dieu, n'est ce pas dommage que ces bausmes des amitiés spirituelles soyent exposés aux mouscherons? Cette liqueur si sainte, si sacree merite un soin bien grand pour estre conservee toute nette, toute pure.

  A013001327 

 Et vrayment ce sont des braves gens: ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon n'estoit plus aux elephans qui l'avoyent porté en leur gueule.

  A013001327 

 Vrayement, ce n'est pas mal parlé: sainte Agathe, sainte Thecle, sainte Agnes ont souffert la mort pour ne point perdre le lis de leur chasteté, et on nous voudroit faire peur avec des fantosmes!.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001329 

 Voyla que c'est, je pense vous l'avoir des-ja dit par une præcedente.

  A013001331 

 Alhors vous me dires s'il est requis que nous nous voyons cette annee; et s'il l'est, je vous diray quand, et je le puis dire des maintenant.

  A013001331 

 La semaine de Pentecoste, a commencer des l'avant veille, sera toute mienne, et celles de l'octave du Saint Sacrement, que je seray icy, ou ma mere viendra en ce tems la.

  A013001331 

 Tout ce Caresme, si vous m'escrives par Lyon vous en aures une tres grande commodité; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent.

  A013001332 

 Je ne sçai si les Carmelites reçoivent des Religieuses des autres Ordres; je crois que nenny.

  A013001332 

 Ouy da, aux Carmelites! Nous ne pouvons pas nous accommoder a une petite obedience, et nous en ferons des extremes!.

  A013001339 

 Les paroles saintes sont des perles, et de celles que le vray Ocean d'orient, l'Abysme de misericorde, nous fournit.

  A013001340 

 Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs ames sont la vigne de Dieu; la cisterne est la foy, la tour est l'esperance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est la loy de Dieu, qui les separe des autres peuples infideles..

  A013001351 

 Me voyci au milieu des predications et d'un grand peuple, et plus grand que je ne pensois pas; mais si je n'y fay rien, ce me sera peu de consolation..

  A013001356 

 Vrayement, j'ay eu de grans sentimens ces jours passés, des infinies obligations que j'ay a Dieu, et, avec mille douceurs, j'ay resolu derechef de le servir avec plus de fidelité qu'il me sera possible et de tenir mon ame plus continuellement en sa divine presence; et avec tout cela, je me sens une certaine allegresse, non point impetueuse, mais, ce me semble, efficace pour entreprendre ce mien amendement.

  A013001358 

 A Dieu encor une fois, ma bonne, ma chere Fille, ma Seur, que je cheris incomparablement en Nostre Seigneur, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A013001374 

 Ma chere Seur, je ne voudrois nulle feintise en nous; pas des vrayes feintises.

  A013001374 

 Mais il me fasche, dites vous, des mauvais jugemens que l'on fait de moy qui ne fay rien qui vaille, et on croit que si; et vous me demandés une recette.

  A013001375 

 On peut fuir de donner bonne opinion de soy, mais non pas rechercher de la donner mauvaise, sur tout par des fautes faittes expres.

  A013001376 

 Nos deux seurs des chams ont plus de necessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde..

  A013001389 

 Je ne peux ni veux jamais finir de vous souhaitter [152] l'abondance des graces de Nostre Seigneur et de sa tres sainte Mere, en l'amour duquel je suis et seray invariablement et uniquement tout vostre..

  A013001398 

 Je vous asseure que cette seule nouvelle m'a des-ja rempli de joye et de contentement, et si cela m'arrive je le tiendray pour une singuliere faveur de Dieu....

  A013001408 

 J'avois des-ja sceu par la voye de mon frere de la Tuille le desir que vous avies pris de faire donner page mon cosin vostre filz a monsieur d'Albigni, et tout [154] aussi tost je m'enquis sil y avoit place, ou vacante ou preste a vaquer.

  A013001442 

 Je vous demanday congé pour venir faire l'office que je fay en cette ville; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journee, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si [157] bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Official, pour aller pres de vous; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affection que j'ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys,.

  A013001452 

 J'avois demeuré fort long tems sans avoir l'honneur de vos lettres, et tout en un jour, peu avant Pasques, j'en receu deux: l'une du 13 janvier, l'autre du 18 fevrier, par lesquelles, en un coup, j'ay receu aussi deux consolations; car je fus asseuré de vostre santé, de laquelle j'avois esté en peyne a rayson d'un advis que j'avois eu que vous avies eu des ressentimens de vostre gravelle, et de celle de madame l'Abbesse, ma tres chere seur, a laquelle j'en souhaite beaucoup pour le desir qu'elle [158] a de l'employer entierement a la gloire de Nostre Seigneur..

  A013001463 

 Revu sur une copie conservée à la Bibliothèque d'Angers (Catalogue des Mss., n° 1764, Anjou Topographie G-J ).

  A013001472 

 Je vous ay des-ja escrit mon avis sur le sujet de vostre derniere lettre; mais voyant que vous le desires fort et craignant que si mes paquetz s'estoyent esgarés vous n'en demeurassies en peyne, je vous rediray quil ni a nul danger que vous entries au Monastere de nostre seur jusques a ce que la clausure y soit exactement establie.

  A013001473 

 C'est le mal des maux entre ceux qui ont des bonnes volontés, qu'ilz veulent tous-jours estre ce quilz ne peuvent pas estre, et ne veulent pas estre ce qu'ilz ne peuvent n'estre pas.

  A013001473 

 J'ay sceu ce que vous me dites des inquietudes de touttes les Religieuses, et en suis marri.

  A013001473 

 La nature a mis une loy entre les abeilles, que chacune d'icelles face le miel dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour..

  A013001489 

 Non pas, peut estre, a ceux qui sont des-ja fort advancés en la montaigne de la perfection; mais pour nous autres qui sommes encor es vallees, quoy que desireux de monter, je pense qu'il est expedient de se servir de toutes nos pieces, et de l'imagination encores.

  A013001490 

 Ausquelles des deux que vous voulies venir, vous me treuveres icy plein de cœur, et, Dieu aydant, de joye a vous servir..

  A013001491 

 Seulement, il faudra m'advertir duquel des deux tems vous voudrés faire choix, car je veux faire venir ma mere icy en ce cas la; et croyés qu'elle et moy en serons bien consolés, aux despens de vostre travail..

  A013001529 

 Vous me faites tous-jours des excuses; pour l'honneur de Dieu, non plus, car il semble que vous ne sçachies pas quelle ame sa divine bonté m'a donnee en vostre endroit..

  A013001560 

 C'est pourquoy, affin de le ranger plus tost, il seroit a propos que vous fissies une attestation comme du costé de vostre Chapitre [169] et des Religieux, vous me receustes en qualité de Superieur, et acquiescés pleinement a mes ordonnances.

  A013001560 

 Vous sçaves le proces que monsieur l'Abbé de Sixt m'a suscité a Vienne pour s'exempter, s'il peut, de la correction qu'il doit recevoir des Evesques; et en fin, je m'asseure que l'iniquité de son dessein estant mise au jour de la justice, il se treuvera confus.

  A013001577 

 C'est, Madame, qu'il vous playse commander a Pensabin de ne point vouloir exiger de luy, [170] ni le charger d'interestz et accessoires pour les sommes qu'il doit a Vostre Excellence, sinon a la mesme mesure et quantité que Sa Grandeur en veut retirer, affin que non seulement l'un, mais l'autr'aussi participe a sa charité et liberalité, et que l'un des debiteurs use a l'endroit de l'autre de la debonnaireté et gratification qu'il a obtenue de son seigneur et creancier, selon l'Evangile..

  A013001578 

 Et je sçai bien, Madame, combien moy mesme je devrois rechercher des intercessions, pour impetrer pardon et du retardement du payement de Thorens et d'avoir tant attendu a faire les actions de graces que je doy a Vostre Excellence, pour la douceur dont elle use en mon endroit pour ce regard.

  A013001595 

 Je vous remercie des expeditions que vous m'aves envoyees, lesquelles je ne desire qu'employer a vostre repos et consolation.

  A013001613 

 [Il a une] grande suffisance, et est fort charitable au secours des ames qu'il a en charge..

  A013001614 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous comble abondamment [173] des graces de son Saint Esprit, et desire que reciproquement vous me facies part a vos prieres, comm'a celuy qui sera tous-jours,.

  A013001630 

 O Dieu, que c'est chose rare de voir des feuz sans fumee! Si est ce que le feu de l'amour cæleste n'en a point pendant quil demeure pur; mais quand il se commence a mesler, il commence de mesme a rendre de la fumee d'inquietudes, de desreglemens et mouvemens de cœur irreguliers.

  A013001631 

 Et le discret conseiller des ames ne treuve jamais rien d'estrange, mais reçoit tout avec charité, compatit a tout, et connoist bien que l'esprit de l'homme est sujet a la vanité et au des-ordre, si ce n'est par une speciale assistence de la Verité.

  A013001664 

 Et voyant qu'il n'arrive point, je me plains a vous, Messieurs, mais de vous mesmes, qui, ce me semble, avés trop peu de soin d'une chose si importante a la gloire de Dieu et salut des ames.

  A013001664 

 J'attens, il y a long-tems, l'ordre que vous deves donner de vostre costé a la juste dotation des eglises de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont encor despourvëues de pasteurs, faute de moyens convenables pour les y loger.

  A013001664 

 Que si monsieur le chevalier Bergera a des-ja l'ordre en main et que ce retardement vienne de sa part, je me plaindray beaucoup plus de luy, qui sçait par combien d'assemblees et de disputes je luy ay clairement fait voir la necessité de cette provision..

  A013001670 

 Messieurs du Conseil de la S. Milice des S te Maurice et Lazare..

  A013001684 

 C'est bien dit, ma chere Cousine, il le faut tous-jours faire et en toutes occurrences; et quand vous vous accoustumeres de faire souventefois cette remise, non de bouche seulement, mais de cœur, et profondement et sincerement, croyes que vous en ressentirés des effectz admirables.

  A013001704 

 Seigneur Dieu, que dites vous, ma tres chere Fille? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand desir sur vous que de vous voir en l'entiere et parfaite liberté de cœur des enfans de Dieu? Mais je vous entens bien, ma chere Fille, vous ne voules pas dire cela; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnee.

  A013001707 

 Il ne faut ni trop particulariser, comme seroit de penser la couleur des cheveux de Nostre Dame, la forme de son visage et [183] choses semblables; mais simplement en gros, que vous la voyes souspirante apres son Filz, et choses semblables, et cela briefvement..

  A013001709 

 De tout cela, je recueille que vous deves vous abstenir des longues oraysons (car je n'appelle pas longue l'orayson de trois quartz d'heure ou de demi heure) et des imaginations violentes, particularisees et longues; car il faut qu'elles soient simples et fort courtes, ne devant servir que de simple passage de la distraction au recueillement.

  A013001709 

 Et tout de mesme des applications de l'entendement, car aussi ne se font-elles que pour esmouvoir les affections, et les affections pour les resolutions, et les resolutions pour l'exercice, et l'exercice pour l'accomplissement de la volonté de Dieu, en laquelle nostr'ame se doit fondre et resoudre.

  A013001712 

 Or sus donques, soit pour une fois; car sachés que je ne fay pas toutes les annees des habitz, mais seulement selon la necessité; et, pour les autres annees, nous treuverons moyen de bien loger vos travaux selon vostre desir..

  A013001713 

 Et qui est cette divine toyson, sinon le merite, sinon les exemples, sinon les mysteres de la Croix? Il me semble donques que la Croix est la belle quenouille de la sainte Espouse des Cantiques, de cette devote Sulamite; la laine de l'innocent Aigneau y est pretieusement liee: ce merite, cet exemple, ce mystere..

  A013001714 

 Filés, dis je, et tirés dans le fuseau de vostre cœur toute cette blanche et delicate laine: le drap qui s'en fera vous couvrira et gardera de confusion au jour de vostre mort, il vous tiendra chaude en hiver, et, comme dit le Sage, vous ne craindres point le froid des neiges.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001716 

 Cela suffira bien, et aussi n'ay je point voulu vous respondre a ces desirs de s'esloigner de sa patrie ou de servir au Noviciat des filles qui aspirent a la Religion: tout cela, ma chere Fille, est trop important pour estre traitté sur le papier; il y a du tems asses.

  A013001720 

 Je ne revoque point en doute si je la vous dois donner ou non; car, outre mon inclination, ma mere le veut si fort qu'elle le veut avec inquietude, des qu'elle a sceu que cette fille ne vouloit pas estre Religieuse; si que, quand je ne le voudrois pas, il faudroit que je le voulusse.

  A013001721 

 Et avec vous, feray je point quelque petite ceremonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'equiper et tenir equipee a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et tres absolument; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrees.

  A013001723 

 Je sçavois des-ja le despart du bon Pere [de Villars]; ce qui m'avoit fasché, car il ne sera peut estre pas aysé de rencontrer un esprit si sortable a vostre condition que celuy la.

  A013001723 

 On m'a dit qu'en sa place est arrivé un grand personnage, des premiers predicateurs de France, mais que je ne connois que par son nom, qui est grand et plein de reputation..

  A013001731 

 J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de dela; faites moy ce bien, je vous prie, ma chere Fille, pour l'amour de Dieu, qui vous veuille benir et conserver eternellement.

  A013001741 

 Je m'y en vay de grand courage, et des ce matin, j'ay senti une particuliere consolation a l'entreprendre, quoy que auparavant, durant plusieurs jours, j'en eusse eu mille vaines apprehensions et tristesses, lesquelles neanmoins ne touchoyent que la peau de mon cœur et non point l'interieur: c'estoit comme ces frissonnemens qui arrivent au premier sentiment de quelque froidure.

  A013001741 

 Pensés si je suis prest d'aller en Bourgoigne, car, ma chere Fille, cette action de la visite m'est necessaire, et des principales de ma charge.

  A013001743 

 Il nous ayme, il nous cherit, il est tout nostre, ce doux Jesus; soyons tous siens seulement, aymons le, cherissons le, et que les tenebres, que les tempestes nous environnent, que nous ayons des eaux d'amertume jusques au col: pendant qu'il nous sousleve le manteau, il n'y a rien a craindre..

  A013001744 

 Je vous escriray souvent, ma chere Fille, et mille et mille fois je vous beniray des benedictions que nostre Dieu m'a commises.

  A013001754 

 Ravales-vous volontier aux actes desquelz l'escorce semble moins digne, quand vous sçaures que Dieu le veut; car, de quelque façon que la sainte volonté de Dieu se fasse, ou par des hautes ou par des basses operations, il n'importe.

  A013001754 

 Souspirés souvent a l'union de vostre volonté avec celle de Nostre Seigneur; ayés patience avec vous mesme en vos imperfections; ne vous empresses point, et ne multipliés point des desirs pour les actions qui vous sont impossibles..

  A013001826 

 J'ay veu ces jours passés des mons espouvantables tout couvertz d'une glace espaisse de dix ou douze piques, et les habitans des vallees voysines me dirent qu'un berger, allant pour recourir une sienne vache, tomba dans une fente de douze piques de haut, en laquelle il mourut gelé.

  A013001826 

 Je vis des merveilles en ces lieux la: les vallees estoyent toutes pleines de maysons, et les mons, tout pleins de glace jusques au fond.

  A013001830 

 Ouy, ma tres chere Fille, priés pour celuy qui, incessamment, vous souhaitte mille benedictions, et la benediction des benedictions, qui est son saint amour parfait..

  A013001838 

 Faites tous-jours cela, mettés un peu la main a l'œuvre; filés tous les jours quelque peu, soit le jour, a la lumiere des goustz et clartés interieures, soit de nuit, a la lueur de la lampe, parmi les impuissances et sterilités.

  A013001840 

 Il n'est pourtant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouÿssent la voix des Anges ou vissent ces lumieres miraculeuses; au contraire, au lieu d'ouÿr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumiere empruntee de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid.

  A013001840 

 Or, je vous demande en bonne foy, n'eussiés-vous pas choysi d'estre en l'estable tenebreux et plein des cris du petit Poupon, plustost que d'estre avec les bergers a pasmer de joye et d'allegresse a la douceur de cette musique celeste et a la beauté de cette lumiere admirable?.

  A013001841 

 C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous: non plus, je vous prie.

  A013001841 

 Ouy da, dit saint Pierre, il nous est bon d'estre ici a voir la Transfiguration (et c'est aujourd'huy le jour qu'elle se celebre en l'Eglise, 6 d'aoust); mais vostre Abbesse n'y est point, ains seulement sur le mont de Calvaire, ou elle ne voit que des mortz, des cloux, des espines, des impuissances, des tenebres extraordinaires, des abandonnemens et derelictions.

  A013001844 

 Affin que je me fasse mieux entendre, sachés qu'entre les maux que nous souffrons, il y en a des abjectz et des honnorables.

  A013001845 

 De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus honnorables.

  A013001845 

 Donner l'aumosne et pardonner les offences sont des actions de charité: la premiere est honnorable, et l'autre est abjecte aux yeux du monde..

  A013001845 

 Il y a des actions d'une mesme vertu qui sont abjectes, les autres honnorables.

  A013001845 

 Ordinairement, la patience, la douceur, la mortification, la simplicité, parmi les seculiers ce sont des vertus abjectes; donner l'aumosne, estre courtois et prudent sont des vertus honnorables.

  A013001846 

 Des jeunes dames du monde, me voyant en equipage de vraye vefve, disent que je fais la bigotte, et me voyant rire, quoy que modestement, elles disent que je voudrois encores estre recherchee; on ne peut croire que je ne souhaitte plus d'honneur et de rang que je n'ay, que je n'ayme pas ma vocation sans repentir: tout cela sont des morceaux d'abjection; aymer cela, c'est aymer sa propre abjection..

  A013001847 

 Mes seurs me renvoyent a la Visitation des plus miserables, voyla une abjection selon le monde; elles me renvoyent visiter les moins miserables, voyla une abjection selon Dieu; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde.

  A013001849 

 Encor faut-il avoir esgard a la charité, laquelle requiert quelquefois que nous ostions l'abjection pour l'edification du prochain; mais en ce cas, il la faut oster des yeux du prochain qui s'en scandalizeroit, mais non pas de nostre cœur qui s'en edifie.

  A013001849 

 J'ay choysi, dit le Prophete, d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs..

  A013001851 

 Et tout cela est une perte de tems, et est impossible que, tenant nos pensees et esperances d'un autre costé, nous puissions bien bander nostre cœur a la conqueste des vertus requises au lieu ou nous sommes.

  A013001853 

 O doux Jesus, que vous diray-je, ma chere Fille? Sa toute Bonté sçait que j'ay fort souvent pensé sur ce point et que j'ay imploré sa grace au saint Sacrifice et ailleurs; et non seulement cela, mais j'y ay employé la devotion et les prieres des autres meilleurs que moy.

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001856 

 Il faut les mettre la dedans avec des douces et souëfves inspirations, et si elles y demeurent comme cela, elles seront bien heureuses et leur mere aussi de les avoir plantees dans les jardins de l'Espoux, qui les arrousera de cent mille graces celestes.

  A013001856 

 Quant a nos petites, j'appreuve que vous leur preparies un lieu dedans des monasteres, pourveu que Dieu prepare dedans leur cœur un lieu pour le monastere.

  A013001858 

 Ne laissés pas pourtant de jetter dans son esprit des douces et souëfves odeurs de devotion, et de souvent recommander a Monsieur son oncle la nourriture de son ame.

  A013001859 

 Allés tout simplement a l'abry de nos resolutions, et rejettés les reflexions d'esprit que vous faites sur vostre mal comme des cruelles tentations..

  A013001859 

 Je ne vous sçaurois dire autre chose pour l'apprehension que vous aves de vostre mal, ni pour la crainte des impatiences a le souffrir.

  A013001861 

 Mon saint Pierre, dit l'Escriture, voyant l'orage qui estoit tres impetueux, il eut peur; et tout aussi tost qu'il eut peur, il commença a s'enfoncer et noyer, dont il cria: O Seigneur, sauvés moy. Et Nostre Seigneur le print a la main et luy dit: Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Voyés ce saint Apostre: il marche pied sec sur les eaux, les vagues et les vens ne sçauroyent le faire enfoncer; mais la peur du vent et des vagues le fait perdre, si son Maistre ne l'eschappe.

  A013001883 

 Ma chere Fille, il ne faut pas juger des choses selon nostre goust, mais selon celuy de Dieu.

  A013001884 

 Je vous dis encor une fois quil ne faut point regarder a la condition exterieure des actions, mais a l'interieure, c'est a dire si Dieu le veut ou ne le veut point.

  A013001886 

 Il faut considerer vos moyens et vos charges, et sur cela proportionner vos aumosnes selon les necessités des pauvres: car en [215] tems de famine, la mayson demeurant sobrement prouveüe, il faut estre plus liberal a donner; en tems d'abonbondance, il est moins requis et est plus loysible de beaucoup espargner..

  A013001886 

 Pour l'aumosne, vous deves sçavoir si c'est pas l'intention de monsieur vostre mari que vous en facies a proportion de vos facultés et des moyens de vostre mayson.

  A013001888 

 Vous me demandies encor, ma chere Seur, un petit memorial des vertus plus propres a une femme mariee; mais de cela je n'en ay pas le loysir.

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001890 

 Quelle consolation de sçavoir que, de plus en plus, [216] monsieur vostre mari reçoit de la douceur et suavité de vostre societé! C'est la, l'une des vertus des femmes mariees, et celle seule que saint Paul indique..

  A013001902 

 Je diray donq, mais en toute sincerité et verité, que monsieur de Premery, duquel ilz vous parlent, est une [217] des douces, belles et sages ames qu'on puisse rencontrer, et ne penseray jamais qu'une damoyselle ne soit heureuse de l'avoir pour mari.

  A013001919 

 Je receu, l'annee passee, commandement de Vostre Altesse de m'enquerir soigneusement des charges et revenuz du prieuré de Bellevaux; ce que je fis, et treuvay qu'a la verité les charges emportoyent tout le revenu, ou peu s'en faut.

  A013001949 

 Levés souvent vos yeux au Ciel pour les divertir des curiosités de la terre..

  A013001958 

 Je seray auditeur d'un vertueux et fervent Capucin, et feray le cathechisme aux enfans et entendray les confessions; et ainsy ne feray que des petits exercices qui n'estourdiront point mon cœur, mais le resveilleront seulement.

  A013001958 

 Je seray tout cest hiver aupres d'elle et m'essayeray de la bien traitter; je ne prescheray point sinon en des petites congregations, assis dessus la chaire.

  A013001961 

 Devant que nous fussions au païs des glaces, environ huit jours, un pauvre berger couroit ça et la sur les glaces pour recourir une vache qui s'estoit esgaree, et, ne prenant pas garde a sa course, il tumba dans une crevasse et fente de glace de douze piques de profondeur.

  A013001961 

 Quelz esguillons pour moy, ma chere Fille! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme: ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour?.

  A013001965 

 [Madame [224] Brûlart] me dit qu'elle l'aura cet hiver a Dijon... la Religion des Carmelines.

  A013001975 

 Rien ne nuit tant a cett'entreprise que la varieté des propositions qui se font, et sur tout celle qu'on fait d'une Regle si exacte, car cela espouvente l'esprit de nostre seur et des autres aussi.

  A013001980 

 Vous pourres neanmoins gaigner des occasions secrettes pour communier; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre regie de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent l'estat present de vostr'interieur et peuvent connoistre ce [227] qui est requis pour vostre bien.

  A013001981 

 Je connois une dame, des plus grandes ames que j'aye jamais rencontré, laquelle a demeuré long tems en telle sujettion sous les humeurs de son mari, que, au plus fort de ses devotions et ardeurs, il failloit qu'elle portast sa gorge ouverte et qu'elle fut toute chargee de vanités en l'exterieur, et qu'elle ne communiast jamais (sinon que ce fut a Pasques) qu'en secret et a desceu de tout le monde; autrement ell'eut excité mille tempestes en sa mayson.

  A013001982 

 Les Pseaumes de David traduitz ou imités par des Portes ne vous sont nullement ni defenduz ni nuysibles, au contraire vous sont profitables.

  A013002007 

 Mais en l'occurrence que vous me marques, tout le monde sçait que j'ay les mains liees d'un lien indissoluble et que je ne puis les mettre a la provision des cures que par l'entremise du concours, duquel je ne puis forclorre personne..

  A013002008 

 Les manquemens des effectz ont accoustumé d'estre interpretés pour manquemens de volontés; mais je me prometz de la bonté de vostre esprit que vous donneres [230] meilleur'interpretation a ma response, et que, voyant qu'ell'est vrayement veritable, vous ne laisseres pas de croyre que je souhaite autant d'avancement a monsieur vostre frere comme je fay aux miens propres, demeurant,.

  A013002034 

 A l'approche de la cinquième année de mon épiscopat, avant l'achèvement de la quatrième, je dois, d'après la constitution du Siège Apostolique, faire une visite aux tombeaux des saints Apôtres.

  A013002034 

 Aussi, sa restauration exige des réformes qui ne peuvent s'accomplir, qu'en vertu de l'autorité du Siège Apostolique.

  A013002034 

 C'est pourquoi, de toutes mes forces et avec le plus ardent désir, je [232] réclame son assistance et son concours, avec cette bénédiction paternelle et cette bienveillance que Votre Sainteté accorde volontiers à ceux qu'Elle regarde comme des fils soumis en toute déférence..

  A013002034 

 [231] Mais ce voyage si long, je suis empêché de l'entreprendre, à cause de l'exiguité de mes revenus, de la difficulté des chemins et de l'intérêt de ce diocèse lui-même.

  A013002064 

 Tout en envoyant mon frère à Rome pour visiter les tombeaux des Apôtres, je viens, par cette lettre, me rappeler à vous comme votre très affectionné serviteur.

  A013002095 

 En deux mots, quand je considère Genève, cette malheureuse fille de Babylone, et quelques autres bourgades voisines entraînées dans le gouffre de l'hérésie, je ne puis m'empêcher de penser que je suis envoyé vers un peuple apostat, au front dur, au cœur indomptable, vers une maison affligeante, vers des scorpions.

  A013002095 

 La bienveillance et la sainte amabilité que vous m'avez témoignées pendant mon séjour à Rome, me donnent plus de hardiesse pour implorer l'appui de votre intervention, aujourd'hui que j'envoie mon propre frère, chanoine de mon Eglise, visiter le seuil des saints Apôtres et demander au Saint-Siège Apostolique tous les remèdes nécessaires au relèvement de ce diocèse.

  A013002116 

 Comme je dois visiter le seuil des Apôtres par l'entremise de mon propre frère et solliciter du Saint-Siège plusieurs remèdes nécessaires au bien de ce diocèse, j'ai recours avec de très humbles instances à [239] l'intervention de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie.

  A013002117 

 Je plaide aujourd'hui la cause de ce diocèse qui, plus que tous les autres diocèses du monde chrétien, mérite l'appui de la bienveillance apostolique, la faveur des prélats et la sympathie de tous les gens de bien.

  A013002125 

 Or, je sçai bien que vous aves tres souvent sujet d'exercer l'amour du mespris, des rebroüemens et de vostre propre abjection.

  A013002150 

 Si nostre Sauveur veut quil reuscisse, il le procurera par des moyens convenables qu'il sçait et que nous ne sçavons pas encor.

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002187 

 Le tems aussi a esté employé parmi des grans embarrassemens que nostre Jubilé m'a apporté despuis..

  A013002189 

 Car tel a esté le courage de nostre Capitaine, de sa Mere et de ses Apostres et des plus vaillans soldatz de cette milice celeste; courage avec lequel ilz ont surmonté les tyrans, sousmis les Rois et gaigné tout le monde a l'obeissance du Crucifix..

  A013002206 

 Au très illustre et vénéré M. le Docteur de Bay, Professeur de théologie et très digne Président du Collège de Savoie, le meilleur des saluts dans le Christ..

  A013002208 

 De plus, à mon retour, c'est à peine si j'ai trouvé quelqu'un pour lui confier ce billet, à cause des divers chemins détournés qu'il faut prendre pour aller à vous.

  A013002222 

 ... Ces députés du clergé du diocèse se rendent [à Turin], pour remettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime les [251] notes des revenus ecclésiastiques et recevoir de vous les ordres nécessaires pour le paiement des décimes, mais aussi parce que son Altesse Sérénissime nous demande maintenant la prestation du serment de fidélité, comme on l'appelle.

  A013002228 

 Je suis vrayement comme les peres, qui ne se contentent jamais ni ne se peuvent assouvir de parler avec leurs enfans des moyens de les aggrandir.

  A013002228 

 O Dieu, que c'est une grandeur bien grande que cette petitesse! C'est la vraye grandeur des vefves, mais bien encor des Evesques.

  A013002256 

 Cet homme, en effet, que sa noblesse et sa condition plaçaient au premier rang de ses concitoyens, a mieux aimé vivre méprisé dans la maison du Seigneur que d'habiter sous les pavillons des pêcheurs; il y a longtemps qu'il en eût retiré sa femme et ses enfants, si l'évènement avait répondu à son désir.

  A013002256 

 Le Siège Romain séduit d'ordinaire par sa majestueuse splendeur tous les chrétiens de l'univers; cependant, Votre Sainteté, par l'attrait [253] de sa douceur, gagne surtout les cœurs de ceux qui, des ténèbres de leurs erreurs, sont venus se ranger sous son autorité.

  A013002285 

 Elevé dans l'hérésie, porté au faîte des honneurs dans sa ville de Lausanne, il a néanmoins sacrifié tous les biens, tous les honneurs terrestres pour servir le Christ Notre-Seigneur.

  A013002303 

 Monsieur vostre bon pere m'escrit qu'affin que ma petite seur n'oublie les exercices de devotion, vous et madamoyselle de Villers luy en faites des repetitions et la conduisés; la dessus je luy dis deux ou troys motz de joye affin qu'il luy plaise de le permettre.

  A013002306 

 Je sçay bien que vous en aves de fort capables la, et celuy des Carmelines et aux Jesuites et celuy de vostre parroisse..

  A013002318 

 Or en fin, ma tres chere Fille, hier, voyci un parquet qui m'arrive, comm'une flotte des Indes, riche le lettres et de chansons spirituelles.

  A013002320 

 J'escris des maintenant affin qu'elle vous soit remise incontinent apres Pasques.

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002323 

 Je voy que toutes les saysons de l'annee se rencontrent en vostre ame: que tantost vous sentes l'hyver de maintes sterilités, distractions, degoustemens et ennuys, tantost les rosees du mois de may, avec l'odeur des saintes fleurettes, tantost des chaleurs de desir de plaire a nostre bon Dieu.

  A013002324 

 Non, ma tres chere Fille, il n'est pas besoin pour l'exercice des vertus de se tenir tous-jours actuellement attentive a toutes; cela, de vray, entortilleroit et entreficheroit trop vos pensees et affections.

  A013002324 

 Tenant le cœur bandé a l'exercice de celles ci, a la rencontre des autres on n'a pas grande difficulté.

  A013002325 

 Dieu vous en sçaura bon gré, car il ayme les petitz enfans; et, comme je disoys l'autre jour au cathechisme pour inciter nos dames a prendre soin des filles, les Anges des petitz enfans ayment d'un particulier amour ceux qui les eslevent en la crainte de Dieu et qui instillent en leurs tendres ames la sainte devotion; comme au contraire, Nostre Seigneur menace ceux qui les scandalisent, de la vengeance de leurs Anges.

  A013002326 

 Despuis que je suis de retour de la visite, j'ay tant esté pressé et empressé a faire des appointemens que mon logis estoit tout plein de playdeurs qui, par la grace de Dieu, pour la pluspart s'en retournoyent en pais (sic) et repos.

  A013002327 

 Ce sont des maladies qui sont comme les fievres legeres: elles layssent apres elles une grande santé.

  A013002332 

 Que vous diray-je davantage? Je viens tout maintenant de faire le cathechisme, ou nous avons fait un peu de desbauche avec nos enfans a faire un peu rire l'assistence, en nous mocquant des masques et des balz; car j'estois en mes belles humeurs, et un grand auditoire me convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013002350 

 Il me semble que j'ay des-ja trop mis de tems sans vous escrire pour me ramentevoir en vostre bienveuillance.

  A013002350 

 Mon ame, qui est toute voüee a la vostre, me fait des grans reproches sur cett'intermission; bien que je sçay que vous ne jugeres pas mes affections par cette sorte de tesmoignage, et que ce soit le moindr'effect de l'infini devoir que je vous ay..

  A013002352 

 Mon Dieu me face la grace de bien faire ce que je doy pour vivre moins indigne des misericordes avec lesquelles il supporte mes miseres..

  A013002364 

 Si j'eusse sceu plus tost vostre dessein, je vous eusse prié d'y employer mon frere, lequel est a Romme des Noël pour les affaires de ce diocæse, et eut esté glorieux de vous obeir; mais il n'est plus tems maintenant, puis que avant que vos lettres soyent a Romme, il sera en chemin pour son retour.

  A013002380 

 Si je ne vous respons pas si exactement aux lettres que vous m'envoyes, accusés-en ma mauvayse coustume, qui est de ne point mettre la main a la plume que sur le despart des messagers, dont il arrive que souvent, en ce point la, je suys embarrassé d'autres occupations..

  A013002397 

 Il y a quelque tems que le sieur baron de Montlong, sorti des prisons de Geneve, s'est retiré en cette ville, et pour sa consolation il m'est venu voir asses souvent; qui m'a donné le loysir et la commodité de descouvrir qu'il a beaucoup de connoissances des affaires de cette ville la et beaucoup de bonnes pensees qui, a l'adventure, pourroyent estr'utilement employees au service de Son Altesse.

  A013002423 

 Je n'avois encor point fait de Caresme en cette chere ville que celle ci (sic), despuis que je suis Evesque, hormis la premiere en laquelle on me regardoit pour voir ce que je ferois; et j'avois asses affaire a prendre contenance et pourvoir au general des affaires du diocese qui m'estoit tombé sur les bras tout fraischement.

  A013002423 

 Maintenant, sachés que je moyssonne un peu, avec des larmes partie de joye et partie d'amour.

  A013002423 

 Voyés vous, ma chere Fille, vous sçaves bien que le Caresme c'est la moysson des ames.

  A013002451 

 Dites seulement de gros en gros les principales fautes que vous aures commises des Pasques dernieres, commençant par le premier commandement, ou vous treuveres vos Offices et oraysons; et puis au second, ou vous treuveres vos vœux, et ainsy de main en main.

  A013002451 

 Et en chasque commandement il faut faire deux rancz: l'un, des fautes plus sensibles, desquelles il faut dire a peu pres le nombre; l'autre, des menues fautes, quil faut dire en bloc, et vous n'aves pas besoin de particulariser rien davantage..

  A013002452 

 Je ne veux pas que vous veillies le sepulchre cett'annee, ains qu'avec Madeleyne et les autres bonnes filles, vous præparies des le soir les parfums et unguentz, et que le mattin a bonn'heure vous aillies au sepulchre; car cette demesuree veille vous tiendroit tout le jour hors d'aleyne et estoufferoit l'esprit de devotion..

  A013002481 

 Car, ma chere Mere, voyes-vous, je vous veux parler un peu plus tendrement des-ormais de me promettre vostre venue a Saint Claude.

  A013002494 

 Et neanmoins je vous envoyeray Claude des le premier jour de may pour en avoir encor plus d'asseurance, car je le desire extremement..

  A013002495 

 Il m'est advis que je vous voy des-ja en nostre petite vilette et en mon petit heberge.

  A013002495 

 La dame delaquelle je vous escrivois fait merveille, et m'a tant prié que je la face venir des chams pour vous recevoir, que rien plus.

  A013002510 

 Mais faites voir donques que ces bonnes Meres prient fort a cett'intention, car hoc genus demoniorum non ejicitur nisi in oratione et eleemosina; et puis que nous avons des-ja une Prieure eslëue, c'est a elle de solliciter ce proces, et je l'en supplie bien fort..

  A013002510 

 Si faut il que je vous escrive un petit-mot, car que dirois-je pour m'en excuser sur le depart d'un si digne porteur? Je receu dernierement vos lettres, avec mille consolations de sçavoir des nouvelles des vostres, que je cheris uniquement, et de l'avancement de la pieté en tant de lieux et de bonnes ames de dela.

  A013002511 

 Item, ces bonnes Dames, quarum charitas plurimum fidem commendat et que j'ay eu le bien de connoistre; vostre seur tient des premiers rangs, igne examinata tribulationum.

  A013002517 

 On m'a dit quil y avoit un inventaire des instructions de la Mere Therese; je le voudrois bien voir..

  A013002530 

 Mais avant que vous parties, demandés la benediction a Monsieur d'Autun, s'il se peut, avec permission de vous prevaloir des Indulgences qui vous seront octroyees ou vous passeres par les Evesques.

  A013002532 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, jusques a ce tems la; et en ce tems la et en l'eternité, a Dieu soyons nous, et a Dieu sans plus, puisque hors de luy et sans luy nous ne voulons rien, non pas mesme nous mesmes, qui aussi bien, hors de luy et sans luy, ne sommes que des vrays riens.

  A013002541 

 Non, a la verité, je ne doute nullement que vous ne m'aymies fort estroittement; j'aurois bien peu de sentiment si tant de tesmoignages que vous m'en aves rendus ne m'en asseuroyent, outre lesquelz j'en ay un dans moy mesme qui me suffiroit pour cela; car il ne me semble pas que mon cœur vous peust aymer comm'il vous ayme si, par une secrette correspondance, le vostre ne l'attiroit; car l'on a beau dire que la connoissance des merites force a l'amour (je dis a l'amitié); c'en est vrayement un grand motif, mais inutile si on n'espere pas une reciproque affection.

  A013002543 

 A Dieu donq, Monsieur, jusques a vendredi prochain; ains, a Dieu soyons nous jusques a l'eternité des eternités, car a meilleur maistre ne sçaurions nous estre.

  A013002559 

 J'appreuverois qu'en l'orayson vous vous tinssies encor un peu au petit train, preparant vostre esprit par la leçon et disposition des pointz, sans autre imagination neanmoins que celle qui est necessaire pour ramasser l'esprit.

  A013002559 

 Or, si apres avoir appliqué nostre esprit a cette humble preparation, Dieu ne nous donne neanmoins pas des douceurs et suavités, alhors il faut demeurer en patience a manger nostre pain tout sec, et rendre nostre devoir sans recompense presente..

  A013002561 

 Mais si elle n'a point d'autre chalaur qu'a la Communion et non point a la mortification des petites imperfections de la jeunesse, je pense qu'il suffiroit de la faire confesser tous les huit jours et communier tous les moys.

  A013002562 

 Dequoy sert il de bastir des chasteaux en Espagne, puisqu'il nous faut habiter en France? C'est ma vielle leçon, et vous l'entendes bien; dites moy, ma chere Fille, si vous la prattiques bien..

  A013002563 

 Ma chere Fille, nous sommes au chemin des Saintz; allons courageusement, malgré les difficultés qui y sont..

  A013002573 

 Je pense que maintenant vous estes arrivee en vostre mayson, ma tres chere Fille, car voyci justement l'octave de vostre despart; et je m'en vay, par cette lettre et en esprit, vous revoir et vous demander des nouvelles du succes de vostre voyage.

  A013002575 

 Pour moy, je le sens tous-jours plus l'erme en mon ame; et puis que, apres tant de considerations, de prieres et de sacrifices, nous avons fait nos resolutions, ne permettés point a vostre cœur de s'appliquer a des autres desirs; mais, benissant Dieu de l'excellence des autres vocations, arrestés-vous humblement a celle-ci, plus basse et moins digne, mais plus propre a vostre suffisance et plus digne de vostre petitesse.

  A013002577 

 Il m'a rendu, ma chere Fille, et me rend tous les jours plus, ce me semble, au moins plus sensiblement, plus suavement, du tout, en tout et sans reserve, uniquement, inviolablement vostre; mais vostre en luy et par luy, a qui soit honneur et gloire aux siecles des siecles, et a sa sainte Mere.

  A013002587 

 Ne nous amusons point a la consideration de la beauté des autres, mais saluons seulement ceux qui passent par iceux et disons leur simplement: Dieu nous conduise a nous revoir au logis..

  A013002587 

 Ne nous faschons point de nos tempestes et des orages qui par fois troublent nostre cœur et nous ostent nostre [294] bonance.

  A013002592 

 Tout ceci ne sont pas des grandes choses, mais je les vous ay voulu dire parce qu'elles me sont venues en l'esprit, apres avoir escrit une douzaine de lettres a ces Messieurs de la cour en recommandation de nostre Chapitre de Saint Pierre..

  A013002604 

 Mais, ma Fille, ne prenes pas ces paroles pour des effectz de grand prix.

  A013002604 

 Non, ce ne sont que des petites imaginations des vertus que mon cœur fait pour se recreer; car, quand c'est a bon escient, je ne suis pas si brave.

  A013002619 

 Voyes-vous, ma chere Seur ma Fille, c'est Nostre Seigneur en l'habit de jardinier que vous rencontres tous les jours ça et la, es occurrences des mortifications ordinaires qui se presentent a vous.

  A013002634 

 Or, les sujetz estoyent anciennement obligés, par reconnoissance formelle, de faire taire les grenouilles des fossés et marecages voysins pendant que l'Evesque dormoit.

  A013002648 

 Il n'est pas besoin de nommer ceux pour lesquelz vous voules faire dire des Messes; il suffit que, par vostre intention, ce bien-la leur soit appliqué..

  A013002661 

 C'est par nostre bon Pere Gardien des Capucins que je vous escris, ma bonne, ma tres chere Fille, car je [305] me suis imaginé que facilement quelques uns des leurs qui sont a Aoustun se treuveroyent en leur Chapitre provincial, qui pourroyent vous rendre ces lettres..

  A013002663 

 Je vous souhaite un courage grand, et non point chatouilleux; un courage lequel tandis quil peut dire bien resolument: VIVE JESUS! sans reserve, ne se soucie point ni du doux ni de l'amer, de la lumiere ni des tenebres.

  A013002664 

 Hier au soir, nous eusmes icy des grans tonnerres et des esclairs extremes, et j'estois si ayse de voir nos jeunes gens, mais particulierement mon frere, nostre Groysi, qui multiplioyent les signes de croix et le nom de Jesus.

  A013002664 

 Sans mentir, je recevois une particuliere consolation pour cela, bien que la violence des esclatz me fit tremousser, et ne me pouvois contenir de rire..

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002667 

 Des mon depart de Thonon je n'ay rien apris de nostre M me de Charmoysi, horsmis que son mari luy est arrivé et a passé icy et a Sales..

  A013002667 

 J'ay des salutations a vous faire de la part de nostre Præsidente et de M me de Lalee.

  A013002668 

 Je vous escriray bien tost, et voyci la sixiesme lettre que je vous ay escritte des vostre depart, car je ne veux point vous manquer a parole.

  A013002678 

 Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Filles de la Charité, à Paris..

  A013002684 

 Avant hier et hier j'eu une extraordinaire consolation au logis de sainte Marthe, laquelle je voyois si naïfvement embesoignee a traitter Nostre Seigneur, et, a mon [309] advis, un peu jalouse des contentemens que sa seur prenoit aux pieds d'iceluy.

  A013002684 

 De vray, ma chere Fille, elle avoit rayson de desirer qu'on l'aydast a servir son cher hoste, mais elle n'avoit pas rayson de vouloir que sa seur quittast son exercice pour cela, et laissast la le doux Jesus tout seul; car ses mammelles, abondantes en lait de suavité, luy donnoyent des eslancemens de douleur, pour le remede desquelz il failloit au moins un enfant a succer et prendre cette celeste liqueur..

  A013002685 

 Mais de vouloir laisser nostre Sauveur tout fin seul, elle avoit, ce me semble, tort; car il n'est pas venu en ce monde pour vivre en solitude, mais pour estre avec les enfans des hommes..

  A013002686 

 Ne voyla pas des pensees estranges de vouloir corriger nostre bonne sainte Marthe? Oh! c'est pour l'affection que je luy porte; et si, je croy que ce qu'elle ne fit pas alhors, elle sera bien ayse de le faire maintenant en la personne de ses filles, en sorte qu'elles partagent leurs heures, donnant une bonne partie aux œuvres exterieures [310] de charité, et la meilleure partie a l'interieur de la contemplation.

  A013002688 

 Aussi, ce ne sont pas icy des responces, car je n'ay encor eu que deux lettres de vous, ausquelles j'ay rendu responce il y a long tems..

  A013002691 

 Je dis en peyne sans peyne, car je suis plein de toute bonn'esperance a cause de Nostre Seigneur, qui est si bon et si doux et si amoureux des ames qui desirent l'aymer..

  A013002704 

 Que puysse-je participer a l'esprit de ce Saint qui vous a nommee de son nom des vostre Baptesme, et qui le confirmera en vostre faveur le jour mesme auquel toute l'Eglise le reclame.

  A013002705 

 Estre servante de Dieu, c'est estre charitable envers le prochain, avoir en la partie superieure de l'esprit une inviolable resolution de suivre la volonté de Dieu, avoir une tres humble humilité et simplicité pour se confier en Dieu et se relever autant de fois qu'on fait des cheutes, s'endurer soy mesme en ses abjections et supporter tranquillement les autres en leurs imperfections..

  A013002746 

 Ce serait un moyen de favoriser grandement l'œuvre de la conversion des hérétiques; en effet, les convertis, en s'occupant à l'exercice de ces métiers, pourraient vivre convenablement, sans courir çà et là, comme ils ont été contraints de le faire jusqu'ici.

  A013002763 

 Et si, Dieu me donne la force de me lever quelquefois devant le jour pour cet effect, quand je prevoy la multitude des embarrassemens du jour, et tout cela gayement; et me semble que je m'y affectionne et voudrois bien pouvoir en faire deux fois le jour, mays il ne m'est pas possible.

  A013002792 

 Il n'est nullement besoin de faire des excuses et ceremonies pour m'escrire, car vos lettres me consolent bien fort en Nostre Seigneur, pour lequel je vous ayme sincerement.

  A013002792 

 Je voy que vous aves de l'apprehension de vous ranger au chasteau, d'autant que vous seres privee des commodités que vous avies de servir Dieu par la hantise du college des Jesuites.

  A013002793 

 Avec cela, vous pouves justement vous contenter, et suppleer le manquement des autres exercices par des frequentes et ferventes oraysons jaculatoires ou eslancemens d'esprit en Dieu, et les sermons, par une devote et attentive lecture des bons livres..

  A013002795 

 Faites donques avec gayeté de cœur tout cela; et de mon costé, en correspondant a la confiance que vous aves en moy, je prieray sa divine Majesté qu'elle vous [321] remplisse des graces de son Saint Esprit et vous rende de plus en plus uniquement sienne..

  A013002815 

 J'ay fort prié ce porteur, qui est des vieux serviteurs de la mayson de Monsieur et de mes bons amis et voysins, [323] de vous saluer de ma part avec le plus d'efficace qu'il pourra.

  A013002816 

 Cela arresteroit toutes ces brouilleries, qui ne servent qu'a divertir ces espritz des meilleures pensees qu'ilz pourroyent faire au service de Jesus Christ et du public..

  A013002818 

 J'apprehende bien qu'elle se voye; car, a la verité, je n'ay rien sceu des actions particulieres de cette Princesse, qui sont neanmoins celles qui pourroyent relever ma petite besoigne.

  A013002818 

 Je voudrois avoir envoyé l'Orayson funebre de Madame; mais j'attens des memoires de la grandeur de la mayson d'Este qui me doivent venir d'Italie, n'ayant jamais rien peu apprendre qui fust esclattant comme je desire, par les livres que j'ay peu avoir en ce païs ni aucun recit qu'on m'ayt fait.

  A013002864 

 Jamais je ne vis une douleur plus tranquille: tant de larmes que merveilles, mais tout cela par des simples attendrissemens de cœur, sans aucune sorte de fierté.

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002884 

 Je m'estonne comme vous receves si peu de mes lettres; il m'est advis que je n'en laisse point des vostres sans quelque response.

  A013002885 

 J'ay des-ja escrit a madame nostre mere; maintenant j'escriray a cette seur, mais je ne sçay si ce sera avec consolation, car je ne sçay point de belles paroles, et, ne luy ayant jamais escrit ni parlé de devotion, elle treuvera peut estre bien estrange mon stile; mais estant du lieu d'où elle est, elle prendra tout en bonne part.

  A013002885 

 J'ay regretté toutes les pertes qui se sont faites en vostre mayson, de laquelle je suis l'un des enfans, au moins en affection.

  A013002886 

 Ne vous tourmentes point pour vostre orayson que vous me dites se passer sans paroles, car ell'est bonne, pourveu qu'elle vous laisse des bons effectz au cœur.

  A013002887 

 La Methode, la Perfection, la Perle sont des livres fort obscurs et qui cheminent par la cime des montagnes; il ne s'y faut guere amuser.

  A013002888 

 Non, ma chere Fille, vous confessant a des bons confesseurs, ne doutés nullement; car s'ilz n'avoyent le pouvoir de vous ouÿr, ilz vous renvoyeroyent.

  A013002891 

 [Ma bonne mere a fait merveilles a souffrir la mort de] ma [petite seur] et elle vous salue humblement et remercie des faveurs [qu'elle a receu de vous]..

  A013002917 

 Le voyla donq quil part avec ces quatre lignes qui vous diront briefvement que l'aspreté du tems m'a en fin fait sonner a la retraitte et suis des avant hier de retour a la ville..

  A013002925 

 Je ne vous escris point de nos dames, ni de M me de Lalee, que j'ayme bien, affin que vous le sachies; car je n'ay encor veu que M me la Presidente et M me de Charmoysi, mais tout simplement en des courtes confessions..

  A013002926 

 J'ay presché sur les paroles de Dieu recitees par Hieremie: Je pense des pensees de paix et non point d'affliction.

  A013002926 

 Or voyes vous, il me semble que j'ay dit de belles choses pour monstrer que ce souverain Bon, quoy qu'il fasse [le] courroucé et qu'il ne semble respirer qu'ire et indignation, il pense tous-jours des pensees de douceur et de consolation.

  A013002945 

 Et bien, Monsieur, que nous soyons fort esloignés des merites que vous pouvies justement requerir pour nous faire cette faveur et nous recevoir a une si estroitte alliance avec vous, si esperons nous de tellement y correspondre par une entiere, sincere et humble affection a vostre service, que vous en aures contentement..

  A013002945 

 Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation.

  A013002966 

 Nous jouirons cet Advent de la presence de madame de Chevron, laquelle viendra pour dissiper, par la conversation et hantise des saintz Offices, l'ennuy que le trespas de madame d'Autrechese luy donne; comm'aussi ma mere, pour addoucir la memoire de celuy de ma jeune seur..

  A013002967 

 Mais faut il pas que je vous die les resolutions de monsieur le Baron de Menthon et de monsieur d'Autrechese, dont le premier a fait veu de chasteté perpetuelle et, s'estant desja revestu de sottane a l'ecclesiastique, minute son despart entier des affections du siecle pour se lier aux Ordres sacrés; et le second, ayant solemnellement voué, dedié et consacré tous ses biens a l'Eglise pour l'erection d'une Collegiale a Ugine, persiste vaillamment a la resolution de prendre le subdiaconnat a [344] ceste premiere ordination.

  A013002967 

 Voyla pas de rares exemples, des monuemens de pieté? Et combien cela me doit il animer a me bien dedier au service de Dieu..

  A013002987 

 Que si Vostre Altesse l'a aggreable, j'adjousteray que je n'ay encor sceu rencontrer en l'histoire un seul des Cardinaux de sa serenissime Maison qui n'ayt eu en sa main cet evesché de Geneve, pas mesme le grand Felix.

  A013003000 

 En verité, vous auries du playsir de voir un si estroit accord parmi des choses qui sont pour l'ordinaire si discordantes: belle mere, belle fille, belle seur, freres et beaux freres.

  A013003000 

 Entre tout cela, ma vraye Fille, je vous puis asseurer, a la gloire de Dieu, [347] qu'il n'y a icy qu' un cœur et qu'une ame en unité de son tres saint amour; et j'espere que la benediction et la grace du Seigneur s'y doit rendre abondante, car des-ja c'est beaucoup, et une chose bonne, belle et suave, de voir comme cette fraternité demeure ensemble..

  A013003028 

 Or, l'Eglise de Montpellier avait besoin d'être difficile pour le choix de son époux, après les dures misères qu'elle souffre depuis si longtemps de la part des hérétiques.

  A013003029 

 Dans cette fonction, il déploya une fermeté d'âme, une force de [351] doctrine sans cesse grandissantes; aussi obtint-il en trois ans une faveur que d'autres gens de mérite, fortement patronnés, auraient à peine obtenue après bien des années: celle d'être présenté par le roi au Siège Apostolique pour l'évêché de Montpellier.

  A013003029 

 Un si beau talent ne pouvait être renfermé plus longtemps dans des bornes si étroites.

  A013003030 

 Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques.

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003057 

 Sçachés, ma chere Seur, ma Fille, que me voyci en mon triste tems, car despuis les Rois jusques au Caresme j'ay des estranges sentimens en mon cœur; car, tout miserable, je dis detestable que je suis, je suis plein de douleur de voir que tant de devotion se perd, je veux dire que tant d'ames se relaschent.

  A013003070 

 Il ayme dans le cœur, il entend au cerveau, il anime dans la poitrine, il void aux yeux, il parle en la langue, et ainsy des autres: il fait tout en tout, et lhors nous vivons, non point nous mesmes, mais Jesus Christ vit en nous.

  A013003073 

 Je me feray mieux entendre en vous disant que je crains de rencontrer des secretaires qui, quand on leur dit: Donnés-moy ma botte, bridés ce cheval, faites ce lit, ilz respondent: Je ne suis pas pour cela; car en tout j'employe le premier que je treuve, horsmis les ecclesiastiques.

  A013003075 

 Au partir de la, elle est l'aysnee; et si, je suis obligé de l'aymer plus tendrement parce qu'un [jour] que vous n'esties pas au logis a Dijon, elle me fit bien des faveurs et me permit de la bayser d'un bayser d'innocence.

  A013003078 

 Vous me faites grand playsir, je dis tres grand, de m'exhorter a l'humilité; non pas parce qu'il ne me manque que cette vertu-la, mais parce que c'est la premiere et le fondement des autres.

  A013003079 

 Il faut, pendant que je m'en resouviens, que je vous defende ce mot de saint quand vous escrivés de moy, car, ma Fille, je suis plus faint que saint: aussi la canonization des saintz ne vous appartient pas.

  A013003081 

 Je presse M. de Sauzea pour sçavoir qu'il a fait des lettres que je vous escrivois en responce de celles qu'il m'apporta.

  A013003086 

 Et cela il le faut un peu mascher, considerant la varieté des consolations, mais sur tout des tribulations que les bons souffrent; puys, avec grande humilité, appreuvés, loués et aymés toute cette volonté..

  A013003086 

 Jettés l'œil sur la volonté de Dieu speciale, par laquelle il ayme les siens et fait en eux des œuvres diverses de consolation et de tribulation.

  A013003089 

 Nostre chanoyne m'a dit quil vous escriroit; il s'est mis a la pesche des ames ces jours passés fort heureusement, y entrant par deux familiers..

  A013003118 

 Tandis qu'on allumoit la chandelle, j'ay demandé a Thibaut des nouvelles de vostre santé; il m'a dit qu'elle estoit bonne.

  A013003120 

 Je vous diray que mes chanoynes font merveilles a faire des exhortations et a gaigner nos jeunes damoyselles pour la devotion, quand la conformité de l'aage y sert.

  A013003124 

 + Je ne dis pas cela pour la loüer, car j'ayme bien que l'on m'escrive, et tres souvent; et si, j'ayme mieux voir un [366] peu d'empressement que de ne voir jamais point de lettres en des absences de troys a quatre mois.

  A013003131 

 Hier seulement je vous escrivis, ma chere Fille, par la voye de Lyon; et maintenant, vovci arriver l'homme de M. de Sainte Claire, qui m'apporte vostre lettre du 24 fevrier, a laquelle je vay briefvement respondre; et, si je puis, je respondray encor a quelqu'une des autres..

  A013003134 

 Non point de desirer que je ne fusse pas d'Eglise, car cela eust esté trop grossier; mais parce qu'un peu auparavant, parlant avec des personnes de confiance (et vrayement je pense que ce fut nostre Groysi), je dis que si j'estois encor en l'indifference et que je fusse heritier d'un duché, je choisirois neanmoins l'estat ecclesiastique, tant je l'aymois, il m'arriva un desbat en l'ame, que si, que non, qui dura quelque tems.

  A013003135 

 Mais, pour ces choses la, on ne peut ni doit entrer en dispute; il faut que cela se demesle avec [368] des considerations tranquilles et en repos, tout a l'ayse et de cœur a cœur..

  A013003135 

 Mays quand elles vous viendront a droitte, alhors je ne vous sçauray que dire, sinon: Croyés moy, ma Fille, reposés vous sur mon ame pour ce regard; j'ay bien des raysons, a mon advis, irreprochables.

  A013003137 

 Ce sont des craintes sans sujet, car si l'ange de Satan, souffletant saint Paul par tant d'agitations de pensees deshonnestes, ne sceut neanmoins offencer sa pureté, pourquoy tiendrons nous nos resolutions offencees par ces mouvemens d'esprit?.

  A013003137 

 Usés fort de diversions en semblables occasions, par des actes positifs d'amour en Dieu et de confiance en sa grace.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003166 

 J'ay perdu des pacquetz en chemin qui vous auront fait estre quelque tems sans avoir de mes lettres, mesme celles par lesquelles je respondois a ce que M. de Sauzea m'avoit dit de vostre [371] part; dont j'ay esté bien fasché, car je vous escrivois avec grande confiance..

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003185 

 Pour moy, j'ayme tant les miennes, que quoy que je voye ne me semble point suffisant pour m'oster un'once de la bonn'estime que j'en ay, encor que j'en voye et considere des autres plus excellentes et relevees..

  A013003187 

 Mocques vous de la plus part de ces brouilleries, ne debrassés point pour les penser rejetter; moques vous en, divertisses a des actions, tasches de bien dormir.

  A013003188 

 Il faut dire un peu des menues pensees apres ces grandes pensees: il est un peu estonné de ne pas treuver Montelon ceans; o mais, je dis icy a Rumilly..

  A013003189 

 Cette dame-la est a Chamberi pour des affaires.

  A013003190 

 Il me traittoit comme cela quand il estoit a Paris, et puys, une foys pour toutes il m'escrivit que c'estoient des trop foybles preuves d'affection que d'escrire.

  A013003208 

 En l'examen, il y a des particularités propres a la condition de cett'ame la: vous les sçaures bien discerner..

  A013003246 

 Mais se pourroit-il bien faire qu'apres avoir consideré la bonté, la fermeté, l'eternité de Dieu, nous puissions aymer cette miserable vanité du monde? Or sus, il nous faut supporter et tolerer cette vanité du monde; mais il ne faut aymer ni affectionner que la verité de nostre bon Dieu, lequel soit a jamais loué de ce qu'il vous conduit a ce saint mespris des folies terrestres..

  A013003261 

 C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices: que ce soit le gros de nostre soin, et le reste, des dependances.

  A013003276 

 Je ne sçay pas les remedes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup; car c'est l'un des plus grans traistres que la devotion et vraye vertu puisse rencontrer.

  A013003277 

 Et pour vous ayder a cela, resouvenes-vous que les graces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquerir, bien que la verité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille.

  A013003294 

 Vous estes obligés de m'oüir, car je veux implorer par icelles vostre justice et æquité contre tant de calomnies et injures desquelles mes concitoyens m'ont chargé despuis ma sortie, c'est a dire des un mois en ça..

  A013003296 

 J'en avois bien des raysons d'estre melancolique: je me perdois; et puis vous vous estonnes dequoy j'estois triste..

  A013003320 

 Je donne a ce porteur cette lettre par ce quil revient, et pourra m'en rapporter des vostres..

  A013003324 

 Nous ne sommes que des gueux; les plus miserables sont de meilleure condition, la misericorde de Dieu les regarde volontiers..

  A013003326 

 Cette humilité conserve la chasteté; c'est pourquoy, aux Cantiques, cette belle ame est appellee le lys des vallees.

  A013003327 

 J'appreuve que l'on s'abbaisse quelquefois a des bas services, mesme a l'endroit des inférieurs et superbes, a l'endroit des malades et pauvres, a l'endroit des siens, en la mayson et dehors; mais que ce soit tous-jours naïfvement et joyeusement.

  A013003329 

 Il a bien crié autour des Saintz et fait plusieurs tintamarres; mais quoy pour cela? les voyla logés en la place qu'il a perdue, le miserable..

  A013003330 

 Je desire que vous voyes le chapitre 41 du Chemin de perfection de la bienheureuse sainte Therese; car il vous aydera a bien entendre le mot que je vous ay dit si souvent, qu'il ne faut point trop pointiller en l'exercice des vertus, mais qu'il y faut aller rondement, franchement, naïfvement, a la vielle françoise, avec liberté, a la bonne foy, grosso modo.

  A013003364 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A013003365 

 avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A013003395 

 Je ne bougeray encor de dix jours d'ici; si pendant ce temps vostre commodité le permet de l'envoyer, je l'emporteray et la feray apointer a vostre contantement; que si vous jugez que ce temps soit trop bref, ne laissez pourtant de l'envoyer ici a mon oncle, le President des Comptes, lequel me fera tenir vostre pacquet a Paris.

  A013003412 

 Et le dessein que je vous avois proposé se treuve trop long et trop ennuyeux; car aussy bien fay je conscience de pipper tant de gens qui me prendront pour quelque grand theologien, et me doit bien suffire que j'en trompe des-ja tant d'autres qui me tiennent pour plus grand jurisconsulte que je ne suis.

  A013003413 

 J'ay tardé de vous escrire ceste jusques a l'heure du despart de monsieur Rogex, pour sçavoir si l'arrivee de Monseigneur de Nemours, que nous attendons despuis quattre jours d'heure a autre, m'apporteroit le sujet de quelque nouvelle digne de vous estre escritte; mais jusques icy nous n'en avons autres nouvelles sinon quil arriva le mercredy au soir a Lion et que ses gens cherchoyent des chevaux de louage vendredy pour partir.

  A013003413 

 Je ne sçay si la nouvelle quil aura eu par monsieur de Charmoisy, des fievres tierces de Son Altesse l'aura retenu, en lieu qu'elle le devoit haster; car je croy bien quil ne va pas en Piemont en intention de croupir longue ment au pied du lict d'un malade..

  A013003420 

 Des Charmettes, en haste, ce 10 d'octobre 1605..

  A013003432 

 Ceux de Geneve, à l'instant et par l'espace des deux annees suyvantes, m'escrivirent contre par 4 divers aucteurs; je fus contraint, par l'advis de personnes zelantes, de leur respondre briefvement, mais tellement qu'ils n'oserent plus s'attaquer à moy.

  A013003432 

 Vous en fairez, apres l'avoir leu, ce que vous en jugerez mieux pour le salut des ames, soit que l'on le traduise en françois, soit que ce qui est traduit desja en françois touchant la dicte responce se mette en lumiere, ou à part, ou l'adjoustant au reste, car je vous envoye le tout..

  A013003433 

 Si vous envoye je un autre petit mien livre tiré de la Biblioteque Choisie, mais abbregé, le quel ha esté imprimé icy et reimprimé à Paris, vous priant, Monseigneur, de le lire; car, possible, vous jugerez qu'il puisse proffitter à vostre troppeau et, par une nouvelle maniere, clorre la bouche aux heretiques et rembarrer ceux qui mesdisent de nostre Compagnie et des autres Ordres religieux..

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003450 

 Le Conseil de la Religion nous a faict voir la lettre que luy avez escrit, comme aussy celle du Berghera, en conformité de la nostre, touchant la provision des benefices qui restent a pourvoir riere les baillages de Chablais, Gaillard et Ternier que Nous desirons et affectionons tout ce qui se peut.

  A013003470 

 Elle jeusnoit exactement tous les vendredys; les jours de veille, des quatre Temps et de Caresme, elle ne mangeoit que du pain et des legumes, et ne beuvoit de vin que la moitié de son verre; si elle avoit plus de soif, elle ne beuvoit que d'eau.

  A013003470 

 Elle ne manquoit à point de predications, et apres les avoir [403] ouyes, elle redisoit les principales choses à ses domestiques, louant les vertus et inculquant la fuite des vices.

  A013003472 

 Elle parloit presque tousjours des quatre fins de l'homme, et preschoit fort souvent son mary de l'heure incertaine de la mort..

  A013003473 

 En fin, il faudroit que j'employasse bien du temps si je voulois raconter les actions de saincteté que ceste bonne femme a faictes devant les hommes; car des autres œuvres de pieté qu'elle a faictes devant Dieu tant seulement, il n'y a personne qui les puisse raconter.

  A013003473 

 Jusques au premier Dimanche de juin (selon que nous autres laics avons coustume de compter, le quatriesme jour) elle s'en alla à l'eglise parroissiale d'Amancy, tenant une petite croix en ses mains, et, estant des-ja fort foible, elle se confessa et communia.

  A013003473 

 Les deux jours suyvans de lundy et mardy, elle fist reduire en farine quatorze coupes de froment, et separa neuf quarts de febves et de poix et une grande quantité de sols de Savoye, mettant un tres-bon ordre à tout le reste des affaires de la maison.

  A013003475 

 Elle tira de son coffre le linceul avec lequel elle vouloit estre ensevelie; et ayant appellé son fils et ses deux filles, elle leur dit plusieurs belles parolles touchant la crainte et l'amour de Dieu, la dilection du prochain et soing des choses domestiques; apres quoy, elle leur bailla sa benediction maternelle..

  A013003475 

 Le jour estant venu, elle se mist à genoux pour prier Dieu avec son livre d'Heures, et estant retournée au lict par le commandement de son mary, elle fist un long discours des peines et travaux que la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame avoit soufferts, tant en eslevant son divin Enfant, qu'en Egypte et autre part.

  A013003476 

 Et apres disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit preparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'eglise, disant qu'il falloit assembler des thresors au Ciel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous.

  A013003476 

 Son mary vouloit faire venir des medecins de Geneve; mais elle eust horreur au seul nom et luy dit: « Pleust à Dieu que ces medecins n'eussent jamais mis le pied dans vostre maison, car ils sont ennemis de Dieu.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003478 

 Le sire François, chyrurgien, arriva aussi tost, qui luy appliqua des ventouses, pendant lesquelles elle perdit la parolle et jetta à force larmes.

  A013003479 

 La Nicole sa sœur, après avoir receu les Sacremens de Penitence, de l'Eucharistie et de l'Extreme Onction, dans la mesme eglise de La Roche, l'Office des chanoines estant achevé, expira comme elle luy avoit predict, par jeudy, le quinziesme du mesme mois....

  A013003541 

 Le chef donne cette vigueur aux membres, en les animant des saintes inspirations qui découlent d'un esprit tout divin, tel qu'est le vôtre.

  A013003541 

 Par les lettres qu'il m'en écrit, il s'en loue fort; mais ils ne sont [410] pas tels que les vôtres, ni si remplis qu'eux des graces de Dieu.

  A013003542 

 Si les affaires de ceux de votre Chapitre eussent été en état, je leur aurois volontiers témoigné l'estime que je fais de votre recommandation; mais quand le procès se jugera, je me souviendrai bien des bons et honorables témoignages que vous avez rendus de leur vertu et de leur sainte manière de vivre.

  A013003555 

 Je renvoie les deux autels portatifs que Votre Seigneurie Illustrissime m'avoit confié, afin que celui que vous commettréz en ma place puisse s'en servir, n'étant pas a propos de laisser les choses saintes au gré des profanateurs....

  A013003562 

 Quant a moy, je ne sçay autre motif de vostre charité ardente, sy ce n'est que vous ayez jugé expedient que je demeurasse encor en cette terre des mourants pour faire penitence de mes offenses et me faciliter le chemin qui conduit a la terre des vivants.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
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  A014000014 

 Le Saint donne à la destinataire des nouvelles de son mari et de sa parenté. 17.

  A014000016 

 Pauvreté des curés du Bugey; supplique en leur faveur. 19.

  A014000018 

 CDXLIX. A M. Antoine des Hayes.

  A014000019 

 — Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements; il ne veut que la volonté de Dieu.

  A014000023 

 — Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges.

  A014000024 

 — Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants.

  A014000025 

 Eloge de des Hayes, «le grand amy» de Pierre Fenouillet et de l'Evêque de Genève.

  A014000036 

 Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge. 42.

  A014000041 

 La vertu des vertus.

  A014000043 

 La «soigneuse assistance» des bons Anges.

  A014000048 

 Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doivent envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don. 51.

  A014000050 

 — Conseil du Saint à «ceux qui se meslent des ames» et aux personnes de piété.

  A014000054 

 — Comment l'Epoux divin des âmes nourrit leur espérance et repaît leur amour.

  A014000067 

 — Le Saint envoie à la destinataire des chansons spirituelles. 69.

  A014000068 

 Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister. 69.

  A014000069 

 Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des âmes d'élite.

  A014000071 

 — Que faire quand il arrive des pensées mauvaises. 72.

  A014000074 

 — Un «point d'importance.» — Les feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines.

  A014000075 

 DV. Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves.

  A014000075 

 — Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire.

  A014000076 

 — Porter remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des résultats.

  A014000082 

 Entremise du Saint auprès des FF. mineurs Capucins en faveur de la ville de Rumilly. 82.

  A014000083 

 Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à Dieu.

  A014000084 

 — Les «petites tricheries quotidiennes.» — La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection.

  A014000087 

 — Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu.

  A014000088 

 — Comment doit s'exercer l'apostolat des femmes chrétiennes hors de leur maison.

  A014000088 

 — Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à l'acquisition des vertus. 90.

  A014000093 

 — L'administration des pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses Chapitres.

  A014000095 

 — L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des Saints à la très sainte unité de Dieu. 97.

  A014000101 

 Les sentiments que doit exciter la perte des parents.

  A014000101 

 — Le meilleur des souhaits.

  A014000102 

 — La plus solide des nourritures au Ciel et sur la terre. 103.

  A014000107 

 Quelques-unes des «mille douces pensees» du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-Sacrement.

  A014000110 

 M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin, — Un «ennemi juré des cours.» — Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir. 113.

  A014000113 

 DXLII. A M. Antoine des Hayes.

  A014000117 

 Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé. 122.

  A014000129 

 DLVIII. A M. Antoine des Hayes.

  A014000129 

 — Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite.

  A014000130 

 Les fruits des Exercices de saint Ignace.

  A014000130 

 — Le mauvais vouloir des ministres à l'égard des propositions de François de Sales.

  A014000130 

 — Progrès des conversions autour de Genève.

  A014000133 

 L'appréhension de l'éternité et l'appréhension des accidents de cette vie mortelle.

  A014000134 

 La succession des années et l'éternité.

  A014000137 

 — Une bonne condition pour faire des progrès spirituels.

  A014000140 

 Charité du Saint pour ses amis: au premier il propose une honorable alliance pour l'un des siens; il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son fils repentant. 146.

  A014000142 

 — Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants. 148.

  A014000148 

 Un cœur plus que paternel, dégagé et fervent au milieu des tracas.

  A014000151 

 DLXXIX. A M. Antoine des Hayes.

  A014000153 

 — François de Sales raconte à M me de Chantal comment M me de Boisy a fini ses jours et combien il pleura sur «cette bonne mere.» — Invitation à venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux.

  A014000153 

 — L'Abbesse du Puits-d'Orbe, M me de Saint-Jean, le P. de Monchy, M lle Favre, le monastère de Sainte-Catherine, — Le «train des saintz devanciers et des simples.» — Prendre pour méthode de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare le trouver «un peu dur.».

  A014000156 

 — Satan abuse des âmes crédules; comment se garder de ses pièges.

  A014000159 

 DLXXXVII. Au Pére Alexandre Ceva, de l'Ordre des Camaldules.

  A014000159 

 — La Congrégation des convertis.

  A014000160 

 — Un bien grand voyage pour des femmes.

  A014000162 

 «Il est dangereux de marcher au chemin des proces.» — Par quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur. 168.

  A014000163 

 — Réponse à des objections que présentait la destinataire.

  A014000165 

 Jacques de Bay et son zèle pour la formation chrétienne des jeunes Savoyards.

  A014000170 

 — Le destinataire est prié de remettre des lettres pour faire aboutir la nomination. 176.

  A014000171 

 — Pourquoi le Saint ne se soucie pas des critiques.

  A014000172 

 Mort de Henri IV. — Vanité des grandeurs du monde.

  A014000176 

 — Responsabilité et devoir des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom. 182.

  A014000181 

 Les parents et les directeurs spirituels; l'autorité des uns et des autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse.

  A014000181 

 — S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il? — Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements.

  A014000182 

 — Une Congrégation qui ne veut être «ni mendiante ni playdante.» — Sommaire des Règles.

  A014000186 

 — Le séjour des vaines beautés et belles vanités.

  A014000188 

 DCXVI. A M. Antoine des Hayes.

  A014000192 

 — Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix intérieure.

  A014000197 

 Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures et églises des paroisses vacantes.

  A014000202 

 — Le Saint, ennemi, dans ses visites, des cérémonies, compliments et perte de temps. 208.

  A014000209 

 — Se choisir des amis de même intention.

  A014000210 

 Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui sont autour, du cœur.

  A014000217 

 — Où se trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints.

  A014000221 

 DCXLIX. A M. Antoine des Hayes (Inédite).

  A014000246 

 Preparés des le matin vostre ame a la tranquillité; ayés un grand soin le long du jour de l'y rappeller souvent et de la reprendre en vostre main.

  A014000259 

 Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin vostre mari, mais je ne puis me contenir de vous dire que monsieur de la Fleschere, qui fut hier icy, m'asseure que jamais il ne se porta mieux, ni monsieur de Charmoysi.

  A014000271 

 Dieu me veuille exaucer, Monsieur, et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel, et moy je deviendray autant utilement comme je suis affectionnement,.

  A014000294 

 J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige.

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000297 

 Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour..

  A014000311 

 Mais tout cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit empescher de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a la gloire divine et au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par vocation je suis consacré a cela..

  A014000318 

 Monsieur des Hayes..

  A014000348 

 Ne nous troublons point des sterilités, car les sterilités enfanteront en fin; ni des secheresses, car la terre seche se convertira en sources d'eaux vivantes.

  A014000348 

 O ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite? quand aurons nous des cœurs embrasés de son amour? Courage, ma chere Fille, nous sommes destinés a cette heureuse fin.

  A014000349 

 L'autre jour en l'orayson, considerant le costé ouvert de Nostre Seigneur et voyant son cœur, il m'estoit advis que nos cœurs estoyent tout alentour de luy, qui luy faisoyent hommage comme au souverain Roy des cœurs.

  A014000351 

 Et cette petite Aymee sera des tres mieux aymees seurs du monde, car je seray son frere.

  A014000357 

 Je receu la semaine passee quatre lettres des vostres: l'une, du jour de Pasques, les autres trois, du 27 avril.

  A014000359 

 Mais Dieu tiendra tout de sa main; car voyes vous, ma chere Fille, mon ame n'a point de rendes vous qu'en cette providence de Dieu: Mon Dieu, vous me l'aves enseigné des ma jeunesse, et jusques a present j'en annonceray vos merveilles..

  A014000368 

 Mais cet advis ne sera pas pour cela inutile, puis qu'il me donnera sujet de me ramentevoir en vostre bonne grace, en vous tesmoignant que si mes prieres sont favorisees au Ciel, vous vivrés tous-jours toute consolee des consolations du Saint Esprit..

  A014000368 

 Par ce que monsieur de Fontaine, partant lundi de Turin, laissa monsieur de Vallon mon cousin en bonne santé et monsieur de Charmoysi aussi, j'ay voulu, par cette commodité, vous en donner l'asseurance, bien que peut estre aures vous des lettres aussi recentes que cela.

  A014000369 

 Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine, ou je leur offriray tout ce qui est en mon [16] pouvoir; mais elles ont un si bon pere et une si bonne mere, que le reste des parens n'ont nul sujet de les servir.

  A014000389 

 Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres.

  A014000389 

 Suppliés-les qu'elles offrent avec vous vostre vœu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par le merite de la leur.

  A014000391 

 Playse vous accepter ce mien vœu irrevocable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes moy la force de le parfaire a vostre honneur, par tous les siecles des siecles..

  A014000405 

 C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme..

  A014000408 

 Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas; maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses grandes.

  A014000408 

 Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions nous des morceaux de tuyles, de bois, de la bouë, pour faire des maysons et petitz bastimens! Et si quelqu'un nous les ruynoit, nous en estions bien marris et pleurions; mais maintenant nous connoissons bien que tout cela importoit fort peu.

  A014000434 

 Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard..

  A014000434 

 Il ne reste sinon de convenir du tems, du lieu et des personnes convenables a cett'intention; sur quoy je vous prie m'envoyer quelque proposition et projet, affin que, de nostre costé, nous taschions de concourir a vostre commodité.

  A014000436 

 Et pour le regard des paroles desreglees desquelles vous vous plaignés, nos chanoynes nient qu'elles soyent sorties de leur Chapitre, et disent qu'au contraire on leur [25] a donné advertissement que vos Religieux en avoyent asses proferé contr'eux.

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000456 

 Il nous faut joindre ces deux choses ensemble: une extreme affection de bien et exactement prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des vertus, et de nullement nous troubler ou inquieter ou estonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquemens; car le premier point depend de nostre fidelité, qui doit tous-jours estre entierè et croistre d'heure en heure; le second depend de nostre infirmité, laquelle nous ne sçaurions jamais deposer pendant cette vie mortelle..

  A014000457 

 Ma tres chere Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre cœur tout a l'heure et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entiere la resolution de servir a Dieu; et j'espere qu'il nous respondra qu'ouy et que plustost il souffriroit mille mortz que de se separer de cette resolution.

  A014000471 

 Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel nous sommes, car il fait abandonner [28] le vray soin de combattre.

  A014000474 

 Mais, ma Chere Fille, cet encor a quoy se rapporte-il? En aves vous des-ja beaucoup gasté de ces ennemis-la? Je veux dire qu'il faut avoir courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne faysons que commencer et que neanmoins nous avons desir de bien faire..

  A014000498 

 Il y a déjà longtemps, la Sacrée Congrégation m'avait accordé, pour moi et pour d'autres personnes que je jugerais capables, la faculté et la plus ample autorisation de lire et de garder les ouvrages [30] des hérétiques quels qu'ils fussent, et aussi les livres défendus à un autre titre, de recevoir les hérétiques pénitents, même les relaps, de déléguer des prêtres pour réconcilier les églises et les cimetières pollués et pour bénir tous les ornements nécessaires au culte divin, de revalider les mariages que les hérétiques convertis auraient contractés dans le quatrième degré d'affinité ou de consanguinité, de commuer les vœux simples et d'absoudre les duellistes.

  A014000499 

 D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique..

  A014000499 

 Des hérétiques que nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent chaque jour [31] au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications publiques que des entretiens privés.

  A014000500 

 Je vous le demande au nom de l' Evêque souverain et Rédempteur des âmes, et du Siège Apostolique qu'il a établi sur la terre..

  A014000509 

 J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté de Bourgoigne pour consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne, car un gentilhomme qui manie cet affaire m'a asseuré que j'y seray appellé; et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste des alliés de dela, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon ou je ne pourray peut estre pas aller, de peur de m'engager en un lieu d'ou je ne pourroys pas [33] sortir si tost qu'il seroit requis, sans laisser beaucoup de mes [fonctions] a faire.

  A014000513 

 Quant aux cantiques, je vous asseure que je n'ay pas tant de loysir que d'en faire il m'en a veu peut estre de ceux de M. de Lacurne, et il a pensé que ce fussent des miens..

  A014000513 

 Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut.

  A014000514 

 Je vous avois des-ja bien escrit ceci, je ne sçai comme vous n'aves pas receu les lettres..

  A014000514 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux apres que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres.

  A014000515 

 J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir des habiles hommes ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche.

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000531 

 Vous ne praetendes, je le sçai bien, [39] que l'amour de nostre Dieu; pour y parvenir, il faut employer des moyens, des exercices, des prattiques.

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000532 

 Mays voyes vous, ma chere Seur, il ne faut pas penser a ceci simplement en passant; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cœur et, par des recollections et attentions particulieres, vous rendre cette verité savoureuse et bien venue dans vostre esprit.

  A014000535 

 Je feray part aux Sacrifices que je presente, a la Mere Prieure des Carmelines; j'honnore generalement tout cet Ordre, et la remercie de la charité qu'ell'use en mon endroit de prier pour moy, qui suis des plus necessiteux de la sainte Eglise..

  A014000556 

 Oui, à Genève, des libelles très corrupteurs se fabriquent en nombre; mais que nos Savoisiens les lisent, cela n'est nullement vrai..

  A014000566 

 me feroit des be...................................................................................................

  A014000568 

 Mon Dieu, ma Fille, que quelquefois j'ay des bonnes et douces affections en mon ame a l'endroit de ce Sauveur; mais, helas! je n'ay guere d'effectz en mes mains.

  A014000588 

 J'ay de la consolation d'oiiir le resonnement, quoy que confus, des biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur.

  A014000606 

 Je voudrois bien, en eschange, vous pouvoir aussi rendre des preuves de mon affection a vostre service, et avoir quelques bonnes nouvelles pour vous envoyer, en lieu de celles dont il vous a pleu me gratifier.

  A014000607 

 Demain, madame de Deré vient a Deré, et moy j'y iray mercredi faire la part des honneurs du logis qui me compete, en qualité de bien humble parent du nouveau marié.

  A014000639 

 La bienheureuse Angeline de Foligni disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieures.

  A014000652 

 Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les actes des vertus; car, comme je vous ay dit, ilz ne laissent pas d'estre tres bons, encor qu'ilz soyent faitz langoureusement, pesamment et quasi forcement.

  A014000674 

 Je loüe Dieu de l'heureuse arrivee de cette belle fille [55] que vous m'aves accordee pour filleule; madame sa mere sera un jour recompensee, je dis mesme en ce monde, des travaux qu'elle a souffertz pour la produire, quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille sortes de contentemens.

  A014000688 

 Ayés beaucoup d'humilité, car c'est la vertu des vertus, mais humilité genereuse et paisible..

  A014000689 

 Soyés fidelle a bien servir nostre Maistre, mais gardés en son service la liberté filiale et amoureuse, sans donner des amertumes degoustantes a vostre cœur.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000778 

 des pais de Beugey, Valromey et Gex..

  A014000786 

 Pardonnés moy, je vous prie, si j'ay tant tardé a respondre sur la premiere lettre que vous m'aves jamais escritte: il n'en sera pas ainsy des autres, si j'ay la consolation d'en recevoir.

  A014000788 

 Ayés donques bon courage de cultiver cette vigne, contribuant vostre petit travail au bien spirituel des ames quas servavit sibi Dominus, ne flecterent genua ante Baal, in medio populi polluta labia habentis.

  A014000789 

 Helas! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations, affin que, devenus grans, nous taschions d'ayder a la reedification des murs de Hierusalem, ou en portant des pierres, ou en brassant le mortier, ou en martelant.

  A014000805 

 Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisee, avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer.

  A014000805 

 Et m'enquerant des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea une Congregation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes; elles, neanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme.

  A014000806 

 Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas si aggreables, car il parloit avec grande vehemence de sa sortie, et comme vous sçaves, j'ay grand'aversion des espritz troubles.

  A014000807 

 Je dirois volontier a ceux qui se meslent des ames, comme saint Bernard a ses Novices: «Je ne.

  A014000807 

 Serves vous des advis de tous quand il en sera besoin, mais [70] ayes peu de confiance es hommes, quoy qu'ilz semblent des anges; je veux dire pour des confiances grandes et entieres.

  A014000807 

 Tout cela, ma chere Fille, me fait desirer que mes seurs, mes filles, ne s'abandonnent guere a nulle sorte de, grande confiance qu'en la seule confession; car, mon Dieu, voyla pas des grans dangers? Ah! je veux croire qu'il ni a pas tant de mal; mais il y en a encor moins d'estre bien discret.

  A014000807 

 veux pour cela que des ames, et que les cors ne s'en meslent point.» Or, j'ay dit tout cela par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue.

  A014000810 

 Nostre bon pere est venu joyeusement et a un'ame inclinee a la devotion; mais l'embaras des affaires apporte sans doute quelque sorte d'empeschement a une entiere praeparation qui luy seroit necessaire en ce declin de sa vie; mais elle se doit procurer tout bellement.

  A014000811 

 J'ay pensé a vostre cher filz, et connoissant son humeur, je pense quil faut avoir grand soin de son esprit affin que maintenant il se forme a la vertu, ou qu'au moins il ne panche pas au vice; et pour cela, il le faut bien recommander au bon M. Robert, et luy faire souvent gouster le bien de la vraye sagesse par des remonstrances et recommandations de ceux qui sont vertueux.

  A014000829 

 effortz de la forme de vivre des Religieuses de Sainte Claire, et ailleurs en Saveye, ou la pourroit on mettre qu'elle ne fust pire qu'au siecle? Je me suis enquis en Bourgoigne s'il y auroit moyen, mais je n'ay sceu rencontrer.

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000857 

 Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux.

  A014000857 

 O que nous serons heureux, ma bonne chere Fille, si nos temples ne sont point violés! Qu'a jamais le Saint Esprit y reside et ne permette point qu'aucune irreverence y soit commise; que ce soyent des maysons d'orayson et de priere, ou les sacrifices de loüange, de mortification et d'amour soyent immolés..

  A014000870 

 Es Cantiques des Cantiques, l'Espouse sacree, parlant a son divin Espoux, dit que ses mammelles sont meilleures que le vin, odorantes en unguens pretieux.

  A014000874 

 Regardés vos fautes, comme celles des autres, avec compassion plustost qu'avec indignation, avec plus d'humilité que de severité..

  A014000890 

 Je sçai bien que vous aures des lettres sur le sujet duquel vous me parlastes.

  A014000903 

 Or bien, ne vous fasches point pour cela; car Dieu n'est pas offencé des pechés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible.

  A014000933 

 Mais il a neanmoins esté infructueux jusques a present, ou soit que la generale condition de ce païs despuis plusieurs annees vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union et liaison des espritz, si necessaire a toute bonne entreprise, vous ayt defailly..

  A014000935 

 Il est vray que, comme en toutes les choses de ce monde il y a tous-jours moyen de faire naistre des difficultés, aussi se pourra-il faire qu'en celle-ci quelques uns en pourront susciter.

  A014000935 

 Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement desiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre ville, laquelle, [83] au demeurant, n'en a que des bonnes.

  A014000936 

 Ainsy, puissies vous longuement tous jouir de la devotion que cette restauration rendra a vos exercices spirituelz et des biens temporelz que Dieu vous en donnera en recompense..

  A014000936 

 Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie.

  A014000948 

 Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pensees de vaine gloire qui se viennent presenter a vostrè ame parmi vos bonnes actions; car ce ne sont proprement que des mouches, lesquelles ne vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner.

  A014000979 

 Jamais nostre la Thuille ne m'a tant contenté que dans ce partage des biens que nous avons fait aimablement cette semaine entre mes freres.

  A014000987 

 Pour les autres suffrages des trespassés, [89] vous pouves bien ne les point dire du tout, car vous n'y estes nullement obligee; si que vous pouves, sans scrupule, les laisser..

  A014001029 

 Helas! ma Fille, on ne se peut contenir quelquefois en des accidens si dignes d'abhorrissement.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001030 

 Je croy bien qu'il adjousta que je n'estois pas des plus doctes, mais on ne me le dit pas.

  A014001031 

 Despuis j'ay tous-jours dit que qui presche [96] avec amour presche asses contre les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre eux; et c'est pour dire qu'en general, tous les escritz des Peres sont propres a la conversion des heretiques..

  A014001047 

 Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous impose.

  A014001047 

 Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu..

  A014001047 

 Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de devotion; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu.

  A014001063 

 Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours.

  A014001063 

 Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse, et ne sçay comme elle ne les vous a donnees.

  A014001093 

 Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein; il nous prepare des ames d'eslite.

  A014001093 

 Je tiens des-ja cette fille pour vostre et pour mienne.

  A014001108 

 Faites vous fort petite a vos yeux: c'est la vraye grandeur des vefves..

  A014001108 

 Vuides vostre cœur de toute image des choses corporelles, et simplifies vos actions et vos paroles, tant que vous pourres.

  A014001109 

 Quand il vous arrivera des pensees mauvaises et que vous vous en appercevres, faites un acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le tems a vouloir rien rechercher, mais passes outre..

  A014001132 

 Les fruitz sont: distraction de cœur, obscurcissement d'esprit, degoustement d'ame, dissipation des facultés interieures.

  A014001132 

 Ses feuilles sont des paroles bien coiffees, recherchees, inutiles, affectees, louanges tirees de vos qualités naturelles et civiles, et semblables vanités.

  A014001133 

 La vraye marque de ces renardeaux, c'est-qu'ilz ne voudroyent ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne fust sceu de personne; ilz recherchent les tenebres et fuyent le jour; ilz recherchent des immoderés secretz et silence.

  A014001139 

 Ses exercices sont l'amour de son abjection, le service des pauvres et des malades; son lieu, le pied de la Croix; son rang, le dernier; sa gloire, d'estre mesprisee; sa couronne doit estre sa misere: petites vertus.

  A014001140 

 Voyes la avec les Rois: elle ne s'empresse point a leur faire des harangues.

  A014001141 

 Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis; puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et 'l'insensibilité en toutes choses.

  A014001142 

 Mais avec tout cela, n'oublies pas vostre quenouille et vostre fuseau: filés le fil des petites vertus, abaisses vous aux exercices de charité.

  A014001152 

 Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures.

  A014001154 

 Ne vous rendes pas si pointilleuse et tendre aux sentimens des tentations, que pour cela vous soyes troublee et inquietee.

  A014001155 

 Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui surviennent, car ce sont accidens naturelz.

  A014001155 

 Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous-jours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme, l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa clairté et empesche sa gayeté..

  A014001156 

 Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés contre iceux les remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001232 

 Mais quant a cette sorte de plainte, que vous estes miserable et infortunee, mon Dieu, ma chere Fille, il s'en faut garder en toute façon; car, outre que telles paroles sont deshonnestes a une servante de Dieu, elles sortent d'un cœur trop abbatu et ne sont pas tant des impatiences que des courroux..

  A014001233 

 Mais faites cela avec un esprit tranquille et joyeux, je veux dire ces exercices; et s'il vous arrive des manquemens, humilies vous et recommencés..

  A014001235 

 Pour ces tentations d'envie, prattiqués ce que je dis [122] au livre, des mesmes tentations.

  A014001249 

 Tout me manque, sans doute, pour l'entreprise des œuvres de grand volume et de longue haleine; car vrayement je n'ay nulle suffisance d'esprit pour cela.

  A014001250 

 Celuy ci sera suivi d'un autre, qui monstrera la prattique du mesme amour divin en l'observation des commandemens de la seconde Table; et tous deux pourront estre reduitz en un volume juste et maniable.

  A014001250 

 Je medite donq un livret de l' Amour de Dieu, non point pour en traitter speculativement, mais pour en monstrer la prattique en l'observation des commandemens de la premiere Table.

  A014001250 

 Je pense aussi de pousser dehors un jour un petit Calendrier et Journalier pour la conduitte de l'ame devote, auquel je representeray a Philothee des saintes occupations pour toutes les semaines de l'annee..

  A014001251 

 Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique, desfaire tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires; et ce, avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la reduction des [126] heretiques: a quoy j'employerois plusieurs méditations que j'ay faites durant cinq ans en Chablais, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux du grand Bellarmin..

  A014001251 

 J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la predication evangelique, laquelle je voudrois faire suivre de la methode de convertir les heretiques par la sainte predication.

  A014001253 

 L'autre chose qu'il me dit, c'est que, pour une simple et premiere introduction, je porte trop avant ma Philothee; et cela est arrivé parce que l'ame que je traittois estoit des-ja bien fort vertueuse, quoy qu'elle n'eust nullement gousté la vie devote: c'est pourquoy, en peu de tems, elle advança bien fort..

  A014001266 

 Ne vous repentes point de m'avoir escrit des douze cens livres, car vous ne vous deves nullement repentir de rien qui se passe avec moy..

  A014001267 

 Et bien, je verray donq bien des miseres, et nous en parlerons, a mon advis, a souhait..

  A014001269 

 Voyes vous, je ris des-ja dans le cœur sur l'attente de vostre arrivee..

  A014001271 

 J'espere que Dieu la tiendra par tout de sa main; au moins il luy donne des bonnes resolutions.

  A014001271 

 Mais mon Dieu, la voyla l'un des pieds sur le sueil de la porte de la cour.

  A014001283 

 Et pour cela, ma chere Fille, puisque monsieur vostre mary s'inquiete dequoy vous alles a N., ne vous y opiniastres nullement; car, puisque aussi bien vous n'aves pas beaucoup de grans conseilz a prendre, tous confesseurs vous seront presque bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur N., et, quand il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Meres Carmelites.

  A014001284 

 Ouy, ma Fille, faites bien comme je vous ay dit, car quoy que mille petites tricheries de raysons apparentes s'eslevent au contraire, si est-ce que mes resolutions sont fondees sur des raysons fondamentales et conformes aux Docteurs et a l'Eglise; mais je vous dis qu'elles sont tellement veritables, que le contraire est une grande faute.

  A014001286 

 C'est le sacré mary de l'ame que j'entens; neanmoins, si Dieu dispose de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il la veuille exercer a la sujetion, il en faudra louer sa Majesté, laquelle sans doute fait toutes choses pour le bien des siens.

  A014001297 

 Or sus, ma chere Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant tout cela et s'humiliant bien fort devant Nostre Seigneur, et vous resouvenant que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet d'empescher le mal hors de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des remonstrances simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement aux Superieurs quand cela se peut; ce que je dis pour une autre fois.

  A014001298 

 Pour le reste des austerités, ne vous en donnes point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas; ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions; et ne faut [136] point en cela se descourager, ains user de preparation frequente pour s'y bien comporter..

  A014001307 

 Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres.

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 Rendés-le bien utile a vostre advancemerit spirituel par vostre abnegation reelle des goustz, des suavités qu'il vous oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit.

  A014001341 

 Permettés moy, je vous supplie tres humblement, cette petite opiniastreté; car vrayement, tout aussi tost que vous aves voulu que je bannisse des lettres que je vous envoye le tiltre de Monseigneur, mon opinion s'est soudainement deslogee de ma volonté, laquelle est irrevocablement sousmise a la vostre; mais elle s'est sauvee dans mon entendement, ou elle s'est tellement retranchee que je suis en peyne d'entreprendre sa sortie.

  A014001344 

 Je dis, troysiesmement, qu'il est bien seant; car encor que l'Italie et la France sont separees et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie en France, si est ce que [144] l'Eglise n'est pas separee; et le langage, non pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche des ecclesiastiques.

  A014001355 

 Le Concile de Trente ordonne a tous les Superieurs et Superieures des Monasteres qu'au moins trois fois l'annee ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires; ce qui est grandement [146] requis pour mille bonnes raysons.

  A014001356 

 Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration des pensions; mais deputés une des Dames, qui, sous vostre authorité, ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employe..

  A014001357 

 Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulierement envers celle de laquelle vous m'escrives, laquelle il faut, par charité, revoquer a une bonne et douce intelligence et confiance avec les autres.

  A014001359 

 Si pour cela elle ne revient, il faudra l'arraysonner deux autres fois, avec des intervalles de trois semaines.

  A014001363 

 Voyés-vous, ma tres chere et bonne Fille, entreprenés de vous acquerir un grand courage au service de Nostre Seigneur; car, pour asseuré, sa Bonté vous a choisie pour se servir de vous, pourveu que vous le veuillies, pour [148] le restablissement de sa gloire et salut des ames en vostre Mayson.

  A014001373 

 Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une reciproque reverence en vostre endroit.

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001405 

 Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection au desir de vous rendre toute ma vie tres humble service, car, quant au reste des nouvelles, le porteur vous les dira suffisamment, sinon que monsieur Valladier m'a escrit n'a guere une lettre toute pleyne de lhonneur et respect quil vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme tout uny et conjoint a vous..

  A014001407 

 Nostre monsieur des Hayes m'escrivit l'autre jour par monsieur de Charmoysi une lettre toute d'amour.

  A014001424 

 Ce qu'ayant ouy, il perdit sa premiere opinion et son courage, m'addressant neanmoins a un viel cyrurgien auquel il estime beaucoup de choses estr'aysees qui sont difficiles aux autres, et lequel, comm' on dit, fait des petitz miracles; et pour cela, je l'envoyay querir, affin quil oüyt [153] tout le recit de vostre fait et quil en dit son opinion.

  A014001427 

 Et tandis, resouvenes vous, ma chere Fille, que Dieu vous invitant au chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne un doux amour paternel et quil veut rendre vostre ame purement sienne, comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour de luy, auquel soit a jamais gloire et louange..

  A014001462 

 Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter le comble des graces celestes, demeurant,.

  A014001475 

 La multitude des ennuis que vous aves es affaires de vostre mayson (desquelz mon bon frere me parla l'autre jour) vous serviront infiniment pour rendre vostre ame vertueuse, si vous vous exerces a supporter le tout en esprit de douceur, de patience et de debonnaireté.

  A014001485 

 Tenés bien vostre ame en vos mains affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche ni a droitte; je veux dire, ni qu'elle s'amollisse entre les affections des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités des humeurs avec lesquelles il vous faut vivre..

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001497 

 J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Geneve et luy donnay la permission qui luy est requise pour l'usage des viandes.

  A014001525 

 Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur, affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des rencontres et conversations pourront apporter a vos affections; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors et tout vostre cœur.....

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001552 

 O Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre de l'ancienne Loy avec moy, et considerois que ce grand Prestre portoit un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze pierres pretieuses, et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israel.

  A014001552 

 Ouy, et le nom des filles specialement, et le nom de l'une encor plus..

  A014001553 

 Si ay-je bien pourtant eu des grans desirs de cet amour, mais je dis pour nostre cœur indivisible..

  A014001567 

 Ouy, ma chere Fille, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire; mais principalement des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec toute fidelité et sincerité; a quoy je vous conjure de perseverer constamment, et de m'aymer tous-jours bien entierement, puisque je suis, d'un cœur tout entier et fidelle,.

  A014001576 

 Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la Mayson en aage et [172] en credit, il faut que le tout s'entreprenne avec une tres grande humilité et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie par bon exemple et conversation..

  A014001577 

 Dieu a fait des reformations par des moindres commencemens, et ne faut rien moins pretendre qu'a la perfection..

  A014001577 

 La palme, reyne des arbres, ne produit son fruit que cent ans apres qu'elle est plantee.

  A014001578 

 Qu'on luy apprenne de bien et deuement examiner sa conscience tous les soirs; qu'on luy monstre a faire convenablement l'orayson mentale, selon la disposition des sujetz; sur tout qu'on luy enseigne a obeir au directeur tres volontairement, tres fermement et tres continuellement..

  A014001579 

 Quant a l'habit, je ne pense pas qu'il soit a propos de le changer qu'apres que l'annee sera expiree; bien desirerois-je qu'il fust en tout le plus uniforme que faire se pourra, tant en sa forme qu'en sa matiere, et que le froc fust large, a la façon des Benedictins reformés.

  A014001580 

 Pour le regard des litz, plus ilz seront simples, plus aussi seront ilz a propos.

  A014001581 

 J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Benedictins; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul a seul, ains tous-jours avec un compaignon..

  A014001583 

 A ce commencement, il n'est pas necessaire d'adjouster aucune abstinence a celle des vendredis et des samedis, sinon celle des mercredis, selon la vielle coustume et mitigation observee au Monastere..

  A014001585 

 Sur tout prenes garde d'user de lait et de miel, parce que les viandes solides ne pourroyent pas encor estre maschees par les foibles dens des invités..

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001609 

 Mais attendés, ma tres chere Seur, attendés, dis je, en [177] attendant, affin que j'insere des paroles de l'Escriture.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001630 

 Surintendant des tailles pour le Roy.

  A014001643 

 Et puisque je suis sur ce sujet, je diray encor quil y a trois jours que je receu une lettre de monsieur de [182] Santeül, qui, de la part de monsieur Perrochel, me semont a la chaire de Saint Gervais pour l'an 1611, et me dit que l'on en a parlé avec monsieur des Hayes, mon arch'intime.

  A014001644 

 Or, je reviens a ce que je disois: c'est que je n'ose encor dire que non, tandis que j'espere que l'accommodement des Princes accommodera peut estre ces affaires; ni aussi je ne veux dire qu'ouy, ne pouvant avoir null'asseurance.

  A014001646 

 Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster un peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir ses coudees franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain.

  A014001646 

 Je ne crains sinon d'offencer ma conscience en cela, car je n'ay pas si bonn' opinion de la cour que je ne pense que Dieu soit mieux servi hors d'icelle qu'en icelle, et saint Augustin avoit cette solemnelle resolution de ne conseiller jamais a personne la suite des cours.

  A014001646 

 Toutefois, la vertu de monsieur de Charmoysi est des-ja ferme pour n'estre pas esbranslee a ce vent-lâ..

  A014001647 

 Je m'en donne des-ja au cœur joye..

  A014001648 

 Madame vostre chere partie me fait trop d'honneur de me vouloir du bien et se resouvenir de moy, mais en particulier estant avec madame la Marquise de Meneley, une des dames du monde de laquelle j'honnore le plus [185] la vertu et constance en la pieté.

  A014001653 

 Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel.

  A014001681 

 Et si, il faut adjouster a l'inscription, le titre de Conseiller du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs; car il y a un autre Sarrasin qui [189] n'en est pas, bien qu'il soit de grand credit dans cette ville la..

  A014001681 

 Une lettre a celuy que vous escrives, sera fort a propos; mais il faut qu'elle soit presentee par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire le fin; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort sortable.

  A014001682 

 Et si, la proposition est beaucoup plus speieuse pour estre imposee entre des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la.

  A014001682 

 Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par apre a vostre gré.

  A014001683 

 Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extremement a propos.

  A014001683 

 Et quand je dis le peuple, je veux dire les Seigneurs des deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens de peu..

  A014001683 

 Mais s'il faut avoir soin d'esbransler le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent discerner de la rayson ou du tort; car en celuy des Versions, pour peu que les ministres tiennent contenance (comme ilz feront, estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde), le peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé en leur parti.

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001705 

 Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions interieures de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que vous pourres vostre cœur a la sainte douceur et tranquillité: a la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentee ou affligee, quoy que miserable.

  A014001714 

 [Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere de tout son cœur..

  A014001727 

 Mais la varieté des affaires que M. de Lux a treuvés icy et les resistences des ministres nous ont porté sans rien faire jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la premiere Messe a Sessi despuis 73 ans.

  A014001748 

 Il fut des-ja publié l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.

  A014001748 

 L'infinie varieté des occupations que ma charge me pousse incessamment sur le bras, adjouste beaucoup a mon insuffisance, pour m'empescher de bien faire de telz ouvrages; mais s'il plaist a Dieu de se servir de moy en cet exercice d'escrire, il m'en donnera des commodités..

  A014001749 

 C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour le mariage de l'un de mes freres avec la fille du baron de Chantal, selon la declaration que Vostre Altesse a faitte de l'avoir aggreable, j'envoyeray expres sur le lieu pour avoir de tout cela une attestation authentique, laquelle, s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus belles marques de la sainteté de ce glorieux Prince que l'on ait recouvert jusques a present..

  A014001750 

 Oseray-je bien, Monseigneur, présenter encor ce mien [199] souhait a Vostre Altesse? Le sieur president Favre a mis sur le front des beaux livres qu'il a composés et que les nations estrangeres admirent, les marques de sa fidelité envers Vostre Altesse et de l'honneur qu'il a receu d'elle.

  A014001750 

 Pour cela, Monseigneur, sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes, je souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'enterinement de laquelle se respandra une bonn odeur qui fera connoistre a chacun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres, ilz s'en rendent dignes..

  A014001763 

 Je dis infini, Sire, par ce qu'en effect, il regarde le salut des ames, qui s'estend jusques a l'eternité; et non seulement des ames qui ont esté maintenant favorisees de cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitees par l'exemple de celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté, minutent des tres humbles requestes pour en obtenir une pareille grace.

  A014001764 

 Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt ( sic ) jamais veu..

  A014001778 

 Pour vous, ma chere Fille, je loüe Dieu des sentimens de l'amour que vous aves envers luy, sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités, de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour vostre inutilité.

  A014001781 

 Je suis tout entierement tout vostre en Nostre Seigneur, qui vive et regne es siecles des siecles.

  A014001792 

 Vous aves bien fait, tres chere Fille, de m'advertir des mauvayses paroles de cette pauvrette, car cela m'est utile [204] et ne luy sera pas inutile a elle mesme pour l'advenir.

  A014001793 

 Cette la auroit grand besoin de changer d'air pour estre guerie, car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour les tendres ames.

  A014001811 

 Mais qu'il me tarde que je sois vers vous! Je n'y seray neanmoins qu'un peu tard, car nos chevaux sont recreuz [206] des grandes journees que nous avons faites.

  A014001820 

 Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies envoyee sur le sujet de la Congregation des prestres reformés, vous tesmoignant le desir que [207] j'avois de contribuer a une si utile entreprise tout ce qui depend de moy; et ne pouvant disposer de l'absence de mon diocese requise pour cette œuvre, je vous asseurois que, si tost que je serois arrivé a Neci, j'escrirois au Saint Pere pour avoir son commandement sur cela.

  A014001820 

 Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit faire [que,] de dela, le Nonce du Saint Siege qui reside a Paris escrivist en faveur [208] de ce dessein la, il le rendroit fort aysé; qui m'a fait vous escrire encor des icy, pour ne rien oublier de mon costé, de tout ce que je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix pour le bien de l'Eglise.

  A014001842 

 Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous sommes en ce monde, j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et porter le doux Jesus: sur la langue, en l'annonçant; sur les bras, en faysant des bonnes oeuvres; sur nos espaules, en supportant son joug, ses secheresses, ses sterilités, et ainsy en nos sens interieurs et exterieurs.

  A014001853 

 Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés pas asses pour les user.

  A014001877 

 Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché, pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté, pour l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle et a moy conjointement, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir..

  A014001878 

 de Sales, Evesque de ce Diocaese (car il se faut un peu estendre a dire les particularités des saillies de ma vaillance).

  A014001879 

 Sur tout cela, donq, on a fait cet argument: Qu'a-il tant fait a Gex, et qui luy a donné cett'asseurance de passer en cette ville tant ennemie du nom quil porte et de sa qualité, et en laquelle ses praedecesseurs ne sont jamais entrés des la revolte, sans saufconduit, sans se desguiser, sans desadvouer sa qualité? Mais en vray ( sic ) verité, ilz ont peu de connoissance de mon ame, s'ilz me jugent si plein de consideration et d'apprehension que je ne puisse pas faire une petite temerité.

  A014001880 

 Nostre monsieur de Charmoysi, ce pendant, est tout joyeux en sa mayson des chams et tesmoigne d'aymer tant sa retraitte quil ne veut point qu'on traitte de l'en retirer; neanmoins, si Monsieur vient, je feray, si je puis, selon vostre conseil.

  A014001889 

 Monsieur des Hayes,.

  A014001914 

 Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin, m'a envoyé une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen des Exercices spirituels; or, c'est vous qui l'avez chargé de me faire [219] cette communication.

  A014001916 

 Dans le bailliage de Gex, qui appartient maintenant au roi de France, la plupart des habitants sont encore huguenots; car cette maudite religion a persisté parmi eux depuis soixante-dix ans que les Bernois l'y ont implantée.

  A014001918 

 Je ne sais s'il comprit le mot diocèse; du moins me laissa-t-il entrer, et ainsi je passai à cheval au milieu de la ville, salué par la plupart des hommes et des femmes avec un grand respect..

  A014001919 

 Après ma sortie, le bruit de mon passage s'étant répandu parmi le peuple, on tint à ce sujet des propos très différents.

  A014001919 

 Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre leur doctrine de fausseté, à la condition d'en recevoir quelque garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi; je leur ai meme fait porter la parole par des gens de qualité, avec un écrit signé de ma main et cacheté: jamais ils ne l'ont voulu; ils en ont été empêchés par les [224] ministres.

  A014001931 

 Et en fin je viens a vous, ma chere Seur, ma Fille, des-ja tout recreu d'avoir tant escrit, mais resolu neanmoins de vous escrire tant que je pourray, tout a l'abandon, selon quil me viendra..

  A014001933 

 Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça, tesmoignoit tant de m'aymer.

  A014001934 

 Cependant, voyci pas une chose notable? A mon arrivee, j'ay treuvé que la moytié de nos esperances pour l'erection d'un monastere ou je croyois de pouvoir attirer nos bonnes Carmelines est abbatue, car l'une des filles que nous esperions y devoir contribuer ne s'est peu resoudre a quiter le monde.

  A014001955 

 O ma Fille, il vous faut dire ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante: que je desirois que les filles de nostre Congregation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien deschaussé et bien nud des affections terrestres; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté..

  A014001965 

 Alles bien devotement a la Messe apres disner: c'est a la vielle façon des Chrestiens.

  A014001965 

 Je veux bien que vous communiies, voire deux jours suivans, quand il y aura des festes.

  A014001965 

 Puisque vous estes apres a jeusner la moitié des Advens, vous pouves continuer jusques a la fin.

  A014001974 

 O que l'eternité est desirable au prix de ces miserables et perissables vicissitudes! Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre transformés en la gloire des enfans de Dieu..

  A014001984 

 Nostre Seigneur vous traitte des-ja en brave fille; vivés aussi un peu comme cela.

  A014001997 

 Il faut bien tous-jours faire ainsy, ma chere Fille; car, comme dit Nostre Seigneur, le Royaume des cieux souffre violence et les violens le ravissent.

  A014002000 

 La seconde chose c'est d'eslancer souvent des paroles exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquee des assoupissemens..

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002022 

 Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les dissoudre..

  A014002023 

 Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la pieté de sa vie, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté.

  A014002048 

 Le gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulierement ce quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard, je vous escriray des Salins..

  A014002061 

 Mais c'est un enfant lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mere; aussi faut il bien, ma Fille, que vous metties toute vostre esperance, vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette sorte vous vivres toute joyeuse, contente. ...................................................... [244].

  A014002116 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes.

  A014002150 

 Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence.

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002177 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille favorable au sieur de Blonnay, present porteur, qui ne desire luy parler que des choses qui luy sont aggreables, puisqu'elle prend tous-jours playsir a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy et du salut des ames..

  A014002196 

 Car, puisqu'ainsy il playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir servie et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et [257] innocentes ames quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas, l'ayant fort heureusement disposee a cela..

  A014002196 

 Mais a mesme presque que je voulois partir, ilz m'envoyerent deux des leurs, qui m'annoncerent que Monsieur leur Archevesque leur avoit absolument refusé permission de me donner leur chaire.

  A014002204 

 Monsieur des Haÿe,.

  A014002216 

 Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous.

  A014002234 

 Sans doute, si ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola! sous ce coup; mais il ne m'est pas advis que j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement sous les coups de cette main paternelle, qu'en verité, graces a sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse..

  A014002235 

 Elle continua en cette bonne joÿe jusques au jour des Cendres, qu'ell' alla a la parroisse de Thorens, ou elle se confessa et communia avec tres grande devotion, ouyt troys Messes et Vespres; et le soir, estant au lit et ne pouvant dormir, se fit lire a sa fille de chambre trois chapitres de [l'] Introduction pour s'entretenir en des bonnes pensees, et fit marquer la Protestation, pour la faire au matin suivant.

  A014002235 

 [261] Mon pauvre frere vostre filz, qui dormoit encor, estant adverti accourt en chemise, et la fait relever et promener et ayder par des essences, eaux imperiales et autres choses qu'on juge propres en ces accidens, en sorte qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelligiblement, dautant que le gosier et la langue estoyent saysis..

  A014002236 

 Elle continua en mesm'estat presque deux jours et demi, apres lesquelz on ne la peut plus guere bonnement resveiller, et le premier de mars, elle rendit l'ame a Nostre Seigneur, doucement, paysiblement et avec une contenance et beauté plus grande que peut estre elle n'avoit jamais eu, demeurant une des belles mortes que j'aye jamais veu..

  A014002237 

 Apres quoy, le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je n'avois fait des que je suis d'Eglise; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a Dieu.

  A014002239 

 Si donq vous le treuves a propos, vous pourrés venir pour estr'icy le jour des Rameaux.

  A014002244 

 Vous voyes: je luy avoys tant tesmoigné la necessité de s'assujettir elle mesme a la stabilité en son Monastere, et neanmoins, contre le souhait des siens, elle medite tous les [264] jours des sorties pour ceci et pour cela.

  A014002248 

 Je ne sçai, j'ayme le train des saintz devanciers et des simples.

  A014002274 

 Pour le premier livre que je produiray, je suis tant engagé vers Rigaud, que je ne sçai si je le pourray donner a Dijon; car j'ay des-ja fort lié ma liberté par ma promesse..

  A014002316 

 Revu sur l'Autographe conserve à Rome, Chancellerie des Evèques et Réguliers.

  A014002321 

 D'autre part, quoique les provisions du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas, cependant, porter préjudice à l'alternative des Evêques, à moins qu'elle [272] ne le déclare expressément; ceux-là donc qui demandent les bénéfices, ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le droit des Ordinaires.

  A014002349 

 Je crois qu'il y sera accueilli par la sacrée Congrégation des convertis, car ses mœurs et ses manières sont très honorables, et même il s'est rendu assez remarquable dans les belles-lettres et les sciences mathématiques..

  A014002363 

 Mais puisqu'elle en sort par ordre des Superieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs; si bien qu'elle fera mal, si, apres les premiers [277] ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition; car par plusieurs voyes on va au Ciel.

  A014002367 

 Si je ne me trompe, cette fille est vive, vigoureuse et de naturel un peu ardent: or, maintenant que son entendement commence a se desployer, il faut y fourrer doucement et suavement les premices et premieres semences de la vraye gloire et vertu, non pas en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir avec des paroles sages et amiables a tous propos, et les luy faisant redire, et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien nees et sages..

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002381 

 Et pour la particuliere qui ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support et de benignité envers elle, et Dieu la reduira au train des autres..

  A014002382 

 Hé bien, ma chere Fille, la multitude des difficultés vous fit peur et vous eustes des pensees de tout quitter; [282] cependant vous aves veu que tout est fait.

  A014002383 

 Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre ne s'en veut charger; mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles a une des filles.

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002387 

 Je suis marry avec vous [283] du desgoust qu'elles ont de vostre chapelain ordinaire; mais l'entremise des Minimes peut suppleer a tout cela, puisque, comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres bien conditionnés et que celuy-ci est asses capable.

  A014002387 

 Vous faites bien de faire venir ainsy des Peres Minimes de tems en tems, car cela eslargira le cœur aux filles et soulagera leurs ames.

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002403 

 Celle qui vous l'envoye me la donna avec des grans signes de sincere affection en vostre endroit.

  A014002404 

 Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux de marcher au chemin des proces.

  A014002422 

 Vous treuverés des-ja.

  A014002424 

 Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que nous ferons, Dieu aydant..

  A014002425 

 Je me res-jouis avec vous de la constance avec laquelle vous aves consacré et sacrifié vostre petit Isaac, et prie Nostre Seigneur quil vous comble des benedictions quil donna au bon Abraham pour un semblable sacrifice.

  A014002433 

 Revu sur l'Autographe conservé à Troyes, à l'Aumônerie des Dames.

  A014002434 

 des SS. Cœurs, dites de Picpus.

  A014002457 

 L'un' et l'autre sont pleynes de grandes fautes en l'impression et de grands defautz en la composition, car un tel ouvrier que je suis, distrait et embarassé de tant d'affaires, ne sçauroit produire chose que fort imparfaitte; mais il m'a fallu ceder a la volonté et authorité des amis.

  A014002457 

 On l'a reimprimé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des editions de Lyon, qui est en nostre voysinage; non plus que de la traduction que quelques Peres Jesuites en ont fait faire en Italie.

  A014002470 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes..

  A014002539 

 Je remercie Votre très Illustre Seigneurie de [298] l'image, et j'ai un extrême désir de voir la Vie et l'avancement des affaires de la Canonisation..

  A014002540 

 Elles s'emploieront à plusieurs œuvres de charité en faveur des pauvres et des malades; c'est à leur service que ces bénites âmes veulent en partie se consacrer, en suivant l'usage d'après lequel, en ces [299] pays ultramontains, ce ministère se pratique ordinairement parmi les femmes.

  A014002541 

 Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait que Son Altesse l'agréât et qu'elle le fît agréer à Sa Sainteté; ce qui, à mon avis, sera très facile à Son Altesse, si elle ordonne qu'on fasse à Rome des instances à ce sujet, d'autant plus qu'anciennement déjà, le Bienheureux était très vénéré dans ce diocèse.

  A014002541 

 Si, ensuite, elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas de faire, de [300] mon côté, tout ce qui sera convenable; mais je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation..

  A014002577 

 Tost apres, voyci que l'on me fit entendre qu'il n'y avoit que la moitié des moyens que l'on avoit proposé, et despuis l'on mit en doute de beaucoup de commodités temporelles qui devoyent arriver avec une personne, laquelle avoit premierement chaudement entrepris de venir, et puis s'estoit tout a coup rafroidie..

  A014002578 

 Parmi tout cela, il me fallut surseoir le dessein d'eriger [305] un Monastere reformé; et neanmoins, pour donner lieu a une tres honneste retraitte a quelqu'ame bien resolue et saintement impatiente de se retirer du tracas du monde, je leur ouvre la porte d'une petite assemblee ou Congregation de femmes et filles vivant ensemble par maniere d'essay, sous des petites Constitutions pieuses.

  A014002579 

 Quant aux Seurs, elles sortirons pour le service des malades apres l'annee de leur Noviciat, pendant lequel elles ne porteront point d'habit different de celuy des femmes du monde; mais sera noir, et elles le ravaleront a l'extremité de l'humilité et modestie chrestienne..

  A014002581 

 Je sçai que je m'attireray des contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas; car, qui fit jamais bien sans cela? Ce pendant, plusieurs ames se retireront aupres de Nostre Seigneur, treuveront un peu de refrigere et glorifieront le saint nom du Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres grenouilles es marais..

  A014002581 

 Mon cher Pere, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens de ce païs, et jugeres bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux faire, il est bon de faire cela.

  A014002582 

 Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours, est le fruit du voyage de Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a la cruauté de la.

  A014002582 

 calomnie des mauvais.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002592 

 Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur? Pourquoy cherissés-vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous le mensonge? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002595 

 Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit me sembloyent infinies, mettant en consideration ce que j'estois, lhors qu'en l'annee 1602 il me fit des semonces d'arrester en son royaume, qui estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que j'estois, mais un bien grand Prelat.

  A014002606 

 Ce sera donq demain que vous aures des pensees et des soucis; car je commence d'en avoir de bien particulieres sur nostre future Mayson, pour les choses temporelles.

  A014002608 

 Ouy, je le dis tout de bon, je ne pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit des eaux tous-jours plus abondantes.

  A014002618 

 Helas! ouy, ma Fille; mais ayant osté le cachet, je ne voy point l'impression des traitz d'iceluy en mon cœur.

  A014002619 

 En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein..

  A014002633 

 Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la façon de recevoir ceux qui se presentent a la Confrairie de Nostre Dame des Carmes, car j'ay [315] esgaré celle que j'avois, et neanmoins je suis requis de recevoir quelques dames..

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002645 

 Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete, ell'est convertie en absinte.

  A014002646 

 Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien [317] representer.

  A014002647 

 Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de laquelle je suis,.

  A014002681 

 Sa viande est admirable; car le miel represente la suavité de la vie contemplative, toute ramassee sur les fleurs des mysteres sacrés.

  A014002682 

 Helas! pour gens de bien que soyent les Chrestiens, ilz doivent neanmoins se resouvenir qu'ilz sont environnés du peché; et si le peché ne les touche pas, au moins y a-il tous-jours du poil des cogitations, des tentations et des dangers.

  A014002683 

 Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il connoissoit et baysoit par affection des le ventre de sa mere, affin de ne point s'esloigner de l'obeissance, sçachant bien que de treuver le Sauveur hors de l'obeissance, c'est le perdre tout a fait..

  A014002695 

 Entre plusieurs considerations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas du grand Roy que la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu celle de la perte que vous y aves faite; car il vous aymoit et avoit une grande connoissance des raysons pour lesquelles il vous pouvoit encor aymer davantage.

  A014002696 

 Mon Dieu, que nostre grand amy aura esté touché rudement de ce coup! car son merite ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce digne Monarque.

  A014002709 

 Mais que je suis ayse, ma chere Fille, que ces deux filles de nostre cœur ne puissent pas jeusner demain, et qu'en eschange elles ayent des petites mortifications involontaires; car j'ayme singulierement le mal que la seule election du Pere celeste nous donne, au pris de celuy que nous choysissons.

  A014002711 

 Ah! les primices des mouvemens de Celuy qu'ell'a en ses entrailles ne se peuvent faire qu'avec de la ferveur.

  A014002711 

 Et comme les vins enfermés dans les caves ressentent sans la sentir l'odeur des vignes florissantes, ainsy le cœur de ce saint Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle vigne.

  A014002711 

 Je voudrois bien sçavoir quelque chose des entretiens de ces deux grandes ames, car vous prendries bien playsir que je vous le dise.

  A014002711 

 Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et qu'elle ne respire que le Sauveur; saint Joseph, reciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens.

  A014002720 

 Que s'il failloit ouyr les advis des parens, la chair et le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit peu de gens qui embrassassent la perfection de la vie chrestienne.

  A014002724 

 En fin, prenés courage a faire une bonne resolution absolue; et bien que ce ne soit pas peché de demeurer ainsy en ces foiblesses, si est-ce que sans doute on perd beaucoup de commodité de bien advancer et recueillir des consolations grandement desirables..

  A014002735 

 J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congregation, que, passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur lequel elles puissent estre entretenues; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se revoque en proces..

  A014002739 

 Les jeunes ne sortent point qu'en certains cas fort rares; les anciennes sortent pour servir les pauvres, mais avec une belle police, a la forme des Dames de la Torre di Specchi..

  A014002741 

 Le commencement est fort plausible et rend beaucoup d'edification; il y vient des filles de Chamberi, Grenoble et Bourgoigne.

  A014002741 

 Or en fin, c'est une Congregation simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees; car la elles auront une ( sic ) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la devotion..

  A014002751 

 Revu sur l'Autographe conservé au Collège des PP. Jésuites de Grand-Côteau.

  A014002760 

 Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles..

  A014002760 

 Mays nous, qui sommes encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson interieure.

  A014002760 

 Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la consideration parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit entierement contourné du costé du Ciel.

  A014002762 

 Vous m'obliges certes beaucoup de me donner un peu des nouvelles de vostre ame, car la mienne l'ayme cherement et ne se peut empescher de desirer de sçavoir en quel estat elle se treuve; mais la varieté des desseins que monsieur vostre mari a eu de vous faire revenir icy [333] et de vous faire demeurer aux chams m'a retenu de vous en demander.

  A014002786 

 C'est pour luy oster la creance qu'elle pourroit prendre en mes advis, lesquelz, a l'aventure, luy seroyent utiles; mais je ne sçaurois empescher sa credulité, ni la malice des calomniateurs.

  A014002802 

 O que sa face est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité, et que c'est chose bonne d'estre aupres de luy en la montaigne de la gloire! C'est la, ma chere Seur, ma Fille, ou nous devons loger nos desirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés et belles vanités..

  A014002803 

 Montons tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste vision du Sauveur; esloignons-nous petit a [338] petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est preparé..

  A014002803 

 Or sus, graces a ce Sauveur, nous sommes a la montee du mont Thabor, puisque nous avons des fermes resolutions de bien servir et aymer sa divine Bonté: il nous faut donq encourager a une sainte esperance.

  A014002804 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et benedictions! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses mondaines nous presente.

  A014002805 

 Croyés-moy, la vraye vertu ne se nourrit pas dans le repos exterieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes des marais.

  A014002805 

 Vous marches tous-jours entre nos saintes resolutions, je m'en asseure; ne vous fasches donques point de ces petitz assautz d'inquietudes et chagrins que la multiplicité des affaires domestiques vous donne.

  A014002825 

 Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de mon cœur sur la derniere lettre que j'ay receüe de vostre part, il y a pres de six semaines..

  A014002826 

 Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse.

  A014002868 

 C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions..

  A014002882 

 Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie..

  A014002882 

 Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes propres et celles des proches soyent plus affligeantes, neanmoins celles des proces me donnent plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame.

  A014002883 

 Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité a nostre Sauveur, sinon en ces occasions? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des precipices? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection.

  A014002912 

 La Congrégation de ces dames est érigée à la grande satisfaction des gens de bien qui la voient.

  A014002942 

 Je desire fort de vous entretenir tout un' apres disner, mais tenes un peu bien prest ce que vous aves a me dire, et vos petites lanterneries, dans lesquelles, si je puis, je mettray aussi des petites clartés, affin que vos lanternes ne soyent pas du tout inutiles..

  A014002942 

 Je n'ay garde, ma tres chere Fille, de me rendre negligent en la besoigne que Dieu m'a mise en main pour la gloire de son saint amour, car c'est la verité que je n'en sçaùrois chevir qu'avec un grand effort, dautant que cet amour est un abisme des cœurs et des espritz.

  A014002944 

 Je vis des hyer la lettre du bon Pere, et pour ce qui me regarde, je vous en entretiendray la centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny a pas pour davantage.

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002987 

 Pour cela, si vous escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le credit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes propres pour vostre assemblee..

  A014002988 

 C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible de parler des ecclesiastiques a toute main, et croit que pourveu qu'il ayt quelque chose a dire sur iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans..

  A014002988 

 Certes, il faut avoir quelque egard a la voix commune, et faut beaucoup faire de choses pour eviter les bruitz des enfans du monde.

  A014002988 

 Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'apres vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble que je les [voy qui disent: Pourquoy loger a] commodité des filles.....qui sortent [359] et vont parmi le monde? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en exagerent la quantité et qualité.

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014003020 

 Quelques curés de Valromey ont des proces a Dijon ausquelz j'ay deu intervenir pour les droitz de l'evesché.

  A014003095 

 Dimanche, c'est le jour des louanges de saint Jean Baptiste prononcees magnifiquement par le Sauveur de nos ames..

  A014003107 

 Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable, je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand..

  A014003108 

 O Dieu, j'ay le coeur a demi gasté des alarmes qu'on [370] me donne d'une rude guerre pour nostre Prince, bien que j'espere en cette souveraine Providence qu'elle reduira le tout a nostre profit..

  A014003123 

 Ne penses pas, ma Seur tres chere, que je n'aye de la peyne a demeurer tant sans vous escrire, et principalement [372] maintenant qu'au rapport des bons Peres Feuillans vous estes encor un peu tendre en santé.

  A014003123 

 Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs et Quil faut avoir l'esprit juste.

  A014003124 

 Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi, de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay.

  A014003138 

 J'ay prié avec une ardeur tres particuliere ce matin pour nostre advancement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans desirs que jamais au bien de nostre ame.

  A014003147 

 Et comme la vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition [376] est un exces de courage qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la regle de la rayson.

  A014003147 

 Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus dangereuses pour les ames bien nees et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et flouetz, et l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et presomptueux.

  A014003148 

 Or, Monsieur, contre tout cela, puisqu'il vous plaist que je vous parle ainsy, continués a nourrir vostre esprit des viandes spirituelles et divines, car elles le rendront lort contre la vanité et juste contre l'ambition.

  A014003148 

 Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu, lit pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander conte en confession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies.

  A014003149 

 Au contraire, ayés des livres de solide doctrine, et sur tout des chrestiens et spirituelz, pour vous y recreer de tems en tems..

  A014003149 

 Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter vostre esprit apres certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité.

  A014003151 

 Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost..

  A014003152 

 Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui neanmoins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quelconque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses contenances et paroles.

  A014003152 

 Judicieusement, affin que vous ne fassies pas des signes extremes, en l'exterieur, de vostre intention, mais telz seulement que, selon vostre condition, ilz ne puissent estre censurés des sages.

  A014003152 

 Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grace de Nostre Seigneur, nous devons employer la pieté et la sainte devotion pour vivre vertueusement; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre.

  A014003153 

 Je pense que vous treuveres bien aux Jesuites, ou aux Capucins, ou aux Feuillans, ou mesme hors des monasteres, quelque esprit courtois qui se res-jouira si quelquefois vous l'alles voir pour vous recreer et prendre haleyne spirituelle..

  A014003154 

 Je laisse a part les suites des choleres, des espoirs et forceneries, desquelz pas un joueur n'a aucune exemption..

  A014003155 

 Je vous souhaitte encor un cœur vigoureux pour ne point trop flatter vostre cors en delicatesse au manger, au dormir et telles autres mollesses; car en fin, un cœur genereux a tous-jours un peu de mespris des mignardises et delices corporelles.

  A014003155 

 Neanmoins Nostre Seigneur dit que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois; c'est pourquoy je vous en parle.

  A014003156 

 Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des choses aggreables aux sens; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice de sa superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les appetitz sensuelz..

  A014003160 

 Veuille a jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte eternité, que de si bon cœur vous souhaite sans cesse,.

  A014003209 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes..

  A014003217 

 Je serviray madame d'Avully en tout ce qu'il [386] me sera possible, notamment en l'un et en l'autre des articles que vous me marques..

  A014003256 

 Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance au desir du bien des nostres, que je vous escris maintenant; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection cette [390] pauvre vefve, que monsieur de Conflens, a mon advis tant de vos serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee.

  A014003272 

 J'ay peur, ma chere Fille, que ces divins Espritz ne se mesprennent entre le lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché sur ces mammelles.

  A014003273 

 Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté..

  A014003274 

 Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si [392] excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous-jours le cher Enfant et la Mere qu'ilz avoyent visité..

  A014003275 

 Hé, Sauveur de nos ames, rendés-la toute d'or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en orayson, et puis recevés-la entre les bras de vostre sainte protection, et que vostre cœur die au sien: Je suis ton salut aux siecles des siecles.

  A014003282 

 Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté..

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003294 

 Voyla comme mon cœur s'espanche devant le vostre, et fait des saillies qu'il ne feroit pas sans cette confiance que luy donne l'affection qui me rend.

  A014003313 

 Dieu en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus prosperer, avec madame vostre chere partie et toute vostre famille, jusques a vostre petit nouveau né Anthoyne, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,.

  A014003320 

 Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel de S. M.,.

  A014003374 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A014003406 

 Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les preferer en ce cas, s'il estoit question de la debattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination la forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere; mais la vertu, la devotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastreté, domine sur la forme qui tient le preciput en l'essence: de maniere qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cede à celle de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concedant sa necessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant.

  A014003407 

 C'est sans doute que la reformation des mœurs esteindra les heresies avec le temps, comme la depravation les a causées, puis que l'heresie n'est jamais le premier peché..

  A014003407 

 Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sapience, r'embarrant l'erreur des heretiques par la doctrine des controverses, et conduisant les volontez depravées au chemin de la vertu par vos traictez de pieté et de devotion.

  A014003415 

 Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire: Je ne suis rien..

  A014003416 

 Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se servira sur le clavier de son espinette, organizée pour conserver sa memoire des plus beaux airs spirituels que la necessité du corps et les autres occupations exterieures luy font interrompre actuellement plus souvent qu'elle ne voudroit.

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003418 

 Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoffe! Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination ne peut estre vaincue que par la melioration des volontez, s'il faut user de ce terme: à quoy la reformation des mœurs sert directement..

  A014003419 

 Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon la science des Saincts, execute ce que vous me daignez communiquer.

  A014003434 

 Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Reverend Pere General, gardant la subordination de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets; veu mesme que si, suivant ce que nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entrevienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit [413] exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit entrecoupé..

  A014003445 

 Contre la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon premier desir, à me rendre obeyssante, et je ne puis être touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes eternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être eternellement vôtre fille..

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003479 

 L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de l'Eglise.

  A014003479 

 Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples..


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000007 

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  A015000015 

 L'Evêque de Genève recommande à son ami les négociations dn vicaire général de son diocèse et lui donne des nouvelles de sa fille Marie-Marguerite, Religieuse à la Galerie. 18.

  A015000017 

 — La variété et l'unité des sentiments; le monde et le Ciel.

  A015000019 

 — La variété des petits accidents de cette vie et l'état immobile de la sainte éternité.

  A015000024 

 La gloire de Dieu, maîtresse et régente des affections de François de Sales.

  A015000028 

 Il faut beaucoup souffrir des enfants en bas âge.

  A015000028 

 — Quatre mots de saint Paul, règle des prédicateurs.

  A015000037 

 Humble récit des commencements de la Visitation.

  A015000037 

 » — L'esprit et la vie intérieure des premières Religieuses.

  A015000040 

 DCLXXIX. A M. Antoine des Hayes.

  A015000043 

 — Les exigences du service de Dieu et des âmes, plus impérieuses encore.

  A015000051 

 La chrétienté de Divonne et les frais dn culte sont confiés au zèle des Religieux de Saint-Claude. 47.

  A015000056 

 — Il a déjà rendu compte de tout ce qu'il a appris discrètement sur les projets des Français.

  A015000056 

 — Vains efforts des brouillons et des calomniateurs pour représenter l'Evêque de Genève « avec des affections estrangeres ».

  A015000058 

 — Tout nous crie: Amour, amour! — Des dames qui « font merveilles».

  A015000061 

 DCC. A M. Antoine des Hayes.

  A015000061 

 — Eloge du Prieur des Feuillants et pour quelles raisons particulières il s'est fait estimer du Saint.

  A015000068 

 Quel profit tirer des chutes.

  A015000070 

 — Sujet d'oraison conseillé pour des novices à la veille de leur profession.

  A015000072 

 — Le critère des vraies amitiés.

  A015000073 

 — Affection des deux Fondateurs pour la Sœur Favre.

  A015000074 

 Comment traiter des affaires de la terre.

  A015000074 

 — L'autel des crucifiés.

  A015000075 

 — Détresse des habitants qui en est la suite.

  A015000082 

 — De qui doit-on attendre l'issue des maladies.

  A015000084 

 Des bailliages qui n'avaient pas été visités « il y a plus de cent ans.

  A015000085 

 Amitié du Saint pour l'Ordre des Feuillants.

  A015000085 

 — La disposition des matières dans une Somme de théologie; moyen de rendre celle-ci « plus friande et plus aggreable.

  A015000092 

 — L'assistance des malades dans la maison de la Galerie.

  A015000092 

 — Quel est le vrai temps de la moisson des affections.

  A015000095 

 — Ce qui arrive entre les enfants des hommes.

  A015000104 

 DCCXLII. A M. Antoine des Hayes.

  A015000106 

 L'appui des créatures et la protection de la providence divine.

  A015000109 

 » — Modèle d'exhortation destinée à des prétendantes avant leur vêture.

  A015000112 

 — Preuve sensible de la communion des Saints.

  A015000118 

 Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux.

  A015000122 

 La controverse sur le pouvoir temporel des Papes et l'autorité des Conciles.

  A015000122 

 — L'entente des Prélats, de la Sorbonne et des Religieux, bientôt mortelle à l'hérésie.

  A015000122 

 — Un remède plus efficace que les discussions des théologiens.

  A015000123 

 — Dangers de certaines discussions agitées par des docteurs incompétents.

  A015000123 

 — Devoirs corrélatifs des chrétiens envers le Pape et l'Eglise.

  A015000123 

 — Etat des esprits en 1611 et en 1612.

  A015000128 

 DCCLXVI. A M. Antoine des Hayes.

  A015000129 

 — Affluence des Chambériens aux sermons de saint François de Sales.

  A015000130 

 — Abeilles mystiques et mouches libertines: le bonheur et les exercices des unes et des autres mis en parallèle.

  A015000135 

 — Notre-Seigneur est jaloux des âmes qu'il favorise. 124.

  A015000138 

 L'aveuglement des duellistes; pourquoi et comment le Saint en avait une grande compassion. 125.

  A015000141 

 » — Les bonnes dispositions des syndics pour les agrandissements de la Visitation.

  A015000143 

 — La seule chose qni donne du prix à l'éternité des biens, d'après saint François de Sales.

  A015000144 

 DCCLXXXII. Aux éminentissimes Cardinaux de la Sacrée Congrégation des Rites(Minute).

  A015000144 

 L'une des opinions maudites de Calvin.

  A015000144 

 — Dévotion des catholiques de Savoie au bienheureux Amédée.

  A015000144 

 — Pourquoi les membres de la Sacrée Congrégation des Rites doivent faire avancer sa canonisation. 130.

  A015000153 

 La rose, symbole des vertus de saint Jean-Baptiste.

  A015000160 

 » — La délivrance des liens spirituels.

  A015000161 

 — Sentiments des Genevois.

  A015000165 

 DCCCIII. A M. Antoine des Hayes.

  A015000168 

 Le regard des princes et les rayons du soleil.

  A015000172 

 DCCCX. A M. Antoine des Hayes.

  A015000176 

 Affection des Religieuses de la Galerie pour la destinataire.

  A015000179 

 — La modération des affections ménagères, grandement utile à la piété.

  A015000183 

 Menaces et prétentions des pasteurs protestants.

  A015000185 

 DCCCXXIII. A M. Antoine des Hayes.

  A015000185 

 — Obstination des Bernois.

  A015000186 

 — Ce que pensait le Saint des Ursulines et des institutrices chrétiennes.

  A015000188 

 — La Mère de Chantal au milieu des tracas d'une installation.

  A015000189 

 Les bancs des femmes dans les chœurs des églises.

  A015000196 

 Requête en faveur des catholiques de Gex, pour obtenir en leur ville le rétablissement d'un ancien monastère de Carmes.

  A015000200 

 — Pourquoi et comment doit-elle se garder des fortes applications de l'entendement.

  A015000202 

 La parole de Dieu et comment il faut la recevoir des uns et des autres 181.

  A015000203 

 La tristesse des séparations.

  A015000203 

 » — Les âmes chrétiennes doivent supporter doucement la perte des parents.

  A015000203 

 — L'oraison et la variété des affections qui viennent t'y mêler.

  A015000203 

 — Le langage des yeux. 182.

  A015000208 

 Attitude de l'esprit humain en face des évènements.

  A015000213 

 DCCCL. A Madame des Gouffiers, Religieuse du Paraclet (Fragment).

  A015000213 

 — A la Visitation, « toutes choses sont basses, » excepté « la pretention » des Religieuses qui l'habitent. 190.

  A015000220 

 Solidité des affections plantées de la main de Dieu.

  A015000222 

 — Qu'on lui donne des commandements, il obéira.

  A015000223 

 — La crainte des vices et l'amour des vertus.

  A015000225 

 DCCCLXII. A M. Antoine des Hayes.

  A015000228 

 Une chape vraiment belle: d'où lui vient sa beauté; symbolisme des dessins qui la décorent.

  A015000235 

 — Après la grâce du Saint-Esprit, la confession de foi catholique a surtout dessillé ses yeux: elle a vu Jésus-Christ, unique objet de foi, d'espérance et de charité, l'exclusion de toute idolâtrie, le culte raisonnable des Saints.

  A015000240 

 B. Lettre du Prieur et des Religieux de Saint-Claude.

  A015000249 

 B. Lettre de M. Antoine des Hayes A M. de Charmoisy.

  A015000269 

 Aussi, Madame, vous ne me marques que cette languissante, mais que neanmoins il vous plait d'appeller rigoureuse procedure; et moy, pourveu que vous me permettiés de me defendre un peu librement contre vous, je vous diray que si le nœud du devoir que j'ay a monsieur vostre mari et a vous se pouvoit desfaire, vous m'auries tous deux grandement des-obligé en deux occasions..

  A015000271 

 L'autre fois, Madame, ça esté quand vous aves entrepris de soustenir la des-obeissance de cet homme d'Eglise pour lequel vous m'escrivés; car de maintenir sa cause, au fond de l'affaire, vostre charité seule, sans autre consideration, vous en pouvoit donner une juste volonté.

  A015000307 

 Il faut, ma chere Seur, l'attribuer aux occasions qui ne s'en sont pas presentees, et non jamais a nulle sorte de mesconnoissance des obligations que je vous ay, qui sont indicibles, puis qu'elles ne sont pas comprehensibles..

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000324 

 Cheminés donq avec courage et parfaite confiance en [9] Nostre Seigneur, car il vous tiendra de sa main; et par la varieté des sentimens a laquelle nous sommes sujetz en ce miserable monde, il vous conduira au Ciel, ou nous n'aurons qu'un seul et invariable sentiment de la joye amoureuse de sa divine bonté, a laquelle je vous conjure de me recommander perpetuellement..

  A015000337 

 J'ay bien treuvé le livret duquel je vous parlay; mais j'y ay rencontré des choses si dures, que je ne vous le veux bailler qu'apres vous avoir fait une præface qui vous le rende plus intelligible et moins scabreux.

  A015000380 

 Nous avons pris jour pour nous voir demain et commencer, a mon advis, sa confession et preparation a la sainte Communion, laquelle nous ferons Dimanche en vostre oratoire aussi; car, ma tres chere Fille, puisque j'espere que les Anges, et sur tout la Reyne des Anges, regarderont le spectacle de la derniere action de la reduction de cette ame, je desire qu'elle se face autour de vostre chere petite trouppe, affin que nous soyons tous regardés avec une joye extraordinaire et qu'avec ces Espritz celestes, nous facions le festin d'allegresse sur cet enfant revenu..

  A015000392 

 J'iray ce soir voir M me de Chantal (qui guerit fort lentement, sur tout des jambes et des bras, et qui vous bayse tres affectionnement les mains) pour conferer avec elle sur la reception de la fille dont vous m'escrives, delaquelle les bonnes qualités ne sont pas de peu de consideration.

  A015000393 

 J'ay dit, il y a des-ja quelque tems, a M. Pergod que je voulois estre son tresorier d'ores-en avant; bien que je desire que mon office finisse bien tost par la vente de cette mayson, laquelle me sembleroit utile plus que la conservation, pourveu qu'elle se vendit a bonnes enseignes.

  A015000410 

 Je recommande a vos Sacrifices la santé de la mere abeille de nostre nouvelle ruche; elle est grandement [19] travaillee de maladie, et nostre bon monsieur Grandis, quoy qu'il soit l'un des doctes medecins que j'aye veus, ne sçait qu'ordonner pour ce mal, qu'il dit avoir quelque cause inconneuë a Galien, docteur des medecins.

  A015000454 

 Puis que donq maintenant elle est preste, au jugement de son Pere spirituel et des bonnes Meres Carmelines, et que monsieur son pere contribue son consentement, il semble qu'en toute asseurance vous en pouves faire l'offrande, et que Nostre Seigneur l'aura fort aggreable, sauf neanmoins a son bon playsir de disposer de sa perseverance en cet estat particulier, ou de sa sortie, selon que sa providence treuvera meilleur; a quoy nous nous conformerons tous-jours et sans replique, car il n'est pas raysonnable de prescrire a cette infinie Sapience la façon de laquelle il nous veut rendre siens.

  A015000459 

 Vanité des vanités, et toutes choses sont vanité *, ma tres chere Fille, sinon d'aymer et servir Dieu.

  A015000482 

 Mays, Monseigneur, il faut beaucoup souffrir des enfans tandis qu'ilz sont en bas aage, et bien que quelquefois ilz mordent le tetin qui les nourrit, il ne faut pas pourtant le leur oster.

  A015000527 

 Sur ces paroles: Seigneur, faites bien aux bons et aux droitz de cœur, o vray Dieu, dis je, qu'il falloit que ce Saint fust bon et droit de cœur, puisque Nostre Seigneur luy a fait tant de bien, luy ayant donné la Mere et le Filz! Car, ayant ces deux gages, il pouvoit faire envie aux Anges et desfier le Ciel tout ensemble d'avoir plus de bien que luy; car, qu'y a il entre les Anges, comparable a la Reyne des Anges, et en Dieu, plus que Dieu?.

  A015000542 

 Je vous escrivis l'autre jour des miseres de ce païs, non point contre la verité, qui est plus grande en cela qu'on ne sçauroit dire, mais bien contre mon gré, puisque le mal est irremediable.

  A015000542 

 Mais, me treuvant chez M. le [34] Præsident de cette ville lhors quïlz despechoyent, je me treuvay engagé par sa priere, et des autres seigneurs du Conseil, de joindre ma lettre a la leur.

  A015000557 

 A cette intention, je luy parlay bien amplement de mes affaires et des occurrences qui me regardoyent, et ne sçavois bonnement comme faire pour luy celer l'extreme mespris que Dieu m'a donné de toutes ces adventures qu'on appelle de fortune et d'establissement; car il ne veut pas que cela soit mesprisé d'un si grand mespris comme est celuy que, graces a Nostre Seigneur, j'en ressens en mon ame.

  A015000557 

 O Dieu, ma chere Fille, que ce monde est estrange en ses fantasies, et a quelle sorte de prix est il servi! Si le Createur ordonnoit des choses si difficiles comme le monde, combien peu treuveroit-il de serviteurs..

  A015000570 

 J'ay veu par vos lettres vos petites cheutes et imperfections, pour lesquelles ni vous ni moy ne devons aucunement nous estonner, car ce ne sont que des petiz advertissemens de nous tenir bas et humbles devant nos yeux, et pour nous esveiller en cette sentinelle en laquelle nous sommes.

  A015000598 

 Je le croy facilement, mon tres cher Frere: puisque j'ay mis des holocaustes sur l'autel de Dieu, falloit-il pas qu'elles jettassent une odeur de suavité? Voyci donq, non point ce que j'ay fait, mais ce que Dieu a fait l'esté passé..

  A015000599 

 Mon frere de Thorens alla querir en Bourgoigne sa petite femme et amena avec elle une bellemere qu'il ne merita jamais, d'avoir, ni moy de servir; vous sçaves des-ja quelque chose comme Dieu l'a renduë ma fille.

  A015000599 

 Pressee des desirs de Dieu, elle a tout quitté, et, avec une prudence et force non commune a son sexe fragile, elle a pourveu a son desengagement; en sorte que les bons treuveront beaucoup de choses a loüer en cela, et les enfans malins du siecle ne sçauront sur quoy s'attacher pour former leurs mesdisances..

  A015000600 

 Despuis, il vient des filles de Chamberi, de Grenoble et Bourgoigne, pour s'associer a elles; et j'espere que cette Congregation sera pour les infirmes un doux et gracieux refuge, car, sans beaucoup d'austerités corporelles, elles prattiquent toutes les vertus essentielles de la devotion..

  A015000602 

 J'ay sacrifié ma vie et mon ame a Dieu et a son Eglise: qu'importe-il que je m'incommode, pourveu que j'accommode quelque chose au salut des ames? Traittés-moy donq fraternellement, puisque vous sçaves qu'entre nous tout se fait en charité et pour la charité.

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000615 

 Apres disné, le P. Prieur des Feuillans m'a donné beaucoup de consolation par [41] la bonn'opinion quil a d'un grand progres de nostre Congregation..

  A015000645 

 Outre que je ne sçaurois pouvoir me ramentevoir en vostre bienveuillance et ne le faire pas, je suis bien ayse de vous donner advis comme, sur ce que M. de Charmoysi, mon cousin, m'avoit dit touchant vostre desir de me voir le Caresme prochain a Paris, j'ay escrit a son Altesse; en sorte que j'espere en peu de jours avoir une response absolue, laquelle, si elle est selon nostre gré, je pourray justement croire que Dieu l'aura voulu d'une volonté speciale, puisque la concurrence des affaires du monde me sera peu favorable, comme je pense.

  A015000647 

 Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec luy; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier, il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est resolu de l'estre dores-en-avant..

  A015000661 

 Le sieur Martinet, conseiller de Son Altesse et maistre de la Chambre des Comtes de Savoye, sachant avec combien de prudence et de soin les jeunes gens sont [45] conduitz et gouvernés sous vostr'authorité et direction dans vostre college, il desireroit grandement que son filz, qui a des-ja fait son cours en philosophie, eüt le bien d'y estre receu et retiré, affin que plus heureusement il acheve ses estudes; et cela, sans aucunement charger la despense du college, puisque pour icelle, il prouvoyeroit de la pension et fourniture requise..

  A015000662 

 Ce que je fays, vous priant, autant quil se peut, de recevoir ce filz-lâ a ma contemplation et comme filz d'un pere plein d'honneur et de merite; en quoy vous accroistres le nombre des obligations que je vous ay, pour lesquelles je prie Nostre Seigneur vous combler de ses graces, et suis en luy,.

  A015000672 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes.

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000689 

 Le rencontre du bruit de guerre, qui n'est pas encor esteint, du refus des passages et de ces fausses nouvelles qui ont couru ces jours passés, me semble estre mal a propos pour cett'occasion d'aller hors l'Estat et parmi monsieur le Grand et monsieur de Lux; mais je ne vois point de suffisant pretexte pour m'excuser de ce service de Dieu et des ames.

  A015000725 

 Quel bonheur, ma tres chere Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et miserable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu! Mais, ma chere Fille, puisque nous ne devons pas desirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus desormais que sous l'obeissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur.

  A015000730 

 Or sus, ma chere Fille, ma Seur, tenés bien vostre cœur ramassé, gardés-vous fort des empressemens.

  A015000768 

 Mays vous en feres a vostre gré, car a cett'intention je vous confie le tout, vous estant des-ja tout confié moymesme, comme Dieu et les hommes sçavent..

  A015000786 

 Sa Bonté me fait savourer des douceurs, certes, extraordinaires et suaves et qui ressentent au lieu d'ou elles viennent.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000847 

 A Dieu, ma chere Fille; perseverons au desir de cette unité, de laquelle Dieu nous ayant fait jouir des icy, autant, que nostre condition infirme le peut porter, il nous en fera plus parfaitement jouissans au Ciel..

  A015000855 

 J'ay donq pensé, ma chere Mere, si vous en estes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux flesches, enfermé dans une couronne d'espines, ce pauvre cœur servant d'enclaveure a une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de JESUS et MARIE..

  A015000884 

 Car, en vraye verité, les François n'avoyent eu aucun' intention de surprendre a force cette ville-la, ayans trop d'apprehension d'esmouvoir les humeurs des heretiques de France et de leur faire prendre les armes, comm'ilz feront, silz peuvent, toutes fois et quantes qu'on fera de telz coups contr'eux: tellement que ni monsieur le Grand de Bellegarde, ni monsieur de Lux n'oserent jamais y aller, quoy qu'ilz y fussent invités, de peur d'accroistre le soupçon que quelques uns en avoyent..

  A015000884 

 Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensee), mais au contraire, autant que la discretion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considerable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme [66] j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Geneve n'estoyent que des vrayes chimeres, que quelques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre probables leurs prætendus services.

  A015000885 

 Et ne sçai si, pour ce regard, il vint point a propos qu'a mesme tems les Souisses qui revenoyent d'aupres de Vostre Altesse dirent en passant des merveilles en faveur des droitz qu'ell'a sur le pais de Vaux; dequoy ceux de Geneve furent extremement esmeuz..

  A015000885 

 Mays, soit quil donnast cett'atteinte par le commandement de la Reyne, soit quil la fit de son propre mouvement (dequoy je n'ay rien sceu apprendre de certain), elle fut si mal receüe, que [67] ceux de la ville, en diverses occurrences, disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au malin qu'a Vostre Altesse et plustost a Vostre Altesse qu'au Roy; d'autant que, non seulement Vostre Altesse les recevroyt a meilleur marché que le Roy, mays quand elle voudroit alterer les conditions de leur donation, ilz auroyent plus de moyen de la rompre par l'assistence des voysins, que quand elle seroit faite en faveur du Roy.

  A015000886 

 Et sur ce propos, j'appris de divers discours des François, que si nostre Saint Pere se remuoyt un peu vivement envers les Soüisses catholiques et la Reyne, comm' il le doit faire en consideration de la religion, il n'y auroit point de difficulté de faire heureusement reuscir les prætentions de Vostre Altesse contre les Bernoys, desquelz la grandeur est de longuemain ennuyeuse aux Suysses catholiques, et puisque la Reyne doit plus desirer l'amoindrissement du parti huguenot, que soupçonner l'aggrandissement de Vostre Altesse..

  A015000887 

 Je dis plusieurs autres particularités a monsieur le Marquis de Lanz, desquelles sans doute il aura eü bonne memoire pour les representer a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de croire que j'ay gravé trop avant en mon cœur le devoir que je luy ay, pour jamais me relascher a faire chose qui puisse tant soit peu nuyre au service de ses affaires, et que j'ay une trop grande [68] aversion au tracas des choses d'Estat, pour jamais y vouloir penser d'un'attention deliberee.

  A015000887 

 Je ne sçai donq comment la calomnie ose me representer avec des affections estrangeres, puisque mesme je vis, Dieu merci, de telle sorte que, comme je ne merite voyrement pas d'estre en la bonne grace de Vostre Altesse, n'ayant qui puisse dignement correspondre a cet honneur la, aussi merite-je de n'estre jamais en sa disgrace, ne faysant ni n'affectionnant rien qui me puisse porter a ce malheur, que je ne crains aussi nullement, moyennant l'ayde de Nostre Seigneur, qui, en faveur de la veritable fidelité que je conserve a Vostre Altesse, ne permettra jamais que les brouillons et calomniateurs m'ostent la gloire que j'ay d'estr'advoüé, Monseigneur,.

  A015000901 

 Mais comme ce n'est pas tous-jours l'erreur de l'entendement, ains le defaut de la volonté et l'impureté des affections qui tient les hommes hors de l'Eglise, aussi n'y rentrent-ilz pas tous-jours quand ilz connoissent la verité d'icelle..

  A015000915 

 Il avoit conneu Nostre Seigneur des le ventre de sa mere; tressaillant d'ayse de sa presence et de la voix de la Mere d'iceluy, il tesmoigna bien des lhors [72] le contentement qu'il auroit de le voir, de l'ouyr, de converser avec luy.

  A015000916 

 Il mangeoit des sauterelles, pour monstrer que si bien il estoit en terre, il sautoit neanmoins perpetuellement en Dieu.

  A015000916 

 Le miel sauvage luy servoit de saulce, parce que la suavité de l'amour de Dieu assaisonnoit toutes ses austerités; mais cet amour estoit sauvage, parce qu'il ne l'avoit pas appris des maistres, ains des arbres et des pierres, comme dit saint Bernard..

  A015000917 

 Mon Dieu, ma Fille, mangeons et du sauvage et du domestique; amassons de ce saint amour a toutes occasions, et par l'exemple de nos Seurs et par la consideration des autres creatures; car tout crie aux aureilles de nostre cœur: Amour, amour.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000929 

 J'ay un goust extreme a le regarder dans ce sombre, mais bienheureux desert qu'il parfume de toutes parts de devotion, et dans lequel il respand jour et nuit des soliloques et devis extatiques devant le grand objet de son cœur; cœur qui, se voyant seul a seul, jouit de la presence de son Amour, treuve en la solitude la multitude des douceurs eternelles, la ou il succe le miel celeste qu'il ira par apres bien tost distribuer dans les ames des Israëlites aupres du Jourdain..

  A015000930 

 Mays cecy est encor admirable, que Nostre Seigneur ayant dit qu' entre tous ceux qui estoyent nés de femme, nul n'estoit p lus grand que Jean, il adjouste: Voire, mais celuy qui est le moindre au Royaume des cieux, c'est a dire en l'Eglise, est plus grand que luy.

  A015000952 

 C'est tous-jours avec mille joyes que tels tesmoignages de vostre bienveüillance m'adviennent, et quoy que vos lettres soyent vielles en dates, elles me donnent neanmoins des contentemens nouveaux..

  A015000952 

 Hier seulement que ce digne porteur, le P. Prieur des Feuillans, m'arriva, je receu la lettre que vous m'escrivites par luy mesme le VI avril.

  A015000953 

 Mays je voy en celle-ci, que vous aves longuement [77] esté sans en avoir des miennes J'avoue sincerement mes fautes, mais celle ci, elle n'est pas mienne, ains des porteurs; car je sçai bien que tous-jours, quand je puis, je vous escris de mes nouvelles, non seulement par ce que vostre desir a tout pouvoir sur ma volonté, mais aussi par ce que ma volonté a perpetuellement ce desir de vous parler, comm'il m'est possible de parler de vous et de vous oüir ou voir parler a moy.

  A015000954 

 Ce Pere, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son amour et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'erudition, d'entendement, de [78] vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation; car c'est une des maximes plus entieres de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous cherira..

  A015000966 

 Monsieur des Haÿes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif de Montargis..

  A015001011 

 Sans doute, ma tres chere Fille, il ne faut pas une autre fois rien rabbattre des coustumes generales avec lesquelles nous professons nostre sainte religion, pour la presence de ces bigarrés huguenotz, et ne faut pas que nostre bonne foy ayt honte de comparoistre devant leur affeterie.

  A015001013 

 Le P. Galesius, a la verité dire, est excellent et fait merveilles pour establir des bonnes resolutions; mais je crains fort qu'il ne soit des-ja attaché.

  A015001015 

 Il ne faut pas estre si curieuse que de vouloir sçavoir d'ou procede la diversité des estatz de vostre vie; il faut estre sousmise a tout ce que Dieu en ordonne et s'arrester la..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001079 

 Pour le reste, c'est un'œuvre de charité que l'accompaignement que vous alles faire, et bien que ce soit avec un peu de detraquement des sains exercices de devotion, si est ce que ce n'est pas avec aucune perte du service de Dieu..

  A015001096 

 C'est la vraye verité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, comme un certain phœnix mystique; car, bien que les personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des vrayes amitiés, qu'Aristote, saint Hierosme et saint Augustin ont tant solemnisé: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A015001097 

 Mais, Monsieur, la reciproque communication qu'avec tant de confiance je ne faisois presque que commencer avec luy, est cessee et se treuve convertie en l'exercice des mutuelles prieres que nous faysons l'un pour l'autre: luy, comme sçachant combien j'en ay besoin, moy, comme doutant qu'il n'en ait besoin.

  A015001100 

 En fin, quand les Rois et les Princes auront une mauvaise impression de leur Pere spirituel, comme s'il les vouloit surprendre et leur arracher leur authorité que Dieu, souverain Pere, Prince et Roy de tous, leur a donnee en partage, qu'en adviendra-il qu'une tres dangereuse aversion des cœurs? Et quand ilz croiront qu'il trahit son devoir, ne seront ilz pas grandement tentés d'oublier le leur?.

  A015001100 

 La pauvre mere poule qui, comme ses petitz poussins, nous tient dessous ses aisles, a bien asses de peyne de nous defendre du milan, sans que nous nous entrebecquetions les uns les autres et que nous luy donnions des entorses.

  A015001114 

 Je suis tous-jours attendant des nouvelles du succes de vostre voyage, que je me prometz avoir esté bon, mais non pas sans crainte pourtant, a cause de la foiblesse de vostre santé et l'excessive chaleur qui a regné quelques heures de ces jours passés; mais je veux croire qu'en ces heures-la vous aures sejourné, et aures employé les matinees et les soirs qu'il a tous-jours fait un peu de vent.

  A015001129 

 Je seray tous-jours present a vostre chere ame comme vous mesme, et respandray soigneusement la benediction des Sacrifices divins sur vostre peyne, affin qu'elle vous soit douce et utile au saint amour, pour lequel mieux prattiquer vous estes allee terminer les occasions de vos distractions.

  A015001129 

 Ma tres chere Fille, appliqués le travail et tracas que vous y souffrires, a la gloire de la divine Majesté, pour l'amour de laquelle vous les subisses; traittés des affaires de la terre avec les yeux fichés au Ciel.

  A015001131 

 Mon Dieu! ma tres chere Fille, remplissons nostre cœur de courage et faysons des-ormais des merveilles pour l'avancement de nostre cœur en cet amour celeste.

  A015001132 

 Ma tres chere Fille, helas! que bienheureux sont ceux qui l'ayment et qui la portent! Elle sera plantee au Ciel quand Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les mortz, pour nous apprendre que le Ciel est l'autel des crucifiés.

  A015001132 

 O Dieu, qu'elle est belle et qu'elle est aymable! On donne des batailles pour en avoir le bois et on l'exalte sur le mont de Calvaire.

  A015001142 

 Ayant veu a Six l'espouventable et irreparable accablement survenu il y a quelques annees, par la cheute d'une piece de montagne, je n'ay sceu refuser aux habitans du lieu, qui recourent a la clemence de Vostre Altesse pour, a proportion, estre deschargés des tailles, mon veritable tesmoignage en faveur de leur trop juste praetention.

  A015001196 

 Or, j'espere en cette souveraine Providence, qu'elle vous conservera saintement et cherement pour nostre mutuelle consolation et reciproque avancement en son amour cæleste, pour lequel [107] je fay sans fin des aggreables et desirables projetz, que je supplie le Saint Esprit nous faire suavement prattiquer..

  A015001216 

 Prenons, je vous supplie, en gré cette petite attente qu'il nous faut faire ici bas, et au lieu de multiplier nos souspirs et nos larmes sur elle, faysons-les pour elle devant Nostre Seigneur, affin qu'il luy [109] plaise haster sa reception entre les bras de sa divine Bonté, si des-ja il ne luy a fait cette grace..

  A015001230 

 Neanmoins, s'il desire venir au concours de celle cy, ce sera le 4 e de ce mois suyvant qu'elle est assignee; marri que peut estre je ne pourray pas m'y treuver, si M. de Villette persevere de me sommer d'aller avec ses autres parens au commencement des obseques de feu M me de Villette environ ce tems-la..

  A015001251 

 Dieu nous sera bon, ma Niece, ma Fille: j'espere qu'il nous menace pour ne nous point frapper, et que la chere [112] Peronne de nostre Mere luy ira au devant a son arrivee, avec sa tres chere lieutenante, ma fille tres aymee, que je desire qui travaille avec un esprit ardent mais doux, fervent mais moderé, attendant le bon succes des maladies et affaires non de sa peyne, non de son soin, mays de l'amoureuse bonté de son Espoux.

  A015001251 

 Qu'il la veuille benir eternellement, avec toute la trouppe de ma tres chere Mere absente et qui nous est si presente au cœur, en la presence de Celuy qui est l'unique tout du cœur de la Mere et des filles..

  A015001273 

 Des la reception de vostre derniere lettre, qu'on me rendit sur le commencement de septembre, j'ay presque tous-jours esté aux chams pour faire la visite des baillages qui sont autour de Geneve, qui n'avoyent esté visités il y a plus de cent ans, pour avoir esté restablis seulement des douze ou quinze ans en ça au giron de la sainte Eglise.

  A015001285 

 Et pour vous en donner quelque asseurance des maintenant, je vous dis que mon opinion seroit que vous retranchassies tant, qu'il vous seroit possible toutes les paroles methodiques, lesquelles, bien qu'il faille employer en enseignant, sont neanmoins superflues et, si je ne me trompe, importunes en escrivant..

  A015001287 

 De mesme: « In hac quaestione sunt tres sententiæ: prima sententia est, » etc. Car, ne suffit-il pas de commencer a capite le recit des sentences, avec un nombre precedent, en cette sorte: « 1.

  A015001287 

 Sancti vero Thomas, Bonaventura; » et ainsy des autres..

  A015001289 

 Comme aussi de faire des prefaces pour continuer les [118] matieres: « Postquam egimus de Deo uno, congruum est ut nunc de Deo trino, sive de Trinitate, » etc. Cela est bon pour des gens qui vont sans methode, ou qui ont besoin de faire connoistre leur methode parce qu'elle est extraordinaire ou embarrassee.

  A015001291 

 En celle: « Utrum praedestinatio sit ex praevisis meritis, » soit que l'on tienne l'opinion des saintz Peres qui ont precedé saint Ambroyse, soit qu'on tienne celle de saint Augustin ou celle de saint Thomas ou celle des autres, on peut former les argumens en stile affectif, sans amplifier, ains en abbregeant; et au lieu de dire: « Secundum argumentum sit, » simplement mettre un chiffre, 2..

  A015001307 

 Maintenant que vous n'aves pas fait a beaucoup pres un si grand abandonnement et que vous aves reservé asses de liberté pour avoir [121] un soin moderé de vostre mayson et de vos enfans, parce que ce peu de retraitte que vous aves fait est pour Dieu, il se treuve des gens qui taschent de le faire estimer mauvais et contre le devoir..

  A015001307 

 Si ce n'est que la necessité du meilleur estat des biens, vous n'y estes pas voirement obligee; mais pourtant, si cette necessité estoit extreme et grande et qu'elle ne peust estre remediee que par vous, c'est a dire que vous ne puissies suppleer par autruy aux affaires, vous pourries librement arrester le tems requis a cela, que je remetz a vostre discretion et prudence, ne pouvant dissimuler avec vous qu'en cette occasion je ne voye quelque sorte de tentation.

  A015001310 

 Je suis, comme vous sçaves, de toute mon ame, ma tres chere Fille, tout parfaitement vostre en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre, Jesus Christ, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A015001381 

 Et pour la Bourgoigne, sous laquelle on comprend les païs eschangés, on commit le sieur de Mazuyer, vicomte d'Ambrieur, maistre des requestes, grand catholique et grand homme d'affaires, et le sieur de Vilarnos, beau-filz du sieur du Plessis Mornay, qui a la survivance de son beaupere au gouvernement de Saumeur, grand heretique, et au reste, gentilhomme de bonne sorte et bien qualifié..

  A015001381 

 Le sujet de mon voyage fut que les huguenotz ayant dressé des plaintes en leur assemblee de Saumeur sur l'inexecution de l'Edit de Nantes, le Roy de France, en son [127] Conseil, a deputé des commissaires en toutes les provinces pour rendre par tout ledit Edit executé.

  A015001383 

 Et en fin, apres trois ou quatre assemblees ainsy generales et publiques, la multitude des oppositions et allegations de nos adversayres fut causé que le tout a esté renvoyé au Conseil privé, pour estre par iceluy ordonné selon qu'il verra a faire; sauf pour le regard de l'eglise des Carmes de Gex, toute ruinee, et [129] une chapelle jointe a icelle, fondee par un bastard de la mayson de nos Princes, comme encor de l'eglise d'Alemoigne, qui, sur le champ, m'ont esté remises.

  A015001383 

 Sur cela, estant adverti et conjuré par les Catholiques de me rendre en praesence pour un coup de si grande importance, j'y allay nuit et jour, et me treuvay asses tost pour une assemblee generale de tout ce païs-la, ou je refis a vive voix mes requisitions et m'essayay de respondre aux allegations des ministres, qui n'ont rien oublié de leur costé pour empescher le fruit de cette commission demandee imprudemment par leurs confreres, qui ne prirent pas garde que, si ailleurs l'execution de l'Edit leur estoit favorable, a Gex elle leur estoit extremement contraire.

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001401 

 Mon Dieu, tres chere Fille, que mon cœur souhaite de bien au vostre entre les afflictions de vostre cors! Le tems des afflictions douleureuses [est] le vray tems de la moysson des vrayes affections [spirituelles.].

  A015001402 

 Néanmoins] cette nuit passee elle s'est si bien [reposée]... [que si ce n']est pas miracle, c'est au moins une speciale grace que [Dieu a] faitte aux prieres de ses cheres compaignes qui toutes estoyent des-ja en larmes; si bien qu'a mon jugement, il ni a plus rien a craindre pour ce coup.

  A015001403 

 Et si, il faut que je vous die qu'elle m'escrit par sa derniere lettre que l'on desseigne a Dijon, ou ell'est, une mayson de la Visitation pareille a celle d'icy; et faudra peut estre, dans quelque tems, y envoyer un couple ou troys des filles que nous [132] aurons, pour y donner commencement.

  A015001434 

 Gardés bien, dit l'Apostre, de perdre la confiance, par laquelle estans revigorés, vous souffrires et supporteres vaillamment le combat des afflictions, pour grand qu'il soit..

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001435 

 J'ay esté certes marri quand j'ay sceu cette petite alteration survenue entre les deux chers cousins, pour ce morceau de pain laissé par la pauvre M me de N.: ainsy arrive-il entre les enfans des hommes.

  A015001439 

 Le jour des Innocens..

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001487 

 Il n'y a nul danger a desirer du remede, ains il le faut soigneusement procurer; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remedes.

  A015001501 

 Playse a ce divin Poupon de tremper nos cœurs dans son sang et les parfumer de son saint nom, affin que les roses des bons desirs que nous avons conceus soyent toutes pourprees de sa teinture et toutes odorantes de son unguent.

  A015001510 

 A ce commencement de nouvelle annee, je vous supplie de recevoir aggreablement le renouvellement des offres de mon bien humble service, qu'avec beaucoup d'affection, de sincerité et de reconnoissance je vous ay ci devant fait.

  A015001536 

 Que si je sçavois que mes lettres eussent quelques secrettes vertus pour vous donner un bon portement, ainsy que vostre affection vous le fait estimer, croyés, Monsieur, que j'en escrirois jour et nuit, et ne vous escrirois point d'autre encre que celuy de mon sang, pour marquer des caracteres si aymables et pretieux [desquels] les effectz me seroyent si chers et desirables..

  A015001538 

 M. de Granyer est allé, comme je pense, en Languedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour [148] apprendre les particularités des graces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes..

  A015001548 

 C'est une grande joye au cœur que vous aves icy, de s'imaginer ce grand Saint entre ses hermites, tirer du fond de son esprit des sentences graves et sacrees, et les prononcer avec une veneration incomparable comme des oracles du Ciel; mais entr'autres, il me semble qu'il die a nostre ame ce qu'il disoit parmi ses disciples, pris de l'Evangile: Ne soyés en souci de vostre ame, ou pour vostre ame.

  A015001549 

 Cependant, ma bienaymee Fille, je ne laysse pas, dans le fond de mon esprit, de prendre des saintes esperances qu'apres que par ces petitz abandonnemens, Dieu nous aura espreuvé et exercé en la mortification interieure, il ne nous vivifie par ses consolations sacrees.

  A015001557 

 Mays avec cela, ma chere Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prevenir par l'imagination..

  A015001557 

 Nous serions miserables, ma Fille, si nous n'establissions nostre appuy en Dieu que par l'entremise des creatures que nous affectionnons.

  A015001576 

 En toutes, je m'essayois de vous tesmoigner l'ardent desir que j'aurois de rendre quelque sorte de service pour l'erection, institution et avancement de vostre Congregation, laquelle j'estime devoir estre un (sic) des plus fructueuses et apostoliques œuvres qui ayt esté faite en France, il y a long tems.

  A015001577 

 Monsieur de Marrillac passa loin d'icy une journee et m'envoya homm'expres qui m'apporta vostre lettre, sur laquelle j'en escrivis un'autre a un de mes amis qui a grand part au maniment des affaires de ce Prince, affin quil servit monsieur de Marillac en cett'occasion.

  A015001597 

 J'eusse desiré plus quil ne se peut dire, d'estre utile au service de la sainte Congregation qui esclost maintenant sous la direction de monsieur de Berulle, laquelle j'ay opinion devoir estre l'une des plus fructueuses qui ayt jamais esté a Paris; mais je ne puis en point de façon, Nostre Seigneur ne m'en treuvant pas digne, et l'affaire pour laquelle ledit seigneur Berulle m'escrivit, impossible, a laquelle neanmoins j'eusse volontier contribué tout mon pouvoir, sil y eut eu apparence de la voir reuscir..

  A015001612 

 Ce matin, m'estant esveillé un peu a bonn'heure, j'ay pensé que peut estre il seroit a propos demain, qu'avant que de venir a la sainte Messe, vous fissies appeller toutes nos filles vers vous, et puis que vous fissies venir les deux qui doivent estre receües, et qu'en presence des autres, vous leur dissies trois ou quatre paroles en ce sens:.

  A015001617 

 Or, je ne dis pas, ma chere Fille, que vous disies ni ces paroles, ni tout ceci, mays ce que vous verres a propos, plus pour l'edification et reveil des autres, que pour celle (sic) ci.

  A015001641 

 Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Louvier, curé des Pontets (Doubs).

  A015001650 

 Il a voulu que ce mal me soit venu aujourd'huy, pour nous faire honnorer son espouse Apollonie et pour nous donner une preuve sensible de la communion des Saintz..

  A015001661 

 Demeurés pour un peu en la posture de la Chananee: Ouy, Seigneur, je ne suis pas digne de manger le pain des enfans; je suis vrayement une chienne qui rechigne et mords le prochain sans propos, par mes paroles d'impatience; mais si les chiens ne mangent le pain entier, au moins [ont-ilz] les miettes de la table de leurs maistres.

  A015001662 

 Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin special d'acquerir celles esquelles vous vous treuves plus defaillante.

  A015001662 

 Les sentimens de l'orayson sont bons, mais il ne faut pas pourtant s'y complaire tellement, qu'on ne s'employe diligemment aux vertus et mortification des passions..

  A015001663 

 Je prie tous-jours pour la bonne issue des cheres filles.

  A015001688 

 Cette pauvre damoyselle desireroit que la Sainte Mayson fit l'une de ses aumosnes pour la retraite d'un de ses enfans, selon que quelques uns des Peres de la Mission luy ont donné esperance qu'elle le pourroit impetrer.

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001764 

 Enfin, nous trouvons une exhortation bien plus vivement efficace dans les exemples, lorsque la sainteté des personnes ne peut plus être mise en doute..

  A015001764 

 Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré.

  A015001765 

 Qu'ils servent, comme l'a dit l'un d'eux, de miroir et d'exemple à la vie des hommes; qu'ils en soient [174] de quelque manière le condiment, afin qu'ils vivent parmi nous, même après-leur mort, et qu'ils appellent et ressuscitent à la vraie vie beaucoup de chrétiens d'entre ceux qui, quoique vivants, sont morts..

  A015001766 

 Je sais donc, Très Saint Père, qu'un grand nombre de personnages de tout rang ont demandé instamment à Votre Sainteté qu'Elle daignât inscrire au catalogue des Saints, le bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie.

  A015001767 

 Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de [176] vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation.

  A015001780 

 Car il est bon; certes, ce chetif petit cœur de ma grande fille; et pourveu [179] qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur luy, que souvent elle le r'encourage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conferences de ses bons souhaitz avec nostre Mere et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chere Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu.

  A015001780 

 Dites moy donq vous mesme, ma chere Fille, le pauvre cœur bienaymé comme se porte-il? Est-il pas tous-jours vaillant et vigilant pour s'empescher des surprises de la tristesse? Je le vous recommande au nom de Nostre Seigneur, ne le tormentés point, je dis mesme quand bien il auroit fait quelque petit detour; mays reprenés le doucement et le ramenes en son chemin.

  A015001798 

 Car voyes-vous, Madame ma Mere, ne dois-je pas estre fort glorieux de me treuver maintenant receu en la bienveüillance de monsieur et de madame de Cerviere, [181] vos chers enfans, comme presque cet autre frere qui, impatient d'estre privé de la douceur de vostre presence, s'en reva si vitement aupres de vous, a laquelle il donnera, Dieu merci, des bonnes nouvelles de la santé de cette bonne seur, que je veux servir et honnorer de tout mon cœur en l'absence des autres meilleurs freres..

  A015001798 

 Elle vous tesmoignera seulement que j'ay un extreme sentiment du bonheur que vous m'aves departi, m'advoüant pour vostre filz, me voyant tous les jours arriver des nouveaux ruysseaux de faveur qui descoulent de cette vive fontaine.

  A015001833 

 Cette tendance à secouer tout joug est encore un mal des plus contagieux; aussi s'insinuerait-il petit à petit de royaume en royaume, d'une couronne à une autre couronne, comme il est arrivé pour d'autres maux semblables.

  A015001833 

 Il est clair que la majeure partie des Parlements et des hommes d'Etat, même catholiques, penchent du côté le moins favorable, ou, pour mieux dire, le plus contraire à l'autorité papale, cette opinion leur paraissant mieux s'accorder avec l'autorité royale et la servir plus utilement.

  A015001833 

 On peut croire cependant, que le roi a des dispositions excellentes et très chrétiennes.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001833 

 Si cet état de choses persévère, il est à craindre qu'il n'en résulte pour ce royaume un dommage considérable et une déplorable division; d'autant plus que le roi devant prendre dans trois ou quatre ans l'administration de l'Etat, il sera facile au parti hostile à l'autorité du Saint-Siège de tourner ce prince du côté où celui-ci verra quelque apparence d'étendre ses droits, tant est grande l'inclination des hommes à dominer sans aucune dépendance.

  A015001834 

 Il faut ajouter que les raisons des adversaires flattent l'oreille des grands, non pour leur justesse, mais parce qu'elles favorisent leurs vues; il ne manquera pas non plus de théologiens qui, pour diverses considérations, embrasseront le parti de la division..

  A015001836 

 Sans doute, il faut louer le zèle des prédicateurs qui se sont opposés à l'insolence des adversaires; mais puisqu'on voit que par la continuation des plaidoyers, des controverses, des altercations, le feu s'allume au lieu de s'éteindre, le silence sera bien plus avantageux que la discussion elle-même.

  A015001839 

 Aussi faudrait-il que maintenant en France, tous les prédicateurs prissent à tâche d'inculquer suavement, et non violemment, l'unité de l'Eglise et le dévouement des catholiques pour le Pasteur suprême, sans entrer dans la discussion de son autorité particulière sur les princes.

  A015001841 

 Ce qui pourrait aussi faciliter le succès, serait de recommander l'affaire aux Provinciaux et aux Généraux d'Ordres, d'adresser des Brefs pleins de bienveillance aux Universités, en particulier à la Sorbonne, et aussi aux Prélats, témoignant en tous avec quelle affection paternelle Sa Sainteté souhaite la conservation de ce royaume, et combien elle désire que tous dressent les peuples à la vraie et sincère obéissance et soumission que les sujets doivent à cette couronne..

  A015001841 

 Cette union n'est pas si difficile à ménager, pourvu qu'on en fasse bien saisir l'importance à la reine, qu'on ait des hommes capables d'aider adroitement M gr le Nonce et de se familiariser les uns avec les autres.

  A015001843 

 « Le remède vient trop tard, lorsque, par de longues négligences, le mal a fait des progrès.

  A015001855 

 Quant a ce que vous me demandes, quelle authorité le Pape a sur le temporel des royaumes et principautés, vous desires de moy une resolution « esgalement difficile et inutile.

  A015001856 

 Difficile, non pas certes en elle mesme, car au contraire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'offence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extremités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un pere que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur pere..

  A015001858 

 A quel propos nous imaginer des pretentions, pour nous porter a des contentions contre celuy que nous devons filialement cherir, honnorer et respecter comme nostre vray Pere et Pasteur spirituel?.

  A015001858 

 Certes, icy je suis dans l'Estat d'un Prince qui a tous-jours fait tres particuliere profession d'honnorer et reverer le Saint Siege apostolique; et neanmoins, nous n'oyons nullement parler que le Pape se mesle, ni en gros ni en detail, de l'administration temporelle des choses du païs, ni qu'il interpose ou pretende aucune authorité temporelle sur le Prince, ni sur les officiers, ni sur les sujetz en façon quelconque: nous nous donnons plein et entier repos de ce costé la et n'avons aucun sujet d'inquietude.

  A015001859 

 Je vous le dis sincerement, ma tres chere Fille: j'ay une douleur extreme au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent, [192] et en lieu de la decider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs ames, et en la deschirant, deschirent la tres sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la conversion des heretiques..

  A015001860 

 Et pour vostre repos, voyci des petitz retranchemens dans lesquelz vous retirerés vostre esprit a l'abri et a couvert..

  A015001861 

 Le Pape est le souverain Pasteur et Pere spirituel des Chrestiens, parce qu'il est le supreme Vicaire de Jesus Christ en terre; partant, il a l'ordinaire souveraine authorité spirituelle sur tous les Chrestiens, Empereurs, Rois, Princes et autres, qui, en cette qualité, luy doivent non seulement amour, honneur, reverence et respect, mais aussi ayde, secours et assistance envers tous et contre tous ceux qui l'offencent, ou l'Eglise, en cette authorité spirituelle et en l'administration d'icelle.

  A015001861 

 Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste defense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chrestiens, ses enfans spirituelz, pour la juste defense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire.

  A015001862 

 L'authorité de l'un n'est point contraire a l'autre, ains elles s'entreportent l'une l'autre; car le Pape et l'Eglise excommunient et tiennent pour heretiques ceux qui nient l'authorité souveraine des Rois et Princes, et les Rois frappent de leur espee ceux qui nient l'authorité du Pape et de l'Eglise, ou s'ilz ne les frappent pas, c'est en attendant qu'ilz s'amendent et humilient..

  A015001901 

 Helas! ouy, ma tres chere, toute vrayement tres chere Fille; mays si faut-il que ce soit en courant, car j'ay fort peu de loysir, et n'estoit que mon sermon, que je vay tantost faire, est des-ja tout formé dans ma teste, je ne vous escrirois autre chose que le billet ci-joint..

  A015001902 

 Ce n'est autre chose qu'une vraye insensibilité qui vous prive de la jouissance, non seulement des consolations et inspirations, mais aussi de la foy, esperance et charité.

  A015001903 

 Helas! Seigneur, si tel est vostre bon playsir que je n'aye nul playsir de la prattique des vertus que vostre grace m'a conferees, j'acquiesce de toute ma volonté, quoy que contre les sentimens de ma volonté..

  A015001904 

 C'est le haut point de la sainte resignation de se contenter des actes nuds, secs et insensibles, exercés par la seule volonté superieure; comme ce seroit le superieur degré de l'abstinence de se contenter de ne manger jamais sinon avec desgoust, a contrecoeur, et non seulement sans goust ni saveur..

  A015001932 

 Ce porteur, qui est filz d'un tres bon pere et lequel est de mes meilleurs amis, n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il desire, il vous en seroit plus aggreable.

  A015001949 

 Il m'a des-ja tant ennuyé par la dureté avec laquelle il traitte cette pauvre femme, que s'il ne fait autre chose, je la veux prendre avec luy le plus asprement que je pourray, et ne doute point qu'il ne soit en mon pouvoir de le ruyner, si je m'y resous..

  A015001968 

 Elles vont par tout furetant, sucçant et picorant tandis que leur esté et leur automne dure, et l'hiver arrivé, elles se treuvent sans retraitte, sans munition et sans vie; ou nos chastes abeilles, qui n'ont pour objet de leur veuë, de leur odorat, de leur goust, que la beauté, la suavité et la douceur des fleurs rangees a leur dessein, outre la noblesse de leur exercice, ont une fort aymable retraitte, une munition aggreable et une vie contente parmi l'amas de leur travail passé..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001969 

 Et ces ames amoureuses du Sauveur, qui le suivent en nostre Evangile jusques sur le haut du desert, y font un plus delicieux festin sur l'herbe et les fleurs, que ne firent jamais ceux qui jouissoyent de l'appareil somptueux d'Assuerus, ou l'abondance estouffoit la jouissance parce que c'estoit une abondance des viandes et des hommes..

  A015001974 

 Dieu m'a favorisé d'avoir peu escrire tout d'une haleyne, quoy que presque sans haleyner, ces quatre petitz motz a mes tres cheres filles, qui, mises ensemble comme fleurs en un bouquet, sont delices a la Mere de la Fleur de Jessé et la fleur des meres.

  A015002037 

 Ma fille [de Vignod] doit estre bien sur ses gardes [211] pour ne donner aucun sujet aux hommes de soupçon, par aucun desreglement de contenance, ou amusement, ni sujet de jalousie a l'Espoux celeste, qui est, a la verité, jaloux des ames qu'il favorise, affin qu'on ne distraise de son amour aucune affection pour l'appliquer a la creature.

  A015002061 

 Je croy que l'on considerera qu'il n'y a pas de loy au monde qui m'ayt privé de l'usage de mon authorité ecclesiastique en la provision des benefices de mon diocese; et que, comme M. l'Archevesque de Lyon pourvoit en Bourgoigne Comté, M. l'Evesque de Grenoble en Savoye et a Chamberi mesme, non obstant leur residence au royaume, de mesme dois-je jouir de l'authorité de pourvoir dans le royaume, quoy que je sois habitant en Savoye..

  A015002080 

 Je les voy, certes, avec un cœur plein de pitié, quand je considere qu'ilz sçavent que Dieu merite d'estre preferé, et n'ont pas neanmoins le courage de le preferer quand il en est tems, crainte des paroles des mal advisés..

  A015002080 

 Mays mon Dieu, ma tres chere Fille, que dirons-nous de ces hommes qui apprehendent tant l'honneur de ce miserable monde et si peu la beatitude de l'autre? Je vous asseure que j'ay eu des estranges afflictions de cœur, me representant combien pres de la damnation eternelle ce cher cousin s'estoit mis, et que vostre cher mary l'y eust conduit.

  A015002091 

 M me de Limogeon me pria il y a bien sept mois, de luy tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris [216] en fort grand honneur; mais je le treuve encor plus grand et plus aggreable, puisque c'est avec cette heureuse rencontre que vous le deves tenir avec moy; ce que je prens a presage qu'un jour je pourray bien avoir la consolation d'en tenir un des vostres.

  A015002143 

 Mays d'ou m'arrive-il que je n'ayme pas bien, puisque des maintenant je puis bien aymer? O ma Fille, prions, travaillons, humilions-nous, invoquons cet amour sur nous..

  A015002143 

 Mon Dieu, ma chere Mere, que j'admire la contrarieté qui est en moy, d'avoir des sentimens si purs et des actions si impures! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent desirables.

  A015002165 

 L'une des opinions maudites et réprouvées que l'infâme Calvin enseigna avec plus d'ardeur et d'impudence dans la malheureuse cité de Genève, ce fut le mépris des Saints qui règnent au Ciel avec [223] Jésus-Christ.

  A015002166 

 De fait, en plusieurs circonstances, un grand nombre de personnes ont éprouvé l'efficacité de son intercession en faveur de ceux qui, avec une vraie confiance en Dieu, recourent à ses prières; d'autres cependant n'osent l'invoquer tant que la sainte Eglise ne l'a pas mis au nombre des Saints..

  A015002167 

 Elle causera aux ennemis des Saints une grande confusion, consolera grandement les âmes dévotes, éveillera dans les princes le désir d'imitation, enfin elle sera un sujet d'allégresse et de bénédiction pour toute l'Eglise, mais surtout pour ce diocèse désolé où naquit et fut élevé ce grand Prince qui, ainsi que son nom même l'atteste, fut tant aimé de Dieu et l'aima si ardemment..

  A015002168 

 Dans ces pays, en effet, les hérétiques ont un grand mépris pour les Saints; il est donc fort à propos de mettre devant leurs yeux cette lampe qui brilla jadis parmi leurs ancêtres: ils y verront une vie d'une piété admirable et des miracles d'une merveilleuse évidence..

  A015002168 

 Il exalta de tout son cœur le nom divin, mais en retour, la divine Majesté a glorifié le sien, et par une telle multitude de vrais miracles, qu'on verra clairement, au moment des informations, que cette canonisation a été différée jusqu'ici par une providence de Dieu.

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002213 

 Celle-ci, étant aujourd'hui devenue catholique par la grâce de Dieu, conçoit des scrupules au sujet de son mariage, parce que quelques personnes lui ont dit que ce Crispiliani de Crassy avait été prêtre ou religieux profès.

  A015002262 

 Mais necessayrement il faut que je sois icy des le commencement de septembre'jusques au 20, pour la celebration d'un Jubilé que nous y avons de sept ans en sept ans.

  A015002297 

 Je cheriray des-ormais le pauvre petit livret de l' Introduction a la Vie devote plus tendrement que je [237] n'ayfait, puis qu'il m'a acquis lhonneur de vostre sainte bienveuillance, et me sentiray de plus fort obligé au P. Irenee qui, le premier, m'a donné la consolation de me le faire sçavoir.

  A015002298 

 Je vous en fay donq tres humblement action de graces, et des bons souhaitz que vous faites pour mon restablissement dedans ma miserable ville de Geneve, pour laquelle je fay cette courte orayson: Domine, aut convertatur, aut evertatur; sed, pro tua pietate, potius convertatur quam evertatur, et « quod nostra peccata præpediunt, indulgentia tuæ propitiationis acceleret.

  A015002319 

 Voyla du saint metail que j'envoye pour vos parroissiens, qui, esperans des benefices par l'intercession de saint Theodule qui l'a beni, devront tascher d'assister a la Messe qui se celebrera a son honneur au jour que nous avons marqué de sa feste au Manuel.

  A015002333 

 Mays pensés comme ce grand homme avoit gravé au milieu de son cœur la Sainte Vierge et son Enfant despuis le jour de la Visitation, auquel il ressentit, le premier des mortelz, combien la Mere de cet Enfant et l'Enfant de cette Mere estoyent aymables.

  A015002334 

 Et voyla donq, ma tres chere Fille, un bouquet spirituel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux benissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la [240] rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poignante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux.

  A015002344 

 Je prens a tant d'honneur la recherche quil vous a pleu de faire de mes predications pour l'Advent et Caresme prochain, que si vostre rang en l'Eglise et le merite de tant de personnages signalés desquelz vostre compaignie est composee ne m'avoit des-ja obligé a vous honnorer et respecter, je ne laisserois pas de l'estre extremement par cette favorable semonce que, de vostre grace, vous m'aves faitte, a laquelle je vous supplie de croire que j'ay fidellement correspondu par un sincere'desir d'y satisfaire.

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002346 

 Que si, apres ces longueurs qui sont ordinaires es cours, la response de Son Altesse m'arrivoit selon vostre desir et le mien, et qu'il vous pleust me conserver l'eslection que vous avies faite de moy pour une autre annee, je vous asseure, Messieurs, que je conserveray de mon costé la volonté que j'avois prise de suivre la vostre; volonté que je vous offre des maintenant avec un bien humble remerciement, pour demeurer toute ma vie,.

  A015002359 

 Ce gentilhomme, qui a en ce païs plusieurs alliés dignes de recommandation, recourt a la justice de Vostre Altesse Serenissime pour tirer rayson d'un homme qui est maintenant a Thurin, des-ja remarqué pour desloyal, ainsy qu'on luy a fait entendre.

  A015002359 

 Et bien que la justice ne soit desniee a personne, si est ce que, si Vostre Altesse le reçoit en sa speciale protection pour ce regard, il espere qu'il jouira beaucoup plus tost des fruitz qu'il en pretend; et pour cela, il implore sa bonté, a quoy j'adjouste ma tres humble intercession, qui suis,.

  A015002375 

 Je suis marri que la copie que je vous envoyay des Constitutions de la Visitation est si incorrecte; mais je pense que vous entendres bien le sens.

  A015002377 

 Ce porteur estant tout mien et l'un des plus vertueux et devotz prestres, je luy ay dit quil vous donnast en main ce billet..

  A015002378 

 La chere cousine est a Presle des il y a, je pense, dix ou douze jours, et je ne l'avois pas veu (sic) dix ou douze jours au paravant, de sorte quil y a long tems que je ne l'ay pas veüe; mays elle se porte pourtant [bien] et est tous-jours fort desireuse de s'avancer au service de Nostre Seigneur..

  A015002395 

 La petitesse, neanmoins, du logis et l'incommodité des Filles de la Visitation ne permettront pas encor sitost qu'elle soit consolee.

  A015002396 

 Je travaille apres le livret que vous souhaites, et seres des premiers a qui j'en dedieray une copie, si jamais Dieu me le fait voir au jour..

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002435 

 Ce sont quelques jeunes filles de cette cité, très dévotes et très désireuses d'entrer en Religion; mais voyant qu'elles étaient si loin des monastères de femmes, qu'à peine pourraient-elles jamais jouir des noces tant désirées du céleste Epoux, elles ont pensé à bâtir un monastère en ce lieu.

  A015002435 

 Oui, Serenissime Prince, cette association de jeunes filles, quoiqu'elle désirât prendre un Institut approuvé par l'Eglise et depuis longtemps établi en Bourgogne, a rencontré bien des contradicteurs parmi les enfants de ce siècle qui bien souvent, par une effroyable malice, renversent la piété au nom de la piété même; et ainsi, cette œuvre si sainte n'a pu aucunement se faire.

  A015002436 

 Dans un tel embarras, plusieurs ont essayé d'enlever tout espoir à des âmes si simples; toutefois, celles-ci ont repris confiance, et non sans raison, lorsque jetant les yeux sur l'éminente piété de Votre Altesse, elles ont pensé à bon titre en obtenir sans peine le secours qui écarterait tous les obstacles.

  A015002437 

 Je trouverai en effet pour m'aider à plaider ma cause, la douceur qui est naturelle à Votre Altesse, l'esprit de piété qui lui a été départi, la dévotion qu'elle a acquise et enfin la malheureuse condition de notre temps, qui exige bien des prières, et partant beaucoup d'âmes qui prient.

  A015002449 

 Il est vray qu'ilz tendent la main; car, malgré la resistance de leurs inclinations, ilz se laissent gouverner volontairement contre leur volonté, et disent qu'il vaut mieux obeir que faire des offrandes: et voyla comm'ilz glorifient Dieu, crucifiant non seulement leur chair, mais leur esprit..

  A015002450 

 Vrayement hier, tandis que l'on chantoit l'Invitatoire et qu'on disoit: « Vive le Roy des Apostres! Venes et adorés le, » j'eus un si doux et amiable sentiment que rien plus, et soudain je desirois qu'il s'espanchast sur tout nostre cœur..

  A015002461 

 Ceux de Geneve ont esté estonnés et marri (sic) qu'on ayt mis en compromis la restitution des biens quilz tiennent dans la souveraineté de France, et n'ont pas manqué d'avancer que Son Altesse les traittoit mieux pour ce regard..

  A015002461 

 Le commissayre deputé pour me mettre en ladite possession est un simple conseiller de la cour de Parlement de Digeon, qui vint luy troysiesme; et neanmoins, s'est fort bien sceu fair'obeir, non obstant toutes les allegations et repugnances des heretiques.

  A015002479 

 Dieu eternel veuill'a jamais establir la royauté du Roy vostre filz, puysque vous aves si grand soin du restablissement de celle de son Filz, Roy des roys; Dieu remplisse vostre royale personne de ses benedictions, puisque, par l'authorité quil vous a donnee, vous faites benir son saint nom en tant d'endroitz esquelz il estoit prophané..

  A015002492 

 Certes, mon cœur en a esté autant vivement touché que de perte que j'aye faite il y a long tems; car la bonté, la pieté et la vertu que j'avois veuës en cette belle ame m'avoyent tellement rendu obligé a l'honnorer, que des-ormais j'en faysois une profession [257] solemnelle.

  A015002492 

 Qu'elle est heureuse, cette chere dame, d'avoir, parmi tant de douleurs et de travaux, conservé la fidelité qu'elle devoit a son Dieu, et que ce m'a esté de consolation d'avoir sceu une partie des paroles de charité que son esprit a lancees, avec ses derniers souspirs, dans le sein de la misericorde divine!.

  A015002493 

 Mays, Monsieur, n'auray je pas une immortelle obligation a la faveur qu'elle me faysoit, puisqu'en cette extremité de sa vie mortelle, elle a si souvent tesmoigné qu'elle avoit memoire de moy, comme de celuy qu'elle sçavoit luy estre tout dedié en Nostre Seigneur? Jamais cette souvenance ne sortira de mon ame, et ne pouvant luy offrir le service tres fidele que j'avois juré a sa vertu et devotion, je vous conjure, Monsieur, de l'accepter et recevoir avec celuy que l'honneur de vostre bienveuillance avoit des-ja acquis sur mes affections.

  A015002495 

 Monsieur, je respandray toute ma vie des benedictions sur madame vostre chere defuncte, et seray invariablement.

  A015002504 

 Hé, que belle est cette Aube du jour eternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus croissant es benedictions de son incomparable gloire! Qu'a jamais les odeurs d'eternelle suavité esparses sur les cœurs de ses devotz, remplissent celuy de ma tres chere Mere comme mon cœur propre, et que nostre chere petite Congregation, toute voüee a la louange de son Filz et des mammelles sacrees qui l'ont alaité, jouisse des benedictions preparees aux ames qui l'honnorent..

  A015002506 

 Entreprenons des grandes choses sous la faveur de cette Mere, car si nous sommes un peu tendres en son amour, elle n'a garde de nous laisser sans l'effect que nous pretendons.

  A015002519 

 Aussi n'ay-je rien de nouveau des la derniere lettre que je vous escrivis, sinon que nous avons veu en cette ville plusieurs colomnes enflammees sur Geneve, et la veille de l'Assomption, entre midi et un'heure, en un jour fort clair, un'estoile asses proche du soleil, aussi brillante et resplendissante qu'est la bell'estoile en une nuit bien seraine..

  A015002527 

 Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy,.

  A015002593 

 Voyla le sujet que j'ay de vous escrire sans loysir, vous asseurant que si monsieur Carrel n'est parti, il [267] recevra la commission desiree, car monsieur de la Roche m'en fit donner advis des avanthier au soir..

  A015002611 

 Vous deves mesurer la longueur de vos prieres a la quantité de vos affaires; et puis qu'il a pleu a Nostre Seigneur de vous mettre en une sorte de vie en laquelle vous aves perpetuellement des distractions, il faut que [268] vous vous accoustumies a faire vos oraysons courtes, mays qu'aussi vous les vous rendies si ordinaires, que jamais vous ne les layssies sans grande necessité..

  A015002612 

 Le soir, avant qu'aller coucher, vous pourrés, faysant autres choses, en quel lieu que ce soit, faire la reveuë de ce que vous aurés fait parmi la journee, de gros en gros, et, allant au lict, vous jetter briefvement a genoux, demander pardon a Dieu des fautes que vous aures commises, et le prier de veiller sur vous et vous donner sa benediction: ce que vous pourrés faire courtement, comme pour un Ave Maria.

  A015002614 

 Croyés-moy, ma chere Fille, [269] Dieu ayme les ames qui sont agitees des flotz et tempestes du monde, pourveu qu'elles reçoivent de sa main le travail et, comme vaillantes guerrieres, s'essayent de garder la fidelité emmi les assautz et combatz.

  A015002638 

 Mays voyci que de toutes pars on m'asseure qu'elle vient dans peu de jours avec Monseigneur le Prince a Chamberi, et nostre monsieur le premier President Favre estime que sadite Altesse me retient de deça pour m'y treuver a sa venue: de sorte que me voyla en perplexité, car si le Pape mesme me commandoit d'aller, et Son Altesse, estant de deça, me retenoit avec promesses que le Pape n'auroit pas des-agreable, je serois bien en peyne, comme vous pouves penser.

  A015002639 

 Certes, si Son Altesse ne venoit point, l'authorité du Pape seroit toute [272] puissante, car j'employeroys son commandement sans prendre congé que par lettres; mais Son Altesse estant icy, j'aurois peyne a me desmesler des repliques qui me seroyent faites et ne croys pas que je le puisse.

  A015002646 

 Monsieur des Hayes,.

  A015002661 

 Nous avons ces moys passés retiré environ 25 eglises [274] des mains des huguenotz autour de Geneve, que j'espere repeupler de bons pasteurs, comm' encor d'en retirer davantage, s'il plait a Dieu de toucher le cœur des Princes affin qu'ilz conspirent a la sanctification de son saint nom.

  A015002672 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes..

  A015002711 

 Je m'asseure qu'elle vous respondra selon vostre desir, et la pensee qui vous est venue au contraire est une vayne pensee; car vrayement ces bonnes filles ont des cœurs tout plains de tres [278] saint et ferme amour pour vous, de qui elles receurent une grande consolation en la sorte avec laquelle vous listes vostre demande..

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002713 

 Nous verrons de conduire tout bellement l'esprit des freres, et attendray que vous me facies sçavoir ce que vous aures fait avec la bonne mere.

  A015002729 

 Certes, j'ay esté en peyne de la pauvre chere Francine, laquelle j'espere devoir estre une bonne servante de Nostre Seigneur et qui ne laissera pas, moyennant la grace cæleste, d'aller au Ciel apres avoir rendu des bons services a Dieu entre les hazars de cette vie mortelle.

  A015002730 

 J'envoyay a M. des Crilles ce qu'elle desiroit de moy, et croy que vous aures fait tenir a nostre seur de Bons la lettreque je vous addressay.

  A015002731 

 M me de Chantal vous salue mille foys, des l'autre jour que je la vis.

  A015002748 

 Je n'ay pas de quoy respondre aux paroles d'honneur extraordinaire que vous employés en ma faveur es deux lettres que, de vostre grace, j'ay receues de vostre part des que vous nous laissastes icy le desir de vostre presence.

  A015002749 

 La distance de nos sejours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidele et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moyen de la tesmoigner, si ce n'est par le commerce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la memoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'estre secourue de vos oraysons, et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre.

  A015002767 

 Vostre lettre pleyne de termes d'honneur, d'amour et de confiance, me raviroit du tout a vous, si des long tems je n'y estois tout dedié.

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002770 

 Les cœurs fortz et puissans ne se deulent que pour des grans sujetz, et encor, pour ces grans sujetz, ne gardent ilz guere le ressentiment, au moins avec trouble et empressement..

  A015002787 

 C'est pourquoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard; ce que je fay tres humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés..

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002833 

 Juges je vous supplie, Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy; car, ou ces benefices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et lhors, qu'est il besoin d'obtenir le [296] brevet mentionné? ou ilz ne le sont pas, et lhors, quelle temerité a des pauvres ecclesiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle consequence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz cherement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses.

  A015002833 

 Voyla, Monsieur, la copie des lettres de naturalité que vostre bonté a impetrees pour nos pauvres curés, esquelles je treuve une difficulté et un'impossibilité.

  A015002834 

 Mays icy en Savoye, ou on suit le stile des cours des Parlemens de France, nous connoissons du petitoire, et par consequent des tiltres; et a Vienne, je sçai qu'on en playde aussi.

  A015002836 

 Dieu, qui de sa grace a esté jusques a present avec moy en ce chemin ecclesiastique [297] par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour m'affeubler: c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour mon Dieu, a luy dresser des autelz a Gex, en France et par tout ou il luy playra employer ma misere pour la gloire de sa misericorde.

  A015002836 

 Et a ce propos, je vous remercie humblement de la bonne pensee que vous avies faite pour moy avec monsieur des Hayes, si je fusse allé a Paris.

  A015002848 

 et privé et Maistre des requestes de l'hostel de Sa Majesté..

  A015002861 

 Nos ambassadeurs de deça sont revenus de la diete de Bades, ou ilz pensoyent que l'authorité du Roy et l'entremise des Cantons catholiques auroyent disposé les Bernois a la restitution du païs de Vaux, ou au moins a convenir d'arbitres pour un journee amiable; mays ilz ont treuvé tout au contraire, car les Bernois n'ont quasi pas voulu entendre la proposition, et nul n'a parlé en nostre faveur.

  A015002870 

 [Monsieur] des Hayes, Maistre d'hostel du Roy,.

  A015002882 

 Que nous sommes bienheureux, ma chere Seur, d'avoir des travaux, des peynes et des ennuis! car ce sont les voyes du Ciel, pourveu que nous les consacrions a Dieu..

  A015002886 

 Ce seroit un tres grand bien qu'a Chamberi il y eust des Ursulines et voudrois bien y pouvoir contribuer quelque chose; car en fin, bonheur a ceux qui nourrissent [302] les enfans pour l'amour, crainte et service de Dieu.

  A015002891 

 Des-ormais on sera en peyne a refuser, et neanmoins il le faudra faire, si ce n'est pour quelque personne qui puisse rendre quelque extraordinaire service a Nostre Seigneur.

  A015002891 

 Il vous faut tous-jours dire des nouvelles de cette petite assemblee, laquelle, comme je croy, vous est chere..

  A015002910 

 Revu sur l'Autographe conservé à Turin, à la Maison-Mère des PP. Salésiens.

  A015002917 

 Et ce pendant, vous sçaves bien que vous ne deves pas jeuner aujourdhuy, car nostre glorieuse Reyne et Maistresse a besoin de ce peu de forces qui vous restent pour d'autres services qu'elle veut des-ormais tirer de vous..

  A015002920 

 Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Giraud, Aumônier du Noviciat des Frères des Ecoles chrétiennes, à Moulins.

  A015002927 

 Il est vray que nous fismes un decret, il y a environ trois [ans], ma tres chere Fille, que tant qu'on pourroit, on osteroit les bancs a femmes des chœurs de toutes les eglises, parce que cela est juste, bien seant et conforme aux anciennes coustumes des chrestiens.

  A015002928 

 La petite Congregation va croissant, ce me semble, en vertu comm'en nombre des filles..

  A015002941 

 Faites moy le bien de m'advertir, je vous supplie, quand M me d'Alufen sera arrivee a Chamberi, [308] et encor si l'envie que le bon Pere Thimothee a d'introduire a Chamberi l'Institut des Urselines pourra reuscir.

  A015002977 

 Accommodés vostre imagination a la rayson, vostre naturel a l'entendement, et aymés cette volonté de Dieu en ces sujetz d'eux mesmes desaggreables, comme si elle estoit en des sujetz les plus aggreables.

  A015003001 

 Mais je ne sçai nulles nouvelles de vostre santé, c'est a dire de l'estat de vostre pauvre jambe, de laquelle vous ne me faites nulle mention, non plus que si vous n'esties pas ma chere Fille, et que cette jambe ne fust pas la meilleure des deux pour vous avancer en la perfection de l'amour divin.

  A015003039 

 Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Aguas, de l'église nationale des Espagnols de Montserrat, à Rome..

  A015003059 

 Corrigés-vous tous-jours de quelque chose; mais ne faites pas ce bon office par force, ains taschés d'y prendre playsir, comme font les amateurs des exercices champestres a esmonder les arbres de leurs vergers..

  A015003071 

 Gardés vous des fortes applications de l'entendement, puis qu'elles vous nuisent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travaillés autour de vostre cher objet avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourres.

  A015003071 

 Il ne se peut faire que l'entendement ne face quelquefois des eslancemens pour s'appliquer, et il ne faut pas s'amuser a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction; mais il faut se contenter que, vous en appercevant, vous retournies simplement aux actions de la volonté..

  A015003072 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche.

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003077 

 Gloire luy soit es siecles des siecles.

  A015003095 

 J'oubliay hier de vous reprendre dequoy vous ne recevies pas en simplicité la parole de Dieu, ains avies des aversions qui vous la rendoyent moins suave des uns que des autres.

  A015003104 

 Je prieray Dieu pour cette ame et pour la consolation des siens..

  A015003105 

 Ne vous mettes pas en peyne de vostre orayson ni de cette varieté de desirs qui vous viennent, car la varieté des affections n'est pas mauvaise, ni le desir de plusieurs vertus distinctes.

  A015003105 

 Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte: Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont necessaires; comme, en telle occasion qui se presente, je me prepare a prattiquer telle vertu; et ainsy des autres.

  A015003115 

 Or, ainsy qu'elle me parla, il a [327] tout plein de bonne volonté pour nostre Congregation; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil saintement et devotement aggreable et aggreablement devot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congregation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de* Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four; et que puis quil a pleu a Dieu de donner commencement a cette petite Congregation dans sa ville principale, vous voules avoir une speciale devotion pour son salut et prosperité, et le tenir comme special protecteur.

  A015003139 

 Benissés Dieu du loysir qu'il me donne ces deux jours pour faire un peu d'orayson extraordinaire; car vrayement sa Bonté a respandu dans mon esprit tant de lumieres et dans mon pauvre cœur tant d'affection pour escrire en nostre cher livre du saint amour, que je ne sçay ou je prendray des paroles pour exprimer ce que j'ay conceu, si le mesme Dieu qui m'a fait concevoir ne me fait enfanter..

  A015003151 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que vostre affliction m'a touché vivement, ne doutant point qu'elle ne vous ayt esté fort rude, d'autant que vostr'esprit, comme celuy du reste des hommes, ne voyant pas la fin et intention pour laquelle les choses arrivent, il ne les reçoit pas en la façon qu'elles sont, mais en la façon quil les sent..

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003152 

 Dites moy, je vous supplie, ne pouvoit-il pas devenir avec l'aage fort desbauché? Ne pouvies vous pas recevoir beaucoup de desplaysir de luy a l'advenir, comme tant d'autres meres en reçoivent des leurs? car, ma chere Fille, on en reçoit souvent de ceux desquelz on en attend le moins.

  A015003154 

 Or sus, voyla donq vostre petit enfant au Ciel, avec les Anges et les saintz Innocens; il vous sçait gré du soin que vous avés eu de luy ce peu de tems quil a esté en vostre charge, et sur tout des devotions faites pour luy.

  A015003173 

 Entr'autres causes de ma defiance, c'est que voyci arriver M. l'Aumosnier de Belleville, [333] qui est celuy qui m'a escrit pour M me des Gouffier, et la rayson veut, que venant expres pour me voir, je luy en donne le plus de commodité que je peurray.

  A015003174 

 J'ay des-ja travaillé deux heures en l'Amour de Dieu.

  A015003255 

 Je ne puis dignement vous remercier des beaux presens qu'il vous a pleu m'addresser, que j'ay receus avec [344] une extreme joye, non certes pour leur valeur, qui est grande, mais parce que ce sont de grans tesmoignages du cœur que vous aves envers moy, m'estant envoyés avec bien du soin et incommodité.

  A015003277 

 Voyla des lettres qui m'ont esté rendues aujourdhuy, les unes venant de Chamberi, les autres de Bourgoigne.

  A015003278 

 Au demeurant, je parlay a monsieur de Treverney asses longuement et doucement de vos affaires; il me dit [347] qu'a son advis, vous vous trompies grandement en l'estime des biens de feu monsieur vostre pere, et quil se treuveroit que vous avies esté portionnee tres suffisamment.

  A015003295 

 Ce soir je vous iray voir, car j'ay des-ja demandé mon congé pour deux heures..

  A015003295 

 Voyla des lettres de M me la Presidente, et une medaille et certains Agnus Dei et des livretz qu'ell'envoye a sa fille.

  A015003322 

 Et sur cela, je regrette que vostre esprit, digne de traitter des meilleurs sujetz, soit employé a favoriser un homme de si peu de merite.

  A015003332 

 Le P. de Lesseau, de l'Ordre des Celestins..

  A015003346 

 Ce pendant, il faudra donq escrire dans le livre quelque chose, a mesure que, parmi les frequentes pensees que j'ay sur vous, il plaira a Nostre Seigneur jetter dans mon cœur des advis propres pour le vostre..

  A015003359 

 Je participe plus que nul autre a vostre desplaysir, lequel, a mon advis, ne durera plus guere quant a l'occasion pour laquelle vous l'aves maintenant; car des-ja l'autre jour, que monsieur le Prieur vint a Sales, je luy fis la moytié de la resolution que je luy envoye du tout maintenant.

  A015003359 

 Mays pourtant, cet esprit-lâ voudra tous-jours des occupations plus que suffisantes, car il est excessif en desseins.

  A015003361 

 Monsieur Soudan me demande tous-jours de pouvoir playder pour retirer les biens ecclesiastiques de sa parroisse, et dit que tout depend de vous, a rayson des patentes.

  A015003380 

 Sur les plaintes qui me furent faites de monsieur l'Abbé de la Tour, a rayson des bastonnades qu'il avoyt donnees au sieur Berthelot, la grandeur du respect que je doys a Vostre Altesse me suggera de ne point entreprendre de justice sur la personne dudit sieur Abbé, puys qu'il estoit ambassadeur ordinaire de Vostre Altesse et n'estoit icy que par maniere de passage, et de jour a jour en attente de retourner a l'exercice de son ambassade.

  A015003398 

 Vous deves avoir un grand soin de ranger vostre esprit a la paix et tranquillité, et estouffer ces mauvaises inclinations que vous aves, par une attention a la prattique des vertus contraires, en vous resolvant d'estre plus diligente, attentive et active a la prattique des vertus.

  A015003411 

 Et bien quil y eut quelque chose de ce qu'on dit des excommunications, je ne laisserois pas de m'acheminer, esperant qu'en toutes occasions Dieu me fera la grace de ne point m'oublier du devoir que j'ay a l'Eglise et au Prince..

  A015003417 

 Je reçois des nouvelles pour lesquelles peut estre je seray obligé de partir un peu plus tost; ainsy faut il changer selon le tems, mais sur tout selon ce que Dieu permet par sa providence..

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003433 

 Enfin, tout nostre Caresme s'est passé en cette pauvre petite ville a nous defendre presque tous des calomnies qu'on jettoit indifferemment sur le tiers et le quart, a rayson de ces miserables bastonnades.

  A015003441 

 [Monsieur des] Hayes,.

  A015003455 

 Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que par plusieurs travaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux, et que les croix et afflictions sont plus aymables que les contentemens et delectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy et pour tous ses vrays serviteurs.

  A015003456 

 Et ce pendant, je m'employeray de tout mon cœur, affin d'ayder vostre mary, envers tous ceux que je croy avoir du credit pour le faire delivrer et que je sçauray vouloir faire quelque chose a ma contemplation; et des-ja j'ay commencé ce bon office des avant hier, vous cherissant comme ma vraye fille, et tout ce qui vous appartient, pour l'amour de Nostre Seigneur a qui vous appartenes, la volonté duquel soit faite es siecles des siecles.

  A015003467 

 J'ay response de M me d'Aiguebellette qui dit que M lle des....

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003476 

 O vrayement, elle est belle en extremité, la chappe que la plus chere mere qui vive envoye a son tres cher pere; [367] car elle est toute au nom de JESUS et de MARIE, et represente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jesus est le soleil et Marie la lune luminaires presens a toutes les estoilles de cette sainte habitation; car Jesus y est tout a tous, et n'y a point d'estoille en ce globe celeste en laquelle il ne soit representé comme en un miroüer.

  A015003477 

 Benite soit a jamais la chere main de ma Mere qui a si bien sceu faire ce bel ouvrage! Que cette main soit propre a faire des choses fortes, et tout esgalement a manier le fuseau.

  A015003500 

 Certes, Bertelot n'avoit que faire de s'opposer a luy en la conduite des dames; car, comme vous sçaves, c'est un gentilhomme de si bon lieu, que, comme que ce soit, encor le faut-il respecter..

  A015003500 

 J'escris a part ce billet pour laisser l'autre lettre en estat de pouvoir estre monstree a monsieur le marquis de Lans; et si je ne l'avois escritte si precipitamment, j'eusse voulu quil l'eut envoyee ou a monsieur le Chancelier, ou a quelqu'un qui eut entrepris de bien [370] representer a Son Altesse la malice et le venin des ennemis de nostre pauvre parent, qui est la, mussé comme un lievre dans Marcia, avec une fort exacte obeissance.

  A015003501 

 Or, il suffit si l'on peut faire l'office au pauvre parent des-ja banni du Genevois et serré dans une mayson seule.

  A015003502 

 Si madame la Comtesse nous envoye des bouteilles, on les emplira tant quil y aura du piqu'ardent, et si nous [371] eussions eü des ampolons a suffisance, nous n'eussions pas oublié de vous envoyer vostre part.

  A015003543 

 Qu'a jamais soyons nous a Dieu, vous comme moymesme, moy comme vous mesme, puisqu'il a ainsy pleu a sa divine Bonté, a laquelle soit gloire es siecles des siecles.

  A015003560 

 O Dieu, ma Mere, laissons nos enfans a la mercy de Dieu, qui a laissé le sien a nostre mercy; offrons luy la vie des nostres, puisqu'il a donné la vie du sien pour nous.

  A015003571 

 Au demeurant, Disdiere n'est pas assez clairvoyante pour juger dignement de mes actions et beaucoup moins [377] de mes intentions, et partant vous aves bien fait, et tous mes amis aussi, de ne point la croire quand elle vous a dit que je m'estois destournee de la vraye foy en un seul Christ, pour adhserer aux fables, traditions et inventions des hommes.

  A015003572 

 J'ay treuvé qu'on y prioit les bienheureux Saintz, non comme compaignons, mais en qualité d'aggreables et tres humbles serviteurs de Jesuschrist, non point pour desfiance de la bonté et charité divine envers nous, mays pour prattiquer et se prævaloir de la communion des Saintz.

  A015003572 

 Je confesse bien pourtant en bonne foy, que l'une des choses qui m'a le plus aydee a me fayre voir l'erreur auquel je vivoys, a esté la confession de foy que j'ay veu faire icy aux Chrestiens catholiques, mise en comparayson avec l'accusation qui s'en fait ordinayrement es sermons et conferences de messieurs les ministres.

  A015003572 

 Je ny ay point treuvé d'idoles, ains des [378] images de Jesuschrist, exterminateur des idoles, et des portraitz des Saintz, qui ont perdu la vie plustost que de souffrir les idoles.

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003586 

 Mais despuis, le Pere Cherubin m'a remis des Bulles [382] de nostre Saint Pere pour les executer, par lesquelles il m'est commandé de ranger la Sainte Mayson de Thonon a l'observation de certains articles signés par Monsieur le Nonce de Turin et de Son Altesse, lesquelz entr'autres choses, mettent ladite Mayson sous la protection de la Milice des saintz Maurice et Lazare..

  A015003587 

 Sil se pouvoit faire que Sa Sainteté envoyast la mission des Carmes reformés, delaquelle il a esté parlé, pour le balliage de Gex, ce seroit un grand bien, et le Roy l'auroit aggreable, comme monsieur le baron de Lux me l'a escrit..

  A015003604 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A015003605 

 avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A015003633 

 Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des heretiques; à quoy l'on doit avoir consideration, mesme les reparations qu'il convient y faire presentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des decimes pour ceste annee.

  A015003653 

 Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pecheur et le dernier de nostre Compaignie; mais Dieu me donnoit des mouvemens si vifs d'asseurer madame de Chantal que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos levres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges..

  A015003670 

 Je me raffreschis aussi la memoire tous les jours des bonnes et salutaires instructions qui vous a pleu me despartir, en la lecture des beaux livres que je tiens cherement de vous, Monseigneur, ou je trouve le remede à tous mes maux.

  A015003685 

 Ainsi, Monseigneur, je vay, avec les griffes de ma plume, vous carresser comme mon cher maistre, et vous demander quelques unes des miettes qui tombent sous vostre table, lorsque vous rompé le pain de salut a vos cheres Filles..

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003737 

 Tellement que, par le silence que m en a du despuis fait ledit Girod (auquel j'avois donné charge d'en suivre les poursuittes), a cause d'une maladie qui des lors l'a retenu au lit jusques a present, je croyois que luy en aviez relasché la possession..

  A015003739 

 Et quant a ce qui concerne le service que je doibs faire celebrer en laditte chappelle, je veux tousjours rendre mon debvoir et payer le prestre qui le voudra faire au jour de la fondation; mais d'y entretenir ung, je ne le puis, tant pour en estre dispencé, que a cause des grandes charges que je paye a ma Religion, joinct que le revenu n'est suffizant pour l'y entretenir.

  A015003770 

 Appres en avoir dict ung mot a Sa Majesté, comme l'on doibt, et dont je me prometz telle responce que vous sçauriez desirer, je menageray vers l'un des trois vostre contentement, et sy je ne suys assez fort, je manderay de vos amys..

  A015003773 

 Il aura des auditeurs aultant que l'eglise en pourra tenir, quy est assez cappable.

  A015003773 

 L'on estimera quil a plustost defferé a la supplication de son serviteur qu'a la priere des plus grandes et favorisees parroisses..

  A015003773 

 Que sil acceptoyt une aultre chaise et que l'on luy donnast le logement ordinaire des predicateurs, cela ne seroyt convenable a sa qualité; sy l'on luy en donnoyt ung plus grand, cela l'obligeroyt a quelque despence.

  A015003773 

 Toutes les parroisses ont ceste mesme vollunté et plusieurs des principaulx d'icelles s'en sont addressez a moy.

  A015003774 

 Je luy en escriptz amplement, et luy envoye une lettre que Monsseigneur le Nunce residant en ceste ville, logé, comme vous sçavez, a l'hostel de Clugny, escript a Monsseigneur le Nunce de Thurin, auquel il mande que messieurs les parroissiens de S t Benoist, bien memoratifz du fruict des predications que Monsseigneur de Genevefve (sic) a faict aultrefoys en leur parroisse, d'ou il est maintenant, l'ont pryé luy escripre pour supplier Son Altesse d'avoir agreable que l'on prye Monsseigneur, pour le bien de la relligion, de prendre ceste peinne, et luy donner congé d'accepter la supplication que l'on luy en fera.

  A015003776 

 A. DES HAYES..

  A015003793 

 Il y a sept ans que l'on joua et representa quelques histoires a Sainct Mauris, tellement qu'a modelle de ce, l'on a faict dressé des eschaffaultz pour representer quelques histoires, ayanct esté faictes quelques despenses.

  A015003795 

 Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de necessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront representés par mondict Seigneur le Reverendissime; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde.

  A015003801 

 Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pleu d'inspirer le tres sainct Siege Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'eglise dressee soubz son nom, ou resident les Reverends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte eglise, de plusieurs privileges et indulgences; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté continuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, tres devotement celebré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont delaissé par escript et enseigné..

  A015003802 

 Et partant, ce jourdhuy, affin que chascun se contint a son debvoir quant au peuple, suivant l'ordonnance de noble et spectable sieur Jean Flocard, docteur es droitz, noble Jean Crochet, noble Guilliaume Meclard, honnoré de ce tiltre de procureur au Siege presidiai du Conseil du duché de Genevois, et noble François Marvin, scindics et consulz de la cité d'Annessy, et des seigneurs leurs Conseillers: messire Janus de Sales, chevallier de la saincte Religion de Sainct Jean de Jerusalem, residant pour maintenant a Malte, lieutenant de noble sieur Louys de Sales son frere, seigneur dudict lieu de Sales et de Thorens, a deux heures apres midy, auroit faict assembler partie des enfans et habitans de la ville, au son de 4 tambours, accompagnés du fiffre; qui, assemblés a la place du College, les a faict marcher comme cy apres:.

  A015003803 

 Apres luy, suivoit le susdict sieur lieutenant, habillé de riches vestements, portant l'aulse col aussi doré et gravé, et ung sergentin portant la houppe tissee de seye verte, meslee a fil d'or, et au bout de chasque cordon, des bouttons de mesme estoffe, le manche toutesfois de brisit (bisette?).

  A015003803 

 Les 4 capitaines des quatre penons de la ville sui voient ledict sieur lieutenant, portant chascun une [401] partisanne (pertuisane) doree, et couverts les manches de velours, deuement garnis de clouz dorés..

  A015003805 

 Lequel drappeau, ledict sieur Falcaz l'auroit reçu, gettant les genoux en terre, des mains du sieur premier Scindic; et apres les remerciations ordinaires, ledict sieur Falcaz seroit descendu portant a deux mains ladicte baucine et le drappeau neuf dans icelle, et auroit trouvé la compagnie qui avoit faict alte jusques a sa venue, et se meit a son rang: estans a ladicte compagnie davantage de 200, sans ledict chief et officiers..

  A015003809 

 Et puis, Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, revestu d'une chappe de drap d'or, assisté de deux sieurs chanoines revestus de tuniques de satin rouge, et ung prestre qui portoit au devant la croce, revestu de une chappe de damas roge (sic), estant pres des deux chantres portant des chappes de satin rouge et des miltres de damas a leurs testes et tenant leurs bastons d'argent en main; et dernier (derrière) mondict Seigneur, autre prestre revestu d'une chappe de damas rouge pour porter sa miltre..

  A015003809 

 Troisiesmement, la croix des devots Orateurs de Sainct Dominique, et apres eulx, les Reverends Chanoines reguliers du prieuré du Sainct Sepulcre.

  A015003810 

 Et estant entonné l'hymne Veni Creator Spiritus, la procession a commencé, au rang que dessus, a marcher, mise neanmoins en reng par le M e des Ceremonies de M rs de Sainct Pierre, qui portoit un beau baston d'argent et marchoit en teste de la croix de Sainct Pierre.

  A015003811 

 Puis suyvoient quatre petits enfans portans chascun une tocque armizee des armes de la ville, devant et dernier, portant chascun une torche cire blanche qui n'estoit allumee; estans suivis du secretaire de la ville tout seul, puis de messieurs les Scindics portans leurs bastons de scindicat en main, le premier revestu de sa robbe d'audience, ayant les parementz devant et des manches de velours, avec sa cornette.

  A015003815 

 Premierement, a la premiere porte de l'entree de ladicte eglise, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la tres sacree Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premieres lettres des motz MARIA VIRGO:.

  A015003837 

 Et arrivé mondict Seigneur aupres des degrés du jubé, ou estoit paré l'oratoire pour reposer Jesus Christ, a esté conduict par ledict sieur Doyen, avec les deux assistans, audict oratoire richement paré, ou il a reposé le Sainct Sacrement; et cependant, les deux cœurs des deux eglises chantoient en musique divers mottetz a la louange de nostre Dieu..

  A015003841 

 Oultre que ladicte chappelle, comme aussy tout le reste, estoit richement tapissee, sans seulement veoir cuing (coin), tant petit quil fut, qui ne fut couvert de tapisserie, et des plus belles, l'autel de ladicte chappelle estoit bien et devotement paré..

  A015003842 

 Au devant des personnages qui sont audict autel en bosse, estoit ung drap d'or qui leur arrivoit ung peu plus hault de la ceinture; le sainct siboire (tabernacle) revestu d'ung pavillon de toille d'argent, garny de ses escallins esclattans..

  A015003849 

 Et sur l'autel reposoit le tres sainct et tres adorable Sacrement dans ung siboire doré; deux grands anges dorés, mis l'ung d'ung costé et l'aultre a l'aultre, tenans chascun ung brandon et au dessus ung cierge cire blanche allumé, et dernier (derrière) ledict siboire estoient trois escallins richement elaborés; et tout dernier, sçavoir pres le Crucifix, ung parement de damas rouge parsemé d'estoilles d'or, et tout autour dudict oratoire, des tappisseries de peau doree, neufves.

  A015003850 

 A l'une des dictes petites, sçavoir a celle du costé du clochier, estoit dressé l'effigie de Moïse en grande statue, tenant les tables de la Loy es mains; icelle arcade bouché (sic) d'une tapisserie de peau doré.

  A015003877 

 Et deça et dele desdictes vertus, deux soleils: l'ung, ce mot au milieu, JESUS, et a l'aultre, MARIA, et entre deux desdictes vertus, des grands rameaux de laurier.

  A015003881 

 Et les aultres trois arcades tout au dessoubz, estoient parees richement d'ung estoffe rouge semé de petites croix blanches de sainct Mauris, et aux 4 pilliers estoient mis quatre pillastres enrichies (sic) de diverses couleurs, avec des rosettes de papier dourees, argentees et coulouriees.

  A015003893 

 Chascune desdites armoiries entorees d'ung chappeau de triomphe, avec des rouleaux de bandes de papiers couleuriés.

  A015003899 

 Et portoit l'enseigne monsieur Jean Rogex, estant sergent honnorable Pierre des Roches, dict des Terres; et estoient en soldatz bien armés, davantaige de 200, sans les officiers, qui ont faict ung corps de garde devant l'Hostel de ville, oultre les quatre des quatre grandes portes..

  A015003900 

 Et aux cinq heures ont esté commencees les Matines par monsieur le doyen François de Lornay, avec le reste de l'Office de tout ce jour la, estant tousjours l'eglise remplie de peuple qui tachoit de se confesser; dont, pour le peu de confesseurs, plusieurs s'en sont allés confesser et communier a leurs parroisses, d'aultant que mondict Seigneur le Reverendissime, par ordonnance quil feit attacher aux portes des eglises, n'en commit la charge des confesseurs sinon a quatre sieurs chanoines de Sainct Pierre et a trois sieurs chanoines de Nostre Dame qui ne pouvoient souffire; estans lesdits quatre de Sainct Pierre: Reverends seigneurs Estienne de la Combe, Claude Grandis, Philibert Rogex et Janus des Oches; et les aultres, Jean Loys Jacques, Thomas Peyssard et Roux des Oches..

  A015003901 

 Estant si plain l'autel de la Communion, et la devotion des penitens [si grande,] qu'apres avoir esté repeus de ce tant sacré Sacrement, ils s'en alloient par les autelz baiser les linges par humilité.

  A015003901 

 Et es aultres actions de musique, estoient meslees les trompettes, qui estoient en nombre de sept; n'estant a oublier que soudain que le Jubilé fut ouvert, le chasteau ne manqua a rendre son debvoir et de tirer des pieces de canons a la louange de nostre Createur, jusques a 40 coups.

  A015003905 

 Et tous les cœurs des eglises assemblés en pareil ordre que celle cy devant, Monseigneur a prins le tres sainct Sacrement, puis marchand au mesme reng qu'a l'ouverture du Jubilé, la procession est partie par la grand allee de Nostre Dame, qui est allé (sic) vers le pré Chapuis, au coing Gouard; et puis revinrent a l'eglise, ou Monseigneur a remis le Sainct Sacrement au siboire de l'autel de Nostre Dame, et l'Ave Maria sonnee, la procession s'est retiree..

  A015003919 

 Je donne a S. A. S. quelques nouvelles que j'ay entendu des nostre retour de Bade, là où nous avons esté et n'avons rien faict, encoures que nous avons esté trois Ambassadeurs, si non despendre beaucoup d'argent.

  A015003919 

 Vous priant d'asseurer S. A. S. sur ma parolle, que je suis autant praticque des affaires de Suisse, autant aymé et cognu, que tel qui a demeuré en ce pais les cinq et six ans, au rapport que le seigneur Auditteur Valdengue en fera, s'il veut dire la verité.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
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  A016000007 

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  A016000016 

 DCCCLXXVI. A M. Antoine des Hayes.

  A016000020 

 — Première entrevue du Saint et des «bonnes damoyselles» qui devaient concourir à la fondation du monastère de Lyon. 21.

  A016000022 

 Sympathies du Saint pour la Congrégation des Ursulines de Franche-Comté.

  A016000025 

 — Si le Duc reçoit les plaintes contre les Annéciens, «sans praejudice des defenses des accusés, Dieu sera obei.».

  A016000027 

 — Suspension des hostilités entre la France et la Savoie.

  A016000028 

 «Fraische rosee» et «tempeste»; l'odeur des œillets sur la fin de la journée. 28.

  A016000029 

 — Le Saint intercède aussi pour des gentilshommes bourguignons et déclare ne craindre nullement ses calomniateurs. 28.

  A016000032 

 Oraison funèbre de la première des filles du Saint, qui alla voir au Ciel ce que Dieu préparait aux autres. 31.

  A016000034 

 — Le désir et les effets des vertus.

  A016000036 

 Un grand Saint qui a vécu à la façon des anciens Evêques Envoi de ses reliques. 34.

  A016000043 

 L'Evêque de Genève avise le gouverneur de Savoie de son retour de Gex, des intentions des Bernois à l'égard du désarmement et des divers déplacements du duc de Bellegarde. 39.

  A016000048 

 Assistance et conseils du Saint dans des affaires de famille. 45.

  A016000050 

 Le retour offensif des ennemis qu'on croyait vaincus nous apprend deux leçons.

  A016000050 

 — Avantages des tribulations.

  A016000051 

 — Félicitations sur la vocation apostolique d'un des fils de la destinataire. 48.

  A016000053 

 — Comment Dieu récompensera «la sainte inutilité» apparente des missionnaires du bailliage de Gex. 50.

  A016000054 

 Le monastère des Ciarisses d'Annecy menaçant ruine, l'Evêque de Genève invite chacun de ses diocésains à faire quelque aumône à cette intention. 50.

  A016000055 

 — Les «veritables marques des veritables graces surnaturelles.».

  A016000061 

 CMXXI. A des inconnus.

  A016000063 

 Remerciements au prince pour l'élargissement des amis du Saint; celui-ci espère qu'ils pourront rentrer bientôt dans Annecy. 57.

  A016000073 

 — «Le grand ouvrier des merveilles.» — Un moyen d'être très heureux.

  A016000074 

 — Le Saint demande à la duchesse de vouloir bien être la protectrice officielle de l'Institut, de procurer en sa faveur des lettres patentes du duc de Savoie et de faire poser en son nom la première pierre du futur oratoire. 68.

  A016000079 

 — Réflexions sur la fuite imperceptible des années.

  A016000082 

 — Le Sauveur, Roi des cœurs, toujours prêt à leur donner audience. 75.

  A016000086 

 Obligation pour un supérieur de réduire au devoir des sujets scandaleux.

  A016000086 

 — Circonstances qui aggravent la culpabilité des délinquants. 79.

  A016000090 

 — Comment parler des personnes qui nous ont fait tort.

  A016000098 

 La réforme de Talloires et l'affaire de M me des Gouffiers.

  A016000098 

 — Instructions à suivre dans une négociation auprès des Congrégations romaines. 88.

  A016000099 

 Mémoire pour M. Philippe de Quoex concernant Madame des Gouffiers (Fragment).

  A016000105 

 CMLXII. A M. Antoine des Hayes.

  A016000106 

 Le texte des Litanies de saint Joseph, revu, corrigé et accentué par le Fondateur de la Visitation. 98.

  A016000107 

 Pourquoi l'intercession de saint François de Paule est propice à l'espérance des mères. 99.

  A016000116 

 — Fermeté et constance de l'Ordre des Chartreux. 106.

  A016000116 

 — L'abbaye de Ripaille et la piété des princes de Savoie.

  A016000118 

 — Le courage «desreglé» des catholiques qui acceptent le duel.

  A016000119 

 Avis et démarches pour obtenir l'annulation des vœux de M me des Gouffiers. 109.

  A016000125 

 Plainte du Saint contre une prétention exorbitante qu'avaient eue Us protestants à l'assemblée des Etats du bailliage de Gex. 113.

  A016000128 

 CMLXXXV. A Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux.

  A016000129 

 Les brebis gagnent à l'absence des mauvais bergers.

  A016000132 

 — Propriétés de l'eau vive que l'on puise en Notre-Seigneur par la sainte oraison; erreur et malheur des familles religieuses qui ne s'appliquent pas à cet exercice.

  A016000137 

 «La mousse des exemptions.» — Une vertu qui vaut un procès de canonisation.

  A016000141 

 M me des Gouffiers aspirante à la Visitation; accueil que lui préparent le Fondateur et les Religieuses.

  A016000144 

 Une visite des Pères Barnabites annoncée à la Mère de Chantal. 131.

  A016000145 

 — Un concours, et «l'eschange des jardins» à acheminer. 132.

  A016000146 

 L'introduction des Barnabites au collège d'Annecy laisse subsister l'alliance avec le collège de Savoie à Louvain.

  A016000147 

 MIV. A Madame des Gouffiers, Religieuse du Paraclet.

  A016000148 

 Succès des négociations entreprises pour l'obtention d'une dispense en Cour de Rome.

  A016000150 

 MVII. A Madame des Gouffiers, Religieuse du Paraclet.

  A016000150 

 — Un des plus grands avantages des Congrégations au XVII e siècle.

  A016000151 

 — Encore l'échange des jardins.

  A016000157 

 Le Saint retenu chez lui par le grand nombre des visiteurs; il se promet toutefois d'aller voir le lendemain la Mère de Chantal. 145.

  A016000158 

 Pénurie de prédicateurs dans la province des Capucins de Thonon.

  A016000158 

 — Intervention du Saint en faveur des Cordeliers savoyards, menacés d'une séparation préjudiciable à leurs études.

  A016000166 

 — Respect dû à la liberté des âmes. 154.

  A016000168 

 M me des Gouffiers propose de venir prendre la Mère de Chantal pour l'accompagner à Lyon; le Saint agrée provisoirement ce projet. 155.

  A016000169 

 Où réside la foi dans l'âme des saints qui sont tentés contre cette vertu.

  A016000173 

 — Le pouvoir des vers pour pénétrer les cœurs. 158.

  A016000176 

 — Marie-Aimée de Blonay sera l'une des fondatrices; son père est prié d'agréer cette mission si glorieuse pour sa fille. 160.

  A016000180 

 — Douceur de l'unité des cœurs et des esprits.

  A016000180 

 — Promesse de la protection des bons Anges.

  A016000187 

 — De quel prix ont été payées les vertus des chrétiens. 166.

  A016000189 

 — Nouvelles détaillées du Monastère, des Religieuses, de Françoise de Chantal, de son goût pour la parure et de la piété de Mme de Thorens.

  A016000190 

 MXLVI. A M. Antoine des Hayes (Inédite).

  A016000190 

 — C'est l'invitation et la société d'Antoine des Hayes qui auraient ses préférences s'il pouvait aller prêcher à Paris.

  A016000191 

 — Le Cardinal est prié de s'intéresser à la prospérité du collège d'Annecy, gêné par l'insuffisance des revenus. 170.

  A016000193 

 — Un précepte des Saints recommandé à la Mère de Chantal.

  A016000194 

 — Son attendrissement en voyant les pigeons faire place aux petits oiseaux et leur laisser pour leur repas des restes à suffisance. 172.

  A016000200 

 La ville d'Annecy mérite d'être exemptée des charges de guerre.

  A016000201 

 La destinataire est priée de faire exonérer des impôts deux pauvres veuves réduites à la misère. 177.

  A016000208 

 — Eloge des Pères Barnabites. 185.

  A016000208 

 — Portrait du jeune Louis des Hayes.

  A016000209 

 L'affaire de M me des Gouffiers.

  A016000210 

 De la réception des prétendantes.

  A016000213 

 — Quel est le plus excellent sacrifice qu'on puisse faire, au temps de la vieillesse et des infirmités. 190.

  A016000214 

 MLXX. A M. Antoine des Hayes.

  A016000214 

 — Qualités et défauts de Louis des Hayes.

  A016000214 

 — Remerciements pour des services rendus.

  A016000216 

 — Union d'intimité spirituelle entre les âmes des deux Saints. 193.

  A016000218 

 — Consolations qu'il reçoit des progrès spirituels de ses chères filles d'Annecy.

  A016000220 

 — Béatitude et suavité des âmes totalement résignées au vouloir divin.

  A016000228 

 M me des Gouffiers se félicite d'avoir le Cardinal pour intercesseur dans son affaire.

  A016000228 

 MLXXXIII. Au Cardinal Maffeo Barberini, pour Madame des Gouffiers (Inédite).

  A016000243 

 Lettre de Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux.

  A016000254 

 I. Lettre des proviseurs du Collège de Savoie a Louvain aux Administrateurs de celui d'Annecy.

  A016000257 

 Lettres patantes du Roy sur l'establissement des Dames Religieuses du Monastaire Saincte Marie de ceste ville de Lyon.

  A016000267 

 Je n'attens plus que d'avoir une bonn'audience d'elle, selon qu'elle me la promit a Trein, et une autre de Monseigneur de Nemours: et puis, me voyla de rechef a cheval pour retourner en ma pauvre petite coquille, qui m'est plus chere que tous les palais des grans Princes, desquelz les caressent ( sic ) m'obligent extremement, sans m'engager nullement..

  A016000269 

 Je salue toute nostre chere trouppe et M me des Gouffier et tout, si ell' y est.

  A016000290 

 Que je voudrais obéir à la lettre aux commandements de Votre Majesté Impériale, en assistant à la diète qu'elle publie maintenant, [3] et en consacrant mon industrie, selon mes moyens et mon travail, à ses très honorables entreprises! Que je voudrais aussi rendre en présence mes hommages à la très auguste personne du très invincible Empereur! Mais, du fait de la rébellion des hérétiques genevois, cette chaire épiscopale se voit absolument dépouillée, par une très grande perfidie, de tout moyen d'assistance humaine: de là, pour moi, l'impossibilité de faire le bien que je veux..

  A016000303 

 Je vous ay des-ja fait sçavoir que nous aurons madame la Duchesse de Mantoue, qui est la vertu mesme, pour nostre protectrice; mays il ne faut pas encor en faire du bruit, pour une rayson que je vous diray.

  A016000304 

 Je suis en peyne du retardement de madame des Gouffiers, remettant neanmoins cela a la sainte providence de Nostre Seigneur, comme aussi nostre pauvre petite malade.

  A016000319 

 J'ay bien neanmoins encor un ressort en main, lequel je vay faire jouer des demain, mays je ne m'en ose rien promettre.

  A016000319 

 Je receu a Thurin vostre lettre du 30 mars, avec une extreme confusion d'y voir le remerciment que vous me faites de ma perseverance au desir de servir vostre parroisse le Caresme prochain; puisque ma volonté, [7] ma perseverance, mon esperance demeurent frustrees et inutiles, Son Altesse ne m'ayant pas voulu accorder que je sorte d'icy pour les praedications, avec des paroles tant honnorables que rien plus, mais nullement favorables a mon intention.

  A016000320 

 Je vous diray ce mot en la confiance que j'ay de vostre prudence: M. Troüillouz, qui sert Son Altesse es affaires de France, dit a Thurin, sur le propos de la recherche qui a esté faite ci devant de me faire aller a Paris: C'est Charmoysi et le sieur des Hayes qui ont ce dessein, nul autre n'y eut pensé qu'eux.

  A016000321 

 Rien ne m'est plus a contre cœur que l'ambition des tiltres:.

  A016000333 

 Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy,.

  A016000352 

 à l'aumônerie des Dames des SS. Cœurs, dites de Picpus..

  A016000368 

 Dormes doucement sous la fraich'ombre des aisles du celeste Colombeau, qui soit a jamais nostre paix et protection.

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000390 

 Seigneur, disoit le Roy David, vous m'aves enseigné des ma jeunesse, et jusqu'à present j'annonceray vos merveilles.

  A016000392 

 Obligés moy, Madame, de vostre dilection, et implorés sur mon ame la misericorde souveraine de nostre Createur, auquel et pour lequel je suys et veux estre des-ormais fort entierement,.

  A016000424 

 Dieu a caché le secret des choses a venir aux hommes, et si nous ne devions servir sinon les ames qui doivent perseverer, nous serions bien en peyne comme les discerner d'avec les autres.

  A016000439 

 Puysqu'il vous pleut m'accorder la liberté de monsieur de Charmoysi, mon parent, je l'attens infalliblement de vostre bonté, laquelle j'ay des-ja supplié tres humblement par quattre diverses lettres, d'en avoir la memoire qu'ell'a accoustumé de tenir en faveur de ses tres obeissans serviteurs, entre lesquelz je suis des plus certains.

  A016000440 

 Je supplie donques tres humblement Vostre Grandeur, Monseigneur, de m'exaucer pour l'un et pour l'autre, et de recevoir la multitude des plaintes que, par artifice, pourront estre faites contre tous ses sujetz de cette ville, sans praejudice des defences et legitimes allegations des accusés.

  A016000456 

 Faites voir, je vous prie, ces lettres a nostre madame des Gouffier, et les voyes vous mesme; c'est affin qu'elle considere si je dis bien au P. Grangier selon ce qui s'est passé..

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000521 

 A ce propos, on m'a dit que le sieur Bertelot avoit fait faire des grandes plaintes contre mon frere le chevalier a Son Excellence, mays il se treuvera que c'est a tort et pour des frivoleries: comme de ne le saluer pas, non plus qu'il n'est pas salué de luy, et semblables choses indifferentes et dont les plaintes peuvent estre reciproques, quoy que non egales en l'inegalité des personnes.

  A016000539 

 Je fay un mot de response a la bonne madamoyselle des Crilles, puisqu'il vous plaist de l'envoyer..

  A016000570 

 Maintenant que vous estes, comme vous [36] dites, en solitude, je vous prie, ayes bien reciproquement souvenance de moy, affin quil plaise a Nostre Seigneur me donner les effectz des vertus desquelles il m'a donné le desir..

  A016000587 

 Que je suis marri de ne pouvoir estre tesmoin des caresses quil recevra d'une mere insensible a tout ce qui est de l'amour naturel, car je croy que ce seront des caresses terriblement mortifiees.

  A016000587 

 Tesmoignes luy du gré de sa venue, a ce pauvre jeune Celse Benine; il ne faut pas faire ainsy tout a coup, des si grans signes de cette mort de nostre naturelle passion..

  A016000597 

 La commodité d'une si digne porteuse m'a donné le courage de vous presenter des reliques que j'ay aportees de Milan, du grand saint Charles Borrhomee, saint qui a vescu en ce mesm'aage auquel nous sommes, mais a la façon de ces anciens Evesques sous lesquels l'Eglise a tant fleuri.

  A016000632 

 Je vous envoye encor des devotions de saint Charles; [42] les reliques sont de l'epoque que je vous dis.

  A016000643 

 Ce porteur est un des plus doux, sinceres et purs espritz que j'aye rencontré il y a long tems; son affection au service de Dieu et de l'Eglise est grande.

  A016000643 

 Des quelque tems en ça, il a esté inspiré de se retirer a l'abry de quelque Congregation, et la vostre luy est pour objet a cett'intention.

  A016000643 

 Je l'accompaigne de ma supplication envers vous, affin qu'il [43] vous playse le recevoir avec cette charité qui vous a consacré au service de Dieu des vostre jeunesse et que je prie Dieu ne vous abandonner jamais..

  A016000655 

 Vous m'eussies consolé, en passant a Chamberi, de me dire des nouvelles et particularités de la Congregation que j'affectionne et de laquelle la naissance me donne mille contentemens.

  A016000680 

 C'estoit une faveur, mais si juste et raysonnable, que je ne puis croire que chose du monde me puisse priver du contentement que j'en praetens, ni ceux pour lesquelz je l'obtins, des fruitz que je leur en ay fait esperer..

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000722 

 Maintenant, vous pouves penser si je puis bien satisfaire a vostre demande, puysqu'a la foiblesse ordinaire de mon esprit, l'extraordinaire de mon cors, accablé des lassitudes que la fievre m'a laissees, apporte un nouveau [51] surcroist d'imbecillite.

  A016000730 

 Vouloir se démettre de la charge épiscopale pour des motifs raisonnables, non seulement ne constitue aucun péché, mais c'est même un acte de vertu, ou de modestie, ou d'humilité, ou de justice, ou de charité..

  A016000731 

 Celui-là est censé s'inspirer de raisons sérieuses, qui, de bonne foi, est prêt à soumettre, soit au conseil d'hommes sages, soit du moins à l'appréciation des supérieurs, son avis personnel sur le fait de quitter l'épiscopat, son désir et les raisons de ce désir, et qui, en même temps, est disposé à se ranger avec une égale promptitude au pour et au contre..

  A016000732 

 Car ceux qui se confient dans le Seigneur prendront des ailes comme l'aigle; ils voleront et ne defailliront pas; ceux au contraire qui perdent courage, s'évanouiront comme la fumée.

  A016000749 

 Vous y treuveres, Monsieur, des marques de ma maladie; car si j'eusse fait ce petit ouvrage en pleine sante, j'eusse sans doute employe un soin plus exacte de le rendre moins indigne de vostre reception.

  A016000751 

 Vous estes indubitablement appelle a une devotion masle, courageuse, vaillante, invariable, [56] pour servir de miroüer a plusieurs en faveur de la verité de l'amour celeste; digne reparation des fautes passees, si jamais vous l'avies esté de la vanité des amours terrestres..

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000753 

 Et cela, Monsieur, se pourroit bravement faire sans bruit, sans interest des affaires et sans que le monde eust rien a dire.

  A016000777 

 J'escriray un memoyre court, mais qui vous sera, comme je pense, utile; bien qu'hier je dis a monsieur Ouvrier mon advis clairement, par le moyen duquel il aura changé d'opinion, mesme quil emporta un des livres qui faysoyent a ce propos.

  A016000800 

 Sur tout, il y en a une qui m'a esté d'extreme consolation, y voyant les marques de la parfaite confiance que vous aves en moy, par la communication des accidens et troubles de vostre chere ame.

  A016000801 

 Helas! cet unique sage du monde, Salomon, qui avoit tant fait de merveilles en sa jeunesse, se tenant fort asseuré de la longueur de sa vertu et de la confiance de ses annees passees, lhors qu'il sembloit estre hors des escalades, il fut surpris de l'ennemi qu'il avoit le moins a craindre, selon le cours ordinaire.

  A016000801 

 Voyés-vous, ma tres chere Seur, il arrive maintes fois que pensans estre entierement desfaitz des ennemis anciens sur lesquelz nous avons jadis remporté la victoire, nous les voyons venir d'un autre costé dont nous les attendions le moins.

  A016000803 

 Saint Pierre marchoit fort asseuré sur les ondes: le vent s'esleve et les vagues semblent l'engloutir; alhors il s'escrie: Ah, Seigneur, sauvés-moy! et Nostre Seigneur l'empoignant: Homme de peu de foy, luy dit-il, pourquoy doutes-tu? C'est emmi les troubles de nos passions, les vens et les orages des tentations, que nous reclamons le Sauveur, car il ne permet que nous soyons agités que pour nous provoquer a l'invoquer plus ardamment..

  A016000804 

 Et de vostre costé, faites aussi tout ce que vous pourres, par renouvellement de resolutions, par la lecture des livres propres a cette guerison et autres moyens convenables; et ainsy faysant, vous gaigneres beaucoup en vostre perte et demeureres plus saine par vostre maladie..

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000813 

 Que fusse je autant utile a vostre service comme je suis dedié a vostr' honneur! Au moins n'oublie-je pas de vous souhaiter souvent la paix et consolation celeste pour le bonheur de vostre vie, que Dieu face longue, au milieu de ces chers enfans et des enfans de vos enfans quil vous fait voir..

  A016000829 

 Qu'eussies-vous fait de plus, sçachant le mal que j'avois? car, comme je voy, vous pries tous-jours Nostre Seigneur-pour moy, qui reciproquement ne manque jamais a vous faire part des chetifves oraysons et de la tressainte Messe que je celebre.

  A016000843 

 Et moy je suis, Monsieur, en un continuel tracas que la [69] varieté des affaires de ce diocese me produit incessamment, sans que j'aye un seul jour auquel je puisse voir mes pauvres livres, que j'ay tant aymés quelquefois et que je n'ose plus aymer maintenant, de crainte que le divorce auquel je suis tombé contre eux ne me fust plus aspre et ennuyeux..

  A016000844 

 Il y a la, nombre suffisant de fort bons pasteurs et de bons Peres Capucins qui, n'estans point ouÿs des hommes, sont veus de Dieu, lequel sans doute aggree bien leur sainte inutilité presente, laquelle il recompensera par apres d'une moisson plantureuse, et s'ilz sement en pleurs, recueilleront en joÿe..

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000857 

 Voyant l'extreme indigence que les Dames de Sainte Claire de cette ville ont d'estre secourues promptement pour empecher une totale ruyne des bastimens de leur monastere, ce qui ne se peut faire qu'avec une grande somme de deniers, laquelle ne peut estre tiree d'une seule bourse, j'ay advisé de faire inviter, tant les gens d'Eglise que les peuples, de contribuer a cett' intention, un chacun selon ses facultés et devotion, quelqu'aumosne [71] et liberalité.

  A016000874 

 L'humilité et la fidelité interieure, jointes a la vraye charité et constance au bien, sont les veritables marques des veritables graces surnaturelles.

  A016000910 

 Mays, ma tres chere Fille, comme vous sçaves, cela [76] ne doit pas estre ainsy, car encor que l'innocence de ces cœurs de pere et de fille n'ayent pas besoin en leur candeur de tant de retenue, si est ce qu'il faut souffrir celle que l'aigreur des autres cœurs requiert, et que le pauvre pere, tout pauvre pere qu'il est, demeure sans estre visité par ses filles, voire par sa tres chere Mere, sinon qu'il ayt quelque mal qui puisse, par sa grandeur, meriter ce grand bien.

  A016000936 

 Ma santé se va tous les jours plus affermissant, ma tres chere Fille, mais je me treuve grandement affoibli des jambes, et plus que je ne pensois.

  A016000953 

 En sorte que ce qui se boit apres la Communion par le peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais seulement du vin qui se prend pour laver la bouche et faire plus entierement avaler le precieux cors et sang des-ja receu en la tressainte Communion.

  A016000953 

 Que si par ci devant il a esté autrement fait, ç'a esté par abus et par la nonchalance et paresse des officiers de l'Eglise, et contre l'intention de l'Eglise mesme..

  A016000954 

 Et quant au Mariage, il n'est pas raysonnable de le celebrer ailleurs que devant l'autel, puisque c'est un Sacrement si grand, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors de l'Eglise, comme les petitz enfans qu'on apporte au Baptesme, ains sont des-ja baptizés et, par consequent, introduitz en l'Eglise et a l'autel..

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001020 

 J'estois a Belley quand M. de Blonnay passa en cette ville, et a mon retour je treuvay la lettre quil vous [88] pleut m'escrire le 18 du moys passé, par laquelle vous me renvoyes au recit quil me fera pour certaines particularités, en l'ignorance desquelles je demeureray jusques a son retour de Chablaix, mais avec bonne patience, puisque ce que je dois desirer le plus de sçavoir m'est si amplement tesmoigné par vostre escrit: c'est que vous vives en santé, et moy en vostre bienveuillance, laquelle mesme s'estend a faire des pensees si honnorables pour mes freres, comme est celle que vous me signifies, quoy que couvertement, et que ledit sieur de Blonnay a plus ouvertement fait entendre a mon frere de Thorens, quil gratifia de sa visite en son passage..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001022 

 Au demeurant, quoy que cette nouvelle legation que Son Altesse vous impose ayt beaucoup de charges, ell'a aussi beaucoup d'honneurs; entre lesquelz celuy la, d'estre envoyé comme reparateur des desordres et manquemens qui sont survenus en son service, me semble fort grand et digne qu'il vous soit deferé.

  A016001026 

 Ce sont toutes nos nouvelles, au moins les miennes, de moy, qui vis hors des affaires et du commerce de ceux qui les manient.

  A016001026 

 Et en attendant des vostres par madame ma cousine, comme vous me faites esperer, je prie Dieu quil vous accompaigne tous deux et comble de benedictions, et suis,.

  A016001043 

 Je l'ay veue ce matin, ayant esté leur aumosnier; mais il y avoit huit jours que je ne l'avois veue, pour la multitude des affaires.

  A016001058 

 Vous l'aves, ma tres chere Seur, ma Fille, des maintenant, puisque vous craignes et aymes Nostre Seigneur.

  A016001073 

 Vous me demandiés l'autre jour des nouvelles de la chere cousine, mais je n'en ay nulle, sinon par une lettre de Monsieur l'Evesque de Montpellier, du 22 octobre, qui me dit simplement qu'elle estoit encor en Normandie; mais maintenant qu'elle a receu des lettres de [94] monsieur son mary qui la rappellent de deça, je croy qu'elle est a son despart, ou par chemin..

  A016001083 

 Et moy je voudrois bien porter tous-jours vos peynes et travaux, ou au moins vous ayder a les supporter; mais puisque la distance de nos sejours ne permet pas que je vous secoure d'autre sorte, je prie Nostre Seigneur quil soit le protecteur de vostre cœur et quil en bannisse toute tristesse des-ordonnee..

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001097 

 Ce sont, a la verité, des estranges et tres malignes passions qui enfantent ces recherches; mays, puis qu'il n'y a remede, je persevere a croire que le meilleur sera [99] de se mocquer de tout ceci, tesmoigner que ni vostre honneur, ni l'estime que les gens de bien font de vous ne depend ni du gravement, ni du razement de ces armoyries.

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001125 

 Or Dieu, a la gloire duquel nous tendons, est le grand ouvrier des merveilles; a jamais sa lumiere esclaire nos cœurs et nous conduise a [102] le glorifier parfaitement.

  A016001127 

 Et vous, si vous le faites, conserves vous bien et laissés a l'espousee toutes les bonnes consolations que vous pourres, affin que le grand esloignement des siens ne la tourmente.

  A016001150 

 Chaque jour elles récitent ensemble au chœur les Heures de la très Sainte Vierge, elles font aussi chaque jour l'oraison mentale, vivent dans l'obéissance sous le gouvernement d'une Supérieure qu'elles ont élue, et pratiquent un très rigoureux renoncement aux choses de la terre, à l'instar des monastères les mieux réformés.

  A016001150 

 On a érigé à Annecy une Congrégation de Dames très honorables, veuves et jeunes filles, lesquelles, s'étant dégagées des choses du [104] monde, s'adonnent avec une très grande piété et édification au service de Dieu notre Seigneur.

  A016001152 

 Dans ce but, il serait nécessaire: Premièrement, que Votre Altesse déclarât par lettres patentes ou par lettres privées, qu'elle reçoit et prend sous sa protection cette Congrégation, et chacune des Sœurs ou Dames qui la composent maintenant et qui la composeront à l'avenir..

  A016001154 

 Cela est d'autant plus juste que la Congrégation ne mendie pas, mais [107] s'établit au contraire aux frais des Dames assemblées.

  A016001154 

 Elle ne prétend pas non plus avoir jamais de revenu, si ce n'est pour l'entretien des bâtiments, de la sacristie, de l'aumônier et pour payer le médecin, soit avec des rentes annuelles, soit par d'autres moyens qui ne chargent personne et qui n'apportent aucun empêchement aux impôts ou tailles du Sérénissime Duc.

  A016001154 

 Troisièmement, il serait encore utile que Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc de Savoie, notre souverain, écrivît également des lettres dans le même sens, pour signifier que cette Congrégation ayant été, par son ordre, placée sous la protection de Votre Altesse, il entend qu'elle soit favorisée et conservée dans ses Etats.

  A016001165 

 Que vous m'obliges grandement a me donner part a ces bonnes et aymables nouvelles du frere Indien, lequel, a mesure que je le sens esloigné de nous selon la distance des lieux, je le sens aussi plus avancé en mon estime, et mon contentement, en la gloire que j'ay d'estre advoué son humble fidelle frere d'acquisition; mot d'acquisition que j'adjouste pour l'ayse que je reçois d'estre sien, vostre et de toute vostre dependence, car autrement, certes, mon affection me semble toute naturelle en force, vigueur et perpetuité..

  A016001166 

 Pour moy, apres mon premier sentiment pour la douleur d'une seur si praetieuse et aymable, je me roydis, et dis que jamais la calomnie qui a honte de marquer son pere, ne fut ni forte pour durer, ni active pour entrer dedans l'esprit des gens qui en ont tant soit peu, et n'arrivera jamais que nostre seur, tant environnee de vertu et de reputation, puisse estre blessee par la mesdisance..

  A016001181 

 Ouy, ma tres chere Mere, remettés bien vostre cœur entre les mains de nostre chere Maistresse, qui sera conceuë ce soir en la commemoration que nous en ferons, et je le luy demanderay; car, ma chere Mere, je suis bien resolu de ne vouloir plus de cœur que celuy qu'elle me donnera, cette douce Mere des cœurs, cette Mere de saint amour, cette Mere du cœur des cœurs.

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001194 

 J'ay des-ja esté recusé par l'une des parties, qui se plaint de moy; il n'est pas a propos de me jetter les plaintes de l'autre sur les bras..

  A016001195 

 Il va en fin mille raysons, ce me semble, pour lesquelles je dois ouyr parler de part et d'autre sans me mesler de faire des offices ni pour les uns ni pour les autres, jusques a ce que je sois deschargé de l'office de juge qui m'est commis..

  A016001195 

 Je ne sçai nullement que c'est que des autres reformés de N., horsmis de monsieur le Prieur et de M., [115] ne connoissant les autres que de nom et quelques uns de veuë.

  A016001196 

 Nostre amitié n'est pas fondee sur la reformation ni des unes ni des autres: c'est pourquoy je vous supplie de me bien conserver la vostre au travers de toute cette negociation, comme, de mon costé, je suis invariable en celle que par tant de respectz je vous dois.

  A016001207 

 Mais je dis de rechef, ma chere Fille, que cette lettre m'a donné des eslans d'amour envers Dieu, qui est si bon, et envers vous, qu'il veut rendre si bonne, que certes, je suis obligé d'en rendre action de graces a sa divine Providence.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001209 

 Et moy, ma chere Fille, vous m'aymeres aussi, puisque Dieu le veut et, en suite de cela, me donne un parfait [118] amour de vostre ame, que je conjure d'aller de bien en mieux et de mieux en mieux au pourchas des vertus.

  A016001217 

 Que de bonheur pour mon ame si Dieu, luy faysant misericorde, luy faysoit voir cette douceur! Mais en attendant de voir Nostre Seigneur glorifié, voyons le des yeux de la foy, tout humilié dans son petit berceau..

  A016001227 

 Mais si je le voy sur les genoux de sa sacree Mere, ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un bouton de rose attachee au lis des saintes mammelles, o Dieu, je le treuve plus magnifique en ce throsne, non [120] seulement que Salomon dans le sien d'ivoyre, mais que jamais mesme ce Filz eternel du Pere ne fut au Ciel; car si bien le Ciel a plus d'estre visible, la Sainte Vierge a plus de vertus et perfections invisibles, et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les influences des deux.

  A016001240 

 Apres y avoir bien pensé devant Dieu, je me suis resolu qu'il faut affermir nostre Congregation a faire ses changemens ce jour auquel Dieu fait les siens, nous faysant tous passer d'une annee a l'autre, donnant une leçon annuelle de nostre instabilité, de nostre changement, du renversement et de l'aneantissement des annees qui nous menent a l'eternité.

  A016001248 

 Mettés-le, ce cher cœur, dans le costé percé du Sauveur, et l'unissés a ce Roy des cœurs, qui y est comme a son throsne royal pour recevoir l'hommage et l'obeissance de tous les autres cœurs, et tient ainsy sa porte ouverte affin que chacun le puisse aborder et avoir audience.

  A016001265 

 Voyla la lettre, ma tres chere Fille; faites la fermer, et soyés bien ferme en la confiance que nous devons avoir en la providence de Dieu, laquelle, si elle vous prepare des croix, vous donnera des espaules pour les porter..

  A016001287 

 Je souhaite tant le bien et l'honneur de vostre Monastere, que toutes les connoissances des choses contraires m'esmeuvent et me donnent du ressentiment de zele.

  A016001288 

 Tout cela mis ensemble, me fait vous prier et exhorter [127] de vouloir apporter tout le soin et l'ordre que vous pourres pour reduire ces jeunes gens sur le train de leur devoir, et de me donner advis de leur estat, affin que je puisse rendre tesmoignage de vostre diligence comme de la mienne, et contenter ma conscience, laquelle me pressera par apres a prendre d'autres expediens, si vostre prudence, vigilance et justice ne suffit a la recipiscence de ces discoles, desquelz j'admire d'autant plus la dissolution, que leur naissance les devroit porter a la poursuitte des vertus et de la pieté conforme a leur vocation.

  A016001298 

 original des Mémoires, etc.,.

  A016001306 

 Mais ce sont des infinités de petites niaiseries, que le monde par force m'apporte tous les jours, qui me font de la peyne et de la fascherie et rendent mes heures inutiles.

  A016001307 

 L'amour propre peut estre mortifié en nous, mais il ne meurt point pourtant jamais; ains, de tems en tems et a diverses occasions, il produit des rejettons en nous, qui tesmoignent qu'encor qu'il soit couppé par le pied, si n'est il pas desraciné.

  A016001309 

 Quant a se plaire plus a faire des choses aspres qu'a les voir faire aux autres, ce peut estre ou par charité, ou [130] par ce que, secrettement, l'amour propre craint que les autres ne nous esgalent ou surmontent.

  A016001309 

 Sans doute, ma chere Fille, ce qu'on a repugnance a s'imaginer le rehaussement des autres, c'est parce que nous avons un amour propre qui nous dit que nous ferions encor mieux qu'eux, et que l'idee de nos bonnes propositions nous promet des merveilles de nous mesmes et non pas tant des autres..

  A016001310 

 Au bout de tout cela, sçaches, ma vrayement tres chere Fille, que ce que vous aves ne sont que des sentimens de la portion inferieure de vostre ame; car je m'asseure que vostre superieure portion desadvoue tout cela.

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001312 

 Or je ne vis que passamment la dame qui devoit venir pour faire sa confession generale, et avec des yeux tout moistes d'avoir laissé sa fille; car les gens du monde [131] [se] laissent en se laissant, mais ceux de Dieu ne se laissent jamais, ains sont tous-jours unis ensemblement avec leur Sauveur..

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001325 

 Se confier en Dieu emmi la douceur et la paix des prosperités, chacun presque le sçait faire; mais de se remettre a luy entre les orages et tempestes, c'est le [133] propre de ses enfans; je dis, se remettre a luy avec un entier abandonneront.

  A016001326 

 De cet homme sur lequel vous penses devoir estre jettee une partie de la faute, parlés en peu et consciencieusement; c'est a dire, ne vous estendes gueres en vos plaintes et n'en faites pas souvent; et quand vous en feres, n'asseures rien qu'a mesure que vous aures de la connoissance ou conjectures de la faute, parlant douteusement des choses douteuses, plus ou moins, selon qu'elles le seront..

  A016001338 

 Au reste, Monseigneur de Bazas me propose un petit travail, que je ferois des maintenant de bon cœur, recevant comm' inspiration son desir; mais je suis encor un peu attaché a un Traitté de l'Amour de Dieu, lequel j'estimerois piaculum de laisser maintenant imparfait, puisqu'il ne me faut plus que je ne sçai combien de moys pour l'envoyer au monde.

  A016001338 

 Helas! je vous asseure, mon bon Monsieur, que je suis tellement accablé d'affaires, ou plustost d'empeschemens, qu'a peyne puis-je derober ça et la des quartz d'heure pour employer a ces escrittures spirituelles..

  A016001365 

 Je fis response a Monseigneur de Dol des le moys passé..

  A016001385 

 Hier au soir je parlay encor a l'un des sçindiques, qui me promit de haster l'affaire le plus qu'il se pourra..

  A016001401 

 Quel moyen de refuser cette si bonne audience a des gens qui viennent pour Dieu, et de deux journees loin, pour une si bonne affaire? Le cœur de ma Mere, comme le mien propre, se fut courroucé et mutiné si, pour tel sujet, je n'eusse renoncé a son contentement qui est le mien mesme..

  A016001402 

 Il faut aller dire la Messe pour cette Mere aupres d'elle, et elle l'oüyra cordialement des sa chambre, affin qu'elle et moy, d'un cœur, d'un esprit et d'un'ame, offrions a sa divine Majesté la suite de nostre vie, pour consacrer a son service tous les instans qui nous en restent.

  A016001413 

 L'esperance que ce peuple de Neci et de Genevoys a conceüe de voir ce college, qui est maintenant presque en friche, remis a la Congregation des Peres Barnabites, n'a ni rayson ni fondement que sur la bonté [145] paternelle de Vostre Altesse Serenissime, laquelle en a eu aggreable le projet, non seulement par ce quil estoit propre pour le proffit publiq temporel de ses tres humbles sujetz, mais aussi pour l'utilité quil rapporteroit au salut des ames.

  A016001431 

 Par le premier, Dieu aydant, je vous escriray pour la Visitation des eglises des Apostres et vous envoyeray l'Estat de cette Eglise.

  A016001440 

 c'est que il faut que ladite dame de Gouffier soit delivree de l'obligation de sa profession, affin que, selon son desir, elle puisse estre receue en la Congregation de la Visitation, laquelle, bien que ce ne soit pas une Religion formelle, est neanmoins une mayson de fort bonne discipline et propre pour cette personne; puisqu'ell'est d'ailleurs de si petite complexion, qu'elle ne pourroit porter l'austerité ni de Sainte Claire ni des Carmelines, ni d'autres Religions formelles esquelles on fait des grandes veillees, des grandes abstinences et autres mortifications et aspretés corporelles qui requierent une entiere santé..

  A016001441 

 il faut bien honnestement remonstrer qu'au Paraclet, ces Dames ont toutes leurs maysons a part, et madame l'Abbesse aussi, avec des trains d'hommes et de femmes, sans Regle, sans clausure, sans methode ni discipline quelcomque..

  A016001442 

 Tenes conte des portz, car tout sera ramboursé, Dieu aydant.

  A016001472 

 Nous avons icy monsieur vostre Prieur avec lequel nous avons des aujourdhuy fait une bonne conference.

  A016001505 

 C'est d'une tres profonde et particulière tristesse que mon âme a [158] été saisie et affligée à la mort de l'Illustrissime et Révérendissime M gr Adrien, votre prédécesseur, non seulement à cause de l'honneur que je portais à un tel Prélat et de la bienveillance dont il m'honorait en retour, mais principalement à cause de la perte prématurée que vient de faire, d'un si excellent Prince et Pasteur, la célèbre église de Sion et tout le pays de Valais, en un temps si fâcheux; car, selon nous, en fait de zèle et d'habileté pour défendre la religion des ancêtres et pour propager la foi catholique, l'Evêque défunt n'avait pas son pareil..

  A016001506 

 Mais dès que nous eûmes appris la promotion de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, par un vénérable chanoine de [159] votre église qui était venu ici pour une Ordination, et qu'il nous eût dit, avec force détails, les très riches qualités de votre éminente personne, notre tristesse alors se changea en joie et nos airs de deuil en des chants d'allégresse.

  A016001507 

 Aussi, par nos amis (entre lesquels le noble seigneur de Quartery tient un des premiers rangs depuis longtemps), j'ai adressé mes félicitations à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, et vous, Monseigneur, à votre tour, vous m'avez envoyé vos très cordiales salutations par l'illustre et Révérendissime Abbé de Saint-Maurice.

  A016001508 

 Si donc Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie a besoin de moi pour sa consécration, ou suivant l'occasion, pour n'importe quel autre service, que ce soit pour son utilité personnelle ou pour celle des siens, elle me trouvera toujours prêt et disposé à lui faire plaisir..

  A016001528 

 A [162] notre avis, parmi ceux qui lui survivent, personne ne pourrait lui être comparé pour le zèle et l'habileté, soit pour défendre la religion des ancêtres, soit pour propager la foi catholique..

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001530 

 C'est alors que, par des amis (au nombre desquels M. de Quartery tient depuis longtemps la première place), nous avons fait parvenir nos félicitations à Votre Révérendissime Seigneurie, mais déjà le très [163] illustre et Révérend Abbé de Saint-Maurice nous avait, par lettre, salué de votre part..

  A016001531 

 Vous pouvez attendre de moi, non seulement les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore l'assistance la plus humble et la plus dévouée que vous désireriez du plus fidèle et du plus attaché des serviteurs.

  A016001560 

 C'est a tous propos, et pour cela presque hors de propos, que je vous importune des occurrences qui me viennent; mays la faveur de vostre bienveuillance m'asseure.

  A016001567 

 Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy,.

  A016001576 

 J'ay neanmoins pris le loysir de les revoir, de les corriger et d'y mettre les accens, affin que nostre fille de Chastel ayt plus de facilité a les chanter sans y faire des fautes..

  A016001577 

 Mais vous, ma Fille, qui ne pourrés pas chanter les louanges de ce Saint de nostre cœur, vous les ruminerés, comme l'Espouse, entre vos déns; c'est a dire, que vostre bouche estant close, vostre cœur sera ouvert a la meditation des grandeurs de cet Espoux de la Reyne de tout le monde, nommé Pere de Jesus, et son premier adorateur apres sa divine Espouse..

  A016001584 

 J'ay mille fois pensé pourquoy les fideles invoquent cet admirable vierge et austere hermite pour avoir des enfans, et en fin j'ay creu que, parce qu'il a tant aymé la simplicité, la petitesse et les petitz, Dieu accorde ordinairement des petitz enfans a ses devotz, quand ilz les demandent dans l'esprit du Saint, pour la gloire de Dieu, le salut des ames et la paix des familles..

  A016001618 

 Vostre cœur sera dautant [172] moins propre a la santé quil sera plus bas, et faudra une grande descente pour y venir des le dortoir.

  A016001618 

 Vostre dortoir ne sera pas de plain pied, et en somme, il me semble qu'il y aura bien de la peyne d'egaler la bienseance et commodité de l'un des desseins a l'autre.

  A016001631 

 Conferant avec M. vostre Doÿen sur le reglement du service et affaires de vostre eglise, j'ay jugé quil falloit que vous eussies une copie des statutz de nostre cathedrale pour, sur iceux, former les vostres entre vous, et par apres en venir icy traitter avec moy.

  A016001646 

 L'autre jour que la bonne madame de Treverney fut icy, je sceu plus amplement la varieté des travaux parmi lesquelz vous vives, ma tres chere Seur, ma Fille, et certes, j'en eu de la compassion, mais plus de consolation encores, sur l'esperance que j'ay que Dieu vous tiendra de sa main et vous conduira, par ce chemin qu'il a frayé, a beaucoup de perfection; car je veux croire, ma chere Seur, que vous voulés demeurer eternellement liee a la tressainte volonté de cette divine Majesté et que vous luy aves consacree toute vostre vie.

  A016001660 

 C'est pourquoy Vostre Majesté a regardé l'eglise de Gex, qui est sur le fin bord du royaume, et la voyant extremement miserable, luy a ordonné aumosne de trois cens escus; pour laquelle je vay maintenant [176] en esprit, avec tous les Catholiques de ce lieu-la, en faire action de graces a vostre charité royale, Sire, laquelle nous supplions en toute humilité nous vouloir donner la jouissance de ce bienfait duquel nous avons des-ja la concession, pour laquelle nous implorerons a jamais la souveraine bonté de Nostre Seigneur qu'elle conserve et prospere Vostre Majesté en l'abondance des graces celestes..

  A016001660 

 Rien n'est caché a la chaleur du soleil en ce monde; rien n'est non plus esloigné du soin des bons Rois en leurs monarchies.

  A016001673 

 Mais dequoy me vay-je souvenir? J'ay veu que quand mes freres estoyent malades en leur enfance, ma mere les faysoit coucher dans la chemise de mon pere, disant que les sueurs des peres estoyent salutaires aux enfans.

  A016001697 

 Vous me rendes trop glorieux, Monsieur, de me promettre l'honneur de la bienveuillance de ce rare ambassadeur de Dieu, qui a si bien traitté des affaires celestes a Saint Jean le Caresme passé, et de me faire esperer la veuë de son Ajo del Christiano, livre qui, par le nom de son autheur et par son tiltre, ne promet rien moins que la perfection de son espece..

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001725 

 Madame des Crilles pense estre receuë le jour de la Visitation.

  A016001736 

 En verité, je ne puis penser comme l'on peut avoir un courage si desreglé, mesme pour des bagatelles et choses de rien..

  A016001736 

 Mais, ma tres chere Fille, je confesse que je suis scandalizé de voir des ames bonnes catholiques, et qui d'ailleurs ont de l'affection a Dieu, estre si peu soigneuses du salut eternel, que de s'exposer au danger de ne voir jamais la face de Dieu et de voir a jamais et sentir les horreurs de l'enfer.

  A016001774 

 Le bien de la venue des Peres Barnabites en cette ville est de si grande consideration, que Vostre Altesse, [189] laquelle l'a si saintement desiré, le fera sans doute puissamment reüscir, non obstant les petites difficultés qui se presentent, qui ne procedent que d'une bonne affection, a laquelle Vostre Altesse donnera, sil luy plait, la mesure et discretion; en sorte que si le Pere General des Barnabites ne pouvoit ouctroyer la dispense qu'on requiert, sa Congregation ne laissast pas pour cela d'estre introduite dans ce college ou, en [190] tous evenemens, ell'apportera un'utilité incomparablement plus desirable que tout ce qui s'y est fait jusques a present..

  A016001806 

 Les Catholiques de Gex et moy avons receu les trois cens escus d'aumosne que Vostre Majesté a donnés pour la reparation des eglises, avec une tres humble reverence et action de graces, non seulement parce que les [192] faveurs qui proviennent de si haut lieu sont tous-jours de grande estime, mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus grans bienfaitz pour l'avenir; dont nous en esperons que la royale bonté de Vostre Majesté regardera de son œil propice la misere a laquelle l'heresie a reduit ce pauvre balliage, pour respandre a son secours les graces et assistances qui luy peuvent servir de remede..

  A016001807 

 Ainsy Dieu soit a jamais le protecteur de Vostre Majesté, Sire, pour la combler des saintes benedictions que luy souhaitte.

  A016001819 

 J'ay receu la lettre par laquelle Vostre Grandeur s'abbaisse jusques a me conjurer que des-ormais je l'appelle mon Filz.

  A016001820 

 Monsieur, je vous appelleray des-ormais mon Filz: mais parce que vous seriés ennuyé de voir tous-jours les protestations du respect avec lequel j'useray de ce terme d'amour, je vous veux dire une fois pour toutes que je vous nommeray mon Filz avec deux differentes mais accordantes affections, dont Jacob appella deux de ses enfans, enfans et filz.

  A016001822 

 Le monde croit de vous avoir des-ja perdu, il ne vous tient plus des siens.

  A016001833 

 J'ay sceu tout ce qui s'est passé pour l'assemblee des trois Estatz de vostre balliage au prejudice de celuy [195] des trois qui a tous-jours esté le premier et le plus favorisé en France, et lequel estant sous ma charge pour ce quartier la, permettes moy, Monsieur, que je me plaigne a vous premierement, et que je vous supplie de voir si ce tort se pourra reparer entre vous et ces bons ecclesiastiques, avant que le devoir de ma charge m'oblige de m'en douloir ailleurs.

  A016001846 

 Au reste, j'ose dire que c'est une chose estonnante des maux qu'il a souffert en tout son cors, et l'espace de plusieurs moys, estant contraint de demeurer dans une mesme posture corporelle, mais avec une pieté et une patience si remarquable, que nous le pouvons nommer le Job de nostre famille.

  A016001855 

 Au demeurant, je suis icy aupres de ce Prince comme n'y estant point, dautant que la multitude des affaires que cette levee d'armees luy donne m'empesche de pouvoir si souvent jouir de lhonneur de sa presence, comme peut estre je ferois en un'autre sayson; laissant a part le viel enseignement: Episcopum in caulis, non in aulis invenire par est.

  A016001862 

 M. des Portes a vostre lettre, et le contentement [199] d'avoir plus heureusement terminé son affaire quil ne pensoit..

  A016001875 

 Outre l'humble remerciment que je dois et fay a V. R. pour le bon accueil qu'il vous pleut de faire a la supplication que je vous presentay, il y a quelque tems, en [200] recommandation de la fille de monsieur de Lornay des Costes, j'adjouste encor mon intercession a mesme intention, affin quil vous playse faire le billet requis au P. dom Vicayre de Melan, qui a dit audit sieur de Lornay que, moyennant cela, sa fille seroit asseuree de sa place..

  A016001876 

 par ce qu'aussi bien vous doys-je des-ja tout ce que je suis et puis estre, a rayson de tant de faveurs que vous m'aves departies ci devant, et sur tout pour cette rare bienveuillance delaquelle vous rendes tant de tesmoignages a mes amis, qu'ilz m'en glorifient tous extremement, que je vous conjure de me continuer, puis que, vous souhaitant sans fin toute sorte de sainte fœlicité, je suis d'un'affection tres parfaite,.

  A016001907 

 Madame vostre seur vous escrit de son voyage, duquel ell'a conferé avec monsieur des Portes.

  A016001908 

 Je prevoy que vous ne viendres pas si tost a cause de la longueur des demain de ce païs-lâ; neanmoins je [204] feray l'advertissement que vous me dites a madame de la Croix, ma cousine, que je treuve fort a propos, bien qu'il ny ait rien a craindre en effect.

  A016001929 

 Ma tres chere Seur, A cette premiere fois que je vous escris, je vous veux dire deux ou trois motz de preface, qui puissent servir pour toutes les lettres que je vous envoyeray des-ormais selon les occurrences..

  A016001930 

 En vertu de ce mesme amour, ou possedé ou desiré, asseurés vous, ma chere Seur, que vous et toutes vos filles treuveres tous-jours mon ame ouverte et dediee au service des vostres.

  A016001932 

 Dieu sçait, ma tres chere Seur, quelz sont les monasteres esquelz ce saint exercice n'est point prattiqué; Dieu sçait quelle obeyssance, quelle pauvreté et quelle chasteté y est observee devant les yeux de sa divine Providence, et si les assemblees des filles ne sont pas plustost des compaignies de prisonnieres que de vrayes amoureuses de Jesus Christ.

  A016001933 

 Et neanmoins, en certaine façon, a ce que je voy, le doux Sauveur de vos ames vous a trompees d'une tromperie amoureuse pour vous tirer a sa communication plus particuliere, vous ayant liees par des moyens que luy seul a sceu treuver et conduittes par des voyes que luy seul avoit conneuës.

  A016001939 

 Je resaluë mes cheres Seurs Anne et Marie Salomé, et me res-jouis dequoy elles sont entrees en cette Religion [208] en un tems auquel la vraye et parfaite pieté commence a y refleurir; et pour leur consolation, je leur dis que leur parente M me des Crilles, qui est maintenant novice a la Visitation, tasche aussi fort de son costé de s'avancer en Nostre Seigneur..

  A016001950 

 Et bien que quelquefois vous receves des secousses de l'amour propre et de vostre imbecillité, ne vous en troublés point, car Dieu le permet ainsy affin que vous luy serries la main, que vous vous humiliies et reclamies son secours paternel..

  A016001965 

 Helas, ma tres chere Fille, que dires vous de ce pere qui tarde tant a respondre? Certes, ce n'est pas faute de memoyre, et moins de volonté, mays j'ay un peu douté ou vous esties jusques des il y a trois jours, que je sçai que vous estes la..

  A016001968 

 Le pauvre M. de Charmoysi est tous-jours entre les mains des medecins, sans voir goute, mais avec bonne esperance de voir, Dieu aydant.

  A016001983 

 Une grande ame, Monsieur, pousse toutes ses meilleures pensees, affections et pretentions jusques dans l'infini de l'eternité; et puisqu'elle est eternelle, elle estime trop bas ce qui n'est pas eternel, trop petit ce qui n'est pas infini, et surnageant a toutes ces menues delices, ou plustost a ces vilz amusemens que cette chetifve vie nous peut presenter, elle tient les yeux fichés dans l'immensité des biens et des ans eternelz..

  A016001993 

 Que si la multitude des affaires de ma charge et mes affaires particulieres, bien que non domestiques, me permettoyent d'estre a mon gré ou je voudrois, souvent je me treuverois là de tems en tems.

  A016002005 

 Je me res-jouis, certes, de vos victoires; car, quoy que l'on sçache dire, c'est la plus grande gloire de Dieu que [215] nostre Ordre episcopal soit reconneu pour ce qu'il est, et que cette mousse des exemptions soit arrachee de l'arbre de l'Eglise ou on void qu'elle a fait tant de mal, ainsy que le sacré Concile de Trente a fort bien remarqué.

  A016002006 

 Tout mon plus grand desplaysir, c'est de voir qu'en fin en fin cette amertume de cœur, que vous me depeignés, vous ravira d'aupres de nous et me ravira une des plus pretieuses consolations que j'eusse, et a ce peuple un bien inestimable; car, des Prelatz affectionnés, il en est si peu!.

  A016002010 

 Mais cependant, Monseigneur, puisque ce pauvre petit clergé de vostre evesché et du mien a le bonheur que vous parleres en son nom aux Estatz, nous serons delivrés de tout scrupule, si apres vos remonstrances nous sommes reduitz en la servitude; car, que pourroit-on faire davantage, sinon s'escrier au nom de l'Eglise: Vide, Domine, et considera, quia facta sum vilis? Quelle abjection, que nous ayons le glaive spirituel en main et que, comme simples executeurs des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper quand il l'ordonne et cesser quand il le commande, et que nous soyons privés de la principale clef de celles que Nostre Seigneur nous a donnees, qui est celle du jugement, du discernement et de la science en l'usage de nostre glaive! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus; quia viditgentes ingressas sanctuarium suum, de quitus prœceperas ne intrarent in ecclesiam [217] tuam.

  A016002011 

 Or sus pourtant, Monseigneur, vous verres nos articles et feres, je m'asseure, tout ce qui se pourra pour la conservation des droitz de Dieu et de son Eglise.

  A016002028 

 Quant a la vente des bleds, je ne prsetends recommander personne, sinon que ce soit a l'utilité de l'Eglise et cœteris paribus, car ces revenus ecclesiastiques sont trop praetieux pour estre sujectz a aucune autre affectation que celle de Dieu..

  A016002029 

 C'est pitié que chacun veut avoir des volontés! Currebant, et non mittebam eos; et neanmoins ilz veulent que ce soit comme si on les avoyt envoyés.

  A016002057 

 Ainsy la varieté des visages de la cour et du monde ne donnera point de changement au vostre, duquel les yeux regarderont tous-jours le Ciel auquel vous aspirés, et la bouche reclamera tous-jours le souverain Bien que vous y esperés..

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002097 

 Nous vous attendions icy, des avanthier, pour achever le projet que vous avies fait de venir estre l'un de nos [229] assistans en l'eglise cathedrale, puisqu'en ( sic ) nous avons treuvé une consideration de juste poids pour dispenser, pour vostre particulier, sur la regle du concours, pour la conservation de laquelle j'ay, jusques a present, fait de la difficulté en cett'affaire.

  A016002108 

 Le Pere Superieur et le P. Don Chrisostome vont pour voir la situation de vostre mayson et en prendre [231] les mesures, affin de bien instruire le P. General de la necessité que vous avés du jardin des Peres de Saint Dominique.

  A016002116 

 Or, je suis sur le livre que j'ay tant laissé ces jours passés, et apres disné nous avons un concours, apres lequel je verray d'acheminer l'eschange des jardins.

  A016002123 

 Sur l'expres commandement de Son Altesse Serenissime, de Monseigneur le Prince Cardinal et de Monseigneur le Duc de Nemours, seigneur de ce pais de [233] Genevois messieurs les Administrateurs de ce college d'Annessi ont remis ledit college a la direction et conduitte des Peres de la Congregation de Saint Paul, gens de grand zele et doctrine.

  A016002141 

 Mais s'il se treuve des personnes plus relevees [236] qui ayent aussi des pretentions plus grandes, nous devons les servir et reverer tres cordialement, quand l'occasion s'en presentera.

  A016002142 

 Je suis bien ayse que vous logies aux Urselines: c'est une des Congregations que mon esprit ayme.

  A016002154 

 Et pleut a Dieu que je peusse le loger en nostre chaire ce Caresme; mais il y a des-ja quelques moys que le P. Prieur de Saint Dominique est prié, et je n'oserois y bouger chose du monde..

  A016002156 

 Fille, de vous tenir dans l'enclos des advis que je vous donnay; ilz sont salutaires en tous tems, mays en l'occurrence en laquelle vous estes, ilz sont necessaires.

  A016002172 

 Mais je ne laisse pas de l'aymer, car encor quil luy semble quelquefois qu'il va perdre courage pour des petites paroles et reprehensions qu'on luy fait, toutefois il ne l'a encor jamais perdu son courage, ce pauvre cœur; car son Dieu l'a tenu de sa main forte et, selon sa misericorde, il n'a jamais abandonné sa miserable creature.

  A016002187 

 Mays, qui pourroit asses admirer non plus qu'asses loüer sa Providence? Cette Bonté paternelle aura regardé de l'œil de son amour une quantité de filles et de femmes qui, pour diverses raysons, demeuroyent entre les hazars des flotz de la mer mondaine, s'il ne leur dressoit un port aysé auquel elles puissent surgir, nonobstant que leurs barques soyent un peu foibles.

  A016002190 

 Je retourne a l'affaire de dela, et puisque je suis a parler, je ne me puis tenir de m'estonner dequoy il semble qu'on se soit comme caché des Jesuites; car au contraire, entre les biens des Congregations, au dessus des Religions, celuy la est de ( sic ) plus grans, que les Congregations peuvent fort aysement avoir l'assistence [245] des Peres Jesuites, comme la Congregation des Guastales, de Milan, celle de Castillon et plusieurs autres d'Italie, qui fleurissent en sainteté et perfection..

  A016002191 

 Et sur ce point, ma tres chere Fille, prenes bien garde a parler des Carmelines avec reverence, car leur vertu et perfection vous y oblige; et puisque ce desordre survenu a la Presentation a eveillé le dessein de les faire venir a Lion, il faut esperer que Dieu en tirera plusieurs autres biens..

  A016002191 

 J'ay conneu la bonne M lle de Breauté avant qu'elle fut Religieuse; [246] c'est une ame des mieux faites qu'on puisse voir, et madame d'Alincourt a rayson de favoriser sa Religion, ce qu'elle pourra faire par mille moyens.

  A016002191 

 Quant a l'establissement des Carmelines, certes, il est desirable a Lion et en plusieurs lieux; mais pour cela, je ne voudrois pas ruiner l'autre dessein, et seroit mieux en faysant l'un de ne laisser pas l'autre.

  A016002222 

 La bonne M me des Crilles avoit une grande consolation en la creance que vous luy avies donnee de recevoir avec vous son filz, estimant que, sur toutes autres, [251] vostre presence luy seroit salutaire.

  A016002239 

 Le tesmoignage de la bienveuillance en mon endroit quil pleut a Vostre Grandeur de me donner a son despart [252] de cette ville, la pieté qu'elle prattiqua demandant la benediction celeste a cet indigne Pasteur, la naturelle inclination fortifiee de plusieurs obligations que mon ame a tous-jours saintement nourri envers vostre bonté, Monseigneur: tout cela, et plusieurs autres considerations que ma fidelité me suggeroit, me toucha vivement au cœur, et ne sceu m'empescher d'en rendre des signes a ceux que je rencontray sur le champ apres avoir perdu de vëue Vostre Grandeur..

  A016002241 

 En verité, Monseigneur, vous ne recevrés jamais des affections si fideles en lieu du monde comme vous feres icy, ou elles naissent avec les hommes, vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quand et eux envers la Mayson serenissime de Savoye, delaquelle les Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs peuples: benediction en laquelle Vostre Grandeur a la part qu'ell'a peu voir et remarquer en toutes occurrences.

  A016002241 

 Ici, Vostre Grandeur a sa mayson paternelle et, sans comparayson, beaucoup mieux accompaignee des commodités requises a son sejour que pas une des autres, puisqu'ell'y peut fournir sans les autres, et pas une des autres sans celle ci..

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002244 

 Je dirois encor, qu'estant icy pendant que cette guerre durera, quoy que Vostre Grandeur ne fut pas en l'armee, l'ennemy auroit tous-jours opinion ou qu'ell'y iroit en tems de necessité, ou qu'elle prsepareroit des nouvelles forces pour assister Son Altesse; et ces pensees ne pourroyent estre que fort utiles aux affaires d'icelle.

  A016002245 

 Je proteste, Monseigneur, que je n'en pensois pas tant dire, mais escrivant, la chaleur de ma fidelité envers Vostre Grandeur m'a emporté au dela des limites que je m'estois proposees; car en fin, je suis pressé de la crainte que le souvenir de cet abandonnement de Son Altesse en un tel tems, ne soit pour durer longuement et pour servir de motif a quelque reciproque separation qui ne pourra jamais estre avantageuse, et pourra, en cent occasions, estre desavantageuse a Vostre Grandeur.

  A016002246 

 Si la fidelité de ce porteur, mais sur tout si la bonté de Vostre Grandeur ne me donnoit asseurance, je n'aurois garde d'envoyer une lettre escritte avec cette liberté; mais je sçai d'un costé, qu'elle ne sera point egaree, et [255] d'ailleurs, que elle ne sera leùe que par des yeux doux et benins envers moy, qui aussi l'escris (ainsy Dieu tout puissant me soit en ayde) sans en avoir communiqué le dessein qu'a deux des tres humbles et fideles serviteurs, sujets et vassaux de Vostre Grandeur.

  A016002263 

 Au contraire, on m'escrit des le premier de ce moys, de Lion, que monsieur d'Alincourt l'attend lâ et fait des grans praeparatifs.

  A016002263 

 Il est vray que c'est un prestre qui me l'escrit, et par consequent peut estre mal instruit des nouvelles de cette qualité lâ; mays le retour du sieur de Corbonex esclarcira ce point.

  A016002263 

 Mays que pourront ces orateurs mortz, en comparayson des harangueurs continuelz qui vivent, et soufflent perpetuellement dans les aureilles de ce Prince son esloignement de ce païs? Et puis, n'ont ilz pas des-ja fait la moytié de leur besoigne? [257] Et si nous n'avons sceu empescher le depart, quel moyen d'obtenir le retour? Melius non incipient quam desinent.

  A016002264 

 Le bon monsieur de Blonnay a beaucoup de bon desir pour vostre eglise de Rumilli, laquelle, a la verité, est des plus indevotement servie de tout ce pais.

  A016002282 

 Voyla des-ja une bonne nouvelle.

  A016002284 

 Nostre Mere et les deux autres partent apres la Saint Martin pour Lion, d'ou on les envoyera prendre par des honnorables ecclesiastiques.

  A016002300 

 Quel remede, ma tres chere Mere, a cette invincible sujettion de recevoir des gens lhors que plus j'ay le desir de me revoir moy mesme aupres de vous! Il n'y a eu moyen quelconque de m'en eschapper.

  A016002310 

 C'est que cette petite Province de la Mission a grandement besoin de predicateurs, et ne sçay ou donner de la teste pour en avoir, estant separee des autres Provinces, et n'ayant que des Italiens et Savoyards, ou Bressans.

  A016002310 

 J'ay fait une supplication a Monseigneur le Cardinal de Joyeuse, protecteur des RR. PP. Capucins, affin de pouvoir obtenir le P. F. Georges de Saint Joyre la Faverge [263] pour le Caresme 1616.

  A016002313 

 Et pour le regard du livre de l' Amour de Dieu, je le revoy et fay transcrire, pour l'envoyer, Dieu aydant, ce Caresme a l'imprimeur, qui aura charge de vous faire presenter des premieres copies.

  A016002314 

 C'est pourquoy, puisqu'aussi bien vous ay-je des-ja asses entretenu de nos menues affaires, je m'en remetz a luy, me contentant de me souscrire,.

  A016002380 

 Voyci, ma chere Mere, ma niece de la Croix, qui vient des Dames de Bonlieu, a dessein de se faire Religieuse [271] aupres de vous.

  A016002390 

 Je commence des icy, ma tres chere Mere, a vous [272] rendre conte de nostre voyage, duquel cette premiere journee nous donne bon augure.

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002404 

 Mays parmi cela, j'ay apperçeu que le seigneur gouverneur de Milan a des grandes prattiques pour attirer cet Estat au parti d'Espagne, et a presque des-ja gaigné pour cet effect les vœux et les voix des quattre dizains, qu'ilz appellent, d'en haut: Rarogne, Vespia, Brighen et Comze, qui auroyent des-ja fait passer leur inclination en resolution, si Monseigneur de Sion et les trois dizains d'embas, Sion, Sierre et Loeïtze, ne se fussent grandement opposés pour empescher ce coup, lequel toutefois il sera malaysé de destourner, si quelqu'un n'arrive promptement entr'eux de la part de Vostre Altesse, avec les provisions requises pour reasseurer ces espritz-la fort esbranslés..

  A016002419 

 Et des-ja les [276] dizains de Comze, de Raroigne, de Brighen et Vespia sont gaignés et auroyent fait faire le coup, n'eut esté la vive resistence de Monseigneur de Syon et des autres troys dizains..

  A016002419 

 Je vous donnay advis, a mon départ d'Annessi, comme je venois en Valley pour la consecration de Monseigneur l'Evesque de Sion qui, des il y a longtems, m'y avoit convié, et a la celebration delaquelle j'estois necessaire en quelque sorte, puisqu'il n'avoit point d'Evesque plus proche qui luy peut rendre cet office avec moins d'incommodité que moy.

  A016002420 

 Que si ledit sieur Valdenghe, ou quelqu'autre de la part de Son Altesse, ne se treuve mardi, 16 de ce moys, ou soudain apres, en l'assemblee generale des dizains qui se doit [277] celebrer, je crains infiniment que l'alliance de Son Altesse ne se convertisse en celle d'Espagne..

  A016002421 

 Le bon Monseigneur l'Archevesque de Vienne et moy fusmes exempts des carroux, hormis de quatre, a la santé de Son Altesse, de Messeigneurs les Princes, des sept cantons catholiques et de Monseigneur le Prince et seigneurs dizains du pais de Valey; mays nous les fismes encor dans des verres et selon la mesure que nous voulusmes.

  A016002438 

 Qu'elle s'en addresse donq a Nostre Seigneur, qui tient les cœurs des siens en ses mains pour les tirer ou bon luy semble.

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002471 

 Ne craignés point, la foy reside tous-jours en la cime [282] et pointe de vostre esprit, et cela vous asseure que ces troubles finiront et que vous jouires du repos desiré au sein de Dieu; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemy fait dans le reste de l'ame et rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendus.

  A016002473 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy..

  A016002486 

 Que ma tres chere Mere soit benite des plus sacrees benedictions du Sauveur de son ame! Amen..

  A016002496 

 Maintenant que vous diray-je? Bien des choses sans doute, si je voulois suivre mes affections, lesquelles seront [284] tous-jours pleynes pour vous, comme je desire que les vostres soyent bien pleynes pour moy, quand sur tout vous seres dans le petit oratoire, ou je vous supplie d'en respandre beaucoup devant Dieu a l'intention de mon amendement; ainsy que de mon costé je respans, non les miennes, qui sont indignes a rayson du cœur ou elles sont, mays le sang de l'Aigneau immaculé, devant le Pere eternel, en faveur de la bonne intention que vous aves d'estre toute sienne..

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002498 

 Sur tout, ma chere Mere, il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux envers le prochain, et particulierement quand il nous est a charge et degoust; car alhors nous n'avons rien en luy pour l'aymer, que le respect du Sauveur, qui rend l'amour sans doute plus excellent et digne d'autant qu'il est plus pur et net des conditions caduques..

  A016002506 

 Ce m'a esté un honneur extremement sensible d'avoir receu de vostre part ces riches et devotz Theoremes que le Reverend Pere Ange Le Blanc m'a remis; et si j'avois le riche parfumier ou cabinet des unguens que cet ancien prince Alexandre le Grand destina pour la garde des livres et escritz d'Homere, je le destinerois aussi a la conservation de ce beau present, lequel m'est d'autant plus pretieux que je n'avois garde de l'oser [286] esperer, puisque je n'ay pas mesme pensé que vous eussies sceu que je fusse au monde, ou estant, de vray, si peu de chose, confiné en ce recoin de nos montagnes, je me tiens pour invisible.

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002538 

 Demeurés bien pres de la cresche cette sainte octave des Rois.

  A016002538 

 Si vous aymes les richesses, vous y treuveres l'or que les Rois y ont laissé; si vous aymés la fumee des honneurs, vous y treuveres celle de l'encens, et si vous aymes les delicatesses des sens, sentes-y la mirrhe odorante qui parfume tout l'estable.

  A016002541 

 Gardés bien, ma chere Fille, de quitter la sainte orayson, car vous feries le jeu de vostre adversaire; mais continues constamment en ce saint exercice et attendes que Nostre Seigneur vous parle, car il vous dira un jour des paroles de paix et de consolation; et lhors vous connoistres que vostre peyne aura esté bien employee, et vostre patience, utile..

  A016002551 

 C'est un grand cas de la malice de l'esprit humain! Rien ne nous donne tant de sujet de resignation [292] que la rencontre des diverses ruses dont il se sert a mal faire..

  A016002553 

 On n'est encor pas venu de Lion; nous attendons aujourdhuy des nouvelles.

  A016002585 

 Allons donq, ma tres chere Fille, avec un seul cœur, ou Dieu nous appelle; car la diversité des chemins ne rend rien de divers en nous, puisque c'est a un seul object et pour un seul sujet que nous allons..

  A016002604 

 Allés donq, ma Fille, allés avec mille et mille benedictions que vostre Pere vous donne, et sçachés que jamais il ne manquera de respandre, par toutes les aspirations que son ame fera, des combles de souhaitz sacrés sur la vostre.

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002615 

 O Seigneur Jesus, sauvés, benissés, confirmés et conservés ce cœur qu'il vous a pleu de rendre unique en vostre divin amour; et puisque vous luy aves donné l'inspiration de se dedier et consacrer a vostre saint Nom, que vostre saint Nom le remplisse comme un bausme de divine charité, qui, en une parfaite unité, respande les varietés des parfums et odeurs de suavité requises a l'edification du prochain.

  A016002622 

 Certes, des-ormais je voy bien qu'il faudra vous apprivoyser aux maladies et infirmités en cette decadence d'aage en laquelle vous estes.

  A016002650 

 Je vous salue mille et mille fois, la plus aymee et la plus aymante Mere qui soit au monde, et ne cesse point de respandre des souhaitz sacrés sur vostre personne et sur vostre trouppe.

  A016002650 

 La chere fille Marie Aymee soit aymee des Anges et des hommes, pour provoquer plusieurs ames a l'amour de vostre divine Majesté, et benisses le cœur de ma chere fille Marie Elizabeth, affin que ce soit un cœur de benediction immortelle..

  A016002651 

 Et sur tout, que le cœur de ma tres chere Mere, comme le mien propre, soit a jamais tout detrempé au tressaint amour de Jesus qui vive et regne es siecles des siecles.

  A016002651 

 Que vous puissiés voir vostre fille aysnee tous-jours recommençante par des nouvelles ardeurs, la seconde tous-jours croissante en vertu, la troisiesme tous-jours aymante, la derniere tous-jours benite; affin que la benediction du saint amour croisse et recommence a jamais en vostre petite assemblee.

  A016002652 

 J'ay grande consolation en l'esperance que je sens des benedictions que Dieu leur donnera..

  A016002652 

 Je salue de tout mon cœur nos Seurs de dela et leur souhaite un cœur doux, maniable, amiable, c'est a dire qu'elles ayt ( sic ) un cœur d'enfant, affin qu'elles [305] entrent au Royaume des cieux.

  A016002680 

 Or, voyla donq derechef, Monseigneur, des authentiques attestations de lhonneur religieux qui a esté porté a ce bienheureux Prince en divers endroitz, avec un petit memorial pour la correction de ce que le P. Maleto en a escrit en desordre, faute d'avoir entendu les actes que j'avois envoyés en langue françoise..

  A016002681 

 Au demeurant, Monseigneur, Vostre Altesse nous [308] ayant fait le bien de procurer la venue des bons Peres Barnabites en cette ville, dont nous la remercions tres humblement, nous la supplions tres humblement aussi tous, tant que nous sommes ses tres obeissans serviteurs de deça, qu'il playse a sa bonté de vouloir bien prendre en speciale protection cette œuvre, delaquelle le fruit sera incroyable et qui portera sa splendeur a la posterité, si les revenus de ce college estoyent suffisans pour l'entretenement d'autant de personnes quil en faudroit pour faire les functions que ces Peres feroyent excellemment en un lieu si propre, regardé de tant de nations estrangeres, centre, de la Savoye, et a la juste distance qu'il faut pour jetter les bons exemples et la doctrine dedans Geneve..

  A016002698 

 Au moins, ne pouvant rien davantage, je vous donne tous les meilleurs souhaitz que mon ame me peut fournir, et les presente a la majesté de Nostre Seigneur, affin quil luy playse vous donner, avec la patience quil vous a departie il y a long tems, le doux et tres humble aggreement de vos travaux que les plus grans Saints ont eu des leurs, affin que, moissonnant beaucoup de merites en cette arriere sayson de vostre aage, vous vous treuvies riche devant sa divine face, quand vous la verrés..

  A016002720 

 Allés voir donq, ma chere Mere, s'il faut pleurer quand on treuve de la besoigne en son ame, et s'il faut avoir du courage pour tous-jours aller plus avant, puisqu'il ne faut jamais s'arrester, et s'il faut avoir de la resolution pour retrancher, puisqu'il faut mettre le rasoir jusques a la division de l'ame et de l'esprit, des nerfs et des tendons..

  A016002720 

 Je vis les pleurs de ma pauvre Seur [Marie-Madeleine,] et il me semble que toutes nos enfances ne procedent d'autre defaut que de celuy ci: c'est que nous oublions la maxime des Saintz, qui nous ont advertis que tous les jours nous devons estimer de commencer nostre avancement ou perfection; et si nous pensions bien a cela, nous ne nous treuverions point estonnés de rencontrer de la misere en nous, ni dequoy retrancher.

  A016002722 

 Mais, ma tres chere Mere, observés donques bien le [312] precepte des Saintz, qui tous ont adverti ceux qui le veulent devenir, de parler ou peu ou point de soy mesme et des choses qui sont nostres.

  A016002733 

 Secondement, que hier, jour des Cendres, je fis ma matinee tout seul a la galerie et en la chappelle, ou j'eus une douce memoyre de nos aymables et desirables entretiens lhors de vostre confession generale; mays il ne se peut dire quelles bonnes pensees et affections Dieu me donna sur ce sujet..

  A016002735 

 En somme, je ne sceu m'empescher de venir aux larmes, de voir la charitable simplicité des colombes, et la confiance des petitz oyseaux en leur charité.

  A016002735 

 J'admiray la discretion de ces mendians, qui ne vindrent a l'aumosne que quand ilz virent que les pigeons estoyent sur la fin du repas et qu'il y avoit encor des restes a suffisance.

  A016002738 

 Dieu me favorise de beaucoup de consolations et saintes affections, par des clartés et sentimens qu'il respand en la superieure partie de mon ame; la partie inferieure n'y a point de part.

  A016002750 

 Et tandis, vous pourres, Monsieur, et elle aussi, user des viandes convenables a vostre santé, selon que monsieur Burin vous aura dit, puisque son filz est venu sans l'attestation mentionnee, laquelle aussi n'estoit pas necessaire..

  A016002752 

 Rien ne me fasche en cela que la facilité avec laquelle ce Prince reçoit le rapport des gens de rien, pourveu qu'ilz soyent faitz contre ceux qui me sont quelque chose.

  A016002772 

 Ilz donnent quelquefois des rescritz qui sont emanés par obreption et surreption; c'est pourquoy ilz les renvoyent a leurs cours, Senatz et Conseilz, affin que, parties ouÿes, il soit advisé si la verité a esté teuë, ou la fauseté proposee par les impetrans, desquelz les belles qualités ne servent a rien pour exempter leurs accusations et narrés de l'examen convenable, sans lequel le monde, qui abonde en injustice, seroit tout a fait despourveu de justice.

  A016002773 

 Vostre Grandeur a receu des accusations contre ces pauvres affligés et contre mes freres.

  A016002774 

 Les grans Princes ne remettent jamais les places ni les charges qu'a des gens de foy et de confiance, mais ilz ne laissent pas d'estre fort souvent trompés, et ceux qui ont esté fideles hier peuvent estre infideles aujourd'huy; comme ceux qui ont accusé ces pauvres gens peuvent, par leurs deportemens precedens, avoir acquis la creance que Vostre Grandeur leur donne, laquelle ilz meritent de perdre dores-en-avant, puisqu'en abusant, ilz ont fait de si fauses accusations..

  A016002782 

 Estant de retour de Sales, ou j'estois allé passer les jours de carnaval, j'ay treuvé le retour de nos des-ja trop vielles tribulations, par la calomnie faite contre mes freres.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002825 

 La ville d'Annessi recourt a la bonté de Son Altesse pour une gratification, laquelle ci devant luy avoit des-ja esté accordee, et delaquelle la continuation luy est dautant plus necessaire que ses incommodités ont pris beaucoup d'accroissement.

  A016002838 

 Ces deux vefves Beart, reduites a l'extremité d'une lamentable misere, avec dix ou douze enfans qu'elles ont, ont jetté leur esperance en vostre secours pour estre soulagees des tailles; et, quoy que de ma vie je ne [325] l'eusse veu ( sic ), ni eu aucune connoissance avec elles ni leurs familles, elles ont desiré mon intercession aupres de vous, pour obtenir plus aysement vostre entremise en cette occasion.

  A016002851 

 En somme, je me contente bien de toute cette chere trouppe, que j'iray entretenir en commun l'un des jours de la semaine prochaine, puisque ma Mere me l'a ordonné, au rapport de ma Seur Jeanne Charlotte..

  A016002857 

 Je n'oublie jamais de faire des souhaitz pour cela quand je suis a l'autel; aussi, suis je tant obligé a la sainte amitié qu'il vous plaist me porter, que je ne sçaurois jamais perdre la souvenance de ce devoir..

  A016002869 

 Il est requis que vous mangies des œufz, et n'y a personne, ce croy-je, qui s'en puisse maledifier..

  A016002870 

 C'est pourquoy, je vous demande ainsy des feuilles que je leur [330] puisse monstrer, et a M. de Thorens et au neveu.

  A016002870 

 Or, quant a ma niece de Brechard, elle sçait bien que je suis vous mesme, car elle a veu des billetz qui contiennent cette verité la; mays pourtant, je ne luy ay pas voulu monstrer ces trois dernieres lettres, ni en tout, ni en partie.

  A016002873 

 C'est a dire, si un pere, si un frere desiroit d'estre visité, je voudrois que, selon la grandeur de la maladie, la distance du lieu, la qualité de la mayson, on advisast si on devra plusieurs fois visiter, si avec service et assistance, si en carrosse, ou en tems qu'on ne rencontre pas des gens, si c'est une mayson ou il y ayt grand abord, ou une mayson de devotion, et ainsy du reste.

  A016002873 

 Certes, en ces grandes villes, je ne voudrois pas ouvrir la porte aux visites des parens malades, pour en faire des sorties ordinaires; et si elles sont extraordinaires, [331] au moins faut il que le Pere spirituel sçache la necessité qu'il y a, comme aussi pour aller voir un monastere de filles, quand on en seroit recherché.

  A016002873 

 Mays je voudrois que l'obligation de le faire sçavoir au Pere spirituel ne tendist qu'a luy faire pourvoir aux circonstances des sorties et a la bienseance, combien [que,] si quelque accident inopiné ne surprenoit, je pense que ces visites de parens ne se devroyent faire que sur une deliberation prise en Chapitre.

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002884 

 Ilz ont despuis peu un proces avec mon Chapitre, a rayson des dismes qu'ilz pretendent ne devoir payer quant au blé, que de trente gerbes l'une, et quant au vin, de soixante charges l'une.

  A016002887 

 Me remettant neanmoins entierement a vostre prudence, je vous supplie seulement qu'il vous plaise, Monsieur mon Frere, me favoriser, a ce que mon Eglise subsiste en ses droitz et que des-ormais ces gens la demeurent en devoir..

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002935 

 Nostre jeune M. des Hayes est icy tout apprivoysé avec le college.

  A016002952 

 Hier, jour de la mort de nostre Vie, au retour des Tenebres, je treuvay vos lettres; ce matin, jour de la sepulture, tout en allant faire les Ordres pour sept a [342] huit personnes de qualité, en nostre chappelle de la Visitation..

  A016002954 

 Si Monseigneur l'Archevesque veut, on pourra bien dispenser pour l'aage en la reception de ces damoyselles, en la contemplation des meres, qui pourront tenir place d'une partie de la resolution que l'aage ne permet pas aux filles.

  A016002956 

 On peut faire venir les damoyselles des Capucins pour essayer, et estant treuvees propres, ne les point renvoyer; car il n'y a pas grand hazard de les tenir en leur habit..

  A016002958 

 Prenés garde a retenir la liberté des sorties extraordinaires [344]: entre lesquelles, les Jubilés, la visite des proches malades, ouy mesme de quelques signalés bienfacteurs ou grand amy de la Mayson, et mesme de quelque sermon, comme celuy de la Passion, doivent, ce me semble, estre reservees, et toutes autres occasions esquelles la Communauté des Seurs, avec l'advis du Pere spirituel, treuveront que ce seroit a propos; car il faut reduire la prattique des sorties a la seule bienseance et modestie que la Religion, jointe a la condition du sujet, requiert, car ainsy en fait on es Congregations d'Italie..

  A016002973 

 Je disois, quant aux sorties extraordinaires, qu'il y failloit enfermer les visites des proches parens malades de maladies de consequence; la visite des eglises es Jubilés generaux, et de venir a certains sermons celebres, comme de la Passion, et toutes autres occurrences que la Congregation des Seurs, avec l'advis du Pere spirituel, jugeroyent dignes de sortir pour quelques insignes charités, comme d'aller visiter quelque insigne bienfactrice et amie..

  A016002983 

 Je n'ay pas receu des il y a quelque tems aucune lettre pour nostre Mere, pour vostre part; j'en attens des siennes aujourdhuy.

  A016003009 

 Cette bonne dame m'a dit de vostre part ce que vous luy aves confié, et je loue Dieu qu'il vous ayt donné des nouvelles affections avec cette nouvelle santé.

  A016003009 

 Sans doute, ma tres chere Mere, puisque les maladies sont comme des coupelles, il faut bien que nostre cœur en sorte plus pur et que nous devenions plus fortz parmi les infirmités..

  A016003010 

 Or, quant a vous, je m'imagine que des-ormais l'aage et la petitesse de vostre complexion vous tiendront souvent alangourie et foible; c'est pourquoy je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la tres aymable volonté de Dieu et en l'abnegation des contentemens exterieurs et en la douceur parmi les amertumes.

  A016003021 

 Aussi n'a-ce pas esté sur ses livres que ce desir m'estoit venu, mays sur des autres, comme par exemple, de M. Valladier, qui a fait imprimer l'an passé ses Sermons sous un tel Privilege, et [353] de plusieurs autres; qui m'a fait estimer que ce n'estoit pas un Privilege tant special.

  A016003031 

 [Monsieur] des Hayes, Maistre d'hostel du Roy,.

  A016003040 

 J'ay mille remerciemens a vous faire des deux lettres que j'ay receuës de vous et que j'ay leuës avec un'incroyable consolation, selon l'inclination que Dieu m'a donnee a l'honneur du glorieux Saint duquel vous habites le lieu natal et l'affection que j'ay a vos merites..

  A016003043 

 C'est, a la verité, une fille que je cheris fort, et qui m'a bien donné de la consolation des il y a dix ans que Dieu voulut qu'elle prist confiance en mon ame; quand vous la verres, je vous prie de la saluer.

  A016003061 

 Vives joyeuse en ce divin Jesus, qui est le Roy des Anges et des hommes.

  A016003071 

 Je respons que la vivacité de ces espritz nourris en leur propre jugement ne m'estonneroit point, pourveu qu'on leur eust proposé les maximes generales de la douceur, charité et simplicité, et le despouillement des humeurs, inclinations et aversions naturelles, qui doivent regner en la Congregation; car en fin, qui ne voudroit recevoir que des espritz avec lesquelz il n'y eust point de peyne, les Religions ne serviroyent gueres au prochain, puisque ces espritz-la feroyent presque bien par tout..

  A016003082 

 O que mon ame, des plusieurs jours en ça, est pleine de nouveaux et puissans desirs de servir le tres saint amour de Dieu avec tout le zele qu'il me sera possible! La vostre, ma tres chere Mere, qui n'est qu'une mesme chose, en fera de mesme; car, comme pourroit-elle avoir diverses affections, n'ayant qu'une mesme vie et une mesme ame?.

  A016003083 

 J'espere que celles de dela vous donnent aussi des pareilz sentimens, et que cette douceur celeste verse ainsy son Esprit sur toute cette petite assemblee de creatures unies pour sa gloire..

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003106 

 Cependant, que vous diray-je de vostre cœur de deça, sinon que Dieu luy donne tous les jours des nouvelles affections pour son service.

  A016003106 

 O que bienheureuses sont les ames qui vivent de la seule volonté de Dieu! Helas! si pour en savourer seulement un bien peu par une consideration passagere, on a tant de suavité spirituelle au fond du cœur qui accepte cette sainte volonté avec toutes les croix qu'elle presente, que sera ce des ames toutes destrempees en l'union de cette volonté?.

  A016003123 

 Je ne vous diray rien davantage, sinon que je me porte [365] mieux, et que mon cœur va mieux qu'il n'est pas allé il y a long tems; mais je ne sçai pas si sa consolation vient des causes naturelles ou de la grace..

  A016003132 

 Dieu vous benisse des benedictions que ce cœur vous souhaite, ce cœur, dis-je, qui vous cherit vrayement d'un'affection toute paternelle et plus que paternelle..

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003139 

 Helas, monsieur mon Frere, que nous avions des-ja regretté nostre commune perte, entre nous autres freres de deça, car les Peres Capucins nous en avoyent donné quelque sorte de nouvelles.

  A016003140 

 Qui se promet des autres occurrences en cette plus que miserable vie, il se trompe grandement..

  A016003159 

 Ma tres chere Mere, il est vray, ce cher filz estoit l'un des plus desirables qui fut onques; tous ceux qui le conneurent, le reconneurent et le connoissent ainsy.

  A016003160 

 Ce filz, ma tres chere Mere, avoit des-ja fait un grand esloignement de nous, s'estant volontairement privé de l'air du monde auquel il estoit né, pour aller servir son Dieu, et son Roy, et sa patrie en un autre nouveau monde.

  A016003160 

 Cette sorte de fin est excellente, et ne faut pas douter que le grand Dieu ne la luy ayt rendue heureuse, selon que, des le berceau, il l'avoit continuellement favorisé de sa grace pour le faire vivre tres chrestiennement..

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003224 

 Ce que Monseigneur l'Archevesque de Lion ayant recommandé a Monseigneur l'Evesque de Geneve, qui est le Pasteur de ce lieu, il a esté jugé expedient de devoir estre accordé, attendu que, par la grace de Dieu, nostre nombre est des-ja asses grand pour pouvoir exercer cette charité, de sorte que troys des nostres sont deputees pour aller dresser cette nouvelle mayson, lesquelles toutesfois, cela estant fait, reviendront icy ou elles se sont premierement donnees a Dieu..

  A016003226 

 Madame, des.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003254 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A016003268 

 J'ay veu, dis-je, ceste modeste et incomparable Judith, aporter glorieusement la teste de l'Holopherne infernal et mondain, et ay trouvé nostre siecle aussi riche qu'aucun des siecles passés, qui ont fait gloire de triompher en la pieté.

  A016003269 

 Mais vous diray je pas encore que, quand vos cheres Filles m'eurent descouvert les leurs en confession, je m'escriay: Mon Dieu, si vos Anges avoyent des corps et des confessions a faire, ilz se confesseroyent de ce de quoy les Filles de ce grand Pasteur s'accusent! Continuez, mon unique Pere et Reverendissime Seigneur, a les faire croistre en la profondeur de leur humilité; car, ou mon genie me trompe, ou tout le monde sera trompé en l'admirable progrez que l'on verra faire a vostre Congregation..

  A016003273 

 JACQUES BONIVARD, le dernier des Jesuites..

  A016003285 

 original des Mémoires, etc.,.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003292 

 Le temps, car l'impatience de l'attente, armée des esperons de mon desir, et les agitations de mes pensées donnoient d'estranges entorses et convulsions à mon indetermination.

  A016003293 

 Je croy qu'il y a des esprits secrets dans les caracteres qui partent de vous, tant ils sont flexanimes, et que d'en haut decoulent des influences particulieres sur vos persuasions, comme si la Deesse Python avoit estably son throsne sur vos levres jamais livre ne me toucha le cœur comme le vostre, jamais lettres ne me contournarent ( sic ) [389] à leur gré comme celles qui me viennent de vous.

  A016003293 

 Vous pouvez sur moy tout ce que vous voulez; vostre jugement a un tel ascendant sur le mien et vostre volonté regente si absolument la mienne, que je rumine vos paroles comme des oracles; je remasche vos escrits comme des fueilles Sibyllines, sur quoy je ne peux faire de gloses qui ne me satisfacent, pourveu qu'elles soient conformes à ces textes.

  A016003308 

 L'entreprise que ces bonnes Dames font de vivre en si grande perfection dans nos Estats Nous plait beaucoup, ayant des grandes esperances du fruit de leurs prieres.

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003332 

 Et particulierement, se puissent terminer les propositions avancees pour la derniere diette, et que vostre assistance serve a là resulution de ce qui a esté avancé et proposé contre ce cruel ennemy des Chrestiens, le Turc, et pour les necessités de la conservation des forteresses voysines d'icelluy, que sont les defences de tous les pais Christiens; et que le secour accordé pour trente moys ait lieu par tout l'Empire, et que l'on se puisse accorder pour la levee de quelque bonne armee, affin de l'emploier pour repoulser ledict ennemy des Chrestiens et aneantir ses forces qu'il va tous les jours accroisant.

  A016003332 

 Ou bien, estant V. R. empechee par l'indisposition de sa personne (que Dieu ne permette) ou par quelque ( sic ) aultres importantz affaires, de se treuver en personne, que ce soit par procureur, avec ample instruction et charge, affin que les communs affaires dudict royaume se puissent resouldre, et les malheurs desquelz il est menassé, empecher par l'asistance des Princes Electeurs et autres Princes et Estatz et par la vostre.

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003384 

 J'en loüe Dieu, Monseigneur, et le benis de ce quil a fait, par vous et la tres digne Baronne de Chantal, une œuvre si sainte et digne de la main, de la peine, du travail des Saints; car tels ouvrages ne se peuvent jetter au moule que par des ames singulierement esleües.

  A016003388 

 General des Chartreux..

  A016003399 

 Je loüe Dieu d'un cœur joyeux que vous ayes transplanté la racine et des branches en nostre France, ou elles rendent desja une odeur de pieté et de devotion qui restaurera la devotion et ralumera le feu du saint amour en plusieurs cœurs de glace.

  A016003429 

 Il me reste donq a vous dire que, comme tous les fleaux que nous souffrons viennent du courroux que, justement, Nostre Seigneur conçoit contre nos pechés, ce quil ne se peut mieux apaiser que par les devotes oraisons des ames religieuses, Nous avons jugé que les vostres seraient tres a propos pour faire souvenir la divine Majesté de sa misericorde et regarder de son œil de pitié nos aflictions publiques.

  A016003442 

 Vray est que le pacquet que ne luy voulutes addresser, M. Trabichet le luy addressa, auquel estoient touttes ces lettres du bon Pere Diego; j'ay donc receu trois des vostres tout a coup, du 21, 22 et 29 decembre, ensemble la procure et lettres pour l'Ambassadeur et M. d'Albon, auxquelles je vous respondray tant amplement que le loisir le me permettra.

  A016003443 

 Quand a ce que vous me dites que je debvois faire que les Cardinaux escrivissent que le Nonce commit des non suspectz pro informatione, cela ne se pou voit, puisqu'alhors il ne [403] se parloit que de la volonté de Son Altesse, pour laquelle sçavoir et procurer nous estre favorable, j'obtins lesdites lettres au Sieur Nonce..

  A016003445 

 Il m'a bien dict que pour ce qui est de faire des services de sa personne, qu'il le fera; mais c'est tout froidement, car il croioit que cecy seroit une cause ou il y auroit a gaigner.

  A016003446 

 Il fera quelques diligences et tout ce qu'il pourra, pourveu qu'il ne faille ny debourser ny escrire, car il m'avoit des-ja promis de faire le...; mais il s'est excusé, voiant la pauvreté.

  A016003446 

 Si vous estes content, et ces Messieurs, qu'on despende, et qu'on ne laisse, a faute d'argent, de solliciter et plaider, escrivé le moy, et ordre a M. Gojon de fournir; car il a receu ordre de me bailler jusques a la somme de 60 florins, et il ne faudra pas [404] beaucoup que la somme sera des-ja achevee, car il ne touche pas terre, comme vous sçaves.

  A016003448 

 Touttesfois, il n'a laissé pour cela de me promettre, hier mattin, que demain il s'en iroit expres treuver le Procureur general des Feuillantz, et luy mostrer la copie de la procure que j'ay transcrit en italien, et luy dire tantum que s'il ne desiste de telle sollicitation (puisque il est prié de M. de Savigny et constitué Procureur), qu'il prendra la chose en main a bon escient.

  A016003451 

 Au reste, en un mot qui en vaut mille: Si Son Altesse parlera en faveur des Feulliantz a Sa Saincteté et priera pour eux, il en sera faict sans autres formalités; sinon qu'en ce cas ledict sieur de Savigny voulut mettre la main a la bourse, et disputer icy la cause a bon escient.

  A016003452 

 Dieu et de ce grand Pere des moines, sainct Benoit; mais avec tout cela, je suis tout preparé de recevoir avec toutte sorte d'actions de graces, de patience et mortification, tout sinistre evenement qui pourroit arriver, puis que c'est chose asseuré que Dieu permet tout pour le mieux.

  A016003452 

 Je ne sçaurois mieux montrer la grande affection que j'ay a defendre et maintenir cette saincte reforme, que d'avoir entreprins si long voiages et des si grandes peines et sueurs que j'ay supporté et supporteray courageusement et allegrement pour l'amour de.

  A016003453 

 Il faut vous repeter le mot principal, affin que, tant vous qu'autres a qui il appartient, vous prepariés comme moy: si Son Altesse faict sçavoir a Sa Saincteté sa volonté en faveur des Feulliantz, il ny aura autre remede que celuy que je vous ay desja allegué..

  A016003454 

 Je n'ay encour la responce de M me des Gouffiers, et si non qu'a la requeste et remonstrance que Monseigneur le Reverendissime en fera a la Congregatione di Vescovi, comme je luy ay escrit que j'estois d'advys, per ultimo rimedio, croyés qu'il ( sic ) n'en feront rien, tres marry que j'en suis..

  A016003456 

 Ne procurés pas, s'il vous plaict, qu'il me donne des commissions qui me puissent empescher en l'affaire principal, qui requiert totum bominem.

  A016003460 

 M. Gojon m'a dict qu'il avoit escrit et esclarcy M. Chastel des 50 florins.

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et ayant faict reflexion sur les bonnes qualités des Reverends Peres Bernabites, despuis que Nous les avons placés en ceste ville de Thurin, les trouvantz tres capables d'apporter a ladicte ville d'Annessy ung grand bien spirituel et temporel, Nous avons estimé de le faire remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, droictz et charges d'iceluy, saufz de moderer ce qui pouvoit estre contraire a leurs Reigles et Constitutions.

  A016003496 

 Voyant que le College d'Annessy a besoing d'estre restauré pour l'utilité de la jeunesse, bien et commodité de la ville, il Nous a semblé bon de ne pouvoir faire meilleur ( sic ) ny plus convenable election que des Reverends Peres Bernabites, lesquelz nous recognoissons tous les jours plus habilles et capables d'en avoir le soing.

  A016003513 

 Et l'ay trouvé grandement offencé des manquemens de S. A. de Savoye, quil cache neantmoins, jugeant bien quil ne s'en peut aysement ressentir; et quant il l'auroit peu, il ne l'eust pas executé sans la permission de Leurs Magestez, en la bonne grace desquelz il veut vivre et mourir, et sous leur protection..

  A016003514 

 Et m'a particulierement dit que sadite Altesse luy est redevable des exactions extraordinaires et logement de gendarmerie faite ( sic ) contre l'ordre des contrats et transactions passez entre eux et ses predecesseurs, plus d'ung million d'or.

  A016003514 

 Leurs Magestez le voulant ayder, il se promettoit quil se mestroit en confiance avec ceux de Berne et de Geneve, ses plus proches voisins, et qu'en ceste occasion luy permettant de lever des troupes, il fut passé, avec sept ou huit mil hommes de pied et quelque cavallerie, en Piedmont, ou estant, si sadite Altesse ne l'eust contenté de son mariage, il s'en fust revenu assisté, comme il se promettoit, [412] et suyvy de ce quil y a de François et Savoyars dans son armee, qui sont en effet les meilleurs hommes qu'elle aye; qu'avec l'ayde de Leurs Magestez, il se seroit fait faire raison, et, en tout cas, ny auroit procedé qu'ainsy quil leur eust pleu.

  A016003514 

 Quil remet le tout a vostre prudent avis, et quil veut croire et se conduire en cecy et toute autre chose par vostre conseil, sous le bon plaisir de Leur ( sic ) Magestez; quil a tousjours eu une grande volonté d'entrer en conference avec vous des le tems du feu Roy, et en a esté souvent solicité par le sieur de la Bretonniere, son intendant..

  A016003515 

 Il a des troupes sur pied, et desire que je leur commande, pour la fiance quil a en moy, et crois qu'a cela l'amitié que M. d'Alincourt me porte m'y a beaucoup servy, et m'a envoyé vers luy pour savoir s'ils se pourraient secrettement aboucher ensemble; ce que je trouve dificile, veu l'ombrage que S. A. prend contre ce Prince de son affection envers la France, et du ressentiment de son offence.

  A016003518 

 Et recevons tous les jours des courriers en ce lieu, de S. A., de son fils le Cardinal, et marquis de Lans, pour faire passer mondit Seigneur en Piedmont, et connoissons le repentir quil a de l'avoir laissé sortir de Thurin.

  A016003574 

 Des documents inédits et une interprétation exacte et rigoureuse des vieilles Chroniques de l'époque, nous permettent de présenter dans l'ordre des dates et dans leur suite naturelle, les événements qui introduisirent en France le premier essaim de la Visitation d'Annecy..

  A016003575 

 M me Elisabeth des Gouffiers, l'une de ses Religieuses, ne l'était devenue que par force et sous la contrainte maternelle.

  A016003576 

 «Cette bonne Dame fut tellement touchée de cette lecture et conçut une si haute estime de l'auteur de ce livre, qu'ayant appris qu'il avait érigé une Congrégation en laquelle il avait donné des lois encore plus parfaites, elle fit vœu à Dieu de ne se point donner de cesse et d'employer toutes ses industries pour se faire conduire à Annecy auprès du saint Pasteur et de la nouvelle Congrégation.» Malgré les contradictions qui n'étaient pas pour faire fléchir une volonté tenace, en dépit d'une «petite complexion,» et indécourageable, elle put arriver à Lyon.

  A016003577 

 Vivienne des Gouffiers, marquise de l'Ecluse, qui avait accompagné sa sœur, tomba gravement malade dès l'arrivée et dut retourner en son pays par ordre des médecins.

  A016003579 

 Le Bienheureux fut tout aise de le recevoir, entièrement disposé à lui donner audience «a sa consolation et edification!.» Le chanoine de Belleville l'entretint à loisir de ses pensées et lui révéla les prétentions de M me des Gouffiers.

  A016003580 

 Touchée [419] des merveilles qui se disaient de l'Evêque de Genève, elle aussi avait conçu un très ardent désir de le voir, «de luy remettre la direction de sa conscience et de luy demander l'entrée» dans son premier Monastère.

  A016003581 

 M me des Gouffiers ne tarda guère à découvrir le petit cénacle et, avec cet esprit conquérant qui lui était particulier, elle eut bientôt fait de décider la pieuse troupe à entreprendre le voyage d'Annecy.

  A016003583 

 Les quatre voyageuses furent accueillies, l'on s'en doute bien, «avec des bontés qui leur ravirent soudain le cœur.» On leur donna l'entrée du monastère pour satisfaire leur dévotion.

  A016003583 

 «Elles trouvèrent toute la suite des exercices, la manière de traiter» des «premières Mères et Sœurs,» leur cordialité et leur modestie «si [420] à leur gré, qu'elles eussent voulu bâtir céans... quatre petites cellules pour y passer le reste de leur vie.».

  A016003584 

 «Après avoir séjourné dix ou douze jours» au premier Monastère, ces «bonnes damoyselles» s'en retournèrent à Lyon, à l'exception de «M me des Gouffiers qui ne se put résoudre à quitter» les «bienheureux Fondateurs, et demeura dans la Congrégation avec des ardeurs inexplicables pour la perfection.» Les trois autres ne sortirent d'Annecy qu'à regret, protestant qu'elles y laissaient leur cœur..

  A016003585 

 Une fois à Lyon, ces âmes ferventes, pénétrées des beaux exemples qu'elles avaient contemplés chez les dévotes Filles de la sainte Mère de Chantal, n'eurent plus qu'une pensée: celle d'obtenir une place auprès d'elles.

  A016003587 

 A l'imitation des anciens contradicteurs, qui disaient si Dieu ne parlait qu'à Moyse, ils dirent aussi... si Dieu ne faisait des merveilles que par l'Evêque de Genève; si d'autres Evêques ne pouvaient pas ériger des Congrégations autant parfaites et bien réglées que celle qui était établie à Annecy.

  A016003589 

 Elles reçurent de M. Lourdelot des [422] règlements provisoires, en attendant de pouvoir choisir l'une des quatre Règles approuvées par l'Eglise..

  A016003589 

 M gr l'Archevêque donna aux quatre fondatrices l'habit religieux: il «consistoit en une robe gris Minime, une ceinture de corde et un voile blanc,» costume qui ressemblait à celui des Clarisses.

  A016003590 

 La nouvelle de cet événement, raconte la Mère de Chaugy dans ses Mémoires, «fut apportée à Annecy lorsqu'on croyait que l'on venait prendre des Sœurs pour aller fonder à Lyon.

  A016003591 

 La confusion des langues se jeta parmi ces congrégées;» quoiqu'elles fussent toutes de très bonnes âmes, «il leur arriva... tant de petites mésintelligences et entre elles-mêmes et entre leur conducteur,» qu'elles ne purent vivre six semaines ensemble et résolurent de se séparer..

  A016003592 

 La Communauté naissante venait de se débander, elle était dans le plus profond désarroi, lorsque M me des Gouffiers, allant au Paraclet pour s'y faire délier de ses vœux, arriva à Lyon à la fin de septembre 1614.

  A016003593 

 Quelques jours après (26 octobre), il envoyait par sa correspondante, des messages pour le Religieux et pour les «Dames de la Presentation, M mes d'Auxerre, Colin et Belet.» Il semble donc qu'à cette date l'ancien projet était repris, et avec un cordial effort de part et d'autre pour le faire aboutir..

  A016003594 

 Auparavant, l'Archevêque de Lyon avait reçu la visite des Religieuses qui, désemparées et comme des «brebis errantes,» venaient solliciter assistance et compassion, demandant qu'après cette expérience, il plût à Sa Grandeur d'appeler le cher Institut d'Annecy.

  A016003595 

 De son côté, M me des Gouffiers pressait aussi le Fondateur d'envoyer ses Religieuses.

  A016003596 

 Ce trait a sa place ici, parce qu'il fut grandement admiré des amis de la Visitation et qu'il toucha vivement les deux Fondateurs.

  A016003596 

 Notre-Seigneur y mit ordre: à l'ouverture des patentes, l'on vit que le mot était miraculeusement changé, et qu'où les hommes avaient mis Congrégation de la Présentation, il y avait en beau caractère bien formé Congrégation de la Visitation... Cette merveille... fut cause que notre petit Institut fut mieux goûté qu'il n'eût été; ceux qui avaient été contraires à notre établissement disaient alors: «La main de Dieu travaille pour ces Religieuses ici.».

  A016003596 

 Voici [424] comment la Mère de Chaugy raconte la chose: «Avant que notre bienheureuse Mère et sa chère troupe arrivassent à Lyon, l'on voulut visiter les patentes royales obtenues pour l'autre établissement, afin de faire changer le mot de Présentation en celui de Visitation; pour cela il fallait faire quelque retardement, et des allées et venues.

  A016003598 

 Avant de partir pour l'assemblée des Etats généraux, M gr de Marquemont avait tenu parole et, très obligeamment, demandé à saint François de Sales qu'il permît à la Mère de Chantal de venir en sa ville établir une Maison de la Visitation.

  A016003598 

 Il députa, pour aller chercher les Religieuses, M. Ménard, vicaire général, chanoine et sacristain de l'église Saint-Nizier, et le chanoine de Médio, avec mesdames des Gouffiers et Colin..

  A016003609 

 Et dautant que ceste bonne intention des exposantes ne peust sortir son effect sans nostre permission et l'impetration de noz Lettres pour ce necessaires, elles Nous auroient tres humblement faict supplier icelles leur octroyer, aux charges cy devant mantionnées.

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Sçavoir faisons que Nous, désirans subvenir ausdictes exposantes en cet endroict, et Nous rendre participans de leurs devotes prieres et oraisons pour la prosperité de cest Estat, de l'avis de la Royne Regente, nostre tres honnoré ( sic ) Dame et Mere, et de nostre propre mouvement, grace speciale, plaine puissance et autorité royalle: Avons permis et accordé, et comettons et accordons par ces presentes, signées de nostre main, ausdictes exposantes, de faire construire, bastir et ediffier, en nostre dicte ville de Lyon, un Convent de la Congregation des Sœurs dediées a Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION, au lieu et place qu'elles choisiront ou auront choysi [428] pour cet effect, à elles appartenant, moings incommode au publicq, et par l'advis du Gouverneur et des Prevost et Eschevins d'icelle ville, pour s'y r'enfermer et vivre le reste de leurs jours aux conditions qui leur ont estes prescriptes par ledict Archevesque de Lyon et soubz son auctorité et jurisdition; sans qu'elles puissent estre en ce que dessus, troublées ou empeschées par quelque sorte de personnes ou en quelque maniere que ce soit.


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
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 Dans la correction des défauts, ne pas séparer la pratique de l'humilité de la fidélité envers Dieu.

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 — Utilité des confessions fréquentes.

  A017000020 

 — Dieu protège l'honneur des gens de bien 23.

  A017000020 

 — Quelle doit être l'attitude d'une personne honorable en face des diffamations, et le meilleur moyen de répondre aux chansonneurs.

  A017000022 

 — L'union des âmes les rend présentes l'une à l'autre.

  A017000027 

 L'importunité des grandes villes.

  A017000027 

 — La paix après la guerre: courage militaire des princes de Savoie et de la noblesse savoyarde; force veuves et orphelins. 28.

  A017000028 

 MCI. A M. Antoine des Hayes.

  A017000028 

 Pourquoi le jeune des Hayes a fini par se ranger à la discipline.

  A017000030 

 — « La terre des tranchees » et « celle des tombeaux.

  A017000032 

 Des Tiercelines de Toulouse en quête d'une direction; difficulté pour la Visitation de l'accepter.

  A017000034 

 — Dieu fait son bon plaisir malgré les petitesses et l'amour-propre des hommes.

  A017000037 

 On peut attendre de grands fruits de l'établissement des PP. Barnabites à Thonon et de la restauration du culte qui sera faite par eux dans l'église de Saint-Augustin.

  A017000041 

 — Danger de la liberté de propriété et avantage de la liberté des communications spirituelles. 42.

  A017000048 

 — Le Général des Feuillants en visite chez le Saint.

  A017000054 

 — Le courage des filles du monde et celui des filles de Dieu.

  A017000059 

 Justification loyale et ferme du Saint au sujet des soupçons éveillés par la visite de l'Archevêque de Lyon.

  A017000062 

 — La « grande Fille » particulièrement chérie des deux Fondateurs.

  A017000066 

 Aimable entente pour l'échange des lettres.

  A017000066 

 — Les lis entre les épines et les roses auprès des aulx.

  A017000066 

 — Renouvellement des vœux le jour de la Présentation.

  A017000067 

 Céleste nourriture des enfants de Dieu.

  A017000067 

 MCXL. A la Sœur de Blonay Maitresse des novices a la Visitation de Lyon.

  A017000072 

 MCXLV. A Dom Sens de Sainte-Catherine général des Feuillants (Fragment).

  A017000073 

 Couronnes des épouses et soucis des mères.

  A017000080 

 Constance des saintes affections.

  A017000084 

 Vicissitude des années et permanence des affections formées par Dieu.

  A017000094 

 — Les « caprices des hommes.

  A017000099 

 Reconnaissance de la province envers Son Altesse pour l'établissement des Barnabites à Annecy.

  A017000101 

 Des racines qu'on ne peut arracher, mais qui ne doivent pas produire de fruits.

  A017000103 

 — Au milieu des ennuis, s'attacher, esclave d'amour, au pied de la Croix.

  A017000104 

 — Conseils pratiques sur la fréquentation des Sacrements et les exercices de piété.

  A017000105 

 Divers conseils pour l'administration des biens laissés par M. de la Fléchère — Paternels avis pour la vente de ses chevaux.

  A017000106 

 Nouvelles démarches auprès de la cour de Savoie pour l'établissement des PP. Barnabites à Thonon. 102.

  A017000107 

 — Confiance des peuples en l'intercession de ce glorieux Prince.

  A017000111 

 Hommage d'obéissance et souhaits de prospérité à l'occasion des fêtes pascales. 105.

  A017000112 

 Des lettres pour les Princes et une mission auprès du comte de Verrua confiées au destinataire.

  A017000113 

 Démarches pour l'établissement des PP. Capucins à La Roche. 107.

  A017000114 

 MCLXXXVI. A la Sœur de Blonay assistante et maitresse des Novices a Lyon (Fragment).

  A017000116 

 — Nouvelles explications au sujet des visites de prélats français à Annecy. 108.

  A017000118 

 — Céder aux conseils des amis. 111.

  A017000119 

 Quelles amitiés sont indépendantes des distances et des séparations 112.

  A017000120 

 — Méthode très simple pour la méditation des mystères de la Vie de Notre-Seigneur.

  A017000121 

 — Quel ordre suivre dans le paiement des dettes.

  A017000124 

 — La vie toute sainte et édifiante des Religieuses de la Visitation.

  A017000125 

 MCXCVII. A la Sœur de Blonay maitresse des Novices a la Visitation de Lyon.

  A017000138 

 — Danger de retarder l'exécution des bons désirs.

  A017000147 

 Eloge des deux premières Communautés de la Visitation.

  A017000147 

 — Chant doux et grave des Sœurs.

  A017000152 

 — Avantages des infirmités corporelles.

  A017000160 

 » — Un livre qui suppléera à la rareté des lettres.

  A017000160 

 — La « coustume des peres.

  A017000164 

 Une des joies du Saint dans le Ciel.

  A017000165 

 — La tentation des « anges terrestres.

  A017000166 

 MCCXXXVII. A Madame des Gouffiers, a Moulins.

  A017000168 

 Démarche du Fondateur auprès des syndics pour garantir les matériaux de l'église de la Visitation.

  A017000171 

 MCCXLII. A Madame des Gouffiers.

  A017000171 

 — Que Mme des Gouffiers supporte courageusement le fardeau que sa bonne volonté lui a fait désirer.

  A017000172 

 La « plus excellente leçon de la doctrine des Saintz.

  A017000175 

 Le Saint réclame une lettre écrite par Charles-Emmanuel au Vice-légat d'Avignon au sujet des étudiants au collège de Savoie. 170.

  A017000177 

 — Supplique des Religieux de Talloires. 171.

  A017000178 

 Requête en faveur des étudiants savoyards au collège d'Avignon 171.

  A017000186 

 Un galérien qui doit payer sa grâce par des œuvres pies. 178.

  A017000187 

 La reconnaissance du Saint s'unit à celle des Pères Barnabites. 178.

  A017000201 

 » — Reconnaissance des Religieux et du peuple 187.

  A017000201 

 — Dieu « donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017000201 

 — Le duc de Nemours, futur fondateur de l'église des Barnabites.

  A017000203 

 Des sujets fidèles méritent les faveurs de leur Prince 189.

  A017000206 

 — Raisons divines des maladies et des guérisons.

  A017000207 

 — Sentir des répugnances à la vertu n'est pas manquer d'amour.

  A017000210 

 MCCLXXX. A Madame des Gouffiers (Inédite).

  A017000217 

 Un ecclésiastique qui porte les armes et extorque des lettres de faveur au duc de Savoie.

  A017000220 

 — Que faire des gens qui veulent se gouverner à leur guise.

  A017000222 

 — Comment guider sa barque au milieu des vents. 203.

  A017000223 

 Le Saint présente aux Pères capitulaires un Mémoire concernant l'extension des Barnabites en Savoie. 205.

  A017000229 

 MCCXCIX. Au Père Général des Barnabites.

  A017000230 

 — Envoi des Règles de la Visitation.

  A017000231 

 — Est-ce hypocrisie « de ne pas faire si bien que l'on parle? » — Marcher « par le milieu des belles vertus, » et non « par les extremités » des subtilités.

  A017000231 

 — Folie des enfants du monde.

  A017000235 

 — Une vérité connue des enfants de Dieu avant la dernière heure.

  A017000246 

 G. Lettre du Maire et des Échevins de Moulins.

  A017000255 

 II. René Gros de Saint-Joyre aux amans de l'amour parfaict (Extrait des pièces préliminaires de la Mire de vie, etc.) 241.

  A017000268 

 De sorte que, quand cet honneste homme que vous m'envoyastes me vint parler de cela et que je vis la lettre de monsieur de Charmoysi, je fus tout surpris et dis que je n'avoys point de charge de cela, et que mesme, m'estant enquis des Peres Barnabites et de plusieurs autres sil y avoit du mal en M. Rosset, pour lequel on le deust renvoyer, je n'avois rien peu treuver qui meritast cela.

  A017000268 

 Et sur cela, M. de Vallon se chargea de rechef de s'enquerir des deportemens du sieur Rosset, et en alla parler aux Peres Barnabites et a d'autres qui, comme il me dit par apres, treuverent fort estrange qu'on parlast de ce changement; et alla treuver monsieur de Charmoysi qui m'escrivit une lettre par laquelle il me mandoit en termes generaux, que j'avois tout pouvoir, et ne me disoit nulle resolution..

  A017000269 

 En somme, je conclus a M. de Vallon qui m'apporta la lettre, qu'en leur absence et la vostre je prouvoirois aux enfans, quand je m'appercevrois quil y eust chose qui meritast que j'y misse la main, pour le devoir que [2] je leur avois a tous trois; mais que les peres et meres estans presens, c'estoit a eux de s'en accorder et de le faire; et que je m'en remettois a eux, puisque principalement monsieur de Charmoysi requeroit en la lettre que vous m'envoyastes, des conditions en un maistre qu'on ne treuve pas mesme es maistres ou precepteurs des Roys: un maistre qui n'eust rien a faire qu'apres les enfans, ni pour dire la Messe, ni pour estudier d'estude particulier.

  A017000269 

 Sur quoy, je ne sceu que dire non plus, car vous ne m'avies rien marqué de particulier des defautz de M. Rosset.

  A017000270 

 Certes, il ne faut pas craindre que les enfans perdent le tems en ce College, ou le P. Prefect mesme fait des repetitions particulieres, nommement aux vostres, desquelz il a un grand soin, et se contente fort de M. Rosset.

  A017000270 

 Ilz ont deux grandes leçons le jour, ilz ont des compositions a faire, ilz ont des repetitions frequentes: ilz ont, a mon advis, tout ce quil faut, et beaucoup plus que nous n'avions de mon tems.

  A017000270 

 Voyla tout, ma tres chere Fille, sinon quil faut que je vous die que des-ja le changement de M. Romain a M. Rosset fut treuvé mauvais, par ce que ceux la mesme qui parloyent en mal de M. Rosset ont dit despuis quilz avoyent eu tort, et M. de Charmoysi le fit seulement pour ne vous point desagreer, par condescendence.

  A017000288 

 En cette espece de manquemens, je prendray, sil vous plait, l'absolution de vous, que vous ne me refuseres point, en vertu de vostre courtoysie, que j'implore des maintenant, en attendant lhonneur de vostre praesence quand il vous plaira le nous donner.

  A017000288 

 Il est vray, j'ay sursis de vous escrire si souvent, pour le respect que je doy a vos affaires, sans que pour cela j'aye laissé de desirer et demander souvent des asseurances de vostre santé.

  A017000306 

 Est-il possible que nous chantions eternellement le cantique de gloire au Pere, au Filz, au Saint Esprit? Ouy, l'ame de ma Mere le chantera es siecles des siecles.

  A017000306 

 Et Dieu en sera beni en l'eternité des eternités.

  A017000307 

 Gloire soit au Pere, au Filz et au Saint Esprit, de l'assemblee qu'il a faite de tous ces cœurs pour son honneur; mais, helas! que de confusion pour le mien qui a si peu fidelement cooperé a une si sainte besoigne! Or sus, cette mesme tressainte Trinité, qui est une tres souveraine bonté, nous sera propice, et nous ferons des-ormais sa volonté.

  A017000318 

 Or, ma chere Mere, il faut reprimer ces eslancemens, qui procedent de l'exces de cette passion amoureuse; et quand vous surprendres vostre esprit en cet amusement, il faut soudain, et mesme avec des paroles vocales, retourner du costé de Nostre'Seigneur et luy dire, ou cecy mesme ou chose semblable: O Seigneur, que vostre providence est douce! que vostre misericorde est bonne! Hé, que cet enfant est heureux d'estre tombé entre vos bras paternelz, entre lesquelz il ne peut avoir que bien, ou qu'il soit..

  A017000319 

 Retirés donques ainsy vostre esprit, et apres cela, divertissés-le a des actions d'amour envers Nostre Seigneur crucifié..

  A017000320 

 Il se faut sans doute moderer en ces ardeurs des affections naturelles, qui ne servent qu'a troubler nostre esprit et divertir nostre cœur..

  A017000320 

 Quand vous recommanderes cet enfant a la divine Majesté, dites-luy simplement: Seigneur, je vous recommande l'enfant de mes entrailles, mays bien plus l'enfant des entrailles de vostre misericorde, engendré de mon sang, mays reengendré du vostre.

  A017000331 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'ay esté grandement consolé desçavoir de vos nouvelles, puisque mesme elles sont toutes fort bonnes; car, quant a la chere fille, c'est un signe desirable pour sa future pieté que le cors se ressente des affections du cœur et quil en devienne las, car il en print ainsy a Nostre Seigneur mesme et a plusieurs de ses plus grans Saintz.

  A017000332 

 Ce desir qui se presente en l'orayson et cette volonté qui luy vient tous les jours sont aussi des bonnes marques; mays le tems fera voir plus clairement a quoy elle se devra resoudre.

  A017000333 

 J'iray en Chablaix ce moys d'aoust, Dieu aydant, ou j'auray toute commodité de la voir, si elle y est, pourveu [9] qu'on ne s'apperçoive point des bonnes pensees dont il est question, car ce sont choses que le monde contredit tous-jours..

  A017000334 

 Si nous sçavons le jour auquel la seur Gavent ira a Belloci, nous y ferons rencontrer des gens pour l'assister et voir l'affaire.

  A017000366 

 Mays certes, il faut tout de bon avoir soin de vostre cœur, pour le purifier et fortifier selon la multitude et grandeur des inspirations que vous en aves.

  A017000367 

 Or j'entens, qu'encor que vous esloigneres un peu vos Communions, vous ne laisseres pas pour cela de bien suivre la frequence des confessions, car de celles ci, il n'y peut avoir aucune rayson de les esloigner; au contraire, elles vous seront utiles pour assujettir vostre esprit qui, de soy mesme, n'ayme pas la sujettion, et pour l'humilier et luy faire mieux discerner ses fautes..

  A017000383 

 Je respons a vostre derniere demande, en peu de paroles, que je n'ay pas changé d'advis despuis que j'escrivis l' Introduction a la Vie devote; au contraire, je me voy tous les jours affermi en mon sentiment pour ce qui regarde le support des injures.

  A017000383 

 La passion, a l'abord, nous fait tous-jours desirer des vangeances; mais quand nous avons un peu de crainte de Dieu, nous n'osons pas les appeller vangeances, ains nous les nommons reparations..

  A017000384 

 Jamais [14] une femme qui a le vray fondement de l'honneur ne le peut perdre; nul ne croit ces infames diffamations, ni ces chansonneurs: on les tient pour des meschans.

  A017000385 

 Croyés moy, ma chere Fille, l'honneur des gens de bien est en la protection de Dieu, qui permet bien quelquefois qu'on l'esbransle pour nous faire exercer la patience, mais jamais il ne le laisse atterrer, et le releve soudain..

  A017000385 

 J'ay une recente experience de la vanité, ou plustost du dommage que les proces apportent en ces occasions, en une des plus vertueuses dames du Maconnois, qui s'est infiniment mal treuvee d'avoir quitté mon advis pour suivre l'impetuosité de la passion de ses parens.

  A017000385 

 Mays sur tout, certes, il n'y a point d'apparence que ce pauvre diffamateur se sousmettant a reparer autant qu'en luy est l'injure, au jugement des parens, on aille prendre cet autre biais de playdoyeries, c'est a dire de labirinthes et abismes de conscience et de moyens.

  A017000400 

 Laissant les grans Ordres des-ja establis dans l'Eglise honnorer Nostre Seigneur par d'excellens exercices et des vertus esclattantes, je veux que mes filles n'ayent autre pretention que de le glorifier par leur abbaissement; que ce petit Institut de la Visitation soit comme un pauvre colombier d'innocentes colombes, dont le soin et l'employ est de mediter la loy du Seigneur, sans se faire voir ni entendre dans le monde; qu'elles demeurent cachees dans le trou de la pierre et dans le secret des mazures, pour y donner a leur Bienaymé vivant et mourant, des preuves de la douleur et de l'amour de leurs cœurs, par leur bas et humble gemissement... [17].

  A017000400 

 ... C'est pour donner a Dieu des filles d'orayson et des ames si interieures, qu'elles soyent treuvees dignes [16] de servir sa Majesté infinie et de l'adorer en esprit et en verité.

  A017000455 

 Elle a grand besoin d'estre assistee et appuyee bien doucement, pour la multitude des travaux que la vivacité de son esprit luy donne, qui ne cesse guere de luy fournir des motifz pour aggrandir son mal.

  A017000457 

 Elle se confessa derechef a moy, pour sa consolation et non par necessité, car elle avoit receu le jour precedent tous ses Sacremens, et mesme l'Extreme Onction, et fit la plus absolue indifference que j'aye jamais veuë; car ses domestiques et voysins la pressant de faire des vœux pour guerir, jamais elle ne voulut, mays dit que ce que Dieu feroit luy seroit le plus aggreable et qu'elle ne voudroit pas, par le moindre desir dû monde, demander a Dieu ni la vie ni la mort, luy laissant sans reserve sa vie entre ses mains, pour en faire a son gré; et ce qu'il [23] luy plairoit seroit aussi ce qu'elle vouloit.

  A017000471 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté aupres de luy ces jours passés, et pensois bien de la vous bayser les mains, comme je fay maintenant tres humblement par lettre; mais je n'en eus jamais le loysir, a cause de l'empressement des visitari et visitare.

  A017000472 

 La guerre a esté courte, mais aspre tout ce qui se peut, [25] et ou Son Altesse et les Princes ses enfans ont fait paroistre leur vertu originaire des anciens Amé et Thomas.

  A017000488 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté ces jours passés aupres de luy, ou je pensois treuver le loysir de demy heure pour vous escrire; mays je ne sceu onques gaigner cela sur la multitude des visites et de quelques autres occupations qui me furent donnees, outre quelques predications.

  A017000489 

 Et je l'ay encor plus souvent reprimandé; en quoy il m'a extremement obligé, par le sentiment qu'il a tesmoigné d'estre marry de me desplaire, si que, en fin, pour l'amour de moy, il commence fort a se bien ranger; et par ce moyen, il tireroit encor mon cœur a soy, s'il ne luy estoit des-ja tout acquis.

  A017000489 

 Il a eu pour cela prou de disputes avec ses maistres, qui le vouloyent empescher de sortir et de prendre des libertés contraires aux regles du college.

  A017000500 

 [Monsieur] des Hayes,.

  A017000524 

 Mais, ce qui console les miserables, c'est que de ceux qui furent nos ennemis, il en meurt beaucoup davantage, comme s'ilz n'estoyent sortis de la terre des tranchees que pour reentrer en celle des tombeaux..

  A017000540 

 Et ne sert a rien de m'alleguer des exemples, car les Evesques qui les permettent peuvent avoir plus d'authorité que je n'ay pas; et comm'ilz ont, je m'asseure bien, dequoy respondre de leurs actions, aussi respondray-je, comme j'espere, des miennes.

  A017000540 

 Je ne doute point que les mariages des catholiques et hæretiques ne soyent bons quand ilz sont faitz; mais de les permettre et faire benir, le Pape mesme ne le fait pas.

  A017000540 

 Je sçai quil arrive des consequences peu desirables, mays je m'arreste a mon devoir..

  A017000557 

 Et puis, comme pourroyent elles servir en un Institut qu'elles [ne connaissent] pas? J'admire que cette bonne [dame refuse de convertir] ce dessein en Carmelines; car, pour [le dire à votre cœur] comme au mien propre, les Tiercelines... lesquelles le sont d'un seul Ordre et qui n'est encor [pas reconnu des] doctes, comme n'ayant que cinq ou six petitz monasteres..

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000569 

 Ce ne sera pas sans parler de nostre bastiment d'Annessi avec ce bon Abbé, si toutefois l'arrivee du Pere General des [38] Feüillans qui, comme moy, y doit estre pour le jour de saint Bernard, ne nous occupe en d'autres affaires que vous sçavés.

  A017000570 

 Je m'asseure que vous aures meshuy receu la response [39] que je vous fis sur la venue de cette bonne Mere Isabelle, et sur l'envoye des filles, et j'attendray de sçavoir vostre sentiment..

  A017000584 

 Et je me suis resouvenu du jardin, quand j'ay veu comme Dieu faisoit son bon playsir malgré la foiblesse des espritz humains et les tenebres de l'amour propre.

  A017000584 

 Le P. D. Juste viendra, je m'asseure, soudain icy, pour achever un affaire que Dieu a tres heureusement acheminé par mon service, et j'espere que luy mesme fera encor l'accommodement des jardins, que vous aves tant de justes sujetz de desirer et que nostre chere Mere affectionne tant; je dis nostre Mere en tout ce qu'ell'est.

  A017000596 

 O Dieu, qu'il est vray que la ferveur ne depend pas de la bouche des confesseurs differens, mays de la grace de Dieu et de la simplicité et humilité du cœur! Mays les Constitutions sont claires, qu'on peut appeller des confesseurs outre les quatre fois, pour la consolation de celles qui le desirent.

  A017000601 

 chez les RR des Sœurs hospitalières de Saint-Joseph.

  A017000621 

 Suivant le commandement de Vostre Altesse, je suis venu icy pour procurer l'introduction des PP. Barnabites [45] en la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, et en fin le traitté de cette affaire est parvenu jusques a l'arresté cy joint..

  A017000622 

 Or, il ne se peut dire combien l'advancement des Peres Barnabites en ces contrees de deça sera utile pour celuy de la gloire de Dieu, non seulement pour la confirmation de la foy parmi ces bons peuples, qui, a la faveur de l'incomparable courage et rare pieté de Monseigneur, pere de Vostre Altesse, ont esté remis dans le giron de la sainte Eglise catholique, mays aussi pour la confusion des ennemis de la foy qui environnent de toutes parts cette province, delaquelle il ne se peut faire que le bien spirituel ne s'escoule petit a petit sur le voysinage, [46] qui, parce moyen, pourra recevoir insensiblement des grandes dispositions pour se convertir et reduire au devoir..

  A017000623 

 Mais encor, Monseigneur, je ne puis me retenir que je ne tesmoigne la joye que je sens dequoy, parla venue de ces bons Peres en cette ville, nous verrons refleurir le saint service divin dans l'eglise de Saint Augustin, fondee par le fameux Amé, grand aïeul de Vostre Altesse, et en une ville honnoree de la naissance de cet excellent Serviteur de Dieu, le bienheureux Amé, duquel nous respirons la canonization avec des desirs nonpareilz, esperant que, par la publique invocation de son secours, nous obtiendrons la fin de tant d'afflictions, de pestes et tempestes, desquelles, despuis quelques annees, il a pleu a Dieu de visiter ce peuple..

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000634 

 Je ne sçai si celuy qui la doit faire a sa dispense des deux irregularités, dont l'une luy est naturelle, estant nay hors le mariage, et l'autre acquise, pour jugé, comm' il est a croire, in criminalibus.

  A017000634 

 Mays sil avoit dispense, alhors encor auroit-il tort s'il croyoit que la seule science donnast le prix en cette lice-lâ; et tous-jours faudroit-il se tenir a la pluralité des voix, qui est irreprochable a celuy qui les prend, sur tout sil n'en donne point.

  A017000634 

 Tout le mal donq en ce cas-la consistera en la clabauderie, en laquelle il faut demeurer grave et tranquille, ne repliquant rien, sinon: La plus part des voix est suivie.

  A017000635 

 Mays cette dilation ne doit estre faite qu'a l'extremité, et sur la difficulté des-ja esmëue en l'assemblee, non pas sur l'apprehension de la difficulté.

  A017000636 

 Et a propos de cette pension, il la faut establir en sorte que celuy a qui la cure sera adjugee, ne soit point mis en possession qu'il n'ayt, par consentement mis au greffe, declaré quil prend le benefice avec cette juste charge, imposee par mon authorité et par le conseil des examinateurs.

  A017000637 

 Or, je dis ceci seulement par maniere de proposition, m'estant advis que la charité oblige ces messieurs de gratifier, es occurrences, les plus pauvres d'entr'eux et ceux qui y ont des-ja esté asses d'annees.

  A017000637 

 Si le curé de Miouxi est decedé, on pourra bien [50] favoriser monsieur de Monfalcon, a la charge quil mettra des vicaires de poids, tandis que, pour la poursuite de ses estudes, il sera dispensé de sa residence, car il faut des meilleurs vicaires ou les curés ne resident pas; et le Chapitre mesme, comme y ayant interest, pourroit reserver qu'ilz fussent examinés expres pour cela.

  A017000651 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait au Noviciat des RR. PP. Jésuites.

  A017000661 

 Je sçai quil arrivera aussi quelque difficulté sur la [53] reception de monsieur Jay au concours, dautant que la rayson pour laquelle nous jugeasmes de le pouvoir excepter sans consequence de la regie des resignans leurs cures, semble manquer de fondement, puisque le bien publiq que nous desirions ne s'en est pas ensuivi.

  A017000674 

 J'ay regretté des hier au soir la perte que nous avons faite, mon cher Frere, de nostre bon monsieur le [54] Vicaire, car j'en sceu la nouvelle par une lettre de monsieur le premier President.

  A017000674 

 L'amitié fraternelle que ce pauvre defunct nous portoit a tous, m'obligera a jamais de cherir et honnorer sa memoyre et de prier souvent pour son ame, comme j'ay fait des aujourdhuy.

  A017000674 

 Ni vous ne deves pas alleguer au contraire que vous n'aves pas la connoissance des choses des proces, car c'est la moindre des functions du grand vicaire, et pour le bon succes delaquelle il suffit quil ayt de la vigilance et du zele pour faire que les autres officiers facent bien leur devoir, et qu'il establisse un bon substitut et des bons assesseurs.

  A017000675 

 Cependant, faites pour moy comme si des-ja vous esties establi, et sera bon de mettre la cure de Boussi au concours au plus tost.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000692 

 Certes, qui est douillet [58] de porter un linge et un drap lavé parce qu'il a esté, auparavant le lavement, porté par son frere chrestien, je ne sçay pas comme il ose dire qu'il ayme son prochain comme soy mesme; et faut qu'il ayt un grand amour propre, qui le fasse estimer si net en comparayson des autres..

  A017000692 

 Or, j'ay veu en un monastere ou j'avois une fort proche parente, que toute la difficulté de cet article estoit en la douilletterie de quelques Seurs en ce qui regarde les chemisettes et les linges; et j'admiray que la lessive ne suffist pas pour ce sujet a des filles de celuy qui baysoit tendrement les ladres et de celle qui baysoit les pieds des Seurs revenantes de dehors.

  A017000694 

 Quant a l'orayson et a la frequence des Sacremens, il n'y a point de difficulté, ce me semble, sinon pour le dernier, de gaigner le Pere confesseur, affin qu'il ne se lasse pas de faire la charité aux Seurs, les oyant en confession quand il en sera requis par la Superieure..

  A017000695 

 Et la Congregation des Cardinaux a declaré que, les Superieurs estans negligens en cet article, les Evesques le fassent eux mesmes, et que cela se fasse mesme plusieurs autres foisl'annee s'il est requis.

  A017000695 

 Mays il y a un point d'importance, duquel je vous touchay un mot, que pour le bien de vostre famille vous deves demander a vos Superieurs et qu'ilz ne peuvent en bonne conscience vous refuser: c'est que, deux ou trois fois chaque annee, ilz vous ayent a offrir des autres confesseurs extraordinaires (suivant le commandement du sacré Concile de Trente ), qui oyent les confessions de toutes les Seurs.

  A017000695 

 Or, il est requis quand la Superieure void des Seurs grandement troublees, et difficiles ou repugnantes a se confesser au confesseur ordinaire, pourveu que ce ne [59] soit pas tous-jours, ains parfois seulement et sans abus.

  A017000696 

 Et ne faut nullement recevoir les allegations au contraire; car rien ne se fait en ce monde qui ne soit contredit par les espritz minces et fascheux, et de toutes choses, pour bonnes qu'elles soyent, on en tire des inconveniens quand on veut picotter.

  A017000696 

 Ni il ne faut pas dire que vostre Ordre soit exempt des Constitutions du sacré Concile; car, outre que le Concile est sur tous les Ordres, s'il y a aucun Ordre qui doive obeir aux Conciles et a l'Eglise romaine, c'est le vostre, puisque le Pere saint François l'a si souvent inculqué..

  A017000697 

 Et en somme, cet inconvenient n'est pas comparable a mille et mille pertes d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'a un seul peut apporter, comme l'experience le fait connoistre; et en somme, c'est une presomption insupportable a qui que ce soit, de penser mieux entendre les necessités spirituelles des fideles et de s'imaginer d'estre plus sage que le Concile.

  A017000697 

 Il est vray que cela pourroit arriver; mays il est vray aussi qu'une fille qui sera si malheureuse que de faire des mauvaises confessions et des Communions indignes pour attendre l'extraordinaire, elle ne fera pas grand scrupule d'en faire plusieurs, et plusieurs mauvaises, pour attendre la mutation du confesseur ou la venue du Superieur.

  A017000699 

 C'est grand cas comme c'est une subtile tentation! Nous voulons garder la liberté de la proprieté, qui est contre la perfection, et ne voulons pas recevoir la liberté des communications, laquelle estant bien entendue, nous ayde a la perfection.

  A017000699 

 Et jamais ce ne fut l'intention des Saintz de priver les ames de telles saintes conferences, qui servent infiniment a beaucoup de vertus et sont sans danger, estant bien faites.

  A017000699 

 Nous treuvons des inconveniens ou les Saintz n'en treuvent point, et n'en treuvons point ou les Saintz en treuvent tant..

  A017000702 

 Ramenés ces benites ames aux observances des saintz Conciles, et vous seres bien heureuse.

  A017000794 

 Madame Favre est Superieure a Lion et exerce des-ja sa charge; M me de Brechard est un peu mieux, mais tous-jours en fievre et en flux.

  A017000806 

 Vous estes raysonnable et n'attendres pas de moy, ma tres chere Mere, des grandes lettres en ce tems auquel j'ay tant d'affaires sur les bras, que je n'en puis pas porter davantage.

  A017000807 

 Au demeurant, nous avons eu icy le P. General des Feüillans, homme de grande vertu et sainteté, lequel, sur certain propos, me parlant de la Mere Isabeau, delaquelle vous m'escrivites il y a troys moys, m'a dit qu'on luy en avoit mandé des merveilles de Paris a Romme, d'ou il vient.

  A017000807 

 Cela me met fort en peine, car si elle vient icy avec ces especes de choses inconneües, en lieu de tirer de la consolation de nous, elle nous donnera fort a faire et nous tiendra empeschés a discerner si cela est saint, si ceci est faint, et troublera grandement la pauvre petite trouppe de colombes innocentes qui n'ont pretention a des choses si ravissantes.

  A017000828 

 Il ne faut pas s'amuser a discourir quand il faut courir, ni a deviser [72] des difficultés quand il les faut devider.

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000859 

 Vous aves rayson, ma tres chere Fille, d'estre bien franche au payement des dixmes, car c'est la volonté de Dieu.

  A017000860 

 Le P. General des Feuillans partit lundi et laissa icy son compaignon malade, lequel mourut hier au soir; c'est pourquoy je croy qu'il reviendra ce soir pour estre a son enterrement, car il laissa charge qu'on l'advertit sil trespassoit, affin de revenir.

  A017000860 

 Mays je ne pense pas que pour cela vous deussies attendre, si vous aves des affaires ailleurs, car peut estre ne repassera il pas vers vous, encor que vous demeureres..

  A017000861 

 Je me res-jouis des bonnes nouvelles du cher mari.

  A017000875 

 Monseigneur l'Evesque de Saint Paul me conjure fort de vous supplier d'aggreer quil s'advoüe des vostres; dequoy je ne fay pas difficulté, puisqu'estant enfant d'une bonne famille, il ne luy arrivera point de necessité qui le puisse porter a vous donner aucune autre sorte d'importunité..

  A017000877 

 Je suis tout fasché des bruitz qui courent de guerre par dela souhaitant tous-jours beaucoup de bonheur a ce royaume, ou il y a tant de gens de bien.

  A017000904 

 Il faut bien que les filles de Dieu ayent un courage encor plus grand que cela, pour former en sainteté et pureté de vie des enfans a sa divine Majesté..

  A017000904 

 Ma tres chere Fille, helas! les filles que l'on marie renoncent bien a la presence des peres, meres et leur [79] païs, pour se sousmettre a des maris bien souvent inconneus, ou au moins d'humeurs inconneuës, affin de leur faire des enfans pour ce monde.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000908 

 J'ay sceu quelqu'une des graces que Dieu fit a nostre tres chere Seur Marie Renee sur son trespas.

  A017000917 

 Je vous escris a la course, envoyant expres ce porteur pour apprendre des nouvelles de la santé de M me la Comtesse, au service de laquelle je contribuerois volontier ma visite personnelle si la maladie estoit de qualité que cela fut requis et quil luy tournast a consolation.

  A017000934 

 Ce benefice la, Monseigneur, ne peut rendre au curé que cinquante ducatons, et la charge des ames y est fort grande pour la multitude du peuple qui en depend, lequel hante fort l'Alemaigne et a besoin d'un pasteur qui ayt grand soin de l'edifier et conserver en la foy.

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000935 

 Certes, je souhaite tout bonheur audit sieur du Chatelard, qui fait profession d'aymer le service de l'Eglise; mais pour des benefices, je luy en desirerois d'autre nature que de ceux qui portent charge d'ames, et ilz ne luy manqueront pas, sii plait a Vostre Altesse le favoriser es occurrences..

  A017000951 

 C'est pourquoy, le voyant remis au bon chemin, et d'ailleurs fort en peine pour le sujet quil vous dira, tres volontier je vous supplie, Monseigneur, de le recevoir, esperant que des-ormais vous n'en aures que du contentement, ainsy quil m'a solemnellement promis et protesté.

  A017000951 

 Voyla qu'en fin le sieur de Barraux, repentant des il y a long tems, et corrigé de sa faute par le loysir et les raysons qui luy ont bien fait sentir le devoir quil a de vivre sage et sous-mis a vostre obeissance, il s'en va se jetter sous vostre protection, hors delaquelle il connoist bien quil ne peut bonnement durer.

  A017000992 

 Des l'advenement de Monseigneur l'Archevesque de Lion en sa charge, il m'escrivit une lettre de faveur, par laquelle il me conjuroit d'entrer en une sainte amitié avec luy, a la façon des anciens Evesques de l'Eglise, qui [88] n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame et qui, par la reciproque communication des inspirations qu'ilz recevoyent du Ciel, s'entr'aydoyent a supporter leurs charges, mais principalement quand ilz estoyent voysins les uns des autres.

  A017000992 

 Et parce que je suis plus ancien en Ordre que luy, il m'escrivit des lhors qu'il me viendroit voir, pour se prevaloir de ce que l'experience m'auroit peu acquerir en nostre profession; avec plusieurs telles paroles, excessives en humilité et modestie..

  A017000993 

 Despuis, il a tous-jours continué a vouloir me faire cet honneur, auquel n'estimant pas que je me deusse laisser prevenir, puisqu'il est le premier des Evesques de France et moy le dernier de Savoye, je l'allay voir a Lion, comme Vostre Excellence sçait.

  A017000993 

 Et luy, par sa courtoysie, a voulu contreschanger ma visite sur l'occasion de celle qu'il faysoit de son diocese, a Lagnieu, Saint André, Groslee et autres lieux qui en dependent, esquelz il avoit des-ja gaigné une journee des trois qu'il y a d'icy a Lion.

  A017000994 

 Or, il ne vint point a cachette, comme ont accoustumé de faire ceux qui traittent des affaires odieuses, mays au veu et au sçeu de tout le monde, et amena avec soy huit hommes a cheval, entre lesquelz il n'y en avoit point de [89] marque, sinon le sieur de Ville, docteur en theologie et grand predicateur, originaire de Rossillon pres de saint Rambert, et son aumosnier, nommé monsieur Raymond..

  A017000995 

 Estant icy, je vous asseure que nous n'avons ni fait ni dit, non pas mesme pensé, aucun traitté, ni pour les choses du monde, qui, si je ne me trompe, nous sont a tous deux fort a degoust, ni pour les choses ecclesiastiques, n'ayans rien eu ni a demesler ni a mesler; mays seulement, purement et simplement, nous avons parlé des devoirs que nous avons au service de nos charges, de la façon des Offices ecclesiastiques et de telles choses entierement spirituelles..

  A017001007 

 Voyla bien des lettres que j'ay ouvertes par ce que je suis vostre filz de confiance.

  A017001017 

 Tandis que j'estois avec vous moymesme au parloir, [92] M. de Monthouz me vint chercher, ce que je ne seu qu'en soupant; et lhors je luy envoyay un billet par lequel je le priois ne point partir quil ne vous parlast, affin d'arrester des affaires de sa cousine.

  A017001028 

 Dites [93] moy, ma chere Fille, mais dites le a mon cœur, c'est a dire bien naifvement: quelle tristesse et quel regret monstrastes vous a madame la Comtesse de la N., laquelle la depeint avec des couleurs si noires, que je croy qu'elle vous a pris pour une autre.

  A017001028 

 Mays je serois bien ayse de le sçavoir de vous mesme, pour, par apres, en oster plus hardiment la compassion de ceux qui vous plaignent extremement sur ce sujet et en tirent des consequences a leur gré.

  A017001038 

 En tous evenemens, vostre lettre suffira, car j'ay des-ja escrit au Pere Theodose..

  A017001062 

 O que bienheureuses sont ces cheres filles, lesquelles sacrifient ces petitz momens de vie mortelle a la gloire et a l'amour de Celuy qui leur donnera des eternités amoureuses en l'abondance de sa suavité! Elles s'en vont toutes braves et courageuses; et Dieu soit a jamais au milieu de leur cœur et du vostre, ma tres chere Fille bienaymee, que je salue de toute mon ame.

  A017001062 

 Pour moy, j'en seray tous-jours accusé, et si, je n'en puis mays; car encor que je prendrois a grand honneur d'avoir servi Dieu en cela, si est ce que sa Bonté a voulu le faire elle mesme, par des inspirations venues de sa Providence dans ces ames lhors que la mienne n'y pensoit point, et a la premiere connoissance que j'en ay eu, j'ay intimé le loysir et la dilation, pour voir si c'estoit bien des inspirations.

  A017001063 

 Le premier President de Tholose m'escrit affin que [99] nous envoyons des Seurs de la Visitation la, en un monastere tout basti, qui a cousté cent mille francz, et dix sept filles qui attendent les nostres pour estre instruites.

  A017001076 

 Je pense bien que de ces filles qui veulent venir prendre la forme et la prattique des Regles, il en faudra faire venir une partie icy, affin que vous ne soyes surchargee d'un soin excessif, avec nostre chere Seur Marie Aymee, que je voy des-ja, ce me semble, un peu tremblante sous le faix.

  A017001077 

 Les liz qui croissent entre les espines en sont plus blancz, et les roses aupres des aux sont plus odorantes et deviennent musquees.

  A017001079 

 Tenes bon, ma tres chere Fille, pour l'estroitte observance des Regles, pour la bienseance de vostre personne et de toute la mayson; faites observer un grand respect aux lieux et aux choses sacrees.

  A017001080 

 Cela fait un peu de mal au cœur des mondains, mais il ny a remede, il faut que Nostre Seigneur soit servi..

  A017001081 

 Je dis a nostre Seur de Gouffie que je voulois meshuy m'essayer de donner de la generosité a la devotion de nos Seurs, et en oster la tendreté que l'on a souvent sur soy [102] mesme, cette petite doüilleterie qui oste le repos et nous fait desirer des particularités spirituelles et interieures, nous fait excuser nos humeurs et flatter nos inclinations.

  A017001085 

 Vostre renouvellement n'ayant pas esté fait le jour de la Presentation, vous le pourres faire le jour de l'an ou des Roys, ou comme Monseigneur l'Archevesque voudra; car je croy bien que vous voudres que ce soit luy qui le reçoive.

  A017001101 

 Dieu vous suggerera, ma tres chere Fille, tout ce qu'il veut de vous, si en l'innocence et simplicité de vostre cœur, avec une entiere resignation de vos inclinations, [105] vous luy demandes souvent en vostre interieur: Seigneur, que voules vous que je face? Et je suis consolé que vous ayes des-ja ouy sa voix et que vous le servies en la nourriture de ces filles..

  A017001102 

 L'excuse aussi n'estoit pas bonne de dire: Je n'ay pas des mammelles, je n'ay point de lait; car ce n'est pas de nostre lait ni de nos mammelles que nous nourrissons les enfans de Dieu; c'est du lait et des mammelles du divin Espoux, et nous ne faysons autre chose sinon les monstrer aux enfans et leur dire: Prenes, succes, tires et vives.

  A017001103 

 Or, la sienne est la sanctification et perfection des ames.

  A017001114 

 Pleust a Dieu, Monsieur, qu'ilz eussent esté auditeurs des discours de Monseigneur de Lion et de moy! et ilz auroyent veu et sceu que nous n'avons pas, que je sçache, dit une parole qui ne tende a l'advancement de la gloire de Dieu dans nos troupeaux; et nous estimons les discours des capitaines et soldatz indignes d'occuper le tems des Pasteurs de la bergerie du Dieu vivant..

  A017001127 

 A quoy je respondis que le sujet de cette venue n'estoit qu'une simple visite, laquelle ce Praelat avoit projettee des son advenement en la charge qu'il tient, comm' il m'escrivit des l'hors, et que nous n'avions traitté de chose quelcomque sinon de ce qui appartient a la devotion et conduite spirituelle des ames.

  A017001129 

 J'ay si souvent experimenté la debonaireté et equité de Vostre Altesse en toutes les occurrences esquelles la calomnie a osé entreprendre sur mon innocence et candeur, que je demeure fort paysible en celle ci, puisque mesme le tems, garend et protecteur de la verité, a des-ja fait voir par longues annees, que je suis inviolable et immobile en la resolution que Dieu a establie en moy de ne vivre qu'a ma profession et, en icelle, avoir tous-jours le cœur dedié a l'obeissance de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant sans fin mille et mille benedictions, je demeure,.

  A017001158 

 Mais puysque les differens sont sousmis a des si bons arbitres et superarbitres, je m'en rapporte a ce qu'ilz en diront, sachant qu'ilz sont asses clairvoyans pour discerner de cela et de chose plus difficile, et pour conduire ces deux espritz a une paysible concorde que je prie Dieu leur vouloir donner.

  A017001184 

 Je croy que Dieu vous tient de sa main, ma tres chere [113] Fille, car le Reverend Pere General des Feuillans me l'escrit.

  A017001186 

 Je veux dire, ma chere Fille, ne plaignés point la perte de vos commodités spirituelles et des contentemens particuliers de vos inclinations, pour bien cultiver ces cheres ames; car Dieu vous en recompensera au jour de vos noces eternelles..

  A017001187 

 Ne voyes vous pas, ma chere ame (car mon cœur me fait dire ainsy), que vostre petite Congregation est comme une fontaine sacree en laquelle plusieurs ames puiseront les eaux de leur salut, et que des-ja plusieurs, a l'imitation de la vostre, veulent eriger d'autres pareilles Congregations a la grande gloire de Dieu et a la grande facilité du salut pour plusieurs? Ne vous lassés donq nullement d'estre mere, quoy que les travaux et soucis de maternité soyent grans..

  A017001199 

 Je ne sçai certes que dire autour de ce divin Enfant, car il ne dit mot, et son cœur, plein de faveur pour les nostres, ne se declaire point qu'avec des plaintes, des larmes et des douces œillades; sa sacree Mere se taist presque tous-jours et admire ce qu'on luy dit.

  A017001199 

 Mon Dieu que ce silence me dit des grandes choses! Il m'apprend [115] a faire la vraye orayson mentale; il m'apprend la ferveur amoureuse d'un cœur qui est saisy d'affections que nourrissent ces douces pensees et qui a peur d'en perdre la suavité s'il les prononce..

  A017001200 

 Tenés vous aupres de cette Mere, ce pendant, et ne l'abandonnes pas d'un seul moment tandis qu'elle part de Nazareth et qu'elle va en Bethlehem; tandis que, sans empressement, mays non pas sans des ardens mouvemens, elle attend d'heure a autre de voir esclos de son sacré ventre le bel oyseau du Paradis.

  A017001201 

 Je vous prometz qu'en cette Messe de la minuit, en laquelle il me semblera voir une cresche sur l'autel et le divin Poupon faysant ses doux yeux pleins de larmes plus pretieuses que des perles, je l'offriray a Dieu son Pere avec le congé de sa Mere, et le demanderay pour vous, affin qu'il soit a jamais le cœur de vostre cœur et l'unique Espoux de vostre ame.

  A017001201 

 Mon Dieu, que ce mystere est doux! Le premier ravissement de vostre saint Bernard fut d'une vision d'iceluy, et par ce moyen il rendit son cœur et sa bouche pleine du lait de la Sainte Vierge et des larmes de ce doux petit Enfant..

  A017001212 

 Je ne vous dis pas encor mes pensees sur le sujet dont vous m'aves escrit, parce que c'est aujourd'huy Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma tres chere Fille, je vous treuveray tous ces jours suivans avec toutes nos cheres Seurs, qui sans doute feront leur residence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy.

  A017001224 

 Or, perseverés es saintes resolutions que nous avons prises: tenes vostre ame nette, esleves souvent vostre [119] cœur, occupes le en la lecture des bons livres, ne demeures point oyseux, ains faites tous-jours quelques bonnes besoignes, ou corporelles ou spirituelles.

  A017001267 

 J'apprends avec douleur que les habitants de Saint-Maurice sont affligés de la peste, et je ne manquerai pas de les aider des [122] prières de mes fidèles, selon la considération et l'affection que j'ai pour tous vos sujets..

  A017001293 

 Il est vray que les amitiés et affections fondees sur la gloire de Dieu sont invariablement inviolables, ma chere Fille, de sorte que ni le silence, ni les esloignemens, ni la variété des accidens ne sauroyent desfaire ce que Dieu a fait.

  A017001294 

 Demeurés bien en paix parmi vos secheresses, et attendes en patience la rosee des consolations celestes.

  A017001317 

 C'est a dire, ma chere Mere, tenons nos yeux en Jesus Christ pour le considerer, nostre bouche pour le louer, et qu'en fin tout nostre visage ne respire que d'aggreer a celuy de nostre cher Jesus; Jesus pour lequel il nous faut humilier, entreprendre, travailler, souffrir et devenir, comme dit saint Paul, des brebis conduites a la boucherie, quand il plairoit a sa divine Majesté de nous rendre deshonnorables pour son honneur et gloire..

  A017001330 

 Passion toute miraculeuse, qui, au dessus des loix de la nature, m'a donné le bien de vous avoir pour filz, et a vous, Monsieur, le courage et l'humilité de m'advouer pour pere..

  A017001332 

 Perseveres, Monsieur mon tres cher Filz, en cette grandeur de courage qui vous tient relevé au dessus des choses temporelles, entre lesquelles vous passes comme un heureux alcyon surnageant aux ondes qui inondent ce siecle.

  A017001333 

 De faire des amas de paroles sur ce sentiment pour en [130] tesmoigner la grandeur, je n'en ay pas l'art, principalement escrivant avec ce cœur tout de bonne foy, a Vostre Grandeur, qui se contente de la realité de mon affection.

  A017001342 

 Chevalier des deux Ordres du Roy, grand Escuyer de France,.

  A017001356 

 Ce porteur a desiré ma recommandation aupres de vous, et puisquil est des vostres, je ne luy sçaurois rien refuser de ce qui est en mon pouvoir.

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001425 

 Et non seulement ma volonté, mais mon jugement a esté bien ayse de se sousmettre et rendre l'homage quil doit a celuy de ce digne Prælat; car, ma Fille, que prætens-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié et que son saint amour soit respandu plus abondamment dans le cœur de ces ames qui sont si heureuses que de se dedier toutes a Dieu? Les Congregations et les Religions [139] ne sont point differentes devant la divine Majesté, car, selon icelle, les vœux des unes sont aussi fortz que ceux des autres; et le tiltre de Congregation n'estant pas si specieux ni honnoré, m'en playsoit davantage.

  A017001425 

 Mays, de bon cœur (voyes vous, ma Fille, je dis tres suavement), j'acquiesce que ce soit une Religion, pourveu que, par la douceur des Constitutions, les filles infirmes y soyent receues, les femmes vefves y aient retraitte, et les femmes du monde quelque refuge pour leur avancement au service de Dieu.

  A017001426 

 Ne serois-je pas un chetif homme, si je voulois m'estimer et relever mon esprit en comparayson des autres?.

  A017001427 

 C'est pourquoy, sil plait a Monseigneur de Lyon, on pourra aysement moderer cette rigueur pour l'entree des dames et autres bonnes femmes qui, pour une si sainte fin, voudront entrer..

  A017001427 

 Item, il faudra dextrement et doucement luy faire savourer le prix des entrees des seculieres qui viennent pour rabiller un peu leurs espritz.

  A017001427 

 Joint qu'en Italie, sur tout a Romme, l'esprit des femmes y est tellement soupçonné, que non seulement on ne permet pas aux hommes de parler aux Religieuses a la treille sans expresse et tres rigoureuse licence, mais mesme on ne le permet pas aux femmes sans cette mesme licence; on rie permet pas aux prestres, [140] quelz qu'ilz soyent, fussent ilz Jesuites, Capucins et tout ce qu'on voudra, d'y aller dire Messe, s'il n'a licence par escrit.

  A017001430 

 Je respondray a la difficulté des desirs a la premiere commodité.

  A017001473 

 Hier au soir seulement je receus vostre lettre et je respons ce matin, jour des Cendres.

  A017001474 

 En verité, il faut ayder M. Guydeboys affin quil ayt sa pension tant que nous pourrons, car le pauvre homme seroit miserable sans cela et auroit grand sujet de se plaindre; et vous pouves penser de quel air il le feroit, puisque il le fait des a present avec un'extreme doleance.

  A017001479 

 Jour des Cendres..

  A017001491 

 Pour M. vostre mari et le reste, vous en feres ce que [147] vous estimerés a propos; je croy bien que ce ne sera pas trop de luy donner des conseilz, attendu quil craint Dieu, et quil faut avoir soin de bien nourrir ceux qui nourrissent bien cette sainte crainte, encor que ce soit avec imperfection..

  A017001492 

 Il se peut bien faire que j'aye mal fait en cela, et ce ne seroit pas un grand miracle; mais je ne le pense pas pourtant, a cause de la consideration pour laquelle je l'ay fait et la liberté que chacun a de se prsevaloir des autres prestres; outre que cela ne durera comme rien, Dieu aydant.

  A017001493 

 Je considere les caprices des hommes sur le sujet du bon M. de Valence: nous l'escoutons icy de tres bon cœur, et moy, qui ay plus estudié en theologie que tous ceux de Rumilly ensemble, je treuve qu'en verité il presche bien et utilement; on seroit bien ayse en des plus grandes villes de l'avoir.

  A017001571 

 Ce college est extremement pauvre pour la grandeur des charges qui y sont; et si on ne le secourt par addition de quelques revenus, ces bons Peres y vivront avec tant d'incommodités, que non seulement ilz ny pourront pas faire les progres que leur pieté et les necessités de ce païs requierent..

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001603 

 Combien suave a été pour moi la charité sainte de Votre Seigneurie Illustrissime, puisqu'elle a daigné garder le souvenir d'un [156] sujet aussi indigne que je le suis, et m'en donner un si précieux témoignage par le présent sacré des vénérables reliques du grand saint Charles, reçues par l'entremise de Monseigneur de Belley, Prélat de grande vertu.

  A017001604 

 Des grâces pour beaucoup de malades ont été obtenues au moyen de ses reliques; ce qui fait croire que Dieu veut que la vénération pour son Serviteur croisse et fleurisse de nos côtés..

  A017001615 

 Il y a mesme des maladies corporelles desquelles la cure depend du bon ordre de la vie..

  A017001615 

 Mays, ni le loysir ne le permet, ni, comme je pense, vostre necessité ne le requiert pas; car certes, ma tres chere Fille, la pluspart de ce que vous me marques n'a point d'autre remede ordinaire que la suite du tems et des exercices de la Regie en laquelle vous vives.

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001620 

 Cela ne doit point estre combattu que par des eslans en Dieu, des diversions d'esprit de la creature au Createur, et avec de continuelles affections a la tres sainte humilité et simplicité de cœur..

  A017001631 

 Vrayement la moisson est bien grande; il se faut confier que Dieu donnera des ouvrieres.

  A017001634 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy..

  A017001659 

 Ne pensés pas, je vous prie, ma tres chere Niece, ma Fille, que ç'ayt esté faute de souvenance ou d'affection si j'ay tant tardé a vous escrire; car, a la verité, le bon desir que j'ay veu en vostre ame de vouloir servir fort fidellement Dieu, en a fait naistre un extreme dans la mienne de vous assister et ayder de tout mon pouvoir, laissant a part le devoir que je vous ay d'ailleurs et l'inclination que j'ay tous-jours eu pour vostre cœur, a cause de la bonne opinion que j'en ay des vostre plus tendre jeunesse..

  A017001665 

 Apprenés a faire souvent des oraysons jaculatoires et des eslancemens de vostre cœur en Dieu..

  A017001668 

 Visités les malades de vostre bourgade fort volontier; car c'est une des œuvres que Nostre Seigneur regardera au jour du jugement..

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001684 

 Je dis a M. de Vallon que M. le Marquis d'Aix desiroit un des chevaux, et il me dit que la preference luy estoit deüe.

  A017001684 

 Le seigneur Roc ne pense pas de vous y pouvoir servir, Monseigneur de Nemours son maistre ne prenant des chevaux que grandement praetieux; toutefois, il fait estat de vous aller voir au premier jour..

  A017001695 

 Nos bons Peres d'icy ont esté d'advis que je fisse une [171] recharge a Son Altesse et a Messeigneurs les Princes, pour les affaires de Thonon; ce que je fay fort a propos, ce me semble, sur l'occasion que Monseigneur le Prince Cardinal m'a donnee de le remercier de l'advis qu'il m'a envoyé du bon commencement qu'il y a en la negociation faite pour la canonization du bienheureux Amé; car, d'autant que ce bienheureux Prince naquit a Thonon, je prens sujet de recommander l'introduction des Peres en ce lieu-la.

  A017001715 

 Nul, comme je pense, ne sçauroit desirer la perfection de ce saint project avec plus d'affection que moy, qui prevoy que tout ce peuple de deça en recevra une extreme consolation et un grand accroissement de devotion, mays specialement a Thonon, lieu de la naissance de ce saint Prince, ou l'annee passee, lhors des premieres apprehensions de la peste de Geneve, je remarquay un mouvement universel de confiance es intercessions de ce bienheureux ami de Dieu, lors que je leur representay le juste sujet qu'ilz en avoyent, pour lhonneur que leur air avoit eu d'avoir servi a la premiere respiration de ce grand Prince..

  A017001716 

 Mays puis que cela n'a pas esté fait, je veux esperer en la bonté et equité de Vostre Altesse, que nous ne serons pas laissés en oubli pour la distribution des medailles.

  A017001717 

 Et cependant, Monseigneur, je la supplie tres humblement d'embrasser fermement la protection de l'introduction des Peres Barnabites en la Sainte Mayson de ce lieu-la de Thonon et au prieuré de Contamine.

  A017001717 

 Vostre Altesse fera sans doute en cela un'oeuvre grandement aggreable a la divine Majesté, et laquelle il me semble que le bienheureux esprit du glorieux Prince Amé luy recommande des le Ciel tres saintement; estimant que, comme par ses prieres Dieu fortifia le cœur de Son Altesse pour establir la foy en ce lieu la, aussi, par ses merites, Dieu animera l'esprit de Vostre Altesse pour ayder efficacement a y bien establir la tressainte devotion par le moyen de ces bons Religieux, qui assisteront et arrouseront les vieux arbres affin quilz multiplient en fruitz de pieté, et esleveront les enfans comme jeunes plantes a ce que la posterité devance, s'il se peut, leurs prœdecesseurs, et sachent tant mieux reverer leur saint Prince Amé et obeir en toute sousmission au sceptre et a la coronne qu'il a laissé en sa serenissime Mayson, que Dieu veuille a jamais prosperer,.

  A017001731 

 Vostre Altesse ayme sans doute le pauvre Thonon; aussi est il doublement sien, d'autant qu'elle en est le souverain Prince, et par ce qu'elle luy a donné une nouvelle vie par le soin paternel qu'elle eut de remettre tout ce peuple dans le sein de l'Eglise: obligation non seulement immortelle, mais eternelle, puisque elle regarde un bienfait qui doit durer es siecles des siecles..

  A017001732 

 Mays despuis, sont survenues des difficultés que nul ne peut surmonter que la pieté et le cœur invincible de Vostre Altesse, que j'implore, en toute humilité sous la faveur du glorieux et bienheureux Prince Amé, [177] qui nasquit en ce lieu, de la canonization duquel j'augure toute sainte prosperité a la coronne de Vostre Altesse, delaquelle je suis infiniment,.

  A017001732 

 Or, Monseigneur, pour la perfection de ce saint ouvrage, Vostre Altesse me commanda, il y a environ un an, de procurer l'introduction des Peres Barnabites en ce lieu, et cela reuscit par le moyen de la remise que la Sainte Mayson fit du prieuré de Contamine auxditz [176] Peres.

  A017001747 

 Je sçai que la charité et pieté de Vostre Altesse est bien ferme au projet que elle a pour l'introduction des Peres Barnabites a Thonon, a laquelle est attachee la conservation du prieuré de Contamine a la Sainte Mayson de ce lieu-la, pour l'usage et entretenement desditz Peres et de leur college.

  A017001809 

 J'adjouste le continuel commerce de ceux de Geneve, qui leur donnera commodité de s'edifier par la residence des bons Religieux qu'ilz y verront.

  A017001837 

 La charité et bonté que Vostre Altesse a tesmoignee envers ces bons peuples de deça, par le soin qu'elle a eu de faire reuscir les projetz de l'introduction de l'art de la soye en ces pais et des Peres Barnabites a Thonon, ne peut jamais estre asses dignement remerciee.

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001908 

 Ma tres chere Fille, il y a deux sortes de bons desirs: l'une, de ceux qui augmentent la grace et la gloire des serviteurs de Dieu; l'autre, de ceux qui n'operent rien.

  A017001910 

 Il est vray que pour l'entiere resolution de vostre difficulté il faut que vous remarquies quil y a des desirs qui semblent estre de la seconde sorte, qui sont toutefois de la premiere, comme au contraire il y en a qui semblent estre de la premiere et sont de la seconde.

  A017001913 

 Celles qui sont tendres des imaginations messeantes, es meditations de la Vie et de la Mort du Sauveur, doivent, tant qu'elles peuvent, se representer les misteres simplement par la foy, sans se servir de l'imagination.

  A017001913 

 Et lhors que les imaginations deshonnestes veulent naistre, il faut se revancher et destourner par des affections procedantes de la foy.

  A017001935 

 Et quant aux effectz, il faut s'essayer de payer premierement les dettes privilegiés, comme je pense estre celuy des medecins, qui, comme mercenaires, demandent leurs gages, entant quil se treuvera deu.

  A017001935 

 Mays il se faut garder, tant que vous pourrés, de contrister personne par vos responses, ains il faut tascher de rendre rayson a un chacun des refus ou retardemens que vous estes contrainte de faire.

  A017001967 

 Les graces que la bonté de Vostre Altesse nous a faites me donnent confiance d'en requerir tous-jours des nouvelles, puisque mesme elles tendent toutes a la gloire de Dieu, que vostre pieté ne se lasse jamais de servir et accroistre.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002004 

 Aussi prient-elles particulièrement pour la sainte Eglise et pour la conversion des hérétiques..

  A017002004 

 Entre autres choses, la Congrégation pratique cette charité, de recevoir les femmes qui, pour la faiblesse de leur complexion ou pour des infirmités corporelles, ne peuvent entrer dans les autres Ordres, pourvu qu'elles aient l'esprit bon et le cœur sincère.

  A017002006 

 Dans ce but, je vous envoie une copie des Indulgences que je n'ai pas voulu faire publier et une copie de celles qu'on souhaite, avec un Mémoire de la fondation de cette pieuse Maison, afin que vous sachiez tout ce qui sera requis en cette affaire.

  A017002006 

 Je désire donc maintenant leur faire avoir des Indulgences conformes à leur Institut; mais je ne sais qui employer pour cela, sinon la charité de Votre très Illustre Seigneurie, qui pourra, si bon lui semble, adresser même une supplique particulière au Saint-Père, pour qu'il daigne favoriser cette Congrégation.

  A017002009 

 J'oubliais de dire que j'écris à l'Illustrissime Cardinal Bellarmin et que nos Pères Barnabites écrivent également au Procureur général de leur Ordre, afin que, s'il en était besoin, ils aidassent pour l'affaire des Indulgences.

  A017002010 

 Cependant, je ne vois pas qu'il y ait une cause légitime pour soulever ces difficultés; car, puisqu'on accorde si libéralement des Indulgences aux Associations pieuses, à plus forte raison devra-t-on les concéder à une Congrégation d'une si grande perfection..

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002027 

 Qui ne void que ce n'est pas vivre selon l'esprit? Non certes, ma chere Fille, car tandis que j'estois encor bien jeune et [206] n'avois pas encor d'esprit je vivois des-ja ainsy; mais, quoy que selon mon naturel je sois honteuse, craintifve, apprehensifve comme une taupe, neanmoins je me veux essayer de surmonter ces passions naturelles, et, petit a petit, faire tout ce qui appartient a la charge que l'obeissance procedante de Dieu m'a imposee.

  A017002028 

 Et quand je dis faire les pensees, j'entens des pensees volontaires.

  A017002039 

 Vous remettres nos pauvres cahiers aux pieds de [208] Monseigneur l'Archevesque, s'il est au lieu et en loysir, et s'il veut s'appliquer a cette lecture; sinon, vous les remettres entre les mains de monsieur de Ville, docteur en sainte theologie, deputé pour l'approbation des livres.

  A017002049 

 Tenes, voyla des lettres venantes de Lion; sil y a chose qui merite, vous m'en feres part..

  A017002061 

 Des plus grans courages que le sien ont esté esbranlés en pareilles occasions; je ne treuve nullement estrange cette petite atteinte.

  A017002090 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des convenances, des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour propre ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut ajouter la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creee? La distance et la presence n'apporteront jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A017002102 

 Ces renoncemens sont admirables: de sa propre estime, mesme de ce que l'on estoit selon le monde (qui n'estoit en verité rien, sinon en comparayson des miserables), de sa propre volonté, sa complaysance en toutes creatures et en l'amour naturel, et en somme tout soy mesme, qu'il faut ensevelir dans un eternel abandonnement, pour ne le voir ni sçavoir plus comme nous l'avons veu et sceu, ains seulement quand Dieu le nous ordonnera et selon qu'il le nous ordonnera.

  A017002112 

 Ne faites plus aucun effort; mais, fondee sur la resolution d'hier, allés, ma tres chere Fille, et oyés, et inclines vostre aureille; oubliés toute la peuplade des autres affections, et la mayson de vostre pere, car le Roy a convoité vostre nudité et simplicité.

  A017002112 

 Perseverés, en cette nudité, de demeurer aupres de Nostre Seigneur; il n'est plus besoin que vous facies des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chanties, si vous pouves, doucement le cantique de vostre nudité: Nue je suis nee du ventre de ma mere, et ce qui s'ensuit.

  A017002124 

 Revestes vous de Nostre Seigneur crucifié, aymes le en ses souffrances, faites des oraysons jaculatoires la dessus.

  A017002132 

 Et prenés courage, car s'il vous a [219] desnuee des consolations et sentimens de sa presence, c'est affin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mays luy et son playsir; comme il fit a celle qui, le voulant embrasser et se tenir a ses pieds, fut renvoyee ailleurs: Ne me touche point, luy dit il, mais va, dis le a Simon et a mes freres.

  A017002132 

 Je n'escris pas, non, car apres le repas cela ne se doit pas, ma tres chere Mere; mais je vous donne tres affectionnement le bon soir, priant Dieu que, vous ayant reduit a l'amiable tressainte pureté et nudité des enfans, il vous prenne meshuy entre ses bras comme saint Martial, pour vous porter a son gré a l'extreme perfection de son amour.

  A017002133 

 Ma Mere, vivés toute gaye devant Dieu, et le benisses avec moy es siecles des siecles.

  A017002141 

 Alles bien simplement en cette croyance, et salues souvent le cœur de ce divin Sauveur qui, pour nous tesmoigner son amour, s'est voulu couvrir des apparences de pain, affin de demeurer tres familierement et tres intimement en nous et pres de nostre cœur..

  A017002142 

 Voyons bien en esprit les saintz Anges qui environnent ce tressaint Sacrement pour l'adorer, et en cette sainte [221] octave respandent plus abondamment des inspirations sacrees sur ceux qui, avec humilité, reverence et amour, s'en approchent.

  A017002152 

 Il est vray qu'il ne faut pas permettre que la Regie soit outrepassee, sinon rarement, et pour des sujetz pareilz a celuy cy..

  A017002208 

 Je seray bien ayse d'accommoder ces deux parties dont vous m'escrives, mais je ne puis les faire venir s'il n'y a requeste de l'une des parties, ou de toutes deux, pour cela..

  A017002244 

 Elle fait prou, la pauvre chere niece, et je croy qu'on l'a mis des hier a l'essay pour commencer tous les exercices..

  A017002245 

 Je ne receu qu'hier bien tard vostre lettre et celle de monsieur de Mont Saint Jean, et des-ja l'autre jour que nostre Mere me le fit sçavoir, je luy escrivis en un billet ce quil me sembloit estre a propos de respondre, et je croy qu'elle vous l'aura communiqué..

  A017002283 

 Et vous treuveres les lettres et la Præface mesme de longue datte, par ce que tout estoit prest des la veille de saint Pierre, que le mesme voiturin devoit partir, mais alla despuis retardant jusques a mardi passé; et si j'eusse treuvé commodité plus tost, la chose eut encor esté plus avancée.

  A017002283 

 Je suis marri de la peine en laquelle monsieur Rigaud s'est mis pour la Præface, que je m'asseure vous aurés recëue des maintenant par un voiturin qui porte une charge de soye a M. Magnin, qui m'a promis de faire rendre le paquet soudain quil seroit arrivé.

  A017002289 

 Mays pour celleci, il n'importe pas tant comme de celle des vers, a laquelle il faut tout a fait remedier.

  A017002293 

 J'ay sceu la courtoysie que M. Rigaud use a l'endroit des serviteurs de ceans; cela m'oblige fort, mais j'ay peur quil n'en face trop, et cela me tiendra retenu a ne demander pas certains autres livres que je desirois, lesquelz je ne sçaurois pas cotter par ce que je ne sçai pas leur tiltre, dautant que ça esté le P. Grangier qui m'en a donné l'envie lhors quil passa icy..

  A017002333 

 Par contre, à des heures diversement et convenablement réparties le long de la journée, elles récitent ensemble, au chœur, le petit Office de la Bienheureuse Vierge, et avec un chant si heureusement adapté aux règles de la piété, qu'il serait difficile de dire si la douceur l'emporte sur la gravité, ou la gravité sur la douceur.

  A017002333 

 Sans que leur Règle les assujetisse à la clôture, la ferveur de leur âme la leur fait observer presque perpétuelle, car il leur faut des raisons très graves et très saintes pour mettre le pied hors de leur maison.

  A017002336 

 Or, ces particularités sont de telle nature, qu'à mon avis, elles ne s'opposent nullement à la clôture et à l'état religieux des Instituts de femmes, et que, si nous en croyons les gens les plus au courant de notre situation en France, elles y auraient pour effet, non d'amoindrir la piété, mais plutôt de l'exciter grandement..

  A017002337 

 C'est en effet une grande pitié que la prononciation que l'on entend dans la plupart des monastères de femmes, et dont l'étrangeté va jusqu'à exciter le rire chez des auditeurs d'ailleurs bien disposés, et la moquerie, sinon le scandale, chez les demi-savants et les hérétiques..

  A017002337 

 En outre, ce petit Office de la Sainte Vierge est par elles récité avec une scrupuleuse observance des tons, accents et pauses, ce qu'elles ne pourraient absolument pas s'il leur fallait réciter un Office plus long.

  A017002337 

 Et voici le motif de ce désir: ces Congrégations admettent fort souvent des personnes déjà d'un certain âge, qui ne pourraient qu'à grand'peine s'habituer au grand Office avec toutes ses rubriques.

  A017002337 

 Le premier point, c'est de n'être pas obligées à l'Office des clercs, à savoir au grand Office, mais seulement au petit Office de la Bienheureuse Vierge.

  A017002338 

 Un second point, c'est la permission qu'elles accordent à des veuves de venir, pendant des années parfois, habiter avec elles, en costume séculier, très modeste il est vrai, pour se livrer aux pieux exercices de la Congrégation; et cela, non pas sans doute à toutes les veuves, mais à celles-là seules qui, désireuses d'entrer en Religion, et, en attendant, songeant d'une manière sérieuse à donner congé au siècle et aux sollicitations matrimoniales, cherchent prudemment à cacher ce trésor de la chasteté, qu'elles portent dans des vases fragiles, de crainte que, le portant en leurs mains sous le regard des enfants des hommes, elles ne l'exposent à devenir la proie des voleurs.

  A017002339 

 Elle présente même beaucoup moins de péril que celle qui, dans la plupart des monastères les plus pieux, permet aux Sœurs converses d'aller et de venir pour des raisons d'affaires; et la difficulté n'y est guère plus grande que dans la coutume, pourtant généralement admise, de recevoir des jeunes filles dans les monastères pour y faire leur éducation.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002339 

 L'obéissance et la clôture presque complète à laquelle ces veuves s'astreignent (car à peine leur arrive-t-il de sortir une ou deux fois par an pour régler leurs affaires domestiques), nous autorisent à croire que la pratique dont nous parlons, loin d'avoir des inconvénients, offre au contraire plusieurs avantages.

  A017002339 

 Qu'importe-t-il, en effet, qu'une jeune fille soit reçue dans un couvent pour y être instruite, ou une veuve pour y conserver la chasteté? Ce sont là des considérations auxquelles souscrira quiconque sera bien au courant des mœurs et des habitudes de nos régions françaises.

  A017002340 

 Outre les veuves dont nous venons de parler et qui se proposent sincèrement de renoncer au siècle, il leur arrive aussi d'admettre des femmes engagées dans les liens du mariage, qui, voulant entreprendre une vie nouvelle dans le Christ, et faire, avec la préparation de quelques exercices spirituels, ce qu'on appelle une confession générale, ont besoin de se retirer pour plusieurs jours en quelque lieu éloigné des bruits du monde.

  A017002340 

 Quels fruits abondants produit cette sainte et courte hospitalité, on ne saurait assez le dire; car ce n'est pas là seulement une question de repos, mais de condescendance au sentiment de pudeur, de réserve et d'honnêteté, naturel à leur sexe, que l'on ménage en les mettant en rapport avec leurs confesseurs par une petite fenêtre munie d'un treillis de fer, pratiquée tout exprès pour les confessions des Sœurs; là, elles reçoivent des enseignements salutaires qu'elles peuvent ensuite, avec quelqu'une des Sœurs, méditer à loisir..

  A017002341 

 Or, s'il existe des raisons de piété qui autorisent les femmes à franchir de temps en temps la clôture des couvents de Religieuses (et il en existe), il convient de compter ces deux-là parmi les [245] principales, à condition toutefois qu'on n'en use qu'avec l'approbation écrite de l'Ordinaire ou de son vicaire général, et pour autant que ces pratiques ne porteront aucun préjudice à la discipline régulière.

  A017002341 

 Que s'il est permis de tirer du passé des conjectures pour le présent et pour l'avenir, il n'est certainement rien de plus saint, rien de plus utile; aussi faut-il espérer que, n'ayant eu jusqu'à ce jour que les plus heureux résultats, il en sera de même dans la suite..

  A017002342 

 Enfin, comme garant de votre commisération à l'égard de ce pauvre diocèse, j'ai vos livres des Controverses, et, pour gage de votre bienveillance à l'égard des âmes dévotes, j'ai votre dernier-né et tant aimable Benjamin; ce qui ne me laisse aucun doute..

  A017002342 

 Vous êtes, en effet, le seul membre de cet auguste Collège apostolique que j'aie l'honneur de connaître; et étant à même d'apprécier parfaitement nos affaires de ce côté des Alpes, vous pouvez faire entendre aux autres que le progrès des choses divines doit être procuré, ici d'une manière, là d'une autre, selon les différences de mœurs et de pays.

  A017002374 

 Nous possédons ici une Congrégation de veuves et de vierges qui, bien qu'elles semblent être en vérité plutôt des Oblates que des Moniales proprement dites, respirent pourtant une telle piété, que je ne crains pas d'en dire ce que saint Grégoire de Nazianze affirmait jadis de leurs pareilles: N'ayant dans mon diocèse qu'un petit nombre de ces femmes, je suis tellement fier et joyeux de posséder ces célestes et très belles étoiles du Christ, que, pour l'excellence de la vertu, je ne redouterais pas la comparaison de ma petite troupe avec d'autres bien plus nombreuses..

  A017002375 

 Jamais, en effet, sans des motifs très graves et très pieux, elles ne mettent le pied hors de leur maison; et jamais non plus elles n'en permettent l'entrée à aucun homme, sauf des cas d'extrême urgence et nécessité, reconnus tels par un écrit de notre main..

  A017002376 

 Elles ont une église, et dans cette église un autel extérieur pour la célébration de la Messe, et, à l'intérieur, un chœur où elles se réunissent chaque jour à des heures fixées pour chanter en commun l'Office de la Bienheureuse Vierge.

  A017002377 

 Pour conclure en peu de mots, ce sont des épouses du Christ, vivantes images de ces illustres dames de l'antiquité chrétienne: les Paule, les Marcelle, les Eustochium, les Mélanie.

  A017002378 

 Cependant, trois ou quatre usages leur sont particuliers, qui semblent fort propres, au jugement de la plupart de ceux qui connaissent nos mœurs de ce côté-ci des monts, à promouvoir la piété..

  A017002379 

 De plus, on pourvoit également à leur modestie et à leur réserve; car, aux confesseurs appelés, elles accusent leurs péchés à travers les grilles et les petites fenêtres [251] arrangées à cette fin pour les confessions des Sœurs Oblates.

  A017002379 

 En effet, la grande liberté qui unit la vie des hommes, en ces contrées, à celle des femmes, empêche le plus souvent celles-ci de se préparer, dans l'intérieur de leur famille, par des exercices convenables, à la contrition et à une intime douleur de leurs fautes.

  A017002379 

 Premièrement, elles admettent parfois chez elles des séculières, non pas toutes et au hasard, mais seulement celles qui, voulant faire des confessions générales et vaquer aux exercices qu'on appelle spirituels, ont besoin, dans ce but, de se retirer durant quelques jours dans un endroit éloigné des tracas du monde.

  A017002380 

 Le second usage est qu'elles permettent parfois à des veuves d'habiter chez elles, même durant plusieurs mois; à des veuves, dis-je, qui, voulant être des veuves véritables, cherchent à cacher, pendant quelque temps, pour dire adieu au monde et aux solliciteurs en mariages, le trésor qu'elles portent dans des vases d'argile; de peur que, le portant dans leurs mains, au vu de tous, il ne leur arrive d'en être dépouillées par des larrons.

  A017002381 

 Le troisième point consiste en ce qu'elles ne récitent pas l'Office ecclésiastique, mais seulement celui de la Très Sainte Mère de Dieu: ce qu'elles font, parce qu'on reçoit fréquemment chez elles des sujets d'âge avancé, qui pourraient bien malaisément apprendre le grand Office.

  A017002384 

 Que du moins Sa Sainteté, qui a la charge de tous et doit se faire tout à tous, daigne leur accorder des Indulgences et en enrichir leur église; qu'Elle daigne les encourager à progresser dans la piété par sa paternelle et Apostolique Bénédiction; car la plupart de ces femmes et de ces vierges sont de haute noblesse et issues de parents [253] illustres, et cette Congrégation tout entière est respectée des hérétiques eux-mêmes, tant sa piété sait triompher de l'obstination des ennemis même de la piété..

  A017002394 

 Pour moy, je ne veux point icy user des termes ordinaires avec vous; le lien qui me tient attaché a vostre amitié et service vous servira de gage et d'asseurance que je rendray bien mon devoir a prier pour le defunct et honnorer sa memoire, et, quant au reste, je suis,.

  A017002407 

 Cependant je vous rens graces des belles oraysons que vous m'aves communiquees, et du tiltre des beaux livres que vous aves ornés de vostre labeur, lesquelz je m'essayeray de voir, et, en correspondant a vostre dilection, tesmoigner, si jamais j'en ay le pouvoir, que je suis,.

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002432 

 L'humilité, ma tres chere Fille, fait refus des charges, mais elle n'opiniastre pas le refus; et estant employee par ceux qui ont le pouvoir, elle ne discourt plus sur son indignité quant a cela, ains croit tout, espere tout, [259] supporte tout avec la charité; elle est tous-jours simple.

  A017002433 

 Qui peut conserver la douceur emmi les douleurs et alangourissemens, et la paix entre le tracas et multiplicité des affaires, il est presque parfait; et bien qu'il se treuve peu de gens, es Religions mesmes, qui ayent atteint a ce degré de bonheur, si est ce qu'il y en a pourtant et y en a eu en tout tems, et faut aspirer a ce haut point..

  A017002434 

 Chacun presque a de l'aysance a garder certaines vertus et de la difficulté a garder les autres, et chacun dispute pour la vertu qu'il observe aysement et tasche d'exagerer les difficultés des vertus qui luy sont malaysees.

  A017002435 

 Combien y a-il de personnes maussades exterieurement, qui sont tres aggreables aux yeux de Dieu! La beauté, la bonne grace, le bien parler donnent souvent des grans attraitz aux personnes qui vivent encor selon leurs inclinations; la [260] charité regarde la vraye vertu et la beauté cordiale, et se respand sur tous sans particularité..

  A017002444 

 Contribues y donq de bon cœur vostre personne et tout ce qui en depend; joignés l'humilité a la sainte confiance et allegresse d'esprit, vous resouvenant qu'en l'ancienne Loy on recevoit au Tabernacle l'offrande de ceux qui, n'ayans autre chose, presentoyent de bon cœur des poilz de chevre pour faire le cilice duquel le Tabernacle estoit couvert.

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002518 

 Je vous escrivis des-ja l'autre jour la lettre ci jointe, mais l'homme qui accompaigna monsieur de Monthouz, qui m'avoit rendu la vostre, ne vint point prendre ma lettre, que je sache.

  A017002521 

 Ce bon homme ne me voyoit point, des il y a quelque tems, et avoit protesté a Sessel de ne me vouloir jamais aymer, sans quil eut ni rayson ni sujet quelcomque de faire telle declaration; c'est pourquoy, quoy que diverses fois il fut venu icy, je n'avois pas eu moyen de luy parler de vostre affaire.

  A017002538 

 Oh, quelle perfection toute souveraine de cette colombe, au prix de laquelle nous sommes des corbeaux! Helas! parmi le deluge de nos miseres, j'ay souhaitté qu'elle treuvast le rameau de l'olive du saint amour, de la pureté, de la douceur, de l'orayson, pour le rapporter en signe de paix a son cher Colombeau, a son Noé..

  A017002546 

 Faites donq, Monsieur mon Filz, faites souvent, je vous supplie, cette grace a mon esprit, mais seulement pourtant, quand vous pourrés bonnement sans vous incommoder; car, quoy que vos lettres me soyent plus delicieuses que je ne puis dire, si elles vous coustoyent de l'incommodité elles me seroyent douloureuses, aymant plus vostre playsir que le mien, selon la coustume des peres..

  A017002548 

 Le libraire a laissé couler plusieurs fautes en cet œuvre, et moy aussi plusieurs imperfections; mays sil se treuve des besoignes parfaites en ce monde, elles ne doivent pas estre cherchees en ma boutique.

  A017002566 

 Vostre Altesse aura memoire que je luy dis dans sa chambre, qu'il y avoit un homme lequel, des quelques annees, avoit desiré de proposer quelque dessein pour Geneve a Son Altesse.

  A017002595 

 J'offre a Vostre Altesse un Traitté de l'Amour de Dieu que j'ay mis en lumiere ces jours passés; non que je l'estime digne des yeux d'un si grand Prince, mays affin qu'en ce que je puis, je face hommage a Vostre Altesse luy presentant les fruitz de mes labeurs, comme issus d'une personne qui ne pensera jamais d'avoir rien de plus cher en ce monde que l'honneur d'estre advoüé,.

  A017002608 

 Je les salue, ces tres cheres filles, en l'amour de la tres sainte Vierge, sur le berceau de laquelle je les invite de jetter tous les matins des fleurs pendant cette sainte octave: des saintz soucys de la bien imiter, des pensees de la servir a jamais, et sur tout des lis et des roses de pureté et ardente charité, avec les violettes de la tres sacree et tres desirable humilité et simplicité..

  A017002619 

 La porte des consolations est malaysee; la suite sert de recompense.

  A017002619 

 Voyla, ma tres chere Fille, des vrays signes de la bonté de l'œuvre: l'acces y est tous-jours difficile, le progres un peu moins, et la fin bienheureuse.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002621 

 En somme, gardes vous bien des descouragemens.

  A017002622 

 Je salue tres cordialement nos cheres Seurs, et les conjure de prier Dieu pour mon ame, inseparable de la vostre et des leurs en la dilection qui est selon Jesus, nostre Sauveur..

  A017002630 

 Vous aves la ces pauvres cheres Seurs, lesquelles sont sous vostre credit, et dependent de vostre assistance au progres du service pour lequel elles sont allees: unissés vos cœurs et foibles forces, car par l'union vous prendres des forces invincibles..

  A017002631 

 Nostre Mere vous dira peut estre, si elle en a le lovsir, la crainte que j'ay que les renardeaux n'entrent dans cette petite nouvelle vigne pour la demolir; je veux dire les aversions et repugnances, qui sont les tentations des Saintz.

  A017002644 

 Vives tous-jours toute a Dieu, et me recommandes [281] souvent a sa misericorde et a la charité de la R de Mere, afin qu'elle me face part de ses prieres, et a celle des autres Seurs..

  A017002670 

 On ne laisse pas pourtant de travailler a la reunion des Princes, sous le credit desquelz on nous dit que tout ce malheur nous est preparé.

  A017002686 

 Je vous salue de tout mon cœur, lequel, comme vous sçaves, souhaite mille et mille benedictions au vostre, auquel je diray a nostre premiere veue deux nouvelles pour Rumilly qui luy seront des plus aggreables.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002698 

 ... vigne; et voyla que ces infirmités se sont interposees, qui la tiennent au lit et hors du train requis; et a cela surviennent des aversions et repugnances, [286] infirmités spirituelles.

  A017002699 

 Si vous juges avec le P. Recteur quil soit expedient que vous venies vous mesme, nous vous verrons, et parlerons plus clairement des raysons que nous avons de ne vouloir pas meshuy multiplier les familles de cette Congregation, jusques a ce que nous ayons des meres de famille convenables.

  A017002717 

 O Dieu! quand sera-ce que le support du prochain aura sa force dans nos cœurs? C'est la derniere et plus excellente leçon de la doctrine des Saintz: bienheureux l'esprit qui la sçait.

  A017002719 

 Ma tres chere Fille, vous estes la fille de mon cœur, et je ne laisseray jamais de souhaiter que vous soyes la fille du cœur de Dieu, qui nous a donné des cœurs affin que nous fussions ses enfans, en l'aymant, benissant et servant es siecles des siecles..

  A017002729 

 Il y a quelques jours que Son Altesse fit un' assemblee pour prendre les resolutions convenables a la reparation des Monasteres, tant en ce qui regarde les bastimens temporelz qu'aussi en ce qui regarde l'edifice spirituel de la discipline reguliere..

  A017002730 

 Et quant a la premiere, sadite Altesse a ordonné que, venant a vaquer des prebendes, on les retienne vaquantes jusques a ce que autrement soit prouveu.

  A017002740 

 Revu sur une copie conservée à Rome, dans les Archives des RR. PP. Barnabites.

  A017002784 

 Je vous supplie de me faire la charité que je puisse avoir la lettre que Son Altesse a accordee au Vice Legat d'Avignon, en recommandation de l'affaire que la Sainte Mayson de Thonon, mon Chapitre et moy y avons, sur le sujet des places du college d'Annessi, ou de Savoye, fondé audit Avignon, qui appartient a la nation de Savoye, affin que nous soyons remis en possession de les avoir.

  A017002813 

 Les Religieux de Talloyres sachans que le fermier de [296] leur Prieur commendataire a promis de fournir trois cens couppes de froment pour l'armee, et qu'il prætend a cet effect employer le bled de sa ferme, ilz supplient tres humblement Vostre Altesse qu'il luy playse de commander qu'avant toute chose les præbendes destinees a la nourriture des Religieux seront reservees, affin que le divin service soit continué, attendu que ledit fermier n'a peu promettre ce qui est aux Religieux.

  A017002829 

 Le college d'Annessi fondé en Avignon recourt par un sien deputé, natif de Chamberi, a nostre Saint Pere le Pape affin d'obtenir de Sa Sainteté quelque digne remede contre les desordres qui y sont survenus au prejudice des sujetz de Vostre Altesse, qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours passés au Vice Legat du comtat d'Avignon; qui me fait la supplier tres humblement d'employer pour ce bon œuvre la mesme faveur a Romme qu'elle avoit accordé pour Avignon..

  A017002855 

 L'un a esté, que il y a environ sept a huit ans, que Sa Sainteté accorda a sadite Altesse la decime de six ans sur le clergé de ses Estatz, de laquelle comme Son Altesse n'a rien exigé, aussi ne nous l'a elle pas encor quitté; de sorte qu'a bon compte nous luy donnons celle ci, bien que nous ne l'ayons pas fait sonner, de peur que cela n'esmeut les humeurs de messieurs les financiers de vouloir ci apres exiger le reste, car ce sont des gens grandement esveillés pour telles occasions..

  A017002872 

 Je me suis advisé des hier qu'il sera bon que, venant a Sainte Claire, devant et apres vous venies vous chauffer avec nous, et disner, et tout; car cela nous fera grand bien a tous, et de mesme quand vous viendres voir la mayson.

  A017002881 

 Il y a troys jours que l'on nous parle de cet accommodement, et chacun l'accommode a sa guise et selon que la preoccupation des affections suggere.

  A017002882 

 J'espere d'aller bien tost faire la reverence a Son Altesse, car voyci le tems de l'Advent qui m'appelle a Grenoble, ou je ne dois m'acheminer qu'apres avoir demandé les commandemens d'icelle; et j'auray alhors le contentement de vous voir et d'apprendre plus particulierement les circonstances de ce traitté, la nouvelle duquel me fait escrire un mot a monsieur de Monthouz, affin quil face expedier l'affaire des Dames de la Visitation tandis que le beau tems dure et qu'on peut prendre la mesure des bastimens..

  A017002900 

 Il faut que vous soyes ce que vous estes: mere de famille, puisque vous aves un mary et des enfans, et il le faut estre de bon cœur et avec l'amour de Dieu, ains pour l'amour de Dieu, ainsy que je le dis asses clairement a Philothee, sans s'inquieter ni empresser que le moins qu'il sera possible..

  A017002901 

 Ce que vous verres pouvoir estre fait avec amour, il le faut procurer; ce qui ne se peut faire que par desbat doit estre laissé, quand on a affaire avec des personnes de si grand respect..

  A017002902 

 Je ne doute point qu'il ne se passe des aversions et repugnances en vostre esprit; mays, ma tres chere Fille, ce sont autant d'occasions d'exercer la vraye vertu de douceur; car il faut faire bien, et saintement, et amoureusement ce que nous devons a un chacun, quoy que ce soit a contrecœur et sans goust..

  A017002948 

 C'est pourquoy, ce bon Pere confesseur des Dames de Sainte Claire va pour voir s'il pourra tirer l'asseurance de ladite somme; en quoy je vous supplie tres humblement de l'assister, comme aussi de luy faire delivrer le mandat des trente vaisseaux que saditte Altesse a ouctroyé pour le couvent de Saint François..

  A017002948 

 Et pour l'assignation de cette somme-la, monsieur de Monthouz me dit avant hier que Son Altesse avoit accordé le rappel des galeres en faveur d'un certain notaire ou chatelain, que je pense estre du quartier d'Aiguebelle, a la charge quil donneroit les troys cens ducatons dont il est question pour cett'œuvre pie, et qu'il serviroit deux ans aux bastimens de la Sainte Mayson de Thonon.

  A017002948 

 Il pleut a Son Altesse de me commettre pour voir l'estat des bastimens de Sainte Claire de cette ville, et [309] sur le rapport que je luy fis de la ruyne dont ilz estoyent menacés, sa bonté s'estendit a leur vouloir donner 300 ducatons pour la reparation necessaire.

  A017002956 

 et Secretaire des commandemens de S. A..

  A017002967 

 Et par ce que je voy combien Dieu en sera glorifié et le peuple edifié, j'en remercie tres humblement de rechef Vostre Altesse avec eux, la suppliant de continuer en ce tressaint zele, comme je ne cesseray jamais de luy souhaiter la perfection des graces celestes, non plus que d'estre, Monseigneur,.

  A017002982 

 J'ay des-ja un peu cherché la quittance de Bonfilz et ne l'ay sceu treuver; mon frere dit quil ne l'a point aussi.

  A017002985 

 Dieu vous veuille a jamais benir, ma tres chere Fille, des benedictions de son tressaint amour.

  A017003032 

 Voyla les lettres; mais j'ay oublié de vous dire, ma tres chere Mere, que quand monsieur le President vous parlera des maysons et que vous viendres a traitter de l'estimation des maysons, il seroit bon d'obtenir de luy qu'assemblant les expertz, il leur face prester serment, et leur fasse prendre les resolutions, parties absentes..

  A017003043 

 Voyla des lettres pour vous.

  A017003110 

 Graces soyent a Dieu, ma tres chere Mere! sinon des que je commence a vous escrire ce billet, je n'ay rien fait de toute la journee selon mon inclination.

  A017003123 

 Sur quoy, quelques-uns se sont advisés que vous avies une place, laquelle vous estes resolu de ne vouloir point remplir de vostre personne, ainsy que vous l'aves declaré, et que le tems escoulé des l'impetration d'icelle fait asses connoistre.

  A017003130 

 Veille des Roys 1617..

  A017003145 

 En voyci un'autre: M. de la Roche desireroit mettre sa seconde fille en la Congregation et constituer sa dote des a present, avec celle de ma Seur Claude Agnes, sur les biens quil vous vend a la charge qu'en cas qu'elle ne perseverast, on rendroit tant.

  A017003145 

 Je ne [328] sçai si aures parlé a M. le Collateral de la difficulté des 800 florins.

  A017003156 

 Et maintenant, deceu en mon attente, je ne puis me contenir que je ne me pleigne de mon malheur et que, pour me soulager au mieux que je puis, je ne vous supplie tres humblement, Monseigneur, que si les occurrences m'esloignent de vostre œïl, il vous playse me tenir præsent en vostre grace, que j'estime l'un des meilleurs et plus desirables honneurs que je puisse posseder en ce monde..

  A017003157 

 Ce pendant, Monseigneur, les Peres Barnabites m'ayant communiqué l'intention que Vostre Grandeur a de faire [330] bastir leur eglise, m'ont aussi donné une grande consolation; car je sçai que Dieu benit ceux qui luy edifient des maisons, qu'il glorifie ceux qui l'honnorent et qu'il donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003174 

 non seulement il ne croyoit pas que cette femme peut rien prætendre par rayson, mais tenoit pour certain qu'elle pourroit estre recherchee par justice, [332] d'avoir seduit et attiré un jeune garçon, enfant de telle famille, a des promesses si præjudiciables et conceües en termes si extravagans.

  A017003175 

 Celle ci, comme je m'asseure Vostre Altesse aura des-ja sceu, venoit de faire un enfant d'un estranger quand elle tira promesse de ce jeune gentilhomme; et bien que la charité ayt quelquefois porté des gens de qualité a prendre en mariage des femmes perdues pour les sauver, si est ce qu'il n'en faut pas tirer consequence pour ceux qui, n'estans pas a eux mesme (sic), sous prætexte de charité violeroyent la justice et l'equité, introduisans en leurs familles des personnes dangereuses contre le gré de ceux qui sont les peres et maistres de la famille, mays sur tout en un aage qui n'a pas ordinairement en consideration ni la charité, ni la prudence requise pour exercer une charité en laquelle il faut avoir egard a plusieurs circonstances..

  A017003193 

 Je joins ma tres humble supplication a celle que cette ville d'Annessi fait a Vostre Altesse, pour la continuation des privileges dont ell'a ci devant joüi, attestant que, si la fidelité et ardente affection des sujetz doit attirer les faveurs du Prince, cette communauté, Monseigneur, sera donq en singuliere recommandation aupres [334] de Vostre Altesse, pour la prosperité delaquelle je prie continuellement la divine Majesté, comme je dois, estant,.

  A017003210 

 Je crains pourtant la varieté des opinions au maniement des ames; mays Dieu aura soin de vostre chere trouppe, affin qu'elle aille tous-jours le mesme chemin, puisque c'est celuy auquel il l'a mise..

  A017003231 

 Job desiroit que le jour de sa naissance perist, et moy je souhaitte que le jour qui a veu naistre ma tres chere Mere soit conté entre les jours heureux et benis es siecles des siecles.

  A017003242 

 Il soit a jamais beni, et encor dequoy il envoye souvent des maladies a ses servantes pour les rendre participantes de sa croix, et les guerit aussi souvent pour les rendre en quelque chose participantes de sa resurrection.

  A017003256 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaitte sainte, et que vous soyes toute odorante des senteurs de ce cher Sauveur! C'est pour vous remercier de vostre bouquet, et vous asseurer que les petites choses me sont grandes quand elles sortent de vostre cœur, auquel le mien est tout dedié, je vous en asseure, ma tres chere Fille..

  A017003321 

 Haussés vostre teste dans le Ciel; voyes que pas un des mortelz qui y sont immortelz n'y est allé que par des troubles et des afflictions continuelles.

  A017003348 

 Ce pendant, ma tres chere Fille, tenes bien vostre cœur debout et courageux, et Dieu vous comblera de benedictions, et vous consolera du bonheur qu'il donne aux ames desquelles il veut se servir pour l'avancement des autres..

  A017003360 

 Et sil y en a une, il faut bien considerer en quelz termes ell'est conceüe, et par apres on pourra la promulger (sic), [350] n'estant pas besoin d'autre (sic) monitions pour la promulgation des excommunications a jure.

  A017003360 

 Quant a l'excommunication sur les entrees des femmes es monasteres des hommes, il faut avant toutes choses voir si il y en a, car jamais je ne l'ay veüe.

  A017003360 

 Quant a y mettre l'excommunication par nostre authorité, la difficulté seroit grande, par ce quil y auroit lieu a l'appel; et c'est une grande besoigne d'avoir a faire a des Religieux qui remueront toutes choses par apres pour empescher les effectz de nostre intention, quoy que juste et sainte.

  A017003364 

 M. de Crequi arriva hier, que j'ay veu ce soir et m'a dit que Albe estoit assiegee quand il partit, et tenoit qu'elle estoit prise des avanthier; que l'on traittoit fort la paix en Espagne, et y avoit diverses opinions si elle se feroit ou non..

  A017003412 

 Et par ce qu'il sçait que ledit Chapitre ne peut en conscience les luy distribuer, ni moy permettre qu'il en jouisse de la sorte, il obtient de tems en tems des lettres par lesquelles Son Altesse Serenissime commande audit Chapitre de delivrer lesditz fruitz.

  A017003412 

 Il y a long tems que le doyen de Choysi, prestre, fait profession de conduire des soldatz et suivre l'armee, voulant neanmoins tirer les fruitz de son decanat sur le Chapitre et eglise de Salanche, comme sil faysoit la residence a laquelle il est obligé.

  A017003429 

 Douze des premieres de la ville se sont rendues mes filles, et travaillent pour establir icy une Mayson de [356] nostre petite Visitation.

  A017003441 

 Ne le faites plus, je vous supplie, et vous humiliant sous l'advis des docteurs, nourrisses sans scrupule vostre cors en consideration de celuy que vous portes.

  A017003454 

 C'est bien fait, ma tres chere Fille, il ne faut point de reserve ni de condition; car, qui recevroit des ames en cette sorte, la Congregation se verroit toute pleine du plus fin, et par consequent du plus dangereux amour propre qui soit au monde.

  A017003487 

 Il est aysé de conduire la barque quand elle n'est point pressee des vens et de passer une vie qui est exempte d'affaires; mais parmi le tracas des proces, comme parmi les vens, il est difficile de tenir le chemin.

  A017003515 

 Revu sur l'Autographe conserve à Rome, Archives des RR. PP. Barnabites..

  A017003521 

 Bien des fois, avec les Révérends Pères de votre Congrégation des collèges d'Annecy et de Thonon, nous avons étudié de concert le moyen d'étendre ladite Congrégation en ces pays d'en deça les monts.

  A017003528 

 Aux très Révérends Pères du vénérable Chapitre général de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul..

  A017003545 

 Or si, en faysant l'orayson, ou vous arrestant a la sainte presence, le sentiment se faysoit en la teste et qu'il en arrivast du travail et de la douleur en cette partie-la, il faudroit relascher l'exercice et n'appliquer pas l'entendement, ains, par des paroles interieures et affectionnees, appliquer le seul cœur et la volonté.

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003549 

 Il faut que l'on demeure en la [369] barque en laquelle on est, pour faire le trajet de cette vie a l'autre, et que l'on y demeure volontier et amiablement; parce qu'encor que quelquefois nous n'y ayons pas esté mis de la main de Dieu, ains de la main des hommes, apres neanmoins que nous y sommes, Dieu veut que nous y soyons, et partant il faut donq y estre doucement et volontier.

  A017003549 

 O combien d'ecclesiastiques sont embarqués par des mauvaises considerations et par la force que les parens ont employé pour les faire entrer en cette vocation, qui font de necessité vertu et qui demeurent par amour ou ilz sont entrés par force! autrement, que deviendroyent ilz? Ou il y a moins de nostre choix, il y a plus de sousmission a la volonté celeste..

  A017003550 

 Et la dessus, ma tres chere Fille, je vous conjure d'estre bien fidele a la prattique de cet acquiescement et dependance de l'estat auquel vous estes; et partant, ma chere Fille, il faut que vous nommies quelquefois, es occurrences, les personnes que vous sçaves, du nom auquel vous aves aversion; et quand vous parleres a la principale d'icelles, que quelquefois vous employies parmi vos remonstrances des paroles de respect.

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003562 

 Premierement donq, je vous asseure que si vous perseverés a l'exercice de devotion, comme je voy que vous faites, vous vous treuveres petit a petit grandement allegee de ce tourment; d'autant que vostre ame, se tenant ainsy exempte des mauvaises affections et s'unissant de plus en plus a Dieu, elle se treuvera moins attachee a cette vie mortelle et aux vaines complaysances que l'on y prend.

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003567 

 Sixiesmement, faites souvent des actes d'amour envers Nostre Dame, les Saintz et Anges celestes; apprivoysés vous avec eux, leur addressant souvent des paroles de louange et de dilection; car ayant beaucoup d'acces avec les citoyens de la divine Hierusalem celeste, il vous faschera moins de quitter ceux de la terrestre ou basse cité du monde..

  A017003568 

 Septiesmement, adorés souvent, loués et benissés la tres sainte Mort de Nostre Seigneur crucifié, et mettés toute vostre confiance en son merite, par lequel vostre mort [373] sera rendue heureuse; et dites souvent: O divine mort de mon doux Jesus, vous benires la mienne, et elle sera benite; je vous benis, et vous me benires, o mort plus aymable que la vie! Ainsy saint Charles, en la maladie de laquelle il mourut, fit mettre a sa veuë l'image de la sepulture de Nostre Seigneur et celle de l'orayson qu'il fit au mont des Olives, pour se consoler en cet article, sur la Mort et Passion de son Redempteur..

  A017003571 

 Ainsy du mary, ainsy du pere et des autres: en quoy vous aures d'autant plus de facilité, que tous vos plus chers servent Dieu et le craignent.

  A017003571 

 Dixiesmement, consideres souvent les personnes que vous aymes le plus et desquelles il vous fascheroit d'estre separee, comme des personnes avec lesquelles vous seres eternellement au Ciel: par exemple, vostre mary, vostre [374] petit Jean, monsieur vostre pere.

  A017003571 

 Et parce que vous estes un peu melancholique, voyes au livre de l' Introduction a la Vie devote ce que je dis de la tristesse et des remedes contre icelle..

  A017003603 

 On me fait peur par le bruit qui court qu'a Chamberi il y a des maladies si dangereuses, et que monsieur d'Avise s'en va mort, qui est le sujet du voyage de ce porteur.

  A017003623 

 Vous me demandies l'autre jour, par la derniere lettre que j'ay eu le bien de recevoir de vous, des nouvelles de [379] monsieur de Charmoysi, mon parent; en quoy vous tesmoignes vostre bon et beau naturel, et cet honneste chevalier vous en sera grandement obligé quand il le sçaura; ce qui sera dans peu de jours, que luy et sa femme viendront en cette ville, puisque Monseigneur le Prince de Piemont ayant reconneu en cette derniere occasion sa valeur et suffisance es choses de la guerre, l'a creé grand maistre de l'artillerie de cet Estat, et despuis a esté embrassé et caressé sans mesure par Monsieur le Duc de Nemours, qui l'invitâ de venir en cette ville et le traitta tres honnorablement.

  A017003659 

 Si toutefois ce Père avait par hasard la tentation de rester là-bas, je [381] supplie Votre Paternité, pour l'amour de Dieu, de n'y pas consentir; car, en ce commencement, la persévérance et la stabilité des Pères qui ont déjà appris la langue et contracté la sainte amitié requise au maniement des Maisons, sont absolument nécessaires..

  A017003667 

 Le Père Général de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul..

  A017003679 

 Mays si vous les desirés encores, je vous les envoyeray au premier advis que vous m'en feres donner, comm'encor les prattiques des Regles, qui est une besoigne a part; bien qu'apres tout cela, il faut que vous sachies que les Regles sont a Rome, ou l'on sollicite pour reduire cette Congregation en Religion.

  A017003679 

 Or, voyla les Regles de la Visitation, esquelles neanmoins [383] on n'a pas estendu les derniers articles, par ce qu'ilz comprennent des formulaires asses longs et qui ne regardent pas tant les actions communes des Seurs, comme les particulieres des formes et ceremonies dont on use en leurs receptions seulement.

  A017003685 

 Quand il en sera tems, Madame, j'escriray a Monseigneur le Prince, pour la prosperité duquel, et de toute la Mayson, nous faysons des speciales et continuelles prieres, tant publiques que particulieres: en quoy nous obeissons avec anticipation de sousmission aux desirs des Serenissimes Infantes..

  A017003695 

 En un mot, je luy ay des-ja dit quil ne faut rien faire ni rien dire pour en estre loué, ni laisser aussi de rien faire ou rien dire crainte d'estre loué.

  A017003696 

 Dites luy donq qu'elle marche a la bonne foy, par le milieu des belles vertus de la simplicité et humilité, et non par les extremités de tant de subtilités de discours et de considerations.

  A017003699 

 La Socirté des Douze ne sçauroit estre mauvaise, car l'exercice duquel elle se sert est bon; mays il faut que cette Barbe Marie, qui ne veut point de peut estre, soufre celuy ci: que, peut estre, cette Societé est veritable, car n'estant nullement tesmoignee par aucun Prælat, ni aucune personne digne de foy, nous ne sçaurions estre asseuree (sic) qu'elle ayt esté instituee, le livret qui le dit n'alleguant ni autheur, ni tesmoin qui en asseure.

  A017003700 

 Or, puisque vous lises nos livres, je n'adjousteray rien, sinon que vous aillies simplement, rondement, franchement, et avec la naifveté des enfans, tantost entre les bras du Pere celeste, tantost tenue par sa main..

  A017003704 

 J'envoyeray les Regles de la Visitation au premier jour; je les avoys fait des-ja transcrire, mais il les faut envoyer a Thurin, ou l'on pense a l'erection d'une Mayson puissamment..

  A017003719 

 Vostre Altesse est protectrice de la discipline ecclesiastique, et la regardant en cette qualité, je luy remonstre que le Doyen de Salanche, nommé Choysi, vient parmi ce pais faire des levees de gens de guerre et, tant de deça comme dela les montz, profane furieusement sa profession ecclesiastique et l'Ordre de prestrise qu'il a, par mille mauvais et scandaleux deportemens, indignes mesme d'un soldat desbauché..

  A017003720 

 Mays le bon est, qu'avec cela il obtient subrepticement et par surprise des lettres de Son Altesse, par lesquelles elle commande au Chapitre de Salanche de le faire jouir des fruitz de sa præbende comme s'il estoit resident; ce que Vostre Altesse sçait trop mieux estre contraire au droit divin, ecclesiastique et civil.

  A017003720 

 Qui me fait recourir a la providence de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse de renvoyer ledit Choysi a sa residence pour y rendre son devoir, et declarer que, sans cela, il ne peut recevoir ni demander les fruitz [391] de sa præbende, et que ce n'est pas la volonté de Son Altesse qu'on se departe des loix et constitutions ecclesiastiques.

  A017003736 

 J'ay receu maintenant le commandement que Vostre Altesse me fait de me preparer pour aller prescher l'Advent et Caresme suivant a Paris; et neanmoins, par lettres de M. le Baron de Marcieu, j'ay sceu que [392] Vostre Altesse m'avoit accordé pour le mesme Advent et Caresme a la cour du Parlement de Grenoble: qui me fait supplier tres humblement Vostre Altesse de me faire sçavoir auquel des deux lieux je m'attendray d'aller, m'estant, pour moy, chose asses indifferente, pourveu que, ou que je sois, ce soit selon le bon playsir de Vostre Altesse, a laquelle je suis, et a laquelle je souhaite toute sainte prosperité, comme doit,.

  A017003767 

 C'est la verité, Madame ma tres chere Fille, qu'entre les souvenirs que j'ay des ames que Dieu m'a fait aymer, [395] celuy de la vostre m'est de tres grande consolation; car j'ay veu un certain despouillement des creatures et de leurs vanités, qu'il m'est impossible de n'aymer pas passionnement..

  A017003791 

 Déjà, des tentatives furent faites par M gr l'Evêque mon prédécesseur, de pieuse mémoire; mais il y rencontra tant de contradictions, [397] qu'il ne fut pas possible de les poursuivre, car il procédait par voie d'application des bénéfices, dont les hommes sont si avides que, pour en jouir en leur particulier, ils en empêchent de tout leur pouvoir l'union aux collèges et à telles autres œuvres de piété..

  A017003791 

 Entre les choses qui pourraient aider ce pauvre et affligé diocèse de Genève, l'une des principales serait l'érection d'un Séminaire.

  A017003823 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A017003834 

 Cependant, avec ce peu de motz, fideles interpretes de mon allegresse, je commence a vous rendre graces tres humbles du bonheur et des benedictions qu'attirera sur ce pais vostre arrivee, et vous supplie tres humblement d'honorer de vostre sejour cete maison, qui desireroit, an cete heureuse conjoncture, avoir encor les plus grands et plus illustres Prelatz qui l'ont autresfois regie, afin que plus dignement elle peust recevoir vous, Monseigneur, qui estes l'honneur et la coronne des Prelatz.

  A017003866 

 Si quelqu'un l'eust deu veoir, il y a dedans des libertés qui n'y seroyent pas.

  A017003866 

 Vous devineres un peu et les motz et le sens, mais aussy seres vous asseuré que cet escript n'ha point passé par les mains des copistes et que personne ne l'ha veu sinon celuy qui l'ha escript.

  A017003867 

 Je ne touche sinon l'institut: car pour la disposition des exercices de cet Institut, j'y ay de la complaisance et de la passion, et n'ay point a an faire autre jugement, sinon les estimer et admirer infiniment.

  A017003868 

 Enquoy, si vous approuves l'ouverture que je fais d'allunger le noviciat des veufves et de deffendre les sorties aulx professes, on peult reserver celles qui ont desja fait profession, lesquelles ayantz encor des affaires, pourront sortir, et le reglement aura lieu seulement pour celles qui entreront desormais; et cete reserve pourra estre expresse, ou mentale, comme vous le jugeres a propos.

  A017003905 

 Hélas! mon unique Père, que cette chère lettre me fait de bien! Béni soit Celui qui vous l'inspira, et que béni soit aussi le cœur de mon Père au siècle des siècles!.

  A017003907 

 Il faut que je vous die ceci: mon cœur chercherait, si je le voulais laisser faire, de se revêtir des affections et prétentions qu'il lui semble que Notre-Seigneur lui donnera; mais je ne le lui permets nullement, de sorte que ces propositions ne se voient que de loin; car enfin, il me semble que je ne dois plus rien penser, désirer ni prétendre que ce que Notre-Seigneur me fera penser, aimer et vouloir, ainsi que la nourrice qu'il me donnera me l'ordonnera; car je suis exacte à ne la point regarder..

  A017003934 

 Et outre l'asseurance que madame des Goufier vous pourra donner qu'elles seront bien et honorablement receues, je vous jure que je veux employer a leur service toute l'authorité que le Roy m'a donnee en cette province, estant a vous, et a elles a vostre consideration,.

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003957 

 Madame des Goufier ayant pris desir, avec bonne compagnie, de quitter l'Egipte du monde pour se ranger en ceste ville en une Maison de vostre Ordre de la Visitation Saincte Marie, comme en la terre de promission en laquelle elle espere jouyr des delices de son celeste Espoux; apres y avoir aporté les ceremonies necessaires en la benediction du lieu faicte par monsieur le Doyen de Nostre Dame, en la presence de Monseigneur nostre Gouverneur, reste a present la favorable assistance de vos graces, pour envoyer des ouvrieres en sy copieuse moisson que celle de la vie contemplative, lesquelles, recuillans le pain des Anges en leurs ordinaires exercices [413] et s'acquerans les faveurs du Ciel, puissent rendre nostre ville participante des benedictions qui se reçoipvent par le merite de sy sainctes hostesses, lesquelles venant de vostre part nous apporteront un esprit celeste et nous seront autant cherès comme asseurement, et a Vostre Seigneurie et a leur pieté, nous demeurons a jamais,.

  A017003970 

 Passant par cete ville pour m'en aller a Paris, j'ay veu les commencemens que madame des Goufier a donné a une maison de la Visitation.

  A017003971 

 Il y aura encor icy, comme je prevoy, quelques petites difficultés, qui se dissiperont des que l'on verra des Religieuses et que l'Office se fera..

  A017003985 

 Si j'avois la cognoissance [415] des temps et des moments que le Pere Celeste retient en sa puissance, j'apposerois quelque terme prefix a ce mien vœu; mais au moins, incontinent apres la S. Martin prochaine, sil plaist a Dieu me prester santé, toutes mes pensees, touts mes efforts et desseins se banderont à effectuer ma promesse; et ay ferme esperance en Dieu, qui ne me confondra point, puis que l'entreprinse est pour son service, honneur et gloire, que par sa grace il me suppeditera touts moiens a ce necessaires, et ostera touts empeschements invincibles: Erunt prava in directa, et aspera in vias planas.

  A017004043 

 Le desplaisir que je reseus de ne vous avoir encores trouvé a Nissy quant j'y arrivé, ne fut pas moindre que seluy que vous tesmoignes en avoir eu, car j'avois une estreme envie de vous voir et entretenir; mais je me consolle avec l'esperanse que j'ay d'avoir bien tost se contantement, que je desire passionnement, pour estre un des plus grans que je puisse recevoir.

  A017004044 

 Quant a se que vous m'escrivés pour le regard du bastiment de l'eglise des Peres Bernabites, je contriburay tousjours tout se qui me sera possible pour ung si bon œuvre, estant bien marry que je ne puis des a present leur faire congnoistre la volonté que j'en ay; mais parse que les occasions passees m'ont un peu mis en arriere, cela ne me peult permettre de faire tout se que je voudrois bien.

  A017004067 

 Monseigneur, nous vous envoyons des lettres de nos chères Sœurs de Moulins; nous n'écrivons point séparément à notre chère Mère, faute de temps..

  A017004092 

 Nous louons Notre-Seigneur, mon très honoré Père, de ce que vous trouvez des âmes si fort disposées au bien, et de quoi vous trouvez la nièce de M. de Bouqueron propre.

  A017004094 

 Mon Dieu, Monseigneur, que nous avons bon besoin de l'assistance de sa divine Majesté et qu'il nous fortifie! Avec toutes ces rencontres journalières, qui sont assez pleines de mortification, je n'ai nul sentiment de confiance, ni quasi de courage, bien que, grâces à Dieu, nous ressentons toujours, à la pointe de l'esprit, de l'amour à tout ce qui arrive, parce que nous le voyons partir comme des choses que Dieu permet et qu'il nous donne pour nous humilier.

  A017004094 

 Monseigneur l'Archevêque dit qu'il ne veut pas que l'on en reçoive davantage que l'on ne sache la fin des affaires de Rome.

  A017004094 

 Nous vivons avec des incertitudes et des irrésolutions et humiliations si grandes, que je ne sais quelquefois où nous en sommes.

  A017004118 

 Si vous ne lui faites des commandements bien exprès, Monseigneur, de se conserver, elle demeurera un jour en ces convulsions.

  A017004120 

 Nous vous envoyons les Règles des Ursulines de Paris, avec les Bulles qu'elles ont obtenues de Sa Sainteté; Monsieur de Chenevoux nous les a envoyées, nous avons pensé que vous seriez peut-être bien aise de les voir..

  A017004144 

 J'ai toujours des grands désirs d'être telle que vous nous désirez et que Dieu nous veut; mais il faut que tout vienne de lui, par l'intercession de vos saintes prières..

  A017004177 

 Au reste, je ne vous ferois pas cette demande, si je n'estois tres-assurée que Dieu vous a ouvert le livre des consciences, et qu'en vous declarant mon nom je vous découvre qui je suis et tout ce qui se passe dedans mon interieur.

  A017004189 

 Ne sçait lequel des deux il devroit desirer:.

  A017004191 

 Quant a la tissure et l'ordre que j'ay donné à ce petit ouvrage, je croy que Celle au nom de qui il vient en lumiere, m'obtiendra de son Amour parfaict, la grace particuliere de mourir de l'amour qu'obtint l'amoureux Chevalier sur le mont des Olives [429] ....


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

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 Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!.

  A018000014 

 — Quand la perte des Communions n'est pas dommageable à l'âme. 16.

  A018000018 

 Recours à l'intervention du prince pour obtenir la confirmation des privilèges de la ville d'Annecy. 19.

  A018000023 

 Réponse à des condoléances. 23.

  A018000034 

 — Les deux ailes de la renommée des bons princes. 34.

  A018000037 

 — La société des âmes pleines d'amour divin allège les afflictions. 36.

  A018000041 

 Des fermiers retardataires à payer.

  A018000049 

 — Mince bagage de science qu'emporte d'Annecy le jeune des Hayes.

  A018000051 

 Comment ne pas dévier du chemin des ordonnances divines. 48.

  A018000062 

 — L'avis de François de Sales au sujet des études de Charles de la Fléchère. 57.

  A018000064 

 La misère des Clarisses du diocèse de Genève.

  A018000064 

 — Ce qu'apprend l'expérience sur la trop grande pauvreté des Monastères de femmes.

  A018000064 

 — Il dénonce des manquements aux décrets du Concile de Trente. 59.

  A018000064 

 — Sollicitude du Saint pour des Religieuses exemptes de sa juridiction.

  A018000065 

 MCCCLX. A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites.

  A018000066 

 — Le jardin des Barnabites.

  A018000068 

 — Joie inaltérable des âmes données à Dieu.

  A018000074 

 Béatitude des crucifiés.

  A018000076 

 — Eloge des PP. Barnabites; la seule chose qui leur manque.

  A018000076 

 — La divine origine des afflictions.

  A018000078 

 MCCCLXXIII. A Don Jérôme Boerio, Général des Barnabites (Minute).

  A018000078 

 — Les desseins du prince de Piémont et de l'Evêque de Genève sur Contamine; pour les faire réussir, l'intervention de D. Juste auprès des cours de Savoie et de Rome est nécessaire.

  A018000086 

 Force des vœux dans l'Institut de la Visitation.

  A018000097 

 — Souhaits des gens de bien et contradictions au sujet de la fondation du Monastère de Grenoble.

  A018000098 

 L'avis du Saint pour le rétablissement des Carmes à Gex.

  A018000098 

 — Impossibilité de leur assigner le revenu destiné au service des paroisses.

  A018000098 

 — Travail et dévouement des Capucins.

  A018000107 

 Supplique pour l'installation des Chartreux à Ripaille. 97.

  A018000108 

 La foi en la Providence au milieu des sécheresses spirituelles.

  A018000108 

 MCDII. A la Sœur de Blonay, Maitresse des novices a la Visitation de Lyon.

  A018000123 

 — L'audace des hérétiques et le remède à y opposer. 115.

  A018000125 

 — « Un peu de consideration humaine » dans des désirs paternels.

  A018000126 

 » — Quel doit être le seul souci des enfants de Dieu.

  A018000132 

 Encore l'affaire des jardins.

  A018000141 

 — Rempart contre le torrent des adversités. 134.

  A018000142 

 La souffrance des séparations.

  A018000147 

 — « Le secret des secretz en l'orayson.

  A018000153 

 Envoi d'une lettre pour M me des Gouffiers.

  A018000158 

 — Eloge des PP. Célestins.

  A018000160 

 Le Saint congratule les consuls de l'établissement projeté des PP. Barnabites dans leur ville. 148.

  A018000161 

 Réponse à des témoignages de confiance et d'affection.

  A018000162 

 — Comment la confiance restreint le nombre des lettres.

  A018000163 

 L'offre d'un collège aux PP. Barnabites, — Réponses à des objections. 150.

  A018000163 

 MCDLVII. A Don Jérome Boerio, General des Barnabites.

  A018000164 

 Tenir son cœur au-dessus des variations de la dévotion sensible. 153.

  A018000166 

 — L'insuccès des démarches et la vanité des promesses faites en faveur des curés d'Armoy et de Draillant.

  A018000172 

 L'inconstance, loi des choses de ce monde; les amitiés saintes en triomphent.

  A018000172 

 MCDLXVI. Au Chanoine Honore des Echelles.

  A018000172 

 — La demeure des Filles de la Visitation ici-bas, leur demeure dans l'éternité.

  A018000173 

 Grande union des chanoines de Saint-Pierre de Genève avec leur Evêque.

  A018000177 

 MCDLXXI. A Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux.

  A018000189 

 — Difficultés d'accepter les prédications de l'Avent à Saint-André-des-Arts. 173.

  A018000206 

 Au milieu des affaires de la cour, François de Sales n'oublie pas la vocation de sa fille spirituelle.

  A018000210 

 — Celse-Bénigne s'apprivoise avec le Saint; ce qui lui manque pour faire des merveilles.

  A018000212 

 — Sainte liberté et surnaturelle prudence à garder au sujet des confesseurs extraordinaires.

  A018000214 

 Des tentations « plus ennuyeuses que perilleuses.

  A018000225 

 Insuccès des démarches du Saint en faveur de M. de Quoex.

  A018000227 

 Un parrain heureux des nouvelles de son filleul.

  A018000229 

 Comment supporter les petites persécutions des enfants du monde.

  A018000231 

 — Remarque pleine de sagesse et de délicatesse de l'Evêque de Genève au sujet de la doctrine du Général des Feuillants.

  A018000238 

 — Contradictions des luthériens et des calvinistes dans l'explication de certains passages.

  A018000241 

 — Quelle correction permettent l'équité et la clémence pour des fautes sans malice.

  A018000246 

 Un même trésor pour tous les cœurs des enfants de Dieu.

  A018000246 

 — Ne pas se lasser ni lasser les autres par la longueur des exercices spirituels.

  A018000254 

 E. Lettre des Avoyers et du Conseil de la Ville de Fribourg.

  A018000260 

 B. Lettre de Don Juste Guérin a D. Boerio, Général des Barnabites.

  A018000261 

 C. Lettres patentes de Henri de Savoie, Duc de Nemours, en faveur des Religieuses de la Visitation d'Annecy 246.

  A018000262 

 D. Requête des Religieuses de la Visitation d'Annecy au Duc de Savoie.

  A018000274 

 Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilegiés; car je pense qu'il sçait que l'Eglise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins dela le Rosne que deça, ains j'affectionne d'establir la discipline ecclesiastique de dela, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deça, par ce qu'icy les adversaires de l'Eglise sont moins puissans et moins præsens..

  A018000276 

 Je dis de mesme de la distribution des saintes Huiles, en quoy tous nos confreres doivent suivre l'ordre mis au Sinode.

  A018000294 

 Mais puisque le mary ni le confesseur ne l'ont pas treuvé bon, il faut demeurer en paix, comme aussi aux retranchemens des Communions.

  A018000307 

 Je dis maternellement, a cause que l'amour des meres est tous-jours plus tendre envers les enfans que celuy des peres, pour ce, a mon advis, qu'il leur couste plus.

  A018000309 

 Je fus esmeu a la verité, mais je retins toute mon esmotion, et confessay ma foiblesse a nostre Mere, qui, en cette occasion, n'eut, non plus que moy, aucune [6] parole de passion; et je vous diray bien de plus: il semble que ces bonnes gens la se plaisent a luy donner des frequens sujetz de mortification, qu'elle boit insatiablement..

  A018000318 

 Le pire est que la dissension est entre les bons, dont elle est plus dangereuse; et, comme dit saint Bernard parlant des Religieux qu'il estime estre les yeux de l'Eglise, espouse de Jesus Christ, non est [8] dolor sicut dolor eorum.

  A018000331 

 Nostre Mere est en affaire pour la reception d'une vertueuse damoyselle de Grenoble qui est venue ce matin, avec une carrossee d'autres dames qui l'ameynent; car il vous faut tenir advertie des particularités de la Mayson, et que M me de la Thuille partit hier, ayant fait sa revëue a la Visitation, ou ell'a esté cachee environ sept ou huit jours, avec beaucoup de consolation pour son cœur..

  A018000345 

 Cette ville d'Annessi recourt a la debonaireté de Vostre Altesse pour avoir la confirmation des privileges que Messeigneurs ses prædecesseurs luy ont donné.

  A018000375 

 Helas! j'attens tous les quartz d'heure la nouvelle du trespas de mon frere de Thorens, qui partit d'icy il y a trois semaines, et le jour de la Trinité estoit a Thurin, abandonné des medecins, et hors de toute esperance d'eschapper; et des-ja, de Chamberi, le bruit vient qu'il est mort.

  A018000397 

 Ce pauvre garçon est mort le premier jour de son arrivee en ce païs-la, d'une fievre pestilentielle, dans le sein de l'Eglise, muni des Sacremens receus avec grand sentiment de religion, sous la direction du bon Pere D. Juste.

  A018000399 

 Dieu soit beni en la vie et en la mort des siens.

  A018000411 

 Monseigneur le Prince Cardinal et Madame la Princesse l'envoyerent visiter, et les dames de la cour luy envoyerent des presens pour sa bouche; et en fin, Monseigneur le Prince Cardinal, apres son trespas, envoya douze flambeaux avec les armoiries de Son Altesse, pour honnorer son ensevelissement..

  A018000427 

 Que son nom soit beni, et les decretz de sa volonté adorés es siecles des siecles.

  A018000458 

 J'escris la ci jointe a madame la Presidente de Sautereau, non pour la consoler, mais pour luy tesmoigner que je conserveray a jamais la memoire des infinies obligations que j'avois a son defunt; tandis que je me treuve icy a Sales, aupres de nostre jeune vefve, qui me fait [21] tout estonné de voir en son ame tant d'amour de son mari trespassé et tant de constance a supporter l'amertume du desplaysir de son trespas..

  A018000459 

 Je passeray vandredi a La Roche pour planter la premiere pierre de l'eglise des Capucins, et dela je m'en vay a Thonon, parti (sic) pour consacrer l'eglise que les mesmes Peres y ont dressee, avec le grand autel des Peres Barnabites, partie pour appayser, si je puis, quelques noyses, lesquelles par tentation humaine sont survenues en la Sainte Mayson.

  A018000461 

 J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Chanal, qui ayant esté appellé de Dieu a la vie devote des quelques annees en ça, sera mort en tel estat, je m'asseure, que nous avons occasion de benir l'heure de son trespas; et moy particulierement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son depart d'Annessi.

  A018000487 

 Sans doute, ma chere Dame, le plus grand desir que monsieur vostre trespassé eut a son depart fut que vous ne trempassies pas longuement dans le regret que son absence vous causeroit, mais que vous taschassies de moderer, pour l'amour de luy, la passion que son amour vous donnoit; et maintenant, en son bonheur dont il jouit, ou qu'il attend en asseurance, il vous souhaite une sainte consolation et que, moderant vostre tribulation, vous conservies vos yeux pour un meilleur sujet que les larmes, et vostre esprit pour des plus desirables occupations que celles de la tristesse..

  A018000488 

 Il vous a laissé des gages pretieux de vostre mariage: conservés vos yeux pour regarder a leur nourriture, conservés vostre esprit pour relever le leur.

  A018000499 

 On la pourroit enterrer en l'eglise, car ell'est asses benite en la benediction des fondemens que nous fismes en la position de la premiere pierre.

  A018000500 

 Mays sur tout, en pleurant descharges bien vostre cerveau, reposes vous convenablement, et vous divertisses le plus doucement que vous pourres; prenes bien souvent des raysins un peu amollis au vin et eau chaude, et en somme ayes soin de vous conserver la, car icy, ne doutes point; je suis un certain homme quil ny a rien a craindre, sinon quand je le diray moymesme..

  A018000503 

 On ne peut partir que le tems ne s'accoise, a cause des ruisseaux, mais soudain quil sera remis je feray porter la presente..

  A018000517 

 Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoyselles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des-ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon; et espere que l'un'et l'autre donneront [et recevront] reciproquement de l'edification et consolation en la Congregation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce commencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.

  A018000532 

 Mais, comme me pourrois-je empescher d'estre en peine de ce que je suis la, quant a la santé? Pour Dieu, ne parles pas beaucoup, soulages vous, et vous tenés un peu tranquille tant d'esprit que de cors; car le premier accident vous arriva apres le traitté avec M. de la Roche, ou vous ne fustes pas sans parler avec affection, et puis le tracas des malades fit venir le second.

  A018000534 

 Qui sçait si Dieu aura pitié d'elle et luy pardonnera? Son mauvais naturel ne m'estonne point, car Nostre Seigneur fait quelquefois les enfans d'Abraham des pierres.

  A018000534 

 Saint Pierre, prince des pœnitens, est devant mes yeux, qui fut si doux aux pecheurs apres quil ne le fut plus..

  A018000539 

 A Viu, le jour des deux saints amans, saint Pierre et saint Paul..

  A018000551 

 Or, faites donq bien, ma chere ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligee par les attraitz et bien-faitz dont elle vous a favorisee jusques a present, et ne vous estonnes point des difficultés; car, ma chere Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement tenir ferme a pretendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait..

  A018000564 

 Et quelque peu avant que d'aller en l'orayson, mettes vostre cœur en paix et en repos, et prenes esperance de bien faire; car si vous y alles sans esperance et des-ja toute degoustee, vous aures peine de vous remettre en appetit..

  A018000573 

 La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de benir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le desir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous representes vos tentations et le combat que vous faites; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligee.

  A018000575 

 Si vous aymes la devotion, faites que tous luy portent honneur et reverence; ce qu'ilz feront s'ilz en voyent des bons et aggreables effectz en vous..

  A018000579 

 J'ay appris que vous esties grosse; j'en ay beni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres.

  A018000589 

 C'est une famille gastee et des ames perdues, et l'unique fille de cet homme-la, qui est une bonne fille, deshonnoree devant le monde, bien que devant Dieu, estant devote comme ell'est, elle ne laisse pas d'estre d'estime.

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000615 

 Et partant, Monseigneur, la faveur que Vostre Altesse fera a cette calamiteuse famille sera egalement ornee de justice et de misericorde, qui sont les deux aisles sur lesquelles l'aggreable renommee des bons princes vole et au Ciel et en terre, parmi mille benedictions et de Dieu et des hommes..

  A018000615 

 Reste l'œil du publiq qui, je m'asseure, regardera avec edification la grace d'un homme qui a tant de raysons et de justes excuses, ainsy que Vostre Altesse jugera bien, si elle commande que rapport luy soit fait de cette desadventure, selon qu'il en resultera des procedures de justice.

  A018000630 

 Reste le publiq lequel, je m'asseure, ne sera nullement scandalisé si, sur forces (sic) raysons justificatives d'un tel accusé, il plait a Son Altesse d'ouctroyer la grace, laquelle affin de pouvoir plus aysement obtenir, j'addresse a vostre charité, Monseigneur, cette tres humble requeste, fondee partie sur la justice, partie sur la misericorde; d'autant que, comme on ne peut pas nier qu'il ny ayt en cet accident quelque sorte d'apparence de coulpe, puisqu'il y a des mortz et blessés, aussi faut il confesser qu'il y a beaucoup d'innocence en effect, et plus de grande infortune que de grande iniquité.

  A018000645 

 Et encor, si un jour suffisoit a voir cette fille, je m'efforcerois de courir jusque la et revenir; mays, comme vous sçaves, cet esprit est malaysé a s'ouvrir, il y va des jours et des jours.

  A018000648 

 La multitude des occasions de bien faire tient quelquefois lieu de croix, mais cet (sic) pourtant la croix la plus douce.

  A018000648 

 Les convulsions des enfantemens, les tranchees, les douleurs sont fascheuses; les steriles, pourtant, les prefereroit (sic) a la tristesse de la sterilité..

  A018000662 

 Je sçavois vostre venue de deça par un advis que monsieur le Premier, vostre beaufrere, m'avoit envoyé, et par un billet receu des que je suis icy de madame la Premiere, nostre bonne seur.

  A018000722 

 J'envoye prendre des chevaux pour vous aller revoir, ma tres chere Mere.

  A018000783 

 Cependant vous sçaves, comme je pense, quelle estime j'ay tous-jours faite de vostre Congregation, et pour cela, des qu'il a pleu a Dieu par sa bonté de la faire esclorre, j'ay tous-jours desiré d'en avoir une Mayson en ce diocaese; ce que je n'ay sceu faire jusques a present, qu'a mon advis je puis reuscir de ce dessein.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000813 

 Mays a la premiere commodité, je luy feray sçavoir qu'il m'est impossible de le gratifier tandis quil ne sera pas prestre ni lié aux Ordres sacrés; car, quelle apparence de donner les charges ecclesiastiques de telle consequence a un qui n'est encor point ecclesiastique, au præjudice de plusieurs honnestes ecclesiastiques qui ont des-ja fait longuement l'exercice et qui ont bien servi l'Eglise? Je laisse a part qu'il n'est pas du diocæse, car en cela je me puis dispenser.

  A018000829 

 Je suis encor incertain si j'iray a Paris ou si je retourneray a Grenoble, Son Altesse, laquelle m'a commandé l'un et l'autre, ne m'ayant encor voulu determiner auquel des deux je m'attacheray..

  A018000830 

 Monsieur Garin vous dira toutes nos nouvelles et que nous renvoyons le jeune M. des Hayes doux, amiable, courtois, a M. son pere, mais non pas fort sçavant, ains seulement instruit d'un peu de latin et de quelques parties des mathematiques.

  A018000831 

 La playe est des-ja a moytié soudee, apres trois moys..

  A018000833 

 M. de Bellerive avoit renvoyé en Piemont sa Marguerite, sur mes exhortations; mais comme ce sont des [66] diablesses familieres dont on ne se peut defaire apres qu'on leur a fait hommage, on m'a dit qu'ell' est retournee d'elle mesme, comme philtree et transportee de la passion de l'amour de cet homme; mais quant a la vouloir espouser, il proteste de ny avoir jamais pensé.

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000941 

 Elle s'estoit vouee a la Visitation des l'instant de sa viduité et avoit des-ja fait ce projet au despart de son mari; et Dieu luy a fait la grace qu'elle est morte en cette mayson, d'une mort marquee de sainteté extraordinaire; elle demanda l'habit et fit les vœux avant que de mourir..

  A018000941 

 Il a pleu encor, ces jours passés, a Dieu de me visiter en nostre mayson, retirant a soy nostre nouvelle vefve, ma seur de Thorens, femme des plus sages, vertueuses et aymables qu'on eust sceu desirer.

  A018000951 

 Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas l'aymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnee qu'elle n'estoit plus connoissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voüee a la Visitation.

  A018000985 

 Revu sur une copie conservée à Rome, Archives du Postulateur général des Causes des VV bles et BBx S. J., dossier Bellarmin, carton 4°..

  A018000992 

 Ce serait un spécimen et un type pour un commentaire analogue des autres Epîtres.

  A018000992 

 Je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur [78] des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute.

  A018000992 

 Mais je dirai encore un mot à mon seigneur. Combien je voudrais, ô Dieu de bonté! combien souhaiteraient aussi la plupart des gens de bien, que nous eussions, sinon toutes, au moins l'une ou l'autre des Epîtres de saint Paul, fût-ce des plus courtes, expliquée au triple sens historique, dogmatique et mystique, que signale Votre Illustrissime Seigneurie.

  A018000992 

 N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au-dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile..

  A018000998 

 Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Seigneur, Dieu des armées! Plût au Ciel que les princes catholiques [80] n'eussent qu' un seul cœur! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront! Où est-il le Pacificateur? Oui, venez, Seigneur Jésus!.

  A018001007 

 Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand, la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastere et Congregation au train de l'ancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, [81] comme de chose qui importe extremement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'edification des fideles..

  A018001028 

 Que les Dames de la Visitation ayant acheté au veu et sceu de toute la ville la mayson en laquelle elles sont [83] a present, pour y servir Dieu, et s'y estant logees sans opposition ni contradiction de personne, ni mesme des Peres de Saint Dominique, ains au contraire le Reverend Pere de Bollo, Superieur de l'Ordre, ayant favorisé leur Congregation et leur sejour en ce lieu la de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire, elles n'avoyent nul sujet de penser que lesditz Peres eussent pris en si mauvaise part leur demeure en ce quartier..

  A018001029 

 Que despuis, ayant pleu a Dieu de donner accroissement a leur Congregation, elles se sont treuvees en necessité d'eslargir leur habitation et s'accommoder des maysons voysines, par traittés legitimes faitz avec les possesseurs d'icelles et, par mesme moyen, elles se sont treuvees en necessité de bastir et former leur mayson en monastere pour pouvoir observer la clausure et la.

  A018001031 

 Qu'elles sont extremement marries de ne pouvoir eslever leur bastiment sans donner quelque ombre au jardin desditz Peres: que si en cela elles donnent quelque nuisance, c'est a leur regret et sans leur coulpe, puisque la necessite de leur edifice les contraint; en sorte que si elles font quelque incommodité, si ne leur font elles point de tort, estant des incommodités que les voysins, par disposition de droit et la coustume generale des gens, doivent souffrir des voysins..

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001032 

 Que neanmoins, bien qu'en cela elles ne fassent rien que selon leur droit et avec legitime authorité de Sa Grandeur et de l'Ordinaire du lieu, elles ont tousjours desiré pouvoir en quelque façon accommoder leur necessité urgente de bastir en ce lieu la avec l'utilité desditz Reverens Peres: ayant a ces fins supplié M. Rousselet et M. le President des Comptes, et quelques autres personnes d'honneur, de vouloir moyenner quelque accommodement qui peust contenter lesditz Peres; s'offrant, icelles Dames, de faire tout ce qu'il plairoit auxditz seigneurs Rousselet et President, ou mesme a telz autres qu'on choisiroit, de marquer et ordonner.

  A018001033 

 De sorte qu'iceluy, toutes choses considerees, les ayant authorisees en ce bastiment, elles sont hors de tout reproche et en droit de bastir en ce lieu la; lequel, au reste, n'est ni proche ni en veuë du monastere desditz Reverens Peres, ains seulement d'un jardin qui leur appartient, escarté de leur monastere et hors l'enclos d'iceluy, lequel, avant que la Congregation de la Visitation fust, estoit exposé a la veuë des femmes et filles, et au bruit [de celles qui] faisoyent la lessive, [là où] maintenant il semble [que] la condition desditz Reverens [Pères est améliorée,] puisque lesdites Dames.......

  A018001033 

 Qu'en ce qui regarde la bienseance et la juste distance qui doit estre entre les monasteres des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportees au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente de prouvoir a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des [85] monasteres des filles.

  A018001034 

 Et qu'il faut encor bien noter la difference qu'il y a entre le monastere et le jardin du monastere, sur tout en cette occurrence en laquelle le jardin est hors de l'enclos du monastere et de sa propre constitution, sujet a la veuë de tout le voysinage; de sorte que l'on n'empire pas sa condition, ains on l'ameliore, puisqu'on leur ostera la veuë des [femmes] qui seront la aux fenestres de..........

  A018001034 

 Monsieur, je laisse a part les procedures faites, les cautions prestees et ce qui resuite des pieces; mais ayant veu les Canons, les Conciles et les elucidations du Concile de Trente, il me semble qu'elles doivent rejetter sur moy l'article de la bienseance, comme chose dont je suis chargé.

  A018001069 

 Humblement prosternées aux pieds de Votre Béatitude, elles adressent à Votre providence Apostolique les vœux les plus ardents pour qu'elles puissent, sous son bon plaisir et avec sa dispense, posséder en commun des biens fonds et autres immeubles.

  A018001069 

 Il y a dans ce diocèse de Genève deux Monastères de l'Ordre de Sainte-Claire, transférés, depuis plus de soixante ans, l'un de la cité de Genève en celle d'Annecy, l'autre de la ville d'Orbe en celle d'Evian, lorsque l'injustice et la violence des hérétiques chassèrent les Religieuses de leurs couvents.

  A018001069 

 Mais désormais, ce diocèse, cruellement appauvri par les fréquentes incursions des hérétiques et les ravages de longues guerres, ne peut plus répondre à leurs demandes de [89] secours.

  A018001069 

 Tous les justes appréciateurs des choses spirituelles ont loué cette mesure..

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001096 

 Finalement, les choses en sont venues maintenant à un tel point qu'il n'y a plus du tout moyen de pourvoir à leur subsistance, si le Siège Apostolique ne daigne leur donner la dispense nécessaire pour qu'elles puissent posséder en commun des biens fonds et autres biens immeubles..

  A018001096 

 Jusqu'à présent, avec des aumônes [91] mendiées de côté et d'autre, elles ont vécu tant bien que mal, quoique très difficilement, au milieu de nombreuses et très fréquentes afflictions.

  A018001096 

 Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte-Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand.

  A018001097 

 En effet, après trente années d'une guerre cruelle, après les fréquentes et désastreuses incursions des hérétiques, on ne peut plus trouver dans ce diocèse de Genève, des aumônes suffisantes pour soutenir et entretenir ces Monastères.

  A018001097 

 Je passe sur ce qu'une expérience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes: elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis immodérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dangereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes..

  A018001099 

 Je l'informe en passant que dans ces Monastères de femmes de notre province, on n'observe nullement les très salutaires décrets du Concile de Trente sur le confesseur extraordinaire à donner deux ou trois fois l'année aux Religieuses, et sur l'examen que l'Evêque doit faire des filles ou femmes avant leur profession.

  A018001136 

 Le Père Général des Clercs réguliers de Saint-Paul..

  A018001145 

 Madame la Marquise d'Urfé a receu le paquet des mains de monsieur le premier President, et s'est chargee, de sa grace, de le vous rendre..

  A018001146 

 Je vous supplie de me faire office vers Monseigneur le Reverendissime Cardinal, affin que je puisse sçavoir si ce sera a Grenoble ou a Paris que j'iray cet Advent et ce Caresme; car Son Altesse a promis a monsieur le Mareschal que j'iray a Grenoble, et a d'autres que j'iray a Paris, et je ne sçai auquel des deux son intention est que je m'attache.

  A018001147 

 Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Peres, puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations.

  A018001161 

 Vous recevres par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation, et nous vous ouvrons un expedient: qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Peres de Saint Dominique, gardant l'autre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit.

  A018001190 

 Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs des bons desirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinairement es lieux ou sont la rosee d'humilité, douceur et simplicité de cœur.

  A018001261 

 Je ne luy parlay point des mille escus de la legitime.

  A018001282 

 Je n'ay point receu de vos lettres des quil vous pleut de me faire sçavoir que vous desiries des miennes pour ces messieurs de la cour, en recommandation de vos droitz.

  A018001283 

 Ce sont des gens de fort solide pieté, doux et gratieux incomparablement, qui travaillent incessamment pour le salut du prochain; en quoy ilz [se] rendent admirables egalement et infatigables.

  A018001283 

 Une chose leur manque, que nous supportons facilement icy: c'est qu'encor qu'ilz ayent des excellens praedicateurs, nous ne pouvons pas jouir pour encor de leur talent en cela, d'autant qu'ilz n'ont pas encor [112] l'usage parfait du langage françois, ains seulement autant quil faut pour se faire entendre es cathechismes, petites exhortations et conversations spirituelles; mays ilz le vont aquerant tous les jours.

  A018001305 

 Mays si faut il pourtant sçavoir des nouvelles de ma pauvre malade avant disner.

  A018001331 

 Je remercie humblement Votre Paternité Révérendissime pour la bienveillance avec laquelle elle a renvoyé en ce pays le P. D. Redento qui, je l'espère, fera des fruits dignes de sa vocation et agréables à Votre Paternité.

  A018001333 

 Je me chargerais des frais du voyage, de sorte que la Congrégation n'en éprouverait aucun dommage..

  A018001333 

 Mais cette sollicitation ne pourra jamais être bien faite que par ledit Père qui est très au courant de la situation locale, non moins que des motifs et des circonstances qui peuvent engager Sa Sainteté à accorder la faveur implorée.

  A018001334 

 Par ce même moyen, le Père pourrait s'occuper encore de deux autres choses: il ménagerait l'union de certains bénéfices non conventuels pour l'établissement du Noviciat à Rumilly, et il obtiendrait l'approbation des Sœurs de la Visitation, à l'expédition de laquelle on s'emploie, mais très lentement, comme l'écrit le Révérend Père Procureur, parce que les Règles sont en français; le P. D. Juste achèverait rapidement l'affaire.

  A018001335 

 En effet, il a maintenant touché du doigt que j'ai raison; car, dans tout le jardin du collège, il n'est pas une place plus stérile et moins propre à la récréation: deux fenêtres des Pères Dominicains y ont vue directe, et le Père Prieur prétend bâtir son Noviciat contre le mur qui donne juste sur cet endroit-là, avec des fenêtres du même côté.

  A018001335 

 Et puisque j'ai parlé des Sœurs de la Visitation, je dirai encore quatre mots sur le dernier point de la lettre que vous m'avez envoyée par le P. D. Redento.

  A018001335 

 Je sais d'ailleurs dans quelle mesure on doit avoir égard soit à la maison des Religieux, soit à celle des Sœurs; aussi ne voudrais-je point incommoder celle-là pour accommoder celle-ci.

  A018001335 

 Mais, pour le dire librement et sincèrement, si le prix de cette place de l'étang est employé comme il convient, il sera bien plus utile au collège que la place elle-même; voilà pourquoi j'ai été étonné des préventions de nos Pères, [120] auxquels néanmoins je n'en ai point parlé; car voyant que la seule idée de cette affaire les refroidissait avec moi, je n'ai pas voulu passer outre.

  A018001335 

 Toutefois, bien qu'au commencement le Père Supérieur actuel fût prévenu par l'opinion des autres, je pensai que la chose le regardait comme chef du collège, et je me crus obligé de lui en parler, non pour lui persuader de se ranger à mon sentiment, mais seulement pour lui donner à entendre que mon avis n'était pas aussi extravagant que quelques-uns le disaient.

  A018001336 

 J'ajoute même que si on n'exhausse pas de ce côté les murs qui s'étendent vers l'autre partie du collège, celui-ci demeure presque tout entier découvert aux regards des Dominicains.

  A018001348 

 Playse donq a Vostre Altesse de confirmer les privileges des-ja accordés aux maistres et apprentifz, et autres personnes qui font profession de cet exercice.

  A018001348 

 Vostre Altesse a des le commencement favorisé l'establissement de l'art et traffiq de la soye en ces cartiers de deça comme une œuvre de grande utilité au païs et de grande importance pour la gloire de Dieu, affin de divertir les artisans et ouvriers d'aller perdre leurs ames dans Geneve.

  A018001384 

 Ouy, ma chere Fille, car saint Paul disoit bien a ses enfans: ma joye et ma couronne, composee des misericordes divines.

  A018001384 

 Soyons a jamais tout a Dieu, benissons son saint nom, et exaltons le throsne de son amour sacré dans nostre ame; elle vivra jusques au siecle des siecles..

  A018001386 

 C'est aujourd'huy sa premiere feste, qui m'est signalee, et je viens de l'eglise des Peres Recolletz qui est dediee au mystere qui se celebre..

  A018001397 

 C'est pourquoy, aussi [127] tost apres mon pauvre petit sermon, je me suis venu reposer en son eglise des Recolletz pour celebrer la Messe, durant laquelle cette sainte Dame, de sa grace, a bien daigné me voir de si bon œil, que j'espere d'y retourner quelquefois pour la supplier de conserver long tems la tres chere Mere de laquelle sans doute elle m'a obtenu la guerison....

  A018001414 

 Voyés, je vous supplie, ce que j'ay marqué au livre de l' Introduction a la Vie devote, de la douceur et suavité que l'on doit soigneusement nourrir au mariage; et pour bien apprendre a prattiquer les enseignemens que vous y treuveres, il faut commencer des maintenant d'en essayer, en faysant faire l'exercice du matin et du soir.

  A018001430 

 Il est vray que vous y aves des grandes mortifications de cœur, vous y voyant si imparfaite et digne d'estre souvent corrigee et reprise; mais n'est-ce pas ce que vous deves chercher, que la mortification du cœur et la connoissance continuelle de vostre propre abjection?.

  A018001441 

 Le formulaire [132] de vos vœux est fait selon ceux des pareilles Congregations d'Italie, et exprime beaucoup plus la force de l'obligation que ne font la pluspart des formulaires de la Regie de saint Benoist.

  A018001441 

 Le vœu de chasteté est fondamental, selon les anciens Peres, es monasteres des femmes, et les autres ne laissent pas d'estre essentielz..

  A018001441 

 Vos vœux, ma tres chere Fille, sont aussi fortz que les vœux de tous Ordres de Religion pour obliger la conscience des Seurs a leur observance.

  A018001442 

 Et toute l'antiquité des Religions a esté comme cela, la solemnité des vœux ayant esté establie despuis peu de centaines d'annees..

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001443 

 En fin, les Religieux, mesme les plus solemnelz, expulsent; au moins voit-on des [133] Religieux expulsés de l'Ordre de Saint François, voire mesme des Capucins; et les Peres Jesuites, qui sont si avisés et prudens, expulsent pour les desobeyssances, pour peu qu'elles soyent affectionnees et entretenues..

  A018001444 

 La prolongation du noviciat se faysant pour cause, n'est pas contraire au Concile, comme ont declairé ceux qui ont la charge des declarations d'iceluy, et les docteurs mesmes l'entendent ainsy.

  A018001455 

 Il faut arracher tout a fait le soin des preseances, puisque mesme on ne possede jamais tant l'honneur qu'en le mesprisant, et que cela trouble le cœur et nous fait faire des eschappees contre la douceur et l'humilité..

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001511 

 L'affaire des Dames de la Visitation a Rome consiste en ce point: qu'il playse a Sa Sainteté leur permettre de n'estre point obligees a dire le grand Office, pour les raysons suivantes:.

  A018001512 

 Premierement, il n'y a nation au monde ou les femmes prononcent si mal le latin qu'en celle de France, et notamment icy; et seroit presque impossible de faire bien apprendre la prononciation de tout le grand Office, la ou il sera aysé de la leur apprendre pour le petit Office de Nostre Dame, comme elles le prononcent en effect fort bien des a present..

  A018001514 

 Troysiesmement, il y a exemple a Paris, ou les Seurs de Sainte Ursule, Religieuses des trois vœux solemnelz, ne disent que le petit Office..

  A018001517 

 Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre [141] chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastere de cette ville, attendu que l'eglise d'iceluy est consacree sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit desirable que l'on obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres Maysons et Monasteres de cette Congregation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation, qui est le tiltre general de la Congregation..

  A018001520 

 Je desire encor obtenir une lettre de la Congregation des Evesques a moy et au clergé de ce diocese, par laquelle il me soit enjoint d'eriger un Seminaire de ceux qui pretendent a l'estat ecclesiastique, ou ilz puissent se civiliser es ceremonies, a catechiser et exhorter, a chanter, et autres telles vertus clericales; car, quant aux petitz enfans, nous en avons de reste qui veulent estre ecclesiastiques et qui n'estudient pour autre fin..

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001535 

 Vous le sçaves donq bien, je m'en asseure, je suis exempt de ses vicissitudes, et mesme mon affection ayant rencontré un object si invariablement aymable comme vous estes, mon tres cher Frere; mays il ny a remede, il faut que vostre amour s'esgaye a me demander des certitudes du mien, dont toutefois il ne peut douter.

  A018001536 

 Je vis, de vray, M me du Puis d'Orbe, et, autant que j'ay sceu connoistre et discerner, son voyage estoit exempt d'aucun mauvais dessein; car elle venoit, ainsy qu'elle et madame la Premiere, ains monsieur le premier President mesme, m'avoyent adverti au paravant, seulement pour me venir voir et descharger, comme elle me dit, son cœur de cet amas d'ennuys qu'ell'avoit accueillis des qu'elle ne m'avoit veu.

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001538 

 Il y a la des bons Peres Jesuites qui pourront mieux que moy discerner ce qui est requis pour le bien de ce Monastere.

  A018001541 

 En cette presse, on ne vid jamais un esprit si clair, si doux, si paisible, ni plus de marques d'une vraye sainteté, car jusques au trespas elle souspira des [affections] si extremement devotes qu'elle nous ravissoit tous en admiration.

  A018001541 

 Et neanmoins, Monsieur mon tres cher Frere, je vous dis le cœur ouvert et devant le Scrutateur des cœurs, que ni directement ni indirectement, ni par moy ni par entremise d'aucun, onques je ne parlois a cette chere seur ni de tester, ni de rien faire de tout ce qu'elle fit pour mes freres.

  A018001542 

 Je n'ay sceu me retenir, Monsieur mon Frere, de vous dire ce petit mal de cœur, sachant a qui je le dis; car d'en escrire a M. de Bourges, qui ne m'en a point escrit, je ne le juge pas a propos, et me contente de sçavoir en mon ame que suis exempt de ces viles prattiques, ne sçachant mesme pas ce que les testemens de mes pere et mere contiennent, sinon pour rayson des legatz pieux.

  A018001556 

 Je les recevray avec playsir, a condition que vous vous chargeres des femmes, car en fin, qu'en ferois-je? [148].

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001598 

 Et vous diray donq, ma tres chere Fille, que je suis bien ayse que ces filles soyent venues icy faire l'apprentissage du sacré mestier que par apres elles iront exercer, comme j'espere, dedans le païs de leur naissance et de mon affection: pour moy, je n'en puis plus douter, voyant cette generale concurrence des souhaitz qu'en font tant de gens de bien.

  A018001613 

 Et parce que maintenant il n'y a pas suffisamment pour entretenir une seule personne, s'il plaisoit a Vostre Majesté leur ordonner les cent cinquante livres sur les tailles, que ledit Pere Provincial luy a demandees en aumosne, il pourrait par ce moyen y colloquer quelque habile et discret Religieux, qui, par les voyes ordinaires de la justice et des loix publiques, retireroit petit a petit les pieces esgarees dudit couvent, sans que pour cela aucun eust occasion de se plaindre, ni que personne en fust grandement incommodé..

  A018001613 

 Pour obeir au commandement que Vostre Majesté me fait par sa lettre du dernier jour d'aoust 1617, que je n'ay receu sinon quatre mois apres, je diray ce qu'il me semble sur la proposition que le Pere Provincial des Carmes de la province de Narbonne luy a faite, pour [153] le restablissement du couvent que ceux de son Ordre avoyent jadis a Gex; et attendu qu'il y a quelques restes des edifices et des biens dudit couvent, je croy bien, Sire, qu'il seroit bon qu'ilz fussent remis en l'Ordre duquel ilz dependent, a la charge que le service y fust fait selon la proportion du revenu qui en proviendroit.

  A018001614 

 Mais quant aux trois cens livres que ledit Pere Provincial demandoit sur les autres revenus ecclesiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exercice catholique es eglises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et reparation des edifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Pere Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus.

  A018001614 

 Outre que, s'il y avoit quelque chose de plus, il devrait plustost estre destiné a l'accommodement des Peres Capucins qui, des plusieurs annees en ça, resident audit lieu de Gex et y travaillent avec beaucoup de zele et d'incommodités..

  A018001615 

 Et lhors, Sire, si Vostre Majesté me commandoit de nommer quelle compaignie j'estimerois plus propre pour ce lieu la, je nommerois celle des Prestres de l'Oratoire, bons a toutes sortes de services spirituelz et qui plus aysement peuvent se mesler parmi les adversaires..

  A018001615 

 [154] Mais le reste des biens du couvent des Carmes estant si petit, serviroit de peu a cela, qui ne peut estre fait que par le dessein expres de Vostre Majesté et par union de quelque benefice riche, quand il viendroit a vaquer, ou par quelque autre liberalité royale.

  A018001616 

 Que si d'abondant Vostre Majesté me commandoit de luy marquer un autre moyen grandement utile a l'avancement de la foy catholique en ce balliage de Gex, je dirois, Sire, que ce seroit d'y mettre des officiers catholiques; et sans ce moyen icy, les autres n'opereront que foiblement et lentement..

  A018001632 

 Dieu reparera cette perte et nous suscitera des ouvriers en lieu de ces deux qu'il a pleu retirer de sa vigne pour les faire asseoir en sa table.

  A018001653 

 Et la troysiesme, c'est que, si cette chapelle demeure quelque tems sans recteur, elle n'est pas si petite quil ne se treuve des courans qui l'impetreront a Rome; et elle sera bien impetree, attendu la negligence de ceux qui doivent nommer.

  A018001653 

 L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les benefices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans offencer Dieu et les ames [159] des fondateurs.

  A018001653 

 Sur cela, Madame, il me semble que vous deves des maintenant gratifier ce neveu qui vous appartient en tant de façons, et luy donner la nomination, affin de conserver vos droitz et l'intention des prasdecesseurs..

  A018001670 

 Demeurés donq ferme en la resolution de le transferer des chams a la ville, mais en une ville de la province et du diocese; s'il se pouvoit, a Langres, ou a Chastillon, ou a Dijon, et icy il seroit mieux.

  A018001670 

 Je vous ay des-ja escrit qu'il ne failloit nullement penser a transplanter vostre Monastere a Lion; car, a quel propos oster une si notable fondation d'une province et d'un diocese pour la porter en un autre? Ni le Pape, ni l'Evesque, ni le païs, ni le Parlement ne le permettront jamais.

  A018001672 

 Et non seulement a elle, mais escrivés aussi a M. le President et a monsieur [161] d'Origny, leur disant qu'apres tant de tourmens que vou saves souffertz, en fin Nostre Seigneur et vostre vocation vous convient de les prier de vous assister au dessein qui a tous-jours esté en vostre ame, de reduire vostre Monastere a quelque perfection de la vie religieuse, et qu'es occasions vous les advertires des moyens requis a cet effect, a ce qu'ilz vous aydent; car en fin, ma tres chere Fille, il faut avoir la paix, et la paix naist de l'humilité.

  A018001672 

 Je vous prie, escrivés luy en esprit de douceur et d'humilité, et, sans faire conte des choses passees, tesmoignés que vous estes fille de Nostre Seigneur crucifié.

  A018001735 

 J'ay donné verbalement charge a M. le curé de Vualier, de dire a monsieur le curé des Alinges et a [167] M. le curé d'Orcier, qu'en secourant Draillans, jusques a ce que nous y puissions mettre autre ordre, et eux et le vicaire des Alinges pourront celebrer deux fois a cette contemplation, car il faut faire ce que l'on peut..

  A018001762 

 J'ay parlé de ceci au livre de l' Amour de Dieu, traittant de la mort de la volonté et des resignations; je ne me souviens pas en quel Livre..

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001766 

 Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infirmités..

  A018001774 

 Ces maladies longues sont des bonnes escholes de charité pour ceux qui y assistent, et d'amoureuse patience pour ceux qui les ont; car les uns sont au pied de la croix avec Nostre Dame et saint Jean, dont ilz imitent la compassion, et les autres sont sur la croix avec Nostre Seigneur, duquel ilz imitent la Passion..

  A018001778 

 O ma tres chere Fille, vous estes espouse non pas encor de Jesus Christ glorifié, mais de Jesus Christ crucifié: c'est pourquoy les bagues, les carquans et enseignes qu'il vous donne et dont il vous veut parer sont des croix, des clouz, des espines, et le festin de ses noces est de fiel, d'hyssope, de vinaigre.

  A018001779 

 Voyes vous, ne me dites point que vous abuses de ma bonté a m'escrire des grandes lettres; car en verité, je les ayme tous-jours suavement..

  A018001780 

 En somme, apres tout, nous sommes trop heureux d'avoir pretention en l'eternité de la gloire, par le merite de la Passion de Nostre Seigneur, qui fait trophee de nostre misere pour la convertir en sa misericorde, a laquelle soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A018001780 

 Mais pourtant, aymés moy bien, ma tres chere Fille, car Dieu ne laisse pas de m'aymer et de me donner des extraordinaires desirs de le servir et aymer purement et saintement.

  A018001805 

 J'ai dit peu de chose, parce que je n'ai pas eu le temps de voir [176] en lui la pratique des vertus en détail; Votre Paternité pourra allonger, corriger, abrég er et changer comme bon lui semblera..

  A018001832 

 Si mes prières sont exaucées par le Seigneur notre Dieu, ce cœur recevra le comble de la perfection de l'amour céleste, et cette main l'anneau des éternelles épousailles avec le Rédempteur de nos âmes, afin que, suivant les désirs de Votre Seigneurie Illustrissime, elle vive toute pour le Christ, dans le Christ et au Christ..

  A018001833 

 Le Père m'écrivit aussi que si quelque occasion d'aider le monastère des Sœurs de la Visitation se présentait, je le fisse savoir à Votre Seigneurie qui servirait d'intermédiaire auprès de la Sérénissime Infante.

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001834 

 Pour vous y encourager, je vous assure que cette Congrégation croît toujours plus dans la perfection religieuse et répand une telle odeur [de vertu], que de plusieurs côtés on demande des Sœurs pour fonder des Monastères.

  A018001860 

 Vous le pourres encor prier, ce brave Valentin, qu'il prenne aussi ce bouquet, et que de sa main il le vous face odorer, et mesme qu'il vous en rende quelqu'autre en eschange; qu'il vous donne des gans parfumés, couvrant vos mains d'oeuvres de charité et d'humilité, et vous donne des brasseletz de corail, des chaisnes de perles; et ainsy faut [183] il exercer des tendresses d'amour avec ces heureux gentilzhommes de ce Roy de gloire..

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001862 

 Or, parlons un peu de ce cœur de ma tres chere Fille: s'il estoit a la veuë d'une armee d'ennemis, ne feroit-il pas des merveilles, puisque la veuë et le rencontre d'une petite fille maussade et escervelee le trouble si fort? Mais ne vous troubles pas, ma tres chere Fille, il n'est point d'ennuy si importun que l'ennuy qui est composé de plusieurs petites, mais pressantes et continuelles importunités.

  A018001871 

 Le Pere Frere Angelo Calcagnio, Gardien des Observantins de Playsance, est prisonnier des il y a trois moys a Chamberi; et par ce que je l'ay souvent veu a Annessi, ou il a quelquefois demeuré les moys entiers avec son frere, et n'ay jamais rien reconneu en luy contraire a la pieté et religion, je l'ay visité en sa prison, ou je l'ay treuvé comme un homme que le tesmoignage de sa conscience tient asseuré.

  A018001887 

 Or, Dieu soit loué de vostre arrivee en bonne santé et des peines que vous aves souffertes en chemin, comme encor du mauvais estat auquel vous aves treuvé l'affaire de la Visitation, contre l'esperance en laquelle on nous avoit nourri.

  A018001889 

 Et je sçai en verité que cet article fait une notable attraction des ames.

  A018001890 

 Ains, si cela se pouvoit obtenir, je l'aymerois mieux que toute autre [187] chose, car toutes les difficultés cesseroyent; mays j'ay grand peur que cela ne fut encor plus difficile a impetrer du Saint Siege, quoy que l'exemple des Peres Jesuites serviroit de beaucoup pour faciliter l'affaire..

  A018001890 

 Et plus tost que de mettre le grand Office en cette Congregation, j'aymerois mieux accepter le parti que Monseigneur de Lyon propose, pourveu qu'on le puisse impetrer du Saint Siege: a sçavoir, que cette Congregation demeurast en tiltre de simple Congregation, avec les vœux simples, et qu'il pleut neanmoins a Sa Sainteté d'annuller et casser, ou declarer nulz et de nulz effectz, tous les mariages que les Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais permettre) voudroyent contracter apres avoir faitz lesditz vœux simples, tout ainsy que Gregoire 13 a fait en faveur des Jesuites estudians.

  A018001908 

 Que si je n'ay pas escrit plus tost, ça esté sans ma coulpe, a cause de la multitude des bonnes occupations qui m'environnent, outre la principale des sermons..

  A018001908 

 Voyla les deux lettres pour l'affaire des Religieux de Talloire, que je veux servir, cherir et honnorer comme leur pieté et les desirs de mon pauvre aysné requierent; car les desirs de ce defunct et sa fidele amitié vivront a jamais en ma memoire et en mes affections.

  A018001960 

 Accablé des sermons et de mill'autres surcharges, je vous diray que vous pouves, a mon advis, recevoir ces filles pour soulager vostre Mayson et gratifier ceste damoyselle d'honneur qui le desire, puisqu'il ny a nul inconvenient, les personnes estant si discrettes que la discipline n'en sera point incommodee..

  A018001968 

 Superieure des Seurs de S te Marie la Visitation..

  A018001981 

 Quant a la demande que fait le bon seigneur duquel vous m'escrives, sur l'occupation des Seurs de la Visitation en cas qu'elles ne disent le grand Office, il y a deux raysons..

  A018001982 

 Certes, il y a huit jours, qu'estant en un monastere pres de cette ville, je vis [195] des choses qui pouvoyent bien faire rire les huguenotz; et des Religieuses me dirent qu'elles n'avoyent jamais moins de devotion qu'a l'Office, ou elles sçavoyent de faire tous-jours beaucoup de fautes, tant faute de sçavoir les accens et quantités, que faute de sçavoir les rubriques, comme encor pour la precipitation avec laquelle elles estoyent contraintes de le dire; et que ne sachant ni n'entendant rien de tout ce qu'elles disoyent, il leur estoit impossible, parmi tant d'incommodités, de demeurer en attention.

  A018001982 

 La premiere, que les Seurs disant le petit Office gravement et avec pauses, elles y employent autant de tems comme la pluspart des autres Religieuses en mettent a dire le grand Office, sans autre difference, sinon que les unes le disent avec plus d'edification et meilleure prononciation que les autres.

  A018001984 

 Je m'asseure que le Saint Siege favorisera cette œuvre, qui n'est ni contre les loix, ni contre l'estat religieux, et qui luy acquiert beaucoup de maysons d'obeissance en un tems et en un royaume ou il en a tant perdu; et puisque mesme il n'y a pas tant de considerations a faire pour des maysons de filles, d'autant qu'elles ne font nulle consequence pour les autres Ordres, ni ne peuvent estre occasion de plaintes aux autres fondees sous autres statutz.

  A018001984 

 Sera-ce pas une chose digne du Christianisme qu'il y ait des lieux ou retirer ces pauvres filles qui ont le cœur fort, et les yeux ou la complexion foible?.

  A018001998 

 Sçaches que j'ay une fille laquelle m'escrit que mon esloignement a fait approcher ses douleurs; que si elle ne tenoit ses yeux, ilz verseroyent autant de larmes que le ciel jette des gouttes d'eau, pour pleurer mon despart; et semblables belles paroles.

  A018001999 

 Or, dites luy, ma tres chere Fille, qu'il ne faut jamais attribuer, ni en une [197] façon ni en l'autre, la divinité aux chetifves creatures, et que penser encor de pouvoir passer plus outre en louange, c'est une pensee desreglee, ou au moins de le dire ce sont paroles desordonnees; qu'il faut avoir plus de soin d'eviter la vanité es paroles qu'es cheveux et habitz; que des-ormais son langage soit simple, sans estre frisé.

  A018001999 

 Que dites vous, ma tres chere Fille? Vous semble-il qu'elle n'ayt pas tort de parler ainsy? Ne sont ce pas des paroles excessives? Rien ne les peut excuser que l'amour qu'elle me porte, lequel est certes tout saint, mais exprimé par des termes mondains.

  A018002009 

 Ce porteur, jeun'homme de Gex, quitte son pais et la mayson de son pere pour eviter les inhumaines et continuelles persecutions qu'il y a rencontrees des qu'abjurant l'hæresie il a embrassé la foy catholique; et c'est un grand cas, Monsieur, que cette faction de prætendus reformés, toleree par l'indulgence du Roy, est si [198] insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle l'Estat a esté et laquelle a tous-jours esté en l'Estat, il a, graces a Dieu, environ douze cens ans..

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002039 

 Il me tardoit bien fort, ma tres chere et plus que tres chere Mere, de vous escrire des icy, ou je suis arrivé, grace Dieu, en bonne santé.

  A018002039 

 Ma Seur Anne Marie est fort devotement sage, comme vous n'en doutes pas; ma Seur [201] Paul Hieronime, a ce qu'on me dit, fait merveille, et vostre Econome fait des miracles, hormis que ma Seur Anne Jacqueline luy parle tous-jours savoyard et de la monnoye de Savoye, et elle ne l'entend pas; il faut des truchemens..

  A018002040 

 On luy a parlé des huit cens florins qu'elle avoit promis a la Mayson, mays elle a remis a le faire quand elle pourra au desceu de son mary; on court donq fortune de les perdre..

  A018002041 

 Les Peres de Saint Dominique semblent vouloir m'obliger de leur jardin sans nous contraindre de vouloir le jardin des Barnabites; toutefois je ne voy encor rien d'asseuré..

  A018002043 

 Si pour ne point differer de donner l'habit a nostre Seur de Collesieu jusques apres vostre despart, Monseigneur de Calcedoine veut dispenser du tems du premier essay, il faut accepter la dispense pour cette fois, et le supplier par apres de n'en point dispenser que pour des dignes sujetz, attendu que la regie de cet essay est fort utile et salutaire a la Congregation..

  A018002045 

 M. de la Roche m'en dit autant de la sienne, et par consequent vous voyes, ma chere Fille, quil y a un peu de consideration humaine en ces bons peres; neanmoins je vous dis tout, affin que vous le consideries et ruminies pour vostre retour, et peut estre que l'on ne demandera des Seurs de deça que pour un court emprunt.

  A018002048 

 Je consens tres librement que nostre tres chere Seur Peronne Marie communie trois, voire quatre et plus encor de fois la semaine jusques a l'edition des Regles, et que tous-jours une des Seurs communie avec elle; et quand elle ne communiera pas, qu'une Seur communie, [205] en sorte que tous-jours quelque Communion se face tous les jours; car je me confirme tous-jours plus au desir que je vous ay communiqué, qu'en cette Congregation la Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour, pour le souhait que le sacré Concile de Trente fait de voir que quelqu'un communie a chaque Messe, ainsy que je le declareray plus a plein aux Regles..

  A018002070 

 Il n'est besoin, pour vivre constamment en devotion, que d'establir des fortes et excellentes maximes en son esprit..

  A018002072 

 Dites moy donq, je vous prie, que ne fera-il pas de nos afflictions, de nos travaux, des persecutions qu'on nous fait? Si donq il arrive jamais que quelque desplaysir vous touche, de quel costé que ce soit, asseures vostre ame que, si elle ayme bien Dieu, tout se convertira en bien.

  A018002074 

 Or sus donq, ma Fille, quand vous aves eu des afflictions, mesme du tems que vous n'avies pas tant de confiance en Dieu, estes vous perie dans l'affliction? Vous me dires: Non.

  A018002074 

 [210] Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reüscir de toutes les autres adversités? Dieu ne vous a pas abandonnee jusques a present; comme vous abandonnera-il des a present, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne?.

  A018002076 

 Ma Fille, nous allons a l'eternité, nous y avons presque des-ja l'un des pieds; pourveu qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-il que ces instans transitoires nous soyent fascheux? Est il possible que nous sçachions que nos tribulations de troys ou quatre jours operent tant d'eternelles consolations, et que nous ne veuillions pas les supporter? En fin, ma tres chere Fille,.

  A018002081 

 Ceux qui sont piqués des espines de la couronne de Nostre Seigneur, qui est nostre chef, ne sentent guere les autres piqueures..

  A018002081 

 Plantés en vostre cœur Jesus Christ crucifié, et toutes les croix de ce monde vous sembleront des roses.

  A018002082 

 Vous treuveres beaucoup de choses a ce propos en la grande Guide des pecheurs, de Grenade..

  A018002125 

 De vous dire des nouvelles de Grenoble, ce seroit chose superflue, car nostre Mere vous en fera part suffisante.

  A018002146 

 Il est certain que je vous escrivis des Grenoble une fois par monsieur de Bauvillars, gentilhomme de Cremieu, et l'autre, ce me semble, par monsieur Orlandini, ecclesiastique, frere de l'une de nos Seurs.

  A018002147 

 Je salue nos Seurs pour vous, et donneray vostre lettre a monsieur de Boysi quand il sera de retour des chams ou il est.

  A018002162 

 Les Peres de Saint Dominique m'ont offert un parti pour avoir ce morceau de jardin dont nous avons besoin, sans toucher a celuy des Peres Barnabites, mais parti si impossible et, si je ne me trompe, desraysonnable, qu'en fin ce n'est rien.

  A018002166 

 Et puis, cette methode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves, engendrera elle pas indubitablement [220] des querelles, puisque il s'est declairé de sa pretention a M. de Chantal et a moy, a qui mesme il a monstré l'escrit? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002167 

 Et neanmoins, si on fait 24 mille qui soyent franchement et clairement asseurés et recevables, quant a l'argent, selon la necessité des affaires de M. de Chantal, je pense que l'on devra passer outre.

  A018002167 

 J'ay pensé que je devois escrire un mot a M me Lyotart, laquelle je ne nie pas qu'elle ne me dit qu'elle ne vouloit pas donner cette piece, qu'ell'appelloit terre, qu'hors du contract de mariage: dequoy je me remis, comme des autres particularités, a ce qui seroit avisé entre vous, comme peu expert en telles affaires.

  A018002181 

 En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantal de ne point s'arrester a la diminution des esperances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je, Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'execution d'une si bonne [222] œuvre, et de prendre la methode la plus claire et franche.

  A018002181 

 J'ay sceu par une lettre de madame de Chantal, que le desirable mariage qui fut conclu en mon logis se treuvoit plein de difficultés en l'esclaircissement des articles particuliers; et je confesse que, le croyant si convenable et propre au contentement des parties et de leurs amis, je ne puis m'empescher d'en estre en peyne.

  A018002194 

 En cette vacance de l'estât d'advocat de Vostre Grandeur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promotion de monsieur Ouvrier a celuy de senateur, je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur; et je puis dire que si elle luy fait la grace de le recevoir en cette charge, ell'en sera extremement bien servie, non seulement par ce que c'est l'un des plus dignes advocatz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il [223] affectionnera ardemment son devoir.

  A018002261 

 Pour moy, ma chere Fille, je n'escris a ce coup qu'a vous, car je m'imagine que la bonne Mere sera partie, [227] et ce porteur est un personnage qui fait profession d'estre des grandes connoissances de monsieur vostre mary et ne me donne que ce moment pour vous escrire..

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002305 

 Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'esperer qu'apres tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, apres tant de considerations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la verité de la future, apres tant de protestations de vouloir estre irrevocablement attachee a la suite de la Providence celeste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le credit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois..

  A018002307 

 Pour Dieu, ma tres chere Tante, et certes, pour parler selon mon cœur, ma tres chere Fille, ne vous laisses pas emporter au torrent des adversités, ains attachés vous aux pieds de Nostre Seigneur et dites luy que vous estes sienne; qu'il dispose de vous et de ce qu'il a voulu estre vostre, a son gré, en vous asseurant, et a vous et aux vostres, la tressainte eternité de son amour.

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002318 

 Et vous voyes, ce me semble, des-ja en ces paroles le desir que j'ay que vous vous servies de mon ame avec toute confiance et sans reserve.

  A018002319 

 Certes, je le dis en verité, je vous cheris tres particulierement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les [232] attraitz qu'il vous fait a son service.

  A018002352 

 Que nous serons heureux, ma tres chere Mere, si nous changeons un jour n.ostre nous mesme a cet amour qui, nous rendant plus un, nous vuidera parfaitement de toute multiplicité, pour n'avoir au cœur que la souveraine unité de la tressainte Trinité, qui soit a jamais benite au siecle des siecles! Amen.

  A018002378 

 Le secret des secretz en l'orayson, c'est de suivre les attraitz en simplicité de cœur.

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002410 

 Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grace, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnee, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle l'a a contrecœur; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'impute toute cette procedure qu'au manquement d'experience es telles occurrences (car en somme, ma tres chere Fille, il faut affoiblir la passion de cette seur ainsy par humilité et douceur); qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur [242] ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles.

  A018002435 

 Il faut que je vous die, ma chere Fille, que, gardant nostre liberté, je treuve qu'en plusieurs rencontres il y peut avoir un incomparable advantage (sans s'attacher toutefois a des directions particulieres) de faire passer le [244] jugement de quelqu'un par dessus le nostre pour nostre conduite interieure: ainsy le divin Espoux renvoyoit son amante aux tabernacles des pasteurs..

  A018002447 

 Et en ce païs mesme de deça, si on ne les a fait publiques, on les a fait generales, et moy je les ay fait tres particulieres, comme ayant receu en vostre conservation un des plus singuliers bienfaitz que j'aye receus il y a long tems..

  A018002447 

 Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois! Mais Dieu soit loüé, qu'apres avoir pleuré et amerement regretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je benis sa divine Majesté et la supplie avec une incomparable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy cherir, Monsieur mon tres cher Filz, puisque vous voyes combien elle est desiree, comme tres utile, par tant de gens de bien; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement on a fait des actions de graces publiques a la divine Bonté pour vostre guerison.

  A018002449 

 L'autre, et la premiere, sera que, si jusques a present vous aves eu intention de dedier tous les momens de vostre vie presente a l'immortalité et eternité de la future, vous en redoublies la resolution et les vœux, contant les jours et les heures, et les employant affectionnement a vostre advancement en l'amour divin, a l'amplification de la pieté parmi les mondains, et en somme, a l'execution des saintes vertus que la grace de Dieu et vostre bon naturel vous ont fait aymer et desirer il y a long tems.

  A018002449 

 Pour moy, je ne cesse point, certes, de prier a ce dessein, que par un asseuré pressentiment je voy des-ja, ce me semble, tout executé, avec un surcroist de contentement indicible de sçavoir combien monsieur vostre frere fraternise heureusement pour ce regard..

  A018002479 

 Certes, je croy pourtant qu'il n'en peut [248] plus, car, comme un plaideur qui a mauvaise cause, il ne sçait plus que faire, sinon caler et prendre des delais..

  A018002479 

 Je ne m'estonne point de l'empressement que ces bons personnages ont a destourner les ames que Dieu appelle a la Visitation; car encor me semble-il que cette bienaymee petite Congregation est quitte a bon marché des persecutions et contradictions que l'ennemi de son progres luy suscite et a accoustumé de susciter en toute pareille occasion.

  A018002482 

 J'estime nos Seurs de vostre ville trop heureuses de jouir, comme elles font, des effectz de vostre charité, soin et affection.

  A018002482 

 O quelle suavité a mon chetif cœur paternel, de sçavoir que mon frere tres aymable est tout charitablement cordial a mes Filles bienaymees! Je vous en fay mille tres humbles actions de graces, Monsieur mon tres cher Frere, et vous proteste que, recevant vostre lettre, il me sembloit cueillir des fleurs de suavité incomparable sur le coupeau d'une de nos montaignes, ou j'estois alhors.

  A018002493 

 Je vous escris, ma tres chere Fille, a mesme que je vay monter sur le bateau pour aller visiter un monastere de Religieux reformés desquelz pour le present j'ay charge; mais ce gentilhomme, qui est et mon parent et mon grand amy, allant vers M. le Mareschal, il faut a quel prix que ce soit qu'il vous porte de mes nouvelles, puisque mesme il reviendra et m'en pourra rapporter des vostres.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002514 

 Outre l'extreme desir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a present, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'employer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authorité et son pouvoir.

  A018002544 

 La Congregation des Cœlestins, agitee maintenant en France de quelque contention, espere que la venue [255] de son Abbé general, qui est de plus commis expressement par nostre Saint Pere le Pape, calmera et accoysera aysement leur petite mer; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein..

  A018002614 

 Quand je vous escrivis que vous rendissies comte de tems en tems a vostre ancien confesseur, je ne voulois [261] pas dire que vous fissies des revëues, car il suffit que ce soit d'annee en annee a celuy que vous voudres; mais je voulois dire que vous allassies vous representer a luy pour luy faire connoistre la continuation de vostre sousmission, partie pour vous humilier, partie pour le consoler..

  A018002615 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que l'amour cæleste est aymable, voire mesme quand il est exercé icy bas parmi les mysteres de nostre mortalité! la distance des lieux, ni rien du monde ne luy peut oster la suavité.

  A018002644 

 Revu sur l'Autographe conserve à Rome, dans les Archives des RR. PP. Barnabites.

  A018002652 

 Peut-être semblera-t-il dur que la commune exige l'admission au collège des fils des hérétiques pour y apprendre les lettres.

  A018002652 

 Toutefois, outre que nous avons l'exemple des collèges des Pères Jésuites, cette condition, loin de nous faire hésiter, doit au contraire nous exciter à accepter; car peut-être n'y a-t-il pas de voie plus facile pour convertir les hérétiques que celle-ci, et ce moyen employé avec adresse aura un merveilleux succès..

  A018002654 

 Si bien il semble dur à nos Pères que la commune veuille les astreindre à ne pas accepter d'autres classes en cette province dans un rayon de sept lieues autour de Chabeuil, cela ne me paraît pas un inconvénient; car la Congrégation peut s'étendre en prenant des églises pour les desservir.

  A018002662 

 Le Père Général des Clercs réguliers de Saint-Paul.

  A018002669 

 Nos imperfections a traitter des affaires tant intérieures qu'exterieures sont un grand sujet d'humilité, et l'humilité produit et nourrit la generosité et confiance..

  A018002697 

 Et si elle sçavoit la necessité qu'il y a que ce payement se fasse, je m'asseure qu'elle le presseroit grandement; car, Monsieur, il n'y a rien en ces parroisses (je dis rien pour tout) pour l'entretenement du service de Dieu et des ames, Son Altesse ayant voulu d'authorité souveraine, contre les arrestz du Senat, que tout le revenu que l'Eglise y possedoit fut relasché a ceux de Geneve, assignant seulement a chaque curé cinquante escus pour son entretien.

  A018002697 

 Quand Monseigneur le Serenissime Prince estoit icy il y a deux ans, je luy representay la justice de la demande des curés d'Armoy et de Draillens, selon la requeste ci jointe; et Son Altesse commanda, et par escrit et de bouche, qu'ilz fussent payés, en consideration de ce que leur payement estoit de droit divin et humain.

  A018002698 

 Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec commandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu.

  A018002699 

 Comme, me promettant vostre assistance, je me confesse des maintenant estre et vouloir estre toute ma vie, pour me dire et tenir,.

  A018002734 

 Depuis longtemps j'aimais, bien plus, je vénérais votre personne et votre nom, mon [271] Père; non seulement à cause de l'estime que je fais toujours de tout ce qui tient à votre Compagnie, mais encore à cause des œuvres remarquables de Votre Révérence, dont j'ai d'abord entendu parler, et qu'ensuite j'ai vues, examinées, admirées..

  A018002735 

 En effet, j'ai lu, il y a quelques années, ce traité si utile De la Justice et du Droit, dans lequel, avec autant de concision que de clarté, vous résolvez excellemment, et mieux qu'aucun des auteurs que je connaissais, les difficultés de cette partie de la théologie..

  A018002736 

 Comme il arrive [272] en ces occasions, je n'ai pu qu'y jeter rapidement les yeux; cela m'a suffi pour me rendre compte que Votre Paternité y embrasse et soutient cette doctrine, qui a pour elle l'antiquité, le charme propre et le pur sens de l'Ecriture, de la prédestination à la gloire en suite de la prévision des œuvres.

  A018002752 

 Je seray bien ayse si je puis avoir la Regie de saint Augustin, d'Italie, car j'ay celle des Augustins de France, outre la latine qui est en ses Œuvres; et qui pourroit avoir les Constitutions des Angeliques, [275] elles serviroyent beaucoup.

  A018002756 

 Prevost en la Congregon des Clercz de S t Paul..

  A018002795 

 Mais voyci le tems qu'il faut employer l'advantage que nostre amitié a au dessus de celle des enfans de ce monde, et la faire vivre et regner glorieusement, nonobstant l'absence et division des sejours; et cela, a cause que son autheur n'est point lié au tems ni au lieu.

  A018002798 

 Il faut que je dise a l'oreille de vostre cœur, si amoureusement aymé du mien, que j'ay une suavité d'esprit inexplicable de voir la moderation de cette chere Mere et le desengagement total des choses de la terre qu'elle a tesmoigné parmi toutes ces petites traverses.

  A018002798 

 Or, il me reste de la recommander a vos prieres, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'apprehension, bien que je ne cesse d'esperer [281] que le Dieu de nos peres multipliera sa devote semence comme les estoilles du ciel et le sablon qui se voici sur l'arene des mers..

  A018002832 

 Au demeurant, comme je loue le desir que ledit sieur President a de finir ses jours en nostre vocation ecclesiastique, comme dans un havre de grace pour passer au havre de gloire apres cette si rude tempeste et l'essay des plus cruelz orages du monde, aussi suis je de vostre advis, que ce soit apres s'estre enrayé pour un peu du naufrage duquel il sort..

  A018002833 

 Nous sommes icy en paix, mays non pas du tout exemptz des ressentimens de la guerre passee; playse a Dieu qu'ilz ne degenerent pas en recheute..

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002917 

 Voyla la plus belle des trois.

  A018002929 

 Il faudra passer la pauvre Fontani pour 400 ducatons et diminuer la liste des meubles, car monsieur le collateral Flocard dit que ses freres sont pauvres et que ce sera aumosne, et ell'est fille d'une si bonne mere..

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002945 

 Revu sur l'Autographe conservé à Bar-le-Duc, au couvent des Sœurs Dominicaines..

  A018002966 

 Ces honorés Pères Visiteurs des Barnabites ont trouvé chez moi un très particulier souvenir des faveurs reçues de Votre Seigneurie Illustrissime; et comme ils m'ont dit que vous aviez quelque [293] connaissance de notre langue française, je vous adresse en toute humilité ce discours ou harangue faite par le cardinal du Perron, œuvre très belle, si je ne me trompe, pour la vivacité du génie qui la caractérise.

  A018002999 

 La Mère suivra, pour aller à Bourges, une route différente de la nôtre et demeurera dans cette ville tandis que je serai à Paris; mais je ne laisserai pas de vous faire part des progrès de notre Congrégation que Votre Seigneurie aime tant..

  A018003065 

 J'ay presché ce soir au couvent des Carmelites de cette ville.

  A018003075 

 Des demain donq je parleray au Cardinal affin que, sil se peut sans incommoder son service, je soys tout reservé a [303] Saint André; et s'il ne se peut pour l'Advent, comme a la verité il sera difficile que ce soit, pour autant d'autres occasions quil plaira a mondit sieur de Montelon de me marquer..

  A018003081 

 Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Religieux.

  A018003082 

 des SS. Cœurs, dits de Picpus, à Paris.

  A018003117 

 Deux fois par jour, Son Altesse lisait des livres français pour apprendre de plus en plus la langue et s'initier aux affaires de ce royaume.

  A018003117 

 Partout il a reçu un accueil très empressé, avec un applaudissement général des grands et des petits; chacun bénissait Dieu et la Maison de nos Princes, témoignant un ardent désir du mariage projeté.

  A018003118 

 Le Roi, la Reine, Monsieur frère du Roi, Madame l'aînée et Madame la cadette firent ensuite grande fête à Son [308] Altesse, mais le Roi surtout qui, au dire de tous les siens, a donné des marques extraordinaires de joie..

  A018003119 

 Il ne se peut dire en quelle estime est ici notre Prince majeur: tous l'appellent le miroir des princes en bonté pour les peuples, en piété, en vaillance, enfin en toutes les qualités qu'on saurait désirer.

  A018003120 

 Mais j'ai tort [de vous en écrire si long], sachant qu'on doit envoyer des relations détaillées du voyage et de tout ce qui s'est passé.

  A018003148 

 Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pepiniere de plusieurs autres; c'est pourquoy il faut songer d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnegation de son amour propre, l'amour de son abjection, la mortification des humeurs naturelles, la sincere dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mere soyent glorifiés en nous et par nous..

  A018003172 

 Et parce que la Sainte Escriture dit que le mary d'une femme bonne est heureux, je puis des a present augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en benir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, [315] comme la mesme Escriture nous annonce, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos peres, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnee comme un pretieux present de la liberalité divine..

  A018003185 

 Croyes, ma tres chere Fille, que le trespas de ce cousin et l'apprehension des regretz de la chere cousine m'ont vivement touché; mays parmi tout cela, Dieu soit [316] beni qui, par sa providence, reduit toutes choses au proffit des siens..

  A018003188 

 Icy, nous avons beaucoup de peine a faire reuscir l'establissement de la Congregation et crains grandement qu'il ne soit differé, bien que c'est merveille de la quantité des ames qui desirent en estre..

  A018003214 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pourries entrer avec nos Seurs, puisque vous en estes de cœur, d'affection et de pretention, pourveu que vous n'en sorties point pour aller parmi la ville, ailleurs..

  A018003226 

 O Dieu, que c'est chose bien plus desirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, que d'habiter dans les grans palais des Rois! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray profession, Dieu aydant.

  A018003231 

 Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains laisserons entierement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut? Mais il n'y a remede: la propre volonté est bridee par l'obeyssance, et toutefois on ne peut l'empescher de regimber et faire des caprices; il faut supporter cette infirmité.

  A018003244 

 Les freres aisnés succedoyent aux peres, anciennement, dans les familles, et estoyent comme vice peres de leurs freres, en sorte que c'estoyent des freres peres, et des peres freres; et les puisnés estoyent des enfans freres et des freres enfans.

  A018003254 

 D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu declare fort rarement: comme, l'asseurance du salut æternel, la confirmation en grace, le degré de sainteté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien; de sorte que saint Grrgoire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de l'Imperatrice, qui s'appelloit Gregoire, sur l'estat de son futur salut, il luy respondit: « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile.

  A018003255 

 Ainsy le malin esprit, quand il veut notablement tromper quelque personne, avant que de luy faire faire des revelations fauses, il luy fait faire des prodiges faux et luy fait tenir un train de vie fausement saint..

  A018003255 

 Il y a plus: que quand Dieu se veut servir des revelations qu'il donne aux creatures, il fait preceder ordinairement ou des miracles veritables, ou une sainteté tres particuliere en ceux qui les reçoivent.

  A018003255 

 Or, de dire qu'a l'advenir on connoistra pourquoy ces revelations se font, c'est un pretexte que celuy qui les fait prend pour eviter le blasme des inutilités de telles choses.

  A018003257 

 Seulement, ma tres chere Seur, il luy faut tesmoigner une totale negligence et un parfait mespris de toutes ses revelations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fievre chaude, sans s'amuser a les refuter ni combattre; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulierement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni revelations particulieres quelcomques, se contentans de croire fermement en la revelation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclesiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur: Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophetes ausquelz il dira a la fin du monde: Retires vous de moy, ouvriers d'iniquité; je ne vous connois point.

  A018003259 

 J'avois oublié de vous dire que les visions et revelations de cette fille ne doivent pas estre treuvees estranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes: c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la creance des songes, a la crainte des espritz et a la credulité des superstitions.

  A018003260 

 Playsante histoire d'une de mes parentes, de laquelle le mary estant mort en Piemont, s'estant imaginee qu'il l'avoit laissee grosse, elle demeura en cette imaginaire grossesse quatorze mois, avec des imaginaires douleurs et des imaginaires sentimens des mouvemens de l'enfant, et a la fin cria tout un jour et toute une nuit parmi des tranchees imaginaires d'un imaginaire enfantement; et qui l'eust creuë a son serment, elle eust esté mere sans faire aucun enfant..

  A018003261 

 Il se peut bien faire que le malin esprit ayt quelque part en ces illusions; mais je croy plustost qu'il laisse agir l'imagination, sans y cooperer que par des simples suggestions.

  A018003276 

 Reste, mon Reverend Pere, qu'il vous playse de vous treuver avec les trois ou quatre ecclesiastiques que je marque en la lettre que j'escris a M. le Curé, pour faire un advis de ce qui sera necessaire estre fait pour Sessi, Grilly, Chevry, Versoex, Thuery; et j'escris un billet a monsieur Rogex affin qu'il face des provisions selon cela, ayant creance que je ne sçaurois mieux faire que de suivre si bon conseil..

  A018003277 

 Que si j'ay treuvé bon que M. Jaquin ny eut plus rien a faire, ça esté par ce qu'il failloit preferer l'un des deux, dont le premier ne vouloit point de compaignon, ni le second de maistre..

  A018003286 

 Praedicateur de l'Ordre des Capucins..

  A018003300 

 De tout mon cœur, Madame, je me treuveray ou vous me marques et quand vous me marques, et ne refuse pas la commodité de vostre carosse, puisque je n'en ay point que de ceux qui me favorisent; parmi lesquelz vous estes, je vous asseure, l'une des ames a laquelle je souhaite plus cherement, tendrement et fortement toute sorte de sainte consolation, estant sans fin et sans reserve,.

  A018003327 

 Et croyes moy bien aussi, ma chere Fille, que ce m'est une fort particuliere consolation de recevoir de vos lettres et de vous envoyer des miennes..

  A018003330 

 Combien de fois arrive il que nous disons des bonnes choses parce que quelque bonne ame nous les impetre? Ne presche elle pas asses, et avec cet advantage, que n'en sçachant rien elle ne s'en enfle point? Nous ressemblons aux orgues, ou celuy qui met le souffle fait en verité le tout et n'en porte point la louange.

  A018003330 

 Helas! ma chere Fille, l'envie que vous me portes procede elle de ce que je presche au monde les louanges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz.

  A018003360 

 De grâce, que votre chère âme ne se laisse pas troubler par des scrupules touchant le vœu que vous avez fait d'être Religieuse; car, qui ne diffère le paiement que pour payer en meilleure monnaie ne doit pas être appelé mauvais payeur, surtout lorsque le jour ni le temps n'ont pas été fixés.

  A018003380 

 Voyla que je vous dis, ma tres chere Mere; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantal.] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines desormais; et je confesse, pour le regard de moy mesme en moy, qu'il en est bien tems: en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice; mais que nostre volonté ne soit pas faite, ains la sienne toute sainte.

  A018003392 

 Nostre Mere se porte bien a Bourges, et croy qu'elle viendra icy avant Pasques, puisque il y a de l'apparence qu'on y fera un Monastere, bien que jusques a present il y ayt eu des grandes traverses du costé de l'esprit mondain, qui a tous-jours un peu de credit, mesme parmi les gens de bien, [si qu'il faut être] grandement sur ses gardes.

  A018003393 

 Je me porte bien, ma tres chere Fille, quoy qu'accablé du travail des prćdications [qu'il me faut] faire a tous propos, et devant les peuples et devant la cour; mays cela ne durera que jusques a Pasques [que, Dieu] aydant, je me retireray en mon petit bercail..

  A018003426 

 Je reviens asses tard des Benedictins ou, graces a Dieu, j'ay receu au giron de l'Eglise un fort honneste gentilhomme, de bon esprit et de bonnes lettres, et si, je doy prescher demain; c'est pourquoy je vous respondray courtement a vos lettres precedentes..

  A018003428 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fut des infirmités marquees aux Regles, telle que n'est pas celle de [cette] fille qui n'a point d'usage de ses jambes, car, sans jambes, on peut faire tous les exercices essentielz de la Regie: obeir, prier, chanter, garder le silence, coudre, manger, et sur tout avoir patience avec les Seurs qui la porteront, quand elles ne seront pas prestes et promptes a faire la charité; car il faudra souvent qu'elle supporte celles qui la porteront, si l'esprit de dilection ne les porte.

  A018003430 

 En Piemont et Savoye on a fait des allegresses incroyables les festes de Noel, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame; et le Prince publia un cartel pour un tournois general, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette couleur, la plus digne qui est (sic) jamais esté, et quechevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde.

  A018003431 

 Qui luy pourroit persuader que la douceur et courtoysie est incomparablement plus honnorable que la violence et fierté, le mettroit au chemin de faire des merveilles.

  A018003432 

 Il ne sçait ni combien on luy donne de dote, ni si elle sera liquide, ou sil faudra la prendre des mains de M. de Chantal.

  A018003433 

 Mon engourdissement de jambes n'est rien de douloureux, ni qui m'empesche de marcher des que j'ay fait dix ou douze pas.

  A018003452 

 J'ay des-ja parlé a M. nostre bon Prince Cardinal pour favoriser l'entree de monsieur le Baron de Chantal au service de M. son frere; il m'a promis de s'y employer.

  A018003454 

 Nous sommes reduitz a cette proposition, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obeissance, en attendant que Dieu leur envoye l'inspiration ou quelque parti.

  A018003455 

 Peut estre aurons nous besoin de la faveur de monsieur le Grand pour tesmoigner des qualités de monsieur le Baron de Chantal, affin que non seulement il entre au service du Prince, mais qu'il entre d'abord en qualité qui le puisse contenter et messieurs ses parens; mais je croy que M. le Grand le fera volontier.

  A018003467 

 Non, je vous prie, ne vous retenes point de m'escrire quand il vous plaira, car pourveu que vous ayes patience de ne recevoir des responses que quand j'auray la [353] commodité de les faire, je n'auray jamais que beaucoup de contentement d'avoir souvent de vos lettres; car si vous ne le sçaves pas, je vous annonce que vous estes bien ma tres chere fille..

  A018003498 

 Revu sur l'Autographe conservé chez les RR des Sœurs Augustines,.

  A018003508 

 O Dieu, que sa foy est bonne et qu'ell' est grande! car si elle n'estoit grande et forte, elle ne feroit pas des repugnances si pressantes aux suggestions.

  A018003509 

 Cependant, voyla des lettres.

  A018003509 

 Nous apprendrons aujourdhuy ou demain des nouvelles des despeches de nostre Sainte Marie.

  A018003520 

 Je respons de la sincerité de vos intentions comme des miennes propres, si tien et mien se doit dire entre nous, que Dieu a unis pour luy rendre un mesme service..

  A018003520 

 O ma chere Mere, que la prudence humaine est admirable! Croiries vous que des grans serviteurs et servantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses; que quand on auroit veu cette madame de Chantal, il n'y auroit plus que pour elle.

  A018003523 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy.

  A018003549 

 Mais moi je dis qu'il vaut mieux que vous attendiez un peu, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes; car il ne se passera guère que quelques mois tout au plus, avant de voir la fin [362] de cette affaire.

  A018003576 

 Petit a petit, Dieu nous sevre des contentemens de ce monde; oh! ma tres chere Fille, il faut donq ardemment aspirer a ceux de l'immortalité, et tenir nos cœurs eslevés au Ciel ou sont nos pretentions et ou nous avons meshuy une grande partie des ames que nous cherissons le plus..

  A018003588 

 Je pense que de Geneve on aura mis ordre icy pour faire cela; mays je ne voy quasi point de remede, et mesme estant contraint, comme je suis, de partir pour aller a quatre lieues d'icy, d'ou je ne seray de retour que ce soir, et croy que des ce matin on a emmené cette fille..

  A018003588 

 Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothee, j'ay creu que je devois vous donner advis [366] qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay ceans des Peres Benedictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothee estoit detenue par force chez madame de la Trimouille, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les resistances qu'elle faysoit.

  A018003619 

 Ayant passé toute la matinee a Saint Germain et deux heures qu'au chemin qu'en chaire, et un'heure et demi avec des dames qui me sont venu voir apres le sermon, j'ay treuvé le bon M. Berger qui ira voir M. le grand Vicaire, pour luy annoncer et faire treuver bon le jour auquel vous commenceres a paroistre, estimant que ce compliment estoit necessaire.

  A018003630 

 Tesmoignes luy beaucoup d'obligation, et si d'aventure il parloit de la charge des Pœnitentes, ne le rebuttes pas, ains dites simplement que pour maintenant vous [373] n'aves point de personnes capables de cela, et que si Dieu en envoye a l'advenir, ce sera aux Superieurs d'en disposer selon que Dieu les inspirera; car en ce pais il faut grandement estre en respect..

  A018003649 

 J'envoyeray prier M. des Hayes de prester son carrosse et de vous aller prendre; s'il se treuve prest, je m'asseure qu'il le fera.

  A018003662 

 Monseigneur le Duc de Nemours escrit a messieurs ses officiers qu'ilz luy donnent advis sur la demande que je fay des protocoles du chastelain Musici, que M. [Barfelly] a pris et gardés jusques a present de son authorité.

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 Il est malaysé, ma tres chere Seur, de treuver des espritz universelz qui puissent esgalement bien discerner en toutes matieres: aussi n'est il pas requis d'en avoir de telz pour estre bien conduit, et n'y a point de mal, ce me semble, de recueillir de plusieurs fleurs le miel qu'on ne peut pas treuver sur une seule.

  A018003681 

 Ma chere Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que desirees par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves.

  A018003682 

 Mays, ma tres chere Seur, je ne voudrois pas que vous manquassiés a l'orayson, au moins de demi heure, sinon que ce fust pour des occasions violentes, ou quand l'infirmité corporelle vous tient.

  A018003683 

 Au reste, je feray l'une des deux choses; car, ou je vous escriray avant mon depart plus au long, ou je vous iray voir au jour que j'ay marqué a ce bon et aymable porteur.

  A018003697 

 Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers, valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret, qui est de nos voysins de Thorens; ou bien mesme a Rouen, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville.

  A018003715 

 Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matiere d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggere de demander; et il ne veut rien toucher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse.

  A018003716 

 Je suis icy tout fin seul des serviteurs de Son Altesse..

  A018003733 

 Ilz sont dignes de compassion de n'avoir point d'intention d'honneste entretien qu'en riant et gaussant sur des sujetz dignes de respect et reverence..

  A018003734 

 Salomon, le plus sage des mortelz, commença son inenarrable malheur par la complaysance qu'il prit es grandeurs, ornemens et magnifiques appareilz qu'il avoit, bien que tout cela fust selon sa qualité.

  A018003736 

 Prions bien Dieu qu'il nous face la grace de vivre tellement selon son bon playsir en ce pelerinage, qu'estant arrivés en la celeste patrie nous nous puissions res-jouir de nous estre veus icy bas et d'y avoir parlé des mysteres de l'eternité.

  A018003761 

 Ce bon porteur, que j'ayme cordialement parce qu'il est tout vostre, vous porte le livre du P. Dom Sens, General des Feüillans, ou il y a une grande et profonde doctrine spirituelle, pleine de maximes tres importantes.

  A018003765 

 Si jamais vous m'escrives des nouvelles de'vostre cœur, vous n'aves point besoin de vous signer, ni de marquer le lieu d'où vous m'escrives, ni de parler de vous, ains seulement de la fille que je vous ay recommandee.

  A018003775 

 La bonne madame de Saint George fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est [391] peu mettre en chemin pour suivre Madame; mays elle n'a pas l'asseurance de nommer la cause de son retardement, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'annees de son mariage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la benediction des noces.

  A018003787 

 Je n'ay garde, certes, Monsieur mon tres cher Filz, de donner la liberté a mon cœur d'entretenir le vostre, maintenant qu'il est tout environné des affaires de la cour.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de creance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangees par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement..

  A018003807 

 Quant a vostre treille, je pense qu'il la faut, pour le present, faire de boys, tandis que vous estes a louage, et qu'il y faut faire une porte, sans que toute la treille s'ouvre; car, quant a la Profession, le Pontifical reveu [395] et imprimé par ordre du Pape, fait sortir les filles pour venir faire le vœu; et quant a parer l'autel, on verra si on pourra continuer a faire... Je n'y voy nul inconvenient; mais il faut subir l'esprit des autres..

  A018003819 

 Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame, parce que leur Monastere est tout composé de Novices, et si recent en cette ville que la reputation en est delicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et [397] regardé de beaucoup d'espritz fort tendres; que, de plus, ledit Conseil a mis en consideration que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne souffriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait: qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monasteres de France, pour ensuite revenir icy.

  A018003832 

 Dites luy, ma tres chere Fille, qu'elle ne doit en sorte quelcomque penser si elle sera des ames basses ou des hautes, ains qu'elle suive la voye que je luy ay marquee, [399] et qu'elle se repose en Dieu; qu'elle marche devant iceluy en simplicité et humilité; qu'elle ne regarde point ou elle va, mais avec qui elle va.

  A018003833 

 Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est aneanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'aneantit soymesme et dit a Nostre Seigneur: Masches moy, digeres moy, aneantisses moy et convertisses moy en vous.

  A018003835 

 Ne prenes point garde a bien bastir vos lettres pour me les envoyer, car je ne cherche point les beaux ædifices, ni le langage des Anges, ains les nids des colombes et le langage de la dilection..

  A018003870 

 Mais toutefois, je ne laisse pas de croire fort asseurement et de dire constamment que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de l'Escriture es choses necessaires a salut, l'esprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre tres souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus necessaires a l'establissement de la foy: tesmoins les erreurs lutheriennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des peres de la pretendue reformation, demeurent en une contention irreconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institution de l'Eucharistie; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidelement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conference des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent neanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance..

  A018003872 

 C'est donq cela que je vous dis en substance, Monsieur, qui n'est ni de loin ni de pres contraire a la doctrine des saintz Peres allegués par monsieur de Mornay au livre qu'il vous pleut m'envoyer hier au soir, et que je vous renvoye ce matin, avec remerciement et protestation que je desireray continuellement de pouvoir, par quelqu'heureuse occasion, tesmoigner,.

  A018003903 

 Et ayant pensé a ce que vous me dites des habitz et de la demande qui s'en fait, j'incline qu'on la retranche; mays nous verrons.

  A018003915 

 Ayant sceu la peine en laquelle se treuve le sieur collateral de Quoëx, detenu es prisons de Chamberi pour la somme d'environ mille ducatons, esquelz il a esté condamné par quelques uns des seigneurs senateurs et maistres des Comptes a ce deputés specialement; asseuré que [407] je suis d'ailleurs, qu'en tout ce dont il a esté chargé il n'a commis aucune faute malitieuse, ni manqué en chose quelcomque a la tres humble sujettion qu'il doit a Vostre Altesse, en laquelle et luy et tous les siens ont tous-jours vescu tres fidelement; et de plus, estant fidele tesmoin qu'en l'occasion qui se presenta en Genevoys, il y a quatre ans, et luy et son frere rendirent force bons et laborieux tesmoignages de leur zele au service de Vostre Altesse, je ne puis m'empescher de la supplier tres humblement et, si elle me permet, de la conjurer par sa propre bonté de tendre sa main secourable a cet homme de bien et d'honneur, pour le retirer de la ruine en laquelle son malheur, et non aucun forfait, le va precipiter..

  A018003916 

 Il n'y a au monde personne si sage ni si juste auquel on ne treuve quelque chose a censurer, si a toute rigueur et curieusement on espluche par le menu la suite des actions de plusieurs annees; mays, Monseigneur, quand les fautes sont sans malice, sans dol, sans mauvaise intention et de.

  A018003916 

 nulle consequence, la clemence des grans Princes, ni mesme l'equité, ne permet pas a leur justice d'user d'autre correction que de celle d'une reprehension et d'un advertissement.

  A018003932 

 Si je puis, je vous iray voir cet apres disner, non toutefois pour vous entretenir, mays c'est apres avoir confessé des dames qui n'attendent que cela pour s'en aller aux chams; et je ne voy pas que passé cela je me treuve fort occupé que pour aller dire mes adieux tout bellement..

  A018003942 

 La lettre que Vostre Altesse a escrit a Monsieur le Duc de Nemours a esté receue par luy trois jours avant que la copie m'ayt esté remise en main, de sorte que des-ja il m'avoit parlé sur le sujet d'icelle, non sans se douloir du retardement pour l'article qui regarde son payement, deu par le sieur Bonfilz des il y a long tems, a ce qu'il dit, et par le manquement duquel toute sa mayson et ses affaires sont extremement incommodés; dont il ne peut esperer le remede que de la [410] promesse qu'il a pleu a Vostre Altesse de luy faire, d'avoir du soin et de la bienveuillance pour luy qui, a la verité, n'est pas sans beaucoup d'inquietude parmi la necessité en laquelle il se treuvé (sic), ayant si peu de revenuz de deça, ou ses terres sont presque toutes engagees, et ne jouissant de celuy qu'il [a] en Savoye, qui est son fond principal.

  A018003958 

 Elle ne demandera point d'exception, ni pour la [412] rigueur de la clausure, ni pour toute la bienseance qu'on doit observer en vostre Mayson, a parler aux estrangers, donner ou recevoir des lettres, ni pour toutes telles occasions qui sont requises d'estre soigneusement gardees..

  A018003974 

 Cependant il faut avoir patience de demeurer sans vous voir pour ce jourd'huy, et de demeurer sans rien faire; car j'ay contremandé par tout ou j'avois promis de prescher, et, ce qui m'a bien fasché, j'ay contremandé le Pere Recteur du Noviciat des Jesuites, qui a les Quarante Heures et les octaves du bienheureux Ignace, duquel j'avois desir de parler.

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Ne croyes jamais, ma tres chere Fille, que la distance des lieux puisse separer les ames que Dieu a unies par les [415] liens de sa dilection.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018003989 

 Prenes bien garde a bien prattiquer l'humble douceur que vous deves au cher mari et a tout le monde, car c'est la vertu des vertus que Nostre Seigneur nous a tant recommandee; et s'il vous arrive d'y contrevenir, ne vous troubles point, ains, avec toute confiance, remettes vous sur pied pour marcher de rechef en paix et douceur comme auparavant..

  A018003991 

 Escrives moy quand il vous plaira en toute liberté, car je recevray tous-jours a contentement de sçavoir des nouvelles de vostre ame, que la mienne cherit parfaitement, comme en verité, ma tres chere Fille, je suis.

  A018003991 

 Reste que je vous prie de ne point vous mettre a faire des ceremonies avec moy, qui n'ay ni le loysir ni la volonté d'en faire avec vous.

  A018004037 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice.

  A018004038 

 avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A018004072 

 Monseigneur le Mareschal des Diguieres nous a faict instance de vous permettre d'aller prescher le Caresme prochain a Grenoble.

  A018004123 

 A mon avis, l'ont ne peut du moins que de prouvoir les cures qui auront honnestement de quoy pour l'entretient d'un sr Curé, et principalement si les habitantz des lieux les requirent: comment a Grilly, Versoix, Chevry, ou les paroissiens (dis je) se plaignent de ce que ilz n'ont point de Curéz et qu'ont transporte le revenu autre part..

  A018004123 

 Pour obeir a vos commandemens de respondre aux vostres sur l'avis que vouléz avoir touchant l'establissement que vous vouléz faire de la pension du sr Curé quil vous plaira institüér de la cure de [426] Sacconex, il est certain que pour ce effect il est necessaire de chercher aillieurs des moyens pour luy donnér quelque honneste commodité pour s'entretenir; car ladicte cure d'a present ne sçauroit avoir guiere davantage de 300 a 400 florins, monoye de Geneve.

  A018004124 

 A grand peine les sieurs Curéz sont payéz, les debtes point; les bastimentz des eglises vont a ruine pour n'y faire aulcunes reparations..

  A018004124 

 Quant a celles qui ont les biens venduz ou alienéz, et ce pendant il est requis d'y establir des ecclesiastiques, comme Sacconex, Ornex, Thoiry, voisines des autres, Matigni, Vernier et Meirin, il serait expedient, voire necessaire, sçavoir a quoy monte tout le revenu des biens ecclesiastiques de ce Bailliage generalement, et, selon la porté desdicts biens, les distribüér a chasque cure comme l'ont recognoistroit estre de besoing, et non pas demembrér le corps de l'ceconomie pour accommoder un particulier.

  A018004127 

 Je desiroys les donnér a des pauvres petitz enfantz tout nuds, et paroissiens, qui portent l'eau beniste par les maysons, qui seroient tres contens de les avoir et servir les Messes cum decóre.

  A018004134 

 Monseigneur, permettéz moy que je vous donne avis des empeschementz que ceux de la r. p. r. apportent aux catholiques en plusieurs lieux du Balliage: comme a Divonne, les habitans du lieu n'ont jamais permis qu'aucun catholique si soit retiré; des particuliers y ont battus et blessés monsieur le Curé, l'ayant aggressé sur le chemin pour le vouloir tüer.

  A018004136 

 Certaine femme, sous l'ombre d'amitié, donne a une petite niepce quil a avec soy, aagée de quelques 15 ou 16 annees, des pommes en quelque quantité.

  A018004136 

 La fille voyant cela, estant toute espouvantee d'un tel stratageme, sort dehors a la rue, appelle une femme pour venir voir telle chose; retornent dedans, mettent le reste des dictes pommes au feu, arrive le semblable.

  A018004164 

 Pour moi, je vous confesse, mon très honoré Père et Seigneur, que j'estime pour l'une des rares faveurs du Ciel que j'aie jamais reçues, celle d'estre vostre fils et le petit frère de la Visitation, où votre esprit règne, ce me semble, en sa plénitude; et je demande continuellement à Dieu la grâce de pouvoir bien concevoir cet esprit et le réduire à mon usage..

  A018004205 

 Revu sur l'Autographe conserve à Milan, dans les Archives du R. P. Provincial des Barnabites, au collège Saint-Barnabé.

  A018004211 

 A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Reverendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les regles establies par nostre Sainct Pere le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville; et estant informées que M r Anthoine de Boege, dict de Conflens, tient de Nous, soubs grace de reachept perpetuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'Annessy, soubs la riviere de Thiouz, proche l'eglise Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodement avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place; Nous inclinant volontairement a leur priere, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil pres Nostre personne, et desirant de tout Nostre pouvoir l'accroissement et augmentation du culte divin, et preferant la gloire et honneur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne:.

  A018004212 

 Avons octroyé et permis, octroyons et permettons par ces presentes aux dictes Dames de la Visitation d'entrer en Nostre lieu et place, et de prendre et retirer les fruicts des dicts moulins, en payant par elles audict de Conflens les sommes portées par son contract d'engaigement du dixhuictiesme janvier mil cinq cents nonante six, et aux charges et conditions portées par yceluy, avec pouvoir de faire en yceux des nouveaux artifices pour la plus grande commodité de Nos subjects..

  A018004213 

 Sy donnons en mandement a nos chers bien aymés et feaulx [438] Conseillers, les gents tenants Nostre Chambre des Comptes de Genevois, de verifier et interiner ces presentes, et du contenu en ycelles faire souffrir et laisser jouyr pleynement et paysiblement les dictes Dames de la Visitation, sans difficulté; et a nous (sic) advocats et procureurs fiscaulx et domaniaux, d'y prester consentement.

  A018004227 

 Ce que mondict Seigneur de Nemours leur auroit accordé facilement, par Patentes données a Paris le vingt-huictiesme octobre dernier, cy joinctes, avec la verification qu'en a faict Vostre Chambre des Comptes de Genevois, et le contract de cession de droicts qu'en a passé noble Anthoine de Boege.

  A018004229 

 Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de verifier les Patentes que leur seront expediées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en derogeant pour ce regard, entant que de besoing, a tous edicts a ce contraires: affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commodité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquillité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prosperité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser mes, qu'il veillie combler de ses graces et benedictions..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A019000007 

 Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!.

  A019000017 

 La courte durée des séparations faites par la mort.

  A019000021 

 Garder la paix sans se troubler de la variété des sentiments intérieurs.

  A019000021 

 » — Remède contre la crainte des esprits.

  A019000023 

 — Combien salutaire l'union des cœurs et des âmes.

  A019000024 

 Fatigué du voyage, l'Evêque envoie des lettres à distribuer.

  A019000025 

 — Ses sentiments au milieu des faveurs de la cour.

  A019000026 

 Joie de l'Evêque de Genève d'avoir revu deux des filles de M me Acarie; regret de n'avoir pu visiter la troisième, au Carmel d'Amiens. 28.

  A019000030 

 — Début des tracasseries au sujet du mariage de M. de Foras.

  A019000030 

 — La courte consolation des Sœurs de Moulins.

  A019000036 

 Comment se rassurer au milieu des inclinations mauvaises de la nature.

  A019000036 

 — Conséquences des fautes vénielles.

  A019000036 

 — Le danger des austérités indiscrètes.

  A019000041 

 Le rassasiement des affamés de justice.

  A019000043 

 — Une «avette parmi les toiles des araignees.» — Ce que souhaite le Saint à sa correspondante, au souvenir de leurs adieux.

  A019000050 

 — Des âmes un peu trop empressées au bien.

  A019000051 

 — Une des joies du Ciel 52.

  A019000052 

 — Des jaloux auxquels il faut répondre par des bienfaits.

  A019000055 

 — Avis sur des choses quelque peu superstitieuses et sur les visites.

  A019000056 

 MDLXXXIV. A la soeur de Blonay, maitresse des novices a la Visitation de Lyon.

  A019000062 

 — Pourquoi Dieu nous laisse des imperfections.

  A019000067 

 MDXCIV. Au Pere Dominique de Chambery Vicaire-Provincial des Capucins (Inédite).

  A019000067 

 Permission demandée pour un voyage du Frère Adrien des Echelles.

  A019000067 

 — Réponse de l'Evêque de Belley au sujet des Capucins. 70.

  A019000070 

 — Se consoler sur le départ des nôtres et sur les circonstances de ce départ, par la raison et par la foi.

  A019000073 

 Pourquoi l'Evêque de Genève réitère sa recommandation en faveur des Pères Barnabites. 75.

  A019000077 

 Nouvelles de la mort de M. Arnauld et de la résignation des siens, données par la Mère de Chantal au saint Evêque.

  A019000077 

 — Faire toutes choses «tout bellement,» et ne pas se mettre en peine des saillies sans volonté.

  A019000088 

 — Conseils à la Maîtresse des novices. 89.

  A019000091 

 — L'abandon à Dieu au milieu des «douleurs interieures et exterieures.» — Perplexité sans affliction.

  A019000093 

 — Un prédicateur de Carême qui réclame des prières.

  A019000094 

 — Excellente chose d'affranchir le collège de Chambéry des trésoriers et financiers; comment y arriver. 96.

  A019000099 

 Bon droit des Religieux de Sixt et grande misère des habitants du pays. 100.

  A019000103 

 — Où trouver des filles? Confiance en Dieu.

  A019000107 

 Des raisons qui ne satisfont pas l'esprit de François de Sales.

  A019000107 

 On ne peut lier la liberté pour le choix ou le changement des Pères spirituels.

  A019000111 

 Envoi des saintes Huiles. 108.

  A019000113 

 — Des Pères Barnabites en route vers Milan. 111.

  A019000114 

 MDCXLI. A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites.

  A019000116 

 — Un accommodement des Ermites du Mont-Voiron procuré par les délégués de l'Evêque de Genève. 114.

  A019000121 

 A quelles conditions on peut recevoir à la Visitation des aspirantes qui n'ont pas encore l'âge d'entrer au noviciat.

  A019000121 

 — Bien que les Sœurs ne récitent que le petit Office, il est bon de maintenir le rang des Associées.

  A019000124 

 Un tracas qui empêche de recevoir des consolations et d'en donner.

  A019000134 

 Contradictions au sujet des Bulles du futur Evêque de Chalcédoine.

  A019000135 

 — Les monastères des Filles de la Visitation en voyage.

  A019000136 

 MDCLXIII. A Madame des Gouffiers.

  A019000141 

 Providentiel mélange des douceurs parmi les amertumes.

  A019000141 

 — Trois lois «pour ne point pecher en la chasse.» — L'amitié des enfants de Dieu.

  A019000144 

 — Réponses à des cas de conscience 147.

  A019000145 

 La Sœur d'Avisé jointe à la petite troupe des partantes.

  A019000147 

 — Il n'y a rien à craindre des misères spirituelles non aimées.

  A019000149 

 — Exposé des raisons qui rendent une dispense légitime et nécessaire.

  A019000155 

 — Des entreprises «merveilleusement fascheuses;» les supporter, les porter, et les aimer.

  A019000155 

 — L'avis du Saint sur l'emploi des personnes et de l'argent.

  A019000156 

 — Souhaits de bénédictions sur des cœurs aimés.

  A019000161 

 — «L'honneur de souffrir beaucoup,» partage des enfants de Dieu ici-bas.

  A019000166 

 — La douceur des Règles de la Visitation Sainte-Marie.

  A019000167 

 — Le caractère de «race des biens des anciens chrestiens.» — Epreuves de la Mère de Bréchard.

  A019000169 

 Une action héroïque, digne des premiers temps du christianisme.

  A019000176 

 — Des «honneurs» à faire.

  A019000178 

 La partie inférieure de l'âme se ressent des incommodités du corps.

  A019000179 

 — Grande qualité des amitiés créées par le Ciel.

  A019000180 

 François de Sales attend, pour permettre une quête et une publication d'Indulgences, une attestation des pouvoirs du quêteur.

  A019000183 

 Exposé des facilités d'une fondation d'Oratoriens à Rumilly et des avantages qui en résulteraient.

  A019000185 

 Les effets des affections saintes.

  A019000187 

 Des maladies utiles à deux âmes.

  A019000189 

 — Préparation à la fête de la Toussaint et à celle des Morts.

  A019000191 

 MDCCXVII. A la soeur de Blonay, maitresse des novices a la Visitation de Lyon (Fragment).

  A019000196 

 La cure de Rumilly étant désormais unie au Chapitre des Altariens, les poursuites du Prieur contre le Curé n'ont pas de raison d'être. 203.

  A019000199 

 La Visitation n'est pas instituée pour l'éducation des petites filles.

  A019000199 

 — Considération et désintéressement dans l'admission des sujets.

  A019000199 

 — La source des «tendretés» sur soi-même.

  A019000202 

 — A qui appartient le Royaume des cieux. 209.

  A019000202 

 — Dispositions du Prieur de Rumilly toutes favorables à l'établissement des Pères de l'Oratoire.

  A019000205 

 Les matériaux des bâtiments célestes «au quartier des hommes.» — Ce que les Anges pourraient nous envier.

  A019000213 

 — Eloge des Supérieurs du Carmel.

  A019000217 

 — Indications du Saint pour le groupement des personnages. 222.

  A019000254 

 Il ne faut point d'autre preparation qu'une humble, mays [2] noble et courageuse confirmation des mouvemens, resolutions et propositions que nos exercices ont excité en nostre esprit..

  A019000283 

 Madame Amelot est si vertueuse que, comme je croy, elle parle sincerement des qualités de la fille..

  A019000290 

 Il y a si long tems que vous aves desiré de servir Dieu et que vous estes apprise a l'eschole de la croix, que non seulement vous acceptes celle ci patiemment, mais, je m'asseure, doucement et amoureusement, en consideration de Celuy qui porta la sienne et fut porté sur la sienne jusques a la mort, et de Celle qui n'ayant qu'un filz, mais filz d'amour incomparable, le vit mourir sur la croix, avec des yeux pleins de larmes et un cœur plein de douleur, mais de douleur douce et suave, en faveur de vostre salut et de celuy de tout le monde..

  A019000291 

 Pour moy, j'ay des-ja prié Dieu pour ce defunt, et continueray selon le grand devoir que j'ay a vostre ame, laquelle je prie la bonté eternelle de Nostre Seigneur vouloir remplir de benedictions; et suis sans reserve tout vostre, ma tres chere Fille, et.

  A019000302 

 O Dieu eternel, benisses l'ame de cette fille qu'il vous a pleu lier a la mienne, et respandes sur elle vostre grace en affluence, affin qu'elle vous serve en l'esprit de la dilection des espouses eternellement..

  A019000312 

 L' Introduction a la Vie devote ayant esté faite pour des ames de vostre condition, je vous supplie de la lire [9] et observer au plus pres que vous pourres; car elle vous fournira presque tous les advis qui vous sont necessaires.

  A019000315 

 Peu nous importe que nous ayons icy des commodités ou incommodités, pourveu qu'a toute eternité nous soyons bienheureux.

  A019000342 

 Je ne dis pas: Tenes le en paix; mais je dis: Tasches de le faire; que ce soit vostre principal souci, et gardes bien de prendre occasion de vous troubler dequoy vous ne pouves si soudainement accoyser la varieté des sentimens de vos humeurs.

  A019000342 

 Tasches, ma chere Fille, a le tenir en paix par l'esgalité des humeurs.

  A019000344 

 Le Alonastere, c'est un hospital de malades spirituelz qui veulent estre gueris, et pour l'estre, s'exposent a souffrir la saignee, la lancette, le rasoir, la sonde, le fer, le feu et toutes les amertumes des medicamens; et au commencement de l'Eglise, on appelloit les Religieux d'un nom qui veut dire guerisseurs.

  A019000360 

 Apprivoyses petit a petit la vivacité de vostre esprit a la patience, douceur, humilité et affabilité parmi les niaiseries, enfances et imperfections feminines des Seurs qui sont tendres sur elles mesmes et sujettes a tracasser autour des aureilles des Meres.

  A019000360 

 Ne vous glorifies point en [15] l'affection des Peres qui sont en terre et de terre, mays en celle du Pere celeste qui vous a aymee et donné sa vie pour vous..

  A019000362 

 Neanmoins, Dieu soit beni dequoy encor la [16] chose est ainsy passee, avec tant d'édification des autres prochains, selon que le bon M. du V[al] escrit..

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000374 

 Que cela vous est salutaire de vous tenir ainsy l'une a l'autre! Cett'union des ames est comme l'unguent praetieux qu'on respandit sur le grand Aaron, ainsy que dit le Roy Psalmiste, auquel on mesloit tellement plusieurs liqueurs odorantes, que toutes ne faysoyent qu'une senteur et une suavité.

  A019000375 

 Que vos maysons soyent toutes remplies de douceur, de paix, de concorde, d'humilité, de pieté par vostre conversation; et croyes, je vous supplie, que la distance des lieux ni du tems ne m'osteront jamais cette tendre et forte affection que Nostre Seigneur m'a donné pour vos ames, que la mienne cherit tres parfaitement et invariablement..

  A019000375 

 Quel meilleur souhait puis-je faire pour vous? Soyes comme des avettes spirituelles qui ne portent que miel et cire dans leurs ruches.

  A019000394 

 La Reyne mere m'a fait caresse, et si, je n'en suis point plus glorieux pour cela: la veuë de ces grandeurs du monde me fait paroistre plus grande la grandeur des vertus chrestiennes et me fait estimer davantage leur mespris.

  A019000394 

 Quelle difference, ma tres chere Mere, entre cette assemblee de divers pretendans (car la cour est cela et n'est que cela), et l'assemblee des ames religieuses qui n'ont point de pretention qu'au Ciel! Oh! si nous sçavions en quoy consiste le vray bien!.

  A019000404 

 Le second jour se passe, ma tres chere Fille, des mon arrivee en ce lieu, et je n'ay encor sceu voir monsieur d'Andilly, quoy que je l'aye desiré.

  A019000407 

 En somme, mon cœur se tourne a tous momens de vostre costé, et ne cesse point de respandre des souhaitz pour vostre avancement au pur et courageux, mais humble et doux amour divin..

  A019000419 

 Mays il n'a pas pleu a Nostre Seigneur qu'aucune occasion se soit presentee d'aller du costé d'Amiens pendant mon sejour en ces quartiers, d'où partant tout presentement pour me retirer en mon diocsese, duquel je n'ay esté que trop absent, je vay en esprit aupres de vous, et vous envoye ce billet qui vous dira de ma part que toute ma vie j'ay cheri vostre ame de tout mon cœur, et me suis consolé de sçavoir que la divine Majesté vous avoit retiree a son service en une si [sainte] vocation comm'est celle [24] en laquelle vous vivés, et que j'honnore parfaitement, et en laquelle je prie Dieu, et ne cesseray point, que vous perseveries heureusement, faysant des continuelz progres en.......................................

  A019000423 

 Sousprieure du Monastere des Seurs Carmelites.

  A019000435 

 J'ay veu en fin monsieur vostre frere, que je proteste d'estre l'un des aymables personnages que j'aye veu jamais, pour la bonté et pieté de cœur que Dieu luy a donnee.

  A019000448 

 Que vous diray-je, ma Fille, vous voyant parmi ces amertumes? Oh! courage, je vous prie; l'Espoux que vous aves choisi des que vous estes separee de celuy qu'on vous avoit choysi, est un faisceau de myrrhe: quicomque l'ayme ne peut n'aymer pas l'amertume; et ceux [27] qu'il favorise de son plus estroit amour sont tous-jours piqués de tribulations.

  A019000450 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu ayant receu en sacrifice de suavité l'acquiescement de ce pere et le vostre, et celuy du grand pere et de la grand mere, et des tantes, il ne permettra pas que la tribulation face plus de progres: ainsy je l'en supplie, et qu'il vous face sainte..

  A019000461 

 Vous sçaves trop bien la condition de cette miserable vie que nous menons en ce monde, pour estre estonné des evenemens qui y arrivent de diverses sortes.

  A019000462 

 J'ay et auray a jamais part a vos contentemens et a vos desplaysirs, puisque je suis inseparable d'affection d'avec vous et vostre famille benite de Dieu, laquelle, en la personne de M. d'Andilly et de moy, vous conjure [30] d'avoir bien soin de vostre personne pour ne point tant travailler des-ormais, qu'a mesure que l'aage decline vous deves vous soulager par un juste repos.

  A019000473 

 Ell'a eu rayson de dire que c'estoit elle qui avoit fait le mariage, car je ny ay, pour moy, contribué que ce que je ne pouvois pas refuser a la verité des qualités de M. de Forax et que je ne devois pas denier a son amitié..

  A019000473 

 Or sus, il faut que M. et M lle de Forax digere ( sic ) ces amertumes, puisque Dieu le permet, qui, comme j'espere, leur donnera ensuite des bonnes et solides consolations.

  A019000474 

 De leurs nouvelles, je vous en escriray par chemin entre ci et Moulins, comme des nouvelles de celles [32] de Moulins entre Moulins et Lyon; car en ces villes ou on fait les complimens a Madame, il ny a nul moyen d'escrire qu'aux heures esquelles vous ne voules pas que j'escrive..

  A019000494 

 Sil y a quelque Seur qui ne vous traitte pas avec asses de respect, faites le luy sçavoir par celle des autres [35] que vous jugeres la plus propre a cela, non comme de vostre part, mais de la sienne.

  A019000510 

 J'appris a connoistre tout plein de Praelatz, et particulierement M. l'Evesque de Lusson, qui me jura toute amitié et me dit qu'en fin il se rangeroit a mon parti, pour ne penser plus qu'a Dieu et au salut des ames.

  A019000510 

 Je vis M. le Cardinal de la Rochefocaut, qui m'obligea infiniment, et me dit qu'il desiroit faire l'union des Audriettes, et quil auroit un soin tout particulier de la Mayson de Sainte Marie, c'est a dire, dit il, de vos Filles.

  A019000511 

 J'en conferay avec M. de Berule et avec mon parfait ami M. des Hayes, duquel, quand il viendra a Paris, vous pourres sçavoir plus entierement la chose; car je luy escriray quil vous en parle, bien que nous fussions demeurés d'accord que nul n'en sceut chose du monde, d'autant que je pensois vous le pouvoir escrire au long; ce que je voy maintenant n'estre pas possible ni asseuré.

  A019000512 

 Il falloit escrire toutes ces choses du monde a ma Mere, affin qu'elle sache tout: maintenant, parlons des affaires de Dieu..

  A019000516 

 Penses vous, ma tres chere Mere, que des Roane j'aye eu le loysir de continuer cette lettre jusques icy a Vareppe, deux liëues pres de Grenoble? C'est une grande perte de tems que d'estre a la cour, et plusieurs y perdent encor l'eternité.

  A019000517 

 A Bourges, je treuvay la pauvre Superieure entre les mortifications continuelles qu'on luy fait sur ce qu'elle n'est pas habile aux choses du monde et trop facile a la reception des filles et a la conduite des Seurs.

  A019000517 

 Je luy parlay et a l'Assistente ensemblement, et dis qu'elle ne s'obligeast nullement a faire tous-jours venir l'Assistente au parloir avec elle; mays qu'es affaires de consequence, apres avoir ouy ce qu'on propose, elle prit loysir d'en conferer avec elle et les Coadjutrices, par ce qu'en cette sorte elle conservera la dignité de Superieure et la bonne conduite des affaires ensemblement; et non pas avec cette timidité avec laquelle elle n'osoit venir au parloir sans l'Assistente, de peur qu'on ne luy parlast d'affaires temporelles: en quoy elle se tenoit trop sujette, et privoit les Seurs de deux presences, [42] dont l'une pour le moins est requise pour tenir en devoir les Novices.

  A019000521 

 La fille des revelations est toute desabusee, et croy qu'elle fera prou.

  A019000538 

 Superieure des Seurs de la Visit on..

  A019000547 

 A Chaires ( sic ) on me dit que vous esties a Estampes; a Estampes on me dit que vous esties a Chatres, et je croy que vous n'esties ni en l'un ni en l'autre des lieux, mays ou a Maubuisson ou par les chemins.

  A019000548 

 Et a la verité, ilz sont praeferables pour mille raysons, puisque maintenant ilz ont faculté de confesser en cette Province; car ilz ont des gens de capacité, une renommee et approbation incomparable des peuples, une pauvreté qui incommode le moins ceux qui les entretiennent, une correspondance entr'eux qui peut tenir en observance les Religieux, et une tres particuliere inclination a vous honnorer.

  A019000548 

 Or, passant icy et entre les a Dieu que je dis a nostre court, les RR. PP. Capucins m'ont fait entendre [46] comme ilz sont desirés a Belley, ou d'autres Religieux se desirent en leur place; et je sçai, Monseigneur, que vostre intention premiere fut d'avoir des Religieux qui administrassent le saint Sacrement de l'absolution, mays que si les Capucins le pouvoyent administrer, vous les praefereries a tous autres.

  A019000574 

 Je voy clairement cette formiliere d'inclinations que l'amour propre nourrit et jette sur vostre cœur, ma tres chere Fille, et sçai fort bien que la condition de vostre esprit subtil, delicat et fertile contribue quelque chose a cela; mays pourtant, ma tres chere Fille, en fin ce ne sont pour tout que des inclinations, desquelles puisque vous sentes l'importunité et que vostre cœur s'en plaint, il n'y a pas de l'apparence qu'elles soyent acceptees par aucun consentement, ou du moins par consentement deliberé.

  A019000576 

 C'est pour respondre a ce que vous dites de la legereté et inconstance de vostre ame, car je le croy fermement qu'elle est continuellement agitee des vens de ses passions, et que par consequent elle est tous-jours en bransle; mais je croy aussi fermement que la grace de Dieu et la resolution qu'elle vous a donnee, demeure continuellement en la pointe de vostre esprit, ou l'estendart de la Croix est tous-jours arboré, et ou la foy, l'esperance et la charité prononcent tous-jours hautement: VIVE JESUS!.

  A019000578 

 Une seule chose ay je a vous dire, ma tres chere Fille, sur ce que vous m'escrives que vous fomentes vostre orgueil par des affectations en discours, en lettres.

  A019000618 

 Des que Vostre Altesse eut l'heureuse pensee de contribuer son soin et son authorité a la reformation des Monasteres de deça, elle donna ordre que les praebendes vacantes de celuy de Contamine fussent reservees pour estre par apres appliquees selon ce dessein.

  A019000618 

 Or maintenant, un Religieux ancien dudit Contamine ayant un desir extreme de faire avoir place et prsebende a un sien neveu, jeune et ignorant, a obtenu des lettres de Son [55] Altesse, par lesquelles elle commande que l'on luy donne cette praebende.

  A019000632 

 Et comme je prendray tous-jours a gré de vous servir tandis que vous vivres de l'observance des resolutions prinses, aussi me despartiray je aysement de cette affection, si par vostre desunion vous m'ostés le moyen de vous assister..

  A019000632 

 Je vous salue et vous embrasse tres affectionnement en esprit a cette mienne arrivee apres une si longue absence; et m'estant apperceu que l'ennemy de paix et d'union tasche a semer petit a petit des pensees de separation parmi vous autres, je vous prie et exhorte de tout mon cœur de ne point permettre qu'il prevaille contre les saintes et honnorables resolutions que vous aves prinses avec moy, de vivre jointz et liés ensemble en l'observance de vos Regles, entre lesquelles la communauté et union des cœurs et de biens est la principale.

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000680 

 O que cet enfant est heureux d'estre volé au Ciel comme un petit ange, avant que d'avoir presque touché la terre! Quel gage aves vous la haut, ma chere Fille! [61] Mays vous aures, je m'asseure, traitté cœur a cœur avec nostre Sauveur de cet affaire, et il aura des-ja saintement accoysé la tendreté naturelle de vostre maternité, et vous aures des-ja plusieurs fois prononcé de tout vostre cœur la protestation filiale que Nostre Seigneur nous a enseignee: Ouy, Pere eternel; car ainsy vous a-il pleu de faire, et il est bon qu'il soit ainsy..

  A019000681 

 Tout cela bien ramassé, ma tres chere Fille, sont des richesses spirituelles incomparables, et nous les connoistrons un jour, quand, pour ces legers travaux, nous verrons des recompenses eternelles..

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000727 

 Il est vray que les parties s'estans liees d'affection et de promesses pendant mon absence, je fus present, soudain apres mon retour, a la repetition des promesses qu'elles voulurent renouveller devant moy; mais d'une presence si simple que je ne fis qu'escouter avec plusieurs autres sans dire mot.

  A019000734 

 Ceux qui me connoissent sçavent bien que je ne veux rien ou presque rien avec passion et violence; et quand je fay des fautes, c'est par ignorance.

  A019000734 

 Or, Monsieur, je me suis un peu dilaté avec vous pour me soulager; non que je sois grandement touché ni des censures ni des blasmes qu'on jette contre moy pour ce sujet, car je sçay que devant Dieu je suis sans coulpe; mais je suis pourtant marri du souslevement de tant de passions autour d'un affaire ou j'en ay eu si peu.

  A019000743 

 J'ay sceu despuis peu de jours que la divine Providence a en fin retiré de ce monde M. vostre pere; et soudain je suis allé a l'autel offrir le Filz eternel a son Pere pour l'ame de ce defunt, et recommander la vostre et celle de madame vostre bonne mere et celles de toute la trouppe des freres et seurs au Saint Esprit, douce source de toute veritable consolation; car, que peut on faire de meilleur en telles occurrences?.

  A019000745 

 Je n'ay rien a vous dire de plus sur ce sujet, sinon que toute ma vie j'honnoreray la riche memoire de ce bon seigneur trespassé, et seray invariablement tres humble [68] serviteur de sa tant honnorable posterité et de madame sa vefve, qui a si heureusement cooperé au bonheur de sa vie et a le faire vivre encor apres la mort en la personne de tant de si dignes enfans; car au reste, de vous vouloir dire des paroles de consolation, je suis trop loin, et ne puis estre ouy qu'apres tant d'autres, que ce seroit une impertinence trop excessive.

  A019000746 

 C'est qu'apres une forte resolution d'aller prendre congé de ce bon pere a mon despart de Paris, l'ayant reservé pour le dernier comme celuy a qui je devois beaucoup d'honneur et qui estoit le plus pres, ravi et emporté de la force des visites qui me furent faites ce jour la, je fus tellement suffoqué d'esprit que je ne pensay point a cette obligation sur l'occasion; et estant en chemin, lhors que je ne pouvois plus m'en acquitter, je m'en apperceus, comme seulement pour en estre marri.

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000761 

 En fin donq j'escris a M. de Montholon; mays avant que de luy envoyer la lettre, faites la voir, s'il vous plaist, a M. des Hayes, et consideres s'il sera a propos qu'elle luy soit rendue; car quant a moy, ma tres chere Mere, j'ay remis tous ces mauvais vens a la providence de Dieu: qu'ilz soufflent ou qu'ilz s'accoisent selon qu'il [71] luy plaira; la tempeste et la bonace me sont indifferentes.

  A019000764 

 Je presche icy, ces Advens, les commandemens de Dieu, qu'ilz ont desiré ouÿr de moy, et je suis merveilleusement escouté, mais aussi je presche de tout mon cœur; [72] duquel cœur je vous diray, ma tres chere Mere, que Dieu, par sa bonté infinie, le favorise fort, luy donnant beaucoup d'amour des maximes du christianisme; et cela en suite des clartés qu'il me donne de leur beauté et de l'amour que tous les Saintz leur portent au Ciel, m'estant advis que la haut on chante avec une joye incomparable: Bienheureux les pauvres d'esprit, car a eux appartient le Royaume des cieux..

  A019000776 

 Les cerisiers portent bien tost leurs fruitz parce que leurs fruitz ne sont que de cerises de peu de duree; mays les palmiers, princes des arbres, ne portent leurs dattes que cent ans apres qu'on les a plantés, ce dit on.

  A019000779 

 Dites luy que je demeure icy, en mon diocese, tandis qu'il plaist a Dieu; et que, comme rien ne m'en peut tirer que quelque particuliere occasion que je croiray estre a la gloire de Nostre Seigneur, aussi, cela se [75] presentant, je n'auray non plus difficulté de me desprendre maintenant des faveurs que je reçoy, qu'auparavant qu'elles me fussent donnees.

  A019000780 

 Non, ma Fille, ne laisses pas l'oraison que pour des occasions qu'il est presque impossible de recouvrer.

  A019000783 

 M. reviendra a soy; certes, je ne me suis sceu empescher de luy en escrire bien amplement, encor que je ne le connoisse point, m'estant advis que je le devois pour le bien des affaires de Nostre Seigneur..

  A019000784 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et pries souvent pour mon amendement, affin que je sois sauvé et qu'un jour nous tressaillions en la joye eternelle, nous resouvenant des attraitz dont Dieu nous a favorisés, et des reciproques consolations qu'il a voulu que nous eussions en parlant de luy en ce monde.

  A019000793 

 Reste M. Favre, qui desire d'attendre M. de [Charmettes.] Si quelqu'un de vostre connoissance vouloit entrer au premier quartier, en m'advertissant dans quinze ou dix huit jours affin que je n'en fisse pas tenir prest l'un des susnommés, cela seroit bon, comme je pense.

  A019000795 

 M. Favre m'escrit que M. de Foras n'est pas encor [79] hors de prison, par l'opiniastreté des parens qui font le pis qu'ilz peuvent.

  A019000797 

 Je vous envoye le projet que Monseigneur le Prince me commande de faire pour la reformation des Monasteres de deça, m'ayant semblé a propos qu'il luy fust remis parmi les festes, en tems auquel telles pensees sont de sayson.

  A019000804 

 La connoissance que j'ay des qualités de cette dame m'a tous-jours fait souhaiter qu'elle demeurast, et loüe Dieu de tout mon cœur que cela soit.

  A019000823 

 J'envoye aussi a Vostre Altesse le projet dressé par son commandement, pour la reformation des Monasteres de deça les montz, duquel la lecture ne sera point hors de sayson parmi ces festes, puisque tout le dessein regarde la plus grande gloire du divin Enfant, la naissance duquel on celebre, et que je ne cesseray jamais de supplier qu'il face de plus en plus prosperer Vostre Altesse,.

  A019000840 

 Or sus, caressés le bien, faites luy bien l'hospitalité avec toutes nos Seurs, chantes luy bien des beaux cantiques, et sur tout adores le bien fortement et doucement, et en luy sa pauvreté, son humilité, son obeissance et sa douceur, a l'imitation de sa tressainte Mere et de saint Joseph; et prenes luy une de [ses] cheres larmes, douce rosee du Ciel, et la mettes sur vostre cœur, affin qu'il n'ayt jamais de tristesse que celle qui res-jouit ce doux Enfant.

  A019000841 

 Je salue cherement la chere trouppe de nos Seurs, que je regarde comme des simples bergeres veillantes sur leurs troupeaux, c'est a dire sur leurs affections, qui, adverties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur eternelle servitude luy offrent le plus beau de leurs aigneaux, qui est leur amour sans reserve ni exception..

  A019000850 

 Et moy, ne croyes vous pas que mon cœur s'attendrisse sur le vostre? Si fait, je vous asseure, mais attendrissement doux et suave, pour voir que vos douleurs sont des presages de plusieurs faveurs que Dieu vous fera, si constamment et fidellement vous perseveres en cette entreprise, la plus digne, la plus genereuse, la plus utile que vous pouvies jamais faire..

  A019000850 

 O ma Fille, ma bonne Fille, que je suis ayse de vous voir un peu travaillee de ce mal d'enfant! Non, jamais nulle ame n'enfanta Jesus Christ sans douleurs, sinon la Sainte Vierge, a laquelle en contrechange il en donna des grandes en mourant.

  A019000854 

 Je n'ay jamais seulement voulu porter des bas d'estame, ni jamais des gans ni lavés ni musqués, des que je me suis voué a Dieu, ni jamais papier doré ni poudres; ce sont des mignardises trop menues et vaines.

  A019000856 

 Laisses absolument toutes ces guerisons par paroles: ce sont niaiseries que cela, que je permettrois a une ame moins resignee que la vostre; mais a la vostre, ma Fille, je dis hautement: Laisses ces enfances et bagatelles, lesquelles, si elles ne sont pechés, sont des amusemens inutiles, tendans a la superstition..

  A019000867 

 Or, le voyla purifié de cela; il sera des-ormais doux, benin, gratieux, paysible, supportant.

  A019000867 

 Voyesvous, en fin je respons, quoy que tard, a la lettre que vous m'escrivies apres mon passage, et respons courtement, simplement, amoureusement, comme a ma tres chere Fille que j'ay aymee presque des le berceau, parce que Dieu l'avoit ainsy disposé.

  A019000879 

 Je tiens parole, et vous diray, qu'ayant tiré de la courtoysie de monsieur de Dalma tout ce que je desirois pour le dessein d'un accommodement amiable, et pris le mesme jour que j'avois des-ja marqué a monsieur de [92] Paschal qui, de sa grace aussi, m'avoit donné sa parole a mesme fin, voyci que ce billet m'a esté envoyé tout maintenant, par lequel vous connoistres que j'ay besoin en cet endroit d'estre aydé du credit que vous y aves..

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000930 

 Vrayement, ma bonne Fille, vous m'aves bien consolé de m'envoyer des nouvelles de vostre ame a ce commencement d'annee.

  A019000931 

 Je disois hier, ma chere Fille (car je vous veux faire part de nos predications), que quand Dieu voulut prendre en sa sauvegarde les enfans des Israelites, affin que l'Ange exterminateur ne les tuast comme il faisoit ceux des Egyptiens, il ordonna que leurs portes fussent enduites et [97] marquees du sang de l'Aigneau paschal; et qu'ainsy sa divine Majesté marquoit du sang de sa Circoncision la porte et l'entree de cette annee sur nous, affin qu'en icelle l'exterminateur de nos enfans n'eust aucun pouvoir sur eux.

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000932 

 Nos petites choleres, nos petitz chagrins, les petitz frissonnemens de cœur sont des restes de nos maladies, que le souverain Medecin nous laisse affin que nous craignions la recheute, que nous nous humilions et demeurions en une sincere sousmission.

  A019000958 

 Que diray je a ce commencement d'annee? Je suis roy de bon jeu en vostre Mayson, et nos Seurs en sont fort contentes, et m'ont envoyé par escrit une grande protestation de leur sousmission et obeyssance, et m'ont demandé quelques nouvelles loix selon lesquelles elles vivront; et je les mediteray pour leur en porter quand je pourray leur faire une exhortation, que je m'essayeray de faire dans cette octave le plus gratieusement que je sçauray, car j'ay des-ja une idee aggreable pour cela..

  A019000960 

 La Seur N. nous a donné de l'exercice et ne veut encor pas cesser; car elle a un moule a part, auquel elle fait [100] des pechés mortelz, et opiniastre qu'elle ne peut se communier pour cette occasion.

  A019000961 

 Mais au reste, c'est la verité qu'il fait des merveilles; et non seulement nostre chere Madame, mais Son Altesse et tous les Princes et Princesses, seigneurs et dames le cherissent et l'estiment grandement; et des maintenant, sans que j'en aye parlé en sorte quelconque, on le va jetter dans la coadjutorerie, si Madame est de croire, affin que son premier Aumosnier soit Evesque..

  A019000985 

 Quatre bonnes fois, pour le moins, j'ay presché a Paris pour la reception des Religieuses, qu'un simple prestre a fait l'Office; une fois j'ay fait la reception, qu'un Pere Jesuite a presché; et en l'une et l'autre façon je ne laissois pas d'estre ce que je suis.

  A019000987 

 Au reste, ma tres chere Fille, il est vray, qui a son cœur et sa pretention en Dieu, il ne se sent point, au moins en la partie superieure, des agitations des creatures; et qui l'a au Ciel, comme dit saint Gregoire a deux Evesques, il n'est point tourmenté des vens de la terre..

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019001001 

 La necessité des moliniers de cette ville et l'utilité de la continuation de leurs ouvrages, me donnent la confiance de vous supplier de donner permission au Frere Adrien pour un voyage jusques a Lyon, auquel il se comportera selon les loix et conditions qu'il vous plaira de luy prescrire, ainsy qu'il m'asseure de vouloir faire en toutes autres occurrences; autrement, certes, je ne serois pas de ses confederés, ne pouvant jamais estimer les vocations extraordinaires, sinon quand elles sont sousmises et correspondantes aux ordinaires..

  A019001017 

 Commandes luy souvent, et luy imposes des mortifications opposees a ses [109] inclinations; elle obeira, et bien quil semblera que ce soit par force, ce sera pourtant utilement et selon la grace de Dieu..

  A019001017 

 Rompre des vœux pour jeusner, presumer d'estre bonne pour la solitude sans estre bonne pour la Congregation, vouloir vivre a soymesme pour mieux vivre a Dieu, vouloir avoir l'entiere jouissance de sa propre volonté pour mieux faire la volonté de Dieu: quelles chimeres! Qu'une inclination, ou plus tost fantasie et imagination, chagrine, bigearre, depiteuse, dure, aigre, amere, testue, puisse estre un'inspiration, quelle contradiction! Cesser de louer Dieu et se taire de depit es Offices que la sainte Eglise ordonne, par ce qu'on ne le peut louer en un coin selon son invention, quelle extravagance! Or sus, j'espere que Dieu tirera de la gloire de tout ceci, puisque cette pauvre chere fille se sousmet en fin a ce qu'on luy commandera et qu'elle revere vostre presence.

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001033 

 Ne devises point avec elle, ne capitules point, ne l'escoutes point; traverses-la le plus que vous pourres par des frequens renouvellemens de vos vœux, par des frequentes sousmissions a la Superieure; invoques souvent vostre bon Ange, et j'espere, ma tres chere Seur, que vous treuveres la paix et la suavité de l'amour du prochain.

  A019001054 

 A quoy je contribueray tout ce qui sera en mon pouvoir, sous la conduite des loix et constitutions ecclesiastiques, pourveu qu'il vous playse, et aux parties, prendre creance que je ne rechercheray en cela nulle condition que celle qui sera entierement necessaire et inevitable, puisque en verité je suis,.

  A019001091 

 Marquis de Seurre, chevalier des Ordres,.

  A019001103 

 Mays qu'un prestre, sans tiltre ni vray ni coloré, se tienne dans une cure par force, ne veuille reconnoistre l'authorité de l'Evesque, rejette l'œconome qui est legitimement envoyé, empesche que l'Evesque ne face inventaire de ce qui est dans une mayson presbiterale, appelle comme d'abus d'une tres legitime authorité, tout ainsy que si du moins le soin des benefices de ma charge, tandis qu'ilz sont vacans et jusques a tant qu'ilz soyent prouveuz, ne m'appartenoyt pas: tout cela, je ne le puis ni treuver bon, ni civil, ni supportable..

  A019001104 

 Quand M. Gras me fera voir ses legitimes provisions, je ne les mespriseray point, et les luy feray fidelement valoir tout ce qu'elles vaudront, sachant le respect qui est deu et aux droitz et aux faitz du Superieur general des ecclesiastiques.

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001141 

 Il est vray, je suis merveilleusement accablé d'affaires; mais vos lettres, ma Fille, ne sont pas des affaires, ce sont des rafraischissemens et allegemens pour mon ame: cela soit dit pour une bonne fois..

  A019001141 

 Je respons des-ormais a vos deux dernieres lettres, du 19 novembre et du 14 decembre.

  A019001144 

 Or, je sçai bien que parmi tout cela vous feres mille eschappees le jour, et que tous-jours ce naturel si actif fera des saillies; mais il ne m'en chaut pas, pourveu que ce ne soit pas vostre volonté, vostre deliberation, et que tous-jours vous appercevant de ces mouvemens, vous taschies de les appayser..

  A019001147 

 Or dites luy qu'elle m'escrive tous-jours simplement, et qu'encor qu'estant la aupres d'elle, elle ne m'eust jamais monstré des lettres qu'elle escrivoit a ses seurs, maintenant, si j'y estois, elle n'en feroit nulle difficulté; car elle me connoist bien mieux qu'elle ne faysoit pas, et sçait bien que je ne suis pas d'humeur mesprisante..

  A019001148 

 Pour l'orayson, ma tres chere Fille, je treuve bon que vous lisies un peu dans vostre Theotime, affin d'arrester vostre esprit, et que de tems en tems, a mesure que vous appercevres que vous estes en distraction, vous disies tout bellement des paroles contraires a Nostre Seigneur.

  A019001181 

 Je favorise donq le parti de vostre infirme, et pourveu qu'elle soit humble et se reconnoisse obligee a la charité, il la faudra recevoir, la pauvre fille; ce sera un saint exercice continuel pour la dilection des Seurs..

  A019001181 

 Je suis grand partisan des infirmes, et ay tous-jours peur que les incommodités que l'on en reçoit n'excitent un esprit de prudence dans les Maysons, par lequel on tasche de s'en descharger, sans congé de l'esprit de charité sous lequel nostre Congregation a esté fondee, et pour lequel on a fait expres la distinction des Seurs qu'on y veut.

  A019001184 

 Nostre Mere a bien de la besoigne taillee en France, pour la multitude des Maysons qu'on demande..

  A019001185 

 VIVE JESUS! et son nom soit beni es siecles des siecles.

  A019001194 

 Mais, c'est son calice; ne faut il pas qu' elle le boive? Et puis, je m'imagine que vous luy escrives souvent, et alleges son tendre cœur par la communication des sentimens du vostre..

  A019001211 

 Tous vos justes contentemens, Monsieur, m'en donneront tous-jours, mon ame estant tellement affectionnee a la vostre qu'elle a tous-jours des ressentimens de vos sentimens, et des complaysans en vos playsirs, et des condoleances a vos douleurs; comme, quand a celles ci, j'espere d'avoir un jours ( sic ) part en la gloire qu'elles vous apporteront, si vous les souffres avec l'humilité et charité que vostre bon Ange et vostre propre esprit vous suggerent, en l'union des travaux de Nostre Seigneur..

  A019001213 

 Mays vous sçaves bien que le bon M. le Doyen de Chevron, mon cousin et vostre parent, que j'avois retenu des il y a trois ans en nostre profession ecclesiastique, estimant qu'il y pouvoit rendre plus de service a Nostre Seigneur, enfin s'est retiré a Talloyres, dans la vocation monastique.

  A019001230 

 Voyla ma procuration, mon tres cher Frere, et le Memoire des choses qui me semblent a propos d'estre remonstrees a Rome; mais puisque vous aves le vent en pouppe et que tout le monde sçait cette affaire par dela, je pense que les faveurs de Son Altesse et de Messeigneurs les Princes osteront toute difficulté.

  A019001297 

 Je vous escris ces motz sans loysir ni haleine, pour la multitude des responses quil faut que je face; mais je ne [144] les envoye pas sans un'extreme affection que j'ay pour vous, puisqu'il plait a Celuy, ma tres chere Fille, qui m'a rendu, en son divin bon playsir,.

  A019001305 

 des PP. Oblals de Saint-François de Sales..

  A019001331 

 Et mesme que monsieur de Menthon, de la nomination duquel est ladite chapelle, praeferera aussi celluy-la a quicomque pourroit venir, puisqu'il luy est aussi proche qu'a vous, Monsieur, qui sous la faveur de Son Altesse ne tarderes pas, comme j'espere, beaucoup sans avoir des autres bonnes commodités pour monsieur vostre filz; et moy, je desireray tous-jours le bonheur de m'y pouvoir employer..

  A019001356 

 En somme, nous voyla asses bien selon le lieu ou nous sommes, car mon frere retiendra ses benefices, qui suffiront avec la pension, puisque a la cour [151] il aura cinq bouches et des chevaux entretenus par departement de plat porté en son logis..

  A019001356 

 Or ne sçai-je pas si avec cela ilz accroistront point la pension de six cens escus, c'est a dire 300 pistoles, qu'ilz nous ont accordé et delaquelle nous sommes entrés en payement des le quartier d'octobre, novembre et decembre passés.

  A019001356 

 Saches, ma tres chere Mere, que par une voye admirable Son Altesse a nommé mon frere a ma coadjutorie et succession en cet Evesché, sur le desir de Madame et de Monseigneur le Prince, brevet expedié et toutes les faveurs les plus favorables pour Rome; mays avec des paroles si avantageuses de Son Altesse et de Madame pour toute nostre mayson, pour mon frere et pour moy, que rien ne s'est veu de pareil.

  A019001357 

 Or, je vous dis ceci: premierement, affin que vous le sachies; secondement, pour m'excuser si je ne vous escris pas, ni a monsieur des Hayes, si amplement que je desirerois, ni a personn'autre qu'a vous deux, car il me faut tant escrire a la cour, a tous ces Princes et Princesses, des lettres de remerciement, et a Rome des lettres de supplications, que j'en suis tout es [soufflé]; tiercement, affin que vous demeuries en paix, avec asseurance que je ne feray point de changement en mes adventures que quand je verray une signalee occasion du service de Dieu et digne d'estre suivie, toutes choses laissees.

  A019001358 

 Je suis certes grandement obligé a ce grand Cardinal pour l'estime qu'il fait de moy, qui n'ay jamais merité la moindre des pensees qu'il a eu pour moy.

  A019001358 

 Toutefois, monsieur des Hayes qui a tant de bienveuillance pour moy et tant de dexterité en toute sorte d'affaires, apprendra doucement les intentions, et desnoüera sagement l'affaire, sil la faut desnoüer.

  A019001360 

 Nous ferons ce que nous pourrons, et sil plait a Dieu que ce malheur arrive, nous la retirerons en quelqu'une des maysons de mes freres.

  A019001367 

 La Seur Jeanne Françoise me vient de promettre des merveilles; car saches que le porteur qui me pressoit tant hier n'estant pas parti, j'ay adjousté ces deux motz..

  A019001389 

 C'est elle qui, emmi la meslee des passions, crie tous-jours intelligiblement: VIVE JESUS! Vous aves donq bien rayson de demeurer en paix.

  A019001389 

 Il m'est advis que je voy vostre cœur comme un cadran qui est posé au soleil et qui ne remue point, ains demeure immobile, tandis que l'esguille et calamite qui est dedans [157] s'agite incessamment et, par des continuelles inquietudes, s'eslance du costé de sa belle estoile; car ainsy vostre cœur demeurant immobile, vostre volonté tend par des bons mouvemens a son Dieu.

  A019001391 

 Quicomque me connoistra, dira tout aussi tost qu'il ne faut pas croire de moy des duplicités.

  A019001391 

 Vous verres si je suis doux en cela, et si c'est vous loger au sepulchre! Non, je n'ay pas voulu, en un Monastere ou j'avois toute authorité, les enfermer, parce que les filles n'y avoyent pas inclination; et ay tous-jours dit que ces grans traitz dependoyent de l'inspiration et non de l'authorité exterieure, laquelle peut bien faire des enfermees, mais non pas des Religieuses..

  A019001400 

 Et pourroit ce dessein estre mesnagé sur l'erection d'un evesché a Chamberi, que Son Altesse semble tant affectionner et qui y est si nécessaire, et dont [160] la commodité est meilleure que jamais tandis que M. le mareschal des Diguieres gouverne; car la proposition d'un Seminaire estant faite, on pourra faire aysement entrer en propos l'entretenement de quelques Peres pour la conduite d'iceluy..

  A019001429 

 Les faveurs les moins meritees sont a la verité les moins honnorables, mais elles sont aussi les plus obligeantes; et quand elles viennent d'un haut lieu et d'une main souveraine, elles sont estimees parfaites, et ostent a ceux qui les reçoivent le pouvoir d'en faire des dignes actions de [162] graces.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001515 

 Ce billet que j'arrache de force d'entre un accablement extreme, n'est que pour vous dire que cette bonne fille de laquelle vous m'escrives, ayant esté des premieres de cette Mayson la, et estant de si importante consideration, comme vous me dites, pour tenir en paix cette bonne dame et plusieurs personnes apparentes, je croy qu'il la faut recevoir a la Profession, puisque mesme il n'y a point d'obstacles de consequence; et j'espere que cette feminine tendreté sur elle mesme se passera petit a petit.

  A019001515 

 [169] Elle pourra estre des Seurs Associees, qui sont l'objet de la plus parfaite charité qu'on puisse exercer, ce me semble, en attendant que, le courage luy venant, elle puisse se rendre un peu sujette au chœur.

  A019001529 

 Mais y auroit il encor, outre cela, une fille pour estre Superieure ou Maistresse des novices? car je voy que de toutes partz on demande des Maysons; et voyla que celle de Turin se va dresser, ou il en faudra bien, tant pour la qualité du païs que pour satisfaire a Madame.

  A019001529 

 Or, Dieu fera des filles, quand il les devroit tirer des pierres, et donnera l'esprit de gouvernement a mesure qu'il voudra multiplier les Maysons..

  A019001529 

 Quant a Clermont, je treuve vostre response toute bonne, puisque vous aves des filles pour fournir cette Mayson la.

  A019001574 

 J'appreuverois que le chapelain fut confesseur, car autrement il y auroit et des grans fraitz et des grandes incommodités.

  A019001574 

 On ne doit pas estre variable a vouloir changer, sans grande rayson, de confesseur, mays on ne doit pas aussi estre tout a fait invariable, y pouvant survenir des causes legitimes de changement; et les Evesques ne se doivent pas lier les mains, qu'ilz ne peussent, quand il sera expedient et sur tout quand les Seurs de commun sentiment le requerront, changer de Pere spirituel.

  A019001593 

 Or, laissons cette pensee, et pour moy j'ay tous-jours esperé que vostre mariage reüsciroit grandement heureux en son progres, cette entree ayant esté si fascheuse; car c'est une des ordinaires methodes dont la providence de Dieu use en ce qu'elle destine a sa gloire, de faire naistre les espines avant les roses..

  A019001607 

 Ces quattre lignes suffiront, ma tres chere Fille, pour servir de preface a une plus grande lettre que je me sens obligé de vous escrire, pour reparer le manquement que j'ay fait de vous rendre ce devoir des mon arrivee en ce pais, ou je vous supplie de croire que vous estes toute presente a mon esprit, qui ne finira jamais de cherir infiniment le vostre et luy souhaiter toutes les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et particulierement un continuel progres en l'amour celeste qui seul peut assoüir vos affections..

  A019001651 

 Voyla des lettres de M me de Grignolz.

  A019001704 

 Néanmoins, je ne laisserai pas de dire à Votre Paternité Révérendissime, comme très désireux du bien et de l'honneur de sa Congrégation, qu'il serait aussi très à propos d'envoyer avec eux un des Pères anciens, dont l'âge inspirerait plus de respect encore [186] pour ces collèges récemment fondés qui s'augmenteront peut-être bientôt d'un troisième pour le Noviciat; ainsi, par la présence et l'autorité d'un si vénérable personnage, toutes ces Maisons recevraient leur entier perfectionnement..

  A019001717 

 O ma tres chere Mere, si je revenois au monde avec mes sentimens presens, je ne croy pas que toute la prudence de la chair et des enfans de ce siecle me peust esbransler en la certitude que j'ay que cette prudence est une vraye chimere et une toute veritable niaiserie.

  A019001717 

 Que vous diray je? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon qu'il me semble que mon ame est un peu plus solidement establie en l'esperance qu'elle a eu, de pouvoir un jour jouir des fruitz de la mort et resurrection de Nostre Seigneur; lequel, comme il m'est advis, parmi les jours de la Semaine Sainte et jusques a present, non seulement m'a fait voir plus clairement, mays avec une certitude et consolation intellectuelle et toute en la pointe de l'esprit, les sacrés axiomes et les maximes evangeliques, plus clairement et suavement, dis je, que jamais; et je ne puis asses admirer comme, ayant tous-jours eu une si grande estime de ces maximes et de la doctrine de la Croix, j'ay si peu pris de soin pour les prattiquer.

  A019001726 

 Et ce pendant monsieur Gariod praeparera des excuses pour la grande chaleur quil avoit donnee a cette affaire a Chamberi..

  A019001726 

 J'eusse desiré que le sieur Grassi se fut contenu dans les termes du respect et de la verité a Vienne, et que monsieur Gariod n'eut pas fait l'esclat qu'il a fait a Chamberi (sur lequel monsieur le Marquis de Lans m'a escrit que le service de Son Altesse requeroit qu'on donnat la cure de Villy aux doctes, et monsieur le procureur general a appellé comme d'abus, et le Senat a tesmoigné de l'affection a la conservation du concours), ou qu'il eut eu encor un peu de courage pourvoir sortir les effectz de sa requeste et de son bon droit, affin que l'equité estant victorieuse et l'authorité des Evesques maintenue, on eut par apres plus honnorablement et courtoysement accommodé toute cette affaire en la façon mesme qu'il a, comme je voy, acceptee.

  A019001742 

 Et quand vous verres a Besangon le Saint Suaire, et en iceluy la marque de la playe de l'amoureuse poitrine du Sauveur, faites moy bien part des desirs que vous aures de vivre, comm'un heureux hermite, dans la caverne sainte de la dilection infinie que vous descouvrires-la.

  A019001759 

 Ma Mere, je considere qu'ilz ne le sont pas des-ja tant comme ilz estoyent quand ilz nasquirent, car ilz nasquirent nuds.

  A019001771 

 Pour mettre un jeune cheval au pas et l'asseurer sous la selle et la bride, on employe des annees entieres..

  A019001773 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si vous sçavies combien mon cœur ayme cette fille et de quelz yeux je la regarde des icy a tous momens, vous auries un grand soin d'elle, encor pour l'amour de moy, outre ce que vous luy estes; car vous m'aymes d'un amour qui est asses fort pour vous faire aymer tout ce que j'ayme.

  A019001787 

 Si d'Auvergne on poursuivoit pour vous avoir un moys au commencement de la fondation, je pense que cela seroit bon et a propos pour la consolation des Seurs qui iront.

  A019001799 

 Il faut donq balancer: est il mieux qu'en nostre jardin il y ayt des espines pour y avoir des roses, ou de n'avoir point de roses pour n'avoir point d'espines? Si cette fille apporte plus de bien que de mal, il sera bon de la recevoir; si elle apporte plus de mal que de bien, il ne la faut pas recevoir..

  A019001801 

 Et sera bon qu'il soit ou noir ou tanné, sans ornement, comme j'ay veu a Saint Paul de Milan, ou il y avoit environ cent cinquante Religieuses et vingt ou vingt cinq Novices, et bien autant de pretendantes qui y estoyent en pension et attente; et celles ci estoyent toutes vestues d'une mesme couleur bleue, et des voyles de mesme, et tout leur appareil esgal..

  A019001802 

 J'en dis de mesme pour la petite Lambert; et ce sera comme une petite preparation a l'habit, lequel, es filles bien disposees, on peut bien donner quelques mois avant le tems, mais non pas la qualité de Novice, comme on a fait a la Seur Jeanne Marguerite; et toutefois, il me semble qu'il ne le faille pas faire, sinon pour des occasions pressantes..

  A019001805 

 Et nonobstant cela, il est bon qu'il y ayt des Seurs Associees, pour faire la charité a tout plein de personnes qui ne sçauroyent dire l'Office, ou pour avoir la veuë trop foible et basse, ou pour avoir manquement d'estomach, ou pour quelque autre infirmité.

  A019001805 

 Si elles ont faute de veuë, on leur peut donner des chapeletz; si c'est infirmité d'estomach et non de veuë, elles pourront dire les Heures, et la Superieure pourra disposer d'elles a quelque office non incompatible avec leur infirmité..

  A019001806 

 Despuis, j'ay leu la premiere Constitution, ou il est asses clairement dit que les Seurs Associees, comme les Domestiques, diront des Pater et Ave en lieu de l'Office: c'est en la page 118 et 119.

  A019001823 

 Quelques uns de mes amis me conseillerent de demander a Son Altesse, quand ell'estoit icy, la nomination au prieuré de Ripaille, vacant par le trespas de Monseigneur de Saint Paul; et je le fis, en sorte qu'elle me fut accordee fort favorablement, la consequence de cette [204] nomination me pouvant estre utile par ce que, du revenu de ce benefice, a esté erigee une commenderie de Saint Lazare, delaquelle, par ma naissance, je suis capable, et, venant a vaquer, ce ne me seroit pas une petite ouverture de la demander quand j'aurois des-ja le tiltre du prieuré.

  A019001825 

 Je prieray cependant monsieur.....de conferer de ce sujet avec vous, de qui ayant des-ja receu beaucoup de courtoysie, je me prometz encor celle ci tout a fait, et suis,.

  A019001865 

 Laisses en vostre place nostre chere Marie Aymee; les benedictions que Dieu respand sur sa conduite a l'esgard des Novices, s'eslargiront tous-jours sur tout ce qui luy sera commis.................................................................................................

  A019001872 

 Ce porteur mesme me remit une lettre de Vostre Excellence, addressee a monsieur de la Feuge, colomnel de la ville dAnnessi; et j'ay eu peine a me resoudre si je [209] la luy envoyerois, puisque il y a long tems quil n'est plus colomnel de cette ville, monsieur de Villette l'ayant esté l'annee passee, et mon frere le Chevalier l'estant celle ci, lequel, n'estant pas a present icy, j'eusse adverti promptement d'y venir, si ce n'eut esté que, par un bruit commun, j'ay sceu que Vostre Excellence avoit donné tout le commandement et du chasteau de cette ville et des compaignies de la ville mesme a monsieur de Monthouz, en sorte que mondit frere ne semble y avoir plus rien a faire.

  A019001872 

 Et neanmoins, pour ne point faillir, j'ay envoyé ladite lettre des ce matin, desireux que je seray tous-jours d'honnorer les volontés de Vostre Excellence, a laquelle souhaitant de plus en plus toute sainte prosperité,.

  A019001896 

 Ce monde de Paris, et mesme de toute la France, ne sçauroit vous laisser vivre en paix dans ce milieu; ilz ne cesseroyent de vous pousser violemment hors des limites de la resolution que vous en auries prise.

  A019001897 

 Mais, ma tres chere Fille, il ne m'a pas esté besoin d'une clarté extraordinaire pour discerner auquel des deux je vous dois conseiller de vous ranger; car, ainsy que vous me le descrives clairement et que vous me l'aves des-ja fait connoistre tandis que j'avois le bien de vous ouyr parler confidemment de vostre ame a la mienne, le sentiment que vous aves contre le mariage provient de deux causes, dont l'une presque suffiroit pour se resoudre a ne s'y point engager: une puissante aversion, un degoust tout entier, une repugnance tres forte.

  A019001900 

 Penses vous que Dieu donne tous-jours la vocation de la Religion, ou bien de la parfaite devotion, selon les conditions naturelles et les inclinations des espritz qu'il appelle? Non certes, ma Fille, ne croyes pas cela: la vie religieuse n'est pas une vie naturelle, elle est au dessus de la nature, et faut que la grace la donne et soit l'ame de cette vie.

  A019001901 

 Et neanmoins, c'est un des plus parfaitz serviteurs que jamais Dieu ayt eus en ce monde, et lequel en fin fut si heureux que de pouvoir dire en verité: Je vis moy, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy, apres que la grace eut assujetti la nature et que les inspirations eurent subjugué les inclinations..

  A019001902 

 Ma Fille, ces craintes de treuver des Superieures indiscrettes et ces autres apprehensions que vous m'expliques si fidelement, tout cela s'esvanouira devant la face de Nostre Seigneur crucifié, que vous embrasseres cordialement.

  A019001902 

 Vostre esprit genereux de la generosité du monde, changera de force, et se rendra genereux du courage des Saintz et des Anges.

  A019001944 

 Je le fis deputé du clergé au Sinode, et despuis surveillant du quartier, dequoy il m'a sceu tant de gré que je pense quil merite d'estre avancé; outre que je ne sçai ou jetter ma veüe, tous nos ecclesiastiques de bonne naissance estans ou tarés au cors et au maintien, ou de peu d'intelligence, ou trop vieux, ou sans talent pour cette charge en laquelle nostre Maistresse veut avoir des gens de bonne sorte..

  A019001944 

 Pour avoir un aumosnier de Madame, j'ay jetté les yeux sur M. le Prieur de Mesme, tout reformé, qui a bien estudié, qui parle bien, a tres bonne mine et a des moyens, et qui, a mon advis, tiendra fort bien cette place, et nous en sera obligé et toute la ville de La Roche.

  A019001950 

 Et quant a la commission que Monseigneur le Nonce a pour la visite de la Sainte Mayson, s'il ne l'envoye, tous-jours faudra-il que Son Altesse en soit advertie; car cette Mayson depend tellement des bienfaitz de sadite Altesse, que, sans le concours de son authorité, malaysement pourroit on rien faire effectivement.

  A019001950 

 O mon Dieu, quel bonheur si on peut restablir le service de sa divine Majesté en toutes ces provinces! Mays pour Ripaille et pour la Congregation de Thonon, il n'est pas grand besoin que de l'authorité de Son Altesse; car en l'un il ny a personne, et en l'autre on ne change rien, la Bulle de Clement ordonnant que cette Congregation soit des Prestres de l'Oratoire.

  A019001951 

 J'ay un desir extreme de servir monsieur Pernet, mesme en la mauvaise affaire que son cousin a avec [226] ce soldat; et y ay des-ja mis la main par l'entremise de monsieur de Mesme, qui a fort heureusement gaigné sur ledit soldat quil se contentera de ses despens, la difficulté n'estant plus que sur la quantité, laquelle je voy estre fort grande par la liste que j'en ay tiree, et delaquelle, si je ne puis maintenant, au premier jour je vous envoyeray copie.

  A019001952 

 Certes, j'estimerois madamoyselle de Beaufort l'une des plus heureuses femmes du monde, si ell'estoit mariee avec luy.

  A019001952 

 Mays il ny a moyen de le servir en cela par lettres; car d'un costé, je suis engagé des il y a long tems pour M. de Saint Agné, frere de monsieur de Lucei, et d'autre part je sçai que les lettres n'ont nul pouvoir sur l'esprit de cette damoyselle, qui est si pleine de considerations qu'il faut parler, et de presence l'esclarcir des repliques que son esprit luy fournit.

  A019001952 

 Vous pouves penser de quell'affection j'honnore monsieur de Pezieu, et comme je regarde en verité toute [227] cette mayson la tout ainsy que si j'avois le bien d'estre l'un des freres.

  A019001953 

 J'ay receu le paquet du P. General des Feuillans.

  A019001970 

 Et partant, Monseigneur, je supplieray Vostre Altesse de se resouvenir de l'heureux dessein qu'ell'a d'employer les praebendes de ce prieuré-la pour l'establissement des lectures de theologie et du Novitiat des Peres Barnabites, puisque il est si malaysé [230] de mettre la reforme en un Heu ou il ny a pour encor aucun sujet capable de l'introduire, et tout a fait destitué de bastimens..

  A019002002 

 Item, nostre frere le bon P. D. Juste, duquel j'attens des nouvelles par nos Peres Barnabites au premier jour..

  A019002005 

 Je suis parfaitement joyeux des bons deportemens de mon neveu et des contentemens que monsieur l'Abbé a donné de ses deportemens.

  A019002020 

 L'obedience de Monseigneur de Lyon suffira pour toutes, puisque vous estes sous sa direction et authorité maintenant; car, quant a mon consentement, vous l'aves des-ja.

  A019002023 

 Je ne croy pas qu'on vous [237] y veuille faire des ceremonies; mays si on le veut, vous feres la guerre a l'œil, et l'esprit de conseil vous enseignera ce qui sera requis..

  A019002039 

 Cet aymable esprit que j'ay veu en vous quelques moys durant, tandis que vous esties en cette ville, ma tres chere Fille, ne reviendra il jamais dans vostre cœur? [238] Certes, quand je voy comme il en est sorti, je suis en grandeperplexité, non devostre salut, car j'esperequevous le feres tous-jours, mays de vostre perfection, a laquelle Dieu vous appelle et n'a jamais cessé de vous appeller des vostre jeunesse.

  A019002041 

 On pourra bien, ce me semble, obtenir que vous puissies avoir l'entree en quelque Mayson de la Visitation, pour vous recueillir souvent en cette façon de vie, et que neanmoins vous n'y demeuries pas attachee, ains ayes un logis proche pour vostre retraitte, avec la seule sujetion de quelques exercices de devotion propres a vostre bonne conduitte; car ainsy vous aures la commodité de contenter vostre esprit, qui hait si estrangement la sousmission et liayson a l'obeissance, qui a tant de peine a rencontrer des ames faites a son gré, et qui est si clairvoyant a treuver les a dire et si douillet a les ressentir..

  A019002042 

 Oh! quand je me remetz en memoire le tems heureux auquel je vous voyois, a mon gré, si entierement despouillee de vous mesme, si desireuse des mortifications, [239] si fort affinee a l'abnegation de vous mesme, je ne puis que je n'espere de le revoir encor..

  A019002053 

 Monsieur le premier President voyant que sa jambe ne luy pourra guiere meshuy permettre d'aller aux audiences, avoit fait une pensee de supplier Son Altesse de vouloir donner son office a son filz, M. de la Valbonne, qui l'exerceroit des a present et sans autres gages que ceux quil a, pendant la vie de son pere, apres laquelle il succedast aus gages comm'a l'estat.

  A019002053 

 Or, pour parvenir a cela, il seroit requis d'user de praeparatifz, en quoy vous pouvés obliger l'un et l'autre es occasions; comme seroit de faire naistre des propos parmy lesquelz vous puissies, par ci parla, jetter dans l'esprit de Leurs Altesses et de Madame les conceptions suivantes:.

  A019002054 

 Que M. le premier President est le plus grand jurisconsulte de ce tems, et que c'est dommage quil ne puisse plus si aysement meshuy prononcer les arretz et se treuver a toutes occasions comm'il faysoit; que sa maladie luy donne egalement cette incommodité et presque asseurance de longue vie, puisque elle le decharge des humeurs peccantes; que c'estoit une belle chose, es occurrences, de le voir haranguer et representer le Senat.

  A019002056 

 Je treuve M. le Prieur de Mesme fort a mon gré, propre, bonne mine, bon langage et bon esprit, et des [243] moyens suffisans pour honnorer l'office.

  A019002057 

 Leur desir ne peut nuire, et qui pourroit transporter nostre eglise en la leur, par les moyens et avec les articles convenables, selon qu'on en a parlé ci devant, non seulement je ne verrois point d'inconvenient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien; car, comme Doyen, vous gouverneries l'un des Chapitres; comme Chantre, le chœur de l'un et de l'autre uni, et comm'Evesque, tous deux et tout le clergé de la ville, parmi lequel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne discipline; et vostre canonicat pourroit estre donné a mon neveu.

  A019002058 

 Je suis grandement en peine des parroisses d'Armoy et Draillens pour lesquelles on ne sçauroit avoir un liart, et ceux qui les servoyent, acablés de pauvreté et de dettes dont je suis respondant, se sont retirés par force.

  A019002059 

 Nous avons esté contraint de destiner M me de [245] Monthouz a Moulins pour y estre Superieure, par ce que M. Grandis dit que si elle ne changeoit d'air elle mourroit dans peu de semaines, comm'ell'a pensé faire ces jours passés, et l'office de Maistresse des Novices occupoit trop son esprit, qui se portera mieux des affaires exterieures..

  A019002062 

 Ce sont des tentations parfumees..

  A019002062 

 J'attens de sçavoir des nouvelles de nostre P. General des Feuillens, comm'aussi de nostre monsieur l'Abbé d'Abondance, selon l'advis que vous m'aves donné de son affaire, que je luy ay fidelement envoyé.

  A019002062 

 O mon Dieu, que Monseigneur le Serenissime Prince aura de benedictions si la reformation se fait! Toutes ces bonnes Religieuses sont alarmees de ce que M. l'Abbé de [246] Ceyserieu a dit a son retour qu'on les vouloit regler; les unes veulent prevenir en apparence, mays n'ayant pas des Superieurs reformés, je ne sçai comme elles pourront faire.

  A019002063 

 Nous avons eu icy le P. Alexandre Fichet ces festes de Pentecoste, qui a des grandissimes talens pour precher excellemment, je dis mieux que plusieurs dont on fait si grand estat..

  A019002074 

 Avec un extreme sentiment d'obligation, je vous rens graces du soin que vous aves eü des affaires dont j'avois supplié Monseigneur de Nemours, et en espere bonne issue, si Sa Grandeur en croid son Conseil de deça, car [247] elles sont toutes tres justes et selon Dieu; ains, quant a celle de monsieur de Vallon, il ny a point de difficulté que il ny ayt obligation de conscience a faire reparer le tort qu'on luy a fait tres manifestement.

  A019002075 

 Nous sommes parmi le passage des Espaignolz, pendant lequel monsieur le Marquis de Lans a ordonné qu'on fit garde au chasteau de cette ville, et en avoit donné la charge a monsieur de Monthouz; mais sur les remonstrances que ces messieurs du Conseil ont fait, il a revoqué cette charge et l'a laissee audit Conseil, et nommement a mon frere de Thorens qui, en qualité de chevalier dudit Conseil et officier de Monseigneur, en a presentement la garde.

  A019002077 

 Certes, j'apprehenderois plus cent fois vostre desplaysir que le mien propre, car je suis parfaitement tout dedié a vostre bienveuillance et a celle de madamoyselle ma [248] fille, a laquelle je n'escriray pas pour cette fois, puis que j'ay des-ja trop retenu ce porteur qui devoit partir hier matin si j'eusse peu escrire.

  A019002095 

 Or sus, voyla nostre ame bien partagee, avec un bon [250] partage des dons sacrés du Ciel.

  A019002102 

 Voyla que des avant hier nous sommes dans le choix des filles qu'il faut envoyer en France, ma tres chere Fille.

  A019002103 

 Il y a un peu d'extraordinaire qui doit estre consideré sans empressement, affin qu'il n'y arrive point de surprise ni du costé de la nature, qui se flatte souvent par l'imagination, ni du costé de l'ennemi, qui nous divertit souvent des exercices de la solide vertu pour nous occuper en ces actions specieuses.

  A019002104 

 On peut retirer les Seurs du chœur au rang des Seurs Associees, et les Associees au rang de celles du chœur, quand la rayson le requiert, ainsy qu'il est dit des Seurs Domestiques au premier chapitre des Constitutions..

  A019002106 

 De sçavoir quand, es contratz, il est requis que le Pere spirituel soit present ou non, cela depend de la nature des contratz, car il y en a ou cela est requis, et des autres ou cela n'est pas requis; comme l'Evesque en quelques contratz a besoin de la presence de son Chapitre, en des autres non.

  A019002108 

 J'ay veu des femmes Religieuses, non pas de la Visitation, qui, ayant leu les livres de la Mere Therese, treuvoyent par leur conte qu'elles avoyent tout autant de perfections et d'actions d'esprit comme elle, bien qu'elles en fussent bien esloignees; tant l'amour propre nous trompe..

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002109 

 Cette parole: «Nostre Seigneur souffre en moy telle ou telle chose,» est tout a fait extraordinaire; et bien que Nostre Seigneur ayt dit quelquefois qu'il souffroit en la personne des siens, pour les honnorer, si est ce que nous ne devons parler si avantageusement de nous mesmes; car Nostre Seigneur ne souffre qu'en la personne [253] de ses amis et serviteurs fideles, et de nous vanter ou prescher pour telz, il y a un peu de presomption.

  A019002112 

 Je treuveray bon, sil se peut bonnement, qu'on retranche le manger de seculieres dans la mayson a la reception des filles.

  A019002132 

 Certes, cette celeste providence du Pere celeste traitte avec suavité les enfans de son cœur et, de tems en tems, mesle des douceurs favorables parmy les amertumes fructueuses avec lesquelles il les fait meriter..

  A019002133 

 Je suis marri dequoy je ne caressay pas asses le filz [256] de monsieur d'Argenson, mais la presse des Ordres ne me le peut permettre.

  A019002136 

 de ne point employer a la chasse le tems des festes signalees esquelles on doit servir Dieu, et sur tout prendre garde de ne point laisser pour cet exercice la sainte Messe es jours de commandement.

  A019002136 

 de ne point endommager le prochain, n'estant pas raysonnable que qui que ce soit prenne la recreation au despens d'autruy, et sur tout en foulant le pauvre paisan, des-ja asses martirisé d'ailleurs et duquel nous ne devons mespriser le travail ni la condition.

  A019002150 

 Je croy que parmi la multitude des affaires importantes que Son Altesse peut avoir pour le bien de sa coronne et consolation de ses Estatz, il y en a peu qu'elle doive affectionner plus fortement que celle que je proposay a Vostre Altesse quand j'eu l'honneur d'estre aupres d'elle au chasteau de cette ville, pour le retirement de cette autre ville, par voye douce, paysible et asseuree.

  A019002151 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse, ains, si elle me le permet, je la conjure par sa propre bonté et par son bonheur, de l'oüir promptement et favorablement, et de donner des maintenant un bon commencement a ce saint projet, puis que il ny a rien a perdre, mais tout a gaigner et encor plus a esperer, par la bonne issue que Dieu en donnera a Vostre Altesse, selon les vœux universelz de tous les gens de bien et mes continuelles prieres pour la prosperité de la coronne de Son Altesse et la vostre,.

  A019002196 

 Ma Seur Françoise Marguerite est demeuree Assistante par election et consentement des deux tiers des voix; ma Seur Marie Magdeleine en eut plusieurs, et sans consideration, a mon advis, puis que elle n'est encor point du Monastere, ains seulement de la Congregation, ayant encor demandé terme pour achever ses affaires; ma Seur Marie Andrienne en eut aussi quelques unes.

  A019002198 

 O ma Mere, je crain souverainement la prudence naturelle au discernement des choses de la grace, et si la prudence du serpent n'est detrempee en la simplicité de la colombe du Saint Esprit, ell'est tout a fait veneneuse..

  A019002200 

 Qui promet l'obeissance selon les Constitutions de Sainte Marie, promet l'obeissance et l'observance des vœux a l'Eglise et aux Superieurs de la Congregation ou Monastere.

  A019002200 

 S'ilz voyoyent la Profession des Benedictins, qui est la Profession des plus anciens et peuplés monasteres, ilz auroyent donq bien a discourir, car il ny est fait mention quelcomque ni des Superieurs, ni des vœux de chasteté, pauvreté et obeissance, ains seulement [265] de stabilité au monastere et de la conversion des mœurs selon la Regle de saint Benoist.

  A019002200 

 Vous recevres les Formulaires de la reception des Novices a la Profession et des praetendentes a l'habit; je croy qu'il ny a rien a dire par rayson.

  A019002202 

 M me la Contesse de Fiesque est une des dames que j'honnore le plus en ce monde; et je sens encor avec suavité l'odeur de sa pieté et vertu, que je receu en deux seules fois que je la vis chez le bon monsieur de Monthelon et chez M me de Guise, et m'estimerois grandement favorisé si je pouvois luy rendre quelque digne service.

  A019002205 

 Ma Mere, nous avons eu icy huit jours entiers nostre tres aymable Monseigneur de Belley, qui a fait des [267] merveilleusement devotes exhortations, et mesme le jour de la Visitation; ce m'a esté une consolation extreme de le voir et savourer la veritable bonté de son esprit..

  A019002206 

 Je n'ay point de nouvelles de mon frere de Boysi des il y a 3 semaines; il attend la venue du P. D. Juste qui, peut estre, arrivera aujourdhuy; mais je ne sçai sil amenera la tres bonne fille, la Signora Donna Genevra, que mon frere m'a escrit il y a quelque tems avoir demandé son congé aux Princes pour venir, impatiente de voir que l'on differe tant l'erection du Monastere de Turin.

  A019002220 

 Ce porteur allant pour representer a Vostre Altesse plusieurs moyens et occasions d'amplifier la gloire de Dieu et le bien des sujetz de Son Altesse, a la ruine de l'haeresie, je ne fay nulle difficulté de supplier tres humblement vostre bonté, Monseigneur, de l'ouïr et de gratifier le dessein qu'il a, si elle juge qu'il soit convenable, puisque je sçai qu'elle affectionne grandement toutes les œuvres de pieté comm'est celle ci..

  A019002234 

 Envoyes moy bien de vos nouvelles, ma tres chere Fille, et ne vous mettes point en des pensees pour me faire des exhortations a ne point m'incommoder pour vous respondre; car je vous asseure que je ne m'incommode point, ains je m'accommode grandement quand le loysir me le permet..

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002244 

 Mais si vous eussies tardé davantage, croyes moy, ma tres chere Fille, je ne pouvois plus attendre; non plus que jamais je ne pourray omettre vostre chere personne et toute vostre aymable mayson en l'offrande que je fay journellement a Dieu le Pere, sur l'autel, ou vous tenes, en la commemoration que j'y fay des vivans, un rang tout particulier: aussi m'estes vous toute particulierement chere..

  A019002245 

 Ces petites surprises des passions sont inevitables en cette vie mortelle, car pour cela le grand Apostre crie au Ciel: Helas! pauvre homme que je suis, je sens deux hommes en moy, le viel et le nouveau; deux loix, la loy des sens et la loy de l'esprit; deux operations, de la nature et de la grace.

  A019002249 

 Mais que de joye quand M. Jantet me disoit que mon tres cher petit filleul estoit si gentil, si doux, si beau et quasi des-ja si devot! Je vous asseure en verité, ma tres chere Fille, que je ressens cela avec un amour nompareil, et me resouviens de la grace et douce petite mine avec laquelle il receut, comme avec un respect enfantin, la filiation de Nostre Seigneur entre mes mains.

  A019002249 

 Nous avons eu, ces huit jours passés, nostre bon Monseigneur de Belley, qui m'a favorisé de sa visite et nous a fait des sermons tout a fait excellens.

  A019002275 

 La première: que l'église Saint-Germain est des plus importantes de Paris, étant la paroisse du Louvre, de la cour et de plusieurs milliers de personnes.

  A019002276 

 Enfin, il sera de toutes manières obligé de résigner l'évêché de Belley qui ne compte, dans tout le diocèse, ni autant de prêtres ni autant d'âmes que la seule paroisse de Saint-Germain de Paris (je laisse à part la disproportion de la valeur du Prélat avec cet évêché), puisque je sais que, de son propre mouvement, le Roi a voulu l'avoir pour conseiller d'Etat et que, bien qu'il prêchât tous les jours ce Carême passé, la Reine désira qu'il allât le soir faire des conférences spirituelles devant Sa Majesté; aussi faudra-t-il que dans quelques jours il retourne là-bas.

  A019002276 

 L'autre raison est que Monseigneur de Belley est très dévoué à Dieu et à la sainte Eglise, et qu'il a un grand renom dans la capitale comme l'un des meilleurs prédicateurs de France.

  A019002285 

 Ce m'est tous-jours bien de la consolation, ma tres chere Fille, de sçavoir que vostre cœur ne se depart point de ses resolutions, encor que souvent il se relasche a des immortifications; car j'espere qu'a force de s'humilier parmi les signes de son imperfection, il reparera les defautz qu'elle luy apporte..

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002337 

 Et croy que messieurs nos ecclesiastiques seront bien ayses d'avoir avec eux des confreres qui les [284] assisteront, non seulement a bien faire l'Office, mays a bien former leur Congregation sur le modelle que la Bulle de leur erection propose; car rien ne se passera en toute cette affaire qu'avec toute equité, debonaireté et douceur, sans quil puisse rester aucune occasion de se douloir a personne du monde..

  A019002337 

 Monseigneur le Prince ayant sceu que vostre Bulle fondamentale obligeoit la Congregation des Reverens ecclesiastiques de Nostre Dame a vivre a l'instar de ceux de l'Oratoire, et ne doutant point que cela ne se fit plus heureusement si quelques uns desdits Peres de l'Oratoire, qui sont maintenant establis presque par toute la France, venoyent en ladite Congregation de Nostre Dame pour la dresser et perfectionner selon leur Institut, il me commanda d'en traitter avec ceux de Paris; et despuis peu, j'ay receu nouvel advis de la part de Son Altesse, qu'elle vouloit faire reuscir ce projet, et bientost, avec ordre de tenir la place vacante en attente, affin que plus librement et aysement on la puisse employer pour une si sainte intention.

  A019002352 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que cette difficulté ne m'a point tant fasché que pour le desplaysir que je sçai que vous en aves eu; sur le sujet duquel il faut que je vous die que vous lisies un peu le chapitre De la Patience, de Philothèe, ou vous verres que la piqueure des mouches a miel est plus douloureuse que celle des autres mouches.

  A019002364 

 Ce chevalier part avec tant de presse que je ne puis quasi pas vous escrire, ayant esté forcé d'escrire a Moulins des grandes lettres sur le sujet de la difficulté qu'on y a fait naistre pour la fondation de Nevers.

  A019002365 

 Je prie M. des Hayes de desnouer l'affaire aupres de Monseigneur le Cardinal de Retz.

  A019002379 

 Je ne sçai donq comment on a peu penser que je vous aye addressee a Moulins en consideration des commodités que vous aves, et que ce soit injustice de les divertir ailleurs.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002381 

 Voyla tout ce que je vous puis dire, ma tres chere Fille, demeurant au reste plein d'une sainte satisfaction et, sil est permis de le dire, tout glorieux dequoy on m'asseure si fort que vous faites des merveilles en pieté, et dautant plus que c'est madame la Mareschale de Saint Geran, laquelle est, graces a Dieu, sçavante en ce saint mestier; car je croy que vous ne doutes pas que la tres sincere et invariable dilection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vostre ame, me face aymer, cherir et sentir tres passionnement vostre establissement et progres au saint service de sa divine Majesté.

  A019002399 

 Maintenant, M lle du Tertre m'escrit que l'authorité de monsieur le Mareschal et de madame la Mareschale de Saint Geran la retire de son premier projet, et que des dignes theologiens l'asseurent que sa conscience est en liberté pour demeurer ou ell'est.

  A019002399 

 Reste le desplaysir que, parmi cela, ma bonne Seur Jeanne [293] Charlotte peut recevoir d'avoir donné des paroles a Messieurs de Nevers qu'elle ne peut soustenir, car je croy que rien n'est capable d'affliger un'ame bien nee que cela; mays il ny a remede..

  A019002400 

 Et pour finir et vous dire, Monsieur, ce que j'escris a l'une et a l'autre de ces filles: j'escris a M lle du Tertre, qu'elle face ce que le P. Recteur luy dira pour sa conscience; et a ma Seur de Brechard, qu'ell'endure tout ce qui reuscira de ce conseil, qu'elle reçoive en patience cett'abjection, et qu'elle se resouvienne que les piqueures des avettes sont plus sensibles que celles des mouches, et qu'a cause de leur miel on ne laisse pas de les aymer, encor qu'elles piquent.

  A019002430 

 O que ses cogitations sont bien differentes des nostres, et ses voyes inconneuës a nos sentimens!.

  A019002430 

 Si cette mesme Providence establit une Mayson a Valence, elle vous fera voir de mesme que nous ne sçavons gueres, et que nostre prudence doit demeurer doucement en paix et faire hommage a la divine disposition qui fait tout reüscir au bien des siens.

  A019002434 

 Que si je ne vous ay pas fait voir ces lettres, c'est que je n'y ay pas seulement pensé; comme a la verité, cette multitude et varieté d'affaires m'oste la memoire de la pluspart des choses..

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002462 

 Reposes vous ainsy sur luy, et quand vous feres des fautes ou des defautz, ne vous estonnes point; ains, apres vous estre humiliee devant Dieu, souvenes vous que la vertu de Dieu se manifeste plus glorieusement dans nostre infirmité.

  A019002474 

 Il y a huit ou 9 jours que j'ay eu un peu des incommodités que l'esté a accoustumé de m'apporter; nostre M. Grandis dit que ce n'est rien, et non seulement je le croy fermement, mais je le sens evidemment.

  A019002475 

 Et de plus, si j'eusse sceu plus tost le depart du sire Pierre, j'eusse escrit a cette fille bienaymee que vous aves aupres de vous, fille du jour et de l'oratoire de la Visitation, qui fut si efficacement visitee au jour qu'on celebroit la feste des visites celestes.

  A019002508 

 Comme M. Crosson vint l'autre jour a moy pour se plaindre de son Prieur, aujourdhuy son Prieur vient a moy pour se plaindre de luy, et m'a monstré son visage tout gasté des coups quil dit avoir receu dudit M. Crosson, me priant de vous prier de vouloir aller sur le lieu de l'exces pour informer: ce que je croy estre fort a propos.

  A019002526 

 J'ay receu vostre grande lettre, a laquelle je ne me suis pas hasté de respondre par ce que des-ja j'avois respondu a tout ce qu'elle contient par la lettre que j'escrivis et a vous et a M lle du Tertre, que je mis dans un paquet que j'addressay a monsieur le Mareschal par monsieur des Hayes qui, revenant de Constantinople, alloit en poste au Roy; et je m'asseure que vous l'aures receue..

  A019002527 

 Il me dit que, dans l'interest de Dieu et le mien, je devois me tenir en cette ville, mais neantmoins ayder l'establissement de la Mayson de Nevers, et quil me feroit voir par ses livres que c'estoit avec des tres bonnes raysons quil me disoit que je pouvois transmuer mon dessein.» Sur cela, je luy escrivis, et a vous, qu'elle [307] devroit suivre l'advis de ce Pere, qui ne peut estre que grave personnage, et donner une partie de ses moyens pour Nevers, gardant l'autre pour Moulins, en sorte qu'en faisant l'un elle n'abandonnast pas l'autre..

  A019002528 

 Certes, j'adjouste donq que, tout au fin moins, les dix mille francz employés par ordre de madamoyselle du Tertre, sur sa parole, en suite de son vœu, ne peuvent ni doivent estre retirés, sinon que, comm'il se peut faire, je sois grandement deceu en l'intelligence des docteurs.

  A019002528 

 Mais je m'asseure que le P. Recteur se sera bien fait expliquer tout le fait et aura, par sa prudence, accommodé toutes choses selon le droit; et je m'asseure que M lle du Tertre aura eu de la consolation de voir que, par ses moyens, l'une des Maysons soit fondee et l'autre mieux establie en commodités; et cela ne luy devra nullement oster le tiltre de fondatrice, au contraire, elle le meritera doublement..

  A019002529 

 Et quant a l'obeissance, qui est essentielle, ell'est tous-jours bien douce, ce me semble, quand on est en des monasteres ou les Superieures sont bien conditionnees, principalement aux filles infirmes et qui pour quelque digne sujet sont exceptees..

  A019002548 

 N'attendes nullement de moy une grande lettre, ma tres chere Mere, car j'ay tant escrit que je n'en puis plus, ayant esté contraint de faire de rechef des lettres pour Moulins et Nevers, plus longues beaucoup que l'ordinaire, pour m'esclarcir sur les responses que j'avois faites, car on ne m'avoit pas dit tout et je n'avois pas respondu tout..

  A019002549 

 C'est la verité que le vœu de M lle du Tartre ( sic ) ayant esté fait en faveur de Nevers, et ayant esté non seulement accepté, mays en bonne partie executé jusques a l'employ de dix mille francz fait par ordre et procuration de M lle du Tertre, il ny a nulle apparence qu'elle s'en puisse desdire, au moins quant a la part des-ja employee.

  A019002549 

 Les biens qui se font sans contradiction ne semblent pas estre de la race des biens des anciens Chrestiens.

  A019002552 

 Je donnay un exemplaire du Formulaire de la reception des filles a l'habit et aux vœux, tres bien escrit, a nos Seurs.

  A019002554 

 Ma Mere, si j'allois a Rome, il ne faudroit nullement traitter des Constitutions, car ce seroit tous-jours a refaire; on deputeroit quelqu'un pour les revoir, qui les renverseroit toutes, peut estre.

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Mais neanmoins il a pleu ainsy a Dieu, que qui quitte ces neans et vains amusemens des momens, gaigne en contreschange une gloire d'eternelle felicité, en laquelle cette seule consideration d'avoir voulu aymer Dieu de tout nostre cœur et d'avoir gaigné un seul petit grade d'amour eternel de plus, nous abismera de contentement..

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002629 

 Il faut, d'ailleurs, que les sages prennent patience lorsqu'en de semblables ouvrages [319] on traite avec de moins prudents; car, parlant aux gens du monde, à des courtisans et autres, je me dois aux sages et aux insensés..

  A019002629 

 Une seule chose me donne à réfléchir: c'est que quelques personnages italiens disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals, des amourettes et de semblables amusements et passe-temps, comme aussi celui De l'honnêteté du lit nuptial et la comparaison de la princesse sollicitée, qui se trouve dans le traité des Tentations, conviennent à la légèreté et liberté de la nation française; mais que la retenue et la gravité naturelle des Italiens n'ont pas besoin qu'on parle de tels sujets.

  A019002630 

 J'ai corrigé beaucoup d'endroits où l'imprimeur de Lyon avait fait des fautes, et quelques-uns où les mots français n'avaient pas été bien compris, comme: «austruches,» qui ne signifie par tartaruche (tortues), mais struzzi; «detraquer,» sconcertare; «détraqué,» sconcertato; «goderon,» lattuca; et quelques autres du même genre, peu nombreux et aussi de peu d'importance..

  A019002633 

 Ce n'est pas, certes, faute de sujet; car j'aurais beaucoup à écrire de l'amour du prochain et des choses que j'ai prêchées en trois ou quatre mille sermons faits depuis vingt-huit ans, qui, de l'avis de plusieurs, seraient utiles au bien public.

  A019002648 

 Revu sur l'Autographe conservé à Rome, au Vatican, dans la chapelle des Reliques du Pape..

  A019002653 

 Dans l'incertitude où je suis au sujet d'un nouveau voyage en France, et craignant un départ précipité au moment où j'y penserai le moins, ayant d'autre part cette bonne occasion des Pères Barnabites qui s'en vont là-bas, je renvoie à Votre Paternité l' Introduction traduite par Elle en italien.

  A019002654 

 En certains endroits, l'imprimeur de Lyon s'est trompé, et, par conséquent, a occasionné des erreurs dans la traduction; je les ai corrigées.

  A019002654 

 En d'autres, la force des mots français n'avait pas été bien saisie, et ceux-ci sont en fort petit nombre; je ne me rappelle même pas qu'il y en ait plus de trois ou quatre.

  A019002654 

 Goderon est la fraise qu'on porte autour du cou; et tels autres mots, comme les défenses du sanglier, qui sont les dents qui sortent de sa gueule, lesquelles en français ne s'appellent pas dents, mais seulement défenses; et encore venaison, qui est la graisse et l'embonpoint des cerfs..

  A019002655 

 D'aucuns avouent cependant que, quoique cette retenue [325] règne en plusieurs provinces d'Italie, ailleurs néanmoins on danse et on se livre à ces légèretés,.....aux frontières de l'Allemagne et de la France....................pays des Vénitiens, en Piémont et sur la côte de Nice...............................................................................................................

  A019002655 

 D'autre part, il faut, dit-on, parler très prudemment de ce qui touche la pudeur, afin de ne pas éveiller l'impression des vices contraires.

  A019002655 

 Je dirai simplement à Votre Paternité que j'ai reçu, au sujet de ce livret, des avis très différents par des personnages italiens.

  A019002655 

 Les uns disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals et de semblables passe-temps, et ceux où il est parlé des amourettes et de l'honnêteté du lit nuptial, comme aussi la comparaison de la princesse sollicitée que je fais dans les chapitres sur la tentation ne sont pas à propos pour l'Italie; car la retenue et la prudence naturelle de cette nation ne permettent pas qu'on fasse de telles choses.

  A019002665 

 La pauvre M me de la Croix sera grandement a plaindre sur la nouvelle de la rupture de son mariage, car a mesure qu'ell'a eu de la peine d'aymer son prœtendu serviteur, elle aura de la peine a le des-aymer.

  A019002666 

 Si je sçavois qu'on ne mit pas la main a la reforme generale des Monasteres, selon le projet de Monseigneur le Serenissime Prince, je supplierois Monseigneur le Cardinal de la procurer pour son abbaie d'Aux, ou neantmoins je ne croy pas qu'on la puisse faire de duree sans mutation d'Ordre ou de Congregation.

  A019002689 

 Or, dit Nostre Seigneur, lequel des deux a fait la volonté du pere? Sans doute le premier, ma tres chere Fille..

  A019002690 

 Marchés donq bien ainsy, ma tres chere Fille, l'esprit relevé en Dieu et qui ne regarde que le visage et les yeux de l'Espoux celeste [331] pour faire toutes choses a son gré; et ne doutes point qu'il ne respande sur vous sa tressainte grace pour vous donner des forces esgales au courage qu'il vous a inspiré.

  A019002691 

 Ayes patience d'aller le petit pas, jusques a ce que vous ayes des jambes a courir, ou plustost des aisles a voler.

  A019002692 

 Dieu remplira vostre vaysseau de son baume quand il le verra vuide des parfums de ce monde, et quand vous seres humble, il vous exaltera.

  A019002718 

 Or, il escrit maintenant des choses que les Peres Jesuites de deça et quelques theologiens qui les ont veues [336] jugent devoir estre fort utiles parmi le monde: c'est une besoigne de mesme espece que la Memoire de nostre pauvre Darie.

  A019002719 

 Mays Dieu sçait des choses que nous ne sçavons pas: sil est expedient pour sa gloire, il fera possible ce qui nous semble ne le pouvoir pas estre, et s'il laisse cette fille la, il fera pour elle, la, tout ce que nous pourrions desirer.

  A019002720 

 Je ne sçaurois escrire a M me la Marquise de Meneley, qui m'a escrit si cordialement, ni a madame la Generale des Galleres, que j'honnore si parfaitement: faites [337] bien mes honneurs, sil se peut.

  A019002762 

 Quand nous sommes incommodés de cors et de santé, il ne nous faut exiger de nostre esprit que les actes de sousmission et d'acceptation du travail, et des saintes unions de nostre volonté au bon playsir de Dieu qui se forment en la cime de l'ame; et quant aux actions exterieures, il les faut ordonner et faire au mieux que nous pouvons, et nous contenter de les [340] faire encor que ce soit a contrecœur, languidement et pesamment.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002775 

 J'ay receu vos deux lettres avec un contentement, a la verité, tout particulier, d'avoir veu en icelles des marques evidentes que l'affection que Dieu avoit mise en [342] vostre cœur pour moy, il y a dix huit ans, estoit non seulement toute vive, mais avoit pris de saintz accroissemens avec celle que vous aves pour la divine Bonté, que l'excellente profession que vous faites a rendue, je m'asseure, tres grande..

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002777 

 J'ay eu le bien de les avoir tous reveus a ce dernier voyage que j'ay fait en France, et le contentement d'avoir reconneu en [343] leurs ames des grandes marques du soin que le Saint Esprit a d'eux..

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002799 

 Cependant, Révérend Seigneur, le droit canon et le décret du Concile de Trente ont eu grand soin de défendre que personne puisse publier des Indulgences, surtout celles qui sont jointes à la quête des aumônes, s'il ne produit sans faillir la preuve qu'il en a obtenu la concession.

  A019002799 

 Mais quand on est venu au fait et qu'on a demandé au porteur de la lettre de fournir une pièce authentique qui le constituât votre chargé d'affaires, une Bulle ou un Bref, ou une copie de la concession des Indulgences, il a répondu qu'il n'en avait pas.

  A019002799 

 Nous avons reçu de la part de Votre Seigneurie la lettre où vous demandez qu'il soit permis à votre procureur de recueillir des [345] aumônes dans notre diocèse, de publier des Indulgences et d'enrôler des catholiques de l'un et de l'autre sexe dans la confrérie de votre Maison.

  A019002799 

 [346] La prudence même, confirmée par de nombreuses expériences, nous apprend à ne pas ajouter foi au premier venu, quand il se dit chargé de recueillir des aumônes au nom des établissements de piété, et de ne pas lui accorder ce qu'il demande.

  A019002800 

 Aussi, jusqu'à ce qu'il nous conste des pouvoirs du porteur de la lettre et de la concession des Indulgences, nous avons fait surseoir à la quête des aumônes et à la publication des Indulgences, sincèrement disposé toutefois à nous rendre à vos désirs et à nous intéresser à votre Maison, aussitôt que les lois canoniques nous le permettront.

  A019002810 

 Je voy des gens de qualité qui penchent grandement et jugent qu'il faudra que les Monasteres soyent sous l'authorité des Ordinaires, a la vielle mode restablie presque par toute l'Italie, ou sous l'authorité des Religieux, selon l'usage introduit des il y a quatre ou cinq cens ans, observé presque en toute la France..

  A019002811 

 Pour moy, ma tres chere Mere, je vous confesse franchement que je ne puis me ranger pour le present a l'opinion de ceux qui veulent que les Monasteres des filles soyent sousmis aux Religieux, et sur tout de mesme Ordre, suivant en cela l'instinct du Saint Siege, qui, ou il peut bonnement le faire, empesche cette sousmission.

  A019002812 

 De plus, il me semble qu'il n'y a non plus d'inconvenient que le Pape exempte les filles d'un Institut de la jurisdiction des Religieux du mesme Institut, qu'il y en a eu a exempter les Monasteres de la jurisdiction ordinaire qui avoit une si excellente origine et une si longue possession..

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002822 

 Je me resouviens, ma tres chere Fille, que vous m'escrivistes une fois que messieurs les confesseurs de ce païs-la vous renvoyoyent les femmes, affin de les faire esclaircir, par vostre entremise, des difficultés et scrupules qu'elles avoyent es choses secrettes de leur vocation.

  A019002832 

 Le sieur de Saunaz, Prieur de Chindrieu en Chautaigne, desire sans fin de consacrer sa personne et son prieuré au service de Dieu et des ames sous l'Institut des Peres de l'Oratoire; et parce que son prieuré est proche de Rumilly, il a jetté ses yeux sur ce lieu-la, duquel la cure estant asses bonne, icelle, jointe au prieuré avec quelques autres petitz benefices, pourroit suffire a l'entretenement de dix ou douze bons ecclesiastiques dudit Oratoire qui auroyent un grand employ en cette ville-la et en tout le voysinage.

  A019002833 

 Et de tout cela, je l'en supplie tres humblement, comm'aussi de commander que les pauvres cures d'Armoy et de Draillens soyent assistees de l'argent que tant de foys Vostre Altesse leur a ordonné; n'estant pas en nostre pouvoir, ni par prieres, ni par sousmissions, ni par [351] importunité d'en rien avoir, des cinq ou six ans en ça, sinon 50 escus, sans plus.

  A019002847 

 J'attens M. Michel, et par luy bien des nouvelles de nos Seurs.

  A019002849 

 Helas, je n'ay encor veu que la fine moindre partie des lettres que [353] M. Michel m'a apportees; j'escriray par tout ou vous voudres..

  A019002907 

 Vous ires aussi le jour des Mortz en Purgatoire, et verres ces ames pleines d'esperance qui vous exhorteront de profiter le plus que vous pourres en la pieté, affin qu'a vostre depart vous soyes moins retardee d'aller au Ciel..

  A019002915 

 C'est cela que dit la Mere Therese; car se plaindre, ce n'est pas dire son mal, mais le dire avec des lamentations, doleances et tesmoignages de beaucoup d'affliction.

  A019002915 

 Il est vray, sans doute, l'humilité, la patience, l'amour de Celuy qui nous donne la croix, requierent que nous la recevions sans en faire des plaintes; mais voyes vous, ma tres chere Fille, il y a difference entre dire son mal et s'en plaindre.

  A019002927 

 Consoles en maintenant vostre cœur dans ce petit ombrage de trouble, et au lieu de disputer sur les choses que l'ennemy vous suggere, rendes graces a Dieu de ce que, des l'aage de neuf a dix ans, il vous a donné le desir de mourir pour la foy de la sainte Eglise.

  A019002973 

 Ce m'a esté une grande satisfaction de vous sçavoir aupres de ma Seur Paule Hieronime, ou vous estes cooperatrice en l'establissement de cette nouvelle Mayson [368] de Nevers; car, des que j'eu le contentement de vous voir a Moulins, j'ay tous-jours pensé que Dieu vous employeroit a son service fort utilement..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 De sorte, Messieurs, que la cure estant hors des mains du sieur Curé et se treuvant es miennes pour laditte union, a laquelle le sieur Prieur a consenti par authorité mesme de ses Superieurs, je vous supplie tres humblement de tenir ledit sieur Curé exempt de faire cette reconnoissance que le cors des Altariens fera, en la façon convenue, soudain que l'union sera achevee..

  A019003042 

 Vous pouvés, avec la permission de Monseigneur [374] l'Evesque, recevoir la petite fille qui est d'un naturel si bien conditionné, selon que vous me dites, que l'on doit esperer qu'il n'en arrivera point d'inquietude a la Religion; mais, ma tres chere Fille, il faut tout a fait eviter de recevoir des autres filles avant l'aage, car Dieu n'a pas esleu vostre Institut pour l'education des petites filles, ains pour la perfection des femmes et filles qui, en aage de pouvoir discerner ce qu'elles font, y sont appellees.

  A019003043 

 Et ne s'ensuit pas que ce qui s'est fait pour cette fois [375] il le faille faire pour des autres, non plus qu'il ne s'ensuit pas qu'un homme s'estant chargé d'une juste charge pour un amy, il doive se surcharger d'une seconde charge pour un autre amy; et ceux qui le seront aussi de vostre Institut auront patience jusques a ce que les enfans soyent d'aage convenable.

  A019003043 

 O ma tres chere Fille, que les cogitations des hommes sont inegales! Que de gens crient quand on reçoit leurs enfans grans, meurs et rassis, et que de gens les voudroyent donner des le berceau!.

  A019003045 

 Pour la fondation de Roan, il en faut escrire a nostre Mere, puisque Roan est au dela de Paris, et que d'envoyer des filles d'icy-la il auroit bien de la peine..

  A019003048 

 Il ny a nul mal de demander aux Novices comm'elles se portent; mais quand elles marquent des maux de nulle consequence, il ne faut pas les attendrir, ains simplement leur dire: Vous seres bien tost guerie, Dieu aydant; puisque, a la verité, le sexe est merveilleusement enclin a se plaindre ou a desirer d'estre plaint, et c'est la verité que ces tendretés prennent leur source de paresse et amour propre.

  A019003048 

 O mon Dieu, que saint Bernard dit une chose estrange et remarquable des Religieux malades; mais je la vous-diray un jour.

  A019003049 

 Ma chere Fille, il ne faut pas que vous autres qui fondes des Maysons, facies ces pensees, si vous reviendres ou non, avant quil en soit tems.

  A019003050 

 Serves vous a ce commencement des Seurs domestiques de dehors, et ce pendant, elles demeureront en leur habit modestement seculier.

  A019003052 

 L'esprit humain fait tant de destours sans que nous y pensions, que il ne se peut quil ne face des mines; celuy pourtant qui en fait le moins est le meilleur.

  A019003056 

 J'en dis de mesme des autres Seurs, ausquelles il faut pourtant bien donner des remedes contre la vanité, delaquelle toutefois il ny a pas grand sujet d'estre peint sur de la toile, puisque il ny en doit point avoir d'estre peint en nostre propre personne a l'image de Dieu..

  A019003057 

 Il faut, a la verité, bien reverer l'Evesque, establi superieur en l'Eglise par le Sacrement de son Ordre, c'est a dire par le Saint Esprit, comme dit saint Paul, et par la Regle propre et par la Constitution; et Dieu benira vostre obeissance, qui est l'obeissance des Religieux anciens..

  A019003059 

 La filosophie des bains de cette bonne fille est gratieuse; en somme, il ny a rien qu'un esprit foible ne glose; on ne peut remedier a telles nyayseries qu'avec la patience d'inculquer la verité..

  A019003060 

 En somme, ce sont des choses que le Saint Esprit, le conseil et l'œil vous feront discerner..

  A019003060 

 Pour ces filles indisposees a estre de la Congregation, il faudra suivre le conseil des sages et spirituelz, apres un peu d'essay de correction.

  A019003062 

 Vostre sentiment est le mien: il ne faut pas recevoir les riches au choeur par ce qu'elles sont riches, mais par ce qu'elles ont le talent d'y servir; et si elles ne l'ont pas: qu'elles soyent des Associees si elles sont foibles, ou vielles, ou maladives; si elles sont fortes, qu'on les puisse employer au service de la Mayson, ou du moins a cooperer aux Domestiques si quelque consideration les fait mettre parmi les Associees, comme seroit leur delicatesse, ou la bonté de leur esprit qui les rendra habiles a servir de Superieure ou aux autres offices, hors celuy d'Assistente.

  A019003067 

 N'entreprenes que doucement, selon la petitesse des moyens que vous verres vous pouvoir arriver; et pour les choses necessaires Dieu ne vous abandonnera point..

  A019003092 

 Et cependant, apres avoir crié qu'il ne failloit pas que le supreme Pasteur, officier en l'Eglise, entreprist de delivrer les sujetz de l'obeissance du supreme Prince de la Republique, pour aucun mal qu'il fist: luy mesme, pour des abus pretendus, se va rendre rebelle a ce supreme Pasteur, ou, pour parler selon son langage, a tous les Pasteurs de l'Eglise en laquelle il a esté baptizé et nourri! Luy qui ne treuvoit pas asses de clarté, disoit il, es passages de l'Escriture, pour l'authorité de saint Pierre sur le reste des Chrestiens, comme s'est il allé ranger sous l'authorité ecclesiastique d'un Roy duquel l'Escriture n'a jamais authorisé la puissance que pour les choses civiles? S'il treuvoit que le Pape excedoit les bornes de son pouvoir, entreprenant quelque chose sur le temporel des Princes, comme ne treuve-il pas que le Roy sous lequel il est allé vivre excede les limites de son authorité, entreprenant sur le spirituel?.

  A019003095 

 J'ay une inclination particuliere a cette grande Isle et a son Roy, et en recommande incessamment la conversion a la divine Majesté, mais avec confiance que je seray exaucé, avec tant d'ames qui souspirent pour cet effect; et des-ormais, encor prieray je plus ardemment, ce me semble, pour la consideration de cette ame-la.

  A019003110 

 Toutes les nouvelles que vous me donnes sont bonnes; Dieu nous face jouir des effectz entiers de tant de bonnes volontés qu'il inspire a nostre bon Prince..

  A019003111 

 O que l'establissement des Peres de l'Oratoire reuscira heureusement a Thonon et a Rumilly, et comme Dieu [384] le favorisera! car voyla M. le Prieur dudit lieu qui, ce soir, m'est venu dire qu'en le recompensant, il donnera son prieuré pour les intentions de Son Altesse.

  A019003113 

 Au reste, en fin M. du Chatelard est Doyen, avec mille contradictions et avec autant de promesses d'y faire des merveilles, et a moy de faire tout ce que je luy conseilleray..

  A019003114 

 Madame de la Flechere de Fossigni m'a aussi prié de vous recommander son filz, auquel elle dit que vous aves des-ja fait bien des [385] faveurs.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003145 

 En Italie, on a conneu manifestement que les Monasteres de filles n'estoyent nullement si bien sous la conduitte des Peres de leur Ordre que sous les prestres et autres Ordinaires; le pourquoy est long a dire, mays il est manifeste..

  A019003149 

 Prieure des Carmelites.

  A019003159 

 O que ces pierres qui semblent si dures sont pretieuses! Tous les palais de la Hierusalem celeste, si brillans, si beaux, si aymables, sont faitz de [390] ces materiaux, au moins au quartier des hommes; car en celuy des Anges les bastimens sont d'autre sorte, mais aussi ne sont ilz pas si excellens.

  A019003160 

 Ma chere Fille, si vous ne faites pas des grandes oraysons parmi vos infirmités et celles de monsieur vostre mary, faites que vostre infirmité soit une orayson elle mesme, en l'offrant a Celuy qui a tant aymé nos infirmités, qu' au jour de ses noces et de la res-jouissance de son cœur, comme dit l'Amante sacree, il s'en couronna et glorifia: faites ainsy..

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003187 

 Tenés aujourd'huy,........pour toutes asseurances de la triomphante sortie de M. Bonfilz, qui est a mesme tems establi General des Finances, avec un si extreme credit que nul ne pourra plus vivre que par sa bonne grace.

  A019003209 

 Car, de vous dire des nouvelles, ce seroit hors de propos, puisque le porteur en sçait bien plus que moy, qui, presque aussi solitaire qu'un hermite et plus esloigné des affaires du monde que plusieurs hermites, ne sçai rien de tout cela que ce qu'on ne peut ignorer.

  A019003224 

 Puisque vous aves treuvé bon, par l'advis mesme de monsieur l'Aumosnier vostre frere, que la charité que vous avies destinee pour le bien spirituel de Belley soit employee pour l'establissement des RR. PP. Capucins en ce lieu-la, qui feront les offices que vous desiries y introduire, il ne restera sinon qu'en suite il vous playse d'ordonner a monsieur de Courtines qui a l'argent, de le delivrer ainsy que les Peres qui sont la luy marqueront.

  A019003238 

 Il est vray encor, avec tout cela, Monseigneur, que la mauvayse intelligence des membres de cette [399] Mayson et la mauvaise conduite de ses affaires l'apauvrit de plus en plus..

  A019003239 

 Et puis, Monseigneur, si le projet de la reformation des Monasteres et du clergé reuscit, on trouvera bien encor des bons et gracieux moyens d'accommoder pour le reste..

  A019003239 

 Monseigneur, si Vostre Altesse fait reuscir le projet d'establir-la des vrays prestres de l'Oratoire, en lieu de ceux qui y sont, on sauvera de ce costé la 300 ducatons; car faysans une vie tout a fait commune, il ne faudra aucun gage comm'il en faut aux autres, layssant a part le lustre et le proffit spirituel qu'ilz apporteront.

  A019003240 

 Mays tandis que tous ces biens s'acheminent sous les auspices et par le soin de Vostre Altesse Serenissime, je croy qu'il sera requis que, pour le present, elle face recevoir l'argent des assignations a ce porteur, le sieur Gilette, affin qu'il en secoure les necessités pressantes de laditte Sainte Mayson.

  A019003255 

 J'ay accommodé les Constitutions le plus que j'ay sceu, au gré du tres bon P. Binet et au vostre, et ne voy pas que pour des Constitutions on y puisse guiere plus rien adjouster.

  A019003255 

 Reste a voir comme on pourra tenir toutes les Maysons jointes; et certes, je ne sçai pour le present aucun moyen qui ne trayne quant et soy des grandes repugnances.

  A019003257 

 Par la premiere occasion, je vous supplie, un peu des nouvelles de madame la Generale des Galeres, de M lle de Frouville et de madame de Villesavin, et de M lle de Montigni, si ell'est tous-jours malade ou non..

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003274 

 Je ne sçai pourquoy, deux garçons de 20 ou 22 ans vindrent faire un'asses deshonneste insolence ceans, avec des huees et urlemens asses grans: l'un avoit esté laquay de Chappe l'aisné; l'autre estoit palefrenier de monsieur le Baron de Tornon.

  A019003274 

 Le jour suivant, monsieur le Baron de Tornon treuva le secretaire de monsieur le President et, luy sautant dessus, luy donna des coups de baston en luy disant: Tien, porte cela a ton maistre.

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003275 

 Seulement suys-je marri de ces deux gentishommes, qui prennent des habitudes si contraires a la courtoysie et generosité a laquelle leur naissance les obligent ( sic ) envers la justice et tout le monde; et je ne doute point que monsieur le Marquis ne les convie a faire quelque sorte de tesmoignage a monsieur le President, de des-playsir de l'avoir ainsy traitté..

  A019003281 

 Jour des Innocens..

  A019003318 

 Je connois l'esprit de madame l'Abbesse, elle ne fera pas la moytié des choses que sa repugnance de maintenant luy suggere.

  A019003319 

 Faites belle moysson pendant qu'il en est la sayson, recueilles bien les benedictions des contradictions; vous proffiteres plus ainsy dans un jour, que vous ne feries en dix d'une autre sayson..

  A019003337 

 Je vous prie d'achetter tout ce qui sera requis pour les tableaux que les Reverens Peres Capucins me font la faveur de faire faire par l'un des leurs, pour l'eglise de Viu et de Thorens..

  A019003364 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales..

  A019003387 

 Ce que Nous fîmes d'autant plus volontiers que, outre la particulière inclination et dévotion que ce jeune homme montre d'avoir à cet habit de Saint-Benoit, Nous sommes convié d'en prendre quelque soin en mémoire des services du père qui a délaissé plusieurs autres enfants sans commodités ni moyens de s'élever aux vertus..

  A019003387 

 Nous accordâmes, il y a quelque temps, à Claude du Noyer, le père duquel mourut au siège de Verceil, après Nous avoir longuement servi parmi ces guerres dernières, une prébende des trois qui étaient vacantes au prieuré de Contamine.

  A019003423 

 Monseigneur le Reverendissime a esté grandement affligé du malheur des Cordeliers; il faut advertir nos gentz que l'on soit fort sur sa garde et que l'on se mesle le moins que l'on pourra..

  A019003456 

 Mais parce que J'ay donné charge a l'Abbé Scaglia de vous en faire de tres particulieres instances de ma part, Je vous prieray d'adjouster creance a ce qu'il vous dira, desirant recevoir sur ce sujet des effetz de la continuation de vostre bonne volonté, dont Je vous prie de tout mon cœur..

  A019003563 

 Celle-ci, de l'avis des Fondateurs, l'agréa, et bientôt les deux sœurs venaient commencer auprès d'elle leur noviciat..

  A019003563 

 Et il expose le projet d'une fondation de la Visitation à Nevers même; les dots des demoiselles Bonsidat en feraient les premières avances, et, pour lui, il se chargeait d'obtenir les permissions nécessaires de l'Evêque, M gr Eustache de Saint-Phal, et de Charles de Gonzague-Clèves, suzerain du Nivernais.

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003565 

 De son côté, la prétendante réclamait des exemptions et privilèges qu'il était difficile de spécifier «par le menu,» comme elle le voulait.

  A019003565 

 Grâce à l'inlassable charité des deux Saints, on finit par s'entendre: en juin, les pièces furent signées à Paris et à Moulins..

  A019003565 

 M me du Tertre ne songeait qu'à se préparer à revêtir l'habit de la Visitation; ses parents, enchantés de sa résolution d'être Religieuse, lui faisaient pour le temporel «un bon parti,» non toutefois sans trainer en longueur les préliminaires du contrat, sans «faire des grandes assemblées de parents et de grands mystères,» qui ne plaisaient pas trop à la Mère de Chantal.

  A019003566 

 M. Bonsidat, avec les dix mille livres de M me du Tertre, et trois mille avancées par le Monastère de Moulins, achetait, au mois de juin, des maisons et jardins, faisait faire les répations nécessaires pour recevoir les Religieuses..

  A019003567 

 L'estime universelle vouée à la première, la convoitise des biens de la seconde qu'on voulait conserver à la Maison de Moulins, excitaient ces troubles et provoquaient ces démarches..

  A019003568 

 François de Sales, si éloigné des considérations humaines et des questions d'intérêt, ne comprenait pas bien qu'on pût «attribuer a injustice la sortie d'une personne d'un lieu ou elle n'estoit pas obligee de demeurer, ni la translation d'un'autre, pourveu qu'elle laissat en sa place une personne qui luy succedat avec suffisante capacité d'exercer sa charge.» Il envoya, en juillet, la Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux pour remplacer à Moulins la Mère de Bréchard, avec la Sœur Françoise-Jacqueline de Musy pour compagne.

  A019003570 

 J'en serais consolée si tout se fût passé paisiblement; car, quel intérêt en tout cela?... L'une des Maisons nous est chère comme l'autre, et nous ne demandons, sur toutes choses, que la paix pour vivre tranquillement en nos petites observances.

  A019003570 

 «Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires,» continuait la Mère de Chantal, «ils nous font bien souffrir!» S'adressant à M me du Tertre elle-même: «Eh bien!» écrit-elle, «vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins.

  A019003571 

 Elle pousse à la roue et travaille si bien pour arriver à ses fins, qu'une seconde fois la condescendance des saints Fondateurs surnage au-dessus de toutes les difficultés; l'échange des obédiences est autorisé, mais l'Evêque de Genève demande cependant pour la Mère de Bréchard un séjour «d'un mois ou deux» à Nevers, afin d'aider à l'installation.

  A019003571 

 Elles arrivèrent le soir du 22 juillet; le lendemain, l'Evêque fit la cérémonie de l'établissement et donna l'habit à une des filles de M. Bonsidat et à une nièce de M. de Lange; le P. Lallemant prêcha..

  A019003571 

 Il avait fallu précipiter les événements; sur le conseil du R. P. Foissey, Recteur des Jésuites, et du Supérieur du Monastère de Moulins, la Mère Paule-Jéronyme était partie secrètement pour Nevers, avec les Sœurs Marie-Hélène de Chastellux, Françoise-Jacqueline de Musy, Marie-Péronne de Gerbais, Marie-Marthe Bachelier et Jeanne-Elisabeth Brugerat.

  A019003571 

 La solution indiquée par la Sainte était conforme, pour le partage des biens, à celle que donna quelques jours plus tard François de Sales: que M me du Tertre demeure à Moulins avec ses vingt mille francs, et que les dix mille autres, déjà employés, appartiennent à la Maison de Nevers.

  A019003572 

 La première, blâmée par ceux de Nevers comme leur ayant manqué de parole, se voyait à Moulins en butte aux calomnies: on lui attribuait faussement «le dessein premier de M me du Tertre;» on l'accusait d'avoir eu «de grandes passions pour aller à Nevers» et de s'être montrée «trop inflexible et sensible sur la rupture de ce dessein;» des esprits «plus curieux que charitables» allaient plus loin, et semaient contre la vénérable Mère les bruits les plus injustes..

  A019003575 

 Ceux de Nevers, l'Evêque en tête, invoquant la promesse authentique de M me du Tertre, demandaient le total des dix mille écus.

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.

  A019003576 

 La Maison de Nevers paya même à celle de Moulins la rente des mille écus qui lui avaient été par elle avancés, jusqu'à ce qu'elle pût rembourser le capital.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
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  A020000014 

 MDCCXLV. A la Sœur Chaillot Supérieure des Ursulines de Besançon.

  A020000016 

 MDCCXLVII. A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites.

  A020000017 

 MDCCXLVIII. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins (Inédite).

  A020000021 

 Affection réciproque de l'Evêque de Genève et du confesseur des Clarisses.

  A020000024 

 Un Père qui réclame des nouvelles de sa chère Fille. 26.

  A020000031 

 Trois causes de la diminution des lettres de François de Sales à sa fille spirituelle.

  A020000031 

 — Job au milieu des reproches de ses amis.

  A020000035 

 MDCCLXVI. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins.

  A020000037 

 — Souvenir des bonnes résolutions prises autrefois.

  A020000038 

 L'éducation des petites filles incompatible avec la manière de vie des Religieuses de la Visitation.

  A020000043 

 Actions de grâces pour des témoignages de bienveillance.

  A020000043 

 — Il lui en propose une nouvelle: l'établissement des Pères Capucins à Sion. 41.

  A020000044 

 Dona Ginevra, bienfaitrice des Barnabites.

  A020000046 

 — « L'amas des fourmis.

  A020000056 

 MDCCLXXXVII. A Madame des Gouffiers.

  A020000056 

 Sur quoi l'on juge souvent des affections.

  A020000056 

 — Conseillers sûrs et prudents pour M me des Gouffiers.

  A020000059 

 — La « separation des sejours » souvent nécessaire à l'union des cœurs.

  A020000062 

 — Liste des abbayes du diocèse de Genève et de leurs titulaires. 62.

  A020000065 

 Sur la demande des consuls, l'Evêque de Genève condescend à laisser encore à Montferrand la Mère Favre, mais sans vouloir s'engager pour toujours. 66.

  A020000066 

 Des visiteuses qui porteront au monastère de Valence « unguens et parfums de devotion.

  A020000067 

 — Il s'occupe des livres réguliers de son Institut. 67.

  A020000075 

 — Mesure à prendre pour l'établissement des Chartreux à Ripaille.

  A020000078 

 — Ce qu'il y a de naturel dans l'érection des Maisons religieuses; ce qui doit être surnaturel.

  A020000078 

 — Le Maître et la Dame des Monastères de la Visitation. 77.

  A020000081 

 — Pourquoi « il faut tenir bon dans l'enclos » des Règles.

  A020000083 

 Démarche paternelle du Saint auprès d'une personne froissée des avis reçus.

  A020000083 

 MDCCCXIII. A Madame des Gouffiers.

  A020000084 

 — La fonction des tourières: sa noblesse et son importance. 83.

  A020000085 

 — Le Saint-Esprit, lien des âmes. 84.

  A020000088 

 — « Passeport » et « excuse » de l'excès dans la tendresse des mères.

  A020000089 

 — Il faut souffrir les lenteurs des officiers de la Cour de Rome, puisqu'on s'est inopportunément mis à leur merci.

  A020000089 

 — Tristesse de François de Sales au sujet de M me des Gouffiers. 88.

  A020000091 

 — Plan des monastères. 91.

  A020000093 

 — Grand avantage des afflictions. 93.

  A020000095 

 — Supplique pour l'établissement des Pères de l'Oratoire à Rumilly, et la réforme de quelques Monastères. 94.

  A020000096 

 Respect des Religieuses de la Visitation pour leurs curés.

  A020000096 

 — La charitable réception des infirmes ne restera pas sans récompense. 95.

  A020000100 

 — Lenteur des meilleurs arbres à produire leurs fruits.

  A020000104 

 — Délicatesse et prudence du saint Evêque au sujet d'un avis contraire au sien pour la fréquence des Communions. 103.

  A020000105 

 Mémoires envoyés et à envoyer pour l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 104.

  A020000114 

 La règle des désirs.

  A020000114 

 — Joie de l'Evêque d'avoir des nouvelles de Grenoble.

  A020000117 

 — En quel cas on peut permettre l'entrée des personnes affligées dans les couvents.

  A020000122 

 — Des cœurs que le départ de la Mère Favre affligera. 120.

  A020000124 

 La Supérieure de la Visitation de Valence hors de danger; vertu des Sœurs.

  A020000126 

 — Envoi d'une pièce concernant l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 125.

  A020000127 

 Despeches requis de la part de Son Altesse Serenissime pour l'introduction des peres de l'oratoire en la ville et Eglise de Rumilly.

  A020000128 

 — Avantages qui résulteraient pour la gloire de Dieu et le service de Son Altesse de l'introduction des Pères de l'Oratoire. 126.

  A020000131 

 Compassion pour des afflictions multipliées.

  A020000133 

 MDCCCLXII. A Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux.

  A020000134 

 » — Regrets sur la mort de M me des Gouffiers.

  A020000138 

 Danger de suivre la prudence humaine pour la réception des sujets à la Visitation.

  A020000140 

 — Comment il faudrait traiter les choses pieuses et saintes pour détourner habilement les âmes de la lecture des romans.

  A020000141 

 Le prix des tribulations.

  A020000141 

 — Bonheur des âmes que Dieu appelle à son service. 137.

  A020000143 

 — La première leçon des maîtres. 140.

  A020000153 

 — Condition nécessaire pour la guérison des corps et des cœurs.

  A020000153 

 — Où se retirer à l'abri des maux de la terre.

  A020000156 

 Remerciements pour des faveurs passées; prière de les continuer aux Sœurs de la Visitation de Paris.

  A020000156 

 — L'exemple du Sauveur, ami des petits et des enfants. 151.

  A020000159 

 Insuffisance des commissions verbales.

  A020000162 

 — Quel est le « passeport des filles de Jesus Christ.

  A020000163 

 — Des âmes qui n'eussent pas été bonnes pour le mystère de la Purification.

  A020000164 

 Inconvénient du retard des dépêches relatives à la cure de Rumilly.

  A020000164 

 — Triste état des bâtiments de la Sainte-Maison de Thonon. 160.

  A020000169 

 — Le Saint va travailler de nouveau à l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 164.

  A020000172 

 — Les privilèges des fondatrices de Monastères devant Dieu et devant les hommes.

  A020000175 

 — Avis prudent et sage pour des visites au parloir.

  A020000175 

 — C'est la suite et la persévérance qui témoignent de la bonté des dispositions.

  A020000178 

 — Planter des figuiers si l'on veut des figues, et des oliviers si l'on veut des olives.

  A020000184 

 Des filles qui « font merveilles ».

  A020000185 

 La protection des convertis, premier but de la Sainte-Maison de Thonon.

  A020000188 

 Le Saint s'excuse de ne pouvoir passer à la cour avant de se rendre à Pignerol, au Chapitre général des Feuillants. 180.

  A020000191 

 — Permission pour des Communions plus fréquentes.

  A020000193 

 Le Chapitre des Feuillants.

  A020000195 

 Pourquoi François de Sales trouve que sa présence au milieu des Pères Feuillants était inutile.

  A020000196 

 Compte-rendu du Chapitre général des Pères Feuillants.

  A020000197 

 Union des esprits au Chapitre des Feuillants.

  A020000198 

 — Le gage de la persévérance dans l'union des cœurs et des esprits.

  A020000201 

 — Jugement sur des plaintes maternelles; à laquelle de ces plaintes le Saint a voulu répondre.

  A020000205 

 Grande vertu des Infantes de Savoie.

  A020000210 

 » — Les effets du sens humain.— Ne pas recevoir des bienfaitrices qui exigent trop de conditions.

  A020000212 

 Conduite à tenir envers des personnes qui contredisent et contrarient.

  A020000212 

 — Les Religieuses des différents Ordres se doivent estimer et aimer.

  A020000213 

 — Des bienfaitrices peuvent être admises dans les monastères quand elles n'en veulent sortir que rarement.

  A020000213 

 — Peut-on recevoir à la Visitation des pénitentes? — Quelques fondations en projet.

  A020000217 

 Au mépris des ordres du prince, les prébendes vacantes de Contamine ont été attribuées à des Religieux de Cluny.

  A020000219 

 Raison pour laquelle des lettres sont demeurées sans réponse.

  A020000221 

 MCMXLVIII. Au Père Pierre de Berulle (Inédite).Etat des choses à Rumilly pour l'établissement des Oratoriens.

  A020000225 

 MCMLII. A la Mère Louise de Ballon, Supérieure des Bernardines de Rumilly.

  A020000229 

 Avantage des Filles de la Visitation et danger des Monastères sans clôture. 224.

  A020000230 

 Recommandation pour une affaire pendante devant la Chambre des Comptes. 225.

  A020000251 

 D. Lettre des proviseurs du College de Savoie a Louvain aux administrateurs de celui d'Annecy.

  A020000265 

 Et avec cette occasion, je vous fay une tres humble recommandation des droitz de monsieur de la Tour d'Arrerex, present porteur, le bien et les affaires duquel je dois affectionner pour plusieurs raisons; qui suis de tout mon cœur et seray toute ma vie,.

  A020000316 

 Voici que le P. F. Louis Reydellet, de l'Ordre des Tertiaires de Saint-François, homme de famille distinguée, Religieux jusqu'ici fort considéré dans son Ordre, recourt présentement au Siège Apostolique comme à l'asile de tout l'univers chrétien, et il aura besoin, sans doute, de protecteurs et d'intercesseurs.

  A020000352 

 Le P. Général de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul..

  A020000406 

 Je n'escris jamais moins que quand j'escris beaucoup, ma tres chere Fille; la multitude des lettres en empesche la longueur, au moins a moy.

  A020000418 

 Et je luy ay dit que vous ne devies en sorte quelcomque en estre en peine, car nostre Saint Pere le Pape qui sied a present, par une lettre bien expediee que j'ay, vous donne le pouvoir non seulement d'avoir de telles rentes legitimement constituees, mais aussi d'avoir des fons terriens; et peu s'en falut que, en lieu de le permettre, il ne le commandast expressement, tant il estime la mendicité onereuse es monasteres des filles qui sont situés en ces petitz lieux, bourgades et vilettes: de sorte que [13] vous deves demeurer en paix de ce costé la, ma tres chere Seur ma Fille, et moy je suis et demeureray de tout mon cœur,.

  A020000434 

 Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes.

  A020000447 

 En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee; mais, quel remede? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires: n'est ce pas, mon tres cher Frere?.

  A020000468 

 Je vous remercie tres humblement de vostre douce congratulation sur la venue de mon frere Monsieur de [17] Calcedoine, laquelle a la verité m'a bien apporté de la consolation, non seulement pour l'avoir veu Evesque tout consacré et desireux de bien servir Dieu et son Eglise, mais aussi pour avoir remarqué en luy des bons talens propres a bien reuscir en cette charge.

  A020000469 

 Or, ainsy que je vous escrivois ceci, j'ay receu vostre lettre et vostre paquet du 30 de janvier, avec la nouvelle de l'inopiné depart de Monseigneur le Prince Cardinal pour Rome, ou, si tost que je sceu des hier la mort du Pape, je m'imaginay qu'il accourroit pour la nouvelle election d'un autre Pape, a laquelle il pourra beaucoup plus contribuer y arrivant de bonn'heure qu'y allant plus tard.

  A020000514 

 Tandis que de jour a autre je m'attendois de partir pour Paris, j'ay sursis d'escrire en France a qui que ce soit; et a vous mesme, ma tres chere Mere, je n'ay escrit que des petitz billetz.

  A020000515 

 Si faut, ma tres chere Mere, il faut redire les Pseaumes qui se seront ditz tandis que vous dormies, et se confesser dequoy vous ne les aves pas reditz; car ce sont des parties notables de l'Office que vous estes obligee de dire, mais non pas sil ny avoit que trois ou quatre versetz..

  A020000538 

 Voyla bien des feux, ma tres chere Fille: la fievre, comme un feu, enflamme vostre cors; le feu, comme une fievre, brusle vostre mayson; mais j'espere que le feu de l'amour celeste occupe tellement vostre cœur, qu'en toutes ces occasions vous dites: Le Seigneur m'a donné ma santé et ma mayson, le Seigneur m'a osté ma santé et ma mayson: ainsy qu'il a pleu au Seigneur il a esté fait; son saint nom soit beni..

  A020000539 

 Il est tout vray, ma tres chere Fille; mais [23] bienheureux sont les pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A020000541 

 Ainsy je l'en supplie de tout mon cœur, et qu'a mesure qu'il vous envoye des tribulations, il vous fortifie a les bien supporter en sa sainte garde..

  A020000550 

 Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement..

  A020000551 

 Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres.

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés: c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus.

  A020000552 

 Aymes le bien, ma chere Seur, en vos retraittes que vous faites pour le prier et adorer; aymes le quand vous le receves en la sainte Communion; aymes le quand vostre cœur sera arrousé de sa sainte consolation; mais aymes le sur tout quand il [25] vous arivera des tracas, des importunités, des secheresses, des tribulations; car ainsy vous a-il aymé en Paradis, mais encor a-il plus tesmoigné d'amour en vostre endroit parmi les fouetz, les clouz, les espines et les tenebres de Calvaire..

  A020000566 

 Mais, Monseigneur, Vostre Altesse l'a remis a monsieur Carron des il y a environ un an, que je l'envovay, ainsy que m'asseure mon frere qui estoit [26] lors en court.

  A020000582 

 Par la lettre que Monseigneur le Serenissime Prince m'a fait despecher, il me commande encor de luy envoyer un Memoyre des concessions qu'il faut obtenir a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique deça les montz.

  A020000583 

 Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A020000592 

 Sur la maladie du plus ancien chanoyne de Nostre Dame de cette ville, Vostre Grandeur sera suppliee de [28] nommer messire Jean Baptiste Gard; et sa vertu, sa pieté, sa suffisance m'obligent a luy desirer cet honneur qu'il a en quelque sorte merité par le service qu'il a des-ja rendu en cette mesme eglise des quelques annees en ça.

  A020000613 

 Provincial des PP. Capucins..

  A020000637 

 L'esperance que j'ay tous-jours eu des une annee en ça d'aller en France, m'a retenu de vous ramentevoir mon inviolable affection a vostre service par lettre, puisque je croyois que quelque heureux rencontre me donneroit le moyen de vous rendre ce devoir en presence.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000650 

 Sera-il point mieux de ne point vous escrire tout a fait, ma tres chere Fille, que de vous escrire si peu, comme [34] l'accablement des honneurs et faveurs que je reçois icy me le peut permettre? Mais, mieux vaut peu que rien tout a fait..

  A020000651 

 Je ne puis croire que Monseigneur l'Evesque N. veuille vous charger de l'education des filles seculieres, quand vous luy aures fait humblement remonstrer que cela detraqueroit grandement vostre Mayson, nullement propre a rendre cet office; car a la verité, l'experience a fait voir a Nessy que vostre façon de vivre est presque incompatible avec cet exercice.

  A020000651 

 Mais si toutefois son esprit se rend grandement ardent a cela, on pourra, a ce commencement, en prendre jusques a trois seulement, et establir une des Seurs sur elles; mais nullement davantage, ni pour l'avenir en faire suite.

  A020000652 

 Cependant, ma tres chere Fille, tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a porter pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté.

  A020000660 

 J'ay fait asses heureusement mon petit voyage, et ay escrit a nostre filz par M. Sappin, qui partit de Lyon pour Avignon il y aura demain trois semaines, et qui me promit de m'en rapporter des nouvelles avant [les] festes..

  A020000661 

 Je n'ay point veu nostre seur des mon retour, n'ayant eu le loysir d'aller a la Visitation que ce matin pour dire la sainte Messe, et avons promis d'y retourner apres disné; mais ces messieurs m'ont retenu pour leurs affaires, de sorte que ce sera demain, Dieu aydant..

  A020000693 

 A Rome, vous parleres avant toutes choses a M. Beybin, et luy communiqueres tous vos Memoires, tant pour les Seurs de la Visitation de Sainte Marie, que pour la Visitation des Sueilz des Apostres et l'acceptation de l'alternative; et suivres en tout son conseil..

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000725 

 En cette occasion du voyage que le R. P. Dominique, Provincial, et le R. P. Philibert, de l'Ordre des [42] Capucins, font en vos contrees de Valey, je me sens obligé de vous remercier du favorable tesmoignage que vous rendites a Romme pour mon frere Monsieur l'Evesque de Calcedoine, qui est a present mon coadjuteur, lequel, s'il estoit icy presentement, vous eut aussi escrit luy mesme..

  A020000727 

 Et voyla une bonne commodité qui se presente de rechef a vostre zele en l'establissement des Peres Capucins a Syon, ou, comme vous sçaves, ilz rendront mille sortes de bons et fideles services spirituelz a tout ce pais-la, [43] et beaucoup plus qu'ilz ne pourroyent faire en aucune contree de la patrie; et croy que mesme cela seroit proffitable au service temporel de Messieurs du païs, pour plusieurs dignes considerations que l'estat des affaires du monde me suggere.

  A020000778 

 Voyla la bonne madame de Canillac, des belles et rares qualités de laquelle vous m'aves la premiere rendu amateur, qui se plaint admirablement de madame de Dalet sa fille, dequoy ayant treuvé un esseim d'abeilles avec leur miel, elle s'amuse trop avec elles et mange trop de ce miel, contre l'enseignement du Sage qui a dit: As tu treuvé du miel, manges en discrettement.

  A020000779 

 Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux.

  A020000780 

 A cela je ne touche point; car il y va bien des considerations pour juger qu'un vœu de chasteté puisse [49] ou doive estre dispensé ou dispensable, puisque il ny a point d'estime comparable a l'ame chaste..

  A020000781 

 Mays elle parle, cette mere, d'autre chose, qui est qu'elle aymeroit mieux que sa fille fut Religieuse tout a fait, puysque en ce cas-la on ne la luy demanderoit plus pour caution, et que l'administration des biens des enfans luy seroit conferee.

  A020000782 

 Saint François ne pouvoit gouster l'amas des fourmis; mais il me semble qu'une fille qui a des moyens ne doit jamais les espargner pour sa mere, je dis mesme pour son repos et juste contentement..

  A020000796 

 Elle met dans sa lettre vos excuses pour les deux premiers partis, car elle dit que vous aves voué a Dieu vostre chasteté, et que vous aves quatre bien petitz enfans, desquelz deux sont des filles; mais pour le troysiesme je ne voy rien dans sa lettre..

  A020000796 

 Elle propose troys partis pour cela: ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse.

  A020000800 

 Vous pouves aussi vous en contenter et suppleer, par des retraittes spirituelles dans vostre mayson, la longueur de celles que vous pourries faire en celle de Sainte Marie..

  A020000801 

 O mon Dieu, ma chere Dame, qu'il faut faire des choses pour les peres et meres, et comme il faut supporter amoureusement l'exces, le zele et l'ardeur, a peu que je die encor l'importunité de leur amour! Ces meres, elles sont admirables tout a fait: elles voudroyent, je pense, porter tous-jours leurs enfans, sur tout l'unique, entre leurs mammelles.

  A020000814 

 Il n'estoit pas besoin, pour me faire affectionner vostre [55] desir, que les Reverens Peres Coton et Duchesne, que j'honnore infiniment, employassent leur persuasion, car vostre seul nom me faisoit asses connoistre ce que je vous dois; et ma Seur Favre m'avoit, des le commencement qu'elle fut a Montferrand, si vivement exprimé la consideration qu'elle fait de vos dignes qualités, que je ne pourrois pas n'avoir du sentiment de vos afflictions quand vous me les eussies proposees, et mesme avec cette vivacité d'eloquence que vous aves tesmoignee en vostre lettre, capable d'esmouvoir un cœur de pierre..

  A020000815 

 Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté.

  A020000828 

 Je confesse que je ne fus jamais si empesché d'escrire que j'ay esté, car apres vous, apres le grand Pere Coton, apres le P. Duchesne et tant d'autres serviteurs de Dieu, comme ose-je dire mot? Je le fay neanmoins tumultuairement, comme ayant la teste toute pleyne des affaires de mon Sinode, et par consequent en une grande confusion d'attentions..

  A020000848 

 Et pour fin, Dieu est le souverain Estre, le principe et la cause des choses qui sont bonnes, c'est a dire qui ne sont point peché..

  A020000862 

 Ce porteur, Frere Adrian, va aupres de Vostre Altesse Serenissime pour des affaires de si bonne condition pour le service de Dieu et du publiq, et luy mesme est si zelé sujet de Son Altesse, qu'il n'est nul besoin que je le recommande a la bonté de Vostre Altesse.

  A020000862 

 Mays puisqu'il le veut, je le fay tres humblement, Monseigneur, et avec luy encor l'affaire de la reformation des Monasteres de deça les montz et l'establissement si necessaire des Peres de l'Oratoire a Thonon et Rumilly; qui suis a jamais, de Vostre Altesse Serenissime,.

  A020000878 

 Les amitiés des enfans du monde sont de la nature du monde: le monde passe, et toutes ses amitiés passent, mais la nostre, elle est de Dieu, en Dieu et pour Dieu: Ipse autem idem ipse est, et anni ejus non deficient.

  A020000878 

 Tenes, mon cher Frere, voyla l'oracle sacré qui vous annonce la loy invariable de l'eternité de nostre amitié, puisqu'elle est sainte et non feinte, fondee sur la verité et non sur la vanité, sur la communication des biens spirituelz et non sur l'interest et le commerce des biens temporelz.

  A020000892 

 Helas! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié! Oh! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice!.

  A020000892 

 Je loüe Dieu, ma tres chere Fille, dequoy cette pauvre petite Congregation des servantes de la divine Majesté est fort calomniee.

  A020000902 

 Et je me prometz aysement, Monsieur, cette faveur de vostre bonté, qui en ay des-ja tant receues d'autres, et qui sçai le playsir que vous prenes en l'exercice de vostre courtoysie partout ou vous voyes de l'equité..

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000944 

 Ce n'est pas tout a coup, certes; car des que j'eus la grace de sçavoir un peu le fruit de la Croix, ce sentiment entra dans mon ame et n'en est jamais sorti.

  A020000946 

 Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci..

  A020000947 

 Cent et cinquante escus de pension, ou deux cens, sont des richesses pour une fille qui croit en l'article de la pauvreté evangelique..

  A020000947 

 Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit? Laisses, laisses aux mondains leur monde: qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié.

  A020000948 

 — Et comment? Aves vous jamais veu que Nostre Dame en eust tant? Que vous importe il que l'on sache que vous estes de bonne mayson selon le monde, pourveu que vous soyes de la mayson de Dieu? — Oh! [72] mais, je voudrois fonder quelque mayson de pieté, ou du moins faire des grandes assistences a une Mayson; car estant infirme de cors, cela me feroit plus gayement supporter.

  A020000949 

 — Or sus, mon gré donq est que vous vous contenties de ce que M. [Vincent] et madame de Chantal aviseront, et que le reste vous le laissies pour l'amour de Dieu, et l'edification du prochain, et la paix des ames de mesdames vos seurs, et que vous le consacries ainsy a la dilection du prochain et a la gloire de l'esprit chrestien.

  A020000963 

 Que pense elle? Quatre vies des siennes ne suffiroyent pas pour terminer son affaire par voye de justice.

  A020000964 

 Qu'est il besoin de tant d'affaires pour une vie si passagere, et de faire des corniches dorees pour une image de papier? Je luy dis paternellement mon sentiment, car je l'ayme, certes, incroyablement; mais je le dis devant Nostre Seigneur, qui sçait que je ne mens point..

  A020000978 

 Je vous prie d'assister M. le Curé de Vuallier pour le retirement des 400 florins, desquelz on en donnera 150 a M. Sonnerat, et a chacun des trois curés qui ont servi a Draillans, 50; les utres cent demeureront es mains dudit sieur curé de Vuallier, a conte des despens supportés et de ceux qu'il faudra encor supporter au premier jour..

  A020000979 

 Vous sçaures que dans peu de jours j'iray par dela avec deux des seigneurs de la Chambre des Comptes de Savoye, par ordre de Son Altesse et de Monseigneur le Prince..

  A020000998 

 Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq.

  A020000998 

 Et si vous esties princesse, ou celuy qui vous souhaite prince, puisque vous aves des enfans de vostre premier mari l'on vous devroit dire: Contentes vous de la posterité que vous aves; et a luy: Faites de la posterité d'une autre princesse.

  A020001000 

 Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans..

  A020001003 

 Et quant au reste, je pense qu'il seroit plus a propos, [78] pour vostre repos et pour la suite de l'eslection que vous aves faite d'une perpetuelle pureté, que vous demeurassies a part en vostre petit train, a la charge que vous vissies souvent madame vostre mere, laquelle, si j'entens bien sa lettre, ne seroit point marrie que mesme vous fussies Religieuse, pourveu que vous luy communiquassies vos moyens pour la retenir en possession des biens de la mayson.

  A020001003 

 Et veritablement, ne vous voulant pas ranger a un second mariage, ni ne pouvant pas seconder le courage que je voy en cette dame a tenir grand train et portes ouvertes a toutes sortes d'honnestes conversations, je ne voy comme ce ne seroit pas plus a propos que vous demeurassies a part, n'y ayant rien d'esgal a la separation des sejours pour conserver l'union des cœurs entre ceux qui sont de contraires, quoy que bonnes humeurs et pretentions..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001017 

 La multitude des enfans, et notamment de filles, qui sont en la mayson de Bressieu Roüer, est veritablement digne d'extreme compassion.

  A020001048 

 Je feray au plus tost le voyage de Thonon, selon le commandement de Vostre Altesse, ne me pouvant empescher de me res-jouir avec elle du commencement qu'elle donne a l'execution du saint projet qu'elle fit estant en cette ville, pour la reformation des Monasteres et le bien publiq de l'Eglise en cette province; ne doutant point que, comme c'est un tres grand service de Dieu, aussi sa divine Majesté n'en recompense Vostre Altesse des tres grandes benedictions que je luy souhaite incessamment, comme estant sans fin,.

  A020001057 

 Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup de sçavoir a qui les prieurés et abbayes que l'on veut unir appartiennent, puisque on ne pretend pas d'unir les portions des Abbés et Prieurs, ains seulement celles des moines, si est ce que, pour obeir a Son Altesse, je marque icy les noms des possesseurs des dittes abbayes et des prieurés: [82].

  A020001075 

 Les monasteres des filles appartiennent comme s'ensuit:.

  A020001137 

 A moy ne tienne que la bonne Seur Marie entre en la Mayson [90] de la Visitation de Valence toutes les fois qu'il luy plaira, et M lle de Conches aussi, asseuré qu'elles y [91] porteront des unguens et parfums de devotion qui seront de grande utilité pour encourager les Seurs.

  A020001152 

 Je les tiendray tous-jours courtes, reservant beaucoup de [93] choses pour mettre au livre des Advertissemens, la briefveté estant requise en semblables affaires; et quand on escriroit trente ans, on n'empescheroit pas qu'il ne demeurast tous-jours quelque doute pour les espritz delicatz et barguignans.

  A020001152 

 Le soin des Superieurs, leur devotion et leur esprit doit suppleer a tout..

  A020001174 

 Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche.

  A020001191 

 En somme, tout se raccommode avec le tems et l'entremise des amis aupres de ce grand Prince, et je ne doute point qu'ainsy encor se remettront les affaires de tous les autres que Sa Grandeur avoit soubçonnés de ne luy estre pas si utiles serviteurs.

  A020001211 

 Qui a rencontré cette source d' eau vive ne peut longuement demeurer alteré des passions de cette vie miserable..

  A020001226 

 Ayant visité la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, Ell' en recevra la relation, qui est toute la mesme que celle de messieurs de la Chambre des Comptes, et verra, s'il luy plait, les necessités qu'il y a d'y faire des establissemens permanens pour la faire fleurir selon la tres pieuse intention de Vostre Altesse qui l'a fondee.

  A020001252 

 Les huit prestres de la Congregation qui font le service en l'eglise de Nostre Dame et portent la charge des ames vivent veritablement en bons ecclesiastiques seculiers, sans scandale, et celebrent les saintes Messes journalieres qui ont esté establies.

  A020001252 

 Mays premierement: l'eglise n'est pas entretenüe proprement, ni assortie des meubles convenables, par ce que lesditz prestres tirans un chacun son gage a part, il ny a pas dequoy fournir aux necessités communes, lesquelles ensuite sont negligees.

  A020001252 

 Secondement, l'Office des Heures canoniales n'y est pas fait avec la bienseance et devotion exterieure qu'il seroit requis, lesditz ecclesiastiques n'estans pas duitz et nourris a cela, ains seulement assemblés sous la condition des gages.

  A020001252 

 Tiercement, les maysons sont en mauvais estat, par ce que ladite Congregation n'en a point de soin, et ce, dautant [101] que tout le revenu d'icelle s'employe a l'entretenement des personnes et payement des gages; de sorte que l'argent de Son Altesse manquant, il ny a pas ou prendre les commodités requises aux reparations.

  A020001253 

 L'unique remede a ces inconveniens seroit de composer cette Congregation, non de prestres a gages, mais de vrays prestres de l'Oratoire, ainsy que la Bulle fondamentale de la Sainte Mayson porte; puisque mesmement il y en a en France qui, pour la communion du langage, pourront faire convenablement la charge des ames, et qu'il y en a qui sont sujetz de Son Altesse, et que tous demeurent entierement sous-mis a la jurisdiction des Evesques, en sorte que l'Evesque de Geneve, qui sera tous-jours dependant de Son Altesse, aura l'authorité de les contenir, sans qu'il soit necessaire de recourir hors de l'Estat.

  A020001254 

 Et de plus, il se convertit de tems en tems des honnestes hommes, comme de nouveau le sieur de Prez, sujet de Son Altesse et homme de grande capacité, qui demeure tout a fait sans secours de ce costé la..

  A020001254 

 Et neanmoins, il est gentilhomme de bon lieu et duquel la parentee a beaucoup souffert pour le service de Son Altesse; il est tres homme de bien et bon ecclesiastique, mais non pas propre pour la charge des ames.

  A020001266 

 Puysque j'ay occasion d'escrire a Vostre Altesse Serenissime, je la supplie tres humblement d'avoir aggreable [103] que je luy represente l'extreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deça les mons, et celles de Sainte Claire hors la ville de Chamberi (sujettes au General des Conventuelz surnommés, de deça, de la Grand'manche), d'estre ou reformees ou changees selon le projet ci devant envoyé a Vostre Altesse; et cela est dautant plus desirable que la plus part des Religieuses mesme le desirent et souspirent apres ce bien..

  A020001267 

 J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible.

  A020001297 

 La chapellenie de Notre-Dame de Consolation érigée dans la [105] paroisse de Menthon étant vacante, Barthélemy Flocard en a été pourvu sur les instances de la famille des fondateurs à laquelle il appartient, et surtout parce qu'il est pauvre et manque d'autres moyens de subsistance.

  A020001297 

 Mais comme il n'a pas l'âge pour être prêtre dans le courant de l'année, la dispense Apostolique lui est nécessaire; on l'espère en faveur des fondateurs ses prédécesseurs dont ce Barthélemy est issu.

  A020001309 

 Mais, ma tres chere [107] Fille, de mettre la main a vostre cœur et d'entreprendre de le guerir, il ne m'appartient pas, et sur tout le mien estant certes des plus affligés de toute nostre parentee, comme celuy qui cherissoit passionnement ce cher oncle, qui m'honnoroit reciproquement, avec beaucoup d'affection, de sa digne et aymable bienveuillance..

  A020001321 

 On diroit que l'erection des Maysons religieuses et la vocation des ames se fait par les artifices de la sagesse naturelle; et je croy, certes, que, quant aux murailles et a la charpenterie, l'artifice en peut estre naturel; mais la vocation, l'union des ames appellees, la multiplication d'icelles, ou elle est surnaturelle, ou elle ne vaut rien tout a fait.

  A020001322 

 O si nous pouvons avoir un esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre Dieu en nostre Congregation, nous verrons multiplier avec suavité les fleurs des autres jardins, et en benirons Dieu comme si c'estoit es nostres.

  A020001323 

 Servons bien Dieu, et ne disons point: Que mangerons nous? que boirons nous? d'ou nous viendront des Seurs? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere.

  A020001336 

 Et par ce, Monseigneur, que je suys tesmoin d'une partie du soin que ledit sieur Floccard et le sieur de la Pesse ont eü pour cela, je ne fay nulle difficulté d'interceder maintenant en ce sujet, auquel il me semble que Vostre Grandeur doit tesmoigner le gré qu'elle sçait a ses serviteurs quand ilz luy ont rendu des bons services; laissant a part que la tranquillité et l'asseurance des serviteurs anime et tient en ordre les affaires, comme les mouvemens ont accoustumé de les embarasser..

  A020001336 

 Mays ce pendant, monsieur de la Pesse m'ayant communiqué la prætention qu'il a de perseverer au service qu'il a exercé ci devant en vostre Conseil de ce pays, je me sens obligé de recommander a Vostre Grandeur sa tres humble supplication, non seulement par ce qu'il est fort homme de bien, mais par ce qu'il s'est tres affectionnement employé en sa charge en un tems difficile et pour des occasions esquelles on ne pouvoit pas nier qu'il ne fallut qu'il eüt du zele et du courage; et peut on dire que sans la fermeté et la diligence [111] de monsieur le collateral Floccard son beaufrere, et la sienne, le sieur Bonfilz, qui avoit une grande industrie et un grand support, ne fut jamais venu au compte auquel l'authorité de Son Altesse l'a reduit.

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001368 

 Je fus une heure et demie au parloir: je vis troys de nos Seurs, et je fus fort consolé de voir comme la vraye lumiere leur fait voir la verité des grandes et profondes maximes de la perfection, qui plus qui moins, mais toutes, a mon advis, avancees; [115] et plusieurs dames estrangeres qui les ont veuës s'en sont allees les larmes aux yeux et avec des goustz extremes..

  A020001369 

 Je salue toutes nos Seurs, et vous supplie de saluer tres humblement Monseigneur nostre Archevesque, que je ne puis asses dignement honnorer a mon gré despuis qu'il a esté persecuté a la façon des anciens Evesques de l'Eglise.

  A020001379 

 Vous desires de voir le portrait de la tres devote madamoyselle Acarie que m'a fait avoir sa fille aisnee, Prieure [116] des Carmelines d'Orleans.

  A020001387 

 Je crains en fin, si nous demeurons ainsy sans dire mot, ma tres chere Fille, que vostre cœur n'apprenne petit a petit a me des-aymer, et certes je ne le voudrois pas, car il me semble que la chere amitié que vous aves [117] euë pour moy n'ayant pris ni peu prendre source que de la volonté de Dieu, il ne la faut pas laisser perir; et quant a celle que Dieu m'a donnee pour vostre ame, je la tiens tous-jours vive et imperissable en mon cœur..

  A020001388 

 Et je veux bien qu'il y eust de la rusticité: mais faut il se despiter pour cela? Vous sçaves bien le païs ou vous m'aves pris: deves vous attendre des fruitz delicatz d'un arbre des montaignes, et encor, d'un si pauvre arbre comme moy? Oh! bien, ne me soyes plus que ce qu'il vous plaira; moy, je seray tous-jours vostre, mais je dis tout a fait, et, si je ne puis autre chose, je ne cesseray point de le tesmoigner devant Dieu es saintz Sacrifices que j'offriray a sa Bonté..

  A020001389 

 Et croyes que mon cœur, placé au milieu des montaignes de neige et parmi la glace de mes propres infirmités, n'a point eu de froideur pour le cœur de ma tres chere Fille, que ce mien malheur me ravit, mays que j'ayme mieux perdre, pourveu que Dieu ne soit point courroucé, que de manquer en la sainte sincerité que j'ay voüee au service de son ame que je ne sçaurois flatter sans la trahir, ni trahir sans la perdre; et cette perte-la seroit mon affliction, car j'ayme cette fille, comme estant.

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere.

  A020001424 

 Le sire Pierre Richard allant expres a Lyon pour vous offrir son service et s'asseurer de vostre bienveuillance, [122] je l'accompaigne volontier pour vous saluer et vous remercier de l'affection qu'il vous a pleu de me tesmoigner, particulierement des mon retour de Lyon; vous priant de tout mon cœur de continuer, comme je persevereray toute ma vie au desir de vous rendre service, qui suis de tout mon cœur,.

  A020001458 

 Il passionne l'ame, parce qu'estant une [125] passion et la maistresse des passions, il agite et trouble l'esprit; parce que c'est une perturbation, et treuvant des regles, il desregle toute l'economie de nos affections.

  A020001458 

 Or ne faut il pas croire, Madame, que l'amour des meres envers les enfans ne puisse estre de mesme; ains, il l'est d'autant plus librement qu'il semble qu'il le soit loysiblement, avec le passeport, ce semble, de l'inclination naturelle, et l'excuse de la bonté du cœur des meres..

  A020001469 

 Si celuy qui doit porter ces lettres part, comm'il dit, demain de grand matin, certes, ma pauvre tres chere Mere, il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.

  A020001470 

 De Rome, je n'ay encor nulles nouvelles des le despart de M. Michel.

  A020001470 

 J'en attens tous les jours, mais les choses y vont avec tant de tardiveté, que si je me croyois moy mesme, je ferois ce que ceux qui y sont et qui entendent les affaires disent de nous, et particulierement de moy: Nous importunons a force de demander des choses que nous pouvons faire sans les demander; et neanmoins, puisque nous les demandons, il faut souffrir de ne les point avoir que sous les conditions ordinaires de ceux qui les expedient.

  A020001476 

 Si tost que nous aurons des nouvelles de Dijon, je vous en advertiray, et je me doute que ce soit pour une Mayson, parce que le P. Arviset, Jesuite, me dit a Lyon que cela se traittoit encor..

  A020001496 

 Or, aymés le donq, ce pauvre livre, ma tres chere Fille, et puisque Dieu y a mis des [131] consolations pour vous, pries bien sa sainte Bonté qu'il vous donne le goust pour les bien savourer et les rendre utiles a vostre chere ame, pour bien se nourrir au pur amour celeste pour lequel elle fut faite..

  A020001497 

 Qui dit qu'il a bruslé une mayson, il n'est pas requis qu'il die ce qui estoit dedans par le menu; ains suffit de dire s'il y avoit des gens dedans, ou s'il n'y en avoit point..

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001518 

 Cependant, cachons doucement nostre petitesse en cette grandeur; et, comme un petit poussin tout couvert des aisles de sa mere demeure en asseurance et tout chaudement, reposons nos cœurs sous la douce et amoureuse providence de Nostre Seigneur, et abritons nous chaudement sous sa sainte protection.

  A020001522 

 Mon Dieu, que cette plainte est delicate! Les Peres de l'Oratoire font bien plus; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises.

  A020001523 

 Mon solliciteur dit que l'on a tort de recourir a Rome pour les choses esquelles on s'en peut passer, et des Cardinaux l'ont dit aussi: car, disent ilz, il y a des choses qui n'ont point besoin d'estre authorisees parce qu'elles sont loysibles, lesquelles quand on veut authoriser sont examinees diversement; et le Pape est bien ayse que la coustume authorise plusieurs choses qu'il ne veut pas authoriser luy mesme, a cause des consequences.

  A020001523 

 On a obtenu a Rome la continuation du petit Office encor pour dix ans, apres les sept escheus que l'on avoit des-ja.

  A020001524 

 Et je pense qu'il faudra faire, au plus pres qu'il se pourra, selon la commodité des lieux, tous les monasteres ainsy; et tous-jours les treilles bien ferrees et les jalousies de bois esloignees des grilles; car c'est un grand playsir de parler en asseurance es parloirs.

  A020001524 

 J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation.

  A020001536 

 J'ay tous-jours conservé la vive affection que vos merites ont aquise sur moy des il y a long tems, et a laquelle vous m'aves obligé par les demonstrations d'amitié dont vous m'aves favorisé, particulierement au passage de monsieur Michel par vostre ville.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001590 

 Puysque monsieur le President de Lescheraine aura l'honneur de vous faire la reverence et qu'il fut l'autre jour a Tonon pour voir, de la part de Son Altesse, l'estat de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, je m'asseure que Vostre Altesse desirera de sçavoir toutes les particularités des defautz qu'il y aura remarqués.

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001592 

 Je supplie encor Vostre Altesse de jetter les yeux de sa bonté et de son zele sur les Monasteres de Cisteaux, de Saint Benoist et de Saint Augustin de deça les montz, ou la Regie n'est point observee, et ou elle ne peut estre restablie, ni mesme es Religions des filles ou ell'est si necessaire, sans l'execution des projetz que Vostre Altesse fit icy en cette ville, dont je luy envoyay le Memoire l'annee passee..

  A020001621 

 Croyes moy, ma tres chere Fille, s'il ny a rien d'extraordinaire qui presse, demeures sousmise en paix a l'obeissance des loix ordinaires de l'Eglise.

  A020001652 

 Non, non, ma Fille, n'ayes pas crainte de me surprendre, j'entens tres bien vostre langage: vos plaintes ne sont pas aigres, ce sont des douceurs d'un enfant envers son pere; si elles sont apprestees au verjus, ce n'est que pour leur donner le haut goust.

  A020001654 

 M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari ... tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys..

  A020001658 

 Et vous estes ma tres chere fille en Celuy qui est nostre Tout, qui est beni es siecles des siecles..

  A020001667 

 Ce m'a esté une tres douce consolation de sçavoir des nouvelles de vostre ame, ma tres chere Fille, de vostre ame, dis je, qu'en toute verité la mienne cherit tres singulierement..

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001704 

 Deux maysons de Congregation de Provence, qui ne sont es terres du Pape, veulent estre reduites en Monasteres de nostre Institut et en ont escrit a Grenoble affin d'y pouvoir envoyer des filles pour faire le novitiat; si cela reuscit, ce sera par l'ordre de Rome, et cela affirmera de plus en plus l'approbation, comm' aussi un autre Monastere ancien de la Val d'Aouste, qui fera mesme supplication.

  A020001705 

 Je ne pense pas qu'il faille pour encor employer vostre argent en des chandeliers; j'en diray la rayson a M. Crichant, si je m'en resouviens tantost qu'il va partir..

  A020001706 

 Je receu hier des lettres de Paris, mais je n'ay eu loysir encor de les voir, a cause de nos troubles qui m'entretindrent hier au soir bien tard avec M. le President, pour conferer de plusieurs choses..

  A020001707 

 O certes, il est vray, la mort de M. de Termes m'a infiniment tourmenté le cœur; je ne puis m'empescher que je n'en sente de tems en tems des vives atteintes; mays il est bien heureux d'estre mort si chrestiennement, et pour une si juste cause..

  A020001709 

 Nos Seurs d'icy sont toutes bien, et nous avons des [153] braves et douces Novices, que j'ay confessees avec les autres pour l'extraordinaire d'aoust, et je les treuve a mon gré.

  A020001714 

 Cette bonne Mere m'est une si parfaitement bonne fille ... des-ja il y a vingt ans..

  A020001714 

 J'escriray par M. Jantet a Orleans, a nostre Superieure, et a toutes nos Superieures, et a la bonne Mere des Carmelites d'Orleans et a la Sousprieure.

  A020001725 

 Et partant, je vous prie de prendre une finale resolution du tems convenable et des personnes que vous desires qui vous y assistent; et m'en advertissant, je donneray ordre de mon costé affin que rien ne vous manque, moyennant la grace de Dieu, lequel ce pendant je prie vous combler de sa sainte grace; qui suis,.

  A020001741 

 En somme, qui veut bien recevoir les coups des accidens de cette vie mortelle, il doit tenir son esprit en la tressainte volonté de Dieu et son esperance en la bienheureuse seternité.

  A020001741 

 Tout ce tracas de peines et d'ennuys passera bien tost, ce ne sont que des momens; et puis, nous n'avons encor point respandu de sang pour Celuy qui respandit tout le sien pour nous sur la croix..

  A020001742 

 Je suis consolé de la consolation que vous prenes en la reception du tres divin Sacrement, mais je n'ay pas eu le loysir de parler au bon P. Recteur du desir que vous auries de communier plus souvent; et de plus, je n'eusse pas osé, n'estant pas la rayson que je donne la leçon a des si braves maistres.

  A020001758 

 Je vous envoye le Memoire requis pour retirer les fruitz que, par artifice, on veut celer appartenir a la cure [158] de Rumilly, et avec cela le double de la response que Monseigneur le Prince a fait a la lettre par laquelle je luy ramentevois le desir qu'il a eu de l'introduction des RR. PP. de l'Oratoire en l'eglise de ce lieu la; et lundi prochain je luy envoyeray les Memoires qu'il demande, affin quil ne tienne pas a moy que sa commission [d'] institution ne soit bien tost executee..

  A020001773 

 Mays pries bien Dieu, ma tres chere Fille, qu'il me face la misericorde de me pardonner mes pechés, affin que je puisse un jour voir sa sainte face avec vous et nostre chere madame de Villesavin, es siecles des siecles.

  A020001790 

 Or sus, que fait elle, cette chere fille? M. N. et M. N. me firent un grand cas dequoy toute la cour de Madame, des serenissimes Princes et Princesses, furent a sa reception au novitiat; et moy, je me res-jouys en la creance que j'ay dequoy Nostre Dame, les Anges et les Saintz de Paradis y furent et l'honnorerent de leur attention, et Dieu nostre Seigneur de sa benediction..

  A020001792 

 Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions..

  A020001820 

 Vostre bon Ange et vostre pieté vous auront des-ja suggeré les raysons pour lesquelles il faut recevoir avec tranquillité ces ordinaires evenemens de nostre commune mortalité; et pour cela, il ne me reste qu'a vous asseurer que, comme j'estimois beaucoup les bonnes qualités et l'amitié de ce cher trespassé, aussi vivray-je tous-jours avec un grand desir de vous pouvoir tesmoigner par quelque service que je suis,.

  A020001835 

 Et par ce que ma charge ne me permet pas d'y rendre mon devoir par ma presence, non plus que mon insuffisance d'y estre utile, je remercie en toute humilité Vostre Altesse dequoy elle aggree que l'un des enfans de feu mon frere entre au nombre des pages de Madame, pour apprendre en son enfance les premiers elemens de ce service auquel sa naissance l'oblige de faire l'employ de toute sa vie; tenant lieu d'une marque visible que Vostre Altesse me fait lhonneur de m'advouer,.

  A020001861 

 J'ay oüy de la bouche du bon M. Crichant l'histoire de l'entree et reception de vostre chere petite fille en l'Ordre sacré des Carmelites, et comm'elle passa de vostre sein maternel, ma tres chere Fille, dans celuy de la bonne Mere Magdeleyne de Saint Joseph.

  A020001861 

 J'espere que cette [167] action sera benie de la main de Celuy qui ayme la promptitude des bons desseins et des bonnes executions, et qui treuva mauvaise la trop grande prudence de cet enfant qui vouloit aller ensevelir son pere avant que de se ranger tout a fait a sa suite.

  A020001891 

 Quand il n'y auroit aucun autre proffit que celuy de la mortification des ames qui l'ayment, ce seroit beaucoup.

  A020001892 

 Je suis donq bien consolé quand je sçai des nouvelles de cette ville-la, en ce tems auquel on en dit tant et de si diverses..

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001906 

 Comme que ce soit, nous sçaurons la verité par le tems; mays ayant veu la grande indisposition de la volonté des parties, je ne puis que je ne doute qu'a l'advenir il ny ait quelque sorte de repentir.

  A020001928 

 Monseigneur le Prince treuve ce sejour beaucoup plus aggreable que celuy de Chamberi, et delibere de venir fort souvent faire des alternatives.

  A020001942 

 Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement..

  A020001943 

 J'ay grandement regretté la mort du bon monsieur le Conte de Fiesque, que j'honnorois certes avec amour des il y a tantost vingt ans que j'eu le bien de le voir a Paris; a quoy il m'avoit mesme obligé a ce dernier voyage, quiil me fit la faveur de me voir de si bon cœur chez les Peres de l'Oratoire.

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001945 

 Je vous ay des-ja escrit que vous prenies la peine de voir si rien aura esté oublié es Constitutions, affin que vous le facies adjouster; car je ne puis jamais gaigner tant de loysir que tout ce que je fay ne se ressente de mon tracas, et me semble quil va tous les jours croissant..

  A020001946 

 Vous pourres bien, ma tres chere Mere, complaire a madamoyselle la Princesse de Montpensier en ce qui [179] regarde l'addition des commemoraisons des Saintz qui occurrent, et, de Paris, porter cet usage es Monasteres dans lesquelz vous passeres venant a Dijon, et de Dijon icy; m'estant advis que la grande pieté et vertu de cette grande Princesse merite que l'on reçoive ses desirs comme quelque sorte d'inspiration..

  A020001950 

 M. Crichant m'a veritablement escrit du bruslement des deux pontz; mais il ne me donne point advis comme se sera passé cet accident pour le regard de madame Baudeau, marchande gantiere qui demeuroit sur le Pont aux Oyseaux, de laquelle pourtant je ne puis m'empescher d'estre en soucy, et a laquelle j'avois escrit par luy mesme..

  A020001966 

 Je me res-jouis quand Dieu y tire des bons sujetz, mais je n'employay jamais ni parole ni artifice, pour saint qu'il fut, pour en attirer aucun, sinon quelques foibles prieres devant Dieu.

  A020001966 

 L'inconstance des filles est a craindre, mais on ne peut pas deviner; et la constance en celle cy est esgalement, ains advantageusement, a bien esperer..

  A020002003 

 Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés.

  A020002021 

 Je ne manqueray pas de respondre a tous les articles que vous m'aves envoyé, au premier loysir que j'en auray, vous remerciant tres humblement des bonnes nouvelles que vous m'envoyes des Seurs de Valence, ausquelles je souhaitte toute sainte consolation.

  A020002023 

 Mais en toutes telles occurrences, ceux qui sont sur les lieux et qui voyent l'estat present des espritz a qui vous aves affaire, vous pourront encor mieux conseiller..

  A020002039 

 Il y a, ce me semble, bien environ mille ans que je ne reçois point de vos lettres, non plus que vous des miennes..

  A020002062 

 Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002079 

 Secondement, il y a des verités de la foy lesquelles nous pouvons apprehender par l'imagination: comme, que Nostre Seigneur soit né en la cresche de Bethleem, qu'il ayt esté porté en Egypte, qu'il ayt esté crucifié, qu'il soit monté au Ciel.

  A020002089 

 Je l'ouys, et, avec M. de Calcedoine, M. l'Abbé d'Abondance et les Peres Barnabites et M. le Prevost, je jugeay qu'il avoit un des plus excellens talens qui aye esté de long tems en ce païs.

  A020002089 

 Je vous escris courtement, ma tres chere Fille, et vous remercie de vostre lettre que j'ay receue hier matin, suivant laquelle je vous diray que si vous n'aves point de predicateur pour ce Caresme, j'en fourniray un des plus braves et bons que vous puissies desirer, qui prescha hier a la Visitation et preschera un de ces jours devant ce peuple.

  A020002089 

 Si donq monsieur Billet le treuve a propos, il pourra en parler selon sa prudence avec Messieurs de la ville; et soudain que je sçauray ce qui sera resolu, je l'arresteray tout a fait, car des hier je luy en parlay..

  A020002090 

 Je parleray a M. Faber pour faire faire l'adjournement de ce bon prestre, heritier de M. Viret, et reparleray de vostre bonne volonté a la premiere rencontre que je feray de ceux qui vous blasment des dismes..

  A020002105 

 Et selon qu'il a pleu a Vostre Altesse de m'ordonner, je luy envoye ce qui est presentement requis pour l'establissement des Peres de l'Oratoire a Rumilly, qui est une chose pressante; et demeure ce pendant, de toutes mes affections,.

  A020002117 

 Lettre au Pere Pierre de Berule, General de la Congregation de l'Oratoire, affin quil vienne ou depute quelqu'un pour accepter des mains de l'Evesque de Geneve ladite eglise parroissiale..

  A020002131 

 Je vous rens mille actions de graces du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir response de Monseigneur le Serenissime Prince en faveur de l'introduction des Peres de l'Oratoire a Rumilly, ou l'on ne sçauroit dire combien leur venüe est necessaire; car, Monsieur, imaginés vous qu'en cette seule eglise il y a quatre diverses especes d'ecclesiastiques: 1.

  A020002132 

 Et de plus encor, il se treuve des-ja des tres bons ecclesiastiques du pays qui n'attendent que leur venue a Rumilly pour s'associer a eux et se ranger a la Congregation..

  A020002132 

 Et de plus encor, ilz ne sont pas exemptz de la jurisdiction des Evesques, ains demeurent en leur sujettion comme les curés; de sorte qu'on n'a pas besoin, en cas de desordre, de sortir du païs pour les ramener au devoir.

  A020002132 

 Il n'est pas croyable combien de peine cette petite trouppe ainsy composee m'a donné de peine (sic) des 20 ans en ça, a cause des continuelz proces et altercatz que les uns ont eu perpetuellement les uns (sic) avec les autres, avec un extreme scandale du peuple.

  A020002132 

 Or, par l'introduction des Peres de l'Oratoire, cette eglise demeure toute unie, et administree par un mesme esprit de paix et de douceur; car les Peres de l'Oratoire ne sont pas comme les autres Religieux, qui ne peuvent pas avoir la charge des parroisses.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002156 

 Helas! ces pauvres meres temporelles ne regardent pas asses leurs enfans comme ouvrages de Dieu, et les regardent trop comme enfans de leur ventre; elles ne les considerent pas asses comme enfans de la Providence eternelle et des ames destinees a l'eternité, et les considerent trop comme enfans de la production temporelle et propres au service de la republique temporelle.

  A020002157 

 Que vous importe il si vostre cœur reçoit des atteintes des apprehensions anciennes du temporel? Mocques vous de ces apprehensions, et demeures ferme sur la parole de nostre Maistre: Cherches premierement le regne de Dieu et sa justice, et toutes les choses necessaires a cette chetifve vie vous seront adjoustees.

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002159 

 Les ardeurs viennent quelquefois de la condition naturelle des espritz, comme quelquefois aussi les indifferences; et Dieu sçait bien enter sa grace sur l'un et sur l'autre dans les vergers des Religions..

  A020002170 

 Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs.

  A020002170 

 Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons.

  A020002189 

 Dieu, qui fait des maysons aux escargotz et aux tortues, qui ne pensent point en luy et ne chantent point ses louanges, laissera il ses servantes assemblees pour sa louange sans monastere?.

  A020002202 

 Et j'allegue cet argument ainsy a la bonne foy, affin de dire encor une des raysons pour lesquelles je doy cooperer aupres de Vostre Paternité pour le bien et la consolation de cett' ame, puis que mesme je me prometz d'estre advoüé de vostre debonaireté tel que je suis et que l'on me croid,.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002210 

 Le Pere General de l'Ordre des Chartreux..

  A020002231 

 Certes, qui accouche du Filz de Dieu n'a que faire de mendier du monde des consolations exterieures.

  A020002231 

 Mon Dieu, que cette naissance fait naistre de saintes affections dedans nos cœurs! ains sur tout de la parfaitte abnegation des biens, des pompes, des soulas de ce monde.

  A020002231 

 Sainte Paule ayma mieux aussi vivre hospitaliere en Bethlehem que de demeurer riche dame a Rome, luy estant advis que jour et nuit elle oyoit en son cher hospital les cris enfantins du Sauveur en la cresche, ou, comme parloit saint François, du cher « Enfant de Bethlehem, » qui l'incitoit au mespris des grandeurs et affections mondaines et l'appelloit au tressaint amour de l'abjection..

  A020002232 

 Ce cher petit Sauveur le sçait bien, ma tres chere Fille, que des ce matin mon cœur crie et reclame JESUS pour le vostre.

  A020002267 

 Sur cest article que vous m'escrives, de la reception des filles, il y a un extreme danger qu'on ne se jette trop [215] sur la prudence humaine, qu'on ne se fonde trop sur la nature et trop peu sur la grace de Dieu.

  A020002291 

 Je veux dire, Monsieur, que s'il vous plaisoit de suivre vostre pointe et traitter des choses pieuses et saintes d'une façon aggreable, historique et qui charmast un peu la curiosité des espritz du tems, cela les retireroit, ou au moins divertiroit, de la pestilente lecture des Amadis, des romans et de tant d'autres sottises, et ilz avaleroyent insensiblement l'aggreable hameçon qui les retireroit de la mer du peché dans la nacelle de la vertu..

  A020002292 

 En fin, Monsieur, nous sommes pescheurs, et pescheurs des hommes.

  A020002292 

 Le monde devient si delicat, que desormais on ne l'osera toucher qu'avec des gans musqués, ni panser ses playes qu'avec des emplastres de civette; mays qu'importe, pourveu que les hommes soyent gueris et qu'en fin ilz soyent sauvés? Nostre reyne, la charité, fait tout pour ses enfans.

  A020002292 

 Nous devons donq employer a cette pesche non seulement des soins, des travaux et des veilles, mais encor des appas, des industries, des amorces, ouy mesme, si je l'ose dire, de saintes ruses.

  A020002301 

 Meilleure est une heure es portiques de Dieu, que mille et millions es cabinetz des pecheurs.

  A020002325 

 Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité..

  A020002327 

 De mesme aussi, comme chaque seigneur et chaque gentilhomme est un petit monarque en sa mayson, ilz ne doivent pas s'oublier de ces paroles de l'Apostre: Vous qui estes maistres, faites a vos serviteurs ce qui est juste et convenable, vous souvenans que vous aves un autre Maistre au Ciel et des Rois sur la terre, de qui vous dependes.

  A020002327 

 Ilz ne doivent donq pas faire chez eux comme des lions, et revolter leurs domestiques, et opprimer leurs serviteurs; mais leur pieté doit estre genereuse, et leur courage plein de clemence et de bonté.

  A020002336 

 Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes..

  A020002359 

 Je vous peux bien appeller ma tres chere Fille, car vous m'aves esté chere, en verité je le puis dire ainsy, des le ventre de vostre mere, ou au moins des la mammelle, ou je vous ay cent fois benite et souhaité la couronne et le loyer des vierges, espouses de Jesus Christ, en ce tems bienheureux, ma chere Fille, ou, avant que d'estre pasteur en chef, j'avois la grace de courir chercher les brebis de mon Maistre, et que j'estois si courtoysement et si amiablement accueilli chez vous.

  A020002368 

 Trois jours avant l'arrivee en cette ville de ce bon Frere hermite que je treuve bien a mon gré, j'eus des-ja quelque advis de cette fascheuse affaire qu'il m'a communiquee de vostre part; et comme apres avoir eu une bonne impression d'une personne qualifiee, j'ay beaucoup de difficulté a m'en desprendre, je ne permis pas a cette relation si mauvaise d'entrer dedans mon esprit, ains je l'arrestay a la porte, suyvant l'ancien advis:.

  A020002374 

 Voicy mon advis: Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment; car nous sommes au cas de l'ancien sage:.

  A020002377 

 Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu: sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant..

  A020002378 

 Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu..

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002405 

 Il recourt donq avec la confiance qu'il a, et que mesme je luy ay augmentee, en vostre æquité et debonaireté, affin qu'il vous playse, Monsieur, de le delivrer [233] de la totale ruine delaquelle il est menacé et des-ja presque tout accablé, le conservant en l'office d'archer du prævost et en celuy qu'il avoit pour la garde du sel, a Gex..

  A020002435 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, en toutes occasions de fondation, il faut que les Superieures des lieux ou l'on recourt pour avoir des Seurs prennent advis et conseil avec les Peres spirituelz et autres sages amis et amies, et que, avec le consentement du Chapitre et l'obeissance de l'Evesque, ou, en son absence, du Pere spirituel, elle dispose (sic) des personnes convenables a la fondation.

  A020002437 

 Et quant a la fondation de madame de Chazeron, je vous diray mon advis, qui est que l'on la contente en tout ce que l'on pourra, et sur tout quant a la qualité et quant aux privileges de fondatrice, dont elle puisse jouir des maintenant..

  A020002438 

 Je voudrois donq que l'on prist du tems pour ce Monastere de Rioms et que, sil se pouvoit, on retirast les filles qui en veulent estre en vostre monastere de Montferrant, avec leurs pensions annuelles; puys, la nouvelle Mayson estant faite a Rioms comme une nouvelle ruche, on y envoyast des filles toutes faites, comm'un essein d'abeilles prest a faire le miel.

  A020002438 

 Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur.

  A020002439 

 Je croy que nostre Mere ira la; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos.

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002456 

 Bien que je n'eusse pas eu le bonheur de vous connoistre quand j'eu la premiere nouvelle de vostre desplaysir, si [241] est ce que je ne laissay pas d'estre vivement touché de compassion pour vostre cœur, m'imaginant combien forte avoit esté cette inopinee secousse; et si mes souhaitz eussent esté autant pleins d'efficace comm'ilz le furent d'affection et de tendreté, je croy que des lors vous eussies ressenti quelque sorte de veritable alegement.

  A020002456 

 Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté.

  A020002457 

 Que ce fut un bon advis, Madame, que celuy que vous receutes de son inspiration, vous proposant de vous retirer pour un peu de la presse des consolateurs du monde, quoy que bons consolateurs, pour, en repos, remettre la playe de vostre cœur es mains du Medecin et Operateur celeste! puisque mesme les medecins terrestres confessent que nulle guerison ne se peut faire sinon en la quietude et tranquillité.

  A020002459 

 Ce cher filz est passé de ce monde a l'autre sous des bons auspices, a la suite de son devoir envers Dieu et le Roy: ne voyes plus ce passage qu'en l'eternité..

  A020002459 

 Madame, je vous dirois volontier, pour remede a vostre douleur, que qui veut exempter son cœur des maux de la terre, il le faut cacher dans le Ciel, et, comme dit David, il faut musser nostre esprit dans le secret du visage de [242] Dieu et dans le fonds de son saint tabernacle.

  A020002460 

 Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte.

  A020002479 

 Je luy ay donné une copie des Regles de saint Augustin et des Constitutions de la Visitation, affin que sur icelles vous puissies cueillir ce qui vous semblera a propos..

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002514 

 La pensee m'est venue, en escrivant a M. Berger, que peut estre Monseigneur le Cardinal le rendra vostre [247] Pere spirituel a Paris, puisque il se va rendre ecclesiastique aux Quatre Tems des Cendres; et je croy que la Mayson en seroit bien et cordialement assistee..

  A020002515 

 Je vous prie qu'en entrant ou sortant d'Orleans vous prenies occasion de voir la Mere Prieure des Carmelines, fille aysnee de la Seur Marie de l'Incarnation, laquelle, tandis que je fus a Paris, il y a vingt ans, estoit non seulement ma fille spirituelle, mais ma partiale, aagee d'environ treize ans, et qui avoit un naturel bon, franc et naïf; comm' aussi la Mere Sousprieure, qui fit en ce tems la son premier vœu de virginité et sa confession generale devant moy..

  A020002518 

 J'ay des-ja adverti ma Seur Marie Marguerite Milletot, outre laquelle il seroit peut estre bon d'envoyer encor la, la Seur Bernarde Marguerite, laquelle s'est tellement amendee qu'en fin elle est receuë a la Profession..

  A020002520 

 J'ay veu l'histoire de la consultation faite pour nostre tres chere fille madame de Port Royal, sur laquelle il n'y a rien a dire sinon que je voy un examen merveilleusement ponctuel, en ce que on y a pensé que, [à cause de] la longueur du tems et [de] la multitude des actions de superiorité, nonobstant la protestation et le continuel [249] desadveu interieur, cette fille soit tellement obligee de demeurer qu'elle ne puisse pas faire autrement; car bien que cela soit probable en terme de conscience, si est ce que cela n'est pas advoüé de tous, et de plus, le Pape en peut dispenser.

  A020002522 

 Nous envoyerons donq, quand vous le marqueres et ainsy [que] vous l'ordonneres, des filles pour vous accompaigner a Dijon, selon le nombre que vous nous diries estre necessaire.

  A020002530 

 C'est cela que le Cantique marque en la louange des mammelles de l'Espoux: Tes tetins sont meilleurs quelevin, odorantz de parfums prætieux; [254] le lait, le beurre et le miel sont sous ta langue.

  A020002560 

 Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu.

  A020002562 

 Je confesse que j'ay grand tort de ne point escrire a ma Seur Marie Michele, que j'ayme neanmoins de tout mon cœur; ni a ma Seur Marie Françoise Belet, que j'affectionne grandement non seulement parce qu'ell'est ma fille, mays par ce qu'ell'estoit chere a la bonne M me Le Blanc; ni a ma petite fille Anne Marguerite Clement [259] qui, a la verité, est grandement bienaymee de mon ame, nonobstant la petite duplicité des scrupules qu'elle me demanda avant son depart..

  A020002579 

 C'est pourquoy je le considere avec le vostre en la mesme action; car, comme vous sçaves, elle se treuva avec vous unie d'affection et d'amour au jour de vostre Visitation, et semble que des lhors elle immola des-ja en resolution son cœur avec le vostre..

  A020002589 

 Que vous puis je dire en cette occasion, ma tres chere Fille, sinon qu'entre les consolations que j'attens bien grandes de revoir nostre bonne Mere, celle de l'ouyr parler de vostre cœur en est une? Mais je ne veux pas dire, pourtant, que je veuille attendre son retour pour en apprendre des nouvelles, de ce cher cœur.

  A020002590 

 Le passeport des filles de Jesus Christ, c'est la paix; la joye des filles de Nostre Dame, c'est la paix..

  A020002615 

 Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse..

  A020002616 

 Que si Elle me permet de joindre a cette remonstrance un mot pour la Mayson de Thonon, je luy diray qu'elle n'a pas moins besoin de la venue des mesmes Peres de l'Oratoire que l'eglise de Rumilly, par ce que, sans cela, tout ce qui regarde l'eglise de Nostre Dame et les bastimens qui en dependent s'en va ruiné, ainsy que messieurs les deputés de la Chambre ont reconneu et ont tesmoigné a Vostre Altesse, la providence et pieté delaquelle je reclame en toute humilité, qui suis,.

  A020002647 

 Au reste, Monseigneur le Prince veut en toute façon que nos Peres de l'Oratoire viennent, et on m'asseure que pour avoir les expeditions des secretaires de Son Altesse il n'y va point d'argent, mais ouy bien la patience, que j'ay jusques a present..

  A020002647 

 J'attens demain ou passé demain des nouvelles de M. de Saunaz, et au cas qu'il ne vienne pas, je prie M. Billet [268] de venir prendre la cure, pour la garder jusques a ce que le Pape ou moy en disposions autrement.

  A020002661 

 Et pour la cedule des interestz remise a M. Rollant, quand il sera revenu de Paris ou il est allé prendre M me de Chantal pour l'accompagner a son retour, je les (sic) luy feray chercher..

  A020002697 

 Quel moyen que le service de Dieu, qui a des le commencement esté exposé aux contradictions, cesse de l'estre en un si miserable siecle? Mays je ne doute point que les opposans ne demeurent vains en leurs poursuites, sans autre satisfaction que d'avoir joué leur rollet et contenté leur humeur contantieuse.

  A020002698 

 Et moy je vay, avec nouveau courage, solliciter les expeditions requises a cett'affaire, la douceur et suavité des Peres de l'Oratoire m'excitant a cela, comme prævoyant que leur venue sera tout a fait salutaire a ce peuple..

  A020002725 

 O ma tres chere Fille, ce ne seront plus meshuy des lettres entieres, ains seulement des billetz, jusques a ce que vous me donnies des nouvelles selon mon cœur.

  A020002726 

 J'ay bien envie de revoir nostre bonne Mere, pour plusieurs bonnes raysons, mays entr'autres, affin d'apprendre des nouvelles bien particulieres de vostre cœur, qu'elle m'apportera pliees dedans le sien.

  A020002727 

 Je salue madamoyselle vostre chere mere, que j'ay tous-jours cheri filialement des que je l'ay conneue; nostre tres chere seur Le Maistre, que je prie Dieu vouloir establir en l'amour du martire que son soin luy peut et doit donner; madame la Coadjutrice de Port Royal, que Dieu veuille rendre sainte par la tressainte et courageuse humilité, et toutes nos autres Seurs qui sont tous-jours au milieu de mon ame, notamment nostre Seur Anne, et nostre Seur Marie, et nostre petite seur Magdeleine, et nostre frere Simon..

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002739 

 Mays devant les hommes, il ny a point de privilege que celuy d'estre supportee et assistee et honnoree au monastere, dans lequel les fondatrices seculieres obtiennent ordinairement l'entree plusieurs foys l'annee, et apres la mort des services particuliers.

  A020002740 

 La bonne Seur Helene Angelique Lhuillier, de Paris, qui fit profession le 12 de febvrier passé, ayant donné quinze mille escus, et ses parens desirans que, comme fondatrice, ell'eut quelques privileges, au jour de son vestement protesta que, puisque elle renonçoit a la mayson de ses parens, elle renonçoit aussi a tous les privileges [277] qu'ilz luy avoyent voulu reserver, puisque le privilege des vrayes Religieuses estoyt d'abonder en l'amour du cæleste Espoux..

  A020002741 

 C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses..

  A020002756 

 Je n'ay garde de vous divertir par mes lettres de vostre sainte et fructueuse occupation quadragesimale, du bon succes de laquelle on nous dit icy des merveilles.

  A020002773 

 Gardés bien, ma chere Fille, d'entrer au festin de la Croix, plus delicieux mille et mille fois que celuy des noces seculieres, sans avoir la robbe blanche, candide et nette de toute autre intention que de plaire a l'Aigneau..

  A020002773 

 Mais voyes vous, les habitans de cette colline doivent estre despouillés de toutes les habitudes et affections mondaines, comme leur Roy le fut des robbes qu'il portoit quand il y arriva; lesquelles, bien qu'elles eussent esté saintes, avoyent esté profanees quand les bourreaux les luy osterent dans la mayson de Pilate.

  A020002775 

 Ne vous laisses point emporter aux apprehensions, ni des erreurs passees, ni des craintes des difficultés futures en cette vie crucifiee de la Religion.

  A020002776 

 Ma chere Fille, ce sont des biens du maniement desquelz il vous faudra rendre compte: ayes soin de les bien employer au service de Celuy qui vous les a donnés.

  A020002790 

 Il faut regarder principalement les dispositions de ceux qui viennent a la Religion, par la suite et perseverance; car il y a des ames, lesquelles ny entreroyent point si le monde leur faisoit bon visage, et que l'on void neanmoins estre bien disposees a veritablement mespriser la vanité du siecle.

  A020002791 

 Or, ma tres chere Fille, le moyen d'ayder cet esprit pour luy faire connoistre son bonheur, c'est de la conduire le plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostre part et de toutes nos Seurs, sans faire nul semblant de l'imperfection du motif par lequel ell'est entree, de ne point luy parler avec mespris de la personne qu'elle a aymé.

  A020002792 

 pourveu quil permette la presence de deux ou trois tesmoins; et si vous en estes l'un, il faut avec dexterité les ayder a se dire adieu, et, en louant leurs intentions passees, leur donner le change et dire qu'ilz sont bienheureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la rayson les a conduitz, et qu'une once du pur amour divin quilz se porteront l'un a l'autre des-ormais, vaut mieux que cent mille livres de l'amour par lequel ilz avoyent commencé leurs affections.

  A020002793 

 Il y a une bonne histoire a ce propos es Confessions de saint Augustin, de deux gentilzhommes qui avoyent espousé deux damoyselles, qui, apres avoir renoncé aux pretentions des noces, se firent, a l'imitation les uns des autres, tous quatre Religieux..

  A020002808 

 Et par ce, Monseigneur, que veritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grace du pere est en-close la grace des enfans, de la femme et de toute la famille, qui ne peut vivre sans l'assistence actuelle de ce pauvre homme, je joins a la tres humble supplication que la Confrairie fait a Vostre Altesse pour ce sujet, ma tres humble recommandation; qui suys, Monseigneur,.

  A020002822 

 C'est, Monsieur, que partie mes distractions, partie celles des parties mesmes, m'ont apporté de l'empeschement jusques a cett'heure.

  A020002833 

 Il doit, a mon [288] advis, suffire que tout l'interieur et tout l'exterieur des Filles de la Visitation est consacré a Dieu; que ce sont des hosties de sacrifice et des holocaustes vivans, et toutes leurs actions et resignations sont autant de prieres et d'oraysons; toutes leurs heures sont dediees a Dieu, ouy mesme celles du sommeil et de la recreation, et sont des fruitz de la charité.

  A020002833 

 Si cette bonne dame, que vous ne me nommes point, veut faire un monastere de Religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prieres vocales, ni de plusieurs exercices exterieurs; car ce n'est pas vouloir des Filles de la Visitation.

  A020002834 

 De charger les Monasteres de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire.

  A020002834 

 De vouloir tirer des olives d'un figuier ou des figues d'un olivier, c'est chose hors de propos: qui veut avoir des figues, qu'il plante des figuiers; qui veut avoir des olives, qu'il plante des oliviers..

  A020002835 

 Ma tres chere Fille, vous estes tout a fait de mon humeur en la reception des filles.

  A020002836 

 Vous aves receu deux nouvelles, mais anciennes filles de vostre Mayson; le retour est tous-jours plus aggreable aux meres que le despart des enfans.

  A020002848 

 Vous connoisses des-ja ma Seur Marie Marguerite, de laquelle partant je n'ay rien a vous dire, sinon qu'elle s'en va tres joyeusement.

  A020002867 

 Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres.

  A020002884 

 O que madame [de] Dalet est heureuse d'avoir un esprit si ferme au desir de la perfection du saint amour! Je la salue tres cordialement, et toutes nos Seurs; mais vostre chere ame, ma Fille bienaymee, je la salue de toute l'estendue des affections de la mienne, qui suis.

  A020002905 

 L'on se dispose a Chamberi de recevoir nostre Visitation: sçaves vous comme vous y estes desiree? Monsieur vostre pere en a des-ja escrit a Monseigneur l'Evesque de Clermont.

  A020002926 

 Monseigneur, Puysque ça esté l'intention de Son Altesse que la Sainte Mayson de Thonon servit de refuge a ceux qui, [300] de l'heresie, se convertiroyent a la sainte religion catholique, et que pour cela ell'a commandé par lettre expresse, et par mon entremise, encor, que, des revenuz d'icelle Sainte Mayson, fussent donnés cinquante escus d'or de pension annuelle au sieur de Corsier, gentilhomme bien nay qui, despuys sa conversion qu'il fit entre mes mains, a tous-jours vescu fort vertueusement en bon ecclesiastique, apres avoir perdu tous ses biens, il recourt a Vostre Altesse Serenissime, affin qu'il luy playse de luy faire effectivement joüyr de ce bienfait que la Sainte Mayson ne nie pas luy estre deu, mays qu'elle dit ne pouvoir payer, parce que les deniers que Son Altesse luy a assignés pour sa fondation manquent..

  A020002927 

 Or, Monseigneur, le sieur Gilette estant en cour et ayant charge des affaires de la Sainte Mayson, je croy que si Vostre Altesse luy commande efficacement de faire treuver laditte pension, il le pourra bien faire.

  A020002942 

 Je n'ose et ne doy pas aussi oser escrire a Vostre Altesse Reverendissime que pour des occasions pressantes..

  A020002960 

 Non, ma tres chere Fille: que l'on ayt partagé la charge du Pere spirituel de vostre Monastere, donnant a M. Le Blanc le soin de ce qui regarde vos affaires temporelles, et a M. Vincent celuy des choses purement spirituelles, il ny a point d'inconvenient; au contraire, il semble a propos, eu egard a la grandeur de la ville en laquelle vous estes.

  A020002983 

 Ayant receu un brevet de Sa Sainteté, du vint huit d'avril, par lequel elle me commande de me treuver au Chapitre general des PP. Feuillantins qui se doit celebrer d'aujourdhuy en quinze jours a Pignerole, je prevoy qu'il me sera presque impossible de partir asses tost d'icy pour pouvoir aller faire, comme je serois obligé, la reverence a Son Altesse Serenissime et a vous, Monseigneur, et a Madame, avant que de me rendre au lieu de l'assignation; de sorte que je seray contraint de differer la tres humble reddition de ce devoir jusques apres la celebration de l'assemblee.

  A020002983 

 Ce que je supplie en toute humilité Vostre Altesse Serenissime de vouloir aggreer, et de m'honnorer des commandemens de Son Altesse et [306] des siens, si d'aventure j'estois si heureux de luy pouvoir donner quelque contentement en cette occasion, en laquelle, comme en toute autre, je seray invariablement,.

  A020002997 

 Cette fille me donne tout a propos la commodité de saluer vostre chere ame de tout mon cœur, ma tres chere Fille; et je le desirois bien fort, puisque il faut que je parte dans peu de jours pour aller en Piemont, par le commandement du Pape, qui m'oblige de me treuver au Chapitre general des Feüillans le 30 de ce moys, affin d'y præsider au nom du Saint Siege.

  A020003013 

 Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service.

  A020003014 

 Nous avons icy maintenant l'honneur et le bonheur de la presence de Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, des grandes qualités et parties duquel je vous escrivis mon sentiment l'annee passee.

  A020003014 

 Or, monsieur de Bellecombe est l'un des principaux suivans ordinaires de Son Altesse et son maistre d'hostel actuellement servant maintenant; chevallier que je regarde avec un honneur extreme, non seulement par ce qu'il est serviteur d'un si grand Prince et qu'il est de mes principaux amis, mais aussi par ce que veritablement il est plein de tant de vertu et de merite qu'il est impossible de le connoistre et ne l'affectionner pas ardemment.

  A020003033 

 Tenes, voyla une des larmes de Vandosme, c'est a dire une goutte de l'eau dans laquelle on a trempé la fiole dans laquelle est, ainsy qu'on tient par la tradition ancienne des habitans de Vandosme, de la terre sur laquelle tomberent les larmes de Nostre Seigneur, tandis qu'au tems de sa mortalité et de ses peynes il pria et adora son Pere eternel pour la remission de nos pechés.

  A020003058 

 Hier, 10 de ce mois, à la vingtième heure, fut clôturé et terminé le Chapitre général des Feuillants; et à la vingt-quatrième je reçus la lettre du 28 mai que Votre Seigneurie Illustrissime voulut bien me faire adresser, par laquelle, suivant l'ordre de Sa Sainteté, elle [312] m'enjoignait de faire élire un italien pour Prieur de Saint-Bernard de Rome..

  A020003059 

 Toutefois, comme le Père Général doit se rendre à Rome au mois de septembre, on a décidé que le Prieur élu de Saint-Bernard ne prendrait pas possession de sa charge jusqu'à ce que le Général lui-même ait présenté ses hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et reçu ses ordres; de sorte que, en qualité de protecteur des Feuillants, Elle pourra alors, si bon lui semble, transférer l'élection de ce [313] français faite en Chapitre, au Prieur de Sainte-Pudentienne, qui est italien.

  A020003072 

 Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre.

  A020003074 

 Je luy baise tres-humblement les mains, et prie Nostre Seigneur qu'il respande sur Elle toute sorte de saincte prosperité, selon la plenitude des desirs,.

  A020003086 

 La lettre que Vostre Seigneurie Illustrissime a eu aggreable de m'escrire, du sixiesme de may, m'oblige de mettre la plume à la main pour vous asseurer que le Chapitre general des PP. Fueillans a esté tenu avec tant de paix et un si unanime consentement des esprits et des [317] volontez de ceux qui y ont assisté, que ces braves Religieux me sembloient plustost une assemblée d'Anges, que d'hommes mortels.

  A020003088 

 Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,.

  A020003101 

 Et pour ce, je ne doute point que ceste eslection ne soit tres-aggreable à Vostre Seigneurie Illustrissime, laquelle, pour ne point entretenir plus long-temps avec des termes mal polis et grossiers, je supplie de me permettre que, comme Elle m'a recommandé ceste Congregation, je la recommande semblablement avec une tres-profonde reverence à son affection et à sa tres-amoureuse charité..

  A020003101 

 Ils ont promeu à la charge de General un personnage si orné des lumieres d'erudition et de prudence, qu'ils ne pouvoient faire une meilleure eslection.

  A020003112 

 L'asseurance que les Peres Fueillans m'ont donnée de l'amour et de la faveur que Vostre Seigneurie Illustrissime porte à leur Congregation, m'oblige de vous exposer comment, ayant pleu à Sa Saincteté m'establir President de leur dernier Chapitre general, j'ay rencontré parmy eux une concorde et une pieté si rare, que j'ay esté touché en moy-mesme d'un particulier sentiment d'obligation de louer infiniment la divine Majesté, qui a communiqué à des hommes mortels une si douce et aymable paix d'esprit..

  A020003113 

 Ses rares escrits rendent une manifeste preuve de cecy, Dieu s'estant servy de sa plume pour apporter beau-coup d'ornement à la saincte doctrine catholique, par les tres-utiles traductions qu'il a faictes de quelques Peres grecs et par les tres-beaux livres qu'il a composés pour la refutation des heresies de ce temps: dont je ne doute point que Vostre Seigneurie Illustrissime ne reçoive un grand contentement de ceste eslection et de l'heureux succez du Chapitre.

  A020003126 

 Puis que je cognoy l'affection particuliere dont le sainct zele de Vostre Seigneurie Illustrissime a tousjours embrassé et procuré les interests et l'advancement de la Congregation des PP. Fueillans, il m'a semblé estre de mon devoir de luy donner advis sur le succez de leur dernier Chapitre general, auquel, comme sçait Vostre Seigneurie Illustrissime, Sa Saincteté m'a donné ordre d'assister en qualité de President..

  A020003128 

 Et pour moy, je ne trouve en tout cecy qu'une chose à redire: c'est qu'il me semble que ce n'est pas un detriment de peu d'importance au public, qu'un personnage d'une condition si eminente et qui a escrit tres-elegamment pour le service de l'Eglise, se trouve neantmoins maintenant occupé ès affaires qu'apporte la charge et la Superiorité qu'on luy a imposée, encore que ceste charge soit sur des personnes religieuses et qui font profession de la perfection monastique.

  A020003157 

 Les Lettres de Votre Sainteté m'ayant établi Président du Chapitre général de la Congrégation des Feuillants, j'ai obéi sans retard et me suis transporté au monastère de Pignerol où s'est tenu ce Chapitre.

  A020003158 

 Aussi y a-t-il lieu de croire que sous son gouvernement toute la Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants..

  A020003159 

 Sans doute, la plupart des capitulants, les plus doctes et les plus sages, réclamaient une telle mesure; mais d'autres, moins éclairés et attachés jusqu'à l'excès à leurs anciennetés, comme ils disent, ont mis toute leur ardeur à défendre le Bréviaire usité jusqu'ici parmi eux.

  A020003159 

 [325] Ce sont des récits peu sérieux et presque badins, des hymnes sans suite, grâce au mélange des mots, nombre d'endroits entachés de pensées obscures: il est décent que tout cet ensemble soit rejeté hors de l'église de Dieu.

  A020003183 

 Ayant reçu les Lettres Apostoliques de Votre Sainteté, datées du 28 avril de cette année, qui me constituaient Président du Chapitre général de la Congrégation de Sainte-Marie des Feuillants, j'ai obéi sans retard.

  A020003184 

 Il ne reste plus qu'une chose à désirer: c'est que cette union, ou plutôt cette unité, entre des hommes de tant de provinces et de nations différentes, continue dans l'avenir à mériter les éloges qu'elle mérite aujourd'hui..

  A020003184 

 Tout cela s'est passé dans une si parfaite harmonie des coeurs, une si grande paix, une telle douceur, que l'on ne saurait rien voir de plus suave, de plus aimable.

  A020003185 

 Cette Congrégation possède maintenant pour Supérieur général un homme qui a réuni la très grande majorité des suffrages, et auquel, sans contredit, tous doivent céder la palme du savoir, de la prudence et du talent; un homme d'une vertu et d'une piété remarquables, qui, par des écrits très profonds, a enrichi et défendu l'Eglise de Dieu, et reste prêt à l'enrichir et à la défendre encore, quand ses loisirs le lui permettront.

  A020003185 

 On doit donc espérer que, sous son gouvernement, toute cette Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants.

  A020003196 

 Or, [330] je ne diray rien des tiltres d'honneur et de faveur dont vous estes si liberale envers moy, sinon que je ne cesseray jamais de vous souhaitter toute sorte de consolation et quelque digne occasion de vous tesmoigner combien je vous honnore..

  A020003200 

 C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer..

  A020003275 

 Me trouvant maintenant à la veille de mon départ de cette cour, je viens, par ces quelques lignes, offrir aussi mes très humbles hommages à Votre Altesse Sérénissime que j'ai eue continuellement [338] devant les yeux de l'esprit en la personne des Sérénissimes Infantes.

  A020003276 

 Je ne parlerai pas à Votre Altesse des faveurs reçues de leur bonté; mais je dirai bien que celle que me fait la Sérénissime Infante Françoise-Catherine en m'ordonnant de saluer ainsi par écrit et à la hâte Votre Altesse, est une des plus grandes et précieuses que je [339] pusse attendre en ce monde.

  A020003316 

 J'estois malade en Piemont quand je receu vostre lettre du 27 may; maintenant, de retour au lieu de ma residence, je vous remercie tres humblement de la souvenance que vous aves de moy qui, reciproquement, ay gravé en mon ame le respect que je doy a vostre vertu [342] et pieté, tesmoignee, de vray, par l'assistence que vous fistes a madame de Gouffier pour la reception des Filles de Sainte Marie de la Visitation..

  A020003318 

 Que si [343] quelqu'un vous a dit le contraire, il a eu tort, de moy qui sçai, des le tems mesme que vous me marques et duquel la memoire m'est si douce, quand j'avois le bonheur d'estre avec vous au college, que veritas non quærit angulos, et qu'il ny a nulle finesse au vray service de la pieté..

  A020003319 

 Peut estre donq y aura-il en madamoyselle vostre fille quelqu'autre manquement, non es choses essentielles de la pieté simplement, mays, a l'aventure, en ce qui est requis au genre de vie des Seurs de la Visitation, qui provoque la Superieure a la desirer ailleurs; car je ne puis m'imaginer que, sans rayson, de gayeté de cœur, ni mesme de fierté de courage, elle voulut fascher un personnage de vostre condition, et refuser le sejour au monastere a une fille si bien nee comm'est la vostre, Monsieur.

  A020003320 

 En somme, puisque vous m'aves fait lhonneur de m'aymer des il y a si long tems, je vous supplie tres humblement de continuer tous-jours, Monsieur, et de croire que de tout mon cœur je seray toute ma vie.

  A020003340 

 Je salue tres humblement le cœur de nostre devote Seur Marie et celuy de madamoyselle des [Con]ches, les conjurant de recommander souvent le mien tres chetif a la souveraine bonté de celuy de Nostre Seigneur, auquel [346] et par lequel je suis tres asseurement, ma tres chere Fille,.

  A020003352 

 Il est vray que des il y a long tems je me suis apperceu des desirs que plusieurs de vos Filles avoyent de la reformation; et, tout autant que la conscience me l'a peu permettre, je vous l'ay signifié de tems en tems.

  A020003352 

 Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes.

  A020003353 

 Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera.

  A020003369 

 [350] Monsieur Sanguin m'escrit une grande lettre et m'a fait escrire par Monsieur le Duc de Nemours sur les difficultés que l'on fait a sa fille; mais je n'ay rien a respondre sinon que les Superieurs qui sont sur les lieux doyvent decider ce fait, et non moy, qui ne puis estre instruit que par le recit des parties et qui, au reste, ne suis pas juge competant..

  A020003370 

 Est il possible que des filles nourries en l'escole de la folie de la Croix, soyent tellement affectionnees a la prudence du monde que ny l'une ny l'autre ne veuille point ceder et que chacune sache tant alleguer de termes de justice? Il faudra tascher pourtant d'arrester celle qui aura moins de rayson, pourveu qu'encores l'esprit du monde luy permette de se laisser condamner; mais je ne croys pas que cela se puisse faire avant vostre venue.

  A020003370 

 Je suis bien plus scandalisé des contestes qui sont entre nos Seurs Superieures de Moulins et de Nevers pour certains mille escus que je voudrois plustost estre au fons de la mer qu'en l'esprit de ces filles.

  A020003371 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au grand desir que les Superieures ont que l'on decharge leurs Maysons [351] par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a a porter son fardeau.

  A020003373 

 Je vous ay escrit cy devant sur le sujet des bienfaitrices, lesquelles, comme vous, je ne voudrois pas estre en grande quantité; mais pourtant cela se doit ordonner par la charité et par la discretion.

  A020003374 

 La quantité des malades de la Mayson de Paris est un grand presage de la benediction que Dieu y veut mettre, quoyque le sens y repugne..

  A020003375 

 J'ay un grand desir d'escrire a ses deux filles sur ce sujet, mais maintenant je n'ay pas la commodité, non plus que d'escrire a monsieur le premier President; en lieu dequoy je prie Dieu pour leur consolation et pour le repos de l'ame de cette chere personne que j'aymois et honorois de tout mon cœur, et de l'absence de laquelle je serois bien affligé davantage si je ne prenois asseurance en la misericorde [353] de Dieu qu'elle jouit des a present du bien auquel elle a tous-jours aspiré..

  A020003375 

 J'eusse bien desiré une plus longue vie a madame la premiere Presidente, ma tres chere fille; mais il faut s'arrester court et sans replique au decret de la volonté celeste, laquelle dispose des siens selon sa plus grande gloire.

  A020003375 

 Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre.

  A020003376 

 Ce m'a esté aussi une deplaisante nouvelle que celle de Monseigneur le Cardinal de Rés, non seulement pour la perte que l'Eglise a fait en son trespas, mais aussi parce que j'ay consideré en iceluy le deplaisir de madame la Marquise de Menelay, de monsieur le General des Galeres et de madame sa femme et de toute ceste mayson la que j'honnore de tout mon cœur.

  A020003381 

 Ce [355] pendant vives heureuse dans le sein de la bonté de Nostre Seigneur, qui soit beni es siecles des siecles.

  A020003385 

 [La M]ere Superieure des [Se]urs de la Visitation de S te Marie..

  A020003397 

 Je voy clair, ce me semble: Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree; c'est pourquoy je vous dis hardiment: Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection..

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003412 

 Il y a quelquefois des tentations humaines parmi les serviteurs et servantes de Dieu: si nous sommes animés de la dilection, nous les supporterons en paix..

  A020003414 

 Le malin esprit fait des effortz parce qu'il void que ce [359] petit Institut est utile au service et a la gloire de Dieu, et il le hait particulierement parce qu'il est petit et le moindre de tous; car cet esprit est arrogant et hait la petitesse parce qu'elle sert a l'humilité, luy qui a tous-jours aymé la hauteur, la fierté et l'arrogance, et qui, pour n'avoir pas voulu demeurer en sa petitesse, a perdu sa grandeur.

  A020003427 

 Les filles, comme foibles, sont sujettes aux ennuis, et les ennuis leur font treuver des expediens importuns et indiscretz.

  A020003427 

 Que ces changemens donq procedent du jugement des Superieurs, et non du desir des filles, qui ne sçauroyent mieux declairer qu'elles ne doivent point estre gratifiees, que quand elles se laissent emporter a des desirs si peu justes.

  A020003427 

 car le changement est tout a fait contraire au bien des Monasteres qui ont la clausure perpetuelle pour un article essentiel.

  A020003434 

 Nos Seurs vous auront escrit que l'on a envoyé [362] des Seurs a Belley; et je vous dis que dans peu de tems il en faudra pour Chamberi..

  A020003435 

 Madame la Duchesse de Mantoue a des grans desirs pour l'avancement de nostre institution.

  A020003464 

 Ainsy, partés au plus tost pour Rumilly, et salues bien de ma part, a vostre arrivee, mes cheres Filles qui y sont des-ja..

  A020003471 

 Il ne reste plus sinon que le R. Pere General envoye des Peres pour commencer le service, et dans peu de jours je recevray la lettre que Son Altesse luy fait a cett'intention..

  A020003471 

 J'ay retiré le brevet de nomination, en faveur de vostre Congregation, pour l'eglise de Rumilly, des prieurés de Chindrieu, de l'Aumosne, de Vaux, et de Sainte Agathe qui est le prieuré de Rumilly, que Son Altesse a signé et fait expedier de tres bon cœur.

  A020003472 

 Et lors que les Peres auront pris possession en vostre nom de l'office de l'eglise de Rumilly, il faudra moyenner a Rome l'union des benefices desquelz Son Altesse a nommé en faveur de vostre Congregation..

  A020003490 

 Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General.

  A020003491 

 Il reste que le juste dessein que Vostre Altesse en a si souvent fait soit executé, non seulement empeschant que les præbendes soyent remplies, mays impetrant de Sa Sainteté les provisions requises pour la translation du revenu, de l'Ordre de Cluni a celuy des Peres Barnabites, infiniment plus utiles au service de Dieu et au bien publiq.

  A020003491 

 Vostre Altesse avoit judicieusement estimé qu'il estoit expedient de transferer le revenu de ce monastere-la a l'entretenement des colleges et lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastere tout a fait ruiné et qui ne peut bonnement estre reparé, et que la discipline monacale ny est nullement observee, non plus qu'es autres lieux de cet Ordre-la.

  A020003506 

 J'ay tous-jours desiré de vous escrire, ma tres chere Fille, des que j'ay receu vostre lettre, mais je n'ay presque sceu parmi le tracas auquel je me suis treuvé..

  A020003507 

 Je les verray avant mon retour, si je puys, et vous en feray sçavoir des nouvelles, desirant, soudain que je seray revenu, d'aller la haut visiter madame l'Abbesse ma cousine, et vous [370] voir toutes, grandement content si je puis en quelque sorte vous donner a toutes quelque saint contentement, qui suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,.

  A020003525 

 Qu'ay a vous dire la dessus, mon tres cher Frere, ni a madame la vefve, ni a nostre chere seur Bonaventure? Dieu aura des-ja visité vos cœurs de ses saintes inspirations, et vous aura dit interieurement les saintes paroles de sa consolation..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003542 

 Nous avons deu sçavoir que nous ne sçavions l'heure en laquelle quelque semblable evenement nous arriveroit par le trespas des autres, ou aux autres par le nostre.

  A020003544 

 Mais en la distribution des cures, je suis attaché a une methode de laquelle je ne peux me departir.

  A020003545 

 Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion: il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas..

  A020003558 

 On pourra cependant procurer l'union, que Son Altesse favorisera tant qu'il pourra par l'entremise de son Ambassadeur a Rome, selon la lettre quil en a des-ja faitte et que j'ay entre les mains..

  A020003558 

 Voyla une lettre de Son Altesse Monseigneur le Duc de Savoye, par laquelle il vous prie d'envoyer de vos Peres pour prendre l'eglise de Rumilly, laquelle, quant a la cure, est des-ja au Pere de Saunaz.

  A020003560 

 Au demeurant, j'ay receu icy a Belley, d'ou je partiray demain, Dieu aydant, le commencement de vos Discours de l'Estat et des Grandeurs de Jesus, que le bon M. Crichant m'a apportés de vostre part.

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003577 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses.

  A020003585 

 A luy, louange des graces qu'il fait a ce digne Prelat qui, les recevant avec reconnoissance et sans resistance, fera des merveilles pour le bien de la sainte Eglise.

  A020003597 

 Et vous deves vous reposer en cela, ma tres chere Fille, et aggrandir tous les jours vostre cœur et vostre courage en une parfaite confiance du secours celeste, puisque cette divine Providence n'employe jamais les ames a des [381] choses grandes et difficiles, qu'il ne leur veuille quant et quant departir sa tressainte assistence..

  A020003618 

 Et par ce que Vostre Altesse m'a commandé que je l'advertisse des choses qui regardent l'avancement de la gloire de Dieu en ce diocæse, je joins cet advis a la supplication dudit P. Prevost des Barnabites..

  A020003618 

 Pour cela, Monseigneur, le P. Prevost du college de Thonon, qui y a le premier interest, recourt a Vostre Altesse affin qu'Elle donne ordre que son intention soit suivie en la suppression des moynes et præbendes de ce Monastere la.

  A020003618 

 Tous-jours les vieux Religieux de Contamine taschent, par divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de Cluni es præbendes de ce Monastere, quoy qu'ilz sachent bien que Vostre Altesse Serenissime a resolu de les faire employer a l'entretenement des colleges et du Novitiat qui sont establis en ce pais pour les Peres Barnabites.

  A020003632 

 Et je confesse que ce me seroit de la consolation de sçavoir des nouvelles de ces nouvelles plantes que Dieu, ce me semble, a plantees de sa main pour son plus grand honneur et service..

  A020003634 

 Or sus, je croy qu'un bon moys ou cinq semaines feront la rayson de tous ces destours; mais j'entens tous-jours qu'il n'y ayt point de peril des gens d'armes sur les chemins de ces lieux la..

  A020003651 

 Je pars avec desplaysir de laisser M. de Blonnay malade, et vous dis seulement que les Peres Barnabites pensent avoir rayson de vouloir nommer aux offices de Contamine, a cause des paroles expresses: « avec toutes charges et honneurs.

  A020003667 

 O que bien advantagees sont les Filles de Sainte Marie de la Visitation, parmi tant de moyens et d'occasions de bien aymer et servir Nostre Seigneur! Helas! ce sont des miracles de voir de ces bonnes filles en ces monasteres, exposees a tant de venues et de visites..

  A020003679 

 Passant icy a Sessel, je me sens obligé d'assister [389] monsieur de Losches, mon cousin, de ma tres humble supplication aupres de vous, affin quil vous playse de le proteger en l'affaire qu'il a devant messieurs de la Chambre des Comtes.

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003720 

 Comme vous sçaves, je ne suis nullement scrupuleux, et n'appelle pas amusement de vanité sinon la volontaire inclination que nous nourrissons aux choses qui veritablement nous divertissent des pensees et deliberations que nous devons avoir pour la tressainte eternité..

  A020003720 

 Vous sçaves, ma tres chere Fille, combien je suis aysé a contenter et combien j'ay de facilité a bien esperer des ames que j'affectionne: c'est des vostre enfance que j'ay une infinie passion pour vostre salut, et que j'ay conceu une grande confiance que Dieu vous tiendroit de sa main, pourveu que vous voulies correspondre a ses faveurs.

  A020003733 

 Mille remerciemens a vostre cœur bienaymé, ma tres chere Fille, pour les faveurs qu'il fait a mon ame, luy donnant des si douces preuves de son affection.

  A020003733 

 Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour..

  A020003734 

 Vivons seulement pour cette vie, ma tres chere Fille, qui seule merite le nom de vie, en comparayson de laquelle la vie des grans de ce monde est une tres miserable mort..

  A020003759 

 La mesme solemnité de ces grans jours de Noel qui m'oste presque l'esperance de vous voir, me donne l'asseurance de vous faire cette importunité pour ce pauvr'homme que la charité m'oblige d'affectionner, et le bon exemple qu'il a donné de sa foy et de sa probité tandis qu'il a sejourné dans le balliage de Gex, ou il a neantmoins des persecutions dans son innocence.

  A020003805 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

  A020003815 

 Encore que madame de Dalet, notre fondatrice, soit l'une des âmes la plus vertueuse et la plus aimable que mon esprit ait jamais rencontrée, si je voyais tant soit peu de déraison dans sa retraite, et que quelque autre attrait que le pur mouvement divin l'attirât à nous, je me retirerais entièrement d'elle.

  A020003826 

 Vous vous ressouviendrez bien comme Monsieur le Prince mon frere, estant en Savoye, vous commit d'assigner le prieuré de Saint Clair aux Peres Bernabites du Colleige d'Annessi, et des oppositions qui y furent apportées par le Baron de Menton, pretendant avoir droict sur ledit prieuré.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003842 

 Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire..

  A020003843 

 Et affin que ces bons Peres Religieux reformés ayent plus de moyen de s'entretenir et maintenir, Nous leur donnons dez à present, en tant qu'il Nous touche, tous les revenus, offices et prebendes monastiques, tant du dit Talloire que des autres monasteres susdits, pour en jouir et les unir à la dite reforme à perpetuité; si qu'ils puissent en prendre possession apres qu'elles seront vacantes, au cas que les possesseurs modernes n'acceptent la ditte reforme..

  A020003844 

 Declarons qu'il sera loisible au dit Evesque de Geneve, avec participation des Peres principaux reformés du dit Ordre, de nommer et creer un d'eux pour Abbé et chef Provincial de la ditte reforme, qui se pourra changer de tems en tems, selon les louables coustumes des Congregations reformees..

  A020003859 

 Enfin, voici nos chères colombes dans leur nouvelle retraite, si parfumée des odeurs célestes que quantité de nos jeunes damoiselles prennent en vérité des ailes de colombe pour sortir du déluge du monde et se reposer en cette arche, en la sainte société de celles que vous nous avez envoyées pour adresser les autres dans le chemin du Ciel.

  A020003860 

 Je dis quelque chose en faveur de notre chère Visitation, non pour la rendre recommandable, car elle ne pourrait être plus honorée et estimée qu'elle est ici, mais pour satisfaire à l'affection et dévotion des assistants, et pour rendre le devoir que j'ai aux Filles [405] d'un si grand, digne et aimable Père, de la débonnaireté duquel j'espère que j'aurai toujours la grâce d'être avoué.

  A020003873 

 Et certes, à dire vrai, vivre ponctuellement selon les rudes casualités et règlements, selon les ordonnances des trop exacts médecins, est embrasser une grande peine.

  A020003873 

 Il m'est arrivé comme à l'avare: j'ai été pauvre de cette abondance et, comme aux grands festins, j'ai plutôt été [406] rassasié des yeux que de l'estomac.

  A020003873 

 Il me souvient de la repartie des Spartains à ces longs harangueurs de Corinthe: la langueur et longueur du commencement fait oublier les conséquences de la fin; les conclusions sont étouffées dans la multitude des prémices.

  A020003875 

 Ce sont des lunes obscures, jusqu'à ce qu'elles soient illuminées des rayons de mon Père, qui est aussi véritablement le soleil de ce siècle que cet astre unique est le flambeau du ciel et de la terre.

  A020003875 

 Nos bonnes filles entrent dans des impatiences contre moi, et m'est avis, quand elles me regardent sans m'oser dire mot, que leurs yeux me voudraient faire entendre ce que disait autrefois une désolée:.

  A020003884 

 J'irai apprendre vers elles ce que j'ignorerai de vos saintes maximes, je les regarderai comme mes sœurs, je les honorerai comme mes aides en la conduite de ce diocèse, je les proposerai à mon peuple comme la règle de la vraie piété; bref, Monseigneur, en la personne des Filles, je renouvellerai l'idée que je ne perds jamais des vertus du Père..

  A020003890 

 Mais que direz-vous de votre disciple, qu'il apprenne les chansons des fillettes! Ce sont des couplets innocents aux oreilles et à la mémoire..

  A020003891 

 Cependant, je vis encore dans l'attente d'une ample réponse sur ma lettre précédente, car il faut dire de vos lettres, pour précipitées qu'elles soient, comme des Oraisons de Démosthène, que les plus longues sont les meilleures.

  A020003891 

 Il n'en est pas ainsi des miennes, mais vous me pardonnerez volontiers, voyant que la nécessité me rend importun pour cette fois.

  A020003905 

 O Dieu, en vous admirant, j'ai bien quelque disposition d'en tirer des bons désirs; mais je n'ai pas la force de les mettre en effet, jusques à ce que vox Domìni præparantis cervos tonne en mon âme et lui donne puissance d'enfanter tout ce qu'elle conçoit, pour conduire dans la vraie perfection ce qu'il vous a plu de me conseiller quelquefois..

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020003906 

 Tout est en une très bonne disposition, chacun l'attend avec affection, et singulièrement ceux qui ont autrefois été témoins des heureuses ferveurs de son commencement.


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000007 

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  A021000007 

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  A021000014 

 Une résolution des deux Saints.

  A021000016 

 Influence de la sainteté des grands. 12.

  A021000022 

 — Des essais trompeurs. 16.

  A021000023 

 La variété des exercices et l'amour.

  A021000029 

 L'ombre nécessaire pour conserver les fruits des résolutions.

  A021000030 

 Le but divin des afflictions.

  A021000038 

 — Ne pas s'attrister des répugnances, mais les surmonter.

  A021000040 

 — Pleurer sur la perte des nôtres, mais non désordonnément.

  A021000043 

 — Pour qui toute mort est-elle heureuse? — Vivre avec des pensées généreuses et magnifiques.

  A021000047 

 — Les merveilles des noces de Cana.

  A021000048 

 — Rapidité des années; leur prix infini.

  A021000049 

 — Combien fades les niaiseries des amours profanes.

  A021000059 

 Lettres découvertes après l'impression des volumes précédents.

  A021000064 

 Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu (Minute).

  A021000064 

 — C'est « un grand mal » d'entretenir des imperfections dans une Maison religieuse. 48.

  A021000078 

 — Veiller sur son cœur au milieu de l'embarras des affaires. 65.

  A021000089 

 A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites (Minute).

  A021000093 

 Recommandation en faveur des Clarisses d'Evian; pourquoi le Saint la trouve inutile. 76.

  A021000098 

 — Pourquoi le gentilhomme, réduit à la pauvreté, ne peut profiter des libéralités assignées par le Duc à la Sainte-Maison de Thonon.

  A021000102 

 Le fardeau du cinnamome et le faix des moissonneurs.

  A021000117 

 — « Un des grans articles du prouffit spirituel.

  A021000118 

 — Dans les maladies spirituelles et corporelles, user des remèdes voulus par Dieu, mais s'en remettre, pour le résultat, à son bon plaisir.

  A021000133 

 — Indéfectible unité des deux Saints.

  A021000135 

 MMLXXIX. Prix de la « resignation de soy mesme » acquise au milieu des contradictions.

  A021000141 

 — Manière de traiter avec le prochain et de tirer profit des contradictions.

  A021000143 

 — Se moquer des tentations et parler à Notre-Seigneur d'autre chose.

  A021000145 

 MMLXXXIX. L'« amour royal » des Bienheureux.

  A021000145 

 — Pourquoi le « Roy des coeurs » aima parfois les larmes 109.

  A021000152 

 MMXCV. Zèle du Saint pour le service des âmes.

  A021000153 

 MMXCVI. Pensée consolante sur la mort des amis.

  A021000154 

 — Le trésor des âmes pures.

  A021000155 

 — L'habitude des vertus.

  A021000156 

 — Indifférence pour l'affection des créatures; quel amour doit nous suffire.

  A021000157 

 MMC. Pureté d'intention des amantes de l'Epoux céleste. 117.

  A021000160 

 B. Lettre de M Antoine des Haves a M. Claude de Charmoisy.

  A021000228 

 Communies tous les dimanches, et tous-jours avec prieres pour impetrer la lumiere requise; et ces jours la de feste, vous pourres bien visiter, par maniere d'exercice, les lieux saintz des Capucins, Saint Bernard, les Chartreux..

  A021000260 

 Et s'il vous plaist, Monsieur, dites moy, je vous supplie, quel sujet aves vous de nourrir cette triste humeur qui vous est si prejudiciable? Je me doute que vostre esprit ne soit encor embarrassé de quelque crainte de la mort soudaine et des jugemens de Dieu.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000261 

 C'est un sentiment meilleur de se desfier de pouvoir resister aux tentations, que non pas celuy de s'en tenir pour asseuré et asses fort, pourveu que ce qu'on n'attend pas de ses forces on l'attende de la grace de Dieu: en sorte que plusieurs qui, avec grande consolation, se sont promis de faire des merveilles pour Dieu, quand c'est venu au point ont manqué; et plusieurs qui [12] ont eu grande desfiance de leurs forces et une grande crainte qu'a l'occasion ilz ne manquassent, sur le champ ont fait merveilles, parce que ce grand sentiment de leur foiblesse les a poussés a rechercher l'ayde et le secours de Dieu, a veiller, prier et s'humilier pour ne point entrer en tentation..

  A021000261 

 Et ne faut pas, Monsieur, que nous revoquions en doute si nous sommes en estat de nous confier en Dieu, quand nous sentons des difficultés a nous garder du peché, ni quand nous avons desfiance ou peur qu'es occasions et tentations nous ne puissions pas resister.

  A021000262 

 Et nous devons tous-jours servir des paroles de David: Pourquoy es tu triste, mon ame, et pourquoy me troubles tu? Espere au Seigneur; et de l'orayson dont il usoit: Quand ma force defaillira, Seigneur, ne m'abandonnes point..

  A021000302 

 Exercés fort vostre cœur a la douceur interieure et [17] exterieure, et le tenés en tranquillité parmi la multiplicité des affaires qui se presentent a vous.

  A021000302 

 Gardes vous bien fort des empressemens, qui sont la peste de la sainte devotion, et continues a tenir vostre ame en haut, ne regardant ce monde que pour le mespriser, ni le tems que pour aspirer a l'eternité.

  A021000302 

 Sousmettes souvent vostre volonté a celle de Dieu, estant preste a l'adorer autant quand elle vous envoyera des tribulations comme au tems des consolations..

  A021000330 

 Je vous supplie, ma chere Fille, n'abandonnes jamais le train des saintes resolutions que vous aves faites, car Dieu qui les a donnees a vostre cœur luy en demandera le conte.

  A021000338 

 Certes, quelle qu'elle soit, elle me donne bien de la condoleance, mays aussi quant et quant de la consolation, puisqu'il dit que Dieu vous l'a envoyee; car, ma tres chere Fille, rien ne sort de cette main divine que pour l'utilité des ames qui le craignent, ou pour les purifier, ou pour les affiner en son saint amour.

  A021000338 

 Regardes souvent a la duree de l'eternité, et vous ne vous troubleres point des accidens de la vie de cette mortalité Ainsy soit il..

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000366 

 Les empressemens d'amour en l'orayson sont bons, s'ilz vous [23] laissent des bons effectz et qu'ilz ne vous amusent point a vous mesme, mais a Dieu et a sa sainte volonté; et en un mot, tous les mouvemens interieurs et exterieurs qui affermissent vostre fidelité envers cette volonté divine seront tous-jours bons.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000369 

 Continues a me dire bien franchement et souvent des nouvelles de ce cœur la, que le mien cherit d'un grand amour, pour Celuy qui est mort d'amour affin que nous vescussions par amour en sa sainte et vitale mort..

  A021000386 

 Bienheureux sont ceux que l'on laisse en liberté, au prix des moins infortunés.

  A021000394 

 Sur la premiere partie de la lettre que vous aves escritte a madame N., et que vous aves desiré m'estre [26] communiquee, ma tres chere Fille, je vous diray que si monsieur N. ne vous faysoit point d'autres allegations que celle que vous marques et [s'] il avoit affaire devant nous, nous le condamnerions a vous espouser sous des grosses peynes; car il n'y a pas rayson que, pour des considerations qu'il a peu et deu faire avant sa promesse, il veuille maintenant rompre parole.

  A021000395 

 Certes, il faut que l'issue d'un proces soit merveilleusement heureuse, pour reparer les frais, les amertumes, les empressemens, la dissipation du cœur, l'odeur des reproches et la multitude des incommodités que les poursuittes ont accoustumé d'apporter.

  A021000395 

 Sur tout, j'estime fascheux et inutiles, ains dommageables, les proces qui se font pour les paroles insolentes et manquemens de promesses, quand il n'y a point d'interest reel; parce que les proces, en lieu de suffoquer les mespris, ilz les publient, dilatent et font continuer, et en lieu de reduire a l'observation des promesses, ilz portent a l'autre extremité..

  A021000396 

 La pluspart des injures sont plus heureusement rejettees par le mespris qu'on en fait que par aucun autre moyen; le blasme en est plus pour l'injurieux que pour l'injurié..

  A021000397 

 Avec tout cela, neanmoins, ce sont mes sentimens generaux, lesquelz peut estre ne sont pas propres pour l'estat particulier auquel vos affaires se treuvent; et suivant un bon conseil pris sur la consideration des particulieres circonstances qui se presentent, vous ne pouves pas faillir.

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000433 

 Je veux bien que vous pleuries pour cette perte, car c'est la rayson; mais je desire bien aussi que vous ne pleuries pas desordonnement, et qu'en cette occasion vous tesmoignies que vous aves des-ja tant proffité en la vertu, que vous aves plus de fondement sur l'eternité que sur l'image de ce monde.

  A021000433 

 Vous series trop temeraire, ma tres chere Fille, si vous pretendies d'estre exempte des secousses que l'inconstance et misere de cette vie donne de tems en tems aux hommes.

  A021000441 

 Helas! ce sont des accidens naturelz que l'apoplexie et cheute de catarrhe; et Nostre Seigneur, voyant arriver nostre fin, nous prepare doucement par ses inspirations affin que nous ne soyons pas surpris, ainsy qu'il a fait cette bonne seur..

  A021000443 

 Ma Fille, portons bien nos pensees au Ciel, et nous serons fort exemptz des accidens de la terre..

  A021000458 

 Or sus, ma tres chere Fille, il faut donq que vostre cœur souffre l'absence des maintenant de monsieur vostre bon pere, puisque en fin la Providence divine l'a retiré a soy et mis hors de cette chetifve vie mortelle en laquelle nous vivons en mourant et mourons continuellement en vivant..

  A021000460 

 En cette eternité, nous jouirons de rechef de la societé des nostres, sans jamais en craindre la separation..

  A021000460 

 Ma Fille, qui aspire a l'eternité se soulage aysement des adversités de cette vie, qui ne dure que de legers, chetifs et courtz momens.

  A021000461 

 Vives avec des pensees genereuses et magniques qui vous tiennent attachee a cette eternité et a cette sacree Providence, qui n'a disposé ces momens mortelz que pour cette vie eternelle.

  A021000470 

 Je connoissois cette bonne seur deffunte, non seulement de veuë exterieure, mais encor par quelque communication de son ame qu'elle me fit en ma visite; et n'y a qu'environ une annee que je luy envoyay l'habit du Tiers Ordre des Carmes, qu'elle m'avoit mandé requerir pour sa devotion, et, a la reception, elle fit une confession generale a un homme fort capable, qui me l'escrivit ou me le dit, je le sçai bien.

  A021000471 

 Ouy, tres chere Fille, pleurés un peu sur cette trespassee, car et Nostre Seigneur pleura bien un peu sur son cher Lazare; mais que ce ne soyent pas des larmes de regret, mais d'une sainte compassion chrestienne et d'un cœur qui, comme celuy de Joseph, pleure de tendreté, et non pas de fierté comme celuy d'Esaü.

  A021000473 

 Vrayement, je pleure aussi bien, moy, en telles occasions, et mon cœur, de pierre es choses celestes, jette des eaux pour ces sujetz; mais, Dieu soit loué! tous-jours doucement et, pour vous parler comme a ma chere fille, tous-jours avec un grand sentiment d'amoureuse dilection envers la providence de Dieu; car despuis que Nostre Seigneur a aymé la mort et qu'il a donné sa mort pour objet a nostre amour, je ne puis vouloir mal a la mort ni de mes seurs, ni de personne, pourveu qu'elle se fasse en l'amour de cette mort sacree de mon Sauveur.

  A021000482 

 Il y a sans doute des chemins plus excellens, mais non pas pour vous; et l'excellence du chemin ne rend pas excellens les voyageurs, ains leur vistesse et agilité.

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000517 

 Vives joyeuse, ma Fille, et conserves a ce Sauveur vostre cœur, pour lequel, des sa tendre enfance, il a respandu son sang salutaire.

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000536 

 Il n'est pas des rosiers spirituelz comme des corporelz: en ceux ci, les espines durent et les roses passent; en ceux la, les espines'passeront et les roses demeureront..

  A021000536 

 J'ayme vostre avancement en la solide pieté, et cet avancement requiert des difficultés, affin que vous soyes exercee en l'eschole de la Croix, en laquelle seule nos ames se peuvent perfectionner; mais je ne me puis empescher des tendretés maternelles qui font desirer les douceurs pour les enfans.

  A021000538 

 Ma tres chere Fille, le porteur qui m'a apporté vostre lettre ne me donne que des momens pour vous escrire; c'est pourquoy je finis, vous dediant en Nostre Seigneur tout mon cœur et mes affections..

  A021000566 

 Le second article principal, c'est que ce seul vray Dieu est Pere, Filz et Saint Esprit: dont le Pere est la premiere Personne de la tressainte Trinité, le Filz la seconde et le Saint Esprit la troysiesme; en sorte que les troys Personnes ne sont pas plusieurs dieux, ains un seul vray Dieu, bien que l'une des Personnes ne soit pas l'autre.

  A021000567 

 Et bien que l'une des puissances ne soit pas l'autre, si est ce que toutes troys ne sont qu'une seule ame: l'entendement estant ame, la memoire ame, la volonté ame, et non troys ames, ains une ame; et bien que ce ne soit qu'une ame, si est ce que cette ame, en tant qu'entendement n'est pas memoire, en tant que memoire n'est pas volonté..

  A021000569 

 Et encor que ce ne soit qu'une seule ame, neanmoins l'une des facultés agit en un endroit ou l'autre n'agit pas.

  A021000580 

 Je ne dis rien, ma bonne Fille, de vostre cœur en ce que vous n'aves pas des larmes.

  A021000582 

 Pour tout, ne souhaites pas des persecutions pour l'exercice de vostre fidelité, car il vaut mieux attendre celles que Dieu vous envoyera que d'en desirer; et si, vostre fidelité a mille sortes d'autres exercices: en l'humilité, douceur, charité au service de vostre pauvre malade, mays [53] service cordial, amoureux et affectionné.

  A021000583 

 O ma Fille, ostés bien toutes les robbes de vostre captivité par des continuelz renoncemens a vos affections terrestres; et ne dites point que le Roy ne vous en donne des royales pour vous tirer a son saint amour.

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000589 

 Mon Dieu, disoit saint Gregoire a un Evesque affligé, comme se peut il faire que nos cœurs, qui sont meshuy au Ciel, soyent agités des accidens de la terre? C'est bien dit: la seule veuë de nostre cher Jesus crucifié peut addoucir en un moment toutes nos douleurs, qui ne sont que des fleurs en comparayson de ses espines.

  A021000619 

 Mais voyes vous, ce cœur doit estre d'ivoyre en pureté, en fermeté, en secheresse; desseché des humeurs du monde, ferme en ses resolutions, pur en ses affections..

  A021000632 

 Et, a parler realement, encores aves vous quelque devoir de priser l'affection que j'ay, aussy grande que la valeur des plus grans, de meriter d'estre ce que ne pouvant meriter je ne laisse pas,.

  A021000694 

 Au très invincible et très puissant Rodolphe second, très auguste Empereur des Romains, salut et grâce en Jésus-Christ..

  A021000697 

 Mais, victime de la tyrannie des hérétiques, notre Eglise se trouve dépouillée de toutes les ressources et les richesses dont les anciens Empereurs, dans leur reconnaissance envers le Christ, l'avaient [64] ornée et comblée.

  A021000713 

 Est-il quelqu'un qui puisse justement se fâcher contre celui qui lui dit de se laver après avoir été quelque temps sans le faire? Pourquoi ne pourra-t-on pas dire: réformez-vous, à une Maison qui a passé bien des années depuis sa dernière réforme? On se garde bien de laisser longtemps une maison sans l'approprier extérieurement; pourquoi n'en fera-t-on pas de même à l'intérieur?.

  A021000713 

 L'amour mondain est aveugle, et s'il ne [66] l'était pas, il n'aimerait pas le monde qui n'a rien de beau ou de bon; mais l'amour céleste n'est pas aveugle, car il a des lampes et des flammes brillantes, comme dit le Cantique, parmi lesquelles il donne l'esprit de discernement pour séparer le bien du mal.

  A021000714 

 Or je pense que vous pouvez bien en dire autant de votre Maison: elle est belle, c'est vrai; mais le soleil, c'est-à-dire le temps, la longueur des jours a altéré son teint.

  A021000716 

 David admirait comme Dieu donne la nourriture [68] aux poussins des corbeaux; aussi est-ce chose digne d'admiration.

  A021000717 

 Je loue leur méthode parce qu'elle est bonne, bien que ce ne soit pas la mienne, surtout à l'endroit des esprits nobles et bien élevés comme sont les vôtres.

  A021000719 

 Bienheureux ceux qui jetteront et écraseront contre la pierre la tête des petits de Babylone, disent les enfants d'Israël en un Psaume.

  A021000719 

 Prenez -moi les petits renardeaux, car ils ruinent les vignes, est-il écrit dans le Cantique des Cantiques.

  A021000722 

 On dit que les imperfections de votre Maison ne sont que des mouches parce qu'elles sont [74] petites.

  A021000761 

 Monsieur Saultier, præsent porteur, a une seur nourrie des son jeun'aage en vostre monastere, laquelle, a ce qu'il m'a dit, desire extremement l'honneur d'y estre receüe Religieuse.

  A021000778 

 l'emolument de l'union de vos cures, je n'y apporte nulle difficulté, et vous le laisse en recompense des peynes que vous aures.

  A021000849 

 Mais avec cela, ma tres chere Fille, je ne pers point courage, et pendant que Dieu me donnera des annees, des mois, des semaines, des jours et des heures a vivre en ce monde, j'espereray tous-jours la sainte et glorieuse æternité de l'autre..

  A021000906 

 Attendes donq, tres chere Seur, attendes, dis-je, en attendant, affin que j'use des paroles de l'Escriture.

  A021000906 

 Quant a vostre venue de deça, ne vous hastes point pour le dessein de Paris, car n'en ayant eu nulle sorte de nouvelles des.

  A021000906 

 Vostre cœur dira-il point, peut estre: Ardé comme cet homme va tous-jours esloignant l'affaire! O ma Fille, croyes que [90] le mien attend le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur que le vostre; mais il faut que je face ainsy pour des raysons lesquelles il n'est pas expedient que je vous escrive.

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000912 

 Je vous envoye un livre, mais ce n'est encor pas le beau, par ce que je me reserve a le vous donner apres la troysiesme edition, laquelle j'espere rendre fort entiere et correcte; car en celle ci je fus si pressé que quelques chapitres entiers y manquent, comme celuy Des habitz et Quil faut avoir l'esprit juste et raysonnable: dequoy je ne m'estois apperceu qu'avant hier.

  A021000913 

 Je n'ay sceu encor mettre la main au livre de l' Amour de Dieu, ayant esté continuellement agité des mon retour, et mesme ayant presché toutes les festes et Dimanches, a cause de l'absence de nostre prsedicateur..

  A021000916 

 Faites tous-jours comme vous m'escrivés: gardes vous des fortes applications de l'entendement, puisqu'elles vous nuysent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travailles autour de vostre cher object avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourrés.

  A021000916 

 Il ne se peut faire que l'entendement ne face quelquefois des eslancemens pour s'appliquer, et il ne faut pas s'amuser a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction; mais il faut se contenter que, vous en appercevant, vous retournies simplement aux actions de la volonté.

  A021000917 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelque autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche.

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000924 

 Gloire luy soit es siecles des siecles.

  A021000952 

 Ceux-ci, pour [98] la plupart, sont docteurs et excellents prédicateurs, et ont en effet, avec beaucoup de travaux, employé leurs talents en cette vigne, pour le bien des âmes et la conversion des hérétiques..

  A021000974 

 Tout ce qui vous honnore de deça se porte bien, notamment la chere seur de Sainte Catherine, laquelle je n'ay pas veu il y a fort long tems, mais delaquelle j'ay souvent des nouvelles et que je verray dans trois jours.

  A021000975 

 Soyes donq tous-jours toute a Dieu, sans laisser emporter vostre cher cœur au torrent des distractions que les affaires, et sur tout les proces, produisent; prenes garde que vostre soin ne se convertisse en troublement et inquietude d'ame.

  A021000975 

 Sur tout, n'oublies pas les affaires interieures pour les exterieures, mais donné tous-jours des parties plus prætieuses de vos jours et de vostre tems a Celuy qui vous veut donner son eternité..

  A021001002 

 Il faut bien vouloir servir ce cher cœur [105] dans ses maladies, ouy mesme il faut le caresser quelquefois, et lier nos passions et nos inclinations avec des chaisnes d'or, qui sont les chaisnes de l'amour, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A021001002 

 Ma tres chere Fille, toutes les fois que vous treuveres vostre cœur hors de la douceur, ne faites que le prendre tout doucement avec le bout des doigtz pour le remettre a sa place, et non a pleins poings, comme l'on dit, ni brusquement.

  A021001022 

 Revu sur l'Autographe conservé à Baaksem (Limbourg Hollandais), dans les Archives des RR. PP. Jésuites de la Maison d'Exaten.

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001044 

 Hélas! ma très chère Mère, que je suis plein de confusion lorsque je me ressouviens des ardeurs avec lesquelles en ce saint jour je sacrifiai en esprit toute ma vie à la gloire de Notre-Seigneur et au salut de ce peuple, il y a onze ans, et quand je considère combien peu j'ai correspondu à ces résolutions! J'y réfléchis cependant sans perdre courage; au contraire, j'en ai beaucoup, et d'autant plus que Notre-Seigneur m'a donné une aide qui non seulement m'est semblable, mais qui est une même chose avec moi, de telle sorte qu'elle et moi ne sommes qu'un en un seul esprit.

  A021001070 

 Et maintenant, Monsieur, je viens trop tard pour contribuer de la consolation a vostre cœur, lequel aura, je m'asseure, des-ja receu beaucoup de soulagement, pour ne plus demeurer au regret qu'une si sensible affliction luy avoit donné; car vous aures bien sceu considerer que ce cher enfant estoit a Dieu plus qu'a vous, qui ne l'avies qu'en prest de cette souveraine liberalité.

  A021001072 

 Il vous le donnera, et vous inspirera la pensee et le ferme propos de vous bien preparer pour faire a vostre tour, a l'heure qu'il a marquee, cet espouvantable passage, en sorte que vous arrivies heureusement au lieu ou nous devons esperer estre des-ja logé nostre pauvre, ains bienheureux defunct..

  A021001105 

 Dieu, par apres, la consideration duquel a donné naissance a cette si grande liayson, la benira de sa sainte grace, affin qu'elle soit fertile en toute consolation pour l'un et l'autre des cœurs qui, ensemblement, l'un par l'autre et l'un en l'autre, ne respirent emmi cette vie mortelle que d'aymer et benir l'eternité de l'immortelle en laquelle vit et regne la vie hors de laquelle tout est mort.

  A021001105 

 Et qu e veux je au Ciel et en la terre pour mon tres honnoré filz et pour moy, sinon de vivre a jamais de cette vie des enfans de Dieu? [115].

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001142 

 Aussi, implorant pour elle le comble des grâces de Dieu notre Seigneur, je demeure enfin et sans fin,.

  A021001163 

 Je dois, par tous moyens, chercher à le faire pour ne pas offenser Dieu, car j'entends chaque jour des nouvelles qui m'affligent beaucoup; de sorte que, à cause du relâchement du Clergé, je vois que ma présence est nécessaire en l'évêché de Genève..

  A021001194 

 Revu sur l'Autographe conservé à Nancy, à la Maison-mère de la Congrégation des Soeurs de Saint-Charles..

  A021001220 

 Mays, quand j'eusse eu une grande colere contre vous, ell' eut esté toute appaysee par le doux et gracieux presage que vostre ame bienaymee fait, que nous aurons encor le bien de nous revoir avant mon depart pour Romme; car je le desire certes grandement, et de plus je le croy, y voyant maintenant des tres grandes apparences, puisque ce voyage commence d'estre douteux..

  A021001236 

 Gardes vous bien des attendrissemens et des larmes qui proviennent de l'amour et compassion que nous avons sur nous mesme..

  A021001248 

 Mays comm' il a quitté son pere pour Dieu, il a quant et quant quitté tous les moyens de sa mayson; et si ceux que Vostre Altesse donne a la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion de Tonon pour le refuge des convertis estoyent effectivement receuz selon son [128] intention, j'eusse procuré qu'il en eut eu sa part; mays cela n'estant pas, je supplie tres humblement Vostre Altesse de le gratifier de sa providence paternelle, affin que par sa liberalité, ou par l'employ de la personne d'iceluy, il puisse subsister.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001270 

 J'ay fait des resolutions bien grandes de me reposer [130] entierement en Dieu, de suivre tranquillement sa providence et de ne tenir gueres de conte de cette prudence naturelle, specialement es choses qui dependent de la celeste grace, comme les vocations de nos Seurs, l'erection des Maysons et la conduite d'icelles..

  A021001277 

 De mesme, je vous veux regarder comme pere, a [131] cause des advantages de nature et de grace que Dieu vous a donnez au dessus de moy; et comme frere, puisque Dieu nous a mis en mesme rang de pastorat en l'Eglise de Dieu.

  A021001285 

 Il en est comme des vendangeurs et des moissonneurs, qui ne sont jamais si contens et joyeux que quand ils plient souz leur faix: qui les a jamais oui plaindre de l'exces de la moisson ou de la vendange?.

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001305 

 Dieu vueille qu'ils ne fassent rien de pis que de manger des œufs ou des bœufs, des fromages ou des vaches; s'ils ne faisoient point de plus grands desordres, il n'y auroit pas tant de plaintes contre eux..

  A021001384 

 Soit remise a monsieur Jaquet, maistre des Postes, qui, pour la consolation de monsieur de Montelon, en aura soin, sil luy plait..

  A021001397 

 Vuidés vostre cœur de toute image des choses corporelles; retranchés tant que vous pourres toutes actions et paroles mondaines, affectees et inutiles..

  A021001405 

 Admires souvent sa bonté, faites luy des reverences interieures, jettes-vous au pied de sa sainte Croix, invoques son ayde, interroges le souvent de vostre salut, donnes luy mille fois le jour vostre ame.

  A021001405 

 Adores Dieu le plus souvent que vous pourres par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur, desquelz je vous ay si souvent parlé.

  A021001405 

 C'est icy un des grans articles du prouffit spirituel, parce que nostre esprit hantant si souvent et familierement son Dieu, il se parfume tout de ses perfections..

  A021001417 

 Exerces-vous a l'office angelique, de faire des bonnes inspirations a ceux avec lesquelz vous converses..

  A021001418 

 Mays prenes garde que ce soyent des vertus de cœur, vous resouvenant de ce que je vous ay dit: que c'est un des grans artifices du diable de faire que plusieurs s'amusent a dire des parolles et faire des gestes exterieurs des vertus, lesquelz, n'examinant pas les affections de leur cœur, pensent estre humbles et doux, et ne le sont neanmoins point en effect..

  A021001422 

 Mais cette mesme volonté de Dieu qui nous envoye les maladies spirituelles ou corporelles veut que nous nous servions des remedes qu'elle donne, et que nous tenions nostre volonté preste pour recevoir ou la [143] guerison ou la continuation du mal, comme bon luy semblera.

  A021001436 

 Et comme le corail, tandis qu'il est en la mer, est un arbrisseau mossu, verdastre et sans beauté, si tost qu'il en est tiré, il rend son vermeil et son lustre: de mesme, tandis que l'amitié trempe aux objectz des sens, elle n'a ni beauté ni bonté; mais si tost qu'elle est tiree en Dieu, en l'esprit, en la charité, elle se treuve en sa perfection..

  A021001447 

 Consideres tout ce qui vous est arrivé de fascheux jusques a present, et comme tout cela est esvanouy et dissipé, car il sera de mesme en ce qui vous arrivera des-ormais: si qu'il faut avoir une douce patience en tous evenemens..

  A021001447 

 Pour ne vous point troubler de ce qui arrive en cette vie temporelle, penses souvent a sa briefveté et a l'eternité de la future; penses aussi a la Providence de Dieu, laquelle, par des ressortz inconneus aux hommes, conduit toutes sortes d'evenemens au prouffit de ceux qui le craignent.

  A021001454 

 Je n'appreuve nullement que l'on se serve des prestres comme des valetz de mayson, pour le seul trafiq [146] des choses temporelles; car encores que quelquefois la pauvreté le leur permette et face desirer, veu qu'ilz sont rustiques et gens de peu, si est ce qu'il ne faut pas que nous perdions le respect deu a leur qualité et caractere.

  A021001459 

 Le remede a toute tentation, secheresse, contradiction, bref a toutes choses generalement, sont les actes d'amour, lesquelz se feront vivement et promptement, retournant simplement son cœur a Nostre Seigneur avec des paroles pleines de confiance et d'amour, sans regarder ni disputer contre la tentation ou la chose qui fasche, mais comme feignant de ne la point voir, sans neanmoins tant multiplier les paroles d'amour.

  A021001498 

 C'est la ou paroist la generosité des enfans de la Croix et des habitans du sacré mont de Calvaire..

  A021001507 

 Ne vous attribues point les louanges des bonnes œuvres et actions, mais portés tout aux pieds de Jesus Christ qui en est l'autheur; autrement vous luy desroberies sa gloire.

  A021001520 

 Resignations, renoncement des consolations exterieures, des interieures, des corporelles, cordiales: que nous doit-il chaloir de tout cela, pourveu que Dieu [nous] ayme? et il nous ayme, pendant que de la pointe de nostre cœur nous nous tenons a luy.

  A021001537 

 Penses souvent aux vertus de Nostre Seigneur par forme d'entretien, et a celles des Saintz..

  A021001550 

 S'il arrive des pensees d'envie, celuy contre lequel elles viendront il le faut embrasser avec le cœur et, comme si l'on le tenoit entre ses bras, le porter et colloquer dans le sein de Nostre Seigneur et nous loger au fin bas lieu..

  A021001552 

 Maintenant que vous communies si souvent, dame, il faut faire les œuvres des grandes vertus.

  A021001567 

 La rayson de cela, c'est que la vertu n'estant autre chose qu'une moderation faite en la rayson, fait que l'esprit habitué a une seule vertu se plie facilement a toutes rencontres de la prattique des autres vertus..

  A021001570 

 Les habitudes des vertus ne s'acquierent que par des [157] actes multipliés et [ne] se peuvent conserver que par les mesmes actes, lesquelz venant a cesser, les vertus se perdent et se ruynent.

  A021001586 

 L'un des hautz pointz de l'humilité, c'est de ne se point excuser..

  A021001612 

 Ne veuilles pas penser si vous aves des sentimens, ni pourquoy vous n'en aves point.

  A021001625 

 Il faut faire valoir nos peynes, nos travaux, nos ennuis et toutes nos afflictions pour la sainte dilection; ce sont des bonnes estoffes pour l'avancement d'une ame au tres saint service de sa divine Majesté..

  A021001659 

 Au manquement des satisfactions raysonnables que l'on desireroit, il faut tous-jours avoir patience, et neanmoins tascher d'allentir un peu les desirs, prenant les choses mesmes, pour bonnes qu'elles soyent, avec esprit d'indifference.

  A021001660 

 Il faut du tout quitter les reflexions, et n'en jamais faire en façon quelconque pour voir ce que l'ame fait ou ce qu'elle fera, si l'on fait bien ceci ou cela, ce que l'on deviendra, si l'on a des sentimens ou non, de la satisfaction, des vertus et semblables; mais au lieu de tout cela, regarder au Sauveur amoureusement et humblement.

  A021001693 

 Voyci que sa sainte volonté veut que nous soyons humble, douce, condescendante et simple comme une colombe, sans toutesfois exceder, ni faire des indiscrettes excuses; et supportes le prochain avec grande douceur de cœur..

  A021001694 

 Serves vous des contradictions journalieres pour vous mortifier, les acceptant avec amour et douceur..

  A021001706 

 La dessus, dire des paroles de fermeté, de mespris, de courage et de force avec la partie superieure, et ne s'arrester jamais a regarder rien de tout cela, mais [169] passer outre en vostre chemin, n'ayant nul soin du lendemain, car il n'en faut point avoir; mais alles a la bonne foy, sous la providence de Dieu, ne vous souciant que du jour present, laissant vostre cœur a Nostre Seigneur, car vous le luy aves donné, sans jamais le vouloir reprendre pour aucune chose.

  A021001715 

 Il faut demeurer entre les mains de Nostre Seigneur comme un instrument inutile, toute abandonnee a son saint vouloir et Providence, et se contenter de demeurer ainsy doucement, sans vouloir le sentir ni en faire des actes, demeurant en la connoissance que Dieu luy monstre.

  A021001743 

 Je n'ayme pas les tendretés, ains cet amour royal, pareil a celuy des Bienheureux qui ayment tant et ne pleurent jamais.

  A021001743 

 Mays quelquefois, et pour un peu, ce Roy des cœurs laissa aller le sien jusques a l'amour des larmes, pour monstrer qu'il aymoit les nostres quand elles procedent selon l'ordre de la dilection..

  A021001751 

 Et faut tous-jours se tenir au dessus des tribulations et consolations, et estre fidele en ceci..

  A021001762 

 En fin, il faut avoir la douceur jusques a l'extremité envers le prochain, jusques mesme a la niaiserie, et n'user jamais de revanche vers ceux qui font des mauvais offices.

  A021001764 

 Il ne faut nul remede pour les distractions, que de ramener doucement le cœur a son object, quand l'on s'apperçoit qu'il en est diverti, disant des paroles d'amour et d'humilité a Nostre Seigneur.

  A021001802 

 Quand l'on se sent saysi de douleur pour la charge de quelque personne qui moleste grandement, il faut soudain offrir a Dieu cette croix et l'accepter de tout son cœur, se sousmettant a la porter toute sa vie, si ainsy luy plaist; puis, demeurer doucement contente dans sa souffrance et regarder cette personne avec honneur et respect, comme estant donnee de Dieu pour nous exercer en toutes vertus, considerant la grace de Dieu envers nous, qui nous fait tirer prouffit des fautes des autres.

  A021001825 

 Je loue Dieu de ce qu'il nous envoye des tribulations qu'il sçait nous estre convenables, specialement quand je voy en ce lieu une telle necessité et famine, qu'on parle de pain sans le voir ni sçavoir que c'est.

  A021001840 

 Je suis fort pressé, et me semble que je n'ay nulle force pour resister et que je succomberois si l'occasion m'estoit presente; mais, plus je me sens foible, plus ma confiance en Dieu est vive, et je m'asseure qu'en presence des objectz je serois revestu de la force et vertu de Dieu, et que je devorerois mes ennemis comme des aigneletz..

  A021001872 

 La vraye sainteté gist en la dilection de Dieu, et non pas a faire des niaiseries d'imaginations de ravissemens qui nourrissent l'amour propre, dissipent l'obeissance et l'humilité.

  A021001872 

 Mais venons a l'exercice de la veritable douceur et sous-mission, au renoncement de soy mesme, a la souplesse de cœur, a l'amour de l'abjection, a la condescendance aux intentions d'autruy: c'est cela qui est la vraye et plus aymable extase des serviteurs de Dieu..

  A021001881 

 Le tresor des ames nettes ne consiste pas a avoir des biens et faveurs de Dieu, ains a le rendre content, ne voulant ni plus ni moins que ce qu'il donne..

  A021001888 

 Il faut, avec Nostre Seigneur, detester et haïr [186] le peché et estre marri des imperfections et defautz du prochain, mais il faut avoir compassion du pecheur et de l'imparfait, et le supporter et endurer, a l'imitation du Sauveur qui le souffre bien.

  A021001889 

 Cassian dit que les hommes parfaitement vertueux ont une telle habitude de la vertu, que mesme en dormant ilz ne songent qu'a la vertu; et saint Gregoire dit, parlant des miseres humaines: O heureuses miseres! vous estes aymables parce que vous empesches mon cœur de s'affectionner aux choses de ce monde..

  A021001889 

 L'habitude des vertus s'acquiert par la rayson.

  A021001900 

 Le grand bien, nostre grand bonheur en la perfection seroit de n'avoir nul desir d'estre aymé des creatures.

  A021001900 

 Que vous doit il importer si on vous ayme ou non? Que [188] si vous rencontres des occasions qui vous font sembler qu'on ne vous ayme pas, il faut passer outre en vostre chemin, sans vous amuser a les considerer.

  A021001914 

 [A M. Blondeau, avec le memoyre des trois cens escus pour l'eglise de Gex.].

  A021001932 

 Le P. Recteur des Jesuites, si c'est le P. René; le P. Gentil..

  A021001936 

 A M r le tresorier des Barres et a M e sa femme..

  A021001945 

 La révérence en laquelle notre cher et précieux ami est tenu par deça sera cause que l'on ne pourra rien résoudre de ce qui lui a été ci-devant écrit, parce qu'en toutes affaires, comme vous savez, il y a des circonstances et petites difficultés par dessus lesquelles il convient passer, et principalement en l'établissement que l'on desire faire, pour être nouveau.

  A021001966 

 Certes je me taste partout, pour voir, si la vieillesse me porte point à l'humeur avare; et je treuve au contraire, qu'elle m'affranchit de soucy, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, prevoyance mondaine, et desfiance d'avoir besoing; et plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable, et les prétentions des mondains vaines; et ce qui est encor pis, plus injustes.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000007 

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  A022000007 

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  A022000024 

 1) Recueil d'Oraisons jaculatoires tirees des Psaumes.

  A022000039 

 4) Protestation au sujet de la réprobation des méchants, 1591.

  A022000042 

 — Louange à la Trinité, à la Sainte Vierge et à des Saints protecteurs. 41.

  A022000043 

 Echo des sentiments du jeune homme en la vigile de l'Annonciation. 42.

  A022000045 

 — La voix du Pape écho de celle du Roi des rois.

  A022000077 

 — Espérance de succès, mais il faut des missionnaires.

  A022000077 

 — Pourquoi l'un des prédicateurs a dû se retirer.

  A022000078 

 Le duc a déjà déclaré sa volonté touchant la restitution des biens ecclésiastiques du Chablais; prière d'étendre cette ordonnance en faveur du Chapitre, afin qu'il puisse rentrer en possession de ses anciens bénéfices, celui d'Armoy en particulier.

  A022000078 

 — Pauvreté des Chanoines.

  A022000079 

 La restitution des bénéfices ecclésiastiques est indispensable.

  A022000081 

 Restitution et destination des bénéfices ecclésiastiques du Chablais.

  A022000081 

 — Priver les hérétiques des charges publiques.

  A022000082 

 Mesures à prendre à l'égard des habitants du Chablais et de Ternier qui ne professent pas la vraie foi.

  A022000082 

 — Confirmation de l'Edit qui exclut des charges publiques les «reformés».

  A022000082 

 — Ordonnances diverses touchant l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, les livres hérétiques, la sanctification des jours de fête et l'instruction religieuse.

  A022000082 

 — Règlement pour la distribution des aumônes en «graines».

  A022000083 

 L'Evêque de Genève demande au Saint-Siège, pour lui, l'autorisation d'assigner des prébendes monacales vacantes, à l'entretien de théologaux et de curés; pour ses chanoines, celle de posséder des bénéfices avec leur canonicat.

  A022000083 

 — Il sollicite, à cause de ses charges, l'exemption du payement des décimes au duc de Savoie.

  A022000083 

 — Nécessité de la réforme des Monastères; moyen à prendre pour y arriver. 83.

  A022000084 

 Une Bulle de Grégoire XIII concernant les revenus ecclésiastiques des provinces de Gex, du Chablais et de Ternier.

  A022000084 

 — Comment subvenir à la pauvreté des prêtres.

  A022000084 

 — L'Evêque implore l'exemption du payement des décimes au souverain, l'autorisation pour ses chanoines de posséder d'autres bénéfices et l'affranchissement de certaines servitudes pour les sujets de l'évêché.

  A022000084 

 — La conversion des deux derniers bailliages exige que l'union de ces bénéfices à l'Ordre des saints Maurice et Lazare soit annulée.

  A022000084 

 — Mesures proposées pour la réforme urgente des Monastères. 86.

  A022000085 

 Projet du transfert du Chapitre a Thonon; Francois de Sales et ses confreres demandent au Pape de l'autoriser, et d'unir a la mense capitulaire l'ancienne eglise des Augustins avec leur couvent ruine.

  A022000085 

 — Ordre a donner au sujet des autres ecclesiastiques attaches au service de la Cathedrale. 92.

  A022000086 

 — Abus des prébendes laïques dans les Monastères.

  A022000086 

 — La question des prebendes théologales en suspens.

  A022000087 

 XII. Réponse a une requête des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (Minute).

  A022000087 

 — Des «motz considerables».

  A022000087 

 — Prix de la moindre des âmes et d'une seule Messe.

  A022000088 

 Le Sénat et la Chambre des Comptes entravent l'exécution d'un ordre de Son Altesse, et celle-ci enjoint de surseoir à un ordre du Pape.

  A022000088 

 — Moyen suggéré par François de Sales pour acheminer heureusement la restitution des revenus ecclésiastiques du Chablais, sans léser les droits des Chevaliers des saints Maurice et Lazare.

  A022000089 

 — Faut-il s'inquiéter des réclamations des Religieux?.

  A022000089 

 — Pour établir des chanoines théologaux dans les Collégiales d'Annecy, Sallanches et La Roche, d'autre prébendes pourraient se prélever sur quelques prieurés et abbayes.

  A022000090 

 XV. Mémoire adressé aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare [1607-1608].

  A022000091 

 Cession aux Genevois des bénéfices d'Armoy et de Draillant, malgré un Arrêt contraire du Sénat.

  A022000091 

 XVI. Requête au Prince de Piémont, Victor-Amédée en faveur des Curés d'Armoy et de Draillant (Minute).

  A022000092 

 Un Arrêt du Sénat contre les détenteurs des revenus d'Armoy et de Draillant, annulé par le duc de Savoie.

  A022000092 

 — Maigre coupensation accordée aux curés «sur la gabelle a sel du Chablaix.» — Insouciance des gabeliers et sollicitations inutiles des prêtres.

  A022000094 

 — Exposé des difficultés que présente la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage: les unes, insurmontables; la justice de Sa Majesté peut triompher des autres.

  A022000095 

 — Les détenteurs des revenus n'ont aucune raison à alléguer contre la justice et le droit. 109.

  A022000095 

 — M gr de Granier a déjà imploré le secours du Roi pour le rétablissement de la religion catholique et la restitution, pour l'entretien des prêtres, des revenus confisqués.

  A022000098 

 — Usurpation par ceux-ci des revenus ecclésiastiques; quels sont ceux qui peuvent être restitués à leurs propriétaires légitimes. 113.

  A022000099 

 — Restitution du culte catholique et des biens de l'Eglise dans les bailliages soumis au second.

  A022000103 

 — Découragement des convertis.

  A022000103 

 — La présence ordinaire des députés de Genève à la cour complique les difficultés.

  A022000103 

 — Les «mille traverses» des ministres contraignent l'Evêque à des recours fréquents aux autorités de la province, au Parlement de Dijon, et même à Sa Majesté.

  A022000104 

 — Les revenus ecclésiastiques affectés à l'entretien des adversaires de l'Eglise.

  A022000105 

 — Deux autres délégués remettent celui-ci en possession des églises et des revenus ecclésiastiques du bailliage.

  A022000105 

 — Oppositions des réformés et voyage infructueux de l'Evêque.

  A022000109 

 XVI. Délégation de M. Claude de Nambride, curé de divonne a l'administration d'une partie des biens ecclésiastiques du bailliage de Gex (Inédite).

  A022000110 

 C) Mémoire pour la conversion des hérétiques et leur réunion a l'Eglise (Minute).

  A022000110 

 — Afin de la réaliser, convoquer des conciles nationaux, non pour argumenter sur les questions de controverse, mais pour discuter les moyens de conversion.

  A022000118 

 De plusieurs moyens particuliers pour la confusion des heresies de Geneve - Chapitre 2.

  A022000126 

 Requete des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare au Duc de Savoie.

  A022000128 

 XI. Requete des Cures d'Armoy et de Draillant a la Chambre des Comptes de Savoie et arret de celle-ci 152.

  A022000134 

 V. Establissement des Cures du bailliage de Gex fait Annessi le mercredy [15 décembre] 1621.

  A022000196 

 Et chaque Communion me remettra en memoyre la vie et mort de quelqu'un des bienaymés douze Apostres, et quelqu'un des douze articles de la foy..

  A022000196 

 Que si je ne peux plus souvent, au moins tous les moys je ne failliray poinct, estimant que les douze signes du zodiaque ne m'advisent et signifient autre sinon de me preparer, a fin qu'une foys je puysse arriver la haut, sur cest arc du pont celeste sous lequel le fleuve des mutations de ce monde passe, qui s'appelle vanité.

  A022000198 

 Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres..

  A022000199 

 Item, je me conforteray en la Communion spirituelle, c'est a dire au desir des Sacremens: comme ceux qu'on nourriroit quelque espace de tems avec l'odeur des choses aromatiques et vaporeuses, m'enivrant a l'odeur seule d'un si puyssant et fort vin qu'est celuy la; et, ne recevant l'onction, je ne lairray de courir in odorem unguentorum Domini..

  A022000225 

 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée et que des montagnes seront transportées au cœur des mers..

  A022000228 

 Arrachez, Seigneur, mon âme à la mort et mes pieds à la chute, afin que je me rende agréable devant vous dans la lumière des vivants..

  A022000229 

 Dieu enverra sa miséricorde et sa vérité et il arrachera mon âme du milieu des petits des lions; j'ai dormi tout troublé..

  A022000230 

 Retirez-moi de la fange afin que je n'y demeure pas enfoncé; délivrez-moi de ceux qui me haïssent, et du fond des eaux.

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000242 

 O Vierge, aggreable entre les filles de Hierusalem, des delices de laquelle l'enfer ne peut estre resjouy, hé, je ne vous verray donques jamais au royaume de vostre Filz, belle comme la lune et esleuë comme le soleil?.

  A022000254 

 O Seigneur Jésus, vous serez toujours mon espérance et mon salut dans la terre des vivants.

  A022000260 

 Et pour [21] ce que la Preparation est comme un fourrier a toutes nos actions, je m'y occuperay selon la diversité des occurrences et tascheray, par le moyen d'icelle, de me disposer a bien et loüablement traitter et prattiquer mes affayres..

  A022000261 

 De plus, reconnoissant que la conversation m'a autresfoys faict tomber en beaucoup d'imperfections et de manquemens, je m'escrieray: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea; O mon ame, dites hardiment: des mon bas aage on m'a grandement et fort souvent persecutee.

  A022000261 

 Et de plus: Domine, esto mihi in Deum protectorem, et in domum refugii, ut salvum me facias; O mon Dieu, soyes mon protecteur, soyes moy lieu de refuge, sauves moy des embusches de mes ennemis.

  A022000262 

 Donques, je penseray serieusement aux incidens qui me pourront survenir, aux compaignies ou, possible, je seray contrainct de me trouver, aux affayres qui peut estre se presenteront, aux lieux ou je seray sollicité de me transporter; et ainsy, avec la grace de Nostre Seigneur, j'iray sagement et prudemment au devant des difficultés et des occasions dangereuses qui me pourroyent surprendre et prendre..

  A022000264 

 A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l'honneur? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur..

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000278 

 La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, a nima mea? ab ipso enim salutare tuum; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature.

  A022000280 

 Or, quant a la Preparation, estant icelle comme un fourrier a toutes actions, il la faudra fayre selon la diversité des occurrences, principalement selon les poinctz qui s'ensuyvent, esquelz est traitté de ce qui se doit observer.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000285 

 Par apres, je penseray a quelque sacré mistere, signamment a la devotion des pasteurs qui vindrent sur le lever de l'aurore adorer le divin Poupon; a l'apparition qu'il fit a Nostre Dame, sa douce Mere, le jour de sa triomphante resurrection, et a la diligence des Maries, lesquelles, esmeües de pieté, se leverent de bon matin pour honnorer le sepulchre du vray Dieu de la vie, trespassé.

  A022000285 

 — Le matin, aussy tost que je seray esveillé, je rendray graces a mon Dieu avec ces parolles du Psalmiste royal David: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus; c'est a dire: Des l'aube du jour vous seres le sujet de ma meditation, d'autant que vous aves esté ma sauvegarde.

  A022000286 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus hoc Mot quod factum est, quod Dominus ostendit nobis; Allons a l'eglise, car c'est la ou l'on faict le pain supersubstantiel avec les saintes parolles que Dieu a mises en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000287 

 Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles..

  A022000289 

 Je mettray peyne d'effectuer son commandement: Quae dicitis in cordibus vestris, in cubilibus vestris compungimini; Ayes repentance, mesme dans le lict, des pechés que vous commettes avec la seule pensee: ce que pour deüement accomplir, a l'imitation de cest harmonieux cygne penitent, lachrimis meis stratum meum rigabo; je baigneray ma couche de mes larmes..

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000290 

 En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire: O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?.

  A022000290 

 Illumines tellement mon pauvre aveuglé cœur des beaux rayons de vostre grace, que jamais il ne s'arreste en façon quelcomque en la mort du peché; hé, ne permettes pas, je vous prie, que mes ennemis invisibles puissent dire: Nous avons eu barre dessus luy.

  A022000295 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus Mot quod factum est nobis a Domino; c'est a dire: Allons a l'eglise, la ou on faict ce pain substantiel avec ces divines parolles que Dieu a donné en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000298 

 Et puys, par la consideration des tenebres exterieures venant a considerer les interieures de mon ame premierement, puys celles de tous les pecheurs, je crieray en l'amertume de mon cœur: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros; obeyssant en cela au Prophete qui dict: Et in cubilibus vestris [29] compungimini; In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; lachrimis meis stratum meum rigabo..

  A022000301 

 Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [ non ] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre..

  A022000301 

 Et puys, penser a quelque saint mistere, signamment a l'apparition [31] que fit Nostre Seigneur a Nostre Dame apres sa resurrection, et a la diligence des Maries qui se levoyent orto jam sole; puys aux pasteurs qui vindrent la mattinëe adorer l'Enfant.

  A022000309 

 Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux..

  A022000311 

 Mays quelles consolations, quelles delices, quelz honnestes playsirs ne luy donne elle pas en tout tems! Ah, c'est la chrestienne vertu qui le sanctifie, qui le change en ange, qui en faict un petit dieu, qui luy donne des icy bas le Paradis..

  A022000313 

 Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future..

  A022000313 

 Sixiesmement: je peseray attentivement la rigueur de la divine Justice laquelle, sans doute, ne pardonnera pas a ceux qui se trouveront avoir abusé des dons de nature et de grace; telles gens doivent concevoir une tres grande apprehension des divins jugemens, de la mort, du Purgatoire et de l'enfer.

  A022000314 

 De la, passant jusques dans le Ciel empyree, j'admireray la gloire du Paradis, la felicité perdurable des angeliques Espritz et des ames glorieuses, et combien la tres auguste Trinité se monstre puyssante, sage et bonne aux loyers eternelz dont elle recompense ceste benite trouppe..

  A022000314 

 Septiesmement: je contempleray, en ce repos, la sapience infinie, la toute puyssance et l'incomprehensible bonté de mon Dieu, et particulierement je m'occuperay a voir comme quoy ses beaux attributz reluisent aux sacrés misteres de la vie, mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, en la tres eminente sainteté de Nostre Dame la bienheureuse Vierge Marie, et aux imitables perfections des fidelles serviteurs de Dieu.

  A022000315 

 Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible.

  A022000322 

 [1.] La bonté de Dieu en quelque mistere chrestien, de la vie de Nostre Seigneur et passion, de Nostre Dame, des Saintz; la gloire du Ciel, la création.

  A022000338 

 — Quant a ma conversation, elle sera de peu, de bons et honnorables, d'autant qu'il est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre de se corrompre avec les mauvais, et d'estre honnoré sinon des personnes honnorables; specialement je garderay, pour le regard du rencontre et de la conversation, ce precepte: Amy de tous et familier a peu.

  A022000339 

 En fin, il se faut accommoder a la diversité des compaignies sans prejudicier neantmoins aucunement a la vertu..

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000347 

 Des personnes avec lesquelles il faut faire conversation.

  A022000359 

 Mais il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies: car aux personnes insolentes ils se faut cacher du tout; aux libres, se monstrer du tout; aux melancholiques et sombres, se monstrer seulement de la fenestre: ausquelz il se faut bien monstrer en partie, d'autant que ceste sorte [40] de gens se playsent de voir les cœurs des hommes, et partant sont volontier soupçonneux; il ne se faut toutesfoys du tout monstrer, d'autant quilz se playsent a philosopher et vont remarquant trop au pres les conditions des hommes..

  A022000360 

 Non quil ne faille par tout mesler l'exquis, le bon et l'indifferent, mays pour autant quil faut s'accommoder a le mesler selon la diversité des personnes..

  A022000369 

 — La veille du jour de ma Communion, je mettray hors de mon logis toutes les immondices de mes pechés par une soigneuse confession, a laquelle j'apporteray toute la diligence requise pour n'estre poinct troublé des scrupules; mays, d'autre part, [43] j'esviteray l'inutilité des recherches curieuses et empressëes..

  A022000373 

 — Finalement, quand je me sentiray sec et aride a la sainte Communion, je me serviray de l'exemple des pauvres, quand ilz ont froid; car, n'ayant pas dequoy fayre du feu, ilz marchent et font de l'exercice pour s'eschauffer: je redoubleray mes prieres et la lecture de quelque traitté du tressaint Sacrement que, tres humblement et d'une ferme foy, j'adore.

  A022000418 

 A lui gloire dans les siècles des siècles, avec le Père et le Fils.

  A022000418 

 C'est lui qui donne la sagesse aux petits, non aux orgueilleux; c'est lui qui est la «Lumière des cœurs,» le «Père des pauvres,» le «Distributeur des» lumières, dans la lumière de qui nous verrons la lumière.

  A022000419 

 Et j'ai noté toutes ces choses pour l'honneur de Dieu et la consolation des âmes.

  A022000448 

 Dans son excellente Confession de fo i, sous le titre en question, il [51] affirme expressément la même chose que nous: à savoir, que non seulement la réprobation a lieu par suite des démérites prévus, mais aussi que la prédestination se fonde sur les mérites prévus, et il prouve cela avec force.

  A022000448 

 Du reste, en supposant comme très sûre l'opinion qui admet comme base de la réprobation la prévision des démérites, l'opinion ci-dessus est facilement confirmée.

  A022000449 

 En effet, dans l'opinion contraire, la damnation n'est pas la fin et n'est pas voulue absolument pour elle-même, mais elle est un moyen pour châtier les méchants, et est voulue pour des êtres supposés méchants.

  A022000449 

 Même raisonnement pour des exemples semblables..

  A022000451 

 En troisième lieu, [ces textes]: Ta perte vient de toi-même, ô Israël; J'ai planté une vigne, j'attendais qu'elle porterait des raisins, elle a donné des fruits sauvages; Il fit appeler tout le monde au festin; Il veut que tous soient sauvés; Venez à moi, vous tous, sont certes des expressions qui ne peuvent être proprement et convenablement comprises, si l'on suppose que Dieu avait tout d'abord déterminé de ne pas accorder la gloire à certains individus: ce serait, en effet, se moquer de quelqu'un que de l'inviter à un repas de noces, tout en ayant résolu de l'exclure à cause de l'absence de mérites de sa part.

  A022000451 

 Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu.

  A022000451 

 Et cependant les expressions ci-dessus sont couramment employées par l'Eglise; en sorte que si on les expliquait dans le sens si caché et si décevant des adversaires, ce serait accuser l'Eglise de tromper les gens simples, elle qui à tout bout de champ les présente à tous également dans les prédications, les Offices et les prières.

  A022000452 

 Or, tout cela est blasphématoire; donc, Dieu ne réprouve pas en dehors de la prévision des péchés.

  A022000453 

 Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent.

  A022000454 

 Mais il faut remarquer, en second lieu, que l'opinion des adversaires ne s'accorde pas avec cette parole du Seigneur: Est-ce que si tu fais le bien, tu n'en recevras pas la récompense? car il faudrait [58] plutot dire: Est-ce que, si tu reçois la recompense, tu ne feras pas le bien?.

  A022000455 

 Comme, en effet, elle doit s'accorder avec 1'autorite de Paul dans son Epitre aux Romains et que cette autorite ne prouve pas davantage une these que l'autre, il faut avouer qu'elle ne favorise directement ni l'une ni l'autre des deux theses..

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000461 

 Ce qui la renforce considérablement, c'est ce que j'ai noté à la cinquième remarque, ci-dessus, que si l'une des propositions est vraie, l'autre l'est également, et aussi d'innombrables preuves qui pourraient être apportées.

  A022000461 

 Or, le P. Gesualdi, de l'Ordre des Mineurs Conventuels, homme savant et pieux, a [61] enseigné que la damnation n'a pas lieu sans la prévision des péchés.

  A022000476 

 Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même..

  A022000479 

 Prosterné aux pieds des bienheureux Augustin et Thomas, je suis prêt à tout ignorer pour connaître Celui qui est la science du Père, le Christ crucifié.

  A022000500 

 FOI SANS DES-CALER. [68].

  A022000541 

 De la signification des mots et des choses, [Titre] XVI.

  A022000543 

 Les compilateurs des Digestes ayant aperçu dans les différentes lois ci-dessus recueillies et réunies beaucoup d'obscurités provenant de l'ignorance ou de l'ambiguité soit des noms soit des termes, ont mis en note ici, à la fin de tout l'ouvrage, pour l'explication des choses et des mots, quelques éclaircissements tirés de ces mêmes jurisconsultes chez lesquels ils avaient pris les lois.

  A022000563 

 J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères..

  A022000564 

 Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!.

  A022000565 

 Dieu, Roi des rois, très bon et très grand, crie par la voix de Grégoire, accuse, gourmande: Evite l'hérétique.

  A022000593 

 Mais parce que, à cette époque, la foi catholique au sujet du très auguste mystère de la Trinité était attaquée par les hérétiques, et que ces mêmes hérétiques méprisaient l'autorité du Saint-Siège Apostolique et des Conciles catholiques, il pose comme premier titre du premier Livre: «DE LA SOUVERAINE TRINITE ET DE LA FOI CATHOLIQUE.» Et il donne à cette Trinité le nom de «Souveraine» parce que, comme il y a plusieurs trinités dans les choses créées (car trinité désigne non l'unité, mais la réelle distinction des trois parties), il emploie le mot «Souveraine» quand il parle de la Trinité divine, parce que les autres sont infimes en comparaison de celle-ci.

  A022000594 

 Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne)..

  A022000595 

 Il est permis, en effet, de disserter sur les mystères de la religion avec humilité et soumission, même quelquefois en public, dans des conférences contre les hérétiques, dans des discussions et cours publics; car cela n'est pas mettre la foi en cause, mais échanger ses pensées pour éclairer la foi..

  A022000597 

 Tout ce qu'ils obtiennent est non avenu et nul; ainsi, ce serment obtenu des nobles Français est nul en lui-même..

  A022000598 

 Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom.

  A022000600 

 Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife.

  A022000627 

 DES HÉRÉTIQUES, MANICHÉENS ET SAMARITAINS. TITRE VIII.

  A022000632 

 Que les écrits des hérétiques soient brûlés; L. VIII. Que le [80] nom dont on désigne les hérétiques soit tiré du nom de l'auteur (le l'hérésie et non de celui du Christ; comme on dit Calvinistes, du nom de Calvin. L. VI..

  A022000640 

 EST PRÉCIEUSE COMME DE L'OR ET DIGNE DE LETTRES MAJUSCULES LA IX e Loi, où l'on trouve ceci: QUE SOIENT PUNIS DU FEU LES FAMILIERS DU PRINCE, S'ILS PERSÉCUTENT LES HABITANTS DES PROVINCES..

  A022000657 

 Si, en effet, cette très noble assemblée me jugeait trop négligent, ingrat et faible d'esprit pour ne point reconnaître une faveur si actuelle et si grande, que penserait-elle des juges qui ont porté de moi, à l'instant, un si glorieux jugement?.

  A022000659 

 Certes, ma très chère patrie a ajouté en moi à la nature les commencements des belles-lettres, et lorsqu'il m'en vit pourvu, mon excellent père, dans l'espoir de me voir de jour en jour plus docte, m'envoya en l'Université de Paris, très florissante alors et très fréquentée.

  A022000659 

 Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte.

  A022000660 

 Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais.

  A022000689 

 Ainsi je détachais quelques extraits des Titres du troisième Livre, l'an 1591; au mois de septembre, le 17me jour, jour rendu mémorable par les Stigmates du saint Père François, je fus forcé [90] d'abandonner ce travail, et je l'abandonne jusqu'à ce que Dieu me donne loisir et commodité.

  A022000692 

 DES CRÉANCES ET DU SERMENT.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 C'est pourquoi, obligés de retourner, au port de Césène nous apprîmes, au milieu des applaudissements universels, bien que la nouvelle ne fut pas encore certaine, l'élection au souverain Pontificat, du Cardinal des Quatre-Couronnés, ou Facchinetti, bolonais.

  A022000697 

 De plus, monsieur Jean Déage, mon vénérable précepteur, mon frère [93] Gallois et moi, nous n'avions l'habitude de voyager qu'à cheval: or, à nous trois, il ne nous restait que la somme de vingt-huit couronnes, et les courriers, ainsi que les guides, refusaient de nous accorder des montures à moins de trente couronnes.

  A022000697 

 La chose nous fut ensuite confirmée à Chioggia, en partie par la joyeuse sonnerie des cloches, en partie par ce que disaient les habitants, et, à Venise, nous sûmes qu'il avait pris le nom d'Innocent IX. [94].

  A022000700 

 A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment.

  A022000700 

 J'ai décidé alors de ne plus prendre en note ce qui se trouve sous des titres semblables (livre XII des Pandectes ); sinon ceci, que peut-être cette partie du titre: Des créances, a été ajoutée, de peur, sans doute, que le Code du seigneur Justinien, privé d'un titre si noble, ne semblât inférieur, du moins en apparence, aux livres des Pandectes de nos jurisconsultes.

  A022000725 

 DES SECONDES NOCES.

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000759 

 DES DONATIONS ENTRE MARI ET FEMME ET DE CELLES FAITES PAR LES PARENTS A LEURS ENFANTS, ET DE LA RATIFICATION.

  A022000762 

 C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux..

  A022000774 

 Fatigué de mes efforts et de l'étude de chaque Titre, j'ai renoncé à continuer la course commencée, et je l'interromps, jusqu'à ce que Dieu me fasse de nouveaux loisirs; et j'aurais passé au Titre [100] des Novelles si, de la même façon, Jacques Cujas n'avait fait pour cette partie du Droit des remarques très brèves, selon sa coutume..

  A022000782 

 Des chefz Philistinoys, ne pouvant accraser.

  A022000849 

 Qui, des son premier point, le rendit glorieux.

  A022000937 

 Ayant receu la sainte Eucharistie de la main du Souverain Pontife le jour de l'Annonciation, mon ame fut fort consolee interieurement; et Dieu me fit la grace de me donner de grandes lumieres sur le mistere de l'Incarnation, me faisant connoistre d'une maniere inexplicable comme le Verbe prit un cors, par la puissance du Pere et par l'operation du Saint Esprit, dans le chaste sein de Marie, le voulant bien luy mesme pour habiter parmy nous, des qu'il seroit homme comme nous..

  A022000938 

 Cest Homme Dieu m'a aussi donné une connoissance eslevee et savoureuse sur la Transsubstantiation, sur son entree en mon ame et sur le ministere des Pasteurs de l'Eglise..

  A022000953 

 Point de ses serviteurs ne portera de pennaches, ni d'espee, ni des habitz de couleur esclatante, ni de grans cheveux, ni des moustaches par trop relevees..

  A022000954 

 Ilz se confesseront et communieront tous les seconds Dimanches du moys, selon les Statutz de la Confrerie des Penitens de la Sainte Croix, en laquelle ilz s'enroolleront, et communieront a la Messe de l'Evesque.

  A022000954 

 Ilz se coucheront a dix heures du soir, mais ilz s'assembleront au prealable en la salle pour reciter les Litanies: le Dimanche, du Nom de Jesus; le lundy, de tous les Saintz; le mardy, des Anges; le mercredy, de saint Pierre Apostre, Patron de l'Eglise de Geneve; le jeudy, du tressaint Sacrement; le vendredy, de la Passion de Nostre Seigneur; le samedy, de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame; sinon qu'a l'occasion de quelques festes ces Litanies doivent estre transferees.

  A022000957 

 On lira quelque livre de devotion jusques a moytié disner ou souper; le reste sera donné a des discours honnestes.

  A022000958 

 Quant à l'aumosne, il faudra observer les jours que feu Monseigneur le Reverendissime avoit choysis, affin qu'elle se fasse publiquement; il faut tascher qu'elle soit plus grosse en hiver qu'en esté, principalement despuis la feste des Roys, car alhors les pauvres en ont plus de besoin; et pour ce, l'on distribuera des legumes.

  A022000959 

 Il celebrera et fera l'Office la nuict et le jour de la Nativité de Nostre Seigneur, a la feste des Roys, [119] le Dimanche de Pasques, le Dimanche de Pentecoste, a la Feste Dieu, a la feste de saint Pierre et saint Paul, a la feste de saint Pierre aux Liens, Patron de l'Eglise de Geneve, a la feste de l'Assomption de Nostre Dame, a la feste de Toussaintz et le jour anniversaire de son sacre.

  A022000959 

 Le jour de la feste, le Dimanche dans l'octave et le jour de l'octave il fera la Benediction dans l'eglise des Religieuses de Sainte Claire, tant affin de les consoler, que parce que ceste eglise est coustumierement toute pleyne de peuple, et que c'est la derniere Benediction qui se fait en la ville..

  A022000960 

 Il assistera, autant quil se pourra faire, le plus souvent aux Offices et exercices des Confreres de la Sainte Croix, du tressaint Sacrement, du saint Rosaire, du Cordon, mays principalement de la Sainte Croix, a cause de la Communion qui s'y fait et qu'il taschera de faire le plus souvent.

  A022000962 

 Quant aux oraysons jaculatoires, il les tirera ou de la meditation du matin, ou des divers objectz qui se presenteront; elles seront ou vocales ou mentales, selon qu'il sera incité du Saint Esprit, et il s'en fera un brief recueil pour aspirer a Dieu, a la Vierge, aux Anges, aux Saintz auxquelz il aura une particuliere devotion.

  A022000963 

 Quand il preverra quelque urgente affaire, il pourra prevenir l'heure des Vespres et du Chapelet.

  A022000964 

 Il ne sera point mal a propos que les jours qu'on appelle de devotion, il celebre la Messe es eglises ou elle sera, affin que le peuple y venant treuve tousjours son Evesque en teste: comme les festes solemnelles de ces eglises et quand il y a des Indulgences.

  A022000967 

 Outre les jours de jeusne que l'Eglise a commandé, il jeusnera toutes les veilles des festes de Nostre Dame et tous les jours de vendredy et samedy..

  A022000968 

 Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame..

  A022000981 

 De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave.

  A022000991 

 Mais d'ailleurs, detestant les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, je defens tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel quil soit, estre fait en mes obseques; priant mes amis et parens, et ordonnant a mes heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers moy a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour moy..

  A022001023 

 Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions ( sic ): ce que luy avons accordé..

  A022001036 

 Mais d'ailleurs, detestans les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, nous defendons tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel qu'il soit, estre fait en nos obseques, priant nos parens et amis et ordonnant a nos heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers Nous a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour Nous..

  A022001040 

 Moyennant quoy, lesditz legataires ne pourront demander aucune chose, quelle qu'elle soit, et particulierement lesditz sieurs de Boysi, ni sur nos heritages, ni sur les biens de La Thuille, Sales, Thorens et leurs dependances, sous pretexte d'aucun partage definitif, allegation de moindre lot, payement d'aucune somme a laquelle Nous leur soyons obligés, ou autrement comme que ce soit; ordonnons qu'ilz nous en tiennent quittes a nostre heritier sousnommé, et que les partages provisionnelz [136] faitz entre nos freres, de nos biens et des leurs, a forme qu'ilz les ont ci devant possedés a part et posseèdent encor a present, tiennent definitivement et perpetuellement, et qu'ilz ne viennent jamais a conte ni deconte, ni s'entredemandent jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faittes entr'eux et Nous par feu nos Pere et Mere.

  A022001041 

 Et s'il arrivoit que la ligne masculine de nostre dit frere defaillist, Nous substituons l'aisné des enfans masles susnommés, descendans jusques a l'infini, dudit feu seigneur de Boysi nostre frere; sauf que nos meubles, de quelque espece qu'ilz soyent, demeureront a la libre disposition du survivant de Nous deux..

  A022001042 

 Que si l'evenement des affaires faisoit que l'un de Nous changeast de volonté et fist par ci apres un autre testament, le present neanmoins demeurera sur pied, valable, entant que concerne la disposition de l'autre qui ne la changera point..

  A022001053 

 Il fut faict haeretique par la violence des Bernois, il y a environ 60 ans, sans que les [139] habitans eussent ny loysir ny moyen de considerer ce qu'ilz faysoyent abandonnant l'Eglise catholique..

  A022001054 

 Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges.

  A022001054 

 Tout le reste est haeretique, laissant a part le fort des Alinges, ou les soldatz sont la pluspart catholiques..

  A022001055 

 Et des lhors y furent envoyés deux predicateurs par Monseigneur le Reverendissime, qui ont praeché ordinairement en la ville de Thonon et en la parroisse des Alinges des le mois d'octobre en ça, n'y ayant point eu de moyen ny commodité ailleurs d'y faire le mesme.

  A022001056 

 Mays le fruict que jusqu'a praesent ilz y ont faict n'a esté que de consoler le peu de Catholiques qui y estoyent et donner a penser a la plus part des autres, qui ne croyoyent pas que personne parlast ou entendist la rayson de l'Escriture que les ministres huguenotz; n'ayant peu reduire que cinq personnes, entre lesquelles il y a un advocat nommé Pierre Poncet, le mieux entendu de tout le balliage..

  A022001058 

 Si donq il playsoit a Son Altesse favoriser cest œuvre d'une sienne lettre addressee a la ville de Thonon, par laquelle elle declarast son desir en ce faict, il ne faut pas douter qu'une grande partie des bourgeois et habitans ne vint a la praedication, ou peu a peu ilz se pourroyent instruire de la verité.

  A022001060 

 Nous avons sceu, avec nostre grand contentement, que, des quelques mois en ça, vous aves eu continuellement pardela, et mesme en la ville, la praedication de nostre sainte foy catholique.

  A022001071 

 L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir par une sienne lettre tres expresse a Monseigneur l'Evesque de Geneve, [145] que son intention estoit que l'exercice catholique fut [146] restably en Chablaix; et par ce, y furent envoyés deux praedicateurs, desquelz l'un commença au mois de septembr' a praecher dans Thonon, et l'autr'en la parroisse des Alinges.

  A022001072 

 Et des ores y ayant certaine esperance de bon succes, et mesme plusieurs parroisses demandant l'exercice catholique, il faudroit y acheminer environ huict predicateurs debrigués de tout'autre charge, pour precher de lieu en lieu selon la necessité; et leur entretenement pourroit venir a cent escus pour homme, dequoy il (sic) ne manieront rien, mais sera delivré selon le besoin par qui il sera advisé..

  A022001073 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees qui cousteroyent infiniment a redresser, il faudra, pour ce commencement, [148] joindre plusieurs parroisses en une: et ainsy suffirent quil y eut de seze a dixhuict grandes parroisses, lesquelles, pour estre bien servies, devront avoir des curés qui aye ( sic ) moyen d'entretenir avec eux un vicaire et qui, partant, devront avoir huict vins escus d'or annuelz, avec les maysons des cures..

  A022001073 

 Seroit requis encores de restablir des curés en toutes les parroisses, qui sont environ 45.

  A022001074 

 En quoy ne faut comprendre la ville de Thonon, laquelle, pour estre le rapport de tout le duché, auroit [149] besoin que l'Office s'y fit a haute voix et decemment, et mesme, s'il se pouvoit, qu'il y eut des orgues, pour apprivoyser, avec cest' exterieure decence, le simple peuple.

  A022001076 

 Et outre ce, les pensions assignees jadis aux ministres huguenotz sur les benefices, pourront maintenant estr' appliquées a l'entretenement des precheurs, sans toucher aucunement a celles qui estoyent prises sur les deniers de Son Altesse..

  A022001084 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees et renversees qui cousteroyent infiniment a redresser, il sera necessaire de joindre plusieurs parroisses en une; et ainsy suffiroit qu'il y eut [148] environ quinze parrochiales grandes, avec leurs curés, lesquelz, pour pouvoir entretenir un vicaire qui les soulage en l'administration des Sacremens, veu que les parrochiales seront fort loin les unes des autres, devront avoir une bonne pension et entretien comme pour deux, et encor pour avoir moyen de recevoir les praedicateurs qui les visiteront ordinairement et faire quelques aumosnes, tant pour le devoir que pour l'exemple: pourroit venir a huict vins escus d'or, avec les maysons et terrages des cures..

  A022001084 

 Secondement: seroit requis de restablir des curés en toutes les cures.

  A022001085 

 Troisiesmement: en quoy ne faudra comprendre la ville de Thonon, laquelle, pour estre le rapport de tout le duché, requerroit [149] que l'Office s'y fit a haute voix et decemment; et pour ce faudroit que le curé fut accompaigné de six prestres, et que partant il eut quatre cens escus d'or pour luy et ses vicaires, et pour l'entretenement des luminaires et semblables choses..

  A022001088 

 Sixiesmement: avoir maistre d'escole catholique, attendant un college des Jesuites.

  A022001090 

 Et pour pouvoir commencer promptement l'exercice catholique a Thonon, reparer l'eglise, avoir les paremens necessaires, peut estre pourroit il suffire qu'il pleut a Son Altesse accorder les aumosnes de Ripaille et de Filliez, retardees et non payëes, et semblablement les [151] pensions des ministres non payëes cy devant, qui ne se trouveront point avoir esté rapportees au prouffit de Messieurs de Saint Lazare ou au service du Prince: aussi bien, autrement, sont ce choses perdues.

  A022001090 

 Que si cela ne suffisoit, on pourroit encores loysiblement se servir des aumosnes futures, jusques a suffisance..

  A022001091 

 Et encores de lever le maistre d'escole haeretique et en mettr' un catholique, attendant d'y pouvoir loger des Jesuites qui y seroyent tres a propos.

  A022001092 

 Et affin qu'en l'execution de ces choses il ne se commette point d'abus et n'en soit tiré aucune chose au proufït d'aucun particulier, il seroit requis qu'un ou deux des messieurs du Senat de Savoye fussent deputés pour y tenir main..

  A022001094 

 Et se pourroit faire ceste liberalité, leur assignant a chascun certaine portion des aumosnes qui se doivent chasqu'annëe a Filliez e ( sic ) Ripaille..

  A022001095 

 Plays' encor a Son Altesse user de sa liberalité vers une petite parroisse nommee Mezinge, voysin' aux Alinges, laquelle se reduict maintenant tout' entier' a la foy catholique, et qui fut toute bruslëe par les gens de Son Altesse affin qu'elle ne servit aux embuscades des ennemis; comm' il appert par l'attestation que leur en a faicte le sieur Juge maje de Chablaix.

  A022001097 

 Au reste, il y avoit parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour le plus et presque tout de gens laicz, ou praesidoit un homme laiz et assistoit un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir voix decisive; et la estoyent corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices que le magistrat n'a pas accoustumé de punir: comme ivroigneries, jeuz, noyses, luxures; en quoy le peuple se tenoit en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de leur religion le peut permettre.

  A022001097 

 Et partant sembleroit bon de leur en laisser quelque forme, avec ce changement: que puisque telles corrections se doivent faire a [155] la forme de l'Evangile, ce president seroit l'un des praedicateurs, constitué par l'Evesque; les conseillers, [156] des plus apparans dela autour, moitié ecclesiastiques, moitié lais, entre lesquelz le premier seroit un des seigneurs officiers de Son Altesse, avec voix decisive.

  A022001097 

 La seroit ( sic ) corrigés telz vices que ceux qui y estoyent corrigés parmi les huguenotz, et la peyne, tant pecuniaire que corporelle, pourra estre limitee par Son Altesse comm' elle l'estoit au Consistoire des huguenotz..

  A022001105 

 Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive.

  A022001105 

 Il y a parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour la pluspart et quasi tout de gens laicz, ou praeside un homme laiz et y assiste l'un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir aucune voix decisive; et en ce Consistoire sont corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices desquelz le magistrat n'a pas coustume de chastier: comme ivroigneries, exces de balz, danses, jeuz, vestemens, banquetz, noyses entre mary et femme, desobeyssance du filz au pere, mauvais traittemens du pere au filz, luxures, adulteres, parolles deshonnestes, chansons lascives, juremens et blasphemes, et telles desbauches de jeunes gens; en quoy le peuple se tient en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de la religion [155] sur laquelle ilz s'appuyent le peut permettre.

  A022001107 

 Quelques personnes ecclesiastiques en possedent quelques uns legitimement; les autres fruicts ont esté unis à la Milice de l'Ordre des saincts Maurice et Lazare par le Pape Gregoire treiziesme, le treiziesme jour du mois de juin, l'an mil cinq cens septante neuf, et de son Pontificat le huictiesme; et d'iceux quelques commanderies ont esté érigées.

  A022001108 

 Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu.

  A022001108 

 Quant à moy, j'ai des-ja employé vingtsept [157] mois à mes propres despens en ce miserable pays, à fin d'y espancher la semence de la parolle de Dieu, selon vostre volonté qui fust signifiée à Monsieur l'Evesque de Geneve: mais diray-je que j'ay semé entre les espines ou bien sur les pierres? Certes, outre la recouverte de monsieur d'AvulIy et de l'advocat Poncet.

  A022001108 

 ce n'est pas trop grand cas des autres; mais je prie Dieu qu'il nous baille une meilleure fortune.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001117 

 Le Pape Paul III, en consideration de leurs miseres, [160] leur avoit concedé la moitié des fruicts de chaque benefïce du diocese, vaquant la premiere année, à fin que les autres eglises secourussent, au moins en quelque façon, leur matrice.

  A022001117 

 Le Pape Pie IV et le Pape Gregoire XIII les avoyent exemptez du payement des decimes, quelque grande que fust la necessité; neantmoins, les années passées, huictante neuf, nonante et nonante une, toutes les graines de ceste Eglise furent enlevées par les officiers de Vostre Altesse, de sorte que les Chanoines furent contraincts de mendier leur vie chez leurs parens et amis..

  A022001118 

 Toutesfois, la souveraine Chambre des Comptes a jugé que pour ces graines ainsi enlevées on devoit au Chapitre plus de deux mille et six cens florins: c'est pourquoy, Monseigneur, Vostre Altesse est tres-humblement suppliée de vouloir ratifier les volontez des Souverains Pontifes; et, pour le payement de ces deux mille et six cens florins, s'il luy plaisoit de faire faire des habits à l'usage de l'Eglise, elle imiteroit glorieusement la pieté et liberalité de ses serenissimes ancestres, specialement de ce tres-sage prince Amedée, Duc premier, lequel, apres avoir cedé la Papauté pour la tranquillité de tout le Christianisme, se contenta de demeurer Evesque de Geneve, et mourut sous l'auguste mittre de ceste Eglise..

  A022001122 

 Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples..

  A022001123 

 Et ainsy ce seroit une bonne forteresse de laquelle on combattroit vaillamment, comme a l'opposite, contre les insolentes attaques de Geneve et de Lausanne: car la ville de Thonon est entre l'une et l'autre, de sorte que, s'il y avoit un soldat qui peust jouer de la droitte et de la gauche, il combattroit facilement l'une et l'autre; outre qu'elle n'est pas beaucoup esloignee de la forteresse des Alinges, suffisante pour soustenir le siege d'une armee royale, affin qu'en cas de necessité elle peust servir de refuge aux Peres.

  A022001125 

 Et affin que le peuple de Thonon soit porté d'une plus grande affection d'embrasser la religion catholique, il faut remonstrer a Son Altesse qu'elle fera beaucoup si elle relasche en leur faveur quelque chose des contributions ordinaires et extraordinaires..

  A022001126 

 Quant a ce qui regarde l'eglise collegiale de Viry, au balliage de Ternier, affin qu'elle soit restituee en son premier estat, selon la teneur de la Bulle de son erection, il faut prier Son Altesse qu'en compensation du prieuré de Thonon, il luy playse de consentir a l'union des egiises de Saint Julien et de Thoiry, comme encores qu'elle puisse percevoir les dismes des lieux voysins de [164] Beaumont et de Bernex, appartenantes au prieuré de Saint Jean hors les murs de Geneve et maintenant possedees par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, de la valeur annuelle de cinq cens florins, avec une pension de trente couppes de froment de la mesure de Chaumont, ou de vingt couppes de la mesure de Chamberi; a rayson de laquelle pension ceste eglise collegiale fournira d'un aumosnier aux soldatz du fort de Sainte Catherine..

  A022001128 

 Et parce que le curé d'Annemasse doit supporter plusieurs charges pour ce fait, tant a recevoir les predicateurs, secourir les energumenes, qu'a reparer les ruines de son eglise, il faut supplier Son Altesse qu'elle consente a l'union des dismes que les Religieuses de Bellerive percevoyent autresfois riere la parroisse [166] d'Annemasse, maintenant possedees injustement par un heretique de Geneve, achetees d'une Religieuse..

  A022001158 

 C'est pourquoi, à la prière des personnes susdites, nous avons fait la présente, afin d'assurer chacun du plus ample pardon Apostolique et de la sécurité qu'il obtiendra lorsqu'il abandonnera l'hérésie non seulement de Calvin, mais de tout autre fauteur.

  A022001167 

 Que Son Altesse baille entiere mainlevee du revenu de tous les benefices de Chablaix, pour l'entretenement des curés et autres ecclesiastiques necessaires pour l'instruction des peuples et pour les autres exercices catholiques..

  A022001169 

 Et a tout evenement, qu'au moins les revenuz des cures y soyent employés, avec une ample et perpetuelle provision; et quant aux revenuz des autres benefices non cures, que pour troys [ans] ilz soyent levés pour la restauration des eglises, autelz et autres choses necessaires pour les exercices de pieté, a quoy la pauvreté des peuples ne sçauroit prouvoir a ce commencement..

  A022001171 

 Lever le maistre d'escole heretique de ceste ville, avec rafraischissement des inhibitions et defences portees par les statutz de Savoye, qu'aucun subject ne [171] puisse envoyer a l'estude ses enfans hors les Estatz de Son Altesse sans expres congé d'icelle..

  A022001175 

 Que les heretiques soyent privés de toutes charges [172] publiques, offices et estatz, non seulement qui dependent immediatement du service de Son Altesse, mais encores des charges et offices dependans des jurisdictions inferieures et subalternes, sur tout de la comté des Alinges, et autres biens des sieurs Chevaliers de Saint Lazare..

  A022001177 

 Que le ministre soit esloigné le plus qu'il se pourra faire de ceste ville, puysque, selon les conventions faites a Nyon, elle a esté nommement exceptee pour n'y avoir jamais aucun exercice heretique, et que l'approche que le ministre a fait n'a aucun congé de Son Altesse, mais seulement une simple connivence des officiers; ce qui fait encores pour une juste rayson de lever le maistre d'escole..

  A022001190 

 Qu'il ne sera permis a quelque personne que ce soit de dogmatizer, ny disputer de la foy, sinon devant des theologiens catholiques ou autres personnes ecclesiastiques, pour estre instruitz tant seulement; a telle peyne qu'il plaira a Son Altesse.

  A022001193 

 Et a ces fins, ils establiront des censeurs et surveillans, tant à la ville qu'aux champs, et feront tout ce qu'ils verront estre necessaire pour l'advancement de la pieté et reformation des mœurs, sans formalité de procedure ou d'opposition, cecy n'estant que pour maintenir les personnes au devoir de bon Chrestien..

  A022001193 

 Et d'autant qu'il y a plusieurs choses esquelles la justice ne met la main, comme dissensions, inimitiez, concubinages, ivrogneries et semblables excez, S. A. veut qu'on establisse un magistrat des moeurs, qui sera d'aucuns ccclesiastiques, y assistans tousjours ou le sieur Gouverneur, ou le Juge mage, ou bien le Procureur fiscal, et quelqu'un du corps de la Ville, qui auront pouvoir de faire emprisonner et faire payer amende jusques a soixante sols, donner des penitences salutaires.

  A022001193 

 Son Altesse treuve bon que le Reverendissime Evesque de Geneve dresse, tant pour ce regard que pour toutes autres choses concernant le service de Dieu, police ecclesiastique et correction des mœurs, tels ordres et reglemens qu'il verra estre necessaire; lesquels sadicte Altesse veut, entend et commande d'estre gardez d'un chacun; ordonne a ses magistrats de les faire observer.

  A022001194 

 Qu'il soit defendu a toutes personnes de lire ou tenir livres heretiques, censurés et prohibés, et faict commandement a ceux qui en ont de les remettre dans le moys es mains du Reverendissime Evesque; lequel moys expiré, pourront lesditz deputés en faire recherche particuliere par les maysons, et y proceder par censures ecclesiastiques et autres peynes de droit, assistés des officiers locaux pour leur faire main forte et y proceder, non obstant opposition et appellation..

  A022001196 

 Qu'es jours des festes chacun assistera aux divins offices de l'Eglise, mesme de la Grande Messe, Vespres, presche, processions, et y seront a ce contraintz par les officiers locaux; a telle peyne qu'il playra a Son Altesse..

  A022001197 

 S. A. l'accorde pour le regard des Catholiques.

  A022001198 

 Qu'il ne sera permis a personne de se monstrer en public, ni demeurer dans les tavernes, moins de danser, ni ouvrir les boutiques, es jours des festes, pendant les Grandes Messes, Vespres, processions et presches; a peyne portee par les Editz de Son Altesse..

  A022001199 

 Son Altesse le treuve bon, en conformité de ses Edicts cy devant publiez, qu'Elle veut estre observez, voulant qu'on depute en la ville [177] et villages des personnes idoines pour censeurs, qui visiteront les places et maisons pour reveler les contrevenans et les faire chastier, ayant esté prouveu en l'article troisiesme.

  A022001200 

 Que les peres et meres de famille envoyeront leurs enfans, filles, serviteurs, chambrieres et autres domestiques a l'eglise es jours deputés, pour ouyr le cathechisme; et a ces fins, seront commis par les ruës des villes et villages des parroisses des dizainiers pour les enrooller, et accuser aux peres spirituelz l'absence de ceux qui ne s'y trouveront, pour y estre procedé contre les desobeyssans par telles peynes qu'il playra a Son Altesse..

  A022001204 

 Qu'il playse a Son Altesse de deputer des commissaires pour informer contre ceux qui ont demoli les eglises et maysons des curés, vendu, acheté et emporté les tuilles, bois, pierres d'autelz, des baptisteres et eau-benistiers, affin qu'outre les peynes de droict portees contre telz, ilz soyent contraintz a rebastir les eglises et maysons des curés a leurs despens, et les meubler d'ornemens necessaires.

  A022001206 

 Que ceux qui possedent les biens des eglises soyent contraintz de les relascher, sçavoir: des parrochiales, au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, et des autres, entre les mains de celuy qu'il playra a Son Altesse ordonner, pour estre remises auxdites eglises..

  A022001208 

 Que ceux qui ont des tiltres, papiers, livres de reconnoissance, extraitz et autres documens concernans les revenuz des eglises, les remettront dans le moys entre les mains de tel commissaire qu'il plaira a Son Altesse, pour estre puys apres delivrés a ceux ausquelz ilz appartiendront..

  A022001210 

 Qu'il playse a Son Altesse de remedier a l'abus qui se commet aux graines des aumosnes destinees pour les pauvres villageois et reservees par les baillafermes, affin qu'elles soyent employees ainsy qu'il appartient; et par ce moyen en faire declaration expresse, deputant des commissaires pour ouyr les contes des precedens fermiers sur le faict des aumosnes, et commander au Senat de contraindre ceux qui les ont retirés, de les rendre et tenir conte, suyvant ce qui sera ordonné par le Reverendissime Evesque..

  A022001211 

 Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir.

  A022001212 

 Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient; le tout dans quinze jours..

  A022001213 

 S. A. l'accorde, et ordonne au sieur de Lambert de le faire: ce qui s'entend encore des cloches des villages, qui seront entieres ou en pieces.

  A022001214 

 Qu'il playse a Son Altesse de mettre sous sa sauvegarde et protection particuliere le Reverendissime Evesque, ses chanoines, curés, prescheurs, prestres et autres ecclesiastiques, leurs familiers et domestiques, a ce qu'il ne leur soit fait ni donné aucune fascherie en leurs personnes et biens; et partant, les remettre en garde et charge, tant aux seigneurs Gouverneur de Chablaix et Ternier, que magistratz et scindiques des villes et parroisses, affin qu'ilz y tiennent main, qu'il ne leur soit fait aucun tort ou violence; a peyne de s'en prendre a leur privé nom..

  A022001215 

 Il est accordé, et sont remis tous les ecclesiastiques a la charge des habitans de la ville de Thonon et des parroisses, ausquelles l'on fera prester le serment..

  A022001247 

 Ainsi le feu évangélique s'allumera plus intense autour des Genevois pour chasser le vent du Nord qui les glace..

  A022001247 

 qui les veuille accepter, on demande pour l'Evêque de Genève le pouvoir de supprimer, dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, une prébende monacale, vacante ou à vaquer, et d'assigner à chaque théologal deux de ces prébendes supprimées, comme il sera jugé à propos; et que, à leur défaut, on puisse [182] supprimer quelques bénéfices simples des églises mêmes où l'on constituera la prébende théologale, afin de les lui appliquer.

  A022001249 

 Aussi on demande qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leur canonicat, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et les visitant à certains temps; car il ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous, étant soumis au droit de patronage, sont conférés suivant le gré des patrons.

  A022001249 

 Parce que parmi les corps [ecclésiastiques] nécessaires à un diocèse, le Chapitre cathédral est un des principaux, [on représente] que les chanoines de la Cathédrale de Genève étant tous, [183] d'après leurs Statuts, ou docteurs, ou nobles, et leurs canonicats n'excédant pas soixante ducats, ils ne peuvent en aucune façon, en ces temps malheureux surtout, vivre avec bienséance, et selon leur qualité.

  A022001250 

 Les revenus de la mense épiscopale sont si modiques qu'à peine suffisent-ils au convenable entretien de l'Evêque, maintenant [184] surtout qu'il lui faut faire de grands frais en allant consacrer et bénir les églises, les cimetières et les autels des convertis, et confirmer ceux-ci.

  A022001250 

 Partant, on supplie Sa Sainteté de l'exempter de tout payement des décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui échet sur d'aures bénéficiers de Savoie qui n'ont pas tant de charges et sont plus à leur aise..

  A022001251 

 Bien des sujets ou taillables de l'évêché sont astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plutôt le paganisme que le christianisme: s'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester, mais leurs biens reviennent à l'Evêque; ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que le Prélat dort, et telles autres choses ridicules qui n'apportent qu'un mince avantage à l'Evêque; car ces gens demeurent, pour l'ordinaire, abjects et misérables, se privant même d'acheter à cause de leur triste condition.

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001255 

 Par suite des guerres passées, nombreux sont les hérétiques, même relaps, qui, originaires ou habitants de ce diocèse, désirent rentrer dans le sein de l'Eglise; toutefois, ils ne peuvent s'y résoudre, surtout les femmes, les vieillards, les domestiques et tels autres, parce qu'ils ne veulent pas se rendre chez l'Evêque.

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001318 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, comme autrefois, à l'instance d'Emmanuel-Philibert [189], alors duc de Savoie, ont été unis à l'Ordre militaire des Saints Maurice et Lazare tous les bénéfices simples, cures, monastères, prieurés et autres, des pays de Gex, Ternier et Chablais, sous prétexte que les habitants de ces bailliages étaient luthériens ou calvinistes, et que pour cette raison le culte divin n'y pouvait être exercé; cette union fut limitée avec une clause, par laquelle le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, déclara que si les habitants de ces bailliages venaient à se convertir à [190] la sainte foi, les Chevaliers de Saint-Lazare devraient donner à chacun des curés que nommerait l'Evêque cinquante ducats par an.

  A022001318 

 Or, comme ces jours derniers, par le moyen de prédications continuelles, tous les habitants de Ternier et du Chablais sont revenus au giron de la sainte Eglise, au nombre de soixante-quatre paroisses, il faudra y établir des curés capables et savants; et en outre, dans l'église de Thonon, principale ville de ces bailliages, huit prêtres au moins seront nécessaires, tant pour entendre les confessions que pour administrer les Sacrements, ainsi que trois prédicateurs robustes pour exercer sans discontinuer le ministère apostolique de la prédication.

  A022001319 

 Le [191] Sérénissime Duc de Savoie, qui est le Grand-Maître de cet Ordre militaire, y donne son consentement, accordant audit Evêque pouvoir d'établir des curés dans les paroisses et de distribuer les bénéfices, selon qu'il le verra nécessaire, aussi bien que de choisir trois robustes prédicateurs, de quelque Ordre ou Religion qu'ils soient..

  A022001319 

 Supplie humblement Votre Sainteté qu'Elle daigne relâcher et annuler complètement cette union, en sorte que tous ces bénéfices, de quelque nature qu'ils puissent être, soient appliqués à l'entretien des curés, recceurs, prédicateurs, aux réparations et autres charges nécessaires à la conservation de la sainte religion.

  A022001323 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève: A cause de la pauvreté de la province et de la modicité des fruits des prébendes théologales, on ne trouve pas de théologiens qui veuillent les accepter; néanmoins, pour répandre la semence de la parole divine dans ce diocèse, ils seraient très nécessaires..

  A022001324 

 Supplie donc Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder la permission de supprimer une prébende monacale dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, vacante ou à vaquer, en sorte qu'il puisse assigner à chaque théologien deux prébendes, selon [192] qu'il paraîtra expédient; et, à défaut de prébendes, de pouvoir supprimer quelques bénéfices simples des églises dans lesquelles sera constituée une prébende de cette sorte, et d'en appliquer les fruits à cette théologale; puisque, par ce moyen, dans lesdits monastères, prieurés et églises le culte divin ne sera pas du tout diminué, mais au contraire prendra de jour en jour un nouvel accroissement..

  A022001328 

 Expose très humblement Claude de Granier, Evêque de Genève, comme les curés de la majeure partie de son diocèse se trouvent si pauvres, que très souvent ils sont contraints d'abandonner leurs fils dans le Christ, au grand détriment des âmes:.

  A022001333 

 Expose très humblement ledit Evêque, qu'en plusieurs lieux de son diocèse les habitants ont des liens de consanguinité et d'affinité; et cependant, parce qu'ils sont très pauvres et qu'ils n'ont a attendre que des dots très modiques, ne peuvent que très difficilement contracter mariage au dehors, car il leur faudrait prendre sur cette dot exiguë pour faire des visites à l'épouse et pour supporter les charges des noces; et d'autre part, ils n'ont pas moyen de recourir à Rome pour obtenir dispense du Siège Apostolique..

  A022001348 

 Supplie très humblement Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, qu'Elle daigne en ce qui concerne les chanoines de son Eglise cathédrale, accorder dispense pour qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leurs canonicats, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et suffisants pour exercer charge d'âmes; attendu que tous sont ou nobles ou docteurs, et ne [196] peuvent avec les revenus de leur canonicat, qui ne dépassent pas la somme de soixante ducats, vivre décemment, ni ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous sont soumis au droit de patronage et ne sauraient, par conséquent, être obtenus sans la présentation du patron.

  A022001357 

 Expose très humblement, que presque tous les Monastères et Prieurés conventuels, tant d'hommes que de femmes, dans la Savoie, le Genevois, ou autres possessions et régions au-delà des monts appartenant au Sérénissime Duc de Savoie, sont tellement déchus de la discipline régulière et antique, qu'a peine peut-on discerner les Réguliers des séculiers; les uns, en effet, vagabondent sans cesse çà et là, et les autres qui demeurent dans leurs cloîtres causent parmi le peuple un très grand scandale..

  A022001358 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne donner commission à quelque Prélat, d'au-delà des monts, bien instruit de toutes choses, qui, avec deux Pères de la Société de Jésus, ou de l'Ordre des Capucins, s'adjoignant même, s'il en est besoin, l'aide [198] du bras séculier, ait le devoir et le pouvoir de visiter librement et absolument ces Monastères, de corriger les désobiéssants et de châtier les rebelles, selon qu'il le verra expédient au salut de leurs âmes et à la consolation du peuple, sans tenir compte d'aucun appel ou opposition quelconques; attendu que les Supérieurs de ces Monastères souffrent et endurent de tels désordres, puisqu'ils n'y apportent nul remède..

  A022001379 

 C'est pourquoi, pour affermir les convertis et réduire les autres, tant l'Evêque lui-même que les Prévôt et Chanoines ont décidé de se transporter en cette ville de Thonon, et là de travailler dans la vigne du Seigneur avec une activité si grande de leurs âmes, qu'en peu de temps des fleurs et des fruits puissent paraître..

  A022001380 

 A Thonon, d'autre part, il y avait autrefois une église avec un couvent de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, d'une valeur annuelle de cent écus environ, unie à l'Ordre militaire des saints Maurice et Lazare par le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, sous prétexte que ce peuple était loin de la conversion; or, ce couvent est détruit et l'église souffre de ruines nombreuses, en sorte qu'il serait presque impossible à ces Frères de la rebâtir.

  A022001381 

 Par ce moyen ils pourront se transporter à Thonon, restaurer l'église, et produire le fruit que l'on peut attendre de l'effet de la parole divine; en decrétant, toutefois, que tous ceux qui possèdent des bénéfices quelconques fondés dans l'Eglise de Genève, principalement [202] les douze prêtres de la chapelle des Saints Machabées, qui, d'après la fondation, sont obligés de faire résidence en cette chapelle, soient tenus, sans aucune opposition ni exception, de suivre et accompagner les Chapitre et Chanoines, sous peine d'être retranchés de ce même Chapitre; auquel cas, d'autres seront élus en leur place.

  A022001406 

 Cette partie des décimes pourrait être facilement payée par d'autres bénéficiers moins chargés et plus riches..

  A022001406 

 I. Afin qu'Elle daignat dispenser ledit Eveque des decimes qu'il doit payer au Serenissime Duc de Savoie, vu la modicite de la [205] mense épiscopale dont il a même été spolié en grande partie pen dant ces dernières guerres.

  A022001406 

 Malgré cela, il est obligé de soutenir de fortes dépenses pour se rendre en plusieurs lieux récemment convertis, où doivent se faire des consécrations.

  A022001407 

 De plus, l'évêché de Genève a un grand nombre de sujets appelés taillables, qui sont astreints à beaucoup de servitudes barbares, telles que celles-ci: lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester ni disposer de ce qui leur appartient, pas même en faveur des pauvres, des églises, de leurs femmes ou de leurs frères, ni en autre façon quelconque, mais tous leurs biens meubles et immeubles passent à l'Evêque; item, ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que l'Evêque dort, et choses semblables.

  A022001408 

 Pour ce qui concerne ces deux articles, Sa Sainteté a chargé le [207] cardinal Aldobrandini d'en écrire à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin qu'ayant une plus entière connaissance des raisons apportées, Elle prît les moyens convenables pour mettre à exécution ce qui a été demandé.

  A022001408 

 Si donc Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'a pas encore reçu l'ordre requis pour cette affaire, Elle est suppliée de la [208] rappeler à M. le Cardinal, afin que l'Evêque jouisse des effets de la faveur accordée par le Saint-Siège..

  A022001409 

 De plus, on a encore supplié Sa Sainteté de daigner appliquer et assigner sur chaque monastère ou prieuré du diocèse de Genève, une prébende monacale vacante ou à vaquer, pour l'entretien des chanoines théologaux qui sont très nécessaires en plusieurs lieux et ne peuvent autrement y être établis, vu l'exiguité des prébendes théologales.

  A022001410 

 Comme les moines ne vivent ni en communauté ni en clôture, ils n'exercent pas ces emplois; dès lors, on en distribue les prébendes à de simples laïques qui habitent en dehors et souvent loin des monastères.

  A022001410 

 Et pour lui ouvrir encore plus la voie, on expose ce qui suit: Il y a, dans bon nombre de monastères, abbayes et prieurés, plusieurs prébendes dites laïques que l'on donne à des personnes très inutiles, et à des serviteurs non des monastères, mais des Abbés et Prieurs commendataires, en rétribution de leurs services: telles, les prébendes des bûcherons, des portiers, des cuisiniers, des intendants de cuisine.

  A022001411 

 En outre, il faudrait un ordre définitif qui autorisât à prélever sur l'abbaye d'Abondance, comme on le faisait auparavant, [210] une prébende égale à celle des Religieux pour le prédicateur et théologal d'Evian; actuellement, fermiers et administrateurs font des difficultés, et encore la payent-ils mal.

  A022001412 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurerie Illustrissime d'interposer son autorité, afin d'obtenir l'extension de cette faveur du Saint-Siège et des pouvoirs plus étendus, pour la consolation des âmes et pour leur aplanir le chemin de la pénitence.

  A022001412 

 Ces pouvoirs seraient nécessaires non seulement au Prévôt, mais encore à ceux qui seront délégués sous peu par l'Evêque de Genève, à cause de l'abondance de la moisson et de la pénurie des moissonneurs.

  A022001422 

 Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:.

  A022001429 

 Et quand audit Brief de Gregoire treiziesme telle condition ne seroit apposee, le Pape du jourd'huy, qui peut en cest endroict absolument disposer, dispose en faveur des peuples et de l'advancement de la religion chrestienne, comme il appert par son Brief..

  A022001432 

 Mais la condition Ita tamen, dit indistinctum: de proprietatibus bonorum praedictorum; et le Concile de Trente, ipso jure, donne pouvoir des portions congrues sur tous benefices..

  A022001434 

 Mais, et le Concile de Trente expres, et la condition Ita tamen de Gregoire, remet cela a la connoissance des Evesques..

  A022001435 

 Quatriesmement, du nombre des gens necessaires, voulant que cela se fasse selon le nombre establi, Son [215] Altesse estant a Thonon.

  A022001455 

 Son Senat et sa Chambre des Comptes [218] n'ont voulu interiner les patentes expediees a cest effect..

  A022001455 

 Vostre Altesse avoit donné mainlevee, par maniere de provision, du revenu de tous les benefices de Chablaix et Ternier pour l'entretenement des ecclesiastiques necessaires pour l'exercice de la religion Catholique nagueres restablie en ce pais par le zele de Vostre Altesse.

  A022001456 

 Sa Sainteté, suyvant la sainte intention de Vostre Altesse, a donné plein pouvoir au R me Pere en Dieu, l'Evesque de Geneve, de desunir et desmembrer des benefices unis a la Milice des Saints Maurice et Lazare (laquelle tient la pluspart, ains presque tous ceux de Chablaix) autant quil verra expedient pour l'instruction de ces ames nouvellement converties, et reparation des eglises, paremens d'autelz et autres necessités.

  A022001457 

 Et partant, quil luy playse, ou de commander [219] absolument, purement et efficacement que le Brief de Sa Sainteté soit mis en execution sans dilation, sauf a la ditte Milice de recourir en cas d'abus et se prouvoir comme et vers qui elle verra a faire; ou de commander expressement a l'un des seigneurs de son Senat ou Chambre des Comtes de Savoye d'assister a laditte execution qui se fera par ledit Reverendissime Evesque de Geneve, a laquelle pourra aussi entrevenir un deputé par le Conseil de la susditte Milice, affin que toute accusation d'abus soit evitee.

  A022001458 

 De n'outrepasser pas le nombre juste et competent des personnes necessaires a l'œuvre, lequel neanmoins ne se peut pas precisement determiner sans particuliere connoissance des lieux et des personnes.

  A022001461 

 Et de n'outrepasser l'usage requis et deue emploitte desdits biens, tant en l'assignation des portions congrues qu'autres œuvres necessaires a l'establissement de la sainte Eglise..

  A022001462 

 Et bien que tout le revenu ecclesiastique de Chablaix qui est en estre et n'a esté aliené, malaysement peut suffire a ce quil seroit besoin faire en ce commencement, auquel on ne peut jamais faire que trop peu, si est ce que ledit Evesque, quand a ce qu'il luy touche, se contentera simplement de ce qui est necessairement [221] necessaire, layssant au surplus a la pieté de Vostre Altesse de prouvoir et au college des Jesuites, ja conclud et destiné par elle avec le Pere General de l'Ordre, et aux autres œuvres qui sont de telle importance qu'elle sçaura tres bien juger..

  A022001495 

 Le moine appelé, de son office, Ouvrier, blessa à coups de stylet et avec une masse d'arme deux gentilshommes de l'endroit et un autre pauvre homme; les coups furent tels et si nombreux que deux des trois blessés sont à l'article de la mort et l'autre est estropié.

  A022001496 

 On pourrait y joindre une prébende, s'entend la première vacante, des douze des Chanoines réguliers de Saint-Augustin du prieuré du Sépulcre d'Annecy, et une de Bellevaux, de l'Ordre de Cluny, où vaque une prébende; les deux ensemble ne monteront pas à soixante-dix écus annuels.

  A022001498 

 Ses prébendes [226] n'atteignant pas les vingt-cinq écus par an, on pourrait leur en ajouter une de l'abbaye d'Entremont, ou Intermontium, des Chanoines réguliers blancs, qui n'existent pas, que je sache, en Italie, et une autre du prieuré de Contamine, de l'Ordre de Cluny; ces deux prébendes montent à cent écus.

  A022001499 

 Elles sont de cent écus annuels, et la Règle de l'abbaye est celle des Chanoines réguliers, les mêmes que ceux de Tarentaise.

  A022001499 

 Partant il sera bon que l'on pourvoie cette église d'une nouvelle prébende, la prélevant sur les douze d'Abondance, dont six sont vacantes depuis bien des années.

  A022001502 

 De cette manière, on constituerait dans ce diocèse sept théologales moyennant lesquelles on pourrait rétablir toujours davantage la religion, jusqu'à ce que Dieu nous envoie des bénédictions plus abondantes.

  A022001503 

 Celles des autres localités pourront se nommer théologales, au lieu de canonicales..

  A022001503 

 Je crois avoir répondu à toutes les questions posées touchant l'érection des prébendes théologales.

  A022001503 

 Toutes ne peuvent pas être canonicales, car il n'y a dans le diocèse que cinq églises avec des chanoines séculiers; et encore n'a-t-on pas fait mention de l'une d'elles, comme n'étant pas très nécessaire.

  A022001504 

 On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs..

  A022001505 

 Leurs abbayes sont situées en des lieux inhabités, sauf Talloires qui est une bourgade peu éloignée d'Annecy; de sorte que, quand même ils auraient parmi eux des théologaux (et ils sont loin de les avoir), si une autre réforme n'intervient, ils seront toujours de peu d'utilité aux populations..

  A022001514 

 Pouvoir de rachetter tous les biens dependans des cures et chapelles, de quelle nature quilz puissent estre.

  A022001515 

 Et par ce que les sieurs Chevaliers rachettant les biens des autres benefïces pourroyent, ou par mesgarde ou autrement, prendre les biens des cures en guise des autres, seront obligés monstrer les contractz aux deputés de l'Evesque, par lesquelz il sera regardé si lesdits biens sont ou aux cures ou aux autres benefïces..

  A022001518 

 des saints Maurice et Lazare.

  A022001535 

 Ce qu'il n'a onques esté possible d'obtenir, se passant maintenant la sixiesme annee sans que lesditz pauvres supplians ayt ( sic ) jamais peu avoir un seul liart des gabeliers, non obstant toutes les poursuites, sollicitations, supplications et remonstrances faites tant par les supplians que par le seigneur Evesque de Geneve, leur Praelat, et non obstant encor plusieurs ordres donnés par Vostre Altesse a diverses fois, et plusieurs Arrestz et sinceres diligences faitz par la Chambre des Comtes de Savoye qui n'a rien obmis en cela, jusques a ne vouloir clorre les comtes des gabeliers; en sorte que le sieur Velasque, dernierement a Chamberi, declara audit Evesque que lesditz curés [239] n'en auroit ( sic ) onques rien, les gabelles estant toutes espuysees et employees pour les maysons de Vos Altesses et autres assignations praecises, et que jamais nul ordre, quel qu'il fut, ne serait suffisant pour cela..

  A022001535 

 Et pour, d'un costé, reparer aucunement l'evidente et grand ( sic ) perte des supplians causee par ledit commandement, comm' aussi, d'autre part, pour ne laisser les eglises et peuples desditz Armoys et Draillans destitués de pasteurs, et par consequent de Sacremens et de religion, Son Altesse assigna pour l'entretenement desditz pauvres curés, a chacun cinquante escus sur la gabelle a sel dudit Chablaix; sommes petites, mais desquelles lesdits curés, tres humbles sujetz de Son Altesse, demeuroyent contentz, si elles leur eussent esté delivrees an par an.

  A022001535 

 Supplient en toute humilité, les pauvres orateurs de Vostre Altesse, curés des parroisses d'Armoy et Draillans en Chablaix, disans qu'apres avoir, par un tres juste Arrest de vostre Senat de Savoye, et duquel ilz ont payé un grand emolument, otenu ( sic ) contre ceux de [238] Geneve, detenteurs et tres injustes occupateur ( sic ), la pleine possession et jouissance des dixmes et revenus dependans de leurs cures, il pleut a Son Altesse, pour certaines raysons a Elle conneues, leur commander absolument de quitter lesdits revenus ausdits de Geneve.

  A022001561 

 On ne doit pas redouter [242] les séditions, soit parce que, la plus grande partie de la noblesse étant catholique, les magistrats sont des hommes de marque, soit parce qu'il n'y a aucune forteresse ni aucun château-fort..

  A022001561 

 Quant à la première, il ne peut y avoir de difficulté du côté des habitants du pays; l'exercice de leur culte demeurant libre et assuré, ils n'auront pas à se plaindre si on établit le culte catholique pour ceux qui ne voudront pas du leur.

  A022001562 

 Il est vrai qu'ils désirent voir leur religion s'étendre et se conserver; mais ce désir n'est pas digne de considération, puisque, au contraire, les Bernois eux-mêmes qui savent combien vivement Sa Majesté souhaite la propagation de la foi catholique, l'entravent néanmoins, et tâchent de faire surgir des obstacles non seulement parmi leurs sujets, mais encore parmi les sujets des autres.

  A022001565 

 D'autres sont occupés par les ministres et par des laïques, sans aucun titre légitime; et quant à ceux-ci, il n'y a point de difficulté, puisqu'ils sont dans le domaine du Roi et sous sa juridiction.

  A022001566 

 D'autres enfin sont aussi sous la juridiction de Sa Majesté, mais détenus par la prétendue République de Genève; ceux-ci appartiennent principalment à l'Eglise cathédrale, au Chapitre et [246] à la chapelle dite des Machabées qui est unie à la même Cathédrale.

  A022001567 

 Sa Majesté, rétablissant l'exercice du culte catholique et restituant ces deux dernières parties des revenus, pratique la jutice, accroît la sainte religion, fait du bien à l'Eglise, multiplie ceux qui [247] prieront pour sa prospérité.

  A022001575 

 Claude de Granier, Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que, par la misere des troubles advenuz a l'occasion du schisme et division de religion, l'exercice de la religion Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex, et les saintz temples, maysons et patrimoines de l'Eglise occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001576 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Bieugey, Valromey et Gex; lequel, donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, remettant par mesme moyen les trois pasteurs constitués en icelles en l'actuelle jouyssance et possession des terres, maysons, fondz et autres revenuz dependantz des dittes cures, et des dismes qui proviennent es confins des territoires des dittes parroisses, selon les limites qui souloyent estre [250] au paravant l'expulsion du Clergé: et ce, tant seulement..

  A022001577 

 Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé ledit suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir déclairé.

  A022001578 

 Le tout a la forme de l'Edit public a Paris le 25 febvrier 1599, lequel le suppliant requiert tres humblement estre observé pour la conservation des droitz de l'Eglise audit balliage de Gex, puisqu'il est maintenant uni a la royale couronne de Vostre Majesté, et que l'ors mesme que l'Edit sus mentionné.

  A022001578 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour y estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble empechement; defendant tres expressément a toutes personnes, de quelqu'estat, qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausdits ecclesiastiques et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent [251] desaissis ( sic ).

  A022001578 

 fut publié, il estoit des-ja reduit sous son obeissance, tenu, administré et possedé au nom d'icelle; et qu'Elle mesme a declairé estre de son bon playsir «que l'Edit soit observé es pais eschangés,» selon sa forme et teneur, touchant l'establissement «de la religion praetendue reformee»: dont on peut conclure que son intention est que le mesme Edit soit aussi gardé selon sa forme et teneur, et reciproquement, en ce qui concerne le restablissement de la religion et Eglise Catholique..

  A022001579 

 En suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la sainte religion es trois autres balliages comprins au mesme traitté et sous mesme article, a sçavoir: de Chablaix, Ternier et Gaillard, ou l'Eglise Catholique fleurit maintenant et les benefices sont en mains des ecclesiastiques.

  A022001579 

 Et en particulier, le mesme Seigneur Duc restablit au balliage de Gex, dont il est question, la religion Catholique l'an 1590, rendant les benefices aux ecclesiastiques, bien que, par la misere de la continuation des guerres, ledit restablissement dura fort peu et fut rendu presque inutile..

  A022001580 

 Si que il ne demeure aucune rayson ni apparence aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices de Gex, pour laquelle, le balliage estant uni a la Couronne, [253] ilz ne doivent estre contraintz de subir le droit, justice et equité portée par l'Edit de pacification, au prouffit des ecclesiastiques; lequel Edit, le suppliant implore, avec la pieté et zele de Vostre Majesté..

  A022001592 

 Vostre Majesté s'estant inclinee a la juste supplication de son tres humble et tres-obeissant serviteur et orateur l'Evesque de Geneve, pour obtenir le restablissement de la religion Catholique et la restitution des biens ecclesiastiques au balliage de Gex, elle a renvoyé ledit [254] suppliant au sieur Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne et dudit balliage; lequel donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restabli la sainte religion en trois eglises et parroisses dudit balliage, et remis les pasteurs ecclesiastiques constitués es dittes parroisses en l'actuelle jouissance des biens appartenans aux cures d'icelles, selon les anciennes limites..

  A022001593 

 Mays pour le regard du restablissement de la religion, requis et supplié pour tous les autres lieux qui sont en grand nombre, et de la restitution des autres biens, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre, par icelle, fait droit et son bon plaisir declairé.

  A022001594 

 Oue la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté interims, pour y estre paysiblement et librement exercee, et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et paysible jouissance, en telz droitz, libertés et seurtés quilz avoyent auparavant quilz en fussent desaisis: qui sont les termes de l'Edit publié à Paris, le 25 febvrier 1599, lequel ledit suppliant requiert tres humblement estre observé en ce qui concerne l'advancement de la foy catholique.

  A022001594 

 Puisque, reciproquement, le mesme Edit sera observé, en ce qui concerne l'exercice de la religion praetendue [255] reformee, es pais eschangés comm' es autres du royaume, ainsy que Sa Majesté a declairé en la responce faitte aux Articles prsesentés par les deputés de Beugey et Valromey, qui supplioyent que l'exercice de laditte religion praetendue ne fut introduit es confins des dittes provinces; et que, au tems de la publication de l'Edit, le balliage de Gex estoit sous l'obeissance de Vostre Majesté, tenu, possedé et administré au nom d'icelle..

  A022001596 

 Si que il ne demeure aucune rayson aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices dudit balliage de Gex, pour laquelle ilz ne doivent subir l'equité et justice portee dans l'Edit sus mentionné, touchant le restablissement de la religion et restitution des biens ecclesiastiques: qui est ce que le suppliant et son Clergé requiert tres humblement, avec deputation de commissaires pour l'entiere et totale execution de l'Edit touchant ce chef..

  A022001610 

 L'Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que par la misere des troubles advenuz par le schisme et division de religion, l'exercice de la foy Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex; les saintz temples, maysons et patrimoine de l'Eglise, occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001611 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant [258] inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex; lequel donnant commencement a l'execution d'une si sainte œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, avec provision pour l'entretenement des pasteurs establis en icelles..

  A022001612 

 Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir declairé.

  A022001613 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex, ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble et empechement; defendant a toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausditz ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaisseront l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent desaisis.

  A022001624 

 En suitte de quoy, bien tost a pres se fit un autre traitté en la ville de Nyon, entre ledit Duc et les Bernois, auquel il fut convenu qu'audit balliage de Gex l'exercice des deux religions seroit libre; en sorte neanmoins que celuy de la praetendue ne seroit qu'en trois lieux, celuy de la Catholique en tous les autres.

  A022001637 

 A quoy Sa Majesté inclinant, remit l'execution de ceste requeste a monsieur le Baron de Lux, son lieutenant general audit balliage de Gex, lequel neanmoins, l'on ne sçait pourquoy, ne fit qu'entamer et donner commencement a ce saint œuvre, renvoyant le surplus a Sa Majesté et a Messieurs de son Conseil; mondit sieur de Lux s'estant contenté de restablir seulement l'exercice de la religion Catholique en la ville de Gex et es parroisses des vilages de Farges et Asserens, quoy que ces trois lieux ne facent pas la dixiesme partie du balliage.

  A022001642 

 Et pour faire mieux connoistre la rayson que l'Evesque de Geneve a de promptement poursuivre l'enterinement de sa requeste, Messieurs du Conseil seront advertiz que la noblesse du balliage de Gex estant catholique, comm' aussi plusieurs autres des principaux dudit balliage, ilz sont contraintz de rechercher avec des incommodités tres grandes l'exercice de leur religion..

  A022001654 

 ( sic ) Mais pour la presente annee, l'Evesque de Geneve laissera les fermiers quil a mis pour les diesmes provenus dans les confins et territoires des parroisses d'Asserens et Farges selon les anciennes limites, a la forme de l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux.

  A022001655 

 Et pour le regard des prises des deux annees escheües, le sieur Bonfilz remettra les actes et papiers [270] es mains de l'Evesque de Geneve, qui font pour repeter des ministres ce quilz en ont injustement perceuz ( sic ), et contre le reiglement de monsieur de Lux et confirmation du Roy; moyennant quoy, l'Evesque se contentera des deux prises passees..

  A022001656 

 Les procureurs quil faut constituer sont le sieur Jean Reydet, notaire de la Chambre Apostolique, et le sieur... de Ratti, procureur en Pœnitenterie de Rome, l'un des deux ayant plein pouvoir..

  A022001664 

 Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme du dernier novembre 1601, suyvant le bon playsir de Sa Majesté, il avoit esté, par monsieur le Baron de Lux, mis en possession, saysie et jouissance tant de l'eglise Saint Pierre de Gex que des maysons presbiterales et biens dependans du doyenné et [272] cure de laditte eglise, comme plus a plein est contenu par ledit establissement sur ce fait lesditz an et jour, duquel il est prest faire apparoir..

  A022001679 

 Il auroit esté limité lieu joignant au cimetiere, pour la sepulture des cors mortz de ceux de la pretendue religion reformee dudit Gex; ce neanmoins, se seroyent de leur authorité absolue et sans aucun pouvoir, du moins qui luy ayt apparu, saysis et emparés du cimetiere de [274] laditte eglise, et illec sousterré lesditz cors mortz: chose qui est directement contrevenante audit establissement, et par consequent a la volonté de Sa Majesté.

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001695 

 A cause dequoy, ledit sieur suppliant se treuve contrainct de recourir a tous coups aux magistratz et officiers du Roy, iesquelz, quoy quilz monstre ( sic ) de n'estre mal affectionnés aux Chatoliques, neanlmoins, pour fere profession de la religion des ministres, ne peuvent leur estre si favorables que l'on desireroyt.

  A022001695 

 Par le moyen de quoy, l'avancement de nostre saincte religion et de l'exercice d'icelle est beaucoup retardé, [278] au grand scandalle et prejudice des pauvres convertys de ladite terre de Gex, lesquelz sont tellement estonnés et degouttés, quil est a craindre que plusieurs d'entreux ne soyent contrainctz de regarder en arriere, silz ne sont retenus et confirmés par quelque esperance quil leur naisse de veoir la religion Chatolique favorizee, supportee et avancee audit pays plus qu'elle n'a esté jusques a present..

  A022001696 

 A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie ( sic ) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001705 

 MEMOIRE DE L'ESTAT DES AFFAIRES ECCLESIASTIQUES DE GEX, SUR LEQUEL ON PEUT JUSTEMENT SUPPLIER SA MAJESTÉ DE RENDRE L'EGLISE JOUISSANTE DU BENEFICE DES EDITZ DE PACIFICATION EN CE QUI REGARDE LE RESTABLISSEMENT DE L'EXERCICE CATHOLIQUE ET RESTITUTION DES BIENS ECCLESIASTIQUES..

  A022001707 

 Mays ilz n'en demeurerent maistres que pour peu, parce que le Serenissime seigneur Duc de Savoye la reprit avec vive force tout incontinent apres, et l'ayant ainsy reprise, ne se treuvant plus engagé dans l'obligation des conditions precedentes, il restablit par tout les eglises et l'exercice catholique.

  A022001708 

 De quelque tems apres, ceux de Geneve, appuyés des forces du Roy, se saysirent du mesme balliage et renverserait tout ce qui y estoit de catholique.

  A022001710 

 Despuys, en quattr' autres parroisses du mesme balliage: Peron, Sessy, Versonnex et Challex, plusieurs habitans demanderent l'exercice catholique par requestes addressees a Sa Majesté, laquelle le leur ouctroya, et renvoya l'execution [282] au seigneur Baron de Lux; laquelle neanmoins n'a pas esté faitte, et ainsy tous les revenuz ecclesiastiques des cures, si ce n'est de ces trois premieres, sont appliqués a l'entretenement des adversaires de l'Eglise, et outre cela, encor prennent ilz des portions sur les prieurés et autres benefïces dudit balliage.

  A022001710 

 En suite dequoy Sa Majesté commit, il y a quattr' ans, monsieur le Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex, pour restablir audit Gex l'exercice catholique, mais seulement en trois lieux: Gex, Asserens et Farges, desquelz lieux les revenuz ecclesiastiques furent assignés pour l'entretenement des curés.

  A022001711 

 On peut donques justement desirer, demander et solliciter que les biens ecclesiastiques soyent remis aux gens d'Eglise, et l'exercice catholique restabli par tout ou il se treuvera des personnes qui en supplieront..

  A022001723 

 Le sieur de Sales, Evesque et Prince de Geneve, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que sur la deputation des commissaires par tout vostre royaume pour l'execution de l'Edit de Nantes, iceux estans au balliage de Gex, ledit suppliant, au mois de decembre 1611, se pourveut par devant eux pour estre reintegré en la possession de toutes ses eglises, cimetieres, maysons presbiterales, revenuz et domaines ecclesiastiques; ou ceux de la religion pretendue reformee formerent tant d'oppositions, que son voyage fut infructueux pour la Catholique, et furent contraintz les ditz commissaires ordonner que des dittes oppositions et remonstrances rapport en seroit fait en vostre Conseil, pour y pourvoir selon vostre bon playsir.

  A022001725 

 Mays pour le regard du suppliant en son particulier, et du Chapitre de son Eglise cathedrale [et] de Saint Victor, sur la demande qu'il auroit faitte pour estre reintegré en la possession des domaines ecclesiastiques usurpés par la ville et cité de Geneve en ce qui est dans la souveraineté de Vostre Majesté, et a cest effect ayant presenté requeste ausditz sieurs Milletot et de Brosses, commissaires, au lieu de luy faire droit conformement a vos Editz et commission particuliere a cest effect a eux decernee, neanmoins ilz ont renvoyé ledit suppliant par devers Vostre Majesté pour luy estre pourveu.

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001736 

 On ne le peut retirer qu'en vertu des accensemens et mandatz de mondit seigneur de Bourges..

  A022001737 

 Qui fait recourir a luy et le supplier tres humblement quil luy playse faire deslivrer les ditz accensemens et mandatz au curé, affin quil puisse exiger lesdites ( sic ) restes [d'Jargent pour les employer a la reparation des bastimens ecclesiastiques; a quoy les revenuz presens dudit doyenné, entierement remis audit curé par la charité de mondit seigneur, avec quelques autres aumosnes donnees a cett'intention, ne peuvent nullement suffire..

  A022001744 

 L'ordre appreuvé sera suivi des le jour de Noël prochain inclusivement, et les sommes mentionnees s'entendent monnoye a la course presente de Gex..

  A022001756 

 Quant aux heures de la celebration, Nous ordonnons selon l'article proposé; et pour le regard des Messes chantees, surseance, sauf a Gex, ou il y a des bons chantres..

  A022001768 

 Appreuvé, sauf pour le regard de la pension des deux assistans, qui continueront a deux centz livres pour un chacun, attendant que l'œconomie soit deschargee de la multitude des frais qu'il luy convient supporter maintenant..

  A022001815 

 Le venerable sacristain fournira le luminaire convenable, et tiendra conte des frais qu'il fera pour ce regard, luy estant neanmoins donné par avance ce qui sera jugé necessaire; et se prendra [sur] l'œconomie generale, a laquelle sera contribué de la pension de Bonmont ce qui sera jugé raysonnable.

  A022001847 

 Appreuvé, sauf que, pour le regard des chapelles de nomination, sera affigé a la porte de l'eglise le decret de la future privation des patrons..

  A022001871 

 Sera traitté plus a plein sur cest article important, et ce pendant le sieur Œconome prendra l'advis du Superieur des Peres Capucins; et pour le reste, est remis a sa prudence de faire selon les occurrences..

  A022001883 

 Les lieux parroisseaux ou se fera le service divin seront, a cause de la paucité des Catholiques, pour le present seulement les huict suyvantz: Gex, Farges, Peron, Chalex, Sessiez, Divone, Thoiry et Sacconex; et, avec le tems, les quattr'autres..

  A022001885 

 Et ceux qui auront des vicaires deserviront les annexées a sept heures, les Dimanches et testes, par eux ou leurs vicaires, affin que tous deux assistent aux Grandes Messes au lieu de leur residence..

  A022001895 

 Toutes les Dimanches se fera la procession des mortz, l'eau beniste et la predication au milieu de la Messe.

  A022001897 

 Complies se chanteront tous les sammedis, veilles des festes qu'on celebre; et les jours des dites festes et Dimanches, Vespres sans Complies..

  A022001899 

 Les processions: la Feste Dieu, tres solennellement, les Rogations et autres coustumieres, et extraordinaires selon les occasions et necessité des tems..

  A022001900 

 La Semaine Sainte se fera la procession des Rameaux, se chanteront Matines les trois jours, et autres ceremonies, selon les rubriques et coustumes de l'Esglise..

  A022001903 

 A toutes ces charges sera tenu le curé de Gex, comme aussy au vin, hosties et autres ordinaires; et percevra les fruitz de la cure et doyenné, fors le cinq pour cent des biens desdites cure et doyenné aliénés.

  A022001903 

 Et parce qu'il y a charges extraordinaires, tant a cause des PP. Capucins qui celebrent a ladite esglise, et autres passantz, et que ledit sieur curé est œconome, Monseigneur le declaire exempt du luminaire, vin, hosties, et depute monsieur Jaquin pour avoir charge de cela et de la sacristie; et a ces fins luy est decerné cent francs a trois florins piece, a prendre sur la pension de Bomont.

  A022001912 

 Les chapelles rentées seront deservies par les institués (celles qui seront en estre); les ruinées qui seront de la nomination d'autruy, seront restablies du revenu dans dix ans, a faute dequoy seront les patrons descheuz de leurs droitz et lesditz revenus annexés a rœconomie, comm' aussy tout revenu dependant des chapelles qui ne seront d'aucune nomination..

  A022001920 

 Pour les choses ardues et difficiles, le sieur Œconome prendra l'advis des curés de Farges et Sacconnay, et monsieur Jaquin, du Superieur des Capucins; et pour les seculiers, de monsieur le baillif, monsieur de Siccard et monsieur de la Bastie..

  A022001923 

 Sera institué un personnage pour agent et solliciteur des affaires de l'œconomie, avec les gages de trois centz florins, a condition qu'il ne retirera rien des contratz faitz au proffit des l'œconomie, luy estant permis de retirer des autres..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001982 

 Sur l'ordre des Révérendissimes Seigneurs qui firent l'Office, je donnai le sermon solennel, dans lequel je traitai de la succession Apostolique en la sainte Eglise, exhortant la population (en partie hérétique, mais [302] elle vint à cette assemblée par curiosité) à l'amour de sa sainteté, unité et succession.

  A022001983 

 Et pour les villes, si nombreuses, pour les républiques entières, où il n'est pas permis aux prédicateurs catholiques de se faire entendre, ni de demeurer et parler, [303] quel moyen de les ramener à la foi? Car désormais, chez nous autres Suisses et en toute l'Allemagne, voire même dans plusieurs parties de la France, des villes entières sont hérétiques et l'hérésie passe en raison d'Etat; on ne voit pas le moindre espoir de leur conversion; les choses vont même si avant, que les hérétiques ne sont pas inquiétés le moins du monde, et c'est sans remède.».

  A022001983 

 Pendant le voyage il parla presque toujours avec moi et me dit entre autres choses: «Monsieur, vous avez fait ce qui ne s'était pas fait dans la ville de Sion depuis bien des années; car il n'a jamais été permis aux prédicateurs catholiques de traiter en chaire d'aucune matière de controverse.

  A022001984 

 Ces paroles pénétrèrent tellement mon cœur qu'il ne m'a jamais été possible de me les ôter de l'esprit, et en somme, voici la pensée qui m'est venue: Il est vrai que si on laisse ainsi les Suisses de Zurich, Bâle, Berne et autres cantons (on peut en dire tout autant de l'Angleterre et des autres pays hérétiques), jamais ils ne se convertiront; au contraire, leur religion parvenant à l'Etat, ils établiront l'une dans l'autre.

  A022001985 

 Cette proposition devrait se faire simultanément par tous, avec des arguments solides et clairs prouvant l'avantage public qui en reviendrait à la Chrétienté, très affaiblie par la division, et qui, par l'union, serait grandement fortifiée contre les Turcs et autres.

  A022001985 

 J'ai pensé à beaucoup de choses, et je n'ai trouvé que ce seul moyen: Il faudrait que notre Très Saint Père et Seigneur, ou le Saint-Siège Apostolique, engageât tous les princes catholiques et toutes les républiques non pas à prendre les armes extérieures, mais les intérieures; c'est-à-dire, à proposer la réunion des hérétiques à la sainte Eglise.

  A022001987 

 Premièrement: les princes devraient convoquer pour ce seul but un concile national, c'est-à-dire, un en France et un en Allemagne, et tâcher, par tous les efforts possibles, d'y faire intervenir [305] quelques délégués des princes et des républiques hérétiques, pour qu'ils puissent ouïr les propositions relatives à cette union, non point pour disputer ou argumenter, mais seulement pour conférer sur la façon de la ménager..

  A022001988 

 Dans ces conciles, il ne faudrait pas l'autorité Apostolique antécédente, mais seulement conséquente; c'est-à-dire, pour ne pas engager le Saint-Siège, ils ne devraient pas se tenir en son nom, mais ils devraient promettre la ratification des résolutions prises..

  A022001989 

 Afin que cette ratification pût sûrement se promettre, il serait nécessaire que le Saint-Siège fût averti de temps en temps des diverses propositions et qu'il se tînt toujours en mesure de répondre promptement; ou bien, qu'on eût auparavant des mémoires des choses qui doivent être traitées..

  A022001990 

 Item, ou encore, en laissant aux princes et aux républiques la nomination aux bénéfices les plus considérables, voire même à [306] tous, comme on laisse au Roi de France celle des plus importants; et il n'y aurait pas en cela, semble-t-il, plus de danger de mauvaises conséquences qu'en la coutume de France..

  A022001991 

 Quant aux clercs apostats, on les dispenserait de leur vœu de continence, surtout s'ils ont des enfants, sans toutefois jamais plus les admettre aux fonctions de leurs Ordres, ni leur laisser porter l'habit clérical.

  A022001994 

 Mais si l'on ne jugeait pas à propos de tenter cette entreprise dans tous les pays excommuniés, divisés ou séparés de la sainte Eglise, il conviendrait au moins de le faire pour les Suisses hérétiques, et on pourrait y employer l'autorité de l'Espagne, de l'Empereur, du Roi de France, du sérénissime Duc de Savoie, leur voisin, avec l'action et l'industrie des cantons catholiques, même du Valais.

  A022001995 

 Et quant à Genève, pour la contraindre à laisser au moins la liberté de conscience et à laisser établir dans un ou deux endroits l'exercice du culte et les sermons catholiques, il suffirait de [308] l'autorité et de l'intervention de notre sérénissime Duc et des Suisses catholiques; on proposerait aux Genevois de leur abandonner les revenus ecclésiastiques ou de leur en donner tout autant, on leur distribuerait un peu d'argent.

  A022001996 

 Peut-être serait-il difficile maintenant d'unir les cœurs des princes catholiques que nous voyons, excités par des tentations si multiples, se livrer en proie à la division.

  A022001997 

 Tant d'hérétiques et de républiques hérétiques sont si proches de moi, que mon esprit ne peut se défendre d'y songer souvent et de prendre en pitié une telle désolation, non seulement présente, mais future; puisqu'avec le temps, ces ennemis de l'Eglise oublient d'autant plus qu'ils ont été jadis ses [309] enfants, qu'ils naissent en des pays où l'on ne parle d'elle qu'avec exécration..

  A022002022 

 Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte de la deuxième Série des Opuscules de saint François de Sales et les volumes de ses Lettres..

  A022002058 

 3° Toutes les villes des heretiques la respectent comme azile de leur religion et ville saincte.

  A022002059 

 2 a Il y a des ministres en tres grand nombre, des plus doctes [316] de leur secte, de toutes nations.

  A022002059 

 3 a Il y a de belles et magnificques imprimeries, dont ils emplissent le monde de livres heretiques; et ceste annee ils envoioient 40 charges des ditz livres en France.

  A022002059 

 4° II n'y a aucune ville en l'Europe ou il y aye tant de commodités d'entretenir l'heresie: I a L'assiette et situation de la ville a la porte de France, de Flandres, d'Allemagne, d'Italie, Espagne et autres provinces; elle est sy commode qu'en icelle se treuvent habitants de toutes sortes de nations, voire mesme d'Angleterre; elle est comme le centre des autres provinces, et par icelle tout passe.

  A022002059 

 La 4 e commodité ce sont les estudes, car la commodité de la situation de la ville et le grand exercice des lettres attirent tres grand nombre d'enfants de bon lieu: de France, tesmoin Desponde quy y a estudié; d'Allemagne, comme le P. Ludovic, le Capucin, filz du Chancellier de Saxe, qu'a aussy estudié audict Geneve.

  A022002060 

 Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve..

  A022002062 

 7° Ceste ville, en faict de conservation des heresies, a une merveilleuse correspondance avec toutes les parties infectes de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre, de la Pologne et jusques en Danemarch, etc..

  A022002068 

 La continuation des bons predicateurs, Jesuistes et autres; mais sy [Sa] Saincteté ne commande absolute, ilz ny persevereront poinct: experientia magistra.

  A022002069 

 Desja il y a des moyens, mais il faudrait encores une pension de 100 escus que Sa Saincteté pourroit bailler sur quelque abbaye, comme sur Talloeres; il y a une pension qui vacque, qui est pour une personne laicque appellé le chapte boys..

  A022002070 

 Et par faute d'argent et de moyens, on laysse a fere de grands biens qu'on feroit pour la saincte foy Catholique; et soudain qu'on aura des moyens on en verra beaucoup sortir de Geneve, et peut estre des mesmes ministres..

  A022002083 

 Et n'y a rien de plus facile que d'avoir ladite lettre par ce moyen: c'est que le sieur Conte de Saconay a un amy secretaire du Roy, voire des premiers; il s'appelle monsieur Ruzé, seigneur de [320] Beaulieu, lequel facilement dresseroit la lettre a ceux de Geneve en bonne forme.

  A022002083 

 Pour ce, estant ledit sr Conte de Saconay bien zelé et au gré de S. A., il y pourroit venir; mais il est necessaire que Sa Saincteté le luy commande, ou prye par une Lettre ou Brief Apostolique, tant pour aller à la court de France vers Mons r le Legat, vers le Roy et vers ledit secretaire pour negocier, et autres solicitations qu'il faudra fere; luy promettant, Sa Saincteté, qu'on n'obliera de le remunerer des frays qu'il y fera.

  A022002087 

 Ce seroit par le moyen des cantons des Suysses Catholiques, leurs voisins, qui s'ayderoit ( sic ) a prier ceux de Geneve d'accepter l' Interim, et que ne le faisants, s'il survient une guerre ilz ne les ayderoit, voire donneroit secours, car Sa Saincteté les en prye.

  A022002089 

 Parler avec Sa Saincteté, s'il luy plait asseurer qu'on aydera au payement des debtes de leur ville, acceptants l'exercice de la religion Catholique; et qu'aux particuliers qui feront reussir on donnera, a l'un 4 mil, a l'autre 10 mil escus, ou choses semblables: cecy est une belle amorce pour eux.

  A022002091 

 Ces choses non seulement se peuvent traitter avec Sa Saincteté, [322] mais avec les Illustrisses Cardinaux et Ambassadeurs des Princes, pour prendre encores de nouvaux moyens sur le faict.

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002146 

 Desormais il ne sera plus permis aux personnes qui ont charge et cause des biens et revenus ecclesiastiques, tant des Chevalliers de la Religion des Saincts Maurice et Lazare que des autres quelconques, aux bailliages de Chablais et Ternier, de les bailler directement ou indirectement à louage, ferme, exaction ou recepte, à d'autres personnes qu'à celles qui font profession de la vraye Religion Catholique, Apostolique et Romaine; à peine de confiscation..

  A022002147 

 Qu'il soit defendu à toutes personnes, de quelque qualité et conditions qu'elles soyent, de menacer les Catholiques ou desireux de la Religion Romaine, à parolles ou actions, ou de les mal traicter en façon que ce soit, leur faire des reproches, ou les estonner; à peine de milles livres et autre arbitraire..

  A022002148 

 Que les personnes de la religion pretenduë ne puissent plus doresenavant exercer aucunes charges publiques, ny estre promeus, receus et admis à aucuns offices ou dignitez: de sorte qu'ils ne puissent point estre juges, ny advocats, ny chastellains, ny curiaux, ny procureurs, ny notaires, ny commissaires; et que l'exercice de ces dignitez, charges et offices soit entierement defendu à tous ceux qui ont eu quelque chose de semblable jusques à present, avec abrogation, abolition et revocation des Lettres patentes, ou constitutions qu'ils ont, comme contrats et autres actes; sous peine de faux..

  A022002178 

 Dans leur Requête, les Chevaliers «narroyent qu'ils s'estoyent apperceuz que le Prevost de Sales, Esleu de Geneve, avoit apporté du Souverain Pontife des Lettres par lesquelles la Milice de leur Ordre estoit entierement spoliée non seulement des benefices curez, mais encore de tous autres des bailliages de Chablais et de Ternier, contre la teneur des Lettres obtenues du Pape Gregoire treiziesme, sous pretexte de l'entretenement necessaire des Prestres qui y estoyent des-ja establis, ou qu'on devoit y establir..

  A022002179 

 «Ils disoyent de ne vouloir en façon quelconque troubler ny empescher une affaire si saincte protestans plustost d'estre prests de faire tout ce qui seroit raisonnable; mais qu'il sembloit estre contre la raison si, apres avoir baillé aux Curez la portion congrue, et plus que congrue, ils estoyent spoliez des autres revenuz, et principalement des abbayes e t prieurez, où il n'y a point de charge d'ames..

  A022002182 

 «Le Duc, par son decret, commanda que la Requeste fust intimée au Prevost de Sales, pour y respondre dans deux jours; et jusques à tant et qu'il fust autrement prouveu, de sursoyer à [333] toute execution; avec commandement de bailler copie à la Religion du Bref Apostolique et des raisons pretenduës contre icelle, à fin d'y pouvoir respondre, et apres, estre prouveu ainsi que de raison..

  A022002266 

 A NOZ SEIGNEURS DES COMPTES..

  A022002272 

 — Faict a Chambery, au bureau des Comptes, le vingthiesme novembre 1622..

  A022002278 

 ARRÊT DE LA CHAMBRE DES COMPTES.

  A022002281 

 Faict a Chambery, aux bureaux des Comptes, le vingthuict novembre mil six cens vingt deux..

  A022002293 

 Ce n'est pas peu qu'en une si malheureuse conjoncture, une partie, et la principale, se face bien, et qu'une autre fois l'autre se face, et que, des a present, ceux la mesme qui [342] ne favorisent guere l'affaire en donnent presque asseurance.

  A022002293 

 Mais, outre l'incommodité que luy a causé l'absence du Roy et de tous ceux de son Conseil avec lesquelz il avoit negocié, qui ne sont de retour en ceste ville que des peu de jours en ça, il a treuvé sa negociation tant espineuse pour les traverses que luy font les uns et les autres (les uns, pour estre declairés tout oultre ennemys de nostre foy; les autres, pour n'en estre amys que fort froidement, et presque tous pour estre gens d'Estat), que si sa prudence et dexterité, assistee de la grace de Dieu et de vos merites, n'avoyent combattu la malice du temps, il auroit esté contraincts des le commencement, d'abandonner l'affaire et le remettre a un autre temps.

  A022002295 

 Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle.

  A022002308 

 Je me sens obligé par double devoir, en l'absence de monsieur le Prevost mon frere, vous donner advis de sa santé, et quil est allé des hier a Fontainebleau vers le Roy, pour tirer de Sa Majesté quelque bonne resolution avant qu'elle parte pour aller a Blois, ou l'on tient qu'elle va bientost..

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002332 

 Comme aussy, le dict Evesque n'a que veoir sur nos terres ny sur nos droicts, soit sur celles que Nous tenons du costé du dict balliage en souveraineté, soit sur celles de S t Victor et Chapitre, ayans des traittés avec la Couronne de France et Messieurs nos alliez de Suisse, ausquelz ceste Seigneurie est comprise avec tout son territoire, et a forme de nostre presente et ancienne possession qui est assez notoire a tout le pays.

  A022002332 

 Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle.

  A022002341 

 et des Brosses, Conseiller du Roy et Lieutenant civil et criminel.

  A022002346 

 Plairra a Monseigneur escrire a monsieur le Grand, qu'il se contente nous relascher le cinq pour cent provenant des biens d'Eglise, a la forme de l'execution de l'Edict, a quoy ont (sic) ne veult toucher sans son bon plaisir.

  A022002440 

 Et l'autre prestre establi sera obligé d'avoir soin de la sacristie, du luminaire et blanchissage des linges et autres choses necessaires pour ladite sacristie, pour lesquelles choses luy seront payés trois centz florins, oultre les six centz florins sus consistans..

  A022002441 

 Et pour le payement desditz gages des vicaires, et sacristie et luminaire, et pour le filz du sieur Paris, seront annexees a ladite eure, oultre son revenu ordinaire, les choses cy apres specifiees.

  A022002444 

 plus, les revenus des chappelles non pourveues de tout le balliage, qui peuvent valoir annuellement argent...... ff.

  A022002447 

 Et parce qu'il y a quelques proces des Gex intentés, ilz' seront poursuivis a la diligence dudit sieur [curé] de Gex ou de ceux quil commettra, tant pour la recepte des deniers susditz que pour la poursuitte des proces, et aux despens et frais de l'œconomie qui sera establie par Monseigneur le Reverendissime..

  A022002448 

 Et quant a la grange qui a esté annexee a ladite cure et qui a esté achetee des deniers de l'œconomie, elle sera remise auxdîts prestres pour leur service, a la charge qu'ilz l'entretiendront, et ladite maison et ladite grange.

  A022002449 

 Et c'est en consideration de la grande despence qu'ilz ont faitte au Conseil du Roy a Paris pour le restablisserrient des ecclesisastiques et services au balliage de Gex..

  A022002456 

 plus, deux poses de vigile qu'il a acquise des albergemens des Nicotz;.

  A022002457 

 plus, trois poses de vigne qu'il a acquises des albergemens de Bordet;.

  A022002458 

 plus, une pose acquise des albergemens de Mercier..

  A022002464 

 De mesme, pour ledit, curé, il a acquis la pluspart des biens de la chappelle de [355] Mattignin, a sçavoir: une vigne, deux poses; plus, une seytoree de pré, appelle pré Rossillion; une autre seytoree de pré appellé Espanges; plus, une piece de vigne a Verny, dependant de ladite chappelle de Mattignin.

  A022002466 

 Le curé d'Ornex, outre l'establissement fait selon l'article troiziesme, il a acquis: premierement, de la chappelle des Brochuts, d'Ornex, un pré contenant cinq seytines, duquel il doit 13 florins de cinq pour centz, et ne les veut payer audit Paris.

  A022002471 

 L'on trouve fort estrange que le curé de Peron, qui a une tres bonne cure, soit curé de Tougin, qui est a trois grandes lieues loin; laquelle cure avoit esté annexee a l'eglise de Gex pour l'entretien des vicaires.


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A023000007 

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  A023000022 

 V. Briefve meditation sur le symbole des apostres pour confirmation de la verité catholique touchant la reelle presence du cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement de l'autel [Janvier-avril?] 1597.

  A023000028 

 V. Est descendu aux enfers, le tiers jour est resuscité des mortz.

  A023000032 

 La Sainte Eglise universelle, la communion des saintz.

  A023000033 

 La remission des pechés.

  A023000063 

 XIII. Notes sur le Culte des Saints, 608 et 1613 (Inédit).

  A023000075 

 Obligation des bénéficiers a la résidence.

  A023000084 

 Chapitre III. Des demandes qu'il faut faire au penitent avant qu'il s'accuse.

  A023000088 

 Chapitre VII. Des cas reservés et de la confession de ceux qui sont en evident peril et article de mort 151.

  A023000089 

 Chapitre VIII. Comment il faut imposer les penitences et des conseilz qu'on doit donner aux penitens 152.

  A023000103 

 La piété, apanage des princes de Savoie.

  A023000103 

 — Prière au duc d'assurer aux suppliants et à leur clergé la conservation et la paisible jouissance des revenus ecclésiastiques, suivant la teneur des «Articles» qu'ils envoient à Son Altesse. 172.

  A023000104 

 Articles presentés a son Altesse pour la conservation des biens ecclesiastiques de Savoye affin qu'il luy playse d'en ordonner l'observation.

  A023000112 

 XVI. Notes pour des Ordonnances Synodales 24 avril [1613?] (Inédit).

  A023000115 

 XIX. Sentiment sur la collation des bénéfices et la nomination des curés.

  A023000117 

 I. Sommaires des Ordonnances Synodales de saint François de Sales.

  A023000131 

 Extrait des Registres du Souverain Senat de Savoie.

  A023000151 

 Car, de même qu'il suffit que la volition des moyens suffisants ait été précédée par une volition antécédente de la fin et d'une velléité ou volonté conditionnelle, ainsi la volonté des moyens suffisants présuppose absolument la volonté et l'intention de la fin, cette intention de la fin devant différer de la volonté des moyens et la précéder d'une priorité de nature.

  A023000151 

 Mais il ne prouve pas que la volition efficace de la fin soit antérieure à la volition efficace des moyens, non pas efficaces, mais suffisants: ce qui serait contre nous.

  A023000152 

 En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante..

  A023000152 

 La première a été réfutée par l'argument de saint Thomas: la volition de la fin, en effet, précédant celle des moyen?, la préparation de la fin doit précéder aussi celle des moyens; bien plus, les moyens ne sont préparés qu'en vue de la fin.

  A023000152 

 Maintenant, quelques mots en particulier sur chacune des propositions de nos adversaires.

  A023000153 

 Deuxièmement, j'établis clairement la même conséquence: lorsque nos adversaires, [à propos de la réprobation des damnés,] emploient cette expression: «avant toute action de leur part,» selon eux cela doit s'entendre évidemment ainsi: avant toute action de leur part dans la pensée de Dieu.

  A023000154 

 De tout cela il résulte que l'opinion des adversaires va contre l'autorité de saint Paul, primordiale en la matière..

  A023000154 

 Donc d'après les œuvres: non seulement les œuvres faites, mais aussi l'absence des œuvres par rapport au devoir à accomplir.

  A023000154 

 Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce.

  A023000155 

 La seule chose qu'ils adoptent de celui-ci, c'est qu'ils nient comme lui la prévision [des mérites et des démérites]; mais ce qu'il entend et prétend par cette négation, c'est ce dont ils ne s'embarrassent pas.

  A023000155 

 Vraiment, à émettre de si dures paroles, il fallait le faire en union avec Augustin; c'est, en effet, chose intolérable qu'on se mette en contradiction avec l'entière phalange si vénérable des Pères, sans avoir avec soi Augustin..

  A023000170 

 Par vérités naturelles nous entendons celles qui peuvent être tirées des objets sensibles..

  A023000171 

 IV, Sagesse, XIII; parce que les autres choses naturelles font des opérations en proportion avec leur forme..

  A023000266 

 BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist..

  A023000273 

 FRANÇOIS — Ou trouveres vous la foy, l'esperance et la charité des Chrestiens?.

  A023000299 

 A Abondance, en présence des nobles seigneurs Ferdinand de Prez, seigneur de Corcelles, Etienne de Compois, chevalier, et Claude de Blonay, le 4 octobre 1596..

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000321 

 N'est il pas bien croyable? L'amour des meres ne se contente pas d'avoir produit l'enfant de la substance d'icelles s'il ne l'en faict encor nourrir, Et pour vray, apres tant d'exquises representations de ceste Passion desquelles ont esté repeuz les serviteurs, comme ont esté l'aigneau paschal, la manne et plusieurs autres, c'eust esté une trop maigre et froide commemoration d'icelle, pour les enfans, de n'y employer autre que du simple pain et du vin.

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000336 

 Le Saint Esprit a dicté les Saintes Escritures; eust il mis en icelles des parolles si expresses et vives comme sont celles cy: Cecy est mon cors, si ce n'estoit le vray Cors de Nostre Seigneur? N'y eust il pas faict mettre quelque declaration de son intention, s'il l'eust eu autre que ces parolles ne portent en leur sens propre et premier? Et luy, qui est Docteur en l'Eglise, l'eust il laissee aller, en un article si important, a l'erreur et mensonge? l'eust il abandonnee si longuement?.

  A023000340 

 Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il.

  A023000343 

 Et quoy? une simple figuré et commemoration auroit elle bien ce pouvoir? Le sang de la genisse respandu, quoy que figure du sang respandu sur la croix, ne sanctifioit que quant a la pureté de la chair; non, c'est le propre sang de vostre Majesté qui nettoye nos consciences des œuvres mortes, pour servir au Dieu vivant..

  A023000343 

 Seigneur, vous aves dict que vostre Cors et vostre Sang en ce Sacrement estoit donné, rompu, respandu pour plusieurs en remission des pechés; ah! ja n'advienne que je croye qu'autre sang ayt esté respandu et autre cors donné pour la remission de mes pechés que le vostre propre et naturel.

  A023000350 

 Quelle autre y peut estre employee que vous, qui estes vivant es siecles des siecles? Amen..

  A023000351 

 FOI SANS DES-CALER. [25].

  A023000357 

 Dans son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, Charles-Auguste donne l'indication suivante au n° 138 de la Table des Preuves: « Traicté de la Demonomanie ou des Energumenes, par François de Sales, Prevost de l'Eglise de Geneve.

  A023000357 

 Livre qui n'a pas encore esté mis en lumiere, composé lors qu'il estoit à Tonon pour la conversion des Heretiques, escrit en partie de sa main propre.

  A023000358 

 (Voir ci-après, la note des pp. 30, 31.).

  A023000358 

 Ce qui fut cause que le Bien-heureux François, voyant que chacun se tenoit en silence, prit la liberté, non pas d'agir, mais de parler;... et escrivit un livre de la Demonomanie, ou bien des Energumenes, lequel toutesfois il n'a pas mis en lumiere, quoy qu'il soit parfaict; et ne sçait-on pas pourquoy.» Le biographe donne ensuite les titres des neuf chapitres de ce Traité et un sommaire de l'ensemble.

  A023000358 

 Et ce qui aydoit à la continuation de telles meschantes parolles, estoit le pernicieux livre d'un certain qui se disoit medecin de Paris, combattant la puissance des exorcismes, contre le commun sentiment de l'Eglise; lequel livre, tout remply de calomnies, quoy qu'il eust esté dédié au Roy, monstroit bien par son tiltre l'impieté et tromperie de son autheur.

  A023000358 

 «En ces temps, plusieurs Chablaisiens estoyent tourmentez des malins esprits, et le Bien-heureux François prenoit beaucoup de peine pour les chasser de leurs corps, et de faict les chassoit.» Les «ministres continuoyent à dire que le Papiste estoit un sorcier et magicien; les autres disoyent que ceste apparence de vexation se faisoit par la force de l'imagination...; d'autres encores, ou nioyent qu'il y eust des diables, ou, s'il y en avoit, qu'ils eussent tant de pouvoir sur les corps humains.

  A023000360 

 D'après Grillet ( Dictionnaire historique... des départemens du Mont-Blanc et du Léman, Chambéry, 1807, tome III, p. 318), le Traité sur les inergumines, Mss., 1597, se «conservoit, en 1792, dans les archives de Thorens,» avec les autres «manuscrits non imprimés de saint François de Sales.».

  A023000361 

 Je m'asseure qu'il l'aura veu diligemment, car il me le promit, et je sçay qu'il desiroit extrêmement de le voir.» (Tome XI, pp. 194 et 426.) — Qu'était ce «traitté»? s'agit-il ici de celui des Energumènes? Le savant Bénédictin l'a cru; mais ne pourrait-on pas voir plutôt dans ces lignes une allusion à quelque partie des Controverses?.

  A023000362 

 Des objections furent faites, en effet, aux éditeurs, et ceux-ci, au moment de trancher définitivement la question, ont voulu l'étudier de nouveau, l'approfondir davantage.

  A023000362 

 Des preuves que nous allons exposer, se dégagera la conclusion finale..

  A023000363 

 On a vu au tome précédent, p. 158, note (575), qu'il a indiqué sous son nom, à la Table des Preuves, n° 94, des Mémoires rédigés par le P. Chérubin de Maurienne, auxquels il fait de larges emprunts dans son Histoire (liv. II, pp. 120-122).

  A023000365 

 — Habert ( La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l' Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634..

  A023000367 

 — Si l'on compare le Traicté des Energumenes de M. de Bérulle avec l'analyse détaillée que M. de Cambis donne de l'ouvrage qu'il croyait être de notre Saint, on y retrouve absolument les mêmes divisions et le même ordre de pensées, (Voir Œuvres complètes de de Bérulle publiées par l'abbé Migne, Paris, 1856, tome unique, col.

  A023000368 

 Cela concorde parfaitement avec la déposition de des Hayes citée par le savant Bénédictin (tome I er, note (7), p. XXXVII): «En l'annee mil six cens, ayant a passer dans la ville de Necy, quantité de personnes me donnerent des lettres et des livres pour luy; entre aultres, un docte Traicté des Energumenes, composé par monsieur de Berulle.» ( Process.

  A023000370 

 La question reste donc désormais tranchée: saint François de Sales n'est pas l'auteur du Traité des Energumenes; et lors même qn'il aurait, en 1597, composé un petit écrit touchant les possessions diaboliques, si fréquentes en Chablais à cette époque, le sommaire qu'en donnent Charles-Auguste et Cambis n'est certainement pas celui de cet écrit, mais bien celui de l'ouvrage de Pierre de Bérulle, puisqu'on y retrouve le même nombre de chapitres et les mêmes divisions..

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000381 

 Ce n'eust pas esté chose [33] rare d'enfanter vierge apres avoir conceu vierge, si elle eust enfanté avec ouverture a la façon des autres; de quoy eust il servy de noter si particulierement la virginité de ceste Mere en l'enfantement, s'il n'y eust rien eu de singulier et extraordinaire?.

  A023000381 

 Or, tous les medecins, philosophes, jurisconsultes et bons theologiens establissent la perfection de la virginité corporelle en deux choses: l'une est l'integrité des parties naturelles genitales; l'autre, a n'avoir jamais eu connoissance d'homme: d'ou sont sorties les loix de ventre inspiciendo.

  A023000383 

 Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes.

  A023000383 

 Saint Augustin, en l'epistre ad Dardanum, parle des cors selon l'ordre naturel, monstrant qu'ilz dependent du lieu et de la place; et qu'au contrayre, la nature divine ne depend d'aucun lieu ni place, ains conserve tous les lieux et toutes les places.

  A023000384 

 Adjoustes que ces loix, selon leur rigueur, ne touchent point a Nostre Seigneur qui n'y avoit aucune obligation; mays il s'y est sousmis, parce qu'en apparence et selon la commune estimation des hommes il y sembloit estre obligé.

  A023000384 

 Mays en ce lieu la, ouvrir la matrice ne veut dire autre qu'estre conceu; ainsy est il dict que le Seigneur ouvrit la matrice de Rachel et Lia long tems apres qu'elles furent desfleurëes, lhors qu'elles conceurent des enfans.

  A023000385 

 Et de faict, son entrëe fut tant esloignëe de la façon naturelle des choses, que, comme dict saint Luc, chap. 24, verset 36, [37], les Disciples pensoyent voir un esprit ou fantosme.

  A023000385 

 Quand Nostre Seigneur s'esvanouït devant les deux disciples (en S. Luc, 24, verset 31), ne se rendit il pas invisible et imperceptible? Item, se representant au milieu des Disciples, n'entra il pas imperceptiblement, impalpablement et sans occuper place? puysque, comme dict [35] saint Jan, chap. 20, verset 19, il entra les portes fermëes.

  A023000386 

 Certes, c'est chose bien aysëe de trouver des difficultés es misteres de nostre sainte foy, mays cela ne suffit pas pour les rejetter.

  A023000397 

 Les bons entendeurs sçavent que la diversité de la production des choses ne destruit point leur substance.

  A023000398 

 Ce n'est pas aussy un argument a causa non clausa de dire que la virginité, pour estre en sa perfection, consiste en deux choses: l'une, l'integrité des parties genitales; l'autre, n'avoir jamais eu connoissance d'homme.

  A023000400 

 (I Cor., 15.) Ce n'est cependant qu'un mesme cors en substance, mais different en qualités; ainsy dis je que Nostre Seigneur n'a eu qu'un seul cors, vray, reel, humain, mais qui a eu des grandes diversités de qualités naturelles et surnaturelles.

  A023000400 

 Je dis donques que, quant a sa substance, le cors de Nostre Seigneur est vrayement humain; mais que, quant a [38] ses operations et qualités, il est bien different maintenant des nostres, et l'a esté parfois pendant quil estoit icy bas: je l'ay asses prouvé, et ny a point de responce ni replique vallable contre ceste verité.

  A023000406 

 Il n'est vrayement pas necessaire que copula et partus concurrat ad violationem virginitatis, car l'un des deux suffit; qui est ce que je dis, et que les Anciens ont soustenu contre Jovinien.

  A023000410 

 Nous sçavons fort bien les fondemens pretenduz de [41] l'Escriture, des Brentiens et autres reformés Ubiquitaires, a la façon de les combattre.

  A023000411 

 Mays c'est l'ordinayre des vostres de nous imposer des opinions que nous detestons infiniment, comm'est celle ci, d'un cors phantastique en Nostre Seigneur et de l'ubiquité.

  A023000411 

 Quant a ce que vous dites, que non fœtus aperit vulvam, sed genitor, je confesse que et l'un et l'autre aperit, et quidem pater primo; mays je dis que, selon le stile des Escritures, aperiri vulva tunc dicitur cum mulier concipit.

  A023000411 

 Vous ne le sçauries prouver, et moins encor vous eschapper de la force des authorités des Peres que j'ay cité, qui font droitement contre vous, nonobstant ce que vous dites quilz font contre moy; ce qui vous est autant aysé a dire qu'impossible a prouver.

  A023000414 

 Estre parfois impalpable et invisible, ce n'est pas n'estre point cors parfois, mais seulement avoir des qualités surnaturelles; non plus qu'estre immortel ou cors spirituel, comme parle saint Pol, n'est pas n'estre point cors, mais estre cors accompaigné de conditions spirituelles et glorieuses..

  A023000430 

 Les Apostres ayans connoissance des langages de tous les coins du monde ou ilz ont conversé, qui sont en grand nombre et fort divers, n'ont toutesfois laissé l'ordre et façon de celebrer l'Eucharistie qu'en troys langages au plus.

  A023000434 

 Nostre Seigneur proteste qu'il ayme les petitz enfans, veut qu'on les laisse venir a luy, ains dict que qui n'est semblable a eux n'est sortable au Royaume des cieux.

  A023000434 

 de son Livre 4 des Institutions, que le 6 chap. de saint Jan ne traitte point «du manger sacramental» du cors de Jesuschrist.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000456 

 En la simple et toute pure loy de nature, Abel, Noë, Abraham, Melchisedech, Isaac et Jacob faisoyent des sacrifices exterieurs, outre les prieres et louanges.

  A023000476 

 Le texte de l'Evangile porte que le sang de Nostre Seigneur, qui estoit dans la couppe, fut respandu pour plusieurs en remission des pechés.

  A023000476 

 Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1.

  A023000484 

 Inst., ch. 2, § 3, que c'estoit une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des Apostres jusques au tems de saint Augustin, «il ne s'estoit faict nul changement de doctrine,» ni a Romme ni aux autres villes; ce sont ses propres parolles.

  A023000484 

 Pourquoy donques a il aboly de faire le signe de la Croix, tant en l'usage de ce Sacrement que des autres? puysque saint Augustin proteste que l'Eglise y employoit ce saint signe, [49] et avant luy saint Chrisostome, et avant ces deux Saintz, Cyprian; et long tems avant ces troys grans Peres, saint Clement et saint Denys..

  A023000485 

 Ce qui soit dict, attendant que l'ample responce dressëe sur un petit traitté de la Croix, nagueres imprimé a Geneve, sorte de la main des imprimeurs..

  A023000494 

 C'est pourquoy les devanciers ont quelquefois fait difficulté d'appliquer le mot d'adoration a l'honneur des creatures, quoy qu'ilz sceussent que cela se pouvoit fort bien faire; sur tout, ilz ont observé cecy quand ilz ont eu a faire avec les chicaneurs, heretiques, schismatiques et reformeurs..

  A023000495 

 Que le mot adorer s'applique a l'honneur des creatures, en voicy une preuve trop abondante Abraham adora les enfans de Heth et l'Ange, comme firent aussi Loth, Josue et Balaam; Saul adora l'ame de Samuel; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint; l'Eglise d'Israël adora Salomon.

  A023000505 

 Premierement, que la sommation faitte et affichee au pilier de la Place a esté faitte en consequence des conventions et promesses passees entre le sieur Herman Lignarius et luy, suivant lesquelles maistre Loüys Viret, ministre, auroit esté comminé, par ordonnance du lieutenant du [53] sieur Juge maje de Chablaix, le sixiesme de ce moys, d'advertir dans six jours ledit Herman de comparoistre en ceste ville dans ledit tems, ppur parachever ladite conference a la forme desdites conventions; delaquelle ordonnance fut baillé extrait audit Viret, et l'original du passeport.

  A023000513 

 Frere Chérubin, respondant a la proposition faitte ce jourd'huy, 18 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, [54] deputé des sieurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit: qu'outre l'ample acceptation des offres faitz par ledit sieur Sarazin en une sienne prœcedente proposition (laquelle acceptation auroit esté redigee en escrit et signee, puys remise a iceluy sieur Sarazin), il n'a a respondre autre, sinon que, quant a sçavoir la volonté des Seigneurs de Berne, il ne s'en estoit aucunement chargé, moins s'en veut charger des-ores, pour ny estre obligé, ni tenu de faire aucune consideration sur l'alliance qui pourrait estre entre lesdits Seigneurs dé Berne et lesdits Seigneurs de Geneve; et que touchant la lettre envoyee a l'advocat des Prez, n'y ayant reconneu aucune marque publique, il attendoit de la voir authorisee, selon l'advis des seigneurs magistratz de ce pais de Chablaix.

  A023000514 

 Et quant a la nomination des termes usites en toute legitime dispute, que ledit sieur Sarazin dit estre venu ouïr, a sçavoir: du lieu et tems, du nombre des disputans, des pointz de doctrine desquelz sera traitté en la dispute, des secretaires et des moderateurs, estant chose* reciproque qui se doit passer de commun accord entre les parties, il prie tres affectionnement ledit sieur Sarazin de se treuver icy mercredy prochain, 23 de ce moys, avec amples memoires et pouvoir d'en traitter; et l'hors, il s'offre passer une pleyne et asseuree resolution touchant les pointz requis et autres tendans a mesme fin, sil y escheoit.

  A023000522 

 Frere Cherubin, suyvant la demande faite ce jourdhuy, 24 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, tendant a ce que communication luy soit faite des termes et justes conditions a observer en la conference dont a esté traitté cy devant, et suyvant les offres faitz en la premiere proposition du susdit sieur Sarazin, en date du 16 aoust, an present, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve et acceptee par ledit Frere Cherubin, ainsi quil appert par les actes cy devant sur ce passés, sur lesquelz il insiste, respond quant a present par les articles suyvantz:.

  A023000523 

 Quant au lieu, pour plus grande commodité des parties, il nomme Thonon ou la ville mesme de Geneve, avec les asseurances requises en tel cas, pour entrer, sortir et demeurer..

  A023000531 

 De la verité des Traditions catholiques;.

  A023000533 

 Des marques d'icelle assignees par le Symbole Constantinopolitain: une, sainte, catholique, apostolique;.

  A023000536 

 De l'invocation des Saintz;.

  A023000551 

 Frere Cherubin, respondant a la proposition produicte ce jourdhuy, 15 octobre 1598, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve par noble Jean Sarazin leur deputé:.

  A023000552 

 Dit premierement: Que la matiere de la conference de laquelle a esté traicté cy devant ne peut estre le livre des Articles de la confession des esglises pretendues reformees dont on luy a exibé l'exemplaire, dautant que l'on n'est pas en different de tous lesditz articles; mais il faudroit premierement conferer ensemble pour choisir ceux tant seulement desquelz on est en controverse.

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000554 

 Ne voyant qu'on puisse amener autre difficulté sur ceste conference verballe, si non la crainte de l'aigreur des parolles: a quoy desja a esté remedié, tant par les protestes faites cy devant d'apporter toutte la douceur et tranquilité d'esprit possible et necessaire en chose si importante, qu'aussi par la nomination des moderateurs, qui sont personnes d'honneur et empecheront les desordres et accidentz sinistres (en tant que touchent les nostres), par l'auctorité de Son Altesse qu'on offre d'y faire entrevenir.

  A023000557 

 Et prie fort instamment que, comme de sa part il a apporté toutte diligence a respondre et nommer les termes de ladicte conference, n'ayant jamais esté le sieur Sarazin arresté icy que demy jour pour avoir les responces, qu'aussi du cousté des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve il y soit procedé avec telle diligence, franchise et naifveté que l'affaire requiert, affin qu'au plustost on en sache la resoulution finale, mesme pendant que l'on a icy lhonneur de la presence de Son Altesse: dont il demande que pour ceste sepmaine, au plus tard, il aye advis certain de la vraye intention desditz Seigneurs; autrement, il sera a croyre qu'on n'aye point de vollonté d'entrer en conference amiable..

  A023000591 

 Ils se divisèrent en presque autant de sectes qu'il y eut parmi eux de chefs, préférant avoir des adeptes qu'être adeptes eux-mêmes.

  A023000592 

 C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom..

  A023000592 

 L'extrême division de tous, ces hérétiques permet cependant d'établir parmi eux trois genres principaux auxquels peuvent se rattacher, comme autant d'espèces, les autres sectes inférieures: celui des Luthériens, celui des Calvinistes et celui des Anabaptistes; bien que la situation des Anabaptistes soit déjà telle, que tout le monde, à cause de leur infériorité, non certes en folie et en impiété, mais en nombre, les regarde à peu près comme des ennemis sans force et sans valeur.

  A023000594 

 Ç'a été une belle chose et, au milieu d'un si grand malheur, un bonheur pour la République Chrétienne, que ces sectes, qui avaient conjuré contre elle avec tant d'ardeur, eussent des caractéristiques si infamantes que personne ne pût au premier aspect douter qu'elles ne portent au front ce que les saints Canons appellent les apparences distinctives de la perversité «hérétique»..

  A023000595 

 Nous laissons à dessein le reste aux théologiens qui ont traité en si grand nombre et si bien ces matières ex professo.] Nous citerons les paroles mêmes de Luther et de Calvin, afin que n'aient pas le droit de se plaindre d'une invention ou d'un changement de notre part, ceux qui croiront difficilement cette chose en vérité incroyable, qu'un esprit humain ait pu imaginer des impiétés si absurdes et si clairement diaboliques, et des absurdités si impies qui ont cependant réussi à gagner tant d'adeptes.

  A023000595 

 [Toutefois, nous prions tout d'abord les lecteurs catholiques et pieux de ne pas se scandaliser à notre sujet, comme si nous avions lu, contre les décisions de la sainte Eglise, des livres défendus.

  A023000721 

 I. Première caractéristique des hérétiques de notre temps: La négation.

  A023000723 

 Aussi est-il clair qu'ils sont du nombre de ceux dont Tertullien a écrit, à propos de tous les hérétiques: «Tout en croyant, ils ne croient pas.» Ils ne sont pas en cela semblables aux païens qui, comme dit le même auteur, «tout en ne croyant pas, croient.» Et je ne vois pas à qui mieux qu'à eux puisse convenir le nom d'άρυοΰμαι ( je nie ), que plusieurs grands écrivains ont estimé être le nom de l'Antéchrist, car la coutume habituelle de tous les antéchrists, c'est-à-dire des hérétiques, est d'établir presque toute leur doctrine sur la négation.

  A023000727 

 A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham.

  A023000727 

 Comme l'a écrit élégamment Tertullien contre Praxéas: «Dieu a pu (qu'on me fasse grâce!) donner des ailes à l'homme, comme il en a donné aux milans; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne l'a pas fait nécessairement.

  A023000727 

 Nos hérétiques nient qu'en Dieu il y ait une puissance absolue: [73] «L'invention des scolastiques,» dit Calvin, «sur la puissance absolue de Dieu est un exécrable blasphème.» Et ailleurs, il appelle «impossible» ce qui n'a jamais été ou ne sera jamais.

  A023000731 

 Dieu veut donc bien des choses d'une volonté, non efficiente ou concourante, mais seulement permissive; c'est-à-dire que ce qui est mauvais, d'une malice qu'on appelle morale, ne peut provenir jamais de Dieu, qui est bon et la bonté même.

  A023000735 

 Voici, en effet, les paroles mêmes de Calvin: «Augustin n'est pas lui-même exempt parfois de cette superstition, comme lorsqu'il dit que l'endurcissement et l'aveuglement n'appartiennent pas à l'opération, mais à la prescience de Dieu; pourtant, un grand nombre de textes scripturaires ne supportent pas ces arguties,» etc. A cette négation on peut opposer ce qu'affirme çà et là la Sainte Ecriture, à savoir que Dieu a prévu la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l'aveuglement des Juifs; toutes choses que le Christ a prédites et prévues, sans cependant les vouloir ou les faire..

  A023000743 

 Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!.

  A023000751 

 Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts.

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000757 

 Des Livres canoniques.

  A023000759 

 Ils nient que, parmi les Livres de la Sainte Ecriture, ceux de Judith, de Baruch, de la Sagesse, de l'Ecclésiastique, des Machabées et de Tobie aient une autorité canonique, attendu qu'ils n'appartiennent pas au Canon des Juifs; comme s'il fallait attribuer une autorité plus grande à la Synagogue juive qu'à l'Eglise Catholique universelle, laquelle, d'un consentement unanime, a toujours tenu ces Livres pour canoniques.

  A023000759 

 Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81].

  A023000766 

 De la difficulté des Ecritures.

  A023000768 

 Ils nient que les Saintes Ecritures contiennent des difficultés qui empêchent les fidèles de les comprendre aisément, de sorte qu'elles sont plus claires et plus faciles que les commentaires de tous les Pères.

  A023000768 

 Mais quelle sera donc l'utilité, quelle sera surtout la nécessité des Docteurs dans l'Eglise de Dieu, si les rêves de ces hérétiques sont conformes à la réalité? A quoi serviront tant de [83] commentaires des Pères, composés au prix de tant de veilles et d'études, achevés au prix de tant de fatigues, s'ils sont plus difficiles et plus obscurs que les saints Livres qu'ils ont prétendu expliquer?.

  A023000778 

 De l'autorité des Conciles généraux.

  A023000780 

 Ils nient que l'autorité des Conciles, même généraux, soit [85] telle que nous devions y adhérer fermement, à tel point qu'ils affirment le droit, non seulement pour le peuple, mais pour chaque homme privé, de peser et d'examiner la doctrine des Conciles en la confrontant avec l'Ecriture.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000782 

 Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs..

  A023000791 

 Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?.

  A023000793 

 Des cinq Sacrements que nient les novateurs.

  A023000795 

 Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!.

  A023000799 

 C'est aussi ce qu'a ordonné de croire le Concile de Nicée, et encore celui de Constantinople, et ce que l'Eglise universelle elle-même proclame en chantant cette solennelle affirmation: «Je confesse un Baptême pour la rémission des péchés.».

  A023000801 

 Des enfants non baptisés des fidèles.

  A023000803 

 Ils nient que les fils des fidèles naissent enfants de colère ou soumis à la damnation, même avant le Baptême.

  A023000803 

 Personne ne doute que Paul, et encore moins le roi David, n'aient été engendrés par des parents fidèles; et cependant ils n'hésitèrent pas à se confesser, le dernier, conçu dans le péché, le premier, enfant de colère par nature.

  A023000803 

 Sur ce sujet il existe une importante déclaration de saint Augustin: «Celui qui dit que dans le Christ sont vivifiés même les enfants qui quittent la vie sans avoir reçu le Sacrement, celui-là va certainement contre la prédication des Apôtres, et condamne toute l'Eglise, à laquelle on s'empresse de courir pour faire baptiser les enfants, précisément parce qu'on croit sans hésitation qu'ils ne peuvent en aucune antre façon être vivifié» dans le Christ.» De même saint Jérome écrit, après Tertullien: «On ne naît pas chrétien, on le devient.».

  A023000804 

 Cependant, c'est une opinion bien peu sévère que celle des catholiques au sujet des enfants non baptisés, auxquels ne peut être imputé d'autre péché que le péché originel: à savoir, qu'ils sont, condamnés à la peine du dam seulement, non à celle du sens, et qu'ils jouissent d'un bonheur naturel le plus grand possible en qualité et en quantité, en sorte qu'ils rendent gloire à Dieu pour sa justice, non seulement vindicative, mais aussi distributive.

  A023000809 

 A cette négation, ou plutôt à cet enfantillage des sacramentaires, s'oppose diamétralement cette parole du Christ, plus claire que le soleil, plus inébranlable que le firmament: Ceci est mon corps.

  A023000811 

 L'autre est celle qui, pour ne pas avoir l'air de s'écarter même matériellement des paroles du Christ, admet que son vrai corps se trouve dans le Sacrement de l'Eucharistie, mais par la foi, non par une présence réelle et corporelle qui précéderait la manducation; en somme, [95] qu'il s'y trouve sans s'y trouver, et que cette présence n'est vraie qu'en imagination.

  A023000813 

 Pour enlever tout doute à ce sujet, nous avons un grand nombre de miracles, attestés en de multiples relations historiques, où telle ou telle hostie consacrée, sacrilègement profanée, ici par un Juif perfide, là par un hérétique impie, a répandu du sang: miracles dont la vérité apparaît encore de nos jours aux yeux des habitants de Paris, de Dijon et de nombreux endroits de l'univers chrétien.

  A023000817 

 Mais à qui serait-il donné pour nous, si ce n'était au Père tout-puissant? Et pour que personne ne puisse penser que c'est bien un sacrifice, mais [99] non une hostie de propitiation, le Christ a ajouté en propres termes: en rémission des péchés.

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000818 

 Je me contenterai de mentionner cette affirmation retentissante des novateurs, que ceux-ci présentent comme quelque chose de nouveau et d'inouï pour nous: à savoir, qu'il y a une oblation unique, par laquelle le Christ a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés.

  A023000818 

 Qu'est-ce donc qui a pu pousser ces malheureux à obscurcir de leurs balivernes la splendeur des paroles du Christ? Je le dirai en peu de mots, laissant aux théologiens le soin de développer l'argument.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000820 

 Car c'est le même Christ qui, de part et d'autre, offre et est offert; c'est le seul Père céleste à qui est faite l'offrande, et cela pour la seule rémission des péchés et sanctification du nom de Dieu.

  A023000820 

 La fin pour laquelle il est offert est la même des deux côtés: à savoir, la rémission des péchés; mais elle n'est pas atteinte de la même façon dans l'un [103] et l'autre cas, attendu que sur la croix la rémission se fait par une rédemption, satisfaction et réparation sans bornes, tandis que sur l'autel, elle se fait par l'usufruit et l'application de cette rédemption, de cette satisfaction, de cette réparation.

  A023000821 

 Ainsi donc, celui qui dirait que le sacrifice de la Messe et celui de la Croix sont deux sacrifices, dirait vrai à cause de la forme et des modes divers de la double offrande; mais il est bien mieux et non moins vrai, tout au contraire plus vrai, de parler d'un seul sacrifice, à cause de l'identité, pour ainsi dire, de Celui qui à la fois offre et est offert, de Celui à qui il est offert et de la fin pour laquelle il est offert.

  A023000821 

 Ainsi le soleil, par un acte unique et continu, offre et communique sa lumière au monde inférieur, et n'est aucunement affecté en lui-même par l'alternance des nuits et des jours, bien que, par rapport à nous, la diversité des nuits et des jours nous fasse distinguer en lui un cours sans cesse recommencé dans son unité.

  A023000821 

 C'est comme pour le soleil: celui qui parlera d'un seul, à cause de l'unité indivise de la substance du soleil, s'exprimera avec plus de vérité que celui qui, à cause de la distinction des jours, estimera devoir parler de plusieurs soleils.

  A023000821 

 De manière que cette oblation s'opère, de la part du Christ, non plusieurs fois ou [103] par des actes réitérés, mais par un acte unique que ne vient interrompre aucune cessation, bien que, par rapport à nous et à notre ministère, et par rapport aux actes extérieurs, cette oblation soit plutôt répétée que continue, tout en méritant toujours d'être considérée comme une même oblation.

  A023000824 

 Du pouvoir des Pasteurs.

  A023000830 

 Ils nient que le Christ soit descendu aux enfers vraiment et dans un sens historique, et disent qu'il y est se vilement descendu mystiquement et dans un sens métaphorique, bien qu'il soit écrit en termes très exprès dans le Symbole des Apôtres: «Il est descen du aux enfers.» Comme si le Symbole des Apôtres avait été conçu et avait dû être conçu en des termes de sens si difficile et si caché que jusqu'ici personne, hormis Calvin, n'ait pu le saisir ou le deviner, et non plutôt en ces termes faciles qui ont pour tout chrétien un sens obvie.

  A023000832 

 De l'invocation des Saints.

  A023000834 

 Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix.

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000842 

 A cette négation s'oppose le très éclatant témoignage de l'Ecriture dans les Livres des Machabées: Elle est sainte et salutaire, dit le Saint-Esprit, la pensée de prier pour les défunts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés; celui aussi du Christ lui-même, disant dans l'Evangile, que certains péchés ne sont remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir.

  A023000842 

 Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?.

  A023000842 

 Ils nient que nous devions nous occuper des morts; ils nient que les âmes des défunts soient aidées par les prières des vivants, et qu'il soit laissé aux morts un lieu où ils puissent obtenir la rémission de leurs péchés.

  A023000935 

 II. Affirmations des Novateurs.

  A023000937 

 L'art de nier leur plaît tellement, que même en affirmant ils nient et, suivant la parole de Tertullien rapportée plus haut, «tout en croyant, ils ne croient pas.» Je vais exposer séparément quelques-uns des points qui s'offrent à nous..

  A023000941 

 Dans le même endroit il soutient en propres termes que Dieu, «par le ministre de sa colère, Satan,» dirige «les desseins» des impies «jusqu'au but vers lequel» il lui a plu d'exciter «les volontés et» d'affermir «les efforts».

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000941 

 Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même.

  A023000942 

 Cependant toute l'Ecriture enseigne que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, que personne ne périsse, que Dieu a en haine le péché et l'iniquité, que la perte des hommes vient d'eux-mêmes, mais de Dieu seulement leur bien et leur salut.

  A023000942 

 Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112].

  A023000944 

 De la rémission des péchés.

  A023000946 

 Ils affirment que la rémission des péchés se fait par simple non-imputation, ce qui n'est pas autre chose que nier la vraie rémission des péchés.

  A023000957 

 Des bonnes œuvres.

  A023000960 

 Et lui qui donnera à chacun selon ses œuvres, donnera un même traitement à tous, aux bons comme aux méchants: car il faut qu'il inflige aussi une peine aux bons pour avoir péché en faisant le bien, ou qu'il donne la gloire aux méchants, leurs actes étant des péchés, tout autant que ceux des bons et des justes..

  A023000963 

 De l'observation des commandements de Dieu.

  A023000966 

 Quiconque professe cela et y oblige est un ministre de loi, de péché, de colère et de mort, la nature humaine étant dans l'impossibilité de suivre la loi, même s'il s'agit des justes qui possèdent le Saint-Esprit.» Et un peu plus loin: «Celui donc qui enseigne que la foi dans le Christ ne justifie qu'avec l'observation de la loi, celui-là fait du Christ un ministre de péché et un tyran cruel qui, comme Moïse, exige des choses impossibles que personne ne peut faire.» Même enseignement chez Calvin, meilleur luthérien que théologien en cet article, aussi bien qu'en beaucoup d'autres..

  A023000966 

 Voici ce qu'il écrit: «Le chrétien, selon sa définition, est libéré de toute loi et n'est soumis à personne aucunement, ni au for interne ni au for externe.» De même: «Le ministre du péché, c'est tout simplement celui qui fait la loi ou en exige l'exécution, celui qui [119] enseigne les bonnes œuvres et la charité, celui qui dit qu'il faut supporter la croix et les souffrances, imiter l'exemple du Christ et des Saints.

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000972 

 Des inconvénients des bonnes œuvres pour le salut.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000976 

 Qu'il faut négliger les circonstances des péchés, et que les péchés sont égaux.

  A023000978 

 Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes.

  A023000978 

 Qui donc, [122] cependant, admettra une identité de malice pour la violation du lit nuptial du prochain, ou pour celle du lit nuptial paternel? Faudra-t-il conclure que tuer son père ne soit pas plus grave que tuer son domestique, que vendre des colombes à un prix excessif dans le temple ne soit pas plus grave que de le faire sur la place publique? Pourquoi donc saint Paul fait-il tant de cas de la fornication de ce Corinthien, fornication si grave qu' il ne s'en rencontrerait pas de semblable même chez les gentils, puisqu'il s'agissait de quelqu'un qui osait violer la femme de son père?.

  A023000980 

 De la nécessité des relations sensuelles.

  A023000986 

 Ils [124] nient par là l'unité de la hiérarchie ecclésiastique, dans laquelle le Christ a, par l'Esprit-Saint, établi des Evêques pour régir l'Eglise de Dieu; ils contredisent aux témoignages unanimes de Cyprien, d'Augustin, de Chrysostôme, de Denys, et aussi de tous les Conciles, lesquels, depuis le premier jusqu'au dernier, accordent un honneur spécial et une mission spéciale aux Evêques.

  A023000986 

 Parmi ces derniers, le Pontife Romain est «établi chef, pour enlever toute occasion de schisme,» et pour que le corps de l'Eglise, au moyen du rattachement bien ordonné des membres entre eux, fasse un tout unique sous l'unique Chef suprême, le Christ Jésus..

  A023000988 

 De la certitude de la grâce et de la rémission des péchés.

  A023000992 

 De la justice des élus.

  A023000994 

 Ils affirment que la justice est le bien propre des élus, en sorte que, l'ayant obtenue une fois, ils ne peuvent plu6 jamais la perdre.

  A023000995 

 Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même.

  A023000995 

 Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même.

  A023001000 

 Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?.

  A023001008 

 Aussi, après saint Jérôme, disons-nous que dans le Christ il n'y a pas eu des passions, mais des «propassions»..

  A023001014 

 De la foi actuelle des enfants non encore baptisés.

  A023001017 

 Maintenant, examinons brièvement les autres caractéristiques qui impriment au front des sectes de notre temps ce nom affreux: HÉRÉSIE..

  A023001039 

 Deuxieme caracteristique des heretiques: Le manque d'appel divin.

  A023001043 

 Ils couraient, dit Dieu par la bouche d'Ezéchiel, en parlant des faux prophètes, et je ne les envoyais pas.

  A023001043 

 Ils viennent, dit le [134] Christ, sous des vêtements de brebis.

  A023001044 

 Calvin, en effet, assure que Luther et les autres novateurs, instigateurs des sectes nouvelles, ont entrepris leur ministère par suite d'une vocation, non ordinaire, mais extraordinaire, en sorte qu'il les considère comme des apôtres et des évangélistes.

  A023001044 

 «Je ne nie pas,» dit-il, «que Dieu ait envoyé parfois plus tard des apôtres, ou au moins, à leur place, des évangélistes, comme cela s'est produit de notre temps; car ils étaient nécessaires pour retirer l'Eglise de la défection de l'Antéchrist.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001046 

 Quant à Philippe du Plessis-Mornay, dans son traité français De l'Eglise, qui plaît tant aux calvinistes, il soutient que la [136] vocation de Luther, de Zwingle et des autres fameux hérétiques de notre temps, ne provient pas de Dieu immédiatement et extraordinairement, comme le pense Calvin, ni médiatement «des magistrats charnels,» comme l'enseigne Luther, mais médiatement des Evêques catholiques.

  A023001047 

 Il interrogea aussi l'autre, qui dit: Sous un chêne; et ainsi apparut la fausseté des témoignages.

  A023001047 

 Qui ne rira de la folie de ces hommes qui ne conviennent même pas entre eux du fondement de leur vocation? Qui n'admirera l'esprit ingénieux de du Plessis, qui estime connaître mieux que Calvin le fondement de la vocation de Calvin? mieux que Luther le fondement de la vocation et de l'autorité de Luther? Séparez-les l'un de l'autre, et je les jugerai, dit Daniel des faux témoins; et il dit à l'un: Sous quel arbre les as-tu vus? Il répondit: Sous [137] un lentisque.

  A023001053 

 Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001064 

 Troisième caractéristique des hérétiques: Le mépris de l'Eglise.

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001077 

 Quatrième caractéristique des hérétiques: Le mépris des Conciles.

  A023001079 

 La quatrième caractéristique des hérétiques est le mépris des Conciles généraux, dont cependant l'autorité a toujours été si grande, que saint Grégoire de Nazianze n'a pas hésité à affirmer que ceux-là ne sont pas hérétiques, qu'un Concile catholique a approuvés, et que ceux-là sont hérétiques que n'admet pas un Concile catholique.

  A023001097 

 Cinquième caractéristique des hérétiques: Le mépris du Siège Apostolique.

  A023001099 

 J'ai dit.» Et ailleurs: «Par conséquent, l'enseignement et le sentiment du Pape, des Pères ou du Concile ne doivent servir de règle à personne, mais que chacun abonde dans son sens.» Mais pourquoi continuer là-dessus? Si l'on retranchait des livres de Luther et de Calvin les insultes et calomnies déversées contre le Siège Apostolique, il en resterait bien peu de pages..

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001101 

 Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables.

  A023001102 

 Enfin, on ne saurait dire combien admirable et étendu est l'accord des anciens Pères à louer le Siège de Rome, et combien ils se plaisent à inventer des noms et des titres glorieux pour ce Siège.

  A023001103 

 Quant au Pontife Romain lui-même, bon Dieu, de quels titres magnifiques et mérités ils le glorifient! Cyprien l'appelle, «l'Evêque de la très sainte Eglise Catholique.» D'autres: «Le très saint et très heureux Patriarche, le Patriarche universel, le Chef des Conciles, le Chef de l'Eglise universelle,» comme le Concile de Chalcédoine; «le très heureux Seigneur, porté au faîte de la dignité apostolique, le Père des pères, le Souverain Pontife de tous les pontifes,» comme Etienne, archevêque de Carthage; «le Souverain Prêtre,» comme Jérôme; «le Prince des prêtres,» comme Valentinien; «le Gardien de la vigne du Seigneur,» comme le Concile de Chalcédoine; «le Chef de la maison du Seigneur,» comme Ambroise; «le Vicaire du Christ,» comme Cyprien.

  A023001104 

 Mais il est bon d'ajouter à tant de témoignages très antiques des Pères celui aussi de saint Bernard.

  A023001104 

 Voici donc les noms qu'il décerne au Pontife Romain: Confirmateur des Frères, grand Prêtre, Souverain Pontife, Prince des Evêques, héritier des Apôtres; Abel par sa primauté, Noé par son gouvernement, Abraham par son droit de patriarche, Melchisédech par son ordination, Aaron par sa dignité, Moïse par son autorité, Samuel par sa fonction de juge, Pierre par sa puissance; Pasteur du troupeau du Seigneur, Porte-clefs de la maison du Seigneur, Pasteur de tous les pasteurs..

  A023001107 

 Contre tous ces contempteurs de la Chaire Apostolique de Rome, il convient d'employer les expressions dont s'est servi autrefois saint Augustin contre Pétilien, et d'apostropher Luther et Calvin, au cas où quelqu'un voudrait répondre en leur nom: «Que» vous s a fait la Chaire de l'Eglise Romaine, où Pierre a siégé, où siège aujourd'hui Anastase? Pourquoi» appelez-vous « chaire de pestilence la Chaire Apostolique? Si c'est à cause des hommes que» vous supposez «enseigner la loi sans la pratiquer, est-ce que le Christ, à cause des pharisiens dont il a dit: Ils disent et ne font pas, a injurié la chaire où ils siégeaient? N'a-t-il pas honoré la chaire de Moïse, et repris les pharisiens sans toucher à l'honneur de la chaire même? Si vous pensiez à cela, vous ne blasphémeriez pas, à cause des personnes que vous décriez, la Chaire Apostolique, avec laquelle vous n'êtes pas en communion.

  A023001118 

 Sixième caractéristique des hérétiques: Le mépris des Pères.

  A023001120 

 Aussi était-ce un excellent conseil celui de Sisinnius à Théodose l'Ancien, qui le suivit, à savoir, qu'il fallait examiner la doctrine des hérétiques à la lumière de l'enseignement des anciens Pères, et que si on la trouvait contraire à cet enseignement, il fallait aussitôt la chasser de toute la surface de la terre..

  A023001120 

 La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes.

  A023001121 

 Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.».

  A023001121 

 Vincent de Lérins s'exprime mieux que personne lorsqu'il traite [151] de l'autorité des anciens Pères: «Celui,» dit-il, «qui méprise ces Pères, que Dieu a répartis à travers les temps et les lieux, lorsque, au sujet du sens à attribuer à un dogme catholique, ils sont d'accord dans le Christ sur un point, celui-là ne méprise pas l'homme, mais Dieu.

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001139 

 En effet, tout lecteur des écrits de Luther et de Calvin, quelque négligent qu'il soit, remarquera dès le premier coup d'oeil jusqu'à quel degré ils ont poussé le mépris de l'autorité des anciens Pères.

  A023001139 

 La divine Majesté me met dans la disposition de ne pas me troubler si mille Augustin, si mille Cyprien m'attaquaient; Augustin et Cyprien, comme tous les élus, ont pu errer, et ont erré.» Et à la fin: «Je ne cherche pas ce que disent Ambroise, Augustin, les Conciles et la tradition des siècles; je n'ai pas eu non plus besoin d'avoir le Roi Henri pour m'enseigner toutes ces choses, que je connaissais fort bien, au point de les avoir même attaquées.

  A023001140 

 Mais le fourbe au cœur double, craignant de se trouver pris au piège de ses propres paroles, ajoute tout aussitôt: «En nous occupant des écrits des Pères nous nous trouvons dans une situation telle, qu'il faut toujours nous souvenir que nous avons le droit de prendre pour nous tout ce qui peut nous être utile, sans abdiquer notre liberté d'action.

  A023001140 

 Quant à Calvin, en homme plein de fraude et de tromperie, d'un esprit rusé et tenant du renard, il commence par dire qu'il aurait toutes chances de vaincre les catholiques, «si la dispute devait être tranchée» sur l'autorité des Pères.

  A023001141 

 Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis.

  A023001141 

 Il affirme, dans la question de la satisfaction, que tous les Anciens, «ou ont fait erreur, ou ont employé un langage âpre et dur;» dans celle des prières pour les défunts, que tous les Anciens sont tombés «dans l'erreur;» dans celle du mérite, que les vieux Docteurs ont fort mal veillé à la pureté de la foi; que l'antiquité a péché «par une excessive sévérité,» en exigeant «le célibat de l'Evêque;» à propos de la pénitence, que «l'austérité exagérée des Anciens ne peut en aucune façon être excusée;» touchant celle du Carême, que les anciens Pères ont jeté des germes de superstition et ont été les victimes «d'un zèle mal placé et plein de superstition.» Ailleurs il reproche à toute l'antiquité d'avoir permis aux laïques «de baptiser en cas de péril de mort,» tout en avouant que cet usage [156] remonte presque aux origines de l'Eglise.

  A023001141 

 Or, ce que Calvin a ainsi débité en général et en gros, ensuite en particulier et en détail, il s'y est tenu dans toute son œuvre pour attaquer l'autorité des Pères, sans dissimuler ses dissentiments d'avec ces derniers, même sur les sujets où les Pères ont été unanimes dans leur enseignement.

  A023001143 

 De même il reconnaît que dans l'Eglise antique les moines ont été en grand honneur, surtout à l'époque d'Augustin lequel, comme il l'observe, oppose, «dans son livre De moribus Ecclesiæ Catholicæ, [157] la sainteté de la profession monastique aux calomnies des Manichéens.» Et cependant, il n'en méprise pas moins les moines, et non seulement ceux de notre temps, mais les anciens si loués par saint Augustin.

  A023001143 

 Il dit, en effet, que plusieurs choses lui déplaisent «dans cette forme ancienne» des moines: à savoir, «une prétention exagérée et un zèle mal placé,» et aussi qu'«elle a introduit dans l'Eglise un exemple inutile et dangereux.».

  A023001144 

 A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel».

  A023001179 

 Septième caractéristique des hérétiques: L'amour de la nouveauté.

  A023001183 

 Contre eux s'applique bien ce passage de Vincent de Lérins: «Evite les nouveautés profanes de langage,» dit saint Paul, «nouveautés que les catholiques n'ont jamais reçues ni suivies, tout au rebours de ce qu'ont toujours fait les hérétiques...C'est en quelque sorte la grande loi de presque toutes les hérésies, d'avoir du goût pour les nouveautés profanes, du dégoût pour l'antiquité, et de faire naufrage dans la foi à cause des oppositions qu'ils lui font, sous prétexte d'une science qui n'en mérite pas le nom.

  A023001183 

 Par contre, le propre des catholiques est d'ordinaire de conserver les dépôts reçus des saints Pères et de condamner les nouveautés profanes.».

  A023001184 

 En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites.

  A023001184 

 Or, nous voyons quelle ardeur déploient nos novateurs pour introduire et établir des nouveautés.

  A023001185 

 Car au moment où seul j'étais en pleine lutte, où seul je me voyais forcé de m'exposer aux traits et aux foudres de César et des Pontifes, à ce moment, dis-je, dans toute leur hauteur et fermeté d'âme, ils restaient plus muets que des grenouilles de Sériphe.

  A023001185 

 Pendant ce temps, Luther, abandonné de tous, combattant avec tout le monde, aidé de personne, était exposé seul au danger.» Et un peu après: «Je suis tantôt livré aux sacramentaires comme papiste, tantôt [162] aux papistes comme sacramentaire; alors que, cependant, les papistes s'efforcent d'arracher le Christ aux Eglises, et les sacramentaires, le Sacrement de la Cène du Seigneur; et ils se vantent d'être les seuls à prêcher le Christ, eux qui font de ses Sacrements dans l'Eglise, de simples signes ou des tessères militaires.» Et après quelques phrases: «La reconnaissance des porcs et des chiens, lorsque quelqu'un leur jette des choses saintes ou des perles précieuses, consiste à se retourner aussitôt contre leur bienfaiteur et à le déchirer.».

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001186 

 De nouveau, au sujet des sacramentaires, dans sa Défense des paroles de la Cène: «Cette secte a autant de manières de voir que de chefs, lesquels s'entendent sur le point principal, et revendiquent [163] pour eux l'Esprit-Saint.

  A023001186 

 Il dit aussi que les Strasbourgeois lui ont rapporté le grand bruit et tumulte excité par Carlostadt au sujet de l'Eucharistie, de la destruction des images et du Baptême.

  A023001186 

 Jusqu'ici nous avons cité Luther, lequel dans la Défense des paroles de la Cène, redit à peu près les mêmes choses.

  A023001186 

 Mais cet Esprit-Saint, quand il s'agit d'établir et de prouver, se trouve être non seulement différent, mais même contradictoire et inconstant; ce qu'il permet, j'en suis persuadé, pour démontrer ouvertement que chacun d'eux se fourvoie également dans l'erreur, a Et aussitôt il énumère les sept opinions des sacramentaires..

  A023001187 

 Si cependant le témoignage de Luther au sujet des sacramentaires pouvait peut-être paraître suspect à quelqu'un, écoutons les sacramentaires parler d'eux-mêmes.

  A023001187 

 Théodore de Bèze, dans une Préface en français, exalte tellement la doctrine de son cher Calvin au sujet de l'Eucharistie, qu'il semble le mettre au-dessus des Apôtres.

  A023001189 

 Ils ont réduit les Sacrements au nombre nouveau de deux; ils ont introduit de nouveaux rites dans l'administration des Sacrements.

  A023001189 

 Par une anarchie nouvelle, ils ont dénaturé la hiérarchie ecclésiastique; par une invention toute récente, ils ont mis les ministres, à savoir les diacres, au-dessus des prêtres et des évêques, et ceux-ci, que toute l'Eglise a toujours entourés de l'honneur dû au premier rang, ils les ont relégués au dernier.

  A023001191 

 Mais on s'étonnera moins de voir l'âme hérétique de Luther s'offenser de ce mot, si l'on se souvient de la belle parole d'Ambroise: «Les Pères ont introduit ce mot dans l'exposé de la foi,» parce qu'ils voyaient «qu'il était redouté des adversaires.».

  A023001191 

 «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001198 

 Donc, de peur de ne pas en finir si nous énumérons les textes des anciens Pères qui se présentent de côté et d'autre sur notre sujet, bornons-nous au seul Augustin, que Luther reconnaît pour le [170] meilleur Docteur après les Apôtres, et Calvin, pour un fidèle interprète de la vérité.

  A023001198 

 Dès le début du chapitre, vous verrez, au témoignage d'Augustin lui-même, le grand Ambroise pressé en songe, à Milan, d'exhumer et d'exposer les corps des saints Martyrs Gervais et Protais, le peuple accouru pour vénérer ces restes sacrés des Martyrs, et en particulier un aveugle, qui reçoit la vue au contact de ces reliques..

  A023001199 

 Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre.

  A023001199 

 Vous y verrez qu'Augustin lui-même et Alypius n'étaient pas encore clercs: cette remarque d'Augustin veut dire qu'alors les clercs étaient distingués des laïques.

  A023001200 

 Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres..

  A023001201 

 Vous verrez le même Hespérius, pour n'avoir à souffrir lui-même aucun mal, suspendre dans sa chambre de la terre, apportée par un ami de Jérusalem, du lieu où le Christ ressuscita le troisième jour; puis, après que sa maison eut été purifiée de la présence des démons, ne plus vouloir garder dans sa chambre la terre sainte, et cela uniquement par respect.

  A023001202 

 Donc, on faisait déjà bénir de l'huile par les prières des prêtres, pour enchaîner et chasser les démons..

  A023001202 

 Vous verrez des Religieuses y chantant les hymnes du soir et des oraisons.

  A023001202 

 Vous verrez un jeune homme dont l'œil fut guéri par les prières des Saints pendant qu'il embrassait l'autel.

  A023001202 

 Vous verrez un jeune possédé, tout semblable à un mort, porté au tombeau des Martyrs Gervais et Protais pour y être guéri.

  A023001202 

 Vous verrez une jeune fille, très connue de notre Augustin, qui, après s'être ointe d'une huile mêlée des larmes du prêtre qui priait pour elle (ce sont les expressions d'Augustin), fut délivrée du démon.

  A023001203 

 Celui-ci, trouvant un anneau d'or [173] dans le ventre du poisson, touché de compassion et pénétré d'une terreur religieuse, le remit à Florentius en disant: «Voici comment les Vingt Martyrs ont pourvu à ton vêtement.» Vous verrez je ne sais quels jeunes gens agacer de leurs moqueries la piété de Florentius: vous diriez que c'étaient déjà des calvinistes ou des luthériens..

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001204 

 Vous verrez Martial, homme de la première noblesse, avancé en âge, mais ayant horreur de la religion chrétienne, converti subitement, à la grande admiration de tout le monde, [174] par les prières de saint Etienne et après avoir touché des fleurs rapportées de son autel; puis, pénitent, baptisé par les prêtres, et ayant ensuite coutume, toute sa vie durant, de dire fréquemment cette prière de saint Etienne: O Christ, reçois mon esprit..

  A023001204 

 Vous verrez le prêtre Hispanus délivré, au contact des reliques du même Martyr, d'une maladie de la pierre, déjà ancienne.

  A023001204 

 Vous verrez un évêque, à Tiblis, porter des reliques de saint Etienne, martyr, et une grande multitude, partie l'accompagner, partie venir au devant de lui; puis une femme aveugle recouvrer alors la vue au contact des reliques.

  A023001205 

 Vous verrez Paul et Pauladia, affligés tous deux d'un tremblement des membres par suite de la malédiction de leur mère, guéris à la confession du même Martyr.

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001206 

 Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu.

  A023001207 

 Vous pouviez cependant nier cela comme tout le reste, bien que non sans fausseté et impudence; car il convient à des [177] gens qui ont dépassé, non une fois, mais si souvent les limites de la honte, d'être impudents pour de bon et hardiment.

  A023001230 

 Huitième caractéristique des hérétiques: L'esprit de dissension.

  A023001234 

 Aussi avons-nous coutume de dire que le propre des hérétiques est de [178] diviser, comme celui des catholiques de réunir, le Christ étant venu réunir en un seul bercail les brebis dispersées.

  A023001235 

 Combien grossièrement et manifestement le diable nous rit-il au nez!» Voyez, je vous prie, avec quelle élégance et quelle justesse cet homme irascible fait la description de lui-même et des siens, tout en pensant décrire et mordre les autres!.

  A023001236 

 Pendant ce temps, les soldats mes compagnons, mes frères, à l'intérieur oppriment la patrie, portent le fer et le feu partout, exercent une boucherie cruelle et horrible parmi leurs propres concitoyens.» Et peu après, à propos de Carlostadt ou de Zwingle: «Mon Absalon, qui a chassé son père, après l'avoir dépouillé de son royaume et de sa gloire; mon Judas, qui a trahi son maître et a dispersé le groupe des pieux disciples, n'avaient pas encore formé le même projet contre moi aussi.».

  A023001237 

 C'est là la guerre des Madianites, et, comme l'écrit ailleurs Luther lui-même, Dieu a tout arrangé pour que les impies se confondent toujours eux- mêmes, et pour que les mensonges ne concordent pas entre eux, mais se dévoilent eux-mêmes.

  A023001243 

 Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi.

  A023001243 

 Parmi eux, nul siège principal auquel, comme le disait saint Irénée, toute l'Eglise puisse recourir; chacun s'arroge la verge du censeur; ils méprisent l'autorité des Conciles, dont la première utilité est de concilier entre elles les opinions divergentes par l'échange mutuel de vues entre les catholiques.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001245 

 Aussi, quiconque affirme que l'Eglise peut se tromper, répand nécessairement un esprit de dissension dans les âmes des fidèles, et supprime entièrement toute certitude de croyance.

  A023001245 

 Cependant, jamais exemple n'a été si frappant que celui des hérétiques de notre époque; ces quatre mots de l'Evangile: Ceci est mon corps, ont été, en effet, compris par eux avec une telle diversité et contradiction de sentiments, que déjà de son temps Luther, comme nous le disions tout-à-l'heure, avait observé sept interprétations très dissemblables.

  A023001245 

 Et déjà ses yeux scintillent [185] annonçant des erreurs au sujet du Baptême, du péché originel et de l'humanité du Christ; d'où se produira tant de confusion dans l'interprétation des Saintes Lettres, tant de dissensions et de sectes, que nous pourrons affirmer avec Paul que le mystère d'iniquité agit maintenant.» Luther voyait bien qu'après lui surgiraient de nombreuses sectes: «Si la machine du monde se maintient encore quelques années, l'on sera obligé, à l'exemple des Pères, de recourir aux moyens humains de défense pour supprimer les dissensions, et l'on fera des lois et des décrets pour obtenir et conserver la concorde dans la religion; ce qui amènera un résultat pareil à l'ancien.

  A023001245 

 Par conséquent, l'Ecriture toute seule ne peut amener l'union des esprits et des fidèles, mais elle a besoin d'un interprète qui en manifeste le sens dans le même esprit où elle a été écrite et révélée.

  A023001245 

 Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther..

  A023001245 

 «C'est là,» dit-il, «le pire: le diable nous est de beaucoup supérieur en finesse et en [184] puissance; partout il attaque et se défend; si nous recourons à l'Ecriture, il nous y attend aussitôt, et se met à soulever des tas de contentions et de dissensions à son sujet, au point de presque nous dégoûter d'elle et de diminuer notre assentiment et notre confiance en elle.

  A023001246 

 qu'il a considéré les sacramentaires [186] comme des hérétiques et comme les plus affreux des hérétiques; 2.

  A023001246 

 que l'Ecriture seule ne peut calmer les flots des dissensions; 4.

  A023001246 

 que l'usage des Conciles a été pratiqué par les Pères dans ce but: toutes choses parfaitement vraies, bien que dites par un menteur habitué à mentir.

  A023001292 

 Neuvième caractéristique des hérétiques: L'esprit de contention.

  A023001296 

 Aussi saint Augustin définit-il avec raison l'hérétique: celui qui, «ayant une intelligence erronée des Ecritures, affirme avec entêtement ses fausses opinions, opposées à leur vérité.» Et ailleurs: «Les hérésies ne sont nées que parce que les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises, et que ce qui en est mal compris est affirmé avec témérité et audace.» Et de nouveau [188] en un autre endroit: «Ceux qui, dans l'Eglise, ont des manières de voir mauvaises et malsaines, et qui, si on les reprend pour les amener à des manières de voir bonnes et saines, résistent avec obstination, ne veulent pas corriger leurs dogmes pervers, mais persistent à les défendre, ceux-là deviennent hérétiques.».

  A023001296 

 Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu.

  A023001296 

 La neuvième caractéristique des hérétiques est l'esprit de contention, de superbe, d'arrogance et d'obstination.

  A023001297 

 Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste.

  A023001297 

 Or, pour connaître le degré d'arrogance et d'orgueil des hérétiques de notre temps, il nous suffit d'entendre les paroles de leur père Luther.

  A023001298 

 Et de nouveau ailleurs: «Ce courant populaire m'était assez favorable, et les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Enfin, çà et là on peut voir ce monstre furieux s'adresser des louanges extraordinaires, et débiter en réalité des propos pleins d'arrogance et d'impudence.

  A023001299 

 Le premier sera tiré de la lettre qu'il écrivit aux Strasbourgeois, où il parle des sacramentaires en ces termes: «Je ne puis ni ne veux nier que si Carlostadt ou quelque autre avait pu me prouver, il y a cinq ans, qu'il n'y a rien dans le Sacrement de l'Eucharistie en dehors du pain et du [191] vin, celui-là m'aurait rendu un grand service; car je peinais dur et j'étais en proie à de graves soucis au sujet de l'élucidation de cette matière.

  A023001299 

 Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?.

  A023001300 

 On peut tirer un autre exemple encore plus typique d'un autre endroit où il dit à propos de la Messe: «Que répondre contre le Canon et l'autorité des Pères? Je réponds d'abord: s'il n'y a rien à dire, il est phis sûr de tout nier que de concéder la Messe.» [192] Qu'est-ce cela, je le demande, sinon vouloir défendre son opinion à tout prix et en employant toute espèce de moyens, selon le mot du poète: Fais cela «si tu le peux,» comme il faut; «si tu ne le peux, fais-le de n'importe quelle manière.».

  A023001301 

 Au sujet de Zwingle, de Carlostadt, d'Œcolampade, de Calvin, pères des sacramentaires et fils de Luther, nous ne pouvons citer de témoignage plus approprié, plus certain et moins suspect que celui de Luther lui-même, lequel affirme que, semblables à Absalon, envieux du royaume et de la gloire de son père, ils ont lancé en avant leurs hérésies.

  A023001301 

 Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges.

  A023001305 

 De l'interprétation des Ecritures.

  A023001309 

 Nous [195] lui opposons la vraie, l'authentique, celle qui ressort proprement de la force et de la signification des mots; il ne l'admet pas.

  A023001310 

 De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels..

  A023001310 

 Que faire avec ces impies qui toujours marchent en louvoyant, et reviennent sans cesse à l'endroit d'où on les a souvent chassés? Quelle obstination plus impudente que celle de ne pas s'en tenir au jugement de l'Eglise, des Pères, des Conciles? Comment finir une discussion d'une telle importance, si personne ne peut trancher le litige et n'a l'autorité de définir en dernier ressort la question? Sans aucun doute le désir de disputer sera sans fin.

  A023001310 

 Toute république bien ordonnée a ses lois, ses lois bonnes et inviolables; mais si elles étaient abandonnées au bon plaisir des parties, les procès n'auraient jamais de terme, chacun s'appuyant sur sa propre prudence, et non seulement abondant dans son sens, mais le faisant avec excès.

  A023001312 

 Ce que nous venons de dire de Luther, doit également se dire de tous les autres hérétiques; car leur nom d'hérétiques leur vient justement de ce qu'ils choisissent pour leur usage une interprétation de l'Ecriture telle que, si elle concorde avec celle des Conciles et de l'Eglise, ils la défendent en se basant, non sur l'autorité de l'Eglise ou des Conciles, mais sur leur propre opinion; si, au contraire, elle est différente, ils la soutiennent contre l'autorité de l'Eglise et des Conciles.

  A023001316 

 De l'invocation des Saints d'après saint Augustin.

  A023001318 

 Même résultat s'il s'agit de l'autorité de quelqu'un des Pères.

  A023001318 

 Nous apportons encore le texte où le même Augustin écrit que «les âmes des défunts sont recommandées aux prières des Martyrs, lorsque les corps des défunts sont ensevelis dans les lieux consacrés à l'honneur de ces Martyrs et contenant leurs reliques.» Comment nos mauvais plaisants échappent-ils à ces textes? En disant tout simplement que ces choses ont été écrites non avec intention, mais en passant et par inadvertance.

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001318 

 Que reste-t-il à faire, même au plus patient des hommes, avec ces gens-là?.

  A023001319 

 Reçois ce que nous offrons, obtiens-nous ce que nous demandons, éloigne ce que nous craignons, car tu es l'unique espoir des pécheurs; par toi nous attendons le pardon de nos fautes, et en toi, toute Bienheureuse, est l'espérance de notre récompense.

  A023001319 

 Sois toujours intéressée aux désirs de tes clients et [200] obtiens à tous ce qu'ils souhaitent; occupe-toi à prier sans cesse pour le peuple de Dieu, toi qui as mérité, ô Bénie, de porter le Rédempteur du monde, qui vit et règne dans les siècles des siècles.».

  A023001320 

 Ainsi donc, de ce que la manne n'a pas la saveur d'un pain céleste pour les rebelles et les méchants, faudra-t-il dire que la manne cessera d'être un pain descendu du ciel? Parce que le soleil ne luit pas au profit du hibou, ne luira-t-il pas à notre profit? A ce compte-là, c'en est fait de toute l'Ecriture, comme notre Augustin l'a savamment montré autrefois contre Faustus lequel, avec l'insolence habituelle des hérétiques, prétendait non authentiques, mais falsifiés, les passages de la Sainte Ecriture qui lui étaient opposés..

  A023001320 

 Il faut cependant pardonner de bonne grâce à des gens qui se moquent si sottement des écrits des Pères, lorsque nous les voyons en agir ainsi à l'égard des Saintes Ecritures elles-mêmes, qu'ils n'admettent ou ne rejettent que suivant leur propre goût.

  A023001320 

 Quel a pu être, en effet, le motif de Luther [201] en condamnant l'Epître de saint Jacques? «C'est,» dit-il, «qu'elle ne respire pas l'esprit apostolique.» Pourquoi Calvin condamne-t-il les Livres des Machabées? Parce que, dit-il, ils ne respirent pas l'esprit divin.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001321 

 J'ai vu un des premiers ministres de Genève qui, après s'être insolemment emporté contre l'intercession des Saints, ne pouvant être convaincu par l'autorité non seulement de l'Ecriture, mais aussi des Pères, finit par dire qu'il s'avouerait vaincu s'il était prouvé qu'Augustin eût jamais invoqué la Bienheureuse Vierge.

  A023001321 

 Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau..

  A023001322 

 Bien que cet art de tromper à propos des écrits des Pères soit commun à tous les hérétiques, les calvinistes se le sont comme approprié, tellement ils y excellent.

  A023001322 

 Nos novateurs se complaisent surtout dans leur opiniâtreté, lorsqu'ils rencontrent dans les livres des Pères quelque expression qui semble leur être favorable au premier aspect et seulement en apparence.

  A023001327 

 De l'intercession des Saints.

  A023001329 

 En voici un exemple dans cet article même dont nous avons écrit un peu plus haut: l'intercession des Saints..

  A023001329 

 Mais ajoutons encore à ces caractéristiques d'opiniâtreté une autre caractéristique ayant quelque rapport avec celles que nous avons examinées plus haut, bien que distincte: à savoir, que nos novateurs sont des disputeurs, comme disait le bienheureux Apôtre [205] Jude, des amis de la contention, pour parler comme Paul, de sorte qu'on a beau répondre à leurs arguments, on ne les satisfait jamais.

  A023001330 

 Ainsi nous disons que les ombrages et les tentes tiennent le milieu entre nous et le soleil, bien que non seulement ils ne soient pas à mi-distance, mais qu'ils soient avec nous à une des extrémités.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Ils objectent qu'en invoquant les Saints nous donnons au Christ des coadjuteurs.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001345 

 Ils se moquent de nous parce que nous baptisons les enfants, que nous prions pour les morts, que nous demandons les suffrages des Saints.».

  A023001345 

 Moqueurs, dit d'eux le bienheureux Jude dans son Epître; et saint Bernard, s'exprime ainsi au sujet des hérétiques de son temps: «Voyez ces détracteurs, ces chiens aboyants.

  A023001346 

 Bonté divine! de quelle impudence n'use-t-il pas envers le Souverain Pontife, envers le Roi d'Angleterre, envers le corps épiscopal, envers les académies de Paris et de Louvain! La moindre des injures qu'il lance contre eux, c'est de les traiter de «porcs, d'ânes, de très sots satellites de Satan,» et autres choses de ce goût.

  A023001347 

 Il s'étonnera sans doute de la sottise et de la misère de ceux qui ont pris et prennent de tels hommes pour des réformateurs de l'Eglise et des rénovateurs de la piété et de la religion.

  A023001347 

 Je suis cependant forcé de citer de Calvin un endroit où cet hérétique cherche à se dépasser en impudence, ou en imprudence, dans le soin d'inventer des calomnies et des injures.

  A023001347 

 Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable.

  A023001347 

 Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?».

  A023001375 

 IV. Des origines des heresies de notre temps.

  A023001380 

 Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.».

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001381 

 Ils font donc erreur ceux qui l'accusent d'avoir débuté sous l'impulsion d'une cause plausible, pour changer ensuite l'état public des choses et se procurer la puissance, à lui ou à d'autres.».

  A023001386 

 Seigneur, délivrez-moi des mains de mes persécuteurs, qui m'oppriment et me persécutent injustement.

  A023001387 

 Car longtemps il flatta le Pontife Romain lui-même, et, quoiqu'il eût écrit injurieusement contre le Roi d'Angleterre [217], il lui envoya ensuite une lettre où, par des flatteries et des caresses, il s'efforce d'amadouer l'esprit du Roi en écrivant sur ce toi: «J'ai conscience que Votre Majesté a été très gravement oflfensée par mon petit livre que j'ai fait paraître sottement et précipitamment.» Et peu après: «Maintenant, grandement honteux, je n'ose lever les yeux devant Votre Majesté, moi qui me suis laissé aller à agir par légèreté contre un tel et si grand Roi, étant donné surtout que je ne suis que du rebut et un ver de terre, qui méritait seulement d'être vaincu ou laissé de côté par mépris.» Ensuite, à genoux aux pieds du Roi, il demande pardon et promet, si le Roi le désire, de chanter la palinodie.

  A023001387 

 Mais, peu de temps après, le Roi d'Angleterre ayant une seconde fois écrit contre lui, de nouveau il attaque le Roi avec des injures beaucoup plus atroces encore, se repent d'avoir écrit sa lettre, s'efforce par tout moyen d'excuser l'hypocrisie avec laquelle il avait promis de chanter la palinodie, et montre qu'il lui a écrit la lettre en question pour [218] l'attirer à son hérésie: «Tout plein de mes convictions,» dit-il, «j'ai fait cette prière, et écrit cette lettre vainement suppliante, que ces porcs traitent indignement et déchirent.» Peu après il dit avoir usé du même stratagème à l'égard de Georges, duc de Saxe; quelques mots plus loin il affirme de nouveau qu'il ne se repent pas de ses stratagèmes, ayant agi pour propager l'Evangile, et n'a pas honte d'appeler zèle pieux et honnête de telles fictions et hypocrisies.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001395 

 En somme (telle est la conclusion de Luther), nous fûmes délivrés de leurs Messes privées et de l'onction des évêques.».

  A023001395 

 Et malgré l'objection qu'il se fit, à savoir que le diable, étant menteur, ne méritait pas d'être cru, il ne put se persuader de triompher des arguments du démon, dont il exalte grandement la force et la fougue dans la façon de disputer.

  A023001395 

 Luther, dans son livre sur la Messe privée et l'Onction des Prêtres, affirme et raconte non en passant, mais ex professo et clairement, que Satan lui apparut vers le milieu de la nuit, et fit si bien, au moyen de cinq arguments agrémentés aussi de comparaisons variées, que depuis, lui, Luther, se mit à mépriser tout à fait et à rejeter la Messe et l'onction des prêtres.

  A023001396 

 Allons, hommes de cœur, nos oreilles ont entendu, nos yeux ont vu! Voilà donc cette fameuse liberté évangélique que Luther, et, à son exemple, les autres hérétiques de notre temps ont introduite! «Nous avons été délivrés,» dit Luther, mais non au moyen de la liberté que le Christ nous a acquise par son sang précieux, mais au moyen de la liberté que Satan a apportée à Luther du fond des enfers.

  A023001462 

 V. Quelques hérésies politiques des novateurs.

  A023001464 

 [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens.

  A023001470 

 Tout en avertissant ceux qui sont soumis à des monarques de n'avoir rien à changer [224] à l'état de choses, lui-même cependant, né et élevé sous un si grand Monarque, montre assez de quel esprit il était animé envers son Prince, puisqu'il méprise la monarchie et enseigne qu'il faut plutôt la tolérer, pour éviter un plus grand mal, que l'aimer à cause de son excellence.

  A023001471 

 Ainsi le Dieu très bon et très grand a régi son peuple d'Israël par des chefs, des Juges, des Rois; les affaires de son Eglise, par les Souverains Pontifes; celles du Ciel, par l'Archange Michel, sous la dépendance duquel sont, dit-on, les autres Anges.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001483 

 Au sujet des soldats, il existe un merveilleux Sermon de saint Bernard aux chevaliers du [228] Temple, tout à fait approprié à notre cas: «Marchez avec confiance, soldats, et chassez avec intrépidité les ennemis de la Croix du Christ, assurés que ni la mort, ni la vie ne pourra vous séparer de la charité de Dieu.

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001487 

 Les lois des Princes n'obligent pas la conscience des sujets.

  A023001492 

 Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par motif de conscience, car ce sont des ministres de Dieu.

  A023001492 

 Que réponds-tu à cela, Calvin? Ne vois-tu pas que nos consciences ont aussi affaire avec les hommes, à savoir avec ceux qui tiennent la place de Dieu dans l'administration du pouvoir ecclésiastique ou politique? Combien la proposition de Calvin diminue l'autorité des princes et des lois, chacun peut le voir, et les princes eux-mêmes peuvent le sentir et l'expérimenter [230], s'ils permettent à ces enseignements impies et séditieux de prendre racine dans leurs Etats..

  A023001498 

 Puis, parlant en particulier des Français et des Espagnols (on aurait pu croire qu'il parlât plutôt des Turcs ou des Indiens), il ajoute: Nous voyons dès lors quelle est la sottise de ceux qui désirent un roi puissant et commandant à de nombreuses provinces, et combien justement ils sont punis de leur ambition.

  A023001503 

 Aucun état ne peut être heureusement administré par des lois.

  A023001505 

 Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste.

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001511 

 Par contre, qu'en matière civile l'obéissance à la loi soit exigée très sévèrement; qu'on ignore tout de l'Evangile, de la conscience, de la grâce, de la rémission des péchés, de la justice céleste..., du Christ, pour ne s'en tenir qu'à Moïse, à la loi et aux œuvres.» Jusqu'ici, Luther.

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001518 

 Peu leur importe ton opinion à leur sujet, pourvu qu'ils offrent des hommages agréables à Celui «auquel servir, c'est régner.».

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001520 

 J'ai de la peine vraiment, et une peine si profonde que je pleure presque en écrivant, de ce que tant d'hommes, nourris dès l'enfance de toutes ces sornettes, y persistent avec tant d'obstination; hommes, du reste, de grande valeur et remarquables par leur doctrine et leur esprit; bien mieux, plusieurs parmi eux (ce qui me chagrine davantage) sont à la fois des jurisconsultes et de grands amis à moi, que, en dehors de la question de religion, je vénère et [238] vénérerai toujours profondément.

  A023001521 

 Autrement, c'était le mahométisme et le Coran, et non pas l'Eglise Romaine, qu'il fallait réformer, si vous ne cherchiez que la multitude des abus et la réforme d'une fausse Eglise.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001522 

 Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique.

  A023001543 

 Exemple de pèlerinages à des lieux saints, II Rois, chap. XV; de prières pour les défunts, ibid.; car Absalon semble vouloir paraître se rendre en esprit de religion au pays de ses pères..

  A023001548 

 L'invocation des Saints est dans la Messe des Ethiopiens, dans Génébrard, chap. VII, de la Liturgie Dionisienne.

  A023001552 

 Remarquable exemple des vœux de dévotion que l'on fait pour honorer la mémoire et les monuments des Martyrs: II Rois, chap. XV..

  A023001575 

 Eviter le terme singularité, pour ne pas nier leur propriété de communication; le terme unique, pour ne pas nier le nombre des personnes; le terme confondus, pour ne pas nier l'ordre de nature..

  A023001606 

 Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins.

  A023001614 

 Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau.

  A023001630 

 Dieu vueulle pardonner a ceux qui n'auront pas rendu leur debvoir a secourir ceux qui, perissants, ont imploré l'aide des spectateurs de telles tragedies..

  A023001631 

 Si les Apostres se feussent voulu contenter d'estre enfermés dans des chambres a leur aise, et enseigner le peuple par escript sans oser soustenir leur doctrine de vive voix, ils n'eussent pas donné grand avancement au regne de Jesus Christ, lequel estant establi par ce moyen, doibt estre conservé de mesme.

  A023001651 

 Les determinations des anciens Conciles n'ont pas esté prinses entre des absents, mais entre des presens, apres que les doubtes ont esté debattues d'une part et d'aultre.

  A023001662 

 Revu sur les photographies des autographes.

  A023001688 

 Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes..

  A023001690 

 Nous intimons aussi la residence a tous ceux qui ont des benefices qui, de droit ou par coustume, la requierent; a ce que, dans deux moys precisement des la publication des presentes, ilz ayent a se rendre en leur devoir pour exercer personnellement leurs charges et offices, ou dire cause pour laquelle ilz pourroyent pretendre n'y estre obligés; a faute dequoy il sera procedé contre eux, selon la rigueur des loix et canons..

  A023001696 

 I. Nous avons intimé et de rechef publié les Canons des anciens Conciles qui defendent aux personnes ecclesiastiques de tenir en leurs maysons et logis aucunes femmes desquelles la demeure et sejour avec eux puisse justement estre suspect; et, en tant que de besoin, avons fait de nouveau ladite prohibition, sur peyne de rigoureuse punition..

  A023001697 

 II. Nous avons donné et donnons pouvoir aux Reverens Surveillans de ce diocese de dispenser de l'observation des festes commandees es parroisses qui leur sont commises, [263] selon la necessité, inhibant a tous curés et autres quelconques, notamment aux officiers laicz, de ne point donner telles licences..

  A023001698 

 III. Sur le differend qui pourroit naistre entre les curés pour les aumosnes, aux sepultures des fidelles qui meurent en une parroisse et sont enterrés en l'autre, il a esté ordonné que les luminaires seront partagés esgalement entre les-ditz curés, qui aussi, de part et d'autre, feront prieres et Sacrifices pour le deffunct.

  A023001698 

 Neanmoins, le service annuel se fera par le curé qui aura ensevely le cors, au moyen dequoy le linceul et autres aumosnes des funerailles luy demeureront; tous autres differens estant remis au jugement des Surveillans..

  A023001699 

 IV. Tous curés enseigneront le Cathechisme de l'Illustrissime Cardinal Bellarmin les Dimanches et festes commandees, a l'heure qui sera jugee plus propre selon [264] la condition des lieux; et, pour cet effect, s'essayeront les jours ouvriers d'apprendre ledit Cathechisme aux petitz enfans, affin qu'ilz en puissent respondre..

  A023001700 

 V. Les curés feront vuider leurs eglises, et notamment les chœurs d'icelles, des meubles profanes qui, pendant la guerre, y ont esté mis en asseurance, et ne permettront [265] cy apres telles choses y estre mises sans evidente necessité..

  A023001702 

 VII. Tous les curés fourniront ou procureront pour leurs eglises des tabernacles, avec des ciboires propres pour reposer le tressaint Sacrement sur l'autel; changeront tous les premiers Dimanches du moys les Communions qui sont reservees pour les malades, et ne garderont le Saint Sacrement qui aura esté exposé en la Feste Dieu que jusques au jour suyvant immediatement l'octave, auquel ilz le consumeront..

  A023001705 

 Les tavernes et cabaretz sont interditz a tous ecclesiastiques es lieux de leur residence, sans aucune exception de quel pretexte que ce soit, mesme des appointemens et par tout ailleurs, sinon en cas d'evidente necessité, auquel ilz s'y comporteront en toute modestie et sobrieté..

  A023001706 

 Comme aussi la chasse qui se fait a course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le port leur est totalement inhibé; et de plus, toutes autres chasses qui se trouveront defendues aux laicez mesmes, selon la diversité des lieux..

  A023001707 

 XII. Tous curés prendront lés saintes Huyles chaque annee des mains de ceux qui sont establis pour les leur distribuer, et les tiendront en des vases honnestes et non fragiles; et ceux qui les distribueront tiendront roolle de ceux qui les auront pris.

  A023001709 

 XIV. Nul ne fera au prosne aucune publication des choses et negotiations seculieres et profanes, ains seulement de celles qui concernent le service [de Dieu] et des ames..

  A023001710 

 XV. Les curés ne permettront cy apres aux dames et autres femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des eglises, et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent esté mis; comme aussi que les chassis ou vitres de leurs eglises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui respondent aux autelz, pendant qu'on y celebre la sainte Messe..

  A023001713 

 XVIII. Est enjoint a tous ayans charge d'ames de tenir en bon estat les Registres des baptesmes, mariages et enterremens, et d'en rapporter a chaque Sinode des copies signees, dans Nostre greffe..

  A023001714 

 XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable..

  A023001715 

 Les curés tiendront main a ce que les chappeliers rendent leur devoir, et les recevront aussi charitablement, leur communiquant les choses necessaires a la celebration des Messes, qu'ilz leur permettront de sonner a heure et en maniere competente..

  A023001717 

 XXII. Est prohibé l'usage des parolles inconneues, caracteres [270] et signes superstitieux, aux prieres et adjurations qui se font contre la tempeste..

  A023001738 

 On establira deux garçons pour faire l'assemblee des enfans, dont l'un les ramassera dela les pontz et l'autre deça..

  A023001739 

 L'un et l'autre portera une courte dalmatique bleue, avec le nom de JESUS peint devant et derriere, et porteront chacun une clochette par le son delaquelle se fera la convocation des enfans.

  A023001754 

 Et prenant occasion de ce qui aura esté recité, il fera un brief discours et abbregé, affin que tous puissent mieux imprimer ceste doctrine en leurs espritz; et s'il ne peut pas le faire, il en priera quelqu'un des maistres ou officiers..

  A023001754 

 Toutefois, qu'il prenne garde que la dispute se fasse des choses qui auront esté dittes; et pour ce, tous les enfans d'un mesme ordre et classe seront assis en un mesme lieu, affin que, sans perdre tems, il puisse demander a un chacun selon ce qui escherra.

  A023001755 

 Quoy estant fait, on lira les petites Constitutions des [277] bonnes mœurs, que tous entendent; et en apres on fera l'orayson, selon qu'il aura esté ordonné..

  A023001756 

 En fin (sinon qu'il fallust marquer les absens, ou corriger quelqu'un) il renvoyera ses enfans, les advertissant d'estre modestes, de se resouvenir des choses qui auront esté dittes et de revenir de bonne heure au premier jour de feste suyvant..

  A023001757 

 Il baillera des recompenses a ceux qui auront esté diligens et modestes: comme de devotes images, chapeletz, medailles et autres choses semblables; car il fera, par ce moyen, qu'ilz se comporteront tousjours mieux.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001771 

 Ayes une grande netteté et pureté de conscience, puisque vous pretendes de nettoyer et purger celle des autres, affin que l'ancien proverbe ne vous serve de reproche: Medecin, gueris toy toy mesme; et le dire de l'Apostre: En ce que tu juges les autres, tu te condamnes toy mesme.

  A023001772 

 Ayes un ardent desir du salut des ames, et particulierement de celles qui se presentent a la Penitence, priant Dieu qu'il luy playse de cooperer a leur conversion et avancement spirituel..

  A023001773 

 Ainsy, quoy que l'enfant prodigue revinst tout nud, crasseux et puant d'entre les pourceaux, son bon pere neanmoins l'embrasse, le bayse amoureusement et pleure dessus luy parce qu'il estoit son pere, et que le cœur des peres est tendre sur celuy des enfans..

  A023001773 

 Souvenes vous que les pauvres penitens au commencement de leurs confessions vous nomment Pere, et qu'en effect vous deves avoir un cœur paternel en leur endroict, les recevant avec un extreme amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbecillité, tardiveté et autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et secourir tandis qu'il y a quelque esperance d'amendement en eux, suyvant le dire de saint Bernard: La charge des Pasteurs n'est pas des ames fortes, mays des foibles et debiles, car les fortes font asses d'elles mesmes, mays il faut porter les foibles.

  A023001774 

 Ayes la prudence d'un medecin, puysque aussi les pechés sont des maladies et blesseures spirituelles, et consideres [281] attentivement la disposition de vostre penitent pour le traitter selon icelle.

  A023001775 

 Si vous le voyes effronté et sans apprehension, faittes luy bien entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient prosterner; qu'en ceste action il s'agit de son salut eternel; qu'a l'heure de la mort il ne rendra conte d'aucune chose si estroittement que des confessions qu'il aura mal faittes; qu'en l'absolution on employe le pris et le merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001778 

 Sur tout, soyes charitables et discretz envers tous les penitens, mays specialement envers les femmes, pour les ayder en la confession des pechés honteux..

  A023001781 

 Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001800 

 De mesme au peché de luxure: s'il a defleuré une vierge, car c'est un stupre; s'il a conneu une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés..

  A023001800 

 Il ne suffit pas que le penitent accuse seulement le genre de ses pechés, comme seroit a dire, d'avoir esté homicide, luxurieux, larron; mais est requis qu'il nomme l'espece, comme par exemple: s'il a esté meurtrier de son pere ou de sa mere, car c'est une espece d'homicide different des autres et s'appelle parricide; s'il a tué dans l'eglise, car en cela il y a sacrilege; ou bien s'il a meurtry un ecclesiastique, car c'est un parricide spirituel et est excommunié.

  A023001802 

 Il faut de plus examiner le penitent sur la diversité des degrés du peché.

  A023001803 

 De mesme, il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalizera une seule personne, et avec un autre mauvais exemple de mesme espece on [en] scandalizera trente ou quarante, et n'y a point de proportion entre l'un et l'autre peché; c'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la quantité de ce qu'on a desrobbé, des gens qu'on a scandalizés par une seule action; et ainsy consecutivement des autres pechés, desquelz la malice croist et decroist selon la quantité de l'object et de la matiere..

  A023001803 

 J'en dis de mesme des pechés desquelz la malice se peut redoubler et multiplier en une seule action: par exemple, celuy qui desrobbe un escu fait un peché; celuy qui en desrobbe deux ne fait aussi qu'un peché, et tout de mesme espece, mais toutesfois la malice de ce second peché est double au pris du premier.

  A023001805 

 C'est tout de mesme de celuy qui, volontairement, pour prendre playsir, s'amuse et prend contentement aux pensees et imaginations des voluptés charnelles; car il peche interieurement contre la chasteté, dont il se doit confesser, d'autant qu'encores qu'il n'a pas voulu appliquer son cors au peché, il a neanmoins appliqué son cœur et son ame.

  A023001806 

 Outre tout cela, encor faut il que le penitent s'accuse des pechés d'autruy, a l'exemple de David; car si par mauvais exemple ou autrement il a provoqué quelqu'un a peché, il en est coulpable, et cela s'appelle proprement scandale.

  A023001814 

 Item, les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers, usurpateurs et detenteurs des biens, tiltres, droitz et honneurs d'autruy, et de mesme les detenteurs des legatz pieux, aumosnes, primices, decimes, plaideurs iniques, calomniateurs, detracteurs, et generalement tous ceux qui tiennent tort au prochain ne peuvent estre absous s'ilz ne font reparation du tort et dommage en la meilleure façon que faire se pourra, ou au moins qu'ilz ne promettent de satisfaire par effect..

  A023001816 

 Les ecclesiastiques mal pourveuz de leurs benefices, ou qui en ont des incompatibles sans legitime dispense, ou qui ne resident pas sans suffisante excuse, ou qui font mestier de ne point dire l'Office et ne se vestir ecclesiastiquement; tous ceux la ne doivent estre absous qu'ilz ne promettent d'y mettre ordre et corriger tous ces defautz..

  A023001818 

 En fin, les querelleux qui ont des rancunes et inimitiés, ne peuvent recevoir l'absolution s'ilz ne veulent de leur costé pardonner et se reconcilier avec leurs ennemis.

  A023001823 

 Apres donq que le confesseur a bien reconneu l'estat de la conscience du penitent, il doit disposer et ordonner ce qu'il voit estre necessaire pour le rendre capable de la grace de Dieu, tant en ce qui concerne la restitution des biens d'autruy et la reparation des tortz et injures qu'il a faittes, comme aussi en ce qui regarde l'amendement de sa vie et fuite ou esloignement des occasions de mal faire..

  A023001824 

 Et pour le regard des reparations et restitutions que l'on doit faire au prochain, il faut trouver moyen, s'il est possible, de les faire secrettement, sans que le penitent puisse estre diffamé.

  A023001824 

 Mais quant aux usures, faux proces et autres semblables embrouillemens de conscience, il est besoin d'en ordonner les reparations avec une exquise prudence, de laquelle si le confesseur ne se trouve pas prouveu suffisamment, il doit doucement demander au penitent quelque loysir pour y penser; puys, s'addresser aux plus doctes, comme sont les deputés des quartiers, lesquelz, si le cas le merite, prendront Nostre advis, ou de nostre Vicaire general.

  A023001833 

 Les violateurs de la closture de monasteres des Religieuses enfermees, quand telle violation se fait a mauvaise fin..

  A023001834 

 La violation des immunités de l'Eglise, lequel cas cinquiesme estant difficile a discerner et n'arrivant gueres souvent, et tousjours par des actions publiques, ne se decide presque point en confession qu'il n'ayt esté decidé hors d'icelle par les Evesques ou leurs Vicayres..

  A023001836 

 L'heresie, le schisme, avoir et lire les livres heretiques, la falsification des Bulles et Lettres Apostoliques..

  A023001837 

 La violation des libertés et privileges de l'Eglise, biens et personnes ecclesiastiques, qui se fait volontairement; l'usurpation des biens des ecclesiastiques entant qu'ecclesiastiques.

  A023001843 

 Quant au septiesme commandement, Nous avons reservé le bruslement volontairement fait des maysons d'autruy, le pillement et larcin es choses sacrees..

  A023001845 

 C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution..

  A023001851 

 Le confesseur doit imposer la penitence avec des parolles douces et consolatoires, sur tout quand il voit le pecheur bien repentant, et luy doit tousjours demander s'il le fera pas volontier; car en cas qu'il le vid en peyne, il feroit mieux de luy en donner une autre plus aysee, estant beaucoup meilleur, pour l'ordinaire, de traitter les penitens avec amour et benignité (sans toutesfois les flatter dans leurs pechés) que non pas de les traitter asprement.

  A023001852 

 Il est donques mieux d'enjoindre des prieres tout d'une mesme sorte, comme tout des Pater, ou tout des Psaumes qui soyent de suitte et qu'il ne faille pas aller chercher ça et la les uns apres les autres.

  A023001852 

 Pater, une hymne, les oraysons des Collectes, d'antiennes, de Psaumes: ni ne doit pas estre donnee en varieté d'actions: comme par exemple, de donner troys jours l'aumosne, de jeusner troys vendredis, de faire dire une Messe, de se discipliner cinq foys.

  A023001853 

 Et pour le regard des conseilz que le confesseur doit donner au penitent en general, voyci les plus utiles a toutes sortes de personnes: se confesser et communier tres souvent et de choysir un bon confesseur ordinaire; hanter les sermons et predications; avoir et lire des bons livres de devotion, comme entre autres ceux de Grenade; fuir les mauvaises compaignies et suivre les bonnes; prier Dieu bien souvent; faire l'examen de conscience le soir; penser a la mort, au jugement, au Paradis, a l'enfer; avoir et bayser souvent de saintes images, comme de Crucifix et autres..

  A023001858 

 Cela fait, avant que de donner la sainte absolution, vous demanderes au penitent s'il ne requiert pas humblement que ses pechés luy soyent remis, s'il n'attend pas ceste grace du merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, s'il n'a pas volonté de vivre des-ormais en la crainte et obeissance de Dieu..

  A023001859 

 Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller.

  A023001863 

 Le Pere Valere Reginald, de la Compaignie de Jesus, lecteur en Theologie a Dole, a nouvellement mis en lumiere [295] un livre de la Prudence des Confesseurs, qui sera grandement utile a ceux qui le liront..

  A023001866 

 Prenes garde sur tout de ne pas user de parolles trop rudes a l'endroit des penitens; car nous sommes quelques-fois si austeres en nos corrections que nous nous monstrons en effect plus blasmables que ceux que nous reprenons ne sont coulpables.

  A023001867 

 Cependant, c'est ce que la pluspart des peres spirituelz ne sçavent point faire, et je m'en estonne, car la pierre de touche [297] d'un parfait confesseur c'est qu'il soit pitoyable au vice d'autruy et implacable au sien propre.

  A023001881 

 Mes Freres, si Dieu vous a destinés a la conduitte des ames, vous deves continuellement luy demander ses lumieres pour bien connoistre les veritables operations de son Esprit.

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001883 

 Le diable, au contraire, porte a des hautes pensees et a des sentimens bien relevés de vertu et d'une bonne vie, persuadant de se reposer en sa propre suffisance et en ses bonnes œuvres..

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001886 

 Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Tel est le genie des novateurs..

  A023001893 

 C'est, tout au contraire, un effect de l'heureuse conduite du Pere des lumieres d'inspirer par des sentimens interieurs, se couler doucement dans l'ame et y descendre comme la pluye sur la toison.

  A023001893 

 Il est vray qu'il y eut quelque son et un petit bruit; mays Dieu le permit a cause des Juifz, et pour des raysons marquees en l'Escriture Sainte.

  A023001893 

 Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins.

  A023001899 

 Ceux d'entre vous qui s'employent a des occupations qui leur empeschent l'estude font comme ceux qui veulent manger des viandes legeres, contre le naturel de leur estomach grossier, et de la vient qu'il defaille peu a peu.

  A023001900 

 Aussi voyons nous des-ja qu'on cesse d'oppresser leur innocence a mesure que deschet la secte [304] des calvinistes; ainsy se va diminuant la hayne populaire que les heresiarques avoyent jetté dans l'esprit du vulgaire contre eux.

  A023001900 

 Ce sont des austruches qui digerent le fer des calomnies en la mesme façon qu'ilz devorent les livres par leurs continuelles estudes; qui ont, en supportant une infinité d'injures et d'outrages, estably et affermy nostre creance et tous les sacrés misteres de nostre foy; et encor aujourd'huy, par leurs grandissimes travaux, remplissent le monde d'hommes doctes qui destruisent l'heresie de toutes partz..

  A023001900 

 Pour cela, mes tres chers Freres, je vous conjure de vaquer serieusement a l'estude, car la science, a un prestre, c'est le huitiesme Sacrement de la hierarchie de l'Eglise, [303] et son plus grand malheur est arrivé de ce que l'Arche s'est trouvee en d'autres mains que celles des Levites.

  A023001900 

 Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques.

  A023001901 

 Et puysque la divine Providence, sans avoir esgard a mon incapacité, m'a ordonné vostre Evesque, je vous exhorte a estudier tout de bon, affin qu'estans doctes et de bonne vie, vous soyes irreprochables, et prestz a respondre a tous ceux qui vous interrogeront des choses de la foy..

  A023001908 

 La negligence que la pluspart des ecclesiastiques sousmis a Nostre charge a monstré a l'observation de nos premieres Ordonnances, et la necessité que Nous avons conneu estre au commencement de Nostre Visite generale, affin [305] d'obvier aux contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les curés et les parroissiens, Nous ont poussé a faire ces Constitutions..

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001910 

 Que tous possedans des benefices ayant charge d'ames, ayent a resider en personne dans six semaines, a peyne d'excommunication, s'ilz ne sont deuement dispensés; dequoy ilz seront tenus de faire apparoir par devant Nous ou par devant nostre Vicayre general dans le mesme tems.

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001912 

 Il ne sera loysible a aucuns Religieux, de quel Ordre qu'ilz soyent, de prescher riere Nostre diocese s'ilz n'ont la permission par escrit, de Nous ou de nostre Vicayre; laquelle ilz seront tenus de monstrer aux curés des lieux ou ilz voudront prescher, et de les en advertir avant qu'ilz commencent leurs Grandes Messes, affin qu'ilz ayent loysir d'en advertir les parroissiens pour y assister..

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001915 

 Pour eviter plusieurs differens et disputes qui arrivent entre les curés et les parroissiens de Nostre diocese a l'occasion du linceul qui se met sur les deffunctz les portans en terre, Nous avons ordonné qu'il sera au choix des heritiers du deffunct, ou autres qui auront charge des funerailles, de laisser ce linceul au sieur curé, ou de le reprendre en luy payant six florins; et pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les petitz enfans, deux florins..

  A023001917 

 Parce qu'en plusieurs eglises de Nostre diocese les curés sont priés de fournir le luminaire des sepultures et, quand il vient au payement, sont contrainctz bien souvent d'en tomber en proces avec leurs parroissiens: desirant d'y obvier, Nous avons ordonné que les curés fournissans le luminaire le peseront en presence de ceux qui le leur feront fournir, avant que de le donner, comme aussi quand ilz le reprendront; et leur sera payé de la cire qui se treuvera usee a rayson de cinq florins pour livre du poids d'Annessi; et a mesme prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout le long de l'annee.

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001920 

 Nous estant venu a notice que plusieurs curés et autres possedans des benefices riere Nostre diocese intentent des proces contre leurs parroissiens, quelquefois plustost par animosité que pour zele qu'ilz ayent de maintenir les biens de leurs eglises et benefices, et lesquelz il seroit facile d'appointer au commencement: Nous avons defendu a tous curés et autres beneficiers d'intenter par cy apres des proces avec leurs parroissiens qu'au prealable ilz n'en ayent conferé avec leur Surveillant, lequel ayant entendu les parties, taschera de les mettre d'accord; que s'il voit le tort estre du costé des parroissiens et qu'ilz ne veuillent pas se mettre a la rayson, il sera permis aux curés de poursuivre leur droict par justice..

  A023001921 

 Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson..

  A023001969 

 Les revenus de la mense épiscopale sont très restreints: à peine arrivent-ils à la somme de mille écus d'or; [en sorte que, après avoir défalqué les honoraires des officiers de l'évêché, il ne reste pas de quoi entretenir décemment l'Evêque et sa famille domestique.

  A023001970 

 L'Evêque actuel de Genève, FRANÇOIS DE SALES, est le sixième des évêques qui ont eu leur résidence hors de la ville de Genève.

  A023001970 

 [Ayant été empêché, pendant les deux premières années, par suite des guerres et des mauvais temps, de visiter son diocèse, [313] il a, ces deux dernières années, visité personnellement deux cent soixante églises paroissiales, distribué lui-même au peuple partout, du mieux que ses faibles moyens le lui ont permis, le pain de la parole de Dieu, et administré le Sacrement de la Confirmation à d'innombrables fidèles.] Il compte l'an prochain visiter le reste du diocèse.

  A023001975 

 Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres.

  A023001976 

 Elle fait ses Offices dans l'église des Frères Mineurs de l'Observance à Annecy.

  A023001976 

 Or, déduction faite des charges et dépenses nécessaires, la part qui revient à chaque chanoine n'arrive pas à quarante écus d'or par an; c'est là une prébende tout à fait insuffisante à entretenir le moindre individu.

  A023001981 

 Elles sont toutes possédées par des commendataires..

  A023001981 

 Il y a aussi six abbayes d'hommes: Aulps, Hautecombe, Chézery, de l'Ordre de Cîteaux; Abondance et Sixt, des Chanoines réguliers de Saint-Augustin, et Entremont, des Chanoines de Saint-Ruf.

  A023001982 

 Il existe aussi cinq prieurés conventuels: le Saint-Sépulcre d'Annecy, Notre-Dame de Peillonnex, tous deux des Chanoines réguliers; Talloires, de l'Ordre de Savigny; Contamine et Bellevaux, de l'Ordre de Cluny.

  A023001985 

 Les églises paroissiales sont au nombre de quatre cent cinquante, dans chacune desquelles les Sacrements sont administrés et le peuple est instruit des points de la religion catholique par un enseignement à sa portée..

  A023001993 

 Tonte la population des paroisses ci-dessus est vraiment catholique et professe la piété antique, bien que pendant vingt ans l'hérésie de Calvin ait régné dans soixante-dix paroisses; car, grace à l'autorité du Sérénissime Duc et aux prédications de nombreux ouvriers apostoliques, soit séculiers soit réguliers appartenant à divers Ordres, spécialement Capucins et Jésuites, les hérétiques sont [321] revenus au Pasteur de leurs âmes, en sorte que, après avoir été alors ténèbres, ils sont maintenant lumière dans le Seigneur..

  A023002041 

 Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées.

  A023002047 

 De la réforme des Réguliers.

  A023002050 

 On peut remédier à ce mal, soit en envoyant des sujets meilleurs pris dans d'autres Ordres, soit en faisant des visites annuelles et en employant des moyens de coercition, soit enfin en remplaçant les Religieux par des chanoines séculiers.

  A023002054 

 Les portes des monastères des Sœurs Cisterciennes sont ouvertes [326] à tous, aux moniales pour sortir et aux hommes pour entrer..

  A023002058 

 De l'augmentation du nombre des églises paroissiales.

  A023002060 

 Dans le but de fournir à ces familles les secours de la religion, nos aïeux bâtirent des églises où pussent venir, à chaque jour de fête, les curés habitant le fond des vallées, pour apporter à la population le bienfait du très saint Sacrifice de la Messe.

  A023002060 

 Le diocèse de Genève est situé au milieu de très hautes montagnes, dont cependant les sommets et les escarpements sont semés le plus souvent de villages renfermant des familles très nombreuses.

  A023002060 

 Mais aujourd'hui que Dieu a multiplié ces populations, et que les déserts ont été, grâce au travail et à l'industrie, changés en champs et en prairies, il serait à souhaiter qu'on attachât des pasteurs à ces troupeaux spirituels; les dîmes qu'on touche chaque année suffiraient à les entretenir..

  A023002060 

 Àu début, le nombre des familles étant très restreint en ces lieux de difficile accès, cette visite extraordinaire des curés devait tout à fait suffire; d'autre part, il eût été impossible de maintenir là à demeure des clercs, qui, surtout à cause du petit nombre des champs et des paysans, n'auraient pu être nourris et entretenus sur la dime fournie [328] par les habitants.

  A023002061 

 Ce qui empêche que cela se fasse, le voici: à peu près toujours, les dîmes des lieux en question appartiennent à des Abbés et à des Monastères.

  A023002061 

 Elles leur ont, en effet, été attribuées lorsque les greniers spirituels des Monastères étaient pleins, débordant de l'un dans l'autre, et que les moines, tels des brebis fécondes, abondaient dans leurs sorties.

  A023002061 

 Mais aujourd'hui, que généralement, comme cela a été dit plus haut, leurs successeurs n'ont conservé du moine que l'habit, ces pauvres habitants des montagnes crient comme des troupeaux sans pâturages: Pourquoi donc ces gens-là se nourrissent-ils de notre lait s'habillent-ils de notre laine, et ne paissent notre troupeau ni par eux ni par d'autres? Et ce qu'ils disent paraît juste..

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002062 

 J'ai vu de mes yeux et visité une église paroissiale située sur [329] une très haute montagne, où personne ne peut arriver qu'en grimpant des pieds et des mains, et distante de l'église la plus voisine de six milles italiens.

  A023002063 

 D'abord, des procès s'entament devant des laïques pour le possessoire; ou bien, dans [331] le cas contraire, ils font tomber sur celui qui a osé prendre une décision toutes sortes d'appels, dont ils abusent plutôt qu'ils n'usent: n'étant pas chargés d'un grand poids, ils en font peser un sur autrui, comme dit saint Bernard.

  A023002065 

 Des hérétiques de ce Diocèse.

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002069 

 Que tous ceux qui professent la foi romaine, c'est-à-dire la foi orthodoxe, que surtout le Souverain Pontife et les princes aient à cœur que cette Babylone ou soit détruite, ou se convertisse, mais plutôt qu'elle se convertisse et vive, et qu'elle loue Celui qui vit aux siècles des siècles..

  A023002115 

 Item, pour renouveler les livres qu'on appelle des Reconnaissances féodales, du susdit mandement de Thiez, comme l'on fait maintenant, il faudra dépenser florins....3000.

  A023002119 

 S'il y a des procès à poursuivre pour les droits ecclésiastiques, tout se fait, naturellement, aux frais de l'Evêque..

  A023002122 

 A L'EVÊQUE DE GENÈVE, pour son entretien personnel et celui de sa famille, il ne reste que 860 écus, et qu'il a à gouverner six cents paroisses: gouvernement très difficile, très pénible et très exposé à des dépenses variées, tellement que des revenus aussi maigres que je l'ai dit ne suffisent qu'à grande peine aux charges même nécessaires.

  A023002130 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés, Vicaires et autres Ecclesiastiques ayans charge des ames en son diocaese..

  A023002143 

 Ayant une de ces croix, medailles, couronnes, images, chapelletz et rosaires, en se confessant, ou communiant, ou celebrant Messe, et disant apres la Messe, ou Communion, ou Confession un Pater noster et Ave Maria, ou priant Dieu en quelqu'autre maniere pour Sa Sainteté, pour l'exaltation de nostre Mere sainte Eglise, extirpation des haeresies et pour les ames de Purgatoire, a chasque foys on gaigne Indulgence pleniere..

  A023002144 

 Item, disant la couronne ou le chapelet, ou l'Office de Nostre Dame ou l'Office des Trespassés, ou les Pseaumes penitentielz, ou aucune des Laetanies generales, ou les particulieres de Nostre Seigneur ou de Nostre Dame, on gaigne toutes les Indulgences et graces concedees a ceux qui visitent ce jour-la toutes les eglises qui sont dedans et dehors les murailles de Romme..

  A023002145 

 Item, chasque fois qu'on dira cinq fois le Pater noster par devotion du tressaint nom de Jesus, ou des cinq Playes, ou bien disant cinq foys l' Ave Maria, ou faysant commemoration, avec l'antienne Sub tuum praesidium et une [340] orayson de Nostre Dame, par devotion d'icelle sacree Vierge, ou faysant quelqu'autre chose pour son amour, ou devotion de quelque Saint ou Sainte, on gaigne deux cens ans d'Indulgence..

  A023002152 

 Disant trois Pater et Ave pour les ames des fideles decedés ou qui decederont ce jour-la, en memoire et honneur des trois fois que Nostre Seigneur pria au Jardin des Olives, on gaigne tous ( sic ) les Indulgences que Sa Sainteté a concedees a quelquonques autres medailles, images, croix, couronnes, rosaires, a la requeste de quelle personne que ce soit.

  A023002154 

 Toutes les susdites graces et chascune d'icelles se peut appliquer pour les ames de Purgatoire; et pour les gaigner, il suffit d'avoir quelqu'une des susdites choses benites, propre et ( sic ) empruntee.

  A023002164 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés et autres ayans charge des eglises de Nostre diocaese..

  A023002167 

 Si supplions tous les Seigneurs R mes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention..

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002207 

 D'autant que les dismes et premices doivent estre payees a l'Eglise, tant par disposition du droict divin que humain, et neanmoins, a tous propos et contre toutes les raysons, les payemens d'icelles sont differés, evités et empeschés par mille sortes de subterfuges que la longueur des proces fournit: playse a Son Altesse d'ordonner a ses magistratz, entant que de leur connoissance et ïurisdiction, pourvoir a ce que, sans difficulté ni dilation, lesdittes dismes et premices soyent payees aux ecclesiastiques, au moins par provision, moyennant bonne et suffisante caution de rendre le tout, avec despens, dommages et interestz, s'il est dit en fin de cause..

  A023002208 

 Parce que plusieurs, sans tiltre ni fondement, refusent le payement des dismes des biens de leurs universités et aux communs par eux cultivés et ensemencés, apres l'expiration de troys annees des leur culture et ensemencement et de la collecte des fruitz; comme aussi ilz le refusent des terres semees de meslange d'orge et pesettes, avoyne et pesettes, et encor de toutes lesdittes troys especes que l'on appelle communement bataille, au moyen dequoy, par divers artifices, petit a petit ilz s'exemptent dudit payement: playse a Son Altesse ordonner que les dismes seront payees de tous lesditz fons et desdittes batailles, comme dessus..

  A023002209 

 D'autant qu'en plusieurs lieux et presque par tout il se treuve [347] grande diversité de quotes de la disme en la mesme dismerie, sans qu'il y ayt autre rayson que de la diversité des humeurs, du pouvoir et de la conscience des personnes, les plus riches et moins conscientieux amoindrissant tous-jours la quote, appuyés sur les commodités qu'ilz ont de donner delay et duree aux proces; au moyen dequoy les ecclesiastiques n'ont aucune certitude de leur revenu, d'autant que les dittes dismes leur sont differenciees, non seulement par regions, mais voire aussi par particulieres prestations en chacune d'icelles, au moyen de quoy lesditz ecclesiastiques les vont petit a petit perdant par la continuelle mutation de la quote: playse a Son Altesse ordonner qu'en chacune dismerie la disme se payera a mesme quote et la plus commune d'icelle dismerie, et uniformement par tous, sinon que les particuliers refusans fussent munis de tiltres suffisans au contraire..

  A023002242 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux très chers dans le Christ et [349] Révérends Recteurs des églises paroissiales du diocèse de Genève, salut éternel..

  A023002243 

 Ce qu'Holopherne imagina, Frères très chers, lorsqu'il assiégeait Béthulie et qu'il fit couper et occuper de toutes parts son aqueduc et toutes ses fontaines, afin qu'il ne restât pas la moindre goutte d'eau pouvant étancher la soif des assiégés: c'est ce que reproduisent tous les hérétiques qui combattent l'Eglise, surtout ceux de notre temps.

  A023002243 

 Tout d'abord, ils s'efforcent, par une simple négation, d'abolir entièrement la Pénitence, l'Ordre, la Confirmation, le Mariage et l'Extrême-Onction; puis, par une souveraine impiété ou impudence, ils enlèvent au Baptême la rémission efficace des péchés, et à l'Eucharistie la présence du Corps du Seigneur qui donne la vie..

  A023002244 

 En effet, couper des ruisseaux qui tirent leur origine de la ville elle-même, c'est manifestement priver d'eau, non les citoyens enfermés, mais bien plutôt les ennemis qui se tiennent au dehors, non les assiégés, mais les assiégeants..

  A023002244 

 Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens.

  A023002245 

 Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche..

  A023002246 

 A toutes ces maladies de l'âme, l'excellent Pontife, avec la puissance remarquable de parole qu'il avait [352] lorsqu'il devait traiter des choses divines, opposa un remède de toute actualité par ses très fréquentes prédications et ses entretiens particuliers.

  A023002246 

 Au milieu de ces soucis, occupé et empêché aussi par les embarras multiples et très compliqués, par lesquels la malice des hommes et des temps a coutume d'entraver les efforts des meilleurs pasteurs, notre Evêque, quoique plein de vigilance et de force, ne put, dans le bref espace des douze années qu'il exerça sa charge épiscopale, rendre entièrement leur splendeur à la discipline ecclésiastique et à l'administration des Sacrements..

  A023002247 

 Enfin il n'omit rien, autant que le lui permit la dureté des temps, pour ramener la vie de l'Eglise à l'antique coutume de temps meilleurs.

  A023002247 

 Il ramena à la modestie cléricale le costume des prêtres, autant que les difficultés des lieux le permirent; il érigea presque partout de pieuses confréries dédiées au culte du Très Saint Sacrement et de la Bienheureuse Vierge Marie; il rétablit l'usage de célébrer chaque année le Synode; il plaça de ci et de là des ecclésiastiques appelés Surveillants, ayant faculté et mission de relever, d'avertir, d'exhorter les autres prêtres et de veiller sur leur conduite.

  A023002247 

 Mais voici que lui succède Claude de Granier, homme cher à Dieu et aux hommes, dont la mémoire est en bénédiction; homme que la droite du Très-Haut conduisit d'une manière admirable à cause de son amour de la vérité, de sa douceur et de sa piété, lui faisant partager la gloire des saints, afin de l'enrichir dans ses pénibles labeurs et de faire fructifier ses travaux.

  A023002248 

 Aussi, notre excellent Prélat estimait, et avec juste raison, qu'il ferait chose avantageuse en éditant un Rituel, de tout point conforme au Romain, que tous dans ce diocèse adopteraient unanimement à l'exclusion de tout autre, et qu'ils suivraient comme règle unique dans la célébration des rites, au milieu des divergences si grandes qui existaient..

  A023002248 

 S'il existe, en effet, de nombreux exemplaires de Rituels dont le titre annonce au lecteur l'ordre et la série des rites de l'Eglise Romaine, on n'en rencontre presque pas qui répondent au titre et tiennent ce que celui-ci promettait.

  A023002249 

 Mais, pendant environ les dix dernières années de sa vie, il se trouva tracassé, occupé et empêché en partie par des guerres désastreuses, en partie par le devoir de restituer plusieurs églises au culte et d'amener à la pénitence, par lui-même ou par ses collaborateurs, des milliers d'hérétiques qu'il rendit, tels des fils ressuscités, à notre Mère l'Eglise qui les pleurait.

  A023002250 

 Enfin, Nous avons joint à ce livre l'abrégé des principaux points de la religion chrétienne tels qu'ils doivent être exposés aux fidèles chaque dimanche.

  A023002250 

 Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche.

  A023002250 

 Tout d'abord, Nous étant adjoint quelques membres doctes et pieux de Notre clergé cathédral et ayant réuni un certain nombre de Rituels de diverses provinces, Nous avons extrait avec soin du seul Rituel Romain tout ce qui touche aux cérémonies de l'administration des Sacrements; des autres, surtout de l'ancien Rituel de Genève, plusieurs formules de bénédictions qu'il Nous a paru à propos de maintenu dans nos populations à cause de la louable coutume qui en a été introduite.

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002252 

 Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel.

  A023002323 

 Appendice au calendrier contenant l'index des fêtes dont les offices doivent être récités non seulement dans l'église cathédrale, mais aussi par tous les clercs du Diocèse de Genève.

  A023002327 

 Le 22 janvier, fête des saints martyrs Vincent et Anastase; double..

  A023002333 

 Le 11 février, fête des saints martyrs Victor et Ursus, qui souffrirent avec le reste de la légion Thébaine dans la plaine d'Agaune, toute voisine, ayant pour chef le bienheureux Maurice; semi-double.

  A023002337 

 Semi-double, mais qui, à cause de la fête des saints martyrs Sotère et Caïus, est transféré au premier jour non empêché par un double ou un semi-double..

  A023002347 

 Double, avec mémoire des saints martyrs Vite, Modeste et Crescence..

  A023002348 

 Le 19 juin, fête des saints martyrs Gervais et Protais; semi-double..

  A023002349 

 Semi-double, mais transféré, à cause de la fête des saints martyrs Jean et Paul, à un jour non empêché par une fête de neuf leçons.

  A023002353 

 Le 2 juillet, en l'Office de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie, on fait mémoire des saints martyrs Processe et Martinien..

  A023002354 

 Le 28 juillet, fête des saints martyrs Nazaire et Celse, et de saint Innocent, Pape et confesseur.

  A023002360 

 Le 2 août, des saints Machabées, martyrs, dont la fête, à cause de la solennité du Patron de l'Eglise cathédrale, a été transférée du 1 er août au jour suivant.

  A023002366 

 Le 20 septembre, fête des saints martyrs Eustache et ses Compagnons; semi-double, avec mémoire de la vigile..

  A023002367 

 Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux.

  A023002368 

 Le 27 septembre, fête des SS. Martyrs Côme et Damien; double..

  A023002375 

 Le 9 octobre, fête des saints martyrs Denis et ses Compagnons; double, avec mémoire de l'octave..

  A023002377 

 Le 26 octobre, Révélation des saints Maurice et ses Compagnons; semi-double, avec mémoire de saint Evariste..

  A023002386 

 E n outre, tous les jeudis, hors du Carême, de l'Avent et des vigiles, s'il ne se rencontre aucune fête double ou semi-double, on fera [364] l'Office semi-double du Très-Saint-Sacrement de l'Eucharistie.

  A023002386 

 L'adoration de ce Sacrement étant, par une insigne perfidie, un objet de moquerie de la part des hérétiques, il convient que, surtout dans ce diocèse, on l'honore avec la plus grande dévotion possible..

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002424 

 Tu ne te feras tailler aucune idole ou semblante des choses qui sont en haut au ciel, ou de celles qui sont ça bas en terre, ou de celles qui sont es eaux sous la terre.

  A023002431 

 S'il y a des festes ou vigiles on pourra dire: Obeyssans donq ausditz Commandemens, vous jeusneres tel ou tel jour, et vous observeres la feste de N. tel ou tel jour, vous abstenans de toute œuvre servile, pour vacquer au service de Dieu ne plus ne moins que le jour de Dimanche ou de Noël (selon la feste)..

  A023002444 

 ES JOURS DES PESTES SOLEMNELLES ET AUTRES COMMANDEES.

  A023002454 

 Laquelle ordonnance ayant des long tems esté publiee par tout ce diocese, vous est maintenant derechef declairee, publiee et annoncee, affin que nul n'en pretende cause d'ignorance..

  A023002466 

 Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames..

  A023002466 

 Mercredy prochain nous commencerons le saint Caresme et ferons l'imposition des saintes Cendres, selon l'institution apostolique et catholique.

  A023002466 

 Partant, un chacun soit adverty de rendre son devoir, en s'abstenant despuis ledit [373] jour jusques au jour de Pasques de l'usage de la chair, des œufs et du fromage, sinon que pour quelque cause raysonnable il en fust dispensé des Superieurs ecclesiastiques.

  A023002558 

 Notes que sont aussi de commandement tous les jours du Dimanche, le second et tiers jours de Pasques, le jour de l'Ascension de Nostre Seigneur, le second et tiers jours de Pentecoste, le jour de la Feste Dieu; item, les jours des Dedicaces et Patrons des eglises, comme de mesme les testes legitimement voüees par authorité du Praelat, a chacun selon sa parroisse et lieu d'habitation.

  A023002612 

 Declarer qu'es oppositions qui se feront aux proclamations des mariages, l'opposant sera tenu de specifier la cause de son opposition, laquelle sera mentionnee au renvoy qu'en fera le proclamant; et, en tous cas, seront tous-jours renvoyees les parties par devant 1'Official.

  A023002614 

 Des Monitoires: qu'on jurera de ce que l'on dit avoir perdu..

  A023002621 

 De superiore mensis maii Des chastelains qui molestent ceux qui ont licence de travailler..

  A023002628 

 Les deputes de dehors viendront aux fraiz des provinces qui les desirent..

  A023002631 

 Inculquer les assemblees, et enjoindre aux sieurs Surveillans d'envoyer les roolles des presens, et des raysons des absens..

  A023002661 

 D'abord, en introduisant des moines meilleurs, appartenant à d'autres Ordres, par exemple: à la place des Cisterciens, les Feuillants; à la place des Chanoines réguliers de cette ville d'Annecy, les Barnabites; et ainsi pour les autres.

  A023002662 

 Ce que les chanoines séculiers touchent par des distributions journalières, eux ont coutume de le toucher par des prébendes, et, après les avoir touchées, ils assistent aux Offices quand cela leur plaît; s'ils n'y assistent pas, ils n'en sont pas plus pauvres.

  A023002662 

 En second lieu, en remplaçant les Chanoines réguliers par des chanoines séculiers.

  A023002662 

 Si pour tous les cas cela peut paraître un [384] peu dur, pour la plupart cependant ce serait opportun; car dans ce diocèse, les chanoines réguliers ne diffèrent des séculiers qu'en ce qu'ils portent le froc, comme on l'appelle, et ailleurs la patience [ou scapulaire].

  A023002664 

 Pour ce qui est des monastères de Chanoines réguliers de ces régions, ils n'appartiennent à aucune Congrégation, ne célèbrent aucun Chapitre, ne sont soumis à aucune visite ni à aucune Règle.

  A023002667 

 Elles sortent, en effet, près du monastère, pour se récréer, dans des prés [387] voisins, mais toujours en commun, et vont parfois à l'église.

  A023002667 

 Il faut en dire de même des Chartreusines de Mélan, qui jusqu'ici ont mené une vie assez digne de louange, sans garder exactement la clôture, mais cependant avec une clôture suffisante.

  A023002689 

 Tous les curés, apres leur retour du Sinode, diront trois Messes: une du Saint Esprit, pour tout le clergé de ce [389] diocese; un'aultre pour la paix et pour la prosperité de noz Princes et bonne conduicte des magistrats establis par iceulx; la troisiesme, pour les Evesques, curés et ecclesiastiques du diocaese, trespassés..

  A023002693 

 Tous les curés exhorteront leurs parroissiens aux prieres particulieres pour la paix et conservation des Estats de Son Altesse, lesquelles ils feront ez villes tous les jours; es villages, les jours des festes et Dimanches, sur le soir, ou a Vespres, si on les y chante et que le peuple y accoure..

  A023002701 

 Les prebstres qui vouldront estre admis a l'administration des Sacrements se presenteront aux Examinateurs deputés au Synode, le premier jeudy de chasque moys, si l'ors ne se rencontre feste solemnelle; et en ce cas, ils se presenteront le jeudy prochainement suivant pour estre examinés, et puis appreuvés par le Reverend sieur nostre Vicaire general ou ses substituts.

  A023002705 

 Ils representeront aussy attestations de leurs curés comme trois proclamations auront esté faictes au prosne de leurs eglises, sans quil se soit treuvé aulcun empechement en eux pour la reception des Ordres sacrés.

  A023002705 

 Ils seront aussy tenus de s'exercer en l'exercice des Ordres quilz ont et d'en apporter le certificat de leurs curés par [391] escrit, comme encores de leurs aages et bonnes meurs; en quoy les sieurs curés sont exhortés et conjurés, de la part du Juge eternel, d'estre fort conscientieux et veritables..

  A023002717 

 Et les deputés les distribueront aux curés designés en leurs roolles; de chascun desquels ils recepvront quattre sols, deux desquels seront pour le remboursement des deux avancés audict sous Sacristain, et les aultres deux pour la despense faite a venir prendre et accroistre l'huile.

  A023002717 

 La distribution des sainctes Huiles se fera premièrement [392] par le petit Ouvrier ou sous Sacristain de l'Eglise cathedrale, aux deputés des villes et bourgades, qui luy avanceront, pour chasque cure qui sera marquee en leurs reolles, deux sols.

  A023002721 

 Nous implorerons le bras seculier affin que les libraires, tant residants au païs qu'estrangers, n'exposent leurs livres en vente premier qu'avoir donné la liste d'iceulx a nostre Vicaire general, en ceste ville, et allieurs aux curés des lieux esquels ils les vouldront exposer; pour empecher que les livres prohibés ne soient semés au prejudice des consciences..

  A023002725 

 Tous ecclesiastiques qui tiennent des femmes, de quel aage qu'elles soient, pour leurs services ou aultrement, les congedieront et feront retirer dans le mois; a peine d'excommunication termino elapso incurrendae, reservee a Nous, et aultre chastiment arbitraire.

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002733 

 Et de ce, les Surveillants advertiront les curés et aultres beneficiés de leurs quartiers, affin quils dressent des registres de leurs dicts tiltres, qui leurs ( sic ) suffiront pour l'exaction de leurs revenus.

  A023002741 

 Les confesseurs advertiront les femmes de n'entrer ez monasteres des Religieux, en suitte des ordonnances des saincts Peres et Souverains Pontifes de l'Eglise..

  A023002745 

 Les confesseurs prendront garde de n'ouir les confessions des femmes dans les sacristies, chambres et aultres lieux particuliers, mais es confessionnaulx et lieux exposés a la veue de tous..

  A023002749 

 Nous renouvehons la deffence des jeux illicites, conformement aux saincts Canons, voire encores des licites ez lieux publicqs et sacrés, ou aultres esquels l'on peut donner scandale..

  A023002757 

 Nous renouvellons le commandement de la residence es benefices aiants charge d'ames, en suitte du sainct Concile, avec ordonnance de citer ceux qui ne resident n'en estants dispensés par la faveur des induits apostolicqs..

  A023002761 

 Les ecclesiastiques paroistront des ores ez assemblees publiques, avec le bonnet carré, ils marcheront es villes avec [395] la sotane et le manteau; es villages, au moins avec la sotanelle..

  A023002773 

 Tous ecclesiastiques seculiers sachent quils sont obligés a l'obeissance des Constitutions synodales, et que les Reguliers les observent en ce qui les regarde: comme de n'ouir les confessions ni prescher sans approbation, de n'absouldre des cas reservés les personnes de ce diocese, et generalement, quils gardent les aultres ordonnances qui les concernent traictants avec les seculiers..

  A023002781 

 Les curés [396] encores des villages sont exhortés de ce faire selon les commodités quils en auront..

  A023002781 

 Les curés des villes et bourgades ne manqueront de faire la Doctrine chrestienne en leurs eglises tous les Dimanches; a peine de chastiment arbitraire.

  A023002793 

 Les curés permettront a leurs parroissiens de faire leurs confessions aux confesseurs approuvés quils desireront; mais quils leur en rapportent des certificats, a faute de quoy ils ne seront tenus pour confessés.

  A023002797 

 Les curés bailleront les proclamations des mariages et rendront les Monitoires publiés et signés, sans demander aulcun emolument..

  A023002810 

 Il est raysonnable de remettre le soin d'une [charge] a celuy qui en peut le moins abuser; et si j'avois de la [398] creance pres les grans, je prefererois la conscience a la science et a la qualité de la mayson; aucun n'auroit charge dans l'Eglise, qui ne fust deschargé des vices qui l'ont esbranlee.

  A023002812 

 Il y a bien des degrés auparavant que d'entrer au cabinet de la vraye doctrine: il faut passer par devant ceux qui veulent sçavoir pour sçavoir, et qu'on appelle curieux; de la, venir a ceux qui veulent sçavoir pour paroistre sçavans, et qu'on nomme vains; par apres, a ceux qui veulent sçavoir pour tirer la science a leur usage et a leur commodité, et qu'on peut estimer avaricieux; et puis, monter a ceux qui veulent sçavoir pour edifier, et c'est la qu'est la charité.

  A023002814 

 L'experience m'a fait connoistre que le peuple se [400] portoit facilement aux exercices de devotion lhors qu'il avoit des personnes ecclesiastiques qui, par la parole de Dieu et le bon exemple, l'excitoyent a fuir le vice et embrasser la vertu; et qu'au contraire la populace se detraquoit fort facilement de l'exercice des vertus chrestiennes lhors que leurs prestres estoyent ignorans, peu soigneux du salut des ames et de mauvaise vie.

  A023002820 

 Et que au paravant que venir a la seconde publication, l'impetrant se viendra purger par serment sur la verité du contenu en icelluy, entre les mains du curé ou vicaire des lieulx.

  A023002822 

 Les ventemens qui se font en plusieurs endroictz de ce diocese, par les vicaires, curés et autres prebstres tant seculiers que reguliers, avec les corporaux, sur ceux qui ont mal aux yeux, sont des a present prohibés; comme aussi d'y mettre de l'eau qui a esté versee dans le calice apres la Postcommunion.

  A023002825 

 L'Office des mortz ne se doibt fere les jours de Dimenche; neantmoins cela est toleré pour eviter a scandale et ne lever la devotion des gentz..

  A023002832 

 Monseigneur le Reverendissime, en l'assistence des sus nommés et autres de son Clergé, a ordonné et statué de nouveau que les defenses des tavernes estoient reiterees, et autres constitutions pourtees par ses Ordonnances synodales faictes le second octobre 1603; et notamment la residence a tous curés de sa diocese, et aux vicaires de le notifier a leurs maistres, et de justifier de la dispense dans six sepmaynçs, a peyne de privation de leurs benefices..

  A023002835 

 Tous seront tenus se confesser [à Pâques] vers leurs curés, ou vers autres qui seront de Nous licentiés, ayant touttesfois attestation des confesseurs, ou vers ceulx qui auront privilege de Sa Saincteté, en rapportant attestation d'eux a Pasques seulement; et se communier en leur parroche audict temps de Pasques, a peyne d'excommunication..

  A023002838 

 Et pour l'aulmone qui se donne pour la celebration des Messes, qu'elle sera, pour la Grande Messe de quattre solz, et pour la petite de deux solz; et neantmoins sera permis de prendre ce que sera donné de libre volonté..

  A023002839 

 Et dautant quil y a des chappelles ausquelles les recteurs sont chargés de celebration de Messes plus que le revenu ne peut porter, l'on a reduict icelles Messes a six solz, et que a concurrence dudict revenu et proportion elles seront celebrees..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002843 

 Et finalement, attendu quil y a des curés, chappelliers et autres qui se rendent odieulx a leurs parrochains a cause des proces quilz intentent contre leurs parrochains et autres, a esté ordonné que aucun proces ne sera meu que prealablement ilz n'ayent communiqué avec les Surveilliantz pour en avoir leur advis..

  A023002852 

 Que pour eviter a tous pechés que pourroient estre commis par les parrochains de chasque parroche occasion des testes qui ne sont observees, que par cy apres les Survelliantz en ballieront dispense..

  A023002853 

 Plus a esté conclud, ordonné et arresté, par l'advis de mondict Seigneur et sondict Clergé, que dores en avant il sera permis a tous de pouvoir user de beurre en temps de Caresme, en conferant l'aulmone aux pauvres, telle que sera ordonné, ou d'assister a une procession [en compensation]; en consideration que, en ce pais, ny a ny huille d'olive ny de noix des environ trois ou quattre annees..

  A023002854 

 Tous curés et vicaires seront tenus de fere les quattre livres des baptizés, communiés, [mariés] et decedés, chacun en leur parroche, mesme de ceulx qui ne feront leur debvoir a Pasques; les appourter et remettre par devers nostre greffe, et lesdictz vicaires s'en allantz, les laisser [à la cure].

  A023002857 

 Tous vicaires sont suspendus de l'exercice de l'administration des sainctz Sacrementz jusques a ce quilz ayent comparu par devant les Surveilliantz pour sçavoir silz ont le pouvoir et admission.

  A023002859 

 Ausquelz prebstres, de quelle qualité et condition quilz soient, sont rafraischies [les défenses des] tavernes, soub les peynes cy devant indites, et [l'ordre] de pourter la barbe et habitz decentz a leur qualité..

  A023002861 

 Et dautant que les messagiers de Sainct Bernard, Sainct Antoenne et Nostre Dame du Puys, faisant cuelliette des questes par les parroches de ceste diocese, vont faisant icelles questes par les maisons pour frustrer les curés de leur quattriesme, avons dict [et] ordonné que de toutes lesdictes oblations, lesdictz curés en auront la quattriesme partie par cy apres et comme ilz ont heu cy devant..

  A023002862 

 Tous beneficiés paieront [les] decimes, suivant ce quilz sont cottizés au cottet respectivement, entre cy et la feste de sainct Jehan Baptiste; laquelle passee, sera mis un exacteur a leurs des-pens, auquel sera remis le cottet, qui retirera deux solz pour florin..

  A023002863 

 Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive..

  A023002871 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur la plainte faicte par le seigneur et commandeur de Sainct Antoenne de Chambery, sur ce que, allant et venant leur messagier et procureur a la queste par ce diocese de Geneve, quelques uns des curés et seculiers les veullent molester et inquieter en leurs questes: suivant la coustume de tous temps observee, a esté dict et ordonné que des aulmones et questes que seroient faictes en commun aux eglises, les curés en retireroient seulement la quatriesme partie; et pour le regard des Messes et aulmones donnees ausdietz messagiers de Sainct Antoenne en particulier, que lesdietz curés ny prendroyent et percepvroient aucune chose: avec inhibitions et defenses a tous scindiques et curés de les troubler, ny en retirer rien et d'emploier aucune chose en taverne ny autre usage prophane; et ce, a peyne de l'amende de dix livres..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002895 

 Et cas advenant que pendant les susdictz vingt jours sus ordonnés il arrivat que l'un des permutans vint a deceder au paravant que les permutations heussent sorti leur plain et entier effect, sera permis a l'autre permutant survivant de demeurer dans son benefice paisiblement, sans contredite, sans que telle permutation et resignation luy peut appourter prejudice et comme si oncques elle n'eut esté faicte..

  A023002896 

 Tous tenant cures ou qui en obtiendront par cy apres, qui les auront resigné ou resigneront par cause de permutation avec des chappelles ou autres benefices en faveur de quelques uns, soit moiennant provision ou permutation simplement, des a present ne leur [sera] permys de se pouvoir inscrire au concours pour en obtenir d'autres..

  A023002900 

 Tous tenant benefices, soient ( sic ) cures ou chappelles, seront tenus de remettre le rolle du revenu d'iceulx, et en quoy il consiste, dans trois mois; a peyne de vingt cinq livres contre les defalliantz, des a present declaré.

  A023002901 

 Sur la plaincte a Nous faicte que aucuns curés prennent argent pour publier mariages et Monitoires, des a present il est inhibé a tous curés que, pour publication de mariages ou Monitoire, il n'en soit prins aucun argent; a peyne de vingt cinq livres et autre plus grande, sil y eschoit..

  A023002905 

 Et par ce que plusieurs prebstres ignorantz s'entremeslent de la collation des Sacrementz sans avoir permission de Nous ou de nostre Vicaire, Nous avons enjoinct a tous Surveilliantz de Nostre diocese de Nous rapporter rolle desdictz vicaires et prebstres, pour, sur ce, estre proveu..

  A023002911 

 Comme aussy de Nous rappourter rolle des communiantz de leur parroche touttes les annees, sous la mesme peyne que dessus, et des baptizés et mariages..

  A023002923 

 Plus, d'achepter les Tables des Cas de conscience.

  A023002923 

 — Tous curés achepteront les [Tables des] Indulgences que sont concedees a ceulx que sont de la Confrarie du Sainct Sacrement..

  A023002924 

 Pour la celebration des festes, le Manuel se dresse, en fin duquel se mettront les lestes qui se debvront celebrer.

  A023002925 

 Les defenses des tavernes sont refrachies, sauf quand il se font des festins pour mariages, baptizés, chantres et sepultures..

  A023002926 

 Comme [aussi sont interdits] les habitz indecens, jeux en lieu public et les jeux des cartes et dés; aux mesmes peynes..

  A023002929 

 Pour eviter aux contestes des fruictz des benefices a qui doibvent appertenir, est declaré que la prise de tout benefice commence a la feste de sainct [Jean] Baptiste et finissent ( sic ) a l'autre sainct Jehan suivant; et s'adjugeront ad ratam temporis..

  A023002934 

 Il sera loisible de ne laisser le linceulx sur le corps des decedés, [413] mais paieront le linceulx selon la commune valeur.

  A023002943 

 Sont des a present reiterees les defenses a tous prebstres et curés, des jeux, tavernes, propos lascifz, barbe et habit indecentz et non convenables a leur qualité; sous les peynes de dix livres.

  A023002944 

 Item, ne pourront prendre les curés ny vicaires aucune chose pour la publication des mariages ni Monitoire, sinon quil fallut que allassent hors leur maison d'habitation et parroche; a peyne de six livres contre les contrevenantz..

  A023002947 

 Et ne sera permis a aucun prebstre de prescher sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire; et sont exhortés avoir des bons livres..

  A023002948 

 Item, est inhibé a tous prebstres de ne administrer aucun Sacrement sans permission des curés ou leurs vicaires..

  A023002950 

 Et sera ballié roolle des prebstres qui ministreront les Sacrementz sans permission..

  A023002952 

 Au registre des baptizés, d'autant que il advient que plusieurs sont baptizés long temps apres leur naissance, sera apposé le jour de ladicte collation du Baptesme, et neantmoins dict: «naiz tel jour.» Et tous prebstres qui auront baptizé [enfants] qui ne sont de leur parroche, seront tenus le rappourter en la parroche dudict baptizé..

  A023002953 

 En la reception des permutations, a esté ordonné que touttes permutations seront faictes par les permutantz en plaine santé; a ce appeller les Examinateurs, pour sçavoir si elles seront de recepvoir ou non.

  A023002964 

 Ledict Rituel a l'usage de Rome, auquel est contenu un Calendrier ou sont des estoilles pour monstrer les festes que doibvent estre celebrees..

  A023002965 

 Et sont des a present les defenses rafreschies, sous les peines cy devant indites, voire de suspension sur la diffamation.

  A023002967 

 Est inhibé de n'en prendre rien, sinon quil leur sera loisible de dresser un tronc pour y mettre des oblations que leur seront donnees..

  A023002983 

 Leur commandons d'abondant de rapporter aussi les noms et [416] surnoms des adulteres et concubinaires qu'ilz reconnoistront en leurs parroisses, lesquels ayant esté par eux admonestés de quitter telz vices n'y auront satisfait..

  A023002984 

 Nous defendons a tous curés, vicayres et autres ecclesiastiques de publier aucuns Monitoires et censures les jours et festes de la Nativité de Nostre Seigneur, Pasques, Ascension, Pentecoste, du pretieux Cors de Nostre Seigneur, Annonciation et Assomption de Nostre Dame, saint Pierre aux Liens, la Toussaint et es jours du Patron et Dedicace des eglises, esquelles telles publications [ne] se devront faire.............................................................................

  A023002989 

 A esté dict, resolu et declaré que touttes oblations faictes particulierement aux chappelles sont et appertiennent aux curés des parroches riere lesquelles les chappelles sont situees et fondees..

  A023003000 

 Se paiera le luminaire fourny par les curés, a discretion des curés et ciriers voisins..

  A023003010 

 Que si l'on veut estre dispensé de la celebration [de quelque fête] il faudra recourre ( sic ) aux Survelliantz; ordonnant neantmoins que les festes seront faictes selon la coustume des lieulx..

  A023003021 

 Et notamment des mariages, sçavoir: les noms de l'espoux et espouse, de leurs pere et mere respectivement, et des tesmoins, sçavoir de deux ou trois..

  A023003021 

 Monseigneur, en l'assistence de son dict Clergé,... auroit dict et ordonné que tous curés de ce diocese auroient quattre livres, sçavoir: des communiantz, mariages, decedés et des baptizés, ausquelz seroit inscript le jour de la naissance, le jour auquel seront baptizés, les noms des parrains et marrainnes, et le nom du curé et ministre; sus peyne de l'amende de dix livres.

  A023003022 

 Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps..

  A023003025 

 Tous Survelliantz seront tenus de Nous donner advertissement et noms des curés qui tiendront femmes suspectes, et de la vie et meurs d'iceulx..

  A023003028 

 Plus, que les osties des communions seront consumees de trois septmaines en trois septmaines..

  A023003050 

 Et en cas de refus et empeschemens, seront les possesseurs contraincts au payement de la quote accoustumee et dont les parties seront d'accord, et qualité des fruicts decimables; nonobstant opposition ou appellation, et sans prejudice d'icelle, en prestant par les supplians la caution offerte..

  A023003050 

 Veu par le Senat ladicte Requeste presentee par lesdicts seigneurs demandeurs et supplians y nommés, du premier de ce mois, ensemble les dictes lettres par eux obtenues de Son Altesse, du dernier janvier, ensemble les Articles y attachés, et autre Requeste presentee a sa dicte Altesse dudict jour de janvier, avec les conclusions du Procureur general, signé FAVIER, et tout ce qui faisoit a voir et [420] considerer, et qu'a esté produict et remis par devant le Senat, veu et consideré: Le Sénat, en enterinant quant a ce lesdictes lettres et Articles y annexés, a dict et ordonné que les supplians seront maintenus en la possession, jouissance et perception des dismes, premices et novelles y mentionnees, chacun en droict soy et riere leurs dismeries respectivement: le tout selon la coustume locale et ancienne observation des lieux ou lesdictes dismes, premices et novelles y sont deues, tant par la quote que qualité des fruicts decimables.


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000007 

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  A024000007 

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  A024000018 

 VI. Requête des chanoines de la Collégiale de Samoëns au sujet d'une dévotion en l'honneur des saints Fabien et Sébastien, et Ordonnance de saint François de Sales, 15 septembre 1618, (Inédit).

  A024000022 

 III. Nomination d'un coadjuteur en faveur du Curé des Clefs, 12 novembre 1603, (Inédit).

  A024000024 

 V. Requête des syndics et paroissiens de Veyrier, demandant la visite de leur Evêque, et décret de celui-ci, 6 novembre 1604, (Inédit).

  A024000025 

 VI. Requête des paroissiens de Domancy, sollicitant la confirmation du vœu fait en 1596 de chômer plusieurs fêtes, et approbation de saint François de Sales, 18 décembre 1604, (Inédit).

  A024000030 

 Requête de M. Nicolas Clerc, Curé de Saint-Félix, au sujet de différends survenus avec ses paroissiens pour les sépultures et l'entretien des cordes des cloches, et décret de saint François de Sales, 2 juillet 1606, (Inédit) 38.

  A024000047 

 XXVII. Approbation d'un accord passé entre le Prieur des Feuillants d'Abondance et le Curé du lieu, M. Jean Moccand, 19 octobre 1611, (Inédit).

  A024000048 

 XXVIII. Supplique des habitants de Macherine au sujet d'une chapelle récemment érigée par eux, et décrets de saint François de Sales, 24 mai 1612, (Inédit).

  A024000051 

 XXXI. Approbation et homologation des conditions faites entre M. et M me de Bonivard et le Curé d'Allinges pour la dotation d'une chapelle fondée par les premiers, 29 janvier 1613, (Inédit).

  A024000052 

 XXXII. Sentence au sujet d'un différend entre le Curé des Ollières et Aviernoz et trois de ses paroissiens, 27 juin 1613.

  A024000055 

 XXXV. Supplique de M. Nicolas Clerc, Curé de Saint-Félix, touchant la procession mensuelle des confrères du Saint-Sacrement, et décret de saint François de Sales, 11 juillet 1614, (Inédit).

  A024000056 

 XXXVI. Supplique des paroissiens de La Giettaz touchant le service et entretien des chapelles de leur église paroissiale, et décret épiscopal, 11 octobre 1614, (Inédit).

  A024000059 

 XXXIX. Supplique des syndics et notables de Bonne au sujet de M. Jean-François du Martherey, et acte d'institution de celui-ci pour vicaire perpétuel de la paroisse, 29 avril 1616, (Inédit).

  A024000064 

 XLIV. Requête de M. Gaspard de Lucinge et des paroissiens de Sales demandant la séparation de leur cure de celle de Cranves et un prêtre pour la desservir, et décret épiscopal, 20 et 21 février 1618, (Inédit).

  A024000065 

 XLV. Approbation et homologation d'une donation en faveur des Curés d'Epagny, 21 février 1618, (Inédit) 69.

  A024000066 

 XLVI. Projet de transaction entre le Prévôt de Mont-Joux et le Curé des Allinges, 29 mai 1618, (Inédit) 70.

  A024000068 

 XLVIII. Reconnaissance des reliques de saint Joyre, faite au prieuré de Saint-Jorioz, 22 juillet 1618.

  A024000069 

 XLIX. Supplique des syndics et paroissiens de Saint-Félix touchant la célébration de la fête de saint Grat, et décret épiscopal, 7 et 8 septembre 1618, (Inédit).

  A024000071 

 LI. Deux suppliques au sujet des Altariens et du service religieux de la paroisse de Rumilly, et décrets de saint François de Sales, 17 mars 1620, (Inédit).

  A024000075 

 LV. Supplique des paroissiens de Tully au sujet des réparations à faite à leur église, et décret épiscopal, 4 juin 1621 79.

  A024000076 

 LVI. Commission à MM. de Blonay et de Châtillon d'examiner une requête des paroissiens de Lully, 11 juin 1621 79.

  A024000080 

 D - Documents qui concernent des membres du clergé.

  A024000099 

 E - Documents qui concernent des religieux.

  A024000105 

 V. Pouvoirs accordés à des Pères Capucins du diocèse de Genève, 17 mai 1612.

  A024000106 

 VI. Pouvoir accordé à Dom Jean de Saint-Pasteur, Prieur des Feuillants d'Abondance, et à ses successeurs, 18 mai 1612.

  A024000107 

 VII. Testimoniales en faveur de deux Cordeliers du couvent d'Annecy se rendant en celui des Récollets de Grenoble, ou autre de la même observance, [entre le 8 mars et le 15 avril?] 1613, (Minute inédite) 110.

  A024000111 

 XI. Procès-verbal de la consécration de l'église des Capucins de Thonon, 9 juillet 1617.

  A024000114 

 XIV. Renouvellement des pouvoirs d'exercer le ministère dans le diocèse, accordé au Père André de Constance, du Tiers-Ordre de Saint-François, 26 janvier 1618, (Inédit).

  A024000120 

 F - Documents qui concernent des laïques.

  A024000145 

 II. Homologation du contrat d'introduction des Barnabites au Collège Chappuisien d'Annecy, 1 er décembre 1614, (Inédit).

  A024000147 

 Règles fondamentales des régents du Collège, 2 juin 1617, (Inédit).

  A024000148 

 Approbation des Statuts en faveur de la fondation du Collège, 2 juin 1617, (Inédit).

  A024000150 

 IV. Approbation de la fondation d'une Messe perpétuelle pour la Maison de Savoie en l'église des Barnabites d'Annecy, 13 mai 1619, (Inédit).

  A024000152 

 Première supplique des Pères Barnabites a saint François de Sales.

  A024000153 

 Deuxième supplique des Pères Barnabites.

  A024000154 

 Troisième supplique des Pères Barnabites.

  A024000156 

 Quatrième supplique des Pères Barnabites.

  A024000168 

 B. Extraits des Déliberations du Conseil de Ville d'Annecy au sujet de la procession de la Fête-Dieu 163.

  A024000175 

 C. Transaction entre le Chapitre de la Cathédrale et la Collégiale de Notre-Dame de Liesse d'Annecy au sujet des droits de préséance aux processions.

  A024000176 

 D. Sommaire du Briefz octroyé par le Traissaintz Père Paul, Pape, cinquiesme, en confirmation des Confrairies du Tressainctz Sacrement instituees au diocese de Geneve.

  A024000179 

 G. Memoire des interrogats a faire au sieur Boucard sur sa personne et sa conversion.

  A024000182 

 Acte d'érection de la Confrérie du saint Nom de Jésus dans la paroisse d'Abondance, par le Père Bernardin de Charpenne, Prieur des Dominicains d'Annecy.

  A024000188 

 III. Sommaire des Statuts de la Confrérie et Indulgences accordées a celle-ci par Sa Sainteté Paul V, 1607 213.

  A024000194 

 V. Publication d'Indulgences en faveur des membres de la Confrérie de Notre-Dame de Compassion, 1 er mai 1607 219.

  A024000196 

 VII. Sommaire des avis précédents, [6-15 juillet 1607?], (Minute inédite).

  A024000198 

 Mémoire touchant les prétentions des Chevaliers des saints Maurice et Lazare sur la Sainte-Maison, [fin mai ou juin 1613?], (Inédit).

  A024000202 

 II. Homologation de l'acte des Chanoines de Sixt du 30 décembre 1617, 23 janvier 1618.

  A024000206 

 I. Délégation à M. Jean Favre pour l'introduction des Pères Feuillants à Abondance, 2 mai 1607.

  A024000209 

 I. Premier projet des Règles des Ermites du Mont-Voiron et Décrets épiscopaux, 9 mai, 7 juin et 16 juillet 1620, (Inédit).

  A024000211 

 Declaration notable des Hermites.

  A024000212 

 Elections des sainctz Patrons de cest hermitage et ses Hermites.

  A024000217 

 Exceptions des dictes Reigles.

  A024000223 

 II. Abrégé des Constitutions des Ermites du Mont-Voiron.

  A024000224 

 III. Lettres patentes en faveur des Ermites du Mont-Voiron, 31 août 1622.

  A024000227 

 II. Mémoire adressé à la sacrée Congrégation des Réguliers en faveur des Religieuses de Savoie, mai 1613, (Inédit) 274.

  A024000230 

 A Monseigneur le Serenissime Prince pour le restablissement de la discipline reguliere es Monasteres des hommes de deça les montz.

  A024000231 

 A Monseigneur le Serenissime Prince pour la reformation des Monasteres des filles de l'Ordre de Cisteaux 280.

  A024000234 

 B. Sommaire des Statuts et regles de la Confrerie de Nostre Dame de Compassion.

  A024000284 

 C'est pourquoi, avant tout, Nous exhortons vivement tous les fidèles des deux sexes, les membres du clergé tant séculier que régulier, de tout Ordre et dignité, d'assister à la procession générale dans laquelle est porté ce Corps redoutable; et même, autant que Nous le pouvons dans le Seigneur, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication latæ sententiæ (à moins d'empêchement légitime), Nous prescrivons à tous de participer à cette procession solennelle avec les ornements sacrés et la pompe convenable.

  A024000286 

 Après le Saint-Sacrement prendront place les fidèles [6] des deux sexes dans l'ordre et la pompe que, selon leur dévotion à ce grand mystère, ils ont eu jusqu'ici la coutume d'apporter à cette procession..

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000287 

 Celui qui s'en écarterait encourrait ipso facto, la peine d'excommunication latæ sententies, en dépit de tout et tout pourvoi [7] écarté; sans préjudice, néanmoins, des droits, s'il en existe, et des prétentions de l'église collégiale de Notre-Dame de Liesse.

  A024000305 

 Je m'asseure que, par vostre prudence, il sera prouveu a mon contentement et des sieurs desdictz Chappitres.

  A024000312 

 R d messire Loys de Sales, Prevost de Sainct Pierre [de] Geneve, remonstre, parlant au nom de tout le Chappitre de Sainct Pierre, quil n'estoit possible de mettre de chasque cousté gauche ung chanoenne de l'eglise Collegiate de Nostre Dame, attendu la disparité du nombre des uns et des autres; et partant, il requiert que le sieur Doien de Nostre Dame deubt esclaircir l'intention de mon-dict Seigneur de Vienne, laquelle il a receu verbalement, outre la lettre quil Nous a appourté.

  A024000314 

 Et partant, vous supplie, Monseigneur, commander audict sieur Doien et Chanoennes declerer silz ont faict telle plainte et ont informé mondict Seigneur Archevesque de Vienne des cas cy dessus contenus.

  A024000314 

 « Nous voyons par ceste lettre et le discour d'icelle, que mondict Sieur de Vienne, a l'occasion d'un advertissement quil a heu [11] de plusieurs chiefz et cas advenus narrés en icelle, que ledict Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur, estant ledict cueur occupé par mondict Seigneur le R me, lesdictz Prevost et Chanoennes de son Eglise; et que l'on collige probablement d'icelle que plainte a esté faicte de la part des sieurs Doien et Chanoennes, lesdictz Prevost et Chanoennes de Geneve leur avoir denyé et donné empechement formel de ne louer Dieu et chanter en ladicte eglise et procession les uns avec les autres.

  A024000316 

 A quoy replicquant, ledict sieur Prevost a dict [à] mondict Seignieur: « Il ne conste de la volonté pretendue de mondict Seigneur de Vienne que par une lettre, laquelle ne faict aucune mention des jugemens rendus sur ce faict par sa justice, mesme de la sentence provisionelle rendue l'annee passee en jugement contradictoire a l'encontre desdictz sieurs de Nostre Dame; par vertu de laquelle, vous, Monseigneur, commandates l'ordre qui fust tenu l'annee passee, laquelle sentence, comme dict est, n'a esté infirmee ny revocquee par jugement definitif.

  A024000323 

 Et mesme il ny a pas long temps qu'a l'action de grace que fust faicte en vostre Eglise pour la naissance du Prince d'Hespagne, que on logea leurs [14] chantres au pres des nostres et chanterent le Te Deum laudamus alternativement, protestant neantmoins que telle permission ne deroge a leur droict, estant faicte comme courtoysye..

  A024000325 

 Et la ou il plairoit, au prejudice dudict jugé et execution d'icelluy, nous commander quelque chose, nous vous prions ne treuver mauvais que nous nous opposions, comme nous faisons des a present.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000329 

 Que l'ordre observé l'annee passee s'observera la presente annee, sauf au sieur Doyen et Chanoynes de Nostre Dame de pouvoir se trouver dans le chœur de Saint Maurice, et a la main gauche des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise pour, avec eux ensemblement, respondre a la Messe que Nous ou Nostre Vicayre general celebreront.

  A024000330 

 Si commandons et enjoignons tres expressement, en vertu de la sainte obedience, et ce, sous peyne aux contrevenans, silz sont particuliers, d'excommunication ipso facto incurrendæ, et si c'est un des Cors, d'interdit, d'observer cette presente Nostre ordonnance, laquelle Nous avons declairee executoire, nonobstant opposition et appellation quelcomque..

  A024000351 

 Apres avoir ouy bien au long les parties et veu les titres et contractz par elles respectivement produitz, notamment de la part des dictes demanderesses, ausquelz sont les confins et limites speci fiez ou lesdictes Dames doivent prendre.

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000355 

 Le tout sans despens ny restitution des choses perceues d'une part et d'autre, et sans prejudice de plus amples droictz aux parties, si aucuns elles en ont au petitoire..

  A024000356 

 Si avons commis et commettons M e Jean Dupont, scribe du sieur President, arbitre, pour expedier aux parties des extraitz, affin de s'en servir et valoir ainsy que de raison..

  A024000384 

 Il aura aussi le droit, au cas où le conseil du Chapitre pourrait difficilement être attendu, d'infliger des peines, et de condamner soit à la privation des distributions, soit même à la prison.

  A024000388 

 De même, le Doyen doit avoir la charge des âmes de tous les chanoines, des prêtres et des autres serviteurs de ladite église, et aussi de la correction, de la punition et du transfert.

  A024000388 

 En l'absence du Doyen, le Chapitre s'occupera des fautes commises ou des omissions imputables aux personnes susdites, au sujet de l'Office divin ou de toute autre chose, pourvu qu'il ne s'agisse de crimes graves, car alors Nous laissons le soin de les punir à l'Ordinaire du lieu.

  A024000388 

 [22] Ceux qui, pour des fautes ou excès légers, auront été punis ou corrigés, ne pourront plus être molestés, en quelle manière que ce soit, par l'Ordinaire du lieu ou tout autre..

  A024000396 

 Reverend sieur messire Philippe de Quoex, prestre, né en loyal mariage et noble, tant de la part de son pere que de sa mere ayant presenté des lettres d'institution et provision obtenues de Nous le 6 janvier 1615, pour le [23] canonicat lhors vacant en Nostre Eglise par le deces de feu R. S r Claude Estienne Nouvelet, decedé en l'an 1613, au mois d'octobre, au venerable Chapitre de Nostre ditte Eglise: les RR. SS rs Louis de Sales, Prevost, Jean François de Sales, chantre, Estienne de la Combe, sacristain, Jean Favre, Marc Anthoine de Valence et Janus des Oches, deputés par iceluy Chapitre de Nostre Eglise, se sont presentés devant Nous et, avec les termes et reverence convenables, Nous ont fait plusieurs remonstrances, requisitions et protestations, tant pour la conservation du droit quilz ont d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise es mois de mars, juin, septembre et decembre, comm'aussi pour l'observation des autres privileges et prerogatives desquelles Nostre ditte Eglise et le Chapitre ont accoustumé de jouir... [24] Toutes lesquelles remonstrances, requisitions et protestations Nous avons declairé et declairons, tant pour Nous que pour Nos successeurs quelconques:.

  A024000397 

 Lequel Chapitre en est en paysible et non jamais alteree ni interrompue jouissance, possession et coustume des un tems immemorial, ainsy qu'il conste et appert par plusieurs bons tiltres et documens, et par la continuation de l'usage dudit droit; lequel, comme bon, legitime et solide, et tel reconneu par Nous, non seulement Nous ne voulons en sorte quelconque violer ni contredire, mais plustost, entant qu'en Nous seroit, Nous voudrions maintenir, confirmer et entretenir, selon le devoir que Nous avons a la conservation des droitz, privileges et biens de Nos ditz Eglise et Chapitre..

  A024000398 

 Secondement, Nous declairons ne devoir ni pouvoir prouvoir desditz canonicatz et præbendes que personnes bien et deuement qualifiees, selon les decretz du saint Concile de Trente, et specialement selon les privileges et concessions des Papes faitz en faveur de Nostre ditte Eglise et les Statutz de Nostre dit Chapitre....

  A024000412 

 Comme en l'annee derniere 1613, et le mercredy, troisiesme jour de julliet, les scindicz de la ville dudict Samoen, tant a leurs noms que des aultres procureurs et tout le peuple de ladicte ville et parroisse dudict Samoen, assemblé en la sacristie de l'eglise dudict lieu, en presence des conseilliers et partie des apparentz de ladicte ville, auroient prié et requis les suppliantz de celebrer tous les mercredys, durant une annee entiere, une Grande Messe a l'honneur de Dieu et des glorieux saintz Fabien et Sebastiain, et, a l'issue d'icelle, fere la procession a l'entour de ladicte eglise, avec le cantique ou prose de Sebastiain, ainsy qu'appert par la memoire de la devotion prinse et prieres sur ce faictes, signee par lesdictz sieur Chastelain de Cornut, de Lestelley et aultres des illec assistantz; avec promesse lhors verbalement faicte..., de reconnoistre et recompenser honnestement le sallaire desdictz suppliantz, obligeantz par ce moyen tout le Chappitre, assisté de deux clercz de chœur, et de la peyne du maniglier occasion de ladicte procession..

  A024000413 

 Laquelle devotion estant benignement receuë... lesdictz suppliantz auroient poursuivy, puis accomply, par la grace de Dieu, [27] leur debvoir si bien qui leur a esté possible desja des le mois de julliet escheu, sans quilz ayent perceu aucune chose pour leur-dict sallaire, des clercz de choeur et maniglier.

  A024000443 

 Et pour que de la chapelle on puisse voir commodément le maître-autel, le fondateur demande d'ouvrir deux des arcs fermés du côté droit, et de les munir de plaques et comme de grilles de fer, en sorte que l'accès ne soit pas libre ni d'un côté ni de l'autre.

  A024000444 

 De ce recteur il s'est réservé à perpétuité la nomination, la présentation (c'est-à-dire le droit patronal de le présenter), pour lui-même et ses légitimes successeurs, hommes et femmes, aussi bien pour l'election du premier titulaire comme pour celle des autres à venir, que la vacance se produise par voie de mort, de renonciation, de permutation, ou par toute autre cause.

  A024000444 

 Pour assurer le paiement des cent cinquante florins ci-dessus au recteur en fonction et légitimement pourvu, le fondateur hypothèque et engage [31] tous les biens, existant aujourd'hui et futurs, appartenant à lui et à ses légitimes successeurs dans le duché du Chablais; en sorte, cependant, qu'il soit permis à lui-même et à ses successeurs de racheter la susdite redevance de cent cinquante florins quand ils le voudront, moyennant toutefois le paiement de deux mille florins de même monnaie, à appliquer à perpétuité à l'usage de la chapelle et du recteur.

  A024000444 

 Une fois achevé soigneusement tout cela, il munira la chapelle des ornements, du calice et de tout le nécessaire au Saint Sacrifice, et la dotera d'une redevance de cent cinquante florins en monnaie de Savoie pour l'usage de son recteur.

  A024000445 

 Nous défendons au recteur de l'église paroissiale de la Compassion de la Bienheureuse Marie, et à tous autres clercs de cette église, ainsi qu'aux syndics de la ville de Thonon, à tous et à chacun des paroissiens, d'empêcher en quelque façon que ce soit la construction de cette chapelle, sa dotation, l'usage du droit de patronage et de sépulture, pour le marquis et tous ses successeurs.

  A024000445 

 Nous ordonnons donc à Notre très cher dans le Christ, Vicaire général de Notre Evêché pour le spirituel et le temporel, de faire en sorte que le très illustre et très magnifique marquis et ses successeurs, hommes et femmes, jouissent pleinement des droits ci-dessus, tout empêchement étant écarté..

  A024000456 

 Quod nobilis et potens vir Joannes Ludovicus de Bonnivard, presidii Serenissimi Ducis Sabaudiæ loci des Alinges nuncupati Prefectus, et charissima ejus uxor Anna [34] Maresche, dicta de Duyn, Nobis exposuerunt quod in parrochiali ecclesia Alingiorum fuerit quædam capella sub vocabulo Beatæ Mariæ Virginis et Sancti Claudii erecta, quæ per Bernenses ac Gebennenses hæreticæ pravitatis viros, a sexaginta aut circiter annis patriam invadentes funditus diruta et exterminata, ut ne vestigium ipsius, nec aliquorum fructuum aut jus patronatus habentis reperiatur, licet per rectorem ipsius parrochialis ecclesiæ tribus Dominicis continuis prævia monitione sufficienter fuerint evocati..

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000470 

 A ces fins, ils Nous nomment et présentent M. Pierre Mojonier, actuellement recteur de l'église des Allinges, et pour la suite ses légitimes successeurs dûment pourvus, en sorte que leur mense soit augmentée de ce revenu de vingt-cinq florins, sous la charge néanmoins d'une Messe basse le lundi de chaque semaine à l'intention des défunts, à moins que cette Messe ne doive être transférée à un autre jour pour une cause légitime.

  A024000470 

 En corroboration de cette dotation de vingt-cinq florins, ils engagent et hypothèquent tous leurs biens et ceux des leurs jusqu'à ce que satisfaction légitime soit donnée au recteur au moyen de prés, champs ou vignes achetés par les fondateurs susnommés ou leurs légitimes successeurs, et rendant chaque année la somme de vingt-cinq [36] florins.

  A024000470 

 Ils paieront en outre, chaque année, vingt-cinq florins à attribuer au curé de l'église paroissiale des Allinges en fonction.

  A024000470 

 Ils sont disposés à faire tout cela pour le repos de l'âme de tous leurs aïeux, pour leur propre salut et celui des leurs, si toutefois Nous y consentons..

  A024000470 

 Ils veulent aussi être inhumés et ensevelis, eux et leurs légitimes successeurs, des deux sexes, dans la même chapelle.

  A024000471 

 Nous donc, Evêque et Prince de Genève, accueillant favorablement la demande si raisonnable du noble couple de Bonivard, lui accordons licence et faculté d'édifier dans l'église des Allinges et à l'endroit indiqué la susdite chapelle en l'honneur de la Bienheureuse Marie et de saint Claude.

  A024000487 

 Nos, his rationibus adducti, de vitæ et morum honestate, necnon de tua idoneitate, sufficientia et capacitate debite certiores facti, te propterea in regimen parrochialis ecclesiæ Sancti Nicolai loci des Clés, Sacramentorum ecclesiasticorum in eadem collationem, fructuumque administrationem, coadjutorem decernimus, constituimus et deputamus.

  A024000496 

 COADJUTORERIE DE L'ÉGLISE PAROISSIALE DE SAINT-NICOLAS DES CLEFS.

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000502 

 Nous, poussé par les raisons susdites, et dûment informé de votre honnêteté de vie et de mœurs, ainsi que de vos aptitudes et capacité suffisantes, vous décrétons, constituons et députons comme coadjuteur, pour diriger l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, pour y distribuer les Sacrements de l'Eglise et en administrer les revenus.

  A024000523 

 Il estime devoir obtenir ce résultat plus facilement et plus heureusement, si l'esprit des fidèles est alléché par des Indulgences..

  A024000524 

 Aussi Nous, qui approuvons ce pieux dessein et qui devons avoir à coeur le profit spirituel des voyageurs, avons accordé quarante jours d'Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise, à gagner toties quoties, à tous ceux qui visiteront dévotement ledit oratoire et y réciteront une fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique pour la conversion de ceux qui errent dans la foi, s'ils sont confessés ou tout au moins contrits.

  A024000539 

 Soit adverti au prosne et affigé a la porte de la parroisse, et convoqués tant messieurs les curés que recteurs des chappelles contenues en laditte eglise, et tous autres quil appartiendra..

  A024000543 

 Revu sur l'original inséré dans le Registre des Visites pastorales de 1604-1605, de l'ancien Evêché de Genève.

  A024000553 

 Des quelles choses sus escriptes, ledict Mauris Humbert, scindic moderne, au nom de toutte la comunaulté a demandé a moy, notaire soubsigné, leur en conceder un acte pour eulx en servir en temps et lieux requis: ce que leur ay accordé..

  A024000569 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte écrit ci-dessus, reçu et signé le 16 août 1596 par l'honorable notaire du Gerdil, et après avoir examiné avec grand soin tout ce qui y est contenu, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et tout ce qu'il renferme, comme Nous le confirmons et approuvons par la teneur des présentes.

  A024000578 

 Visitans es jours de saint François et des Saintz de son Ordre les eglises des Religieux d'iceluy, Indulgence pleniere..

  A024000581 

 Pacifians les inimitiés ou accompagnans les cors des confreres decedés a la sepulture, 100 jours d'Indulgence..

  A024000584 

 En fin, visitans l'autel Saint François et disant devant iceluy six Pater et six Ave Maria en la façon portee au 2 e article, gaignent autant Indulgences que silz visitoyent personnellement l'eglise Sainte Marie des Anges en Assise, les eglises de Rome, de Hierusalem et de saint Jaques de Galices, et tout le long du Caresme les Indulgences et stations de Rome..

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000624 

 Expose en toute humilité R. M re Nicolas Clerc, prestre, Protonotaire apostolique et Curé de S t Felix: comme le 21 du passé, a vostre visite faite de la paroisse de S t Felix, il vous auroit remonstré comme plusieurs, sans droict ni authorité, se sont fait enterrer, sepulturer dans l'eglise dudit S t Felix sans vouloir contribuer pour la reparation de l'eglise; ce qui cause souvent des querelles.

  A024000624 

 Laquelle remonstrance, par la multiplicité d'autres affaires, demeura irresolue; pour a quoy remedier, vous plaise ordonner comme l'on se devra regler, tant des sepultures desja cy devant sans droict faites, comme celles du temps a advenir..

  A024000625 

 Expose encores le Rev. Curé: comme par cy devant les paroissiens et luy ont esté en conteste de faire des cordes aux cloches, disant lesdits paroissiens n'y estre tenus, et au contraire le Curé remonstroit que les cloches ne sont faites pour luy, mais pour appeller les paroissiens a leur devoir; et que mesme ils ont fait et sont tenus maintenir non seulement les cloches, mais le clocher: qui fait paroistre y avoir lieu a la fourniture et maintenance des [51] cordes, comme dependances du clocher.

  A024000628 

 Et pour le regard des cordes des cloches, est enjoint aux parroissiens de les maintenir et entretenir.

  A024000636 

 Vidimus præscriptum fundationis, donationis et augmentationis instrumentum a nobili domino Guillermo de [52] Riddes, domino des Jalliets, præcipuo dictæ fundationis auctore, ac nobilibus Francisco ac Joanne Francisco de Riddes, ejusdem Guillermi fratribus, factæ; cumque prædicta fundatio, dotatio, donatio et augmentatio majorem in modum Dei gloriam populique salutem augeat, eam merito non modo probandam, sed quoad per Nos fieri potest, laudandam, efferandam et confirmandam censuimus, et hoc Nostro decreto confirmamus et omologamus prædictis nobilibus fratribus fundatoribus et augmentatoribus, ob præclarum hujusmodi domum, erga Catholicam religionem et cultum divinum pietatis ac observantiæ [53] testimonium, centuplum in hoc sæculo et vitam æternam in futuro, secundum Christi promissa, exoptantes et postulantes..

  A024000646 

 Nous avons vu l'acte écrit ci-dessus de la fondation, donation et [52] augmentation faite par noble Guillaume de Riddes, seigneur des Jalliets, principal auteur de cette fondation, et les nobles François et Jean-François de Riddes, frères du dit Guillaume.

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000662 

 L'an 1606, le 15 septembre, je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur de la Bienheureuse Vierge [54] Marie et de saint Claude, et j'y ai renfermé des reliques des quarante mille Martyrs.

  A024000671 

 Dequoy le messager et questant faict quelque peu de difficulté, sur l'opinion de certains offrantz ordinaires et quelques particulliers, lesquels, plustost pour envie qu'aultre devotion, ne voudroyent observer lesdictes coustumes, nonobstant que la plus-part des bons parroissiens le veulent; qu'est cause d'un grand bruict et clameur dans ladicte esglise (chose malsonnante au peuple), voulant distribuer l'offrande a leur playsir, sans avoir esgard auxdictes coustumes que ledict questant voudroit plus particullierement observer qu'iceulx....

  A024000671 

 Et a cause dudict bruict et clameur du peuple, iceulx suppliant et questant sont aucunes foys contrainctz leur quicter l'esglise et oblation... L'annee passee ledict questant, nonobstant leur cri, fut d'accord qu'a forme des coustumes, ledict suppliant prist et levast comme dessus, et du reste la troysiesme partye, comme se verra par une quictance qu'il en fit, signee Pasqual..

  A024000671 

 Expose a Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie messire Pierre Vallet, curé de Vacheresse, disant que toutes les annees, le jour de Dimanche des Rameaux, les parroissiens dudict Vacheresse ont devotion faire offrande de formage a Dieu et a sainct Anthoine en l'eglise parroissiale dudict Vacheresse, a heure de Vespres; la ou se trouve un prebstre, de la part de sainct Anthoine, pour retirer la part de l'offrande, apres que le curé a prins et levé une grande piece de formage pour soy et une pour le recteur de [55] la chapelle Nostre Dame fondee en ladicte esglise, et une que le maniglier tire pour sa part, a forme des coustumes anciennement observees.

  A024000674 

 Nous avons inhibé et inhibons aux laïcz n'entreprendre sur le despartement et distribution des offrandes lesquelles auront esté offertes et dediees a Dieu, et ordonnons aux sieurs Curé et commis de saint Anthoine de continuer en leurs coustumes anciennes pour ce regard.

  A024000684 

 Supplie humblement vostre devot orateur M re Pierre Gros, prebstre, curé de Lullin, disant que les exacteurs des decimes ecclesiasticques de vostre Eveché l'auroyent interpellé pour le payement de quattre vingtz florins esquelz se treuve estre tiré sadicte cure.

  A024000685 

 Ce consideré, Monseigneur, et que ladicte cure est despendante dudict prieuré de Bellevaux, vous playse declayrer que ledict suppliant sera distraict et rayé des cottizés pour lesdictes decimes, et qu'inhibitions soyent faictes aux exacteurs de proceder a aulcune execution en son prejudice, saltem par provision, jusqu'autrement soyt cogneu.

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000697 

 Et attendu que par le saint Concile de Trente il est ordonné et establi que telles portions congrues s'assigneront en fons, avons ordonné et ordonnons que tant lesditz seigneur Prieur que Curé modernes conviendront de prudhommes et d'expertz dans six moys, pour prendre desditz dismes, tant en blé qu'en vin, qui puisse rendre par communes annees vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin; qui seront desunis dudit prieuré et unis a la parrochiale de Versonnex pour le supplement de la portion congrue par Nous sus adjugé; condamnant en outre ledit seigneur Prieur de delivrer pour l'entretien du sieur Curé, pour la presente annee, a commencer des le jour et feste de saint Jean Baptiste mil six cens et sept, laditte quantité de [59] vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin..

  A024000702 

 Revu sur le texte inséré dans le Registre des Visites pastorales de 1604-1605, de l'ancien Evêché de Genève..

  A024000709 

 Nous avons ordonné que le revenu d'icelle eglise, qui despend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens, sera employé dores-en avant en distributions quotidiennes, et selon le roolle ci joint signé de Nostre main; en sorte neanmoins que les florins seront reduitz a certaine quantité de solz, telle quil sera requis pour sauver sur ledit revenu les charges ordinaires quil faut supporter..

  A024000710 

 Et a cet effect, sera deputé un normator qui prestera serment entre les mains du sieur Curé, et en la presence neanmoins des autres de ladite communauté, de bien et justement marquer les presens..

  A024000712 

 Et pour le regard des biens ci devant mal alienés, Nous enjoignons a la communauté desditz Altariens de prendre dans la quinzaine un monitoire, pour iceluy faire publier aux fins de revelation des alienations ci devant faites, pour, selon icelles revelations, lesquelles Nous seront rapportees, estre par Nous prouveu par rayson..

  A024000723 

 Revu sur le texte inséré dans le Registre des Visites pastorales de 1604-1605, de l'ancien Evêché de Genève..

  A024000731 

 Premierement, que tout le revenu d'icell'eglise qui depend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens sera partagee (sic) doresenavant en deux partz egales: desquelles, l'une sera appliquee en prebendes egales qui seront distribuees a un chacun des ecclesiastiques desquelz ladite communauté est composee, et l'autre part sera appliquee en distributions quotidiennes..

  A024000734 

 A chasque Mattines des festes solemnelles, en nombre de 16 ........................... 4 solz.

  A024000737 

 Les Altariens sont obligés de faire leurs semaines des deux Messes: l'une matiniere, et l'autre seconde; au mercredi et samedi, qu'ilz disent les Messes anniversaires, elles suppleent a la seconde.

  A024000737 

 Mais les sieurs Prieur et Curé ne sont point obligés de faire leurs semaines, sinon pour la Messe matiniere; comm'aussi lesdits Altariens ne sont point obligés d'assister aux Grandes Messes quotidiennes ni a celles des festes, hormis a celles des festes solemnelles.

  A024000739 

 Feront un procureur et normator qui prestera serment es mains des sieurs Prieur et Curé..

  A024000749 

 Sçavoir faisons que messire Guilliaulme Coudurier, prebstre, Curé de la parroisse de Sainct Lazare du lieu de Feigieres, au balliage de Ternier, se seroit presenté ce jourdhuy, quattriesme jour de juing mil six centz et neufz, par devant Nous, en Nostre palaix, lieu de Nostre accoustumee residence en la ville de Nicy; lequel auroit presenté requeste tendant a ce que portion congrue luy fust assigné, et ce faisant, qu'il Nous pleut d'ordonné que Reverend messire Janus des Osches, prebstre, Sacristain et chanoienne de l'eglise Collegiate de ceste ville de Nicy, en qualité de Curé de l'eglise parrochiale de Sainct Jullien audict balliage de Ternier, seroit tenu et contrainct relascher une corne du dixme qu'il prend et perçoipt riere la parroisse de Feigieres, attendu quil n'a portion congrue..

  A024000750 

 A quoy seroit esté replicqué par ledict sieur des Osches, present Curé dudict Sainct Jullien, que ledict messire Guilliaulme Coudurier dudict Feygieres, au contraire, avoit plus que pourtion congrue, puisque il avoit possedé ladicte cure de Feigieres par l'espace de huict annees sans avoir jamais demandé ladicte portion congrue ny le dixme quil demande a present, a feu M re Scipion Machet, jadis Curé dudict Sainct Jullien.

  A024000751 

 Et appres plusieurs replicques faictes d'un cousté et d'aultre, Nous aurions, pour bien de paix, dict et ordonné que ledict S r des Oches, Curé de Sainct Jullien, et ses successeurs en ladicte cure, paieront annuellement, a chescune feste de sainct André, au Curé dudict Feigieres de present et a ses successeurs en ladicte cure, la quantité de cinq coppes de froment, mesure de Ternier.

  A024000754 

 DES OCHES. G. COUDURIER..

  A024000765 

 Ce consideré, vous plaise leur donner l'une des chapelles estantz dans ladicte esglise, pour s'en servir comme sus est dict.

  A024000766 

 Apres avoir veu et consideré le proces verbal dressé par le sieur de Ronis, par Nous commis pour entendre la verité des choses exposees par les autres requestes a Nous ci devant presentees par les sieurs supplians, et ayant esgard a icelles, assignons a iceux supplians la chapelle de Saint Laurent; a la charge quilz la maintiendront, orneront et feront les autres incombences, selon les offres par eux faittes, et mesme celle de l'augmentation du revenu..

  A024000773 

 Nous publions et annonçons par les presentes, le Briefz Apostolique sus designé, et extraictz, confirmans, en vertu d'iceluy, la Confrairie erigee en l'eglise du grand Sainctz [69] Felix en Genevois, laquelle il Nous appert avoir esté canoniquement instituee; et communicons, en faveurs des confreres d'icelle, tant presentz que futurs, toutes les Indulgences et graces sus escriptes..

  A024000775 

 Nous exhortons en fin, au nom de Dieu, Nostre cher peuple de ladite parroisse de se rendre devot a ceste Confrairie, tant pour participer aux graces, Indulgences et benedictions Apostoliques concedees pour icelle, que pour tesmogner le zele quil a et doit havoir a ce tres divin, tres adorable et tres auguste Sacrement qui contient le Sauveur et Redempteur de noz ames, au quel soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A024000790 

 L'an du Seigneur 1610, le 22 février, Nous avons consacré ce maître-autel en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie et du Bienheureux Antoine, et Nous y avons enfermé des reliques du Bienheureux Antoine et du Bienheureux Théodule.

  A024000801 

 Revu sur l'Autographe inséré dans le Registre des Visites pastorales de M gr J.-F. de Sales, 1630-1636, conservé aux Archives départementales de la Haute-Savoie, Série G..

  A024000810 

 Supplie treshumblement discret Nycolas, clerc, filz d'honnorable Guilliame Perroulaz, du lieu des Vorsiers, parróesse et bourgeois de Sallanche:.

  A024000811 

 Disant comme en l'annee 1598 le supplient se trouva malladieux d'une grave maladie et lointaine, que quoy lhors il fust jeusne d'aage, inspiré du Saint Esprit, tant pour l'allegement en sa malladie que fere continuel service a Dieu, pour estre sitoys en lieu [72] solitaire, loing de l'esglise parroissiale de Sallanche, subject a passer revieres impetueuses, du temps d'esté descendantes des haultes montagnes, et d'yver de longue traicte parmy les bois subject aux bestes feroces et aux incommodités des neges: en consideration dequoy, icelluy Nycolas Perroulaz, inspiré comme dessus, fit veu a Dieu et a sa tressacree Mere, luy fasse la grace pouvoir retorner en convallecence, en promectant au mesme moien de fere bastir, a [sa] requeste et de sondict pere, une chappelle, a la premiere commodité et faculté des dictz Perroulaz: et ce, aupres du villaige des Vorsiers, au cuyng dudict villaige, pres touttesfois le chemyn public que proche des le quartier de Maglans, contre la ville de Sallanche, au long de la reviere d'Arve..

  A024000813 

 Ny reste que de fere dresser l'haultel pour y fere cellebrer le divin service en l'honneur de Dieu et devant le tableau, tiré au vifz sur thoille, des images et portraictz de la Tressaincte Trinité, de la Virge Marie ayant son petit Jesus aux bras, et encoures de la glorieuse Virge Marie, institué en [73] forme comme elle estoit a l'heure que l'Ange Gabriel luy vient annoncer la conception de nostre Saulveur et Redempteur Jesuschrist, avec l'image dudict Ange Gabriel, messaigier du Sainct Esprit; et encoures de l'image du sainct Crucifix et de monseigneur sainct Nycolas, parrent (parrain) dudict discret Nycolas Perroulaz; le tout tiré Anyce ( sic; a Nice?) l'annee derniere..

  A024000814 

 Quoy attandant, ne lairront lesictz Guilliame Perroulaz et Nycolas son fils, et les leurs a l'advenir, obliger souffizamment au prebstre que prandra la peyne d'aller cellebrer la Messe des le lieu de Sallanche quattres fois l'annee, sçavoir: le troisiesme jour de Pentecostes et le troysiesme jour de Pasques, et de sainct Jean appres Noel, et le jour sainct Nicolas au mesme an, en fournissent audict prebstre que dira lesdictes Messes lesdictz jours, pour ses despens et peyne, pour checune foys ung florin; et faisant dire de Messes davantage, pourveu qui ne porte aulcung prejudice au debvoir du divin service de la parroisse ou festes solempnes, sera peyé ung florin..

  A024000821 

 Nous commettons le sieur Prevost de l'eglise de Salanche, pour voir de la bienseance du lieu dont il est question et des autres particularités mentionnees en la requeste, pour, son advis receu, prouveoir ainsy que de rayson..

  A024000837 

 Nous permettons l'erection des oratoires requis pour, par apres, estre en iceux celebrees les Messes, ainsy que le sieur Curé de Vacheresse verra estre a faire; n'entendant qu'il soit obligé a la celebration d'icelles, ni a plus grande charge d'office pour l'erection desditz oratoires, esquelz se faysant des offrandes, appartiendront a iceluy Curé, ainsy que de droit..

  A024000853 

 Je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur des saints Pierre et Paul, et j'y ai renfermé des reliques des quarante mille Bienheureux Martyrs.

  A024000874 

 De façon que, croyantz que ce lieu soit des si long temps desdié pour la devotion, ilz desirent l'y restablir et poursuyvre leur dessein, affin d'y fayre celerberer (sic) la saincte Messe, et prier Dieu pour les ames de ceulx quy sont ensevelis..

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000909 

 Et attendu la [82] necessité quil y a de pourvoir presentement d'un curé audit Maxillier, a cause de la longue privation dont les habitans ont esté affligés, eu esgard a la bonté de vie, suffisance de science et autres louables qualités de messire Leonard Monnod, prestre natif d'Evian, Nous luy confions ladite cure, ordonnant que lettres luy en soyent expediees en bonne et deue forme, affin quil jouysse paysiblement dudit benefice et des fruitz en dependans, et notamment de ceux qui sont portés par le consentement sus mentionné, en faysant par luy le service et incombances requis.

  A024000909 

 Nousn avons ordonné, attendu le consentement du R d Curé de Siez, que le Curé de Maxillier jouira des fruitz dudit consentement, selon sa forme et teneur.

  A024000920 

 Sçavoir faisons, aiant veu l'acte de cession, remission, conventions et promesses faictes entre messire Pierre Mojonier, Curé d'Allinges d'une part, et noble sieur Jeanloys [83] de Bonnivard, gouverneur au fort des Allinges, et damoyselle Anne Mareschal de Duing sa femme, du vingt huictiesme decembre mil six centz et neufz, receu et signé par M e Jean Soudan, avons icelluy et tout son contenu confirmé, appreuvé, emologué et authorisé, comme par ces presentes Nous confirmons, appreuvons, emologuons et authorisons; et.

  A024000932 

 Sur le différent d'entre messire Joan Puget, prebstre, Curé des Ollieres et son annexe d'Aviernoz, demandeur en paiement de premice, et Pierre Crud, Anthoenne Vittet et Blays Delachinal, deffendeurs:.

  A024000933 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, appres avoer entendu les parties respectivement et consideré leurs demandes et defences, et que lesdictz deffendeurs sont demeurés d'accord et ont spontaneement confessé la coustume estre et avoer esté inviolablement observé riere les villages du Jourdil, les Costes et Pussye, dependantz dudict Aviernoz, que la premice se paye par les habitantz desditz trois villages en temps de moisson, sçavoer: une bonne gerbe froment, pour ceulx qui ont charrue, et des aultres qui n'en n'ont point une gerbe froment mediocre, a [85] forme que paient tous les parrochiens desdictes Ollieres.

  A024000934 

 Avons, en suitte de telle coustume et possession inviolablement observee, ordonné et ordonnons: Que ledict Pierre Crud et Anthoenne Vittet continueront paier ladicte premice dont est question, a raison d'une gerbe mediocre, pour n'avoer lesdictz deffendeurs aulcongs bœufz quant a present; conformement a ladicte coustume de tous temps observé esdictz villages des Costes, Pussye et Le Jourdil, comme ceulx desdictes Ollieres, ainsy que sus est dict.

  A024000940 

 DES BOYS..

  A024000942 

 Revu sur le texte inséré dans le Registre des Visites pastorales de 1606 et 1610,.

  A024000949 

 Monseigneur le R me Evesque et Prince de Geneve, mon Evesque et Prelat, seur les articles icy bas mis, A cause des choses et abus lesquels j'ay trouvé a ma parroisse de S t Nycolas de Flumet, affin d'en reçoipvre vous commandemens. [87].

  A024000950 

 Au reste, a cause que lesdictes cures estoint possedee par des seigneurs [88] maistres, lesquelz ne faisoint residance au lieu, qu'a occasione confusion entre les parroissiens et parroisses au passé, aujourduy encoure ce practique.

  A024000953 

 En oultre, pour le regard des grangiers dudict lieu, car y nya qu'ilz ontz demouré en grangeage riere ledict lieu toutte leurs vies; pour cella n'ontz voullu et ne veullent recognoistre le Curé dudict lieu en point de façon que ce soit.

  A024000954 

 En verité des choses promisses, me suis icy bas subscript et signés,.

  A024000962 

 Au premier: Les habitans et manans en la parroisse de Saint Nicolas, quoy qu'eux ou leurs prædecesseurs ayent prins leur origine ou soyent extraitz des parroisses de La Giete ou Flumet, sont obligés rendre leurs devoirs parrochiaux en ladite parroisse Saint Nicolas, en laquelle de present ilz font leur sejour et demeure: ce que Nous leur enjoignons..

  A024000982 

 Mais partant quil y a quelques ungz des confreres qui sont aussi confreres de la Confrerie du S t Rosaire, qui font procession generale le troisiesme Dimanche de chasque mois, et vouldrois (sic) assister a l'une et a l'aultre procession: chose que ne se peult, pour estre d'ung mesme jour en diverses parroesses.

  A024000982 

 Que faict recourir le suppliant a V. S. R. a ce quil luy playse assigner jour pour la procession de ladicte Confrerie de S t Fœlix, different des aultres processions que sont le troyziesme du mois..

  A024000982 

 Remonstre en toute humilité R d M re Nicolas Clerc, prebstre, Prothonotaire apostolique, Curé de S t Felix, comme prieur de la venerable Confrerie du S t Sacrement, des long temps par les R d Peres Capucins en l'eglise dudict S t Fœlix erigee, et du despuis par V. S. R. confirmee par authorité du S t Siege, et dict que, de tout le temps passé, ne s'estoit faict aulcune procession generale pour regard de ladicte Confrerie, choses (sic) que les confreres desiroient fere.

  A024000998 

 Supplient tres humblement les parroissiens de La Gietaz, disant qu'en leur eglise parrochiale se treuvent fondees diverses chapelles, entre lesquelles celle de Saint Barthelmy est de la nomination des suppliantz, et les autres de quelques particuliers: en toutes lesquelles, neanmoins, ne se fait aucun service par les [94] recteurs, ny aucune reparation, nonobstant la ruyne imminente qu'elles menacent, et autres manquemens notables, au prejudice mesme de ladite eglise parrochiale..

  A024001000 

 Les supplians feront declaration, en bonne et probante forme, de leur consentement a l'union demandee pour regard de la chapelle mentionnee de Saint Barthelomy, comm'aussi des charges et revenus d'icelle; pour, ce fait, estre procedé a l'union requise, s'il y escheoit.

  A024001012 

 Supplie en toute humilité messire Guilliaume Faucoz, notaire ducal de la parroisse de Vacheresse et curial d'Abondance, disant que des qu'il a eu la connoissance des bonnes lettres il s'est voué a Dieu et a la sacree Vierge Marie, et a pris pour sa Patronne madame saincte Anne.

  A024001027 

 Lequel jour, affin quil soit certain, Nous avons determiné devoir estre le mercredi, quand il n'occurrera aucune feste de commandement, affin que l'eglise parroissiale ne soit frustree des services du Curé et de l'assistence des parroissiens en telz jours de feste..

  A024001040 

 Que l'annee derniere mil six centz quatorzes, Reverend messire du Martherey, Religieux du prieuré de Pellionex, auroit preché le Caresme en ladite ville et plusieurs des Dimenches et festes; qui auroit apporté grandes ediffications et instruxions en la foy ausditz suplians et aux circonvoysins qui [ont] ouy les predications dudit sieur du Martherey.

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001071 

 Nous faisons savoir que Nous tâchons volontiers de prêter Notre attention et Notre aide efficace à tout ce qui, suivant les circonstances de lieux et de personnes, est nécessaire au bon gouvernement des églises paroissiales et autres, et à l'augmentation du [101] culte divin.

  A024001072 

 Nous approuvons une requête qui est juste et raisonnable, d'abord parce qu'il y a contentement de la part des paroissiens et du R d monsieur le Doyen et recteur de ladite église paroissiale; ensuite, parce que, d'après les constitutions du saint Concile de Trente, l'érection de cette vicairerie perpétuelle devait absolument se faire.

  A024001075 

 Fait à Annecy, au palais de Notre résidence habituelle, en présence des Révérends MM. Michel Favre et Jacques Chappaz, prêtres, témoins appelés et demandés pour tout ce qui précède, le 29 avril 1616..

  A024001106 

 Le 27 a juillet 1617, je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur de l'Assomption de la [105] très heureuse et très glorieuse Vierge Marie, et j'y ai enfermé des reliques des Bienheureux dix mille (sic) Martyrs, accordant à tous les chrétiens qui le visiteront aujourd'hui, un an, et, le jour anniversaire de la consécration, quarante jours de vraie Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024001134 

 Supplient en toute humilité noble Gaspard de Lucinge, seigneur dudict heu, et avec luy tous les parroiessiens et habitantz riere la parroiesse de Sales, mandement de Monthoux, disantz que cy devant et de tous temps ceulx dudict Sales ont heust leur Curé, lequel fesoit son habitation ordinaire dans la cure dudict lieu et administroit en toutes necessités et occasions a ceulx dudict Sales les sainctz Sacrementz; et c'est jusques il y a envyron cinq ou six annees, que M re Henry Lancod, dernier Curé de ladicte parrochiale, apres avoir gaigné quelque petit nombre des parroiessiens, il auroyt remis ladicte cure a M re Symond Ruptier lequel, du susdict consentement, auroyt uny ladicte cure avec celle de Cranves; en telle sorte que du despuis ilz ont estés contrainctz, la plus grand part du temps, d'aller audict Cranves ouir la saincte Messe, quoy que par ladicte union, il soit esté expressement convenus (sic) que les jours de feste et Dimenches l'on celebreroit une petitte Messe audict Sales, Oultre quoy, du despuis les suppliantz ont estés contrainctz d'aller fere baptizer leurs enfantz audict Cranves, et dudict Cranves fere apporter les sainctz Sacrementz aux mallades, et fere benir le jour de la Purification les chandoielles audict Cranves; quoy que audict Sales ilz aient leur eglise asses [110] commode pour ceulx dudict lieu, mesmement il y a un honneste revenu pour l'entretient d'un prebstre..

  A024001159 

 DISSOLUTION DE L'UNION DES EGLISES PAROISSIALES.

  A024001163 

 Nous appliquons volontiers Notre attention à ce qui augmente le culte divin et procure plus heureusement la consolation spirituelle des paroissiens, pour les églises soumises à Notre autorité, surtout pour celles qui ont le privilège de la charge des âmes.

  A024001163 

 Or, la teneur de la demande adressée de la part de Notre cher fils, noble Gaspard de Lucinge, patron de l'église de Sales, sous le vocable des Saints Ferréol et Ferruce, et de nos chers fils les membres de la communauté du même lieu (demande signée par l'honorable Pierre-Louis Garbillon, procureur demandeur près le tribunal de Notre diocèse), contenait ce qui suit:.

  A024001164 

 L'église paroissiale de l'endroit susnommé, dépend de celle de Cranves, et lui a été unie pour toujours au su de tout le monde; d'un autre côté, le récent recteur des dites paroisses étant mort hier, son décès rend vacantes les deux églises paroissiales.

  A024001164 

 Posé que, par suite de son absence, la charge des âmes a été exercée dans l'église [112] de Sales avec peu d'exactitude et de bienséance depuis l'union, et que les saints Sacrements de l'Eglise n'ont pu être administrés aux paroissiens de Sales qu'avec de grandes incommodités pour eux; posé en outre que les fruits et revenus de cette église paroissiale suffisent à l'entretien convenable d'un recteur, et que, l'union dissoute, les revenus ainsi séparés et disjoints pourront être à l'avenir appliqués en particulier à chacun de leurs futurs recteurs; posé enfin qu'il y aurait ainsi respectivement consolation spirituelle pour les paroissiens de ces églises, augmentation du culte divin, et aussi de dignité et de lustre pour celle de Sales, les revenus annuels des deux églises devant être par ailleurs plus sûrement conservés et même accrus:.

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001165 

 Nous démembrons et séparons pareillement les fruits respectifs de ces églises, et appliquons, unissons et incorporons à perpétuité à celle de Sales les revenus qui lui appartiennent, comme séparés et désunis des revenus de l'église paroissiale de Cranves.

  A024001183 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte ci-dessus écrit, reçu et signé par le notaire ducal Besson, et avoir très attentivement examiné toutes les choses y contenues, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et ce qu'il contient, comme par la teneur des présentes, Nous le confirmons, approuvons et ratifions, et lui accordons force et solidité inviolable, suppléant par ailleurs à tous les défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et à chacun d'eux en particulier..

  A024001192 

 Qu'en reservant au sieur Curé ou vicaire perpetuel des Alinges, sur les biens ecclesiastiques qu'il possede en la parroisse desditz Alinges, la portion congrue de mesme valeur qu'on l'a determinée pour les autres sieurs Curés du balliage de Thonon, tout le reste desditz biens fut affecté a la mense de la præpositure dudit Montjoug; sauf que s'il se treuve que ledit sieur Curé ayt fait des reparations utiles pour ladite cure et eglise des Alinges qui surpassent les revenuz qu'il a perceuz en ce benefice, ses autres legitimes charges supportées, on y aura esgard pour l'en recompencer a ditte d'expertz..

  A024001202 

 Et quant a l'employte de l'argent provenant desdites censes, comm'encor de l'argent provenant du vin des vignes mentionnees, Nous ordonnons qu'elle soit faite, tant pour les reparations, ornemens et ustensiles sacrés de l'eglise, que pour l'erection de la chapelle du Saint Rosaire, pour sept ans; apres lesquelz, si l'eglise se treuve en terme quil ne soit plus besoin d'y appliquer lesditz revenus, dont les remonstrans feront apparoir, sera prouveu par l'authorité ordinaire, ainsy que de rayson.

  A024001202 

 Les capitaux des censes mentionnees seront jointz au renfort de monoye, et de toute la somme se tirera la cense a forme des Editz de Son Altesse; et quant aux censes escheües pour cinq ans seulement, selon la mesme forme.

  A024001223 

 Que fait croire auxdicts scindiques et communisses que Dieu ni laissera telle faute a punir, comme l'on voit et on a veu cette annee passee, que les limassons, bec aigu qu'on appelle cornillon, ont gaté une grande partie des bled (sic) et commencent encor en l'annee presente a manger les bled semmés; que fait recourir le pauvre peuple a Dieu et a monseigneur sainct Gras, Evesque..

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001253 

 SUPPLIQUE DU CURÉ ET DES ALTARIENS.

  A024001259 

 Que lesdictz Altariens ayant si peu de revenu qu'il (sic) ne se peuvent entretenir au service de ladicte eglise, ainsy que leur devoir et volonté seroit, ilz sont contraincts d'aller en divers endroicts servir des autres eglises circonvoisines; en suitte déquoy ladicte eglise de Rumilly demeure destituee des Offices qu'il seroit convenable y estre faict, attendu les anciennes coustumes et la qualité du lieu et habitantz et bourgeoys d'iceluy..

  A024001260 

 Comm'encor, qu'ez grosses festes esquelz (sic) multitude de peuple vient a la saincte Communion, le sieur Curé et son Vicayre ne peuvent suffire a recevoir les confessions des penitentz ainsy qu'il seroit requis, et les autres ecclesiastiques se trouvantz absentz, ou ne se tenantz pas obligé a la charge pastoralle, plusieurs ames demeurent frustrés (sic) de leurs bons désirs et en la reception des saincts Sacrements..

  A024001261 

 Outre que lesdictz sieurs Altariens n'ayant point de correspondance avec ledict sieur Curé, sinon entant que luy mesme est Altarien, il arrive en diverses occasions des divisions et contentions qu'empeschent le bon ordre de ladicte eglise..

  A024001262 

 Pour a quoy remedier, il sembleroit estre expedient que le revenu de la cure, qui est asses ample, fust uny a celuy de la communauté desdictz Altariens, apres toutefois la mort dudict sieur Curé, sauf vingt coppes de bled, froment et seigle, mesure de ceste ville, que des a present lesdictz Altariens percevront par les mains dudict sieur Curé pour faire le service divin d'heu a sa charge; et que le nombre d'iceux fust limité, en sorte que tous puissent faire residence, avec obligation d'assister aux Offices et cooperer a la charge pastorale, ainsy que par les reiglements qu'il plairoit a Vostre Seigneurie Reverendissime en faire il seroit ordonné..

  A024001263 

 A ceste intention, Monseigneur, ils recourent a vous, requerant qu'il vous plaise faire ladicte union et autres provisions necessaires, pour la restauration et accroissement du service de Dieu et des ames en ladicte eglise.

  A024001268 

 Recevons la presente requeste et les consentemens en icelle contenus, comm'encor celle des sieurs Scindicqz de la ville de Rumilly.

  A024001275 

 SUPPLIQUE DES SYNDICS, CONSEILLERS ET HABITANTS DE RUMILLY.

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001281 

 Outre que par la [négligence desdictz Altariens, qui n'ont aucune correspondance avec les dicts [sieurs] Curé et Vicaire, il sur vient tous les jours des divisions dans ladicte eglise [pour] empescher tout ordre et bonne reigle en icelle..

  A024001283 

 Les suppliantz [aussi], joincts de zele, d'affection et d'interestz en si bon dessain avec leur Cu[ré et] le reste de leurs ecclesiastiques, recourent a vous, Monseigneur, a ce qu'en continuation du soing qu'il vous a tousjours pleu de pr[endre] de ceste ville et parroisse, vous ayes encore aggreable de luy procurer [l'union] susdicte, avec les provisions necessaires pour la restauration du service [de Dieu] et des ames en ladicte eglise..

  A024001288 

 Sera prouveu aux fins portées par la requeste, ainsy que par le Decret aujourdhuy mis au bas de la requeste du R. Curé et des venerables Altariens tendante a mesme [fin], auquel les sieurs suppliantz pourront avoir recours, icelluy estant enregistré au greffe episcopal.

  A024001306 

 MDCXX, le 6 septembre, je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur des saints Martyrs Victor et Ours, et j'y ai enfermé des reliques des quarante mille Martyrs.

  A024001313 

 Nous permettons la celebration de la sainte Messe en l'oratoire basti au pied de la montaigne, en la parroisse de Moÿ, par le sieur Thomasset; commettans pour la benediction du lieu le sieur Prieur de Rumilly ou le P. Gardien des Peres Capucins de Rumilly; a la charge que ledit sieur Thomasset ne laissera pas pour cela de rendre son devoir en l'eglise parroissiale du lieu, et que ladite celebration ne se fera en icelle chapelle les festes de commandement et jours dominicaux, sinon par le gré du sieur Curé du lieu..

  A024001326 

 Neantmoins, s'arrestant suz sa chiganerie, sellon sa coustume, les trois Reverendz seigneurs suz nommés, par accord mutuel des deux parties, ordonnerent que Reverend messire Bernard de Monpithon retireroit pour une fois trois coppes de froment, et quil bailleroit les autres trois audict M re Querlaz; lequel neantmoins, après avoir accepté cest accord faict au prejudice dudict Gaspard Querlaz, refuse de paier lesdicts trois coppes de froment, menaçant de pres ledict M re Querlaz, et encour de supercidie de ses parens..

  A024001338 

 Supplient en toutte humilité les paouvres et desolés manantz et habitans du village de Tullyer, disantz, comme lhors du restablissement de la religion catolique en Chablais, la cure dudict Tuilier estoit teneue et reputée (comme en effect elle est encores de present) pour l'une des meillieures et riches cures quil y aye en Chablais, et l'esglise des mieux ornée et en bon estat..

  A024001339 

 Cependant, au lieu d'accroistre la devotion auxdicts suppliants et leur laisser ladicte esglise parrochiale en l'estat qu'elle estoit, avec sa cloche de mestail, portes, ferrures et vitriades, nescio quibus actibus, feu messire Jehan Petitjehan, surnommé Pierasset, des Prestres de la Sainte Maison de Compassion, auroit, avec beaucoup de compassion des paouvres suppliantz, faict descouvrir ladicte esglise, qui estoit couverte de tuilles a couppes, et icelles faict transmarcher avec les poultres, sommiers et lattes au lieu de la patenerie; reclamantibus, lacrimantibus et contradicentibus lesdictz paouvres suppliantz, de veoir descouvrir leur esglise et emporter les portes et ferrures pour couvrir et approprier a une patenerie.

  A024001339 

 Exemplo perniciosissimo, heu mesme esgard que telle esglise avoit esté consacrée, et qu'a present elle est le repaire des animaulx, et en tel estat (a correction) que les cheveux dressent a ceulx qui l'ont veu auparavant en si bon estat, se taisantz des vitriades, pour ne sembler voulloir advancer le prouverbe: Quod non capit Christus, rapit fiscus.

  A024001389 

 Supplient humblement damoyselle Jane Constantin et noble Loys Constantin son filz, disantz qu'ilz sont en deliberation, tant pour la consolation de leurs ames que pour estre grandement eslognés des aultres eglises, fonder et eriger en leur maison de Magny une chapelle sous l'invocation de la glorieuse Vierge Marie; ce qu'ilz ne peuvent faire sans permission de Vostre Reverendissime Seigneurie, a laquelle partant ilz recourent..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001436 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux Révérendissimes dans le Christ les Ordinaires des lieux et tous autres auxquels parviendront les présentes, salut abondant dans le Sauveur Jésus..

  A024001437 

 Jean-François de Sales, Notre frère et chanoine de Notre église cathédrale, voulant aller à Paris pour des raisons connues et approuvées de Nous, par les présentes, pour cela signées de Notre main et munies de Notre sceau, Nous certifions et témoignons, autant qu'il est en Nous, que c'est un prêtre exempt de toute censure ecclésiastique et partant digne de toutes les marques d'une chrétienne et sincère dilection..

  A024001454 

 Nous certifions par la teneur des présentes que le vénérable et à Nous cher dans le Christ M. Henri Barbier, prêtre de Notre diocèse, a été promu selon toutes les règles canoniques, est libre, à Notre connaissance, de toute censure ecclésiastique, n'est entaché d'aucune infamie ou vice répréhensible; bien mieux, a été approuvé, par Nos examinateurs synodaux, pour l'administration des Sacrements.

  A024001466 

 Pour ces causes, lesquelles Nous sont notoires, heu esgard de ladicte vieillesse du suppliant, et a la longueur du service rendu bien et deubuement a ladicte parrochiale d'Arit, comm'aussy a l'inegalité des benefices eschangés et mentionnés [143] cy dessus, Nous avons ordonné audict messire Blanc, de retirer, nourrir et entretenir convenablement ledict messire Pierre Rouffillie le reste de sa vie durant, sur les fruitz et revenus de ladicte cure d'Arit, lesquels Nous chargeons pour les mesmes causes de l'entretenement dudit messire Pierre Rouffillie, saufz audict messire Jehan Claude Blanc et a ses successeurs, s'il y eschoit, de se prevalloir de ladicte chappelle eschangee, pour fere partie dudit entretenement..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001555 

 Aussi, par la teneur des présentes.

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Mais, avant toutes choses, vous vous assurerez des Lettres Apostoliques par [150] lesquelles il se dit envoyé à Nous pour recevoir tous les Ordres.

  A024001597 

 Vous pouvez légitimement recevoir la tonsure et les Ordres mineurs de n'importe quel Illustrissime et Révérendissime Archevêque ou Evêque catholique que vous préférerez choisir, et qui exerce effectivement son office et soit en communion avec le Siège Apostolique, sans tenir compte des interstices, et malgré le defectus natalium qui vous atteint, au sujet duquel Nous vous dispensons, pourvu que vous soyez reconnu idoine, ce que Nous laissons au jugement de l'Illustrissime et Révérendissime Ordinant.

  A024001622 

 Telle est l'étendue de ce diocèse et le trouble des événements, qu'écrasé sous le poids de cette charge pastorale je puis à juste titre m'appliquer, après saint Grégoire, cette parole du Psalmiste: Je suis courbé, abattu à l'excès.

  A024001623 

 C'est pourquoi, parmi mes frères dans le sacerdoce il est à propos d'en choisir quelques-uns que je sais avoir, comme il fut dit à Moïse, la sagesse et l'expérience des vieillards, pour qu'ils portent avec moi la charge du peuple, et que moi, si faible, je ne sois pas seul à en être accablé..

  A024001625 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents des cas à Nous réservés; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal quand il y aura nécessité ou toute autre cause légitime; commuer les vœux, mais non cependant en dispenser; bénir et consacrer les ornements, vases, corporaux et autres objets à dédier à Dieu, quand le saint chrême ne sera pas nécessaire..

  A024001647 

 Sur cette haute mer, en effet, je suis battu par des vagues si violentes, qu'il me semble impossible de conduire au port ma vieille barque en maints endroits vermoulue et qu'il est à craindre que la tempête ne me submerge.

  A024001647 

 Telle est l'étendue de ce diocèse et le trouble des événements et des temps, qu'écrasé par le poids énorme de cette charge pastorale je peux à juste titre m'appliquer, après saint Grégoire, cette parole [156] du Psalmiste royal: Je suis courbé et abattu à l'excès.

  A024001648 

 C'est pourquoi, parmi mes frères dans le sacerdoce, il est à propos d'en choisir quelques-uns que je sais être, comme il fut dit à Moïse, des anciens dans le clergé, par la maturité et l'expérience, afin qu'ils portent avec moi la charge du peuple et que moi, si faible et infirme, je ne sois pas seul à en être accablé..

  A024001651 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents sincères de ces paroisses des cas à Nous réservés; commuer leurs vœux, non cependant en dispenser; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal, quand il y aura nécessité ou autre cause légitime.

  A024001653 

 Cependant, afin que tous les intéressés sachent que vous pouvez remplir ces fonctions et user des pouvoirs susdits, Nous avons signé ces lettres de Notre propre main et Nous ayons pris soin d'y faire apposer Notre sceau.

  A024001706 

 A tous ceux qui verront les présentes Nous attestons que le Révérend M. Louis de Perrucard, Abbé commendataire du Monastère de Chézery, de l'Ordre, de Cîteaux, dans Notre diocèse de Genève, Nous a demandé, avec toute l'humilité convenable, d'accorder [162] un témoignage authentique et basé sur la vérité, au sujet de la naissance, de la foi, de la vie, des mœurs et de la doctrine de Notre bien aimé dans le Christ M. Gaspard de Perrucard, qu'il désire voir notre Très Saint Père le Pape lui donner et assigner comme coadjuteur dans le gouvernement du dit Monastère, avec future succession..

  A024001708 

 Aussi l'estimons-Nous digne d'être promu à l'abbatiat en question, surtout parce que le Révérend M. Louis de Perrucard, s'appuyant sur la puissance de son frère et des siens, a si heureusement et fortement administré ce Monastère et sa juridiction temporelle (laquelle en grande partie s'exerce non seulement à proximité des hérétiques, mais chez eux), qu'en ces temps calamiteux rien, semble-t-il, ne peut arriver de plus heureux que de voir son neveu lui être adjoint comme coadjuteur, [164] lequel étant le continuateur de son zèle et de sa vertu, deviendra son successeur dans le titre lui-même..

  A024001710 

 C'est pourquoi, si le Saint-Siège Apostolique y consent, cette grâce accordée au susdit Abbé et à sa famille sera considérée comme accordée à bon droit à des gens bien méritants de la religion catholique, et comme devant être très utile au Monastère et à tous ses sujets et clients.

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001777 

 Il y a quelques années, Claude Boucard, de Verdun, alors Religieux de la Compagnie de Jésus, abandonna, par suite de la fragilité de l'esprit humain, l'Eglise Catholique pour l'hérésie de Calvin, et demeura ainsi quelque temps au bord des fleuves de Babylone, dans les tentes des hérétiques.

  A024001777 

 Mais enfin, trouvé et prévenu par le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, touché aussi du souvenir salutaire de la religion chrétienne, rentrant en lui-même et se levant, de son propre et libre mouvement il résolut [171] sérieusement de retourner au Père céleste et à son Epouse très sainte, notre mère l'Eglise..

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001795 

 Revu sur l'Autographe conservé dans l'église des RR. PP. Jésuites de Huesca (Espagne)..

  A024001800 

 Claude Boucard, de Verdun, ayant, par suite de la faiblesse de l'esprit humain, abandonné, il y a quelques années, la religion catholique pour l'hérésie de Calvin, fut enfin retrouvé par Celui qu'il ne cherchait pas, et prévenu des bénédictions de sa douceur, en sorte que, touché dans son cœur d'une salutaire douleur, il se mit, il n'y a pas longtemps, à méditer sérieusement son retour dans le sein de l'Eglise Catholique.

  A024001800 

 Or, ses pensées ne furent pas des pensées humaines, mais celles mêmes de ce Père qui pense des pensées [175] de paix et non d'affliction.

  A024001801 

 Alors, comme conséquence... [La suite de cette minute ne présente guère que des inversions et quelques changements de mots avec le texte définitif; nous renvoyons donc à la traduction de celui-ci, pp.

  A024001817 

 De l'Ordre des Mineurs de l'Observance, alors profès..

  A024001818 

 Enfin, par la même autorité, Nous lui avons concédé d'aller et venir, librement et sans reproche de la part de quiconque, avec [177] le costume des clercs et prêtres séculiers, pendant toute cette année 1608.

  A024001825 

 Pour terminer le different survenu entre les venerables Seurs Prieure et Religieuses Carmelites deschaussees de Dijon d'une part, et D lle Seur Jeanne Chevrier d'autre [178] part, sur ce que ladite Dlle Chevrier demandoit restitution de l'habit de Novice de l'Ordre desdites Carmelites, qu'elle disoit luy avoir esté osté ... par lesdittes Prieure et Religieuses: elles ont ce jourdhuy declairé par devant moy, notaire royal soussigné, en presence des tesmoins au bas nommés, et par l'advis de R. P. en Dieu M. François de Sales, Evesque de Geneve, que dautant que ladite Dlle Jeanne Chevrier est leur bienfactrice, les ayant appellees, receues et logees en sa mayson de cette ville de Dijon, et qu'en trois ans qu'elles l'ont gardee entr'elles elles l'ont reconneüe fort vertueuse, devote et affectionnee a leur Ordre, elles consentent que l'habit dudit Ordre luy soit redonné, pour iceluy porter par devotion tant qu'elle voudra.

  A024001851 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; Frère Jean Migniot, maître en sacrée théologie et humble Gardien de la maison des Frères de Saint-François, appelés de Saint-François de l'Observance, de [181] la ville de Cluses, diocèse de Genève; Jean Favre, docteur en l'un et l'autre droit, Prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame d'Alondaz, chanoine de l'église de Genève, Vicaire et Official général, Commissaires apostoliques députés respectivement dans cette affaire par le Saint-Siège Apostolique: à tous et chacun qui examineront, verront, liront et entendront lire les présentes lettres, salut dans le Seigneur..

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001853 

 Nous, Commissaires apostoliques respectivement délégués dans cette affaire, comme procédant de droit à l'exécution des Lettres [183] Apostoliques, Nous prononçons, décrétons et déclarons, en vertu de l'autorité Apostolique dont Nous sommes revêtus, que la profession autrefois émise par le Révérend François Bochatton (après l'avoir restitué in integrum adversus lapsum quinquennii, comme Nous le restituons,) a été et est nulle et invalide, et d'aucune force ou consistance, parce que faite avant l'âge légitime et sous l'inspiration de la violence et de la crainte.

  A024001872 

 Prædicateur de l'Ordre des Capucins..

  A024001878 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque [185] et Prince de Genève, aux Révérends Frères dans le Christ, de la Mission apostolique de l'Ordre des Capucins demeurant dans Notre diocèse, salut abondant dans le Christ..

  A024001892 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à notre bien aimé dans le Christ le Très Révérend Frère Dom Jean de Saint-Pasteur, Prieur du Monastère de Notre-Dame d'Abondance, de Notre diocèse, et de l'Ordre des Feuillants, salut..

  A024001907 

 Le Frère N. et le Frère N. voulant se rendre à Grenoble ou dans tels autres lieux où se trouve un couvent des Frères Mineurs de l'Observance régulière, vulgairement appelés Récollets, dans le but de s'affilier, si possible, à cette branche, Nous ont demandé de [188] les recommander par des lettres testimoniales auprès des Supérieurs de cette observance..

  A024001908 

 Aussi, condescendant à leurs vœux pieux, Nous certifions, par la teneur des présentes, que les susdits Frères N. et N., nés dans ce diocèse de parents catholiques, ont habité de longues années le monastère de Saint-François de cette ville comme Religieux profès, et n'ont donné, que Nous sachions, aucun scandale ni aux autres Religieux, ni aux fidèles de la ville, des bourgs ou des villages voisins; bien plus, ont répandu pareillement partout la bonne odeur du Seigneur, en sorte qu'ils semblent dignes de toute créance et charité..

  A024001913 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, au R. Pere en Nostre Seigneur, le P. Frere Maximian de Moulins, prestre et prædicateur de l'Ordre des Capucins..

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001933 

 Nous exceptons cependant la seule paroisse de Cusy, dans laquelle, pour des raisons à Nous connues, Nous voulons que, même sans attendre ou demander la permission du recteur de l'église de cette paroisse, vous puissiez librement user de la susdite faculté, de façon toutefois à éviter tout scandale..

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001963 

 L'an de l'Incarnation du Seigneur 1617, le 9 du mois de juillet, le Révérendissime seigneur FRANÇOIS DE SALES, Evêque de Genève, a consacré l'église des Frères Capucins de Thonon, et l'a dédiée au Bienheureux François et au Bienheureux Amédée; le même jour, il a consacré deux autels et les a dédiés à la Conception de la Bienheureuse Marie et au Bienheureux Charles [Borromée], après y avoir renfermé des reliques des Bienheureux Martyrs de la Légion Thébaine et des dix mille Martyrs, et une éponge imbibée du sang de saint Charles..

  A024001994 

 La pieuse Maison qui, au cœur du Mont-Joux, fut fondée par saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, entretient et fournit, en vue de Dieu notre Sauveur, plusieurs Chanoines réguliers, et d'autres personnes sous leur direction, pour accueillir les pèlerins et tous autres voyageurs qui rencontrent d'ordinaire du danger çà et là, en passant des régions de deçà, en celles d'au delà des Alpes et réciproquement, à cause des furieuses tempêtes de neige [197] et de la violence incroyable du froid qui règnent sur ces sommets.

  A024001994 

 Or, cette Maison ne peut absolument faire cela qu'avec le secours des aumônes des fidèles..

  A024001995 

 Aussi, le Révérend Prévôt de toute cette grande famille a-t-il déjà par le passé envoyé quelques-uns des Chanoines réguliers à lui soumis, dans presque tout le monde chrétien, pour recueillir des dons, des offrandes et des aumônes, qu'ils rapportent ensuite pour l'entretien de leurs Frères et de leurs coadjuteurs.

  A024001996 

 C'est pourquoi le porteur des présentes se disposant, sur l'ordre de son Supérieur, à entreprendre le voyage de Belgique dans le but de quêter au milieu de ce peuple illustre, Nous aussi, dont le diocèse est limitrophe du célèbre Monastère susnommé, et qui connaissons vraiment les actes de charité qui s'y multiplient, Nous [198] recommandons chaudement ce porteur, dans les entrailles du Christ, à tous les Révérendissimes Evêques et autres révérends et vénérables ecclésiastiques, ainsi qu'aux autres fidèles.

  A024002031 

 La Somme philosophique du Collège d'Annecy, composée par le R. P. Don Redento Baranzano, prêtre de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul et professeur de philosophie au même Collège (au sujet de laquelle je dois porter mon jugement par ordre de l'Ill me et R me Seigneur François de Sales, Evêque et Prince de Genève), ne contient, à mon avis, rien de contraire à la foi.

  A024002032 

 Annecy, le cinq des ides de février 1618..

  A024002046 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au R. P. Don Juste Guérin, prêtre vénérable de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, salut..

  A024002047 

 Ne pouvant aucunement, à cause des malheurs innombrables [201] qui ont, à la suite des guerres, agité et comme accablé notre province, visiter personnellement les basiliques des saints Apôtres Pierre et Paul, et manifester extérieurement la vénération et l'obéissance que Nous avons jusqu'ici professées et qu'à l'avenir, avec l'aide de Dieu, Nous professerons toujours à l'égard du Saint-Siège Apostolique Romain; Nous prions Votre Révérence de vouloir bien se charger, puisque elle se trouve à Rome pour d'autres affaires de Notre diocèse, de remplir en Notre nom ces devoirs de visite ad limina et de prestation d'obédience.

  A024002065 

 Le vénérable couvent de Saint-Dominique de cette ville d'Annecy, dans Notre diocèse, couvent de l'Ordre des Frères Prêcheurs, ayant la coutume d'envoyer toujours quelqu'un de ses Religieux pour recueillir, suivant la Règle et l'usage de l'Ordre, les aumônes des fidèles, et l'état de ce diocèse et de tout le pays étant tel qu'on n'arrive pas à subvenir aux besoins des mendiants du Christ qui l'habitent: Nous signons de Notre main et munissons de Notre sceau ces lettres en faveur de Notre bien aimé dans le Christ, le Frère Jacques Chappaz, convers dudit Ordre, que le Révérend Frère Prieuret le vénérable Couvent de Saint-Dominique de [203] Notre diocèse ont décidé d'envoyer même hors de celui-ci, c'est-à-dire dans le pays de Fribourg et autres parties de la Suisse, pour implorer le secours des gens pieux, afin de pourvoir à l'entretien de la communauté et de réparer les ruines déjà subies dans leurs édifices.

  A024002082 

 Au Révérend Père, Frère Philibert de Bonneville, théologien et prédicateur de l'Ordre des Capucins, Nous accordons le pouvoir d'ériger et d'instituer partout dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, l'Association ou Confrérie du très saint Rosaire, comme aussi celle du très auguste Sacrement..

  A024002126 

 Comme Nous avons sceu qu'un certain soldat hespagnol [209] se seroit retiré dans une eglise dans le bourg de Fabricar affin de jouir de la protection et exemption des eglises, et que neanmoins quelques uns auront (sic) voulu l'arracher et le tirer hors de l'autel pour le forcer de sortir hors de l'eglise, au tort et au mespris de ces sortes d'immunitéz et exemptions:.

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002174 

 En premier lieu, ledit Antoine Garcia, pour ce qui regarde l'homicide dont il s'agit, peut et doit jouir du bénéfice de l'immunité des églises.

  A024002174 

 Nous avons enjoint à tous les juges séculiers et autres personnes à qui il appartiendra, de ne pas faire entourer l'église où sera réintégré ledit [214] Antoine Garcia, et de ne pas y mettre des gardes sous quelque prétexte que ce soit, par où l'immunité de l'église serait directement ou indirectement violée et le même Garcia s'en verrait privé..

  A024002194 

 Cela est d'autant plus digne de louange qu'elle abandonnait ainsi, de son propre mouvement et volontiers, des richesses et des honneurs appréciables, dont devaient hériter les enfants par suite de la mort du père, préférant être abjecte et pauvre dans la maison du Seigneur, qu'habiter sous les tentes des pécheurs..

  A024002195 

 Tout cela étant ainsi et Nous étant parfaitement connu, Nous avons voulu lui accorder des lettres de recommandation rendant témoignage d'une si grande foi et force d'âme.

  A024002211 

 Pour des raisons à Nous connues et par Nous approuvées, Nous les dispensons des bans qui, par ailleurs, devaient être faits..

  A024002228 

 Nous désirons cependant qu'il reste ignoré un certain temps pour des raisons à Nous exposées par ledit noble de Mareste.

  A024002252 

 Supplie tres humblement M re Anthoenne Grandat, que puisque l'opposition qu'avoit estee formee par damoiselle Claudine Debyu a la proclamation du mariage contracté entre ledict suppliant et damoiselle Louyse de Bellegarde a estee vuydee par le sieur Vicaire general de Vostre R me [Seigneurie], ainsy que par sa sentence du dixiesme du courant cy joincte, il vous plaise luy permettre fere les esposiallies et benediction nuptiale dudict mariage dans le chasteau du pere de ladicte damoiselle de Bellegarde, ayant esgard a la distance de l'esglise et pour obvier des [221] bruictz et grandes indiscretions qui pourroit (sic) arriver et arrivent souvent en semblable cas..

  A024002279 

 Nous dispensons des bans concernant la célébration du mariage entre noble Jacques de Chaussat et noble Jeanne Gavens.

  A024002296 

 S'il conste de la dispense Apostolique au sujet de l'empêchement de consanguinité qui existe entre M. Claude de Chabod, seigneur de la Dragonnière, et M lle Claudine-Adrienne de Mouxy de Travernay, on pourra alors, et non autrement, célébrer le mariage, même sans les bans, dont Nous dispensons, en tenant compte cependant des autres formalités requises par le droit..

  A024002306 

 Et pour asseurance de ce que dessus, cet escrit sera corroboré de signatures des sous nommés.

  A024002329 

 Nous faisons savoir et témoignons qu'aujourd'hui, 19 juin 1618, dans Notre chapelle, selon les rites de la sainte Eglise Romaine, c'est-à-dire pendant la Messe et en tenant compte des autres conditions dè droit, Nous avons donné la bénédiction nuptiale au noble Roch Calcagni, de Plaisance, et à Marguerite de Chavanes, [226] née d'une noble famille de cette ville appartenant à Notre diocèse..

  A024002344 

 Revu sur l'Autographe conservé à Londres, au Collège des RR. PP. Oblats de Saint-Charles..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002365 

 Nous faisons savoir et témoignons que Notre bien aimé dans le [228] Christ, le noble M. Guillaume de Bernard a vécu pendant deux années entières dans la ville d'Annecy, où se trouve le siège de Notre Eglise, et il y a accompli tout à fait ponctuellement tous les devoirs de la piété catholique; ce qu'il fallait attendre de quelqu'un ayant eu des parents très pieux (à Nous connus à la fois de vue et de réputation), et élevé dès l'enfance dans la demeure du très catholique prince le Duc de Nemours, dont il est maintenant un des principaux officiers, étant attaché à sa chambre..

  A024002373 

 — Rétablir les armoiries de M. de Vallon, rasées de l'église de Samoëns en suite des menées du « sieur Berthelot », est une question de justice.

  A024002375 

 C'est chose des-ja ouctroyee au feu sieur de Charmoysi, et ensuite dequoy l'information de l'interest que Monsieur y peut avoir, avoit esté prise avant le trespas dudit feu sieur de Charmoysi, par laquelle il se treuvera que c'est chose de peu d'importance; et neantmoins, pour la faciliter encor davantage, on offre recompense de fiefz et servis ailleurs dans les terres de Sa Grandeur, a laquelle il importe peu d'avoir en un lieu ou en un autre, estant par tout le haut seigneur au dessus de tous les autres de ce païs..

  A024002375 

 Sa Grandeur est tres humblement suppliee d'accorder et ordonner aux gens de son Conseil et Chambre des Comptes de Genevois de donner en effect des limites a la jurisdiction [230] que le sieur de Charmoysi a a Villy.

  A024002376 

 C'est un point de justice et qui en conscience ne peut estre refusé; car le sieur de Vallon, ayant fait une notable despense pour la reparation de l'eglise, avoit droit de laisser ou mettre des marques de sa pieté pour la posterité au lieu ou il avoit contribué, pourveu qu'elles fussent en une place en laquelle il ny eut point d'apparence que les dites armoiries fussent mises a pair de celle de Sa Grandeur.

  A024002376 

 Et toutefois, quoy qu'ainsy fut, le feu sieur Berthelot fit des effortz si grans et des instances si violentes, qu'en fin, contre l'advis des gens de justice et contre l'ordre du droit, lesdites armoiries furent rasees, au prejudice de la reputation dudit sieur de Vallon..

  A024002386 

 Monsieur de la Pierre est supplié, de la part de l'Evesque de Geneve, d'interceder vers Monseigneur le Duc de Nemours, a ce qu'il luy playse de commander qu'on face les expeditions des faveurs que Sa Grandeur a accordees audit Evesque:.

  A024002401 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit que le suppliant doit remettre en propre personne et entre les mains de Vostre Reverendissime Seigneurie, le contenu [234] en la susdite requeste, par laquelle il confesse d'avoir commis l'execrable et abominable crime..., qui semble, a correction, devoir estre puni par adjudication de quarante livres d'amende applicables a la mense episcopale, et vingt livres a œuvres pies, ayant esgard a la confession et volontaire recognoissance de sa faute; et a jeusner trois jours de la sepmaine pendant le temps et espace d'un mois prochain, a compter des hores; avec inhibition et defense de ne rechoir par cy apres a telles semblables fautes, a peine de cinq cent livres, et autres plus grandes s'il y eschoit.

  A024002404 

 Toutes choses bien considerees, Nous avons condamné et condemnons le suppliant a quinze livres d'amende pour les reparations de l'eglise de sa parroisse, quil remettra dans ce moys es mains du sieur Curé ou vicaire, et en la presence des scindiqs, qui auront soin de les employer et dont ilz feront apparoir a Nous ou au sieur chanoyne Jay dans le moys apres, et quinze envers la mense episcopale; et de jeusner chaque vendredi des quatre semaines suivantes, et de dire dans l'eglise d'icelle parroisse chasque Dimanche des dittes trois (sic) semaines quinze Pater noster et Ave Maria a genoux, apres le service de la sainte Messe..

  A024002432 

 Veu la requeste cy dessus, Noz decretz en fin, des jours douziesme et treiziesme du courant, et tout consideré, Nous vous mandons et commettons par ces presentes, qu'a la requeste desdits suppliantz, vous adjourner a personne ou domicilie parties suppliees a comparoir et [répondre] pardevant... le sieur chanoine Delacombe, par Nous a ce commis et deputé, pour respondre et deffendre aux fins et conclusions prinses par ladite requeste et proceder ainsi que de ....

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002457 

 Ayant veu, leu et consideré la Bulle concedee par le Saint Pere Paul V, en laquelle il a dispensé et dispense noble seigneur Jean Anthoine de Rossillon et noble dame Marie de Viri de contracter mariage ensemble, nonobstant qu'ilz soyent parens entre eux au quatriesme degré, Nous avons homologué, interiné le rescrit porté par icelle Bulle, comme ayans veu la deposition bien et legitimement faite par des tesmoins dignes de foy, que la supplication presentee au Saint Pere contenoit verité.

  A024002457 

 C'est pourquoy Nous vous commettons pour celebrer ledit mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise, en presence de deux tesmoins, et mesme en lieu particulier, soit en chambre ou ailleurs, secretement, attendu que ledit mariage est des-ja publié, et qu'il n'est besoin de le celebrer sinon pour reparer les defautz de pouvoir, si aucun est intervenu au mariage des-ja, quoy que peut estre nullement, celebré..

  A024002506 

 La fin de l'Academie sera l'exercice de toutes les vertus, la souveraine gloire de Dieu, le service des Serenissimes Princes et l'utilité publique.

  A024002508 

 Quicomque devra estre receu sera presenté par quelqu'un des Academiciens.

  A024002509 

 Tous les Academiciens prendront des noms et des devises à leur fantasie, qui toutesfois soyent convenables; et le Censeur [243] prendra garde qu'elles soyent bien prises et qu'on ne les change point.

  A024002511 

 On admettra aux assemblées generales tous les braves maistres des arts honnestes, comme peintres, sculpteurs, menuisiers, architectes et semblables..

  A024002514 

 On y traictera de l'ornement des langues, et sur tout de la françoise..

  A024002516 

 On affigera a la porte de l'Academie un billet auquel sera marqué le temps et la matiere des leçons..

  A024002518 

 Les auditeurs apporteront leur attention, leur pensée et leur soing à ce que l'on enseignera; et s'il y a quelque chose qu'ils n'entendent pas, ils en feront des interrogats aprés que la leçon sera faicte..

  A024002520 

 On n'y admettra point d'heretique, schismatique, infidelle, apostat, ennemy de la patrie ou des Serenissimes Princes, perturbateur du repos public, ou marqué de quelque infamie publique..

  A024002525 

 Nul des Academiciens ne fera aucun signe de legereté d'esprit, quelque petit qu'il puisse estre; autrement il sera corrigé par les Censeurs..

  A024002540 

 Par devant Nous FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et compara au palais de Nostre habitation et residence ordinaire de cette cité d'Annessy, M e Jean Thomas, procureur de Ville et des R dz sieurs et nobles Administrateurs du College de laditte cité: lequel Nous a remonstré, comme suivant la bonne volonté de Son Altesse Serenissime et de Monseigneur le Duc de Genevois, Nemours et Chartres, ilz ont remis, cedé et transporté ledit College et administration d'iceluy aux R dz PP. de la devote Congregation de Saint Paul, vulgairement appellés Barnabites, par contract qu'il exhibe, du cinquiesme juillet prochain passé, receu et signé par M e Vassal, notaire et secretaire de laditte ville; Nous requerant vouloir iceluy homologuer en [248] tant que Nous touche, et sur iceluy interposer Nostre decret et.

  A024002556 

 4° S'il est admis au Tribunal par le Reverendissime Evesque, qu'il n'y aille que du consentement du Reverend S r Curé, gratuitement a l'egard des penitens..

  A024002589 

 Et cela, pour que les professeurs prêtres, y établis et fondés, aient un autel sur lequel ils puissent commodément, aux heures fixées, célébrer la Messe devant les élèves, ou encore pour que soit créé un nouveau cinquième professeur, prêtre lui aussi, selon le progrès dudit Collège, et les Statuts donnés par le Révérend M. Bochut, si le revenu provenant [254] des chapelles unies est suffisant, ou qu'au moins ce revenu serve à assurer d'une façon plus certaine l'entretien des susdits professeurs.

  A024002589 

 Que si, à la fondation du clergé et Collège, étaient unies, annexées et incorporées la chapelle de la Léproserie de Cluses et l'autre chapelle de Notre-Dame de Pitié (dépendant toutes deux de la présentation des Syndics de Cluses), avec leurs droits, fruits, rentes, revenus et appartenances, ce serait faire acte utile au clergé et au Collège..

  A024002590 

 Nous donc, approuvant une pétition si juste et raisonnable, et étant donné le consentement des Syndics et Conseillers de Cluses, lesquels sont patrons des susdites chapelles, Nous avons jugé bon d'unir, rattacher et incorporer au Collège et clergé en question les chapelles de la Léproserie et de Notre-Dame de Pitié, du même lieu, avec leurs droits, revenus et appartenances, [255] comme par les présentes Nous les unissons, rattachons et incorporons avec ces mêmes droits, fruits, revenus et appartenances.

  A024002616 

 Et après sa mort, je nomme dès maintenant, pour alors et pour toujours, le Collège des PP. Barnabites d'Annecy, auquel je veux et déclare que les susdits cinquante ducatons soient perpétuellement et irrévocablement assignés et appliqués; à condition, cependant, que le Supérieur du Collège des PP. Barnabites sera tenu de faire célébrer la Messe perpétuelle par l'un des prêtres Religieux de son Ordre: car telle est Notre volonté..

  A024002636 

 Et neantmoins, pour le fondement et validité d'icelle, remonstre que, par un prealable, il doibt estre debuement informé sur la necessité, utilité et prejudice que peut aporter ladicte union, et sur la vraye valeur des revenuz annuelz et charges de la chapelle dont est question; et semblablement, des revenuz et charges des Reverendz Peres supliantz, vocatis vocandis, pour de faict leur estre proveu comme de raison..

  A024002636 

 Le Procureur fiscal de Genevois dit qu'il n'a point d'autre interest en l'union dont est question que celuy du bien public, auquel il estime ladicte union pouvoir grandement conferer: laquelle partant il n'empesche, sans prejudice des droictz de Monseigneur et du tiers non ouy.

  A024002640 

 (Un double de la même supplique des Pères Barnabites est apostille par le Saint et par le Procureur fiscal de l'Evêché de la manière suivante: ).

  A024002646 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit qu'auparavant que proceder a l'union requise et qu'il puisse prester aucun consentement a icelle, il eschoit d'informer sommairement sur la necessité ou utilité, et sur la qualité des benefices; n'empeschant qu'a ces fins soit commis le greffier de l'Evesché..

  A024002658 

 Supplient avec humillité vos tres humbles et devotz orateurs, les RR dz PP. dictz Clercz regulliers de la Congregation de Saint Paul, dictz Barnabites, recteurs perpetuelz du College des Saintz Paul et Charles d'Annecy, disantz que pour l'union et incorporation que pretend faire V. S. R me du prieuré de Saint Clair audict College, pour les raysons et consideration suppliées en la requeste laquelle ilz ont presentée a V. S. R me, et suyvant le bon playsir de Leurs Altesses Serenissimes, les suppliantz ont faict proceder a la sommaire apprinse de l'estat et revenu dudict College, comme aussy de celles dudict prieuré, et que les recteurs ou prieurs d'icelluy ne sontz onques estez que seculliers et simples prebstres; et ce, par M e Maurice Dumont, greffier de l'Evesché a ces fins commis.

  A024002671 

 Qu'appres qu'il a apparu a V. S. R me des preuves souffizantes des necessitées dudict College, le revenu duquel, comme la plupart incertain, n'est souffizant pour leur entretient et des regens des basses classes; par la sommaire apprinse faicte, de l'authorité et commission de V. S. R me, par M e Dumont, greffier de l'Evesché a ce commis; aussy heu esgard au consentement presté par le venerable Chappitre cathedral de Saint Pierre de Geneve, sur la requeste cy jointe du cinquiesme du courant, signé par le sieur Chanoine Jay, secretaire dudict Chappitre, cy contre, il soit le bon playsir de V. R me S., suyvant les conclusions de leurs precedentes requestes, de passer oultre a l'union du prieuré de Saint Clair, fruictz, revenus, biens et charges en dependentz, audict College a perpetuité, comme estant un simple benefice, ainsy que doibt resulter de ladicte requeste sommaire.

  A024002673 

 Apres avoir veu et consideré les depositions des tesmoins ouÿs en la sommaire apprinse faite par M e du Mont, greffier de l'Evesché a ce commis, comm'encor le consentement presté par Nostre Chapitre cathedral, et ayant egard a la bonne volonté, intention et desir de S. A., dont [262] il Nous appert par lettres a Nous envoyees par icelle: avons ordonné et ordonnons que la chapelle de Saint Clair, communement appellee prieuré, biens, fruitz et revenuz qui en dependent, seront mis, annexés et incorporés a perpetuité au College de la presente ville et cité, avec les charges en dependantes; et qu'a ces fins en soyent expediees auxditz suppliantz lettres de provision de ladite union et annexe, telle que de droit et de coustume.

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002691 

 La raison veut que les bénéfices ecclésiastiques soient à bon droit accordés surtout à ceux qui réunissent toutes les conditions requises, en bloc et en particulier, pour la collation canonique des revenus des bénéfices.

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002693 

 Toutefois, par la présente union Nous n'entendons pas priver l'église en question des services dus, mais les charges habituelles en seront, comme il convient, supportées par le Collège.

  A024002695 

 Donné et fait dans l'insigne ville d'Annecy, dudit diocèse, en la maison de Notre résidence habituelle, l'an de la Nativité du Seigneur 1621, indiction IV e, le 19 du mois de novembre, l'an premier du Pontificat du Très Saint Père dans le Christ et notre Seigneur Grégoire XV, Pape par la divine Providence, en présence des témoins, Révérends Georges Rolland et Michel Favre, prêtres de ce diocèse..

  A024002712 

 Et ne croyons pas qu'il se faille arrester a ce qu'en ladite Visite sont estes adjoustés par apostille ces motz: de la præsentation du sieur Baron de Menthon, puisque elle n'a esté appreuvé par Nous, et que pour avoir treuvé, appres que le livre de Visite nous a esté des-ja diverses fois representé, qu'elle avoit esté moins soigneusement et exactement redigee par escrit, Nous ny avons pas cy devant adjousté foy telle qu'est deüe aux actes publicz, mais seulement Nous en sommes servi par forme de memoyres et instructions; aussy ne l'avons Nous voulu ny signer ny appreuver nulle part..

  A024002724 

 L'Evesque de Geneve est le seul legitime Prince sauverain de Geneve et de ses dependences, nonobstant que les Seigneurs Ducz de Savoye, comme successeurs des comtes de Geneve d'une part et les citoyens de Geneve de l'autre, prætendent au contraire..

  A024002725 

 Car, quant aux Ducz, leurs prætentions ayant esté examinees, [270] ilz en furent debouttés par l'Empereur Federic Barberousse des l'an 1162, comm'il appart (sic) par [271] patentes authentiques par lesquelles Berthod, Duc de Kheringhen, ayant obtenu superiorité sur Geneve sous ombre du vicariat d'empire, avec intention de transferer ladite superiorité au comte de Geneve son cosin, ayant en fin comparu en la court imperiale avec ledit comte, ladite obtention et concession fut cassee et declairee nulle en leur praesence, comme surreptice qu'elle estoit, et la sauveraineté confirmee a l'Evesque et a ses successeurs privativement a tous autres, sans reservation d'autre reconnoissance a l'Empereur sinon de faire litanies et prieres quand il passeroit personnellement par ladite ville.

  A024002729 

 L'an 1404, Blanche, comtesse de Geneve, et Amé, comte de Savoye, estans en different a qui appartenoit le comté de Genevois, offrant l'une et l'autre des parties l'hommage a l'Evesque, il différa de le recevoir jusques apres la decision du different..

  A024002733 

 L'an 1517, Jean de Savoye, Evesque, permet a Charles, Duc de Savoye, de faire faire des criëes dans Geneve pour [277] certains siens affaires, sans consequence toutefois ni præjudice..

  A024002735 

 Quand aux prætentions des citoyens de Geneve, elles sont plus recentes et infiniment plus frivoles; car ilz alleguent seulement que l'Evesque Ademarus leur donna pouvoir de connoistre et juger des crimes et occurrences qui surviendroyent des le soleil couchant jusques au soleil levant.

  A024002736 

 L'Evesque n'a peu aliener tel droit au præjudice des successeurs, les Evesques et autres ecclesiastiques n'estans qu'administrateurs et usufructuaires des biens de l'Eglise..

  A024002783 

 De plus, Nous affirmons que le même Georges Seyffert, porteur des présentes, a toujours vécu, pendant le peu de jours qu'il a passés avec Nous, selon les usages catholiques et qu'il n'a rien fait qui ne respire le vrai christianisme.

  A024002800 

 L'an mil six cens et sept et le quatorziesme janvier, devant moy notaire et les tesmoins, establi en sa personne Illustrissime et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, lequel agreablement et sans revocation de ses aultres procureurs ci devant constitués, de nouveau faict, cree et institue ses procureurs speciaux et generaux, l'une des qualités ne derogeant a l'autre ny au contrayre, sçavoir:.

  A024002823 

 Il s'y fait un grand concours de monde à cause du passage des Français, des Anglais et des Flamands qui vont en Italie; il convient donc, et même il est nécessaire qu'il y réside un Evêque pour tenir en ordre l'état ecclésiastique dans une ville si fréquentée..

  A024002825 

 De là, entre les peuples, des différences d'humeur et de façons de procéder, et aussi des rivalités, des reproches et des rixes criminelles..

  A024002825 

 Un très grave inconvénient résulte encore de la diversité des [289] dominations temporelles qui s'y exercent.

  A024002826 

 Aussi c'est à peine si les Sacrements de Confirmation et d'Ordre, si les consécrations des églises et des calices, si les saintes Huiles peuvent être procurés par l'Evêque de Grenoble, assez occupé dans sa ville..

  A024002826 

 Il y faut plusieurs jours de marche et par des chemins très difficiles, surtout pendant l'hiver, à cause des torrents.

  A024002827 

 De plus, l'Evêque de Grenoble étant le chef et le président des comices et des assemblées séculières et temporelles du Dauphiné, s'il surgit quelque dissentiment entre les couronnes de France et de Savoie, ou même entre les gouverneurs de Savoie et du Dauphiné, les relations entre les deux peuples deviennent très difficiles et le passage de l'Evêque sujet à de graves soupçons de part et d'autre; [290] car alors il n'est pas regardé comme le Pasteur commun de l'un et de l'autre peuple, mais comme un homme exclusivement dévoué et lié au pays où il réside et exerce la prééminence..

  A024002828 

 C'est à celui-ci de fournir aux villes et provinces, en y constituant des Evêques, les moyens convenables pour le maintien de la piété et la décence dans l'exercice du culte catholique..

  A024002855 

 J'admirais qu'à une telle érudition et à une science si variée il joignît [293] un si grand mépris de soi-même; à une si grande gravité de paroles et de mœurs, une si grande grâce et modestie; à un tel souci de la piété, une telle urbanité et suavité; car il ne cherchait pas, comme il arrive à beaucoup, à vaincre le faste par un autre faste, mais par une vraie humilité; il ne donnait pas pour base superbe à sa charité la science qui enfle, mais il fortifiait sa science par la charité qui édifie: aimé à la fois de Dieu et des hommes, lui qui avait pour Dieu et les hommes une très pure dilection.

  A024002856 

 J'observai comment cet homme, à l'occasion, avait coutume de louer si ouvertement, si sincèrement, si affectueusement les institutions, mœurs, doctrine et manière de servir Dieu des divers Religieux, ecclésiastiques et même laïques, comme s'il avait appartenu à leurs Congrégations ou sociétés.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002865 

 Pour tout dire en un mot absent d'envie: il ne me souvient pas d'avoir jamais vu un homme plus abondamment et splendidement orné des qualités que l'Apôtre désirait tant voir chez les hommes apostoliques.

  A024002888 

 Se sont presentés R ds S rs François de Lornay, Doyen de l'eglise Nostre Dame, assisté de Janus des Oches, Bartelemy Flocard et Scipion Machet, chanoines en la dite eglise.

  A024002889 

 Puisque le temps est fort proche, il est necessaire [savoir] si la Ville vouldra permettre que l'assemblee des croix se fera dans l'eglise empromptee pour Cathedrale, lorsque se feront les processions; oultre que, encores que Curés, on veult que aultres, qui n'ont aulcune part en la cure, fassent l'Office, et priver [ainsi] les propres Curés de leur authorité et prerogative..

  A024002895 

 Et pour autant qu'ils se treuvent tellement joincts, unis et collés a la chaire episcopale, ils desireroient qu'ils s'approchassent de plus pres de leur chief, puisque l'Evesque et le dict Chapitre ne font qu'un corps, et que Mess rs les Rever ds sieurs Doyen et chanoines du venerable Chapitre de Nostre Dame marchent devant et a part: estant les dicts sieurs de S t Pierre, avec Monseigneur le Reverendissime, fondés sur des raisons peremptoires et qui ne reconnoissent exception, tant sur les saincts Canons que determinations du S t Consile de Trente.

  A024002901 

 Par Mons. Suchet remonstré comme ils ont esté advertis par Mess rs de Nostre Dame comme ils sont sur le point de la resolution pour le faict des processions avec Messrs de S t Pierre, affin que si la Ville y a quelque interest, de deffendre le droict de leur parrochiale.

  A024002902 

 Mess rs de Nostre Dame ont promis de communiquer leurs raisons et droict, si (ainsi) que Messrs du Chapitre de S t Pierre, desirant aussy le bien des deux Chapitres et ne hurter aulcunement les drois et privileges de la Ville, soit pour elle que de la parrochiale.

  A024002903 

 Les dicts sieurs de Sainct Pierre neammoins ont desiré qu'ils se treuvent au dict arbitraige... Ceste affaire a esté traictee l'annee demiere, par Deliberations des 24 et 28 may 1603, doit a esté faicte lecture, comme aussy du dict compromis portant des raisons pregnantes de laisser lesdicts affaires comme auparavant, puisque partie des dicts juges sont recusés.

  A024002904 

 Le tout sera poursuivi a forme des dictes Deliberations et sans les alterer; et ou a cela sera contrevenu, sera prins acte et appelé ou sera requis.

  A024002913 

 Ce matin, auparavant le depart de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, iceluy auroit faict appeller Mess rs les Sindics, auxquels il auroit remonstré comme samedy prochain, septieme du present mois, se faict action de grace a Dieu pour l'heureuse restitution des Estats de feu de bonne [307] memoire Philibert, nostre Souverain (l'ame duquel Dieu absolve); et par acte remarquable, l'on a tousjours heu despuis de coustume de faire une procession solennelle et generale, a laquelle il desire que le tres venerable Chapitre de l'Eglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, residant en ce lieu, y rendent leurs debvoirs.

  A024002918 

 L'ordre estably par M gr le R me de Geneve, affigé par les portes des eglises, que l'on doibt tenir demain a la procession du tres auguste et tres sainct Sacrement de l'autel, estant au pardessus la lettre de M gr l'Archevesque de Vienne, qui veut que le Chapitre de Sainct Pierre et celuy de Nostre Dame marchent ensemblement, nonobstant l'ordonnance provisionnelle de l'annee derniere: si que les S rs de Nostre Dame sont resolus de ne marcher aulcunement.

  A024002921 

 D'après une copie faite sur les Registres des Délibérations du Conseil de Ville d'Annecy, conservés aux Archives communales, BB, 30-32..

  A024002929 

 Sachent tous comme ainsy soit que par cy devant question et differend soyent estés meus entre les Reverends seigneurs Prevot et chanoines et Chappitre de l'Esglise de Geneve (a present resident en la presente ville d'Annessy) d'une part, et les Reverends seigneurs Doyen, chanoines et Chappitre de l'Esglise collegiale de Nostre Dame de cette ville d'autre, et ce, tant a cause de la precedence et preceance qu'a cause des sepultures: pour raison de quoy, procés auroit esté intenté par devant Monseigneur l'Archevesque de Vienne, ou soit monsr son Vicaire metropolitain, ou le dict procés est encore pendant indecis, ayant neantmoins esté tant procedé que ladicte precedence et presseance auroit esté, par provision, adjugee a ladicte Esglise de Geneve..

  A024002930 

 Quoy fait, et desirant de vuider et terminer definitivement leur dict differend, se seroyent ce jourd'huy soub escrit assemblés pour cest effect a la maison du seigneur de Lambert, en laquelle de present habite Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve: Reverend seigneur messire Louis de Sales, Prevost, Claude de Menthon, chantre, Amblard Guilliet, Estienne de la Combe, Charles Louis Pernet, Charles Grosset, Jean Deage, Anthoine Bochut, Philibert Rouget, Jean Favre, Claude Estienne Novellet, Jean François de Sales et Denis de Granier, tous chanoines de ladicte Esglise de Geneve; Reverend seigneur messire Janus des Oches, Claude Chevallier, Barthollome Flocard, Jean Louis Jacquier, Jean Bernard, chanoines, Pierre [309] Dunant et Guillaume Jusserand, prestres d'honneur de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame: ayant, ainsy quils ont dict et affermé par leur serment, esté respectivement commis et deputez par lesdicts Chappitres pour decider par voye amyable le susdict differend.

  A024002931 

 Pour ce est il que ce jourdhuy, quatorzieme du mois d'octobre mil six cent et cinq, par moy notaire soubsigné et en presence des tesmoins soubs nommés, se sont establis en leurs personnes les susnommés,... et ont transigé, traicté, convenu et arresté comme s'ensuit...:.

  A024002933 

 1° Premierement, que bonne paix soit et demeure des a present entre lesdictes parties, lesquelles ont renoncé et renoncent ausdicts differend et proces.

  A024002934 

 Et neanmoins, voyant qu'elle est rendue en termes generaux,... le tout a esté arresté comme sera cy bas specifié... Lorsqu'il plaira a mondict Seigneur le Reverendissime, ou a son Grand Vicaire, de convoquer les esglises en son Esglise cathedrale pour les processions, ils ne feront aucune difficulté d'y venir, le signe de la cloche leur estant donné a propos; et au cas quils arriveront pendant que l'on chantera au cœur (sic) cathedral soit Heure ou Grande Messe, ils se logeront ou bon leur semblera hors du cœur, en attendant la fin de l'Office; lequel fini ils entreront au cœur, si bon leur semble, et se logeront aux hautes formes du costé gauche qui sera vuide a ces fins, sauf la place accoustumee pour les gens de Monseigneur tenant ses Conseils et Chambre des Comptes; et la se reposeront, en attendant que la procession se commence, sans toutesfois quils puissent faire aulcune sorte d'Office en ladicte Esglise cathedrale.

  A024002935 

 Au retour des dictes processions, le chanoine de la precedente Esglise cathedrale qui fera l'Office, ayant dict l'Oraison pour finir et cesser les dictes processions, ledict corps de l'Esglise de Nostre Dame se retirera avec et comme lesdictes autres esglises..

  A024002935 

 L'ordre d'icelle procession sera comme a esté pratiqué es processions dernieres, sans [310] aucun meslange des corps, lesquels marcheront a part et chaq'un son rang: sçavoir, le corps de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame apres les Religieux du Saint Sepulcre et devant le corps de ladicte Esglise cathedrale qui marchera apres, tout le dernier.

  A024002936 

 Et en icelles processions, chesqun des dicts corps pourra porter ses reliques, si bon luy semble, en tel habit quil voudra..

  A024002936 

 Que si toutesfois lesdicts Offices n'estoient achevés, ledict corps de ladicte Esglise cathedrale n'entrera au cœur jusque apres la fin, pour n'interrompre lesdicts Offices, lesquels achevés il entrera, et se logeront les susdicts seigneurs Prevost et chanoines aux hautes formes du costé droict (estant l'Evesque present ou absent), laissant neantmoins libre la place des susdicts seigneurs du Conseil et Chambre des Comptes.

  A024002940 

 Lesquelles parties ont respectivement promis et promettent pour elles et leurs successeurs, par foy et serment faict ad iste, mettant chaqu'un d'eux la main a la poitrine, au mode des seigneurs ecclesiastiques....

  A024002952 

 C'est pourquoy, sur l'humble requeste que Nous a este faicte de vostre part, Nous vous donnons pouvoir de confirmer et enrichir des Indulgences et graces speciales cy dessoubz escriptes, toutes les Confrairies du tressainct Sacrement de l'Autel cy devant canoniquement instituees et dressees en tout le diocese de Geneve..

  A024002953 

 Or, les Indulgences et graces que Nous accordons en faveur des dictes Confreries sont telles que s'ensuit:.

  A024002961 

 Ceux qui sont desja enroollez ausdictes Confrairies ou quy le seront d'oresnavant, estant vrayement repentantz, confessés et communiés, et visitans les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste principale d'icelle (laquelle vous leur assigneres), et la prieront pour l'union des princes chrestiens, extirpation de l'heresie et exaltation de l'Eglise, gaigneront Indulgence pleniere..

  A024002977 

 Ceux qui se trouveront aux Messes et aultres divins offices qui se celebrent es eglises, autels ou oratoires desdictes Confrairies, ou bien qui assisteront aux assemblees d'icelles Confrairies, soit qu'elles se facent publiques ou particulieres, en quelque lieu que ce soit, et ceux qui accompagneront le tressainct Sacrement quand il est porté ou es processions ou aux mallades, ou aultrement, comme que ce soit; ou qui, estant empechés de ce faire, oyant le son de la cloche qui sert de signe pour cela, diront un Pater noster et un Ave Maria pour le malade; ou quy se treuveront es aultres processions extraordinaires desdictes Confrairies et des aultres quy se feront par vostre licence, ou aux ensevellissementz des deffuncts; ou quy visiteront et secourront les mallades, ou quy feront hospitalité aux pauvres, ou quy leurs feront ausmonnes et secours, ou qui pacifieront les discordes qu'eux mesmes ou les autres auront, ou bien procureront qu'elles soyent pacifiees; ou bien quy reciteront cinq fois le Pater noster et l' Ave Maria pour les deffuncts, ou quy ramenneront quelqu'ung au chemin de salut, ou quy enseigneront les choses utiles au salut, ou quy feront quelque autre sorte d'œuvres de pieté et de charité: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelqu'une des susdictes bonnes œuvres, gaigneront cent jours d'Indulgence..

  A024002985 

 Et en fin Nous donnons pouvoir ausdictz confreres et seurs de choisir tel confesseur que bon leur semblera (approuvé neanmoins [314] de l'Ordinaire), quy une fois l'annee les puisse absoudre de tous pechés, crimes, exces et delicts, mesme de ceulx quy Nous sont reservés, et au Siege Apostolique (excepté neanmoingz les cas reservés en la Bulle Cæna Domini et en la Constitution de Clement VIII, d'heureuse memoire, Nostre predecesseur, qui se commence: Quæcumque a Sede Apostolica, dattee du septiesme septembre mil six cent et quattre, et encour les reservés aux Ordinaires des lieux), et le tout nonobstant toutes Constitutions et autres choses quy porroint estre a ce contraires..

  A024002994 

 Certiffie, je Louys de la Ravoyre, Prevost de l'esglise collegiale de Saint Jaques de la ville de Salanche, soubsigné, qu'ayant receu avec deue reverence et honneur lettres de commission de la part de Vostre Illustrissime et Reverendissime Seigneurie, donnees Annessi le trente uniesme aoust dernier, signees Dumont, a moy addressees pour la vision et information des choses narrees par la Requeste d'icelles, cy attachee, a vous presentee la part de discret Nicolas, filz de Guilliame Perroullaz, du lieu des Vorsiers, parroesse de Salanche:.

  A024002995 

 En vertu de ladicte commission et pour l'execution d'icelle, je me suis expressement transporté avec M re Claude Ramus, notaire, le vingtroisiesme septembre mil six centz et dix, des la [315] ville de Sallanche, lieu de ma residence, jusques au village des Vorsiers, distant de ladicte ville une bonne demy lieue.

  A024002995 

 La ou estant, mesmes au devant ladicte chappelle mentionnee par la Requeste susdite, je l'ay trouvee situee touchant le grand chemin dudict village tendant de Salanche a Magland, distante des maysons d'icelluy environ vingt pas d'un coste et trente d'un aultre.

  A024002996 

 Au sortir de ladicte chappelle, je suis entré dans l'une des maisons dudict village, pour ouyr ledict Guilliame Perroullaz, Nicolas son filz et aultres, sur le contenu de ladicte Requeste; dont, pour cest effect, j'aurois appellé ledict Guilliame, aagé d'environ soixante ans, auquel, appres luy avoir faict prester le serment sur les sainctz Evangiles de Dieu de dire, la verité de ce quil sera par moy examiné, luy remonstrant la peyne de faulx, a dict et respondu comme ci appres:.

  A024003002 

 Respond quii desire et supplie tres humblement Monseigneur le Reverendissime de permettre y estre celebré les jours troisiesme des festes de Noel, troisiesme de Pasques, troisiesme jour des festes de Pentecostes et le jour sainct Nicolas en decembre, a forme de ladicte Requeste, pour la commodité dudict suppliant, de sa famillie et de ses voysins.

  A024003010 

 Premierement, interrogé si, en l'annee 1598, il fut detenu de griefve maladie, et qu'a ceste occasion fit veu a Dieu et a la glorieuse Vierge de fere construire une chappelle audict village des Vorsiers, a l'ayde et assistance de sondict pere, si Dieu luy faysoit la grace de revenir en convalescence, et si ce veu fut faict du sceu et consentement du susdict Guilliame Perroulaz son pere:.

  A024003011 

 Et lhors, que cherchant des pierres pour bastir une grange, ilz en trouverent une d'environ trois piedz de longueur, un pied de large et demi pied d'espesseur, laquelle estant rompue par ledit respondant, il apparut a la roupture d'icelle l'image de la glorieuse Vierge; chose qui l'estonnat grandement, et luy fit alhors declarer son dict veu a son pere, qui l'approuvat et luy promit toutte assistance pour s'acquitter de sondit veu et faire bastir la dicte chappelle, ce que despuis ilz ont faict..

  A024003021 

 Respond quil les cognoit tres bien et qu'ilz sont de bonne fame et reputation, et qu'il a entendu dire audict Nicolas Perroullaz, qu'a une sienne maladie de laquelle il venoit quasi impotent, sont environ douze annees, il avoit faict veu que si Dieu luy redonnoit sa santé, de fere construire a l'honneur de la Saincte Trinité et de la glorieuse Vierge ladicte chappelle; ce que du dempuis et des une annee en ça lesditz pere et filz ont effectuéz et ont fait bastir ladicte chappelle, a laquelle sil plaist a Monseigneur le Reverendissime permettre estre celebré la Messe, cela leur sera grande commodité..

  A024003022 

 Interrogé quelle distance il estime y avoir des le village des Vorziers jusques en la ville de Salanche, et quelle incommodité de chemin il s'y trouve:.

  A024003023 

 Dict et respond qu'il y a environ demy lieue de distance et qu'il y a trois nantz a passer en chemin; l'un desquelz est plus proche dudict village des Vorziers, appellé nant de Dyere, qui vient fort grand et impeteux en temps de pluye, tenant mesme de gravyne [318] en largeur, en temps sec, environ trente pas, et que deça dudict nant, proche dudict village des Vorziers, sont buissons, bourses et pierres environ deux centz pas de chemin..

  A024003031 

 Interrogé quelle distance il estime y avoir des ledict lieu des Vorsiers jusques en la ville de Salanche et quelle incommodité de chemin il trouve en y allant:.

  A024003032 

 Dict et respond qu'il estime y avoir environ une bonne demy lieue de chemin, touttesfois tout a plain, auquel se trouve, au sortir des possessions dudict village, des isles plaines d'espines, buissons et pierres, contenant de chemin environ douze vingtz pas, dans lesquelles isles se trouvent souvent, mesmes en hyver, des loupz et aultres bestes; dela desquelles est la riviere appellé le nant de Diere, fort impetueux en temps de pluye et difficile a passer, et encoures de la ledit nant s'en trouve ung aultre dict le nant de la Croix, et plus oultre, tendant contre Salanche, distant du precedent environ deux centz pas, un aultre appellé nant de Lespignier, lesquelz touttesfois ne viennent si impetueux ny grandz que le premier..

  A024003039 

 Apres l'audition des susnommés, je me suis mis en chemin pour retourner a Salanche avec ledict M e Ramus, ayant au preallable remarqué audit village des Vorsiers, de costé et d'aultre, plusieurs possessions, champ et verdiers, au but desquelles, du costé de Salanche et environ cent pas loing dudict village, j'ay remarqué les isles playnes d'haliers, pierres et espines, tenant de chemin jusques au nant de Dyere environ trois centz pas; puis j'ay trouvé ledict nant, appellé Diere, descendant d'une haulte montagne, demonstrant d'estre impetueux et dangereux a passer en temps de pluye et neige, et qui couvre de gravine et pierre environ quarante pas de largeur de terre; et environ demi quart de lieue de la d'icelluy j'ay trouvé le second nant, puis, un peu dela, le troisiesme, desquelz les tesmoins ont fait mention en leurs depositions; ayant recognu lesdictz nantz et isles estre fort correspondantes a ce que lesdictz tesmoings m'en avoient dict..

  A024003044 

 Continuant a l'audition des tesmoins pour la veriffication du contenu en ladicte Requeste, j'aurois faict [venir] messire Pierre Naviset, prestre de Saint Gi[ngolph] habitant a Salanche, aagé d'environ quarante ans, lequel ayant presté le serment more ecclesiasticorum, et leu la Requeste susdicte, a respondu aux interrogatz a luy faictz:.

  A024003045 

 Que pour avoir desmeuré en ladicte ville de Salanche des unze annees en ça et avoir servy de vicaire [a] messieurs du Chapitre durant ledict temps, il cognoit tres bien lesdictz Guilliame et Nicolas Perroullaz, et lesquelz il a tousjours recognus bons catholicques, pieux et devotz, et que, pour avoir esté plusieurs fois audict village des Vorziers, tant pour porter le tressainct Sacrement aux malades que pour faire les benedictions accoustumees, il a remarqué le chemin estre long et de plus de demy lieue des ladicte ville, et qu'es ditz voyages il se seroit trouvé diverses fois en peyne et danger de passer le nant de Diere pour son impetuosité et grandeur; et qu'il se souvient qu'il y a environ dix ou unze ans, que les loupz tuerent une fille aagé d'environ douze annees, ez isles des-dictz Vorsiers, dela ledict Nant de Dyere, qui estoit a l'un des freres Challamel, laquelle fut apportee ensepvellir a Salanche; et la mesme annee, lesditz loupz manquerent encor de tuer une femme qui menoit abbreuver du bestail audit nant.

  A024003052 

 A respondu et dict qu'il cognoit de long temps le dict Guilliame Perroullaz et ses enfantz, qui font traffic de marchandise en Provence et sont tenus pour bons chrestiens, de bonne fame et reputation; et qu'il a esté souventesfois audict village des Vorziers, tant pour y avoir une possession que pour sa charge de chastellain, et qu'au chemin d'icelluy se treuve le nant de Dyere, qui vient fort grand et dangereux a passer en temps de pluye, et dela ledict nant sont les isles des Vorziers, plaines de buissons et d'espines, dans lesquelles se treuvent quelque fois des loupz; mesmes, qu'il y a environ neufz ans, qu'es dictes isles ilz tuerent une fillie et l'eussent devoré, n'eust esté que les voysins y accoururent, qui les empescherent.

  A024003052 

 Dict en oultre, qu'il luy semble il y aye une grande demy lieue de chemin des ladicte ville de Salanche jusques audit village des Vorziers..

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003060 

 Sur les generaulx, dict que Pierre, l'un des filz dudict Guilliame Perroullaz, a espousé sa niepce, fillie de son frere.

  A024003065 

 Avec proteste aussy que l'institution et provision des recteurs de ladicte chappelle leur desmeurera, a forme de leurs privileges et Bulle de fondation de leur dicte eglise collegiale et Chappitre..

  A024003084 

 Il y a 9 ou 10 jours que je marchande de vous escrire, et ay tous-jours differé attendant la presentation de nos cayers; mais voyant qu'elle se delaye de semaine en semaine, j'ay pensé a propos par advance vous escrire la presente, et vous dire, pour vostre consolation et de tous les bons catholiques de Gex, que la France est tant esloingnee de tout chisme et division du Saint Siege Apostolique, qu'au contraire jamais elle n'y a esté si estroitement jointe et unie qu'elle est a present; comme elle tesmoingne par l'humble demende et instante requisition qu'elle fait a Sa Majesté de la reception et publication du sacrosaint et œcumenique Concile de Trante, ornant le frontispice de son cayer general de cette demande, comme les douze des douze gouvernements de France en estoyent embellies tout au commencement, estant leur I er article, voyre mesme les cayers particuliers des Baillages et senechaussees de tout le Royaume.

  A024003085 

 Cela n'est il pas suffisant pour faire mourir d'honte nos imposteurs? Voyez l'imprimé des motifs [323] de l'impugnation de l'article que je vous envoye, et le communiquez aux catholiques.

  A024003085 

 De plus, un article ayant esté proposé en la Chambre du Tiers Estat par l'invention du diable et de ses supposts les heretiques et par l'entremise des gros, ou pour mieux dire des faux catholiques, qui derogeoit a l'authorité de nostre S. Pere le Pape soubs faulx pretexte de conserver la personne de nos Rois, a esté si courageusement impugné par nostre Chambre assistee de celle de la Noblesse et de la plus grande part mesmes de ceux du Tiers Estat (au grand regret desquels il avoit esté proposé), que par commendement de Sa Majesté il a esté osté de leur cayer, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté, par l'advis et conseil de Messieurs du Clergé ausquelz il remettoit entierement cet affaire.

  A024003086 

 Seulement je diray, pour faire desesperer nos imposteurs, qu'on demande des commissaires pour visiter les lieux infestés de l'heresie et tirer d'entre les mains des heretiques non seulement les eglises,... mais aussi tous les biens ecclesiastiques et leur faire rendre conte jusqu'au dernier quadrant de ce qu'ils en auront manié, pour ne dire desrobé.

  A024003086 

 Tous les articles de nos cayers et plusieurs autres que j'ay adjousté touchant vos advis et ce que j'ay jugé utile pour le bien du baillage, et particulierement des catholiques, ont esté bien receu du Clergé; qui est un prejugé qu'ilz seront favorablement repondus de Sa Majesté..

  A024003087 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur et le contentement que je reçois journellement en ceste assemblee, tant de la part de Messeigneurs les Cardinaulx, Archevesques, Evesques et autres deputés de l'Eglise, comme aussi en nostre couvent, des Superieurs et Religieux.

  A024003095 

 Commissaire general de la province de la Mission des Capucins..

  A024003102 

 Estant heureusement arrivé a la fin des Estats, il m'a semblé a propos vous en donner advis et vous dire par mesme moyen que lundy dernier, veille de saint Mathias, les cayers furent presentés au Roy, celui du Clergé par Monseigneur l'Evesque de Luçon, celui de la Noblesse par Monsieur le baron de Senessé, celui du Tiers Estat par Monsieur le Prevost de Paris, lesquels trois arranguerent non moins disertement que doctement: ausquelz le Roy, apres avoir remercié les Estats de leurs bons conseils et advis, respondit en peu de paroles que, le plustost qu'il pourroit, il y donneroit response et la plus favorable qu'il lui seroit possible, et que personne des deputez ne partisse de Paris jusqu'a ce qu'il y eu respondu entierement.

  A024003103 

 Dans le I er pacquet il y avoit deux lettres que je vous escrivois; dans le 2 e estoient deux lettres de monsieur le Masurier, l'une pour luy, l'autre pour monsieur le Curé de Gex, qu'il m'avoit envoyees de Poictiers pour respondre des leurs, d'ou maintenant il est de retour depuis 8 jours, et l'ay esté visiter et ay [parlé] de nostre cayer avec lui; mais il le trouve un peu tropt politicque, neantmoins bien affectionné a nostre partis, avec toute sorte d'offre et de courtoisie, et que dimanche prochain il me viendroit voir au couvent..

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003103 

 Je vous ay desja envoyé l'imprimé des motifs qui nous pousserent a impugner cet article, comme aussy a Monseigneur l'Evesque de Geneve dont je suis fort en peine; car depuis mon depart je n'ay receu aucune des siennes, bien que je lui aye escript par plusieurs fois, et particulierement deux fois par la voye de la poste, adressant mes lettres au R. Pere Gardien de Chambery.

  A024003104 

 Je vous ay desja escript par la mienne derniere, il y a environ 3 semaines, que tous nos articles avoyent estez fort bien receu et inserez tout au long dans le cayer de l'Eglise, hormis la seigneurie [325] de Peney qui est pour estre riere la souveraineté de Geneve; mais aussy j'en ay adjoustés plusieurs autres que j'ay jugé utiles et necessaires pour le bien des catholiques de Gex.

  A024003104 

 Je vous supplie, s'il y a quelque autre chose que vous jugiez pour le bien de l'Eglise et des catholiques devoir estre demandee, m'en escrire au plustost et je feray toute sorte de diligence pour l'obtenir.

  A024003105 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur que j'ay receu en ceste assemblee, tant de Messeigneurs les Cardinaux, Archevesques, Evesques, Abbés, qu'autres deputez, et combien ils prisent et font estat de nostre mission et quels desirs ils ont de nous y assister, comme ils tesmoigneront a la 1 er assemblee du Clergé, ordonnant quelque somme d'argent a cet effaict, comme plusieurs me l'ont promis, et des principaux.

  A024003105 

 Monseigneur l'Archevesque de Bourge, des maintenant pour son particulier, nous donne tous les ans centz escus, tout autant qu'il faict pour les curez.

  A024003117 

 Depuis la reception des vostres du 14 e janvier, voici le 5 e pacquet que j'ay envoyé de par dela sans recevoir aucune response de vous ny d'aucun autre, ce qui m'estonne fort.

  A024003117 

 Je donnay le I er pacquet a monsieur de la Bastide et je vous l'adressois; le 2ond a Monseigneur de Geneve, par la poste, l'adressant au V. P. Gardien de Chambery (et reste fort estonné que luy ayant escript depuis mon depart de Gex par 5 ou 6 fois, je n'aye receu de luy un seul mot de response, estant venus icy expres pour les affaires de son [326] diocese riere la France); le 3 e pacquet je l'ay adressé a monsieur de Fournel, et ce par la voye de monsieur Carlet; le 4 e a monsieur le Baillif, par l'adresse de monsieur Robin, comme il m'avoit escript; le 5 e est le present, par M. Tombet, deputé du Tiers Estat de Gex, lequel vous racontera amplement la conclusion des Estats et le peu de satisfaction que remportent les deputez en leurs provinces..

  A024003119 

 J'attendray ce temps, comme aussy la response des cayers, et si elle n'est favorable pour nous, je tascheray d'obtenir en particulier ce qu'on n'aura peu en general, comme aussi tout ce que je cognoisteray necessaire pour le bien du baillage de Gex; M. de Favey (?), M. Tombet et moy y avons desja faict tout ce que nous avons peu..

  A024003128 

 Commissaire general des Capucins en la province de la Mission..

  A024003171 

 Que Nous ayant tres humblement remonstré et faict entendre les Scindics, bourgeois, manantz et habitantz de Nostre bonne ville et cité d'Annessy, comme Nous ayant pleu par Nos patentes du quatorziesme juin mil six centz huict de leur continuer la levee de trois deniers sur chasque livre de chair se debitant en leur boucherie a perpetuité, que par aultres patentes precedentes Nous leur aurions accordé pour quelque temps, en consideration des grandz debtes quilz auroient faictes et charges par eulx supportees despuis tant d'annees et quilz continuent encores a present...; ce que neanmoins auroit esté restrainct, par Arrest de verification de Nostre Senat de Savoye, au terme de dix annees, sans ce que pourtant ilz ayent peu s'acquiter de telz emprumptz ny en recevoir le soulagement quilz en esperoient.

  A024003172 

 Lesquelz cinquante ducatons seront aplicqués pour l'aulmosne, entretien et maintenement du prebtre et Religieux qui la celebrera a l'eglise que nommera ladicte Infante, laquelle Messe sera fondee avec l'auctorité [332] de l'Evesque de Geneve... Le premier paiement se commencera trois mois apres l'intherination des presentes, et le reste aplicable, la moitié pour aider a l'entretien desdictz Peres Barnabites pour leur College, et l'aultre moitié au proufict et commodité de ladicte ville ............

  A024003177 

 Revu sur le texte inédit, inséré dans les Registres des Délibérations du Conseil de Ville d'Annecy, vol. 34, fol.

  A024003183 

 Comme ainsi soit qu'il ayt pleu a Noz S te Peres les Papes, souverains Pasteurs de l'Eglise universelle, d'annexer et unir au sacré Ordre des Freres Prescheurs la Tres-S te Confrairie du Tres-Sainct Nom de JESUS, et encor y donner le pouvoir aux Superieurs du dit Ordre de l'eriger et establir aux eglises et lieux ou ilz seront requis par le zele et devotion des fideles:.

  A024003184 

 Prieur du Convent de S t Dominique d'Annessy et Vicaire substitut de R d Pere Frere Adrian Bechu, docteur en theologie et Vicaire General de la Congregation des Freres Prescheurs en France et Savoye, ayants veu le consentement de Monseig r le R me Evesque et Prince de Geneve sur les réquisitions a luy faictes et [333] d'autre part escrittes, pour satisfaire a la pieté et devotion des suppliants et pour contribuer tout nostre soing et tout nostre pouvoir a ce que le Tres-S t Nom de Dieu soit honoré, et que par ce moien tous blasphemes soient ostez et exterminés du milieu des Chrestiens:.

  A024003196 

 Et dauttant que ledict Prieuré doict estre conventuel et a esté servis (sic) par des Religieux de S t Benoit, le seigneur suppliant recours (sic) aux fins quil vous plaise informer sur la verité du faict exposé..

  A024003196 

 Supplie humblement Reverend Messire Jean François de Blonnay, Prieur commendataire perpetuel du Prieuré conventuel de Sainct Paul, disant: que de nulle memoire d'homme ne se treuve que ledict Prieuré soit esté visité jamais que par les R mes Evesques de Geneve, lesquels onts tousjours heu pouvoir de corriger, amender et chastier les deffauts et manquementz des Religieux ou beneficiers ou prebandés audict Prieuré.

  A024003422 

 DE LA CONCEPTION DE LA BIENHEUREUSE MARIE ET DES SAINTS APOTRES PIERRE ET PAUL.

  A024003428 

 De même la très pure et très sainte Vierge Marie, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, laquelle, conçue sans la souillure du péché originel, est restée vierge avant, pendant et après l'enfantement, qui prie sans cesse « pour le peuple, » intervient « en faveur du clergé, » intercède « pour les femmes consacrées à Dieu, » secourt les opprimés, réprime les efforts des hérétiques et des infidèles, et aide, en les délivrant de tous maux, ceux qui ont recours à elle..

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003429 

 Cette protection, ils l'ont accordée presque dès le début de l'Eglise jusqu'à l'année du Seigneur mil cinq cent trente-cinq, où, par punition des péchés du peuple, Satan, maître et artisan d'hérésies, instigateur de tous les maux et semeur de zizanie, agita fortement la ville elle-même et une partie du diocèse des troubles très violents de l'hérésie.

  A024003429 

 En outre, les « glorieux Princes de la terre, » les très saints Pierre et Paul, Apôtres de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, dont le second est le Docteur des nations et le premier, le Prince des Apôtres, [340] Vioaire du même Jésus-Christ, fondement de l'Eglise et celui dont la foi ne défaille pas, ont tous deux illustré par leur mort la sainte Eglise Romaine, tête et maîtresse des autres Eglises, et, comme Patrons titulaires de la vénérable Eglise de Genève, l'ont conservée, ainsi que sa cité, son diocèse et leur peuple, à l'abri de toute hérésie et dans la profession de la foi orthodoxe.

  A024003430 

 Après avoir détruit les ennemis publics de sa Divinité, de l'humaine nature et des hommes, il fera revivre là, la sainte religion catholique, et nous, soussignés, il nous ramènera et nous réinstallera dans nos sièges d'autrefois et dans notre propre église, d'où, comme il a été dit plus haut, nous avons été bannis en cette ville d'Annecy, depuis plus de cinquante ans, où nous résidons comme étrangers et pèlerins dans une église d'emprunt..

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003439 

 Et parce que, soit pour célébrer et chanter les divins Offices de la [348] Confrérie et exercer les autres œuvres pies, soit pour traiter ses affaires, il est nécessaire d'avoir un lieu particulier tout à fait libre, hors de l'église où est situé l'autel que nous avons érigé (comme cela se pratique partout pour les autres Confréries), et que l'église de Saint-Jean-Baptiste, de la commanderie du Genevois, de l'Hôpital de Jérusalem, sise en lieu public de ladite ville, n'est guère fréquentée à cause du manque de ministres et de l'injure du temps présent, mais qu'il y a lieu d'espérer que les habitants de cette ville, d'ailleurs très religieux et professant avec dévotion de bouche et d'œuvre la foi catholique, visiteront ensuite cette église de Saint-Jean avec plus de ferveur, si l'on y chante plus souvent la Messe et les autres Offices divins, et si les prières publiques et les pieuses exhortations s'y multiplient; pour ces raisons, du consentement de [349] noble et magnifique seigneur Denis de Saconay, baron des Clets, seigneur temporel de Saconay, Truaz et Lorcier, procureur général de l'Illustrissime et Révérend seigneur Pierre de Saconay, son frère, de l'Ordre militaire de l'Hôpital de Jérusalem, prieur du prieuré d'Auvergne et commandeur du Genevois, nous établissons et choisissons, dans cette même église de Saint-Jean-Baptiste l'oratoire de notre Confrérie, tant que le Chapitre de Genève résidera dans la ville d'Annecy.

  A024003443 

 Cependant, si cela est jugé expédient, une fraction perpétuellement dépendante de cette Confrérie pourra rester dans une des églises de la susdite ville, à choisir par le Chapitre.

  A024003447 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que les fêtes spéciales et perpétuelles de notre Confrérie soient: l'Exaltation de la sainte Croix, la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, l'Invention de la sainte Croix et le jour des saints Apôtres Pierre et Paul..

  A024003449 

 Le Saint-Sacrement sera exposé sur l'autel de l'oratoire aux jours des fêtes de la, Confrérie.

  A024003455 

 Nous statuons et ordonnons que la même chose se fasse le second dimanche de chaque mois, excepté septembre, décembre, mai et juin, à cause des fêtes susdites qui y tombent..

  A024003459 

 Toutefois, bien que la majesté du très saint Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ainsi exposé publiquement demande que tous les confrères passent humblement là toute la journée en louanges, prières et saintes méditations, cependant, la fragilité humaine des confrères, non encore exercés à une telle assiduité dans ces œuvres de piété, ne permettant pas cette action commune; pour que la prière ne cesse pas à l'intérieur de l'oratoire et que la Confrérie elle-même professe, à l'égard de ce très saint Sacrement de l'Eucharistie, un hommage de sa servitude: nous statuons et ordonnons que tous les jours où il sera exposé publiquement sur l'autel de l'oratoire, deux confrères, choisis par le Prieur et ses Assesseurs [353] ci-dessous nommés, pour se partager alternativement les heures, devront passer jusqu'à Vêpres, à genoux, avec l'habit ci-dessous prescrit, une heure entière en saintes prières et divines méditations, en particulier et selon la dévotion personnelle, pour notre très Saint-Père le Pape, pour tous les Prélats de l'Eglise et tout le clergé, pour la tranquillité de la république chrétienne, la sauvegarde de la foi catholique, la paix et la concorde entre les Princes et les peuples chrétiens, la conservation et l'accroissement de notre Confrérie, enfin l'augmentation chaque jour des fruits spirituels qu'elle produit.

  A024003463 

 A ces processions, que tous et chacun des confrères des deux sexes soient tenus d'assister avec le costume à choisir plus bas, marchant convenablement, dévotement, gravement, lentement et en silence, et chantant distinctement, ceux qui savent le faire, les prières qui seront alors ordonnées; les autres, qu'ils récitent à voix basse le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A024003463 

 A ces processions, un des confrères, choisi expressément par le Prieur et les Assesseurs soussignés, portera une grande Croix, et sera entouré de deux autres confrères portant des cierges ou des flambeaux allumés..

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003467 

 Aussi, rien n'étant plus salutaire, puisqu'il dépasse en excellence tous les autres, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères des deux sexes, aux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, ainsi que Je deuxième dimanche de chaque mois (excepté septembre, décembre, mai et juin où tombent ces fêtes), s'il s'agit des prêtres, qu'ils célèbrent le saint Sacrifice de la Messe à l'oratoire, s'il est possible, sinon dans une autre église à leur choix; s'il s'agit des laïques des deux sexes, qu'ils reçoivent dans l'oratoire le Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, après avoir fait, où il leur plaira, une soigneuse confession de leurs péchés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003471 

 Cependant, pour ne pas sembler imposer un joug impossible à supporter à nous-mêmes et aux confrères, nous statuons et déclarons qu'il sera permis, à quiconque sera légitimement empêché de recevoir la sainte Eucharistie une des fêtes et des dimanches susmentionnés, de satisfaire au statut précédent un autre jour de n'importe quel mois, pourvu qu'il avertisse de son empêchement le Prieur soussigné, qui y pourvoira pour le mieux..

  A024003483 

 Nous statuons et ordonnons pareillement que tous et chacun des confrères des deux sexes seront tenus chaque jour à réciter, à genoux et la tête découverte, cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, avec cette intention dirigée vers Dieu, qu'il daigne, par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, et les prières des [358] très saints Apôtres Pierre et Paul, veiller à la prospérité et à l'heureux succès de toutes choses dans les provinces et lieux soumis au Sérénissime Duc de Savoie, notre prince, y défendre et conserver la foi catholique, délivrer le peuple des calamités présentes, ramener les hérétiques à l'unité et au sein de notre sainte Mère l'Eglise, ou bien les confondre et humilier, en extirpant jusqu'à la racine les hérésies, et, dans ce but, réconcilier entre eux les princes et les amener à une entente unanime, enfin préserver nos princes de tout malheur..

  A024003487 

 En dehors de l'obtention des Indulgences concédées par les Souverains Pontifes à ceux qui la récitent ainsi, ils auront l'intention, en rendant cet humble hommage à la Vierge Marie (dont le Seigneur a regardé l'humilité ), d'obtenir, pour les provinces de toute la Savoie, que, par ses mérites et son intercession, elles soient délivrées des maladies, de la peste, des tempêtes, des grêles et autres perturbations atmosphériques..

  A024003491 

 Par suite, afin que notre Confrérie ci-dessus remplisse, elle aussi, quelque peu son devoir, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères qui rencontreront le saint Viatique qu'on porte aux malades, [360] soient tenus, à moins que par hasard ils ne soient empêchés par des affaires très urgentes, de l'accompagner avec dévotion et recueillement de l'esprit en Dieu pour la guérison de l'infirme..

  A024003495 

 Il ne faut pas non plus omettre une chose à laquelle sont poussés non seulement ceux qui portent le nom de chrétiens, mais même ceux qui Suivent la seule loi de nature, à savoir la visite des prisonniers et des malades, accompagnée de paroles de consolation, qui, bien qu'elles ne guérissent ni ne délivrent, cependant apaisent et adoucissent les peines et les douleurs.

  A024003499 

 Que les autres confrères soient tenus, pendant ce temps, de faire à Dieu des prières particulières pour obtenir la concorde..

  A024003501 

 Les confrères sont tenus d'accompagner les corps des confrères défunts.

  A024003503 

 C'est pourquoi, depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, les corps des chrétiens ont été et sont encore aujourd'hui ensevelis en terre sainte, avec luminaires, hymnes, convois nombreux, Office propre et autres prières catholiques.

  A024003503 

 Cependant, par [362] honneur pour Celui qui créa l'homme à son image et ressemblance, tous les peuples, toutes les nations, à l'exception de quelques barbares, ont attaché un très grand prix à la sépulture du corps, bien qu'avec des divergences dans la forme et la modalité.

  A024003507 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que le lendemain du décès d'un confrère, une Messe soit célébrée dans l'oratoire, pour le salut de son âme et sa délivrance des peines du Purgatoire, par un des confrères prêtres choisi par le Prieur.

  A024003507 

 L'âme étant plus noble que le corps mérite d'être aidée avec plus de soin, aussi bien en ce monde qu'en l'autre, où elle a souvent besoin des suffrages des fidèles; et malgré la multiplicité des moyens d'obtenir cet effet, il n'en est pas de plus efficace que le Sacrifice de la sainte Messe, étant ordonné par le Christ pour les vivants et les morts.

  A024003507 

 Que tous les confrères non absolument empêchés soient tenus d'y assister, et que là et ailleurs, lorsqu'ils le pourront, ils adressent à Dieu, chacun suivant ses moyens, des prières pour cette âme.

  A024003512 

 En outre, pour que chaque année une mémoire se fasse en commun [364] des confrères défunts, nous statuons et ordonnons que chaque année, le jour libre le plus rapproché de l'Exaltation de la Sainte Croix, se fasse un anniversaire général dans l'oratoire, où tous les confrères assisteront avec l'habit ci-dessous décrit, et entendront la Messe que le Prieur célèbrera et les autres prières qui se chanteront..

  A024003516 

 En [366] outre, un cordon en fil de chanvre, d'une épaisseur moyenne, avec des noeuds, comme celui que portent les Frères de Saint-François, et un rosaire, mais non précieux, suspendu au cordon.

  A024003516 

 Pour que, donc, nos confrères apprennent ce qu'ils doivent faire en considérant leur habit, et qu'ils soient reconnus par les autres, à l'exemple des autres Confréries, surtout de l'Archiconfrérie du très saint Crucifix érigée depuis longtemps à Rome dans l'église de Saint-Marcel, [365] de l'Ordre des Servites, à laquelle nous souhaitons vivement être agrégés: nous statuons et ordonnons que l'habit de notre Confrérie de la Sainte Croix sera un sac, ou mieux une chemise de toile noire en chanvre, couvrant tout le corps du cou aux talons, simple, d'un seul tenant, sans ornement de soie ou autre garniture, avec un capuce de même toile et couleur couvrant la tête et le visage.

  A024003520 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons qu'on puisse et doive recevoir dans la Confrérie, par le Prieur et les Assesseurs soussignés, toutes les personnes des deux sexes, catholiques néanmoins, de bonne vie et renommée, après que chacune aura émis la profession de foi catholique, soit par elle-même, si elle sait lire, soit par une autre personne en son nom, mais elle présente, et aussi après la promesse d'observer les Statuts et coutumes existants et à venir, selon la formule sous indiquée.

  A024003526 

 Forme de la réception et de la vêture des confrères.

  A024003528 

 Dans la réception des confrères, le Prieur et les Assesseurs, après avoir lu et expliqué nos Statuts, et avoir reçu la profession de foi ci-dessous insérée et émise par chaque récipiendaire, sont tenus de donner l'habit de la Confrérie en cette manière..

  A024003532 

 A cause du péché de l'homme qui a abrégé le cours de sa vie, le souvenir des choses passées ne se conserve que dans les tablettes, les livres et les écrits.

  A024003540 

 Ce Prieur sera le seul des confrères à porter le surplis dans l'oratoire, aux processions, assemblées et autres actes publics, où il aura la prééminence; commencera les Offices divins, récitera les prières publiques; seul vêtu aussi du surplis, il s'avancera au milieu de l'oratoire, dans les processions, entre les deux Assesseurs portant le costume de la Confrérie, bénira le peuple avec le Saint-Sacrement (les jours où celui-ci sera exposé sur l'autel); notera ceux qui doivent célébrer les Messes ordinaires de la Confrérie et les autres extraordinaires, choisira les directeurs et chantres des processions; enverra aussi, avec les Assesseurs, ceux qui doivent visiter les malades et les prisonniers, [371] et apaiser les discordes, et recevra, avec les mêmes Assesseurs, ceux qui veulent entrer dans la Confrérie, après en avoir exigé l'émission de la profession de foi et la promesse ci-dessous insérées.

  A024003540 

 Pour que le souvenir des fondateurs ne s'efface jamais, ce Prieur sera toujours pris parmi les chanoines de l'Eglise cathédrale susdite.

  A024003540 

 Quant à lui, il ne peut, dans l'exercice de ses fonctions, imposer des charges particulières à tels ou tels en dehors du droit ou par malveillance.

  A024003542 

 Election et office des Assesseurs.

  A024003548 

 Il conservera tous les fonds chez lui, et en inscrira l'entrée au livre du Trésorier; il se servira de ces fonds (sur l'ordre, cependant, signé de la main du Prieur et non autrement) pour les nécessités du culte divin, le secours des pauvres et des malades et l'administration du temporel.

  A024003548 

 Il recevra les sommes qui seront données lors de la réception des confrères, et aussi les autres qui seront offertes.

  A024003548 

 Il rendra compte en fin d'année de tout ce qu'il aura perçu, touché ou dépensé, entre les mains du Prieur et des [373] Assesseurs nouvellement élus, ainsi que des autres Auditeurs des comptes qui seront désignés à cette même assemblée..

  A024003552 

 Enfin, un des confrères sera choisi comme Secrétaire, à l'assemblée générale annuelle, lequel écrira dans le livre de la Confrérie les noms de baptême et de famille, et les qualités de ceux qui entreront dans la Confrérie, et tout ce qui sera décidé aux assemblées générales et mensuelles, en apposant sa signature.

  A024003554 

 Election et offices des douze Conseillers.

  A024003556 

 Dans ce nombre seront compris le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier et le Secrétaire de l'année écoulée, lesquels, avec les deux Assesseurs, le Trésorier et le Secrétaire [374] nouvellement élus, sous la présidence du Prieur de l'année, feront une petite réunion le deuxième jour non empêché de chaque mois, et d'autres réunions extraordinaires, où ils s'occuperont des affaires de la Confrérie..

  A024003560 

 On y élira le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier, le Secrétaire et les Conseillers et Auditeurs des comptes.

  A024003568 

 Si par hasard dans ces assemblées, soit générales soit mensuelles, certaines affaires étaient tellement difficiles, ou bien ne pouvaient arriver à être réglées à cause de l'opposition des votes, du désaccord de certains ou pour un autre empêchement, alors on les porterait devant le Chapitre, et tout ce qu'il ordonnerait serait observésans qu'on pût se récuser..

  A024003572 

 De ces confrères désignés, ceux-là seront respectivement créés qui auront été élus par la majorité des suffrages..

  A024003572 

 Et pour que toute matière de doute et toute cause de dissension, soit entièrement éliminée dans les nominations des officiers, nous statuons et ordonnons que le Prieur et chacun des Assesseurs, ainsi [376] que le Trésorier et le Secrétaire, pour ce qui regarde chaque charge en la nouvelle création du propre successeur, puissent désigner à l'assemblée, pour chaque office, deux confrères, de la condition cependant ci-dessus exprimée.

  A024003576 

 Ils ne pourront se communiquer entre eux ces clefs, en dehors de la présence des Assesseurs, du Trésorier et du Secrétaire..

  A024003582 

 L'ampliation et la révocation des Statuts est réservée.

  A024003586 

 On demande à notre Révérendissime Evêque et à notre Très Saint Père le Pape la confirmation de la Confrérie et des Statuts.

  A024003588 

 Enfin, pour que cette Confrérie, instituée comme définitive et ratifiée avec les Statuts et ordonnances ci-dessus, sous l'étendard [378] de la Croix toute-puissante et l'invocation de la Très Sainte Vierge Marie et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, pour les causes exprimées plus haut, soit aussi protégée contre toutes attaques par le secours de notre Révérendissime Evêque et le patronage du Saint-Siège Apostolique; qu'elle soit pourvue et honorée de quelques faveurs spéciales, de grâces et d'Indulgences, en sorte qu'elle augmente chaque jour, qu'elle produise des fruits plus abondants, et dure et persiste à jamais: nous supplions notre Illustre et Révérendissime Evêque susnommé, de vouloir accorder son assentiment et consentement à l'érection de la Confrérie et autres choses ci-dessus mentionnées, en faisant intervenir son autorité ordinaire; nous supplions aussi notre Très Saint Père le Papè et le Saint-Siège Apostolique de daigner confirmer et approuver la Confrérie, ses ordonnances et Statuts faits et à faire, et lui procurer augmentation et force par les faveurs et grâces apostoliques, par la concession d'Indulgences à perpétuité.

  A024003590 

 Donné et fait dans le Couvent ci-dessus, de Saint-François, de la ville d'Annecy, diocèse de Genève, et dans notre local capi tulaire, l'an de la Nativité de Notre Seigneur mil cinq cent quatrevingt-treize, indiction sixième, le premier jour de septembre, l'an deuxième du Pontificat de Notre Très Saint Père dans le Christ le Pape Clément VIII. En présence des vénérables MM. Jean Choppel, recteur de l'église paroissiale de Chanay, dudit diocèse; [380].

  A024003621 

 Bien plus, Nous avons trouvé très dignes ces pratiques que, pour l'utilité commune de l'Eglise, ces mêmes confrères observent religieusement; utiles aussi et efficaces pour l'accroissement du culte divin, pour la formation des mœurs et l'exercice des œuvres de piété.

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003646 

 Cette erection, canoniquement faitte, fut suivie de plusieurs bons succes, entr'autres de la frequentation des Sacremens de Penitence et Communion, de la reduction de plusieurs de mauvaise a bonne et de bonne a meilleure vie, [386] et de l'erection de toutes les autres semblables Confreries, non seulement en tout le diocese, mais aussi en toute la Savoye.

  A024003646 

 Elle a aussi esté conservee, non obstant tant d'incommodités survenues en la ville et le changement des lieux ausquelz a esté forcee de faire les exercices d'icelle, jusques a present, qu'ayant une chapelle asseuree et perpetuellement assignee en l'eglise de Saint Dominique et estant, comme sus a esté dit, non seulement appreuvee mais benie et enrichie de plusieurs graces par le Saint Siege Apostolique, il ne reste sinon que les confreres et seurs estendent leur courage a bien et saintement prattiquer les Constitutions d'icelle, sans s'amuser des-ormais a ce que le malin esprit voudra dire par les langues d'aspics au prejudice d'icelles, puisque le Saint Esprit a confirmé lesdittes Constitutions par la langue Apostolique, a la gloire et louange de Jesus Christ crucifié qui vit et regne es siecles des siecles.

  A024003653 

 ABBREGÉ DES EXERCICES SPIRITUELZ.

  A024003664 

 Ilz se confessent et communient a leur reception en la Confrerie et le jour de la Sainte Croix au moys de may, [388] le jour saint Pierre et saint Paul au moys de juin, le jour de la Sainte Croix au moys de septembre et le jour de Nostre Dame au moys de decembre; et, outre cela, les troysiesmes Dimanches des autres moys, et ce en l'oratoire de ladite Confrerie, tant qu'il se peut..

  A024003665 

 Ilz visitent les malades, tant de la Confrerie qu'autres, selon l'ordre que les Superieurs establissent de tems en tems; et neanmoins cela se prattique avec soin particulier pour le regard des confreres et seurs..

  A024003666 

 S'il arrive quelque differend ou proces entre quelques uns des confreres, les autres qui le sçavent advertissent les Superieurs de la Confrerie, qui, par les meilleurs moyens qu'ilz peuvent, procurent paix et concorde..

  A024003671 

 Ilz accompaignent les deffunctz de la Confrerie, et assistent a la Messe laquelle se dit pour eux le lendemain de leur ensevelissement en l'oratoire des confreres..

  A024003672 

 Ilz assistent les veilles des jours de leurs Communions aux Vespres qui se disent le soir en l'oratoire et aux advertissemens qui s'y font; et les jours desdites Communions ilz assistent aux Offices, tant du matin que du soir, au mesme lieu; et tous les vendredis de Caresme, environ les cinq heures du soir, a la salutation du Stabat Mater et a l'exhortation qui s'y fait..

  A024003673 

 Outre cela, ilz obeissent aux advertissemens qui se font aux assemblees de la Confrerie, et a ceux que les [390] Superieurs d'icelle, ou ceux qui sont deputés de leur part, font aux confreres et seurs pour la correction des mœurs..

  A024003674 

 Tous les confreres et seurs de laditte Confrerie doivent soigneusement prattiquer lesditz exercices, tant parce que par le moyen d'iceux ilz se maintiendront en l'amour et crainte de Dieu et se prepareront des grans tresors au Ciel, qu'aussi d'autant qu'ilz gaigneront les Indulgences suyvantes; n'y ayant neanmoins pour tout cela aucune obligation qui porte peyne de peché ni mortel ni veniel pour les contrevenans, ains seulement de privation des fruitz, Indulgences et benedictions qu'y recevront les bons et fidelles observateurs des ditz exercices..

  A024003678 

 (Voir ci-après, p. 391.) Le document était de la main de saint François de Sales: fut-il rédigé pour être soumis au Pape entre 1606 et 1607, ou bien date-t-il des débuts de la Confrérie? Aucune donnée ne nous fournit la réponse.].

  A024003678 

 Si cette date peut être exacte pour le Sommaire des Statuts, elle est fautive pour les Indulgences, qui ne furent obtenues qu'en 1607.

  A024003680 

 SOMMAIRE DES CONSTITUTIONS ET INDULGENCES DE LA CONFRERIE DE LA SAINTE CROIX D'ANNESSY.

  A024003684 

 Se confesseront et communieront non seulement a leurs entrees, mays tous les moys aux jours qui sont deputés: a sçavoir, [388] les troysiesmes Dimanches de chaque moys, hormis es moys esquelz se rencontrent les festes de Sainte Croix, de la Conception de Nostre Dame et des saintz Pierre et Paul, Apostres.

  A024003687 

 S'il arrive quelques differens entre quelques uns des confreres, les autres qui s'en appercevront seront tenus d'en advertir le Prieur qui, par les moyens plus convenables, procurera qu'au plus tost appointement en soit fait..

  A024003688 

 Ilz doivent dire tous les jours a genoux et mains jointes, s'il n'y a legitime empeschement de ce faire, cinq Pater noster et Ave a l'honneur des cinq Playes de Nostre Seigneur..

  A024003701 

 Au jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste, visitant la chappelle ou oratoire de la Confrerie et y priant Dieu pour l'union des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003702 

 Au jour de l'Invention de la Sainte Croix, de saint Pierre et saint Paul, de la Conception de Nostre Dame et second Dimanche de mars, a prendre aussi des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couchant d'iceux, visitant laditte chappelle ou oratoire, priant comme dessus et estant confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, Indulgence de sept ans et autant de quarantaines..

  A024003714 

 Le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres de la veille jusques au soleil couché de la feste, visitant la chappelle de laditte Confrerie et priant Dieu en icelle pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003715 

 Au jour de l'Invention Sainte Croix, des saintz Pierre et Paul, Apostres, de la Conception Nostre Dame, le second Dimanche du moys de mars, a prendre des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couché d'iceux, priant Dieu comme sus est dit et estans aussi confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, sept ans d'Indulgence et autant de quarantaines..

  A024003716 

 Assistant aux Messes et Offices en l'oratoire ou chappelle de laditte Confrerie, ou bien assemblees tant publiques que particulieres d'icelle, ou qu'elles se facent; hebergeans les pauvres, accommodant les dissentions ou procurant qu'elles soyent accommodees, accompaignant les cors des trespassés, tant de la Confrerie qu'autres; [392] allant aux processions faittes par le congé de l'Ordinaire, suyvant le tressaint Sacrement tant aux processions que quand on le porte aux malades ou ailleurs, ou ne pouvant, et oyans le son de la cloche qui se fait pour cela, diront un Pater noster et Ave Maria; ou diront pour les deffunctz de laditte Confrerie cinq Pater et Ave, ou reduiront les desvoyés au bon chemin, ou enseigneront aux ignorans les Commandemens et choses requises a salut, ou feront quelques autres actions de pieté, de devotion et charité: pour chacune fois qu'ilz exerceront l'une desdittes actions, soixante jours d'Indulgence.

  A024003733 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII ayant ouvert le thresor de l'Eglise et accordé le Grand Pardon cy dessus inséré, et desja publié en Nostre diocese, a toutes personnes inscrites en la Confrerie de Nostre Dame de Compassion erigee a Thonon: plusieurs neanmoins, a l'occasion des derniers troubles des guerres, seroyent en doute [395] de la continuation de ces graces et Indulgences audit lieu..

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003734 

 Comme aussi Nous exhortons les fidelles chrestiens de vouloir honnorer Dieu par leurs bonnes œuvres audit lieu de Thonon, comme [vis à vis] et en face des principaux sectateurs de l'heresie, affin qu'ilz soyent esmeus a glorifier eux mesmes le Pere celeste par [396] leur reduction au giron et sein maternel de la sainte Mere Eglise.

  A024003747 

 Clément VIII, Pontife suprême de l'Eglise Catholique, par un motu proprio, attacha et préposa, il n'y a pas longtemps, François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève, à la Maison de Notre-Dame des Sept-Douleurs de Thonon..

  A024003759 

 Rien ne se passe d'importance sinon par l'advis du Conseil, composé dudit Maniglier, des sieurs Econnome, Secretein, de la Balme, Randollet, tous prebstres, du sieur Marin, procureur fiscal pour Son Altesse [399] et administrateur d'icelle, du sieur Poncet, advocat, et du sieur Muneri, lesquelz furent establis par feu Monseigneur, etc..

  A024003769 

 SOMMAIRE DES INDULGENCES CONCEDEES PAR NOSTRE SAINT PÈRE.

  A024003773 

 POUR LA CONVERSION des HERETIQUES ET DEFENSE DE LA SAINTE FOY.

  A024003776 

 Concede la mesme Indulgence et remission de tous les pechés a tous les confreres, tant a ceux qui sont desja inscritz en ladite Confrerie comme a ceux qui se feront inscrire en icelle de tems en tems, lesquelz vrayement repentans et confessés, ayant receu le saint Sacrement de l'autel devotement, visiteront l'eglise, chapelle ou oratoire de ladite Confrerie, des les premieres Vespres jusques au soleil couchant, le jour de la feste de la Nativité de la benite Vierge pour chacun an, et la feront devotes prieres a Dieu pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de la sainte Mere Eglise..

  A024003779 

 De plus, relasche a forme accoustumee de la sainte Eglise, soixante jours de penitences a eux enjointes ou autrement deuës, aux mesmes confreres lesquelz se seront employés en quelque maniere que ce soit a la conversion des heretiques, et a cest effect auront exercé quelque œuvre; et ce pour chacune fois.

  A024003780 

 Relasche comme dessus cent jours auxditz confreres lesquelz diront sept fois le Pater noster et l'Ave Maria en memoire des sept douleurs de la bienheureuse Vierge Marie, pour chaque jour auquel ilz auront fait cela, pourveu qu'aupres d'eux ilz ayent l'image de la mesme Vierge Marie..

  A024003781 

 Et semblablement, a ceux lesquelz, employés a la conversion des heretiques en tel exercice et fonction pour benefice de la mesme Confrerie en quelque maniere que ce soit, se seront occupés ainsy que dessus, priant, et confessés auront receu le saint Sacrement de l'autel, concede Sa Sainteté qu'ilz puissent obtenir et gaigner toutes les susdites Indulgences et remission des pechés..

  A024003782 

 Chaque fois que lesditz confreres accompaigneront le Saint Sacrement quand il se porte aux malades, si en se repentant ilz ont propos de se confesser, relasche cinq ans et autant de quarantaines des penitences a eux enjointes..

  A024003783 

 Item, a ceux lesquelz assisteront aux Messes et autres Offices divins en ladite eglise, chapelle ou oratoire au tems de la celebration de la Messe ou recitation des Offices, ou bien aux congregations publiques ou privees de ladite Confraternité qui se feront en quel lieu que ce soit, ou bien logeront des pauvres, ou qui donneront faveur et ayde aux convertis a la foy catholique: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelle que ce soit desdites œuvres, cent jours d'Indulgence..

  A024003800 

 Et quant a l'eglise qui fut sous le tiltre Saint Hippolite et qui est a present sous celuy de Nostre Dame de Compassion, on luy donnera par addition le tiltre des Saints Maurice et Hippolite, et sera dependente de l'autre..

  A024003804 

 Le premier membre de la Sainte Mayson sera la Congregation des Prestres d'icelle, qui sera du nombre de huit, le Plebain faysant l'un d'iceux.

  A024003808 

 Le Superieur de la Congregation sera nommé Præfect, l'election duquel appartiendra purement au Conseil de la Sainte Mayson, lequel, pour cet effect, sera composé des præstres de ladite Congregation et du sieur Conservateur.

  A024003815 

 Des antres Prestres.

  A024003820 

 Ilz ayderont le Plebain en l'administration des Sacremens et autres functions pastorales alternativement, et [405] pour cela seront entablés les deux ausquelz il appartiendra de faire ladite charge, selon leur tour, chasque premier Dimanche du moys.

  A024003820 

 L'un d'eux sera choysi pour fayre le cathechisme des petitz enfans, et l'autre pour l'administration de la sacristie..

  A024003821 

 Or, pour oster et deposer lesdits prestres, suffira que le Conseil assemblé en juge par la pluralité des voix; mais pour la deposition du Præfect il sera requis que cela se face par les deux tiers des voix du Conseil, auquel entreviendra tous-jours le Conservateur, lequel n'estant pas au lieu, sera attendu jusques a deux moys et non plus.

  A024003824 

 Des habitz de ceux de la Congregation.

  A024003826 

 Et porteront sur leurs manteaux des croix de saint Maurice, avec un'image [de] Nostre Dame de Compassion au milieu d'icelle; lesquelles croix seront toutes esgales, soyt que lesdits prestres soyent gentilshommes de naissance ou non, puisqu'ilz ne les porteront qu'en qualité d'ecclesiastiques de la Sainte Mayson.

  A024003826 

 Les habitz des prestres seront noirs et bien agencés, sans superfluité ni curiosité aucune.

  A024003834 

 La mayson de la Congregation se fera en la Place des Augustins, joignant l'eglise; et en attendant, la Congregation demeurera es maysons qui appartiennent maintenant a la Sainte Mayson..

  A024003839 

 En froment, 14 muys, [du meilleur des dixmes.].

  A024003853 

 Des Offices ecclesiastiques.

  A024003856 

 La 1 er a Saint Maurice; et ce, des le 1.

  A024003856 

 mars jusques a la Toussains, a 4 heures de matin; des la Toussains jusques au 1.

  A024003860 

 Tous les jours celebreront les Heures canoniales a haute voix, a sçavoir: les jours ouvriers, Matines et Laudes in 1° tono, et le reste cantu modulato; les Dimanches et festes, Matines in 1° tono, et des le Te Deum laudamus inclusivement, in cantu modulato..

  A024003863 

 Le premier lundi du moys diront l'Office et Grande Messe pour les trespassés, selon les rubriques des Breviaires et Messelz..

  A024003865 

 Mais les festes de commandement diront les Matines comme dessus, et les samedis et festes Nostre Dame les Lætanies comme dessus, et les lundis premiers du mois la Messe des trespassés comme dessus..

  A024003867 

 Des defaillances des Præstres.

  A024003875 

 Des serviteurs de l'eglise.

  A024003879 

 Et leur fournira-on a chacun un (sic) robbe bleüe reservee en la sacristie, ou ilz l'iront vestir pour servir dans l'eglise, laquelle ilz ballieront et tiendront garnie des eaux requises.

  A024003881 

 Proposition des personnes de la Congregation.

  A024003896 

 Le Conseil de la Sainte Mayson, es choses ordinaires, sera composé des præstres de la Congregation et du sieur Conservateur, et sera requise la presence au moins des deux tiers d'iceux..

  A024003904 

 Des accensemens.

  A024003906 

 Les accensemens des dixmes et autres revenuz de la Sainte Mayson se feront par le sieur Conservateur, avec l'assistence du Prefect, ou de celuy que ledit Praefect ou Conseil aura deputé..

  A024003908 

 Des mandatz.

  A024003911 

 Mais lhors que le sieur Conservateur fera des voyages et autres sortes de frais, les mandatz de son payement se feront par le Praefect avec le Conseil; et ne pourra faire lesdits voyages et frais sans l'advis d'iceluy Conseil..

  A024003928 

 A ceux ci pourront estre adjointz des autres en pavant, et observant la mesme discipline..

  A024003930 

 Des autres despenses de la Sainte Mayson a la gloire de Dieu.

  A024003932 

 La despense de l'entretenement de l'eglise de la Congregation, du College et Seminaire estant detraitte, tout le reste du revenu de la Sainte Mayson sera inviolablement appliqué a la conversion des heretiques, selon quil sera advisé par le Conseil; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises a la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artz et autres besoignes, selon leur (sic) habilités.

  A024003933 

 Que si ledit assistant estoit desagreable au Conseil, le sieur Conservateur en devra [presenter et nommer] eslire un autre, lequel ledit sieur Conservateur fera payer sur les cinquant'escus qui reste (sic) des 300 que Son Altesse et la sainte Religion Saint Maurice ont assigné sur les decimes annates et passage d'un chevalier pour chasqu'annee, et pour le payement d'un præstre.

  A024003943 

 Et le tiltre de Saint Hippolite sera nommé des Saints Maurice et Hippolite, et sera icelle eglise un membre de l'autre..

  A024003946 

 Et quant aux accensemens des dixmes et autres revenuz de la Sainte Mayson, ilz se feront par le sieur Conservateur et le Prefect, ou par luy ou par un deputé par iceluy Praefect, ou par le Conseil..

  A024003947 

 La despense necessaire a l'entretenement de l'eglise de la Congregation, College et Seminaire estant faitte, le reste sera inviolablement appliqué a la conversion des hæretiques, selon quil sera avisé par le Conseil de la Sainte Mayson; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises pour la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artifices et travail des mains, ou autres sortes de services selon leur (sic) habilités..

  A024003948 

 Dans le contract de constitution du receveur, sera mis en premiere charge et par maniere de praeciput, que la Congregation, College et Seminaire seront payés des denrees et sommes qui leur seront assignees, avant toutes choses..

  A024003950 

 Lhors que le sieur Conservateur fera des voyages ou autres sortes de frais, les mandatz de son payement seront faitz par le Prefect avec le Conseil; et ne pourra faire les-dits voyages ni frais sans prendre l'advis dudit Conseil..

  A024003953 

 Le Conseil sera composé au moins des deux tiers, les trois faysans le tout des conseillers d'iceluy..

  A024003956 

 Pour oster les prestres de la Congregation, suffira la pluralité des voix du Conseil; et pour oster le Praefect, seront requises les deux tiers des voix dudit Conseil, et consulto Episcopo ac ex ejus decreto.

  A024003965 

 A tous soit notoire et manifeste, que le second jour du present moys de julliet mil six cens et sept, Nous ont esté remises des Bulles de Nostre Saint Pere Paul cinquiesme, deuement expediees, signees et seellees sub plumbo, en date: Apud Sanctum Marcum, anno Incarnationis Domini 1606, Kal.

  A024003965 

 Augusti, Pontificatus ejusdem Sanctissimi Patris anno secundo; par lesquelles il est commandé a nostre Official d'appreuver et confirmer par authorité apostolique certaines Constitutions faittes par l'Illustrissime et R me Nonce de Sa Sainteté aupres de Son Altesse Serenissime, desquelles a ces fins l'original Nous a esté aussi remis, pour l'establissement de la Mayson d'heberge instituee en cette ville de Thonon, sous le nom et invocation de Nostre Dame de Compassion ou des Sept Douleurs; pourveu neanmoins qu'icelles Constitutions soyent loysibles, honnestes et qu'elles ne contrarient nullement aux saintz Canons ni aux Decretz du sacré Concile de Trente.

  A024003965 

 De plus, d'appreuver et confirmer par mesme authorité apostolique l'erection de ladite Mayson d'heberge et annexement et incorporement, fait cy devant par [416] feu de bonne memoire nostre tres Reverend predecesseur Claude de Granier, Evesque de Geneve, Commissaire en cette partie deputé, du prieuré Saint Hippolite de cette presente ville de Thonon a ladite Sainte Mayson d'heberge de Nostre Dame de Compassion, pour l'entretenement d'un Præfect et sept prestres seculiers de mesme unité, selon l'institut des Prestres de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et d'un Seminaire clerical..

  A024003966 

 Dont ayant receu lesdites Bulles avec honneur et reverence, pour executer le contenu d'icelles, Nous avons assemblé les jours suivans plusieurs personnes de qualité, doctrine et experience, tant ecclesiastiques que laiz: a sçavoir, le tres Reverend seigneur Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance; quant aux ecclesiastiques, le Reverend seigneur Louys de Sales, Prevost de Nostre Eglise cathedrale, le R. P. Frere Abonde de Come, Superieur de la Mission des Capucins, le R. P. Frere Cherubin de Maurienne, predicateur de ladite Mission, et les Reverens sieurs Claude Grand et Nicolas Gottri, docteurs en theologie, predicateurs et chanoines de Nostre Eglise cathedrale, le Reverend sieur Balthazard Maniglier, predicateur, curé de Serraval et Vicepraefect de ladite Mayson [417] d'heberge; et quant aux laiz, le sieur don Thomas Bergere, seigneur du Vilar et chevalier de l'Ordre des Saintz Maurice et Lazare, et noble Claude Marin, procureur fiscal pour Son Altesse en Chablaix: en presence et par l'advis desquelz Nous avons fait les articles ci jointz, pour l'esclarcissement des autres susditz que Son Altesse avoit dressé et pour faciliter l'execution d'iceux.

  A024003968 

 En vertu de laquelle association ladite sainte Milice, comme plus puissante es choses exterieures et temporelles, defendra et maintiendra ladite Sainte Mayson, et ce principalement par le soin, diligence et sollicitude d'un des seigneurs Chevaliers d'icelle Milice et Ordre, qui sera establi Conservateur de ladite Sainte Mayson; comme reciproquement, les ecclesiastiques et autres personnes de ladite Sainte Mayson ayderont les bons et chrestiens desseins de ladite sacree Milice par leurs Sacrifices, prieres et bonnes œuvres..

  A024003968 

 Item, Nous avons declairé que l'union de la Sainte Mayson d'heberge avec la sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare seroit reciproque entre ladite Mayson et ladite Milice, non point par incorporement de ladite Mayson a ladite Milice ni au contraire, mais par une simple association et mutuelle correspondance, entant que ladite Milice et ladite Mayson visent et tendent a mesme fin, a sçavoir, l'exaltation de la foy, quoy que par divers moyens: la Milice tendant a cela principalement par les armes exterieures et corporelles, et ladite Sainte Mayson par les armes interieures et spirituelles, comme sont les predications, sermons, catechismes, conferences, prieres, aumosnes.

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024003978 

 Il s'essayera d'avoir le plus de connoissance qu'il pourra de la verité du bruit que nous avons de deça, que les seigneurs [420] Chevaliers des Saints Maurice et Lazare pretendent tirer sous leur Religion la Sainte Mayson de Thonon pour en avoir la direction et administration.

  A024003979 

 Que malaysement se treuvera-il des clers de si bas courage qui veuillent subir le joug de cette obeissance lâ.

  A024003980 

 Ni a-il pas d'asses gens de bien en l'estat ecclesiastique pour la conduite de cette barque, sans y employer ces messieurs destinés a la conduite des armees navales contre les Turcz? Si c'est pour amplifier l'authorité de leur Religion, ce ne leur sera pas grand honneur de s'amuser a regler sept ou huit prestres.

  A024003997 

 ET CHAPITRE DES PRESTRES DE L'ORATOIRE.

  A024004003 

 Des Offices ecclesiastiques.

  A024004005 

 Eu esgard a la multiplicité des exercices pastoraux qui se doivent prattiquer en la Congregation de l'Oratoire, et jusques a ce qu'autrement soit advisé, les prestres d'icelle ne seront obligés de reciter l'Office entier dedans l'eglise, mais seulement Tierce, la Messe, Vespres et Complies, le tout in cantu modulato, journellement; mais quant aux jours de festes solemnelles, 1 æ classis, et en toutes les festes de la glorieuse Vierge, ilz diront Matines, Laudes et Prime, commençant a l'aube du jour, despuis la Toussains [424] jusques a Pasques, et a quatre heures, despuis Pasques jusques a la Toussains..

  A024004006 

 Item, tous les premiers lundis du mois chanteront une Messe de Trespassés, a la forme des rubriques du Messel; et tiendra lieu de la Grande Messe du jour..

  A024004010 

 Des autres offices qui se doivent celebrer en l'eglise.

  A024004018 

 Nul des prestres de la Congregation ne comparoistra au chœur pendant l'Office sinon in habitu et tonsura, c'est a dire avec la soutane jusques aux talons et le bonnet carré, la couronne bien faitte et connoissable, et le surplis de toile blanche, qu'un chacun sera tenu d'avoir a ses despens; et qui comparoistra au chœur pendant l'Office d'une autre sorte sera tenu pour defaillant..

  A024004021 

 Des defaillans a l'Office.

  A024004024 

 Es jours ouvriers, manquant a Tierce, un sol; a la Grande Messe, deux solz, et Vespres, deux solz; a Complies, en Caresme, un sol; aux Litanies des samedis et veilles de Nostre Dame, deux solz..

  A024004028 

 Seront toutes-fois tenus pour presens ceux qui pour l'administration des Sacremens et pour des autres fonctions necessaires, ou quelques autres necessités, ne se treuveront pas en l'Office, ou y estant en sortiront, moyennant qu'ilz ayent adverti celuy qui pour lhors preside, ou, ne le pouvant faire, qu'ilz facent paroistre de la necessité qu'ilz ont a s'absenter..

  A024004030 

 Des principales ceremonies et observances qui doivent estre gardees au chœur.

  A024004035 

 A chaque Office on assignera les intonations, tant des antiennes que des Pseaumes, a ceux qui les devront faire, affin qu'elles se facent a propos; et pour le reste, il se pourra voir au Directoire des ceremonies de la Cathedrale, duquel ilz pourront avoir un double..

  A024004039 

 Le Prefect et, en l'absence d'iceluy, le Plebain, et, tous deux absens, celuy qui sera le premier en reception, feront l'Office es festes solemnelles 1 æ classis, et en celles de Nostre Dame; mais en toutes les autres festes, l'hebdomadaire [429] les celebrera, excepté toutesfois les Messes et benedictions des fons, les veilles de Pasques et Pentecoste, qui appartiennent a l'office du Plebain..

  A024004040 

 Au reste, tous seront entablés, chacun en son tour, pour la celebration des Messes tant basses que chantees, sans exception, non pas du Prefect mesme..

  A024004041 

 Le semainier de la Grande Messe s'employera a l'administration des Sacremens, estant prealablement admis par l'Ordinayre; excepté neanmoins le Prefect, lequel, pour la multitude des affaires, ne peut estre assujetti a l'administration; et pour ce, pendant sa semaine, les six prestres qui sont apres le Plebain, suppleeront l'un apres l'autre, chacun a son tour, l'administration susdite des Sacremens en la place dudit Prefect..

  A024004047 

 Des assemblees de la Congregation.

  A024004049 

 Et en icelle l'on traittera de l'observation des Regles et des choses appartenantes au service de Dieu qu'ilz ont en charge, tant ecclesiastiques que spirituelles, qu'œconomiques et temporelles; et sera deputé un Secretaire ordinaire qui escrira les resolutions et advis qui se prendront en ladite assemblee, en laquelle seront aussi marqués les defaillans, qui, pour chaque fois, perdront troys solz..

  A024004050 

 Les lundis, environ une heure apres disner, feront une conference des choses de conscience et ceremonies ecclesiastiques, environ une bonne heure, a laquelle conference chaque defaillant perdra un sol; et le tout comme aux autres defaillances du chœur, s'entend si quelque juste et legitime cause ne donne sujet a l'absence..

  A024004055 

 Pendant le repas se fera la lecture continuelle: premierement, environ un quart d'heure, du texte de l'Escriture sacree, pris seulement des Livres historiaux; et le reste, de quelque livre de devotion, ainsy qu'il sera advisé de tems en tems es conferences du lundi..

  A024004057 

 On, y dira le Benedicite et les Graces des clercs, ainsy qu'il est ordonné a la fin des Breviaires; et cest office se fera par celuy qui aura dit la Grande Messe ce jour la..

  A024004058 

 Mays affin que lesditz enfans prouffitent en ladite lecture, l'un des prestres sera deputé pour les corriger quand ilz feront faute en la prononciation ou autrement, comme quand ilz liront trop vite ou precipitamment, cette lecture devant estre faitte bellement et intelligiblement..

  A024004063 

 Le Prefect aura la charge et authorité de faire observer [432] les Statuts, ordonnances et la discipline clericale en la Congregation et dehors d'icelle, corrigeant et advertissant les delinquans, lesquelz, lhors qu'ilz se rendront refractaires et insolens, seront par le mesme Prefect appelles en l'assemblee des autres et, par l'advis de l'assemblee pris par la pluralité des voix, pourront estre chastiés par quelques aumosnes applicables a œuvres pies, jusques a la somme de cinq florins, ou bien par l'imposition de quelques penitences qu'il sera advisé.

  A024004065 

 Il appartiendra pareillement audit Prefect et, a son absence, a celuy qui presidera, d'ordonner, la surveille des festes solemnelles et de Nostre Dame, de ceux qui feront les Offices les jours suivans, assemblant pour cela la Congregation; et en l'absence dudit Prefect, il appartiendra au Plebain, et en l'absence d'iceluy, au plus ancien.

  A024004069 

 Le Plebain aura la surintendance en tout ce qui regarde l'administration des Sacremens, le recit du Prosne et du Cathechisme, si ce n'est par quelque tres legitime cause.

  A024004070 

 En suite dequoy le Plebain pourra tous-jours, en quelque tems que ce soit et quand il le treuvera convenable, faire l'administration des Sacremens et le service des ames par luy mesme, comm'estant sa principale charge, et ne pourra jamais refuser en estant requis..

  A024004075 

 Fera inventaire des habitz et meubles de la sacristie, desquelz il se chargera, et rendra conte toutes les annees..

  A024004078 

 Tiendra les calices netz et les lavera au moins quatre fois l'annee; mettra les habitz, paremens et pavillons aussi quatre fois l'annee au soleil; fera blanchir les nappes tous les deux moys, les aubes tous les moys, les amictz tous les quinze jours, les purificatoires toutes les semaines: sinon qu'il y aye si grand nombre des susditz linges qu'il puisse en mettre des netz sans les laver es termes sus escritz, lesquelz blanchissemens sus escritz se feront aux despens de l'offertoire, ou de la Sainte Mayson..

  A024004082 

 L'assemblee deputera un Portier qui sera revestu d'une soutanelle bleuë, et son office sera d'ouvrir et fermer la porte soudain qu'il entendra sonner la cloche, et advertir le Superieur avant que d'ouvrir a personne du dehors, sinon que ce soyent des gens ordinaires de la mayson; et en l'absence du Prefect advertira le Plebain, et en l'absence du Plebain, le plus ancien..

  A024004086 

 Les prestres de l'Oratoire tascheront de se servir de bon exemple les uns les autres, tant qu'il leur sera possible, par l'exercice des vertus propres a leur vocation..

  A024004087 

 Ilz se retireront dans la mayson le soir a bonne heure, incontinent apres l' Ave Maria, et ne sortiront point la nuit sinon pour des causes urgentes, advertissant celuy qui pour lhors sera le premier entre eux; et le jour, quand ilz [435] sortiront, ilz diront tous-jours au Portier ou ilz vont, affin que, s'il est requis, on sçache ou les treuver..

  A024004093 

 Et es occurrences ou il sera requis de faire des assemblees extraordinaires, [436] il appartiendra au Prefect, et puis aux autres premiers consecutivement, en son absence..

  A024004099 

 Des absences.

  A024004101 

 Outre quoy, ilz pourront obtenir licence de la Congregation, quand il y aura des necessités urgentes d'aller en quelque lieu hors de ladite parroisse, soit pour un ou plusieurs jours..

  A024004109 

 Outre la mayson et table commune de la Congregation, qui se fait, selon la coustume, par la Sainte Mayson, chacun des prestres perçoit les gages suivans: le Prefect cent escuz d'or, le Plebain cent ducatons, tous les autres deux cens cinquante florins, et le Sacristain trois cens florins; et pour les serviteurs de la Congregation, a distribuer selon qu'il arrivera, quarante ducatons..

  A024004115 

 Addition a l'article des defaillans.

  A024004117 

 Les peynes taxees seront prises sur le payement du quartier suyvant dans lequel les fautes auront esté commises, [et] seront mises et distribuees au prouffit des residens.

  A024004118 

 La Mayson estant toute dediee a l'honneur de la tres sainte Vierge, la Congregation ne permettra point qu'on mange de la chair les veilles des festes d'icelle glorieuse Vierge parmi ceux de ladite Congregation; et quant a la veille de la principale feste de la Sainte Mayson, qui est la Nativité de Nostre Dame, le jeusne sera observé generalement en la Congregation..

  A024004129 

 Mais quant a la correction des Superieurs en ce qui regarde les monitions, si ce n'est la correction fraternelle et evangelique, elle sera [439] remise au Superieur majeur, auquel la Congregation pourra recourir par advertissement des fautes, ainsy qu'elle verra a faire..

  A024004152 

 Le Praefect et les Prestres de l'Oratoire de Nostre Dame de Compassion de la ville de Thonon chanteront tous les jours des festes solemnelles de la premiere classe et de toutes celles de la glorieuse Vierge, le divin Office du Breviaire romain tout entier, au chœur, en chant composé; commençant a l'aube du jour despuis la feste de Toussaintz jusques a Pasques, et a quatre heures de matin despuis Pasques jusques a la feste de Toussaintz.

  A024004155 

 Tous les jours de samedi de toute l'annee et les veilles des festes de Nostre Dame ilz chanteront, sur le soir, les Litanies de la mesme Vierge..

  A024004159 

 Les autres jours, a [426] Tierce un sol; a la Messe, deux; a Vespres, deux; a Complies en Caresme, un; aux Litanies des jours de samedi et veilles des festes de Nostre Dame, deux..

  A024004168 

 En faysant l'Office, on assignera les premiers tons, tant des antiennes que des Psaumes, a ceux qui devront les commencer, affin que toutes choses se facent bien..

  A024004169 

 Quant au reste, il faudra voir le livre des coustumes de l'Eglise cathedrale et en avoir une copie..

  A024004170 

 Les autres jours, le prestre qui sera assigné semaine par semaine, [429] excepté toutesfois les Messes et benedictions des fors baptismaux, es veilles de Pasques et de Pentecoste, parce que cela regarde l'office du Plebain..

  A024004172 

 Le Præfect toutesfois sera exempt de ceste charge a cause de la grande multitude d'affaires dont il est presque tousjours occupé; c'est pourquoy, en sa semaine, l'administration des Sacremens se fera par ordre par les autres six prestres..

  A024004172 

 Le semainier de la Grande Messe aura charge de l'administration des Sacremens, pourveu qu'il soit admis de l'Evesque ou de son Vicayre general.

  A024004174 

 Tous les jours de mercredi, apres Vespres, ilz s'assembleront en [430] la sacristie, et la, apres avoir imploré l'ayde et assistance du Saint Esprit, traitteront de l'observation des Regles, et des choses tant ecclesiastiques et spirituelles qu'œconomiques et temporelles.

  A024004175 

 Tous les jours de lundi, aussi tost qu'une heure apres midy sera sonnee, ilz s'assembleront pour conferer des cas de conscience et des ceremonies ecclesiastiques l'espace de demi heure.

  A024004176 

 Durant le repas on lira continuellement: [431] au commencement, des Livres historiques de la Sainte Escriture l'espace d'un quart d'heure; pour le surplus, de quelque livre de devotion, selon qu'il aura esté advisé en Chapitre..

  A024004178 

 Les enfans du Seminaire prendront leur repas tous ensemble et un d'eux fera la lecture; un des prestres corrigera le lecteur quand il lira mal.

  A024004183 

 C'est pourquoy le Plebain pourra exercer l'administration des Sacremens tous-jours quand il luy semblera estre expedient, et ne pourra jamais refuser en estant prié..

  A024004183 

 Le Plebain aura charge de tout ce qui appartient a l'administration des Sacremens; recitera le Prosne ou l'institution chrestienne a l'Offertoire de la Grande Messe, selon le Rituel de l'evesché; sera obligé (sinon qu'il soit malade ou legitimement empesché) d'enseigner le Cathechisme tous les jours de Dimanche, autrement le Præfect y prouvoyra en Chapitre.

  A024004200 

 Il ne sera permis a personne de manger de la chair en la mayson les veilles des festes de Nostre Dame; et tous observeront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la mesme glorieuse Vierge, par ce que c'est la feste la plus solemnelle de la Congregation..

  A024004202 

 Ilz subiront l'examen pour sçavoir s'ilz sont capables de l'administration des Sacremens..

  A024004285 

 De la qualité du seigneur Abbé et des Religieux.

  A024004287 

 L'Abbé répondit qu'il l'ignorait, attendu qu'il n'avait pas vu depuis longtemps les Bulles de sa provision, produites à Chambéry dans un procès; que cependant le suprême Sénat de Savoie lui avait interdit la correction des Religieux, comme s'il n'était pas titulaire; ce pourquoi il ne devait pas porter l'habit des Religieux.

  A024004287 

 Toutefois il dit que l'administration des biens temporels le regardait..

  A024004290 

 Des droits et titres.

  A024004292 

 Il s'enquit des titres et droits, afin que si quelqu'un en avait à part lui, ou en connaissait chez un autre, il le révélât, pour qu'il fût statué sur leur conservation..

  A024004296 

 Les autres affirmèrent qu'ils n'avaient à part eux et ne savaient pas exister auprès d'autres personnes des titres se rapportant au Monastère..

  A024004297 

 Ayant entendu cela, le Révérendissime Seigneur Evêque visiteur statua qu'avant le prochain jour des Cendres l'on ferait et établirait en due et probante forme l'inventaire de tous les droits et titres, en deux copies de forme semblable, dont l'une sera renfermée dans les archives de l'évêché, et l'autre, à l'usage des procès, sera conservée par celui que le Chapitre du Monastère désignera..

  A024004299 

 Du nombre des Religieux et de leurs prébendes.

  A024004302 

 L'Abbé répondit que les revenus étaient si diminués, soit par l'incurie de ses prédécesseurs, soit par la violence des eaux qui ont [445] détruit des métairies et villages entiers, qu'il ne pouvait nourrir et entretenir plus de Religieux.

  A024004306 

 En outre, les Religieux ont en commun les deux tiers des prémices de Samoëns, Vallon et Morillon, et toutes les prémices dans la paroisse de Sixt, excepté celles qui proviennent des fromages..

  A024004308 

 Et comme ceux-ci exposèrent que sur la dernière [447] prébende à eux due, il leur restait à recevoir six charges de vin, îe Révérendissime Seigneur visiteur réduisit les six charges susdites au prix de cent cinquante-deux florins, et cela avec le consentement mutuel des Religieux et du seigneur Abbé, auquel il enjoignit de payer à chacun ce qu'il lui devait..

  A024004310 

 Enfin il fut établi que le seigneur Abbé, puisque héritier des Religieux, serait tenu de faire les frais de funérailles et de sépulture..

  A024004314 

 [448] Quant au petit Office de la Bienheureuse Vierge, à l'Office des Défunts et aux Psaumes penitentiaux, ils pourront, à cause de la coutume de l'abbaye, être récités avant l'Office diurne, en sorte cependant que personne ne soit tenu à cette récitation hors du chœur, à moins que le Bréviaire de Trente ne le prescrive..

  A024004322 

 A l'autel qui se trouve près des stalles des Religieux, furent trouvées des images enlaidies par la vétusté et la corrosion.

  A024004326 

 Des édifices à réparer.

  A024004328 

 La voûte du chœur menace ruine par suite des trous et des [450] fentes.

  A024004352 

 Aussi, l'acte des pieux Chanoines réguliers de Saint-Augustin, du Monastère de Sixt, non seulement Nous l'approuvons et homologuons, mais Nous le louons et aimons autant que Nous le pouvons dans les entrailles du Christ; et, en vertu de Notre pouvoir et autorité ordinaires sur ce Monastère et ses Chanoines réguliers, Nous ordonnons dans le Seigneur, que dorénavant il y soit observé à la lettre.

  A024004434 

 C'est pourquoi ayant appris que, sous l'inspiration divine, les vénérables Chanoines voulaient rétablir entièrement l'ancienne observance régulière qui, par suite de l'injure des temps, était à peu près anéantie et détruite parmi eux, et que les très Illustres et Révérends seigneurs Jacques de Mouxy, Abbé, bien que commendataire, et Humbert de Mouxy, son coadjuteur et élu par le Monastère, avaient décidé, non seulement d'approuver, mais d'aider de si saintes résolutions:.

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004440 

 Comme aucun des vénérables Chanoines actuellement vivants n'a émis de Profession expresse, avant toutes choses, pour obéir à l'esprit et aux termes du saint Concile de Trente, Nous déclarons et décrétons que tous les vénérables Chanoines sont tenus d'émettre cette Profession expresse, et Nous fixons à tous et à chacun de ceux qui portent maintenant l'habit du Monastère une année qui soit considérée comme année de probation; après laquelle ils [456] devront aussitôt ou émettre la Profession susdite, ou Nous exposer les raisons, s'ils en ont, pour ne pas vouloir la faire..

  A024004442 

 Or, les Novices doivent être distingués des Profès dans le costume, en ce que les Profès portent à tous les Offices le capuce ou mozette, appelée communément domino; tandis que les Novices doivent user seulement du surplis ou cotta, sans capuce..

  A024004446 

 Qu'il soit, d'après le même texte, chap. 6, élu par le Chapitre aux votes secrets, en sorte que les noms de chacun des votants ne soient jamais publiés, et que celui-là soit tout à fait considéré comme élu, en faveur de qui se sera prononcée la majorité du Chapitre par les votes secrets susdits.

  A024004453 

 Des Offices et cérémonies.

  A024004457 

 De l'étude et des livres.

  A024004467 

 De la tenue du Chapitre de la correction et des pénitences.

  A024004469 

 Chaque samedi le Prieur ou, en son absence, le Sous-Prieur doit convoquer le Chapitre, où il corrigera, même en imposant des pénitences, selon qu'il le jugera expédient, tout ce qui se serait glissé de contraire à la Règle dans les Offices, ou dans les actes et les mœurs des Chanoines.

  A024004471 

 De l'expulsion des femmes du Monastère.

  A024004473 

 Toute la législation proclame ce que Nous avons décrété dans Notre dernière Visite de ce Monastère, à savoir que les femmes ne doivent pas habiter ou demeurer, même pour peu de temps, à l'intérieur de l'enceinte et des murs extérieurs du Monastère.

  A024004475 

 Des titres et instruments touchant les droits du Monastère.

  A024004477 

 Nous ordonnons, sous peine d'excommunication majeure, que dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, quinze septembre de l'an mil six cent dix-huit, tous et chacun de ceux qui ont des instruments ou titres de ce Monastère, les replacent dans les archives, selon le décret porté par Nous à ce sujet dans la susdite Visite..

  A024004479 

 Des prébendes.

  A024004481 

 Il sera tenu de nourrir et entretenir [462] la communauté des Chanoines, douze Chanoines au moins idoines résidents, ou en droit tenus comme résidents, c'est-à-dire les pourvoir de la nourriture, du vêtement et des autres choses nécessaires à la vie..

  A024004481 

 Le seigneur Abbé sera tenu de fournir chaque année douze prébendes à la communauté des Chanoines, en la manière qui a été notée dans la susdite Visite.

  A024004483 

 Des bâtiments.

  A024004486 

 Au sujet des autres pétitions des Chanoines ayant trait au versement des prébendes de l'année écoulée, aux dépenses qui seront nécessitées par le futur entretien d'un cheval, et autres semblables, [463] comme il a été passé une convention amicale entre eux et le susdit seigneur Coadjuteur et élu.

  A024004486 

 Nous avons jugé bon de ne rien décréter, si ce n'est qu'on observera l'écrit que Nous avons signé comme convenu d'un commun consentement des parties..

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004533 

 Que l'Abbé ci-dessus soit tenu de Nous soumettre les locations, hypothèques et accensements susdits, faits à juste prix, pour que Nous les approuvions et confirmions; et aussi que soient suppléés tous et chacun des vices de forme et des manquements au droit établi.

  A024004533 

 Que le membre appelé Présinges, loué, donné à cens et dégagé, retourne de plein droit au monastère de la Bienheureuse Marie d'Abondance, au bout des seize ans, avec tous ses droits, appartenances et améliorations, et que ses fruits, revenus et profits en quelque façon que ce soit hypothéqués restent libres..

  A024004535 

 Fait à Annecy, dans le palais de Notre résidence habituelle, en [471] présence des témoins, vénérable M. Louis de la Pallud et François Favre.

  A024004543 

 PREMIER PROJECT DES REGLES DE PIETÉ ET D'ŒCONOMIE.

  A024004548 

 sur le sommet duquel estant ce tres antique, sainct et miraculeux hermitage, jadis profané et demoly par l'envieuse malice du diable en l'introduction des heresies, non au mesme lieu du jour d'huy, mais a l'immediatement inferieur..

  A024004552 

 Lesquelz, avec licence et approbation de Monseigneur Reverendissime, science et patience, ains charitable rejouissance des seigneurs temporelz dudict Bon et Boege, et consentement des sieurs Curés desdictz lieux, ont des quelques années commancé d'habiter et restaurer a chaulx et sable ledict sainct hermitage, au desir et a l'edification du peuple catholique voisin, dont ilz ont aussy excité et augmenté, par la grace de Dieu, la devotion au culte d'iceluy et de la glorieuse et tousjours immaculée Vierge Marie..

  A024004553 

 Et Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, natif de la ville de Barjoulx, diocese de Frejus en la basse Provence du royaume de France; lequel, vestu et recommandé par le Reverend P. Inquisiteur General et Apostolique en Allemagne (ou ledict [474] Rigault enseignoit les langues vulgaires françoise, italienne, espagnole par la latine), et aussy recommandé par l'Illustrissime Legat de nostre Sainct Pere le Pape, resident audict pais en ville de Coullogne, fut receu en cest hermitage le onziesme julliet de l'annee dernier (sic), mil six centz dix neuf, a la priere et caution des RR. PP. Capuchins de ceste province ou du duché de Savoye, avec congé du sieur et Reverend Vicaire general, monsieur Rogez, soubz le futur bon plaisir de mondict seigneur Reverendissime se trouvant lors a Paris, qui, en consideration des susdictes recommandations, satisfaction du peuple, des bonnes mœurs et devotion dudict Rigault, consentement et desir desdictz Hermites, le tout par eux certifié, le leur donna et approuva pour leur confrere, et, en l'admettant audict hermitage, le sousmet, a sa propre requisition et comme les autres, a l'obeissance dudict Frere Jehan du Verney, prebstre, par ses lettres expresses du seiziesme jour de novembre, annee susdicte, mille six centz et dix neuf..

  A024004557 

 Neantmoins, estant le propre de touttes personnes congregees a pieuse fin, d'eslire et embrasser quelque maniere de vie spirituelle [475] et œconomique, ilz ont unanimement composé sur l'une et l'autre les Reigles suivantes, et supplié tres humblement Monseigneur Reverendissime qu'il se daigne d'y interposer son authorité, approbation et benediction, afin qu'il plaise a la divine Bonté leur faire la grace de les bien et sainctement observer, soubz l'obeissance de mondict Seigneur, a la plus grande gloire et culte de la benite et pure Vierge, Mere de nostre Sauveur Jesus Christ, au salut de leurs ames et a l'edification du peuple catholique des provinces voisines de cest hermitage et, sinon a la conversion, du moins a la disposition des heretiques pour recevoir la lumiere de la foy vraye et salutaire..

  A024004560 

 PREMIERE ELECTION DES PREMIERS SAINCTZ PATRONS.

  A024004562 

 Or, estant aussy une tres ancienne, louable et saincte coustume des dictes personnes aggregées, de prendre et venerer pour protecteur ou patron singulier quelque favory de Dieu en sa Court celestielle, et n'en pouvant ny devant lesdicts hermites choisir de plus grands que les comprins au sacrésainct mistere de la Visitation, soubz le nom duquel cest hermitage fut dedié a Nostre Dame: assavoir, le benit et doulx fruict de son ventre virginal, nostre Dieu et Redempteur Jesus Christ, elle mesme et son bienheureux Espoux et vierge sainct Joseph qui l'accompaigna en si misterieux voyage, sainct Jean Baptiste, et ses pere et mere sainct Zacharie et saincte Elizabeth......

  A024004570 

 DEUXIEME ELECTION DES PATRONS DESDITZ HERMITES.

  A024004572 

 Et parce que, comme il n'y a poinct de genre de vie en l'Eglise de Dieu militante qui s'aproche plus de l'angelique, aussy nulle n'a tant de besoing de l'assistance des bons Anges que celle des hermites, ilz l'implorent des maintenant pour toujours.

  A024004576 

 Et a leur honneur, es veilles et festes ou commemorations des saintz Archanges Michel, Gabriel et Raphaël, ilz observeront le jeusne, confession et Communion.

  A024004578 

 TROISIEME ELECTION DES SAINCTZ. PATRONS.

  A024004580 

 Pour n'estre moins pieux a l'endroict des sainctz Peres de leur profession que les moindres et plus viles (sic) artisans a celuy des Sainctz, qui, vivant, exercerent quelque fois leur mestier, ilz implorent aussy leurs merites et intercession, et eslisent d'entreux pour Patrons sainctz Paul, Anthoine et Hilarion..

  A024004584 

 A leur honneur ilz observeront le mesme qu'ilz doivent garder a celuy des aultres sainctz Patrons..

  A024004592 

 N'ayants poinct d'ouvriers en l'hermitage avec lesquelz il leur fault coopérer, ilz jeusneront comme le Caresme des le lendemain de la feste de Nostre Dame a celle de septembre..

  A024004596 

 Le vendredy, a l'honneur de la Passion de Nostre Seigneur, et le mercredy a celuy de Nostre Dame, ilz jeusneront, estans en l'hermitage, comme les vigilles; et le bastiment achevé, y adjousteront le lundy, en commemoration et pour le repos des fidelles trespassés, et specialement bienfacteurs..

  A024004598 

 I re Reigle: De l'abstinence des viandes, et surtout de la chair.

  A024004604 

 Considerans lesdictz Hermites, que non rarement, soubz couleur de l'abstinence d'aucunes viandes l'on affecte et abuse d'autres plus friandes et moins decentes, afin que l'usage du poisson soit a jamais conforme a l'austerité et pauvreté de la vie heremitique, il ne leur sera loisible, s'ilz en acheptent (ce qu'ilz n'ont encour faict), d'y despendre plus hault de trois florins, monnoye de Savoye, pour une fois seulement en chascune des trois Caresmes qu'ilz feront en I'annee..

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004612 

 Les Freres literés, hors d'aultre plus utile exercice, mortifieront le corps par l'esprit en l'estude des bonnes Lettres et livres les plus profittables a la fin de leur profession, et en la subjection non seulement des puissances executives et imperatives [de] la volonté, mais encor et principalement du jugement de leur intellect [a] celuy de leur Superieur en choses indifferentes, doubteuses et ambigues, non moins qu'aux necessaires, justes et convenables; car c'est par telz actes qu'on acquiert la vraye habitude de l'obeissance.

  A024004617 

 Les Freres, a l'imitation des Dames nonains de Saincte Ursule, et par le commandement expres de Monseigneur, en lieu d'Office chanteront le chappellet du sainct Rosaire, partie en latin, partie en langue vulgaire, afin que litterés et idiots y puisser t concourir..

  A024004621 

 A ce sainct Rosaire ilz adjousteront celuy des neuf hierarchies des Anges glorieux, assavoir neuf Pater noster et neuf Ave Maria..

  A024004627 

 Esquelz jours feriaux, appres l'action de graces du disner, ilz iront chanter a l'esglise les Litanies de sainct Michel et des aultres sainctz Anges, y fesant commemoration des sainctz Peres hermites, et specialement de sainct Paul, Anthoine et Hilarion, et de toutte l'Esglise triomphante pour la militante, recitant l'oraison de sainct Augustin registrée en ses Meditations, chapitre 40 me..

  A024004636 

 Ce pourquoy, les Freres l'observeront, hors de necessité, des l'oraison mentale du soir jusques a celle du matin, fuyans en tout temps et lieu tellement les parolles vaines, inutiles, oisifves et mondaines, que leur conscience n'ait d'en rendre compte aucun a Dieu qui l'exigera tres rigoureux..

  A024004640 

 Les Freres continueront de cultiver la charité entreux mesmes en touttes leurs necessités, compatissans les uns aux imperfections et foiblesses des autres, et a tout ce qui se rapporte a si divine vertu, et non moins a l'endroict des personnes ecclesiastiques et seculieres; persevereront au culte de l'hospitalité en lieu si desert, selon la Reigle d'œconomie de ce subject..

  A024004652 

 L'oraison nocturne se fera des les sept aux huict et demy..

  A024004656 

 Pareillement, hors de jeusne et aultre occasion ou il soit besoing de s'accommoder a aultruy ou aux affaires, ilz disneront entre dix et onze devant midy, et souperont entre cinq et six heures [480] d'apres, y gardant le silence exactement et lisant l'un des Freres, s'il y en a bon nombre, quelque bon livre, ou estant peu, partie l'un, partie l'aultre..

  A024004661 

 La recreation commune sera temperée par quelque discours de matiere espirituelle, ou d'aultre au moins edifiante et dont l'esprit maling ne se puisse servir pour introduire aux leurs des mauvaises especes.

  A024004662 

 La recreation particuliere se reiglera par la commune, y fuyant, comme peste de la pieté et tranquillité des esprits, la medisance, censures et jugement des actions de qui que ce soit..

  A024004664 

 Reigle unique de la conversation des Peres entr'eux.

  A024004685 

 De la correction des fautes et accusations reservee a Monseigneur.

  A024004690 

 Des livres des comptes des affaires œconomiques.

  A024004692 

 L'on tiendra Livre de raison des affaires dudict hermitage, et specialement de tout ce qu'on questera, recevra, despendra et contractera de quelque importance, de et avec qui que ce soit, et sur tout pour l'edification du peuple..

  A024004693 

 L'on tiendra un petit Livre a part, des Messes qu'on aura charge de dire, afin qu'on y satisface..

  A024004711 

 Du congé des Freres.

  A024004713 

 Et puisque contrariorum eadem est disciplina, nul des Freres ja nommés et receus, ny autre qui le soit de semblable chemin, ne pourra estre congedié ou privé que par la mesme voye de ladicte reception, et pour fautes sans espoir d'amendement, ou scandale irreparable et grave, appres touttefois que la clemence de Monseigneur Reverendissime les aura ouy, et autant de fois qu'elle les aura jugé dignes, absous.

  A024004713 

 Pour ce, a elle seule appartiendra l'interlocutoire en la definitive sentence, pour ne rendre la condition desdicts Hermites ridicule et plus sordide que celle des plus abjects valets du monde, et ce sainct lieu mesprisable et malheureux par defauït d'affection.

  A024004716 

 De l'Inventaire des biens.

  A024004723 

 et a part des Freres.

  A024004725 

 Parce que la quallité du lieu requiert que lesdictz Hermites [483] reçoivent en leur maison et donnent a manger, au moins quant au disner, a toutte sorte de personne de l'un et l'autre sexe, l'un d'eux leur portera ce qui sera jugé convenable, et aussy tost appres se retirera vers les autres Freres pour prendre a part avec eux leur repas, sauf si le R. Jehan du Verney estime a propos de leur faire luy mesme compagnie; fuyans, et les uns et les autres au possible, la conversation dangereuse et le trop de familiarité des femmes..

  A024004728 

 De la qualité du pain des Freres.

  A024004730 

 Le pain s'y fera d'une seule sorte et mediocrement bon pour tous les Freres, sauf celuy du mesnaige, meslant avec le froment le reste des bleds qu'on trouvera, afin d'en pouvoir donner, selon leur costume, aux honnestes gens qui la hault en sont bien souvent despourveus, se chargeant un chascun le moins qu'il peult pour monter la montagne..

  A024004735 

 Le Frere hermite despencier balliera, sans se le faire demander, a celuy des Freres qui montera ou descendra la dicte montagne, pour supporter le grand travail qu'il y a, demy pot de vin, mesure de Geneve approchant de la chopigne des lieux voysins; et au repas ordinaire, la moytié, ou deux verres honnestes, jusques a l'edifice parfaict, et lors le luy delivrera complet.

  A024004745 

 L'habit desdicts Hermites sera de drap blanc de pays ou des circonvoisins, selon la forme ou façon differente des Ordres religieux [484] qu'il plaira a Monseigneur Reverendissime leur assigner; l'exigeant leger, le monter et descendre de telle montaigne, et la queste aussy, penibles, tout ainsy que de peu de prix, la profession d'hermite mendiant..

  A024004765 

 Exception III me sur le concours des jeusnes de conseil avec ceux de precepte.

  A024004767 

 Se rencontrans les jours des jeusnes extraordinaires avec les commandés de l'Eglise, s'ilz arrivent a un mesme jour, l'on n'usera de poinct de translation, ains satisfaisant a celuy de precepte l'on aura satisfaict a celuy de conseil; mais s'ilz se rencontrent deux au [485] vendredy et samedy, seront observés.

  A024004771 

 Les jours des festes obligatoires a la Confession et Communion s'entresuivans immediatement, suffira d'observer la Reigle en l'un des principaux, si mieux l'on n'ayme le faire, quant a l'autre, a la veille; s'ilz seront interrompus d'un autre jour, l'obligation de la Reigle a tous les deux demeurera a son entier..

  A024004788 

 L'année susdicte mille six centz vingt, et le quinziesme du mois de juing, audict hermitage, en presence de nous, Jean Louis Questan, docteur en theologie et Chanoine de l'Esglise cathedrale de la ville de Geneve, a la requisition desdicts Hermites commis Surveillant dudict sainct lieu par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de ladicte ville, et des tesmoins soubsnommés; personnellement constitués les susdicts quattre Hermites: Frere Jean du Verney, leur Superieur, Jehan Grilliet, Mermet Jorand et Jehan Anthoine Rigault, ont de leur bon gré, libre et franche volunté professé les susdictes Reigles entre noz mains, pour et au nom de mondict Seigneur Reverendissime, leur vray, legitime et immediat seigneur, maistre et protecteur tres clement, en la forme suyvante:.

  A024004793 

 Et si bien des Reigles et Profession susdictes se colligent clairement les trois vœux de chasteté, pauvreté et obeissance d'un chascun desdictz Hermites en leur particulier (laissant leur Communaulté a la toutte previdente et puissante main de Dieu), ilz les proposent et embrassent en la maniere et avec la moderation des mesmes Reigles, afin de s'y conformer a la volonté de Monseigneur Reverendissime, et non poinct qu'ilz pensent de s'en despartir jour de leur vie, ains de les observer et garder inviolablement..

  A024004805 

 Nous, Freres Jehan du Verney, prebstre, Jehan Grillier et Mermet Jorand, hermites de Nostre Dame de la Visitation du hault Mont de Voiron, a la veue de la ville de Geneve et dans le Diocese d'icelle: attestons et certifions a tous ceux qu'il appartiendra, devant Dieu et ses sainctz Anges, lesquels nous appelions en temoings de ceste verité par nous, de nostre propre volonté, attestée; que Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, admis, receu et confirmé pour nostre confrere par divers escrips authentiques de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, a vescu, passé et finy parmy nous son an d'approbation, assavoir, des le unziesme julliet de l'annee derniere mil six centz dix neufz, jusques a ce jourd'huy, treiziesme dudict mois mil six centz et vingt.

  A024004809 

 Je soubsigné, condescend au desir des susdicts Hermites, pour les mesme causes susdictes.

  A024004811 

 Nous appreuvons l'establissement du susnommé Frere Jean Anthoine Rigaud en l'hermitage de Voiron, l'acceptant et advouant pour l'un des Hermites d'iceluy..

  A024004819 

 D'autant que le saint, celebre et ancien hermitage du Mont de Voiron est fondé sous le vocable de la Visitation [489] de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame, les Hermites qui y vivront des-ormais invoqueront particulierement et auront pour Patrons: en premier lieu (apres nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ, Ange du grand conseil et Mediateur de Dieu et des hommes ), les Saintz qui sont au mistere de la Visitation, c'est a sçavoir: la Vierge Marie, Mere de Dieu, saint Joseph, saint Jean Baptiste, patriarche des hermites, saint Zacharie et sainte Elizabeth; en second lieu, tous les bons Anges, specialement le chœur des Principautés; et en troysiesme lieu, saint Paul premier hermite, saint Anthoine et saint Hilarion..

  A024004823 

 Mais ceux qui auront fait la montee le jour auparavant, ou qui reviendront de la [490] queste, des moissons, vendanges, et en tems d'hiver, sont exceptés et leur sera permis de prendre un peu de repos..

  A024004824 

 Les Hermites prestres, ou qui sçauront lire ou entendre le latin, reciteront le grand Office du Breviaire Romain; et les laïcz qui ne sçauront lire reciteront le Rosaire, a l'imitation des Urselines, adjoustant neuf fois l'Orayson Dominicale et tout autant la Salutation Angelique, a l'honneur des neuf chœurs des Anges..

  A024004825 

 Aussi tost que le Sacristain aura cloché deux coups sur la fin de Prime, a la leçon du Martyrologe, ilz retourneront tous necessairement au chœur pour faire l'orayson mentale, laquelle durera demi heure, sinon qu'il y eust quelque cause urgente de la faire plus courte; et se commencera par les Litanies des Saintz.

  A024004827 

 Quand on preverra des festes les jours desquelles le peuple a accoustumé d'affluer, et que pour ce il faudra vacquer a ouyr les confessions, les prestres diront Matines le soir auparavant, depuis huit heures jusques a neuf, puis, le matin, les Heures de suite.

  A024004828 

 Mays si quelquefois ilz ne se treuvent pas en nombre suffisant pour chanter, alhors, si le restant est prestre, il dira a haute voix les Litanies des Saintz; si c'est un Frere laïc, il recitera les Litanies de Nostre Dame, lesquelles, a tout le moins, ne s'omettront jamais et que tous seront obligés de sçavoir par cœur..

  A024004829 

 Les jours feriaux et ouvriers, apres l'action de graces du disner, les Hermites iront a l'eglise pour reciter les Litanies de saint Michel et des saintz Anges, avec commemoration de saint Paul, de saint Anthoine, de saint Hilarion, de l'Eglise triomphante, et adjousteront pour la militante l'orayson de saint Augustin qui se trouve au quarantiesme chapitre de ses Meditations..

  A024004832 

 Les Hermites auront en tres grande recommandation [492] l'hospitalité et un soin tout particulier des pelerins et estrangers, les servans et traittant courtoysement, sans toutesfois rompre les regles de la juste œconomie..

  A024004836 

 Que si, avec le tems, les Hermites pouvoyent avoir des rentes suffisantes par la charité des gens de bien, ilz s'arresteront sans plus et demeureront en i'hermitage pour vacquer avec plus de loysir a la sainte meditation et reception des pelerins..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Nous donq, meus de si juste et puissante cause, combien que nous regrettions infiniment la pauvreté et misere des pauvres de ce païs, si est ce que, croyant tres bien employee la charité quilz feront a cest effect et pour l'entretien desdictz Hermites et leurs messagers, et qu'elle ne diminuera jamais, ains plustost augmentera leurs moyens par l'intercession de Nostre Dame: mandons a tous les RR. Recteurs, Curés, Vicayres et autres ecclesiastiques de ce diocese d'en edifier leurs ditz peuples et les informer, par la lecture de ces Lettres, que lesditz venerables Hermites, [495] ayans et observans des bonnes Reigles et offices de pieté et d'œconomie [sous un] Superieur et Surveillant particulier, vivent sous Nostre obeissance comme prestres et clercs seculiers et suivant les decretz des saintz Conciles, portant toutesfois le nom d'Hermites et l'habit blanc, par Nous dedié au sacré saint mystere de la Visitation, auquel ce tres devot et remarquable desert fut anciennement consacré.

  A024004857 

 Quant a la closture, il est requis que nul homme n'entre dans le chœur, dans le cloistre ni dans le dortoir des Religieuses, sinon pour les causes pour lesquelles les confesseurs, medecins, chirurgiens, charpentiers et autres peuvent entrer es monasteres les plus reformés; c'est a dire, quand la vraye necessité le requiert..

  A024004858 

 Elles pourront aussi sortir du monastere aux chams et promenades qui sont autour d'iceluy, pour leur recreation, pourveu qu'elles soyent au moins la moytié ensemblement, sans se separer les unes des autres..

  A024004859 

 Mays quant a entrer et demeurer au chœur des Religieuses pendant que l'on y fait l'Office, il ne le faut permettre qu'a quelques femmes de respect..

  A024004860 

 Et pour les visites des parens, amis et autres qui voudront voir les Religieuses, il faudra deputer quelque chambre hors le cloistre en laquelle telles visites puissent estre faittes, ou neanmoins les Religieuses n'aillent point qu'accompaignees de deux autres, pour la bienseance.

  A024004860 

 Le jardin proche du logis de madame l'Abbesse peut encor servir a cela, et l'eglise du costé de l'autel, selon la diversité des occurrences, en observant tous-jours la bienseance de n'estre pas seules en un lieu, bien que seules elles parlent a ceux qui les viennent voir, pendant que celles qui viendront avec elles s'entretiendront a part avec toute modestie..

  A024004861 

 Quant a la sortie des Religieuses es maysons de leurs proches et autres lieux, il seroit requis qu'elle fust du tout retranchee; mays cela semblant trop dur a quelques unes, il faut, pour le moins, que ce soit le plus rarement qu'il sera possible, puysque telles sorties ne se font gueres sans notable distraction d'esprit et murmuration de ceux qui les voyent dehors, et que les parens mesmes desireroyent que leurs Religieuses demeurassent en paix dans leurs monasteres, ainsy mesme que quelques uns m'ont librement dit..

  A024004862 

 Il seroit requis quil y eust un confessional en quelque lieu qui fust visible des le chœur, ou qui fust mesme dans le chœur, et que ce confessional fust fait en sorte que le confesseur ne vist point les Dames qui se confessent, ni elles luy, pour plusieurs raysons..

  A024004863 

 Or, cela se peut faire faysant le confessional en l'un des deux boutz de la separation..

  A024004865 

 On y lira quelque chapitre ou article des Regles, ou mesme de quelque livre qui traitte de la discipline religieuse; puis on conferera par ensemble des defautz et manquemens qui se seront commis es Offices et observances regulieres, si on en a remarqué, et des moyens d'y remedier, avec toute la charité quil sera possible..

  A024004866 

 Quant aux pensions, toutes sont exhortees de les remettre a la disposition de la Superieure qui, moyennant [499] cela, aura soin de faire fournir a toutes les necessités des Religieuses [qui] remettront les dites pensions.

  A024004887 

 Ce serait donc une très grande charité si le Saint-Siège daignait pourvoir à ce que les Supérieurs, sans excuse ni tergiversation quelconque, fussent obligés de donner des confesseurs extraordinaires et les Religieuses de les recevoir; en sorte que toutes se confessant à eux, on ne pût savoir quelles sont celles qui en ont besoin.

  A024004887 

 Quant aux Jubilés, que les Religieuses aient la liberté de demander par écrit aux Evêques ou à leurs Officiaux les confesseurs qu'elles désirent; et que ces ordonnances soient signifiées aux Provinciaux ainsi qu'aux Visiteurs, aux Supérieures des Monastères et aux Religieuses.

  A024004888 

 Mais pour éviter les contestations, il sera mieux que ces Supérieurs ne sachent pas d'où est venu l'avis à la sacrée Congrégation des Réguliers..

  A024004906 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à Lyon, chez les Missionnaires de la Maison des Chartreux.

  A024004911 

 A tous et chacun de ceux qui verront et entendront les présentes, Nous faisons savoir et attestons que Nous avons reçu avec toute l'humilité et révérence convenable les Lettres Apostoliques en [502] double expédition, en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, de notre Très Saint Père le Pape Paul V, datées de Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, le dix-neuf octobre, l'an 1613, du Pontificat du même Très Saint Pape Paul le neuvième, Lettres à Nous adressées pour l'affaire des Révérendes Doyenne et Chanoinesses de l'église Collégiale de Saint-Pierre, en la ville de Remiremont, diocèse de Toul, en cette teneur; sur le dos d'abord: [503].

  A024004913 

 Ils devaient s'enquérir avec diligence de la vie, des mœurs, pratiques et règlements de l'Abbesse et des Chanoinesses, ainsi que des Chanoines, prêtres et clercs qui sont attachés à la susdite église, en tenant compte de la doctrine Evangélique et Apostolique, des traditions des saints Canons, des Conciles généraux et des saints Pères.

  A024004913 

 Tout ce qu'ils auraient statué et ordonné, ils avaient le devoir de le faire observer, et forcer les désobéissants à s'y soumettre, par des censures, peines ecclésiastiques [506] et autres remèdes opportuns de droit et de fait.

  A024004914 

 Enjoignant pour cela à l'Abbesse, aux Chanoinesses, aux Chanoines, aux prêtres et aux clercs présents de vous obéir sans délai en tout ce qui a été dit'et en chaque chose, de recevoir humblement vos salutaires avertissements et commandements, enfin de s'efforcer de les suivre efficacement; sans quoi, toute sentence ou peine que vous prononceriez régulièrement contre des rebelles, Nous l'aurons pour ratifiée, et, avec l'aide du Seigneur, Nous la ferons observer à la lettre, nonobstant tout ce [507] que dans les présentes Lettres Nous avons eu l'intention d'écarter comme empêchement, et nonobstant aussi toutes choses contraires..

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004918 

 Décrétant que, après la notification et intimation susdites, et dès que Nous serons légitimement informé de la réponse et de l'assentiment des Révérendissimes Archevêque et Evêque, Nous entreprendrons, en toute justice, conjointement avec le Révérendissime Père et Seigneur [508] dans le Christ, l'Evêque de Chrysopolis, s'il lui plaît de s'unir à Nous, l'exécution des Lettres Apostoliques mentionnées ci-dessus, selon leur forme, contenu et teneur..

  A024004926 

 La dependance que les Religieux ont de leurs Abbés et Prieurs commendataires engendre continuellement des proces, noyses et riottes scandaleuses entre eux..

  A024004927 

 Et par ce moyen, [510] les Superieurs cloistriers auroyent toute l'authorité convenable pour bien reformer les Monasteres, reduysant la portion des Religieux en communauté; et pourroit on aussi changer les Superieurs, par eslection de troys ans en trois ans..

  A024004927 

 Il seroit donq peut estre a propos de separer le lot et la portion des biens requis a l'entretenement des Religieux, monastere et eglise d'avec le lot et la portion qui pourroit rester a l'Abbé ou Prieur commendataire; en sorte que les Religieux n'eussent rien a faire avec l'Abbé ni l'Abbé avec eux, puisque chacun d'eux auroit son fait a part: comme l'on a fait tres utilement a Paris, des abbayes de Saint Victor et de Saint Germain.

  A024004928 

 Et affin que la reformation se fit plus aysement, il seroit requis que cet ordre se mit premierement a Talloyre, ou il y a des-ja un bon commencement de reformation, et par apres il faudroit sousmettre a Talloyre tous les Monasteres de l'Ordre de Saint Benoist, affin qu'on y installast la mesme reformation..

  A024004929 

 Et semble qu'il seroit expedient d'en retirer quelques uns dans les villes, comme par exemple, le Monastere d'Entremont a La Roche, pour accroistre la le nombre des chanoynes et y establir un notable service, avec un theologal et pœnitentier, eu esgard au voysinage et continuel commerce de ceux de Geneve avec ceux de La Roche..

  A024004929 

 Il y a, de plus, des Monasteres de Chanoines reguliers de Saint Augustin qui n'ont pas moins besoin d'estre reformés; ce que malaysement se pourra faire, sinon par changement d'Ordre.

  A024004929 

 Mais quant aux Monasteres de l'Ordre de Cisteaux, je ne voy pas qu'aucune reformation s'y puisse faire, sinon y mettant des Religieux Feuillans, comme on a fait a la Consolata de Thurin, a Pignerol et en [511] Abondance.

  A024004930 

 On pourroit aussi en convertir d'autres en des Congregations de Prestres de l'Oratoire, comme par exemple, le Monastere du Saint Sepulchre de cette ville; et les autres, les annexer au College de cette ville, comme le prieuré de Pellionnex..

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004938 

 Il seroit requis qu'on retirast les troys Monasteres de Cisteaux dans les villes, affin que les (sic) deportemens fussent veus journellement, qu'elles fussent mieux assistees spirituellement et qu'elles ne demeurassent pas exposees aux courses des ennemis de la foy ou de l'Estat, a l'insolence des voleurs et au desordre de tant de visites vaynes et dangereuses des parens et amis.

  A024004941 

 Mais affin qu'a mesme tems qu'on les reduyroit toutes es villes la reformation se fist, il serait requis que Sa Sainteté commist quelque Prselat qui establist es Monasteres tous les reglemens ordonnés par le Concile de Trente, et leur donnast des Superieurs auxquelz l'on peust avoir recours facilement..

  A024004942 

 Son Altesse donq, pour ce sujet, pourrait faire dresser une instruction a son Ambassadeur, affin quil obtinst deux commandemens de Sa Sainteté: l'un a l'Abbé de Cisteaux, General de l'Ordre dudit Cisteaux, a ce que promptement il fist retirer les Religieuses des monasteres de Savoye [514] dans les villes voysines, en lieu propre a leur demeure, en attendant qu'elles eussent fait un nouveau monastere; l'autre, a l'Evesque de Maurienne et a l'Evesque de Geneve, a ce qu'ilz tinssent main affin que tous les reglemens ordonnés par le Concile fussent establis non seulement es Monasteres de Cisteaux, mais en tous autres Monasteres de femmes qui sont en Savoye..

  A024004955 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII a concedé Indulgence pleniere a tous fidelles Chrestiens de l'un et de l'autre sexe, entrans au nombre des confreres de la Maison de Nostre Dame de Compassion, lesquelz contritz, confessés et communiés, en chascune ou quelqu'une des festes de Nostre Dame, des les premieres Vespres jusques aux secondes, visiteront l'esglise de ladite Sainte Maison de Nostre Dame de Compassion, au lieu de Thonon, pres Geneve, ou est instituee ladite Confrerie pour la conversion des heretiques; illec priant Dieu pour l'extirpation des heresies, pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour la paix et union entre les princes chrestiens, ainsy qu'appert par Bulle authentique plombee, donnee a Romme l'unziesme (sic) du mois de septembre 1599..

  A024004956 

 De rechef, en ladite esglise de Nostre Dame de Compassion se trouvent quelques penitenciers ayant pouvoir de recevoir tous heretiques a la sainte Eglise, voire mesme relaps, excepté les notablement qualifiés; et tant iceux que tous autres chrestiens absoudre de quelz pechez que ce soit, voire crimes, exces, delitz tant grans et enormes soyent ilz, mesme reservés en la Bulle Cæna Domini; comme aussi de toutes peines et censures ecclesiastiques in foro conscientiæ, et de faire changement de vœux (aucuns excepté, selon la coustume ecclesiastique), et autres semblables graces, pour la tres grande consolation des consciences des pauvres pecheurs..

  A024004957 

 Pour ce sont exhortés tous fidelles Chrestiens, principalement ceux qui n'auroyent eu commodité de venir au saint Jubilé dernierement celebré audit lieu, qu'ilz ne perdent a present un si riche [517] tresor et grace singuliere qu'ilz trouveront en ladite esglise, comme aussi de s'efforcer par bonnes œuvres honorer et protester la sainte foy Catholique audit lieu, pour la conversion des heretiques, a l'honneur de la divine Majesté..

  A024004966 

 Ceux qui desireront estre agregés seront tenus de la frequenter, en assistant aux Offices qui s'y chantent et aux Messes qu'on y celebre, l'espace de trois mois au paravant que d'estre receus, afin que pendant ce temps ils puissent donner des asseurances de l'integrité de leur vie, bonnes mœurs, zele et assiduité..

  A024004967 

 Les dits confreres s'assembleront en la chapelle de la dite Confrerie à sept heure (sic) du matin, pour y chanter l'Office de Nostre Dame et ouïr la Messe ensemblement en habit: à sçavoir, les premiers Dimanches de chasque mois, les cinq festes de Nostre Dame qui sont la Purification, l'Annonciation, l'Assomption, la Nativité et l'Immaculee Conception; les festes des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et la premiere de Pentecoste.

  A024004968 

 A celle-cy le dais sera porté par quatre des confreres..

  A024004968 

 Apres qu'ils auront ensemblement chanté Vespres des premiers Dimanches de chasque mois, suivis de leur Recteur feront procession par l'ordinaire; mais la premiere feste de Pentecoste, celles des susdites de Nostre Dame, des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et du premier Dimanche d'octobre, feront la grande procession; pareillement le Jeudi Sainct et l'Octave de la Feste Dieu.

  A024004969 

 Assisteront aux Grandes Messes de Requiem que l'on dit dans la dite chapelle pour le repos de chasque confrere trepassé, apres que l'on aura dit l'Office des Morts à mesme intention; autant en fera-t-on pour les absents decedés quand on en sçaura le trepas, et pareillement les confreres absents diront l'Office ou le Chappellet pour les decedés en la ville..

  A024004970 

 De plus assisteront aux Grandes Messes de Requiem qui se disent dans la dite chapelle le lendemain des cinq festes susdites de Nostre Dame, pour le repos des ames des confreres et consœurs trepassés.

  A024004971 

 Le jour de la feste de sainct George l'on celebre Messe à diacre eu sousdiacre, et le lendemain pareillement une de Requiem à l'intention des fondateurs de la dite chapelle, la quelle anciennement estoit sous son vocable; les dits confreres et consoeurs seront tenus d'y assister..

  A024004972 

 Le dernier jour de carnaval s'assembleront avec leur Recteur pour aller en procession dans l'eglise des Reverends Peres Barnabistes, y ouïr le sermon, recevoir la Benediction du Sainct Sacrement de l'autel et y gagner les Indulgences..

  A024004983 

 Ils porteront le defunct eux mesmes en habit; que s'il ne se trouvoit des confreres en nombre, feront donner des habits à ceux qui les porteront..

  A024004984 

 Si quelqu'un surprend l'un des confreres offensant Dieu, il l'admonnestera jusques à trois fois, et si en apres la troisieme fois il ne se chastie, il en advertira le Prieur, lequel avec l'advis de la Confrerie le chastiera..

  A024004986 

 Les confreres s'en allant dehors seront tenus de prendre billet [519] de leur reception des mains du Secretaire, pour leur servir d'excuse et pour pouvoir, au besoin, assister aux Offices qui se font en d'autres Confreries..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000007 

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  A025000015 

 Première rédaction de la Préface des Règles.

  A025000017 

 Avertissement des éditeurs.

  A025000019 

 Constitution I. Des trois rangs des Seurs.

  A025000024 

 Constitution VI. De l'employ du jour des la feste de Pasque jusques a celle de saint Michel 36.

  A025000025 

 Constitution VII. De l'employ du jour des la feste de saint Michel jusques a Pasque.

  A025000027 

 Constitution IX. Des deux obeissances journalieres.

  A025000030 

 Constitution XII. Des assemblees.

  A025000031 

 Constitution XIII. Des recreations et conversations des Seurs.

  A025000032 

 Constitution XIV. Des ouvrages.

  A025000035 

 Constitution XVII. Des habitz et lictz.

  A025000038 

 Constitution XX. Des confessions extraordinaires.

  A025000045 

 Constitution XXVII. De la reception et distribution des moyens de la mayson.

  A025000047 

 Constitution XXIX. Des officieres de la mayson: Premierement de la Superieure.

  A025000049 

 Constitution XXXI. Des seurs choisies pour conseiller la Superieure et qui pour cela sont appellees ses coadjutrices 52.

  A025000052 

 Constitution XXXIV. Des surveillantes.

  A025000058 

 Constitution XL. Des menus offices de la mayson.

  A025000063 

 Constitution XLI. Des Seurs domestiques.

  A025000064 

 Constitution XLII. Des Seurs Tourieres.

  A025000066 

 Constitution XLIV. De l'entree des novices.

  A025000067 

 Constitution XLV. Des vœux et profession.

  A025000068 

 Constitution XLVI. Du renouvellement et confirmation des vœux.

  A025000070 

 Constitution XLVIII. Des penitences et chastimens.

  A025000071 

 Constitution XLIX. Briefve declaration de l'obligation des Seurs a l'observance de la Regle et des Constitutions 66.

  A025000072 

 Constitution L. De l'enterrement des Seurs.

  A025000073 

 Approbation des Constitutions.

  A025000076 

 Remarques de sainte Jeanne-Françoise de Chantal et du Père Etienne Binet, Jésuite, sur la première édition des Constitutions de la Visitation, Août 1620 (Inédit).

  A025000081 

 Livre auquel les Seurs de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation escrivent les ans et jours de leurs oblations et voeux et des annuelles confirmations qu'elles en font.

  A025000082 

 L'humble gloire des Seurs de la Congregation.

  A025000085 

 Directoire des choses spirituelles.

  A025000086 

 Du lever des Seurs et de la droiture de l'intention.

  A025000090 

 De l'ordre qu'on tiendra au refectoir, et des recreations.

  A025000095 

 Des Confessions et de l'ordre d'y aller.

  A025000098 

 Du devoir des Novices envers leur Maistresse.

  A025000099 

 Plusieurs advis de nostre Tres Honnoré Seigneur et Fondateur concernant la prattique des vertus et du devoir des Seurs envers la Superieure.

  A025000102 

 Des menues licences.

  A025000106 

 Formulaire pour la Profession des Seurs de la Visitation, dites de Sainte Marie.

  A025000108 

 Manuscrits primitifs des Constitutions (Ms. F).

  A025000111 

 De l'employte de la journee et des heures.

  A025000112 

 Manuscrit des Constitutions de juillet-septembre 1613 (Ms. K).

  A025000113 

 Avertissement des editeurs.

  A025000117 

 Regles et Constitutions de la Congregation des Seurs dediees a Dieu sous l'invocation de Nostre Dame de la Visitation en la ville d'Annessi (Inédit).

  A025000119 

 Des personnes qu'on pourra recevoir en cette congregation, et de leurs qualités.

  A025000120 

 De la clausure quant a la forclusion des hommes.

  A025000121 

 De l'entree des femmes dedans la mayson.

  A025000124 

 Du retranchement des sorties.

  A025000125 

 Des sorties extraordinaires.

  A025000127 

 Des heures, oraysons et communions.

  A025000128 

 Des litz et habitz.

  A025000130 

 Du parler, des recreations et conversations entr'elles.

  A025000132 

 Des vœux.

  A025000138 

 Des ouvrages.

  A025000139 

 De la reception et distribution des moyens de la mayson.

  A025000140 

 Des jeunes filles.

  A025000141 

 Des enseignemens pour les seculieres.

  A025000143 

 Article 27.Des scrupules qui peuvent arriver touchant l'obeissance.

  A025000144 

 Des seurs veillantes.

  A025000146 

 Des seurs servantes.

  A025000159 

 De la reception des novices.

  A025000160 

 De l'entree des novices.

  A025000161 

 De la reception des novices a l'oblation et dedicace.

  A025000162 

 Formulaire de l'oblation des Seurs de la Visitation.

  A025000164 

 Declaration de l'obligation des Regles et Constitutions.

  A025000165 

 De l'expulsion des Seurs scandaleuses.

  A025000166 

 Præface pour l'instruction des ames devotes sur la dignité, antiquité, utilité et varieté des congregations ou colleges des femmes et filles dediees a Dieu, Septembre-décembre 1614 (Inédit).

  A025000169 

 Autre manuscrit des Constitutions, aout 1616-janvier 1617 (Ms. Q).

  A025000170 

 Avertissement des editeurs.

  A025000174 

 Des personnes qui peuvent estre receues en cette Congregation et de leurs qualités.

  A025000175 

 De la clausure quant a la forclusion des hommes.

  A025000176 

 De l'entree des femmes dans la mayson.

  A025000178 

 De la clausure des Seurs.

  A025000180 

 Des heures de Nostre Dame, oraysons et communions.

  A025000181 

 Des litz et habitz.

  A025000183 

 Du parler, des recreations et des conversations qui se font entre les Seurs.

  A025000191 

 Des ouvrages.

  A025000192 

 De la reception et distribution des moyens de la mayson.

  A025000194 

 Des enseignemens pour les seculiers.

  A025000196 

 Des jeunes filles qui seront receues dans la mayson pour y estre instruites.

  A025000197 

 Des officieres de la mayson, et premierement de la Superieure.

  A025000208 

 Des Seurs de la cuysine.

  A025000209 

 Des Seurs Servantes.

  A025000210 

 Des surveillantes.

  A025000213 

 De l'entree des Novices.

  A025000214 

 De l'establissement des Novices en la Congregation par les vœux et oblation.

  A025000215 

 Formulaire de l'establissement des Seurs en la Congregation.

  A025000216 

 De la reception des Seurs Servantes a l'establissement.

  A025000217 

 Du renouvellement et confirmation des vœux.

  A025000218 

 De l'expulsion des Seurs Scandaleuses.

  A025000220 

 Declaration de l'obligation des Regles.

  A025000227 

 Directoire de la Maistresse pour l'instruction des Novices.

  A025000228 

 Directoire des Seurs Surveillantes.

  A025000230 

 Directoire de celle qui aura charge des papiers.

  A025000234 

 Le jour des Cendres.

  A025000235 

 Le jour des Rameaux.

  A025000246 

 Directoire de la Seur qui a charge des ouvrages.

  A025000248 

 Directoire des Seurs Tourieres.

  A025000253 

 IV. Approbation et confirmation des Constitutions de la Visitation par l'archevêque de Lyon et l'evêque de Genève, 1 er juillet 1615 (Minute inédite).

  A025000255 

 VI. Lettre d'obédience à la Mère de Chantal pour les fondations des monastères de Bourges, Paris et Dijon, 16 octobre 1618 (Inédit).

  A025000262 

 A. Institution des Religieuses de Sainte Marie par M r de Genesve.

  A025000263 

 Sommaire des Constitutions de la Congregation Religieuse de Sainte Marie.

  A025000265 

 Des personnes qu'on pourra recevoir en ceste Congregation et de leur qualitez.

  A025000266 

 De la closture et entree des hommes.

  A025000267 

 De l'entree des femmes.

  A025000271 

 Du parler, des recreations et conversations entre elles.

  A025000272 

 Des Heures, oraisons et Communions.

  A025000274 

 Des ouvrages.

  A025000275 

 Des litz et habitz.

  A025000283 

 Des enseignemens pour les seculiers.

  A025000284 

 De la formule des vœus [pour celles] que font la Profession.

  A025000285 

 Des Sœurs Servantes.

  A025000286 

 Declaration de l'obligation des Regles.

  A025000287 

 B. Fragments de trois lettres de Don Jean-Ambroise Mazenta, Général des Barnabites.

  A025000304 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance de la discipline de l'Eglise ne peut ignorer que des son commencement il ny eut une tres grande quantité de filles et femmes consacrees au service de Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000304 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, [3] escrivan aux Philippiens: «Je salue,» dit-il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et en l'epitre aux Anthiochiens: «Que les vierges,» dit-il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et finalement, a Heron: «Conserve les vierges comme joyaux de Jesus Christ.».

  A025000305 

 Rufin, en son Histoire, tesmoigne que sainte Helene, mere de Constantin, en treuva des-ja une troupe en Hierusalem.

  A025000306 

 Or, presque toutes, tant les unes que les autres, mais [4] notamment celles de la premiere bande, qui vivoyent en congregation, estoyent consacrees par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que saint Ambroise ne dit pas a la vierge descheüe sur ce sujet? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur sainte Marceline fut consacree par le Pape Libere en l'eglise de Saint Pierre de Rome, et le propre jour de Nouel? Certes, c'estoyent ordinairement les Evesques qui celebroyent ces consecrations, comme il est ordonné au Concile de Cartage, auquel le grand saint Augustin assista, et par saint Leon le premier, escrivant aux Evesques d'Allemaigne et de France; et est commandé dans le Pontifical que l'on ne les face qu'es jours de feste ou de Dimanche..

  A025000307 

 Et bien que plusieurs anciens et graves scholastiques penseront jadis que cette solemnité estoit une proprieté naturelle [5] et essentielle des vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface VIII ayant du despuis determiné le contraire, il ny a plus lieu quelcomque d'en disputer, ains faut avouer ingenuement que cette proprieté n'est nullement inseparable des vœux de Religion, puisque anciennement les plus celebres et saintz Religieux faysoyent leur Profession sans icelle, et que, en nostre aage, le Pape Gregoire XIII l'a attachee aux vœux simples en faveur de la tres illustre Compaignie du Nom de Jesus; declarant asses en cela que cette solemnité depend tellement de l'authorité de l'Eglise, qu'elle la peut oster aux vœux solemnelz sans pour cela les rendre simples, et l'adjouster aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, selon qu'il est expedient au bien des ames et a la gloire du Createur: ainsy qu'ont doctement expliqué le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Bellarmin, les docteurs Lessius et Azor, et briefvement, mais pertinemment a son accoustumee, Hierosme Platus en ses beaux livres Du bien de l'estat religieux, et en fin le tres docte Thomas Sanches qui en cite une legion d'autres..

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000308 

 Ainsy le tres glorieux saint Charles, mirouer des Praelatz de ce tems, et, a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province ont erigé plusieurs Congregations de diverses façons; car voyci ce qu'en a escrit l'autheur de l'histoire de sa Vie.

  A025000308 

 Apres quil a dit que cet admirable Praelat induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mais le nombre des femmes,» [6] adjouste-il, « fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains aussi divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocaese, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis; et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, si nombreuse en femmes et vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté sous l'observance de leurs propres Regles.».

  A025000308 

 Il y a donq eu ci devant et a encor en ce tems des Congregations de femmes consacrees a Dieu, en deux sortes: car les unes ont esté establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz, et les autres en tiltre de simple Congregation, ou par les vœux simples, ou par l'oblation, ou par quelque autre sorte de profession sacree.

  A025000309 

 Ainsy sainte Françoise Romaine, divinement inspiree, institua la Mayson de la Tour des Mirouers en tiltre de simple Congregation, qui est encor en grande splendeur de pieté a Rome; comm'aussi a Cremone, la Congregation des vierges de Nostre Dame; et de mesme y en a il en divers autres endroitz.

  A025000310 

 Mays despuis qu'il pleut a la divine Providence que cette petite compaignie, comme une ruche d'avettes mistiques, jettast des nouveaux esseims et qu'elle fut establie a Lyon et a Moulins, le tres illustre et Reverendissime Archevesque de Lyon, M gr Denys Simon de Marquemont, jugea qu'il estoit expedient qu'elle fut reduite en Religion, pour plusieurs raysons que sa grande sagesse et pieté luy suggererent.

  A025000311 

 Comme par exemple: cette Regle commande qu'on vaque soigneusement aux prieres, et les Constitutions particularisent le tems, la quantité et la qualité des prieres qu'il faut faire; la Regle ordonne qu'on ne regarde pas indiscrettement les hommes, et les Constitutions enseignent comme, pour executer cette Regle, il faut tenir la veüe basse, et le voyle sur le visage en diverses occurrences: de sorte que, pour le dire en un mot, la Regle enseigne ce qu'il faut faire, et les Constitutions comme on le doit faire.

  A025000311 

 Et de la vient, ainsy que les mesmes Docteurs remarquent, que les Regles, comme fondemens principaux de la vie religieuse, doivent estre appreuvees par l'authorité de l'Eglise catholique ou par Decret apostolique; mais les Constitutions, qui ne contiennent que les moyens et la methode de bien observer la Regle, n'ont nul besoin d'estre confirmees que par l'authorité des Superieurs ordinaires, ou par les Chapitres des Religions..

  A025000311 

 Pour cela, donq, je vous presente cette sacree Regle, que vous suivres meshuy comme le vray chemin auquel vous [8] deves marcher pour parvenir a la perfection de la vie religieuse, y ayant joint vos Constitutions, qui sont comme des marques mises en ce chemin affin que vous le sachies mieux tenir; car, comme disent les Docteurs, les Regles des Religions proposent les moyens de se perfectionner au service de Dieu, et les Constitutions monstrent la façon avec laquelle il les faut employer.

  A025000312 

 Et depuis, plusieurs Instituteurs de divers Ordres de Religieux ont laissé des autres tres saintes Regles, ou du moins des Constitutions qui tiennent lieu de Regle, pour leurs Congregations: comme le grand patriarche saint Benoist, duquel la Regle est si hautement louee par saint Gregoire le Grand, le seraphique saint François d'Assise, saint Bruno, saint François de Paule, le bienheureux Ignace de Loyole..

  A025000312 

 Je sçay bien qu'au commencement de l'Eglise les Congregations religieuses durerent quelque tems et firent des merveilles au service de Dieu sans avoir presque aucunes Regles escrittes, ains par la seule observance des coustumes que la commune pratique et devotion des ames qui s'estoyent assemblees avoyt introduites, et par la bonne conduite des Superieurs suivie de la parfaite obeissance des inferieurs, desquelz la simplicité et bonne foy tenoyent heureusement lieu de loy.

  A025000313 

 Mais la grande authorité de saint Augustin, meritee par la tres excellente sainteté de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Ordres religieux il a esté le plus suivi.

  A025000313 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celles des Chanoines et Clercz reguliers, des Eremitains, de Saint Dominique, de Saint Hierosme, de Saint Anthoine, de Presmonstré, des Servites, des Cruciferes, mais aussi les Ordres de plusieurs Religieux chevaliers, comme ceux de Saint Jean de Hierusalem, ceux des Saintz Maurice et Lazare, les Theutoniques, ceux de Saint Jaques et plusieurs autres, se sont rangés sous l'estendart de cet admirable conducteur..

  A025000314 

 Or, bien que cette Regle soit visiblement tressainte et que, comme appreuvee de l'Eglise, elle doive estre hors de toute censure, ains que le seul nom de celuy qui l'escrivit la deust rendre venerable a tous ceux qui portent [10] le tiltre de chrestien, si est-ce que la folle temerité des enfans du monde ne laisse pas de vouloir y treuver je ne sçay quoy a dire, par maniere d'affectee curiosité.

  A025000316 

 De sorte que cette sainte Regle n'oblige point a peché, sinon es articles principaux requis a l'observance des troys vœux, ainsy quil est plus amplement declaré a la fin des Constitutions.

  A025000317 

 Et certes, puisqu'aussi bien faut: il ordinairement que les Superieurs moderent ou aggravent les loix punitives par la consideration des diverses circonstances qui accroissent ou diminuent les fautes, n'est-il pas bon de laisser les impositions des pœnitences a leur jugement et prudence?.

  A025000317 

 Plusieurs pensent que les Regles religieuses doivent taxer et determiner des peynes aux contrevenantz et delinquans, mais ilz se trompent; car il ny en a point en la Regle de saint Basile, ni en celle ci, comme vous verres, sinon celle de l'ejection.

  A025000318 

 Il y a voirement en cette Regle quelques articles qui semblent n'avoir plus aucun usage: comme par exemple, de n'aller aux bains que tous les moys et que les Seurs ne sortent pas qu'accompagnees; car on ne doit plus sortir maintenant que pour des causes si grandes, si necessaires et rares qu'on peut dire en verité que les Seurs observantes ne sortent jamais.

  A025000319 

 En l'article qui dit: «Domtés vostre chair par jeusnes et abstinences selon que vostre santé le permet,» le bienheureux Pere ne donne pas liberté pour cela a chasque Religieuse de faire des austerités de sa teste, ni de discerner ce que sa santé luy permet; car au contraire, comm'il est porté en un autre article, c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est expedient.

  A025000319 

 Et au Livre premier des Mœurs de l'Eglise, (Inscrivant la façon de vivre des Religieux et Religieuses de son tems, il dit que plusieurs de forte complexion s'accommodoyent de vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et que, [12] quand les foibles refusoyent de boire et de manger ce qui leur estoit convenable, on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus debiles que saintz, plustost malades que mortifiés. Ce qu'a la verité arrive a plusieurs, notamment parmi les femmes, qui, trompees de leur imagination, constituent la sainteté en l'austerité, et entreprennent plus aysement de priver leurs estomacs de viande que leurs cœurs de leur propre volonté..

  A025000320 

 Celle qui a la charge des autres est appellee Praeposee, comme qui diroit: mise et posee au devant ou au dessus de la Congregation, et qui est praesidente a icelle, qu'on pourroit aussi appeller Praeferee.

  A025000321 

 De sorte qu'il n'y a donq point d'apparence qu'il ayt mis si souvent en sa Regle le mot de prestre pour celuy d'Evesque, puisque mesme les monasteres des filles et femmes estoyent en grand nombre au diocœse d'Hippone et que l'Evesque n'eut peu estre ainsy par tout.

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000321 

 Mays ce qui m'oste du tout de doute en ce point, c'est que saint Augustin, en cette mesme Regle des Seurs, distingue clairement le prestre d'avec l'Evesque, disant que si quelque Seur «est convaincue d'avoir receu des lettres ou presens en secret, elle» doit estre «griefvement corrigee et chastiee selon qu'il sera advisé par la Superieure, ou par le Prestre, ou mesme par l'Evesque.» Ainsy est distingué le Prestre d'avec l'Evesque.

  A025000322 

 En foy dequoy, il appert par l'Estat de l'Eglise de Milan, que de 61 Monasteres de Religieuses qu'il y a, 46 sont sous la charge de l'Archevesque, n'y en ayant que 15 en celle des Reguliers.

  A025000322 

 Et certes, je confesse que non seulement en la primitive Eglise et jusques au tems du grand saint Augustin, [15] mais aussi plusieurs siecles apres, les Religieux et Religieuses vivoyent sous l'obeissance des Evesques; car c'est une verité trop certaine pour estre niee, trop evidente pour estre ignoree; puisque Gratian au Decret, Edmerus en la Vie de saint Anselme, saint Bernard, au troysiesme Livre de la Considération et en l'epistre qu'il escrit a l'Archevesque de Sens, Henri, et mesme le maistre de l'Histoire de l'Eglise, Baronius, le tesmoignent en termes qu'on ne peut dissimuler.

  A025000322 

 Mais pour tout cela il ne s'ensuit pas que les [16] Evesques soyent ou fussent les Prestres de ces Monasteres, ains ilz en ont ou avoyent seulement la surintendance et jurisdiction generale, comme des autres eglises non exemptes, de leurs diocaeses..

  A025000323 

 Ce «Prestre», donq, dont il est parlé en la Regle, estoyt ou le Curé qui, comme a remarqué le docte Filesac, theologien de Paris, estoit jadis nommé simplement «le Prestre» par excellence; ou bien c'estoit le Prestre particulier, auquel l'Evesque avoit commis le soin du Monastere pour les choses spirituelles et administration des Sacremens.

  A025000323 

 Saint Hierosme, en l'Epitaphe de sainte Paule, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de Bethleem: «Elles sortoyent,» dit-il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour, chasque trouppe suivant sa Mere; et de la s'en retournant, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.» Saint Pacome et ses Religieux appelloyent un des prestres du voysinage pour recevoir la divine Eucharistie (est il dit en sa Vie) et les immortelz Sacremens; «estimant,» disoit il, «que c'est chose profitable aux Monasteres de communiquer aux [17] eglises.» La rayson de ceci fut que les prestres estoyent rares, l'Ordre de prestrise estant en si grande consideration parmi ces Anciens, que peu de gens osoyent se faire promouvoir.

  A025000323 

 Tant y a, donq, que le Prestre dont il est parlé en la Regle estoit ou le Curé, ou celuy que l'Evesque commettoit a part pour le Monastere, comme qui diroit le Pere spirituel; et tout ainsy que la Superieure avoit la direction ordinaire des Religieuses, aussi es choses d'importance et extraordinaires on appelloit le Pere spirituel, et si celane suffisoit, onrecouroit finalement a l'Evesque..

  A025000324 

 Ce qui est defendu que l'on ne porte pas les voyles si desliés qu'on puisse voir, a travers, la coeffeure, c'est parce qu'en Afrique, païs extremement chaud, les filles et femmes ne plioyent leurs cheveux qu'avec des petites coeffes de filet qu'on appelle en latin retiola, comme petitz retz et filetz, et en françois «du lacis», comme petitz laqs ou lacetz.

  A025000324 

 Mais de deça, les coeffeures des Religieuses observantes sont d'autre sorte, outre qu'elles se tondent; et toutefois ne laissent pas de devoir observer que leurs voyles ne soyent pas transparens..

  A025000327 

 Ce qu'il donne permission aux Seurs d'aller «une fois le moys» aux estuves, provient de la bonne opinion que les Anciens avoyent des bains; lesquelz, comme plusieurs prenoyent pour le seul playsir, aussi les autres, notamment es regions chaleureuses, les prenoyent pour tenir leurs cors netz des crasses que le hasle et les sueurs salees et adustes produisoyent, et les autres pour la santé, qui certes est grandement aydee de la netteté.

  A025000327 

 Donq ce n'est pas merveille s'il les permet aux Seurs, selon que la coustume de ce païs-la et le conseil des medecins le requeroit; puisque principalement il advertit si soigneusement qu'on n'en use pas pour playsir, ains seulement ou pour la netteté, ou pour la santé..

  A025000327 

 Pline note que Charmis, medecin marseillois, renversa toute la methode des autres medecins; et qu'entre autres choses, il ostoit l'usage des bains chauds et faysoit des bains d'eau froide, et qu'il avoit veu de senateurs, mesme en plein hiver, grincer des dens dans ces bains froids.

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000328 

 La charité anime les espritz des Saintz de differentes perfections et affections, et empesche quelques uns, comme saint Jaques le Mineur, d'aller aux bains, par la severité, y en faysant aller d'autres, comme saint Jean, par le juste soin de l'honnesteté et de la santé..

  A025000329 

 Aussi, saint Benoist, ce grand Pere des moynes de nostre Occident, l'a mis expressement en sa Regle pour les deserteurs et fugitifs.

  A025000329 

 L'article de l'expulsion des incorrigibles est fascheux aux gens du monde qui ne voudroyent jamais revoir parmi eux les filles dont ilz se sont une fois deschargés, et ceux qui l'ont veu ci devant en vos Constitutions l'ont apertement blasmé; mays, comme disent les doctes Azor [20] et Lessius, apres plusieurs graves autheurs, c'est un article du Droit canon et de droit de nature, et par consequent de droit divin.

  A025000330 

 Car, quant a moy, je l'avois des-ja bien veue en la belle epistre 109 de saint Augustin; mais, ni je n'en avois [21] pas la memoire presente, ni je ne dressay pas ces Constitutions selon mon seul entendement, ains beaucoup plus selon la devote inclination des ames qui furent si heureuses d'estre appellees par l'Esprit de Dieu pour commencer cette si pieuse maniere de vie.

  A025000330 

 Certes, ç'a esté une speciale providence de Dieu, qu'entre toutes les Regles celle du glorieux saint Augustin ayt esté choysie pour servir de loy en vostre compaignie, puisque des-ja, par un secret instinct du Saint Esprit, vos Constitutions furent dressees au commencement en sorte qu'elles sont toutes conformes a cette sainte Regle, laquelle, par ce moyen, vous observies sans y penser avant qu'elle vous fut ordonnee, voire sans sçavoir quelle elle estoit.

  A025000331 

 Mais a la verité, voyant vostre Congregation petite en nombre au commencement, et toutefois grande en desir de se perfectionner de plus en plus au tressaint amour de Dieu et en l'abnegation de tout autre amour, je fus obligé de l'assister soigneusement; me resouvenant bien que Nostre Seigneur, ainsy qu'il dit luy mesme, vint en ce monde pour le bien de ses brebis, non seulement affin qu'elles eussent la vraye vie, ains aussi affin qu'elles l'eussent plus abondamment; et que, pour la leur faire avoir plus abondante, il ne faut pas seulement les induire a l'observance des commandemens, mais encor a celle des conseilz; et qu'en cela ceux de ma condition doivent rendre fidele service a ce divin Maistre, puisque, comme dit saint Ambroyse, ç'a tous-jours esté une particuliere grace aux Evesques de semer les graines de l'integrité et d'exciter es ames le desir et le soin de la virginité, comme firent jadis les premiers et plus grans serviteurs de Dieu et Pasteurs de l'Eglise.

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000340 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance des meurs et de la discipline de l'Eglise ancienne ne doutera certes jamais que des lhors il ny eut tres grande quantité de filles et de femmes dediees et consacrees a Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000341 

 Or, celles de la premiere sorte, qui estoyent en congregation, vescurent, ce semble, toutes sans avoir des Regles escrites, sous la seule observance des coustumes introduites entre elles par leur commune devotion, jusques environ le tems de Constantin, que S t Pacome ayant receu sa Regle pour les hommes d'un Ange, il la donna par apres a la congregation des Seurs erigee a Tabenne, qui ne dura que quelque tems; et tost apres, S t Basile en l'Eglise grecque, et S t Augustin en l'Eglise latine; et sainte Melanie la Jeune, en Hierusalem, donna des loix a sa Congregation, ainsy qu'il est dit en sa Vie..

  A025000342 

 Mays la grande authorité de S t Augustin, meritee par [25] la tres illustre innocence de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Religieux il a esté plus que nul autre suivi en la Regle quil a dressee; laquelle estant suave, benigne et vrayement digne de son tres doux esprit, et toute apostolique, il a rendu propre presque a toutes sortes de nations et de complexions.

  A025000342 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celle des Chanoynes reguliers, des Haeremitains, de S t Ruf, de S t Dominique, de S t Anthoyne, de Praemonstré, des Servites, des Crucifers, mais aussi plusieurs Religieux chevaliers, comme sont les Chevaliers de S t Jean de Hierusalem, des S ts Maurice et Lazare, de S t Jaques, les Theutoniques....

  A025000343 

 Et il ny a point de doute pour ceux qui ont tant soit peu hanté les escritz des anciens Peres, que toutes ces Congregations de femmes ne fussent establies par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que S t Ambroyse ne dit pas sur ce sujet a la vierge decheue? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur S te Marcelline fut consacree le jour de Noel, en l'eglise de S t Pierre, par le Pape Liberius?.

  A025000344 

 Et bien que les plus anciens et graves scholastiques eurent jadis opinion que cette solemnité estoyt de la propre nature de ( sic ) vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface huitiesme ayant du despuis determiné le contraire, il ne faut plus en disputer, ains avouer ingenuement que cette solemnité n'est nullement de l'essence des vœux de Religion, puisque anciennement tous les vœux des Religions estoyent sans cette solemnité, et que de nostre aage le Pape Gregoire tresiesme a declaré invalides les mariages de ceux qui en la tres illustre Compaignie de Jesus auroyent faitz les vœux, quoy que seulement simples.

  A025000345 

 Ainsy le tres glorieux S t Charles, mirouer des Praelatz de nostre aage, erigea plusieurs Congregations de diverses sortes pour les filles et femmes, et a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province; car voyci ce qui est escrit en sa Vie.

  A025000345 

 Apres quil a esté dit quil induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mays le nombre des femmes,» poursuit l'autheur, «fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains divers nouveaux colleges fondés a cett' intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de S te Ursule qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise..

  A025000345 

 De sorte qu'en fin il s'ensuit qu'il peut y avoir en la S te Eglise trois sortes de Congregations de femmes (car je ne parle point des autres): les unes, qui sont establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz; les autres, qui sont establies en tiltre de simple Congregation par les vœux simples; et les autres, qui sont en tiltre de Congregation [27] simple, par une simple oblation, sans aucun vœu.

  A025000347 

 ains il y a quelques articles en la Regle qui ne sont plus en usage: comme par exemple, de sortir de la Mayson pour les bains et pour quelques autres causes ordinaires; car on ne sort plus maintenant sinon pour des causes du tout necessaires et, par consequent, infiniment plus rares..

  A025000348 

 Mays pourtant, non seulement S t Augustin, ains aussi S t Benoist ont ordonné l'ejection des incorrigibles, et S t Pacome volut oster l'habit et expulser Sylvain, vint ans apres sa reception.

  A025000349 

 En l'article qui dit aux Seurs: «Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence de manger et boire autant que vostre santé le permet,» S t Augustin ne donne pas pour cela liberté a chasque Religieuse de faire des austerités a son gré, ni de discerner quand sa santé luy permet de jeusner ou ne jeusner pas; car il est porté en un autre article, que c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est requis.

  A025000349 

 Et non seulement cela, mais en cet excellent chapitre trente troysiesme du premier Livre des Mœurs de l'Eglise Catholique, ou il descrit la maniere de vivre des Religieux et Religieuses de son aage, il dit que plusieurs de bonne complexion s'accommodoyent a vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et de plus, il dit encores que quant les foibles refusoyent de boire et manger ce qui leur estoit convenable on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus tost debiles que saintz.

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000382 

 Et qu'elles ne s'eslevent point si elles ont contribué de leurs facultés a la Communauté, et ne deviennent point plus superbes de leurs richesses pour les avoir departies au Monastere que si elles en jouissoyent au siecle; car toute autre iniquité est exercee es mauvaises œuvres affin qu'elles se facent, mais l'orgueil fait des embusches aux bonnes œuvres mesmes [33], affin qu'estant faites elles perissent.

  A025000386 

 Soyes soigneuses des oraysons es heures et tems establis.

  A025000397 

 Et celles ci qui sont plus vigoureuses ne se doivent pas troubler si elles voyent que, plus tost par support et compassion que par honneur, celles-la reçoivent des meilleures portions, affin que cette detestable perversité n'advienne, qu'au monastere ou, tant qu'il se peut, les riches sont rendues laborieuses, les pauvres soyent faites delicates..

  A025000397 

 Et si on donne quelque chose en viandes, en habitz, en lit, en couvertes, a celles qui viennent d'entre les delicatesses du monde au monastere, de plus qu'on ne donne aux plus robustes, et par consequent plus heureuses, celles ci auxquelles on ne donne pas ces particularités doivent penser combien celles la se sont demises de leur vie mondaine pour venir a la monastique, quoy que elles ne puissent pas arriver jusques a la sobrieté et frugalité des autres qui sont de plus forte complexion.

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000410 

 Et lors que, la langue demeurant en silence, les cœurs par des regars mutuelz s'entretiennent de l'impudicité, et que par une convoytise ilz se complaysent en des reciproques ardeurs, quoy que les cors demeurent purs d'impudicité la chasteté neanmoins perit es mœurs du cœur.

  A025000414 

 Que si, apres l'avertissement, de rechef, ou bien un autre jour vous luy voyes faire les mesmes traitz, alors celle qui l'aura apperceue, quelle qu'elle soit, la doit manifester comme une personne des-ja blessee, affin qu'on la guerisse.

  A025000419 

 Que si elle nie, alors il luy faut opposer des autres Seurs, affin qu'elle puisse non [38] seulement estre reprise par une seule devant toutes les autres, mais que, par le tesmoignage de deux ou trois, elle soit convaincue..

  A025000431 

 Que si pour ce sujet naissent entre vous des contentions et murmurations, quelqu'une par aventure se plaignant d'avoir des vestemens pires qu'elle n'avoit pas remis et d'estre tenue indigne de porter des habitz aussi bons qu'un'autre Seur, apprenes de cela combien vous estes mal en point es saintes habitudes interieures du cœur, qui estrives et debattes pour les habitz externes du cors..

  A025000432 

 Que si toutefois vostre infirmité est supportee pour vous faire avoir les habitz mesmes que vous avies posés, ayes neanmoins tout ce que vous poses en un mesme lieu, et le remettes a la garde des Seurs a ce commises; en sorte que nulle d'entre vous ne travaille pour soymesme, soit pour se vestir, soit pour avoir dequoy maintenir son lit, soit pour avoir dequoy se ceindre ou affubler, ou pour couvrir sa teste.

  A025000434 

 Que vos vestemens soyent lavés selon quil semblera bon a la Superieure, ou par vous mesme ou par les foulons, affin que le trop grand desir d'avoir des vestemens netz n'attire des souilleures en l'ame..

  A025000438 

 Le lavement des cors et l'usage des bains ne soit pas frequent, ains soit accordé selon les intervales de tems accoustumés, c'est a dire une fois le moys.

  A025000441 

 Et soient celles qui ont charge de la despense, soient celles qui ont charge des vestemens, soient celles qui ont charge des livres, qu'elles servent de bon cœur, sans murmuration, a leurs Seurs..

  A025000441 

 Le soin de celles qui sont malades ou de celles qui, apres la maladie, ont besoin d'estre revigorees, ou de celles qui sont travaillees de quelque infirmité ou des fievres, doit estre enjoint a quelqu'une, affin qu'elle demande a la despense ce qu'elle estimera estre necessaire a une chacune.

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Et partant, gardes vous des paroles dures, lesquelles si elles sont proferees par vostre bouche, qu'il ne vous fasche point de produire les remedes par la mesme bouche qui a fait la blesseure..

  A025000456 

 Mays quand la necessité de la correction vous pousse de dire des paroles aspres pour reprimer les inferieures, si en cela vous aves outrepassé la rayson on ne requiert pas de vous que vous leur demandies pardon, affin que, prattiquant une trop grande humilité envers celles qui doivent estre sujettes, on n'esnerve pas l'authorité de gouverner.

  A025000472 

 Qu'elle se monstre exemple des bonnes œuvres envers toutes.

  A025000477 

 Playse a Dieu que vous observies toutes ces choses icy avec dilection, comme amoureuses de la beauté spirituelle, et comme odoriferantes des bonnes odeurs de Jesus Christ par la bonne conversation; non comme esclaves sous la loy, mais comme libres et affranchies, constituees sous la grace de Dieu..

  A025000484 

 Deux éditions des Constitutions pour les Religieuses de la Visitation dont le texte a été revu et corrigé par saint François de Sales, ont été faites de son vivant: l'une en 1619, l'autre en 1622..

  A025000485 

 C'est assurément cette copie que le Fondateur revoyait lorsque, le 7 août 1621, il écrivait à la Sainte: «Il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.» (Tome XX, p. 127.) En effet, à la sixième page nous remarquons à la Constitution De l'obeissance deux corrections de sa main.

  A025000487 

 La Mère de Chantal y a corrigé quelques fautes des copistes, mais il n'y a aucune correction du Saint..

  A025000489 

 Nous en avons la preuve dans ces lignes de sainte Jeanne de Chantal à son Bienheureux Père, 7 décembre 1621: «Je ne sais si l'on m'apportera une Règle reliée pour vous l'envoyer, car il m'en tarde.» ( Lettres, vol. I, p. 591.) Et le 11 janvier de l'année suivante elle mandait à la Mère deblonay: «Nous vous avons envoyé des Règles; envoyez-en à Montferrand et à Valence.

  A025000492 

 Notre texte est celui de l'édition de 1622, sauf là où il présente des erreurs que corrige le Manuscrit revu par le Saint; dans ce cas, ce dernier doit, naturellement, avoir la préférence.

  A025000492 

 Parfois, cependant, on y rencontre des fautes qui ont échappé à sa révision; de plus, comme nous l'avons dit à la page précédente, il y a une lacune de plusieurs feuillets: alors on s'est reporté à la copie de M. Michel Favre, ou encore au Manuscrit de 1618 dont nous allons parler..

  A025000495 

 C'est un in-4 o de 60 pages non chiffrées, dont plusieurs passages et onze pages entières de la main de saint François de Sales; le reste est de celle de Michel Favre, mais le Saint y a fait çà et là des corrections.

  A025000495 

 Ce cahier est sans doute celui qui fut rédigé pour l'édition de 1619; les variantes entre celle-ci et l'édition de 1622 se retrouvent également dans le Manuscrit, avec quelques autres, cependant, et avec l'addition d'une Constitution, celle Des retraites; plusieurs passages y sont aussi omis..

  A025000496 

 L'ordre suivi n'est pas celui qui fut adopté pour l'imprimé; les Constitutions ne sont pas numérotées, sauf les trois premières, auxquelles le Saint a ajouté en marge des chiffres arabes.

  A025000496 

 La Constitution Des trois rangs des Seurs est à la p. 56 du Manuscrit, avant celle de l' Election de la Superieure; le numéro 2 ajouté par le Fondateur indique toutefois son intention de la déplacer.

  A025000496 

 Le Manuscrit des Constitutions fut néanmoins envoyé à Lyon, et le 23 ou le 24 octobre la Mère de Chantal, de passage en cette ville, dit à la Mère de Chastel (ibid., p. 285): «Nous aurons, Dieu aidant, nos Règles imprimées dans trois semaines... Elles coûteront 20 écus pour l'impression et 10 écus pour la reliure; car nous tirons tout, et il y aura six cents copies.».

  A025000498 

 Le dernier jour du mois, saint François de Sales écrit à la Sainte, alors à Grenoble: «Je me confirme tous-jours plus au desir... qu'en cette Congregation la [49] Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour..., ainsy que je le declareray plus a plein es Regles.» (Tome XVIII, p. 206.) Et en effet, cette Communion est prescrite à la dixième page du Manuscrit, au chapitre De la Communion.

  A025000499 

 Dans la reproduction du texte de 1622 et des variantes qui s'y rattachent, l'édition de 1619 et les divers Manuscrits sont indiqués ainsi qu'il suit:.

  A025000507 

 Plusieurs filles et femmes, divinement inspirees, aspirent bien souvent a la vie religieuse, qui toutefois, ou par imbecillité de leur complexion naturelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou en fin pour n'estre pas attirees a la prattique des austerités et rigueurs exterieures, ne peuvent pas entrer es Religions esquelles on est obligé a des grandes penitences corporelles, comme sont la pluspart des Congregations reformees qu'on void par deça; et par ce moyen sont contraintes de s'arrester emmi le tracas ordinaire du monde, exposees aux continuelles occasions de pecher, ou du moins de perdre la ferveur de la devotion.

  A025000508 

 Affin donq que telles ames eussent des-ormais quelque asseuree retraitte en ces contrees de deça, cette Congregation a esté erigee en sorte que nulle grande aspreté ne [51] puisse divertir les foibles et infirmes de s'y ranger, pour y vaquer a la perfection du divin amour.

  A025000508 

 En suitte dequoy on pourra, premierement, recevoir les vefves egalement comme les filles, pourveu que si elles ont des enfans elles en soyent bien et legitimement deschargees, et qu'elles ayent suffisamment pourveu a leurs affaires selon qu'il sera jugé expedient par le Pere spirituel et autres personnes de qualité sur l'advis desquelz on se puisse reposer; affin d'oster aux gens du monde toute occasion de murmurer, autant que faire se pourra, et de destourner l'inquietude que l'ennemy a accoustumé de donner par le soin inutile et indiscret qu'il suggere aux vefves des choses qu'elles ont laissees au monde..

  A025000509 

 Neanmoins, on excepte celles qui seroyent atteintes de quelque mal contagieux, comme de lepre, escrouelles et autres semblables; ou qui auroyent des infirmités si pressantes qu'elles fussent tout a fait incapables de suivre la Regle et les exercices ordinaires de la Congregation..

  A025000510 

 A quoy le glorieux Pere saint Augustin a visé, marquant si cordialement en la Regle le support des infirmes, et tesmoignant asses par la qu'il veut que les infirmes soyent receues et qu'a leur consideration on n'amplifie point les aspretés.

  A025000510 

 Tiercement, celles qui seront de bonne et forte complexion y seront receues comme appellees de Dieu au secours et soulagement des infirmes; et tout ainsy que les foibles jouiront du fruit de la santé des robustes, les robustes jouiront reciproquement du merite de la patience [52] des imbecilles.

  A025000516 

 Que si quelqu'une d'entre [53] elles estoit esleue pour Superieure, elle fera tout ce qui appartient a cette charge la, sinon en ce qui regarde l'Office du chœur qu'elle laissera faire a l'Assistente, laquelle, comme ayant charge du chœur et des Offices sacrés, ne pourra jamais estre que des Seurs Choristes..

  A025000517 

 Mays les Seurs Domestiques ou du mesnage n'auront nulle voix, ni active ni passive, et ne leur sera jamais permis de demander d'estre admises au premier ou second rang des Seurs.

  A025000517 

 Nulle Seur des autres rangs ne pourra non plus jamais proposer ladite admission, ains sera cette proposition reservee a la Superieure, apres avoir ouy l'advis des Seurs Coadjutrices ou Conseilleres; et laquelle prendra garde a ne point proposer telle admission que pour des Seurs qui, volontier et de bon cœur, auront esté douces, paysibles et humbles, et qui auront des talens convenables pour pouvoir servir es autres rangs, auxquelz, nonobstant tout cela, elles ne devront entrer que par les deux tiers des voix de la Congregation.

  A025000518 

 Les Seurs Domestiques ne prendront point de voyle noir a la Profession, ains seulement la croix d'argent, par laquelle elles seront differentes des Seurs Novices.

  A025000518 

 Mais elles ne seront nullement traittees differemment des autres, ni es habitz, ni es litz, ni au manger et boire, ni au soin de leur santé, ni es exercices propres a leur avancement spirituel, ni en autre chose quelcomque; ains seront traittees cherement et cordialement par la Superieure et par toutes les autres Seurs, puisqu'en cette Congregation doit vivre sans murmuration ni mespris, ains avec esgale dilection, Marthe et Magdeleine, en vrayes seurs et bienaymees de Nostre Seigneur..

  A025000526 

 Le confesseur oyant la confession, conferant l'Extreme Unction, ou assistant les mourantes, demeurera en sorte qu'il soit veu des Seurs qui l'auront amené, et la porte de la chambre ouverte..

  A025000532 

 Es occasions particulieres ou il sera requis de dispenser de l'ordinaire façon de vivre selon la Regle et de moderer les exercices pour quelques Seurs, ou mesme quelquefois pour toutes (ce qui ne se doit faire que pour des occurrences rares et signalees), la Superieure en aura le pouvoir: comme, par exemple, de dispenser une Seur de venir au chœur pour l'Office, de jeusner es jeusnes des Constitutions, de venir a la table commune, de parler a quelques uns le voyle levé, ou de faire la sainte Communion, et de dispenser mesme toute la Communauté du silence pour quelque juste occasion, de manger trois ou quatre fois l'annee hors des repas ordinaires; laquelle neanmoins devra estre fort attentive a bien observer la discretion, pour n'estre ni trop pliable, ni trop impliable.

  A025000533 

 Aucune des Seurs n'entreprendra de faire des jeusnes, disciplines ou telles austerités corporelles qu'avec le congé de la Superieure; et s'il s'en treuve qui soyent fortes pour cela, la Superieure le leur permettra selon qu'elle le jugera convenable.

  A025000534 

 Que si par quelque soudain et impreveu accident, ou faute d'attention, la Superieure ne commet pas la charge, celle des Seurs Surveillantes qui sera la plus ancienne en Religion l'exercera..

  A025000539 

 Puysque la pudicité est l'honneur du sexe feminin, et que le vœu de chasteté a tous-jours esté estimé fondamental es Congregations des filles et femmes, il n'est pas besoin de declarer combien les Seurs y sont obligees; car en somme, elles ne doivent vivre, respirer ni aspirer que pour leur Espoux caeleste, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté d'esprit, de paroles, de maintien et d'actions, par une conversation immaculee et angelique.

  A025000545 

 Et affin que cet article si important soit a jamais exactement observé, et que toutes affections a la jouissance et usage des choses temporelles soyent retranchees, et que les Seurs vivent en une parfaite abnegation des choses dont elles useront, ainsy que la Regle l'ordonne en termes admirables, on distribuera tout ce qui est requis a la vie, soit en viandes, soit en vestemens, soit en meubles, linges et, en somme, en quoy que ce soit, sans choix ni distinction que de la necessité d'une chacune..

  A025000546 

 Et ceci s'observera si exactement, que ni les chambres, ni les litz, ni mesme les medailles, croix, chapeletz, images ne demeureront point tous-jours aux mesmes Seurs; ains seront changees toutes ces choses entre les Seurs au bout de chasqu'annee, lors que l'on tire les billetz des Saintz, comm'on a fait jusques a present..

  A025000548 

 Et pour plus parfaitement observer la sainte vertu de pauvreté, les bastimens des monasteres estans achevés, on limitera les revenus que l'on devra avoir selon le lieu ou le monastere se treuvera; affin qu'en cela mesme la mediocrité soit suivie et qu'il n'y ayt nulle superfluité de biens en la Congregation, ains seulement l'honneste suffisance, a laquelle quand on sera parvenu, on ne prendra plus rien pour la reception des filles qui seront receues que ce qui sera requis pour conserver et maintenir bonnement la juste suffisance du monastere..

  A025000549 

 Et pour cela mesme on ne permettra qu'il y ayt es monasteres aucun meuble qui ne ressente la veritable simplicité religieuse; et sur tout il n'y aura aucune sorte d'argenterie, sinon des cuillers qui pourront estre d'argent a cause de l'honnesteté, et pour en cela suivre l'exemple du bienheureux Pere saint Augustin qui n'eut jamais autre sorte de vaisselle ou meuble d'argent.

  A025000556 

 qui sont suivies des Lætanies; 5. et les Lætanies, de demi heure d'orayson mentale; 6.

  A025000557 

 qui sont suivies de l'examen de conscience; 7. et l'examen, de la lecture des pointz a mediter; 8.

  A025000559 

 En tous tems, on sonnera l' Ave Maria du soir entre jour et nuit, et des lhors ne sera plus loysible de demeurer au parloir ni d'ouvrir la porte, sinon pour quelque cause pressante qui ne puisse estre bonnement differee..

  A025000572 

 Tout se fait comme dessus, hormis qu'on dit Vespres a dix heures et demi, qui sont suivies de l'examen, et que la lecture ne se fait qu'a trois heures et l'assemblee a quatre, [64] et qu'apres Complies, qui se disent a l'heure ordinaire, on chante le Stabat suivi des Lætanies..

  A025000575 

 Que s'il ny a rien a commander, elle leur commandera la mutuelle dilection des unes envers les autres, avec la sainte paix de Nostre Seigneur..

  A025000576 

 Apres cela, les Seurs qui ont les charges de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses requises, dont on ne doit point parler devant les autres, affin de laisser leur esprit en tranquillité..

  A025000581 

 Le premier silence se fait des le premier son des Matines jusques apres Prime du jour suivant; le second, des qu'on a sonné le Benedicite jusques a la recreation du disné; le troisiesme, des la recreation jusques a Vespres; le quatriesme, des qu'on a sonné Complies jusques a la recreation du soupé..

  A025000582 

 Mays es jours de jeusne, le silence s'observera des [65] Tierce jusques a la recreation du disné, et des la recreation jusques a troys heures..

  A025000583 

 Et faut noter qu'en tous tems le silence s'observe au choeur, au dortoir et au refectoir, sans que l'on y puisse parler que pour des occasions necessaires; et de plus, que l'on peut tous-jours parler a la Superieure, et les Novices a leur Maistresse, quand il est requis..

  A025000587 

 None, a droite voix, hormis es Dimanches et grandes festes, et es jours des.

  A025000593 

 aux entretiens des lectures; 7.

  A025000596 

 Les Seurs demeureront ensemble es recreations et, faysant leurs ouvrages, s'entretiendront de quelques propos aggreables et saintement joyeux, avec paix, douceur et simplicité; et pourront mesme parler les unes avec les autres en particulier, en telle sorte neanmoins qu'elles ne soyent pas moins de quatre ou cinq qui se puissent entendre les unes les autres, sans toutefois dire des choses messeantes et inciviles, ni raillier ou dire paroles de mespris sur le sujet des nations, provinces ou naissances..

  A025000603 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre ayt soin de cela.

  A025000604 

 Elles ne se mesleront point des affaires du monde, ne prenant aucune commission de vendre ni d'acheter pour les estrangers et gens de dehors..

  A025000605 

 Au demeurant, elles ne feront aucune besoigne pour la vanité, comme seroit laver des gans, faire des frisons, des fars et choses semblables..

  A025000613 

 Au reste, les Seurs prendront garde de n'ouyr ni dire des paroles inutiles, coupant court en toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel..

  A025000623 

 Or, la lecture se fera clairement, distinctement et avec des justes pauses de periode en periode; et pour le mieux faire, celle qui aura cette charge fera fort bien de prevoir ce qu'ell'aura a lire..

  A025000624 

 On commencera la lecture par un chapitre des Constitutions, hormis le vendredi, qu'on lira les Regles tout au long du disner..

  A025000625 

 La Superieure dira le Benedicite et les Graces des clercz a droite voix, et ce dans le refectoir et pour la premiere table; mays quant a la seconde, on ne dira que le petit Benedicite et les petites Graces, d'autant que la benediction de la premiere table s'estend encor a la seconde, en laquelle aussi il suffira de lire un quart d'heure..

  A025000626 

 Outre les jeusnes commandés par la sainte Eglise, les Seurs jeusneront les veilles de la Trinité, Pentecoste, [71] Ascension, Feste Dieu, des festes de Nostre Dame, de saint Augustin, et tous les vendredis des la feste de saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en iceux escheut quelque feste de commandement; car en ce cas, le jeusne se remettra au samedi, auquel si encor il y avoit feste, le jeusne sera laissé..

  A025000632 

 Les robbes seront faites a sac, asses amples neanmoins pour faire des plis estant ceintes; les manches, longues jusques a l'extremité des doigtz, et asses larges pour pouvoir tenir dans icelles les mains et les bras cachés et repliés l'un sur l'autre..

  A025000638 

 Elles seront promptes au premier son de la cloche pour aller au choeur, ou elles s'achemineront avec gravité et reverence; et y estant, apres avoir fait la genuflexion et adoration devant le Saint Sacrement, elles prendront leurs places paysiblement et sans faire bruit; et n'y parleront jamais les unes avec les autres, sinon pour des choses urgentes, et lhors elles parleront fort bas et en peu de motz.

  A025000638 

 Et ne sortiront que pour des causes tres pressantes, et, l'Office fait, aucune ne se remuera que le signe ne soit donné pour s'en aller..

  A025000640 

 Or, parce que les espritz humains prennent bien souvent des secrettes complaysances en leurs propres inventions, mesme quand c'est sous pretexte de devotion ou accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive quelquefois que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel pretexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres ordinaires que de celles qui sont marquees en ces Constitutions et Directoire; car ainsy elle aura tant plus de moyen et de sujet de dire et chanter l'Office avec la gravité et le respect qu'elle y observe maintenant..

  A025000645 

 En toutes les occurrences esquelles il sera necessaire ou expedient de faire election d'un Confesseur ordinaire, le Pere spirituel avec la Superieure et les Seurs Conseilleres confereront soigneusement ensemble des qualités et conditions des ecclesiastiques qu'on pensera pouvoir prendre cette charge tant importante; puis, toutes choses bien considerees, le Pere spirituel et la Superieure choysiront celuy qu'en bonne conscience ilz jugeront plus propre a cela..

  A025000646 

 Or faut il qu'il soit homme de doctrine, de prudence et de vie irreprehensible, discret, honneste, stable et devot, et tel que l'Evesque, le Pere spirituel et la Superieure se puissent reposer en son soin et en son zele en ce qui est requis pour le bon estat de la conscience des Seurs; car encor que l'on employe a cela mesme plusieurs autres bons moyens, comme sont les confessions extraordinaires et les communications avec des personnes spirituelles, et specialement [74] avec la Superieure, ainsy qu'il est dit en divers endroitz des Constitutions et notamment au chapitre suivant, si est ce que le Confesseur ordinaire a plus de pouvoir pour maintenir les consciences des Seurs en pureté et sincerité que nul autre, estant comme l'ange visible deputé a la conservation des ames du Monastere et pour leur avancement au salut eternel..

  A025000648 

 Il prendra encor de l'Evesque l'authorité pour donner les dispenses de travailler ou faire travailler es jours de festes, quand il jugera qu'il soit requis, et de dispenser pour l'usage des viandes prohibees en Caresme, jours de jeusne, vendredis et samedis, quand la Superieure jugera qu'il en soit besoin par l'advis des medecins.

  A025000648 

 Le Confesseur ordinaire devant estre si bien qualifié, le Pere spirituel luy laissera toute la charge des affaires spirituelles ordinaires du Monastere, ouy mesme d'octroyer les congés par escrit, pour faire entrer, selon les Constitutions, les charpentiers, maçons, laboureurs, medecins, cyrurgiens et autres personnes dont les entrees sont fort souvent requises, affin que les Peres spirituelz soyent tant moins importunés et incommodés et qu'on n'ayt recours a eux que pour les choses de grande consideration.

  A025000650 

 Il prendra un soin particulier a ce que, ni par l'imposition des penitences extraordinaires, ni par les conseilz et advis qu'il donnera en confession, rien ne se face qui puisse troubler l'ordre et le train du Monastere, autant que faire se pourra, et mesme affin qu'on ne s'apperçoive de l'estat des consciences des Seurs qui se sont confessees.

  A025000653 

 Or, ledit Confesseur prendra garde, tout de mesme que l'ordinaire, de ne point imposer de penitences ni donner aucun advis qui puisse contrarier a l'ordre ou a l'esprit de cet Institut: comme seroit s'il leur imposoit ou qu'il leur conseillast de demeurer en priere pendant les assemblees, de se lever avant l'heure, ou de veiller et de demeurer en quelque exercice apres l'heure ordinaire de [76] la retraitte, ou de ne point se recreer au tems des recreations, ou de jeusner plus souvent que les autres, ou de caresmer es tems esquelz la Congregation ne caresme pas..

  A025000654 

 Mays pourtant, si la Superieure voyoit quelque Seur requerir souvent telles conferences ou confessions, specialement si c'est avec un mesme confesseur, elle en advertira le Pere spirituel pour, avec son advis, prouvoir dextrement a ce que la sainte liberté de la confession et conference ordonnee pour le bien et la plus grande pureté, consolation et tranquillité des ames, ne soit convertie en detraquement de cœur, inquietude d'esprit, curiosité, bigearrerie, melancolie, pour nourrir quelque tentation secrette de prœsumption ou d'aversion au Confesseur ordinaire, ou en fin de singularité et vaine inclination aux personnes..

  A025000660 

 Le sacré Concile de Trente a declairé qu'il desireroit qu'il y eust tous-jours des communians a chasque Messe; en suite dequoy et pour seconder entant qu'il se peut cette sainte inclination de l'Eglise, on distribuera en sorte le benefice de la Communion entre les Seurs que, tour a tour, il s'en communie trois tous les jours.

  A025000667 

 L'humilité est l'abbregé de toute la discipline religieuse, le fondement de l'edifice spirituel et le vray caractere et marque infallible des enfans de Jesuschrist.

  A025000669 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs charges; ains elles les changeront au bout de l'annee selon le nombre qui leur escherra es billetz des Saintz, horsmis celle qui sera deposee de la superiorité, laquelle pour un'annee.

  A025000670 

 Le tiltre de Dame et Madame ni celuy de Vostre Reverence, ne seront point donnés a aucune des Seurs ni a la Superieure, ains seulement celuy de ma Mere pour la Superieure, pendant sa superiorité, et de ma Seur pour les autres; comm'aussi elles useront des tiltres de Vostre Charité, Vostre Dilection les unes envers les autres..

  A025000675 

 Que les Seurs en toutes leurs actions observent une grande simplicité, modestie et tranquillité, fuyant le faste et appareil des contenances mondaines et affectees.

  A025000682 

 Quand on fera la correction a quelque Seur ou que l'on en mortifiera en presence des autres, nulle n'entreprendra de la defendre ni excuser; mays si quelqu'une sait quelque chose en faveur de son innocence, elle pourra en particulier le dire a la Superieure, avec humilité et modestie..

  A025000685 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans congé et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres..

  A025000686 

 Elles n'entreront point dans les chambres des offices les unes des autres sans congé et n'y prendront rien qu'elles n'en advertissent la Seur qui en a la charge, et par apres auront soin de le rapporter en tems convenable..

  A025000691 

 Tous les moys les Seurs descouvriront leur cœur sommairement et briefvement a la Superieure et, en toute simplicité et fidele confiance, luy en feront voir tous les replis avec la mesme sincerité et candeur qu'un enfant monstreroit [81] a sa mere ses esgratigneures, ses foroncles ou les piqueures que les guespes luy auroyent faites; et par ce moyen rendront compte tant de leur avancement et progres que de leurs pertes et defautz es exercices de l'orayson, des vertus et de la vie spirituelle, manifestant encor leurs tentations et peynes interieures, et non seulement pour se consoler, mays aussi pour se fortifier et humilier.

  A025000692 

 Comme aussi une chascune lira les Constitutions et Directoires particuliers qui regardent son office ou condition, tous les moys, avec pareille devotion que si alhors ilz leur estoyent donnés nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelles.

  A025000697 

 Et parce que la coustume est que non seulement les Surveillantes, mays aussi les autres Seurs facent les advertissemens au refectoir, apres Graces, des fautes qu'elles auront remarquees, qui est de tres grand prouffit, elle sera gardee et observee inviolablement, comme aussi celle de dire les coulpes et faire les mortifications devant le Benedicite..

  A025000702 

 Que si quelqu'une des Seurs avoit quelque chose a proposer sur ce sujet mesme, elle le dira a l'advantage a la Superieure, laquelle, pour ayder sa memoire, fera une petite liste de tout ce qu'elle aura a desduire, si bon luy semble..

  A025000709 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui rendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la [85] Portiere et d'une des Surveillantes.

  A025000709 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont une sera gardee par la Superieure, l'autre par la Portiere et la troysiesme par l'Œconome; et sera tenu roolle des sommes qu'on recevra, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et les causes pour quoy..

  A025000710 

 Lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, l'on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees, escrit de la main de l'une de celles qui garderont les clefz, et les causes pour quoy elles ont esté tirees; et sera signé de la main de la Superieure et de l'autre qui garde les clefz, affin que, au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble avec la Superieure facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson, lequel estat sera representé au Superieur en la Visite..

  A025000711 

 Et quant a la despense journaliere, l'Œconome en aura le soin, faysant faire les employtes requises par l'une des Seurs Tourieres..

  A025000716 

 La Congregation demeurera sous l'authorité ordinaire de l'Evesque, ainsy que la Regle le porte, auquel elle demandera un Pere spirituel qui, de la part d'iceluy, prendra garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ni changement ne s'introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuvera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs, s'il en arrive quelque [86] legitime sujet, et celles des entrees des hommes et femmes qui y entrent pour quelque service necessaire, sinon qu'il juge a propos, quant a cet article de l'entree, d'en laisser la charge au Confesseur ordinaire, ainsy qu'il a esté dit ci dessus.

  A025000725 

 Elle commandera a une chascune des Seurs et a toutes en general avec des paroles et contenances graves, mays suaves; avec un visage et maintien asseuré, mays doux et humble, et avec un cœur plein d'amour et de desir du prouffit de celle a qui elle commande..

  A025000727 

 Elle prouvoira avec un soin particulier a la necessité des malades, et les servira fort souvent de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000729 

 Et partant, qu'elle prenne garde aux necessités des Seurs selon la sincerité de la dilection chrestienne et non selon les inclinations naturelles, et sans avoir esgard a l'extraction ou origine des filles, a la gentillesse de leurs espritz, bonnes mines et autres telles conditions attrayantes [88]; et qu'elle ne familiarise pas en telle sorte avec les unes que cela puisse servir de tentation d'envie aux autres..

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000735 

 Et quant aux conseilz spirituelz ou communication de conscience, comme la Superieure les doit librement permettre, aussi doit elle faire que ce soit avec des personnes dignes d'estre employees a cet office angelique, et avec le soin ci dessus mentionné..

  A025000736 

 Et que l'on prenne l'advis du Pere spirituel et de quelques uns des principaux amis de la Mayson et des mieux entendus, lesquelz conseillans d'entrer en proces, la Congregation se tiendra grandement sur ses gardes a ce que rien ne se passe de son costé avec injustice, par animosité, contention et passion, ni en paroles, ni en escritures, ni en œuvres.

  A025000741 

 La Superieure estant esleuë, avant toutes autres choses doit choysir quatre Seurs qu'elle jugera plus propres pour luy donner conseil es occurrences, avec lesquelles elle conferera pour l'ordinaire de quinze en quinze jours des affaires tant spirituelles que temporelles de la Mayson, sans toutefois leur communiquer aucunement l'estat des ames qu'elle aura appris par la reddition des comptes qu'en font les Seurs tous les moys..

  A025000742 

 Outre cela, comme la Superieure doit avec une modeste et prudente liberté ordonner, commander et disposer selon la Regle et les Constitutions et selon qu'elle jugera estre expedient es occurrences communes et ordinaires, aussi es difficiles et importantes elle doit prendre l'advis des dites Seurs; et si la chose le merite, elle en doit encor conferer avec le Pere spirituel, ou mesme avec l'Evesque..

  A025000743 

 Or il ne s'ensuit pas pourtant que la Superieure doive tous-jours suivre le conseil des dites Seurs; ains suffit qu'elle l'entende pour mieux se resoudre elle mesme a ce que, selon Dieu, elle estimera estre plus convenable, apres avoir bien consideré et pesé ce que lesdites Seurs auront allegué et remonstré.

  A025000744 

 Mays il y a des occurrences esquelles, selon les canons et coustumes generales des Monasteres des filles et femmes, il faut ouyr et suivre la pluralité des voix de tout le Chapitre des Seurs: comme s'il faut, pour quelque rayson, aliener, eschanger ou alberger les biens du Monastere, recevoir une fille au Novitiat ou a la Profession, eslire la Superieure, rejetter une Seur, demander un Pere spirituel, et s'il se treuve d'autres occasions esquelles le Pere spirituel et la Superieure treuvent estre expedient que les choses passent en Chapitre..

  A025000748 

 Les quatre Seurs choisies pour conseiller la Superieure demanderont souvent l'assistance du Saint Esprit pour bien exercer leur charge, tascheront de ne jamais se laisser preoccuper de leurs humeurs, inclinations ou aversions, en [92] ce qui regarde les deliberations qu'on doit prendre; ains, avec une intention pure et simple, donneront saintement leur advis, sans estriver ni disputer ensemble, et sans mespriser et avilir l'advis les unes des autres, quel qu'il soit.

  A025000756 

 Elle aura le soin particulier de la direction des Offices du chœur, duquel elle departira les charges es samedis et veilles des festes esquelles on change l'Office, et ce, apres la recreation du disné; prenant garde que les pauses, [93] mediations, prononciations, ceremonies, gravité et reverence soyent devotement observees.

  A025000756 

 Que si quelque Seur y commet des manquemens, elle en advertira au Chapitre affin qu'il y soit remedié; mays si ce sont des manquemens reparables, comme de prendre un Psalme pour un autre, ou un ton trop haut ou trop bas, ou semblables accidens, elle les reparera sur le champ, le plus insensiblement que faire se pourra..

  A025000757 

 Elle prendra garde qu'on ne reçoive en la Mayson aucun livre que par la permission du Pere spirituel ou du Confesseur ordinaire, si ce sont des livres nouveaux.

  A025000759 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure du manquement qui y surviendra; et aura memoyre que, comme lieutenante de la Superieure, elle doit en tout et par tout conspirer avec elle pour le [94] bon estat de la Mayson et avancement des Seurs en la perfection, suyvant au plus pres qu'il luy sera possible non seulement les ordonnances, mais encor les intentions de la Superieure..

  A025000760 

 S'il se presente quelque affaire duquel on ne puisse differer la resolution, Ihors que la Superieure empeschee de maladie ou autrement n'y pourra pas prouvoir, elle s'en resoudra elle mesme avec l'advis des Seurs que la Superieure employe pour se conseiller, en advertissant par apres la Superieure si tost qu'il se pourra bonnement faire..

  A025000767 

 De la bonne nourriture et direction des Novices depend la conservation et le bonheur de la Congregation: et partant, la Directrice qui en doit avoir le soin ne doit pas seulement estre discrette, douce et devote, mays elle doit estre la douceur, sagesse et devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel, eslever ses Novices de degré en degré a la perfection religieuse, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025000769 

 Elle exercera les Novices en humilité, obeissance, douceur et modestie, leur aggrandissant le courage et arrachant, tant que faire se pourra, les niayseries, tendretés et fades humeurs qui ont accoustumé d'alangourir et affoiblir les espritz, principalement du sexe feminin, affin que, comme des filles fortes, elles facent des œuvres d'une perfection solide et puyssante.

  A025000770 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour [96] tres affectionné au salut de tout le monde, affin qu'elles prient Dieu pour tous, mays specialement pour la tressainte Eglise catholique et pour tous les Prelatz et officiers d'icelle; faysant souvent leurs oraysons et Communions pour l'exaltation de la foy catholique, pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et nommement pour celuy du païs ou la Congregation se treuve..

  A025000771 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres des Religions qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, ains aussi qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025000772 

 La Directrice, donq, doit avoir un esprit humblement genereux, noble et universel, pour conduire les filles a une devotion non feminine, tendre et molle, mays puyssante, courageuse, relevee et universelle, maniant neanmoins differemment les cœurs des Novices selon la diversité de leur portee et condition de leur esprit, affin de les former toutes selon le bon playsir de Celuy au service duquel elles sont dediees.

  A025000772 

 Que s'il s'en treuve, comme il pourroit arriver, qui ayent le cœur un peu plus rude, grossier et agreste, mais qui ayent pourtant la volonté bien determinee a vouloir obeir et bien faire, donnant esperance de pouvoir estre addoucies et civilisees, elle usera d'un amour tout particulier et genereux pour, avec patience et perseverance, bien [97] cultiver et dresser ces plantes ainsy tortues, parce que bien souvent, moyennant la main et le soin du laboureur, elles portent a la fin des fruitz fort delicieux..

  A025000773 

 Les Novices s'addresseront en toutes leurs necessités a la Directrice, laquelle, si ce sont des necessités d'importance et de consequence, en advertira la Superieure; mays pour les menues et ordinaires necessités auxquelles la Directrice peut pourvoir aysement, elle le fera sans en donner la peyne a la Superieure..

  A025000774 

 Elle prendra garde a ne point s'amuser aux apparences exterieures des Novices, qui souvent dependent de la bonne mine et de la composition et du maintien du cors, ou de l'habileté de l'esprit et de la proprieté du langage; mais penetrera tant qu'il luy sera possible le fond du cœur et de l'ame des filles, affin qu'elle sache discerner leurs defautz et de quelle main il les faut conduire..

  A025000776 

 Elle pourra quelquefois, selon qu'elle le jugera convenable, faire essay de la bonté et douceur des Novices, leur commettant d'instruire les autres a lire, coudre, dire l'Office, selon leurs talens..

  A025000777 

 Les mercredis, apres Prime, elle fera l'assemblee au novitiat en forme d'un petit Chapitre, ou les Novices diront leurs coulpes, desquelles elle les corrigera, les instruisant et mortifiant selon les sujetz; et consecutivement, elle leur dira quelque chose en general pour leur avancement et prouffit spirituel, selon qu'elle jugera estre a propos, ou bien elle leur fera seulement faire le choix des vertus et detestation des vices..

  A025000783 

 La Superieure choysira deux de ses Coadjutrices, ou telles autres des Seurs que bon luy semblera, qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens particuliers qui se commettent, pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025000784 

 Ces deux Seurs doivent estre grandement unies ensemble et s'entreporter au zele de l'observance des Regles, marchant en esprit d'humilité et sincerité..

  A025000785 

 Ayant conferé avec la Superieure des fautes qu'elles ont reconneuës et proposé leur advis, elles s'arresteront simplement a celuy de la Superieure, sinon qu'elles vissent en icelle une manifeste connivence qui peust beaucoup nuire a la Congregation; car alhors elles en pourront conferer avec le Pere spirituel, en toute sousmission et reverence..

  A025000788 

 Et sur tout, qu'elles s'abstiennent de parler des defautz des Seurs, sinon avec la Superieure et en esprit de charité..

  A025000793 

 La Superieure choysira a son gré une des Seurs qui aura charge de l'admonester des fautes qu'elle commettra, et a laquelle toutes les Seurs s'addresseront pour faire faire la correction par icelle a la Superieure, affin que la Superieure, qui doit ayder et corriger toutes les autres, ne demeure pas elle seule privee du bien d'estre aydee et corrigee.

  A025000795 

 Elle prendra garde de ne point importuner l'esprit de la Superieure par des trop frequentes et inutiles reprehensions: comme elle feroit si, pour des fautes legeres et passageres et qui ne tirent point de consequence, elle venoit a tous propos faire des advertissemens..

  A025000796 

 Jamais elle ne donnera connoissance a la Superieure des Seurs qui auront prié de l'advertir, ni ne dira non plus aux Seurs ni a personne ce qu'elle aura dit a la Superieure, ni ce que la Superieure luy aura respondu; ains si elle void [100] la Superieure se rendre incorrigible en chose de consequence, elle pourra seulement en conferer avec le Confesseur ordinaire, ou mesme, s'il semble mieux, avec le Pere spirituel, qui aussi sera obligé de couvrir si discrettement ce secret en remediant au mal que l'Ayde n'en puisse estre contristee..

  A025000797 

 Elle aura le sceau pour cachetter toutes les lettres des Seurs apres que la Superieure les aura veuës, sans qu'il luy soit loysible a elle de les voir, sinon que la Superieure luy en donne la charge..

  A025000802 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivoyent Nostre Seigneur et les Apostres, pour leur administrer les choses requises a leur vie corporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mays fuyant son trouble et son empressement..

  A025000807 

 Elle tiendra un roolle bien daté de l'argent qui luy sera donné pour la despense et de celuy qui proviendra des ventes ou des presens charitables..

  A025000810 

 Elle tiendra les inventaires de tous les meubles de chasque office, et procurera que chasque officiere en ayt un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle reverra chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025000814 

 Elle se rendra prompte et charitable a toutes les necessités des Seurs, selon l'ordonnance de la Superieure, et prendra garde que les Seurs de l'office de la cuysine et les Seurs Tourieres facent bien et a propos ce qui est de leur charge, et avec la douceur et support requis.

  A025000816 

 Elle aura soin particulier que les Seurs Tourieres ne soyent point trop chargees de besoigne, ni aussi qu'elles ne perdent point le tems, et aura le mesme regard sur les Seurs Domestiques; et fera que les Seurs Tourieres prennent le tems, es jours de festes, d'ouyr lire ou s'entretenir des choses spirituelles et saintes, pour s'exciter a la devotion selon leur capacité..

  A025000826 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025000832 

 La Sacristaine aura charge et tiendra un roolle de tout ce qui appartient a l'eglise et chappelle de la Congregation, et tiendra tous les ornemens, paremens et meubles qui appartiennent au service de l'autel et de l'eglise proprement, nettement et en bon ordre; parera la chappelle, et preparera les habitz sacerdotaux avec grande diligence, selon la varieté des testes et des tems, se souvenant que Nostre Seigneur a tous-jours aymé la netteté et mondicité, et que Joseph et Nicodeme sont loués d'avoir proprement et nettement enseveli son cors, avec parfums et unguens pretieux..

  A025000834 

 Si quelqu'un venant a la sacristie veut parler d'affaires, [104] elle l'envoyera a la porte, sinon que pour la qualité des personnes il fust mieux d'advertir la Superieure..

  A025000836 

 Elle advertira de bonne heure s'il y a des Confessions et Communions a faire..

  A025000838 

 Elle ira le matin, avant que sonner l'orayson, par toutes les cellules des Seurs pour voir si quelqu'une, par incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025000839 

 On ne fera point de poupees en toute la Mayson et moins en mettra-on sur l'autel, ni pour representer Nostre Seigneur, ni Nostre Dame, ni les Anges, ni choses quelcomques; ains on aura des images bien faites et appreuvees par le Pere spirituel, notamment celles qu'on met sur l'autel..

  A025000846 

 Elle se chargera de tout ce qui appartient a l'infirmerie et au service des malades, dont elle tiendra un memoyre; et aura un extreme soin que les chambres soyent nettes, propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, selon que la sayson le permettra, et que rien ne demeure autour des malades qui puisse rendre des puanteurs, ains au contraire, si le medecin le permet, elle y tiendra tous-jours des bonnes senteurs et odeurs..

  A025000854 

 Celle ci aura la charge de tous les habitz et chausseures des Seurs, comme aussi des lictz et de toutes leurs appartenances; dequoy elle tiendra un roolle, et les conservera diligemment, prenant garde que tout cela soit en bon ordre et raccommodé selon le besoin, si que rien ne s'y gaste par negligence et que rien n'y soit contraire a la pauvreté et simplicité..

  A025000856 

 Elle tiendra un roolle particulier des habitz seculiers des Novices, et les conservera soigneusement pour en rendre conte au jour de leur Profession..

  A025000859 

 Celle ci doit avoir le mesme soin des linges que la Robiere des habitz, pour les bien conserver, raccoutrer et distribuer selon la necessité des Seurs; puis les retirer, faire blanchir, plier et secher.

  A025000861 

 Quand les Seurs auront des necessités extraordinaires, elle leur en donnera charitablement; et au reste, luy sera fait un petit Directoire pour toutes les particularités qui regardent sa charge..

  A025000867 

 C'est a elle de despenser en detail le vin, le pain, l'huyle, le sel, le beurre et autres choses requises pour la nourriture des Seurs, pour l'aumosne et autres telles occasions..

  A025000871 

 Les Seins employees a la cuysine et autres services du mesnage le feront avec allegresse et consolation, se resouvenant que sainte Marthe le fit, se representant les petites mays douces meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle, parmi des semblables exercices, ne laissoit pas d'estre ravie en Dieu.

  A025000879 

 La Congregation recevra le moins qu'elle pourra des Seurs Tourieres; et semble bien que deux ou troys seront esgalement et necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025000885 

 En tout, la [110] Superieure leur commandera avec amour, et les Seurs les nommeront seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu'un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025000886 

 La Superieure leur ouvrira son sein maternel comme au reste des Seurs, allegeant leur travail corporel par ce soulagement spirituel..

  A025000892 

 Et quand la Superieure jugera qu'il en soit tems, elle fera faire la demande de l'entree par la pretendante en plein Chapitre, puis elle prendra les voix de toutes les Seurs; et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent a la reception, on l'admettra au premier essay, le tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025000892 

 Et quand quelque fille ou femme sera proposee pour estre receue, avant toutes choses on la fera venir en la Mayson, ou elle arrestera quelques jours comme estrangere, pour estre veuë et consideree de la Superieure et des Seurs.

  A025000893 

 Car encor que telles vefves semblent a l'abord bien disposees, tandis que la ferveur des premieres impressions de la devotion les anime, elles sont toutefois grandement sujettes peu apres aux tentations de l'inquietude a la moindre difficulté qui se presente, s'imaginant que si elles estoyent au monde elles feroyent [112] des miracles pour leurs enfans, et ne cessent jamais de parler d'eux et de les lamenter; et quoy que leur entree fust grandement utile a leurs enfans mesmes, pour peu qu'elles fussent faschees d'ailleurs, elles prendroyent occasion de blasmer et censurer leur retraitte, avec scandale de plusieurs..

  A025000893 

 Les vefves seront de mesme condition quant a ce point, horsmis qu'il faudra prendra garde de n'en point recevoir qui ayent des enfans pour la conduite desquelz il soit vrayement necessaire qu'elles demeurent au monde, ni de celles qu'on reconnoist estre fort tendres de leurs enfans et sujettes a se troubler.

  A025000894 

 Et en general, on evitera de prendre des filles ou femmes qui soyent mutines ou opiniastres, ou trop esgarees et folastres, les unes s'arrestant trop a leur propre cervelle, et les autres ne s'arrestant a rien; comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes..

  A025000899 

 Et luy fera-on entendre que la Congregation est une escole de l'abnegation de soy mesme, de la mortification des sens et de la resignation de toutes les volontés humaines, et, en somme, un mont de Calvaire ou, avec Jesus Christ, ses chastes espouses doivent estre crucifiees spirituellement, pour, apres cette vie, estre glorifiees avec luy..

  A025000900 

 Et ce pendant, on la fera preparer par meditations et oraysons a faire une bonne confession generale, sinon qu'elle l'eust des-ja faite, en sorte que le Pere spirituel et la Superieure jugeassent qu'il ne fust pas expedient de la refaire encor une foys; auquel cas on luy fera seulement faire une confession despuis la generale qu'elle aura faite.

  A025000902 

 Et en fin on luy fera entendre qu'elle ne doit se servir de son cœur, ni de ses yeux, ni de ses paroles que pour le service de la dilection de son Espoux, et non pour le service des humeurs et inclinations humaines..

  A025000902 

 Et sur tout on procurera que la Novice esgale et applanisse ses humeurs et inclinations a la regle de la charité et discretion: c'est a dire, qu'elle apprenne a ne point vivre selon ses humeurs, passions, inclinations et aversions, mays selon l'ordre de la vraye pieté, ne pleurant, riant, parlant, se taysant que par rayson, et non quand le caprice ou fantasie luy en vient: en sorte qu'elle reserve les demonstrations de sa joye ordinaire pour les recreations; l'inclination de se taire, pour le silence; celle de pleurer, quand la grace l'excitera aux larmes de devotion, sans les employer en des frivoles occasions.

  A025000902 

 Pendant le novitiat des Seurs on taschera de fortifier leurs cœurs et les rendre devotes, non d'une devotion mignarde, tendre ou pleureuse, mays d'une devotion esgalement douce et courageuse, humble et confiante.

  A025000911 

 Outre laquelle, les Seurs feront trois jours de retraitte avant Noel, avant la Pentecoste et avant la Presentation de Nostre Dame, et de plus toute la Semaine Sainte, jusques apres la Messe du samedi; et ne se fera aucune assemblee pendant lesditz tems de retraitte, que celle de la recreation du soir, qui sera employee a parler des choses saintes et de devotion.

  A025000916 

 Et la Superieure demeurera ainsy deposee, et dira sa coulpe des fautes commises en sa charge, et le Pere spirituel luy donnera la penitence, et elle se retirera en la derniere place..

  A025000916 

 La Superieure ne demeurera en charge que troys ans, a la fin desquelz, le samedi apres l'Ascension de Nostre Seigneur, le Chapitre assemblé dans le chœur, en presence du Pere spirituel qui sera assis a la treille, se mettant a genoux au milieu des Seurs, elle renoncera et deposera sa superiorité entre les mains du Pere spirituel qui, ayant accepté sa resignation, l'absoudra de sa charge disant: «La Congregation vous descharge, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit;» et la remettra a l'Assistente.

  A025000919 

 A une heure apres mydi, le Pere spirituel estant revenu, s'il y a des Seurs malades il ira prendre leurs voix et les escrira en des billetz, et les mettra dans la boëte ou les autres seront mis.

  A025000919 

 Et en fin on verra laquelle des Seurs aura le plus de voix, et celle la sera la Superieure, sans qu'il luy soit loysible ni de refuser, ni de s'excuser, ni de dire des belles parolles, ains s'estant agenouillee, elle fera la Profession de foy..

  A025000919 

 Puys, toutes les voix estant escrittes, on ira au chœur comme le samedi precedent, et apres avoir dit le Veni, creator Spiritus, toutes les Seurs viendront, les unes apres les autres, apporter leurs billetz au Pere spirituel qui, les ayant tous receus dans la boëte, les retirera et les lira l'un apres l'autre; et deux des Seurs, qui auront une liste du nom de toutes les Seurs qui peuvent estre esleuës, avec des lignes tirees a l'endroit de chasque Seur, marqueront d'une traverse la ligne du nom qui se lira.

  A025000919 

 S'il y a des Seurs qui ne sçachent pas escrire, il les fera venir au parloir et luy mesme escrira leurs billetz.

  A025000921 

 Et s'il y a des malades, il ira prendre leurs voix luy mesme comme dessus.

  A025000921 

 S'il se treuvoit que deux Seurs eussent esgalement des voix, il faudra alhors que le Pere spirituel escrive leurs noms en une feuille, tirant une ligne a l'endroit de chascun d'iceux; puys les Seurs sortiront et viendront l'une apres l'autre a luy, et diront laquelle des Seurs elles desirent, et il la marquera par la traverse, en sorte que nul ne puisse voir le papier ou se font les marques, ni ouyr les voix, sinon le Pere spirituel et celuy qui l'accompaigne.

  A025000922 

 Et s'il n'y en a pas au Monastere, on en pourra eslire une des autres Monasteres du mesme Institut de la Visitation; ou du moins faudra-il que celle qui sera esleuë ayt cinq ans de Profession et trente ans d'aage, selon que le sacré Concile l'ordonne..

  A025000923 

 La Superieure estant esleuë et ayant choysi celles que, selon Dieu, elle jugera estre plus propres pour exercer les charges d'Assistente et Coadjutrices, elle les proposera au Chapitre, et l'eslection s'en fera par la pluralité des voix.

  A025000923 

 Que si elles n'en ont les deux tiers, la Superieure en proposera des autres, et l'eslection en estant faite, elle choysira avec l'advis desdites Seurs esleuës, celles d'entre les autres Seurs qu'elle jugera estre plus propres pour exercer les autres offices; et toutes demeureront en l'exercice de [118] leurs charges jusques a ce que la Superieure jugera a propos de les changer..

  A025000926 

 Ce sera donq a elle de proportionner les chastimens avec les fautes, enjoignant des penitences petites ou grandes a mesure que les fautes le meriteront, ainsy qu'il se fait maintenant et que le Directoire le porte..

  A025000926 

 Le glorieux Pere saint Augustin tesmoigne asses qu'il veut la justice punitive estre employee au service et conservation de la charité en sa Congregation; mais il laisse au jugement de la Superieure la qualité et quantité des penitences et punitions qu'elle doit imposer selon la diversité des coulpes.

  A025000933 

 C'est l'opinion commune des Docteurs et la vraye verité que ni la Regle de saint Augustin, ni certes la pluspart des Regles des autres Religions n'obligent nullement a peché d'elles mesmes, ains seulement a rayson des circonstances suyvantes:.

  A025000936 

 Quand on contrevient a l'obeissance que la Superieure impose en ces termes ou semblables: «Je commande au nom du Saint Esprit», ou «sous peyne de peché mortel.» Mays la Superieure ne doit jamais faire telz commandemens que pour des choses de tres grande importance, et ce par escrit, s'il se peut..

  A025000941 

 Or, la voye des Seurs de la Visitation ce sont leurs Regles et Constitutions, esquelles elles doivent marcher de vertu en vertu jusques a ce qu'elles voyent leur Espoux eternel en Sion; et partant, qu'elles y cheminent sagement et soigneusement, sans se fourvoyer ni a droite ni a gauche..

  A025000960 

 Elles se font encores jour à elles mesmes, et meritent de le voir et estre imprimees, à fin d'estre veuës, lues, et bien prattiquees des Religieuses qui aspirent à la perfection.

  A025000966 

 THOMAS DE MESCHATIN LA FAYE, Chanoine, chamarier et Comte de l'Eglise de Lyon, Conseiller au Parlement de Dombes, Officiai de la Primace de France, et Vicaire General au spirituel et temporel d'Illustrissime et Reverendissime Pere en Dieu Messire DENIS-SIMON DE MARQUEMONT, Archevesque et Comte de Lyon, Primat des Gaules, et Conseiller du Roy en ses Conseils privé et d'Estat:.

  A025000967 

 Veu l'Approbation des Docteurs Theologiens, Nous permettons l'impression des susdictes Regles et Constitutions, et louons grandement la generosité Chrestienne des ames qui se resolvent a si sainctes et heureuses observations..

  A025000975 

 P. B. — A la page 110: Je pense qu'il serait bon de dire que avant la réception des veuves, ses ( sic ) parents principaux fissent quelque acte avec elles, ou en quelque autre forme qui puisse servir, si l'on voulait inquieter pour dettes ou brouilleries..

  A025000980 

 Je propose s'il ne serait point bon qu'elles fissent deux ans de probation et si, en cette même Constitution, il serait bon de dire un mot comme l'on ferait si l'on voulait monter une Sœur Domestique au rang des Choristes, ou descendre une Choriste à être Sœur Associée ou Domestique..

  A025000984 

 Je pense qu'il faudrait donc dire: «En cas qu'elles eussent des offices qui les occupassent beaucoup.».

  A025000990 

 Si on pouvait trouver quelque expédient, il serait bien nécessaire, comme qu'il y eut une des plus anciennes députée pour cela, ou autrement..

  A025000995 

 Ne serait-il point à propos d'ajouter que les rentes et revenus seront réglés selon les lieux, après que les bâtiments seront faits, afin que l'on se tienne en la médiocrité et que les trop grandes richesses ne gâtent tout; et que l'on n'ait aucun meuble qui ne ressente la pauvreté et simplicité religieuse, excepté pour l'église, et des cuillers d'argent pour les malades? Que les meubles mondains que les filles apportent soient serrés, et vendus après la Profession; l'on a peine de faire quitter les miroirs..

  A025001013 

 Ajouter aux deux points, qu'elles demanderont aussi leurs autres nécessités; que la lecture se commence par un article des Constitutions; que tous les vendredis l'on lise la Règle au dîner, cela se peut facilement.

  A025001026 

 Page 167: Ne serait-il point utile d'ajouter trois ou quatre des meilleures pratiques d'humilité que vous nous désirez le plus, mon très cher Père?.

  A025001034 

 P. B. — Page 186: S'il ne serait point à propos d'ôter le chapitre: Des séculiers?.

  A025001038 

 Et surtout, qu'il ne puisse rien changer de la Règle ni des Constitutions, quelque apparence de sainteté qu'on puisse avoir; que ses visites servent spécialement à cela: de maintenir l'observance, sans adjonction ni diminution.

  A025001052 

 (J'ai failli à la suite des pages.).

  A025001054 

 P. B. — Page 208: Non seulement aux choses nécessaires, mais ès autres, tant que faire se pourra, vaut mieux suivre la pluralité des voix, non par obligation, mais par prudence.

  A025001073 

 Et des jeunes filles, que l'on ne les prisse qu'à quatorze ans; encore faut-il qu'elles témoignent le bien désirer.

  A025001081 

 Oh! ce dernier point est grandement considérable, d'avoir des séculières, et ne serait guère bien goûté des Sœurs.

  A025001089 

 En 1631, la Mère Marie-Jacqueline Favre en fit faire à Paris une petite édition, intitulée: VIVE JESUS. Directoire des choses spirituelles pour les Sœurs de la Visitation, M.DC.XXXI. Elle a 9 cent.

  A025001092 

 Des passages plus ou moins longs y ont été ajoutés, probablement d'après des écrits du Saint qu'il ne put classer avant sa mort.

  A025001097 

 L'intention de nostre tres honnoré Pere, d'heureuse memoyre, estoit que toute la vie et exercice des Religieuses de la Visitation fussent dediés pour leur union avec Dieu, pour ayder par prieres et bons exemples a la reformation de l'Eglise et au salut du prochain, et parce qu'il ne desiroit rien tant sinon que nos Seurs fussent excellentes en toute sorte de vertus, dont la bonne odeur, en aggreant a Dieu, se respandist dans les ames [des] fidelles.

  A025001111 

 Comme donques pourroit on avoir des liens plus fortz que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection?.

  A025001117 

 Et que les cœurs que vous aves congregés sous vostre nom et celuy de vostre chere Mere ne se disperse ( sic ) point, que ce que vous aves assemblé ne se dissipe point, et ce que vous aves conjoint ne se separe point; mays que les noms marqués en ces feuilles perissables soyent a jamais escritz au Livre des Vivans, avec les justes qui regnent aupres de vous en la vie de l'immortelle fœlicité..

  A025001122 

 O filles de bonne odeur, filles des colloques cœlestes, je vous prie, ains je vous conjure de sentir toutes un mesme amour et vivre toutes en un mesme accord de cette vocation, en JESUSCHRIST Nostre Seigneur et en sa Mere Nostre Dame.

  A025001133 

 Les Seurs feront ainsy des saintes aspirations, ou telles autres que le Saint Esprit leur suggerera, ayant la liberté de suivre son attrait interieur..

  A025001135 

 Quand on sonne l' Ave Maria, elles se mettront a genoux sur le lict, ou a bas si elles sont vestues, pour les dire; en suitte desquelles elles feront l'Exercice du matin, adorant Nostre Seigneur du profond de leurs ames, le remerciant [137] de tous ses benefices, et luy offrant leur cœur avec leurs affections et resolutions, et tout leur estre, en l'union de cette offrande amoureuse que le Sauveur fit en l'arbre de la Croix, de soy mesme a son Pere eternel, luy demandant son ayde et benediction, saluant Nostre Dame, luy demandant aussi sa benediction, celle du saint Ange et des saintz Protecteurs, et diront le Pater, si bon leur semble..

  A025001138 

 Et qu'elles ne negligent point ceci es choses petites et qui leur semblent [138] de peu d'importance; voire mesme si on les employe a des choses qui leur soyent du tout aggreables et du tout conformes a leur volonté et necessité, comme de boire, manger, se reposer et recreer, et choses semblables, affin que, suyvant le conseil de l'Apostre, tout ce qu'elles feront soit fait au nom de Dieu et pour son seul bon playsir..

  A025001141 

 Les Seurs diront a l'ordinaire le petit Office de Nostre Dame, veu que cet Ordre ayant esté institué particulierement pour la retraitte des infirmes et a l'honneur de la Bienheureuse Mere de Dieu Nostre Dame, cet Office leur est plus sortable que le grand.

  A025001146 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles dient a l'Office, qu'elles employent fidellement ce talent selon le bon playsir de Dieu qui le leur a donné pour les ayder a se tenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui n'y entendent rien se tiennent simplement attentives a Dieu, faysant des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses..

  A025001152 

 Apres cela, on pourra dire le Chapelet ou telle autre priere que l'on goustera le plus, jusques a l'Evangile, auquel il se faut lever promptement pour tesmoigner que l'on est appareillé pour cheminer en la voye des commandemens de l'Evangile, et dire: Jesus Christ a esté fait obeissant jusques a la mort, et mesme a la mort de la croix.

  A025001153 

 Apres le Sanctus il faut en grande humilité et reverence penser au benefice de la Mort et Passion de nostre Sauveur, le suppliant de la vouloir appliquer au salut de tout le monde, et particulierement au nostre et a celuy des enfans de son Eglise, a la gloire et felicité de tous les Saintz et au soulagement des ames du Purgatoire.

  A025001161 

 Apres le Pater, Ave Maria et le Credo qui se dit a la fin des Offices, les Seurs rendront graces a Nostre Seigneur de tous ses benefices, particulierement de sa sainte Passion, de ses divins Sacremens, du benefice de leur vocation de ce qu'il luy a pleu les conserver cette journee, leur administrant en icelle, par sa douce bonté, toutes leurs necessités.

  A025001169 

 Et non seulement les Seurs peuvent prattiquer cet examen en elles mesmes, mays encor, autour des bonnes festes et quand la Superieure le treuvera bon, elles pourront faire quelques entreprises ou desfis ensemble, pour la prattique de quelques vertus..

  A025001181 

 Que la douillette considere le fiel qui fut presenté a Nostre Seigneur au fort de ses plus ameres douleurs; celle qui est trop avide pense a l'abstinence et jeusnes rigoureux des Peres du desert et de tant d'autres Saintz qui ont si puissamment mortifié leur sensualité..

  A025001182 

 Qu'elles ne sortent point de table sans s'estre mortifiees en quelque chose; et que neanmoins elles usent sans scrupule ni ceremonie des viandes qui leur seront donnees pour le soulagement de leur infirmité, prenant indifferemment de la main de Nostre Seigneur, tant pour les viandes que pour toutes autres choses, ce qu'elles aymeront comme ce qu'elles n'aymeront pas; voire mesme en l'infirmerie, ou elles se rendront douces, patientes et obeissantes a l'Infirmiere [146], et recevront ce qui leur sera donné avec action de graces, reconnoissant qu'elles ne meritent pas un si bon et charitable traittement..

  A025001183 

 Estant au milieu du refectoir, elle fera l'inclination, et proche de la Superieure un' autre pour luy presenter sa portion; puis a l'Assistente, continuant ainsy, commençant par le chœur de la Superieure, observant de faire des enclins en passant et repassant devant la Superieure.

  A025001184 

 Celle qui servira prendra garde que rien ne manque aux Seurs et de lever les choses qui ne serviront plus, se servant de l'ais pour cela quand il sera besoin, et des corbeilles pour les tassines et pour le pain qu'elle levera avec le Cousteau; et mettra les potages de la seconde table sur la fin de la premiere..

  A025001187 

 Les Graces estant dites, celles qui auront a faire des advertissemens se mettront a genoux et les feront devant la Superieure.

  A025001187 

 Les Seurs Domestiques et Despensiere qui auront des coulpes a dire les diront au mesme tems, puis se retireront; et la semainiere commencera le De profundis, que toutes poursuivront alternativement, et apres, les Seurs, deux a deux, une de chasque chœur, s'advanceront l'une aupres de l'autre, au droit de leur place, pour faire l'enclin a la Superieure, et s'en iront en silence jusques au lieu de la recreation, excepté la lectrice de la seconde table qui rentrera et commencera sa lecture, et la finira de mesme qu'a la premiere table, ne relisant pas ce qui a esté leu..

  A025001189 

 Les Seurs qui feront des mortifications au refectoir les commenceront quand on aura dit: Au nom de Dieu, devant la refection, et ne seront que troys ou quatre a chaque fois.

  A025001189 

 [148] Quand on baysera les pieds des Seurs, elles en advanceront un, s'inclinant un peu, et quand ce sera la Superieure, les Seurs se leveront a mesure qu'elle les baysera, se tenant un peu courbees.

  A025001192 

 On les tiendra dans la chambre des Assemblees, avec les livres de nostre Bienheureux Pere, pour donner commodité aux Seurs de les lire; comme aussi le Coustumier, lequel Coustumier les Seurs qui sont encores au novitiat ne liront point..

  A025001192 

 On lira aussi une fois l'annee la Preface des Regles, comme aussi les Entretiens, dans le refectoir pendant les repas, au moins un ou deux tous les mois, et les Sermons, selon les festes et ceremonies dont ils traittent.

  A025001195 

 Et comme les Seurs doivent avec simplicité et franchise se recreer par obeissance, aussi doivent elles, par devotion, s'affectionner a parler souvent des choses bonnes et saintes..

  A025001195 

 Qu'elles n'apportent point aux recreations des contenances tristes et chagrines, ains un visage gracieux et affable, et qu'elles s'entretiennent ainsy qu'il est porté par les Constitutions.

  A025001196 

 Si quelques unes estoyent sujettes a parler d'elles mesmes, a faire des esclatz de rire, parler trop haut et fort, et telles autres immodesties, qu'elles fassent en entrant un petit regard sur cette imperfection et se resolvent d'estre sur leur garde affin de n'y pas tomber, invoquant pour cela la grace du Saint Esprit et le secours de leurs bons Anges..

  A025001198 

 L'on les resouviendra souvent de Dieu durant la recreation et on en donnera la charge aux Seurs tour a tour, et de dire quelque chose de bon sur la fin; et le soir, on employera la derniere demy heure de la recreation a faire [150] lire l'Epistre et l'Evangile, la veille des festes, ou quelque point de la Communion, et les autres jours quelque chose de devotion; ou bien l'on s'entretiendra de quelque chose utile par maniere de conference, ainsy que la Superieure le jugera a propos..

  A025001205 

 Elles se pourront servir de l'orayson du matin, regardant Nostre Seigneur au mistere ou elles l'ont medité, et s'arrestant sur quelques uns des pointz qu'elles auront plus goustés.

  A025001205 

 Par exemple, si elles ont consideré le mistere de la flagellation, et que le regard doux et amoureux que le beni Sauveur jettoit de fois a autre sur ceux qui le flagelloyent ayt touché leur cœur, elles doivent se le representer souventesfois, faysant ensuite cet eslancement: O doux Jesus, regardes moy des yeux de vostre misericorde.

  A025001206 

 Elles pourront aussi demeurer doucement aux pieds de Nostre Seigneur comme Magdelaine, escoutant ce qu'il dira a leurs cœurs, regardant sa bonté et son amour, et luy parlant de tems en tems par des eslancemens de cœur et oraysons jaculatoires, telles ou semblables:.

  A025001234 

 Je me jette a vos pieds, o doux Refuge des pecheurs..

  A025001243 

 Elles en feront de mesme envers les Saintz et Saintes auxquelz elles auront plus de devotion: comme a saint Joseph, saint Augustin, saint Jean Baptiste, les Princes de l'Eglise saint Pierre et saint Paul, saint Jean l'Evangeliste, patron des vierges, saint Bernard, saint François, sainte Anne et sainte Magdelaine, les troys saintes Catherine, et autres glorieux Saintz dont on a leu la Vie a table..

  A025001246 

 Que les heures sont des siecles aux malheureux damnés..

  A025001250 

 Celles qui seront travaillees de quelque forte tentation ou passion pourront s'encourager et fortifier par la consideration des travaux de Nostre Seigneur, se le representant aux siens.

  A025001250 

 Et quand elles auront des difficultés aux exercices des vertus, si elles le regardent en la prattique de [154] celles qu'il a operees tandis qu'il a esté en cette vie, elles seront instruites et aydees..

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001267 

 Qu'elles soyent courtes et claires en leurs confessions, et n'y aillent point par coustume ni sur des vains scrupules, ains avec devotion et attention, comme en une action de tres grande importance et gravité..

  A025001268 

 Apres avoir receu la benediction, elles commenceront a dire clairement et nettement tout ce qu'elles auront remarqué en leur examen, et adjousteront, a la fin de chacune de leurs confessions, un peché, comme il a esté dit cy dessus, en cette sorte: Je m'accuse aussi d'avoir mesdit, estant au monde, d'une personne par hayne; ou bien: Je m'accuse d'avoir dit autrefois un mensonge par vanité, ou pour porter dommage a autruy; une autre fois: Je m'accuse d'avoir autrefois murmuré des actions d'autruy, etc..

  A025001271 

 Au partir de la, elles ne doivent aucunement parler de ce qui leur a esté dit en confession, sinon que ce fust quelque chose si utile et devote qu'il semblast a propos de le dire pour l'instruction et edification des autres.

  A025001273 

 Les Seurs Domestiques iront les premieres a la confession; s'il y a des pretendantes elles les suivront, et puis les dernieres Novices, et toutes, tant Novices que Professes, suivront chacune selon leur rang.

  A025001283 

 On pourra encores semondre l'ame a plusieurs saintes affections, comme de crainte de contrister et perdre ce Saint des Saintz, disant avec David: Seigneur, ne vous despartes point de moy; et avec les Pelerins: Demeures avec nous, car il se fait tard..

  A025001293 

 Outre les Communions que les Constitutions ordonnent, [162] elles communieront, selon la coustume, une fois la semaine de plus durant le Caresme; comme aussi le jour de la Conversion de saint Paul, le jour de saint Joseph, de sainte Catherine de Sienne, les festes de sainte Croix, saint Claude, (en memoyre qu'a tel jour la Congregation fut commencee), de sainte Marie Magdelaine, de sainte Anne, de Nostre Dame aux Neiges, de saint Bernard, de saint Augustin, duquel nos chosmons la feste, du Patron de l'eglise Cathedrale du diocese, de la feste du Saint principal auquel leur eglise est dediee, de saint François d'Assise, de sainte Catherine, vierge et martyre, de saint Charles, le jour des Innocens et celuy auquel elles auront fait la sainte Profession..

  A025001294 

 Et aux festes suyvantes, si elles n'arrivent la veille ou le lendemain des Communions ordinaires, on pourra communier si la Superieure le treuve bon, sçavoir: le jour de saint Anthoine, sainte Agnes, saint Ignace de Loyola, saint Thomas d'Acquin, saint Benoist, saint François de Paule, saint Jean Porte Latine, sainte Monique, saint Alexis, sainte Marthe, saint Louys, la Decollation de saint Jean, saint Nicolas [de] Tolentin, saint Denys, saint Dominique, saint Bonaventure, sainte Therese, saint Nicolas, du saint Ange gardien, le jour qu'elles ont pris l'habit et les jours des Saintz dont elles portent les noms..

  A025001295 

 Et tant qu'il se pourra bonnement, une pour les ames du Purgatoire chasque fois que l'on dira l'Office des Mortz..

  A025001295 

 La quattriesme, pour la conversion des infidelles et pecheurs.

  A025001295 

 La troysiesme, pour la conservation de l'Ordre et [pour] y maintenir l'union et charité mutuelle par la bonne observance des Regles.

  A025001308 

 Et si c'est la Directrice qui les envoye, elles feront l'enclin a la Superieure des la place ou elles seront..

  A025001309 

 Qu'elles facent des questions a la Directrice pour avoir un plus grand esclaircissement des Regles, Constitutions et coustumes..

  A025001309 

 Si tost que l'Obeyssance sera donnee, que les Novices se retirent promptement au novitiat, se mettant plus particulierement [166] en la presence de Dieu, luy demandant sa grace affin de bien prouffiter des enseignemens qui leur seront donnés.

  A025001312 

 Les Novices professes ne seront obligees de demeurer dans le novitiat sinon tandis que l'on y prattiquera quelques uns des exercices, et elles s'addresseront a la Directrice pour toutes leurs necessités, horsmis quand elles seront en la presence de la Superieure, et luy rendront conte seulement une fois la semaine..

  A025001313 

 Toutes rendront une obeyssance tres simple a la Directrice en tout ce qu'elle leur commandera, sans replique ni excuse, et ne parleront point de ce qui se fait au novitiat, tant des coulpes qu'autres choses..

  A025001314 

 Pour apprendre a se bien confesser, elles iront le matin, tant qu'il se pourra, parler a la Directrice pour estre instruites a se confesser clairement, courtement et avec contrition, et [à] aller comme il faut a ce saint Sacrement, sans y conter des histoires qui ne servent a rien..

  A025001319 

 Et sur tout il est requis, disoit nostre bon Seigneur et Pere avec des paroles tres pregnantes, que les Seurs continuent a se descouvrir a la Superieure [168] avec l'entiere simplicité et sincerité que la Constitution marque; et que, reciproquement, les Superieures ayent un tres grand soin de conserver cette confiance filiale des Seurs en leur endroit par un amour tout cordial et respectueux.

  A025001321 

 Qu'elles se gardent donq bien de croire, quand on les corrigera ou qu'on leur fera des advertissemens, que cela se face par passion ou mauvaise volonté; ains qu'elles tiennent pour asseuré que c'est une vraye marque de l'amour qu'on leur porte, et du desir qu'on a de les voir perseverer en leur vocation et parvenir a une tres haute perfection.

  A025001321 

 Que si par rencontre elle mortifie quelque Seur, elle se mettra soudain a genoux, demeurant ainsy, les yeux bas et les mains jointes, jusques a ce que la Superieure cesse de parler a elle; puis elle baysera terre, et si la Superieure est encores presente, elle luy fera un grand enclin en se relevant: car il leur sera tres utile de recevoir en cette sorte les mortifications et humiliations, comme remedes convenables et necessaires a leurs maladies, s'imaginant qu'elles sont ainsy que des petitz enfans auxquelz la douce et charitable mere donne l'absinthe et le chicotin, drogues tres ameres, l'une pour les garentir des vers, l'autre pour les [169] sevrer de la mammelle et les accoustumer aux viandes solides.

  A025001328 

 Cela nourrira en elles la sainte paix et tranquillité de cœur qui leur a esté si souvent recommandee; a quoy servira encores qu'elles ne se plaignent point, les unes parmi les autres, de leurs tentations, desgoustz, aversions et difficultés, ni mesme des incommodités corporelles, sinon a la Superieure..

  A025001330 

 La suavité et douceur de l'Institut doit paroistre en toutes les actions des Seurs, de maniere que s'il arrive a quelqu'une de dire a une autre des paroles seches ou tant soit peu contraires a l'humilité, elle doit incontinent luy demander pardon, se mettant a genoux et baysant terre; ce que l'autre Seur fera pareillement, usant de quelque trait de cordialité en son endroit..

  A025001331 

 Mais en tout le reste elles parleront en pluriel, comme: Nous avons des cellules; nostre robbe est gastee; nostre lit est fait; nous avons donné une image.

  A025001332 

 Il ne leur sera jamais loysible d'y manger; et, tant qu'il se pourra, on les exemptera d'y aller la matinee des festes, au tems du Caresme, de l'Advent et pendant les retraittes; mais neanmoins la Superieure le leur permettra pour les occasions qu'elle jugera a propos..

  A025001332 

 Les Seurs s'essayeront d'estre courtes et retenues au parloir, mesme avec les personnes spirituelles, parce qu'aux longs entretiens il se glisse facilement des superfluités et oysivetés de paroles.

  A025001335 

 La Superieure, pour quelque grande et signalee occasion d'affliction publique ou particuliere peut faire faire des oraysons, jeusnes, penitences et Communions extraordinaires pour quelques jours, prenant l'advis toutefois de ses Coadjutrices..

  A025001337 

 Les Monasteres qui sont plus commodes pourront [172] et feront tres bien de secourir charitablement ceux qui se treuveront en necessité, prenant neanmoins l'advis et permissions des Superieurs lhors qu'il s'agira de chose notable; et que cela se face sans aucune alienation des fonds et revenus des monasteres.

  A025001338 

 Elles ne doivent jamais parler des autres Monasteres qu'avec beaucoup d'honneur et de respect, louant et approuvant les vertus qui s'y prattiquent.

  A025001338 

 Et que les Superieures ne permettent point qu'on parle dans leurs Communautés des defautz qui s'y pourront commettre, ni mesme en ceux des autres Ordres, lesquelz elles doivent beaucoup honnorer, mais en parler peu, a cause de l'inconstance de l'esprit humain.

  A025001340 

 Les Seurs porteront un grand respect a la parole de Dieu, de quelle part qu'elle leur soit annoncee, l'escoutant avec attention et reverence; et feront le mesme de toutes les choses saintes et des vertus, desquelles elles parleront avec honneur et devotion, sans les retourner en recreation.

  A025001350 

 De lire quelques chapitres des Regles et Constitutions a quelle heure du jour qu'elles voudront.

  A025001351 

 De chanter des cantiques spirituelz aux recreations et mesme au silence, mays fort doucement et en sorte que cela ne distrayse point les autres..

  A025001352 

 De parler au silence pour les choses vrayement necessaires, pourveu que ce soit bassement et courtement, comme elles doivent faire aussi par tous les lieux d'ou elles peuvent estre entendues des seculiers..

  A025001355 

 L'esté elles pourront se pourmener un peu aux recreations, en faysant neanmoins leurs ouvrages; les jours de feste aussi, apres le rapport des lectures, s'entretenant saintement..

  A025001365 

 Les chaires seront mises en sorte que le praedicateur ayt le visage tourné partie du costé des Seurs et partie du costé du peuple, de maniere que tous le puissent commodement voir et ouïr, autant que faire se pourra; et le sermon se fera, le praedicateur estant tous-jours assis et couvert, soit que ce soit le celebrant ou que ce soit un autre..

  A025001366 

 Quand le celebrant fera la ceremonie de cette action, assis ou debout aupres de sa chaire, il aura de mesme le visage tourné partie du costé des Seurs, partie du costé du peuple, affin qu'il puisse estre entendu d'un chacun, et a [177] ces fins, sa chaire, comm' aussi celle du praedicateur, devra estre un peu esloignee du chœur des Seurs..

  A025001376 

 Cette Mayson est une escole de la mortification des sens et de la propre volonté, ou on doit continuellement crucifier l'homme exterieur avec toutes ses inclinations, habitudes et convoytises, et en somme, mourir a soy mesme pour vivre a Dieu.

  A025001387 

 Puis le Celebrant, ayant la teste descouverte, commencera la benediction des habitz disant:.

  A025001403 

 Apres lesquelles oraysons il jettera de l'eau benite en forme de croix sur les habitz et sur les voyles, et les encensera de mesme façon; et les assistans porteront les habitz ou pour estre receuz dedans le chœur des Seurs, s'il se peut, ou dedans le tornet de la sacristie des Seurs, ou la Sacristaine les ira prendre..

  A025001404 

 Cela fait, le Celebrant portera ou, s'il ayme mieux, fera porter par l'un des assistans un cierge allumé a celle qui est receue, ou a chacune d'icelles, si elles sont plusieurs, disant:.

  A025001405 

 Receves, ma tres chere fille (ou mes tres cheres filles), la lumiere corporelle en signe de la lumiere spirituelle de laquelle nous supplions Dieu vous illustrer, affin qu'avec la ferveur du Saint Esprit vous puissies parvenir a l'eternelle societé de l'Espoux sacré de la tressainte Eglise, Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le mesme Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025001422 

 15. Et finalement il jette de l'eau benite sur elle sans [182] autre chose dire, et les Seurs commencent a chanter les Psaumes qui seront ci apres marqués, tandis que l'on va vestir la nouvelle Seur dans la sacristie des Seurs ou ailleurs, hors du chœur.

  A025001422 

 Ce qui se fera le plus vistement qu'on pourra, affin de ne pas faire beaucoup attendre le Celebrant, lequel aussi, de son costé, s'estant retiré dans la sacristie des Prestres, se preparera pour venir dire la sainte Messe a mesme tems que les Seurs avec la nouvelle Novice seront retournees au chœur, et auront achevé de chanter, ou tous, ou partie des Psaumes marqués pour cet effect..

  A025001437 

 Est a noter finalement, que soit qu'il y ayt plusieurs prætendentes a voyler ou une seule, les Oraysons de la benediction des voyles et habitz se fera en nombre plurier, dautant que les voyles et habitz seront indistinctement appliqués a l'usage commun de toutes les Seurs; mais en toutes les autres Oraysons, le Celebrant changera le nombre, selon qu'il y aura ou une ou plusieurs pretendantes..

  A025001446 

 Tout ce qui a esté dit devoir estre observé en la reception des Seurs au Novitiat se doit pareillement faire en la Profession, despuis le premier article jusques au septiesme.

  A025001457 

 Je me suis volontairement despouillee des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, je ne les reprendray.

  A025001459 

 Nous nous sommes volontairement despouillees des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, nous ne les reprendrons.

  A025001503 

 Ce pendant le Celebrant benira le voyle, comm' il est dit de celuy des Novices au 12.

  A025001525 

 Des icy, les Seurs disent l'une apres l'autre ce qui s'ensuit, si elles sont plusieurs:.

  A025001543 

 Receves, ma fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de tous les Saintz, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles..

  A025001552 

 Ceci vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regars des hommes, et un signe sacré affin que vous ne [192] recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025001565 

 Puis la Seur s'estend sous le drap qui sera preparé au long de la grille; les deux assistentes la couvrent, et une des Seurs dit au milieu du choeur la Leçon suivante:.

  A025001606 

 Il est a noter que tandis qu'on fait le sermon, les Seurs devront estre assises de chœur en chœur en leurs sieges, excepté la Novice et les assistentes, qui sont sur des sieges a trois ou quatre pas de la grille, eslevés..

  A025001607 

 Tout le reste de la ceremonie se fait comme a la reception des Novices, ainsy qu'il a esté dit au commencement; excepté qu'en conduisant la nouvelle Seur on chante le Psaume Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi, etc., et que les Seurs tiennent tous-jours leurs cierges allumés, horsmis le tems de la Communion, et que l'on benit les habitz le jour precedent, affin que la Seur les prenne le matin..

  A025001615 

 Quant a l'entree des hommes, on observera rigoureusement ce que le Concile de Trente ordonne pour la reformation des Monasteres, en la façon quil est declairé en la Regle des Carmelines..

  A025001616 

 Mays quant a l'entree des femmes, on observera les pointz suivans: 1.

  A025001616 

 Nulle des Dames ne parlera aux femmes qui viendront de dehors qu'avec le congé de la Superieure et en presence d'un'autre des Dames, hors la veiie de laquelle elle ne s'escartera point, ni mesme ne parlera point en sorte qu'elle ne soit entendue d'icelle, si toutefois la Superieure ne juge quil soit expedient de permettre quelque conference secrette de quelqu'une des Dames avec celle qui entrera, en quoy elle pourra dispenser; c'est a dire, que telle conference se face hors l'ouye de l'assistente, mais non jamais hors la veüe..

  A025001617 

 Elles prendront garde a ne point dire ni ouyr des paroles curieuses, mondaines, vaines et superflues, ains de se tenir courtes en tout autre devis qu'en ceux qui regarderont le prouffit spirituel ou de celle qui parle ou de celle a qui l'on parle..

  A025001620 

 A six heures elles souperont; et l'orayson des cinq heures, qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé un quart d'heure avant le soupper.

  A025001622 

 Et de deux a trois elles pourront s'assembler pour, toutes ensemble, reprendre haleyne a chanter des cantiques et ouyr la leçon spirituelle qui se fera de demi heure; en sorte que le tout cesse un peu devant Vespres, c'est a dire quand le premier son de Vespres se fera, car alhors une chacune pour[ra] aller prendre les commodités requises pour retourner en l'oratoire..

  A025001622 

 Le demeurant du tems sera employé a faire des ouvrages, chacune en sa chambre, observant le silence.

  A025001623 

 Des le jour saint Michel jusques a Pasques elles se leveront a six heures, et disneront a dix et demi.

  A025001627 

 Elles ne feront aucune besoigne qui serve a la coeffeure et affiquerie et vanité des femmes..

  A025001628 

 On ne recevra aucune besoigne a faire, sinon que les matieres [200] soyent donnees par ceux qui la donneront; et la Superieure traittera du prix des besoignes charitablement, et non exactement..

  A025001633 

 Les habitz seront noirs, et extremement simples tant en la matiere qu'en la forme, avec des voyles d'estamine..

  A025001634 

 Les litz simples et de mattelatz, avec des tours de litz d'estoffe simple..

  A025001644 

 Trois Manuscrits des premières rédactions sont groupés ici; nous y joignons quelques fragments qui datent de la même époque et se conservent en divers lieux..

  A025001647 

 Des quatre feuilles qui le composent, les deux premières sont plus petites (19 cm. 1/2 X 14); les deux autres ont 29 cm.

  A025001648 

 Tâtonnements, ratures et surcharges permettent de croire que nous possédons le premier jet d'une rédaction suivie des Constitutions de la Congrégation nouvelle..

  A025001650 

 a) Il y a déjà des divergences entre le règlement De l'employte des jours du Ms.

  A025001651 

 G contient un article relatif aux «sorties» des «Dames»; le Ms.

  A025001653 

 d) A l'article De la reception des Novices au noviciat et puis a l'offrande, le Fondateur avait écrit au Ms.

  A025001654 

 G ne se contredisent pas; la question du vocable ayant été assez débattue dès les débuts de la fondation, notre Saint put se décider et en parler à la Mère de Chantal avant le 1 er juillet, voire même rédiger le premier article des Constitutions avant cette date, tout en se réservant d'annoncer ce jour-là à ses Filles la résolution prise..

  A025001659 

 H ayant été réparé en divers endroits, il est assez probable qu'on ait réuni, par méprise, des feuillets appartenant à deux rédactions successives..

  A025001659 

 Il présente une double leçon des articles 23, 24, 25, qui concernent l'admission des sujets, leur reception au Noviciat et leur établissement dans la Congrégation par «l'Oblation et dedicace».

  A025001663 

 a) Si l'on compare avec ce Manuscrit la lettre du 20 juillet à Philippe de Quoex (tome XIV, p. 328), on peut faire plus d'un rapprochement [205]: des deux côtés, mention des Congrégations instituées par «le Bienheureux Cardinal Borrhomee;» mêmes heures indiquées pour le lever et le coucher, et à peu près mêmes termes touchant la clôture..

  A025001664 

 H, à l'article 29: «Aucune des Dames de la Congregation ne fera le vœu de chasteté ni d'obeissance qu'avec l'advis du Pere spirituel et le congé de la Superieure.».

  A025001666 

 d) Outre les jeûnes de l'Eglise et des «vigiles de Nostre Dame», saint François de Sales note dans la même lettre ceux du vendredi; de fait, le Ms.

  A025001667 

 Des retouches ne furent pas faites au Manuscrit après janvier 1611; plusieurs preuves pourraient être alléguées, mais nous n'en citerons que deux:.

  A025001668 

 Or, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, le premier article des Constitutions désigne sous le titre de «Bienheureux» l'Archevêque de Milan, et n'a pas été corrigé par le Fondateur qui, cependant, a fait sur la même page deux modifications..

  A025001670 

 K dont nous allons parler, sont celles des Mss.

  A025001673 

 De rares corrections d'une antre main rectifient simplement des erreurs évidentes..

  A025001675 

 D'après le Directoire pour les Sœurs de la Congregation de la Croix etablie dans le Diocese de Treguier, on a dit au tome XVIII, note (1173), p. 357, que M me de Villeneuve, leur fondatrice, «obtint du Bienheureux une copie des Constitutions primitivement dressées» pour ses Filles; le P. de Salinis répète la même chose dans sa Vie de Madame de Villeneuve (Paris, Beauchesne, 1918).

  A025001677 

 — De tous les Manuscrits, celui de Guingamp (Ms. K) est le seul où figurent les articles: Du retranchement des sorties et De l'eslection de celles qui visiteront les malades; preuve qu'il est antérieur à la fondation du Monastère de Lyon (1615) où cette visite ne se fit jamais..

  A025001680 

 K. Un demi-feuillet conservé à [207] Besançon, chez M lle Gauvain (Ms. L), paraît être la minute des additions faites aux articles 1, 3, 4 du Ms.

  A025001680 

 K. — Deux pages appartenant à la Visitation de Milan (Ms. M) se retrouvent exactement, sauf de très petites variantes, dans le même Manuscrit; nous en exceptons l'article: Du maintien exterieur et des devis, qu'on trouvera plus loin.

  A025001680 

 — Pour quelques articles, nous avons des fragments autographes qui sont des minutes du Ms.

  A025001681 

 C'est quelques jours avant l'«Oblation» des trois premières Mères que fut réglée la manière d'arranger le voile; elle est indiquée, avec le reste du costume religieux, dans le Manuscrit qui nous occupe, tandis qu'il n'en est pas question dans le Ms.

  A025001683 

 En voici des preuves:.

  A025001684 

 a) L'addition faite à l'article I er, sur les Congregations «instituees par saint Charles, Cardinal Borromee,» donne à supposer qu'il en avait acquis une plus particulière connaissance; de même, la digression sur la différence de situation morale entre les «filles et femmes» d'Italie et celles des «païs de deça»..

  A025001685 

 b) Une autre addition, article 3, pour l'entrée des «peres, filz, freres,... oncles», en cas de très grave maladie, n'aurait-elle pas été motivée par les grandes maladies de la Mère de Chantal et par celle de Sœur Claude-Françoise Roget qui mourut en juin 1613? (Voir tomes XV, note (307), p. 106, et XVI, Lettre DCCCXCII).

  A025001686 

 c) Les prescriptions plus détaillées au sujet des femmes qui entrent pour plusieurs jours dans la Maison, surtout ces mots: «et s'en iront en leur païs», font songer au séjour que des dames de Lyon firent à Annecy avec M me des Gouffiers, du 28 mai jusque vers le 10 juin 1613.

  A025001687 

 d) A l'article 7, Du retranchement des sorties, il est dit: «Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville...» Or, [208] dans les derniers mois de 1613, non seulement de Lyon, mais aussi de Paris on faisait des démarches; vers le 8 novembre le Saint écrit à M me de la Fléchère: «On a envoyé prendre les Constitutions de Lyon, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre.» (Tome XVI, p. 92.) Il est fort probable que la rédaction du Ms.

  A025001688 

 En tout cas, il dut subir quelques retouches dans la suite, du moins pour ce qui a trait à la visite des «malades riches».

  A025001688 

 e) Au mois de janvier 1612 commença la visite des malades, mais l'article qui concerne l'élection des visiteuses n'était, peut-être, pas encore rédigé.

  A025001691 

 H et des autres fragments dont nous avons parlé.

  A025001706 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirent bien souvent de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de Dieu; lesquelles neanmoins, pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affaiblies par l'aage, ou mesme pour avoir urgente obligation d'ordonner de tems en tems des affaires de leur mayson, ou bien, en fin, pour n'estre pas disposees ni inspirees [211] d'embrasser une vie austere et rigoureuse, né peuvent pas entrer es Religions formelles, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde emmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions et aux dangers et occasions de pecher et vivre sans devotion.

  A025001708 

 C'est pourquoy il a esté convenable de ranger toutes les femmes et filles de la Congregation dans une mayson ou elles soyent a l'abri et hors du commerce des hommes, pour, avec moins d'empeschement et de danger, suivre leur entreprise..

  A025001708 

 Il est vray que les Congregations erigees par saint Charles Borromee n'obligent pas des filles a se retirer ensemblement dans une mayson, bien que plusieurs neanmoins l'ayent fait avec une tres grande utilité et edification dans la ville de Milan, ou il y a plusieurs telles Congregations retirees ensemblement dans les maysons; ains et seulement [à] s'assembler de tems en tems pour rendre conte de leur vie et s'unir en leur entreprise.

  A025001708 

 Mays il faut considerer aussi qu'en Italie les filles et femmes sont presque autant asseurees et separees de la conversation des hommes dans leurs maysons paternelles comme si elles estoyent dans un Monastere; ou au contraire, es païs de deça elles ne sçauroyent demeurer chez elles ni chez leurs parens qu'elles ne soyent perpetuellement inquietees et attaquees des conversations et rencontres d'hommes, a [213] cause de la grande liberté qui regne pour ce regard.

  A025001709 

 Or, cette Congregation ayant deux principaux exercices: l'un, la contemplation et orayson, qui se prattique principalement en la mayson; l'autre, du service des pauvres et malades, principalement du mesme sexe, elle a convenablement choysi pour Patronne Nostre Dame de la Visitation, puisque en ce mistere la tres glorieuse Vierge fit cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller visiter et servir sainte Elizabeth au travail de sa grossesse, et composa neanmoins le cantique du Magnificat, le plus doux, le plus relevé, plus spirituel et plus contemplatif qui soit escrit..

  A025001719 

 Plusieurs femmes et filles ont souvent des grans desirs de servir purement et particulierement a Nostre Seigneur en luy dediant et consacrant tout leur estre et tous les momens de leur vie, lesquelles neanmoins, ou pour l'imbecillité de leur [santé et] complexion corporelle, ou pour estre des-ja trop aagees, ou [bien encor] pour avoir des urgentes [necessités] obligations de revoir a certains tems les choses de leurs maysons, ou en fin pour [n'avoir pas l'esprit disposé a vouloir...] n'estre pas inspirees ni disposees a embrassé [211] ( sic ) un Institut austere, ne [pourroyent] peuvent pas entrer en une Religion formelle.

  A025001720 

 Affin donq que telles ames pleynes de bonnes affections peussent parmi tout cela [avoir... faire une retraitte du...] se retirer du monde, fuir [toutes] les occasions du peché et s'employer et [dedier] donner pleynement au saint amour de Dieu, cette benite Congregation a esté dressee: laquelle ayant deux principaux exercices [213], l'un de contemplation et orayson, qui se prattique principalement dedans la mayson, l'autre du service des pauvres, qui se prattique hors de la mayson, ell'a convenablement choysi pour Patronne N. D. de la Visitation, puisqu'en ce mistere la glorieuse [Vierge], faysant cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller servir sa cousine es travaux de sa grossesse, [rendit neanmoins ce...] chanta neanmoins ce cantique si spirituel, si relevé et si contemplatif du saint Magnificat..

  A025001725 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution [215] de mespriser le monde, vivre humblement, doucement et avec une parfaitte obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités ni des liens si indissolubles comme les Religions formelles et Congregations regulieres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution suppleent a tout cela et tiennent heu de loix, de vœux et de jurisdiction, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025001731 

 On recevra donq en cette Congregation: les vefves desquelles les enfans seront hors de leurs mains, es estudes, es cours et ailleurs, [214] bien que pour la conservation des biens d'iceux elles soyent obligees de prendre quelque soin general des affaires de leurs ( sic ) mayson, comme seroyt de faire rendre conte a ceux qui les manient une foys l'annee, ou de les admodier; pourveu que tel soin puiss'estre executé en peu de jours, car pour cet effect telles vefves pourront sortir et aller ou il sera requis, ainsy quil sera dit ci apres..

  A025001733 

 Sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher l'humilité et soupplesse de cœur; car cette Congregation [215] n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des regles si fortes comme celles des Religions, il faut que la douceur et bonté du cœur supplee a tout cela, et qu'elles [y soyent comme ces petitz enfans qui se layssent conduire par la main en toute simplicité...] servent de [murailles], loix, de vœux et de jurisdiction..

  A025001737 

 Le principal point de la clausure des femmes est qu'on n'entre point en leurs Maysons, et notamment les hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la mayson de la Congregation, sinon quand la chose pour laquelle ilz entrent ne peut estre executee autrement qu'en entrant, et lhors il faut que ce soit avec la licence [216] par escrit de l'Evesque, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001738 

 Or, le medecin, cyrurgien, Confesseur, ou manœuvre devant entrer par necessité en la Mayson, il sera conduit au lieu ou il doit faire sa charge par deux des Dames qui feront auparavant sonner une clochette qui s'entendra parmi la Mayson, affin que l'on sache quil y a des hommes dedans, et que toutes se retirent en leurs chambres et au heu de leurs offices, sans qu'il soit permis a aucune de se tenir en lieu ou elle puisse rencontrer ceux qui entrent, sinon que la Superieure les fit appeller pour cela..

  A025001739 

 Celles qui les [217] accompaigneront ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025001739 

 Le medecin et cyrurgien feront tous-jours leurs charges en presence de deux Dames qui les accompaigneront; et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la treille, ou quil donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il fera le tout en sorte quil soit veu des deux Dames qui l'accompaigneront.

  A025001740 

 Or, outre ceux lâ qui pour telles necessités urgentes entreront dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Dames, les peres, filz, freres et les oncles, freres des peres ou des meres, pourront entrer pour visiter leurs filles, meres, seurs et nieces quand elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir, et qu'on jugera leur maladie devoir estre perilleuse.

  A025001740 

 Que sil ne se peut aysement, on observera a leur entree et visite ce qui a esté dit des entrees des Confesseurs et medecins..

  A025001744 

 La clausure des femmes consiste en deux pointz, dont le premier est qu'on n'entre point en leur Mayson; le second, qu'elles ne sortent point..

  A025001745 

 Quant au premier, [nul homme du monde ne peut aucunement entrer...] les hommes n'entreront point dans la mayson de la Congregation, sinon es cas esquelz il est permis de les recevoir es Religions les plus reformees du monde; comme sont les cas de vraye necessité, qui ne doivent estre jugés telz sinon quand [le Monastere] la Mayson a besoin de l'assistence et presence des hommes: comme des massons, charpentiers, medecins, cyrurgiens.

  A025001746 

 La clef de la porte [et de la grille] demeurera es mains de la Superieure, et [quant il faudra fair'entrer le medecin, ou le Confesseur, ou quelqu'autre homme, on sonnera une clochette au paravant...] le medecin, ou Confesseur, ou quelqu'autre homme entrant en la Mayson, il sera conduit droit au lieu ou il doit faire sa charge (sans qu'il luy soit loysible de divertir ailleurs) par deux des Dames qui feront au paravant sonner une clochette parmi la Mayson, affin que toutes les autres se retirent en leurs chambres, ou au lieu de leurs offices; et ne sera permis a aucune de [venir rencontrer...] se tenir en lieu ou elle puisse estre veue ou rencontree de ceux qui entreront, sinon que la Superieure la fit appeller pour cela..

  A025001747 

 Le medecin et cyrurgien feront leur ( sic ) charges tous-jours en presence des deux Dames qui les accompaigneront, [et ne diront... parleront...] Et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la [grillej treille, ou quil donnera [217] [le S t Huile] l'Extrem'Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il le fera [tous-jours a la veue...] en sorte quil puisse estre veu des Dames assistentes.

  A025001753 

 Tiercement, qu'a leur entree on observera ce qui s'observe a l'entree des medecins et cyrurgiens, horsmis que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entrent par celles des Dames que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors par les jardins; et pourra les admettre aux exercices de la Mayson, voire mesme a celuy de la recreation, s'il y a apparence que cela se puisse faire avec edification..

  A025001754 

 Quatriesmement, en tous cas, nulle des Dames ne pourra parler a celle qui vient de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une autre Dame, bien que la Superieure pourra permettre, quand elle le treuvera raysonnable, que l'entretien se face sans que la Dame qui y assistera puisse ouïr ce qui se dira..

  A025001755 

 Cinquiesmement, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson.

  A025001756 

 Sixiesmement, les jours de feste les femmes n'entreront point en la Mayson, affin que les Dames, qui toutes auront esté communiees, ayent plus de repos pour traitter des choses spirituelles et caresser le celeste Espoux qu'elles auront receu.

  A025001757 

 Et qu'il n'y en ayt que trois au plus au mesme tems; et pendant que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, par soy mesme ou par l'une des Dames, les fera assister de conseil, livres et exercices propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant tous-jours la cordiale charité de la Congregation envers elles.

  A025001757 

 Septiesmement, la Congregation devant avoir le service des pauvres en recommandation et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte: a la charge qu'estant entrees elles obeissent a la Superieure, [220] sans sortir a la ville tandis qu'elles feront leurs exercices, ni permettre qu'elles soyent visitees; au moins, que celles qui les viendront visiter ne puissent entrer dans la Mayson, car autrement leur retraitte serviroit de distraction et a elles et aux Seurs, et se rendroit inutile.

  A025001763 

 Que ce ne soit pour (manger, boirej prendre aucun repas, ni pour coucher, ni pour y arrester apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la licence. 3. Qu'a leur entree on sonnera une clochette, differemment neanmoins que quand on sonne pour les hommes; et tout le reste s'observera comme a l'entree des hommes, sinon que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entreront par celles que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors, et les admettre a ffaire tous les exercices...] voir et se treuver aux exercices de l'orayson, de la leçon, voire mesme a celuy de la recreation, sil y a apparence que cela se puisse faire avec edification. 4. Mais en tous cas, nulle des Dames ne pourra [entretenir] parler a celle qui viendra de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une Dame assistente; bien que [quelquefois] la Superieure puisse permettre, quand [bon luy semblera...] elle le treuvera a propos, que l'entretien se face sans que l'assistente puisse ouïr ce qui se dira. [5. On ne recevra a la fois que deux femmes...] [219].

  A025001764 

 Or, en tout et partout, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson [tant quil sera possible...] que le moins quil sera possible; et pour cela, on n'en recevra que deux a la fois, ou trois au plus, car autrement il y auroit danger de grande distraction..

  A025001765 

 La Congregation [ayant la charité du prochain...] devant avoir le service des pauvres en recommandation, et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, non seulement pour un jour, mais pour plusieurs jours, ainsy quil sera requis, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se praeparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leurs vies, [demanderont] auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles observent de point en point tous les exercices de la Mayson, [220] et qu'[on n'en reçoive au...] il n'y [en] ait au plus que trois a mesme tems..

  A025001767 

 Pendant le tems que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, ou par soymesme ou par une des Dames, les fera assister de conseilz, advis, livres et exercices propres a l'intention pour laquelle elles seront entrees, et aura soin de leur tesmoigner la cordiale charité de la Congregation.

  A025001770 

 Premierement, qu'aucune des Seurs ne leur parle sinon aux treilles a ce destinees, et icelles fermees, sinon que la Superieure en permette l'ouverture.

  A025001775 

 Et tous-jours elles observeront [a ne point s'amuser a...] de n'ouïr, et beaucoup moins dire des paroles curieuses et vaynes, couppant court en toutes sortes de devis, si ce n'est [es spirituelz] en ceux qui regardent le prouffit spirituel de celle qui parle ou de ceux a qui on parle.

  A025001775 

 Qu'aucune des Dames ne leur parle sinon aux treilles a ce destinees, icelles estant fermees.

  A025001778 

 Si les Dames de cette Congregation observent tant de discretion et de bon ordre a l'entree des personnes de dehors en leur Mayson, elles en doivent encor plus avoir es sorties qu'elles feront, afïin que, comme le monde n'entre point en leur Mayson encor que les personnes du monde y entrent, on puisse aussi dire qu'elles ne vont pas au monde encor qu'elles aillent parmi les lieux et personnes du monde, et qu'elles soyent comme l'huyle qui, passant entre les autres liqueurs, n'est pourtant jamais confuse, meslee ou alteree entre icelles..

  A025001779 

 A leur retour, elles rendront fidellement conte a la Superieure de tous leurs deportemens, et se remettront en la plus grande humilité qu'il leur sera possible, pour reprendre le train des exercices de la Mayson et reparer les pertes spirituelles que la sortie leur pourroit avoir apporté..

  A025001779 

 Donq, elles ne sortiront que pour des causes ou extremement pieuses, comme est le service des pauvres et malades, a l'exemple des anciennes vefves chrestiennes; ou pour autre service grandement necessaire, comme quand, pour leur juste devoir, elles auront besoin d'aller mettre ordre en quelques affaires urgentes, pour par apres se retirer [223] avec plus de repos.

  A025001786 

 Mays quant aux jeunes qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry dans la Mayson, laquelle par ainsy sera comme une ruche spirituelle, de laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des exercices interieurs sous le couvert, et l'autre sortira pour recueillir le suc des œuvres de misericorde entre les prochains qui sont emmi l'affliction comme des fleurs entre les espines..

  A025001786 

 Or en fin, on observera d'employer a ces sorties de [225] pieté celles qui sont des-ja meures d'aage, ou qui, pour des justes considerations, seront estimees capables de faire cet exercice sans detriment de leur devotion.

  A025001787 

 Mays pourtant, aucune ne sortira en la nef de l'oratoire, ni devant l'autel tandis qu'il y aura des autres femmes, et principalement des hommes, si ce n'est pour affaires bien urgentes et en presence des autres Seurs..

  A025001791 

 [DES SORTIES].

  A025001795 

 [Cette Congregation estant erig...] Les Dames de la Congregation observant tant de discretion et de bon ordre en ce qui regarde l'entree des personnes de dehors vers elles, n'en doivent pas moins observer es sorties qu'elles feront, affin que, comme par les regles sus escrittes on empesche que le monde n'entre en leur Mayson avec les personnes [mondaines] du monde, aussi, par autres regles, on puisse les empescher d'entrer au monde lhors qu'elles sortiront et seront parmi les personnes du monde; [ains que, comm'un huile sacré, elles se meslent tellement...] car, comme l'huyle [se meslant avec...] passant entre les autres liqueurs n'est jamais pourtant confus ni meslé avec icelles, ainsy [doivent] les ames de cette Congregation [avoir un cœur si bien fait et des si bonnes...] doivent sortir emmi le monde sans s'affectionner au monde, ni s'infecter du monde..

  A025001796 

 Premierement donq: elles ne sortiront que pour des occasions ou extremement pieuses, comme le service des pauvres et malades,, a l'exemple des anciennes vefves de la primitive Eglise; ou extremement necessaires, comme quand les vefves, pour leur juste devoir, devront pour quelques jours aller mettr'ordre aux affaires [223] urgentes de leurs maysons, pour par apres se retirer avec plus de repos.

  A025001797 

 Celles qui sortiront pour visiter et servir les pauvres et malades seront tous-jours [accompaignees d'un'autre aussi, laquelle...] deux de compaignie, qui en toute leur visite ne s'abbandonneront aucunement; et l'une des deux, ainsi que la Superieure l'aura designé [224], aura la charge de l'autre, laquelle ne parlera ni fera chose quelcomque sinon a mesure que celle qui aura la charge le luy signifiera.

  A025001803 

 Et par ainsy, toute la Mayson sera [comm'] une ruche spirituelle, en laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des oraysons et autres exercices interieurs, et l'autre sortira pour recueillir le [miel] suc des œuvres de misericorde entre les pauvres et affligés, qui [comme les roses entre...] sont aux yeux de Dieu des belles fleurs entre les espines..

  A025001803 

 Or [en ces sorties de pieté...] on observera d'employer a ces [225] sorties de pieté celles qui seront des-ja meures d'aage, ou qui, pour des justes considerations, seront estimees capables de faire cet exercice sans detriment de leur devotion; et quand a celles qui sont jeunes, ou celles qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry, sous le couvert de leur sacree retraitte.

  A025001806 

 Et mesme, s'il y avoit des moyens en la Congregation, on pourroit suppleer par le seul apprest des viandes necessaires aux malades, pauvres et souffreteux; car c'est un des advantages plus desirable des simples Congregations, qu'elles puissent estre employees diversement, selon la varieté des lieux, des tems et des circonstances..

  A025001806 

 Mais si la Congregation s'establissoit en quelque grande ville en laquelle les sorties pour visiter les malades particuliers [226] fussent perilleuses, ce seroit au Prelat du lieu ou de les retrancher du tout, ou de les limiter pour la Visitation seule des hospitaux et lieux pieux, ou pour la Visitation des maysons conneuës, ainsy quil l'estimeroit estre plus a propos.

  A025001809 

 Que si il est jugé a propos qu'en cette occasion la elles communient en quelques unes des eglises designees, ou ailleurs, la Superieure le leur pourra permettre.

  A025001810 

 Or, telles occurrences pourront estre diverses, comme par exemple: quand on celebreroit les Quarante Heures en la ville, quand on consacreroit un Evesque, lhors qu'en tems de calamité on feroit des prieres publiques avec quelque sorte d'ardeur et d'appareil particulier, et en telles autres qui pourroyent arriver et qu'on ne peut specifier.

  A025001815 

 Mais pourtant, nulle Dame de la Congregation [n'entrera] ne sortira en la nef de l'eglise, ni au chœur devant l'autel tandis quil y aura des hommes ou femmes en l'eglise, [ni ne parlera en façon...] si ce n'est pour quelqu'affaire bien urgente et en presence d'un'autre Dame..

  A025001816 

 Quant aux sorties qui se feront pour plusieurs jours en affaires d'importance, et quand il sera jugé necessaire, ainsy quil a esté dit ci dessus [pour le regard des vefves qui ont quelque charge des maysons], il faudra observer qu'aucune ne sorte qu'avec une compaigne de la Congregation, et qu'au tems qu'elles seront dehors elles observent, tant que faire se pourra, les regles de la Mayson, [228] et principalement quant a l'orayson mentale, la confession et Communion.

  A025001819 

 Le second jour de l'an on eslira celles qui feront la Visitation des malades; or l'eslection se fera de cette façon:.

  A025001824 

 Et retenant avec soy l'Assistente et la Directrice, elles feront le choix des Seurs qui auront la charge de visiter, en observant de choisir celles qui auront l'esprit meur, doux, sage, discret, et lesquelles elles reconnoistront avoir du zele pour les ames et pour le bien du prochain.

  A025001825 

 La Superieure ordonnera donq, avec l'advis de l'Assistente [et] de la Directrice, tous les premiers jours du moys celles qui feront la visite des malades, ou les changeant, ou les continuant en leur obedience, [laquelle] se publiera au disner, immediatement devant Graces, en cette sorte: Telles et telles, de la part de cette Mayson, visiteront les malades de Nostre Seigneur, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A025001826 

 Or, nonobstant cela, si pour quelque sujet on voyoit quil fust expedient d'en avoir des autres en la place de celles qu'elle aura nommees au commencement du moys, elle le pourra faire sans difficulté: comme quand la maladie de quelqu'une, ou la necessité qu'on a d'elle dans la mayson, ou quelque autre consideration requiert qu'elle sejourne.

  A025001828 

 Elles se prendront garde de respandre par tout ou elles passeront et iront l'odeur des bons exemples et des parfums de sainteté es maysons esquelles elles entreront; et partant, elles se garderont de toutes babilleries et multitudes de paroles, de curiosité des affaires d'autruy et des nouvelles du monde, de toute dissolution tant de paroles que de gestes et actions; ains auront soin de se tenir en une sainte composition et contenance, et de dire des paroles d'edification, lesquelles elles avanceront sans affectation, mays avec une bonne et simple affection; non point magistralement et faysant les entendues, mais charitablement et humblement, quand les occasions et propos les y convieront..

  A025001830 

 Neanmoins elles doivent faire leurs visites courtes, specialement quand il y aura des compaignies seculieres, sinon que la charité requist le contraire..

  A025001830 

 Quant aux hommes, elles ne les visiteront point que pour des maladies griefves et fortes, et lhors qu'ilz commenceront a se remettre elles cesseront de les visiter, ne laissant pas, en ce qu'elles pourront, de leur procurer du soulagement sans y venir elles mesmes; mays quant aux femmes, elles les assisteront tandis qu'elles auront besoin, sans tant de considerations.

  A025001831 

 Si en quelque logis de malade il se treuvoit des personnes indiscretes qui, par parolles ou gestes, violassent le respect deu a la qualité des Seurs qui visiteront, l'on en advertira soudain la Superieure, laquelle fera ou cesser les visites, ou, par des humbles et charitables advertissemens, fera sçavoir en la mayson qu'on visite que l'on desire continuer, a la charge que le respect deu a leur vocation soit gardé; ou on y pourvoira autrement selon les occurrences..

  A025001832 

 Or, la speciale considération pourroit estre si quelqu'une des Seurs en visitant auroit attiré a penitence ou bonne resolution quelque femme; car alhors il seroit bon qu'elle luy parlast elle mesme..

  A025001832 

 Si quelqu'un apres estre gueri veut remercier celles qui l'auront assisté, on ne le permettra pas, si quelque speciale consideration n'invite a cela; ains la Superieure, ou telle autre des Seurs qu'elle treuvera mieux, ira recevoir les remerciemens au nom de la Superieure, le plus court oysement que se pourra, sans affectation.

  A025001833 

 En la Visitation on devra procurer que les malades se disposent de bonne heure [à recevoir les Sacrements] et, par des bons propos, les exciter a l'amendement de vie ou avancement a la pieté.

  A025001834 

 Et quant aux affligés, comme femmes desolees pour la perte de leurs proches, on pourra aussi les voir pour exercer la consideration en leur endroit, mays non par maniere de compliment, ains seulement lhors que vrayement on estimera de pouvoir alleger des desplaysirs ceux qui en auront..

  A025001840 

 Elles disneront a dix heures, et apres qu'on aura sonné le Benedicite toutes seront en silence jusques apres Graces, qu'elles entreront en recreation jusques a mydi; des lequel jusques apres Vespres elles se retireront et feront leur ouvrage en silence, leur estant neanmoins loysible de dormir demie heure de ce tems la.

  A025001841 

 Et des lhors elles se relascheront un peu jusques a souper ou collation, qui se feront tous-jours a six heures.

  A025001841 

 Vespres se diront a trois heures a basse voix, excepté le Magnificat et l'antienne de Nostre Dame; et icelles dites, elles demeureront en conversation, et mesme deviseront de leur lecture ou chose utile jusques a Complies, qui se diront a cinq heures a basse voix, et qui seront suivies des Letanies et d'une demi heure d'orayson mentale.

  A025001845 

 Complies se diront a l'heure ordinaire, a basse voix, et ausquelles on adjoustera le Stabat en chant, qui sera suivi des Letanies a basse voix et de l'orayson a l'accoustumee..

  A025001849 

 DE L'EMPLOYTE DES JOURS.

  A025001852 

 De mydi a deux heures elles se retireront en leurs chambres et feront [des] leurs ouvrages en silence.

  A025001853 

 Des le souper elles seront en recreation les unes avec les autres, jusques au premier son de Matines qu'elles se retireront en silence pour se treuver au chœur et commencer Matines a huit heures; apres lesquelles elles feront l'examen de conscience, qui estant [235] achevé, elles feront un peu de [leçon] lecture pour la meditation du jour suivant; et de la se retireront en silence, en sorte que toutes soyent couchees a dix heures..

  A025001858 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au choeur, et le chanteront distinctement et posement; horsmis les festes suyvantes, sçavoir est: le jour de Noel, des Rois, de la Purification, Annonciation, Visitation, Assomption, Nativité et Conception de Nostre Dame, Pasques, Ascension de Nostre Seigneur, la Pentecoste, le Dimanche de la tressainte Trinité, en commemoration de leur premiere entree en la Congregation qui fut faitte a tel jour, la Feste Dieu et de Toussaintz (toutes lesquelles festes seront suyvies chacune de son octave, excepté la feste de la tres [237] sainte Trinité, qui n'en a point); et en toutes ces festes on chantera l'Invitatoire a Matines, qui sera de propre, et a Laudes le Cantique Benedictus, avec son antienne devant et apres, ce qui ne s'observera point pendant les octaves.

  A025001858 

 Mays quant aux Psaumes et Leçons, on ne [les] changera point, ains on les dira du petit Office de Nostre Dame, sinon es trois jours des Tenebres qu'on dira les Psaumes.

  A025001860 

 Or, parce que les espritz [humains] ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous prsetexte de devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des charges et prieres empesche l'attention, gayeté et devotion avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation de se charger d'autres Offices, sous quelque prsetexte que ce soit, que de celuy de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, chapitres, himnes, versetz et oraysons, es festes nommees ci dessus..

  A025001861 

 Au reste, les Seurs Servantes diront le matin, au lieu de Prime, Tierce, Sexte et None, douze Pater et Ave Maria; en lieu des Vespres et Complies, sept, et en lieu des Matines et Laudes, dix; et assisteront a la sainte Messe tous les jours en tant que faire se pourra..

  A025001866 

 Les Novices seront en tout vestues comme les Professes, hors le voyle [240] et la barbette, ains porteront des grandes coëffes de taffetas..

  A025001866 

 Pour habillement elles porteront des robbes et cottes noires, d'estoffe simple, comme serge d'estoc, gros bura, estamete et autres semblables.

  A025001867 

 Les ouvertures des tours de lit se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se voyent point l'une l'autre quand elles se leveront et coucheront; c'est pourquoy lesdittes ouvertures ne seront point l'une contre l'autre..

  A025001871 

 Et cependant, celles qui auront plus [241] tost fait ne perdront point le tems, demeurant attentives a la lecture qui se fera, pour laquelle on deputera de semaine en semaine quelqu'une des Dames, qui lira clairement, distinctement et lentement, faysant des justes pauses de periodes a periodes, affin que toutes, gardant le silence, entendent sans peyne ce qui se lira.

  A025001872 

 On devra mettre le pain et la viande si nettement sur table qu'aucune des Dames n'ayt besoin de racler et de pincer et escrouter, ou [rendre] quelque tesmoignage de delicatesse particulier..

  A025001875 

 Elles diront les Graces et le Benedicite des clercz dans le refectoir et a basse voix.

  A025001876 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront tous les jours des veilles de Nostre Dame et les jours du vendredi despuis la saint Michel jusques a Pasques, sinon ceux esquelz escherront les festes de commandement; car alhors les jeusnes seront differés au samedi, sinon qu'il fust un jour de feste, car en ce cas il ne se jeusnera point cette semaine la..

  A025001882 

 L'une n'entrera point en la chambre de l'autre sans congé de la Superieure, et tandis que pour la petitesse du logis deux ou trois n'auront qu'une mesme chambre, celles qui se treuveront logees ensemble ne s'advanceront point a remuer les besoignes des unes des autres sans s'advertir..

  A025001885 

 L'homme obeissant, dit la Sainte Escriture, parlera des victoires.

  A025001887 

 Apres la recreation du soir, avant que d'aller a Matines, toutes se presenteront devant la Superieure, qui leur commandera ce qui sera requis pour ce soir la et pour la matinee suivante; comme de mesme, apres la recreation du disner, elle leur ordonnera ce qui se devra faire jusques a l'apres souper; et ny ayant rien a commander, elle leur recommandera la mutuelle dilection des unes aux autres.

  A025001887 

 Toutes les Seurs qui n'auront rien a proposer se retireront [244] promptement, mays celles qui ont quelque charge des araires du mesnage demeureront avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires a ordonner; et prendra-on garde de n'en parler point devant les autres, a celle fin de retirer, tant qu'il se pourra, leur esprit des choses de la terre..

  A025001889 

 Aucune n'entreprendra de faire des jeusnes, disciplines et autres austerités qu'avec le congé de la Superieure..

  A025001893 

 Or, pour ce vœu de pauvreté entant qu'il regarde l'usage des biens qu'elles auront hors de la Congregation, il faudra bien examiner la qualité de l'esprit des Seurs avant que de le leur permettre, et encor les necessités et particulieres conditions des familles qu'elles ont laissees; ce qui demeurera a la connoissance du Pere spirituel et de la Superieure..

  A025001896 

 Tout ce qui sera apporté ou donné a la Mayson pour l'usage des Seurs sera parfaittement reduit a la Communauté [246], sans qu'aucune ayt chose du monde, pour petite qu'elle soit, en particulier; ains une chacune, entrant, resignera et renoncera es mains de la Superieure l'usage, usufruit et libre disposition de tout ce qu'a sa contemplation sera donné tet remis a la Congregation.

  A025001897 

 Et affin que toute affection qui pourroit naistre dans le cœur des Seurs soit retranchee et qu'on voue en la Congregation une parfaitte abnegation des choses exterieures et de toute proprieté, on ne servira pas une des Seurs de ce qu'elle aura apporté en la Mayson ou de ce qu'on aura donné a sa contemplation, ains indifferemment.

  A025001898 

 Lhors que l'on donnera les Saintz la veille du jour de l'an, des nombres on fera des billetz, en chacun des-quelz sera escrit le nom de quelqu'un des Saintz qu'on doit tirer; et puis on mettra les chapeletz, Agnus Dei, reliquaires sur une table, par ordre, et a chasque chapelet, [247] auquel on joindra un Agnus Dei et un reliquaire, on attachera l'un des billetz.

  A025001899 

 Et quant aux reliques, les Seurs par ce moyen les auront toutes en leur protection, puisqu'elles leur seront communes, et que la communion fait que chacun jouit de ce que le commun jouit; car, comme ayant des reliques pendues sur ma poitrine j'estime qu'elles servent de protection a ma teste et [a] mes bras parce que mes bras sont conjointz a ma poitrine, ainsy les reliques qui sont sur l'une des Seurs serviront de protection pour toutes les autres, communiees par le lien indissoluble de la charité..

  A025001900 

 En fin, si ce n'estoit qu'a cause de la diversité des statures et tailles on ne peut pas se servir les unes des robbes des autres, on en feroit de mesme des robbes et de tous autres habitz, pour lesquelz neanmoins, estans tous de mesme façon et de vile estoffe, il n'y a pas de l'apparence qu'aucune doive avoir de particuliere affection..

  A025001903 

 Mais quant aux autres qui seront en office, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices, comme par exemple: l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur; la Directrice sera la derniere des Dames dediees, pour estre la premiere aupres des Novices..

  A025001904 

 Au demeurant, la veille du premier jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson; et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra le mesm'ordre toute l'annee.

  A025001912 

 Celles qui seront en office, hormis la Superieure qui partout sera la premiere, ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices; comme par exemple: celle qui est [la Directrice] l'Assistente [248] ne [sera la premiere] precedera les autres qu'es Offices [tandis que la Superieure sera presente...]; la Directrice ira la derniere des dediees, pour estre la premiere aupres des Novices; et ainsy, l'Enfermiere ne sera la premiere qu'en l'enfermerie; et de mesme les autres..

  A025001913 

 Au demeurant, la veille du jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson, et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra ce mesm'ordre toute l'annee, a suivre ou preceder les autres; de sorte que si la plus jeune ou derniere treuve en son billet le nombre I, elle sera cett'annee la, la premiere au chœur, au refectoir et, es autres occurrences, apres celles qui auront charge en chasque office: et ainsy les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres.

  A025001913 

 Aux portes, neanmoins, et es autres occasions qui ne regardent pas les seances, les jeunes s'humilieront beaucoup devant les vielles, encor que les vielles fussent [249] arrivees en la Mayson les [dernières]; et les vielles ne mespriseront point la jeunesse des jeunes, ains toutes, avec une genereuse et noble humilité, se previendront les unes les autres en honneur et respect, ainsy que l'Apostre l'ordonne..

  A025001915 

 Et la Superieure la luy donnera...] elles demanderont des aydes a la Superieure, laquelle les leur [donnera en cette sorte: elle regardera...] accordera au nom de Nostre Seigneur, en donnant a une chacune une compaigne pour cett'annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'exciter en l'amour de Dieu et se corriger de leurs defautz, en esprit de douceur et de charité, sans toutefois.......................[251].

  A025001915 

 La veille du jour de l'an quand on donne les Saintz, [une chacune demandera pour soy une surintendente,...ayde particuliere, laquelle ayt soin particulier de la reprendre des fautes qu'elle fera et de l'exciter souvent au s t amour de Dieu... avec laquelle elle s'excite a l'amour de N. S. et a la correction de leurs defautz.

  A025001919 

 Et affin que l'amendement se face plus grand en la Congreégation, la veille du jour de l'an, quand on donne les Saintz, elles demanderont a la Superieure des aydes pour leur amendement.

  A025001922 

 Que si quelqu'une des Seurs avoit quelque chose a proposer, elle le dira a l'advantage a la Superieure, laquelle, pour ayder sa memoire, fera une petite liste des poins a proposer.

  A025001928 

 Au demeurant, elles ne feront aucune besoigne qui serve aux affiquetz et vanité des femmes: comme seroit laver les gans, faire des frisons, faire des fards et choses semblables..

  A025001928 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure, ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre aye a traitter de cela.

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001931 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde des Seurs; et sera tenu roolle des receptions [253] des sommes, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et des causes pourquoy.

  A025001935 

 On ne pourra recevoir des jeunes filles en la mayson qu'elles n'ayent aujnoins dix ou douze ans, et n'en pourra-on recevoir que troys a la foys, et de celles qui ont quelqu'inclination, ou au moins auxquelles les parens desirent qu'on donne inclination d'estre Religieuses.

  A025001938 

 Quand il plaira a Nostre Seigneur que les Seurs ayent un lieu propre, elles s'essayeront d'attirer, les festes et Dimanches, les filles et femmes de la ville au lieu praeparé a cela, et qui ne sera pas dedans [le cours des] chambres et offices des Seurs, affin de les enseigner des exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation du matin, de la façon de dire le chapelet et la couronne, de se confesser et communier, et de bien faire l'orayson vocale..

  A025001941 

 Cette Mayson demeurant sous l'authorité de l'Evesque, comme toutes les autres de pareille forme, il commettra un [255] ecclesiastique discret, docte et irreprehensible, de sa part, qui prendra garde a la Mayson et Congregation, a ce que les regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'y introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assistera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuvera les Confesseurs extraordinaires, donnera les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs et celles des entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus.

  A025001946 

 Et a luy appartiendra de visiter la Mayson une fois l'an, assister aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuver les Confesseurs extraordinaires, donner les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, et signer les causes des entrees des hommes quand il sera requis et celles des [grandes] sorties extraordinaires des Dames, ainsy quil a esté dit ci dessus; bien que, quant a la Visite, il semble expedient qu'elle se face par l'Evesque mesme, en l'assistence du susdit deputé et d'un autre a ce pris par office.

  A025001949 

 L'ennemi, voyant que l'obeissance est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001953 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou du Pere spirituel et de l'Evesque, n'obligent point a aucun peché ni mortel ni veniel, sinon quand on contreviendroit par mespris, ou quand la Superieure, ou le Pere spirituel, ou l'Evesque, es cas esquelz la direction leur appartient, commanderoit [en vertu...] sous peyne d'encourir la deobeissance, [car alhors on ne pourroit pas des-obeir sans vray mespris...] ou que la chose commandee seroit de grand'importance..

  A025001953 

 L'obedience, grand appuy de la vie spirituelle, [est quelquefois employee...] L'ennemi, voyant que l'obedience est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001959 

 Qu'en toutes leurs actions elles observent une grande simplicité et modestie, fuyant le faste et l'appareil des contenances mondaines et affectees, portant la teste moderement droite, non point haute ni renversee.

  A025001961 

 En leur conversation elles essayeront d'estre douces, humbles, cordiales et franches, se portant un respect amoureux [258] et s'entresaluant par une inclination de la teste lhors qu'elles se rencontreront, sans pourtant faire des devis en particulier, sinon lhors que la Superieure l'aura permis.

  A025001969 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome et celle a qui la Superieure l'ordonnera, et la Directrice tandis qu'elles seront Novices; et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec respect amiable, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles sont neanmoins filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, nos Seurs selon l'esprit et nos esgales en nature; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Seigneur Jesus Christ, esgalement Seigneur des uns et des autres.

  A025001970 

 Les deux ans expirés, on observera a leur reception ce qui s'observe pour la reception des Seurs, soit pour l'examen ou deliberation de les recevoir ou de differer leur reception, soit pour l'Oblation; laquelle neanmoins elles ne feront point, tant qu'il sera possible, que quand quelque Seur la fera, affin qu'apres les articles esquelz il est marqué, la Superieure, parlant pour elles, n'ayt a faire que de dire simplement: «Ces deux Seurs...», et ce qui s'ensuit.

  A025001976 

 Et tous-jours ell'aura le soin particulier de la direction des Offices du chœur, desquelz elle departira les charges le samedi et veille des testes que l'on change l'Office, apres la recreation de l'apres disner, et des lectures, bien que, quant aux livres quil faudra lire, elle n'en face point le choix que par l'ordre de la Superieure.

  A025001977 

 Elle fera la revëue des Seurs apres qu'elles seront retirees, pour sçavoir sil leur faut point quelque chose..

  A025001980 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera [261] seront de l'exercice des vertus, particulierement de l'obeissance, douceur et mortification des passions, et l'orayson; de bien lire et bien prononcer tant l'Office que tout le reste; de bien faire au matin la preparation, et au soir l'examen, avec les autres pointz qui regardent leur avancement et observation des Regles; jusques mesme aux contenances, et principalement celle quil faut tenir en l'Office, en la Communion, en la table et quand l'on paroist devant les mondains..

  A025001981 

 Et sera pareillement a elle de dresser les Seurs Servantes aux exercices spirituelz selon leur capacité, laquelle se treuvant bonne, elle leur enseignera a faire l'orayson mentale, dire le chapelet, faire l'examen, la preparation du matin, et l'usage des oraysons jaculatoires entre les labeurs et exercices corporelz, a se bien confesser et communier, et autres telles prattiques..

  A025001982 

 Et partant, la Directrice doit avoir un esprit universel, pour manier differemment les cœurs des filles de la Mayson, tant Seurs que Servantes, selon la diversité de leurs espritz, affin de les former a la pieté, devotion, douceur et charité.

  A025001984 

 La Directrice ne sera gueres employee aux affaires de la Mayson; elle aura aussi le soin des jeunes filles et de les instruire comme les Novices..

  A025001990 

 Qu'elle soit courte et retenue en parolles lhors qu'il viendra des hommes a la porte, voire mesme avec les femmes, et qu'elle ne s'enquiere de nulle sorte de nouvelle, sinon necessaire..

  A025001992 

 Elle n'ouvrira jamais la porte seule, si ce n'est aux Seurs Servantes, et a celles qui iront et viendront des visites..

  A025001998 

 L'une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle avec une fidelité et allegresse toute particuliere doit entreprendre cette charge, representant en icelle les saintes Dames qui servoyent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie humaine, et entre autres la glorieuse vierge sainte Marthe, la diligence et ferveur delaquelle elle suivra, et fuira neanmoins son trouble et son empressement..

  A025001999 

 Qu'elle se rende prompte et facile a la necessité des Seurs, selon l'ordonnance de la Superieure, leur donnant toute confiance..

  A025002004 

 Elle aura la charge de tout ce qui appartient a l'Infirmerie et au service des malades, et en fera un memoyre; comme aussi elle devra tenir les chambres bien nettes, solliciter celle qui appreste, pour donner les repas aux malades selon l'ordonnance du medecin duquel elle la recevra.

  A025002008 

 Outre cela, une des Seurs aura soin particulier de parer la chappelle et sonner a propos pour les Offices et oraysons; et elle aura un grand soin de la netteté et propreté du chœur, de l'autel et des habitz ecclesiastiques, se souvenant que Nostre Seigneur a tous-jours aymé la netteté et mondicité des lieux, et que Joseph [et] Nicodeme sont loués, de luy avoir preparé un sepulchre neuf, des linges neufs, des parfums et unguens pretieux..

  A025002010 

 Quand il viendra des prestres estrangers dire la Messe, elle en advertira la Superieure; et s'il faut donner quelque ornement, elle tiendra le voyle bas, et ne parlera point que pour ce qui ne se pourra esviter..

  A025002011 

 Sil vient quelqu'un a la sacristie qui ayt quelque affaire, elle l'envoyera a la porte, si ce n'est des personnes de respect, auquel cas elle ira advertir promptement la Superieure..

  A025002021 

 Celle qui a la charge des linges doit avoir le mesme soin que la Robiere, pour les bien conserver et entretenir, pour les distribuer a propos selon la necessité des Seurs, et les retirer lhors qu'elles les auront laissés..

  A025002024 

 L'esté elle donnera de troys semaines [en trois semaines] des linceulz blancz, et l'hyver de moys en moys..

  A025002025 

 Quand les Seurs auront des necessités extraordinaires de quelques linges, qu'elle leur en donne charitablement..

  A025002030 

 Elle tiendra tous-jours du pain, du vin et de l'eau dans son refectoir pour les necessités qui peuvent survenir, et des linges pour essuyer les Seurs quand elles se voudront laver..

  A025002035 

 Les Seurs qui seront employees en cet office de la cuysine doivent estre contentes et consolees de rendre aux espouses de Nostre Seigneur le mesme service que sainte Marthe, qui estoit une grande dame, luy rendoit, apprestant les viandes pour luy et pour ses Apostres; se souvenant aussi des petites meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle en semblable exercice ne laissoit pas d'estre ravie en extase.

  A025002040 

 La Superieure sera l'ame, le cœur et l'esprit de la Congregation; en sorte que, comme l'ame, le cœur et l'esprit d'un cors respand son assistence, son mouvement et ses actions par toutes les parties d'iceluy, aussi la Superieure doit animer de son zele, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, et doit vivifier par sa charité et dilection maternelle toutes les Seurs et filles de la Congregation: procurant que les regles soyent observees le plus exactement que faire se pourra, que la mutuelle charité et sainte amitié soyent prattiquees en toutes sortes de vertus; ouvrant sa poitrine maternelle et amiable a toutes ses filles esgalement, affin qu'elles y ayent recours en leurs doutes, scrupules, difficultés, secheresses, troubles et tentations; commandant a une chacune et a toutes en general avec des paroles et contenances graves mays suaves, avec une contenance asseuree mays douce et humble, et avec [un] cœur plein d'amour et du desir du prouffit de celles auxquelles elle commande..

  A025002041 

 Et pour cela, au moins une foys le moys, elle fera un examen particulier de chacune des Seurs, tant Servantes qu'autres, s'enquerant discretement de leur avancement et condition presente de leurs ames, outre ce qu'elle mesme en aura remarqué, pour voir si quelqu'une aura besoin d'estre aydee, excitee, corrigee et allegee..

  A025002042 

 Elle considerera specialement la Directrice et les Novices [269], affin que cette pepiniere soit bien cultivee; comme aussi elle pourvoira avec un soin particulier a la necessité et consolation des malades et, tant qu'il luy sera possible,, les servira de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025002043 

 Elle eslevera avec un amour maternel les filles qui, comme petitz enfans, sont encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent aux ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mays «des ames infirmes; car si quelqu'un te donne plus de secours quil n'en reçoit de toy, reconnois que tu es non pere, mais pair en son endroit.» Les justes et les parfaitz n'ont point besoin de superieur et de conducteur; ilz se servent de loy a eux mesmes et font asses sans qu'on leur commande.

  A025002047 

 Et en cas que les deux tiers des Seurs reprouvassent l'election, la Superieure en fera un'autre, ou au moins ne laissera guere en office celle qui aura esté esleue, sinon qu'elle se comportast tellement, qu'on vit clairement les Seurs satisfaites d'elle en sa charge..

  A025002048 

 Cela fait, la Superieure qui est pour lhors s'agenouillera au milieu des Seurs.

  A025002048 

 Or, l'election de la Superieure se fait en cette sorte: L'Evesque, ou Pere spirituel, venant dedans le chœur des Seurs, leur dira briefvement de quell'importance est cett' election et les exhortera de la faire en presence de Dieu, selon la connoissance qu'elles ont de la suffisance des personnes.

  A025002049 

 Et tous les billetz ayantz estés receuz, le Pere spirituel les lira l'un apres l'autre; et celle des Seurs quil aura choysie, ayant le roolle de toutes les autres dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chaque nom d'icelles, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit de son nom.

  A025002049 

 mises a genoux a l'endroit de leurs places, et le Pere spirituel dira l'orayson; apres laquelle, chasque Seur venant [271] vers la table ou escabelle qui sera mise en un endroit du chœur auquel on ne puisse point voir la main ni le papier de celle qui escrit, ell'escrira simplement le nom de celle qu'elle voudra choysir, en l'un des billetz preparés a cet effect; et l'ayant replié, elle le portera au Pere spirituel qui le recevra dans une boite mise sur un'escabelle aupres de luy.

  A025002051 

 Sil y a des Seurs malades, le Pere spirituel estant entré pourra les aller visiter et prendre leurs billetz, ou si elles ne peuvent escrire, escrira leurs voix sur leurs billetz.

  A025002056 

 Puis la Superieure prendra les voix de toutes les Dames, et si la Superieure consent avec la plus part d'icelles, la reception se fera; mais neanmoins avec l'advis du Pere spirituel, qui s'enquerra des conditions de la fille, affin d'en advertir les Dames, et que par ce moyen elles facent meilleure deliberation..

  A025002057 

 La reception des vefves se fera de mesme, horsmis quil faudra prendre garde de n'en point recevoir qui ayent des enfans pour la conduite desquelz elles soyent vrayement necessaires.

  A025002061 

 DE LA RECEPTION DES NOVICES.

  A025002063 

 On ne recevra point de fille pour estre au nombre des Novices qu'elle n'ayt 16 ans, qu'elle ne sache lire et qu'elle ne tesmoigne un extreme desir de vivre en parfaitte devotion, et sur tout en un'entiere resignation de sa volonté es mains de la Superieure.

  A025002064 

 Et sur la proposition de quelque Novice, la Superieure advertira tous-jours le P. spirituel, affin quil [use de consideration et] s'enquiere des conditions de la fille qu'on propose, et que son advis serve d'ouverture a la deliberation que les Dames en feront.

  A025002064 

 La reception des Novices se fera par [les Dames, en sorte que [273] les...] la Superieure, si, ayant pris les voix des Dames dediees, la plus part d'icelles y consent; [mais tous-jours pourtant avec l'advis du P. spirituel qui sera... lequel ne...] mais si la plus part consent a la reception et la Superieure ne consent pas, la Novice ne doit pas estre receiie, sinon que les deux partz des trois faysantes le tout ne consent.

  A025002065 

 Tout ce qui se dit de la reception des filles s'observera aussi en la reception des vefves, ormis quil faudra encor prendre garde a n'en point recevoir qui ayt des enfans a la direction desquelz elle soit necessaire ( sic ).

  A025002068 

 Celle qui pretend entrer ayant asseurance de sa reception, entrera avec ses habitz ordinaires en la Mayson, et se praeparera par meditations et oraysons a une bonne confession generale, sinon qu'elle l'eust des-ja faite auparavant, en sorte que le Pere spirituel jugeast quil ne fust pas expedient de la refaire une autre foys..

  A025002073 

 DE LA RECEPTION DES NOVICES AU NOVICIAT ET PUIS A L'OFFRANDE.

  A025002079 

 Secondement, elle en conferera avec les autres Dames et prendra leurs voix; que si des troys parties les deux ne [276] consentent, on retardera pour encor l'Oblation.

  A025002084 

 Secondement, apres avoir consideré cela a part soy, avant que de dire son avis elle proposera aux autres Dames la reception dont il sera question, pour sçavoir leurs opinions, et si [la plus part] des troys parties de la Congregation les deux ne consentent, on retardera encor la reception a [276] l'offrande.

  A025002086 

 Mays si l'on void en elle une bonne volonté de s'amender, encor que pour son infirmité elle ne se soit pas du tout amendee des fautes qu'on luy aura [277] marquees, on luy donnera encor quelques moys, ou mesme un'annee entiere pour parachever son amendement, l'encourageant a cela par paroles et promesses de l'ayder avec toute charité et confiance; et si, avec humilité, elle continue en son amendement, la Superieure la fera recevoir a l'offrande au tems qu'elle luy aura marqué..

  A025002101 

 Lhors la pretendante dira: Je me suis volontairement despouillee des robbes mondaines; comment m'en revestirois-je? Je me suis destournee de la vanité et en ay lavé mes pieds; comment y retournerois-je?.

  A025002116 

 Je proteste de vouloir des-ormais [282] et a jamais vivre en obeissance, chasteté et pauvreté, selon les regles et Constitutions de la Congregation de ceans, pour l'observation desquelles j'offre et dedie a vostre divine Majesté, et a la sacree Vierge, vostre Mere, ma Dame, mon cors, mon ame et ma vie.

  A025002121 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que jamais vous ne recevies aucune sorte d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002128 

 Lhors elle fait une reverence a l'autel, puis un'autre au peuple, et la Superieure la conduit dedans le chœur des Seurs, avec toutes les autres, ou estant agenouillee au milieu d'iceluy elle chante:.

  A025002145 

 Les filles de la Congregation s'estant ainsy solemnellement [286] offertes et dediees a Dieu, il ne sera jamais parlé ni traitté de leur expulsion et rejettement qu'en deux cas: a sçavoir, ou pour des crimes scandaleux, ou pour une manifeste contumace et obstination contre la Regle et l'obeissance.

  A025002146 

 Et si l'avis des Seurs est tel, on fera une troysiesme assemblee, en laquelle sera appellé le Pere spirituel de la Mayson; et en icelle, en sa presence, sera de nouveau deliberé si on devra faire l'expulsion et rejection..

  A025002146 

 La Superieure, a laquelle il appartient de ne point permettre que la Congregation ayt des personnes scandaleuses et obstinees, ayant remarqué ce malheur en quelqu'une des Seurs, si jamais il arrivoit quil y en eut de telle, en conferera premierement avec les officieres de la Mayson (qui aussi sont les plus obligees d'estre jalouses du bien, de l'honneur et de la conservation de la Congregation), et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, ell'assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime scandaleux ou la contumace de celle qu'il luy semble devoir estre expulsee et rejettee.

  A025002148 

 Cela fait, on prendra quelque loysir convenable pour luy donner moyen de se retirer, pendant lequel tems on la fera manger a part, et n'entrera point es exercices, si ce n'est a celuy des oraysons et prieres, si bon luy semble.

  A025002149 

 On peut neanmoins dire, par exemple, et pour donner lumiere au jugement qui se devra faire des autres cas, que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation faulse des Seurs en chose qui regarde Ihonneur et renommee, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, si cela se fait plusieurs fois, et semblables, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002150 

 Si donq une des Seurs, ce qu'a Dieu ne plaise, ne vouloit pas vivre selon la Regle, ains vouloit obstinement perseverer a la rompre, refusant les corrections et tesmoignant de ne vouloir point s'amender, en fin, apres qu'on auroit essayé par toutes voyes, et mesme avec du loysir, de la reduire a son devoir, si elle continuoit au mespris et s'obstinoit en son malheur, on la pourroit et devroit expulser et rejetter comme scandaleuse; car encor que le peché auquel elle s'obstineroit ne seroit pas scandaleux, l'obstination neanmoins seroit scandaleuse..

  A025002151 

 Et lhors, parce qu'on fera la deliberation definitive et irrevocable, il faudra que, pour le moins, les deux tiers des voix (celle du Pere spirituel estant contee pour une) concourent a l'expulsion.

  A025002152 

 Mays si les deux tiers des voix ne concouroyent pas, on [289] delibereroit alhors des remedes propres a la correction de l'accusee, et pourroit on quelque tems apres remettre en deliberation son expulsion, en cas qu'elle perseverast en son mal..

  A025002160 

 La femme donq, non moins que l'homme, a la faveur d'avoir esté faite a l'image de Dieu; honneur pareil en [291] l'un et en l'autre des sexes; leurs vertus sont egales; a l'un et a l'autre est proposee une recompense pareille, et s'ilz pechent, une damnation semblable.

  A025002167 

 Ainsy, la premiere femme treuva egalement, comme le premier homme, lieu de pœnitence apres le peché, et furent sauvees autant de femmes que d'hommes dans l'arche de Noë, et le Royaume des deux est preparé pour l'un et l'autre sexe; ains il semble que la puissance divine, pour manifester sa perfection en l'infirmité, a pris playsir de faire reluire excellemment le sexe feminin en devotion et sainteté, affin de confondre le fort par le foible.

  A025002167 

 «Celles ci,» dit saint Gregoire Nazianzene parlant des femmes devotes, «sont douees d'un grand et genereux esprit, comme ayant rejetté de leur poitrine, par un vaillant et vrayement masle courage, les qualités de cette ancienne et trompeuse Eve; elles ont obtenu l'oubli de toutes leurs praecedentes infirmités par l'attouchement du bord de la robbe du Sauveur; elles se sont affranchies du goust ancien de la pomme mortelle par celuy qu'elles ont pris a savourer Jesus Christ; leur [293] foiblesse ne leur demeure plus que pour la splendeur de la vertu divine, et leur infirmité que pour servir de throsne a l'humilité.».

  A025002169 

 Sur cette consideration, les tressaintz Pasteurs de l'Eglise ancienne ont eu un soin tres particulier de l'avancement de ce sexe en la profession et perfection de la vie chrestienne, a l'exemple du Maistre et Seigneur, qui, par des graces extraordinaires, le favorisa en l'election de l'incomparable Vierge qu'il voulut estre sa Mere; en la personne de Magdeleine et Marthe, de la Samaritaine et Chananee, et en cette trouppe qui le suivoit et le servoit es tres adorables necessités de sa vie mortelle..

  A025002170 

 Et par apres, les Evesques des premiers siecles du Christianisme, gens de vie et de succession apostolique, n'oublierent rien de ce qui estoit requis pour saintement continuer ce bon office; mays sur tout envers les femmes et filles qui, par une speciale inspiration, estoyent appellees a l'estat de la sacree continence, qui pour lhors estoyent de deux sortes, comme le docte Cardinal Baronius tesmoigne, et qu'il est evident a tous ceux qui ont quelque part es escritz de l'antiquité..

  A025002171 

 «Il y a plusieurs femmes,» dit saint Gregoire Nazianzene, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie cæleste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres qui sont tesmoins de leur chasteté.» Or, quant aux femmes et filles consacrees a Dieu par le vœu de continence, demeurantes en leurs maysons particulieres, la quantité et la sainteté en a tous-jours esté grande; telles [294] furent les anciennes devotes de saint Hierosme et de saint Augustin: Blesile, Aselle, Laeta, Demetrie, Marcelle, Principie et mille milliers d'autres, entre lesquelles estoit celle du lieu Caspalian, qui, en vertu des reliques de saint Estienne, resuscita de mort a vie, au recit de saint Augustin; et la pluspart de celles que le grand saint Ambroyse dit estre venues a luy pour recevoir le voyle sacré, non seulement des quartiers de Bologne et de Playsance, mays aussi de Mauritanie.

  A025002172 

 Et quant a saint Augustin, Possidonius dit ainsy: «Entre les rares tesmoignages de son soin pastoral que l'on voyoit apres son trespas en son diocese, l'un des plus grans fut qu'il laissa un clergé tres suffisant et des monasteres, tant d'hommes que de femmes devotes, avec leurs Superieurs et Superieures.».

  A025002172 

 Mais de la seconde sorte, a sçavoir des femmes et des filles consacrees a Dieu qui vivoyent en Congregation, laissant a part ce que plusieurs sçavans hommes ont observé de celles qui jadis furent assemblees aupres du Temple de Hierusalem, et ce qu'aucuns rapportent que la tressainte Vierge nostre Dame erigea une Congregation de filles et femmes dediees a son Filz en la ville d'Ephese, et que sainte Marthe en institua un'autre aupres de Marseille, certes, nul ne peut bonnement ignorer que le grand saint Basile n'ayt dressé plusieurs Congregations de filles, leur prescrivant une methode de vivre saintement, puisque saint Gregoire Nazianzene, son cher ami, le tesmoigne.

  A025002173 

 Et des-ja auparavant, lhors que sainte Helene fut en Hierusalem, «elle y treuva des vierges consacrees a Dieu, lesquelles elle invita a disner et les traitta si devotement que, s'estant retroussee, elle mesme, comme servante, couvrit la table de ses propres mains, leur donnant a laver et versant a boire, en sorte qu'elle, qui estoit Reyne du monde et mere de l'Empire, se rendit servante des servantes de Nostre Seigneur.».

  A025002173 

 Et en Afrique, la seur de saint Augustin fut jusques a sa mort Superieure des servantes de Dieu, ainsy que Possidonius recite; comme sainte Paule le fut en Bethleem, au rapport de saint Hierosme, lequel escrivant a Demetrie, vierge romaine, dit ainsy: «Les femmes et filles dediees a Dieu qui vivent dans le monastere et desquelles aussi il y a grand nombre, ne doivent jamais sortir seules, [296] sans mere.» Et en l'epistre a Principie, il tesmoigne qu'il y avoit de son tems, a Rome, force monasteres de vierges.

  A025002173 

 Saint Ambroyse, au commencement du Livre troysiesme des Vierges, semble vouloir dire que sa seur sainte Marcelline, ayant esté consacree a Dieu le jour de Noël et en l'eglise de Saint Pierre de Romme par le Pape Liberius, entra quant et quant en quelque Congregation, quand il dit qu'il y avoit quantité de servantes de Dieu qui disputoyent de sa societé; c'est a dire, comme je pense, qui desiroyent de l'avoir a l'envi en leurs Congregations, car saint Augustin tesmoigne quil avoit veu a Milan et a Romme plusieurs assemblees de vefves et filles qui vivoyent ensemble et avoyent chacune une Superieure.

  A025002174 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, escrivant aux Philippiens: «Je salue,» dit il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et finalement, en l'epistre aux Antiochiens: «Que les vierges,» dit il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et en l'epistre a Heron: «Conserve,» dit il, «les vierges comme joyaux de Jesus Christ.» De sorte que les Colleges ou Congregations des femmes et filles devotes estoyent des-ja introduites et louees en l'Eglise du tems des Apostres; qui rend d'autant plus probable ce qui a esté dit de celles que la glorieuse Vierge et sainte Marthe instituerent..

  A025002175 

 Or, du despuis ces Congregations de filles et femmes se sont rendues differentes et de deux sortes: car les unes ont esté reduites en terme de Religion formelle au moyen de la Profession que l'on y fait par les vœux solemnelz, et telles sont celles des Carmelines, Jacobines, Chartreuses, de sainte Claire, de Cisteaux, de Fontevrault; des autres sont demeurees en tiltre de simple Congregation, a la façon des anciennes.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002176 

 Les Religieux des vœux solemnelz et parfaitz tiennent le second rang, comme obligés a suivre les principaux moyens et conseilz propres a s'acquerir la perfection, et ce par une obligation si estroitte, que non seulement en conscience, mais encor selon la police ecclesiastique, ilz ne peuvent en estre delivrés que par l'extraordinaire et souveraine puissance de l'Eglise.

  A025002177 

 Le quatriesme rang est de certains Ordres que le Saint Siege a receu et appreuvé en tiltre de Religion, encor qu'ilz ne facent pas tous les vœux essentielz, et que, de plus, ilz ne facent que des vœux imparfaitz en comparayson des autres Religieux; d'autant qu'ilz ne vouent ni la chasteté absolue, ni la pauvreté entiere, ni l'obeissance que pour certaines actions.

  A025002178 

 Le cinquiesme rang appartient a toutes les autres Congregations, tant d'hommes que de femmes, esquelles on s'oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et declaration publique, a la prattique des conseilz evangeliques; lesquelles, bien qu'elles soyent de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnés, quant a la prattique, ne sont pas neanmoins si avant dans l'estat de la perfection selon la police exterieure de l'Eglise, ni ne portent pas le tiltre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclesiastiques, puisque le Saint Siege ne leur donne pas ce nom, ains les laisse sous le simple nom de Congregations pieuses et devotes, comme tesmoigne le docteur Navarre en deux conseilz donnés pour les Dames oblates de la Tour des Mirouërs de Rome.

  A025002181 

 Certes, presque toutes les Religions, despuis plusieurs centaines, d'annes, praetendent tous-jours de se pouvoir estendre en [300] toute l'Eglise, sous l'obeissance d'un General qui gouverne par tout leurs Congregations, sans dependance de la jurisdiction ordinaire des Evesques: ce qui ne se peut faire que par la puissance generale du Saint Siege Apostolique, estant raysonnable qu'un Ordre qui se respand sur tout le cors de l'Eglise en ayt le congé du directeur universel d'icelle; car une Congregation dilatee parmi le Christianisme sous un chef extraordinaire, ne devroit elle pas estre appellee faction, monopole ou sedition, plustost que Religion, sinon qu'elle fut appreuvee de l'Eglise?.

  A025002181 

 De tout ce que nous avons dit jusques a present provient la difference que l'on observe entre l'erection et l'institution des Congregations qui portent tiltre de Religion, et les Congregations qui sont marquees du seul nom de simple Congregation; car nulle Religion ne peut estre instituee sans l'expresse approbation du Siege Apostolique, ayant esté ainsy determiné au Concile de Latran.

  A025002182 

 C'est pourquoy, cette approbation appartient ou au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, tient la surintendence generale en l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose quant a ce point; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux et celle des Conciles au Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit saint Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002182 

 Or, il ne suffirait pas pour cela qu'elle fut appreuvee par aucun Evesque particulier, car l'authorité des Evesques particuliers ne s'estend pas sur toute l'Eglise.

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002183 

 Mays quant aux simples Congregations, elles ne sont [301] point exemptes de l'authorité ordinaire, ains demeurent avec le reste du peuple en l'obeissance spirituelle des Evesques des lieux ou elles sont establies.

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002186 

 Telle semble estre a Milan la Congregation ou College des Dames appellees Guastales qui ne font qu'une simple promesse au College d'y demeurer en servant Dieu..

  A025002187 

 Il y en a des autres ou l'on fait des vœux simples: comme l'on void en la pluspart de celles de la province de Milan, esquelles les Seurs font vœu publiq de chasteté et de perseverer en l'obeissance des Regles, ainsy qu'il appert par les formulaires de leurs receptions, qui est presque [306] semblable, quant a ce point, a celuy que les Oblatz de Saint Ambroyse observent quand ilz font le vœu..

  A025002188 

 En quelques Congregations on ne s'astreint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en celle de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz susmentionnés, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comme il est porté au livre de leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002191 

 Or, quant aux Congregations de femmes et filles, l'un des principaux moyens pour leur acheminement a la perfection a tous-jours esté la clausure ou reclusion, que le tres sacré Concile de Trente reduit a deux pointz: 1.

  A025002191 

 Qu'elles ne sortent jamais, voire mesme pour un peu de tems, si ce n'est pour quelque cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque; 2. et que nul, quel qu'il soit, non pas mesme les femmes, ne puissent entrer en leurs monasteres sans la licence de l'Evesque ou du Superieur, obtenue par escrit, laquelle ne doit estre donnee que pour des cas necessaires..

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002193 

 Du tems de sainte Claire, les Seurs converses entroyent et sortoyent librement pour le service des Monasteres: tesmoin celle laquelle, lhors que la Sainte luy lavoit les piedz, la blessa au visage, et l'advertissement qu'elle leur donne en la Regle de ne rapporter pas des nouvelles de dehors; comme aussi le glorieux saint Charles, avec les Evesques de sa province, permettent les entrees et sorties des dites converses selon les occurrences.

  A025002193 

 En des autres, tres reformés et pieux, les filles seculieres sont receues pour estre instruites, ainsy que l'on peut voir en toute l'Italie et qu'il est tesmoigné es Conciles provinciaux celebrés sous saint Charles a Milan.

  A025002193 

 Et en l'Ordre si saint des Carmelines on fait quelquefois sortir les Religieuses pour les transferer d'un monastere en un autre; et tout cela se fait tres religieusement..

  A025002194 

 Certes, la clausure absolue, perpetuelle, rigoureuse et si estroitte, que plusieurs estiment estre la seule vraye clausure, ne fut jamais guere en usage parmy les anciens, desquelz la bienheureuse simplicité ne requeroit pas une si exacte rigueur; ains ilz se contentoyent d'une clausure moderee, qui avoit pour bornes la bienseance de la vocation [311] religieuse: en sorte que les hommes n'entrassent jamais es lieux des Religieuses sans cause tres urgente, et avec une circonspection qui ostast le juste sujet de tout sinistre soupçon, et que d'ailleurs les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, avec tant de bienseance que nul ne peust avec rayson les blasmer.

  A025002195 

 Saint Hierosme parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de sainte Paule, en Bethleem: «Elles sortoyent,» dit il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour; chasque trouppe [312] suivoit sa mere particuliere, et de la s'en retournant pareillement, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.».

  A025002196 

 Saint Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocœse: «Quand vous sortes,» dit il, «marches ensemble; quand vous seres arrivees ou vous allés, demeures aussi ensemble.

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002199 

 Voire, mesme es maysons seculieres des anciens Hebreux et orientaux et de plusieurs seigneurs de divers endroitz de l'Europe, les femmes et filles ont eu leurs, quartiers retirés et a part de celuy des hommes..

  A025002201 

 Et a la verité, tout ainsy qu'il faut exalter la clausure: [316] rigoureuse comme clausure plus parfaite, aussi est ce une tentation extreme de n'en vouloir aucune autre en l'Eglise; car si bien il semble que par cette rigueur on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, toutesfois en effect on la diminue extremement, en leur ostant la commodité des retraittes moderees et faciles que l'antiquité et l'experience a tesmoigné estre fort utiles au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002202 

 Dieu a disposé plusieurs estages en sa mayson, et la hauteur et dignité des uns n'empesche pas l'utilité des autres.

  A025002202 

 Dieu a donné l'instinct aux oysillons de nicher dans les buissons et sur les arbres [317] des vallees, aussi bien qu'aux aigles de faire leurs retraittes es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002203 

 A changer les Superieurs et Superieures des Religions tous les troys ans, il y a du danger d'amoindrir leur authorité; de les avoir perpetuelz, il y a du peril de leur donner sujet d'audace et de fierté.

  A025002203 

 Il ny a point de genre de vie en ce monde auquel il ne survienne des inconveniens.

  A025002203 

 La mendicité es Monasteres des femmes les met bien souvent au hazard d'une solicitude trop active, d'une recherche de faveurs trop affectee et d'un chagrin accompaigné de plusieurs plaintes; et les moyens donnent ouverture a la pompe et outrecuydance..

  A025002203 

 Quelques Religions se treuvent bien d'avoir des Generaux qui les visitent par tout le monde; les autres estiment d'estre mieux gouvernees de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002205 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations [319], une mediocre clausure suffira pour y faire des bonnes servantes de Dieu; s'il n'y regne pas, la plus estroitte clausure du monde ne suffira pas.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002213 

 C'est pourquoy cela appartient au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, a la surintendence generale sur l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux, et celle des Conciles en celle du Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit S t Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002213 

 Or, une Congregation de cette sorte ne pourroit estre appreuvee par aucun Evesque particulier; car l'authorité des Evesques particuliers ne s'estend pas sur toute l'Eglise.

  A025002214 

 Mays quant aux simples Congregations, elles ne sont point [301] exemptes de la jurisdiction ordinaire; elles n'ont point de chef extraordinaire a part, ains demeurent, comme le reste des fideles, une chascune en l'obeissance spirituelle et sous l'authorité ecclesiastique des Evesques des lieux ou elles sont establies..

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002217 

 .................................................[304] et autres, comm'il appert par les livretz des Regles quilz leur ont donnees, imprimees en divers endroitz d'Italie.

  A025002219 

 DES DIVERS LIENS ET DIFFERENTES FAÇONS DE S'OBLIGER A LA PRATTIQUE DES CONSEILZ EVANGELIQUES QUE L'ON OBSERVE ES CONGREGATIONS.

  A025002221 

 Et telle semble estre a Milan la Congregation ou College des Dames appellees Guastales, [lesquelles ne font ni] vœu, ni serment, ni oblation, ains.......................................................................................

  A025002221 

 Il y a des Congregations esquelles on n'est obligé ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple et volontaire entree, par laquelle en effect on se joint a icelles: comme l'on fait en la Congregation de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de voeu, ni de serment [305], ni d'oblation manifeste, mays il est expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont ne puisse pretendre d'introduire aucun lien de semblable nature; telle ayant esté l'intention du grand Bienheureux Philippe Nerie, l'Instituteur.

  A025002223 

 es formulaires de leurs receptions, qui est presque semblable [306] a celuy que le glorieux S t Charles prescrivit a ceux qui font le vœu en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse..

  A025002224 

 En quelques unes on ne s'astraint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en la Congregation de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse a Milan, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comm'il est porté en leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002229 

 DE LA DIVERSITÉ DES CLAUSURES ES CONGREGATIONS DES FEMMES.

  A025002231 

 Il y a une clausure ou reclusion des femmes que l'on appelle perpetuelle, rigoureuse et absolue, qui comprend deux parties..

  A025002233 

 Et telle est la clausure de plusieurs Religieuses en divers endroitz du Christianisme, a laquelle quelques unes ont adjousté de ne lever jamais leurs voyles et de n'estre jamais veues, non pas mesme au travers des treilles..

  A025002234 

 C'est pourquoy ilz se contentoyent des parties essentielles de la clausure: c'est a dire, que les hommes n'en- [311] trassent jamais es monasteres des femmes sans cause tres urgente, et en sorte que leur entree ne peut causer aucun soupçon; et que les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, et avec tant de bienseance que nul ne peut avec rayson les blasmer.

  A025002235 

 St Hierosme, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de S te Paule, en Bethleem: «Elles sortoyent,» dit il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise; chasque [312] trouppe suivoit sa mere particuliere, et de la s'en retournant pareillement, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignees ( sic ).».

  A025002236 

 S t Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocsese: «Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.

  A025002239 

 par la consideration des causes, qui doivent estre saintes, graves, appreuvees par l'Evesque, de sorte qu'elles ne sortent jamais pour aller passer le tems, ni pour aller simplement visiter les parens et amis, ni pour aller faire des complimens, ni pour aller acheter, vendre, playder et semblables mondanités messeantes a des ames qui font profession d'avoir renoncé au siecle, a la mayson paternelle, aux parens et en somme a toutes affections, hormis a celles que la charité commande.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002244 

 Mays les Congregations simples n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains pour ceux encor de la charité envers le prochain, estant receues et appreuvees de l'Eglise pour des simples, louables et saintes retraites esquelles d'ailleurs [315] on ne fait les oblations ou vœux a Dieu que pour cette seule vocation et genre de vie que le sçavant et tant pieux Navarrus, appelle saint, partant la bienseance de leur vocation les obligent ( sic ) a quelque sorte de clausure, ne permettant non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet aux plus estroittes Religions, car cet article icy est essentiel a la bienseance de leur vocation, Mays quand au reste, demeurant en liberté de sortir et de laisser entrer les filles et femmes seculieres, pour plusieurs autres raysons, outre celles pour lesquelles la sortie ou l'entree des femmes est permise aux Religions reformees..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002246 

 Dieu a disposé plusieurs estages en sa mayson, et la hauteur ou dignité des uns n'empesche pas l'utilité des autres.

  A025002246 

 Dieu a donné l'instinct aux petitz oysillons de faire leurs petites retraittes dans les buissons et sur les arbres des [317] vallees, aussi bien qu'aux aigles de les faire es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002247 

 Il ny a point de genre de vie en ce monde auquel on ne treuve des inconveniens.

  A025002247 

 La solitude tire souvent apres soy la melancolie, la hantise des hommes apporte de la dissolution; l'estude et les lettres enflent, l'ignorance traine la rusticité et bestise.

  A025002248 

 La mendicité es Monasteres tire souvent apres soy une solicitude plus active, des recherches affectees et des plaintes continuelles; les moyens donnent de la fierté et de l'outrecuydance.

  A025002248 

 Souvent pour eviter un danger present, on employe des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; mais l'esprit humain se contente, pourveu qu'il se desface des affaires, et luy est advis que le mal n'est pas mal, pourveu quil ne paroisse pas..

  A025002248 

 [318] Quelques Monasteres de femmes sont regis par des Superieurs reguliers, les autres par les Ordinaires, et on treuve des raysons pour l'une et pour l'autre administration.

  A025002249 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations, [319] une mediocre clausure suffit pour faire des bonnes servantes de Dieu; s'il ne regne pas, la plus estroitte du monde ne suffit pas.

  A025002249 

 Or, l'esprit de pieté regnera tous-jours si les Superieurs prouvoyent de bons Peres spirituelz et ont le soin quil convient pour l'observation des Regles et la conservation de la discipline devote.

  A025002254 

 L'une est qu'il y a pour les filles du regret et du desplaysir qu'elles ayent les obligations essentielles de la Religion et qu'elles n'en ayent ny le nom, ny le merite, ny la perfection, ny les Indulgences; et que les liens qui les tiendront en cete Congregation ne soyent pas si fermes et indissolubles qu'elles ne puissent craindre de veoir, sinon an ces premices de l'esprit de devotion, au moins dans quelques annees et par succession des temps, des tentations et des desordres parmy elles..

  A025002255 

 C'est l'un des poincts que les Parlemens de ce royaume ont remarqué contre l'institut des Jesuites, encor que pour le regard de ce dernier il y ait moins de dangers..

  A025002255 

 Ce qui est d'autant plus grief en France, a cause de la liberté de conscience; car si une fille tentee vient a se faire protestante, elle demandera son partage au bout de vingt ans, et fauldra le luy bailler, et le prendre sur tel qui l'aura dissipé il y aura dix ans; et sur cela, combien d'actions hypothecaires, combien de reductions de familles! Les Edicts ont reglé et empeché cela quant a celles qui ont faict les vœux solemnels et profession en des Religions approuvees; mais ces Filles de la Visitation, lesquelles n'auront faict ny vœux solemnels, ny profession an Religion, ne sont point comprises dans les reglemens et exceptions des Edicts; et partant, elles reviendroient an partage comme les aultres protestans.

  A025002256 

 Et si quelques unes y entrent, voyla des proces, et la Congregation a la censure du Parlement, qui sans doute n'approuvera pas cela, et renversera tout l'Institut comme des choses nouvelles et contrayres aulx coustumes du royaume..

  A025002256 

 Il fault adjouster que par la coustume generale de ce royaume les hommes ou femmes proffés en des Religions ne succedent plus aulx biens temporels qui leur pourraient escheoyr; mais tels biens appartiennent a leurs parens plus proches.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002259 

 Et a la verité, quand il n'an seroit point question, la prudence doit aprendre aux Prelatz et Superieurs de ces Maisons, qu'ils prenent soigneusement garde a ne laisser pas des portes ouvertes par lesquelles le peché et l'inquietude puyssent entrer an l'ame des Sœurs, le desordre et la honte dans les Maisons, et le scandale dans le monde..

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002263 

 Mais on respond, qu'an ce siecle et dans la France ces vœux simples et ces sorties pourroyent tirer apres soy des inconveniens et des incommoditez sans comparaison plus importantes et plus considerables pour le publiq, que ne doibt estre la consolation et le contentement d'un fort petit nombre de personnes; car c'est une chose bien rare qu'une veufve touchee de ces ardeurs efficaces de devotion, et neantmoings tellement attachee aulx affayres de ses enfans qu'elle ne s'an puysse descharger sur quelques parens.

  A025002263 

 Quant a l'aultre fin, qui est de donner une retraitte a des personnes lesquelles sont encor dans le monde pour quelques restes d'affaires et sont pourtant obligees d'an sortir quelquefois pour y pourveoyr, la verité est que la Religion ne peult admettre telles personnes, pour ce qu'elle enjoinct de vivre an perpetuelle closture, laquelle exclut toutes sorties.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002265 

 Les principaulx docteurs de la Sorbonne n'ont ils pas resolu que la marquise de Magneley seroit mieulx au monde qu'an Religion? Et le Pape, an suite de cete resolution, ne luy a il pas commandé par son Nonce qu'elle demeurast au monde? Sera il dict que pour une veufve qui paroistra au monde comme un phœnix an un siecle, il faille tenir un bon nombre de filles an des Congregations, plus tost que dans le nom et la profession d'une Religion?.

  A025002265 

 On veoyt souvent a Romme des veufves, niepces des Papes, faire publiquement an l'eglise vœux de continence et chasteté idduale, et puis retourner an leur maison a l'instruction de leurs enfans et gouvernement de leurs biens.

  A025002266 

 Il se collige encor des dicts livres que ces Congregations sont fort differentes de celle de la Visitation; et pourtant, si l'on veult inferer de celles la a celle ci, il an fault trouver quelques unes qui luy soyent du tout semblables, et signamment an donner une an laquelle il y aye communaulté, eglise, chœur, Sainct Sacrement, habitz de Religieuses, profession des trois vœux, et de laquelle on veoye sortir de temps a aultre une mere, pour aller, comme tutrice et curatrice de ses enfans, faire des contractz et baulx a ferme..

  A025002267 

 Encor puyssé je dire davantage, qu'on a parlé plusieurs fois de supprimer ce Monastere; son antiquité et les Cardinaulx parens des Religieuses l'ont conservé, mais il est unique an Italie..

  A025002267 

 Je puis asseurer que cela n'est point a la Tour des Mirouers a Romme, an laquelle depuis long temps an ça, on ne reçoit gueres que des filles aulxquelles l'on permet quelques fois d'aller dans la [326] ville visiter quelques parens malades, a la charge de retourner le soir au logis; mais de se mesler d'affayres, il ne s'an parla jamais.

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002269 

 Tant il y a, que voyant une Religieuse par le monde et dans les affayres, il s'an scandalisera; tant y a, que les Monasteres lesquels an execution du Concile on veult remettre an closture, auront fort que dire et dequoy se plaindre; tant y a, que les protestans et les libertins auront dequoy censurer les clostures de nos Monasteres, puisque par le moien des Congregations nous sçavons bien nous an passer, et prouver qu'elles n'estoyent point an la primitive Eglise; tant y a, que ces sorties seront occasion de grandes distractions aux Sœurs qui sortent, et de tentations a celles qui demeurent a la maison, et, par succession de temps, l'on ne peult que l'on n'an apprehande des desordres.

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002271 

 Il y a plus de la part des Religieux ou casuistes qui, entendant parler de cete Congregation, an louent grandement les exercices, et admirent la pieté de l'Instituteur et sa charitable prevoyance, deferant infiniment a sa suffisance et a la lumiere que le Ciel luy donne; neantmoings, quand il est question d'accorder ces vœux et ces sorties, et ces aultres inconveniens sus allegués, chacun subsiste; et si l'on les proposoit sans alleguer l'autheur, beaucoup diroyent qu'an cete saison et an ce pais cela est fort dangereux; et ne croit on pas qu'il se puysse trouver aultre exemple d'aulcune Congregation religieuse an laquelle il entre des femmes encor chargees d'affaires, qui, an habit de Religieuse, an sortent de fois, a aultre pour pourveoir aulx dictes affaires..

  A025002272 

 Si, nonobstant toutes ces considerations, il est jugé expedient de demeurer an termes de simple Congregation, on remarque que l'invocation de la Visitation ayant esté prinse sur le dessein que les Sœurs serviroyent les malades, et ce dessein ne se devant plus effectuer, il sembleroit a propos de changer cete invocation et prendre celle de la Presentation de Nostre Dame, a laquelle l'oblation des Sœurs peult avoir plus de rapport.

  A025002273 

 Et il ne fault pas dire qu'an cela le Sainct Siege fasse prejudice aulx Ordinaires; car nous sommes tous d'accord qu'il leur laisse ce qui leur appartient, et qu'ils peuvent eriger des Congregations et Confreries seculieres tant qu'ils vouldront.

  A025002273 

 Et ne semble pas asses asseuré de recourir a la distinction des vœux solemnels et simples, et des Congregations et Religions; car, oultre que ce seroyt eluder l'intention desdicts Conciles, qui a esté d'empescher les nouveautés et diversités an l'Eglise (et ces Congregations sont les vrays moiens de les introduire, estant certain que jamais deux Evesques ne seront du mesme advis), il est apparent que cete prohibition s'estend aulx Congregations que vouldroyent introduire les Evesques, puisqu'elle requiert l'approbation Apostolique.

  A025002273 

 L'on doubte si tels vœux publiqs et avec solemnité ecclesiastique se peuvent faire avec l'authorité des Ordinaires, sans authorité et approbation Apostolique; et croit on qu'il n'y a point d'exemple de cela an l'Eglise, ains cela semble directement contraire a la disposition des Conciles de Latran et de Trente, qui portent defense d'introduire aulcune sorte de Religion nouvelle sans l'approbation du Sainct Siege.

  A025002273 

 Mais nous disons qu'ils ne peuvent pas, soubs le nom de Congregation ou College, eriger des assemblees qui ayent toutes les, marques et l'essence encor des Religions, an sorte qu'il n'y aye a dire que le nom: les trois vœux, la communauté, l'eglise, Sacrement, le chœur, chanter tous les jours les divins Offices; et que? peult on avoir plus que cela an la Religion?.

  A025002274 

 L'on dict: La Religion a, de plus, qu'elle est approuvee du Pape, et qu'on y faict des vœux solemnels et plus indissolubles..

  A025002275 

 Je respons qu'a la verité voyla deux marques principales de la Religion qui ne conviendront jamais aulx Congregations; mais je dis que quand les Conciles ont deffendu d'eriger des Religions nouvelles, ils sçavoient fort bien qu'il n'y a que le Pape qui les puysse eriger avec ces conditions la, puisqu'elles ne peuvent estre [329] sinon an suite de l'approbation du Pape.

  A025002275 

 Mais l'intention des Conciles a esté d'empecher les nouveautés et diversités an l'Eglise..

  A025002276 

 Bien est vray qu'il seroyt a propos de laisser cete oblation avec ces trois vœux, si l'on le peult faire canoniquement; car cela consoleroit fort et les Sœurs qui entreront an la Congregation, et leurs parens, attendu que chacun n'entend pas ces distinctions des vœux simples et solemnels, et pourtant sembleroit aulx uns et aulx aultres que ce soyt vrayement Religion: qui ne seroyt qu'un bon et pieux equivoque.

  A025002276 

 Mais si cela ne se peult faire canoniquement, il fauldra se restreindre au vœu de chasteté et au ferme propos et establissement du reste; et possible seroyt il a propos de le concevoir ainsy: «Je, N., fais vœu a Dieu de le servir en perpetuelle chasteté, et de vivre et mourir en la Congregation de ceans, selon les Regles et Constitutions d'icelle.» Et dans les Regles on expliquera que l'on ne fait pas vœu expres de pauvreté et d'obeissance, mais que les Sœurs observeront pourtant l'un et l'aultre volontairement et pour l'amour de Dieu, avec aultant de fidelité et de courage que si elles y estoyent liees et obligees par des vœux les plus solemnels du monde..

  A025002276 

 Quoy qu'il an soit, cete oblation avec les vœux est jugee perilleuse, et il fauldroit avant s'informer si elle se prattique an quelque lieu soubs la simple authorité des Ordinaires, pour ne pas commencer cela sans quelque grand exemple.

  A025002277 

 An ce poinct on pourra se servir du privilege des Congregations et se dispenser an quelque chose du droict commun, faisant durer le noviciat 2, 3, 4, plusieurs annees, selon qu'il sera besoing pour liquider les affaires de celles qui auront esté receues..

  A025002277 

 Mais pour les affaires temporelles des Sœurs, les sorties ne seront permises sinon pendant le noviciat, et jamais apres l'oblation; et partant, avant que venir a l'oblation, soit filles ou veufves, devront estre deschargees de toutes affaires.

  A025002277 

 On remarque encor ce qui est des entrees des hommes an la Congregation, et pour les sorties des femmes.

  A025002277 

 Pour le premier, il les fauldroit restreindre a celles des peres et enfans seulement, et au cas de l'extreme maladie des Sœurs; et pour les sorties des Sœurs, il fauldroit declarer qu'elles se concederont fort rarement et pour quelques grandes, necessaires raisons, comme pour aller faire quelque fondation.

  A025002278 

 Avec cet expedient et cete moderation, l'on pourrait pourveoir an partie aulx inconveniens qui procedent des sorties, et satisfaire par mesme moien aulx desseins et a l'intention de la Congregation, qui est de donner retraitte a des veufves, bien que chargees encor de quelques affaires pour lesquelles il leur fust besoin de sortir quelquefois au monde; intention que l'on trouve bien louable et charitable, s'il estoit aussy aysé de rencontrer les moiens de l'executer sans inconveniens et incommodités..

  A025002278 

 Et afin qu'elles puyssent sortir sans murmuration des seculiers, il fauldra ordonner qu'an sortant de la Congregation pour leurs affaires, pendant le noviciat comme est dict, elles ne porteront point la barbette, ny le voile blanc de la Congregation, ains iront an habit modeste, comme des veufves chrestiennes et devotes; ou plustost (cela sembleroit encor mieux) a icelles veufves, pendant [330] leur noviciat, on ne changeroit point d'habit.

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002281 

 An tout cas, pourtant, quand il faudroit venir a faire des Regles separees, on a l'exemple des Evesques d'Italie, lesquels, an la province mesme de Milan, ne se sont pas entierement accommodés ny avec leur Archevesque, ny les uns avec les aultres..

  A025002281 

 Que si l'on ne peult pas demeurer d'accord, Monseigneur de Geneve disposera des siennes comme il luy playra et l'Archevesque de Lyon disposera des siennes comme il jugera a propos, soit an terme de Congregation, soit de Monastere, a quoy il incline bien fort, principalement s'il se fault diversifier an quelque chose de mondict Seigneur de Geneve; ce qu'il ne vouldroit an façon quelconque, et ne le feroyt jamais, qu'avec un regret extreme.

  A025002287 

 Premierement, on considera qu'en la province et ville de Milan il y en avoit quantité, toutes presque differentes les unes des autres; qui faisoit foy que ces erections estoyent pleinement au pouvoir des Evesques, d'autant plus que cette province la est advouee la mieux disciplinee qui soit en Italie..

  A025002288 

 Aussi, en l'affaire de M me de Gouffiers, on exprima qu'elle estoit en la May son de la Congregation des Oblates d'Annessi, et ni le nom, ni la chose ne fut point treuvee estrange: signe manifeste qu'elle est de l'espece des Institutz qui sont suffisamment appreuvés quand ilz sont erigés par les Evesques, desquelz les actions n'ont pas besoin d'approbation speciale, sinon es cas que le Saint Siege s'est expressement reservé..

  A025002288 

 Secondement, on en fit parler a Sa Sainteté, laquelle tesmoigna de la treuver bonne, accorda des Indulgences et benedictions sur un sommaire escrit qui luy fut fait par [333] le R. P. François de Beugey, Commissaire de la Province de la Mission des Peres Capuçins; bien que le seigneur Cobellutio ne voulut pas se departir du formulaire ordinaire lhors qu'il fit dresser le Brief desdites Indulgences.

  A025002289 

 Et l'exemple sus allegué de la province de Milan semble estre garend irreprochable de cette verité; comm'encor qu'il ne soit point necessaire que cette Congregation soit en tout semblable a quelqu'autre d'Italie, puisque mesme en cette province-la on void que chasque Evesque donne des Constitutions a celles qui sont en son diocœse, dissemblables a celles des autres, et mesme de leur Metropolitain, et Metropolitain tel qu'estoit saint Charles.

  A025002290 

 Cela, comme l'on pense, avec ce qui a esté escrit au papier ci devant presenté a Monseigneur l'Archevesque, peut suffire pour monstrer que l'erection de telles Congregations est tres loysible, d'autant plus que celle de la Tour des Mirouers de Romme est non seulement toleree, mais appreuvee expressement par le Saint Siege, et grandement louëe comm'une maniere de vivre sainte; tesmoin Navarre..

  A025002290 

 Et quant a dire l'Office ensemble, a la verité l'Evesque de Geneve n'a pas encor certitude si cela se fait es eglises de Milan, mais ouy bien que la permission de le dire n'est point du genre des choses prohibees aux Evesques, qui le permettent en Italie aux Confrairies des Pœnitens ou Disciplinanti, sans reprehension de personne; et ces Confrairies, composees de gens mariés, imitent en cela les Religieux [336] et le Clergé d'une bonne imitation.

  A025002291 

 Et en ces Congregations-la vivoyent et fleurissoyent les grans Saintz et grandes Saintes qui faysoyent leurs vœux en grande celebrité, mais sans solemnité; ainsy que font encor a present les estudians des Jesuites, lesquelz, s'ilz sortent sans congé apres leurs vœux simples, sont voyrement apostatz, puisqu'ilz sont tenus pour Religieux, mais les mariages qu'ilz contractent ne sont pourtant pas invalides, puisque en cela seulement consiste la solemnité du vœu de chasteté, laquelle n'a jamais esté en leur vœu..

  A025002291 

 Et toutes, presque, les anciennes Congregations estoyent de cette nature, les vœux solemnelz des Religieux et Religieuses n'estans introduitz que despuis cinq cens ans en ça, ainsy que remarque doctement Hieronimus Platus, in lib. De Bono status religiosi.

  A025002291 

 Mays, que non seulement elles soyent loysibles, ains aussi utiles au salut des ames et gloire de Dieu, il est advis qu'on n'en puisse pas douter sans blasmer ces bons Evesques d'Italie, qui, avec beaucoup de soin, les erigent, dressent et instruisent; laissant a part que la chose parle d'elle mesme.

  A025002292 

 Si donq ell'est loysible, on ne peut douter qu'elle ne soit tres utile, sans que pour cela on veuille l'esgaler en reputation, dignité et perfection aux Religions formelles ou Congregations des vœux solemnelz; car en l'Eglise il [337] y a des rangs et methodes pour le service de Dieu en grand nombre et en grande difference, tous bons, tous honnorables, mais plus les uns que les autres..

  A025002293 

 Car, quant a la visite des malades, elle fut plustost adjoustee comme exercice conforme a la devotion de celles qui commencerent cette Congregation et a la qualité du lieu ou elles estoyent, que pour fin principale.

  A025002293 

 La fin particuliere de l'erection de la Congregation de la Visitation en la ville d'Annessi, fut la retraitte des filles infirmes de cors ou pour l'imbecillité de la complexion, ou pour l'aage, et des vefves encor aucunement attachees aux affaires de leurs enfans, ainsy quil est dit es Regles; comm'encor le refuge et retraitte des femmes qui demeurent au monde, quand elles desireroyent prendre des resolutions et instructions pour mieux et plus saintement vivre en leurs maysons et mesnages.

  A025002294 

 Et quant a l'entree des peres et enfans, s'il est treuvé bon de les gratifier, on croid que ce sera beaucoup de consolation pour eux et sans apparence de peril, la chose estant bien conduite avec l'entree des medecins et confesseurs..

  A025002295 

 Pour la retraitte des vefves qui seront encor obligees de sortir parfois, il suffira aussi qu'elles la facent en habit seculier et modeste, jusques a ce qu'elles soyent du tout delivrees des necessités de sortir..

  A025002296 

 Et pour satisfaire encor plus pleinement aux conceptions des hommes du monde, on pourroit, ce semble, obtenir aysement de la Cour de Parlement, ou du Conseil du Roy, que les renoncemens faitz par les filles, a leur entree, des pretentions temporelles, tiendroyent; aux reserves de ce qui leur seroit accordé en leurs entrees, qui demeurera acquis a la Congregation, sinon en cas d'expulsion, qu'il leur sera rendu, ou a leurs parens, pour leur entretien, sans qu'elles puissent prœtendre autre chose; car une telle declaration seroit utile, pour le temporel, aux familles, et pour la descharge des Maysons, et par consequent il y a lieu de croire qu'il seroit facile d'obtenir.

  A025002297 

 Aussi ce tiltre de Visitation est fort authentique; et pourveu qu'on soit d'accord des choses, il semble que les noms sont de fort peu de consideration..

  A025002298 

 Pour la forme des vœux, il importera aussi fort peu, et Monseigneur l'Archevesque pourra la dresser a son gré; quoy que celle qui avoit esté dressee est pareillement conforme a celle des Congregations de la province de Milan, que Monseigneur l'Archevesque pourra voir es livretz quil a, si toutefois la memoyre de l'Evesque de Geneve ne le trompe..

  A025002299 

 Mais, en fin finale, parce que l'on void clairement que l'esprit de Monseigneur l'Archevesque auroit une plus entiere et aggreable satisfaction que cette Congregation fust convertie en une Religion formelle, sous la Regle de saint Augustin, avec les mesmes Constitutions qu'ell'a maintenant, l'Evesque de Geneve y acquiesce aussi fort librement et de grand cœur, non seulement pour le respect, honneur et veneration qu'il doit a l'esprit majeur, mais aussi parce que, selon quil peut discerner des articles proposés, tout ainsy que Monseigneur de Paris a converti la simple Congregation des Urselines en Religion formelle sans changer la fin principale de la Congregation, de mesme, en la transmutation de la Congregation de la Visitation en Religion formelle on pourra exactement garder la fin d'icelle Congregation: ce qu'estant, il n'y a rien a dire que la Religion formelle ne soit plus desirable pour la reputation envers le monde, et pour la descharge particuliere [340] de l'Evesque de Geneve qui n'aura plus occasion de faire des apologies et esclarcissemens pour la Visitation..

  A025002300 

 Or, la fin de la Congregation sera aysee a conserver dans la Religion, pourveu que cette fin soit aymee, aggreée et favorisee autant qu'elle le merite et qu'en ces quartiers des Gaules la necessité du bien des ames le requiert; car, quand mesme il faudroit avoir approbation expresse du Saint Siege, estant bien remonstré que les vefves en ces païs de deça, pour resolues qu'elles soyent, ne peuvent demeurer en leurs maysons sans des continuelles sollicitations au mariage, sans estre attaquees, courtisees et exposees a mille incommodités a cause de la grande liberté qui regne entre les deux sexes, il n'est pas croyable qu'il ne soit treuvé bon qu'on les retire dans cette Congregation en leurs habitz, et a la charge qu'y estant, elles se conforment aux Regles et usages d'icelles, observant la clausure au plus pres quil se pourra..

  A025002302 

 On ne dit rien en cet endroit de l'expulsion des Seurs, parce que, puisqu'il s'agit de la Regle de saint Augustin, elle y est expressement marquee, et ne restera sinon de l'execution, comm'il est noté dans les Regles..

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002304 

 Reste qu'il playse donq a Monseigneur de Lyon de conclure toute cette affaire, afïin que, sans plus de delay, on puisse faire l'establissement en l'une des deux façons: d'autant que les Regles sont demandees de toutes partz et la Congregation desiree en plusieurs endroitz, et mesme en ce païs de Savoye; a quoy il n'est pas expedient de respondre ni correspondre que tout ne soit arresté.

  A025002315 

 Comme on l'a vu ci-dessus (p. 214), elles faisaient allusion à la visite de Notre-Dame à sainte Elisabeth, et à celle des pauvres et malades pratiquée à Annecy dans les premières années de la fondation: cette visite ne se fit jamais à Lyon..

  A025002316 

 Et partant, les Seurs voylees... ne sortiront point [343] du tout, sinon pour des causes... de grande importance, selon qu'il sera advisé par l'Ordinaire...».

  A025002316 

 b) L'article 6: Des sorties des Sœurs, a subi une modification considérable.

  A025002317 

 K. Or, le 18 avril 1615 le Fondateur écrivait à la Mère de Chantal, à Lyon: «Prenés garde a retenir la liberté des sorties extraordinaires: entre lesquelles, les Jubilés, la visite des proches malades, ouy mesme de quelques signalés bienfacteurs ou grand amy de la Mayson, et mesme de quelque sermon, comme celuy de la Passion, doivent, ce me semble, estre reservees...» (Tome XVI, pp. 344, 345; cf. aussi pp. 331, 332, 347.) A cette époque, donc, les articles 7 et 8 des Constitutions de 1613 étaient encore en vigueur..

  A025002317 

 c) La suppression des articles 7 et 8: Du retranchement des sorties, et Des sorties extraordinaires, qui figurent dans le Ms.

  A025002319 

 e) Dans l'article 15: De l'humilité, on trouve ces détails touchant la manière d'écrire des lettres (ils furent plus tard insérés dans le Coustumier ): «En s'escrivant, comme il pourrait arriver quand quelqu'une seroit envoyee pour dresser quelque Mayson...» «Et pour la façon de mettre l'adresse, l'exemple est à noter: «A ma tres chere Seur en N. S., Ma Seur Agathe Marcelline de Monmartre, en la Congregation de la Visitation a Lyon» ou «Annessi»..

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002321 

 A Lyon, la rénovation des vœux n'eut pas lieu, en 1615, le 21 novembre (voir tome XVII, lettre du 13 décembre à la Mère Favre, p. 104); il est bien permis de supposer que les dernières dispositions furent prises trop tard à Annecy pour que la Supérieure de Lyon en pût être avertie à temps; autrement, elle n'eût pas manqué de se conformer à la première Maison de la Congrégation..

  A025002321 

 g) L'article 45: Du renouvellement et confirmation des vœux, marque les exercices préparatoires, les cérémonies à observer et même la manière d'écrire ce renouvellement dans le Livre du Couvent: autant de choses qui n'ont dû être réglées que peu avant la «Saint Martin», 11 novembre, et peut-être écrites seulement après que le premier essai en avait été fait.

  A025002323 

 Après le retour de la Mère de Chantal à Annecy (vers le 26 ou le 27 octobre 1615) et la visite de M gr de Marquemont, le Saint dut se mettre de suite à l'œuvre pour revoir et corriger ses Constitutions qui avaient été le principal sujet des entretiens des deux Evêques.

  A025002325 

 a) Dans son Mémoire, l'Archevêque proteste contre les sorties même des veuves, pour l'arrangement des affaires de famille (voir ci-dessus, p. 325); dans notre Manuscrit, l'article 6 est complètement changé; le nouveau texte est écrit par M. Michel Favre sur deux bandes de papier collées en sorte que le texte primitif reste visible..

  A025002326 

 b) L'Archevêque demande que les entrées «des proches parens en cas de maladie perilleuse» soient limitées aux «peres et enfans seulement»; or, à l'article 3: De la clausure quant a la forclusion des hommes, la sainte Fondatrice a biffé les mots: «freres et les oncles, freres des peres ou des meres» (voir ci-après, var. 1833, p. 353).

  A025002328 

 Mais quelques lettres de la Mère de Chantal permettent de préciser davantage la date des corrections du Ms.

  A025002332 

 C'est un très beau Manuscrit, grand in-4 o, de 110 pages; les trois dernières sont blanches et les trois qui les précèdent sont occupées par la Table des matières; le premier feuillet, qui devait porter le titre, manque.

  A025002334 

 a) La plupart des modifications proposées par la Mère de Chantal dans le Ms.

  A025002336 

 c) A l'article 2, on remarquera la longue addition concernant la réception des veuves: recevoir seulement celles qui n'auront «pas des affaires qui tirent» à la longue et qui ne demandent pas «des frequentes sorties»; — essai de six semaines avant de «tirer les voix»; — si elles ont le consentement de la Supérieure et des Sœurs, on leur fera écrire leur admission, elles prononceront «le vœu de chasteté et de demeurer en la Congregation,» puis on les remettra pour une année à la Directrice, sans pourtant qu'elles «soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes»; — à la fin de l'année, si leurs affaires ne sont pas encore réglées, elles sortiront du Noviciat jusqu'à ce qu'elles soient «prestes a prendre [346] l'habit,» qu'on ne leur donnera point pendant qu'elles «ne pourront pas s'exempter de sortir,» et, par conséquent, elles ne seront pas «receues a l'establissement solemnel.» C'est encore ce que M gr de Marquemont avait demandé dans son Mémoire (voir ci-dessus, pp. 330, 331)..

  A025002337 

 P (voir ci-dessus, b), p. 342), mais avec ce titre: De la clausure des Seurs..

  A025002339 

 f) Le 25 avril 1617 le Saint écrit à la comtesse de San Secondo: «Or, voyla les Regles de la Visitation»; et le lendemain, à la présidente Le Blanc de Mions, à Grenoble: «J'envoyeray les Regles de la Visitation au premier jour; je les avoys fait des-ja transcrire, mais il les faut envoyer a Thurin, ou l'on pense a l'erection d'une Mayson puissamment.» (Tome XVII, pp. 383, 390.).

  A025002340 

 Saint François de Sales ayant prêché à Grenoble l'Avent de 1616 et le Carême de 1617 ne put certainement pas s'occuper des «Regles» pendant ces stations; aussi reste-t-il que la révision, commencée au mois d'août 1616, si elle n'était pas terminée avant la fin de novembre de la même année, dut s'achever en janvier de la suivante.

  A025002341 

 A partir de l'article 16 e jusqu'au 45 e inclusivement, de longs passages des Mss.

  A025002344 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses, divinement inspirees, bien souvent aspirent a la perfection de la vie chrestienne par le desir de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de leur Redempteur; lesquelles neanmoins, ou pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou pour avoir des urgentes obligations d'ordonner de tems en tems les affaires temporelles de leur mayson, ou bien en fin pour n'estre pas poussees et incitees a la recherche d'une vie rigoureuse, ne peuvent pas entrer es Religions austeres, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde, emmi le tracas ordinaire d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions, et aux occasions et dangers de pecher ou vivre sans devotion.

  A025002345 

 Affin donq que telles ames pleines de bonne affection ayent des-ormais moyen en ces quartiers de deça de se retirer du monde, fuir les occasions et dangers de se perdre, et s'appliquer doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette Congregation a esté dressee et procuree sur l'exemple de beaucoup d'autres, lesquelles, a mesme intention, furent instituees par le grand saint Charles et plusieurs autres Prelatz de grande authorité en Italie, et de celle que sainte Françoise fonda a Rome..

  A025002348 

 Non seulement les vefves ont eu acces a la pluspart des saintes Congregations du tems jadis, mais elles ont esté fondatrices de plusieurs d'icelles, comme il appert de sainte Paule, sainte Melanie, sainte Françoise et autres.

  A025002350 

 Faudra soigneusement prendre garde que telles vefves soyent bien appellees de Dieu et fort propres pour son service; qu'elles n'ayent pas des affaires qui tirent beaucoup en longueur ni qui requierent des frequentes sorties; que l'on leur face faire l'essay de six semaines avant que tirer les voix, au bout desquelles, si elles sont treuvees capables et qu'elles ayent le consentement de la Superieure et des Seurs, on leur fera escrire comme elles ont esté admises, ainsy qu'il sera marqué ci apres.

  A025002350 

 Que si dans cette premiere annee leurs affaires ne sont expediees, on les retirera du Novitiat jusques a ce qu'elles soyent prestes a prendre l'habit, que l'on les y remettra pour encor un an; car tandis qu'elles ne pourront pas s'exempter de sortir quelquefois pour le reglement des affaires de leur mayson temporelle, elles ne prendront point l'habit de la Congregation, ains demeureront en l'habit de leur viduité ordinaire, mais grandement modeste et simple; ni ne seront point, par consequent, receuës a l'establissement solemnel de la Congregation jusques a ce qu'elles soyent en liberté d'y demeurer et vivre sans sortir, comme les autres.

  A025002351 

 Il ne faudra pourtant recevoir des personnes tellement infirmes qu'elles ne puissent en point de façon observer la regle, sinon qu'elles fussent de telle et si grande consideration que l'on treuvast a propos de le faire.

  A025002352 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde et de vivre humblement et doucement, avec une parfaite obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des lienssi indissolubles comme beaucoup d'autres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution [351] supplee a tout cela, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025002354 

 Le principal point de la clausure des Congregations des femmes et filles est que leurs maysons soyent fermees aux hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la Mayson de cette Congregation, sinon pour chose necessaire et qui ne puisse estre executee que par l'entree d'iceux, pour laquelle il faudra encor avoir licence par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025002355 

 Le confesseur, donq, medecin, apothicaire, cyrurgien, maçon, charpentier ou tel autre venant par necessité en la Mayson, il sera conduit au heu ou il doit faire sa charge par deux des Seurs, lesquelles feront auparavant sonner une clochette, affin que l'on sache qu'il y a des hommes dedans, et que toutes les Seurs se retirent en leurs chambres et es lieux de leurs offices pour esviter d'estre veuës et rencontrees par ceux qui sont entrés..

  A025002356 

 Et quant au confesseur, tandis qu'il ouyra la confession des malades qui ne peuvent venir a la treille, ou qu'il donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il demeurera tous-jours en sorte qu'il soit veu des deux Seurs qui l'auront amené; et, tant les uns que les autres, ayant fait le devoir de leurs offices, seront reconduitz droit a la porte pour se retirer, et les Seurs qui auront la charge de cette conduitte, ni les amenant ni les [352] ramenant, ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025002357 

 Et affin que l'entree pour les malades se face avec moins d'interestde la closture, on observera de faire les infirmeries en sorte que pour y aller des la porte on ne passe point dans le dortoir, ains par les lieux moins sujetz au rencontre des Seurs..

  A025002357 

 Mais sil ne se peut pas faire aysement, on observera a leur entree et visite ce qui a esté dit des entrees des confesseurs et medecins; et que ce ne soit qu'une seule fois a chaque maladie que lesditz parens puissent entrer seulz, combien qu'avec le medecin et confesseur ilz puissent entrer plusieurs fois, ainsy qu'on le jugera expedient.

  A025002357 

 Or, outre ceux-la qui pour telles urgentes necessités pourront entrer dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Seurs et attendu qu'il n'y peut avoir aucune apparence de mal, les peres et les filz pourront entrer pour visiter leurs filles et meres, quand toutefois elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir et qu'on jugera leurs maladies devoir estre perilleuses; et s'il se peut bonnement faire, telz parens n'entreront qu'avec le confesseur ou medecin, affin qu'on ne multiplie pas les entrees.

  A025002361 

 Ce n'est pas un point essentiel de la closture des Maysons des servantes de Dieu que les autres femmes ne puissent pas entrer, comme il a esté declaré en la Praeface.

  A025002361 

 Mays pour autant que si l'acces leur estoit indistinctement permis, la paix des Seurs seroit grandement troublee, elles n'entreront que sous les conditions suivantes:.

  A025002364 

 Qu'a leurs entrees on observe ce qui a esté dit pour l'entree des cyrurgiens et medecins, horsmis que la Superieure pourra avec liberté faire entretenir celles qui entreront par les Seurs que bon luy semblera et es lieux qu'elle treuvera plus a propos, voire mesme pourra les admettre aux exercices de la Mayson, s'il y a apparence d'edification..

  A025002365 

 En tous cas, nulle des Seurs ne pourra parler a celles qui viennent de dehors qu'avec la licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veuë d'une autre Seur; bien que la Superieure pourra permettre, quand il luy semblera bon, que l'entretien se face sans que la Seur presente oye ce qui se dira..

  A025002366 

 On prendra garde que les femmes qui entrent ne troublent [354] point le train ordinaire des exercices de la Mayson, et pour ce on n'en recevra que deux ou trois a la fois, sinon que pour quelque grande et extraordinaire occasion il y eust licence par escrit d'en recevoir davantage; car autrement il y auroit danger de grande distraction et importunité..

  A025002368 

 Il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour y demeurer plusieurs jours, les femmes qui, pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie, ou pour se fortifier et confirmer en la vertu auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles obeiront a la Superieure, sans sortir de la Mayson ni permettre, autant qu'elles pourront, d'estre visitees.

  A025002369 

 Et on leur fera leur logis a part, affin qu'elles n'entrent [355] point dans les dortoirs ni aucun autre office de la Mayson, ni moins leurs filles de chambre, sans le congé de la Superieure; laquelle, par soy mesme ou par l'une des Seurs, leur fera toute assistence de conseil, livres et commodités propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant envers elles une tres cordiale charité de toute la Congregation..

  A025002378 

 Bien que les Congregations establies en tiltre de simple Congregation pieuse, tant a Romme mesme qu'es autres lieux d'Italie, ne soyent point sujettes a la rigoureuse et exacte clausure, en celle ci toutefois s'observera exactement [357] la clausure prescritte aux Monasteres par le sacré Concile de Trente, selon la forme et teneur des paroles d'iceluy qui sont telles: «Or, a aucune des Religieuses soit loysible, apres la Profession, sortir du monastere, pour peu que ce soit, sous quel praetexte que ce soit, sinon pour cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque.

  A025002379 

 Ce que neanmoins, quant a cette Congregation, sera entendu des Seurs qui seront voylees, les Seurs Servantes pouvant sortir, comm'il se prattique mesme en Italie en plusieurs Monasteres; et sauf encor quant aux entrees des femmes, qui pourront estre permises non seulement pour l'absolue necessité, mays, de plus, pour l'utilité, selon quil a esté dit en l'article 4; comm'aussi pour le regard de l'entree des proches parens en cas de perilleuse maladie des Seurs, comm'il a esté dit en l'article 3..

  A025002380 

 La clausure n'exclud pas les Seurs de sortir dans le chœur des prestres pour parer l'autel, a condition quil ny ayt personne estrangere, et que la porte de la nef soit [358] bien fermee; laquelle nef, comme aussi la grande treille et le parloir se fermeront en dehors par les Seurs Servantes qui en apporteront tous les soirs les clefz a la Superieure..

  A025002385 

 Elles disneront a dix heures, et apres qu'on aura sonné le Benedicite toutes seront en silence jusques apres Graces, qu'elles entreront en recreation jusques a mydi; des lequel jusques a Vespres elles se retireront et garderont silence, faysant leurs ouvrages, sauf qu'elles pourront dormir demi heure.

  A025002386 

 Et [360] des lhors elles seront en liberté pour relascher un peu leur esprit jusques a souper ou collation, qui se feront tous-jours a six heures..

  A025002386 

 Vespres dites, les Seurs font leurs ouvrages de conversation, devisant de leur lecture et choses utiles jusques a Complies, qui se disent a cinq heures a droitte voix, excepté les grandes festes que l'on chante le Nunc dimittis; et sont suivies des Letanies et d'une demi heure d'orayson mentale.

  A025002390 

 Complies se disent a droitte voix et a l'heure ordinaire, auxquelles on adjouste le Stabat chanté, suivi des Letanies a droitte voix et de l'orayson accoustumee.

  A025002395 

 Elles seront promptes au premier son de la cloche pour aller au chœur avec gravité et reverence; et y estant, apres avoir fait la genuflexion devant le Saint Sacrement, elles se mettront a leur place avec un maintien le plus devot qui leur sera possible; et ne parleront jamais entre elles, sinon pour chose extremement urgente, ni ne sortiront que pour des necessités fort pressantes..

  A025002397 

 Or, parce que les espritz humains ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous le praetexte de la devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel praetexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres quelcomques ordinaires que des Heures de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, Chapitres, himnes, versetz, Invitatoires et Oraysons es festes nommees ci dessus, selon quil est porté au Formulaire de leur Office; et par ce moyen elles auront tant plus d'occasion d'apprendre a bien, distinctement et gravement dire, prononcer et chanter leur dit Office..

  A025002403 

 Les manches de leurs robbes, longues jusques au fin bout des doigtz et larges en sorte qu'elles puissent aysement tenir leurs mains et bras pliés l'un sur l'autre dans leurs manches; et en somme, elles ne porteront rien qui ne ressente extremement la simplicité religieuse..

  A025002403 

 Leurs robbes seront sans cors et un peu amples, pour pouvoir faire des plis estans ceintes.

  A025002404 

 Leurs litz seront de mattelatz, et les tours d'iceux de simple estoffe brune, qui se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se puissent point voir l'une l'autre en se levant ou se couchant; et pour cela les ouvertures des tours de lit ne seront point tournees l'une contre l'autre.

  A025002408 

 On mettra le pain et le reste sur table si proprement et nettement qu'aucune des Seurs n'ayt besoin de racler, pincer ou rendre quelque tesmoignage de delicatesse particuliere..

  A025002410 

 Or, cette lecture doit estre tous-jours commencee par un article de la Regle, faite distinctement et clairement, avec des justes pauses de periode en periode, affin que toutes les autres estant en silence entendent sans peyne ce qui se dira.

  A025002411 

 L'une des Seurs qui auront mangé a la premiere table demeurera pour faire la lecture a la seconde, selon que la Superieure ordonnera..

  A025002412 

 La Superieure dira les Graces et Benedicite des clercz.

  A025002419 

 Sinon que la Superieure permette a quelques unes de se separer des autres au tems de la recreation, elles demeureront toutes ensemble pour s'entretenir (en faysant neanmoins leurs ouvrages) de quelques propos et devis saintement joyeux, avec paix, douceur et simplicité, sans pourtant louer leurs maysons, races et familles, ni murmurer ou mespriser personne, tant des particulieres en general, que des nations et provinces..

  A025002421 

 Elles ne joueront point en quelque sorte de jeu que ce soit, ni n'auront point dans la Mayson d'oyseau de recreation, ni des chiens, escurieux ou telles bestes d'amusement..

  A025002427 

 Mays celles qui ont quelque charge des affaires de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires; dequoy on ne [368] parlera point devant les autres Seurs, affin de laisser leur esprit en plus grande tranquillité et liberté..

  A025002429 

 Aucune n'entreprendra de faire des jeusnes, disciplines ou autres telles austerités qu'avec le congé de la Superieure; laquelle treuvant des filles de bonne et forte complexion leur en permettra quelques unes avec discretion, comme la discipline, et celles qui auront congé, la feront toutes ensemble le vendredi..

  A025002437 

 Chasque Seur ayant traitté des affaires necessaires a sa reception et entretenement en la Congregation, selon quil sera advisé par le Pere spirituel et la Superieure (ce qui se fera tous-jours avant la reception de l'habit, sil se peut), elles renonceront, le jour avant leur vœu et establissement, a toutes les pretentions qu'elles peuvent avoir au monde, en la meilleure façon que le Pere spirituel et la [370] Superieure adviseront par conseil.

  A025002438 

 Ce qui ne s'entend pas pour l'eglise, laquelle pourra estre ornee et embellie autant que les moyens et facultés des Maysons le porteront; lesquelles Maysons on ne devra beaucoup enrichir, ains tesmoigner l'amour de la sainte pauvreté, mesme es rentes, revenus et bastimens..

  A025002439 

 Et affin que toutes affections qui pourroyent naistre dans le cœur des Seurs soyent retranchees, et qu'on vive en la Congregation avec une parfaite abnegation des choses exterieures et de toute proprieté, on ne servira pas une Seur de ce qu'elle aura apporté en la Mayson ou de ce qu'on auroit donné a sa contemplation; ains indifferemment, sans distinction quelcomque, on distribuera les robbes, voyles, linges et toutes autres choses selon le rencontre et sans faire aucun choix, ni entrer en consideration quelcomque sinon de la necessité de chacune des Seurs.

  A025002440 

 La veille de la Circoncision, lhors que l'on tire les billetz des Saintz, on escrira en chasque billet le nom de l'un des Saintz que l'on veut tirer, et de l'autre costé on marquera par nombre quelqu'une des chambres; et mettra-on sur une table, par ordre, les chapeletz, Agnus Dei et reliques des Seurs.

  A025002440 

 Le tout se fera avec devotion et reverence, pour l'amour du Saint qu'on aura tiré, et pour imiter en quelque sorte, par cette circoncision des menues affections qu'on pourrait avoir, celle de nostre Sauveur..

  A025002442 

 En fin, si ce n'estoit qu'a cause de la diversité des statures et tailles on ne se peut pas servir des robbes de mesme grandeur, il seroit expedient qu'on en fist de mesme comme des chapeletz et croix; neanmoins, tous les habitz estans sans façon et tous d'estoffes viles, il n'y a pas de l'apparence qu'aucune y doive avoir de la particuliere affection..

  A025002443 

 Et pour oster le scrupule des reliques, les Seurs doivent croire qu'elles serviront de protection pour toutes estans communes entre toutes; et celles d'un Saint qu'une Seur portera, n'auront pas moins de vertu pour toutes les Seurs que si une chacune les portoit, puisque celle qui les porte les a de la part de toutes et pour le bonheur de toutes.

  A025002446 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang, sinon en ce qui regarde leurs charges; comme, par exemple, l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur, sinon en l'absence de la Superieure.

  A025002446 

 La Directrice sera la derniere des Seurs establies, pour estre la premiere en teste des Novices..

  A025002448 

 Or il faut noter qu'entre tous les billetz des Saintz il y en doit avoir un ou il n'y ayt point de nombre, qui sera tous-jours pour la Superieure; en sorte que si quelqu'autre Seur tire ce billet sans nombre, elle le changera avec celuy que la Superieure aura tiré, c'est a dire elle mettra sur son billet le nombre qui est escheu a la Superieure, et prendra le rang, la chambre et le chapelet selon ce mesme ordre..

  A025002460 

 Elles useront indistinctement envers tous du mot de servante en N. S.; et selon la distinction [375] des personnes elles mettront: humble, bien humble, plus humble et tres humble, suivant leur qualité..

  A025002460 

 Et quant aux seculiers et mondains, elles useront des motz de tres humble et tres obeissante servante; envers tous les grans, horsmis aux Princes dans les Estatz et terres desquelz elles habitent, qu'elles adjousteront oratrice et sujette.

  A025002461 

 Mais elles n'escriront point de lettres de compliment, sur tout les Novices, si ce n'est pour des occasions grandement legitimes, comme de condoleance avec les parens; et que ce soit d'un stile pieux et devot..

  A025002464 

 ( Pour le premier alinéa de cet article, voir ci-dessus, p. 83, celui du texte définitif de la Constitution XXV e qui reproduit la leçon des Mss.

  A025002468 

 Et parce que la coustume que les Surveillantes et mesme toutes les Seurs facent les advertissemens et corrections des fautes qu'elles auront remarquees, au refectoir apres Graces, est de grand prouffit, elle sera gardee et observee..

  A025002471 

 Que si quelqu'une des Seurs avoit quelque chose a proposer sur le mesme sujet, elle le dira a l'advantage a la Superieure, laquelle, pour ayder sa memoyre, fera une petite liste de tout ce qu'elle aura a desduire..

  A025002477 

 Et affin que cela se face avec plus de fruit et d'utilité, on advertira les Seurs des la veille, a l'obedience du mydi, affin qu'elles se preparent ainsy quil est convenable..

  A025002478 

 Comm'aussi une chacune lira la Regle tous les moys, avec pareille devotion que si alhors elle leur estoit donnee nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelle..

  A025002481 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens [378] de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera.

  A025002484 

 Et que l'on ne se mesle point des affaires du monde, ne prenant aucune commission de vendre ou acheter pour les estrangers et gens de dehors.................................................

  A025002487 

 ...elle les advertira et fera advertir, comme il est dit des autres fautes et coulpes..

  A025002490 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a trois clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde selon l'ordre de reception; et sera tenu.............................................................

  A025002495 

 Que les Seurs, en toutes leurs actions, observent une grande tranquillité, simplicité et modestie, fuyant le faste [379] et appareil des contenances mondaines et affectees.

  A025002498 

 Qu'elles ne s'interrompent point les unes les autres lhors qu'elles parlent ensemble, et specialement lhors qu'elles font la conference des lectures et que l'on parle de chose serieuse..

  A025002501 

 Estant adverties en Chapitre ou refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, et n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais aussi lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, les regardant avec estime, comme des moyens inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025002506 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans licence et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Entres, au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres sans s'advertir..

  A025002509 

 Et pour cet office, la Superieure nommera au commencement de l'annee quelqu'une des Seurs qu'elle jugera propre pour cela; lesquelles exerceront cette charge avec humilité, simplicité et modestie, [381] enseignant d'abord a celles qui leur viendront parler, de n'apporter point les nouvelles de la ville et autres telz entretiens inutiles..

  A025002512 

 Ces Congregations demeurant sous l'authorité ordinaire des Evesques, elles leur demanderont, une chacune au lieu ou elle est establie, un Pere spirituel, lequel de la part de l'Evesque prenne garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'introduise; visite la Mayson une fois l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuve aux eslections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; donne les licences aux femmes d'entrer en la Mayson; signe les causes des sorties extraordinaires des Seurs quand elles arriveront, et les entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus; et que a luy, tant la Superieure que les autres Seurs puissent avoir recours ou il sera besoin d'une speciale providence.

  A025002520 

 Elle commandera a une chacune des Seurs et a toutes en general par des paroles et des contenances graves, mais douces et humbles, et avec un cœur plein d'amour et de desir du prouffit de celles a qui elle commande..

  A025002523 

 Elle prouvoira avec un soin particulier a la necessité des [383] malades et, tant qu'il luy sera possible, les servira de ses propres mains es maladies de consequence..

  A025002526 

 En suitte dequoy elle prendra garde de porter la main aux necessités des Seurs..............

  A025002529 

 Qu'elle ne concede pas aysement a pas une un usage plus frequent des Sacremens que celuy qui est porté par la Regle, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002533 

 Et quant aux conseilz spirituelz ou communications de conscience, comme la Superieure les doit librement permettre, aussi doit elle prendre garde qu'elles se facent saintement et avec des personnes dignes d'estre employees a cet office angelique.

  A025002535 

 Que jamais on ne face aucun proces sans premierement faire rechercher la partie d'une voye amiable, et que l'on n'ayt eu l'advis du Pere spirituel et de quelques uns des principaux amis de la Mayson et des mieux entendus, lesquelz conseillans d'entrer en proces, la Congregation se tiendra grandement sur ses gardes a ce que rien ne se passe de son costé par animosité, contention et passion, ni en paroles, ni en escritures, ni en œuvres.

  A025002544 

 Que si quelque Seur commet des manquemens pour ce regard, ell'en advertira au Chapitre affin quil y soit remedié; mays si ce sont des manquemens reparables promptement, comme de prendre un Psalme pour un autre, ou un ton trop haut ou trop bas, ou semblables accidens, elle les reparera sur le champ..

  A025002545 

 Que s'il y a des livres qui ne soyent pas propres a la Congregation, elle en advertira la Superieure affin que l'on s'en desface.

  A025002547 

 Elle advertira la Superieure des diversités des tems qu'il faut prendre pour les Offices, pour le lever et manger, du renouvellement des vœux et autres telles choses..

  A025002548 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure des manquemens qui surviendront;.

  A025002552 

 avec l'advis de l'Œconome et des deux Surveillantes, en advertissant par apres la Superieure si tost quil se pourra bonnement faire..

  A025002560 

 eslever les Novices de vertu en vertu, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025002567 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour tres affectionné envers un chacun, pour prier Dieu pour le salut de tous; mays specialement envers l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine et tous les Prelatz et officiers d'icelle, priant souvent et faysant leurs exercices spirituelz pour l'exaltation de la foy catholique et pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et specialement pour ceux es provinces desquelz la Congregation se treuve erigee..

  A025002572 

 mays une devotion puyssante, courageuse, relevee et universelle, maniant neanmoins differemment les cœurs des Novices selon la diversité de leurs espritz, affin de les former toutes selon le bon playsir de Celuy au service duquel elles sont dediees.

  A025002574 

 Elle prendra garde a ne point s'amuser aux apparences [390] des vertus et bonnes inclinations des Novices, mais penetrera, tant quil luy sera possible, le fond de leur ame, affin qu'elle sache discerner de quelle main il les faut conduire..

  A025002575 

 Que s'il y a quelque jeune fille, selon qu'il a esté dit ci dessus, en la Mayson, ell'en aura aussi le soin et la charge, faysant mesme essay de la bonté et souplesse des Novices en leur ordonnant d'enseigner et servir ces jeunes filles selon leur capacité..

  A025002590 

 Elle tiendra netz les lieux proches des portes, avec quelque image et eau benite aupres d'icelles..

  A025002596 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025002600 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivirent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie temporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mais fuyant son trouble et son empressement..

  A025002608 

 Elle tiendra un inventaire de tous les meubles de chasque office et procurera que chasque officiere en ait un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle fera revestir chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025002614 

 Elle aura soin particulier que les Seurs Servantes ne soyent point trop chargees de besoigne, et que les jours des festes elles prennent tems de venir aupres d'elle lire les Regles, s'entretenir de choses spirituelles et [s'exciter] a la devotion selon leur capacité..

  A025002619 

 propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, [394] selon que la sayson le permettra, et que rien ne sejourne autour des malades qui puisse rendre de la puanteur; ains au contraire, si les medecins le permettent, quil y ayt tous-jours des bonnes odeurs..

  A025002627 

 Si quelqu'un venant a la sacristie veut parler d'affaires, elle l'envoyera a la porte, sinon que pour la qualité des personnes il fust mieux d'advertir la Superieure..

  A025002629 

 Elle advertira de bonne heure le Confesseur s'il y a des Confessions et Communions a faire..

  A025002630 

 Elle ira le matin, avant que de sonner l'orayson, par toutes les celles des Seurs pour voir si quelqu'une, par [395] incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025002632 

 Elle ne s'arrestera a parler avec le chapelain ordinaire, ni moins avec les autres prestres qui viendront a la sacristie, que justement des choses requises pour l'exercice de sa charge..

  A025002638 

 La Lingere doit avoir le mesme soin des linges que la Robiere a des habitz....................

  A025002661 

 La Congregation recevra le moins qu'il sera possible des Seurs Servantes, et semble bien que deux seront esgalement [397] necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025002664 

 A la ligne 5, les deux Manuscrits ont: « l'observance des Regles.»).

  A025002669 

 Et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec amour et les appelleront leurs Seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes dames du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025002670 

 La Superieure leur ouvrira son sein maternel comme au reste des Seurs, allegeant leur travail corporel par ce soulagement spirituel..

  A025002680 

 La Superieure choisira deux Seurs qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens qui se commettront [399], pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025002682 

 Légères variantes des deux Manuscrits: ligne 21: « qu'elles auront reconnuees...» — ligne 26: «avec toute sousmission.» — ligne 27: « de ce qui aura esté traitté...»).

  A025002693 

 et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent [400] a la reception, on en donnera promesse a la praetendante, du tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel, qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille, affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025002697 

 Comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes; car, pour dire un mot de ce malheur qui est souvent secret, telles femmes remplissent ordinairement une mayson de pleurs, de plaintes, de doleances, et font a tous propos des mines melancholiques et despiteuses et se treuvent fort souvent descouragees au bien, leur estant advis que les difficultés soyent des impossibilités et que tout ce qui n'est pas a leur goust est insupportable; et pour maintenir leur cause, forment quantité de tristes et scandaleuses raysons contre la Regle ou contre la conduitte de ceux qui gouvernent.

  A025002698 

 Quand quelque femme ou fille ayant les voix pour sa reception aura besoin de retourner chez elle ou chez ses parens pour quelque affaire, on luy fera escrire et signer de sa main, au Livre de la reception des Novices, ce qui s'ensuit:.

  A025002726 

 Cela fait, la postulante se leve debout, tenant les yeux baissés et sa chandelle allumee entre ses deux mains jointes, jusques a ce que la Superieure ou l'Assistente, avec la Maistresse des Novices, viennent se mettre l'une deça, l'autre dela la postulante; et estans toutes troys de rang, elles font la genuflexion devant l'autel, puis emmenent gravement la postulante dedans leur chœur, la faysant entrer la premiere; ou estans arrivees, la postulante s'agenouille a la treille a l'endroit de la porte, et les Seurs accommodent [son rabat] ou goderon en sorte qu'il luy puisse estre facilement osté; puis l'Evesque l'ostant du tout, dit:.

  A025002740 

 «Je, N., Paule de la Riviere, fille d'Anthoine de la Riviere et de Marguerite du Ruysseau, aagee d'environ dix-sept ans, de mon plein gré et du consentement de mes ditz pere et mere, apres avoir esté en la Mayson de ceans six semaines, veu et consideré les Regles et exercices d'icelle, ay volontairement demandé d'estre receue a l'habit et au rang des Novices de cette Congregation.

  A025002745 

 Elle en conferera avec les autres Seurs et prendra leurs voix; que si des troys parties les deux ne consentent, on retardera pour encor l'establissement.

  A025002753 

 La veille donq de la feste en laquelle l'establissement se doit faire, Vespres estans achevees, la Superieure conduira toutes les Seurs en Chapitre (sinon qu'on treuvast a propos que la ceremonie se fist dans le chœur mesme des Seurs, pour la consolation des seculiers qui la pourroyent voir), ou estans toutes assises, la Novice delaquelle il s'agit se prosternera a genoux, et la Superieure luy dira:.

  A025002758 

 Et alhors la Novice se prosternera en terre, sur le costé droit, et on la couvrira d'un drap noir; puis une des Seurs dira la leçon de l'Office des Mortz, qui commence: Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, etc., a la fin de laquelle les Seurs diront le Psalme De profundis, apres lequel la Superieure dira l'orayson suivante:.

  A025002762 

 Et lhors deux des Seurs descouvriront la Novice, laquelle se levera a genoux; et la Superieure continuera, disant:.

  A025002767 

 Le matin estant arrivé, la Sacristaine preparera une escabelle du costé de l'Evangile, au bas de l'autel, sur laquelle on mettra le voyle noir dans un bassin parsemé de fleurs, et du costé de l'Epistre quelques uns des habitz mondains de celle qui doit estre establie, sur une escabelle couverte de quelque drap brun, honneste; et sur le milieu des voyles y mettra les croix d'argent que l'on porte pendues au col..

  A025002768 

 Puis, l'heure estant venue, quand l'Evesque est revestu [408] avec la chappe et la mitre, assis sur le marchepied de l'autel, la Novice sortira modestement du chœur des Seurs, et apres elle la Superieure, l'Assistente ou la Maistresse des Novices; et toutes troys ayans fait la genuflexion a l'autel et un peu d'orayson, elles se leveront et s'assieront toutes troys un peu loin de l'autel, droit vis a vis de l'Evesque.

  A025002776 

 Je me suis volontairement despouillee des robbes mondaines; comme m'en revestirois-je? Je me suis destournee de la vanité, et en ay lavé mes pieds; comme y retournerois-je?.

  A025002792 

 Receves, ma Fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de toutes les Saintes, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025002794 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que vous ne recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002799 

 Lhors elle fait la genuflexion a l'autel, puis, estant a la porte du chœur des Seurs, elle fait une reverence ou inclination au peuple; et estant entree dedans le chœur, toutes les Seurs entrent apres elle, et estans agenouillees on chante:.

  A025002807 

 Puis elle se signera, tout le reste de la feuille demeurant en blanc pour y estre escrittes les confirmations des vœux, ainsy qu'il est porté en l'article suyvant..

  A025002816 

 Quant au reste des ceremonies, on les fait toutes pour elles comme pour les autres, car on leur donne la croix et le cierge; seulement on laisse tout ce qui appartient au voyle, lequel on ne leur donne point.

  A025002824 

 Le jour, donq, de la Presentation estant venu, l'Evesque, ou Pere spirituel de la Mayson, ou quelqu'homme de qualité [413] a ce deputé, fera a heure convenable une exhortation sur le sujet du renouvellement des vœux et oblations, puis dira la Messe; et estant parvenu a la Communion, apres que les Seurs auront dit: Domine, non sum digna, la Superieure, ou premiere qui doit communier, dira ou lira en un billet les paroles suivantes:.

  A025002836 

 Et si l'advis des Seurs est tel, on fera une troysiesme assemblee, en laquelle sera appellé l'Evesque et le Pere spirituel de la Mayson, ou le Grand Vicayre, et en leur presence sera de nouveau deliberé si on devra faire l'expulsion.

  A025002836 

 La Superieure, donq, ayant remarqué l'un des deux cas en quelqu'une des Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais [415] permettre), elle en conferera premierement avec les officieres de la Mayson et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, qu'on doive traitter l'expulsion, elle assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime ou la contumace de celle qui semble devoir estre rejettee.

  A025002837 

 Qu'en la troysiesme deliberation, qui est definitive et finale, les deux tiers des voix et celle du Pere spirituel concourent a l'expulsion.

  A025002838 

 Que si les deux tiers des voix ne concouroyent pas a l'expulsion, on delibereroit alhors des moyens propres a la correction; et pourroit on quelque tems apres remettre en deliberation l'expulsion, si la delinquante persistoit en son obstination.

  A025002839 

 Et parce que tout le bonheur de la Congregation consiste en l'obeissance des Regles, si on y souffrait des Seurs qui obstinement, par rebellion et contumace, voulussent violer les Regles, toute la Congregation se dissoudroit et depraveroit, degenerant en dissolution et desordre..

  A025002841 

 Neanmoins, pour donner quelque lumiere sur ce sujet, on peut, par exemple, dire que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation fause des Seurs en chose d'importance, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002842 

 Et pendant ce loysir qu'on luy donnera, on la fera manger a part, sans permettre qu'elle vienne aux exercices communs, si ce n'est a celuy des oraysons et prieres..

  A025002845 

 Et en cette troysiesme deliberation on procederoit et conclueroit ainsy qu'il a esté dit de l'expulsion des autres Seurs..

  A025002847 

 Or, l'eslection se fera en cette sorte: L'Evesque, ou le Pere spirituel, entrant dans le chœur des Seurs, leur dira briefvement, par maniere d'exhortation, de quelle importance est cette eslection et combien elles sont obligees de la faire consciencieusement et saintement..

  A025002850 

 Et tous les billetz ayant esté receus, le Pere spirituel les lira tous l'un apres l'autre, et l'une des Seurs qui aura esté choysie a cet effect, ayant le roolle de toutes les Seurs dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chasque nom d'icelle, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit du nom d'icelle; puis, tout estant fait, on verra s'il y en a quelqu'une qui ayt plus de la moytié des voix, et celle la demeurera Superieure..

  A025002851 

 Chasque Seur viendra de rechef escrire sur un autre billet le nom de celle des trois qu'elle voudra choysir pour sa Superieure; et toutes en ayant fait de mesme, le Pere spirituel lira les billetz, et la Seur deputee ayant tiré des lignes comm'il a esté dit ci dessus, marquera celle qui aura le plus de voix, laquelle demeurera Superieure..

  A025002851 

 Mais s'il ny en a point qui ayt la pluspart des voix, on regardera les troys qui en auront le plus, et puis de ces trois la on en choysira une en cette sorte.

  A025002855 

 S'il y a des Seurs malades, le Pere spirituel estant entré pourra les aller visiter et prendre leur billet.

  A025002857 

 Mays quant aux autres officieres, la Superieure seule les proposera aux Seurs establies; et en cas que les deux tiers des Seurs rejettassent celles qui sont proposees, la Superieure [420] en proposera des autres.

  A025002860 

 Si que un tel mespris volontaire seroit en fin suyvi de quelque grand chastiment de la part de Dieu, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés a ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis..

  A025002872 

 Et par ainsy elles feront devant Dieu, tant en leurs oraysons qu'es eslancemens ordinaires, qu'encor es devis qu'elles feront avec leur Superieure et Directrice, voire mesme avec leurs compaignes, si bon leur semble, des renoncemens vifs et fervens du monde et de la vanité de la chair et de ses sensualités.

  A025002872 

 Et pour venir a l'escorchement de la victime, elles renonceront en mesme sorte a leurs inclinations, mouvemens naturelz, et mesme a la fause liberté de leurs volontés, pour vivre des-ormais contre leurs inclinations et selon la perfection des vertus; contre leurs mouvemens [423] naturelz et selon la direction et conduite d'autruy contre la liberté de leurs volontés et selon les regles et Constitutions de la Congregation.

  A025002874 

 A la liberté d'aller ça et la en divers lieux; a l'estime de soymesme; a la liberté de parler et converser avec autruy; a la liberté de se vestir, mirer, accommoder, faire paroistre aggreable et bref, de monstrer les advantages que la nature peut avoir donné a quelques unes; a la liberté du choix des exercices spirituelz, laquelle d'autant plus qu'elle semble honneste, d'autant est elle difficile a quitter; au contentement de voir et frequenter ses parens; a l'inclination que nous avons d'estre estimees judicieuses, sages, discrettes, bien seantes, car on ne peut y vivre selon son jugement, ni selon sa propre sagesse ou propre discretion, ni; selon sa propre bienseance, mays selon celle d'autruy..

  A025002875 

 Cette bienseance est une des choses plus difficile a renoncer [424]; c'est pourquoy il en faut faire un grand renoncement entre les femmes, qui y sont grandement attachees.

  A025002875 

 ce fut celle a laquelle renonça Nostre Seigneur, demeurant nud sur la croix; Job, sur le fumier, luy qui estoit prince; David, sautant comme hors de soymesme devant l'Arche; saint Louys, mangeant entre les pauvres; sainte Elizabeth, vestue en pauvre femme, et le bienheureux Louys Luzague, vestu en chevalier, portant sous son manteau des bouteilles de vin et un pot plein de potage aux pauvres, sans se mettre en peyne d'estre descouvert avec cela.

  A025002876 

 Il faut donq ainsy, par des eslancemens de cœur, renoncer [425] a ces choses la, et prendre, au lieu de tout cela, le dessein d'agreer en tout et partout a Nostre Seigneur, disant, a l'imitation de saint Paul: J'ay reputé toutes choses estre fange et ordure, affin de mieux gaigner Jesus Christ et ses bonnes graces..

  A025002877 

 Ce que je dis pour celles qui, en l'orayson, ne peuvent travailler de l'entendement, ni mesme de la volonté, que par des actes d'abandonnement et renoncement d'elles mesmes en Dieu, et par maniere de simple acquiescement..

  A025002883 

 Vous considereres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses desirables sur toutes choses.

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002887 

 Considerant donq le bonheur de ceux ci et la dignité de leur entreprise, faites election de cette sorte de suite, pour confirmation de celle que vous aves des-ja faite, et, par des eslancemens affectionnés, renonces a tout, embrassés cette si excellente resolution, donnes vous a Dieu pour cela, offres luy toute vostre vie pour cette suite si parfaite.

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002891 

 La quatriesme meditation sera de l'oblation des Anges et des Saintz..

  A025002893 

 Et quant aux Saintz, quelle oblation fut celle des Apostres! Voici, Seigneur, que nous avons tout quitté, disent ilz, et t'avons suivi.

  A025002893 

 Quelle celle des Martirs qui, comme brebis d'immolation, ont offert leur vie et leur mort douloureuse avec tant de courage et de constance! Quelle celle des anacoretes et de tant de confesseurs, de vierges et autres, qui, comme petitz oyseletz, se sont volontairement enfermés dans des cavernes, en des monasteres, dans des hospitaux et en d'autres sortes de vies, pour plus a commodité chanter, comme dans des cages, les louanges aeternelles de leur Dieu, et se sont rendus heureusement ses esclaves affin de ne pouvoir jamais se dedire, ni dementir le vœu de leur fidelité.

  A025002895 

 Des-ja au paravant elle avoit voué sa virginité a Dieu; mays par ces paroles icy elle s'abandonne a luy sans reserve quelcomque, et se rend sa servante actuelle et perpetuelle..

  A025002909 

 On renonce donq a la liberté d'aller ça et la, par la clausure; a la liberté de parler et converser, par le silence et la solitude; a la liberté de se vestir, mirer et ageancer pour se rendre aggreable et faire paroistre les advantages naturelz; a la liberté du choix des exercices spirituelz pour suivre ceux qui sont prescrips au Monastere; a l'inclination que l'on a de voir les parens; a l'inclination que l'on a de bien parler et d'estre estimee judicieuse, sage, discrette et bien seante, car apres la Profession on ne doit plus vivre selon son jugement ni selon sa discretion, mais selon la discretion d'autruy; ni selon sa propre bienseance, mays selon la bienseance commune du Monastere..

  A025002910 

 Or, cette bienseance, civilité et courtoysie propre et particuliere est une des choses plus difficile a quiter, principalement pour les.

  A025002915 

 Mays au lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle des vœux de la Profession: considerans combien il est juste et raysonnable que nous offrions, dediions et consacrions a Dieu l'estre, l'ame et le cors qu'il nous a donné luy mesme, et qu'il nous a donné affin que nous fussions tres uniquement siens.

  A025002918 

 1 nt, consideres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses tout a fait desirables: Venes a moy, o vous tous qui estes travaillés et chargés de peine, et je vous soulageray; venes a moy, prenes vostre croix et suives moy, et je vous conduiray a la vie aeternelle..

  A025002919 

 Car les uns le suivent voirement, mais de fort loin; [427] et ce sont les chrestiens qui se contentent d'eviter la damnation eternelle par l'observance des commandemens de Dieu, mais n'ont aucun soin de se perfectionner par l'exercice de l'amour celeste.

  A025002920 

 Les autres, qui sont de la seconde sorte, suivent Nostre Seigneur de plus pres et s'addonnent a la sainte devotion le mieux qu'ilz peuvent, mais neantmoins demeurent engagés dedans le commerce et la vie ordinaire des mondains; en suite dequoy ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leur bonne intention, de maniere que c'est avec grande difficulté, et non sans des perpetuelz dangers, qu'ilz se maintiennent et conservent en leur bonne resolution.

  A025002921 

 Finalement, il y en a des autres lesquelz, pour suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a son amour aeternel, quittans les honneurs et les richesses mondaines avec toutes les commodités et libertés qui les accompaignent (lesquelles pour l'ordinaire incommodent grandement nostre acheminement a la perfection), abandonnans entierement toutes choses, comme firent les Apostres, et s'attachans fermement au seul soin de plaire a Dieu et le suivre, ne voulans que leur cœur soit partagé ni distrait a la varieté des choses du monde, recherchent purement et simplement, d'un cœur tout uni et joint en soy mesme, l'unité du seul et unique amour de Dieu.

  A025002922 

 Considerant donq le bonheur de ces ames et la dignité de leur entreprise, faites le choix et l'election de cette sorte de vie, et, par des eslans affectionnés, renonces a tout, offres tout a Dieu, embrassés cette si excellente perfection, donnes luy toute vostre vie et tous les momens d'icelle.

  A025002925 

 meditation sera de l'oblation, de la profession et des vœux solemnelz des Anges et des Saintz..

  A025002927 

 Et quant aux autres Saintz, quelle profession fut celle des Apostres! Voici, disent ilz, o Seigneur, que nous avons tout quitté et t'avons suivi.

  A025002927 

 Quelle profession des Martirs qui, comme des innocentes brebis, ont esté immolés, vouans leur vie et leurs peines a la gloire de Jesuschrist! Quelle oblations ( sic ) des anacoretes, des moynes, des religieuses, qui, comme petitz oyseletz du ciel, se sont volontairement enfermés dans les desertz, dans les forestz et dans les monasteres pour, avec plus de sainteté, chanter comme dedans des saintes cages les louanges aeternelles de Dieu, et se sont heureusement rendus prisonniers et esclaves dedans les cloistres pour ne pouvoir jamais se dedire de leur profession, ni dementir le vœu de leur fidelité! O combien de sujet y a il d'imitation en ces saintes trouppes! [432].

  A025002956 

 Apres, il faudroi dire la sainte Messe, a la fin de laquelle il faut chanter le Laudate, donné le baiser de pais, puis sortir par ordre, en chantant le Letatus, porté le Crusifis en la celule et dire l'oraison des Sain ( sic )..

  A025002963 

 austerités corporelles, et sur l'exemple des Jesuites..

  A025002965 

 Mortification des sens est une grande austerité, mays sur tout celle de l'esprit.

  A025002967 

 Toute la vie des Seurs dediee pour leur union avec Dieu, la reformation de l'Eglise et salut du prochain..

  A025002973 

 Cela peut donner [439] des inquietudes, les unes monstrant d'avoir beaucoup ouvré, et les autres peu..

  A025002973 

 Liberté pour les ouvrages, qu'on ne soit point reprise si on ne fait pas beaucoup, a cause qu'on a eu besoin de se promener, ou lire a cause des tentations.

  A025002976 

 Silence jusques a la chambre des recreations..

  A025002997 

 Liberté de ne point faire de pœnitences et dire des coulpes es jours solemnelz..

  A025003000 

 Lumiere au chœur des le premier de Matines pour pouvoir lire (a neant.).

  A025003018 

 En suite dequoy il a voulu que les Seurs de la Visitation n'eussent aucun General ni Generale, sinon Jesus Christ, le Seigneur de tous, et son Vicaire nostre Saint Pere; d'autant, me dit il, «que la conservation de l'Institut et le bonheur des Religieuses ne depend pas d'estre rangees sous un chef, ains de la fidelité que chasque Seur aura en son particulier et que toutes auront en general de s'unir a Dieu par l'exacte observance des Regles, Constitutions et Coustumes establies en leur Ordre.».

  A025003019 

 Et vouloit que les Seurs eussent en singuliere recommandation de porter un honneur tout sacré a Messeigneurs leurs Prelatz, qui sont les vrays et legitimes Superieurs des Monasteres establis en leurs dioceses, et qu'elles leur rendissent une tres humble et sainte obeissance, conformement a leurs Regles, Constitutions et Coustumes.

  A025003020 

 Que si un jour il arrivoit (ce que Dieu ne permette) que quelque Monastere descheust de sa perfection, les autres qui s'en appercevront se devront employer avec une extreme charité et humilité pour les ayder a se relever et remettre [443] en devoir, les admonestant par supplications pleynes de douceur et de zele de retourner a leur premiere ferveur, les assistant en tout ce qui leur sera possible, et leur procurant du secours et des exhortations et remonstrances, tant des Superieurs que d'autres personnes d'authorité et pieté qu'elles connoistront estre affectionnees a leur Institut..

  A025003022 

 Neanmoins, l'intention de nostre tres honnoré Pere et Instituteur n'estoit pas que ce Visiteur eust aucune authorité sur les Monasteres, ains seulement pour voir si les Maysons conservent l'uniformité entre elles par l'exacte observance; et desiroit qu'il rendist un tres grand honneur et respect aux Prelatz, et que des choses ausquelles [444] il ne pourroit remedier doucement, avec leur faveur et authorité, il en fit son rapport a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce pour y estre pourveu..

  A025003023 

 C'estoit encor la volonté de ce bon et digne Prelat, nostre Instituteur d'heureuse memoire, qu'es doutes et difficultés qui pourrovent survenir es Monasteres touchant la prattique des Regles, Constitutions et Coustumes, on demandast advis aux Monasteres plus anciens, et notamment a celuy d'Annessy; car ayant receu les premices de l'esprit, et estant le cœur et fontaine de la vie spirituelle de tout l'Ordre, d'ou sont issus tous les autres Monasteres, on peut justement et raysonnablement croire que l'eau sera tous-jours plus claire en sa source et qu'on y aura plus de lumiere et d'intelligence de toutes les choses qui appartiennent a l'Institut; joint l'honneur et bonheur qu'a ce Monastere d'avoir en preciput les reliques du Fondateur, qui est une grace tres pretieuse..

  A025003024 

 Et on deliberera de mesme pour ce qui devra estre fait au deces des Confesseurs..

  A025003031 

 La Seur Assistente aura soin de la direction des ceremonies du chœur, tant ordinaires qu'extraordinaires, et pour cela elle taschera de se rendre fort attentive et prevoyante, affin que rien ne manque..

  A025003033 

 Elle prendra garde que tous les Diurnaux et toutes les Heures des Seurs se rapportent, tant aux accens qu'aux pauses, soit aux Offices ordinaires ou extraordinaires..

  A025003034 

 Quand elle distribuera les charges aux Seurs, les veilles des grandes festes et solemnités, elle les advertira en mesme tems de dire l'Office plus gravement..

  A025003035 

 Elle tiendra ou fera tenir par une autre Seur le livre et le sujet de la meditation tout prest pour le lire au milieu du chœur, observant de lire posement, distinctement et asses haut, et des choses les plus substantielles et devotes..

  A025003036 

 Pour soulager la memoire de la Superieure, qu'elle la face resouvenir des choses qui se font de tems en tems: [447] comme de l'intention des Communions, de faire prescher, des renouvellemens des vœux, de faire entretenir les Seurs, de demander les licences pour les entrees et de les faire renouveller quand elles se donnent pour trois moys, de faire venir le Confesseur extraordinaire de trois en trois moys, de faire donner le congé aux Seurs de faire des penitences, de faire tenir l'assemblee pour les affaires et semblables..

  A025003037 

 Elle escrira ou fera escrire les billetz des Saintz, dons du Saint Esprit et les beatitudes.

  A025003037 

 Et voyci comme l'on escrit les billetz des Saintz de l'annee.

  A025003038 

 Elle lira, ou fera lire a la recreation de l'apres disnee, la veille des grandes festes ou il y a ceremonie extraordinaire, ce qu'il faut observer pour l'Office et ceremonie; elle departira le samedi, a la recreation du matin, les charges du chœur, et le soir les autres petites: comme de resouvenir de la presence de Nostre Seigneur et dire quelque chose de bon a la fin de la recreation; nommera les lectrices et celle qui servira a la table..

  A025003039 

 Comme aussi de faire escrire les Professions et Renouvellemens des Seurs dans le Livre destiné du Couvent..

  A025003040 

 Si la Superieure en fait prester, elle aura soin de les faire retirer; et luy monstrera a l'advantage le roolle des livres que les Seurs ont, affin que, par son ordre, elle fasse la liste de ceux qu'elle leur devra distribuer au commencement de chasque annee.

  A025003041 

 Comme aussi quand quelque chose manquera, et principalement aux Professions et receptions des Seurs, observant des la veille si tout ce qui est requis pour la ceremonie du lendemain est prest, prenant garde que rien ne demeure a faire qui serve d'empressement.

  A025003041 

 Elle commettra une Seur des le soir pour avoir le soin des choses requises a la ceremonie, qu'elle ne pourra pas faire: comme de distribuer les cierges aux Seurs, commencer les Psalmes, et autres choses..

  A025003042 

 Quand il y aura des ceremonies extraordinaires pour l'autel elle en advertira le Confesseur des la veille, et de l'heure qu'il faudra commencer l'Office; comme aussi la Sacristaine de ce qu'elle aura a son pouvoir..

  A025003043 

 Ce sera a elle de tenir ou faire tenir le chœur des Seurs en bon ordre et bien net, le balliant deux fois la semayne, voire plus s'il en est besoin; et le tiendra fermé des le disner jusques a la lecture, et des lhors il demeurera ouvert, jusques apres Vespres, et des les Complies jusques au souper.

  A025003043 

 Mais les jours des festes elle l'ouvrira apres la recreation, ou bien elle laissera a la Sacristaine le soin de l'ouvrir et fermer, en ayant toutesfois une clef..

  A025003044 

 Elle fera laver les vitres du chœur une fois l'annee, mettant des linges dessus les fenestres, affin que les murailles ne se gastent.

  A025003044 

 Et fera mettre au derriere des sieges, des caisses ou platz de bois, pleins de chaux, ou de poudre tombee sous la scie, ou autre chose qui soit propre a cela, prenant garde que les Seurs qui sont nommees pour les tenir netz le fassent soigneusement et les mettent souvent au soleil..

  A025003048 

 Affin que les instructions que la Directrice donnera soyent receues plus souëfvement des Novices, il faut qu'elle s'estudie de leur monstrer un amour cordial et tendre, affin qu'elles prennent une vraye confiance et entiere certitude de son affection; a quoy servira de s'enquerir souvent de leur santé, tesmoignant de la compassion de leurs maux, et les visitera et servira charitablement quand elles en auront besoin.

  A025003048 

 Ceci importe beaucoup, c'est pourquoy la Directrice y doit estre fort attentive; comme aussi a ne tesmoigner aucun desgoust ni ennuy des fades et importunes humeurs qui se pourront rencontrer parmi les Novices, et moins aucune sorte d'affection particuliere, si bien il y en a quelqu'unes qui semblent le meriter; ains qu'elle monstre un amour universel et un soin esgal au service de toutes, affin d'oster d'entre elles tout sujet de murmure et d'envie.

  A025003049 

 S'il arrive a la Directrice de commettre des imperfections un peu remarquables devant les Novices, elle en doit dire sa coulpe au refectoir et, avec congé, en faire quelque mortification pour satisfaction du mauvais exemple qu'elle pourroit avoir donné..

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003051 

 Et mesme si quelque Novice n'avoit point de confiance a la Superieure ni a la Directrice et desiroit parler a quelqu'une des autres Seurs, on le luy permettra librement, sans faire aucun semblant de s'appercevoir de sa mesfiance, affin de soulager et consoler autant qu'il se pourra telz espritz, desquelz il faut avoir grande compassion et les attendre avec une patience extraordinaire..

  A025003052 

 Mays qu'elle le face consciencieusement, avec le zele de Dieu et la charité, n'exerçant point la charge comme Maistresse, ains comme servante des espouses de Jesus Christ, duquel elle doit en toutes occurrences demander la grace et ne chercher que sa tres pure gloire..

  A025003053 

 Elle doit donq employer l'annee de probation selon la sainte intention pour laquelle elle est ordonnee; c'est a dire, qu'elle exerce les Novices convenablement, pour essayer et reconnoistre leur vocation (car il ne seroit pas a propos d'attendre de les espreuver apres la Profession), observant neanmoins la discretion en telle sorte que les espreuves n'excedent pas la portee des espritz..

  A025003054 

 Qu'elle ne les travaille point par des penitences et mortifications lhors qu'elles seront affligees de quelques peynes ou tentation, crainte de les surcharger de nouvelles presseures; au contraire, il les faut ayder, soustenir et consoler, leur enseignant de tirer le fruit de leurs tentations et difficultés..

  A025003060 

 Quand elle aura parcouru toutes les Regles, Constitutions et Coustumes, elle leur lira le Cathechisme, sans leur permettre pourtant de subtiliser et faire des questions curieuses; car ce seroit un tems inutilement perdu, qui se doit plustost employer au saint recueillement et a la prattique des vertus..

  A025003062 

 Comme aussi les festes et Dimanches elle leur laissera le tems libre pour faire orayson; ou bien les entretiendra, ou pourra faire entretenir toutes ensemble ou deux a deux pendant le silence, leur apprenant a le faire utilement et a ne parler que de Dieu, des Regles, des advis et entretiens susditz, du bonheur et excellence de leur vocation et de la pretention qu'elles doivent avoir de parvenir au plus haut degré de la perfection de leur vocation, s'excitant l'une l'autre a l'amour de Dieu, du prochain et a la prattique de toutes les vertus..

  A025003064 

 Mais sur tout, qu'elle les [453] rende soigneuses et affectionnees de lire les Regles, les Sermons et Entretiens spirituelz, affin qu'elles en conçoivent le sens et prennent l'esprit; voire mesme des Coustumes et des ceremonies qui s'observent, tant en general qu'en particulier, leur inculquant qu'elles ne doivent sçavoir que cela..

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003066 

 Et puis, quand les Novices auront dit, elle dira un mot sur chacune des vertus qui auront esté proposees, et conclura en faveur de celle qui aura parlé plus conformement a la Regle, enseignant a chacune la prattique de la vertu qu'elle aura choisie..

  A025003066 

 La Directrice doit avoir un grand soin de tenir les Novices joyeuses et ferventes, et pour cela elle diversifiera les exercices du novitiat: par exemple, quelquefois, au lieu de faire dire des coulpes, elle leur fera dire quelques vertus qu'elles estiment et affectionnent le plus, les interrogeant toutes l'une apres l'autre.

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003068 

 Puis, en ayant detesté deux ou troys, la Maistresse ensuite benira les vertus contraires aux vices qu'elles ont detestés, disant: «Benite soit la sainte obeyssance;» et les Novices respondront: «Benite soit elle.» Et ainsy des autres; la Maistresse concluant par une petite orayson, comme seroit: «Seigneur Jesus, regardes, s'il vous plaist, ce petit troupeau des yeux de vostre misericorde et respandes sur iceluy [454] vos celestes benedictions, par les merites de vostre glorieuse Mere, nostre sainte Maistresse, affin que nous puissions, par la prattique de ces benites vertus, vous estre aggreables en cette vie et jouir de vous en l'autre.

  A025003069 

 D'autres fois il sera bon de les mettre deux a deux a cet exercice, et leur donner pour l'ordinaire sujet de telles entreprises la simplicité, douceur ou obeyssance, mortification de la propre volonté, l'humilité, cordialité, le support mutuel des unes avec les autres, le saint recueillement, le retranchement des repliques, repugnances et semblables, distribuant a chacune les prattiques selon les necessités..

  A025003069 

 Elle leur fera faire des entreprises ou desfis pour la prattique des vertus au commencement de chasque moys, dont elles luy rendront conte une fois la semayne, en l'assemblee qui se fait l'apres disnee, au lieu de lire la Regle.

  A025003071 

 Elle doit avoir un soin particulier des filles qui sont a l'essay et des Novices nouvellement receues, les entretenant souvent et les faysant entretenir par quelques unes des plus advancees en la vertu, affin de les recreer et tenir leur esprit en haleyne, de peur qu'elles ne s'ennuyent et estonnent au commencement..

  A025003072 

 Elle leur assignera certain nombre de prattiques de vertus et de retours de leur esprit en Dieu, chasque jour, pour les acheminer au saint recueillement et a la mortification tant interieure qu'exterieure, doucement, comme des nouvelles plantes au jardin de Nostre Seigneur..

  A025003074 

 Qu'elle ne leur face pour des fautes legeres de grandes corrections..

  A025003074 

 Tous les mercredis la Directrice fera l'assemblee du Novitiat immediatement apres Prime, ainsy qu'il est porté par les Constitutions, ou estant a genoux devant l'oratoire et les Novices aussi, toutes en rang derriere elle, elle entonnera le Veni, Sancte Spiritus, etc., et les Novices poursuivront jusques au verset, que la Directrice dira avec l'Orayson; puis, ayant offert cette action a Nostre Seigneur et invoqué sa grace, elle s'assiera sur un siege a costé de l'autel, et toutes les Novices en terre ou sur des sieges fort bas, travaillant; puis viendront deux a deux dire chacune troys ou quatre coulpes, sur lesquelles la Directrice leur dira ce qu'elle jugera estre a propos; et a la fin, si elle a remarqué quelque defaut universel ou plus frequent entre les Novices, elle prendra occasion la dessus de leur parler a toutes en general pour leur donner horreur de cette sorte de defaut, et les excitera a l'amour de la vertu contraire, s'essayant de les laisser tous-jours encouragees.

  A025003075 

 Proche des grandes festes, elle leur fera renouveller leurs entreprises et prattiquer l'exercice des vertus..

  A025003081 

 Qu'elles observent les actions des Seurs a l'eglise, au refectoir, aux assemblees et recreations, et rendent fidellement conte toutes les semaynes, avant le Chapitre, a la Superieure de ce qu'elles auront remarqué..

  A025003082 

 Quand elles advertissent les Seurs au Chapitre et au refectoir, que ce soit sans exagerer ni aggrandir les fautes, ni selon leurs inclinations ou aversions, ains par le seul amour de Dieu et le zele de la perfection des Seurs, ne parlant jamais des fautes qu'elles remarqueront, sinon a la seule Superieure..

  A025003086 

 Qu'elle ayt soin de l'entretien des bastimens et de faire conserver le bien de la Mayson, affin qu'il ne se face point d'exces, comme estant le propre bien de Jesus Christ.

  A025003086 

 Qu'elle prevoye que proche des bonnes festes il n'y ayt rien qui puisse empresser ni distraire les Seurs de l'attention qu'elles doivent avoir a ces grans misteres..

  A025003088 

 Qu'elle dresse la carte des choses dont elle devra faire les provisions necessaires, selon les saysons propres a acheter chasque chose; elle tiendra lesdites cartes sur des petits ais attachés en sa chambre en lieu ou elle les puisse facilement voir..

  A025003089 

 Elle donnera de tems en tems a la Seur que la Superieure aura nommee, le chanvre, filet, esguilles et telles autres choses necessaires aux ouvrages des Seurs, pour en faire la distribution par le menu; laquelle prendra garde, selon qu'il est ordonné en la Constitution, a celles qui se rendroyent negligentes a bien faire et diligemment leurs ouvrages, pour en advertir la Superieure..

  A025003091 

 Elle aura un petit livre journalier ou elle escrira tous les soirs ce que l'on aura acheté; et a chasque semayne, s'il se peut, elle l'escrira selon l'ordre accoustumé dans son livre des comptes..

  A025003092 

 Elle aura soin de faire payer et recevoir ce qui est deu a la Mayson, prenant a cet effect un memoire, au commencement de l'annee, de la Seur qui a la charge des papiers, de tout ce qui est deu au Monastere, advertissant la Superieure des moyens qu'elle tiendra pour cela.

  A025003094 

 Elle aura un livre dans lequel elle escrira toutes les choses qui luy peuvent donner lumiere et adresse en sa charge, tant a elle qu'a celle qui luy succedera en sa charg: comme seroit la quantité de blé, vin, huyle, beurre, chandelles, sel, poys et choses semblables qu'il faut pour la nourriture et entretien des Seurs; comme aussi la quantité d'estoffes qu'il faut pour les habiller, tant pour l'esté que pour l'hyver, et combien elles coustent et ou s'en doit faire l'employte..

  A025003095 

 Elle sçaura combien il faut d'estoffe pour un ornement d'eglise et le memoire des meubles qu'il faut faire donner aux pretendantes; comme aussi ce que l'on donne aux Confesseurs, aux pauvres tous les moys, au medecin, au procureur du Monastere, et autres telles choses dequoy on a besoin journalierement..

  A025003099 

 La Superieure commettra le soin des papiers et tiltres de la Mayson a une Seur, laquelle les serrera et tiendra en bon ordre, prendra garde qu'ilz ne se gastent ou esgarent; elle les tiendra au lieu qui sera destiné a cela dans le cabinet vouté..

  A025003100 

 Elle mettra tous les papiers qui concernent un affaire ensemble, pour les treuver plus facilement; comme aussi les contratz seront a part, les quittances aussi et ainsy des autres, le tout bien rangé et avec des escriteaux, pour les prendre plus a propos selon le besoin.

  A025003101 

 Et aux contratz de simple obligation on laissera une feuille pour escrire les sommes que l'on recevra sur icelle, affin de tenir meilleur compte a ceux qui doivent, et aussi pour les faire payer au tems marqué, affin que par sa faute rien ne demeure a payer; et retirera du notaire tous les extraictz des contratz et autres papiers necessaires.

  A025003101 

 Que s'il en faut produire quelque contrat, elle en fera faire une copie collationnee; comme aussi, a mesme tems que l'on passera les contratz qui ne sont permanens, elle en escrira ou fera escrire la substance par le mesme notaire dans le livre fait expres, laissant entre chasque contrat portant rente deux ou trois feuilletz en blanc pour escrire la reception des pensions ou interestz, lesquelz elle n'escrit sur ledit livre qu'a la fin de l'annee que la Seur Œconome luy remet le roolle de ce qu'elle a receu.

  A025003102 

 Au commencement de chasque annee elle fera un extraict ou roolle de tout l'argent et rentes qui sont deuës au Monastere, tant en blé, vin, qu'autres choses, supputant ce que doivent ceux qui n'ont payé annuellement, le mettant bien au clair, et remettra ledit bordereau et extraict a la Seur Œconome, pour solliciter et faire payer ceux qui doivent, ainsy qu'il est marqué en son Directoire, et luy en baillera toute l'intelligence necessaire, affin que tous-jours l'on se [460] paye des fruitz escheus avant que de recevoir les sommes principales; et avant que de parler a ceux qui doivent, elle soit instruite de ce qu'ilz sont redevables, affin de ne se pas embrouiller et que rien ne se perde par sa faute..

  A025003104 

 Elle escrira aussi dans le livre de la substance des contratz tout l'argent que l'on prestera dehors, dont l'on ne fait point de contrat, comme quand l'on preste aux pauvres Monasteres de nostre Ordre, et en telles autres petites occasions; et aura soin de retirer les promesses particulieres qui se feront a cet effect.

  A025003104 

 Et sera soigneuse d'escrire sur ledit livre ce que l'on paye tous les ans, et pour cela elle verra, a la fin de l'annee, les memoires et extraictz qu'elle a donné a l'Œconome, pour en charger ses livres et faire des nouveaux extraictz de ce qui sera deu..

  A025003105 

 Aussi tost qu'elle sera mise en cette charge elle lira l'inventaire des papiers, pour s'instruire des affaires du Monastere, avec l'ayde de la Seur qui sort de cette charge, laquelle luy en doit donner toute l'intelligence possible..

  A025003109 

 Si elle est des Seurs du chœur elle prendra place proche la porte, pour sortir plus a propos quand il sera besoin d'aller en sa charge..

  A025003111 

 Si quelqu'un vient demander quelque Seur au tems des Communautés, elle priera d'attendre qu'elle en soit dehors, leur demandant s'ilz sont pressés, auquel cas elle l'ira dire a la Superieure.

  A025003112 

 Mays quand il sera requis de donner de l'argent a quelque pauvre passant elle le fera elle mesme selon la necessité des pauvres, advertissant la Superieure de ceux qui pour leur necessité auroyent besoin d'aumosne extraordinaire, comme seroyent des hommes d'Eglise et pauvres honteux..

  A025003113 

 Elle tiendra les parloirs fort netz, les balliant, avec les lieux proches des portes, et torchera les grilles, deux fois la semayne..

  A025003116 

 Qu'elle ne parle jamais des choses qu'elle a appris a la porte et au parloir, ni ne fera entendre aux Seurs ceux qui y auront esté, sans le congé de la Superieure..

  A025003118 

 soirs elle en retire les clefs et celle de la porte des Seurs Tourieres apres l' Ave Maria..

  A025003119 

 S'il y avoit quelque Seur qui s'amusast autour des portes, des parloirs ou qui s'enquist des nouvelles qui s'y disent, elle en advertira la Superieure..

  A025003124 

 Elle parlera tous-jours fort bas en la sacristie, et procurera que l'on face le mesme en celle des prestres..

  A025003125 

 Apres l'Office elle ira retirer ce qui sera de la sacristie, vuidant et rinçant les burettes, ausquelles elle ne lairra jamais du vin ni de l'eau; et tous les quinze jours elle les rincera avec des coques d'œufs, ou bien avec de l'avoyne, ayant un grand soin de bien essuyer celle ou elle mettra le vin et de les tenir couvertes..

  A025003130 

 Qu'elle fasse parer l'autel de la sacristie fort honnestement: qu'il y aye tous-jours un Crucifix sur l'autel, des images ou tableaux, un benitier, une chaire pour confesser, une serviette et de l'eau pour laver les mains des prestres avant qu'ilz se revestent pour dire la sainte Messe..

  A025003132 

 Aux jours de Pasques, Pentecoste, Noël, Feste Dieu, Epiphanie et Visitation Nostre Dame elle fera servir a la Messe de la Communauté la plus belle chasuble et les plus beaux ornemens, selon les couleurs de l'Eglise; pour les autres Messes de ces jours-la, l'une des plus belles chasubles d'apres celle qui a servi a la Messe de la Communauté.

  A025003132 

 Le second jour des troys susdites festes, comme aussi a toutes les autres festes de Nostre Seigneur, Nostre Dame, Tous-saintz, de saint Jean, 24 juin, de saint Pierre et saint Paul, 29 juin, saint Augustin, saint Joseph, Dedicace de l'Eglise et des Renouvellemens, elle fera servir le second bel ornement, observant de donner de belles aubes et de [la] vaisselle d'argent selon les jours et solemnités.

  A025003134 

 Elle fera oster la premiere nappe de l'autel de moys en moys, et pendant ce tems la elle la fera retourner une fois, observant de faire mettre des plus belles aux grandes festes, sans toutesfois les y laisser longuement, ni les dentelles, sinon en quelque octave signalee..

  A025003135 

 Les aubes et cingules se changeront tous les moys ou six semaynes, les amictz tous les huit ou quinze jours, observant de faire des œilletz aux quatre coins, ou des boucles, pour changer les cordons.

  A025003136 

 Elle aura soin de desempeser ceux qui seront sales des qu'ilz ne serviront plus, comme aussi tous les autres linges.

  A025003136 

 Il seroit requis que la Sacristaine eust des gantz de toile fort espaisse, bien blanche, avec lesquelz elle peust toucher les choses sacrees..

  A025003136 

 Qu'elle ayt soin de bien empeser les corporaux sur des mestiers, tant qu'il se pourra, et a sayson propre, qui est des le moys de may jusques en octobre; mais elle ne les doit pas empeser tous a la fois.

  A025003136 

 Qu'elle tienne les corporaux et purificatoires dans [465] des boëtes bien nettes, les faysant laver au Confesseur avant que de les blanchir, se gardant bien de toucher avec les mains les choses sacrees.

  A025003137 

 Qu'elle ante les gros cierges des qu'ilz seront usés passé la moitié, ayant soin de faire lever l'anture des qu'elle sera proche d'estre usee, crainte du feu.

  A025003138 

 Elle en fera mettre quatre sur l'autel les Dimanches et festes d'Apostres, tant pour la Messe que pour Vespres; mays toutes Les grandes festes de Nostre Seigneur et de Nostre Dame et de celles dites cy devant, elle en fera mettre six des plus beaux et deux flambeaux, si elle en a, ou deux gros cierges pour l'eslevation du Saint Sacrement..

  A025003138 

 Elle tiendra a l'ordinaire deux cierges sur l'autel pour les Messes des jours ouvriers, et un gros cierge ou flambeau pour l'eslevation du Tres Saint Sacrement.

  A025003139 

 Elle observera de faire mettre des plus beaux luminaires qu'elle ayt quand on fait la Benediction le jour de la feste et le jeudy de l'octave du Saint Sacrement; comme aussi [466] elle donnera quatre flambeaux, et deux aux jours ouvriers, sinon que quelque personne de grand respect fist la ceremonie: en ce cas elle en donnera quatre..

  A025003140 

 Et en toutes ces grandes solemnités, si c'est la coustume du lieu et le tems des fleurs, elle y fera des guirlandes; observant que les cierges des festes cy dessus nommees et autres principales ne soyent pas usés plus du tiers ou de la moytié, et qu'ilz soyent de cire blanche, s'il se peut, tant pour Vespres que pour la Messe, mais ilz pourront estre un peu moindres pour la vigile..

  A025003140 

 Le Jeudy Saint elle fera tenir tout le jour huit ou dix cierges allumés devant le Tres Saint Sacrement, observant d'en faire mettre des plus beaux environ une heure apres midy, et deux flambeaux pour la sainte Messe.

  A025003141 

 Qu'elle se prouvoye de parfum, faysant mettre la cassolette ou autres senteurs a toutes les bonnes festes, Benediction du Saint Sacrement, Reception ou Profession des Seurs, en quelque predication signalee, quand quelque Evesque ou personne de grande consideration dira la sainte Messe, quand quelque grand seigneur ou dame l'entendront en nostre eglise et quand on fait la Communion generale..

  A025003142 

 Qu'elle advertisse le clerc de tout ce qu'il y aura a faire: comme de ne point servir, tant qu'il se pourra, sans avoir sa robe et son surplis, tant a la Messe de la Communauté qu'aux premieres Vespres des grandes festes et a celles de tous les Dimanches et festes de l'annee, ausquelles il se doit treuver, et durant les Offices de l'octave du Saint Sacrement, quand on l'expose sur l'autel et quand on fait quelques ceremonies ou solemnités, luy recommandant de tenir fort net le presbytere et de la sonner quand quelque prestre viendra dire la Messe, et de telles autres choses dont il sera requis de l'instruire..

  A025003144 

 Elle tiendra le chœur fermé, si la Superieure luy en donne la charge, des qu'on sonne le disner jusques a deux heures, et des Vespres jusques a Complies, et des le dernier coup [467] du souper jusques au premier de Matines.

  A025003145 

 Les pavillons seront tenus despliés et estendus tout de leur long, et les paremens plies ou attachés sur des cadres..

  A025003146 

 Elle observera tant qu'elle pourra de mettre a part les ornemens des grandes festes, ceux des secondes et des communes, affin de ne les remuer ou froisser que le moins qu'il sera possible, appareillant la chasuble, le voyle, le parement et le pavillon de l'autel le plus convenablement qu'il se pourra, tant en couleur qu'a la beauté de l'estoffe.

  A025003146 

 On mettra des escaliers de linople ou de toyle bien blanche et fort bien plissee, ou autre selon la coustume des lieux..

  A025003149 

 S'il y a des Messes de fondation, elle aura soin de les faire dire aux jours destinés..

  A025003155 

 Ce jour icy elle aura soin de preparer des cendres qu'elle aura fait des rameaux de l'annee precedente, sans meslange d'autre bois; elle les donnera au celebrant dans un vase..

  A025003158 

 Elle preparera des rameaux de romarin ou de buis, ou [468] d'autres choses semblables, de bonne heure; lesquelz elle donnera au celebrant le matin devant la sainte Messe..

  A025003161 

 Elle aura soin de faire mettre le chandelier triangulaire pour Tenebres, avec quinze chandelles de cire jaune; le deuxiesme jour de Tenebres on le posera au milieu de l'autel, au bas des degrés, selon la façon commune de l'Eglise..

  A025003165 

 Elle preparera deux calices, si c'est la façon des lieux.

  A025003165 

 Elle sonnera en bransle pendant le Gloria in excelsis de la Messe, et des lhors ne sonnera point jusques au samedy..

  A025003181 

 Elle aura des livres devotz pour les malades, qui les recreent saintement: comme le Sermon fait par nostre Bienheureux Pere sur l'Evangile de la guerison de la belle mere de saint Pierre, Le Pelerin de Lorette, la Consolation des malades, par le R. P. Binet, et semblables..

  A025003182 

 Quand elle reconnoistra quelques desirs des malades ou jugera quelque chose leur estre propre, soit pour les remedes et soulagemens extraordinaires ou qu'elles fussent fort desgoustees, elle en advertira la Superieure; comme aussi quand le medecin commandera qu'on achete quelque chose pour leur necessité, affin qu'il se face promptement..

  A025003184 

 S'il y a des Seurs malades de quelque maladie dangereuse, elle se gardera bien de servir les autres de ce qu'elles ont touché, et s'enquerra soigneusement du medecin s'il juge que la malade doive mourir, affin de la faire preparer a la reception du Saint Sacrement, et advertira promptement la Superieure quand elle la verra decliner.

  A025003185 

 Qu'elle tienne fort nettement tout ce qui est de l'infirmerie, et les malades blanchement et nettement accommodees, les servant des linges de l'infirmerie, si leur necessité ou delicatesse le requiert.

  A025003186 

 Elle tiendra tous-jours un Crucifix a l'infirmerie sur l'autel, de l'eau benite et force images devotes pour la consolation des malades; comme aussi une table, couverte d'une nappe fort blanche, pour poser les petites choses dont elle aura presentement besoin, et sur icelle quelque vase de fleurs en la sayson; mais qu'elle n'y en tienne point d'odeurs fortes, de peur de nuire aux malades..

  A025003187 

 Et qu'elle ne mette point devant elles toutes leurs portions, si elle juge qu'elles ne les desirent, ains les servira a mesure qu'elles mangent, n'estant pas aussi necessaire, quand il y a plusieurs malades, de faire a chacune leurs portions, ains on doit mettre pour toutes ensemble; et elle les servira [471] chacune selon leurs besoins, si ce n'est qu'il faille quelque viande plus particuliere a quelques unes: dequoy elle en advertira des le soir la Despensiere et de ce qu'il faut pour leur dejeusner et disner; et des la recreation d'apres le disner ce qu'il faut pour leur gouster et souper, quand elle jugera que quelque chose de particulier leur sera necessaire, sans pourtant exceder aux diversités des choses qui peuvent trop surcharger celles qui apprestent, sinon lhors que le medecin aura reglé leur manger..

  A025003187 

 Qu'elle ayt des petites tables a mettre sur le lict pour faire manger les malades qui n'en seront incommodees.

  A025003189 

 Qu'elle tienne tous les linges marqués d'un I, outre la marque ordinaire, et un roolle de tout ce qui est de sa charge; procurant d'avoir tous les meubles qui seront necessaires en icelle, pour faire les eaux et les petites choses dont les malades pourroyent avoir besoin, desquelz elle aura soin, ne les laissant mesler ou traisner par la mayson, sur tout le linge si tost qu'il est blanchi et la vaisselle des qu'elle est lavee..

  A025003190 

 Elle les visitera souvent, affin que rien ne se gaste, ne laissant point defaillir les choses dont on a de besoin et dont on doit avoir provision; ains advertira la Superieure et 1'OEconome a l'advantage pour y prouvoir, et mettra en toutes les eaux, sirops et autres drogues, des billetz escritz de leur nom..

  A025003191 

 Des que les malades seront suffisamment fortes pour sortir de l'infirmerie, pour venir au chœur ouyr la sainte Messe, elle les y conduira, comme aussi au refectoir a une petite table, s'il est besoin, et aux assemblees des que leur santé le pourra permettre bonnement; le tout avec l'advis de la Superieure..

  A025003196 

 Qu'elle tienne des voyles de reserve pour en donner a celles qui auront besoin de les changer aux grandes festes, ou quand on reçoit des Religieuses; comme aussi des bandeaux, desquelz elle changera aux Seurs tous les moys en hyver et l'esté tous les quinze jours, prenant garde que l'estamine dequoy elle les fera soit espaisse, en sorte que l'on ne voye pas la doubleure, et les fasse estroitz..

  A025003201 

 Qu'elle ne se charge de besoigne, mais demande des aydes a l'advantage..

  A025003202 

 Qu'elle prenne garde soigneusement que rien ne se gaste [473] en sa charge par les ratz et artisons, mettant de l'absinthe dans les habitz qu'elle tiendra enfermés, et que ceux qui seront sur des perches soyent bien couvertz affin que la poussiere ne les gaste.

  A025003202 

 Qu'elle tienne fort net tout ce qui est en sa charge, et ne fasse rien de nouveau aux habitz des Seurs, ains qu'elle suive par tout son Directoire et la coustume..

  A025003204 

 Celles d'esté et les tuniques, de grossiere sarge noire et legere; les tuniques d'hyver, de quelque estoffe de couleur brune, qui soit bonne et chaude, selon la necessité de chacune, les couvrant de quelque legere estoffe, au moins le cors et les manches seulement, pour celles qui portent des cottes.

  A025003204 

 Quant aux cottes des Seurs Domestiques et Tourieres, on les pourra faire d'estoffe brune et grossiere, mais les Seurs Tourieres porteront par dessus des robes ou garderobes noires.

  A025003208 

 Qu'elle face faire des souliers de vache paree, ou de bon veau, un peu liegés si l'on veut, faitz a l'aiguillette, [474] sans estre ouvertz, et doublés pour l'hyver; ou bien des pantoufles, selon la plus grande commodité des Seurs..

  A025003210 

 Quand on devra donner l'habit a quelque pretendante, la Seur Robiere portera des le matin a la sacristie, dans une corbeille, tout ce qui sera requis pour la vesture de la pretendante, delaquelle elle retirera les habitz et chausseures seculieres, dont elle rendra conte a la Seur OEconome apres sa Profession..

  A025003214 

 La Seur Lingere donnera des linceulz blancs de cinq ou six semaynes en hyver, et en esté tous les moys ou cinq semaynes; mais quant aux chemises, mouchoirs, voyles blancs barbettes, petites coëffes, bandeaux des Novices et bas de toile l'esté, elle en portera tous les samedis sur les litz des Seurs, et des devantiers a celles qui en portent; et des coëffes, barbettes et bandeaux de nuit de quinze en quinze jours, ou tous les huit jours quand la Superieure le jugera necessaire..

  A025003215 

 Estans sales qu'elle les estende sur des perches en quelque lieu ou il y ayt de l'air, affin qu'ilz ne pourrissent..

  A025003215 

 Qu'elle ne donne pas des linges qui seront de la derniere lessive tandis qu'elle en aura de la precedente, prenant garde de ne les enfermer qu'ilz ne soyent bien secs.

  A025003216 

 Elle escrira sur son roolle les linges, a mesure qu'elle augmentera ou diminuera; cela s'entend des linceulz, chemises, devantiers ou voyles, car pour tout le reste elle ne sera point obligee d'en tenir conte par le menu..

  A025003217 

 Qu'elle soit soigneuse de raccommoder les linges des qu'ilz commenceront a se rompre, affin qu'ilz ne se dissipent par negligence, et qu'elle le fasse proprement; et pour ce faire plus aysement, elle mettra a part celuy qu'elle treuvera rompu en pliant le linge.

  A025003218 

 Elle mettra des attaches aux chemises, pres des colletz et au milieu de l'ouverture, dont l'une sera attachee sur la toile affin de mieux fermer l'ouverture..

  A025003218 

 Qu'elle ne laisse ni dentelles ni ouvrages autour des linges, [475] ni rien qui ne ressente la vraye simplicité et pauvreté; que si on apporte des chemises carrees, qu'elle les raccommode promptement et y mette des petitz colletz.

  A025003219 

 Le lundy apres Prime elle se treuvera au lieu ou elle doit enliasser le linge pour recevoir celuy que les Seurs luy porteront, prenant garde si elles luy rapportent tout ce qu'elle leur a donné, affin qu'elle advertisse en charité celle qui manquera; puis elle l'enliassera et estendra sur des perches le plus tost qu'elle pourra..

  A025003220 

 Qu'elle compte et escrive tous les gros linges et liasses qu'elle mettra a la lessive, prenant garde quand elle sera faite s'il n'y a rien de perdu Qu'elle demande, le soir, des Seurs autant qu'il luy en faut pour estendre ou plier les linges de la lessive; et quand elle sera pressee de besoigne, qu'elle demande humblement des aydes a la Superieure..

  A025003221 

 La Seur Lingere prendra garde s'il y a des Seurs difficiles au linge que l'on leur donne, affin d'en advertir la Superieure,.

  A025003222 

 Qu'elle demande suffisamment des linges pour l'usage de toutes les Seurs..

  A025003226 

 La Seur Refectoriere aura un tres grand soin de tenir tout ce qui est de sa charge fort proprement et nettement, donnera des torchemains deux fois la semayne, voire plus s'il est besoin.

  A025003227 

 Qu'elle tienne un roolle de tout ce qui est du refectoir, [476] tant des serviettes, torchemains qu'autres meubles, pour en rendre conte au bout de chasque annee a l'Œconome..

  A025003231 

 La Seur Refectoriere dressera les tables, ou elle ne mettra point de nappes, ains tous les Dimanches des serviettes blanches, pliant l'un des boutz d'icelles en dedans de la serviette qu'elle posera sur la table, et de l'autre bout elle en couvrira les portions de pain qu'elle aura coupé.

  A025003232 

 Elle mettra a chacune un cousteau, une cuillier et une tassine, et des salieres de trois en trois, et des potz de deux en deux, ou a chacune le sien s'ilz sont petitz; aussi un petit pot de vin, et dessous chasque pot un petit tranchoir de bois..

  A025003233 

 Elle n'en mettra point a la table de la Superieure, si elle ne [le] luy dit expressement, que celle de l'Assistente au bas bout; excepté les jours de la reception de l'habit et Profession des Seurs, qu'elle en mettra entre deux.

  A025003233 

 Qu'elle mette des serviettes autant d'un costé que d'autre, affin que l'on garde plus facilement l'ordre.

  A025003234 

 Au partir des Graces elle resserrera le reste du pain et du vin..

  A025003239 

 Elle sonnera la seconde table a la fin des Graces de la premiere table, ou bien au sortir de table..

  A025003245 

 Elle tiendra a la cave des tenailles, un marteau et une vilette pour percer les tonneaux, des estoupes, coton et vieux drappeaux et un chandelier pour tenir la chandelle, quand elle ira sur le soir..

  A025003247 

 Quand les tonneaux seront vuides elle les torchera bien et fera mettre hors de la cave, tenant main que l'Œconome les face desfoncer, secher et racler, et les retirera en lieu ou ilz se conservent bien, si la coustume des lieux ou la Superieure n'ordonne autrement..

  A025003248 

 Quand on entonnera le vin ou que l'on en achetera, elle sera soigneuse de mettre des billetz sur les tonneaux, pour marquer ceux qui sont bons pour garder, ou pour boire promptement, et combien ilz tiennent et de quel creu ilz sont, avec l'annee.

  A025003250 

 Elle tirera le vin, tant qu'il sera possible, dans des bouteilles de verre, avec un entonnoir qu'elle tiendra fort net, comme aussi les potz et bouteilles, les rinçant au moins deux fois la semayne.

  A025003252 

 Elle escrira, si elle veut, dans un billet la quantité des viandes et autres choses necessaires pour la nourriture des Seurs, qu'elle pourra donner elle mesme aux Seurs Tourieres, leur recommandant de bien choisir ce qu'elles acheteront..

  A025003255 

 Qu'elle ne touche point la viande cuite avec les mains, tant qu'il se pourra, ains avec les fourchettes, et ne manie guere la crue, de peur de la faire corrompre; qu'elle soit soigneuse de la saler bien a point en esté et un peu en hyver; qu'elle ne laisse point gaster et ne fasse point manger des viandes de mauvais goust..

  A025003257 

 Qu'elle surveille les Seurs qui ont charge de la cuysine, pour voir si elles font bien leur devoir, et les aydera, s'il se peut, quand il y aura des affaires extraordinaires..

  A025003258 

 Qu'elle se montre fort charitable et affectionnee au service des Seurs, specialement envers les infirmes qui ont besoin de quelque soulagement en ce qui regarde sa charge, et qu'elle le face promptement et de bon cœur pour l'amour de Dieu..

  A025003261 

 Elle fera tous les exercices de devotion, tant que sa charge le pourra permettre, comme les autres de son rang; et ne doit estre, tant qu'il se pourra, des Seurs choristes.

  A025003264 

 Elle prendra l'ordre de la Superieure pour l'employ des Seurs, et exercera cette charge avec grande humilité, sans desdaigner ni mespriser les ouvrages qu'elles feront; et n'en fera voir les defautz aux autres Seurs, ains a la Superieure, et ceux des Novices a leur Maistresse..

  A025003270 

 Elle s'instruira de la Seur Œconome et beaucoup plus de la Superieure de ce qu'elle doit demander pour la façon des ouvrages, si elle ne le sçait, et tous-jours quand on luy presentera des ouvrages d'importance, elle prendra l'advis de la Superieure.

  A025003270 

 Qu'elle ne reçoive point d'ouvrages servant a l'usage des hommes, comme seroyent des caleçons, chemises et choses semblables..

  A025003275 

 Elles employeront le matin demie heure a l'orayson, en suite diront les Pater qui sont marqués aux Constitutions pour Prime, Tierce, Sexte, None, et pour cela elles iront au chœur soudain qu'elles seront habillees, excepté une des Seurs, laquelle ayant charge du manger, ira, s'il se peut, faire l'orayson et dire les Pater immediatement apres que les autres auront achevé leurs exercices.

  A025003278 

 Lhors que leur loysir et leur charge le permettra, elles iront les unes apres les autres aux assemblees de la Communauté, observant neanmoins qu'il en demeure tous-jours une a la cuysine, tant qu'il se pourra bonnement faire, lhors qu'il y aura des potz aupres du feu; sinon au tems de la sainte Messe, s'il ne s'en dit qu'une, car si l'on en dit deux, l'une d'entre elles l'entendra, et mesme communiera si c'est jour de Communion..

  A025003281 

 Une des Seurs Domestiques (selon que l'Œconome ordonnera et pour le tems qu'elle jugera a propos, avec l'advis de la Superieure) aura la charge d'apprester le manger et de tout ce qui appartient a la cuysine, tant linges que vaisselle et autres meubles; a laquelle l'Œconome donnera une ayde de mesme rang, la plus convenable en cette charge, sur laquelle neanmoins ladite Seur cuysiniere ne prendra nulle sorte d'authorité, ains s'en servira simplement selon la necessité de la charge.

  A025003282 

 Une des Seurs Domestiques pourra avoir le soin du jardin et des meubles appartenans a son office; de cueillir et esplucher les herbes necessaires, affin que celles qui sont en la cuysine ayent le tems d'aller quelquefois travailler au jardin a ce que la jardiniere leur dira..

  A025003283 

 Et tant l'une des Seurs que l'autre tascheront de bien faire avec affection leur charge, demandant a l'Œconome des aydes selon leur besoin.

  A025003283 

 L'autre Seur pourra avoir charge des lessives, de la boulangerie et d'ayder a la jardiniere; laquelle prendra soin de racler le pain, quand il sera trop bruslé, a mesme tems que l'on l'apportera du four; apres quoy elle le rendra a la Despensiere.

  A025003285 

 Qu'elle ne touche point la viande avec les mains, tant qu'il se pourra, ains avec des fourchettes.

  A025003288 

 Qu'elles retroussent leurs grandes manches fort haut et qu'elles portent des fausses manches de toile ou autre estoffe, et des devantiers qui ayent des pieces, pour conserver leurs habitz, lesquelz neanmoins elles esteront quand elles iront au chœur ou aux assemblees de la Communauté..

  A025003289 

 L'une des Seurs qui ne sont de l'office de la cuysine ira dans le refectoir au quart d'heure, pour mettre les potages sur table; l'une des Seurs qui sera hors de l'office de la cuysine avec l'une de celles qui y seront mangeront a la premiere table, tant qu'il se pourra; voire troys y pourront manger, car une peut suffire a la cuysine pour faire ce qu'il faut et qui est requis: comme de faire des potages pour la seconde table, retirer les viandes et faire chauffer l'eau pour laver la vaisselle, en sorte que celles qui auront mangé a la premiere table les aillent laver immediatement apres qu'elles en sortiront, qui sera tous-jours des qu'elles auront disné ou [485] soupe, appellant apres Graces la Seur qui leur doit ayder, affin qu'elles puissent aller toutes, tant que faire se pourra, a la recreation..

  A025003300 

 Tous les moys elles ballieront ou feront ballier par le clerc les voutes de l'eglise, les murailles et les vitres avec des balais doux.

  A025003301 

 Une fois l'annee elles laveront ou feront laver les vitres de l'eglise, prenant bien garde de tenir des linges dessous pour empescher que l'eau ne coule et gaste les murailles.

  A025003302 

 Elles donneront au clerc quelque chose pour torcher les souliers des prestres qui viendront celebrer la sainte Messe au tems des fanges, affin qu'ilz ne gastent les ornemens comme aussi elles essuyeront de deux en deux jours la lampe du chœur avec quelque vile estoffe, la nettoyeront et laveront entierement au moins tous les quinze jours, ayant un soin special qu'elle soit nette et l'huyle pur.

  A025003304 

 Qu'elles ouvrent l'eglise le matin a six heures et la referment devant le disner, donnant la clef a la Portiere; qu'elles l'ouvrent a deux heures jusques apres Vespres, et des Complies jusques a six heures du soir, ou bien a l'heure que la Superieure ordonnera.

  A025003310 

 Nous terminons vostre voïage [489] a dix semaines, a conter des ce jour de vostre despart, priant Dieu qu'il vous conduise et ramene, avec la paix, grace et consolation de son Saint Esprit, et vous tienne tous-jours sous la protection de sa misericorde.

  A025003340 

 Le recueillement interieur et l'entretien d'esprit avec nos Saintz particuliers et l'Ange gardien, au tems du silence, en la solitude, en la cellule et autres lieux desoccupés des exercices qui requierent une autre attention; et c'est contre l'ennuy naturel et les distractions importunes.

  A025003342 

 La serieuse attention a nous mesmes et a nos offices propres, contre le soin superflu de la charge des autres et contrerollement de leurs actions.

  A025003354 

 L'acceptation et congratulation amoureuse de toute sorte d'incommodités corporelles et suggestions spirituelles; [496] contre l'immortification des sens et liberté.

  A025003356 

 A l'amende pour chasque faute, l'antienne Beata Dei Genitrix Maria, pour la conversion des payens, Turcs et infidelles..

  A025003358 

 La mortification des sens, tant interieurs qu'exterieurs; contre toute sorte de curiosité et d'empressement d'esprit.

  A025003366 

 La vigilance sur ses propres actions, le bon employ [498] manuel du tems, ne point parler de soy mesme ni de ses appartenances; contre la paresse, caquetterie des vains et inutiles discours.

  A025003371 

 Avec ma Seur des Gouffiers.

  A025003379 

 Le recueillement interieur et entretien devot avec nos Saintz particuliers et Ange gardien, au tems du silence et solitude et desoccupé des exercices qui requierent un'autre attention; a l'amende de l'antienne Sancti Dei omnes, etc., a chasque manquement,, pour tous les Praelatz et Pasteurs de l'Eglise..

  A025003381 

 La serieuse attention a nos offices, contre le soin superflu de la charge des autres et contrerollement de leurs actions; a l'amende de l'antienne Salve Regina, pour tous les Rois et Princes chrestiens..

  A025003388 

 L'indifference en la qualité et quantité des viandes, et de l'heure du manger, comm'en toutes autres choses qui repugnent a [495] nostre sensualité; a l'amende de Sub tuum prœsidium confugimus, etc., pour tous les pauvres necessiteux..

  A025003396 

 La fidelité et promptitude, contre les irresolutions et pusillanimités; a l'amende de Sancta Maria, succurre miseris, pour la conversion des infïdelles et payens..

  A025003398 

 La mortification des sens tant interieurs qu'exterieurs, contre [497] toutes sortes de curiosités; a l'amende de l' Ave Maria, pour l'extirpation des hœresies..

  A025003411 

 Avec ma Seur des Gouffiers.

  A025003412 

 Le recit des b... vertus de ses proches, par... Ne point faire la correction a personne es choses legeres et qui ne sont point peché..

  A025003432 

 N'y ayant absolument rien remarqué qui n'exhalât le parfum et n'eût la saveur de très saintes mœurs, des pratiques approuvées et la mise à exécution des saintes instructions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, notre Mère; autant que Nous l'avons pu, avec l'aide du Seigneur, Nous avons très volontiers employé Notre soin et Notre autorité pastorale à favoriser, encourager et promouvoir les très saints efforts de ces Sœurs, assurés dans le Saint-Esprit que ces Congregations fourniront un port de salut à de nombreuses vierges et veuves que le même Esprit daignera arracher aux flots tempetueux du siècle..

  A025003432 

 Nous avons vu et, en raison de Notre charge pastorale, attentivement examiné tout ce qui avait trait aux débuts, aux progrès et aux fruits des Congrégations des Sœurs de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, établies dans Nos diocèses.

  A025003450 

 Ayant esté desiree et invitee par Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Archevesque et Patriarche de Bourges, duquel vous aves le bien d'estre seur selon le sang, affin qu'avec nombre suffisant d'autres Seurs de vostre monastere vous allies fonder, eriger et establir un monastere de pareil Institut en la cité de Bourges, et que d'ailleurs vous estes de mesme invitee a faire semblables fondations a Paris et Dijon: Nous vous permettons la sortie de vostre monastere et les voyages requis a cet effect; comm'aussi de prendre avec vous autant de Seurs et telles que vous jugeres convenable pour des si bonnes œuvres, sans que pour telles sorties, ni vous ni vos Seurs puissent estre censees violatrices de la sainte clausure; a la charge neanmoins, qu'apres avoir fait les fondations et establi l'ordre convenable, vous vous retiries dans vostre dit monastere, selon que par Nous ou Nos successeurs il [504] sera treuvé convenable, et que par tout vous observies la Regle et les Constitutions de vostre dit Monastere..

  A025003474 

 ERECTION DU MONASTERE APPELE DES RELIGIEUSES DE LA BIENHEUREUSE MARIE DE LA VISITATION, DANS CETTE VILLE D'ANNECY.

  A025003477 

 Nous imposons et ordonnons aux mêmes Sœurs de se soumettre à la clôture perpétuelle, selon les décrets du Concile de Trente, avec toutes les lois qui concernent la solennité des vœux..

  A025003477 

 Vu et considéré ce qui devait l'être, Nous avons érigé et érigeons la présente Maison appelée «de la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu de la Visitation», en Monastère, sous la Règle de saint Augustin, décrétant, en vertu de la même autorité Apostolique, que toutes les Sœurs ou Religieuses de cette Maison et tout le monastère lui-même devront à l'avenir jouir et profiter de toutes et chacune des immunités, privilèges, induits et concessions dont les autres monastères de Religieuses vivant sous la même Règle ont coutume de faire usage, de jouir et profiter; en outre.

  A025003478 

 Mais comme Nos bien aimées Sœurs dans le Christ, Jeanne-Françoise Frémyot, Supérieure de la Maison, et Marie-Madeleine de Mouxy Nous ont exposé qu'elles avaient encore la propriété de certains biens dans le monde, dont elles n'ont pu jusqu'ici disposer [506] commodément, et auxquels cependant elles désirent renoncer avant d'être tenues aux lois de la solennité des vœux: en conséquence, Nous leur fixons, à toutes deux, le délai de six mois, à dater du jour des présentes, pendant lequel elles pourront licitement disposer des biens susdits; après lequel délai, qu'elles soient tenues de déclarer si elles veulent se soumettre à la solennité des vœux et à ses effets.

  A025003499 

 Ayans veu et consideré l'escrit fait en l'autre part de cette feuille, et sachans fort bien la verité des choses [510] qui y sont contenues, Nous l'avons treuvé bon, le louons et, entant qu'en Nous est, Nous l'appreuvons..

  A025003526 

 Mais comme la Congrégation de ces femmes demandait très humblement au Saint-Siège Apostolique que, même transformée et érigée en Monastère, elle ne fût pas davantage pour cela tenue de réciter les Heures canoniques de l'Office qu'on appelle le grand Office, qu'elle ne l'était auparavant, mais qu'il plût au même Saint-Siège de lui accorder que les Sœurs du Monastère érigé, en récitant chaque jour le petit Office de la Très Sainte Vierge Marie au chœur, sérieusement, gravement, lentement, dévotement et religieusement, comme elles avaient jusque-là coutume de le faire, fussent [512] délivrées et exemptées de l'obligation de réciter un autre Office; le même Souverain Pontife leur accorda ce privilège pour sept ans, assurant de vive voix que, s'il était toujours en vie, il accorderait ensuite facilement ce privilège à perpétuité (au témoignage du R, P. Don Juste Guérin, Supérieur des Clercs réguliers de Saint-Paul de Turin, lequel poussait alors cette affaire, et, de plus que, s'il était mort à ce moment, son successeur ferait de même volontiers; mais, s'agissant d'une chose peu usitée jusque là, il ne voulait pas la concéder à perpétuité pour commencer et de prime abord..

  A025003533 

 Et de même que l'Eglise a destiné presque chaque semaine un jour au culte de la Bienheureuse Vierge, de même elle ne fera rien qui ne soit convenable et de nature à lui plaire, en destinant un Ordre, surtout de femmes, au chant public des louanges quotidiennes de la Mère du Christ Notre-Seigneur et de toute la chrétienté; ce sera là, au contraire, faire chose très agréable, et au Christ, et à sa Mère, et à leurs dévots..

  A025003534 

 Enfin, la plupart des vierges et aussi des veuves d'âge avancé n'arrivent presque jamais à apprendre exactement à réciter le grand Office; pour cela, le plus souvent, elles ne peuvent entrer en Religion: c'est pour elles un avantage si cet Institut de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, de l'Ordre; de Saint-Augustin, n'est pas tenu désormais à d'autre Office qu'au petit, récité convenablement.

  A025003535 

 Du reste, la récitation du grand Office n'est pas inséparable de l'état religieux; car, sans parler de l'illustre et très célèbre Compagnie [515] de Jésus, ni des Ordres militaires, il y a en France des Monastères de femmes, par exemple le Monastère de l'Ordre de Saint-Augustin de Pontoise, où les Moniales ne sont tenues qu'à la récitation au chœur du petit Office de la Bienheureuse Vierge; de sorte qu'accorder ce privilège aux Monastères de femmes, est une chose qui, tout en n'étant pas très usitée, n'est pas totalement nouvelle, et d'ailleurs à désirer pour de nombreuses et très graves raisons.

  A025003547 

 Chaque jour voit surgir des demandes de fondation et des fondations nouvelles pour d'autres villes..

  A025003547 

 En 1610 fut fondée une Congrégation de pieuses vierges et veuves oblates, dans la ville d'Annecy, du diocèse de Genève, qui, s'étant ensuite multipliée, donna naissance à des fondations semblables dans plusieurs villes: Lyon, Moulins, Grenoble, Bourges, Paris, Montferrand, Nevers, Orléans.

  A025003548 

 C'est pourquoi les autres Communautés, issues de cette première soit médiatement, soit immédiatement, font-elles des vœux ardents et présentent une humble requête pour [517] être transformées en Monastères de même Institut et de même Règle, soit parce qu'elles seront ainsi attachées plus fortement à Dieu et à la vie religieuse, soit parce que cela sera plus agréable aux populations, soit parce qu'elles acquerront plus de conformité et de cohésion entre elles.

  A025003565 

 Ces statues (sic) et regles des quelles Religieuses et de ce qui concerne leursdits Monasteres sont icy transcrips sommairement et par abregé, tirés et extraits de chacun des chapitres..

  A025003565 

 L'institution des Sœurs religieuses de S te Marie a esté concedee par Sa S té, a la charge qu'elles auront pour Superieurs les Evesques diocesains qui auront toute Visitation sur leurs Monasteres ou elles feront veu (sic) de Religieuse et ne seront en simple Congregation.

  A025003569 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirant bien souvent de consacrer touts les moments de leur vie a l'amour et service de Dieu, lesquelles neantmoins pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre ja affoiblies par l'aage, ou mesme pour [521] avoir des urgentes obligations [d'] ordonnés de temps en temps des affaires de leur maison, ou bien, enfin, pour n'estre pas inspirés ny disposés, ne peuvent pas entrer ez Religions esquelles on mene une vie austere et rigoureuse, et par consequent sont contraintes de s'arrester au monde parmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposés aux perpetuelles distractions et grands dangers et occasions de toute sorte de pechés et vivre sans devotion: en quoy il y a beaucoup de perte et compassion..

  A025003570 

 Affin donc que telles personnes ayent moien de se retirer du monde, fuir ses appasts et amorces de peché et s'appliquer plus doulcement et parfaictement au service et amour de Dieu et exercices des vertus et choses spirituelles, ceste devote et religieuse Congregation a esté dressee et procuree envers nostre S t Pere le Pape sur l'exemple de celles qui, a mesme intention, furent instituees par S t Charles Borrhomee, en son diocese de Milan, et de celle de S te Françoise a Rome..

  A025003573 

 On y pourra donc recevoir les veufves qui ont encore quelques obligations d'avoir soin de leurs enfants et des affaires de leur maison, a condition toutes fois qu'elles ne prendront point l'habit de la Religion qu'elles ne soient entierement libres des occupations de leur mesnage, et qu'estans une fois admises en la compagnie, elles vivront avec mesmes devoirs et observances que les Sœurs professes, sinon qu'il sera permis a telles veufves d'aller quelquefois l'annee donner ordre aux affaires de leur maison en la sorte qu'il a esté dict; et cependant elles porteront un habit simple et modeste, en un mot, de vrayes veufves..

  A025003574 

 En second lieu on y pourra recevoir les veufves, et filles aagees de seize ans, qui, pour l'infirmité de leur santé et complexion naturelle, ou pour quelqu'une des causes cy dessus en l'article premier mentionnés, ne peuvent supporter l'austerité et rigueur d'aultres Religions; pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat, pour vivre soubs l'obeissance et en la praticque de la devotion et exercices de la vie spirituelle.

  A025003583 

 Outre les susdicts, pourront entrer les peres et meres pour la consolation des Sœurs malades, quand elles seront tellement malades qu'on jugera leurs maladies perilleuses.

  A025003590 

 Septiesmement: Il sera permis de recevoir en la Maison, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a ferre des confessions generales, ou pour s'establir a l'amandement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte, a la charge qu'y estant entrees, elles obeissent a la Superieure et qu'il n'y en aye que trois au plus au mesme temps..

  A025003602 

 Quand est de la closure des Sœurs voilees, elle s'observera exactement selon la prescription du sacré Concile de Trente, en sorte qu'elles ne pourront aucunement sortir [sinon] es cas notés en iceluy et permis par les sacrez Canons.

  A025003608 

 A deux heures elles feront demi heure de leçon spirituelle en particulier, apres laquelles elles iront a Vespres, lesquelles se chanteront a trois heures; et icelles dictes, elles pourront demeurer en [524] conversation et deviser de choses qu'elles auront leu, jusques a Complie qui se diront a basse voix a cinq heures, et seront suivies des Litanies et d'une demie heure d'oraison mentale, en sorte que le tout soit achevé a cinq heures 3 quartz; et des lors elles relascheront un peu [leur esprit] jusques au souper, le tout neantmoins en silence, qui durera jusques apres le souper ou collation qui se feront tousjours a six heures..

  A025003612 

 Es jours de jeusne, que l'on disne a unze heures, l'on fera le matin l'heure de silence qui defaudra l'apresdinee, et rempliront les heures qui abonderont avant disné a fere des ouvrages; et en l'apresdinee il n'y aura rien de moins qu'es austres jours, parce que l'heure qu'on emploie a souper supplera a l'heure que le retardement du disné a retranché..

  A025003614 

 Complie se diront a l'heure ordinaire et a basse voix, ausquelles on adjoustera le Stabat en chant, qui sera suivi des Litanies a basse voix et de l'orayson, en sorte que pour le tout soit employé l'heure..

  A025003635 

 Pour habillement elles porteront des robbes et cottes noires, d'ettoffes simples, comme drap cadis, gros burail et estamine.

  A025003653 

 Que si quelqunes des Sœurs avoit quelque choses a proposer sur le mesme subject, elle le dira a la Superieure..

  A025003661 

 Que les Sœurs en toutes leurs actions observe[nt] une grande tranquilité, simplicité et modestie, ne suivant le faste et appareil des contenances mondaines et affectees......................

  A025003669 

 L'annee du noviciat expiree, la Novice sera admise pour faire [527] les vœus, si elle est jugee par la Congregation des Sœurs avoir satisfaict durant son noviciat; et pour ce il fault que des trois partie les deux de l'assemblee y consentent..

  A025003690 

 Toutes les regles et Constitutions de cete Congregation, tant communes a toutes les Sœurs cy dessus expliqués que particulieres des Officiantes, que nous n'avons icy mises pour briefveté, n'obligent aucunement d'elles mesmes soubs peine d'aucun peché ny mortel ny veniel, ains sont seulement donnés pour la direction et conduicte de la Congregation.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000007 

 Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement.

  A026000007 

 Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!.

  A026000015 

 II. Déclaration mystique sur le Cantique des Cantiques.

  A026000018 

 Le Cantique des Cantiques, eglogue de Salomon.

  A026000019 

 I. Premier empeschement la souvenance des playsirs sensibles.

  A026000026 

 Avertissement des Editeurs.

  A026000034 

 — Ceux qui jugent témérairement et qui médisent sont des aveugles et des esprits pleins de malice.

  A026000046 

 B. Petits traités et avis a des destinataires particuliers.

  A026000052 

 — La prière, les Sacrements, l'exercice des vertus: moyens pour l'acquérir.

  A026000052 

 — Obéir aux commandements de Dieu et des supérieurs, aux conseils évangéliques suivant sa vocation, aux inspirations de la grâce.

  A026000062 

 — Exemple des Israëlites mangeant l'agneau pascal.

  A026000062 

 — L'un des principaux fruits de la Communion: la charité mutuelle. 106.

  A026000067 

 — Remèdes contre la mauvaise tristesse: avoir patience; contrarier ses inclinations; chanter des cantiques spirituels; s'employer aux œuvres extérieures; faire souvent des actes extérieurs de ferveur; la discipline modérée; la prière et s'adresser à Dieu avec des mots de confiance; la sainte Communion; l'ouverture de cœur. 112.

  A026000079 

 — Détail des péchés contre les commandements de Dieu.

  A026000079 

 — Il faut s'accuser non seulement du genre de péché, mais de l'espèce, du nombre, des divers degrés du péché.

  A026000087 

 Des pechés contre le premier commandement du decalogue.

  A026000098 

 Des pechés qui se commettent contre les commandemens de l'esglise.

  A026000104 

 — Bel exemple de simplicité des petits enfants.

  A026000106 

 — Arrêter l'inconstance de l'esprit humain par la force des anciennes résolutions. 137.

  A026000106 

 — Exemple des petits enfants.

  A026000106 

 — Ne pas faire des retours sur soi-même.

  A026000110 

 — Pour se débarrasser des troubles de la partie inférieure, passer outre, sans les regarder.

  A026000124 

 Des secheresses et sterilités.

  A026000125 

 Des tentations: premierement de la vocation.

  A026000126 

 Des aversions.

  A026000147 

 — La Mère Rosset doit être « Depenciere » des dons de Dieu.

  A026000154 

 — Conduite à tenir à l'égard des malades.

  A026000154 

 — Demander ce dont on a besoin est plus parfait que de se laisser à « la providence des Superieurs ».

  A026000154 

 — On peut admettre des Novices d'un autre Ordre; pour les Professes, il faut une dispense de Rome.

  A026000155 

 Grand honneur d'être appelées à la conduite des âmes; comment faut-il s'en acquitter? — Les Supérieures doivent suivre les voies de Dieu et non les leurs.

  A026000157 

 — L'égalité d'esprit est l'un des plus beaux ornements de la vie chrétienne.

  A026000159 

 — Ne soyons pas des anges, mais de petits poussins.

  A026000160 

 — Suavité des inspirations divines; trouble et inquiétude en celles qui viennent du démon.

  A026000190 

 A la benediction des offrandes (Jesus est attaché en croix) 218.

  A026000209 

 Note des editeurs.

  A026000253 

 — Les soldatz: Si tu es roy des Juifz.

  A026000258 

 l'ecclipse dura des que Nostre Seigneur fut crucifié jusqu'a none, qui n'a accoustumé de durer que bien peu; le 3.

  A026000259 

 Sainct Denis, converty a ce miracle estant en Hæliopoli; luy mesme, en l'epistre a Policarpe, l'instruisant pour la conversion des Apollophanes..

  A026000270 

 La figure de cette chose se trouve au livre [II] des Rois, chap. XV..

  A026000277 

 ( Gabbatha signifie hauteur; Lithostrotos, en grec, balcon de pierres, lieu de jugement.) C'était la préparation de la Pâque, environ la sixième heure (c'est-à-dire la sixième heure de la prière: ainsi divisait-on le jour: 1, 3, 6, 9), et il dit aux Juifs, [etc.] Les princes des [5] prêtres répondirent: Nous n'avons de roi que César. (Donc le Messie vient, Gen. XLIX: Le sceptre ne s'éloignera point, etc.).

  A026000284 

 f) Et il fut mis au rang des scélérats..

  A026000288 

 j) Il y eut des ténèbres sur toute la terre, etc.; les sépulcres des morts s'ouvrirent, la terre trembla.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000297 

 Cependant, le voilà tout tel qu'il est sorty de sa main et qu'il a esté trouvé apres son decez; lequel en avoit rendu depositaires des personnes lesquelles, soit pour leur consolation particuliere, ou pour quelque autre bonne consideration, n'avoient pas jugé à propos de le publier plus tost.

  A026000305 

 Il y a deux sortes d'unions de l'ame avec Dieu en ce monde: la premiere par grace, et laquelle se fait dans le Baptesme ou par le moyen de la penitence; et la seconde par devotion, et celle ci se fait par le moyen des exercices spirituelz.

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000307 

 Les uns regarderont simplement un pourtrait pour y voir les couleurs et images, sans autre fin; les autres, pour apprendre l'art et l'imiter; les autres, pour aymer la personne representee, comme les princes font leurs espouses, que bien souvent ilz ne voyent qu'en image; les autres, parce qu'ilz ayment des-ja la personne representee, se playsent a regarder son pourtrait.

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000310 

 Salomon a pour fin en ce Livre la devotion, mais pour sujet l'orayson mentale prise pour la meditation et contemplation, non pour la pensee, ni pour l'estude, ni pour la demande, ni pour la devotion, ni mesme pour la consolation et le goust que l'on a en l'orayson, lequel ne s'y trouvant pas tous-jours est distingué d'ieelle; ains arrive souvent que ce goust n'estant pas en l'orayson des bons, se trouve en celle des grans pecheurs.

  A026000311 

 Que si l'orayson mentale est distinguee du goust spirituel comme la cause de l'effect, elle l'est encor plus de l'allegresse spirituelle qui est engendree de la multitude des goustz.

  A026000312 

 Ainsy, le pecheur n'a pas de soy la possibilité a servir Dieu meritoirement: estant en grace, il a la possibilité, avec resistance et sans facilité; apres avoir continué, il le sert facilement; apres qu'il est devot, il le sert promptement; s'il est contemplatif, il le sert allegrement: la grace donnant la possibilité, la charité donnant la facilité, l'orayson mentale la promptitude et devotion, la multitude des goustz la gayeté..

  A026000313 

 Au dessus de toutes ces actions sont l'extase et le ravissement; car lhors qu'en l'orayson, meditant et contemplant, l'homme s'attache tellement a l'object qu'il sort de soy mesme, perd l'usage des sens et demeure absorbé et attiré, cette alienation d'entendement de la part de l'object qui ravit l'ame, s'appelle ravissement, et de la part de la puissance qui demeure absorbee et engloutie s'appelle extase, dernier effect de l'orayson mentale icy bas..

  A026000314 

 Bref, l'orayson mentale est le sujet des Cantiques.

  A026000314 

 Mais on a besoin de la connoissance des choses susdites pour la declaration des termes, mesme lhors qu'ilz ne semblent estre que litteraux, bien que ce soit fort rarement et qu'il soit bien difficile de les y connoistre; ou, au contraire, les mistiques y sont en abondance et tres divers.

  A026000315 

 Le theatre de Hierusalem sera tous-jours l'Eglise militante; l'Espoux sera tous-jours Dieu increé ou incarné; l'Espouse, l'ame; le chœur des dames, les conversations mondaines..

  A026000315 

 Les baysers signifieront tous-jours les consolations spirituelles; les embrassemens, les unions avec Dieu; les douceurs des viandes, les goustz spirituelz; les langueurs et defaillances, les gayetés et allegresses; les sommeilz et enyvremens, les ravissemens et extases.

  A026000315 

 Mais nous n'avons rien entrepris sans imitation des meilleurs autheurs et sans apparente convenance entre le terme signifiant et le signifié; et ayant donné une fois une signification a un terme, nous ne l'avons despuis jamais changé.

  A026000317 

 Mais la sixiesme scene represente une ame laquelle, ayant surmonté tous ces empeschemens, n'a plus besoin de remedes; et a chacune des cinq autres scenes, donnant ou mettant un empeschement, un remede et un degré..

  A026000318 

 En la premiere, la souvenance des playsirs passés sensitifs est l'empeschement; le remede est le desir des choses spirituelles et les demander a Dieu; le premier degré est de considerer Dieu es choses corporelles..

  A026000322 

 En la cinquiesme, l'empeschement est des respectz humains; le remede est la solitude; le degré, la consideration de Dieu en luy mesme, mais comme Dieu.

  A026000327 

 Ce luy est un grand empeschement pour apprehender les consolations divines de ne se pouvoir separer ni desfaire des anciennes compaignies, conversations et recreations..

  A026000328 

 Donques l'Espouse, c'est a dire l'arae des-ja en grace, voulant entendre a la vie spirituelle par les baysers de son divin Espoux, qui sont les consolations spirituelles, a une grande peyne a se desprendre du chœur des dames (conversations anciennes) qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporelz.

  A026000328 

 Dont l'ame languissante pour l'absence de son Espoux, desirant s'unir a luy par l'orayson, le chœur des dames la veut conforter avec vins et parfums, luy remettant en memoyre les playsirs passés; nonobstant lesquelz elle demande: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026000330 

 Remede: Desirs et demande des biens spirituels.

  A026000332 

 Premierement elle considere que les biens et playsirs mondains, aupres des divins ne sont que vanité; secondement, que Dieu est doux et souhaittable en luy mesme; troysiesmement, que plusieurs ames saintes ont frayé le chemin, n'ayant trouvé aucun playsir qu'en Dieu; quatriesmement, elle demande a Dieu qu'il luy oste toutes affections terrestres..

  A026000333 

 Et tout incontinent, portee par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si des-ja c'estoit fait elle adjouste: Mon Roy m'a menee en ses cabinetz; nous sauterons de joye et nous res-jouirons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours qui sont meilleurs que le vin; les bons t'ayment et te prisent..

  A026000334 

 Le foyer du peché en la concupiscence y apporte du deschet, mays sans quil luy puisse estre reproché ni imputé a peché: Ne prenes donq pas garde a ce que je suis brune, car mon Soleil m'a voulu ainsy laisser en ceste guerre: le soleil m'a donné le teint que j'ay, et ne m'est pas advenu par ma faute, mais par celle des premiers enfans de la nature humaine, ma mere.

  A026000334 

 Les scrupules neanmoins surviennent, par la memoire des pechés passés; dont elle dit: Je suis noire; mais l'integrité de sa conscience presente fait qu'elle adjouste: mais je suis belle, o filles de Hierusalem, comme les tabernacles de Cedar et comme les peaux de Salomon.

  A026000340 

 Si tu n'as pas encores une entiere connoissance, o la plus belle des femmes, parce que tu es encores commençante, sors de la souvenance des playsirs passés, et va suyvant les pas de tes troupeaux; cherche mes sentiers en toutes les creatures, laisse-toy guider et mener la par ou elles mesmes retournent, et tu trouveras qu'elles iront reposer aux pasturages de leur premier berger: Fais paistre tes chevreaux pres les loges des pasteurs..

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000342 

 Et mesme ce monde, nostre habitation: Les chevrons de nos maysons sont de cedres et nos solives sont de cypres; donq, quelle merveille si je suis la fleur du champ et le lys des vallees? Ce qu'advouant l'Espoux, il monstre que plusieurs ames sont bien de contraire condition par la malice de leurs volontés, car elles sont comme des espines: Comme un lys entre les espines, ainsy est ma bienaymee entre les filles..

  A026000343 

 Cheres loüanges que l'ame n'accepte ni ne refuse, mays, esprise de son Espoux, retourne a le considerer es mesmes choses sensibles, non plus en meditant pour l'aymer, mais en contemplant pour se res-jouir, le confessant tres haut entre toutes les choses creées: Comme est un pommier entre les arbres des forestz, ainsy est mon Bienaymé entre les enfans des hommes.

  A026000343 

 Dont, ayant trouvé un bien si eminent au dessus de tout autre, elle s'y repose sans en plus rechercher: Je me suis reposee a l'ombre de celuy que je desirois; et en ce repos spirituel se fait le goust de la [19] devotion: et son fruict est doux a mon goust, et si doux qu'il engendre des saintes manies et fureurs en mon ame, comme si elle estoit enyvree d'amour; dont elle s'escrie: Il m'a menee au cellier de son vin, il a desployé sur moy l'estendart de son charitable amour.

  A026000343 

 Mais particulierement avec leur frequente communication, ilz engendrent l'habitude de l'allegresse spirituelle, en laquelle, languissant doucement, elle se sent defaillir et esvanouyr, et pour ce dit elle: Hé, reconfortes moy avec des fleurs, mettes des pommes autour de moy, car c'est d'amour que je languis..

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000348 

 Pour la consideration de Dieu, nul chemin ne nous est plus battu, conneu et familier que celuy des choses corporelles entre lesquelles nous vivons; nul n'a en soy plus de facilité, mays aussi, nul n'a plus de distractions.

  A026000349 

 De mesme que la multitude des songes ne laisse dormir paysiblement, mays fait presque veiller en dormant, ainsy l'orayson arrivee au sommeil de l'extase, qui est comme son giste, elle peut estre appellee elle mesme sommeil; mays quand elle est interrompue de distractions phantastiques, c'est un sommeil plein de songes.

  A026000349 

 Il semble que tantost il vienne et que tantost il fuye: Mon Bienaymé est semblable a un chevreuil et a un faon de cerf; maintenant il se monstre, maintenant il se cache: Le voyla qui se tient debout derriere nos murs; et bien qu'il semble qu'il se face voir, regardant par les fenestres, neanmoins la vision n'estant ni bien claire ni bien arrestee, l'on peut dire que les fenestres ont des barreaux et qu' il regarde par les treillis..

  A026000353 

 Il se res-jouit de ce que les fleurs de devotion commencent a sortir et pousser: Des-ja les fleurs paroissent en nostre terre; de ce qu'elle a commencé a retrancher les superfluités vicieuses: le tems d'esmonder et nettoyer les arbres est venu; de ce qu'ainsy qu'une tourterelle, elle a fait ouÿr sa plainte et son gemissement avec l'orayson: On a ouÿ la voix de la tourterelle en ceste contree; mays de plus, il se res-jouit de ce que des-ja elle a produit des fleurs de bonnes œuvres et des odeurs de bon exemple: Des-ja le figuier jette son fruict, les vignes sont fleuries et jettent leur bonne odeur. Il l'admoneste, outre ce, de passer plus avant, et, de commençante, qu'elle se face prouffitante, luy redisant: Leve toy, ma bienaymee, ma belle, et t'en viens..

  A026000353 

 O combien estoit [21] triste l'hyver du peché: car des-ja l'hyver est passé, la pluye s'en est allee.

  A026000354 

 Et parce qu'es commencemens il semble a l'ame qu'elle soit entre plusieurs difficultés, comme entre des pierres ou des espines ( Ma colombe, qui est dans les trous de la pierre et an creux de la muraille), pour cette cause il asseure qu'elle ne laisse pourtant de luy estre bien aggreable: Hé, monstre moy ta face, que le son de ta voix vienne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres belle..

  A026000360 

 Au precedent degré il semble qu'on ne trouve pas Dieu, encor qu'on l'ayt trouvé; [22] mais en celuy ci on reconnoist incontinent qu'on l'a trouvé: La nuict, en mon lict (c'est a dire es cors humains, qui sont les lictz des ames), j'ay cherché Celuy que mon ame ayme, et je ne l'ay point trouvé.

  A026000360 

 Cette voye des considerations est moins conneuë, mais aussi moins sujette aux distractions.

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000376 

 Or ses parties mistiques sont: les yeux, c'est a dire les intentions qui la meuvent; les cheveux, c'est a dire les affections, amour, hayne, desir et autres, qui, comme les cheveux, ne sont ni bonnes ni mauvaises, sinon entant qu'elles sont employees au bien ou au mal; les dens, c'est a dire les sens qui maschent toutes les viandes qui doivent entrer en l'estomach de l'entendement; les levres et le parler, c'est a dire les pensees qui, en façon de paroles interieures, produisent des discours insensibles; les joües sont les deux puissances raysonnables, qui sont l'entendement et la volonté; le col, la force irascible qui rechasse et repousse les empeschemens; les mammelles sont les deux actions de la concupiscible: suivre le bien, fuyr le mal.

  A026000378 

 Les affections ne doivent estre esparses, mais serrees et unies comme un troupeau sous la houlette du souverain Pasteur: Tes cheveux sont comme des troupeaux de chevres qui viennent du mont Galaad..

  A026000382 

 L'irascible sera si vaillante contre les tentations qu'on pourra dire: Ton col est comme la tour de David, bastie avec des boulevars; mille boucliers sont pendus en icelle et toutes sortes d'armes pour les hommes fortz. Et quant a la concupiscible, elle aura son desir du bien et sa fuite du mal si simples qu'on pourra dire: Tes deux mammelles sont comme deux faons de chevres que l'on fait paistre entre les lys..

  A026000383 

 En fin l'Espoux qui, des son Ascension, est allé a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens, au Ciel, a la dextre du Pere, comme il l'avoit predit (Devant que le jour decline et que les ombres s'abbaissent, j'iray a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens), il loüera l'ame, disant: Tu es toute belle, o ma bienaymee, et il n'y a pas une petite tache en toy; et l'invitera de passer de la Hierusalem militante a la triomphante, disant: [26] Viens du Liban, mon espouse, viens du Liban, viens, et promettra les couronnes et sieges dont furent chassés les demons: Tu seras couronnee du haut du mont Amana, du coupeau de Sanir et d'Hermon, des sieges des lions, des montaignes des leopars..

  A026000384 

 Tous ces ornemens sont aggreables a Dieu, mays sur tout la netteté et pureté d'intention, qui doit estre si grande que toutes nos fins se reduisent a une fin, toutes nos intentions a une intention, tous nos desirs a un desir, d'aymer et servir Dieu, en sorte qu'il n'y ayt plus qu'un œil: Vous aves navré mon cœur, ma seur, mon espouse, vous aves navré mon cœur avec un de vos yeux; et qu'il n'y ayt plus qu'un cheveu, dont il s'ensuit: et de l'un des cheveux de vostre col..

  A026000386 

 Disons ainsy: les actions appartenantes a une ame sont interieures ou exterieures; les exterieures se font par le commandement des interieures.

  A026000386 

 En somme, l'ame est une fontayne de bonnes œuvres qui saillent jusques au ciel avec impetuosité, pareille [27] a celle des eaux qui viennent du Liban: La fontayne des jardins, le puitz des eaux vives, qui fluent impetueusement du Liban..

  A026000386 

 Et quant aux exterieures, il faut qu'elles soyent comme un beau paradis: Ce que tu envoyes et metz dehors est comme un paradis auquel on void toutes vertus: de grenade, des fruictz des pommiers, de bausme avec du nard et saffran, sucre et cannelle et toutes sortes de fruictz des arbres du Liban, mirrile et aloës, avec toutes sortes des plus excellens parfums.

  A026000387 

 De la part de Dieu, qu'il chasse la bize des tentations et qu'il envoye le vent du midy de sa grace prevenante, disant: Fuys, Aquilon, et viens, o Midy, souffle en mon jardin, et les odeurs d'iceluy s'espandront; de la part de l'ame, qu'elle accepte ceste grace et coopere, disant: Que mon Bienaymé vienne en son jardin, et qu'il mange du fruict de ses pommiers..

  A026000388 

 Ainsy, apres la mirrhe de penitence, Dieu tirera l'ame, par le moyen des saintz exercices, aux odeurs aromatiques de l'orayson, avec du miel, du lait et du vin de meditation, d'amour et de contemplation, mays contemplation telle, qu'elle produira des goustz, allegresses et extases qui non seulement estancheront la soif, mais enyvreront.

  A026000392 

 Elle voudroit bien advancer, mais la peyne l'espouvante; et si l'Espoux l'appelle derechef, elle se leve pour aller a l'orayson, neanmoins avec resistance de la partie sensitive qui la prive du goust et fait qu'a peyne peut elle penser que Dieu soit avec elle, et, comme il advient a ceux qui sont extremement las, elle dort en veillant: Je dors, mays mon cœur veille. [28] Puys, se tournant vers son Espoux qui heurte a son cœur: C'est la voix de mon Bienaymé qui heurte, et l'excite affin de luy ouvrir et commencer de nouveau son orayson: Ouvre moy, ma seur, ma bienaymee, ma colombe, ma toute belle, et, avec un quatriesme degré d'orayson, medite un peu ma Passion: Tu trouveras que j'ay le Chef plein de la celeste rosee de mon sang, et les cheveux sanglans des nocturnes pointures des espines: Car mon chef est plein de rosee et mes cheveux entortillés sont tout trempés des gouttes des nuictz..

  A026000394 

 De façon que, par tout ou elle se trouve, elle rencontre de grandes difficultés, esmeuës par ce quatriesme empeschement des travaux corporelz..

  A026000394 

 Dont, se resouvenant avoir esté tant appellee et tant paresseuse, elle se contriste et consomme [29] de douleur: Mon ame s'est toute fondue des que mon Bienaymé a parlé.

  A026000394 

 Elle essaye a trouver goust au premier degré de consideration par le moyen des choses sensibles; mais le travail ne permet pas qu'elle y en puisse trouver: Je l'ay cherché et ne l'ay point trouvé; je l'ay appelle, et ne m'a point respondu.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000394 

 Par le moyen de ceste douleur il se fait que, bien que l'ame, au defaut de la partie corporelle et sensitive, ouvre a son Seigneur (J'ay ouvert le verrou de mon huys a mon Bienaymé), neanmoins, a cause de ceste repugnance, elle trouve si peu de goust en l'orayson qu'il luy est advis que Dieu n'est point avec elle: mays il s'estoit destourné et avoit des-ja passé.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000398 

 L'orayson vocale, ou plustost les devis spirituelz servent de remedes a l'ennuy du travail; ainsy void on celuy qui par maladie a perdu le goust et appetit, changeant de viande le recouvre, et qu'es Congregations contemplatives on entrejette des colloques spirituelz aux oraysons.

  A026000399 

 Il est comme une blanche colombe qui a en soy tous les dons du Saint Esprit, representé par les yeux: Ses yeux sont comme des colombes sur les rivages des eaux, que l'on a lavees de laict; le Saint Esprit, appellé en autre façon riviere, non par mesure, mais avec toute plenitude luy est donné: et resident es pleins cours des eaux. Partant, si tu contemples ses exemples, comme les joues pleines, ouvertes et mises a la veüe de tous, aussi odoriferantes que vases pleins de parfums aromatiques, ilz se font sentir de tous costés: Ses joües sont comme parterres de fleurs aromatiques que les parfumeurs mesmes ont plantés.

  A026000399 

 Parce que la charité, chef des vertus, se peut dire estre d'or en luy, c'est a dire tres pretieuse: son chef est un or tres pur et tres bon; et les graces et benefices qui, comme cheveux innombrables, en procedent, sont les premiers fruictz des palmes et noires comme corbeaux; ce sont les effectz de la victoire qu'il eut en l'arbre de la Croix, si dignes d'estre admirés, comme le noir en un cheveu: Sa cheveleure est comme branches de palmes hautes et touffues, noire comme un corbeau.

  A026000399 

 Sa doctrine semble estre mirrhe pretieuse qui sort comme des lys de ses saintes levres: Ses levres sont des lys qui distillent la mirrhe la plus singuliere.

  A026000400 

 Quoy plus? soit au dedans, soit au dehors, cest Espoux est admirable: son cœur est d'ivoyre, enrichi de pierres pretieuses; ses deliberations sont simples, mays prudentes: Son ventre est d'ivoire, semé de saphirs au dehors; ses executions sont fortes, mays avec discretion: Ses cuisses sont colomnes de marbre fondees sur des bases d'or; et, pour finir icy, il est tout tres cher, il est tout tres beau: Sa beauté est comme celle du Liban, son port comme d'un cedre. [31].

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000406 

 Mais, o Dieu, dit l'ame, des-ja ci devant vous m'aves loüee de presque toutes ces parties; je desirerois maintenant m'advancer et surpasser en devotion beaucoup d'autres ames devotes, ou qui pensent l'estre, et que vous peussies me dire: Il y a soixante reynes et quatre vingt concubines, et des jeunes filles sans nombre, mays ma colombe est toute seule.

  A026000407 

 Mais, outre cela, l'ame adjouste: Ou aves vous esté, mon Seigneur, qu'il m'a semblé que vous m'avies laissee, quand le travail et la fatigue ne me permettoit pas que j'eusse du goust? — J'ay esté, respond il, en toy mesme qui es mon jardin, et y ay esté avec plus de prouffit pour toy que je n'y eusse esté si, du premier coup, je t'eusse donné des goustz, te donnant occasion de meriter, dont j'ay tiré de mon jardin un plus grand fruict de merite: Je suis descendu au jardin des noyers pour voir les pommiers des vallees, et regarder si la vigne estoit fleurie et si les grenades avoyent germé..

  A026000408 

 Que beny soyes vous donques, o Seigneur, respond l'ame, qu'en telle façon, me faisant accroire que vous esties absent, vous m'aves donné occasion de meriter, et m'aves fait faire en peu de tems plus de chemin que les carrosses [33] des princes; et par ce, puisque je n'ay sceu que vous esties avec moy, je peux dire que mon ame m'a troublee a cause des chariotz d'Aminadab..

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000414 

 Bref, ceste ame est la butte des langues qui luy disent, la loüant: Que tu es belle, que tu es de bonne grace, tres chere, en delices.

  A026000414 

 Les necessiteux, ou d'esprit ou de cors, disent: Je monteray sur le palmier et prendray de ses fruictz, et tes mammelles seront comme grappes de raysins; et pour ses bons exemples on luy dit: L'odeur de ta bouche est comme celle des pommes; pour les bonnes paroles: Helas! dit on, ta gorge est comme un vin tres bon a boire, digne de mon Espoux, et d'estre savouré de ses levres et de ses dens.

  A026000425 

 Consideration qui est un arrhe de la jouissance du Ciel, dont il est advis a l'ame qu'elle y soit des-ja, disant: Je te prendray, je te verray face a face.

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000430 

 Quant aux louanges qui luy sont donnees, l'ame ne s'en soucie point, pour ce qu'elle dit dedans soy: Quelles sont ces ames impàrfaittes qui, n'ayans aucun bien propre, [37] veulent s'embellir de parures externes? Mes petites seurs, c'est a dire les ames imparfaittes, sont celles qui doivent penser a cela, car elles n'ont point de mammelles d'elles mesmes, de propres vertus et merites: Nostre petite seur n'a point de mammelles; que ferons nous a nostre petite seur au jour qu'il faudra parler a elle? En elles, on peut suppleer le defaut avec louanges estrangeres, tout ainsy que si on couvroit d'argent un mur crevé et corrompu, et de cedre un huys qui seroit pourry: Si c'est un mur, bastissons dessus des boulevars d'argent; si c'est un huys, renforçons le d'ais de cedre; mays, moy bien heureuse, dit l'ame, je me soucie fort peu de plaire aux hommes, mon Espoux m'ayant faitte comme un mur tel et comme une tour telle, que je suis fort playsante et aggreable: Je suis un mur, et mes mammelles comme une tour, dont je suis faitte, trouvant repos et paix devant luy..

  A026000431 

 Au reste, nul soin d'elle mesme ne la peut destourner: peu de chose, dit l'ame, est necessaire a qui veut vivre en la paix de Nostre Seigneur et avec modestie; mille pieces d'argent ou quelque autre grand prix est chose de trop petite valeur: L'homme qui a la paix en soy a une vigne en laquelle sont des peupliers; il l'a baillee a des gardes, et on luy rend pour les fruictz d'icelle mille pieces d'argent.

  A026000432 

 Et finalement, si nous voulons passer aux playsirs mondains: Je sçay, dit l'ame, que mon Espoux ne veut endurer des compaignons, et qu'avec les consolations qu'il me donne [38] il ne veut pas que je mesle les consolations qu'autres que luy me pourroyent donner; ains il me commande que, me resveillant, et me resignant du tout a luy avec une claire et ouverte protestation, je renonce a tous autres espoux: Toy qui habites es jardins, tes amys t'escoutent; fais moy ouÿr ta voix.

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000433 

 Et pour conclure, il ne nous reste rien a faire qu'a prier Nostre Seigneur qu'il veuille, par sa misericorde, nous tirer a soy par ces degrés d'orayson mentale, a ce qu'estans des-ja unis avec luy en ce monde par grace, nous le soyons encor par devotion, affin qu'apres nostre mort nous le puissions estre eternellement par gloire; et en toutes ces saintes unions, qu'il nous bayse, ce divin Espoux, d'un bayser de sa bouche sacree.

  A026000436 

 APPROBATION DES DOCTEURS.

  A026000438 

 Nous soubs-signez, Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, Maison et Societé de Sorbonne, certifions avoir leu et examiné un petit Livre intitulé: Declaration Mystique sur le Cantique des Cantiques, composé par le, Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, dans lequel n'avons rien trouvé qui soit contraire à la Foy Catholique: ains l'avons jugé digne d'estre donné au public, pour la consolation et profit des ames spirituelles et esclairées dans la vie intérieure..

  A026000449 

 L'Etude sur les Vertus, que nous allons reproduire, fut imprimée pour la première fois par Blaise, en 1833, à la fin du tome XVI des Œuvres de saint François de Sales, Opuscules inédits.

  A026000450 

 44-46, avec le chapitre VIII du Livre XI: on verra que ce fragment est un brouillon des pp.

  A026000453 

 M. l'évêque ne rejeta pas cette prière, mais demanda quelque temps pour la satisfaire, attendu la rareté toujours croissante des écrits originaux tracés de la propre main du Saint.

  A026000454 

 Suivant M. de Thiolaz, ce précieux fragment, alors récemment découvert dans une vieille malle avec d'autres papiers, devoit être une partie des toutes premières ébauches du célèbre Traité de l'Amour de Dieu.

  A026000454 

 Toutefois, M. l'évêque n'affirmoit rien de positif à cet égard, et se bornoit à de simples conjectures; il finissoit par prier son correspondant de faire servir, s'il le pouvoit, ce cahier incomplet, à la gloire du Saint, en le distribuant par morceaux à des personnes qui, jalouses de la possession de si précieux écrits, reconnoîtroient sans doute ce présent par quelques dons destinés à l'achèvement de la nouvelle église d'Annecy..

  A026000456 

 D'autres satisfirent le pieux empressement de mesdames Dambray, de la Tour du Pin Montauban, de M. de Blanquart de Bailleul, aujourd'hui évêque de Versailles, de M. Bordier, ancien chef de la division des secours et pensions de la liste civile, et de M. Collette de Baudicourt, maître de forges à Marnaval, près S t -Dizier (Haute-Marne).

  A026000456 

 Des portions notables de l'autographe enrichirent successivement les séminaires d'Avignon, de Viviers et de Verdun.

  A026000457 

 A plus d'un siècle de distance, la plupart des propriétaires des fragments autographes ont changé; nous les signalerons à mesure que nous les rencontrerons dans les pages qui vont suivre.

  A026000458 

 60-62 ci-après, un passage touchant les vœux de Religion et la simple Oblation qui rappelle la Præface pour l'instruction des ames devotes donnée au tome précédent, pp.

  A026000458 

 D'autre part, la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu fut achevée vers la fin de 1614 (voir notre tome IV, Introduction, pp. XI, XII); il convient, par conséquent, de ne pas reculer au delà de cette année celle des pages qui nous occupent.

  A026000458 

 Saint François de Sales voulait y insérer les « Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation; » or ces Méditations sont enchâssées dans le Manuscrit des Constitutions daté de juillet-septembre 1613 (voir le tome précédent, notes (1487), (2114), pp.

  A026000466 

 Apres tout le discours de la force de la charité pour l'annoblissement des vertus, il faut mettre la methode d'employer la charité a cela, et il faut mettre les Meditations des offrandes, prises des Regles de la Visitation.

  A026000472 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatre vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles et les perfectionnent, comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle. Que si elles ne treuvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A026000472 

 La comparayson estant meilleure de l'odeur des roses, sur laquelle les autres odeurs, en l'affinant s'affinent elles mesmes, quoy que plus excellentes qu'elle; [45] dont on employe ou les roses, ou l'eau rose, ou le jus de rose en presque toutes les eaux odorantes: car ainsy les vertus morales, saintes, perfectionnent les vertus naturelles, et en les perfectionnant s'en affinent elles mesmes et agissent plus excellemment avec icelles que sans icelles.

  A026000474 

 Or, la prudence a troys degrés: le premier est l' eubulie, l'habilité de treuver des bons advis et conseilz es affaires; le 2.

  A026000474 

 gnome, un'habileté de bien juger, discerner ou choysir selon la rayson, le droit et l'equité contre les paroles et le sens des loix, par la consideration et connoissance de l'intention et sentiment du legislateur ( Ipsæ etiam leges cupiunt, etc.) et pour des motifs extraordinaires, pour lesquelz, si le legislateur les eut præveu, il eut fait un'exception a la loy; la varieté des occurrences humaines estant si grande que jamais on ne peut prescrire l'ordre convenable pour toutes..

  A026000474 

 synesis, l'habileté de bien juger sur la diversité des advis, selon les loix, façons et coustumes establies entre les hommes; le 3.

  A026000481 

 Et en fin, la prudence requiert en nous la vivacité et habileté d'esprit, la promptitude a bien remarquer et apprendre, la memoire des choses passees, l'intelligence des presentes, la prouvoyance des futures, le discours pour bien tirer consequence d'une chose a une autre, la curieuse [perception] des circonstances et des choses qui sont autour de nous qui peuvent ou nuire ou favoriser nostre dessein, et la prouvoyance pour se garder des inconveniens et se prevaloir des occasions..

  A026000482 

 Et parce que la plupart des hommes estime ces biens la des vrays biens, et que par iceux on est rendu honnorable aux yeux des enfans [47] du monde, on donne aussi le nom de prudens et de vertueux a ceux qui sont prudens selon la chair.

  A026000482 

 Il y a des vices semblables aux vertus, dit saint Augustin; comme l'affeterie et malice est semblable a la prudence, encor qu'elle soit un vice.

  A026000482 

 Or la prudence de la chair porte nostre entendement a bien observer ce quil faut faire pour jouir des biens utiles et delectables a la vie charnelle, et pour eviter les empeschemens contraires a cette jouissance.

  A026000482 

 Or, les degrés de la prudence de la chair sont: l'astuce, qui n'est autre chose qu'une habileté pour faire, imperceptiblement et par des moyens inconneus ou conneus, reuscir les mauvais desseins (Ne cheminans pas en astuce, dit le saint Apostre, II Cor., IV, apres qu'il avoit dit: Ayant rejette les cachettes de honte, c'est a dire honteuses, parce que l'astuce use de certaines cachettes et secrettes menees, lesquelles estans descouvertes sont honteuses a ceux qui les employent, leur ostent tout credit et authorité); le dol ou tromperie, qui est l'effect et execution de l'astuce, [et] s'appelle fraude quand il est commis par voye d'oeuvre; l'empressement apres les biens mondains et la sollicitude des moyens de vivre a l'advenir..

  A026000483 

 Et il ne se peut dire, ma chere Philothee, combien cette prudence de la chair est subtile, combien d'inventions elle a pour se fourrer dans les cœurs des mortelz, combien de pretextes et de moyens.

  A026000484 

 Or vous connoistres si la prudence est prudence de la chair, en ce qu'elle eschauffe et donne des ardeurs cuysantes [48] et pressantes: ainsy, les serpenteaux qui piquoyent les Israelites es desertz, estoyent des serpens enflammés, c'est a dire desquelz les piqueures donnoyent des inflammations mortelles a ceux qui en estoyent blessés. Mays la prudence de l'amour sacré est douce, tranquille, et tellement meslee de simplicité qu'il n'y a rien en elle d'empressé ni d'affecté; et en somme, qui veut guerir de toutes les ardeurs du soin, de la sollicitude immoderee et de la precipitation, il faut regarder l'image du serpent eslevé au desert, c'est a dire Nostre Seigneur, qui n'est pas pecheur, mays qui porte l'image du pecheur, sur la croix, et estre prudent de sa divine prudence..

  A026000485 

 Ceux qui servent le monde, qui a tout propos cherchent des recompenses, ilz ont besoin d'user de finesses; mais ceux qui servent Dieu n'ont point de plus grande finesse que la simplicité qui les fait marcher en confiance..

  A026000485 

 L'amour humain va par tout cherchant des moyens pour obtenir ce qu'il ayme, et parce que les moyens sont divers et que bien souvent il les ignore, il s'empresse et a une sollicitude incroyable: il veut de l'argent pour paroistre, il veut des belles paroles, il veut des belles contenances, il veut des reputations, il craint les corrivaux.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Certes, Isaie voulant exalter l'admirable prudence de Nostre Seigneur, il ne la colloque pas tant en la connoissance des yeux comm'en celle du goust: Il mangera, dit il, le beurre et le miel, en sorte quil sache repreuver le mal et choysir le bien. En quoy, Philothee, vous voyes quil y a deux prudences, selon deux connoissances: une prudence qui consiste en une science, ou [connaissance] par science, discours et sçavoir; l'autre, qui est une connoissance par goust, experience et savourement.

  A026000488 

 Et certes, Philothee, bien que la prudence soit une vertu qui guide et qui, par consequent, tient entre les actions des vertus le lieu que la lumiere corporelle [tient] entre les oeuvres artificielles, en sorte que comme ceux qui travaillent sans lumiere sont sujetz a mille fautes, comme ceux qui veulent exercer les vertus sans la sainte discretion font des pechés et des grandes nullités (comme le grand saint Anthoyne declara en la conference quil eut avec ses autres Peres du desert, ainsy que raconte Cassian, qui dit que la prudence selon l'Evangile estoit l'œil et la lampe de tout le cors ); si est ce neanmoins, Philothee, que nul n'est estimé prudent pour sçavoir ce qu'il faut eviter et choysir, sil n'est diligent a le bien executer.

  A026000488 

 Et l'on void une quantité de gens extremement sçavans es choses morales et grans discoureurs de la prattique des vertus, qui en verité n'ont nulle sorte de sagesse et prudence, parce quilz parlent et entendent bien en quoy consiste la vertu, mays ilz ne la pratiquent nullement.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000490 

 Ainsy les lievres, les renars et les cerfs, race couarde entre les animaux, ont une prudence si diverse et des ruses en si grand nombre que c'est merveilles; le lion, au contraire, l'elephant, le thoreau vont droit et sans finesse, et leur prudence consiste en leur vaillance et vertu.

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000498 

 De sorte que la charité n'est autre chose qu'une justice surabondante, car apres que l'amour a fait rendre a chacun ce quil luy doit, il passe plus outre et donne plus quil ne doit selon la rigueur de la justice; et fait comme son Maistre, qui ne se contente pas de donner la bonne mesure des recompenses, mais la donne bien comble, bien pressee et sureffluente..

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Or cette protestation se fait interieurement, par les actes propres de nostre volonté qui se sousmet et fait reconnoissance a la divine Majesté, et par tous les autres actes qui rendent tesmoignage de nostre sousmission; et exterieurement, par des actes par lesquelz nous declarons cette sousmission.

  A026000500 

 C'est cette crainte chaste et sainte qui persevere es siecles des siecles; car si bien les saintz ne craignent pas d'offencer Dieu, car ilz sont asseurés de vivre a jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime quilz font de l'excellence divine fait qu'ilz reverent sa divine Majesté, et ont un'aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur, qui les tient en une continuell'attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif a bien exalter la divine Bonté: qui est la crainte dont il est dit que « les puissances tremblent » devant sa Majesté, c'est a dire, elles ont un soin de l'honnorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de mesprendre; car, autant que sa bonté les asseure que jamais ilz ne manqueront, sa majesté les provoque a l'attention et au soin et reverence.

  A026000500 

 Et cette sainte affection se respand generalement en toutes les œuvres de religion, et est contraire a la negligence et peu d'estime des choses divines, et au manquement d'attention de la veneration que nous devons apporter de la grandeur de l'excellence que nous servons et honnorons.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000501 

 Or cette reverence interieure nous fait prosterner extérieurement, demeurer sur les genoux, faire des abbaissemens de cors, tenir les yeux en terre, les mains jointes, porter les voyles sur nos yeux, vestir le sac et le cilice; elle nous empesche de toucher les choses sacrees qu'avec beaucoup de preparation et de protestation de nostr'indignité, elle nous fait confesser nos miseres et la grandeur de Dieu..

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux acceptés par l'Eglise pour establir une personne en l'estat que nous appelions [59] regulier, soit que telz vœux soyent solemnelz, soit qu'ilz soyent simples, comme ceux des coadjuteurs formés de la Compaignie du nom de Jesus..

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux qui sont voirement appreuvés de l'Eglise, mais non pas pourtant acceptés [ni] appliqués pour mettre la personne qui les fait en l'estat que l'on appelle regulier: telz sont tous les vœux qui se font par les personnes seculieres, voire mesme ecclesiastiques, encor bien que ce seroyent les vœux de pauvreté, chasteté et obeissance, quand ilz sont faitz sans estre acceptés par quelqu'Ordre qui ayt le pouvoir ou l'establissement de rendre ses membres reguliers.

  A026000505 

 Or, d'autant que ceux qui par vœu se sont obligés aux Religions appreuvees se sont non seulement liés de l'obligation consciencieuse et devant Dieu, mays aussi d'un'obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peynes eternelles, mais aussi temporelles; non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mays pour estre contraintz en effect a l'observation des vœux: partant on leur a donné specialement le nom de Religieux, et a leurs Congregations le nom de Religions, a cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens, ilz se sont reliés au devoir de la poursuite de la perfection par les trois vœux propres a [60] l'obtenir, et de rechef encor, reliés pour la sousmission aux peynes et astrictions ecclesiastiques en cas de contravention et infraction des vœux..

  A026000506 

 Comm'aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont liees devant Dieu a l'obeissance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liees devant Dieu que les Religieux, neanmoins, en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend, les Religieux le sont beaucoup davantage.

  A026000509 

 Certes, nous ne pouvons rien donner a Nostre Seigneur, a proprement parler, ains seulement rendre; et il ne peut rien prendre sur nous, oui bien reprendre, puis que nos mains ne luy peuvent rien presenter que nous n'ayons receu des siennes..

  A026000510 

 Ce n'est pas, Philothee, que Nostre Seigneur ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et quil ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mais quil les nous rendra: Mon Pere, dit il a celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'Apostre, parlant de la coronne de gloire: laquelle, dit il, en ce jour la advenir le juste Juge me rendra.

  A026000511 

 Mays outre cela, il ne nous considere pas en nous mesme, ains en Nostre Seigneur son Filz, sur lequel nous sommes entés comme des greffes sur un noble tige; et partant, en qualité de membres d'un tel chef, au nom duquel nous demandons toutes choses, il nous rend ce qui luy est deu.

  A026000512 

 C'est pourquoy il est appellé advocat, car les advocatz, a proprement parler, ne font des requisitions qu'en vertu du droit des parties, et implore la justice et l'equité, non la misericorde ni la grace; et en cette qualité d'advocat il montre les tiltres et les droitz pour lesquelz les graces luy sont deües, qui ne sont autres choses que ses playes, tiltre pour lequel le Pere eternel est obligé de favoriser tous ceux qui obeissent a son Filz.

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000516 

 Nous prononçons telles ou semblables paroles, du plus profond de nostre esprit, ou si nous ne les prononçons pas, nous en avons le sentiment: Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées.

  A026000517 

 Telles ou semblables sont les actions interieures et essentielles de l'adoration; differentes des actions de l'humilité [66] en cela seulement, que nous adorons en reconnoissance de l'eminence et majesté devant laquelle nous nous prosternons en esprit et a laquelle nous nous sousmettons, mays nous nous humilions en reconnoissance de nostre bassesse et vileté.

  A026000519 

 En fin, dans le Sanctuaire il y avoit quatre Cherubins: deux estoyent tout d'or, qui estoyent sur le propitiatoire, qui s'entreregardoyent et couvroyent, de leurs aysles estendues l'un vers l'autre, tout le propitiatoire; et ceux cy representoyent l' [ordre] des Anges assistans, qui n'ont [qu'une ] contemplation, et leur reciproque amour ne sert qu'a la louange de Dieu.

  A026000519 

 Ilz ont dix coudees de hauteur, pour cooperer avec les hommes aux œuvres des dix commandemens; et leurs deux aysles sont de mesme, parce qu'a cet effect ilz prient devers le Sanctuaire et inspirent devers les peuples.

  A026000521 

 Et par ce que nos parens sont des appartenances plus proches de nos pere et mere, et que toute la parentee semble estre un seul arbre a diverses branches esquelles toutes un mesme sang, commune mesme seve, joint et sustente, partant la pieté s'estend encor a eux; comm'aussi, par ce que les alliés et amis de nostre patrie sont comme ses appuys et mainteneurs, nous les cherissons aussi par pieté..

  A026000522 

 Et par ainsy, les enfans sortent des Religions, quoy quilz soyent profes, pour secourir leurs peres et meres quand ilz sont, je ne dis pas en extreme, mais en grande necessité, quand sans sortir ilz ne peuvent leur procurer d'ayde et de soulagement..

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000525 

 Obeissance, vertu admirable, qui nous rend toutes les actions des vertus aggreables, qui establit la justice en paix et donne la victoire en la guerre.

  A026000525 

 Vertu generale, laquelle ne perd point son unité par la diversité de ceux qui obeissent, [69] ni de ceux auxquelz on obeit, ni des commandemens, car tousjours ell'obeit par ce qu'elle le doit et quil luy est commande par ceux qui ont authorité..

  A026000526 

 La gratitude est une vertu par laquelle nous rendons a ceux qui nous ont fait du bien quelque sorte de contrechange, ou par honneurs, ou par services, ou par des autres reciproques bien faitz.

  A026000529 

 Or, quand nous disons nos sentimens, nous n'entendons pas parler des sentimens involontaires que nous avons quelquefois contre nos prochains, mays de vrays sentimens que nous avons selon nostre volonté superieure.

  A026000530 

 Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit (sic) vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce quil m'en semble il suffit; mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner silz ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret et parler avec plus d'asseurance de la verité: car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tous-jours un abus, pour utile qu'en soit la consequence; et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore, car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les espritz le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mais non jamais par la coulpe.

  A026000533 

 C'est un vray vilain vice que celuy-la, et qui monstre une grande bassesse de courage: c'est pourquoy la prodigalité et profusion des richesses seroit plus aymable, si elle n'engendroit.

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 Or, comme cette vertu recherche la vraye grandeur qui est es actions heroiques des vertus, aussi n'estime elle rien de grand que cela; c'est pourquoy ell'a ces proprietés, selon Aristote (qui neanmoins, au sujet de cette vertu, tesmoigne asses la foiblesse de la philosophie naturelle en comparayson de l'evangelique): 1.

  A026000539 

 ... on recherche de la gloire par des moyens vains, ou pour des choses vaynes ou des personnes vaines.

  A026000540 

 De la magnanimité depend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grans et somptueux ouvrages qui requierent force despence; car cette vertu nous les fait entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despence par laquelle on fait des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despence a la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend..

  A026000541 

 Apres, vient la tressainte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fascheries qui nous arrivent des maux ordinaires en cette miserable vie mortelle: la mort des parens et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres, et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle ...........

  A026000543 

 Ainsy, au chemin de la vertu, deux choses nous lassent: la duree et continuation de mesm'exercice, et contre cet ennuy nous avons la vertu de perseverance; et les autres difficultés et resistances, comme sont les oppositions des hommes, nostre foiblesse, les murmurations, les remonstrances de ceux qui sont de contraire opinion, [77] et toutes autres telles [choses] contre lesquelles la constance nous arme: en sorte que nous ne sommes ni opiniastres et aheurtés pour continuer et vouloir poursuivre chose quelconque contre rayson; ni inconstans et legers pour nous laisser vaincre a la duree et longueur du tems requis a nostre entreprise; ni molz, tendres ou delicatz de courage pour nous laisser surmonter aux autres difficultés..

  A026000543 

 Deux choses nous lassent en un chemin: la longueur et esgalité, car, comme dit Aristote, on se plait plus en un chemin ou il y a par fois des [inégalités] et varietés, qu'en un chemin tous-jours uni et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossés, les fanges et autres difficultés.

  A026000543 

 Mays quand, outre l'ennuy de la duree et longueur du tems, nous avons encor des autres obstacles et resistances exterieures qui s'opposent a la poursuite et continuation de nos exercices en la vertu et du dessein que nous avons fait pour le bien, lhors nous avons besoin de la constance.

  A026000547 

 C'est pourquoy saint Augustin a dit que la temperance n'est autre chose que « l'amour qui se donne tout a Dieu, » c'est a dire l'amour qui ramasse toute sa vigueur pour aymer Dieu et, pour la ramasser toute, il la divertit des objetz sensuelz esquelz elle se pourroit espancher et dissiper..

  A026000548 

 Or j'ay dit qu'elle les modere, parce que nostre nature, composee de cors et d'ame, ayant besoin des playsirs sensibles, soit pour la conservation particuliere de chasque personne, soit pour [79] la conservation de l'espece et race humaine, ce seroit egalement dementir la rayson et violer ses loix, de vouloir estre sensuel en s'appliquant demesurement aux voluptés des sens.

  A026000551 

 Mays non seulement il faut prendre ce qui est pour la necessité, ains aussi ce qui est pour la bienseance, selon la varieté des offices et occurrences de cette vie: c'est pourquoy on jeusne quelquefois, et quelquefois on fait des [80] festins; on s'habille mieux une fois qu'autre; et Dieu mesme donne quelquefois du pain seul a Helie, quelque-fois il luy envoye de la chair; quelquefois il donne du pain et du poisson, d'autres fois il donne du miel et de la manne.

  A026000551 

 Or, d'autant que les playsirs du goust et des autres sens sont donnés a nostre nature pour servir a la conservation de chasque particulier, la regie d'en bien user c'est, comme dit saint Augustin, d'en prendre autant que la necessité de la vie humaine et des offices d'icelle le requiert.

  A026000552 

 La femme qui n'est point mariee et la vierge a soin des choses qui sont du Seigneur, affin qu'elle soit sainte de cors et d'esprit; mais celle qui est mariee a soin des choses du monde, comm'elle plaira au mary.

  A026000552 

 vers. 32 et 33, [34, 35]: Celuy qui n'est point marié a souci des choses du Seigneur, comm'il plaira au Seigneur; mais qui est marié a souci des choses de ce monde, comm'il plaira a sa femme, et est divisé.

  A026000555 

 La chasteté n'est pas une vertu oysivete (sic) et qui consiste en la cessation des actions.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000558 

 Or, la premiere resolution de resister aux passions sensuelles, s'appelle continence simple, selon les scholastiques et Aristote; et lhors que cette resolution, se fortifiant par l'exercice, devient parfaite, elle s'appelle temperance et chasteté: car la continence est semblable a celuy qui a pris charge de domter un cheval; la temperance et chasteté, a celuy qui l'a des-ja façonné et domté.

  A026000559 

 Or, parce qu'ell'est si dangereuse et que c'est un ingredient si perilleux pour la vertu, il en faut user tres rarement, et lhors seulement qu'on a des-ja acquis une grande maistrise sur ses passions; autrement, en lieu d'en user ell'abusera de nous et nous præcipitera.

  A026000560 

 Et tous-jours faut il prendre garde au bien publiq, selon lequel c'est quelquefois une grande clemence d'user de rigueur et severité, quand le chastiment des meschans est requis pour tenir les autres en bride et les gens de bien en asseurance: dont saint Thomas dit que la severité n'est pas contraire a la clemence, ains est une vertu qui sert a la rayson quand il n'est pas convenable d'user de clemence..

  A026000560 

 La clemence est proprement es superieurs, pour moderer la punition quilz doivent faire des criminelz, affin que autant que la justice le permet, on n'use pas de toute la rigueur, ains on addoucisse la peyne; car, comme Dieu punit tous-jours moins que nous ne meritons et [84] recompense tous-jours plus que nous ne meritons, aussi la clemence punit non selon la rigueur et severité, mais avec douceur, moderation et temperament: en sorte neanmoins qu'evitans la cruauté, ilz ne tumbent pas en la lascheté et exces de douceur.

  A026000562 

 Et parce que l'exercice des voluptés charnelles est le plus laid, desreglé, messeant, vil, vilain et deshonneste, l'honnesteté nous retient plus fort pour ce regard; et puis encor, comme en suite, ell'a soin de repouser tout ce qui est difforme et desordonné [85] au commerce des playsirs sensuelz, affin que rien ne s'y passe contre la bienseance..

  A026000563 

 Or, cette vertu a esté inconneue a la plus part des philosophes; et je dis a la plus part, parce que Platon a semblé la reconnoistre mesme envers Dieu, L. 4.

  A026000569 

 Celle ci est suivie de la modestie, qui modere nostre maintien, nos mouvemens, gestes et actions exterieures, et les reduit a la vraye bienseance, selon la varieté des personnes, des lieux, des tems et des affaires; a la charge, dit le grand saint Ambroyse, l. I. Off., c. 18, qu'il ny ait rien d'affecté, car tout ce qui est fardé desplait; et sil y a quelque defaut en la nature, il le faut corriger par le soin, en sorte que l'on voye l'amendement, mais pur et sans artifice.

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000588 

 Helas, o Vierge sainte, les larmes de vostre divin Enfant dans la cresche n'estoyent que des douces rosees, mais celles de sa sainte Passion sont des torrens et des mers d'amertume.

  A026000588 

 Vostre cœur douloureux et amoureux offroit les unes et les autres au Pere eternel, sçachant bien que [91] c'estoyent les larmes d'un Dieu qui devoyent produire des joyes eternelles aux enfans de salut..

  A026000591 

 La sacree Vierge, eslevee a la dextre de son Filz, [est] la Generale des armees de Dieu, la Gouvernante du royaume de l'Eglise, la Mere de toutes les saintes familles, le Refuge de tous les coeurs.

  A026000593 

 Le divin Espoux a pris playsir de mettre des pendans aux oreilles de cette Espouse: c'est la clameur des pauvres et des necessiteux..

  A026000604 

 Imagines vous quelquefois que vostre cœur est un jardin et que, vous signant, vous y mettes l'arbre pretieux de la Croix; ou bien qu'il est comme une forteresse, en laquelle vous plantes cest estendart; ou qu'il est comme un cabinet, lequel vous fermes avec cette clef; ou qu'il est comme une lettre, laquelle vous scelles de ce sceau, affin qu'elle ne soit exposee a la veüe des ennemis, suyvant le desir de l'Espouse qui dit: Mettes moy comme un cachet, ou comme un estendard sur vostre cœur.

  A026000613 

 Si les hommes vouloyent, ilz gousteroyent en ce monde les felicités des Espritz celestes et n'auroyent point besoin, dit un ancien, de chercher d'autre paradis que celuy qui se rencontre en la societé civile, laquelle, par la vertu de charitable union, ne feroit qu'une seule mayson de celles qui sont separees en ce monde.

  A026000614 

 Gens aveugles, qui crient contre la cruauté d'Abraham et qui, voyant l'espee nue, n'apperçoivent point l'Ange de Dieu qui le benit et luy dit que son sacrifice est aggreable au Seigneur des armees.

  A026000614 

 Mais vous, mes amis, repartit il, ou est le vostre? Qu'ay je affaire de produire un defaut en ma peinture, si je le puis couvrir sans offenser personne? Voyes vous, ceux qui jugent mal et qui mesdisent de leur prochain, ce sont des sangsues qui ne savent que tirer le mauvais sang et laisser le plus pur dans le cors.

  A026000614 

 Quelle injustice de [94] demander d'estre absous de toutes les fautes que l'on fait, et vouloir condamner les plus petites des autres! Je n'ay encores veu personne qui se soit mal treuvé de dire du bien de son prochain.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000616 

 En verité, c'est une experience reconneue, que la pluspart de ces personnes ne voyent que des festus a leurs yeux, parce qu'ilz estiment que la veuë de leur frere est aveuglee de poutre..

  A026000616 

 Et remarques cecy, que ceux que vous voyes si facilement treuver a redire aux moindres fautes du prochain, d'ordinaire ces gens la en entretiennent des grandes.

  A026000616 

 Heureux celuy qui vit tous-jours en crainte et qui, estant occupé en la consideration de ses propres defautz, n'ouvre point les yeux pour regarder les vices des autres.

  A026000620 

 Un Superieur ne [devroit] sortir de la lecture des saintes Lettres, ni de la meditation, que comme un capitaine sort du camp, pour voir en passant l'armee ennemie, affin de reconnoistre ce qu'on y fait, pour en tirer du prouffit..

  A026000621 

 [Il] ne devroit jamais negliger le moindre exemple pour edifier le prochain, parce que tout ainsy qu'il n'y a si petit ruysseau qui ne meine a la mer, il n'y a trait qui ne [96] conduise l'aine en ce grand Ocean des merveilles de la bonté de Dieu..

  A026000622 

 Et comme en une chambre particuliere l'on panse les malades honteux, l'on met le feu et le fer a des playes, l'on tire le tronçon d'une espee du ventre ou la basle du cors, en cette façon le Superieur, apres avoir reconneu la disposition de ceux avec lesquelz il traitte, doit entrer plus avant, et leur tirer de l'ame des vielles habitudes, et par la representation des horribles conditions du peché, apporter le fer et le feu d'enfer ou les legeres saignees ne servent de rien.

  A026000622 

 Et en effect, il y a des meschans dont les exces pour estre passés en coustume treuvent que le repentir est un crime, l'amendement lascheté et l'innocence une honte et une pure niayserie..

  A026000622 

 L'abord des personnes qui commandent doit estre comme l'entree de la boutique d'un chirurgien, ou l'on ne fait que relever la moustache, anneler les cheveux et faire la barbe.

  A026000628 

 Aux mutineries des peuples, on leur permet quelque chose semblable a ce qu'on tire des cabinetz pour appaiser les enfans qui pleurent; aussi tost qu'ilz ont cessé de pleurer, on le leur oste, et s'ilz recommencent a crier pour le ravoir, au lieu de confitures on prend une petite verge..

  A026000630 

 Et lhors que d'autres s'y rendent par un mouvement de promptitude que leur met en l'esprit quelque tendre et peu judicieuse imagination, ilz font ni plus ni moins que la pierre au partir de la fronde, qui demeure arrestee quand l'effect de la machine commence a manquer; car, a nommer cela par son nom, ce sont des pensees lourdes et grossieres, qui s'efforcent en vain de monter vers le Ciel; ou bien des espritz semblables aux cabanes qui sont sur le rivage d'un fleuve, que la premiere pluye emporte..

  A026000631 

 Il vaudroit mieux n'avoir que deux Maysons en tout l'Ordre, que de les estendre avec des voyes de prudence humaine; car tost ou tard les fondemens qui sont sur le sable et ne seront pas en la pierre de Jesus Christ, feront tomber tout l'edifice..

  A026000641 

 Pic, oyseau, fait des trouz dans les arbres pour y habiter; si on y met des coins, il les fait sortir par la vertu d'une certaine herbe.

  A026000647 

 Le suc de minais cuit en eau guerit soudainement la morsure des serpens si on les en fomente; et ceux qui [101] touchent ce mesme suc espandu par l'herbe, ou qui en sont arrousés, meurent sans aucun remede.

  A026000651 

 En Elephantine, region d'Etiopie, croist l'herbe ophiusa, livide, horrible a voir; beüe, fait quil semble avoir devant les yeux menaces des serpens et choses espouvantables, dont ceux qui en ont beu se tuent eux mesmes; dont anciennement on contraignoit les sacrileges d'en boire.

  A026000655 

 Appian Alexandrin escrit que les Parthes, mis en fuitte par Marc Anthoine, pressés de la faim, ont trouvé une certaine herbe que, qui en mange, oublie tout et [102] n'entend qu'a tirer tous-jours des pierres de terre; et meurent ainsi en la peine.

  A026000658 

 Achemenides jettee en l'armee des ennemis les fait trembler et fuir.

  A026000664 

 Desmoulins, l. II, c. LVII,] qu'aussi tost quilz oyent les instrumentz ilz perdent leur mal, et sautent et dansent comme silz estoyent sains; si les sonneurs d'instrumentz cessent, ilz tumbent en terre et reprennent leur mal, sinon quilz ayent des-ja tant sauté que le venin soit sorti par sueurs; si que on loüe des menestriers qui, les uns apres les autres, sonnent jusques a ce quilz soyent gueris.

  A026000667 

 Dæmocrite dit que sa langue arrachee, luy vivant, fait gaigner les proces a qui la porte sur soy; cela s'entend de la langue des advocatz, qui sont des vrais chamæleons.

  A026000680 

 L'herbe aussi nommee des Schites hippice, a mesm' effect es chevaux; et dit on que les Schites, avec ces herbes, peuvent durer sans boire ne manger douze jours..

  A026000685 

 Es Bactres, a l'entour de Boristenes, croit gelotophilis qui, beue avec vin et mirre, fait sembler que l'on voye plusieurs choses, et ne cesse l'on de rire si on ne boit des pignons avec du vin de palme, poivre et miel.

  A026000688 

 En l'Inde occidentale, une racine produit des feuilles de sureau de la grosseur de la cuisse d'un homme; le suc, beu, fait incontinent mourir; le reste, mis en farine, fait de tres bon pain et nourrissant.

  A026000689 

 Herbe des batteleurs.

  A026000730 

 L' achantis, oiseau qui ressemble au passereau, fait son nid dans les épines, et si un cheval ou un âne s'en approche, il se pose sur leur dos, et, imitant le hennissement des chevaux, se moque d'eux..

  A026000733 

 L' épervier ne mange jamais le cœur des oiseaux qu'il a pris..

  A026000736 

 Si l' épervier boit souvent le sang des oiseaux, il devient plus fort et plus audacieux..

  A026000738 

 Le caprimulge (engoulevent), gros oiseau qui suce le lait des chèvres, d'où suit pour elles le dessèchement du lait, ou bien leur cécité..

  A026000742 

 L' aloès, dont personne ne sait l'origine, se trouve dans le grand fleuve de Babylone, et on le pêche avec des filets comme le corail..

  A026000752 

 des Propos de tab., q. 2: Peintre Androcides peint Scilla, mais sur tout les poissons, employant plus d'affection que d'artifice..

  A026000753 

 Au traitté des Regles de santé: la cime des palmiers, appellee la cervelle, est douce, mais fait mal a la teste..

  A026000755 

 Pommiers portant beau fruit (l. 5. des Propos, q. 8), parce qu'ilz recreent les 4 sent[iments]..

  A026000757 

 Le cœur faut, et pasment les asnes et chevaux quand ilz portent des figues et pommes..

  A026000784 

 Voix de mon bien aimé, voici qu'il vient bondissant sur les montagnes, franchissant les collines; mon bien aimé est semblable à la gazelle et au faon des biches; voici qu'il se tient debout derrière notre mur, etc. Mais il faut beaucoup accommoder ces paroles.

  A026000785 

 Comme Dieu voulait inviter son peuple à vivre vertueusement, il le menace, si ce peuple n'obéit pas, de toutes les malédictions écrites dans ce livre, et toutes les nations diront: Pourquoi le Seigneur a-t-il fait ces choses? etc. Mais ce livre-ci est le livre des bénédictions..

  A026000804 

 Il fit un cheval a l'envy d'autres peintres qui vouloit (sic) emporter le prix sur luy, et se doutant que la faveur de ses parties ne luy fit perdre le prix, il ayma mieux suivre le jugement des bestes.

  A026000805 

 Ayant donq souvent osté les couleurs quil avoit assisses avec un'esponge, voyant quil ne luy succedoit pas, il jetta l'esponge contre le lieu du tableau qui luy desplaisoit; et icelle estant pleyne des couleurs qu'ell'avoyt prinses et ostees du tableau, elle les rendit en ce lieu la, et se treuverent [114] assisses si a propos que l'escume fut faitte comm'il desiroit. Heu! quam sæpe Deus nostros conatus ad bonum dirigit, nobis aliud cogitantibus! Sic... velut sp... et recte illis cecidi ..........................................................

  A026000805 

 Protogenes, Rhodien, fit un Dalylus, un chien aupres de luy, avec un si grand soin quil ne mangeoit, pendant ce tems, que lupins detrampés, de peur que le goust des viandes ne luy changeast ou chargeast le sens.

  A026000810 

 Il fit un tableau ou il y avoit des religieuses de Bacchus et des petitz satyres qui leur rampoyent et gravissoyent contre.

  A026000810 

 XXXVI, 40.] Dames de caremprenant courent fortune des satyres, id est de perdre leur reputation et leur chasteté. Satyrus salax et pruriens; item, mordax et maledicus..

  A026000811 

 Pireicus, comme semble a Pline, vouloit assoupir son bruit, et [ne peignait qu'en petit] volume et petites choses, comme boutiques [de barbiers, de cordonniers,] petitz asnes [char]gés d'herbes, et semblables [menus fatras; dont enfin on l'appela] paintre de bass'estoffe; [et néanmoins, à cause de son art, ces choses ] menues se vendoyent plus que plusieurs grandes des autres.

  A026000811 

 — Les moindres besoignes faittes en charité et selon l'art de vraye devotion, comme sont les mortifications des petites passions, les bas services et offices, les petites œuvres, valent plus que les plus grandes faittes laschement et sans devotion. Charitas est mensura hominis, quæ est Angeli, id est hominis et Angeli, Apoc. 21; arundo aurea sunt opera parva et nullius ex se momenti, ut arundo, et tamen, quia aurea sunt, mensura caritatis..

  A026000813 

 Arellius, peintre fort renommé un peu avant le regne d'Auguste a Romme, est oit sujet aux femmes, et toutes les deesses quil faysoit estoyent faittes a patron des femmes a qui il faysoit la court. Hæretici Virginem Divosque pingunt ut mulieres suas et ministres, et zelotipiam Dei ut suam, justitiam Dei ut suam, misericordiam Dei ut suam, potentiam Dei ut suam: unde ex Joanne Baptista, mollem faciunt ministrum et mollibus vestitum; ex Virgine, puellam de trivio..

  A026000815 

 Nealces voulant representer le rencontre de l'armee des Ægiptiens et de celle des Perses, tous (sic) deux navales, sur [le fleuve] du Nil, et ne pouvant contrefaire l'eau du [Nil pour ce qu'elle est semblable à] la marine, il peignit [un asne beuvant à bort de riviere et un crocodile qui le guettoit.] [L. XXXV, c. XI, al.

  A026000817 

 Ceux qui ont le cors ainsy medicinal et privilegié, par leur seule presence allegent ceux qui sont mordus des animaux qui leur sont contraires. Si tetigero fimbriam.

  A026000818 

 VI]: Ceux qui ont autrefois esté morduz des chiens enragés ou des serpens, encor quilz soyent gueris rengregent les playes de ceux qui en sont malades a s'approcher seulement d'eux. Quam facilis est casus eorum qui cum peccatoribus versantur! Nemo habitare debet cum iis cum quibus semel peccavit, nisi cauté, nam plagæ etiam obductæ reviviscere et recrudescere faciunt vulnera..

  A026000836 

 Es Indes, arbre retirant au terebentim porte des amandes tres douce[s].

  A026000847 

 XXXVIII.] Les Tentirites, petites gens d'un'isle voisine au Nil, tuent admirablement les crocodiles, nageans contre eux et montans a cheval dessus, et les poussent a terre prisonniers et les vainquent; aussi les crocodiles fuyent l'odeur des Tentirites comme les serpens celle des Psilliens.

  A026000853 

 Elles [les hyènes] contrefont le parler des hommes; c. 30 [ al.

  A026000853 

 Le vulgaire estime les hienes avoir deux natures, et qu'elles servent deux ans de masle et deux ans de femelle tour par tour et conçoivent sans masle; mais Aristote dit le contraire, [ De animal, generat., l. III, c. VI.] On en dit choses admirables: elles contrefont le langage des bergers, et ayant appris le nom de quelqu'un, elles l'apellent pour le faire sortir de la grange et le devorer; elles vont chercher les cors humains dans les sepulchres; les chiens marchans sur son (sic) ombre, ne peuvent japper.

  A026000855 

 Un jour juge l'autre et le dernier les juge tous; folie des hommes de conter les jours, au lieu de les peser.

  A026000856 

 Jason Phæreus, abandonné des medecins pour un aposteme quil avoit en la poitrine, par desespoir se donna un coup de cousteau pour se tuer, mais il treuva par ce moyen la guerison; l. 7. c. 50 [ al.

  A026000857 

 Silz se treuvent en chemin, ilz viennent droit debout l'un contre l'autre et s'entrefont la guerre aux yeux, de maniere qu'on a treuvé des elephans aveugles, devenus thysiques et secz de fain [123] (sic) et par le poison du dragon.

  A026000859 

 XVIII.] Ilz ayment naturellement les gens vieux, qui ne peuvent chasser ni leur faire la guerre, comme dit Polybius qui fit le voyage d'Afrique avec Scipion; et dit qu'en ce voyage les lions y estoyent si espés qu'on n'osoit sortir des villes, et qu'on pendoit et crucifioit des lions pour faire peur aux autres.

  A026000860 

 Estant blessé, il regarde tous-jours celuy qui l'a blessé et en veut tous-jours a luy, non a autre, quel grand nombre de gens quil y aie; si on luy lance un coup sans blesser, il ne blesse point, ains foulent (sic) des pieds..

  A026000860 

 — Il regarde fixement les traitz qu'on luy jette, sans en tenir compte, taschant d'espouventer des yeux.

  A026000861 

 La lionnesse combattant pour ses petitz a tous-jours les yeux en terre, de peur de s'estonner des espieux; [ibid., c. XVI al.

  A026000865 

 Les elephans, par leur haleyne seule, font sortir les serpens de leurs trouz, et celle des cerfz les brusle; c. 53 [ al.

  A026000866 

 Entre les oyseaux de proye, les uns ne se jetteront jamais sur un oyseau sil n'est en terre, les autres les espient seulement quand ilz volent le long des arbres, d'autres quand ilz sont branchez, et d'autres qui les prennent en l'air, a force d'aisles.

  A026000868 

 Il change de voix par fois; il pond au nid d'autruy et principalement en celuy des ramiers, pour eviter la fureur de ceux qui voudroyent abolir sa race, car tous les oyseaux luy font la guerre, estant asses poltron et timide.

  A026000885 

 Les cicoignes mettent des feuilles de plane en leurs nidz [130] pour en chasser les chauvesauris, leurs ennemies mortelles.

  A026000886 

 Les ours ayant mangé la mandragore, mangent des formies pour se guerir.

  A026000888 

 Le saphir et l'escarboucle guerissent du mal des yeux au seul toucher; l'ematiste garde d'enyvrer; le jaspe estanche le sang; le topase amortit l'ardeur de luxure, et l'herbe agnus castus, si on couche dessus. Dilexi mandata tua super aurum et topazion, quia ipsa etiam mandata, et divitem faciunt et castum.

  A026000893 

 Si on mesle des plumes d'aigle avec les autres, elles seront bien tost consumees et gastees..

  A026000915 

 La chair des moutonz morduz du loup est meilleure, [134] mais la laine engendre des poux au drap qui en est fait, [Ibid.].

  A026000917 

 Estant l'arbre incisé au (sic) grans jours de l'esté, le baume sort goute a goute et tumbe sur de la laine qu'on met au pied de l'arbre, puis on l'espraint dans des cornes.

  A026000918 

 II et IV,] mais il adjouste quil croit encor en la region des Sabæans; Pausanias, en ses Bœotiques, dit quil croit encor en Arabie et que les viperes se nourrissent de sa tresoüaifve liqueur.

  A026000919 

 Theophraste, en l' Histoire des plantes, [l.

  A026000920 

 L], nommé cinamologue, qui fait son nid de branches de cinamome; en Arabie, les chasseurs l'abbattent avec des fleches pour s'en prævaloir..

  A026000922 

 Oyseaux seleucides viennent au secours des habitans [sur] le mont Casius ou le long d'iceluy, contre les sauterelles, et tient on que Juppiter les leur envoye a leur (sic) prieres, a cause du grand desgast que les sauterelles leur font.

  A026000923 

 Ilz chantent en parfaitte melodie [136] quinze jours seulement et au feuiller des arbres; l'un ne chante comme l'autre, et a l'envi a qui fera mieux, et quelquefois, sur la contention, ilz meurent en chantant, la vie leur manquant avec la voix.

  A026000923 

 Les petitz aprennent des grans.

  A026000924 

 Racine de polemonia portee, empesche qu'on n'est piqué des scorpions, ou si on est piqué, la piqueure ne nuit; Dioscoride.

  A026000926 

 Mise sur les vexés des espris malins elle les delivre sur le champ..

  A026000929 

 L'herbe achemenides jettee en l'armee des ennemis les fait trembler et fuir; Pline, [l.

  A026000932 

 Les asnes, mules, chevaux, meurent mangeans le nerium; beu en vin, il guerit la morseure des serpens.

  A026000934 

 Cantharides mangees, tuent; guerissent neanmoins les mordus des chiens enragés.

  A026000936 

 Mithridates, Roy de Pont, inventeur du mithridat, avoit tellement renforcé son cors par icelluy que, s'efforçant de s'empoisonner pour eviter la servitude des Romains, il ne sceut onques.

  A026000938 

 (Math.) Cigue, venim aux hommes et bestes a 4 piedz; viande des estorneaux.

  A026000941 

 LII]: On tient que les pigeons ont ressentiment de gloire et quilz se pavonnent en l'air et font des esplanades ça et la, se mirans en la varieté de leur pennage; mais cela est cause que les tierceletz et faucons les attrapent, car s'ilz volloyent leur droit vol, il (sic) ne les attraperoyent jamais, car ilz ont l'aysle plus royde que les oyseaux de proye; mais les ennemis les espient quand ilz s'amusent a leur gloire, pour les surprendre et attraper. Heu, superbi!.

  A026000942 

 La cresserelle est bonne aupres des pigeons, car elle espouvente, par un certain naturel qu'ell'a, tous animaux de proye, qui craignent son regard et son cri. Humilitas [139] debet adesse cuilibet virtuti, nam eam timent dæmones.

  A026000943 

 Ibidem: Au tems du siege de Modena, Decimus Brutus, qui estoit dedans, faysoit sçavoir de toutes ses nouvelles au camp des consulz par le moyen des pigeons, leur attachant des billetz aux piedz: de quoy donq servoit a Antonius de tenir Brutus soigneusement enfermé, puisqu'il avoit ses postes en l'air? Pro oratione, quam in hoc ergastulo ad Deum et Sanctos fundimus, nam Spiritus Sanctus eam innotescere facit Sanctis, interpellat pro nobis gemitibus innenarrabilibus, vel Angeli.

  A026000944 

 Ilz n'ont nul usage des piedz, et pour prendre vol ilz ne se longent jamais qu'en lieux eminentz ou le vent les puisse saysir.

  A026000945 

 Il les pria de luy donner loysir de jouer encor un coup de sa cytre, ce qu'ilz firent; et tout incontinent, des daulfins vindrent, et fut receu par l'un d'iceux qui le porta au cap de Tenaro, » qui est en la contree de Misistrat en Lacedemone.

  A026000948 

 La munition delaquelle elles vivent est faitte de la rosee du printems et des gommes des feüilles; elle se treuve au fons des rayons, et amere. Dum mei faciunt, amaris vescuntur; sic in pænitentibus consolatio.

  A026000948 

 V-VI]: Mouches a miel enduisent leurs ruches du commosis et y meslent du jus des herbes les plus ameres qu'elles puissent rencontrer, affin de desgouster les menues bestioles qui s'y voudroyent affriander, et bastissent de mesme les entrees.

  A026000950 

 Il y a des dattes que les Grecz appellent caryotes (Kάρυον veut dire pesanteur de teste, hinc carous), excellentes a manger, et font un vin singulier qui donne: fort a la teste.

  A026000950 

 Ilz ne jettent leurs branches qu'a la cime; ilz jettent leur fruit (sic) attachés a des petitz sions sortans des branches a mode d'une grappe, tenant en partie du raysin.

  A026000950 

 Les palmiers femelles, ce dit on, croissent a leur juste grandeur, mais demeurent steriles si elles n'ont le masle au pres, par le regard duquel, ou par son exalation, ou par la poudre qui en sort, elles conçoivent et sont rendues fertiles; aussi on void les femelles s'incliner doucement et replier leurs branches du costé des masles, comme leur faisant la court, la ou le masle demeure ferme, accresté et roide; si on le coupe, les femelles deviennent steriles.

  A026000950 

 Leurs feuilles sont a mode d'espee; on en fait des cordages et liayson de vignes, et des chappeaux et lottes a la piemontoyse.

  A026000959 

 On dit que gardant les cors des mouches a miel mortes (noyëes, les couvrant et eschauffant de cendres chaudes, l. XI, c. XXXVI) dans la mayson tout le long de l'hiver et les remettant au soleil au printems, les tenans couvertes [144] de cendres de figuier, elles resusciteront et seront bonnes comm'au paravant.

  A026000960 

 Virgile dit quil faut tuer un toreau et le laisser la; il engendrera des mouches a miel, comme les chevaux mors engendrent les guespes et frelons, et les asnes les escharaveaux et foüillemerdes.

  A026000963 

 Frelons et guespes, bastars des mouches a miel, leur font la guerre; ilz font la cire, mais non pas le miel; 24 et 19. Hæretici, infesti Catholicis, faciunt ore ceram, id est promunt corticem litteræ; nam et cera continet mel, mel autem minime.

  A026000968 

 Et les sages laboureurs mettent des figuiers sauvages, d'ou le vent vient contre les figuiers privés.

  A026000968 

 Figuiers sauvages produit (sic) des mouchons qui, ni treuvant a manger, se jettent sur les figues privees et ouvrent les souspiraux d'icelles, et par ce moyen, le soleil et vent chaud qui fait meurir le blé entre dedans; joint aussi que ces mouchons succent le lait qui tenoyt lesdittes figues en enfance, et les font meurir par ce moyen.

  A026000982 

 Sçavoir faisons et attestons, que les seize feulliets escripts et conteneus dans le present cayer a Nous exhibé par R d Seigneur M re Joseph de Sales, seigneur de Richemont, Docteur en saincte Theologie, chanoine de Nostre Esglise cattedrale de Sainct Pierre de Geneve, et ont esté escripts de la main propre et caracthere de nostre incomparable predecesseur Sainct François de Sales, comme ayant esté par Nous dheuement recogneus et parangonné (sic) sur des autres escripts dudit Sainct, treuvés et delaissés dans les Registres du Greffe de Nostre evesché.

  A026000993 

 de Du Pinet, p. 2]: Ceux qui prætendoyent aux estatz de Rome promettoyent quelque somme des deniers au peuple, et les remettoyent es mains de quelque homme responsable.

  A026000998 

 Quand ilz sont deux ilz s'appellent Castor et Pollux, et se posent quelquefois sur les testes des hommes ou a l'entour.

  A026001011 

 Item, la différence entre Philippe et Alexandre, comme on peut le voir dans Plutarque: c'est que Philippe tirait gloire de tout; Alexandre, des grandes actions seulement.

  A026001011 

 La tentation de luxure est semblable aux cirons qui s'attaquent au dedans et au dehors, surtout des objets secs.

  A026001021 

 XLI]; L'Arabie Heureuse est ingrate, rendant graces aux dieux celestes de ce qu'elle recevoit des infernaux. Sic hommes plerumque agunt gratias diis mortalibus et terrenis de acceptis a celesti; hinc se creaturas hominum potentum nuncupant, etc., et sepe se Dei gratia regna, episcopatum, etc., quæ Dei ira, vel vitio ipsorum obtinent..

  A026001022 

 — Le midi des creatures..

  A026001024 

 IX].) Les ministres voudroyent faire croire quilz sont enfans des Apostres, mais ilz n'en ont pas la mine.

  A026001076 

 Œilletz sauvages jettés devant les scorpions leur ostent la faculté et force de nuire [ Maison rustique, p. 133 b ]: la parole de Dieu oste la force des tentations. Incumbe studio Scripturarum, et carnis vitia non timebis.

  A026001086 

 Quand le roy des abeilles est mort, elles s'amoncelent autour de luy, et si leur gouverneur ny prend garde, elles meurent-la plustost que de le quitter; il faut donq quil le leur oste de devant. O morienti Christo, quare non commorimus? Christo confixus sum cruci.

  A026001103 

 Troysiesmement, ayes l'usage des oraysons jaculatoires, qui sont des souspirs d'amour que l'on jette devant Dieu pour requerir son ayde et son secours.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001112 

 Tenes-vous courte avec les conversations mondaines et ne permettes pas, que le moins que vous pourres, qu'elles soyent en vostre chambre particuliere, pour, petit a petit, procurer que le dortoir des Dames en soit entierement exempt; ce qui seroit bien requis, et vostre exemple en est un grand moyen..

  A026001116 

 Il sera bon que vous employies quelqu'une de vos Religieuses pour vous ayder en la conduite des choses temporelles, affin que vous ayes tant plus de commodité pour vous addonner au spirituel et aux offices de charité.

  A026001124 

 Et affin que vous le puissies avoir, il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté et le cœur pour l'aymer et vostre prochain, l'imagination pour le vous representer et ses benefices; tous vos sens pour le servir, les oreilles pour ouyr ses louanges, la langue pour le loüer, les yeux pour contempler ses merveilles, et ainsy des autres..

  A026001126 

 Considerés quel malheur c'est au monde de voir que les hommes pour la pluspart ne pensent point a cela, mais leur est advis qu'ilz sont en ce monde pour bastir des maysons, ageancer des jardins, avoir des vignes, amasser de l'or, et semblables choses transitoires..

  A026001132 

 Ah, Seigneur, j'ay de telles et telles pensees, je m'en abstiendray cy apres; j'ay trop de memoire des picques et injures, je la perdray doresnavant; j'ay mon cœur encor attaché a telle et telle chose, qui est inutile ou prejudiciable a vostre service et a la perfection de l'amour que je vous dois: je le retireray et desengageray entierement, moyennant vostre grace, affin que je le puisse tout donner au vostre..

  A026001135 

 Nul ne sera couronné de roses, qu'il ne le soit premierement des espines de Nostre Seigneur..

  A026001149 

 Apres tout cela il faut faire la demande, suppliant Dieu quil luy playse nous donner la grace de bien le servir et executer fidellement nos bonnes resolutions, l'adjurant par le merite de son Filz, et particulierement par celuy qui reluira au mistere que nous aurons medité, par l'intercession de la Vierge et des benitz Saintz.

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001162 

 J'ay choysi un mistere qui est des plus beaux et fertiles, et sur lequel neanmoins je ne diray que fort peu au prix de ce qui s'en pourrait dire.

  A026001177 

 Mon Sauveur couronné d'espines estoit desja tout nud couché sur le bois de la croix, et les bourreaux l'avoyent desja serré et cloué pieds et mains sur iceluy; et commencent, avec des instrumens propres et destinés a cet effect, a relever petit a petit ce saint Crucifié en l'air, pour ficher et planter la croix au lieu et dans le trou fait a cett'intention..

  A026001178 

 Maintenant je voy, ce me semble, en l'air, le haut bout de la croix et le saint escriteau: Jesus de Nazareth, Roy des Juifz.

  A026001178 

 Sa bouche, toute meurtrie des coups de la nuit, tenant un profond silence, n'est ouverte que pour jetter des souspirs amoureux sur le peuple, en la presence du Pere æternel.

  A026001184 

 Je considere premierement celuy qui est ainsy pendu et eslevé, et voy par l'escriteau, que c'est Jesus de Nazareth, Roy des Juifz.

  A026001187 

 O feu admirable et sacré qui enflammés cette poitrine, mon Dieu, que vous estes ardent! Le vent des tribulations accroist vos flammes, la glace de vos persecuteurs vous eschauffe, et le torrent des persecutions donne force a vos ardeurs.

  A026001191 

 Et pour le regard des mauvaises habitudes et inclinations qui tormentent mon ame, helas, Seigneur, permettes-moy que je vous die: Lavés, lavés de rechef ce cœur qui, comme vase immonde, retient encor l'odeur de l'infecte liqueur de peché; lavés encor, Seigneur, et nettoyes tous-jours, jusques a ce quil soit affranchi de ceste senteur si fascheuse..

  A026001202 

 Maintenant donques, des ce lieu la, je m'imagine que je voy relever ce saint Crucifié en l'air, petit a petit, et que la croix est fichee et plantee dans le trou fait a cette intention..

  A026001207 

 Ses oreilles n'entendent que blasphesmes, ses yeux ne voyent que la furie de ceux qui le tuent, et en tous ses sens il endure des douleurs insupportables..

  A026001208 

 Mays ce n'est rien de cela au prix des douleurs de son cœur, qui, languissant de l'amour des ames, voit une si grande perte de personnes, et sur tout de ceux qui le crucifient..

  A026001212 

 Ah! qui sera ce tigre qui ne pleurera voyant cet innocent, ce jeune Roy, le Filz de Dieu, endurer tant de peynes? Elles sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert tous les hommes du monde contre l'indignation du Pere eternel.

  A026001212 

 Hé donques, mon ame, n'auras tu pas compassion de ton Sauveur qui souffre tant? Si jamais tu fus touchee de commiseration sur la nudité d'aucun pauvre emmi la rigueur de l'hyver, ne dois tu pas [181] compatir a ce pauvre Roy, qui est exposé tout fin nud sur cet arbre? Si jamais quelque pauvre ulceré te fit pitié, regarde, je te prie, celuy-la, auquel tu ne verras, de la plante des pieds jusques a la teste, aucun lieu qui ne soit tout gasté de coups.

  A026001220 

 J'instruiray les desvoyés, et diray a mon cœur et aux autres: Voules vous estre plus cruelz a l'endroit de vostre Sauveur que ne sont les vautours a l'endroit des colombeaux? ilz n'en deschirent ni devorent jamais le cœur.

  A026001224 

 Exterieurement: avec un grand silence, les yeux doux et benins, qui regardent par fois au Ciel, dans le sein de la misericorde du Pere, quelquefois sur le peuple, auquel il procure la grace de cette misericorde, sa bouche n'estant ouverte en ce mistere que pour jetter des souspirs de douceur et de patience.

  A026001246 

 Il y a des sujetz esquelz on ne peut douter quelle est la volonté de nostre bon Dieu, comm'en ce qui despend des [185] commandemens de Dieu et du devoir de nostre vocation.

  A026001247 

 Ainsy, les mortz des parens, pertes, maladies, secheresses, distractions, nous donnent sujet de nous perfectionner..

  A026001247 

 Il y a encor des autres sujetz dont on ne peut douter que Dieu ne les veuille, comme sont les tribulations, maladies et afflictions.

  A026001248 

 Je donne un exemple de ce que je dis: Je me prœpareray a supporter patiemment la mort, qui ne me peuvent (sic) arriver qu'une fois, et je ne me præpareray point a supporter les incommodités que je reçoy des humeurs de ceux avec lesquelz je converse, ou les importunités d'esprit que ma charge m'apporte, qui se presentent cent fois le jour: c'est cela qui me rend imparfait..

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001252 

 Les grans moyens pour parvenir a la perfection sont de deux sortes. Le premier et principal, c'est d'avoir la grace interieure de Dieu, et celluy ci se doit obtenir par prieres, oraysons, sacrifices, reception des Sacremens.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001261 

 Mais parce que ce troisiesme moyen est si ample, je le reduiray en cette sorte: Les trois vertus des Religieux sont les trois plus signalés instrumens pour acquerir la perfection et les trois plus grans effectz d'icelle.

  A026001267 

 La prattique de ce degré rend nostre cœur doux, humble et gratieux aux commandemens des superieurs, aux volontés des compaignons et aux desirs et prieres des inferieurs.

  A026001269 

 Et a ce degré est formellement contraire la des-obeyssance..

  A026001269 

 est d'obeyr aux commandemens de Dieu et des superieurs; et ce degré d'obeyssance est necessaire a un chacun, car qui ne l'observe peche mortellement, quand il s'agit de quelque chose d'importance.

  A026001273 

 est lhors qu'on nous commande quelque chose aggreable, comme seroit de ne point travailler les festes, de chanter en musique, ou quelque autre chose semblable, laquelle de soy mesme nous est aggreable; et en cela il n'y a pas grande vertu en obeyssant, mais il y a bien du grand vice en des-obeyssant.

  A026001274 

 c'est quand on nous commande des choses indifferentes, c'est a dire choses qui de soy mesme ne sont ni aggreables ni desaggreables, comme seroit de se promener, de porter tel ou tel habit; et lhors la vertu de l'obeyssance est grande, et le vice aussi de la des-obeyssance bien grand..

  A026001275 

 est quand on nous ordonne de faire des choses aspres et difficiles, comme de pardonner aux ennemis, souffrir patiemment les afflictions, ou faire quelque autre chose qui soit fort contraire a nostre inclination; et lhors le merite est extremement grand en obeyssant, et le peché moins grand en des-obeyssant..

  A026001283 

 Despuis le Confiteor jusques a l'Evangile, produisés des affections de contrition; de l'Evangile jusques a la Preface, faites la protestation de foy; apres le Sanctus, considerés le benefice de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; a l'eslevation, adorés tres profondement le divin Sauveur, et offrés le a Dieu son Pere; apres l'eslevation, remerciés le tres humblement de l'institution de ce saint Sacrement; quand le prestre dira le Pater, recites le mentalement en toute devotion; a la Communion, communies vous reellement ou spirituellement; apres la Communion, contemplés Nostre Seigneur assis dans vostre cœur, et faites venir devant luy, l'un apres l'autre, vos sens et vos puyssances, pour ouyr ses commandemens et pour luy promettre fidelité..

  A026001285 

 Entrés chaque jour de la semaine devotement dans l'une des sacrees playes de nostre douloureux et amoureux Sauveur.

  A026001294 

 Je vous voy, o mon Dieu, des yeux de mon esprit, comme une mer de perfections et un abisme de bonté qui non seulement m'environne de tous costés, mais qui habite et qui reside tres entierement et par une vraye presence dans le fons de mon miserable cœur; et il n'y a partie en moy qui ne soit totalement soustenue et animee de vostre sainte Divinité..

  A026001303 

 Je m'imagine de plus, que le crucifiement est des-ja fait, c'est a dire, la croix estendüe sur la terre; que Nostre Seigneur, despouillé, tout fin nud, a esté attaché par les bourreaux sur icelle, cloüé et serré pieds et mains.

  A026001308 

 Estant eslevé en l'air et le vent froid saysissant ce cors tout ulceré et deschiré des coups de la nuit, le fait presque transir et pasmer..

  A026001314 

 Helas, ses playes sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert les pechés du monde contre l'indignation du Pere æternel! O Dieu, que ne suis je quelque excellent et fructueux praedicateur, pour au moins empescher que ce divin cœur ne fust tant offensé par tant d'iniquités! O comme je dirois: Ne veuilles plus vivre iniquement, et ne releves plus les cornes de vos meschancetés pour les ficher dedans ce cœur des-ja tant affligé!.

  A026001319 

 Ne cesseray je pas en fin de vous estre infidelle, mon Sauveur et mon Dieu? O non, ce ne seront plus des-ormais d'inutiles desirs, ce seront des effectz; ce ne seront plus des paroles, ce seront des œuvres.

  A026001319 

 Serons-nous si acharnés contre le saint Colombeau qui niche sur [197] l'arbre de la croix, que de massacrer et deschirer son cœur avec les malheureuses dens de nos impietés? Ah, Seigneur, ah! je seray doresnavant impitoyable en la resolution que je fay d'aymer et de secourir les pauvres, qui sont vos membres, et de procurer mon amendement et celuy des autres..

  A026001329 

 O miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans replique, qui pour la moindre affliction fais sans cesse des plaintes et les respans aux oreilles de tout le monde.

  A026001344 

 O Pere æternel, je vous offre toutes ces peynes et afflictions de vostre Filz mon Sauveur, ses vertus, ses merites et son sang; et en vertu de tout cela, et de l'intercession de sa Mere, de toute vostre Cour cœleste, de l'Eglise son Espouse et de tous vos fideles qui combattent icy bas en terre, je vous demande vostre sainte et paternelle benediction pour mon cœur, et vostre speciale assistance pour vostre Eglise, pour les chefz d'icelle, pour les princes chrestiens, pour mes parens, amis et bienfacteurs, pour les desvoyés, pour le soulagement des ames du Purgatoire.

  A026001349 

 C'a esté aussi l'opinion du bienheureux Pierre d'Alcantara et l'experience l'enseigne; ce que je dis, parce que desirant que vous vous servies fort souvent des Prattiques de Bellintani, vous pourries a son imitation vouloir faire autrement, ce qui vous seroit beaucoup plus difficile et moins utile.

  A026001352 

 Encor que vous ayes preparé plusieurs considerations, toutesfois si une suffit pour vous entretenir pendant vostre demy heure, ne passes pas plus avant; et si vous ne treuves pas en l'une d'icelles dequoy eschauffer vos affections, faites les suivantes l'une apres l'autre, jusques a ce que vous ayes treuvé la veine des affections..

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001359 

 Quand vous seres distraitte, ce vous sera un grand soulagement de vous imaginer la devotion et ferveur des Anges et des Saintz, a l'orayson desquelz vous joindres la vostre, quoy qu'indigne.

  A026001366 

 Ou bien avec saint Paul: La nuit est passee, le jour est arrivé; sus, non plus des œuvres de tenebres, mais endossons le harnais de clairté.

  A026001378 

 Il ne reste que la consideration des dispositions et affaires de la journee, qui ne se doit pas faire parmi la meditation, parce qu'elle regarde trop par le menu nos occupations, nostre mesnage, nos rencontres des personnes avec qui nous avons a traitter, avec leurs conditions: comme si elles sont choleres, despiteuses et semblables, et tout cela nous distrairoit trop.

  A026001381 

 A la Messe, quand on va dire l'Evangile, leves vous pour tesmoigner que vous estes preste et appareillee pour cheminer en la voye des commandemens de l'Evangile; et [206] pour vous y exciter, vous pourres dire en vous levant: Jesus Christ a esté fait obeissant jusqu'a la mort, et mesme a la mort de la croix.

  A026001383 

 Apres le Sanctus, il faut en grande humilité et reverence penser au grand bienfait de la Mort et Passion de nostre Sauveur, le suppliant de la vouloir appliquer au salut de tout le monde, et particulierement au nostre et a celuy des enfans de son Eglise, a la gloire et felicité de tous les Saintz et au soulagement des ames du Purgatoire..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001392 

 Quelquefois, nous repentant des heures inutilement passees: Dieu me donne la grace de mieux faire; d'autres fois simplement: JESUS, MARIA; Dieu me soit en ayde; Dieu soit avec nous..

  A026001403 

 Donques, pour le reste du tems de la Messe auquel je n'ay pas dit ce qu'il failloit faire, ou bien il faut continuer les affections que je vous ay marquees chacune en son ordre: comme, par exemple, celle de la contrition jusqu'a l'Evangile; celle de protestation de foy jusqu'a la Preface, et ainsy des autres.

  A026001403 

 Ou bien il faut dire quelque orayson vocale, comme seroit quelque partie du Chapelet ou des Heures, ou autres telles oraysons.

  A026001403 

 Pour le regard de la Messe, je n'ay pas voulu particulariser sur tous les misteres d'icelle, pour vous instruire comme il y faut correspondre par le menu avec des oraysons et des pensees, d'autant que cela charge tant la me [209] moyre que la volonté n'a pas ses affections libres.

  A026001412 

 Que si contre cette pureté d'entendement le malin esprit nous donne des tentations, il s'y faut opposer, s'humiliant devant la toute puissance de Dieu, disant, ou de cœur, ou de bouche: O sainte et immense toute puissance de mon Dieu, mon entendement vous adore, trop honnoré de vous reconnoistre et de vous faire l'hommage de son obeissance et sousmission.

  A026001419 

 Il faut donques pour un tems oublier les choses materielles et temporelles, quoy que bonnes et utiles, pour se preparer a la sainte Communion, et faire comme le bon Abraham, qui, voulant aller sacrifier son filz, laissa l'asne et les serviteurs au pied de la montagne jusques a ce qu'il eust fait; car tout de mesme faut il retirer sa memoyre du souvenir des affaires domestiques et temporelles, jusques apres la Communion, toutes choses ayant leur tems..

  A026001419 

 Il la faut purger de la souvenance des choses caduques et affaires mondaines; en figure dequoy, la manne ne tomboit qu'au desert et solitude, hors du commerce du monde, et non point es villes et bourgades, et ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal retroussoyent leurs robbes, affin que rien ne traisnast et flottast sur la terre.

  A026001423 

 Ainsy Nostre Seigneur lava les piedz a ses Apostres avant l'institution d'iceluy, pour monstrer que les affections des communians doivent estre fort pures; et la manne devoit estre cueillie a la fraischeur, avant le lever du soleil, parce que les chaleurs naturelles, les amours et affections desmesurees des enfans, des parens, amis, biens, commodités empeschent qu'on ne puisse cueillir cette celeste viande.

  A026001423 

 Il la faut purger des affections desreglees et desordonnees, mesme des choses bonnes; c'est pourquoy ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal devoyent avoir des souliers en leurs piedz, affin qu'ilz ne touchassent point la terre des piedz; car « les piedz de l'ame sont ses affections », qui la portent par tout ou elle va, dit saint Augustin, et ses affections ne doivent pas toucher la terre ni estre a l'abandon, mais doivent estre resserrees et couvertes en mangeant le vray Aigneau paschal, qui est le tressaint Sacrement.

  A026001428 

 Si vous n'estes point agitee des tentations de curiosité, vous n'aves que faire de penser a ce que j'en ay dit; car, en y pensant, vous luy pourries ouvrir la porte pour la faire entrer chez vous; mais vous devés seulement remercier Dieu de ce qu'il vous donne la simplicité de la foy, qui est un don tres pretieux et desirable, et prier sa divine Majesté de vous le continuer..

  A026001431 

 Pour vaincre la curiosité en ce poinct, vainques la en toutes choses, pour petites qu'elles soyent, ne cherchant autre science que celle des Saintz, qui est Jesus Christ crucifié et ce qui vous conduit a luy.

  A026001433 

 Que si vous voulies par fois faire vostre meditation sur la Communion le jour precedent, vous pourres aysement y accommoder les misteres de la vie de Nostre Seigneur qui se rencontreroyent en la suitte de vostre orayson mentale, les appliquant comme a exercer en vostre endroit a l'heure de vostre Communion: car, qui vous empeschera de vous representer que Nostre Seigneur vous y presente les benefices qu'il a faitz, ou vous donne interieurement les enseignemens qu'il a donnés? Et ainsy des autres; et il y a peu de misteres qui ne soyent propres a cela..

  A026001435 

 J'appreuverois que pour ayder la compaignie a [217] se resouvenir des bienfaitz de Dieu au jour de la Communion, chaque Religieuse sceut le jour de sa reception et des autres graces plus signalees receues de Dieu; et qu'autant que l'humilité et la simplicité chrestienne le peut permettre, le soir avant la Communion, elle en resouvint les Seurs en l'heure de la recreation, et sur la fin les priast d'en remercier Dieu avec elle.

  A026001436 

 Car a cette intention Nostre Seigneur vient a nous, affin que nous soyons tous en luy et a luy; ce que nous ne sommes pas si nous nourrissons des affections desordonnees, voire es choses de soy bonnes et legitimes..

  A026001440 

 Je n'appreuve pas aussi que l'on estende la langue hors des levres, ni que l'on ouvre si peu la bouche quil soit malaisé d'y mettre la sainte hostie, ni que l'on s'avance en quelle façon que ce soit pour la prendre, puisque celuy qui la presente ne se rencontrant pas avec la bouche de celuy qui s'avance, il se pourroit faire de l'irreverence.

  A026001441 

 Le jour qu'on a communié il faut autant qu'il se peut caresser le saint Hoste qu'on a receu chez soy, et partant se divertir des autres occupations; car c'est en ce tems-la quil a accoustumé de parler plus souaifvement a nostre cœur et luy departir plus favorablement ses graces par la presence reelle de son Humanité.

  A026001460 

 Mais, troisiesmement, l'ame cherchant les moyens d'estre delivree du mal qu'elle sent, peut les chercher pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: si c'est pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, humilité et douceur, attendant le bien non tant de soy mesme et de sa propre diligence, comme de la misericorde de Dieu; mays si elle les cherche pour l'amour propre, elle s'empressera a la queste des moyens de sa delivrance, comme si ce bonheur dependoit d'elle plus que de Dieu.

  A026001465 

 Et comme les seditions en une republique la ruynent entierement et empeschent qu'on ne puisse combattre l'ennemy, ainsy nostre cœur estant troublé en soy mesme, perd la force d'acquerir les vertus et de se servir des moyens qu'il devroit employer contre ses ennemis, lesquelz ont, comme l'on dit, la commodité de pescher en eau trouble..

  A026001472 

 L'ennemy se sert de la tristesse pour exercer ses tentations [227] a l'endroit des bons; car, comme il tasche de faire res-jouir les mauvais au mal, aussi tasche il de faire attrister les bons au bien.

  A026001477 

 La mauvaise tristesse vient comme une gresle, avec un changement inopiné et des terreurs et impetuosités bien grandes, et tout a coup, sans que l'on puisse dire d'ou elle vient, car elle n'a point de fondement ni de rayson; ains, apres qu'elle est arrivee, elle en cherche de tous costés pour se parer.

  A026001477 

 Mays la bonne tristesse vient doucement en l'ame, comme une pluye douce qui attrempe les chaleurs des consolations, et avec quelque rayson precedente.

  A026001488 

 Il n'est pas mauvais, quand il se peut, de chanter des cantiques spirituelz; car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen, pour quelque cause que ce soit: tesmoin l'esprit qui agitoit Saul, duquel la violence estoit attrempee par la psalmodie..

  A026001490 

 Il est bon de faire souvent des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust: comme d'embrasser le Crucifix, le serrer sur son cœur et sur sa poitrine, luy bayser les pieds et les mains, lever les yeux au Ciel avec des propos d'esperance, comme: Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy.

  A026001491 

 La discipline moderee y est quelquefois bonne, parce que la volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure de l'ame, et s'appliquant au cors des douleurs exterieures, on sent moins l'effort des interieures; dont le Psalmiste disoit: Mais quant a moy, quand ilz me molestoyent, je me revestois de haire.

  A026001492 

 Il faut tous-jours s'addresser en ce tems-la a sa divine bonté par des invocations pleines de confiance, ce que l'on ne fait pas quand on est dans le tems de la joye et hors de la tristesse, ou l'on peut croire que l'on a plus de besoin d'exciter en son cœur les sentimens de crainte; par exemple, ceux ci: O Seigneur tres juste et terrible, o que vostre souveraine Majesté me fait trembler! et semblables.

  A026001492 

 Mais dans le tems de tristesse, il faut employer des paroles de douceur; par exemple: O Dieu de misericorde, tres bon et tres benin, vous estes mon cœur, ma joye, mon esperance, le cher Espoux de mon ame; et semblables.

  A026001493 

 La frequentation de la Communion a cette intention est excellente, car elle nous donne le Maistre des consolations..

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001504 

 Sur chaque dizaine vous penseres a un des misteres du Rosaire, selon le loysir que vous aures, vous resouvenant de celuy que vous vous proposeres, principalement en prononçant les tressaintz noms de MARIE et de JESUS, les passant par vostre bouche avec une grande reverence de cœur et de cors.

  A026001513 

 Pour vostre retraitte spirituelle, vous pourres vous servir des pointz icy marqués, lesquelz regardent la divine enfance de nostre Sauveur..

  A026001514 

 Le mardy, voyes le adoré des Anges et des pasteurs; faites luy avec eux mille reverences interieures.

  A026001514 

 Le mercredy, regardes que des-ja il respand son sang en la circoncision; supplies le qu'il retranche toutes les superfluités de vostre ame.

  A026001518 

 Le lundy, regardes le au jardin des Olives, priant son Pere a chaudes larmes; demandes luy humblement le don de l'orayson.

  A026001536 

 Au tems des secheresses, humilies vous, et au tems des sentimens et veüe de vostre misere, jettes vous au plus profond des entrailles de la misericorde divine..

  A026001548 

 Ne vous soucies point des jugemens humains..

  A026001549 

 Taises vous de toutes choses, et vous aures la paix interieure; car, pour vous et pour moy, il n'y a point d'autre secret pour acquerir cette paix que de souffrir a la rigueur les jugemens des hommes..

  A026001555 

 Et ainsy je le voue au Pere, Filz et Saint Esprit, un seul vray Dieu, auquel soit honneur, gloire et benediction es siecles des siecles.

  A026001555 

 Et apres avoir moy mesme reiteré le vœu solemnel de perpetuelle chasteté par moy fait en la reception des Ordres, lequel je confirme de tout mon cœur, je proteste et prometz de conduire, ayder, servir et advancer laditte Jeanne Françoise Fremyot, ma Fille, le plus soigneusement, fidellement et saintement que je sçauray, en l'amour de Dieu et perfection de son ame, laquelle des-ormais je reçois et tiens comme mienne, pour en respondre devant nostre Sauveur.

  A026001566 

 De mesme au genre du peché de luxure, il y a bien de la difference entre les especes d'iceluy: car desfleurer une vierge, c'est un stupre; cognoistre une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés..

  A026001569 

 Non seulement on se doit accuser des especes des pechés que l'on a commis, mais aussy du nombre d'iceux, disant combien de foys on a commis tel ou tel peché, au plus pres que l'on peut, selon la souvenance que l'on a; et si l'on n'a pas souvenance de la quantité des pechés, il suffit de dire combien plus ou moins environ; que si mesme on ne peut bonnement se resoudre de l'environ, il suffit de dire [245] combien de temps on a perseveré au peché et si on y est fort addonné..

  A026001570 

 Or, la necessité de dire au plus pres que l'on peut la quantité des pechés mortelz est essentiellement requise pour faire une bonne confession, d'autant que pour absoudre le pecheur de ses pechés, il faut avoir cognoissance de l'estat de sa conscience; mais on ne peut cognoistre l'estat d'une ame si on ne sçait a peu pres la quantité des pechés qu'elle a commis: car, quelle apparence y auroit il d'avoir en esgale consideration une femme, par exemple, qui n'auroit offencé de son corps qu'une seule foys, comme la sainte penitente Aglaë, et celle qui auroit offencé peut estre dix mille fois, comme on peut croire de sainte Pelagienne, de sainte Marie Ægytiaque et de sainte Magdelaine?.

  A026001573 

 Il se faut encor accuser de la diversité des degrés qui se retreuve en chasque espece de peché; car tout ainsy quil y a divers degrés en chasque vertu par lesquels passant de l'un a l'autre on arrive a la vertu heroique ou angelique, aussy [y] a il divers degrés au peché par lesquelz on descend jusques au peché diabolique.

  A026001573 

 Par exemple, il y a bien de la difference entre le corroux et injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee et tuer, qui sont des divers degrés du peché de collere; de mesme, il y a bien a dire entre le regard charnel, l'attouchement deshonneste et la conjunction luxurieuse, qui sont divers degrés d'un mesme peché.

  A026001576 

 C'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la qualité de l'objet ou de la matiere par le moyen delaquelle la malice du peché peut croistre ou descroistre; car il ne suffiroit pas a celuy qui auroit empoisonné un flaccon de vin, de dire qu'il a empoisonné du vin pour faire mourir des personnes, mais faudrait dire combien de personnes; car encor que l'empoisonnement se fist par une seule action, neammoins il se termineroit a la mort de plusieurs personnes, et bien que l'action fust unique, la nuysance neammoins seroit de grande quantité..

  A026001579 

 Mais cela s'entend des desirs qui sont formés, et non pas de certaine sorte de mouvemens interieurs qui, de sursaut, a l'improuveüe et sans nostre consentement, [247] passent par nostre cœur, pendant lesquelz mesmement, qui nous interrogeroit sy nous voudrions les choses ausquelles ces mouvemens semblent nous porter, nous dirions indubitablement que non; car par la on void bien que ces desirs sont des actions de nostre nature et non pas de nostre franc arbitre..

  A026001582 

 Il se faut encor accuser des mauvaises pensées quand, avec une volontaire complaisance au peché, nous nous y arrestons, car elles sont un degré du peché, encor bien qu'elles n'ayent esté suyvies ny du desir, ny de la resolution.

  A026001585 

 Ainsy, celuy là ne se confesseroit pas bien, qui ayant derobé une bourse en laquelle il n'y avoit que demy douzaine de jettons lesquels il pensoit estre des escus, ne s'accuseroit que d'avoir derobé des jettons; car encor qu'en effet il n'ayt derobé que des jettons, en affection neammoins il a derobé des escus..

  A026001591 

 C'est aussy un'espece de blaspheme de mesdire des Saintz ou parler incivilement d'eux et des choses sacrées: comme, par exemple, emprunter les paroles de l'Escriture par gausserie, risée et deshonnesteté..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001594 

 Violer les vœux que l'on a fait, ou bien faire des mauvais vœux: comme par exemple, de tuer quelcun, ou de ne faire pas quelque bien..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001598 

 Se desfier de son salut ou de son amendement et remission des pechés; ou bien, au contraire, præsumer d'obtenir le salut sans s'amender, ou penser avoir l'amendement sans penitence, ou la penitence sans prier, s'humilier et se disposer a l'avoir.

  A026001599 

 Dire des mauvaises parolles contre Dieu, les Saintz et l'Esglise; disputer curieusement et temerairement des choses de la foy; disputer ou faire des persuasions que les commandemens de Dieu n'obligent pas les personnes, qu'il ne faut pas craindre de les rompre, et semblables choses que des jeunes gens font quelquefois, ou pour pervertir l'esprit des filles, ou pour faire les gallans en matiere du peché de la chair.

  A026001600 

 Faire des irreverences dedans les esglises, comme muguetter, cajoller, pavonner, raïller, tenir des contenances inciviles et arrogantes, empescher les autres de prier, et semblables discourtoisies et messeances spirituelles.

  A026001604 

 [1.] Jurer sans discretion par le nom de Dieu, ou des Saintz et des autres creatures quelconques entant qu'elles dependent de Dieu et se rapportent a iceluy: comme font ceux qui jurent a tous propos, autant pour chose de peu d'importance comme pour chose de grande importance; car ceux cy exposent le sacré nom de Dieu et prennent a tesmoin sa divine Majesté vaniement (sic), frivolement et contemptiblement, sans jugement ny discernement quelconque..

  A026001610 

 Travailler les festes a quelqu'œuvre servile, ou estre cause que l'on travaille, sans evidente necessité et congé des Superieurs ecclesiastiques..

  A026001612 

 Et seroit aussy une chose messeante et abuser de l'institution des festes, de faire profession et mestier ordinaire d'emploier les tems sacrés en telles occupations..

  A026001615 

 Parler mal des peres, meres, superieurs, tant temporelz que spirituelz; les contreroller, censurer et se plaindre d'eux mal a propos; leur faire des repliques hautaines, fascheuses et piquantes; les provoquer a ire volontairement et a son escient.

  A026001616 

 Item, les peres, meres et superieurs des maisons, villes et republiques offencent Dieu contre ce commandement, traittans indignement et outrageusement leurs femmes, enfans, sujetz et inferieurs; n'aiant pas soin de les advancer [253] en la vertu; ne les assistant pas és choses requises, selon leur pouvoir; les scandalisant par mauvais exemple..

  A026001621 

 Estre dur et cruel envers les pauvres; les laisser perir ou souffrir des grandes necessités, quand on les peut secourir.

  A026001621 

 Prendre plaisir a faire battre les uns contre les autres, comm'on fait souventefois des laquais, gojatz et autres semblables sortes de gens.

  A026001621 

 Procurer la sterilité ou avortement des femmes.

  A026001621 

 Tuer ou battre; susciter des inimitiées; provoquer aux querelles et notamment aux duelz.

  A026001622 

 C'est encor peché contre ce commandement de tuer l'ame du prochain, la provoquant a peché, ou bien de luy nuire spirituellement, la destournant des bonnes œuvres [254] ou l'empescher malicieusement de bien faire.

  A026001625 

 Avoir des livres et images lubriques.

  A026001625 

 Avoir des pensées deshonnestes et les entretenir volontairement pour se complaire en la delectation sensuelle qui en peut naistre.

  A026001625 

 Dire des parolles ou chanter des chansons lascives, principalement quand c'est a mauvaise intention.

  A026001625 

 Envoyer des dons, faire des promesses, escrire des pouïetz, envoier des messages, prendre ou donner des assignations, et toutes autres sortes de poursuittes qui se font en intention d'impudicité.

  A026001625 

 Faire des attouchemens des-honnestes sur soy ou sur autruy, avec intention de plaisir sensuel.

  A026001625 

 Faire l'adultaire, qui se commet lorsque l'une des parties ou toutes deux sont mariées.

  A026001625 

 Faire l'inceste, c'est a dire avoir accointance avec une parente ou alliée, tant spirituellement que temporellement; je dis spirituellement, a cause des comperes, commeres, parrains, marraines, fileulz et fileules.

  A026001625 

 Faire le sacrilege, c'est a dire avoir connoissance des personnes sacrées a Dieu, comme prestres, Religieux et Religieuses, ou bien faire l'exces de paillardise en lieu sacré.

  A026001625 

 Faire le vice execrable de Sodome, c'est a dire commettre l'acte charnel avec un autre de son propre sexe, ou bien [255] avec une personne de sexe different, mais usant des endroitz non dediés a la generation.

  A026001625 

 Se loüer, venter et glorifier du peché de la chair; dire des parolles en faveur d'iceluy; l'excuser et amoindrir son enormité.

  A026001625 

 Se provoquer, soy mesme ou autruy, a pollution; faire la fornication, c'est a dire avoir compaignie des femmes non vierges, non mariées, non sacrées et non parentes.

  A026001629 

 Contracter des debtes démesurées pour lesquelles on est insolvable, ou que difficilement peuvent estre payées.

  A026001629 

 Et generalement, oster ou retenir sans rayson le bien, l'honneur et les commodités du prochain; comm'aussy, faire des prodigalités et despences excessives, pour lesquelles on fait des empruntz et on se prive des moyens d'assister le pauvre et met a souffrance sa famille.

  A026001629 

 Favoriser les injustes detenteurs du bien d'autruy contre les justes poursuites des vrays possesseurs et maistres.

  A026001629 

 Frauder l'Esglise des dismes et primices, ou les primices des tributz et peages justes.

  A026001629 

 Imposer des daces, subsides, contributions, angaries, injustement et contre rayson.

  A026001629 

 Poursuivre des proces injustement.

  A026001629 

 Retenir les gages des serviteurs, mercenaires, artisans, ouvriers, soldatz.

  A026001632 

 Juger mal et temerairement de la conscience et des actions du prochain; or, on juge temerairement quand c'est sans legitime fondement.

  A026001634 

 Faire lire, avoir, reciter des pasquins qui ne sont pas publiquement connus.

  A026001634 

 Semer des noyses.

  A026001645 

 L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté desordonnée d'une grandeur disproportionnee a celuy qui la veut, et partant c'est peché d'orgueil de s'attribuer le bien que l'on a d'autruy comme sy on l'avoit de soy mesme; penser meriter les biens et les graces que l'on a, encor qu'il n'en soit rien; s'attribuer des biens et des graces que l'on n'a pas; se preferer aux autres es choses esquelles on ne se doit pas preferer. Or, l'orgueil est peché mortel quand on ne veut pas reconnoistre de Dieu ce que l'on a; quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prest a violer les commandemens de Dieu et quand, pour s'exalter, on deprime et mesprise on le prochain en chose notable..

  A026001650 

 Appres cellecy suit la recherche des nouveautés en habitz, en discours et en opinions, et enfin la des-obeissance et mespris des loix et des superieurs..

  A026001651 

 Et ce dernier porte proprement a l'ambition, qui n'est autre chose qu'un desir desordonné des honneurs et dignités..

  A026001655 

 Item, l'inquiétude que le soin et l'ardeur immoderée des choses temporelles excite en nos espritz.

  A026001655 

 L'avarice n'est autre chose qu'une volonté immoderée d'avoir des biens temporelz contre raison, et d'icelle naissent tous les pechés contraires au septiesme commandement; comm'aussy la durté (sic) de cœur, qui n'est autre chose qu'un trop grand soin de garder le bien que l'on a, jusques mesmes a n'avoir point de pitié des souffreteux.

  A026001670 

 Or, le desordre consiste ou a desirer des viandes ou breuvages trop precieux, ou a les prendre en trop grande quantité, ou a les faire apprester trop curieusement, ou a s'y complaire trop delicieusement, ou a les prendre hors de tems et de saison..

  A026001680 

 Elle procede d'une trop grande affection aux choses temporelles et des trop grandes delectations es choses sensuelles, qu'il nous fascile de laisser pour suivre la vertu; comm' aussi elle procede encor de l'apprehension du travail et de ia peine qu'il y a a pratiquer les bonnes œuvres..

  A026001684 

 On peche contre le premier commandement de l'Esglise, [261] violant le Caresme, les vendredis, samedis, vigiles et Quattre Tems quant a l'usage des viandes prohibées, ou bien ne jeusnant pas; ce qui s'entend, sinon que quelque legitime occasion nous empesche..

  A026001695 

 Or je dis neammoins que la perfection de la charité est violée, parce que la perfection de la charité ne requiert pas seulement que nous ne nuysions pas au prochain, mais aussy que nous ne le frustrions pas de ses justes desirs et que nous ne nous contrarions pas nous mesmes: or, chacun desire naturellement de sçavoir la verité des choses qui luy sont representées, et nous nous contrarions nous mesmes quand nous parlons contre nostre pensée.

  A026001699 

 De plus, tant que la commodité des affaires le peut permettre, ilz doivent avoir avec eux leurs femmes; le mariage estant ordonné, non seulement pour la generation des enfans, mais aussy pour le remede de la concupiscence..

  A026001700 

 C'estoit un des saintz artifices du glorieux saint Louys, qui avoit tous-jours pres de soy quelqu'homme de grande devotion duquel l'entretien le confortoit et consoloit au bien.

  A026001700 

 Chose grandement utile d'avoir tous-jours avec eux certaine sorte de gens, soit gentilzhommes ou autres, qui ayent beaucoup de la crainte de Dieu; car, comme la presence [264] des meschans facilite le consentement au mal, aussy la presence des bons facilite la resistence.

  A026001702 

 Bon encores en la priere du mattin et du soir de faire une resolution particuliere contre ce peché et offrir cette resolution a Dieu, tantost a l'honneur de sa Passion, tantost a l'honneur de sa Nativité, tantost a l'honneur de sa sepulture; quelquefois a l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere; d'autrefois a l'honneur de nostre Ange gardien; et ainsy diversement a l'honneur des Saintz que nous honnorons le plus, protestant que pour l'amour d'eux nous observerons nostre resolution.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001715 

 De la, elle passa fort humblement dans la societé des vefves apres la mort de saint Joseph; et c'est l'opinion de plusieurs Peres, que cette sainte Mere de Dieu, apres l'Ascension de son adorable Filz au Ciel, vescut en terre plusieurs annees, comme les autres vefves et comme plusieurs fideles de la primitive Eglise, des aumosnes et de la communauté des biens des premiers chrestiens..

  A026001715 

 Mais sur tout, regardes combien [266] doucement cette jeune Princesse a passé du couvent des vierges dans la congregation des mariees, par son chaste et tres pur mariage avec saint Joseph, auquel, selon la coustume du tems et selon le conseil divin, elle fut remise par ses parens.

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001725 

 Et d'autant que vostre juste courroux rendit la premiere mere des humains, avec toute sa pecheresse posterité, sujette a beaucoup de peynes et douleurs es enfantemens, o Seigneur, j'accepte tous les travaux qu'il vous plaira permettre m'arriver pour cette occasion; vous suppliant seulement, par le sacré et joyeux enfantement de vostre innocente Mere, de m'estre propice a l'heure du mien douloureux, de moy, pauvre et vile pecheresse; me benissant, avec l'enfant qu'il vous plaira me donner, de la benediction de vostre amour eternel, qu'avec une parfaite confiance en vostre bonté je vous demande tres humblement..

  A026001726 

 Et vous, Vierge Mere tres sainte, ma chere Dame et unique Maistresse, qui estes l'unique honneur des femmes, receves en protection et dans le giron maternel de vostre incomparable suavité, mes desirs et supplications, affin qu'il plaise a la misericorde de vostre Filz de les exaucer.

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001731 

 Prosterné, ce me semble, en quelque petit recoin du mont de Calvaire ou Nostre Seigneur me voit, je vous escris ces lignes, ma tres chere Mere, pour vostre soulagement, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement devant Dieu..

  A026001733 

 Le Sauveur de nostre ame inculque si souvent la simplicité des petitz enfans, que nous la devons aymer tres particulierement.

  A026001748 

 En ce saint jour anniversaire auquel nous celebrons la memoire de nostre Redemption, je vous escris ces lignes, ma tres chere Fille, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement au pur amour de Nostre Seigneur crucifié..

  A026001749 

 Et pour cela, tenes vostre ame ferme en ce train, sans permettre qu'elle se divertisse a faire des retours sur elle mesme pour voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfaite.

  A026001751 

 Cet exercice d'abandonnement continuel de soy mesme es mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices, en sa tres parfaitte simplicité et [273] pureté, et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer..

  A026001752 

 Les amantes spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voyrement de tems en tems comme des colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancees au gré de leur Amant; et cela se fait es examens de conscience, par lesquelz elles se lavent, se purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progres au bien, non pour estre parfaittes, mais pour obeir a l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent, pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner contentement, elles se lavent, se nettoyent purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent.

  A026001755 

 Alhors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et des tendretés que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser a la queste des satisfactions et perfections de nous mesme; et, embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de cette simple amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progres nous le ferons grandement, et sans aller nous avancerons; sans nous remuer de nostre place, nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice..

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001758 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des contenances, [275] des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaitte obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour de nous mesme ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut adjouster la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creé? La distance et la presence n'apportera ni n'ostera jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A026001771 

 Demeures en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, sans vous remuer nullement pour faire des actions sensibles ni de l'entendement, ni de la volonté..

  A026001771 

 Demeures en la tranquille resignation et remise de vous mesme entre les mains de Nostre Seigneur, sans toutesfois laisser de cooperer courageusement et diligemment a sa sainte grace par l'exercice des vertus es occasions qui s'en presenteront.

  A026001779 

 En ce jour de saint Claude, memorable a nostre Congregation, je ramasse ainsy tout ce que je vous ay dit, pour l'abbreger: Soyes fidelement invariable en cette resolution, de demeurer en une tres simple unité et unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mesme en sa tressainte volonté, et toutes les fois que vous treuveres vostre esprit hors de la, ramenes l'y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l'entendement, ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de Nostre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout ce que l'on peut desirer pour s'unir a Dieu.

  A026001789 

 Pour cela, je ne vous espargneray point, et vous vous retrancherés des paroles superflues qui regardent l'amour, quoy que juste, de toutes les creatures, notamment des parens, mayson, païs, et sur tout du Pere; et, tant quil se pourra, des longues pensees de toutes ces choses-lâ, sinon es occasions esquelles le devoir oblige d'ordonner ou procurer les affaires requises; affin de parfaitement prattiquer cette parole: Oy, ma Fille, et entens, et panche ton oreille; oublie ton peuple et la mayson de ton pere.

  A026001794 

 Je dis même qu'en la pratique des vertus et aux fautes et chutes il ne faut bouger de là, ce me semble, car Notre-Seigneur met en l'âme les sentiments qu'il faut et l'éclaire là parfaitement; je dis pour tout, et mieux mille fois qu'elle ne pourrait être par tous ses discours et imaginations.

  A026001794 

 Si l'âme ne doit pas, spécialement en l'oraison, s'essayer d'arrêter toute sorte de discours, industrie, replique, curiosité et semblables, et au lieu de regarder ce qu'elle a fait, ce qu'elle fera ou qu'elle fait, regarder à Dieu; et ainsi simplifier son esprit et le vider de tout et de tout soin de soi-même, demeurant en cette simple vue de Dieu et de son néant, tout abandonnée à la sainte volonté dans les effets de laquelle il faut demeurer contente et tranquille, sans se remuer nullement pour faire des actes de l'entendement, ni de la volonté.

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001805 

 Il faut seulement prendre garde de ne faire pas des attentions superflues, s'enquerant de la volonté de Dieu en toutes particularités des actions menues ordinaires et inconsiderables..

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001810 

 Se rendre fidèle et prompte à l'observance et obéissance des Règles quand le signe se fait.

  A026001816 

 Se porter avec grande douceur à la volonté des Soeurs et de tout autre si tôt que l'on la connaîtra, encore que l'on pût facilement s'en détourner et examiner.

  A026001817 

 Il faut prendre le tems convenable pour soy et, cela fait, regaigner l'occasion de servir les desirs des Seurs..

  A026001827 

 Mais aussi quelquefois l'on se trouve dur en la mémoire de ces benefices ou en quelque occasion où il serait requis de discourir: comme quand on veut faire des confessions ou renouvellements, qu'il faut avoir de la contrition; et cependant l'âme demeure sans lumière, sèche et sans sentiment, ce qui donne grande peine..

  A026001827 

 Mais il me semble néanmoins qu'elle le fait et en une manière fort excellente, qui est un simple ressouvenir ou représentation fort délicate du mystère, avec des affections fort douces et savoureuses.

  A026001835 

 RECUEIL DES AVIS PARTICULIERS QUE MONSEIGNEUR M'A DONNES.

  A026001839 

 Et quand il vous arrivera de faire des fautes, quelles qu'elles soyent, demandes en pardon tout doucement a Nostre Seigneur, en luy disant que vous estes bien asseuree qu'il vous ayme bien et qu'il vous pardonnera; et cela tous-jours simplement et doucement.

  A026001842 

 Vous vous trompes en croyant que vous devries faire des actes vifz pour vous desfaire de ces sentimens et troubles de la partie inferieure; c'est au contraire, il n'en faut faire nul estat, mais passer simplement chemin, sans les regarder seulement.

  A026001843 

 Et tout de mesme en est il des pensees de jalousie ou d'envie, et mesme de ces attendrissemens que vous aves sur vos commodités corporelles, et semblables tricheries qui vont ordinairement roulant autour de nos espritz, retranchant a vostre ame tout autre soin que celuy de se tenir en paix et en tranquillité.

  A026001843 

 Je dis mesme celuy de vostre propre perfection; car je remarque que ce trop grand soin [286] de vous perfectionner vous nuit beaucoup, d'autant que des qu'il vous arrive de faire des fautes, vous vous en inquietes, parce qu'il vous semble que c'est tous-jours contre la pretention que vous aves de vous amender.

  A026001849 

 Et quand vous sentires que la confiance vous manque pour recourir a Nostre Seigneur, a cause de la multitude de vos imperfections, faites alhors joüer la partie superieure de vostre ame, disant des paroles de confiance et d'amour a Nostre Seigneur, avec le plus de ferveur et le plus frequemment qu'il se pourra..

  A026001849 

 Rendes vous donq bien indifferente, si on vous accordera ou non ce que vous demanderes, et ne laisses pas de demander tous-jours avec confiance; et demeures en l'indifference d'avoir des biens spirituelz ou non.

  A026001850 

 Ayes un grand soin de ne vous point troubler lhors que vous aures fait quelque faute, ni de vous laisser aller a des attendrissemens sur vous mesme, car tout cela ne vient que d'orgueil; mais humilies-vous promptement devant Dieu, et que ce soit d'une humilité douce et amoureuse, qui vous porte a la confiance de recourir soudain a sa Bonté, vous asseurant qu'elle vous aydera pour vous amender..

  A026001852 

 Prenes soin de tenir vostre esprit en paix et occupé des choses hautes, le tirant fidelement de l'attention que vous faites sur vous mesme, principalement quand vous aves [288] du chagrin et que vous n'aves point de courage.

  A026001853 

 Ne vous estonnes point des mauvais sentimens que vous aves, pour grans qu'ilz soyent; mais ayes soin en ce tems-la de multiplier les oraysons jaculatoires et retours de vostre esprit en Dieu; et comme vous aves une grande necessité de la douceur et de l'humilité, prenes soin de mettre fort souvent emmi la journee vostre cœur en la posture d'une humble douceur.

  A026001855 

 Quelle apparence y a il de monstrer ainsy vos imperfections, puisque cela empesche que Dieu ne soit servi de vous ainsy qu'il le desire? Cette esgalité de vostre maintien exterieur manque a l'accomplissement des talens que Dieu vous a donnés.

  A026001888 

 C'est un grand moyen d'avancer en la vertu et en l'amour de Dieu quand nous avons des Superieures qui ne nous ayment pas et que nous n'aymons pas aussi.

  A026001889 

 Dites avec l'Apostre: Seigneur, que vous plaist il que je face? Mais saint Bernard dit qu'il y a des Religieux a qui il faut dire: Que vous plaist il de faire? O ma chere Fille, ne soyes point ainsy enfant..

  A026001893 

 Il faut tous-jours faire la volonté des autres, sur tout des Superieures, plustost que de les attirer a faire la nostre..

  A026001905 

 Quand vous aures fait des fautes contre la douceur, humilies vous; et quand vous aures fait des fautes contre l'humilité, adoucisses vous et faites comme je vous ay dit: alles tous-jours de l'humilité a la douceur, et de la douceur a l'humilité..

  A026001909 

 C'est une injustice de vouloir sçavoir les affaires des autres et ne vouloir rien dire des siennes, par cordialité..

  A026001910 

 Je vous recommande l'affabilité, que vous sçavés qui se prattique avec ceux a qui on parle; se rendre joyeuse avec ceux qui le sont, pleine de compassion avec les affligés, s'accommodant a la façon des autres, a leurs humeurs, faire comme saint Paul: se rendre tout a tous pour les gaigner tous..

  A026001913 

 Dites souvent: Bienheureux sont les debonnaires, car le royaume des deux est a eux.

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001919 

 Il faut estre simple comme des petitz enfans pour entrer au royaume des Cieux.

  A026001924 

 La vraye generosité consiste a se rendre independante de toutes choses et des creatures, et ne point penser si elles nous ayment et pensent a nous ou non; il ne faut point s'amuser a cela.

  A026001926 

 Ne soyes point pointilleuse en l'exercice des vertus, mais alles rondement, franchement, naifvement, a la bonne foy.

  A026001927 

 Quand les mouches nous piquent, il ne faut que tout simplement les oster; ainsy, quand il nous vient des contradictions, il ne faut que tout simplement les oster, c'est a dire s'en destourner et non pas s'en occuper.

  A026001933 

 Quand vous aures fait quelque bien ou resiste a des tentations n'y faysant point de fautes, dites tous-jours: J'ay fait cela par la grace de Dieu.

  A026001934 

 Quand vous envoyeres ou recevres des commissions de quelqu'un, il faut ainsy parler de Nostre Seigneur, et dire a ceux qui vous les font: Je vous prie de remercier N. de ma part, du souvenir qu'il a de moy; asseures le ou asseures la (selon la personne) que je prieray Nostre Seigneur pour elle, affm qu'il luy continue tous-jours ses saintes graces; et choses semblables..

  A026001935 

 Il ne faut point vouloir des particularités; la Regie le dit, et que les premieres seront comme les dernieres..

  A026001938 

 Ma chere Fille, il est bon d'entendre les coulpes des autres pour recevoir la lumiere pour voir les vostres, et penser en soy mesme que cette Seur est bien humble de s'accuser ainsy.

  A026001947 

 Ainsy, tandis que nous serons en cette vie, nous aurons tous-jours des miseres.

  A026001947 

 Il ne se faut pas estonner de se voir tous-jours faillir et tomber en des fautes; et comme il faut avoir un grand courage pour se relever quand on a failli, il le faut encor plus grand pour se supporter se voyant tomber souvent dans les mesmes fautes.

  A026001948 

 Vous estes marrie, ma chere Fille, parce que vous faites des fautes: il se faut humilier et demeurer en paix.

  A026001953 

 Chacun ayme mieux ceux qui sont a son gré; c'en est de mesme des vertus.

  A026001953 

 Mais il vous semble que vous ne faites rien si vous ne sentes des consolations et satisfactions en ce que vous faites, car nous aymons tant cela! — Oh! je veux que vous soyes plus courageuse, ma chere Fille, et que vous ne soyes attachee a rien, ni aux consolations sensibles de Dieu, ni aux affections des creatures.

  A026001955 

 Il faut avoir un grand soin du salut des ames pour la gloire de Dieu, et joindre a cela l'humilité..

  A026001960 

 Ressembles, si vous pouves, a la robbe de [Joseph], qui tenoit despuis la teste jusqu'aux pieds; c'est a dire, qu'il se faut exercer toute sa vie a la prattique des vertus..

  A026001961 

 Il faut lier nos passions avec des chaisnes d'or, qui sont des chaisnes d'amour, sans oublier les inclinations et aversions, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A026001962 

 Ayant fait vostre reveuë, rejetté et detesté vos imperfections, il reste a faire la fin, qui est de bien mettre en prattique vos resolutions et vouloir des-ormais vivre toute a Dieu et vous appliquer a son amour.

  A026001974 

 Quand il n'y auroit que Dieu et vous au monde, seroit-ce pas asses, sans vouloir tant de creatures et vous amuser a tant de [307] tricheries qui passent par vostre esprit? Resouvenes vous souvent de Dieu par des frequentes aspirations en luy..

  A026001975 

 Je ne dis pas seulement cecy des actions pieuses d'elles mesmes, mais aussi des indifferentes, comme d'aller se coucher, se reposer, quand il le faut.

  A026001979 

 Ne vous estonnes pas si vostre amour n'est pas tendre, tant a l'endroit de Dieu comme a l'endroit des creatures; pour estre fort, il en est meilleur.

  A026001980 

 Et pourquoy ne nous appartient il d'avoir des graces, desirs et sacrees inspirations? Nostre Seigneur commande que nous soyons parfaitz comme son Pere celeste; il faut tascher de se perfectionner et y employer toutes nos forces.

  A026001985 

 L'amour propre n'est pas si satisfait, car nous voudrions tous-jours avoir des goustz, des satisfactions et consolations, ou autrement tout est perdu.

  A026001988 

 Puisque vous aves choisi cette sorte de vie, par la grace de Dieu, ne permettes point a vostre cœur de s'appliquer a d'autres desirs; mais, en benissant Dieu des autres vocations, arrestes vous humblement a celle ci, puisque Dieu vous a fait la grace de vous y appeller.

  A026001989 

 Et ainsy pour la sainte Communion: quand il vous viendra des desgoustz, ne laisses pas de communier, mais alles tout simplement et amoureusement recevoir vostre Createur, vous imaginant de le recevoir avec la Sainte Vierge..

  A026001992 

 En fin, ce sont des [310] mouches du monde qui nous piquent, mais il [ne] faut que tout simplement les oster..

  A026001993 

 Et que vous doit il importer d'en avoir ou non, pourveu que vous ne les suivies et que vous ne les nourrissies pas volontairement? Il n'est pas en nostre pouvoir de n'avoir point de tentations et sentimens, mais ouy bien de n'y point consentir et y faire des fautes en suite.

  A026001994 

 De mesme a l'aversion, quand elle ne presse pas trop, soyes soigneuse de faire des actes positifs.

  A026001994 

 Il y a un peché qu'il faut fuir, et ses objectz, pour en acquerir la vertu contraire; mais pour la partie irascible il luy faut aller au devant et faire des actes positifs.

  A026001994 

 Jamais nous ne l'acquererions si nous n'avions des occasions de combattre, comme cette fille qui alla treuver saint Athanase affin qu'il luy baillast une femme qui l'exerçast a la patience, pour en acquerir la vertu.

  A026001996 

 C'est un grand moyen d'avancer a la perfection et d'acquerir des vertus heroïques.

  A026001996 

 Ma chere Fille et partiale, je vous prie, ne faites rien a cette Seur qui puisse luy faire connoistre que vous luy aves de l'aversion; au contraire, soyes ayse de luy rendre des services.

  A026002001 

 Dites des paroles d'amour a Nostre Seigneur, quoy que sans goust.

  A026002001 

 Ne laisses pas un brin de vos exercices, pour tout ce que la tentation vous dira de contraire: il les faut redoubler, j'entens au moins les oraysons jaculatoires, et les faire avec ferveur, et tout le reste des exercices autant qu'il vous sera possible, en despit de vostre degoust.

  A026002003 

 Il se faut divertir en des choses exterieures.

  A026002003 

 Nostre Seigneur a laissé escrit en sa loy que nous aurions tous-jours des ennemis a combattre jusqu'a la mort.

  A026002004 

 La loy de l'homme exterieur c'est de frapper des pieds et mains, dire des paroles; mais l'interieur ne fait rien de cela, encor qu'il ayt le sentiment.

  A026002004 

 Nos saintz Peres ont eu des sentimens; vous n'estes pas plus qu'eux..

  A026002007 

 Pour l'Office, prepares vous avant que d'y aller, ou bien en y allant, et dites: Je psalmodieray les louanges de Dieu en la face des Anges; ou bien [pensez] que vous alles avec Nostre Dame chanter les louanges de Nostre Seigneur.

  A026002008 

 Faites tout ce que vous pourres pour vous empescher de dormir, pour la reverence du Tres Saint Sacrement, des reliques de l'autel et de l'office que vous faites a Nostre Seigneur avec les Anges.

  A026002008 

 Il faut estre grandement fidele a ne se point arrester a des inutilités; si tost qu'on s'en apperçoit, il faut promptement en destourner son esprit.

  A026002008 

 Ne vous laisses aller a rire et faire des impertinences.

  A026002008 

 Tenes vous en reverence devant Dieu, faites des retours de vostre cœur a Nostre Seigneur quand l'autre chœur respond, et dites du vostre avec attention.

  A026002011 

 Il se prattique ainsy: en la fermeté des considerations que l'on fait a l'oraison, aux affections et resolutions que l'on y fait pour la prattique..

  A026002011 

 Le don d'entendement est un don que Dieu respand dans l'ame juste des lumieres de la foy et de la ferme creance d'icelles, de leurs clartés et beauté.

  A026002014 

 Il y a difference des murmures a la mesdisance: le murmure est en des choses de peu, la mesdisance s'entend en des choses grandes..

  A026002017 

 Il faut fonder toutes nos oraysons sur celle de Nostre Seigneur au Jardin des Olives, nous despouillant de nous mesme et de tout propre interest, nous resignant a la volonté de Dieu; puis luy demander nos necessités et de toutes les creatures, et que son Nom soit sanctifié.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002019 

 Il s'y faut bien preparer, puis, si Nostre Seigneur prend nostre cœur, il le faut laisser faire et suivre son attrait, sans nous destourner pour regarder ce que nous faysons ou sentons, car c'est une des plus fines tentations et distractions que celle la; il [s'en] faut bien garder..

  A026002019 

 Quand on ne peut pas faire des considerations par secheresse, il faut faire ses resolutions et affections selon la partie superieure, sans se desgouster ni quitter l'orayson; mais quand il vient des pesanteurs, sur tout aux oraysons extraordinaires, vous vous pouves bien un peu divertir, comme pendant la lecture et autres qui ne sont pas d'obligation.

  A026002021 

 Quand on n'a pas bien fait l'orayson, il le faut reparer par des oraysons jaculatoires.

  A026002021 

 Soyes fidele a faire des frequens et continuelz retours de vostre esprit en Dieu..

  A026002022 

 C'est comme une eau qui est tant agitee des vens qu'elle ne represente pas l'image de l'homme, d'autant qu'elle est troublee; et bien qu'elle soit claire, les parties du cors y paroissent comme desunies les unes des autres.

  A026002022 

 Tout de mesme l'ame qui est agitee des vens contraires des passions n'est pas propre pour recevoir en soy l'image de Dieu..

  A026002024 

 Un des preceptes de la vie spirituelle est de prendre deux ou trois Saintz et les prier qu'ilz intercedent pour nous vers Nostre Seigneur; mais s'ilz ne nous impetrent pas ce que nous voulons et desirons d'eux, il ne les faut pas quitter.

  A026002027 

 Ainsy des autres..

  A026002046 

 Parfumer son cœur des pensees d'abjection qui viennent..

  A026002083 

 Ne point contester, ni parler avec empressement; ne pas rire ni parler trop haut, ni faire des gestes en parlant, des mains ni de la teste, ni des autres membres du cors..

  A026002096 

 Traitter avec tous, avec amour et charité; ne juger personne, ains les excuser, tant a part soy qu'a l'endroit des autres..

  A026002103 

 Bien faire son prouffit de toutes les mortifications qui nous arrivent de la part de Dieu, de la Superieure et des Seurs..

  A026002115 

 Ne se point ennuyer des advertissemens ni que l'on nous reprenne de nos defautz..

  A026002129 

 Avoir souvent la pauvreté de Nostre Seigneur, de la Sainte Vierge et des Apostres devant les yeux..

  A026002130 

 Une abnegation des choses dont on se sert tesmoigne un grand contentement.

  A026002139 

 Estre bien soigneuse de se bien occuper en Dieu, nous divertissant promptement et soigneusement de toute sorte de pensees et souvenir des choses que nous avons autrefois veuës et ouÿes..

  A026002142 

 Parler pour l'ordinaire des choses bonnes et utiles..

  A026002147 

 Ne faire non plus d'estat de tous nos sentimens, pour grans qu'ilz soyent, que nous ferions des abbayemens des chiens..

  A026002153 

 Ne point vous inquieter ni troubler pour voir l'advancement des autres.

  A026002154 

 Tirer de l'humilité de nos imbecillités, particulierement quand nous voyons l'advancement des autres..

  A026002161 

 Il faut estre « forte a supporter les tentations; forte a supporter la varieté des espritz; forte a supporter ses propres » inclinations et « imperfections, pour ne se point inquieter de s'y voir sujette; forte pour combattre ses imperfections et entreprendre la correction et amendement parfait.

  A026002162 

 « Se tenir independante des consolations des creatures.

  A026002177 

 C'est qu'il ne faut jamais regarder au visage des Superieurs ni dire: Sont ilz propres pour nous? commanderont ilz bien? ains obeyr a l'aveugle en tout ce qu'ilz nous commandent, car ce ne seront pas les Superieures qui nous rendront parfaittes, mais la sousmission et obeyssance que [327] nous leur rendrons.

  A026002177 

 Et l'on voit beaucoup d'inferieurs qui sont saintz sous des Superieurs fort imparfaitz, et des inferieurs imparfaitz sous des Superieurs qui sont saintz, tellement qu'il n'y a point d'excuse en l'obeyssance sinon la grande, qui est d'offenser Dieu.

  A026002177 

 Nostre Seigneur priant au Jardin des Olives dit a son Pere: Que vostre volonté soit faite et non la mienne; Qu'il soit fait ce que vous voules et non ce que je veux; comme [ vous ] voules et non comme je veux.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002217 

 Que nous apprend cette conduitte, sinon qu'il se faut resoudre, a l'exemple de cette Vierge sacree, de passer nos jours dans la privation des graces sensibles et extraordinaires, pour vivre dans les tourmens, les peynes et la mort, quand il plaira a nostre Bienaymé ..................................................

  A026002224 

 Dieu veut que vous le servies en la conduite des ames, puisqu'il a arrangé les choses comme elles le sont et qu'il vous a donné la capacité de gouverner les autres..

  A026002227 

 Ayes a cœur le support des filles imparfaittes qui seront en vostre charge: ne faites jamais de l'estonnee, quelque sorte de tentation ou d'imperfection qu'elles vous descouvrent, ains tasches a leur donner confiance a vous bien dire tout ce qui les exercera..

  A026002228 

 Gardes vous de faire des affections particulieres..

  A026002228 

 Soyes grandement tendre a l'esgard des plus imparfaittes, pour les ayder a faire grand prouffit de leur imperfection.

  A026002230 

 Maintenes vous dans une contenance grave, mais douce et humble, sans jamais estre legere, principalement avec des jeunes gens.

  A026002232 

 Reconnoisses vous fort honnoree de cet honneur, et vous en alles courageusement supplier Nostre Dame qu'il luy plaise vous offrir a son Filz comme une creature tout absolument abandonnee a sa divine volonté, vous resolvant que, moyennant sa grace, vous vivres des-ormais d'une vie toute nouvelle, faysant maintenant un renouvellement parfait de toute vostre ame, detestant pour jamais vostre vie passee avec toutes vos vielles habitudes..

  A026002259 

 Tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a meriter [339] pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté..

  A026002261 

 Pour celles qui ont la voix bonne et en tirent trop de complaysance il sera tres bon de les priver parfois de tenir les premiers rangs en telles charges, si ce sont filles qui ayent l'esprit fort a supporter la mortification; mais neanmoins il y en a auxquelles il est besoin de donner quelque complaysance au chant des Offices pour les y encourager, en les portant tous-jours de referer tout a Dieu en mortifiant la vanité.

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002264 

 Pour les malades qui semblent ne prendre playsir a parler des choses bonnes, il faut en cela suivre la discretion, car il ne les faut pas importuner, mais suavement leur dire de tems en tems quelque chose de bon, sans faire des longs discours.

  A026002265 

 Suit maintenant vostre demande, ma Seur, si on peut recevoir des Religieuses d'un autre Ordre? Il est certain qu'on le peut, pourveu qu'elles ne soyent pas Professes; si elles le sont, on ne le peut sans dispense de Rome.

  A026002266 

 Il ne faut pas appeller le medecin que pour la vraye necessité et tous-jours avec dispense pour chaque malade, si ce n'est que l'on fust bien pressé; l'on ne leur doit parler des filles que fort discrettement et en sorte que la modestie y soit observee..

  A026002267 

 La prudence est icy grandement necessaire pour traitter avec eux comme il faut, mais tous-jours avec humilité et douceur, en tenant neanmoins la regie droitte et ferme pour ce qui est de l'observance des Regles et de l'esprit de la Visitation..

  A026002268 

 Et si l'on vous remet a vostre choix, prenés le jeusne, car il est mieux de ne flatter pas le cors que de l'attendrir, si ce n'est pour les raysons suivantes: si le jeusne vous rend chagrine ou donne des estourdissemens de teste, ou bien si l'on est [341] travaillé de quelque douleur, il n'y a point de doute que l'on ne doit pas jeusner si cela accroist la douleur; car l'Eglise ordonne le jeusne pour macerer' un peu ceux qui sont sensuelz et pour faire pœnitence; mais ceux qui en reçoivent de l'incommodité qui empesche l'esprit de ses fonctions, l'on en peut dispenser, mais non pas de soy mesme.

  A026002268 

 Il y a plus de perfection a demander ses necessités que de se laisser a la providence des Superieurs, qui ne doivent pas se lasser a observer celle ci et celle la.

  A026002271 

 Il faut, au commencement de sa superiorité, qu'elle soit condescendante a contenter la curiosité des espritz, en leur respondant asses familierement selon les demandes que luy feront les seculiers, et mesme aux Seurs de dedans, ayant un grand soin de les contenter; et en cet abord il faut qu'elle donne une grande estime des Constitutions et [342] qu'elle aye un grand soin de tenir les Seurs dans l'estroitte observance des menues choses, comme de lever ses habitz, fermer les portes apres soy, en leur faysant concevoir la sincerité des Constitutions qui n'obligent point a peché quand il n'y a point de negligence..

  A026002272 

 Il faut que la Superieure ayt une grande discretion pour ne pas s'exempter des Offices, estant au parloir, si ce n'est qu'elle soit avec des personnes de respect, ou affligees, ou quelque affaire de la Mayson; alhors il faudroit patienter; mais les autres, il leur faut dire humblement que c'est l'heure de l'Office; hors de ce tems la, il s'y faut assujettir autant que l'on le requerra.

  A026002272 

 Il ne faut point donner a manger au parloir et ne toucher que rarement la main des seculiers..

  A026002273 

 Il ne faut pas que la Superieure s'informe des pechés particuliers lhors que les pretendantes luy rendent conte de l'histoire de leur vie; la Directrice leur doit apprendre de le rendre ainsy: J'ay esté autrefois adonnee a la vanité, ayant beaucoup perdu de temps a cela; j'ay esté sujette a la cholere ou a l'humeur melancholique.

  A026002273 

 L'on doit prendre garde de ne point rejetter des filles pour des choses legeres; mais il faut prendre garde aussi de n'en point recevoir de celles qui sont opiniastres et negligentes a se corriger de leurs defautz et tout ensemble malicieuses; mais si l'on voit qu'elles eussent [assez] de force a se surmonter, il faut alhors user de patience, en leur donnant du tems a se surmonter et corriger.

  A026002275 

 Il faut exercer les vefves, pour spirituelles qu'elles soyent, [343] a la simplicité de la Communauté, mesme des exercices interieurs..

  A026002276 

 La Superieure doit escouter les peynes abjectes des Seurs comme celle qui n'y pense pas, et pour les Seurs qui en sont en peyne et celles qui ne les disent pas, il faut charitablement leur aller au devant; tout de mesme a celles qui sont trop tardifves a rendre conte, les attirer doucement..

  A026002277 

 L'on ne doit laisser lire des livres ou sont des autres Regles, affin que cela ne serve de tentation; mesme il y en a qui ne permettent pas de lire les Chroniques de saint François a cause de cela..

  A026002278 

 Il sera, bon de s'informer s'il y a des pauvres, affin de les assister de quelque chose..

  A026002278 

 La Superieure peut donner, s'il y a des commodités a la Mayson.

  A026002281 

 La Superieure, en visitant les layettes des Seurs, ne doit point lire les lettres du Pere spirituel ni de nostre Mere de Chantal; mais pour les autres, elle les peut lire si elle veut..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002290 

 Ainsy, mes cheres Filles, celles que Dieu appelle a la conduite des ames se doivent tenir dans leurs ruches mystiques ou sont assemblees les abeilles celestes pour mesnager le miel des saintes vertus, et la Superieure, qui est entre elles comme leur roy, doit estre soigneuse de s'y rendre [345] presente, pour leur apprendre la façon de le former et conserver.

  A026002292 

 Puisque vous tenes, mes cheres Filles, la place de Dieu dans la conduite des ames, vous deves estre fort jalouses de vous y conformer.

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002312 

 Helas, mais helas! que faites vous, ma chere Magdeleine? vous laisses des Anges glorieux pour chercher un mort crucifié.

  A026002317 

 Je dis de tems en tems, ou plustost de moment en moment, par des frequentes eslevations de cœur en Dieu et par maniere de repetitions et confirmations de l'union des-ja faitte, comme disant interieurement: Ouy, Seigneur, je demeureray a jamais jointe et unie a vostre sainte volonté.

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002319 

 C'est une des plus blasmables conditions des creatures que d'estre immortifiees, c'est a dire d'estre sujettes a estre de differente humeur: tantost chagrine, melancholique, tantost colere, tantost rieux, tantost serieux, tantost censeur; comme au contraire, c'est une inestimable perfection que d'avoir une humeur douce, esgale et qui face bon rencontre a quelqu'heure et a quelque tems que ce soit.

  A026002328 

 Loües grandement les autres Ordres et Religions, et le vostre au dessous des autres choses, bien que vous ne devies pas cacher que vous vives paisiblement, et disant, quand l'occasion s'en presente, le bien qui se fait, simplement..

  A026002329 

 Faites tous-jours grand cas des Seurs Carmelites, et vous entretenes en leur amitié par tout ou vous seres, tesmoignant tous-jours que vous en faites grande estime et que vous les aymes cherement..

  A026002330 

 Entretenes vous fort avec les Peres Jesuites et communiques volontier avec eux, comme aussi les Peres de l'Oratoire et les Peres Minimes; prenes conseil d'eux tous ou vous en aures besoin, et particulierement des Peres Jesuites..

  A026002331 

 Ne soyes pas du tout tant retenue a relever le voile comme les Seurs Carmelites, mais pourtant uses de discretion pour cela, faysant voir, quand vous le leveres, que c'est pour gratifier ceux qui vous parlent; observant de ne gueres vous avancer des treilles, ni moins d'y passer les mains que pour certaines personnes de qualité qui le desirent..

  A026002332 

 En fin, c'est le Maistre souverain que le Pere eternel a envoyé au monde, pour nous enseigner ce que nous devons faire: et partant, outre l'obligation que nous avons de nous former sur ce divin Modele pour ce sujet, nous devons grandement estre excités a considerer ses œuvres pour les imiter, parce que c'est une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous avons a faire et que nous faysons, que de [357] les faire parce que Nostre Seigneur les a faites, c'est a dire prattiquer les vertus parce que Nostre Seigneur les a prattiquees et comme il les a prattiquees.

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002336 

 La Superieure doit sans doute de tems en tems visiter les cellules des Seurs pour empescher qu'elles n'ayent rien en propre; mais pourtant il faut faire cela si discrettement, que les Seurs ne puissent point avoir de juste rayson de penser que la Superieure ayt quelque desfiance de leur fidelité, soit en cela, soit en autre chose.

  A026002338 

 Et quant a ce qui est de la Communion, je voudrois que l'on suivist l'advis des confesseurs; quand vous aves envie de communier quelquefois extraordinairement, que vous prissies leurs advis.

  A026002346 

 Faites comme ces enfans qui veulent marcher; mais des aussi tost qu'ilz font quelque faux pas, ilz courent a leurs meres, ilz se jettent entre leurs bras et sur leur sein et s'y tiennent attachés..

  A026002347 

 Travailles a l'acquisition des vertus de bonne foy, sans vous embarrasser; laisses vous gouverner a Dieu, serves le selon son goust et non selon le vostre, regardes que c'est luy qui vous a placee ou vous estes.

  A026002348 

 Ne veuillons pas estre trop tost des anges; soyons de petitz poussins sous l'aisle de nostre mere, car nous ne sçaurions pas encores voler.

  A026002350 

 Parmi les pauvres du monde, celuy qui n'a que des haillons a faire paroistre et des playes a monstrer s'estime le plus advantagé, esperant que, par la descouverte de sa pauvreté, il recevra de plus grandes aumosnes.

  A026002354 

 Croyes moy, ma Fille, rien ne me fortifie plus l'estomac que de ne manger que d'une viande qui soit excellente; nourrisses vous donq de la viande des Anges.

  A026002365 

 Je sçay que c'est mon Dieu, qui m'ayme, qui m'a choysi cest employ et cette maniere de vie; je ne veux plus envier l'excellence des autres, mais je veux me perfectionner sans empressement et sans inquietude.

  A026002365 

 Que les autres soyent eslevés comme des Seraphins; [364] mon partage est de me tenir petite et humble aux pieds de mon Sauveur; hé bien, je veux m'y tenir contente.

  A026002366 

 Au contraire, le malin esprit nous suggere des desirs des vertus avec aspreté, inquietude, chagrin et empressement; si nous treuvons quelqu'obstacle, tout a l'heure nous sommes troublés, nous nous empressons.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002368 

 Ayes soin de mesnager les petites rencontres que Dieu vous presente, mettes en cela vostre vertu, et non pas a desirer de grans travaux; car souvent on se laisse abbattre par un mouscheron quand on combat des monstres par imagination..

  A026002369 

 Ne vous inquietes point dans la veuë des maux et des peynes qui vous peuvent arriver; car le Seigneur ne permettra pas qu'ilz vous arrivent, ou il vous donnera la force de les porter, s'il vous les envoye.

  A026002378 

 Ainsy, ceux qui ont le vray amour divin sont contens des choses necessaires; et encor en sont ilz destachés non seulement d'affection, mais aussi en la façon d'en parler, n'usant point du mot de mien, mais nostre.

  A026002379 

 Il se faut mesme retrancher quelquefois des choses mesme necessaires; mays sur tout accepter avec amour tous les manquemens des choses necessaires qui nous arriveront, de quelque part qu'ilz viennent, recevant aussi de bon cœur les choses pauvres qui nous arriveront, en quoy que ce soit..

  A026002381 

 Il est bon de regarder nostre bassesse en comparayson de la sainteté des Saintz, qui se tenoyent pour rien..

  A026002391 

 Saint Bernard dit: « Que le Prelat ne commande a sa poste, ains selon la Regie;... qu'il n'accroisse les vœux sans la volonté du sujet, qu'il ne les diminue aussi que par necessité; » mais « que le sujet sçache que l'obeissance est imparfaite qui se renferme dans les bornes des vœux, car la parfaite s'estend a toutes choses auxquelles la charité se treuve.

  A026002392 

 L'on appelle jugement propre celuy qui se separe du sens de l'Eglise, des Prelatz et Superieurs; celuy qui se despart du sens de l'Eglise, des Prelatz, des Superieurs est en erreur..

  A026002410 

 Consideres secondement, qu'encor qu'il ne nous aye point obligé a plus grand service qu'a celuy que nous luy rendons en gardant ses Commandemens, si est ce qu'il nous a invités et conseillés a faire une vie tres parfaite, et observer l'entier renoncement des vanités et convoytises du monde..

  A026002411 

 Consideres troysiesmement, que, soit que nous embrassions les conseilz de Nostre Seigneur nous rangeant a une vie plus estroitte, soit que nous demeurions en la vie commune et en l'observance seule des Commandemens, nous aurons en tout de la difficulté: car si nous nous retirons du monde, nous aurons de la peyne de tenir perpetuellement bridés et sujetz nos appetitz, renoncer a nous mesmes, resigner nostre propre volonté et vivre en une tres absolue [371] sujettion sous les loix de l'obeissance, chasteté et pauvreté; si nous demeurons au chemin commun, nous aurons une peyne perpetuelle a combattre le monde qui nous environnera, a resister aux frequentes occasions de pecher qui nous arrivent, et a tenir nostre barque sauve parmi tant de tempestes..

  A026002412 

 Hors du monde, le seul contentement d'avoir tout quitté pour Dieu vaut mieux que mille mondes; la douceur d'estre conduit par l'obeyssance, d'estre conservé par les loix, et d'estre comme a couvert des plus grandes embusches, sont de grandes suavités: layssant a part la paix et tranquillité qu'on y treuve, le playsir d'estre occupé nuit et jour a l'orayson et choses divines, et mille telles delices.

  A026002418 

 Helas! quand auray je cette vertu, le mespris de moy mesme et des vanités?.

  A026002418 

 O Dieu, quel mespris et rejet le monde fait des gens celestes et saintz, et comme ces deux saintes ames embrassent volontier cette abjection! Ilz ne s'eslevent point, ilz ne font point de remonstrances de leur qualité, mais tout simplement reçoivent ces refus et aspretés avec une douceur nompareille.

  A026002419 

 Ou sont les superbes edifices que l'ambition du monde esleve pour l'habitation des vilz et detestables pecheurs? Ah! quel mespris des grandeurs du monde nous a enseigné ce divin Sauveur! Que bienheureux sont ceux qui sçavent aymer la sainte simplicité et moderation! Miserable que je suis, il me faut des palais, encor n'est ce pas asses; et voyla mon Sauveur sous un toit tout percé, et sur du foin, pauvrement et piteusement logé..

  A026002420 

 Helas! que tout est pauvre, que tout est vil et abject en cet accouchement, et que nous sommes doüilletz et sujetz a nos commodités, amoureux des sensualités! Il faut grandement exciter en nous le mespris du monde et le desir de souffrir pour Nostre Seigneur les abjections, mesayses, pauvretés et manquemens.

  A026002425 

 En apres, vous prieres Dieu, par les merites de la vie, mort et passion de nostre Sauveur, par l'intercession de la glorieuse Vierge et de vostre Ange tutelaire, d'accepter vos foibles prieres pour ceux ou celles des vivans et trespassés pour lesquelz vous aures prins resolution de prier..

  A026002427 

 Et a cette intention, au premier grain des trois petitz, vous salueres Nostre Dame comme la Fille la plus chere du Pere eternel; au second, vous la salueres comme Mere tres chere du Filz de Dieu, nostre Sauveur; et au troysiesme, vous la salueres comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026002588 

 Ayant d'abord fléchi les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ en toute humilité, que Votre Excellence lève au Ciel les yeux de son âme et s'imagine voir ce grand Père des lumières, Dieu, assis sur le trône de sa gloire, entouré de millions d'Anges et de Séraphins; puis, avec une grande foi, respect et amour, faites cette prière que Jésus-Christ nous a enseignée, et adressez-lui ces sept demandes qui y sont contenues.

  A026002588 

 Faites cela avec des amoureux et ardents colloques avec le même Père, car toute cette prière n'est autre chose qu'un très doux entretien de l'âme avec Dieu.

  A026002601 

 Que Votre Excellence considère que ce grand Père a voulu communiquer à tous cette très excellente dignité; c'est pourquoi il ne dit pas qu'il est Père des riches et des seigneurs, mais nôtre, c'est-à-dire de tous, même des pauvres: comme le soleil, qui darde ses rayons, sa lumière et sa splendeur sur la plus petite plante, sur la plus petite fleur qui se trouve sur une grande montagne, et sur la montagne même.

  A026002632 

 Notre pain supersubstantiel, qui est son saint Fils dans le Saint Sacrement, afin que nous ayons le souvenir et l'intelligence de l'amour qu'il nous a porté et des choses qu'il a faites et souffertes pour nous, qui sont infinies..

  A026002653 

 O Père éternel, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des lumières, Père saint, Père très doux et aimant, Père Créateur de l'univers: quand méritai-je de vous appeler Père, moi terre, poussière et cendre, le dernier de tous vos serviteurs? Et quel bien avez-vous découvert en moi ou en quelqu'autre enfant d'Adam, pour que vous ayez voulu être notre Père? « Qui êtes-vous, Seigneur, et qui suis-je? » Vous êtes le Dieu d'infinie majesté, Roi [386] des rois, Seigneur des seigneurs, Saint des Saints, gloire des Anges et allégresse de tous les Bienheureux.

  A026002656 

 Les besoins ne me manquent pas: je suis blessé par beaucoup de péchés, il me faut des remèdes; vous, Père, vous êtes le médecin qui [388] guérit toute langueur et soigne toute infirmité.

  A026002657 

 En outre, ô Père, je suis nu et dépouillé des vêtements des vertus.

  A026002657 

 Revêtez-moi des riches vêtements des vertus infuses; donnez-moi la parfaite foi, la ferme espérance, l'ardente charité..

  A026002658 

 Et si je ne m'amende pas, appesantissez, [389] ô Père, votre sainte main et frappez-moi plus fort avec des tribulations, des maladies, des afflictions et des angoisses.

  A026002660 

 Et moi, que dirai-je? Père, vous m'avez fait entendre des paroles de joie et d'allégresse; oh! quelle est ma joie, quelle mon allégresse lorsque cette douce parole, Père, résonne à mes oreilles! Mon âme humiliée, mes os anéantis à cause de la multitude de mes péchés, se récréent et prennent une nouvelle vigueur entendant cette parole: Père.

  A026002660 

 Vous ferez entendre à mon cœur des paroles de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront, disait le saint Prophète; et cependant, ce nom de Père, ne lui était pas encore [390] révélé.

  A026002661 

 Chaque jour, ô Père, vous préparez la table et faites le festin pour le monde entier, et je participe toujours à ce festin; chaque jour vous faites [391] que le soleil nous éclaire, nous vos enfants, et le soir vous cachez cette belle lampe et il semble en certaine façon que vous éteigniez cette belle lumière afin que nous, vos enfants, puissions reposer et prendre le sommeil; vous occupez, Seigneur, le ciel et la terre à mon service, et vous m'avez même confié aux soins des Anges: tout cela afin que j'obtienne l'héritage réservé à vos enfants, qui est le Royaume des Cieux.

  A026002662 

 Et maintenant, me souvenant des fautes passées, je cours vers vous, Père, et je dis: Père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, je ne suis pas digne d'être appelé votre fils; traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. Ou bien, Père, parce que je connais votre miséricorde et l'amour que vous me portez, venez à ma rencontre, ouvrez les bras de votre miséricorde, embrassez cet enfant prodigue, donnez-moi la robe d'innocence, l'anneau de la foi vive, les souliers des exemples de vos Saints que je dois imiter.

  A026002675 

 Vous êtes, Père, dans les Anges et dans les Saintz, et vous les enflammez du feu d'un ardent amour, afin qu'ils vous aiment parfaitement, car vous êtes ce feu [396] qui consume toute imperfection: Vous rendez vos Anges aussi prompts que les vents et des flammes de feu vos serviteurs. Vous êtes, Père, dans vos Anges et dans vos Saints, les comblant de béatitude afin qu'ils soient éternellement heureux, car vous êtes la béatitude, la gloire, le repos de cette glorieuse assemblée.

  A026002676 

 Je vous demande aussi, ô Père, que vous daigniez embraser mon cœur du feu du Saint-Esprit, comme vous embrasez les Anges au Ciel, et de même que vous embrasâtes sur la terre les cœurs des Apôtres le saint jour de la Pentecôte.

  A026002677 

 Donc, notre Père qui êtes aux Cieux, donnez-moi l'amour des choses célestes, afin qu'aimant celles-là je méprise les choses de la terre et que tout mon amour soit en vous, notre Père du Ciel..

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002684 

 Donc, ô Père, que votre Nom soit sanctifié; daignez faire de moi un saint, afin que je ne cesse de bénir votre souveraine Majesté et que le monde, voyant que je suis occupé à vous louer et à vous bénir, vous glorifie, ô notre Père, et sanctifie votre Nom qui est béni dans les siècles des siècles.

  A026002684 

 Père saint, toutes vos créatures m'excitent à louer votre saint Nom, à vous bénir incessamment: les Anges avec leur douce musique, vous chantent sans cesse de suaves matines, vous louent, vous bénissent et ne cessent de s'écrier: Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des armées, et ils m'invitent à leur tenir compagnie.

  A026002689 

 Je vous demande, ensuite, ô Père, le royaume des Bienheureux, ce royaume de tous les siècles, si ardemment désiré par un fils, celui où reposeront nos âmes et où elles jouiront.

  A026002690 

 Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos bienfaits sur Sion et que les murs de Jérusalem soient bâtis. Voyez, ô Père, une [402] bonne partie des murs de votre Jérusalem sont tombés jusqu'au profond de l'enfer; recueillez-nous dans votre bonté, ô Père saint, et placez-nous dans cette glorieuse cité, afin que vous puissiez achever de bâtir ses saintes et bénites murailles..

  A026002693 

 Que votre règne arrive. Oh! jour heureux! Oh! heure bénie! Quand sera-ce, ô Père, que ce jour s'approchera et que viendra cette heure? Quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant votre face? Quand verrai-je, ô Père, les murs de votre royaume, travaillés avec des pierres précieuses? Quand frapperai-je à tes portes, ô céleste Jérusalem? Quand verrai-je tes riches palais? quand jouirai-je de tes beaux jardins revêtus de fleurs éternelles? quand m'abreuverai-je à tes sources de vie? O Père saint, quand verrai-je dans votre royaume ces innombrables légions d'Anges et de Saints pleins de gloire, ces chœurs de vierges qui, les palmes à la main, chantent et suivent votre Agneau? Quand donc mes oreilles entendront-elles la douce musique, l'harmonie des Anges et le concert des Saints qui tous chantent devant vous: Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu des armées? Que vos tabernacles sont aimables, ô Seigneur des armées! O Dieu des Anges, qu'ils sont beaux, qu'ils sont aimables vos tabernacles! Mon âme s'épuise en soupirant après les parvis du Seigneur; mieux vaut un jour dans vos parvis que mille [loin de vous].

  A026002694 

 Régnez, ô Père, en mon corps et en tous ses sens, afin qu'il s'emploie tout entier à votre saint service et que je sois un royaume où votre Majesté règne paisiblement dans les siècles des siècles..

  A026002699 

 Faites, ô Père, que de même qu'en cette terre des vivants, qui est le Ciel, tous les Anges et les Saints font votre divine volonté, ainsi sur cette terre des mourants, qui est ce monde, mon âme fasse votre sainte volonté.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002701 

 Je vous demande avec instance, ô Père, que votre volonté soit faite en moi et en tous, parce que je suis sûr que votre volonté est que nous soyons tous des saints.

  A026002702 

 La joie des Anges, le désir des Saints et la consolation des justes sont en cela: que votre volonté soit faite.

  A026002702 

 Que l'accomplissement de votre volonté soit le plaisir, le contentement, la joie de mon âme en tout lieu et en tout temps; car je sais, Père, qu'il est plus utile à mon âme de souffrir tous les tourments du monde, si telle est votre volonté, que de jouir de tous les divertissements et plaisirs des enfants d'Adam.

  A026002703 

 O Lumière éternelle, « qui éclairez toute lumière et consumez dans l'éternelle splendeur des milliers et des milliers d'étincelants flambeaux devant le trône de votre Divinité dès le point du jour! » O Lumière éternelle qui éclairez toute lumière et la conservez dans votre éternelle splendeur, des milliers et des milliers d'Anges sont devant votre Majesté comme autant de flambeaux allumés par le feu de votre charité et brûlent continuellement sans se brûler ni se consumer.

  A026002709 

 Pour le corps, qui est terre, je vous demande le pain de la terre; pour l'âme, qui est esprit, je vous demande le Pain céleste, le Pain des Anges.

  A026002717 

 Un abîme appelle un autre abîme; le fils de la misère invoque [le Père des miséricordes.] Que l'abîme absorbe un autre abîme; que l' abîme, mes misères infinies, soit absorbé par l' abîme.

  A026002717 

 Vous avez mis, Seigneur, des bornes à la mer, mais vous avez laissé sans bornes votre miséricorde, afin que toujours elle aille chercher les pécheurs chargés de dettes pour leur pardonner.

  A026002717 

 Vous n'êtes point changé; vous étiez autrefois le Dieu très miséricordieux, vous ne l'êtes pas moins maintenant; vous êtes le même Dieu que jadis, votre miséricorde n'est pas finie puisqu'elle est infinie; elle ne s'est point arrêtée puisqu'elle n'a point d'arrêts et que, plutôt, on fermerait le Ciel; elle n'a pas cessé, puisque de même que le feu opère toujours tant qu'il y a de la matière à consumer, ainsi votre miséricorde, tant qu'il y a des péchés à brûler et des dettes à remettre.

  A026002722 

 O Seigneur, que cette pauvre âme a besoin de votre grâce, de votre secours, de votre assistance pour ne pas succomber aux tentations! Une petite brebis [415] au milieu des loups se perd si le berger ne la sauve; ainsi, Père, cette âme au milieu de tant de loups qui l'assaillent dans un monde où elle est sollicitée par mille occasions de péchés, avec la chair qui continuellement la combat, que fera-t-elle sans votre secours?.

  A026002723 

 Faites, Seigneur, que, comme l'or dans la fournaise devient plus beau, ainsi mon âme jetée dans la fournaise des tribulations, devienne plus pure, lumineuse et resplendissante.

  A026002723 

 Je ne demande pas que vous me délivriez des tentations, ô Père, mais je vous demande la grâce et la force pour résister et combattre énergiquement.

  A026002723 

 O Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, venez à mon aide; Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

  A026002723 

 Par amour pour vous, je veux bien avoir des tribulations et des angoisses en ce monde, pourvu que dans les tribulations mon âme ne défaille pas.

  A026002723 

 Que je sois plutôt comme vos Saints qui, en ce monde, jetés dans les flammes et le feu, restèrent forts et fermes, et ensuite, comme des pierres précieuses, en sortirent avec plus de splendeur et de lumière.

  A026002728 

 Que d'aveugles, que de sourds, que de muets, que de paralytiques sont au nombre des enfants d'Adam! et vous, Seigneur, m'avez préservé de tous ces maux, bien que je fusse comme eux enfant d'Adam, et pécheur plus qu'eux tous; cependant, cela me servirait de peu de chose ou même de rien, si vous ne me délivriez du mal du péché.

  A026002729 

 Vous m'avez délivré, 6 Père, des ténèbres et de l'aveuglement où se trouvent les Turcs, les Maures, les Juifs, les Gentils et payens, me faisant naître dans le sein de la sainte Eglise; délivrez-moi, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement du péché, afin que je jouisse du sang et des mérites de votre Fils béni, Jésus-Christ mon Seigneur, et que je sois compté parmi vos enfants, qui sont les fils de la lumière dans votre Royaume..

  A026002731 

 Je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles.

  A026002745 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu vivant, qui aves voulu estre conforté lhors que vous priies au Jardin des Olives, faites que par la vertu de vostre orayson, vostre saint Ange m'assiste tous-jours en mes prieres..

  A026002748 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves sué du sang par tous vos membres et dans l'exces de vostre douleur, lhors qu'estant reduit a l'agonie vous priies le Pere eternel au Jardin, faites que par le souvenir de vostre Passion, je puisse participer a vos douleurs divines, et qu'au lieu de sang je verse des larmes pour mes pechés..

  A026002754 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves bien voulu estre garrotté par les mains des meschans, rompes les chaisnes de mes pechés, et retenes moy tellement par les liens de la charité et de vos commandemens, que les puissances de mon ame et de mon cors ne s'eschappent point a commettre aucune chose qui soit contraire a vostre sainte volonté..

  A026002760 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves permis d'estre trois fois renié en la maison de Caïphe par le prince des Apostres, preserves moy des mauvaises compagnies, affin que le peché ne me separe jamais de vous.

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002766 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre mené devant Pilate et accusé fausement en sa presence, apprenes moy le moyen d'eviter les tromperies des meschans et de professer vostre foy par la prattique des bonnes œuvres.

  A026002769 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant en la presence d'Herode aves souffert les fauses accusations sans repliquer un seul mot, donnes moy la force d'endurer courageusement les injures des calomniateurs, et de ne pas publier aux indignes les sacrés mysteres.

  A026002775 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre despouillé de vos habitz et cruellement fouetté pour mon salut, faites moy la grace de me descharger des pechés par une bonne confession, affin de ne pas paroistre devant vos yeux despouillé des vertus chrestiennes.

  A026002784 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui estant declaré innocent par la sentence du president Pilate, aves souffert les impostures et les reproches des Juifz, donnes moy la grace de vivre dans l'innocence et de ne me point inquieter de mes ennemis.

  A026002787 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre bafoué pour moy en presence des Juifz, portant les marques de leurs risees, faites que je ne ressente point le chatouillement de la vaine gloire, et que je comparoisse au jugement sous l'enseigne de ces marques mystiques..

  A026002790 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu, quoy qu'innocent, estre condamné pour moy au supplice de la croix, donnes moy la force de soustenir la sentence d'une mort cruelle pour vostre amour, et de ne redouter pas les faux jugemens des hommes et de ne juger personne injustement.

  A026002802 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre eslevé en croix, et exalté de la terre pour moy, retires moy des affections terrestres, esleves mon esprit a la consideration des choses celestes.

  A026002811 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves promis la gloire du Paradis au larron qui se repentoit de ses pechés, regardes moy des yeux de vostre misericorde, affin qu'a l'heure de ma mort vous disies a mon ame: Aujourd'huy tu seras avec moy en Paradis.

  A026002820 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui, apres avoir terrassé les puissances [425] du diable, estes descendu aux enfers, et aves delivré les peres qui y estoyent detenus, faites, je vous prie, descendre en Purgatoire la vertu de vostre sang et de vostre Passion sur les ames des fidelles trespassés, affin qu'estant absoutes de leurs pechés, elles soyent receues dans vostre sein et jouissent de la paix eternelle.

  A026002823 

 Mon Seigneur Jesus Christ, plusieurs ont deploré leurs pechés par la consideration de vos souffrances: faites moy la grace, par les merites de vostre Passion douloureuse et de vostre Mort, de concevoir une parfaite contrition de mes offenses, et que des-ormais je cesse de vous offenser.

  A026002829 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu mourir, estre embaumé, enveloppé d'un linge net par Joseph et Nicodeme, donnes moy la grace de recevoir dignement vostre saint corps au Sacrement de l'autel et dans mon ame embaumee des precieux unguens de vos vertus.

  A026002870 

 Toutes les éditions des Œuvres de saint François de Sales, à commencer par celle in-folio de 1637, p. 1033, donnent une pièce intitulée: Maniere devote pour celebrer avec fruict le tres-sainct Sacrifice de la Messe. On nous permettra de l'écarter de notre Edition, comme n'ayant aucune preuve d'authenticité; on n'y retrouve ni les pensées du Saint, ni son style, mais un amas de considérations qui suffoquent l'esprit, au lieu de le recueillir; plusieurs mots y sont employés qui ne se rencontrent pas dans ses écrits..

  A026002871 

 De nombreux déposants au Procès de Béatification du Serviteur de Dieu parlent de différents documents de moindre étendue: tels, la Briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, l'Advertissement aux Confesseurs, etc.

  A026002872 

 Robert Berthelot, évêque de Damas, ne se rapporte qu'au second traité; il nous paraît très sec, contrairement à son habitude, quand il s'agit des ouvrages de saint François de Sales.





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