Mot «Dieu» [16245 fréquence]


01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000056 

 Article III. Quelz sont les Livres sacrés de la Parole de Dieu.

  A001000069 

 Que nous avons besoin de quelqu'autre Regle, outre la Parole de Dieu.

  A001000132 

 Ayant continué quelque piece de tems la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans avoyr esté ouÿ des vostres que rarement, par pieces et a la desrobbëe, pour ne laysser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre en escrit quelques principales raysons, que j'ay choysi pour la plus part des sermons et traittés que j'ay faict cy devant a vive voix pour la defence de la foy de l'Eglise.

  A001000132 

 » Qui a faict escrir'au glorieux Apostre saint Pol: Comme croiront celuy qu'ilz n'ont point ouÿ? et comm'ouyront ilz sans predicateur? La foy est par l'ouÿr, et l'ouÿr par la parole de Dieu.

  A001000133 

 On verra par la que si je desavoüe mill'impietés qu'on impos'aux Catholiques, ce n'est pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont dict, mais pour suyvre la sainte intention de l'Eglise: puysque je le metz en escrit a la veüe de chacun, et sous la censure des superieurs, asseuré que je suys quilz y trouveront beaucoup d'ignorance, mays non point, Dieu aydant, d'irreligion et contrarieté aux declarations de l'Eglise Romaine.

  A001000135 

 Et puys bien dire, que je ne recueilleray jamais commandement avec plus de courage que je fis celuyla que Monseigneur le Reverendissime nostr'Evesque me fit, quand il m'ordonna, suyvant le saint desir de son Altesse dont il me mit en main la lettre, de venir icy pour vous apporter la sainte Parolle de Dieu: aussy ne pensois je de vous pouvoir jamais faire plus grand service.

  A001000136 

 La main de Dieu n'est point parcluse ni partiale, et faict volontiers paroistre sa puyssance es sujetz chetifz et grossiers.

  A001000136 

 Si vous aves ouÿ avec tant de promptitude l'une des parties, prennes encores la patience d'ouÿr l'autre; puys prenes, je vous en somme de la part de Dieu, prenes tems et loysir de rassoir vostre entendement, et pries Dieu qu'il vous assiste de son Saint Esprit en un jugement de si grande importance, affin qu'il vous addresse a salut.

  A001000143 

 Ayant deja continué quelques moys la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans me voir escouté des vostres que fort rarement, et par pieces, a la desrobbëe, affin de ne laisser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre par escrit une partie des remonstrances et traittés que j'ay faict a vive voix en chaire, pour la defence de la creance ancienne de l'Eglise contre les accusations qu'on vous a si souvent representëes cy devant contre icelle.

  A001000143 

 » Outre ce que, Comme croyra-lon celuy qu'on n'a point ouy? et comm'ouyra-on sans prædicateur? La foy s'acquiert par l'ouÿe de la parole de Dieu.

  A001000144 

 Dequoy j'ay encores besoin par ce que quelques uns des vostres, quand ilz voyent que je ne parle pas en chaire comm'on introduysoit les Catholiques, disans mille blasphemes contre Dieu, forcés d'advoüer la verité que je preche, pour se flatter disent que je ne parle pas a la papiste.

  A001000144 

 On connoistra que si je desavoüe mill'impietés quon impose aux Catholiques, je ne le fays pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont pensé, mays pour suivre la sainte intention de l'Eglise: puysque le mettant par escrit je le propose a chacun, et m'en sousmetz a la censure des superieurs, laquelle y trouvera sans doute beaucoup d'ignorance, mays, Dieu aydant, point d'irréligion ou contrarieté aux declarations de l'Eglise Cathol., Ap. et Rom. [3].

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000165 

 Je vay donq commencer, au nom de Dieu, lequel je supplie tres humblement qu'il face couler tout doucement sa sainte Parole, comme une fraiche rosëe, dans [14] vos cœurs.

  A001000170 

 .. En fin, qui prend le scandale donné, c'est adire, qui a occasion de se scandalizer et le faict, ne peut avoir autr'excuse que celle d'Eve sur le serpent, celle d'Adam sur Eve, que nostre Dieu trouva n'estre pas de mise.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000172 

 Essayes un peu, sil vous plait, ce changement; que sil n'allege point vostre mal, encor pourres vous passer ailleurs, en d'autres plus subtilz et apetissans, [13] car il y en a, Dieu mercy, en ce pais, de toutes sortes.

  A001000172 

 Le Filz de Dieu estoit venu pour paix et benediction, et non pas pour malheur aux hommes; sinon que quelque enragé osast rejetter sur Nostre Seig r sa sainte parole: V æ homini illi per quem scandalum veniet, et le voulut condamner par sa loy propre a estre jette en mer la pierr'au col.

  A001000172 

 O mon Dieu, mon Sauveur, espures mon esprit, faites couler doucement ceste vostre Parole dans le cœur des lecteurs, comm'une sainte rosëe, pour raffrechir l'ardeur de leurs passions, silz en ont, et ilz verront combien est veritable en vous, et en l'Eglise vostre Sponse, ce que vous en aves dict..

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000179 

 .. Nous sçavons, dict S. Pol, que toutes choses servent a bien a ceux qui ayment Dieu.

  A001000180 

 Mays c'est chose qui pass'au pardela de tout'admiration, de voir qu'es choses bonnes, proufitables, saintes, divines, en Dieu mesme, la malice des hommes y trouve dequoy s'entretenir, se nourrir et braver.

  A001000242 

 Ilz portoyent parole, a ce quilz disoyent, de la part de Dieu, contre l'Eglise; ilz se vantoyent de porter le libelle de divorce de la part du Filz de Dieu a l'Eglise son Espouse ancienne, pour se marier a ceste jeune assemblee refaitte et reformëe.

  A001000244 

 Mays je vous vois venir en trois esquadrons: car, les uns d'entre vous diront quilz ont eu vocation et mission du peuple et magistrat seculier et temporel; les autres de l'Eglise; comment cela? parce, disent ilz, que [24] Luther, Œcolampade, Bucer, Zuingle et autres estoyent prestres de l'Eglise comme les autres; les autres, enfin, qui sont les plus habiles, disent quilz ont estés envoyés de [Dieu] mais extraordinayrement.

  A001000250 

 Car, de faict, qu'est ce se dire prædicateur de la parole de Dieu et pasteur des ames, que se dire ambassadeur et legat de N. S.? selon le dire de l'Apostre, Nous sommes donques ambassadeurs pour Christ.

  A001000251 

 Car si N. S. les avoyt envoyés, ou c'eust esté mediatement ou immediatement: nous appelions mission faicte mediatement, quand nous sommes envoyés de qui en a le pouvoir de Dieu, selon l'ordre quil a mis en son Eglise, et telle fut la mission de S t Denis en France par Clement, et de Timothëe par S t Pol.

  A001000251 

 L'immediate mission se faict lhors que Dieu commande luymesme, et baille charge sans l'entremise de l'ordinayre authorité quil a mis es prælatz et pasteurs de l'Eglise, comme fut envoyé S t Pierre, et les Apostres, qui receurent de la [23] propre bouche de N. S. ce commandement: Alles par tout le monde, et præches l'Evangile a toute creature, et celle de Moyse vers Pharao et le peuple d'Israel.

  A001000256 

 Et de faict, les seculiers n'ont point de mission, et comme donq la donneront ilz? comme communiqueront ilz l'authorité quilz n'ont pas? Et partant S t Pol dict, parlant.de l'ordre de prestrise et pastoral: Nul ne s'attribue cest honneur sinon qui est appellé de Dieu, connu'Aaron.

  A001000273 

 Ces raysons sont si vives, que les plus asseurés des vostres ont pris party ailleurs qu'en la mission ordinayre, et ont dict quilz estoyent envoyés extraordinairement de Dieu, par ce que la mission ordinaire avoit esté gastëe et abolie, quand et quand la vraÿe Eglise,.. sous la tirannie de l'Antichrist.

  A001000274 

 Moyse fut envoÿé [29] immediatement de Dieu pour gouverner le peuple d'Israel; il voulut sçavoir le nom de l'envoyoit, et quand il eut appris ce nom admirable de Dieu, il demanda des marques et patentes de sa commission: ce que nostre Dieu trouva si bon, quil luy donna la grace de trois sortes de prodiges et merveilles, qui furent comme troys attestations, en trois divers langages, de la charge quil luy donnoit, affin que qui n'entendroit l'une entendit l'autre.

  A001000274 

 Vrayement Moyse monstre bien la necessité de ceste preuve a qui veut parler extraordinairement; car, ayant a demander le don d'eloquence a Dieu, il ne le demande qu'apres avoir le pouvoir des miracles, monstrant quil est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler que d'en avoir la promptitude.

  A001000275 

 Dieu n'est point autheur de division, mais d'union et concorde, principalement entre ses disciples et ministres ecclesiastiques, comme Nostre Seigneur monstre clairement en la sainte priere quil fit a son Pere es derniers jours de sa vie mortelle.

  A001000275 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000287 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A001000289 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A001000289 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A001000289 

 Non, non, qu'ilz..... Samuel fut appellé troys fois de Dieu, et selon son humilité il pensoyt que ce fut une vocation d'homme, jusques a tant qu'enseigné par Heli il conneust que c'estoit la voix divine.

  A001000289 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aÿe apellé en ces troys façons la.

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000290 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A001000302 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors.

  A001000306 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000309 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraye administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A001000318 

 La sainte Parole porte que le royaume de Dieu ne vient pas avec observation: le royaume de Dieu c'est l'Eglise; donq l'Eglise n'est pas visible.

  A001000318 

 Responce: Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c'est Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voules, la compaignie de Nostre Seigneur pendant quil fut au monde, dont il s'ensuit: Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous; et ce royaume icy ne comparut pas avec l'apparat et le fast d'une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyent; et puys, comm'on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne se peut voir..

  A001000319 

 Quand a ce que saint Pol a dict aux Hebrieux, que nous ne sommes pas venus vers une montaigne maniable, comme celle de Sina, mays vers une Hierusalem cæleste, il ne faict pas a propos pour faire invisible l'Eglise; car saint Pol monstre en cest endroit que l'Eglise est plus magnifique et enrichie que la Sinagogue, et qu'elle n'est pas une montaigne naturelle comme celle de Sina, mays mistique, dont il ne s'ensuit aucune invisibilité: outre ce qu'on peut dire avec rayson quil parle vrayement de la Hierusalem cæleste, c'est a dire de l'Eglise triomphante, dont il y adjouste, la frequence des Anges, comme sil vouloit dire qu'en la vielle Loy Dieu fut veu en la montaigne en une façon espouvantable, et que la nouvelle nous conduit a le voir en sa gloire la haut en Paradis..

  A001000320 

 Or, autre chose vit saint Thomas et autre chose il creut; il vit le cors, il creut l'esprit et la divinité, car sa veùe ne luy avoit pas appris de dire, Mon Seigneur et mon Dieu, mays la foy.

  A001000326 

 Que si on demande quell'est l'eglise visible, ilz respondent, que c'est l'assemblëe des personnes qui font profession de mesme foy et Sacremens, qui contient les bons et mauvais, et n'est eglise que de nom; et l'eglise invisible est celle qui contient les esleuz seulement, qui, n'estans en la connoissance des hommes, sont seulement reconneuz et veuz de Dieu..

  A001000328 

 N'estoit ce pas la vraye Eglise celle que saint Pol apelloit, Colomne et fermeté de la verité, et mayson du Dieu vivant? sans doute, car estre colomne de verité ne peut appartenir a un'eglise errante et vagabonde.

  A001000328 

 Or l'Apostre atteste de ceste vraye Eglise, mayson de Dieu, qu'il y a en icelle des vaisseaux d'honneur, et de contumelie, c'est a dire des bons et des mauvais..

  A001000329 

 Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés..

  A001000332 

 Saint Pol escrit a l'Eglise de Dieu qui estoit a Corinthe, c. I. I ad Cor., v. 2, et neantmoins il veut qu'on en chasse un certain incestueux, c. 5.

  A001000333 

 Saint Pol atteste aux prestres Ephesiens que le Saint Esprit les avoit faictz evesques pour regir l'Eglise de Dieu, mays il asseur'aussy que quelques uns d'entr'eux s'esleveroyent disans des meschancetés, pour desbaucher et s'attirer des disciples: il parle a tous quand il dict que le Saint Esprit les a faict evesques, et parle de ceux la mesme quand il dict que d'entr'eux s'esleveroyent des schismatiques..

  A001000339 

 Toutes ces qualités donques sont justement attribuees a l'Eglise, a cause de tant de saintes ames qui y sont qui observent tres etroittement les saintz commandemens de Dieu, et sont parfaictes de la perfection qu'on peut avoir en ce pelerinage, non de celle que nous esperons en la bienheureuse Patrie..

  A001000343 

 C'est bien autre chose estre a Dieu selon l'eternelle præscience, pour l'Eglise triomphante, et d'estre a Dieu selon la præsente Communion des saintz, pour l'Eglise militante.

  A001000343 

 Les premiers sont seulement conneuz a Dieu, les derniers sont conneuz a Dieu et aux hommes.

  A001000345 

 En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure: « Celuy n'a Dieu pour pere qui n'a l'Eglise pour mere », chose certayne; de mesme, qui n'a Dieu pour pere n'aura point l'Eglise pour mere, tres certain: or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mere, et par consequent les reprouvés ne sont en l'Eglise.

  A001000345 

 On reçoit le premier fondement de ceste rayson, mays le second, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu, a besoin d'estre espluché.

  A001000345 

 Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere par ce quilz ne seront point heritiers, selon la parole de l'Apostre, S'il est filz il est hæritier, nous nierons la consequence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays encores les serviteurs, avec ceste difference, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non, mays seront chassés quand bon semblera au Maistre.

  A001000345 

 Tous les fideles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fideles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de regeneration ou nativité spirituelle que Nostre Seigneur luy a baillé; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fideles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Verité, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere: de façon qu'on niera tout court ceste seconde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu; car estans en l'Eglise ilz peuvent estr'appellés enfans de Dieu par la creation, redemption, regeneration, [59] doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie, J'ay nourry et eslevé des enfans et ilz m'ont mesprisé.

  A001000354 

 La bonté de Dieu a donné des dons aux hommes, montant au ciel, des apostres, prophetes, evangelistes, pasteurs, docteurs, pour la consommation des saintz, en l'œuvre du ministere, pour l'edification du cors de Jesus Christ.

  A001000354 

 La consommation des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous apeller ædificateur, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevëe, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné? C'est une des qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol, ses dons et ses graces sont sans pænitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster.

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000367 

 Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple? Responce: Aaron n'estoit encores pas sauverain Prestre ni chef du peuple, ains le fut par apres; et n'est pas vray que tout le peuple idolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas gens de Dieu? et se joignirent ilz pas a Moyse?.

  A001000370 

 Hieremie defend qu'on ne se confie point au mensonge, disant, le Temple de Dieu, le Temple de Dieu.

  A001000379 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy.

  A001000380 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant; le puyssant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour hæritage, et pour ta possession les bornes de la terre.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000387 

 O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obeissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rebellion et revolte, ont crié par toutes les advenues d'Allemaigne et de France: il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclesiastiques, n'ont point de pouvoir de determiner ce quil faut tenir en la foy et ce que non; il faut chercher autres juges que les prælatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et regles..

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000390 

 Il parle de l'Eglise visible, car ou adresserait il son Timothëe pour converser? il l'apelle mayson de Dieu; ell'est donq bien fondëe, bien ordonnee, bien couverte contre tous orages et tempestes d'erreur: ell'est colomne et fermeté de la verité; la verité donques est en icelle, ell'y loge, ell'y demeure, qui la cherch'ailleurs la pert.

  A001000400 

 Simon Magus disoit que Dieu estoit cause de peché, dict Lyrinensis; mays Calvin et Beze n'en disent rien moins, le premier au traitté De l'eternelle prædestination, le second en la Responce a Sebastien Castalio.

  A001000405 

 Jovinien, au tesmoignage de saint Augustin (l. De hæresibus, ad quodvult Deus, c. 82.), vouloit qu'on mangeast en tout tems et contre toute prohibition toutes sortes de viandes, disoit que les jeusnes n'estoyent point meritoires devant Dieu, que les sauvés estoyent esgaux en gloire, que la virginité n'estoit rien plus que le mariage, et que tous les pechés estoyent egaux: chez vos maistres on enseigne le mesme..

  A001000415 

 Personne ne peut estre heritier en partie, et en partie non; acceptes l'heritage resolument: les charges ne sont pas si grandes qu'un peu d'humilité n'en face la rayson, dir'adieu a ses passions et opinions, et passer conte du different que vous aves [avec] l'Eglise; les honneurs sont infinis, d'estr' heritiers de Dieu, cohæritiers de Jesuchrist, en l'heureuse compaignie de tous les Bienheureux.

  A001000425 

 Mays ce Maistre et Pere de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Pere, ayant laissé plusieurs serviteurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent; ainsy dict Nostre Seigneur: Quis putas est servus fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un pere de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille; mays escoutes Nostre Seigneur, S t Mat.

  A001000425 

 Ores, l'Eglise estant une mayson et famille, le maistre d'icelle il ne faut pas douter quil ni en a qu'un seul, Jesuchrist, ainsy est elle appellëe mayson de Dieu.

  A001000451 

 Les Anglois tiennent leur Reyne pour chef de leur eglise, contre la pure Parole de Dieu: si ne sont ilz pas si desesperés, que je sçache, qu'ilz veuillent qu'elle soit chef de l'Eglise Catholique, mais seulement de ces miserables pays.

  A001000458 

 Dieu est en son saint lieu, il rend sa maison peuplee de personnes de mesme sorte et intelligence; donques la vraye Eglise de Dieu doit estre unie, liee, jointe et serree ensemble en une mesme doctrine et creance.

  A001000458 

 Il ne se peut donques faire que la vraye Eglise soit en dissention ou division de creance et doctrine, car Dieu n'en seroit plus autheur ni espoux, et, comme royaume divisé en soy mesme, elle periroit.

  A001000458 

 Jesus Christ, est il divisé? Non, pour vray, car il est Dieu de paix non de dissention, comme saint Pol enseignoit par toutes les eglises.

  A001000458 

 Tout aussi tost que Dieu prend un peuple a soy, comme il a faict l'Eglise, il luy donne l'unité de cœur et de chemin.

  A001000464 

 C'est « le commencement de l'unité de prestrise, » c'est « le lien d'unité, » ce dict saint Cyprien; « Nous n'ignorons pas, » [dit] il encores, « qu'il y a un Dieu, qu'un Christ et Seigneur, lequel nous avons confessé, un Saint Esprit, un Evesque en l'Eglise Catholique.

  A001000465 

 Au contraire, Messieurs, vos premiers maistres n'eurent pas plus tost esté sus pied, ilz n'eurent pas plus tost pensé de se bastir une tour de doctrine et de science qui allast toucher a descouvert dans le ciel, et leur acquist la grande et magnifique reputation de reformateurs, que Dieu, voulant empescher cest ambitieux dessein, permit entre eux une telle diversité de langage et de creance, qu'ilz commencerent a se cantonner qui ça qui la, si que toute leur besoigne ne fut qu'une miserable Babel et confusion.

  A001000466 

 Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques; les Anglois ont des Evesques qui commandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appellé Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal.

  A001000467 

 En l'article de la toute puissance de Dieu, comment est ce que vous y estes divisés? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela.

  A001000467 

 Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interpretation de la Parole de Dieu a aucune superieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble: c'est ce que dit le Sage, que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye heresie.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Nous sonnons tous au ton de la trompette d'un seul Gedeon, et avons tous un mesme esprit de foy au Seigneur et a son lieutenant, l'espee des decisions de Dieu et de l'Eglise, selon la parole des Apostres, Visum est Spiritui Sancto et nobis.

  A001000468 

 » Ceste seule Marque vous doit faire quitter vostre pretendue eglise, car, qui n'est avec Dieu est contre Dieu; Dieu n'est point en vostre eglise, car il n'habite point qu'en lieu de paix, et en vostre eglise il n'y a ni paix ni concorde..

  A001000474 

 Mais, outre tout cela, il y a des signes avec lesquelz Dieu faict connoistre son Eglise, qui sont comme parfums et odeurs, comme dict l'Espoux es Cantiques: L'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens; ainsy pouvons nous, a la piste de ses odeurs et parfums, quester et trouver la vraye Eglise, et le giste du filz de la licorne..

  A001000474 

 Nostre Seigneur s'est donné pour elle, affin de la sanctifier; c'est un peuple saint, dict saint Pierre; l'Espoux est saint, et l'Espouse sainte; elle est sainte estant dediee a Dieu, ainsy que les aisnés en l'ancienne Sinagogue furent appellés saintz, pour ce seul respect.

  A001000480 

 Mays, parce que les sectes et heresies desguisent leurs vestemens en mesme façon sous une fause estoffe, outre cela elle a des parfums et odeurs qui luy sont propres, et ce sont certains signes et lustres de sa sainteté, qui luy sont tellement propres qu'aucune autre assemblee ne s'en peut vanter, particulierement en nostre aage: car, premierement, elle reluit en miracles, qui sont tres souëfves odeurs et parfums, signes expres de la presence de Dieu immortel; ainsy les appelle saint Augustin..

  A001000482 

 Dieu mit en main de Moyse ces instrumens affin qu'il fust creu, dont Nostre Seigneur dict que s'il n'eust faict des miracles les Juifz n'eussent pas esté obligés de le croire.

  A001000482 

 Mais voyons un peu pourquoy le pouvoir des miracles fut laissé en l'Eglise: ce fut sans doute pour confirmer la predication evangelique; car saint Marc le tesmoigne, et saint Pol, qui dict que Dieu donnoit tesmoignage a la foy qu'il annonçoit, par miracles.

  A001000482 

 Or sus, l'Eglise doit elle pas tousjours combattre l'infidelité? et pourquoy donques luy voudries vous oster ce bon baston que Dieu luy a mis en main? Je sçay bien qu'elle n'en a pas tant de necessité qu'au commencement; apres que la sainte plante de la foy a prins bonne racine on ne la doit pas si souvent arrouser; mais aussi, vouloir lever en tout l'effect, la necessité et cause demeurant en bonne partie, c'est tres mal philosopher..

  A001000483 

 Que si Dieu rendoit si admirable et le Propitiatoire, et son Sinaï, et son buisson ardent, parce qu'il y vouloit parler avec les hommes, pourquoy n'a il rendu miraculeuse son Eglise, en laquelle il veut a jamais demeurer?.

  A001000491 

 Le devot Gaspard Berzee, es Indes, guerissoit les malades priant seulement Dieu pour eux a la Messe, et si soudainement qu'autre que la main de Dieu ne l'eust peu faire.

  A001000493 

 Entre autres, il produit la guerison que [102] les Roys de France catholiques ont faict, de nostre aage mesme, de l'incurable maladie des escrouelles, ne disant autre que ces paroles: « Dieu te guerit, le Roy te touche », n'y employant autre disposition que de se confesser et communier ce jour la..

  A001000495 

 Satan peut faire telz miracles, ains en a faict sans doute; mais Dieu laissera un prompt remede a son Eglise, car a ces miracles la les serviteurs de Dieu, Helie, Enoch, comme tesmoignent [103] l'Apocalipse et les interpretes, opposeront des autres miracles de bien autre estoffe, car, non seulement ilz se serviront du feu pour chastier miraculeusement leurs ennemis, mais auront pouvoir de fermer le ciel a fin qu'il ne pleuve point, de changer et convertir les eaux en sang, et de frapper la terre du chastiment que bon leur semblera; trois jours et demy apres leur mort ilz ressusciteront et monteront au ciel, la terre tremblera a leur montee.

  A001000497 

 Ainsy « Quelques merveilles se sont faictes », dict saint Augustin, « chez les payens »: non pas pour preuve du paganisme, mays de l'innocence, de la virginité et fidelité, laquelle, ou qu'elle soit, est aymee et prisee de Dieu son autheur.

  A001000508 

 Donques, la prophetie doit tousjours estre en l'Eglise, ou sont les serviteurs et servantes de Dieu, et ou il respand tousjours son Saint Esprit..

  A001000516 

 Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, desquelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise; et partant leur prophetie n'authorisoit pas l'eglise; en laquelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit: quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des commandemens naturelz en recommandation, par la grace divine; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius, avec ces autres soldatz craignans Dieu, en la nouvelle.

  A001000522 

 Un jeune homme riche protestoit d'avoir observé les commandemens de Dieu des sa tendre jeunesse; Nostre Seigneur, qui voit tout, le regardant l'ayma, signe qu'il estoit tel qu'il avoit dict, et neanmoins il luy donne cest advis: Si tu veux estre parfaict, va, vens tout ce que tu as, et tu auras un tresor au ciel, et me suis.

  A001000523 

 Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de servir Dieu sans empeschemens.

  A001000523 

 Puys, parlant de la vefve: Qu'elle se marie a qui elle voudra, pourveu que ce soit en Nostre Seigneur, mais elle sera plus heureuse si elle demeure ainsy, selon mon conseil; or pense je que j'ay l'esprit de Dieu.

  A001000523 

 Quant aux vierges, je n'en ay point de commandement, mais j'en donne conseil, comme ayant receu misericorde de Dieu d'estre fidele.

  A001000523 

 Voicy la rayson: Qui est sans femme, il est soigneux des choses du Seigneur, comme il plaira a Dieu, mais qui est avec sa femme, il a soin des choses du monde, comme il agreera a sa femme, et est divisé; et la femme non mariee et la vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre saintes de cors et d'esprit, mais celle qui est mariee pense aux choses mondaines, comme elle [112] plaira a son mary.

  A001000524 

 Les peres, certes, ne peuvent pas si fort estreindre les mains de leur posterité si elle n'y consent volontairement; les Rechabites toutefois sont loüés et benis de Dieu, en approbation de ceste volontaire obeissance avec laquelle ilz avoient renoncé a eux mesmes d'une extraordinaire et plus parfaicte renonciation..

  A001000524 

 Que reste il donques, sinon qu'en ces paroles et actions nous reconnoissions une douce invitation a une sousmission et obeissance volontaire, vers ceux auxquels d'ailleurs nous n'avons point d'obligation? ne nous appuyans point tant peu soit il sur nostre propre volonté et jugement, selon l'advis du Sage, mais nous rendans sujetz et esclaves a Dieu et aux hommes, pour l'amour de Dieu.

  A001000525 

 Et qui le peut prendre? celuy qui a le don de Dieu, et personne n'a le don de Dieu que celuy qui le demande: mays, comme invoqueront celuy auquel ilz ne croyent point? comme croiront sans prèscheur? et comme prescheront ilz s'ilz ne sont envoyés? or il n'y a point [114] de mission hors l'Eglise, donques, Qui potest capere capiat ne s'addresse immediatement qu'a l'Eglise et pour ceux qui sont en l'Eglise, puysque hors de l'Eglise il ne peut estre en usage.

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000526 

 Saint Philippe avoit quatre filles vierges, qu'Eusebe tesmoigne avoir tousjours demeuré telles; saint Pol garda la virginité ou le célibat, aussi firent saint Jan et saint Jaques; et quand saint Pol reprend comme damnables certaines jeunes vefves quæ postquam lascivierint in Christum nubere volunt, habentes damnationem quia primam fidem irritam fecerunt, le Concile 4 de Carthage (auquel se trouva saint Augustin), saint Epiphane, saint Hierosme, avec tout le reste de l'antiquité, l'interpretent des vefves qui, s'estans voüees a Dieu de garder chasteté, rompoyent leur vœu, se lians au mariage contre la foy qu'au paravant elles avoyent donnee au celeste Espoux.

  A001000527 

 Saint Denis, en son Ecclesiastique Hierarchie, raconte que les Apostres ses maistres appelloient les religieux de son tems therapeutes, c'est a dire, serviteurs ou adorateurs, pour le special service et culte qu'ilz faisoyent a Dieu, ou moynes, a cause de l'union a Dieu en laquelle ilz s'avançoyent.

  A001000528 

 Ces grans Peres ont esté suivis de saint Gregoire, Damascene, Bruno, Romuald, Bernard, Dominique, François, Louis, Anthoyne, Vincent, Thomas, Bonaventure, qui tous, ayans renoncé et dict un eternel adieu au monde et a ses pompes, se sont presentés en un holocauste parfaict a Dieu vivant..

  A001000528 

 Potitianus, gentilhomme africain, revenant de la cour de l'Empereur, raconta a saint Augustin qu'en Egypte il y avoit un grand nombre de monasteres et religieux, qui representoyent une grande douceur et simplicité en leurs mœurs, et comme il y avoit un monastere a Milan, hors ville, garni d'un bon nombre de religieux, vivans en grande union et fraternité, desquels saint Ambroise, Evesque du lieu, estoit comme abbé; il leur raconta aussi, qu'aupres de la ville de Treves il y avoit un monastere de bons religieux, ou deux courtisans de l'Empereur s'estoyent rendus moynes, et que deux jeunes damoiselles, qui estoyent fiancees a ces deux courtisans, ayans ouÿ la resolution de leurs espoux, voüerent pareillement a Dieu leur virginité, et se retirerent du monde pour vivre en religion, pauvreté et chasteté: c'est saint Augustin qui faict ce recit.

  A001000528 

 Saint Paulin Evesque de Nole, tesmoin saint Ambroise, issu d'illustre famille en Guyenne, donna tout son bien aux pauvres, et, comme deschargé d'un pesant fardeau, dit adieu a son pays et a son parentage, pour servir plus attentivement son Dieu; de l'exemple duquel se servit saint Martin, pour quitter tout et pour inciter les autres a mesme perfection.

  A001000536 

 Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres seculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la maree pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumiere evangelique? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misere et martyre, sans autres pretentions que de l'honneur de Dieu et du salut des ames, ont couru parmi les cannibales, Canariens, negres, Bresiliens, Moluchiens, Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, affin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis celeste.

  A001000569 

 Dieu a donné des dons aux hommes, des apostres, prophetes, evangelistes, pasteurs, docteurs, pour la consommation des saintz, en l'œuvre du ministere, pour l'edification du cors de Christ.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000569 

 Sa divine providence conserve perpetuellement la generation du moindre oysillon du monde, comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'incredulité? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara?.

  A001000570 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondee en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) ser a comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles; Daniel l'appelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin; Isaïe dict de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peche il verra une longue race; et ailleurs: Je feray une alliance perpetuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront..

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000573 

 Si ceste Espouse fust morte apres qu'elle eut receu la vie du costé de son Espoux endormi sur la Croix, si elle fust morte, dis je, qui l'eust resuscitee? La resurrection d'un mort n'est pas moindre miracle que la création: en la creation Dieu dict, et il fut faict, il inspira l'ame vivante, et si tost qu'il l'eut inspiree l'homme commença a respirer; mays Dieu voulant reformer l'homme il employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, et mourut sur l'œuvre.

  A001000586 

 Elle estoit, ce me dira peut estre quelqu'un, mais inconneüe: bonté de Dieu, qui ne dira le mesme? Adamites, Anabaptistes, chacun entrera en ce discours; j'ay ja monstré que l'Eglise militante n'est pas invisible, j'ay monstré qu'elle est universelle en tems, je vais monstrer qu'elle ne peut estre inconneüe..

  A001000591 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy. « C'est la cité, » dict saint Augustin, « assise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre couverte sous un tonneau, conneüe et celebre a tous, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joye de l'univers.

  A001000592 

 Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schismatique converti: « Je me resjouis avec toy, » ce dict il, « et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000592 

 Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour neant, le puissant est lié et saccagé, la parole du Pere est accomplie: Demande moy, et je te donneray les gens pour heritage, et les bornes de la terre pour ta possession.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000640 

 Si l'advis que saint Jan donne, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'esgale asseurance, demandent creance parmi la Chrestienté en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples s'escarter, [141] qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000641 

 O combien estoit il necessaire de ne s'abbandonner pas a ces espritz, et premier que de les suivre, esprouver s'ilz estoyent de Dieu ou non.

  A001000642 

 J'ay beau sçavoir que la Parole de Dieu est infallible, que pour tout cela je ne croiray pas que Jesus est le Christ Filz de Dieu vivant, si je ne suys asseuré que ce soit une parole revelee par le Pere celeste, et quand je sçauray cecy, encor ne seray je pas hors d'affaire, si je ne sçai comm'il le faut entendre, ou d'une filiation adoptive, a l'Arrienne, ou d'une filiation naturelle, a la Catholique..

  A001000642 

 La foy Chrestienne est fondëe sur [143] la Parole de Dieu; c'est cela qui la met au sauverain degré d'asseurance, comm'ayant a garend cest'eternelle et infallible verité; la foy qui s'appuÿe ailleurs n'est pas Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraÿe Regle de bien croire, puysqu'estre Fondement et Regle en cest endroit n'est qu'une mesme chose.

  A001000642 

 Mays parce que ceste Regle ne regle point nostre croyance sinon quand ell'est appliquee, proposee et declairee, et que cecy se peut bien et mal faire, il ne suffit pas de sçavoir que la Parole de Dieu est la vraye et infallible Regle de bien croire, si je ne sçai quelle parole est de Dieu, ou ell'est, qui la doit proposer, appliquer et declairer.

  A001000643 

 Il faut donques, outre ceste premiere et fondamentale Regle de la Parole de Dieu, un'autre seconde Regle par laquelle la premiere nous soit bien et deuement proposee, appliquee et declairee; et affin que nous ne soyons sujetz a l'esbranslement et a l'incertitude, il faut [144] que non seulement la premiere Regle, a sçavoir, la Parole de Dieu, mays encor la seconde, qui propose et applique ceste Parole, soit du tout infallible, autrement nous demeurons tousjours en bransle et en doute d'estre mal regles et appuyés en nostre foy et croyance; non ja par aucune defaute de la premiere Regle, mays par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle.

  A001000643 

 Mays cest'infallibilité, requise tant en la Regle qu'en son application, ne peut avoir sa source que de Dieu mesme, vive et premiere fontaine de toute verité.

  A001000644 

 C'est donq Dieu seul qui regle nostre croyance Chrestienne, mais avec deux instrumens, en diverse façon: i. par sa Parole, comm'avec une regle formelle; 2.

  A001000644 

 Disons ainsy: Dieu est le peintre, nostre foy la peinture, les couleurs sont la Parole de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise.

  A001000644 

 Or, comme Dieu revela sa Parole et parla pieça par la bouche des Peres et Prophetes, et finalement en son Filz, puys par les Apostres et Evangelistes, desquelz les langues ne furent que comme plumes de secretaires escrivans tres promptement, employant en ceste sorte les hommes pour parler aux hommes, ainsy, pour proposer, appliquer et declairer ceste sienne Parole, il emploÿe son Espouse visible comme son truchement et l'interprete de ses intentions.

  A001000644 

 Voyla donques deux Regle ordinaires et infallibles de nostre croyance: la Parole de Dieu qui est la Regle fondamentale et formelle, l'Eglise de Dieu qui est la Regle d'application et d'explication.

  A001000645 

 La Parolle de Dieu, Regle formelle de nostre foy, ou ell'est en l'Escriture ou en la Tradition: je traitte premierement de l'Escriture, puys de la Tradition.

  A001000647 

 Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Regles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Regle extraordinaire, trescertaine et de grand'importance; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine..

  A001000649 

 Au reste, qui voudroit reduire toutes ces regles en une seule, diroit que l'unique et vraye Regle de bien croire c'est la Parolle de Dieu, preschëe par l'Eglise de Dieu..

  A001000650 

 C'est icy ou je vous apelle au nom de Dieu tout puyssant, et vous somme de sa part de juger justement.

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000659 

 Si l'advis que S t Jan donn'aux Chrestiens, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est encores maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'egale asseurance, demandent creance parmi le Christianisme en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples [141] s'escarter, qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000660 

 O combien donques estoit il necessaire de ne s'abandonner pas a ces espritz, et premier que de les suyvre, esprouver silz estoyent de [142] Dieu ou non.

  A001000661 

 .. La foy Chrestienne est fondee sur la Parole de Dieu tout puyssant, sauveraine et supreme verité; c'est cela qui la met au premier rang et degré d'asseurance et certitude, en quoy il ni a rien icy bas qui luy soit comparable.

  A001000661 

 Or, ceste Parole a esté revelee.. La foy Chrestienne est fondëe sur la Parolle [143] que Dieu luymesme a revelee; c'est cela qui la met au supreme rang et degré d'asseurance et certitude, comm'ayant a tesmoin cest'eternelle et infallibl'authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir qu'elle peut estre deceüe et trompee; la foy qui n'a son fondement et appuy sur la Parole de Dieu n'est pas une foy Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraye Regle de bien croire aux Chrestiens, puisqu'estre Fondement et Regle n'est qu'une mesme chose en cest endroit.

  A001000673 

 Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receüe par les reformateurs que celle de la Tradition, je commence par cest endroit, pour faire un'entree plus aysee a mon discours..

  A001000683 

 Quand Dieu dict a Josué, Non recedat volumen legis bujus ab ore tuo, il monstre clairement quil vouloit quil l'eut tousjours en l'esprit, et que jamais il ny laissat entrer aucune persuasion contraire.

  A001000687 

 Certes, quand un notaire a expedié un contract ou autr'escriture, personne n'y peut remuer, oster, adjouster un seul mot sans estre tenu pour faulsaire: voicy l'Escriture des testamentz de [150] Dieu, expediee par les notaires a ce deputés; comme la peut on altérer tant soit peu sans impieté?.

  A001000688 

 Ilz mettoyent le point apres l'erat, au lieu de le mettr'apres le Mot; ce qu'ilz faysoyent de peur d'estre convaincuz par ce texte que le Verbe est Dieu: tant il faut peu pour alterer ceste sacree Parole..

  A001000696 

 Les Saintes Escritures ne sont ce pas le vray testament de Dieu æternel, bien scelé et signé en son sang, confirmé par la mort? que sil est ainsy, combien se faut il garder d'y remuer aucune chose? « Le testament, » dict ce grand Ulpien, « est une juste sentence de nostre volonté de ce que quelqu'un veut estre faict apres sa mort.

  A001000696 

 » Nostre S r, par ses Saintes Escritures, nous monstre ce quil nous faut croire, esperer, aimer et faire, et ce par une juste sentence de sa volonté: si nous y adjoustons, levons ou changeons, ce ne sera plus la juste sentence de la volonté de Dieu; car Nostre S r ayant adjusté l'Escriture a sa volonté, si nous y adjoustons du nostre nous ferons la sentence plus grande que la volonté du testateur, si nous en ostons nous la ferons plus courte, si nous y changeons nous la rendrons bossue, et ne pourra plus joindre a la volonté de l'autheur ni n'en sera plus la juste sentence.

  A001000697 

 Hoc erat in principio apud Deum; ce quilz faysoyent de peur d'accorder que le Verbe fut Dieu: tant il faut peu pour alterer ceste sacrée Parole..

  A001000705 

 Voyla comm'on assembla les deux rangs en un, et furent renduz d'esgale authorité en l'Eglise de Dieu; mays avec progres et succession, comm'une bell'aube levante qui peu a peu esclaire nostr'hemisphere.

  A001000715 

 Et ne faut pas douter que le S t Esprit n'assiste en ce jugement a l'Eglise, car vos ministres mesme confessent que Dieu luy a remis en garde les Saintes Escritures, et veulent dire que c'est a cest'intention que S t Pol l'apelle colomne et fermeté de verite; et comme les garderoit elle, si elle ne les sçait connoistre et tirer du meslange des autres livres?.

  A001000716 

 Mais combien est il important a l'Eglise qu'elle puysse sçavoir en tems et lieu quell'escriture est sainte et quelle non; car, si elle recevoit un'escriture non sainte pour ste elle nous conduiroit a la superstition, et si elle refusoit l'honneur et la creance qui est deüe a la Parole de Dieu a un'escriture sainte, ce seroit impieté.

  A001000725 

 Est ce cela qui vous fasche? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrompuz ou alterés, pour avoir besoin de restitution? Vous præsupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger.

  A001000726 

 » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques: monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne [162] n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaïque: il ni a en cela ni Escriture ni raison qui le monstre..

  A001000727 

 Mays, au nom de Dieu, quelle humeur vous prend-il d'alleguer icy l'Eglise, l'authorité delaquelle vous tenes cent fois plus incertaine que ces Livres mesme, et que vous dittes avoir esté fautifve, inconstante, voire apocriphe, si apocriphe veut dire caché; vous ne la prises que pour la mespriser et la faire paroistre inconstante, ores advouant ores desavouant ces Livres.

  A001000731 

 Certes, tous les Livres de la Saint'Escriture ont esté corrompuz par les anciens ennemis de l'Eglise, mais, par la providence de Dieu, ilz sont demeurés francz et netz en la main de l'Eglise comm'un sacré depost, et jamais on n'a peu gaster tant d'exemplaires quil n'en soit asses demeuré pour restaurer les autres..

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000748 

 Mais pour Dieu, voyes la ruse.

  A001000749 

 » O Dieu, quelle cachette, quel brouillait, quelle nuict; ne nous voyla pas bien esclaircis en un si important et grave different? On demande comme l'on peut connoistre les Livres canoniques, on voudroit bien avoir quelque regle pour les discerner, et l'on nous produit ce qui se passe en l'interieur de l'ame, que personne ne voit, personne ne connoit, sinon l'ame mesme et son Createur..

  A001000754 

 Certes, quand Dieu auroit revelé mille fois une chose a quelque particulier nous ne serions pas obligés de le croire, sinon que Dieu le marquast tellement que nous ne puissions plus revoquer en doute sa fidelité; mays nous ne voyons rien de tel en vos reformeurs.

  A001000754 

 En un mot, c'est a l'Eglise generale que le Saint Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions, puys, par la prædication de l'Eglise, il les communique aux particuliers; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent [170] de ses mammelles: mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mere soit nourrie a leurs tetins; chose absurde..

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000780 

 Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prosperité des mauvais; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences: lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis; et l'esprit de vengeance s'en affleublera: lises voir ces celestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques; qui ne sçaura les bien spiritualizer n'y prouffitera qu'en mal: et ce mot d'Osëe, Vade et fac tibi filios fornicationum, et ces actes des anciens Patriarches, ne donneroyent ilz pas licence aux idiotz?.

  A001000781 

 Ce tresexcellent theologien Robert Belarmin raconte, pour l'avoir appris de lieu tres asseuré, qu'une bonne femme, ayant ouy en Angleterre un ministre lire le chap. 25 de l'Ecclesiastique (quoy quilz ne le tiennent si non pour ancien, non pour canonique), parce quil est, la, discouru de la mauvaistie des femmes, elle se leva, disant: « Et quoy? c'est la parole de Dieu? mays du diable.

  A001000781 

 Pour y apprendre la doctrine? mays certes, la doctrine ne s'en peut tirer si quelqu'un n'a ouvert l'escorce de la lettre, dans laquelle est contenue l'intelligence; ce que je deduyray tantost en son lieu: la predication sert a ce point, non la recitation du service; en laquelle la Parole de Dieu est non seulement recitëe, mays exposëe par le pasteur.

  A001000788 

 » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas peché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'interieur, auquel gist la principale substance de l'orayson; mays je crois que qui prie en publiq doit faire demonstration exterieure de la reverence que les paroles propres quil profere demandent; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt [186] de la religion en l'interieur, voyant le mespris en l'exterieur..

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000796 

 Mays ou est ceste Parole de Dieu? en l'Escriture; et l'Escriture est ce quelque chose de secret? non pas, ce dit on, aux fideles: a quoy faire donq ces interpreteurs, ces prædicans? si vous estes fideles, vous y entendres autant qu'eux; renvoyes les aux infideles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson.

  A001000796 

 Sil est ainsy, que l'Escriture soit si aysëe a entendre, a quoy faire tant de commentaires des Anciens et tant de commenteries de vos ministres? a quel propos tant d'harmonies, et a quoy faire ces escoles de theologie? Il ne faut, ce vous dit on, que la doctrine de la pure Parolle de Dieu en l'Eglise.

  A001000799 

 Hic adscribenda sunt ea verba c. 35 Vincentii Lirinensis: Nam videas eos, etc. Cecy n'est ce pas [190] faire ce que dict Dieu en Ezechiel, 34, v. 18: Nonne satis vobis erat pascua bona depasci? insuper et reliquias pascuarum vestrarum conculcastis pedibus..

  A001000807 

 Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum: cela s'entend de ceux qui chantent et prient, en quel langage que ce soit, et parlent de Dieu par maniere d'acquit, sans reverence et devotion; non de ceux qui parlent un langage a eux inconneu mays conneu a l'Eglise, et neanmoins ont le cœur ravi en Dieu..

  A001000808 

 Es Actes des Apostres on louoit Dieu en toutes langues: aussy faut il, mays es offices universelz et catholiques il y faut une langue universelle et catholique; hors de la, que toute langue confesse que le Seigneur Jesus est a la dextre de Dieu le Pere..

  A001000809 

 Au Deuteronome est il pas dict que les commandemens de Dieu ne sont pas secretz ni celés? et le Psalmiste dict il pas: Præceptum Domini lucidum; Lucerna pedibus meis Mot tuum? Tout cela va bien, mays il s'entend estant prechëe et expliquëe et bien entendue, car, Quomodo credent sine prædicante? et tout ce que David grand prophete a dict, ne doit estre tiré en consequence sur un chacun..

  A001000810 

 Croyes qu'encores selon l'esprit il est veritable ce que disoit le Sage: Melior est pauper ambulans in simplicitate sua quam dives in pravis itineribus; et ailleurs: Simplicitas justorum diriget eos; et: Qui ambulat simpliciter ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ; et, Ne sis sapiens apud temetipsum: ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs, non tous, et un chacun pour soymesme.

  A001000810 

 Quoy? si personne ne trouve son salut que qui sçait lire les Escritures, que deviendront tant de pauvres idiotz? certes, ilz trouvent et cherchent leur salut asses suffisamment, quand ilz apprennent de la bouche du pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, esperer, aymer, faire et demander a Dieu.

  A001000813 

 Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec apprehension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste præface de l'ancienn'Eglise, Sursum corda..

  A001000813 

 Mays qui veut voir le conte que les Catholiques font de la Sainte Escriture et le respect quilz luy portent, quilz admirent le grand cardinal Borromëe, lequel n'estudioit jamais sur les Saintes Escritures sinon a genoux, luy semblant quil oyoyt parler Dieu en icelles, et que telle reverence estoit deüe a une si divine audience.

  A001000814 

 Ce grand amy de Dieu, saint François, a la glorieuse et tressainte memoyre duquel on celebroit hier par tout le monde feste, nous monstroit un bel exemple de [194] l'attention et reverence avec laquelle on doit prier Dieu.

  A001000826 

 Redempti estis de vana vestra conversatione paternæ traditionis? Tout cecy n'est point a propos; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt: ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000828 

 Je laysse a part les responces particulieres, car saint Jan ne parle que des miracles quil avoyt a escrire, quil tient suffire pour prouver la divinité du Filz de Dieu..

  A001000830 

 Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement.

  A001000853 

 » Il dict encores quilz sont « ceux qui n'ont desavoüé ni voudroyent desavoüer un seul Concile digne de ce nom, general ni particulier, ancien ni plus recent, » (notés) « pourveu, » dict il, « que la pierre de touche, qui est la Parole de Dieu, en face l'espreuve.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000855 

 Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et tres pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres; [205] il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail.

  A001000855 

 Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux; que voules vous que je face? tant de maistres l'ont maniëe cy devant, et tous ont faict mesme jugement que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblëes generales du mestier, quicomque y a voulu contredire: mon Dieu, qui nous mettra hors de doute? Il ne faut plus dire la pierre de touche, autrement on dira, In circuitu impii ambulant: il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la piece, puys, qu'il en face jugement, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester; autrement chacun en croira ce quil luy plaira.

  A001000856 

 Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque regle infallible pour conduire le navire? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'enseignera la charte? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de regle ni de lumiere estrangere, comme Beze pense que nous croyons; ce sont nos gloses, nos consequences, intelligences, interpretations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne [206] tousjours a nouvelles inventions: ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inferer en son Epistre; c'est entr'un homme tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien.

  A001000856 

 Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence.

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000859 

 Il faut donques qu'il y ait quelqu'infallible authorité, a la proposition de laquelle nous soyons obligés d'acquiescer: la Parole de Dieu ne peut errer, qui la propose ne peut errer, tout sera donques tres asseuré..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000859 

 La sainte Parole, donques, est la loy premiere de nostre foy; reste l'application de ceste Regle, laquelle pouvant recevoir autant de formes quil y a de cerveaux au monde, nonobstant toutes analogies de la foy, encores faut il avoir une, seconde Regle pour le reglement de cest'application: il faut la doctrine, et quelqu'un qui la propose; la doctrine est en la sainte Parole, mays qui la proposera? Voyci comm'on deduit un article de foy: la Parole de Dieu est infallible, la Parole de Dieu porte que le Baptesme est necessaire a salut, donques le Baptesme est necessaire a salut.

  A001000887 

 En un mot, l'Eglise de Dieu qu'a elle de plus grand, de plus asseuré et solide pour renverser l'hæresie que les arrestz des Conciles generaux? L'Escriture, dira de Beze.

  A001000894 

 Mays qu'ay je besoin de courir loin? de Beze dict, en l'Epistre au Roy de France, que vostre reformëe ne refusera l'authorité d'aucun Concile; voyla qui est bon, mays ce qui s'ensuit gaste tout: « pourveü, » dict il, « que la Parole de Dieu en face l'espreuve.

  A001000894 

 Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volee, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu; mays nous disons que quand un Concile general en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire: que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des particuliers, [220] autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions.

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000895 

 Bonté de Dieu; on sousmet a l'espreuve de Luther, Calvin et Beze la doctrine du Concile de Nicee, apres treze cens ans d'approbation, et on ne veut pas qu'on face l'espreuve de la doctrine calvinesque, toute nouvelle, toute douteuse, rappetassee et bigarrëe.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000922 

 Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequemment au Messie que celuy de pierre? Ce changement donques, et ceste imposition de nom, est tres considerable, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz: il communique son nom a saint Pierre, il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom.

  A001000935 

 Mays une grande preuve au contraire, ce semble aux adversaires, c'est que selon saint Pol, Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus; et selon le mesme, nous sommes domestiques de Dieu, superædificati supra fundamentum Apostolorum et Prophetarum, ipso summo angulari lapide, Christo Jesu; et en l'Apocalipse, la muraille de la sainte cité avoit douze fondemens, et en ces douze fondemens le nom des douze Apostres.

  A001001072 

 Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes quilz appelloyent anciennement formëes, apres la premiere lettre du Pere, Filz, et Saint Esprit, [270] on y mettoit la premiere lettre de Petrus, sinon qu'apres Dieu tout puyssant, qui est le Roy absolu, l'authorité du lieutenant est en grand pris vers ceux qui sont bons Chrestiens?.

  A001001101 

 Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes qu'on appelloit anciennement formees, apres les premieres lettres du Pere, Filz, et S t Esprit, on y mettoit la premiere [270] lettre de Petrus, sinon qu'apres Dieu tout puissant, les bons Chrestiens honnorent son Vicaire?.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Certes, ilz ne se sont jamais appellés de la façon sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens de Dieu, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus; bien s'appellent, autant vaut il, enfans du diable, ceux qui mentent si puamment comme font vos ministres.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001329 

 Pour vray, nous ne les appelions jamais filz de Dieu sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus.

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001340 

 Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la religion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aÿe prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les declarations des Escritures..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001345 

 La 1 re, le Pape ne pourroit estre venu a ce grade et a ceste monarchie sans le vouloir de Dieu; mays le vouloir de Dieu est tousjours venerable, donques il ne faut pas contredire a la primauté du Pape.

  A001001345 

 La 3 e, par ce quil ne faut pas resister a Dieu qui nous veut presser et charger de plusieurs princes, selon le dire de Salomon en ses Proverbes.

  A001001345 

 La 4 e, Il ny a point de puissance qui ne soit de Dieu; donques celle du Pape, qui est tant establie, est de Dieu.

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 [313] C'est ainsy que Dieu conduit son Eglise es pasturages de sa sainte Parole, et en l'exposition d'icelle; qui cherche la verité sous autre conduite, la pert.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001370 

 Affin que Moyse fust creu, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles; Nostre Seigneur, dict saint Marc, confirmoit ainsy la prædication Apostolique; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas peché de ne le croire pas, dict le mesme Seigneur; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit la foy par miracles: donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a creance; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi.

  A001001370 

 Et ne sert de rien de respondre que les miracles ne sont pas necessaires apres la foy semëe, car, outre ce que j'ay monstré le contraire cy devant, je ne dis pas maintenant quilz soyent necessaires, mays [318] seulement que la ou il plaict a la bonté de Dieu d'en fayre pour confirmation de quelqu'article, nous sommes obligés de le croire.

  A001001370 

 Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David au Dieu tout puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure verité..

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001372 

 Je disoys qu'entre les vrays miracles il y en a qui font une certaine science et rayson que le bras de Dieu y opere, les autres non, sans la consideration et secours des circonstances.

  A001001373 

 Il semble que les miracles ne soyent pas necessaires, mays ilz le sont a la verité; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des heresies, lesquelles bien qu'elles soyent suffisamment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Eglise, si est ce que chacun ne sçait pas priser ces « doüaires, » comme parle Optatus, a leur vraye [321] valeur, chacun n'entend pas et ne penetre pas ce langage: mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneüe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince, chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court..

  A001001379 

 Il ni a presqu'article de nostre Religion qui n'ait esté approuvé de Dieu par miracle.

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est, que Dieu a signé et scellé la creance en laquelle [323] nous sommes pour l'article de la succession du Pape en l'authorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe? qu'opposera on? En quel tems s'est faict ce miracle? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Lutheriens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'apres saint Gregoire.

  A001001387 

 Vincit quod pejus est. Eusebe faict foy des merveilles que Dieu a faict par ce saint signe au tems de Constantin le Grand..

  A001001395 

 Dites, pour Dieu, ce quilz racontent est il pas tres possible a Dieu? et sil est possible, comme oserons nous nier quil n'ait esté faict, puysque [328] tant de grans personnages en tesmoignent? On m'a dict plus d'une fois, est ce article de foy de croire ces contes? Ce n'est voirement pas article de foy, mays article de sagesse et discretion; car c'est une bestise trop notoire et une tres sotte arrogance de donner des dementies a ces anciens et graves personnages, sans autre fondement que parce que ce quilz disent n'est pas sortable a nos conceptions: sera il donq dict que nostre petite cervelle bornera la verité et mensonge, et fera loy a l'estre et au non estre? [329].

  A001001409 

 Dieu est autheur en nous de la rayson naturelle, et ne hait rien de ce quil a faict, si que, ayant marqué nostre entendement de ceste sienne lumiere, il ne faut pas penser que l'autre lumiere surnaturelle quil depart aux fidelles, combatte et soit contraire a la naturelle; elles sont filles d'un mesme Pere, l'une par l'entremise de nature, l'autre par l'entremise de moyens plus hautz et eslevés, elles donques peuvent et doivent demeurer ensemble comme seurs tres affectionnëes.

  A001001410 

 .. Item, Dieu, qui a donné a nos sens leurs propres sentimens et connoissances, pour seconder nature ne permet que jamais ilz soyent trompés quand ilz sont en une droitte application, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne bronche point.

  A001001410 

 .. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson.

  A001001411 

 Ainsy les yeux ni l'experience ne trompoyent pas ceux qui [331] voyoient et experimentoyent en Nostre Seigneur la forme et maniere humayne, car tout cela y estoit, mays quand ilz tiroient de la, consequence quil n'estoit pas Dieu, ilz se trompoyent.

  A001001420 

 Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?.

  A001001421 

 Item, quand Luther dict que les enfans au Baptesme ont l'usage de l'entendement et rayson, et quand le sinode de Wittemberg dict que les enfans au Baptesme ont des mouvemens et inclinations semblables aux mouvemens de la foy et charité, et ce sans entendre, n'est ce pas se mocquer de Dieu, de nature, et de l'experience?.

  A001001422 

 Et quand on dict que nous pechons « incités, poussés, necessités, par la volonté, ordonance, decret et predestination de Dieu, » n'est ce pas blasphemer contre toute rayson et contre la majesté de la supreme bonté? Ah, voyla la belle theologie de Zuingle, Calvin et Beze: At enim dices, dict Beze, dices, non potuerunt resistere Dei voluntati, id est, decreto: fateor; sed sicut non potuerunt, ita etiam noluerunt.

  A001001422 

 Verum non poterant aliter velle: fateor quoad eventum et energiam, sed voluntas tamen Adami coacta non fuit. Bonté de Dieu, je vous appelle a garant: vous m'aves poussé a mal faire, vous l'aves ainsy decreté, ordonné, voulu, je ne pouvois faire autrement, je ne pouvois vouloir autrement, qu'y a il de ma faute? O Dieu de mon cœur, chastiés mon vouloir sil peut ne vouloir pas le mal et quil le veüille, mays sil luy est impossible de ne le vouloir pas, et vous luy soÿes cause de ceste impossibilité, qu'y peut il avoir de sa faute? Si cecy n'est contre rayson, je confesse quil ny a point de rayson au monde..

  A001001423 

 « La loy de Dieu est impossible, » selon Calvin et les autres: que s'ensuit il de la, sinon que Nostre Seigneur soit tiran, qui commande chose impossible? si ell'est impossible, pourquoy la commande on?.

  A001001424 

 « A considerer exactement, les œuvres pour bonnes qu'elles soyent meritent plus l'enfer que le Paradis: » la justice donques de Dieu, qui donnera a chacun selon ses œuvres, donnera a chacun l'enfer? [334].

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001433 

 Si on demande comm'il se peut faire que le mesme cors de Nostre Seigneur soit en deux lieux, je diray que cela est aysé a Dieu, suyvant le dire de l'Ange, Non est impossibile apud Deum omne Mot, et le confirmeray par la rayson de la foy, Credo in Deum Patrem omnipotentem; mays si vous glosses, et l'Escriture et l'article de foy mesme, comme confirmeres vous vostre glosse? a ce conte la il ny aura point de premier principe sinon vostre cervelle.

  A001001438 

 Bon Dieu, en quelz laberinthes tumbent ceux qui s'escartent de la trace des Anciens..

  A001001438 

 Voicy une regle infallible de nostre foy: Dieu est tout puyssant; qui dict tout n'exclud rien, et vous voules regler ceste regle, et la limiter a ce qu'elle ne s'estende pas a la puyssance absolue, ou a la puyssance de placer un cors en deux lieux, ou le placer en un lieu sans quil y occupe l'espace exterieur.

  A001001443 

 Ah de grace, pendant que ce jourdhuy dure, pendant que Dieu vous præsente l'occasion, jettes vous en l'esquif d'une serieuse pœnitence, et venes vous rendre en l'heureuse navire, laquelle a plein voyle va surgir au port de gloire.

  A001001444 

 .. La doctrine Catholique se fonde immediatement sur la Parole de Dieu, ou escritte ou layssëe de main en main; vos opinions ne sont fondëes que dessus vos interpretations.

  A001001445 

 La doctrine Catholique rend plus glorieuse et magnifie la bonté et misericorde de Dieu; vos opinions la ravalent.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001446 

 Nostre doctrine rend plus admirable le pouvoir de Dieu, au Sacrement de l'Eucharistie, en la justification [343] et justice inhærente, es miracles, en la conservation infallible de l'Eglise, en la gloire des Saintz..

  A001001457 

 .. Ah mon Dieu, comme creutes vous si legerement? Il ny eut onques heresie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, particulierement es principales disputes.

  A001001457 

 .. Vous ne devies pas croire si legerement; si vous eussies bien advisé a vos affaires, vous eussies veu que ce n'estoit pas la Parole de Dieu quilz avançoyent, mais leurs propres conceptions voylëes des motz de l'Escritture, et eussies bien connu que jamais un si riche habit ne fut faict pour couvrir un si vilain cors comme est ceste heresie..

  A001001457 

 Mays, ce me dires vous, ilz protestoyent de ne rien dire qui ne fut expres en la pure, simple et naifve Parole de Dieu.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 « O Dieu, » dict le mesme Lirinensis, « que fera il a l'endroit des miserables hommes, puysqu'il ose attaquer avec l'Escriture le Seigneur mesme de majesté? Pensons de pres a la doctrine de ce passage; car, comm'alors le chef d'un parti parla au chef de l'autre, ainsy maintenant les membres parlent aux membres, a sçavoir, les membres du diable aux membres de Jesus Christ, les perfides aux fideles, les sacrileges aux religieux, en fin les hæretiques aux Catholiques.

  A001001475 

 Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la prædication [est] la vraye forme des Sacremens? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre Mot vitæ que la predication? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, est encores un Mot vitæ, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret; aussi sont bien les autres saintes prieres et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas prædications.

  A001001476 

 Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la predication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous? ce que Dieu a separé, pourquoy le conjoindrons nous? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escriture, qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution..

  A001001478 

 Justin le Martyr, descrivant l'office ancien que les Chrestiens faysoyent le Dimanche, entr'autres choses il dict qu'apres les prieres generales « on offroit pain, vin et eaüe, et alhors le prælat faysoit de tout son effort prieres et actions de graces a Dieu, le peuple benissoit, disant: Amen.

  A001001485 

 Comm'il suffit pour dire que je preche pour servir Dieu et pour le salut des ames, si lhors que je me veux præparer j'ay ceste intention, quoy que quand je suys en chaire je pense a ce que j'ay a dire et a m'en tenir en memoyre, et ne pense plus en ceste premiere intention: ou comme celuy qui a resolu de donner cent escus pour l'amour de Dieu, puys, sortant de sa mayson pour ce faire, pense a d'autres choses, et neanmoins distribue la somme; car encores quil n'aye pas la pensee dressëe actuellement en Dieu, si ne peut on pas dire quil n'aÿe son intention a Dieu en vertu de sa premiere deliberation, et quil ne face cest'œuvre de charité deliberement et a son escient.

  A001001485 

 Tout cecy se dict a credit, sans produire autre que certaines consequences sans Parole de Dieu, par forme de chicanerie.

  A001001488 

 Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu? Pour vray, l'action du Baptesme ne depend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et intention.

  A001001501 

 L'Eglise Catholique a esté accusee, en nostre aage, de superstition en la priere qu'elle faict pour les fideles trespassés, d'autant qu'en icelle elle suppose deux verités que l'on pretend n'estre point, a sçavoir, que les trespassés soient en peyne et indigence, et qu'on les puisse secourir: or les trespassés, ou ilz sont damnés ou sauvés; les damnés sont en peyne, mais irremediable, et les sauvés sont comblés de tout playsir; de façon qu'aux uns manque l'indigence, aux autres le moyen de recevoir secours, et par ce n'y a lieu de prier Dieu pour les trespassés..

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001528 

 20 de la Cité de Dieu, chap. 25.

  A001001531 

 chap.: Et sedebit conflans et emundans argentum; et purgabit filios Levi, et colabit eos quasi aurum et argentum, etc. Ce lieu est exposé d'une peyne purifiante par Origene, homil. 6 sur l'Exode, par saint Ambroise, sur le Psal. 36, par saint Augustin, livre 20 de la Cité de Dieu, chap. 25, et saint Hierosme, sur ce lieu.

  A001001550 

 Cest argument est si bien faict, que pour y respondre nos adversaires nient l'authorité du Livre des [373] Machabees, et le tiennent pour apocriphe: mays a la verité ce n'est qu'a faute d'autre response; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le Concile de Carthage 3, au canon 47, et par Innocent 1, en l'epistre ad Exuperium, et par saint Augustin, l. 18 de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les paroles: Libros Machabæorum non Judæi sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au l. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase, au decret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques, et plusieurs autres Peres qu'il seroit long a citer.

  A001001566 

 Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu, 5, quand il dict: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennæ [381] ignis; et neanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer; donques au jugement de Dieu, apres ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas eternelles ni infernales; ce sont les peynes de Purgatoire.

  A001001567 

 Ainsy est exposé ce passage par saint Ambroise, et par saint Augustin, [382] l. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27; mais la parabole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interpretation, car la similitude est prise d'un econome lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie l'estre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, apres la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire..

  A001001573 

 6, et Ezechias, en Isaïe 38, Quia non infernus confitebitur tibi; ou se doit encores rapporter ce que chante David ailleurs, Peccatori autem dixit Deus: quare tu enarras justifias meas et assumis testamentum meum per os tuum? car si Dieu ne veut recevoir louange du pecheur obstiné, comment est ce qu'il permettroit a ces miserables damnés d'entreprendre ce saint office? Saint Augustin faict grand [383] conte de ce lieu pour ce propos, l. 12 du Genese, au chap. 33.

  A001001573 

 Il y a un semblable passage en l'Apocalipse, 5: Quis dignus est aperire librum et solvere septem signacula ejus et nemo inventus est, neque in cælo, neque in terra, neque subtus terram; et plus bas au mesme chapitre: Et omnem creaturam, quæ in cælo est, et super terram, et sub terra, omnes audivi dicentes Sedenti in throno et Agno: Benedictio, et honor, et gloria, et potestas, in sæcula sæculorum; et quatuor animalia dicebant, Amen: ne constitue il pas icy une Eglise en laquelle Dieu soit loué sous terre? et que peut elle estre, si ce n'est celle du Purgatoire?.

  A001001601 

 Je certifie et assure avoir faict recongnoistre comme ces presans manuscritz, qui tretent de l'hautorité et Primauté de sainct Pierre et des Souverains Ponthifes ses suseseurs, sont escrit ou dicté et du stille du Venerable Serviteur de Dieu, Monseigneur François de Sales, ci devant Evesque de Genaive, don l'ong porsuit a presant la Canonization..

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001609 

 pour la Canonization du Venerable Serviteur de Dieu,.

  A001001714 

 Je reconnois que la plus grande partie dudit traité est escrit de la propre main dudit Serviteur de Dieu, et l'autre partie de la main du Sieur George Roland, ou de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Je reconnois que le 4 e cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent apres ledit 4 me caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Je reconnois que le 5 e cayer, qui contient 8 feuillets, c'est a dire, 16 pages, quoyqu'en la derniere page il n'y ait qu'onze lignes et demies, est tout escrit de la main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 6 e cayer, qui contient 26 feuillets, c'est a dire, 52 pages, n'est pas escrit de la main du Serviteur de Dieu, mais de celle du Sieur George Roland, qui l'a escrit soubs le Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 7 e cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu, à la reserve des trois dernieres pages, qui sont de [397] la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15 e page, a la marge, en la 9 e ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main: « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron.

  A001001714 

 Les deux premieres feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 11 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 12 feuilletz, sont de la propre main du Serviteur de Dieu: comm'aussy les huict premiers feuillets du 3 e caiet, c'est a dire, les 16 premieres pages dudit caiet; mais la 17 e, 18 e, 19 e et 20 e page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté; la 21 e, 22 e et 23 e, et 4 lignes et demies de la 24 e page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000060 

 Chapitre V. L'adoration se fait a Dieu et aux creatures.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000109 

 DE L'HONNEUR DE DIEU.

  A002000124 

 Benissons le Seigneur, rendons graces a Dieu.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000124 

 C'est donques la seule creature intelligente qui est chargee de rendre a Dieu et payer le devoir d'honneur qui luy est deu par toute creature.

  A002000124 

 Comme Dieu tout puissant est la premiere cause de toute perfection, aussi veut-il que toute la gloire luy en revienne; c'est le tribut qu'il demande pour tous ses bienfaitz.

  A002000124 

 Repetant presque tous les jours, apres saint Paul: Au Roy des siecles, immortel, invisible, au seul Dieu soit honneur et gloire..

  A002000125 

 L'ennemy de la Croix avec lequel j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux): «... nous croyons de cœur et confessons de bouche que Dieu seul doit estre servi et honoré... De faict, combien que nous puissions honorer les uns les autres civilement, suivant ce qui est commandé aux [7] inferieurs d'honorer leurs superieurs, si est-ce que quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en departir une portion à aucun homme, ou à la croix materielle, ou à creature qui soit.

  A002000125 

 Pour vray, ces verités sont si evidentes et asseurees qu'elles n'ont besoin que d'estre bien entendues; car faudroit-il refuser de faire honneur aux peres et meres, aux roys et magistratz, pour dire que toute gloire et honneur appartient a un seul Dieu? L'honneur de Dieu seroit deshonnoré par cest honneur, et ce respect offenseroit sa jalousie.

  A002000125 

 » Il partage donques l'honneur en civil et en conscientieux, et veut que du dernier s'entende seulement, qu' a Dieu seul soit honneur et gloire..

  A002000126 

 Il n'y a point de puissance, sinon de Dieu; le prince est serviteur de Dieu.

  A002000126 

 Ilz rendent tout honneur a Dieu, parce, disent-ilz, qu'il a tout creé et que tout est par sa volonté.

  A002000126 

 Mais je remarque au contraire: que c'est trop retrancher de l'honneur deu a Dieu, d'en lever le civil et politique; car si la rayson avancee par les Bienheureux est raysonnable, pour vray, non seulement tout honneur religieux, mays aussi tout honneur politique doit estre rendu a Dieu seul.

  A002000126 

 Or, je vous prie, Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique? Les roys regnent par luy... et par luy les princes maistrisent.

  A002000126 

 Quelle exemption donques peut avoir l'ordre politique et civil, par laquelle tout son honneur ne doive estre rendu a Dieu, puysqu'il en prend son origine?.

  A002000128 

 Amarias, disoit Josaphat, presidera es choses qui appartiennent a Dieu; Zabadias, filz d'Ismaël, qui est duc en la mayson de Juda, sera sur les œuvres qui appartiennent a l'office du Roy. Ce sont donques deux choses.

  A002000130 

 Il y a honneur souverain et subalterne: l'un et l'autre doit estre rendu a Dieu, mays en differente façon; car l'un luy doit estre porté, et l'autre rapporté.

  A002000131 

 1. L'hommage ou honneur souverain, absolu et premier, vise immediatement a Dieu, et luy doit estre porté a droit fil; il n'a point d'autre propre objet que Dieu, ni Dieu ne peut estre purement et simplement objet d'autre honneur que de celuy la, pour la proportion que l'honneur et son objet doivent avoir ensemble.

  A002000132 

 2. Autant inepte seroit celuy qui voudrait porter a Dieu un honneur subalterne, car il n'y a non plus de proportion entre cest honneur la et Dieu, qu'entre la creature et l'honneur souverain; et comme l'honneur souverain ne peut avoir pour objet qu'une excellence souveraine, aussi l'honneur subalterne ne peut avoir pour objet que l'excellence subalterne.

  A002000132 

 Dire donques qu'il faut honnorer Dieu d'autre honneur que du souverain, c'est dire que l'excellence divine est autre que souveraine, [11] puysque l'honneur n'est autre que la protestation de l'excellence de celuy qu'on honnore, comme nous dirons sur la fin de ceste defense.

  A002000132 

 Donques honnorer une creature d'un souverain honneur, c'est protester qu'elle a une souveraine excellence, qui est une bestise; honnorer Dieu d'un honneur subalterne, c'est protester que son excellence est subalterne, qui est une autre bestise.

  A002000132 

 Tant s'en faut, donques, que ce soit idolâtrie de donner aucun honneur religieux aux creatures, qu'au contraire il y a un honneur religieux qui ne se peut donner qu'aux creatures, et seroit blaspheme de le porter a Dieu: c'est l'honneur subalterne qu'on doit aux Saintz et aux personnes ecclesiastiques, duquel j'ay parlé ci devant..

  A002000133 

 Et en ceste sorte est-il vray qu' au seul Dieu immortel, invisible, soit honneur et gloire, laissant au reste a part ce qui se pourroit dire touchant ceste proposition apostolique, Au seul Dieu soit honneur et gloire, a sçavoir: si l'Apostre veut dire qu'honneur et gloire ne doit estre baillé qu'a Dieu seul, ou s'il veut plustost dire qu'honneur et gloire [12] ne doit estre baillé a aucun Dieu qui ayt des autres dieux pour compaignons, mais a ce Roy immortel, invisible, qui seul est Dieu..

  A002000134 

 De tout ce discours s'ensuit qu'on peut bien honnorer religieusement quelques creatures, et néanmoins donner tout honneur et gloire a un seul Dieu, qui est un fondement general pour tout mon advertissement.

  A002000141 

 Or je dis de plus, que non seulement on peut donner honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque creature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques creatures, et particulirement la Croix; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix: et c'est l'autre fondement de ma Defense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulieres, mais en voyci la source et l'origine..

  A002000142 

 Ainsy David tire en consequence l'honneur deu a l'Arche de l'alliance, de la sainteté de Dieu, duquel elle estoit le marchepied, comme quelques uns ont remarqué.

  A002000142 

 Partant, l'honneur deu a Dieu doit estre tel, que non seulement il en soit honnoré premierement et principalement, mais aussi consequemment toutes les appartenances d'iceluy.

  A002000142 

 Si l'on doit quelque honneur a Dieu, c'est sans doute le plus excellent.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000144 

 Or Dieu, quoy qu'extremement jaloux, non seulement permet, mais commande que nous aymions les creatures, avec ceste seule condition que ce soit pour l'amour de luy.

  A002000144 

 Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu, si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré.

  A002000144 

 Par contraire rayson, ce seroit offenser Dieu et sa [16] jalousie, qui priseroit, aymeroit ou honnoreroit autre chose que sa divine Majesté d'honneur egal et pareil a celuy qui luy est deu; comme le sujet et vassal offenseroit son souverain, de prester fidelité et hommage, de mesme sorte et façon que celle qu'il luy doit, a quelque autre seigneur ou prince..

  A002000144 

 Pauvres et morfondus theologiens aquilonaires, qui imaginent en Dieu la sotte et miserable jalousie qu'ilz ont a l'adventure eux mesmes de leurs femmes.

  A002000144 

 Pourquoy seroit-il jaloux de nous voir honnorer les mesmes creatures a mesme condition, puysqu'il n'est jaloux de son honneur que comme d'une dependance de son amour? Au contraire, comme la jalousie de Dieu requiert que nous l'aymions tant et si parfaitement que pour l'amour de luy nous aymions [15] encor les creatures, aussi veut-il que nous l'honnorions tant que pour son honneur nous honnorions encor les creatures.

  A002000145 

 Les payens et idolatres offensent la jalousie de Dieu en la seconde sorte; car ilz donnent pareil et semblable honneur aux creatures que celuy qui est deu a Dieu seul, puysque multiplians les divinités ilz multiplient encor la gloire qui est incommunicable.

  A002000145 

 Les schismatiques de nostre aage offensent la jalousie de Dieu en la premiere façon, luy baillans un honneur si sterile et chetif qu'il n'en produise aucun autre pour les choses qui appartiennent a sa divine grandeur.

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000145 

 Tous ces honneurs, reverences et respectz qu'elle porte aux creatures, pour excellentes qu'elles soyent, ne sont que subalternes, inferieurs, finis et dependans, qui tous se rapportent, comme a leur source et origine, a la gloire d'un seul Dieu, qui en est le souverain Seigneur et principe..

  A002000156 

 Certes Dieu est tout puissant, mais il n'est pas tout voulant.

  A002000156 

 Et est vray que Dieu a fait tout ce qu'il a voulu, et peut tout ce qu'il veut; mays c'est une bestise de dire qu'il veut tout ce qu'il peut, ou qu'il ne peut [21] que ce qu'il a declairé vouloir.

  A002000156 

 Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, suivant ce qui est dit au Pseaume: Dieu a fait tout ce qu'il a voulu.

  A002000156 

 » Pour Dieu, quel blaspheme, que Dieu ne puisse sinon ce qu'il a declairé vouloir; mays au contraire, Dieu n'a onques declairé qu'il voulust qu'un chameau entrast par le trou d'une aiguille, ou que les enfans d'Abraham fussent suscités des pierres, et toutefois il le peut faire, ainsy que l'Escriture temoigne.

  A002000157 

 C'est donq le mesme de dire que Jesus Christ a beu la couppe de l'ire de Dieu et a souffert des peynes infinies, et dire qu'il a eu crainte pour le salut de son ame: or la crainte presuppose probabilité en l'evenement du mal que l'on craint: si donques Nostre Seigneur eut crainte de son salut, il eut par consequent probabilité de sa damnation.

  A002000157 

 De mesme, avoir beu la couppe de l'ire de Dieu ne veut dire autre sinon d'avoir esté l'objet de l'ire de Dieu: si donques Nostre Seigneur a beu la couppe de l'ire de Dieu, il a esté l'objet de l'ire [22] de Dieu.

  A002000157 

 Item, souffrir des peynes infinies presuppose la privation de la grace de Dieu, principalement si on parle des peynes temporelles telles qu'il faut confesser avoir esté celles de Jesus Christ: si donques Jesus Christ a souffert des peynes infinies, quoy que temporelles, il aura esté privé de la grace de Dieu; qui sont parolles desquelles le blaspheme mesme auroit honte, et neanmoins c'est la theologie du traitteur.

  A002000157 

 Que Jesus Christ a « beu la coupe de l'ire de Dieu » et que « ses souffrances sont infinies.

  A002000157 

 » C'est le blaspheme de Calvin qui dit que Jesus Christ eut crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu; car a la verité aucune peyne ne peut estre infinie, ni aucun ne peut boire la couppe de l'ire de Dieu, pendant qu'il est asseuré de son salut et de la bienveuillance de Dieu.

  A002000158 

 3. Et ceste proposition n'est-elle pas blasphematoire: « Le nom de Dieu, de la Trinité, des Anges et Prophetes, le commencement de l'Evangile de sainct Jean... et le signe de la Croix... ne sont pas choses simplement recevables... »? Qu'est-ce donques qui sera recevable?.

  A002000163 

 Il fait dire au placquart que saint Athanase a escrit « que Dieu a fait predire le signe de la Croix par Ezechiel; » chose fausse..

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000171 

 Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur, l'honneur et reverence de la Croix (qu'il nomme faussement idolatrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent celebrees et ces placquars divulgués, car l'exercice Catholique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'heresie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par lequel Dieu contient le vaste et fluide element de l'eau dedans les bornes et limites qu'il luy a assignees, qui ne se peuvent outrepasser.

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia premierement le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et religieuse: Qui ne prend sa croix, disoit-il, et ne vient apres moy, n'est pas digne de moy.

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000200 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A002000202 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A002000202 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A002000202 

 Non, non, qu'ilz..... Samuel fut appellé troys fois de Dieu, et selon son humilité il pensoyt que ce fut une vocation d'homme, jusques a tant qu'enseigné par Heli il conneust que c'estoit la voix divine.

  A002000202 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aye apellé en ces troys façons la.

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000203 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A002000217 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A002000221 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000224 

 C'est le propre de l'Eglise de faire la vraÿe prædication [45] de la Parole de Dieu, la vraÿe administration des Sacremens; et tout cela est il pas visible? comme donques veut on que le sujet soit invisible?.

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A002000232 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] « et qu'és choses supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ni à figure.

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000232 

 Que ce traitteur donq cesse de dire que nous attribuons a la Croix la [49] vertu qui est propre a Dieu: car la vertu propre a Dieu luy est essentielle, la vertu de la Croix luy est assistante; Dieu est agissant en sa vertu propre, la Croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur et mouvant, la Croix n'est que son instrument et outil.

  A002000240 

 D'avantage, Dieu est par tout, mays la ou il comparoist avec quelque particulier effect il laisse tous-jours quelque sainteté, veneration et dignité.

  A002000240 

 Jacob ayant veu Dieu et les Anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honnorable? L'Ange qui apparut a Josué, es campaignes de Hiericho, luy commanda de tenir ce lieu-la pour saint, et d'y marcher a piedz nudz par reverence.

  A002000240 

 [51] Le mont de Sinaÿ, le temple de Salomon, l'Arche de l'alliance et cent autres lieux, esquelz la majesté de Dieu s'est monstree, sont tous-jours demeurés venerables en l'ancienne Loy: comme devons-nous donques philosopher du saint Bois sur lequel Dieu a comparu tout embrasé de charité, en holocauste pour nostre nature humaine? La presence d'un Ange sanctifie une campaigne, et pourquoy la presence de Jesus Christ, seul Ange du grand conseil, n'aura-elle sanctifié le saint bois de la Croix?.

  A002000241 

 Et de fait, Dieu avoit rendu tant honnorable ceste sainte Arche qu'il n'en falloit approcher que de bien loin, et Osa la touchant indignement en est incontinent chastié a mort.

  A002000241 

 Mais l'Arche de l'alliance sert d'un tres magnifique tesmoignage a la Croix: car si l'un des bois pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege et le throsne de ce mesme Dieu? Or, que l'Arche de l'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre: Adorés, dit le Psalmiste, l'escabeau des piedz d'iceluy, car il est saint.

  A002000241 

 On ne peut gauchir a ce coup, il porte droit dans l'œil du traitteur pour le luy crever, s'il ne void que, si cest ancien bois seulement enduit d'or, seulement marche-pied, seulement assisté de Dieu, est adorable, le pretieux bois de la Croix, teint au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un tems cloué avec iceluy, doit estre beaucoup plus venerable.

  A002000241 

 Or, que l'escabeau des piedz de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement; et qu'il le faille adorer, c'est a dire venerer, il s'ensuit expressement du dire de David, ou le vray mot d'adoration est expressement rapporté a l'escabeau des piedz de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue Hebraïque.

  A002000246 

 Et la Croix qui au paravant estoit une verge seche et infructueuse, des qu'elle fut dediee au Filz de Dieu et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira a jamais a la veuë de tous les rebelles.

  A002000253 

 Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte: « Nous ne nions pas que, pour authorizer la predication de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait des miracles au nom de Jesus Christ crucifié.

  A002000253 

 [58] « Il semble, » dit-il, « que Dieu a voulu prevenir « l'idolatrie, laquelle neantmoins Satan a introduite au monde; car, comme il n'a point voulu que le sepulchre de Moyse ait esté cogneu, aussi n'y a-il point de tesmoignage que Dieu ait voulu la Croix de son Fils venir en notice entre les hommes.

  A002000253 

 » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie.

  A002000255 

 Et quant a l'exemple que vous apportes du sepulchre de Moyse, je ne sçai comme il ne vous a ouvert les yeux; car laissant a part la deshonneste comparaison que vous faites entre les Juifz et les Chrestiens, quant au danger de tomber en idolatrie, ne devies-vous pas raysonner en ceste sorte: Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ait esté conneu, pour prevenir l'idolatrie, a toutefois voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ait esté conneu et reconneu en l'Eglise Chrestienne, comme tout le monde sçait et personne ne le nie.

  A002000256 

 Mays, ce dit le traitteur, « il n'y a point de tesmoignage que Dieu ait voulu que la Croix de son Fils vint a notice.

  A002000256 

 Saint Ambroise, saint Chrysostome, saint Cyrille, saint Hierosme, saint Paulin, saint Sulpice et Eusebe, Theodoret, Sozomene, Socrates, Nicephore, Ruffin, Justinien et plusieurs autres tres anciens autheurs, sont des tesmoins irreprochables que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice et fust trouvee.

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000263 

 Si donques image et idole n'est qu'une mesme chose, Jesus Christ qui est image de Dieu, sera idole de Dieu, et ceux qui l'adorent seront idolatres.

  A002000265 

 Ce sont donques les parolles de saint Paulin: « Donques, » dit-il, « la Croix du Seigneur si long tems couverte, cachee aux Juifz au tems de la Passion, et qui ne fut point descouverte aux Gentilz, qui sans doute creuserent et tirerent beaucoup de terre pour l'edification du temple qu'ilz avoyent dressé sur le Mont de Calvaire, n'a-elle pas esté cachee par la main de Dieu, a ce que maintenant elle fust trouvee quand elle a esté religieusement cherchee? ».

  A002000265 

 Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt ainsy conservee pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ait esté cachee pour estre revelee en un tems auquel elle fust saintement reveree; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme.

  A002000266 

 Le grand Constantin reconnoit en ce fait l'admirable providence de Dieu, en l'epistre qu'il escrit a Macaire, [67] selon le recit d'Eusebe, lib. III de vit.

  A002000274 

 Et quant a Panvinius, voyant Platine dire que ceste invention fut faite sous Eusebe, il se resoult, et dignement, a l'opinion contraire, ne laissant pas la chose indecise, comme presuppose le traitteur, qui s'enferre luy mesme quand, laissant les autheurs d'accord en l'invention de la Croix, il allegue seulement leur discorde en l'aage et tems d'icelle; car c'est purement confesser ce qu'il avoit premierement nié, a sçavoir, qu'il y a bon tesmoignage que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice.

  A002000274 

 Or l'invention de la Croix est celebree par tant de graves et saintz Peres, comme une œuvre pieuse et sainte: comme donques n'y a-il point de tesmoignage que Dieu l'aye voulue? Tesmoigner qu'une œuvre est sainte, c'est tesmoigner que Dieu la veut.

  A002000274 

 Rien de bon, rien de saint ne se fait que Dieu n'en soit autheur.

  A002000274 

 » Voyla donques plusieurs tesmoignages que Dieu a voulu la Croix de son Filz estre trouvee..

  A002000276 

 On commença donques a la [72] connoistre par le lieu de l'affixion du tiltre; c'est ce que rapporte saint Ambroise: puys on la reconneut encores mieux, et plus parfaitement, par les miracles que Dieu fit a l'attouchement de ce saint bois; car Heleine ayant trouvé trois croix aupres du sepulchre, et ne pouvant reconnoistre a plein laquelle estoit la sainte et sacree, Macaire, Evesque de Hierusalem, fit une fort belle priere a Dieu, recitee par Ruffin, pour obtenir un signe par lequel on peust discerner la Croix de Jesus Christ.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 Daniel represente Dieu; l'homme est fait a l'image et ressemblance de Dieu, ce qui ne se peut sans qu'il le represente.

  A002000282 

 Les choses invisibles de Dieu se voyent de la creature du monde par les choses faites.

  A002000282 

 Si par les souffrances de Nostre Seigneur, il entend la valeur et merite d'icelles, il dit vray qu'elles sont infinies; mais il s'explique mal les appellant souffrances, douleurs, tristesses, couppe de l'ire de Dieu et abandonnement d'iceluy: il faudroit plustost les appeller consolation et douce eau salutaire, de laquelle les abbreuvés n'auront jamais plus soif.

  A002000282 

 [76] Ainsy les cieux nous representent et annoncent la gloire de Dieu; ainsy les Cherubins, quoy qu'invisibles et surmontans de bien loin la capacité de nos sens, n'ont pas laissé d'estre representés en l'ancienne Loy..

  A002000284 

 Autrement, ni Dieu, ni sa gloire ne sont pas du tout indicibles, car ilz seroyent incroyables, puysque nous ne croyons que par l'ouÿe..

  A002000284 

 Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini; il semble neanmoins que ce soit son intention, [77] quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jesus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu.

  A002000284 

 Le traitteur donq ne peut pas dire que les souffrances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre representé en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfections.

  A002000290 

 Les Anciens, ayans consideré les raysons que nous avons tirees cy devant de l'Escriture Sainte pour l'honneur et vertu du bois de la sainte Croix, et ayans esté asseurés de grand nombre de miracles que Dieu avoit fait en iceluy et par iceluy, ilz l'ont employé comme une defense et rempart contre toutes sortes d'adversités..

  A002000295 

 Voyla pas de grans tesmoignages de la vertu de la Croix? Tout le Christianisme en vouloit avoir en ce tems la, et Dieu, se monstrant favorable a ceste devotion, multiplioit le bois de la Croix a mesure que l'on en levoit des pieces; signe evident que l'Eglise de ce tems la avoit une autre forme que la reformation des novateurs..

  A002000333 

 Peut estre respondra-il que cependant ilz n'attribuent rien a la sainte Croix ou au seul signe d'icelle; mays nous avons ja protesté que la Croix n'est que l'instrument de Dieu es œuvres miraculeuses, si que d'elle mesme elle n'a point de proportion avec telles operations; le cas est tout semblable en la robbe de Nostre Seigneur et es os d'Helisee.

  A002000368 

 Presentent au grand Dieu double honneur doublement,.

  A002000372 

 Cy la Croix, la les os des serviteurs de Dieu,.

  A002000390 

 « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu.

  A002000401 

 « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu,.

  A002000404 

 Quand la face de Dieu s'y fera voir ardante.

  A002000407 

 Saint Chrysostome proteste « que si quelqu'un luy donnoit les sandales et robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux [94] de son cœur »; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Redempteur? Et saint Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportee par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain gueri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise: quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit..

  A002000445 

 Qu'aux simples seulement Dieu fait part de sa gloire.

  A002000454 

 « Fais, Dieu, que par ta Croix nous mourions tous au monde,.

  A002000460 

 Lhors nous serons, o Dieu, comme colombes faitz,.

  A002000468 

 J'aurois une belle campaigne, pour monstrer l'antiquité de l'image de la Croix, si je voulois m'estendre sus un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté autres que les images de la Croix, et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, outre la parole de Dieu, eust encor plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la Croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre Eglise pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passee? Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois les saintes observations qu'en a fait toute l'antiquité.

  A002000468 

 Voyci donques ou je pourrois cotter la premiere image de la Croix: car puysqu'il est ainsy, qu'une chose pour estre image d'une autre doit avoir deux conditions, l'une qu'elle ressemble a la chose dont elle est image, l'autre qu'elle soit patronnee et tiree sur icelle, le Serpent d'airain, estant dressé en semblable forme que la Croix, et ayant esté figuré, par la prevoyance de Dieu, sur icelle, ne peut estre sinon une vraye image de la Croix.

  A002000472 

 Et de vray, au moins ce traitteur devoit considerer que si Constantin dressa son Labare en forme de croix, pour la vision qu'il avoit eue d'une Croix a la façon de laquelle il fit dresser les autres (comme le traitteur mesme confesse que cela s'est peu faire), ce ne sera pas Constantin qui aura fait la Croix le premier en matiere subsistante, mais plustost Dieu, qui luy en fit le premier patron sur lequel les autres furent dressees.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000474 

 Car Calvin, parlant de saint Irenee, Tertullien, Origene et saint Augustin, il dit « que c'estoit une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des Apostres jusques a leur tems il ne s'estoit fait nul changement de doctrine, ni a Rome ni aux autres villes; » et le traitteur mesme (ne sçachant ce qu'il va faisant), parlant du tems de saint Gregoire et reprenant la simplicité des Chrestiens d'alhors, il dit que « leurs yeux commençoient fort à se ternir et à ne voir plus gueres clair au service de Dieu.

  A002000475 

 Et comme l'Apostre qui planta la foy parmi ces peuples y porta quant et quant l'usage de la Croix, ainsy Dieu, voulant en ces derniers tems y replanter encores la mesme foy, leur a voulu recommander l'honneur de la Croix par un signalé miracle, tel que nous avons recité.

  A002000492 

 C'est une noble preuve de l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu tout puissant l'a fait comparoistre miraculeusement en plusieurs grandes et signalees occasions, et s'en est servi comme de son Estendart, tantost pour asseurer les fidelles, tantost pour espouvanter les mescreans..

  A002000493 

 Dieu neantmoins a peu faire ce miracle pour aider à la conversion de ce Prince encor Payen alors, et qui a beaucoup servi depuis à l'avancement de la gloire de Christ, de quelque affection qu'il ait esté induit, car quelques autheurs le notent de grands defauts.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000494 

 Or l'apparition de la Croix fut une œuvre de Dieu et non de Constantin.

  A002000494 

 Or, quant a Zosimus, je ne sçai comme il l'ose produire en ceste cause ici contre tous les autheurs chrestiens; car premièrement, Zosimus est tout seul et ne peut point faire de pleine preuve; secondement, il ne nie pas ceste apparition mays seulement il s'en tait; tiercement, il est suspect, car il estoit ennemy de la Croix; quartement, encor qu'il fust exact rechercheur des faitz de Constantin, il ne l'estoit pas toutefois des merveilles de Dieu.

  A002000496 

 Au demeurant, il monstre la haine qu'il porte a la sainte Croix, quand pour contredire a son honneur, il va recerchant si curieusement quel a esté Constantin le Grand, et met en doute le zele avec lequel il a servi a l'honneur de Dieu.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000497 

 Premierement, que par la l'Empereur fut induit a embrasser vivement le parti Catholique, comme par un signe certain que Dieu approuvoit la Croix, et en la Croix tout le Christianisme; si que l'approbation de la Croix et du Christianisme ne fut qu'une mesme chose.

  A002000497 

 Secondement, combien que Dieu voulust que Constantin reconneust ses victoires de sa liberalité, si voulut-il qu'il sceust que ce seroit par l'entremise du signe de la Croix.

  A002000497 

 Tiercement, non seulement Dieu fit paroistre la Croix au ciel a Constantin comme un tesmoignage de son ayde et faveur, mays encor comme un patron et modele pour faire faire plusieurs croix materielles en terre.

  A002000500 

 Plusieurs des Juifz espouvantés confessoyent que Jesus Christ estoit le vray Dieu, et neanmoins demeuroyent tellement saisis de la vieille impression de leur religion, qu'ilz ne la quitterent point.

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000504 

 Or certes, les Portugois n'avoyent point de capitaine ainsy paré, qui leur fit connoistre que c'estoit une vision divine par laquelle Dieu les avoit voulu secourir, et quant et quant espouvanter et rompre leurs ennemis..

  A002000505 

 Au demeurant, apres tant d'apparitions de l'image et figure de la Croix que Dieu a faites, et fera jusqu'a la consommation du monde, pour consoler les amis de la Croix et effrayer les ennemis d'icelle, au grand jour du jugement, quand le Crucifié sera assis au throsne de sa majesté en l'assistance de tous les Bienheureux, il fera paroistre de rechef ce grand Estendart et signe de la Croix, lequel paroistra lhors que le soleil et la lune se cacheront dedans une bien grande obscurité.

  A002000507 

 Or, quel advantage est-ce pour l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu s'en soit servi et servira si souvent pour consoler les siens, effrayer ses ennemis, pour donner les victoires aux empereurs, et pour tesmoigner la sienne derniere, lhors qu'estant assis au throsne de sa majesté il foulera aux piedz tous ses ennemis.

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000526 

 » C'est pourquoy tous les Anciens, apres Jesus Christ mesme, l'ont appellee l'enseigne du Filz de Dieu.

  A002000527 

 Et du viel tems, lhors que l'on renversa en Alexandrie les idoles de Seraphis plantees par toutes les portes, fenestres, posteaux et murailles, on mit en leur place le signe de la Croix, au recit de Ruffin, et lhors fut verifié ce qu'Esaye predit: En ce jour-la, l'autel du Seigneur sera au milieu de la terre d'Egypte, et le tiltre du Seigneur pres le terme d'icelle, et sera en signe et en tesmoignage au Seigneur Dieu des armees en la terre d'Egypte.

  A002000559 

 L'Estendart et drapeau du grand Dieu redoutable,.

  A002000562 

 Celuy qui faisoit faire la croix, l'ayant trouvee plus [133] pesante, cuyda que cest apprentif eust changé ou alteré le fin or qu'il luy avoit baillé, et commençoit fort a se fascher; mais le garçon luy fit ceste vraye et sainte excuse, que n'ayant pas le moyen de faire une croix entiere du sien pour dedier a Dieu, il avoit au moins voulu employer ce peu qu'il avoit pour rendre plus belle et grosse celle qu'il luy avoit fait, et qu'au reste il n'y avoit que du fin or.

  A002000571 

 Une grande peste pressoit un jour l'Allemaigne, tout le voysinage en estoit espouvanté; les habitans de Reims en Champagne recourent a Dieu avec l'intercession de saint Remy, prennent un parement du sepulchre d'iceluy, allument force cierges et flambeaux, avec des croix font une procession solemnelle et generale par tous les coins de la ville, chantans des himnes et cantiques sacrés.

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000581 

 L'Eglise estoit pure, selon la confession des Reformateurs, les cinq cens premieres annees, et, s'il faut croire le traitteur, les yeux des Chrestiens commencerent seulement « à se ternir et à ne voir plus guere clair au service de Dieu » au tems de saint Gregoire Pape.

  A002000582 

 Eusebe tesmoigne qu'avant que Constantin donnast la bataille contre Licinius, il se retira hors le camp au tabernacle ou pavillon de la Croix avec quelque nombre des plus devotz qu'il trouva pres de soy, et ce pour prier Dieu et se recommander a sa misericorde, ce qu'il avoit accoustumé de faire en toutes semblables occasions.

  A002000582 

 Qui ne voit maintenant que le tabernacle de la Croix duquel parle Eusebe, n'estoit autre chose que l'eglise ou chapelle portative de laquelle Sozomene tesmoigne? Il y avoit donq, au camp de Constantin, [150] une eglise de Sainte Croix, et non seulement la Croix estoit en l'eglise, mais l'eglise mesme estoit dediee a Dieu sous le nom et vocable de la Croix: grande preuve de l'honneur qu'on portoit a la Croix..

  A002000582 

 Sozomene, d'autre part, escrit que ce grand Empereur avoit fait faire un pavillon ou tabernacle en guise d'une eglise ou chapelle qu'il portoit tous-jours avec soy quand il alloit a la guerre, affin que tant luy que l'armee eust un lieu sacré auquel on loüast Dieu, on le priast et on peust recevoir les sacrés misteres, car les prestres (sacerdotes) et diacres suivoyent tous-jours ce tabernacle a ceste intention.

  A002000614 

 Que Jesus, par ses roys, soit pour Dieu reputé;.

  A002000641 

 Qui du corps Dieu fut aornee,.

  A002000650 

 De Beze luy avoit ouvert le chemin en ses Marques de l'Eglise, que ce grand esprit de Sponde luy a si bien effacees qu'il m'eust osté l'ennuy de respondre en ce point, si Dieu ne l'eust voulu lever des ennuys de ce monde avant que son œuvre fust achevee.

  A002000651 

 » La devote Paula, entree dans l'estable ou Nostre Seigneur nasquit, avec des larmes entremeslees de joye, souspiroit en ceste sorte: « Je te salue, o Bethleem, mayson de pain, en laquelle est né ce Pain qui est descendu du ciel; je te salue Ephrata, region tres fertile et porte fruit, de laquelle Dieu est la fertilité.

  A002000656 

 qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus anciens Peres pour garantz? La rosee qu'Esaye demande aux cieux, n'est autre que le Sauveur; et David demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pecheurs..

  A002000657 

 Or, quoy qu'en toutes ces manieres de dire les parolles soyent addressees a la Croix, au ciel, a la neige et semblables choses inanimees, si est-ce que l'invocation passe plus outre et se rapporte a Dieu et au Crucifix.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000665 

 C'est donq une chicanerie estrange d'appeller cela idolatrie, puysque tout l'honneur en revient a Jesus Christ, qui n'est pas un idole mais vray Dieu..

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000667 

 Ces espritz clair voyans qui adorent Dieu au second ordre des Anges sont appellés Cherubins, et leurs images sont appellees Cherubins; voyla un mesme mot, mays les choses sont differentes.

  A002000667 

 Dieu envoya son Filz affin que le monde fust sauvé par iceluy; saint Paul fut fait tout a tous affin qu'il sauvast tous: voyla des parolles bien pareilles quant a l'escorce, mays leur sens est bien different l'un de l'autre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000670 

 Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré; or qui ne sçait que les jours [167] esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait memoire, sont par tout en l'Escriture appellés tres saintz, tres celebres et venerables? Le Dimanche est appellé jour du Seigneur pour ce qu'il est dedié a Dieu; saint Augustin l'appelle venerable, comme Lactance et saint Chrysostome appellent de mesme le jour de Pasques; pourquoy ne sera venerable le Vendredi dedié a Dieu en honneur de la Passion? 3.

  A002000672 

 Que si on luy addresse quelques prieres, c'est pour exprimer un desir bien affectionné, et non pour estre ouÿ ou entendu d'icelle; c'est de Nostre Seigneur duquel on attend la grace: si l'on en fait feste c'est pour remercier Dieu de la Passion de [170] son Filz et de son sang respandu, dequoy la lance ayant esté l'instrument elle en est aussi le memorial, et en esmeut en nous la vive apprehension qui nous fait faire feste; quoy que nos calendriers ordinaires ne font aucune mention de ceste solemnité, qui n'est aucunement commandee en l'Eglise Romaine..

  A002000679 

 Encor desplait-il au traitteur que nous appellions la Croix remede salutaire: les Anciens l'ont ainsy appellee, et Dieu, par mille experiences, en a rendu tesmoignage.

  A002000679 

 Entre autres, en la bataille qu'il gaigna sur Maxence, il reconneut que Dieu l'avoit tres favorablement assisté par l'enseigne de la Croix; car estant de retour d'icelle, apres qu'il eut rendu graces a Dieu, il fit poser des escriteaux et colomnes en divers endroitz, esquelz il declairoit a un chacun la force et vertu du signe salutaire de la Croix; et, particulierement, il fit dresser au fin milieu d'une principale place de Rome sa statue tenant en main une grande croix, et fit inciser en caracteres [172] qui ne se pouvoyent effacer ceste inscription latine:.

  A002000688 

 Combien de merveilles furent faittes par l'image du Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Athanase? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un deluge universel; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour lhors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout, aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflee, demeura ferme devant luy, et apres avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme: saint Hierosme en est le tesmoin..

  A002000688 

 Le roy Oswald, devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armee, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites buches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans l'eau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, et soudain ilz estoyent gueris; Bothelmus, religieux [174] d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut gueri: Bede le Venerable est mon autheur.

  A002000691 

 Si donq on me demande pourquoyj'honnore l'image de la Croix, j'apporteray ces deux raysons: parce qu'elle est une remembrance de Jesus Christ crucifié, et parce que Dieu fait bien souvent des merveilles par icelle, comme par un outil sacré; mais la premiere rayson est la principale et sert de rayson a la seconde, car la Croix ne represente pas la Passion parce que Dieu fait miracles par icelle, mais au contraire Dieu se sert plustost de la Croix pour faire des miracles que de plusieurs autres choses, parce que c'est l'image de sa Passion.

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Et quoy? si le cors est tormenté par le demon affin que l'esprit du possedé soit sauvé (comme parle l'Apostre), voudries-vous que l'exorcisme ou la priere empeschast cest effect? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu.

  A002000702 

 Les Gentilz donques qui voyoyent la Croix estre en honneur parmi les Chrestiens, croyoyent qu'elle fust tenue pour Dieu comme leurs idoles, et le reprochoyent aux Chrestiens.

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy generale Dieu eust defendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni és eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a commandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exaltation de Jesus Christ eslevé en croix, comme lui-mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3.

  A002000710 

 » Voyla toute la deduction du traitteur; mays, mon Dieu, que d'inepties..

  A002000711 

 I. Vous dites, o traitteur, que le Serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu qui l'a dit a Moyse; mays je dis que les croix se font par le commandement de Dieu qui le suggere a l'Eglise et le luy a enseigné par la tradition apostolique: vous me monstreres que Dieu a parlé a Moyse, je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement l'Eglise en façon qu'elle ne peut errer..

  A002000712 

 » Dieu donques n'eust jamais dispensé pour faire des images si cela eust esté idolatrie, sinon que Dieu peust dispenser pour estre renié.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 En bonne foy, faire ce Serpent estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? vous le dites ainsy; or, la jouissance des dispenses doit estre limitee par le tems et la condition pour laquelle on l'accorde, car la cause estant ostee il ne reste plus d'effect: le peuple donq, estant arrivé sain et sauve en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder ceste image, puysque la cause de la dispensation estoit ostee: partant, confesses que ceste image demeura honnorablement parmi le peuple, sans aucune parole de Dieu escritte, [197] un grand espace de tems.

  A002000713 

 Ne touchoit-il pas a eux de la lever si c'eust esté mal fait de la garder hors l'usage pour lequel elle avoit esté faite? ces espritz si roides et francz au service de leur Maistre, eussent-ilz dissimulé ceste faute? Item, que n'aves-vous remarqué que ceste image n'eust pas esté conservee si longuement si on n'en eust eu quelque conception honnorable? quelle rayson y pouvoit-il avoir de la retenir, ni pour sa forme ni pour sa matiere? Certes, elle ne pouvoit avoir autre rang que d'un recommandable et sacré memorial du benefice receu au desert, ou d'une sainte representation du mistere futur de l'exaltation du Filz de Dieu, qui sont deux usages religieux et honnorables, mays beaucoup plus propres a l'image de la Croix, qui sert de remembrance du mistere passé de la crucifixion et du mistere a advenir du jour du jugement.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000714 

 en ce que l'encens est une offrande propre a Dieu, comme il est aysé a deduire de l'Escriture, et toute l'ancienneté l'a noté sur l'offrande faitte par les roys a Nostre Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe; l'encens, disent-ilz tous, est a Dieu.

  A002000721 

 Dieu a tesmoigné combien il a aggreable l'image du Crucifix et de la Croix, par mille chastimens qu'il a miraculeusement exercés sur ceux qui par fait ou parolle ont osé injurier telle representation.

  A002000722 

 Quand Dieu, pour faire connoistre a ces belistres qu'il faut porter honneur a l'image pour l'honneur de celuy qu'elle represente, prenant l'injure a soy, la vengeance s'en ensuivit quant et quant: ilz sont tout a coup espris [203] de rage et se ruent les uns sur les autres pour se deschirer, dont l'un meurt sur la place, les autres sont menés sur le Rhosne vers Lyon pour chercher remede a ceste fureur qui les brusloit et desfaisoit en eux mesmes.

  A002000724 

 Ainsy les pieces des statues anciennes sont gardees pour memoire d'antiquité; et de mesme le moindre brin [206] de la robbe ou autre meuble des Saintz et des instrumentz de Dieu.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Et pour vray, puysque l'homme tout entier avec toutes ses actions et dependances doit honneur a Dieu, et qu'il est composé d'ame et de cors, d'interieur et d'exterieur, et qu'en l'exterieur il y a des actions indiffeérentes, ce n'est pas merveille si la religion, qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, demande et reçoit en payement des actions exterieures, indifferentes et corporelles..

  A002000736 

 Considerons le monde en sa naissance: Abel et Caïn font des offrandes; quelle autre vertu les a sollicités [212] a ce faire sinon la religion? Peu apres, le monde sort de l'arche, comme de son berceau, et tout incontinent un autel est dressé, et plusieurs bestes consommees sur iceluy en holocauste dont Dieu reçoit la fumee pour odeur de suavité.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 Combien est-ce qu'en font les tisserans, peintres, tailleurs et autres, que personne n'honnore ni ne prise? parce que ces croix (autant en dis-je des caracteres et figures croisees que nous voyons es images profanes, fenestres, bastimens), ces croix, dis-je, ne sont pas destinees a l'honneur de Dieu ni a aucun usage religieux; mais quand ce signe est employé au service [214] de l'honneur de Dieu, d'indifferent qu'il estoit il devient une ceremonie sacrosainte, de laquelle Dieu se sert a plusieurs grans effectz.

  A002000743 

 D'autre part, d'autant que les Payens se moquoient de la Croix de Jesus Christ, et disoient que c'estoit folie et honte de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort, tout au contraire les Chrestiens, sçachans que toute nostre gloire ne gist qu'en la Croix de Jesus Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu en salut à tous croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle, et faisoient ouvertement ce signe pour dire qu'ils estoient des chevaliers croisez, c'est à dire des disciples de Jesus Christ.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000747 

 Notes qu'il parle du tems de saint Augustin, auquel Calvin dit estre tout notoire et sans doute qu'il ne s'estoit fait nul changement de doctrine ni a Rome, ni aux autres villes; et le traitteur mesme confesse que ç'a esté seulement du tems de saint Gregoire que les yeux des Chrestiens ont commencé a ne voir plus gueres clair au service de Dieu; dont je discours ainsy: nul changement ne s'estoit fait en la doctrine, du tems de saint Augustin; or, du tems de saint Augustin on faisoit generalement le signe de la Croix; la doctrine donques de faire le signe de la Croix est pure et apostolique..

  A002000754 

 C'est ici une grande defense, laquelle a cause des pauvres est donnee gratis, et sans peyne pour les foibles, ceste grace estant de Dieu, le signe des fidelles et la crainte des diables.

  A002000754 

 Le traitteur veut faire croire que l'antiquité n'employoit le signe de la Croix sinon pour le premier effect; mais au contraire, elle ne l'employoit presque jamais pour ceste seule intention, ains son plus ordinaire usage estoit d'estre employé a demander ayde a Dieu.

  A002000754 

 On peut faire la Croix ou pour tesmoigner que l'on croit au Crucifix, et lhors c'est faire profession de la foy; ou bien pour monstrer que l'on espere et qu'on met sa confiance en ce mesme Sauveur, et lhors c'est invoquer Dieu a son ayde en vertu de la Passion de son Filz.

  A002000755 

 Or, quoy que les Anciens ayent rendu si general le signe de la Croix pour tous les rencontres et actions de nostre vie, comme une briefve et vive oraison exterieure par laquelle on invoque Dieu, si est-ce que je diray seulement comme elle a esté employee aux benedictions, consecrations, Sacremens, aux exorcismes, tentations, et aux miracles.

  A002000761 

 Le Sauveur mesme pria son Pere les genoux en terre, comme ont fait les Saintz tres souvent; dont saint Paul, voulant dire qu'il a prié Dieu, dit seulement qu'il a flechi les genoux en terre, tant ceste ceremonie appartient a l'oraison.

  A002000761 

 Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:.

  A002000769 

 Ainsy on leve la main quand on jure, car jurer n'est autre sinon invoquer Dieu a tesmoin; dont Esdras, voulant dire que Dieu avoit juré, il dit qu'il a levé la main, tant ceste coustume de lever la main est ordinaire aux sermens; et saint Jean, descrivant le serment du grand Ange, il dit qu' il leva la main au ciel.

  A002000769 

 Saint Antoyne, estant entré dans la grotte de saint Paul premier hermite, « vit le cors de ce Saint, sans ame, les genoux pliés, la teste levee ét les mains estendues en haut; et de prime face estimant qu'il fust encor vivant et qu'il priast, il se mit a faire le mesme; mais n'appercevant point les souspirs que le saint Pere souloit faire en priant, il se jette a le bayser avec larmes, et conneut que mesme ce cors mort du saint homme, par ce devot maintien et religieuse posture, prioit Dieu auquel toutes choses vivent et respirent.

  A002000769 

 » L'ame prosternee devant Dieu tire aysement a son pli tout le cors; elle leve les yeux ou elle leve le cœur, et les mains, la d'ou elle attend son secours.

  A002000770 

 Et pourtant, non seulement nous rejettons les ceremonies Judaiques anciennes, mais aussi toutes autres avancees outre et sans la Parole de Dieu en l'Eglise Chrestienne.

  A002000770 

 Or la volonté de Dieu manifestee touchant ce poinct est que nous l'adorions et lui servions en esprit et verité, S. Jean, 4.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000770 

 des Colossiens que nous servons à Dieu en esprit, nous glorifians en Jesus Christ et ne nous confians point en la chair.

  A002000772 

 Et saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte, qui n'est qu'une pure ceremonie, [229] il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole: Nous n'avons point telle coustume, ni l'Eglise de Dieu.

  A002000772 

 Il ne parle pas la le jargon huguenot, mais le vray et simple langage Catholique; la coustume de l'Eglise de Dieu luy sert de rayson.

  A002000772 

 S'il faut servir Dieu selon son ordonnance, il faut sur tout obeir a l'Eglise et garder ses coustumes; qui fait autrement, le Sauveur le prononce estre payen et publicain.

  A002000773 

 Si pour honnorer et servir Dieu en esprit et verité il faut rejetter les ceremonies qui ne sont commandees en termes expres dans l'Escriture, donques saint Paul ne devoit pas ordonner aux hommes de prier descouvertz et les femmes affeublees, puysqu'il n'en avoit aucun commandement, ni les Apostres defendre le sang et suffoqué.

  A002000774 

 [231] Prier en esprit et verité c'est prier de bon cœur et affectionnement, sans feinte ni hypocrisie, et au reste y employer tout l'homme, l'ame et le cors, affin que ce que Dieu a conjoint ne soit separé.

  A002000776 

 Autant hors de rayson allegue-il saint Paul au III des Colossiens; car, outre ce que les parolles qu'il dit y estre n'y sont point, quand elles y seroyent elles ne nous seroyent point contraires, puysque nous confessons [233] qu'il faut servir Dieu en esprit, se glorifier en Jesus Christ, et ne se point confier en nostre chair; mais tout cela ne met point le cors ni ses actions exterieures hors de la contribution qu'il doit au service de son Dieu.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000785 

 On invoque le nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit; c'est ce que l'on faisoit anciennement a couvert, car ou visoit, je vous prie, ceste repetition ternaire: Le Seigneur te benie, le Seigneur te monstre sa face, le Seigneur retourne son visage vers toy, sinon au [237] mistere de la tres sainte Trinité? aussi bien que la benediction de David: Dieu nous benie, nostre Dieu, Dieu nous benie? 2.

  A002000786 

 Le fracas de ceste cheute fut ouÿ par toute la ville, laquelle s'assemblant a ce spectacle et voyant la fuite du malin, se mit a louer Dieu tout puissant.

  A002000786 

 » Ainsy prend-il de l'eau en sa main en arrousant tous les fourneaux, et tout aussi tost les charmes furent aneantis et le feu sortit devant tous, dont le peuple present s'en retourna jettant ce grand cri: « Il n'y a qu'un Dieu, qui ayde aux Chrestiens.

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000795 

 » Saint Clement dit que les premiers prelatz du Christianisme, venans a l'autel, se signoyent de la Croix: « Donques l'evesque priant a part soy avec les prestres, mettant une robbe splendide ou reluisante, et demeurant debout vers l'autel, se signant au front du trophee de la Croix, qu'il die: La grace de Dieu tout puissant, et la charité de Nostre Seigneur Jesus Christ, et la communication du Saint Esprit soit avec tous vous.

  A002000801 

 Le traitteur reconnoist ceste rayson comme partie de saint Augustin et de Lactance, et tout aussi tost y joint ceste censure: « Quoi que ce soit, ç'a esté une façon introduite par imitation et exemple Judaique, et non par commandement: or, jamais on ne se doit fonder sur le seul exemple des hommes, ains sur les reigles [250] generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000801 

 Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié.

  A002000803 

 II. Que c'est une expresse ignorance ou bestise de dire que jamais on ne se doit fonder sur l'exemple des hommes, ains sur les regles generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000804 

 Je le confesse, mais je dis qu'on peut aussi prier en celle ci, aussi bien que levant les mains et les yeux; et puysque aux generaux commandemens de prier [252] Dieu, confesser la foy et faire profession de sa religion, le signe de la Croix n'est point forclos, pourquoy est-ce qu'on l'en forclorra? Calvin, confessant qu'on ne sçauroit monstrer par aucun texte expres que jamais enfant fut baptisé par les Apostres, dit neanmoins tout hardiment que « toutefois ce n'est pas a dire qu'ilz ne les ayent baptisés, veu que jamais n'en sont exclus quand il est fait mention que quelque famille a esté baptisee.

  A002000804 

 Ouy, dira le traitteur, mais on peut prier Dieu en autre sorte.

  A002000806 

 III. La troisiesme rayson, de se signer au front, est ainsy touchee par saint Hierosme: « Le prestre de l'ancienne Loy portoit une lame de tres fin or attachee a sa tiare, pendant sur le front, en laquelle estait gravé, Sanctum Domino: Saint au Seigneur; [256] et devoit tousjours avoir cest escriteau sur le front affin que Dieu luy fust propice.

  A002000813 

 Dieu appella l'homme qui estoit vestu de lin, dit le prophete Ezechiel, et qui avoit l'escritoire de l'escriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit: Passe par le milieu de la cité au milieu de Hierusalem, et marque de Thau les frons des hommes qui gemissent et souspirent pour toutes les abominations qui se font au milieu d'icelle.

  A002000814 

 » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse: Ne nuises point a la terre, ni a la mer, ni aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons, la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs autres devanciers, avec grande rayson; car, quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honnorable devant Dieu le Pere, que celle de son Filz? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d'estat?.

  A002000818 

 C'est philosopher a l'honneur de Dieu, non pas a plaisir..

  A002000822 

 Et pleust a Dieu que ces reformeurs eussent imité ce rare et grand esprit, Juste Lipsius; ilz ne seroyent plus ennemis de la Croix.

  A002000829 

 C'est donc hors de raison que ce qui a esté dit pour un certain temps et lieu, et pour certaines personnes, soit destourné et assigné ailleurs que n'a jamais esté l'intention de l'Esprit de Dieu qui a parlé par la bouche d'Ezechiel.

  A002000830 

 » Saint Cyprien: « Qu'en ce signe de la Croix soit le salut a tous ceux qui en sont marqués au front, Dieu le dit par Ezechiel: Passe par le milieu de Hierusalem, et tu marqueras le signe sur ceux qui gemissent; » ( et notabis signum, dit-il).

  A002000832 

 VII. Neanmoins, le traitteur poursuit ainsy: « Or donc, le vrai sens du passage d'Ezechiel est, que Dieu declare que lors que ce grand jugement seroit exercé sur la ville de Jerusalem, ceux seulement en seroient exemptez qui seroient marquez par l'Esprit de Dieu; et ceste façon de dire est prinse de ce qui se lit au chap. XI. d'Exode, où... il est commandé aux Israelites de mettre du sang de l'Agneau sur le surseuil de leurs habitations, afin que l'Ange voye la marque de ce sang et passe outre sans offenser les Israelites.

  A002000832 

 de l'Apocalypse est fait mention de ceux qui sont marquez, qui sont ceux qui sont appelez ailleurs esleus de Dieu, ou ceux que le Seigneur advouë pour siens pource qu'il les a comme cachettés de son seel, et, comme l'Escriture parle, a escrit leurs noms au livre de vie.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 » Ainsy disoit-il a ses disciples: « Les diables viennent la nuit feignans estre anges de Dieu; les voyans, armes-vous et vos maysons du signe de la Croix, et aussi tost ilz seront reduitz a neant, car ilz craignent ce trophee, auquel le Sauveur, despouillant les puissances de l'air, il les mit en risee.

  A002000855 

 Car ce cas advenu extraordinairement a servi pour tant plus confondre cest abominable, tant en sa conscience que devant tous hommes et devant Dieu.

  A002000855 

 Car il ne suffit pas de dire que quelque chose soit advenue, mais il faut sçavoir si Dieu en est l'autheur, si c'est chose qui tende au salut des hommes et à la gloire de Dieu... 2.

  A002000855 

 Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu.

  A002000855 

 Il s'est peu faire que pour engraver au cœur des hommes une plus profonde pensee de la mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, sur les commencemens de la predication Evangelique Dieu quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses extraordinaires; et pourtant, si alors il a pleu à Dieu monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il le faut recognoistre pour le remercier de son support.

  A002000855 

 du Deuteronome, parlant des prodigieux effects des faux-prophetes, Dieu veut esprouver si on le craint et si on l'aime tout seul.

  A002000855 

 « Dieu a permis souvent que des choses se fissent, lesquelles il n'approuvoit pas, comme infinis effects advenus jadis autour des oracles anciens le tesmoignent; et quand cela advient, dit Moyse au 13.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 J'oppose, que la consequence de telz effectz a tousjours esté a la gloire de Dieu, et tendoit au salut des hommes; tous les Peres l'ont ainsy remarqué.

  A002000856 

 Je leur oppose toute l'ancienneté, laquelle, avec un consentement nompareil, enseigne que ces merveilles advenues sont de la main de Dieu.

  A002000856 

 N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejetté? Certes, entre les grans effectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci: Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors; et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive representation de ceste crucifixion.

  A002000856 

 Si, ces grans Peres que nous avons cités, et en si grand nombre, nous inviteroyent-ilz bien a faire le signe de la Croix s'ilz doutoyent que le diable n'en fust l'autheur? Et qui doutera que Jesus Christ en soit l'autheur, s'il considere, comme Lactance deduit, combien cela tend a l'honneur de Dieu, que le simple signe de sa Passion chasse ses ennemis? 3.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000866 

 Il accuse sa feinte et simulation, et son seducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remede a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les propres paroles de saint Gregoire de Tours, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux: Vindimialis et Longinus prioyent Eugene, Eugene au contraire les prioit qu'ilz luy imposent les mains; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugene, faisant le signe de la Croix sur les yeux de l'aveugle, dit: Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confessons trine en une egalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa premiere santé.

  A002000867 

 Dont saint Basile, convocant generalement tout le peuple fidele, le conduit hors la ville en l'eglise de saint Diomede martyr, ou il employe toute la nuit en prieres; et le matin, l'amene vers l'eglise, chantant ce verset: « Dieu saint, saint fort, saint et immortel, ayes misericorde de nous.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000867 

 » Ce que faisant le peuple, saint Basile [297] les signant et benissant, il commande que l'on face silence, et signant par trois fois les portes de l'eglise, dit: « Beni soit le Dieu des Chrestiens es siecles des siecles, Amen.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Quant a la response, il la fait a son accoustumee, sans jugement ni candeur, a sçavoir, que ceste dame « s'estoit adressee auparavant au seul Dieu », auquel elle rapporta sa guerison, et non a aucun signe.

  A002000868 

 Une dame Carthaginoise avoit un chancre au tetin, mal, selon l'advis d'Hippocrate, du tout incurable; elle se recommande a Dieu, et, s'approchant Pasques, elle est advertie en sommeil d'aller au baptistere et se faire signer de la Croix par la premiere femme baptisee qu'elle rencontreroit: elle le fait, et soudain elle est guerie.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000869 

 Si que les Anciens faisoyent grande profession de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus: par ou, non seulement ilz faisoyent comme un perpetuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech lhors qu'il prioit Dieu en ceste sorte, figurant et presageant la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prieres.

  A002000883 

 Voicy purement sa conclusion: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoire du benefïce de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002000884 

 Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menuement les differences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos: car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dependances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneusement garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'alterer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert.

  A002000884 

 Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compaignons a Dieu.

  A002000893 

 L'honneur du magistrat passe et revient a Dieu et a la republique qu'il represente; l'honneur de la viellesse, a la sagesse, de laquelle elle est une honnorable marque; l'honneur de la science, a la diligence et autres vertus, desquelles elle est et l'effect et la cause.

  A002000893 

 Parlons des choses sacrees: l'honneur des [307] eglises et vases sacrés va et vise a la Religion, de laquelle ilz sont instrumens; l'honneur des images et Croix se rapporte a la bonté de Dieu, de laquelle elles sont des memoires; l'honneur des personnes Ecclesiastiques, a Celuy duquel ilz sont les officiers.

  A002000893 

 Que s'il est dit quelquefois que les choses inanimees et les diables donnent honneur a Dieu, ce n'est pas que cest honneur-la sorte de ces choses comme de la cause, mais seulement comme d'un'occasion que les hommes en prennent d'honnorer Dieu; ou c'est parce que telles choses font les exterieures demonstrations d'honneur, lesquelles, quoy que privees de leur ame, qui est l'intention interieure, ne laissent pas de retenir devant les peuples le nom d'honneur, ainsy que l'homme mort est appellé homme.

  A002000897 

 » Mon Dieu, que cela est grossier; mettons en avant la verité, elle renversera asses d'elle mesme le mensonge..

  A002000900 

 Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu.

  A002000902 

 Je ne crois pas qu'aucun entende que les encensemens qu'ilz jettent [310] a Dieu soyent materielz, car saint Jean declaire, au contraire, que ce sont les oraisons des Saintz.

  A002000903 

 2. Mais, pour Dieu, les paralytiques et percluz qui n'ont aucun encens, ni genoux, ni mouvement a leur disposition, peuvent-ilz pas adorer Dieu? ou s'ilz sont exemps de la loy qui dit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu?.

  A002000905 

 Qui oseroit appeller ces malheureux vrays adorateurs, et non pas plustost vrays mocqueurs? Les choses portent aucunes fois le nom de ce dont elles ont les apparences, sans pour cela laisser d'estre indignes de le porter; comme quand les enfans de ce monde sont appellés prudens, et leur ruse ou finesse, [311] sagesse, quoy que ce ne soit que folie devant Dieu et en realité; ainsy appelle les impertinences du traitteur, raysons, quoy qu'elles soyent indignes de ce nom..

  A002000906 

 L'idolatre dresse toutes ses actions a l'idole, c'est cela qui le fait idolatre; au contraire, l'intention du Catholique, en toutes ses actions, est toute portee a son Dieu, c'est cela qui le fait Catholique.

  A002000906 

 La consequence est sotte; car encor que ces actions soyent pareilles es uns et es autres d'estoffe et de matiere, si ne le sont-elles pas de forme, de façon et intention: or, Dieu ne regarde pas tant ce qui se fait, comme la maniere avec laquelle il se fait.

  A002000906 

 Nous faisons quelque chose de ce que font les idolatres, mais nous ne faisons rien comme eux: l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacree..

  A002000906 

 Rois, chap. 19, où les vrais serviteurs de Dieu, opposez aux idolatres, sont designez parce qu'ils n'avoient point ployé le genou devant Baal ni baisé en la bouche d'icelui.

  A002000913 

 Dieu donques, comme Dieu, ne peut adorer, mais il peut bien honnorer, puysque le simple honneur n'a pour objet que la simple excellence, et non pas une excellence superieure, comme l'adoration.

  A002000913 

 Les diables et damnés ne peuvent adorer, j'en ay dit la rayson n'agueres; ilz connoissent la bonté, mais ilz la detestent et blasphement, leur volonté la hait et abomine: Qui te confessera en enfer, o Seigneur Dieu? disoit David.

  A002000913 

 Mais s'ilz n'adorent Dieu, pourront-ilz pas adorer autre que Dieu? Je dis que non, a proprement parler.

  A002000920 

 Abraham adore le peuple de la terre, c'est a dire les enfans de Heth, c'estoyent des creatures; de mesme son parent Loth, Josué, Balaam adorent les Anges; Saül adore l'ame de Samuel; Isaac, benissant son filz Jacob, luy souhaitte que les peuples le servent, et que les enfans de sa mere l'adorent; Joseph songe que ses pere, mere et freres l'adorent; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint.

  A002000920 

 Le mot d'adorer, d'ou qu'il soit sorti, ne veut dire autre que faire reverence, ou a Dieu ou aux creatures, quoy que le simple vulgaire estime que ce soit un mot propre a l'honneur deu a Dieu.

  A002000920 

 Mais ce seul passage de Paralipomenon suffisoit: Benedixit omnis ecclesia Domino Deo patrum suorum; et inclinaverunt se et adoraverunt Deum, et deinde Regem: Toute l'eglise benit le Seigneur Dieu de leurs peres; et s'inclina et adora Dieu, et par apres le Roy. Voyla le mot d'adoration employé pour l'honneur fait a Dieu et aux creatures..

  A002000921 

 Les Anciens ont suivi ce chemin, si que saint Augustin dit, que nous n'avons aucune simple parole latine pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons destiné a cest usage le mot grec de latrie, faute [317] d'autre plus commode.

  A002000921 

 Neanmoins, encor que le mot d'adoration signifie non seulement la reverence deuë a Dieu, mais encor celle qu'on doit aux creatures, si est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la reverence deuë a Dieu; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les creatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement lhors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et heretiques.

  A002000921 

 Par exemple, saint Hierosme proteste: « Je suis venu en Bethleem, et ay adoré la creche et berceau du Seigneur »; et ailleurs: « A Dieu, o Paula, et ayde par prieres ton devot serviteur.

  A002000921 

 » « Qui adora jamais les Martyrs, qui cuyda jamais un homme estre Dieu?» Il prend la le mot d'adorer pour l'honneur qui se fait a Dieu..

  A002000922 

 » Aves-vous ouÿ, reformés, les plaintes de ceste canaille retaillee? ilz regrettent [318] l'honneur et la vertu de la Croix: Seigneur Dieu, que voules-vous devenir, vous autres, qui en faites de mesme?.

  A002000922 

 » Il parle la de l'adoration en sorte qu'il semble ne vouloir qu'elle appartienne qu'a Dieu, mais bien tost apres il l'estend encores aux creatures: « Heleine fit sagement qui esleva la Croix sur la teste des roys, a fin que la Croix de Jesus Christ spit adoree es roys; cela n'est pas insolence, mais devotion et pieté, lhors qu'on defere a la sacree Redemption.

  A002000923 

 » Le mesme, instruisant l'ame fidelle, au livre De la virginité: « Si un homme juste, » dit-il, « entre chez toy, luy allant au rencontre tu adoreras en terre a ses piedz avec crainte et tremblement, car ce ne sera pas luy que tu adoreras, mais Dieu qui l'envoye.

  A002000924 

 Saint Epiphane, traittant avec les devotz des louanges de sainte Marie Mere de Dieu (car le sermon est ainsy intitulé): « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adoree par les Anges.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000925 

 que le mot d'adorer s'applique non seulement a l'hommage deu a Dieu, mais aussi a l'honneur deu aux creatures; l'Escriture citee et les passages des Peres en font foy.

  A002000926 

 Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine, le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inevitables..

  A002000926 

 Bref, l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité; celle qui est deuë a Dieu est si excellente en comparaison de tout autre faitte aux creatures, que n'y ayant presque aucune proportion, les autres adorations ne sont presque pas adoration au prix de celle qui appartient a Dieu.

  A002000926 

 Ce qu'estant ainsy, puysque le mot d'adoration signifie la reconnoissance qu'on fait de quelque superieure et eminente excellence, il joint beaucoup mieux a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, car il y trouve toute l'estendue et perfection de son objet, ce qu'il ne trouve pas ailleurs.

  A002000926 

 Le second principe est, qu'entre toutes les adorations celle qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, dit, l'emphase et excellence de tout l'honneur.

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000928 

 Quand on dit, donques, qu'on [321] ne met pas sa fiance en la Croix, c'est pour monstrer qu'on ne l'adore pas en qualité de Dieu, et non pour dire qu'on ne l'adore pas en aucune façon; mays le traitteur traitte la Croix, nostre cause et la sienne, selon son humeur.

  A002000928 

 Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des creatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation; ni parmi les schismatiques, heretiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier; ni devant les menus et debiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy.

  A002000934 

 De mesme, Toute l'eglise, dit la sacree Parole, benit le Seigneur Dieu de ses peres; et s'inclinerent et adorerent Dieu, et le Roy apres.

  A002000934 

 Et n'y a, a l'adventure, aucune action exterieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employee a l'honneur des creatures, estant produitte avec une intention bien reglee, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et necessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie; car, a qui ouÿt-on jamais dire: je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul? Hors de la, tout l'exterieur est sortable a la reverence des creatures, n'entendant toutefois y comprendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquees qu'a Dieu seul.

  A002000934 

 Et parce que l'adoration n'est pas encor du tout propre et particuliere pour l'honneur de Dieu, mays peut encor estre employee pour les creatures, il [325] adjouste a l'adoration le mot de latrie, disant: tu serviras a iceluy seul. « Aussi ne dit-il pas, tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouy bien, tu serviras a iceluy seul, la ou au grec le mot de latrie est employé »; ceste observation est expressement du grand saint Augustin, es Questions sur le Genese.

  A002000934 

 Ilz font indubitablement deux adorations, l'une a Dieu, l'autre au Roy, et bien differentes; toutefois ilz ne font qu'une inclination exterieure: l'egalité, donques, de la sousmission externe n'infere pas egalité d'honneur ou adoration.

  A002000934 

 Jacob se prosterne egalement devant Dieu et devant son frere, mais la differente intention qui le porte a ces prostrations et inclinations rend l'adoration qu'il fait a Dieu, se prosternant, toute differente de celle qu'il fait a son frere.

  A002000934 

 Le patriarche Jacob, panché et prosterné a terre, adora sept fois son frere aisné Esaü; les freres de Joseph l'adorerent prosternés a terre; la [323] Thecuitaine cheut en terre devant David, l'adorant; les enfans des Prophetes, venans au rencontre d'Helisee, l'adorerent prosternés en terre; la Sunamite se jetta aux piedz d'Helisee; Judith, se prosternant en terre, adore Holofernes: ces saintes ames que pouvoyent-elles faire plus que cela, quant a l'exterieur, pour l'adoration de Dieu? L'adoration, donques, ne doit pas estre jugee selon les actions et demonstrations exterieures.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 O reformation, en veux-tu plus sçavoir que ton maistre? Le nostre, respondant au tien, pour monstrer l'honneur deu a Dieu ne dit point, tu t'inclineras, d'autant que l'inclination est une action purement indifferente; mays dit seulement: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu.

  A002000934 

 On peut adorer autre que Dieu, mays non pas servir autre que Dieu du service appellé, selon les Grecz, latrie.

  A002000934 

 Tel connoist en son ame quelque excellent advantage d'un autre sur luy, qui neanmoins ne le voudra pas reconnoistre a proportion de ce qu'il le connoist, ains beaucoup moins ou plus: tesmoin ceux qui, connoissans Dieu ne l'ont pas adoré comme Dieu.

  A002000939 

 Si elle est infinie et divine, l'adoration qui luy est deuë est supreme, absolue et souveraine, et s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appellé latrie: Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tam frequenter [327] ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000944 

 Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie..

  A002000944 

 Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore.

  A002000944 

 Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme.

  A002000945 

 L'honneur, donques, souverain et supreme est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la maniere avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme.

  A002000951 

 De mesme, selon la premiere consideration, l'image de Nostre Seigneur est plus honnorable que le cors d'un martyr, d'autant qu'elle appartient a une infinie excellence, et le cors du martyr n'appartient qu'a une excellence limitee; mais selon la seconde consideration le cors du saint est plus venerable que l'image de Nostre Seigneur, [332] car encor que l'image de Dieu appartient a une excellence infinie, si luy appartient-elle presque infiniment peu, au prix de ce que le cors appartient de fort pres au martyr, duquel il est une partie substantielle qui ressuscitera pour estre faitte participante de la gloire.

  A002000953 

 Pour vray, il ne les faut jamais appeller adorations simplement et sans bonnes limitations, car, si le mot d'adoration panche plus a signifier l'honneur deu a Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé a signifier le subalterne sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage pour signifier les adorations relatives et imparfaittes, sinon qu'on aye limité la course de sa signification a la mesure de l'honneur qu'on veut nommer..

  A002000957 

 Au demeurant, jamais il ne faut dire qu'on adore de l'adoration de latrie, simplement, autre que Dieu tout puissant.

  A002000957 

 Le docte Bellarmin le prouve suffisamment, quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appartenances exterieures de Dieu; et certes, puysque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000963 

 Si l'adoration relative des appartenances de Jesus Christ s'appelle latrie imparfaitte, parce qu'elle se rapporte a la vraye et parfaitte latrie deuë a Jesus Christ, et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre Dame s'appelle hyperdulie, d'autant qu'elle vise a la parfaitte hyperdulie deuë a ceste celeste Dame, ou l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des Saintz s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se reduit a la parfaitte dulie deuë a ces glorieux Peres, pourquoy n'appellera-on adoration de latrie l'honneur qu'on fait a la Vierge Mere de Dieu, et aux Saintz, puysque l'honneur de la Mere et des serviteurs redonde tout et se rapporte entierement a l'honneur et gloire du Filz et Seigneur Jesus Christ, nostre souverain Dieu et Redempteur? Tout honneur se rapporte a Dieu, comme il a esté clairement deduit en l'Avant-Propos, donq tout honneur est, et se doit appeller, adoration relative de latrie.

  A002000964 

 Ainsy donne-on le pain au pauvre en aumosne, et au prestre en oblation; l'un et l'autre don vise et tend a Dieu, mays differemment: car l'aumosne vise a Dieu comme a sa fin, et a pour son objet le pauvre, l'oblation vise a Dieu comme a son propre objet, quoy qu'elle soit receuë par le prestre..

  A002000964 

 Il est neanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considere en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est representé et reconneu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté.

  A002000964 

 Les honneurs subalternes se rapportent a Dieu en deux façons: ou comme a leur premier principe et derniere fin, ou comme a leur objet et sujet.

  A002000964 

 Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve reellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres a Dieu comme a sa fin et a son principe.

  A002000964 

 Or, l'honneur subalterne, quoy que absolu et propre, se rapporte a Dieu comme a son principe premier et fin [337] derniere, et non comme a son objet; mais l'honneur relatif se rapporte a Dieu comme a son objet et sujet, dont il est nommé honneur de latrie.

  A002000972 

 Pour vray, aucun n'honnore le roy a cause de sa robbe, mays aussi aucun ne separe la robbe, du roy, pour adorer simplement la personne royale; on fait la reverence au roy vestu, et nous adorons Jesus Christ crucifié; l'adoration portee au Crucifix fait reverberation [340] et reflexion a la Croix, aux clouz, a la couronne, comme a choses qui luy sont unies, jointes et attachees: dont ceste adoration, ou plustost coadoration, estant un accessoire de l'adoration faitte au Filz de Dieu, elle porte le nom et appellation de son principal, ressentant aussi de sa nature.

  A002001023 

 Que Dieu, par le bois qui le serre,.

  A002001041 

 Dieu seul grand, haute Trinité,.

  A002001055 

 X; laquelle est reellement et immediatement portee et dressee a la Croix comme a son premier et particulier objet, puys tout d'un coup rapportee et redressee au Crucifix comme a son objet final, universel et fondamental, puysque l'honneur porté a la Croix (entant qu'elle est remembrance du Crucifix et de sa crucifixion) n'est autre sinon une dependance, appartenance et accessoire de la grande et souveraine latrie deuë a la majesté de Celuy, lequel estant egal a Dieu son Pere, s'est humilié et abbaissé jusques a la mort de la Croix..

  A002001060 

 On peut dire que la Croix est encor adoree, selon quelque exterieure apparence, quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action exterieure ni l'interieure n'est dressee a la Croix; ne plus ne moins que lhors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon l'Orient, mais monstrons seulement que nous adorons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut pour esclairer tout homme venant en ce monde..

  A002001067 

 Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque des choses qui sont au ciel en haut, ni en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux.

  A002001068 

 Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001069 

 Dieu proposa l'ornement des images en ce vieux Temple, a la veuë d'un peuple si enclin a l'idolatrie; qui gardera l'Eglise d'orner les siens des remembrances de la Croix et des glorieux soldatz qui, sous cest Estendart, ont abattu toute l'idolatrie? Aussi, certes, l'a-elle fait de tous tems; jamais elle n'eut temple (qu'on sçache) sans Croix, comme j'ay prouvé ci dessus.

  A002001070 

 Et ceux ci ont dit la verité quant a ce point, que les images de Dieu, a proprement parler, sont defendues; mais ilz ont mal entendu le commandement, estimans qu'autres similitudes n'y soyent defendues sinon celles de Dieu..

  A002001070 

 III. Autres ont dit que par ceste defense les autres ressemblances ne sont rejettees, sinon celles qui sont faittes pour representer immediatement et formellement Dieu selon l'essence et nature divine.

  A002001071 

 Ainsy le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent pas images de Dieu, mais signes d'iceluy; et tous les portraitz des choses spirituelles ne sont pas tant portraitz de ces choses-la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001074 

 L'idolatrie gist en deux sortes d'actions: les unes sont interieures, par lesquelles on croit et reconnoit pour Dieu ce qui n'est pas Dieu; les autres sont exterieures, par lesquelles on proteste de l'interieur par les inclinations et sousmissions exterieures.

  A002001074 

 Les premieres actions peuvent estre sans les secondes, et semblablement les secondes sans les premieres; car celuy qui est affectionné aux idoles, quoy qu'il n'en face aucune demonstration, il est idolatre, et celuy qui volontairement adore ou honnore les idoles exterieurement, quoy qu'il ne leur aye aucune affection, il est idolatre exterieurement, et tant l'un que l'autre offense l'honneur deu a Dieu.

  A002001074 

 Que s'il est ainsy, comme je n'en doute point, ceste prohibition de ne faire aucune similitude se doit entendre non absolument et simplement, mais selon la fin et intention du commandement, comme s'il estoit dit: Tu n'auras point d'autres dieux que moy; tu ne te feras aucune idole, ni aucune similitude, a sçavoir, pour l'avoir en qualité de Dieu, ni les adoreras point ni serviras en ceste qualité-la; en maniere que tout ce qui est porté en ce commandement soit entierement rapporté a ce seul point, de n'avoir autre Dieu que le vray Dieu, de ne donner a chose quelconque l'honneur deu a sa divine Majesté, et en somme de n'estre point idolatre.

  A002001075 

 Mais si quelqu'un veut debattre que la prohibition de n'avoir autre que le seul vray Dieu soit un commandement separé de l'autre defense, Tu ne te feras aucune idole ou semblance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois produire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture, on veuille faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on veuille lever a ces loys le nom de Decalogue).

  A002001077 

 Elle est puisee tout nettement de la parole de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurement en un lieu a accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment es articles d'importance et necessaires.

  A002001077 

 Et en l'Exode, Dieu inculquant son premier commandement, Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a defendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolatrer..

  A002001078 

 Ceste interpretation joint tres bien a toutes les autres pieces non seulement du premier commandement, mays de toute la premiere Table, lesquelles ne visent qu'a l'establissement du vray honneur de Dieu; car elle leve toute occasion a l'idolatrie et a toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans neanmoins lever le droit usage des images, ni imposer a Dieu une jalousie desreglee et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-Propos..

  A002001079 

 Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'honneur de Dieu, non seulement es temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour representer la Divinité, qui ne suffit pas nomplus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument [358] tout usage idolatrique: qui est le vray et unique projet de ce premier commandement..

  A002001080 

 L'idolatrie [intérieure] ne consiste pas a se representer en l'ame les creatures par les especes et images intelligibles, mais seulement a se les representer comme divinités; tout de mesme, l'idolatrie exterieure ne consiste pas a se representer les creatures par les ressemblances et images sensibles, mais seulement a se les representer comme divinités: si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne defend point de se representer interieurement les creatures, aussi la prohibition, Tu ne te feras similitude quelconque, ne defend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de les representer pour Dieu en les adorant et servant; c'est cela seul qui est defendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur..

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001082 

 Si que, non seulement le vray usage des sacrees et saintes images n'est aucunement defendu, mais est commandé et comprins par tout ou il est commandé d'adorer Dieu et d'honnorer ses Saintz, puysque c'est une legitime façon d'honnorer une personne, d'avoir fait son image et portrait pour le priser selon la mesure et proportion de la valeur du principal sujet.

  A002001086 

 Calvin traduit ainsy, et sur l'excuse des deux tribus et demy fait ce commentaire: « Neanmoins si semble-il qu'il y a eu encor quelque faute en eux, a cause que la Loy defend de dresser des statues de quelque façon qu'elles soyent: mays l'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque [362].

  A002001086 

 Les Israëlites qui estoyent demeurés en Canaan eurent nouvelles de l'edification de cest autel, et douterent que les Rubenites, Gadites et ceux de la my-tribu de Manassé ne voulussent faire schisme et division en la religion, d'avec le reste du peuple de Dieu, au moyen de cest autel.

  A002001086 

 Les enfans d'Israël estoyent des-ja saisis de la terre de promission, les lotz et portions avoyent esté assignés a une chacune des tribus, si que le grand Josué estima de devoir congedier les Rubenites, Gadites, et la moitié des Manasseens, lesquelz, ayans des-ja prins et receu le lot de leur partage au dela du Jordain, avoyent neanmoins assisté en tout et par tout au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paisibles possesseurs de la part du païs que Dieu leur avoit promis, comme se rendans evictionnaires les uns pour les autres.

  A002001087 

 enefice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais defendu en passage quelconque, autrement et Josué et plusieurs saintz Juges et Roys qui sont venuz apres luy se fussent souillés en une nouveauté profane.

  A002001088 

 Mays, sur tout, le texte porte une signalee consideration pour l'establissement du juste usage des images et remembrances des choses saintes: considerons-le donques, et finissons tout ce Traitté au nom de Dieu.

  A002001096 

 Les Catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes, autel sur lequel seul l'odeur de suavité est aggreable a Dieu; les novateurs qui ne font que naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une vaine et fade usurpation.

  A002001101 

 C'est un offre digne de la congregation de Dieu..

  A002001108 

 Mais Dieu, lequel, mort en Croix,.

  A002001119 

 C'est la ou doivent nicher toutes nos esperances, et de nostre amendement et de la conversion des devoyés, laquelle il faut aussi ayder par voye de remonstrance et instruction, car Dieu l'a ainsy establi.

  A002001119 

 Que si [370] Dieu favorise mon projet de quelque desirable effect, si en ce combat que j'ay fait pour son honneur contre ce traitteur inconneu, il luy plaist me mettre en main quelques despouïlles, c'est a luy seul que l'honneur en est deu, c'est en la Croix, comme en un temple sacré, ou elles doivent estre pendues en trophees.

  A002001120 

 L'enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee, qu'elle fut exposee a la contradiction des Juifz, heretiques et perfides, desquelz parlant saint Paul: Plusieurs, disoit-il, cheminent, desquelz je vous parlois bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jesus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius deduit doctement et au long en ses Annales.

  A002001120 

 Nous adorons ce que nous sçavons, or nous sçavons Jesus Christ en Croix et la Croix en Jesus Christ; c'est pourquoy je fais fin par cest abregé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay deduit jusques a present, protestant avec le glorieux predicateur de la Croix, saint Paul (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours): Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A002001137 

 Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001137 

 L'autre partie, reconnoissant fort bien que nous ne recognoissons qu'un seul Dieu et que lhonneur que nous portons a la Croix est tout autre que celuy qui est deu a Dieu, ne laissent pour cela de crier que nous sommes idolatres.

  A002001138 

 » Ainsy sembl'il que cest honneste homme, Dieu me le pardonne, veut dire qu'il y a deux idolatries, l'une payenne et l'autre chrestienne.

  A002001139 

 il nous veut prendre par un autre biais: « Quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en departir une portion a aucun homme, ou a la Croix materielle, ou a creature qui soit.

  A002001139 

 » Par ou il semble vouloir dire, qu'encor que nous adorions Jesuschrist et le reconnoissions pour seul Dieu avec le Pere et le S t Esprit, nous ne laissons pas d'estr'idolatres disans: Seigneur nous adorons ta Croix, qui sont, dit-il, paroles blasphematoires..

  A002001141 

 Car voicy la resolution du placquart: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoyre du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002001143 

 23, et David commande que l'on adore l'escabeau des piedz de Dieu par ce quil est saint, c'est a dire, l'Arche de l'alliance.

  A002001143 

 Ainsy est il dict, Dominum Deum tuum adorabis: Tu adoreras le Seig r ton Dieu, Deut.

  A002001143 

 Il faut donq sçavoir, premierement, que le mot d'adorer, en la saint'Escriture, ne veut dir'autre chose que faire reverence et veneration, comme de fait c'est sa vraye signification; si que il ne signifie pas seulement la reverence ou hommage fait a Dieu, mais aussi lhonneur et veneration fait aux hommes, aux Anges et autres choses crees et saintes.

  A002001143 

 Par ou lon void que le mot d'adorer s'employe pour toute sorte de reverence qui se fait a Dieu, aux Anges, aux hommes saintz, aux hommes non saintz, et aux creatures inanimees; mais ce seul lieu de Paralipom.

  A002001144 

 C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a lhonneur des creatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire.

  A002001144 

 Danielis, in hæc verba, Et statuam quam fecisti non adoramus: Cultores Dei imagines adorare non debent. Et lib. contra Vigilantium: Quis Martires adoravit? quis hominem putavit Deum? Voyes vous comm'il prend le mot d'adorer pour un honneur par lequel on estime la chose adoree estre Dieu?.

  A002001144 

 Dequoy la rayson est par ce que l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité: l'adoration donques deüe a Dieu est si excellente en comparaison de celle que l'on fait aux creatures, que, ni ayant presque point de proportion, l'adoration des creatures n'est presque pas adoration au pris de celle que l'on fait a Dieu.

  A002001144 

 Et tout de mesme, l'Eglise sainte et ses Docteurs applique ce mot d'adorer pour lhonneur de Dieu et des creatures, selon ce que S t Augustin tesmoigne tout ouvertement, que nous autres Latins n'avons point de mot particulier pour signifier le service deu a Dieu seul, mais avons emprunté le mot de latrie des Grecz, l. 10.

  A002001144 

 de Civit. c. 1, et epist. 59, ad Deogratias; et neanmoins a qui considerera de pres la maniere de parler de l'Escriture et des Anciens, il verra que le mot d'adorer panche un peu plus a la signification de lhonneur deu a Dieu seul, que non pas aux autres.

  A002001148 

 in Gen., que il n'est pas dit: Tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouÿ bien: Tu serviras au seul Seigneur ton Dieu, ou au grec le mot de latrie est employé, qui signifie un service deu a Dieu seul.

  A002001149 

 Et de vray, puysque le mot d'adorer ne signifie autre que l'action par laquelle une personne honnore un'autre en reconnoissance de quelqu'advantageuse excellence qu'ell'y pens'estre, l'adoration joint beaucoup mieux a lhonneur deu a Dieu qu'a celuy que l'on rend aux creatures; car quand elle s'adress'a Dien, elle prend toute l'estendue et desploye toute sa force sans estre contrainte ni limitee a certain ply ou mesure, comme ell'est quand on l'adress'aux creatures.

  A002001149 

 On voit donq ce que je viens de dire, que les anciens Peres rapportent le mot d'adorer a lhonneur deu aux creatures, et que neanmoins ilz ont estimé quil estoit un peu plus duysant et sortable a signifier particulierement lhonneur deu a Dieu tout puyssant.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001153 

 Car ayans remarqué que le mot grec de dulie s'appliqu'indifferemment au service de Dieu et des creatures, et que le mot de latrie, comme dit le grand S t Aug. en plusieurs endroitz, n'est presqu'appliqué qu'au service de Dieu, ilz ont appellé le service deu a un seul Dieu, latrie, et celuy qui se peut rapporter aux creatures, dulie.

  A002001154 

 est la principale et formelle: car la premiere est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peuvent a son excellence, et ceux desquelz parle S t Pol, Rom. 1, qui, connoissans Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie; la seule seconde est tousjours vraÿe adoration..

  A002001155 

 qu'autre que la creature ne peut adorer; car Dieu qui ne peut rencontrer hors de soi aucune excellence qui soit advantageuse sur luy, ains devance de l'infinité toute autre perfection, il ne peut adorer chose quelqu'onque.

  A002001156 

 Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy: comm'on honore les superieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu; ainsy les peres et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est supreme Pere, principe, recteur et Seig r; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tesmoignant de l'experience; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique.

  A002001158 

 On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'experience, et l'experience apporte la prudence; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la liberalité et magnificence; on honnore les magistratz par ce quilz representent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sieges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on deteste l'ignorance par contraires raysons.

  A002001158 

 Parlons des choses sacrees: on honnore les eglises, les vases sacrés, par ce quilz sont instrumens de la religion et service de Dieu; on honnore les images, comme le Serpent d'airain et le Coffre de l'alliance, par ce quilz representent N. S. et quilz sont des acheminemens..

  A002001159 

 Or ces choses qui n'ont aucun motif en elles mesme pour estre honnorees sinon le rapport qu'elles ont a Dieu ou aux creatures intelligentes et vertueuses, ces choses, dis je, peuvent estr'honnorees en diverses sortes.

  A002001164 

 « L'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque benefice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais defendu en passage quelconque.

  A002001172 

 Mettons donq au net la prohibition divine en ses termes: Tu ne te feras aucune statue, ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit.

  A002001176 

 Les images des Cherubins, des lions, vaches, pommes graines, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cæsar et il ne la rejette point, ains l'approuve.

  A002001176 

 Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001177 

 C'est une opinion nouvelle, vaine et hæretique, suivie par un grand tas de schismatiques et chicaneurs, mais ell'est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente, et non moins a l'Eglise de Dieu et a la nature.

  A002001177 

 Les Juifz n'ont nomplus le suc de l'Escriture que ceux ci, mais ilz ont pour le moins l'escorce touchant ce point; et ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en produisent ni suc ni escorce, mais avancent leur volonté comme parole de Dieu, et qui ne les croira ilz le proclameront antichrist.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001177 

 Si Dieu voulut ainsyn orner ce vieux Temple a la veuë d'un peuple si sujet a l'idolatrie, qui gardera l'Eglise d'orner les siens des images de la Croix et de ceux qui sous ce saint Estendart ont renversé toute l'idolatrie? Aussi certes l'a-elle fait de tous tems, et ne sçauroit on monstrer que les Chrestiens ayent eu jamais des eglises ou temples qu'elle ny aye eu des Croix et autres images, comme j'ay suffisamment prouvé ci dessus.

  A002001178 

 Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent defendues sinon celles qui servent de representer Dieu selon la nature de sa Divinité: et je m'y accorde simplement et purement, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour representer la propre forme et essence Divine immediatement; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre representé par les choses visibles immediatement et formellement.

  A002001178 

 Les images donq qu'on fait de Dieu, des Cherubins et Anges, ou des ames, ne sont pas tant images de ces choses la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001178 

 Mais je dis outre tout cela que la force de la prohibition, de ne faire similitudes de quoy que ce soit, portee au commandement de Dieu, n'est pas suffisamment deduitte par ceste consideration.

  A002001178 

 Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Pere et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a representer les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne représentoyent pas Dieu selon sa Divinité par maniere d'images et statues de Dieu, mais par maniere de simples signes.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001188 

 Dieu, par Ezechiel Prophete, au 9.

  A002001188 

 Et si bien on [ne] doit attribuer vertu aux signes et caracteres, toutesfois ce signe est si divin qu'il ne sçauroit estre superstitieux et diabolique, veu que Dieu en fait grand estat et l'a fait predire au Prophete Ezechiel, c. 9, sous la figure de Thau; laquelle S. Hyerosme, sur ce lieu, applique formellement à la Croix.

  A002001188 

 S. Chrysostome, du mesme temps, en l'homelie Que Jesus Christ est Dieu, traicte admirablement de la gloire de ce signe, et atteste comme tous Sacremens estoyent faicts et parachevez par iceluy, et dit qu'il s'en faut servir, en ces termes: Crux in fronte nostra quasi in columna quotidie figuratur.

  A002001188 

 contre Julien l'Apostat, dit que ce meschant, effrayé de la vision des diables, fut contrainct de se servir du signe de la Croix, comme il avoit veu faire aux Chrestiens; d'autant que Dieu a [405] donné à ce signe une vertu particuliere contre les malins esprits, selon qu'afferme S. Augustin au liv. des 83 qq., question 79, où il dit que Dieu a commandé aux diables de ceder à la Croix, comme au Sceptre du souverain Roy.

  A002001188 

 de la Cité de Dieu, c. 8, il atteste, qu'une femme fut guerie d'un chancre mortel par la vertu du signe de la Croix.

  A002001194 

 De maniere qu'il n'y a aucune idolatrie à honnorer la Croix, que le mesme Fils de Dieu appelle son signe, en sainct Matthieu, 24.

  A002001194 

 Il est bien vray que mourant pour Dieu ou la patrie, la mort en est glorieuse; en memoire de laquelle on pourroit en honnorer les instruments: sur tout si cela avoit causé quelque grand bien, comme a faict la Croix, vray autel du souverain sacrifice qui est Jesus Christ, selon sainct Paul, Heb. c. 7, et Colloss.

  A002001194 

 Par laquelle nous devons estre poussez à venerer l'image de la Croix, et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir à la memoire du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire.

  A002001194 

 Que s'il est gibet, c'est celuy du Dieu de la Majesté, et du Roy de gloire, où il souffrit heureusement et honnorablement pour nostre salut, sans aucun peché ny crime, ainsi que confesserent ses mesmes ennemis.

  A002001194 

 Sainct Ambroise, livre du Sacrement de l'Incarnation, c. 7, dit: « Quand nous venerons en Jesus Christ l'image de Dieu et sa Croix, ce n'est pas pour le diviser et separer en deux.

  A002001194 

 chap.: Je mets mon ame, nul ne me l'oste, comme estant ceste mort ordonnee par l'eternel conseil de Dieu, és Actes des Apostres, c. 2.

  A002001194 

 » C'est chose admirable que Dieu ayant deffendu l'idolatrie, ne laissa en apres, au livre des Nombres, c. 21, de faire dresser sur le bois le Serpent de bronze, en forme pendante, encores que le peuple fut tombé en idolatrie.

  A002001205 

 de la Cité de Dieu, chap. 8, tesmoigne avoir veu une femme guerie d'un chancre mortel, lors qu'on luy fit au dessus le signe de la Croix..

  A002001234 

 L'Apostre se plaignoit et, baigné de larmes, disoit que plusieurs cheminoyent et conversoyent entre les Chrestiens desreglement, et se rendoyent ennemis de la Croix de Jesus Christ; desquels la fin est perdition, le dieu desquels est le ventre, et leur gloire est en leur confusion.

  A002001234 

 Mais s'il estoit en terre humainement conversant en la cité de ce monde terrestre, tesmoin et auditeur des sacrileges, blasphemes, impietés et horribles discours que les obstinez adversaires de Dieu et de son Eglise unique, Catholique, Apostolique et Romaine, vomissent et desgorgent verballement en leurs synagogues et par escrit en leurs livrets diffamatoires contre l'adoration de la saincte Croix, ce grand Docteur des Gentils se transformeroit volontiers au flebile et pleureux Heraclite pour la compassion qu'il prendrait de ces blasphemateurs..

  A002001237 

 Car de cognoistre Dieu par l'esprit seulement [ne suffit pas], sinon que par mesme moyen l'on cognoisse le Fils de Dieu estre venu pour nostre redemption in carne; et sic inseparabiliter debemus agnoscere, et divinitatem et humanitatem, ut habeamus vitam æternam: vieille heresie tiree de Triphonis antro; contra quem le Pere sainct Augustin ayant disputé, combattu, et gagné la caverne de Dieu, ita posteritati scripsit, in suo tract. De fide et symbolo: Solet quosdam offendere, vel ipsos gentiles vel hæreticos, quod credamus assumptum terrenum Christi corpus in cælum; ut dicant terrenum aliquid in cælo esse non posse: nostras enim Scripturas non noverant, nec sciant quomodo dictum sit: Seminatur corpus animale, surget corpus spiritale..

  A002001323 

 Dans l'Eglise de Dieu, que sous l'horreur de Mars:.

  A002001333 

 Tu as produicts des fleurs en l'Eglise de Dieu,.

  A002001473 

 Qui du sang de mon Dieu prit sa couleur plus belle..

  A002001485 

 Sur toy le Fils de Dieu, Redempteur des humains,.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000032 

 Des benefices de Dieu.

  A003000069 

 Chapitre XX. Protestation authentique pour graver en l'ame la resolution de servir Dieu et conclure les actes de penitence.

  A003000074 

 Seconde partie de l'Introduction contenant divers advis pour l'eslevation de l'ame a Dieu par l'orayson et les sacremens 39.

  A003000076 

 Chapitre II. Briefve methode pour la meditation, et premierement de la presence de Dieu, premier point de la preparation.

  A003000091 

 Chapitre XVII. Comme il faut ouir et lire la parole de Dieu.

  A003000122 

 Chapitre XXVI. Du parler, et premierement comme il faut parler de Dieu.

  A003000156 

 Chapitre II. Consideration sur le benefice que Dieu nous fait, nous appellant a son service selon la protestation mise ci-dessus.

  A003000158 

 Chapitre IV. Examen de l'estat de nostre ame envers Dieu.

  A003000168 

 Chapitre XIV. Cinquiesme consideration: De l'amour eternel de Dieu envers nous.

  A003000200 

 Meditation 3 - Des benefices de Dieu.

  A003000241 

 Briefve methode, de bien faire les meditations precedentes, et toutes autres, et premierement du premier poinct de la preparation de la presence de Dieu - Chap.

  A003000251 

 Protestation authentique pour graver en l'ame la resolution de servir Dieu et conclurre les actes de penitence - Chap.

  A003000295 

 Comme il faut ouir et lire la parolle de Dieu - Chap.

  A003000296 

 Qu'il faut parler de Dieu, et comment - Chap.

  A003000314 

 Considerations sur le benefice que Dieu vous a fait vous appellant a la resolution d'embrasser la vie devote, selon vostre protestation mise cy dessus - Chap.

  A003000318 

 Examen, et premierement de nostre estat envers Dieu - Chap.

  A003000343 

 Mais ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public: une ame vrayement pleine d'honneur et de vertu ayant, il y a quelque tems, receu de Dieu la grace de vouloir aspirer a la vie devote, desira ma particuliere assistance pour ce regard; et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long tems auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, je me rendis fort soigneux de la bien instruire, et l'ayant conduitte par tous les exercices convenables a son desir et sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, affin qu'elle y eust recours a son besoin.

  A003000345 

 J'addresse mes paroles a Philothee, parce que, voulant reduire a l'utilité commune de plusieurs ames ce que j'avois premierement escrit pour une seule, je l'appelle du nom commun a toutes celles qui veulent estre devotes; car Philothee veut dire amatrice ou amoureuse de Dieu..

  A003000346 

 Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie.

  A003000346 

 Regardant donq en tout ceci une ame qui, par le desir de la devotion, aspire a l'amour de Dieu, j'ay fait cette Introduction de cinq Parties, en la premiere desquelles je m'essaye, par quelques remonstrances et exercices, de convertir le simple desir de Philothee en une entiere resolution, qu'elle fait a la parfin apres sa confession generale par une solide protestation, suivie de la tressainte Communion, en laquelle, se donnant a son Sauveur et le recevant, elle entre heureusement en son saint amour.

  A003000350 

 La belle et chaste Rebecca, abbreuvant les chameaux d'Isaac, fut destinee pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'oreilles et des brasseletz d'or; ainsy je me prometz de l'immense bonté de mon Dieu que, conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes oreilles les paroles dorees de son saint amour, et en mes bras la force de les [11] bien executer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion, que je supplie sa Majesté me vouloir octroyer et a tous les enfans de son Eglise; Eglise a laquelle je veux a jamais sousmettre mes escritz, mes actions, mes paroles, mes volontés et mes pensees..

  A003000350 

 » Or, il m'est advis, mon Lecteur mon ami, qu'estant Evesque, Dieu veut que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encores sa treschere et bien aymee devotion; et moy je l'entreprens volontier, tant pour obeir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay qu'en la gravant dans l'esprit des autres, le mien a l'adventure en deviendra saintement amoureux.

  A003000360 

 Ainsy les pecheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n'ont pas encor atteint la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement et hautement.

  A003000360 

 Bref, la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnement; et comme il appartient a la charité de nous faire generalement et universellement pratiquer tous les commandemens de Dieu, il appartient aussi a la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003000360 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu ne peut estre estimé ni bon ni devot, puisque pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003000360 

 La vraye et vivante devotion, o Philothee, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un vray amour de Dieu; mais non pas toutefois un amour tel quel: car, entant que l'amour divin embellit nostre ame, il s'appelle grace, nous rendant aggreables a sa divine Majesté; entant qu'il nous donne la force de bien faire, il s'appelle charité; mais quand il est [14] parvenu jusques au degré de perfection auquel il ne nous fait pas seulement bien faire, ains nous fait operer soigneusement, frequemment et promptement, alhors il s'appelle devotion.

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 En fin, la charité et la devotion ne sont non plus differentes l'une de l'autre que la flamme l'est du feu, d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'appelle devotion: si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement a l'observation des commandemens de Dieu, mais a l'exercice des conseilz et inspirations celestes..

  A003000361 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend promptz et actifz et diligens a l'observation de tous les commandemens de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque a faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encores qu'elles ne soyent aucunement commandees, ains [15] seulement conseillees ou inspirees.

  A003000368 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costés entre les-quelz on monte, et ausquelz les eschellons se tiennent, representent l'orayson qui impetre l'amour de Dieu et les Sacremens qui le conferent; les eschellons ne sont autre chose que les divers degrés de charité par lesquelz l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation a l'union amoureuse de Dieu.

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000374 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruitz, chacune selon son genre: ainsy commande-il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ilz produisent des fruitz de devotion, un chacun selon sa qualité et vacation.

  A003000380 

 Quoy que vous cherchies, dit le devot Avila, « vous ne treuveres jamais si asseurement la volonté de Dieu que par le chemin de cette humble obeissance, tant recommandee et prattiquee par tous les anciens devotz.».

  A003000381 

 La bienheureuse Mere Therese voyant que madame Catherine de Cardone faisoit des grandes penitences, desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son confesseur qui le luy defendoit, auquel elle [22] estoit tentee de ne point obeir pour ce regard; et Dieu luy dit: « Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin.

  A003000381 

 » Aussi elle aymoit tant cette vertu, qu'outre l'obeissance qu'elle devoit a ses superieurs, elle en voua une toute particuliere a un excellent homme, s'obligeant de suivre sa direction et conduite, dont elle fut infiniment consolee; comme, apres et devant elle, plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assujettir a Dieu, ont sousmis leur volonté a celle de ses serviteurs, ce que sainte Catherine de Sienne loue infiniment en ses Dialogues.

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000383 

 Mais qui treuvera cet ami? Le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu; c'est a dire, les humbles qui desirent fort leur avancement spirituel.

  A003000383 

 Puisqu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, pries Dieu avec une grande instance qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur, et ne doutes point; car, quand il devroit envoyer un Ange du ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003000384 

 Or, ce doit tous-jours estre un Ange pour vous: c'est a dire, quand vous l'aures treuvee, ne la considerés pas comme un simple homme, et ne vous confies point en iceluy ni en son sçavoir humain, mais en Dieu, lequel vous favorisera et parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur et dedans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bonheur; si que vous le deves escouter comme un Ange qui descend du ciel pour vous y mener.

  A003000385 

 Mais je vous dis derechef, demandes-le a Dieu, et l'ayant obtenu benisses sa divine Majesté, demeurés ferme et n'en cherches point d'autres, ains alles simplement, humblement et confidemment, car vous feres un tres heureux voyage..

  A003000389 

 La fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster [25] la robbe de sa captivité, rogner ses ongles et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire a l'honneur d'estre espouse du Filz de Dieu, se doit despouiller du viel homme et se revestir du nouveau, quittant le peché; puis, rogner et raser toutes sortes d'empeschemens qui destournent de l'amour de Dieu.

  A003000396 

 Et ayant ainsy preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestes-les et les rejettes par une contrition et desplaysir aussi grand que vostre cœur pourra souffrir, considerant ces quatre choses: que par le [28] peché vous aves perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peynes eternelles de l'enfer et renoncé a l'amour eternel de Dieu..

  A003000397 

 Mais outre cela, la confession generale nous appelle a la connoissance de nous mesmes, nous provoque a une salutaire confusion pour nostre vie passee, nous fait admirer la misericorde de Dieu qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, delasse nos espritz, excite en nous des bons propos, donne sujet a nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables a nostre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien declarer aux confessions suivantes..

  A003000398 

 Parlant donq d'un renouvellement general de nostre cœur et d'une conversion universelle de nostre ame a Dieu, par l'entreprise de la vie devote, j'ay bien rayson, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generale.

  A003000402 

 Un homme resolu de se venger changera de volonté en la [30] confession, mais tost apres on le treuvera parmi ses amis qui prend playsir a parler de sa querelle, disant que si ce n'eust esté la crainte de Dieu, il eust fait ceci et cela, et que la loy divine en cet article de pardonner est difficile; que pleust a Dieu qu'il fust permis de se venger! Ha, qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neanmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect, il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger! comme fait cette femme qui, ayant detesté ses mauvaises amours, se plaist neanmoins d'estre muguettee et environnee.

  A003000408 

 Or, pour parvenir a cette apprehension et contrition, il faut que vous vous exercies soigneusement aux meditations suivantes, lesquelles estans bien prattiquees desracineront de vostre cœur, moyennant la grace de Dieu, le peché et les principales affections du peché; aussi les ay-je dressees tout a fait pour cet usage.

  A003000413 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000418 

 Dieu vous a fait esclore de ce rien, pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté..

  A003000419 

 Considerés l'estre que Dieu vous a donné; car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement et de s'unir parfaittement a sa divine Majesté..

  A003000422 

 Et comment eustes-vous memoire de moy pour me creer? Helas, mon ame, tu estois abismee dans cet ancien neant, et y serois encores de present si Dieu ne t'en eust retiree; et que ferois-tu dedans ce rien? [34].

  A003000422 

 Humilies-vous profondement devant Dieu, disant de cœur avec le Psalmiste: O Seigneur, je suis devant vous comme un vray rien.

  A003000423 

 Rendes graces a Dieu.

  A003000425 

 Abaisses-vous devant Dieu.

  A003000425 

 O Dieu, je suis l'ouvrage de vos mains..

  A003000425 

 O mon ame, sçache que le Seigneur est ton Dieu; c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003000430 

 Benis, o mon ame, ton Dieu et que toutes mes entrailles loüent son saint Nom; car sa bonté m'a tiree de rien, et sa misericorde m'a creée..

  A003000430 

 Remercies Dieu.

  A003000431 

 O mon Dieu, je vous offre l'estre que vous m'aves donné, avec tout mon cœur; je le vous dedie et consacre.

  A003000432 

 O Dieu, fortifies moy en ces affections et resolutions; o Sainte Vierge, recommandes les a la misericorde de vostre Filz, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc..

  A003000438 

 Mettes-vous devant Dieu..

  A003000442 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile, mais seulement affin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace et sa gloire.

  A003000447 

 Helas, ce dires-vous, que pensois-je, o mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois-je quand je vous oubliois? qu'aymois-je quand je ne vous aymois pas? Helas, je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir..

  A003000449 

 Convertisses-vous a Dieu.

  A003000449 

 Et vous, o mon Dieu, mon Sauveur, vous seres doresnavant le seul objet de mes pensees; non, jamais je n'appliqueray mon esprit a des cogitations qui vous soient desaggreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie, de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercee en mon endroit; vous seres les delices de mon cœur et la suavité de mes affections.

  A003000452 

 Remercies Dieu qui vous a faite pour une fin si excellente.

  A003000454 

 Je vous supplie, o Dieu, d'avoir aggreables mes souhaitz et mes vœux, et de donner vostre sainte benediction a mon ame, a celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Filz respandu sur la Croix, etc..

  A003000460 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000464 

 Consideres les graces corporelles que Dieu vous a donnees: quel cors, quelles commodités de l'entretenir, quelle santé, quelles consolations loysibles [38] pour iceluy, quelz amis, quelles assistances.

  A003000464 

 Mais cela consideres-le avec une comparayson de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastés de cors, de santé, de membres; les autres abandonnés a la merci des opprobres, et du mespris et deshonneur; les autres accablés de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussies si miserable..

  A003000465 

 Consideres les dons de l'esprit: combien y a-il au monde de gens hebetés, enragés, insensés; et pourquoy n'estes-vous pas du nombre? Dieu vous a favorisee.

  A003000466 

 Combien de fois vous a-il donné ses Sacremens? combien de fois, des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amendement? combien de fois vous a-il pardonné vos fautes? combien de fois, delivree des occasions de vous perdre ou vous esties exposee? Et ces annees passees, n'estoyent ce pas un loysir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? Voyes un peu par le menu combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003000466 

 Consideres les graces spirituelles: o Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise; Dieu vous a enseignee sa connoissance des vostre jeunesse.

  A003000469 

 Admires la bonté de Dieu.

  A003000469 

 O que mon Dieu est bon en mon endroit! O qu'il est bon! Que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! O mon ame, racontons a jamais combien de graces il nous a faites..

  A003000471 

 Et comment mon ame ne sera-elle pas meshuy sujette a Dieu, qui a fait tant de merveilles et de graces en moy et pour moy?.

  A003000472 

 Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu.

  A003000475 

 Remercies Dieu de la connoissance qu'il vous a donnee maintenant de vostre devoir, et de tous les bienfaitz cy devant receus..

  A003000484 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000488 

 Penses combien il y a que vous commencés a pecher, et voyes combien des ce premier commencement les pechés se sont multipliés en vostre cœur; comme tous les jours vous les aves accreus contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parole, par desir et pensee..

  A003000490 

 Avec quelle preparation les aves-vous receus? Pensés a cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres pour vous sauver, vous aves tous-jours fui devant luy pour vous perdre..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000493 

 O mon Dieu, comment ose-je comparoistre devant vos yeux? Helas, je ne suis qu'un apostheme du monde et un esgoust d'ingratitude et d'iniquité.

  A003000501 

 Remerciés Dieu qui vous a attendue jusques a cette heure, et vous a donné ces bonnes affections..

  A003000508 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000514 

 Ah chetifve, pour quelles bagatelles et chimeres ay je offensé mon Dieu! Vous verrés que nous avons quitté Dieu pour neant.

  A003000516 

 Consideres les empressemens qu'on aura pour lever ce cors-la et le cacher en terre, et que, cela fait, le monde ne pensera plus gueres en vous, ni n'en sera plus memoire, non plus que vous n'avés gueres pensé aux autres: Dieu luy face paix, dira-on, et puis, c'est tout.

  A003000520 

 Pries Dieu et vous jettes entre ses bras.

  A003000525 

 Remercies Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees; offres les a sa Majesté; supplies la derechef qu'elle vous rende vostre mort heureuse par le merite de celle de son Filz.

  A003000532 

 Mettes-vous devant Dieu..

  A003000536 

 En fin, apres le tems que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes et presages horribles pour lesquelz les hommes secheront d'effroi et de crainte, le feu venant comme un deluge bruslera et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003000540 

 La separation faite et les livres des consciences ouvertz, on verra clairement la malice des mauvais et le mespris dont ilz ont usé contre Dieu; et d'ailleurs, la penitence des bons et les effectz de la grace de Dieu qu'ilz ont receuë, et rien ne sera caché.

  A003000540 

 O Dieu, quelle confusion pour les uns, quelle consolation pour les autres!.

  A003000541 

 Alles, dit il: c'est un mot d'abandonnement perpetuel que Dieu fait de telz malheureux, les bannissant pour jamais de sa face.

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000542 

 O Dieu, quelle grace, car ce royaume n'aura jamais fin!.

  A003000545 

 O Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du ciel trembleront de frayeur?.

  A003000550 

 Remercies Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour-la, et le tems de faire penitence..

  A003000565 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, laquelle ilz sont forclos de jamais voir.

  A003000565 

 Que si Absalon treuva que la privation de la face amiable de son pere David estoit plus ennuyeuse que son exil, o Dieu, quel regret d'estre a jamais privé de voir vostre doux et suave visage!.

  A003000569 

 Espouvantés vostre ame par les paroles d'Isaïe:O mon ame, pourrois-tu bien vivre eternellement avec ces ardeurs perdurables et emmi ce feu devorant? veux-tu bien quitter ton Dieu pour jamais?.

  A003000577 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000582 

 O que cette compaignie est heureuse! Le moindre de tous est plus beau a voir que tout le monde; que sera-ce de les voir tous? Mais, mon Dieu, qu'ilz sont heureux: tous-jours ilz chantent le doux cantique de l'amour eternel; tous-jours ilz jouissent d'une constante [50] allegresse; ilz s'entredonnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse et indissoluble societé..

  A003000583 

 Consideres en fin quel bien ilz ont tous de jouir de Dieu qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respand dedans leurs cœurs un abisme de delices.

  A003000583 

 Et reciproquement, Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saintz: Benites soyes vous a jamais, dit il, mes cheres creatures, qui m'aves servi et qui me loüerés eternellement avec si grand amour et courage..

  A003000596 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000603 

 Et encores que l'un et l'autre soit ouvert pour vous recevoir, selon que vous le choisirés, si est-ce que Dieu, qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice ou l'autre par sa misericorde, desire neanmoins d'un desir nompareil que vous choisissies le Paradis; et vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces et mille secours pour vous ayder a la montee..

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000607 

 Je benis, o mon Dieu, vostre misericorde, et accepte l'offre qu'il vous plait de m'en faire.

  A003000607 

 O enfer, je te deteste maintenant et eternellement; je deteste tes tourmens et tes peynes; je deteste ton [53] infortunee et malheureuse eternité, et sur tout ces eternelz blasphemes et maledictions que tu vomis eternellement contre mon Dieu.

  A003000613 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000630 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre péché nous desplaira infiniment parce que Dieu en est offencé, mais l'accusation de nostre peché nous sera douce et aggreable, parce que Dieu en est honnoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente.

  A003000631 

 Et cela fait, escoutes l'advertissement et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dites en vostre cœur: Parles, Seigneur, car vostre servante vous escoute.

  A003000631 

 Ouy, c'est Dieu, Philothee, que vous escoutes, puisqu'il a dit a ses vicaires: Qui vous escoute, m'escoute.

  A003000635 

 Je soussignee, constituee et establie en la presence de Dieu eternel et de toute la cour celeste, ayant [58] consideré l'immense misericorde de sa divine bonté envers moy, tresindigne et chetifve creature, qu'elle a creée de rien, conservee, soustenue, delivree de tant de dangers, et comblee de tant de bienfaitz; mais sur tout ayant consideré cette incomprehensible douceur et clemence avec laquelle ce tresbon Dieu m'a si benignement toleree en mes iniquités, si souvent et si amiablement inspiree, me conviant a m'amender, et si patiemment attendue a penitence et repentance jusques a cette N. annee de mon aage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautés et infidelités par lesquelles, differant ma conversion et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé; apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré Baptesme je fus si heureusement et saintement voüee et dediee a mon Dieu pour estre sa fille, et que, contre la profession qui fut alhors faitte en mon nom, j'ay tant et tant de fois si malheureusement et detestablement profané et violé mon esprit, l'appliquant et l'employant contre la divine Majesté; en fin, revenant maintenant a moy-mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le throsne de la justice divine, je me reconnois, advouë et confesse pour legitimement atteinte et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la Mort et Passion de Jesus Christ, a rayson des pechés que j'ay commis, pour lesquelz il est mort et a souffert le tourment de la croix, si que je suis digne, par consequent, d'estre a jamais perdue et damnee..

  A003000636 

 Et me convertissant a mon Dieu debonnaire et pitoyable, je desire, propose, delibere et me resous irrevocablement de le servir et aymer maintenant et eternellement, luy donnant a ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultés, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon cors avec tous ses sens; protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre contre sa divine volonté et souveraine Majesté, a laquelle je me sacrifie et immole en esprit, pour luy estre a jamais loyale, obeissante et fidelle creature, sans que je veuille onques m'en desdire ni repentir.

  A003000636 

 Mais me retournant devers le throsne de l'infinie misericorde de ce mesme Dieu eternel, apres avoir detesté de tout mon cœur et de toutes mes forces les iniquités de ma vie passee, je demande et requiers humblement grace et pardon et merci, avec entiere absolution de mon crime, en vertu de la Mort et Passion de ce mesme Seigneur et Redempteur de mon ame, sur laquelle m'appuyant comme sur l'unique fondement [59] de mon esperance, j'advouë derechef et renouvelle la sacree profession de la fidelité faitte de ma part a mon Dieu en mon Baptesme, renonçant au diable, au monde et a la chair, detestant leurs malheureuses suggestions, vanités et concupiscences, pour tout le tems de ma vie presente et de toute l'eternité.

  A003000637 

 Ceci est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ni exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu et a la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma Mere, qui entend cette mienne declaration en la personne de celuy qui, comme officier d'icelle, m'escoute en cette action.

  A003000637 

 O mon Dieu, vous estes mon Dieu, Dieu de mon cœur, Dieu de mon ame, Dieu de mon esprit; ainsy je vous reconnois et adore maintenant et pour toute l'eternité.

  A003000637 

 Plaise vous, o mon Dieu eternel, tout puissant et tout bon, Pere, Filz et Saint Esprit, confirmer en moy cette resolution, et accepter ce mien sacrifice cordial et interieur en odeur de suavité; et comme il vous a pleu me donner l'inspiration et volonté de le faire, donnes-moy aussi la [60] force et la grace requise pour le parfaire.

  A003000642 

 O Dieu, Philothee, que voyla un contract admirable par lequel vous faites un heureux traitté avec sa divine Majesté, puisqu'en vous donnant vous mesme a elle, vous la gaignés et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que, prenant la plume en main, vous signies de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous allies a l'autel, ou Dieu [61] reciproquement signera et scellera vostre absolution et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et sceau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003000649 

 Est-il bien possible qu'une ame bien nee veuille non seulement desplaire a son Dieu, mais affectionner de luy desplaire? [63].

  A003000649 

 Et je dis maintenant qu'il faut purger son ame de toutes les affections qu'elle a aux pechés venielz, c'est a dire qu'il ne faut point nourrir volontairement la volonté de continuer et perseverer en aucune sorte de peché veniel; car aussi seroit-ce une lascheté trop grande de vouloir, tout a nostre escient, garder en nostre conscience une chose si desplaisante a Dieu comme est la volonté de luy vouloir desplaire.

  A003000649 

 Le peché veniel, pour petit qu'il soit, desplait a Dieu, bien qu'il ne luy desplaise pas tant que pour iceluy il nous veuille damner ou perdre.

  A003000651 

 Mais je dis encor une fois, quelle apparence y a-il qu'une ame genereuse se plaise a desplaire a son Dieu, s'affectionne a luy estre desaggreable, et veuille vouloir ce qu'elle sçait luy estre ennuyeux?.

  A003000656 

 Les cerfz ayans prins trop de venaison s'escartent et retirent dedans leurs buissons, connoissans que leur graisse les charge en sorte qu'ilz ne sont pas habiles a courir, si d'adventure ilz estoyent attaqués: le cœur de l'homme se chargeant de ces affections inutiles, superflues et dangereuses, ne peut sans doute promptement, aysement et facilement courir apres son Dieu, qui est le vray point de la devotion.

  A003000661 

 Dieu vous face la grace de les bien prattiquer.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000668 

 Il faut s'arrester la, Philothee, et croyes-moy, nous ne sçaurions aller a Dieu le Pere que par cette porte; car tout ainsy que la glace d'un miroüer ne sçauroit arrester nostre veuë si elle n'estoit enduite d'estain ou de plomb par derriere, aussi la Divinité ne pourrait estre bien contemplee par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe a la sacree humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'objet le plus proportionné, souëfve, delicieux et prouffitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire.

  A003000671 

 Commencés toutes sortes d'oraysons, soit mentale soit vocale, par la presence de Dieu, et tenes cette regle sans exception, et vous verres dans peu de tems combien elle vous sera prouffitable.

  A003000674 

 Si faisant l'orayson vocale, vous sentés vostre cœur tiré et convié a l'orayson interieure ou mentale, ne refuses point d'y aller, mais laissés tout doucement couler vostre esprit de ce costé la, et ne vous soucies point de n'avoir pas achevé les oraysons vocales que vous vous esties proposees; car la mentale que vous aures faitte en leur place est plus aggreable a Dieu et plus utile a vostre ame.

  A003000679 

 Je vous marque premierement la preparation, laquelle consiste en deux pointz, dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second, d'invoquer son assistance.

  A003000679 

 Or, pour vous mettre en la presence de Dieu, je vous propose quatre principaux moyens, desquelz vous vous pourrés servir a ce commencement..

  A003000680 

 C'est pourquoy tous-jours, avant l'orayson, il faut provoquer nostre ame a une attentive pensee et [74] consideration de cette presence de Dieu.

  A003000680 

 Ce fut l'apprehension de David, quand il s'escrioit: Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y estes; si je descends aux enfers, vous y estes; et ainsy nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: O que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien.

  A003000680 

 Helas, Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present; et, bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est-ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et nous comportons comme si Dieu estoit bien loin de nous; car encor que nous sçachions bien qu'il est present a toutes choses, si est-ce que n'y pensans point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas.

  A003000680 

 Il veut dire qu'il n'y pensoit pas; car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fust en tout et par tout.

  A003000680 

 Le premier gist en une vive et attentive apprehension de la toute presence de Dieu, c'est a dire que Dieu est en tout et par tout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde ou il ne soit d'une tres veritable presence; de sorte que, comme les oyseaux, ou qu'ilz volent, rencontrent tous-jours l'air, ainsy, ou que nous allions, ou que nous soyons, nous treuvons Dieu present.

  A003000680 

 Venant donques a la priere, il vous faut dire de tout vostre cœur et a vostre cœur: o mon cœur, mon cœur, Dieu est vrayement icy..

  A003000681 

 En la consideration donq de cette verité, vous exciterés une grande reverence en vostre cœur a l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000684 

 Vous userés donq de l'un de ces quatre moyens, pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'orayson; et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mays seulement un a la fois, et cela briefvement et simplement.

  A003000688 

 L'invocation se fait en cette maniere: vostre ame se sentant en la presence de Dieu, se prosterne en une extreme reverence, se connoissant tres indigne de demeurer devant une si souveraine Majesté, et neanmoins, sçachant que cette mesme Bonté le veut, elle luy demande la grace de la bien servir et adorer en cette meditation.

  A003000688 

 Que si vous le voules, vous pourres user de quelques parolles courtes et enflammees, comme sont celles ici de David: Ne me rejettes point, o mon Dieu, de devant vostre face, et ne m'ostes point la faveur de vostre Saint Esprit.

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000693 

 Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre..

  A003000697 

 Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites affin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude [79] et des autres pensees et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer.

  A003000701 

 La meditation respand des bons mouvemens en la volonté ou partie affective de nostre ame, comme sont l'amour de Dieu et du prochain, le desir du Paradis et de la gloire, le zele du salut des ames, l'imitation de la vie de Nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, du [80] jugement et de l'enfer, la haine du peché, la confiance en la bonté et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections, nostre esprit se doit espancher et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003000706 

 La premiere, c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections et resolutions qu'il nous a donnees, et de sa bonté et misericorde que nous avons descouvertes au mystere de la meditation.

  A003000706 

 La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons a Dieu sa mesme bonté et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Filz, et, conjointement avec icelles, nos affections et resolutions.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000709 

 Il faut donq par tous moyens s'essayer de les prattiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes: par exemple, si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour la de les rencontrer pour les saluer amiablement; et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003000711 

 Je veux dire, un advocat doit sçavoir passer de l'orayson [84] a la plaidoyerie; le marchand, au traffic; la femme mariee, au devoir de son mariage et au tracas de son mesnage, avec tant de douceur et de tranquillité que pour cela son esprit n'en soit point troublé; car, puisque l'un et l'autre est selon la volonté de Dieu, il faut faire le passage de l'un a l'autre en esprit d'humilité et devotion..

  A003000712 

 Il vous arrivera quelquefois qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se treuvera toute esmeuë en Dieu: alhors, Philothee, il luy faut lascher la bride, sans vouloir suivre la methode que je vous ay donnee; car bien que pour l'ordinaire, la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est-ce que le Saint Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne deves pas rechercher la consideration, puisqu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003000718 

 Que si apres tout cela vous n'estes point consolee, [86] pour grande que soit vostre secheresse ne vous troubles point, mais continues a vous tenir en une contenance devote devant vostre Dieu.

  A003000723 

 Remerciés et adorés Dieu profondement pour la grace qu'il vous a faite de vous avoir conservé la nuit precedente; et si vous avies en icelle commis quelque peché, vous luy demanderés pardon..

  A003000725 

 Prevoyes quelz affaires, quelz commerces et quelles occasions vous pouves rencontrer cette journee-la pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par cholere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement; et, par une sainte resolution, preparés-vous a bien employer les moyens qui se doivent offrir a vous de servir Dieu et avancer vostre devotion; comme au contraire, disposes-vous a bien eviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003000726 

 Cela fait, humilies-vous devant Dieu, reconnoissant que de vous mesme vous ne sçauries rien faire de ce que vous aves deliberé, soit pour fuir le mal, soit pour executer le bien.

  A003000727 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et vivement, devant que l'on sorte de la chambre s'il est possible, affin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous feres le long de la journee soit arrousé de la benediction de Dieu; mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais.

  A003000731 

 Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux..

  A003000733 

 On remercie Dieu de la conservation qu'il a faite de nous en la journee passee..

  A003000735 

 Si l'on treuve d'avoir fait quelque bien, on en fait action de graces a Dieu; si au contraire l'on a fait quelque mal, en pensees, en paroles ou en œuvres, on en demande pardon a sa divine Majesté, avec resolution de s'en confesser a la premiere occasion et de s'en amender soigneusement..

  A003000736 

 Apres cela, on recommande a la Providence divine son cors, son ame, l'Eglise, les parens, les amis; on prie Nostre Dame, le bon Ange et les Saintz de veiller sur nous et pour nous; et avec la benediction de Dieu, on va prendre le repos qu'il a voulu nous estre requis..

  A003000742 

 O Dieu, [91] ce dires vous, pourquoy ne vous regarde-je tous-jours, comme tous-jours vous me regardes? Pourquoy penses-vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense-je si peu souvent en vous? Ou sommes-nous, o mon ame? nostre vraye place, c'est Dieu, et ou est ce que nous nous treuvons?.

  A003000742 

 Rappelles le plus souvent que vous pourres parmi la journee vostre esprit en la presence de Dieu par l'une des quatre façons que je vous ay remarquees; regardes ce que Dieu fait et ce que vous faites: vous verres ses yeux tournés de vostre costé, et perpetuellement fichés sur vous par un amour incomparable.

  A003000744 

 C'est l'exercice que faisoit le roy David parmi tant d'occupations qu'il avoit, ainsy qu'il le tesmoigne par mille traitz de ses Pseaumes, comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tous-jours avec vous. [92] Je vois mon Dieu tous-jours devant moy.

  A003000744 

 J'ay eslevé mes yeux a vous, o mon Dieu, qui habites au Ciel.

  A003000744 

 Mes yeux sont tous-jours a Dieu.

  A003000744 

 Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003000746 

 Retirés donques quelquefois vostre esprit dedans vostre cœur, ou, separee de tous les hommes, vous puissies traitter cœur a cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude; j'ay esté fait comme le chat-huant ou le hibou dans les masures, et comme le passereau solitaire au toit.

  A003000750 

 On se retire en Dieu parce qu'on aspire a luy, et on y aspire pour s'y retirer; si que l'aspiration en Dieu et la retraitte spirituelle s'entretiennent l'une l'autre, et toutes deux proviennent et naissent des bonnes pensees..

  A003000751 

 Aspires donq bien souvent en Dieu, Philothee, par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur: admires sa beauté, invoques son ayde, jettes-vous en esprit au pied de la Croix, adores sa bonté, interroges-le souvent de vostre salut, donnes-luy mille fois le jour vostre ame, fiches vos yeux interieurs sur sa douceur, tendes-luy la main, comme un petit enfant a son pere, affin qu'il vous conduise, mettes-le sur vostre poitrine [94] comme un bouquet delicieux, plantes-le en vostre ame comme un estendart, et faites mille sortes de divers mouvemens de vostre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter a une passionnee et tendre dilection de ce divin Espoux..

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000754 

 En fin, comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel ont presque tous-jours leurs pensees tournees du costé de la chose aymee, leur cœur plein d'affection envers elle, leur bouche remplie de ses louanges, et qu'en son absence ilz ne perdent point [95] d'occasion de tesmoigner leurs passions par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ilz n'escrivent le nom de ce qu'ilz ayment; ainsy ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser en luy, respirer pour luy, aspirer a luy et parler de luy, et voudroyent, s'il estoit possible, graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le saint et sacré nom de Jesus.

  A003000755 

 Saint Fulgence, Evesque de Ruspe, se treuvant en une assemblee generale de la noblesse romaine que Theodoric roy des Gots haranguoit, et voyant la splendeur de tant de seigneurs qui estoyent en rang chacun selon sa qualité: « O Dieu, » dit-il, « combien doit estre belle la Hierusalem celeste, puisqu'ici bas on voit si pompeuse Rome la terrestre! Et si en ce monde tant de splendeur est concedee aux amateurs de la vanité, quelle gloire doit estre reservee en l'autre monde aux contemplateurs de la verité! ».

  A003000757 

 Constantin le Grand escrivit honnorablement a saint Anthoine, dequoy les religieux qui estoyent autour de luy furent fort estonnés, et il leur dit: « Comme admires-vous qu'un Roy escrive a un homme? Admires plustost dequoy Dieu eternel a escrit sa loy aux mortelz, ains leur a parlé bouche a bouche en la personne de son Filz.

  A003000758 

 Ce grand personnage de nostre aage, François Borgia, pour lhors encores duc de Gandie, allant a la chasse faisoit mille devotes conceptions: « J'admirois, » disoit il luy mesme par apres, « comme les faucons reviennent sur le poing, se laissent couvrir les yeux et attacher a la perche, et que les hommes se rendent si revesches a la voix de Dieu.

  A003000759 

 L'autre voyant un fleuve flotter s'escrioit ainsy: Mon ame n'aura jamais repos qu'elle ne se soit abismee dedans la mer de la Divinité qui est son origine; et sainte Françoise, considerant un aggreable ruysseau sur le rivage duquel elle s'estoit agenouillee pour prier, fut ravie en extase, repetant plusieurs fois ces paroles tout bellement: « La grace de mon Dieu coule ainsy doucement et souefvement comme ce petit ruysseau.

  A003000759 

 L'autre, voyant le tourne-soleil dit: Quand sera ce, mon Dieu, que mon ame suivra les attraitz de vostre bonté? Et voyant des pensees de jardin, belles a la veuë mais sans odeur: Hé, dit il, telles sont mes cogitations, belles a dire, mais sans effect ni production..

  A003000759 

 Une ame devote regardant un ruysseau, et y voyant le ciel representé avec les estoiles en une nuit bien sereine: O mon Dieu, dit elle, ces mesmes estoiles [98] seront dessous mes pieds quand vous m'aures logee dans vos saintz tabernacles; et comme les estoiles du ciel sont representees en la terre, ainsy les hommes de la terre sont representés au ciel en la vive fontaine de la charité divine.

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000767 

 Faites donques toutes sortes d'effortz pour assister tous les jours a la sainte Messe, affin d'offrir avec le prestre le sacrifice de vostre Redempteur a Dieu son Pere, pour vous et pour toute l'Eglise.

  A003000767 

 Les chœurs de l'Eglise triomphante et ceux de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre a Nostre Seigneur en cette divine action, pour, avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003000769 

 Des le commencement jusques a ce que le prestre se soit mis a l'autel, faites avec luy la preparation, laquelle consiste a se mettre en la presence de Dieu, reconnoistre vostre indignité et demander pardon de vos fautes.

  A003000769 

 Despuis le Credo jusques au Pater noster, appliques vostre cœur aux mysteres de la Mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representés en ce saint Sacrifice, lequel avec le prestre et avec le reste du peuple, vous offrirés a Dieu le Pere pour son honneur et pour vostre salut.

  A003000774 

 Et puis (affin que je le die une fois pour toutes), il y a tous-jours plus de bien et de consolation aux offices publiez de l'Eglise, que non pas aux actions particulieres, Dieu ayant ainsy ordonné que la communion soit preferee a toute sorte de particularité..

  A003000774 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister a l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours-la sont dediés a Dieu, et faut bien faire plus d'actions a son honneur et gloire en iceux que non pas es autres jours.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000775 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices a part soy comme l'on fait aux confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire [103] en particulier, si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bienfaitz avec nos freres et prochains..

  A003000776 

 J'en dis le mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu et l'intention commune..

  A003000780 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003000783 

 Je fus consolé cette annee [105] passee de consacrer un autel sur la place en laquelle Dieu fit naistre ce bienheureux homme, au petit village du Villaret, entre nos plus aspres montagnes..

  A003000788 

 Soyes devote a la parole de Dieu: soit que vous l'escouties en devis familiers avec vos amis spirituelz, soit que vous l'escouties au sermon, oyes-la tous-jours avec attention et reverence; faites en bien vostre prouffit et ne permettes pas qu'elle tombe a terre, ains receves-la comme un pretieux baume dans vostre cœur, a l'imitation de la Tressainte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disoit a la louange de son Enfant.

  A003000790 

 Il y en a d'autres ou il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de sainte Marie Egyptienne, de saint Simeon Stylite, des deux saintes Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele et autres telles, lesquelles ne laissent pas neanmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003000794 

 Nous appelions inspirations tous les attraitz, mouvemens, reproches et remords interieurs, lumieres et connoissances que Dieu fait en nous, prevenant nostre cœur en ses benedictions par son soin et amour paternel, affin de nous resveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, a l'amour celeste, aux bonnes resolutions, bref, a tout ce qui nous achemine a nostre [108] bien eternel.

  A003000795 

 Ainsy Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premierement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'aggreons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au peché il y a trois degrés, la tentation, la delectation et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter a la vertu: l'inspiration, qui est contraire a la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire a la delectation de la tentation, et le consentement a l'inspiration, qui est contraire au consentement a la tentation..

  A003000796 

 Quand l'inspiration dureroit tout le tems de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement aggreables a Dieu si nous n'y prenions playsir; au contraire, sa divine Majesté en seroit offencee, comme il le fut contre les Israëlites aupres desquelz il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant a se convertir, sans que jamais ilz y voulussent entendre, dont il jura contre eux en son ire qu'onques ilz n'entreroyent en son repos.

  A003000797 

 Et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire a ouïr la parolle de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et aggreable a Dieu de se plaire en l'inspiration interieure: c'est ce playsir, duquel parlant l'Espouse sacree, elle dit: Mon ame s'est fondue d'ayse, quand mon Bienaymè a parlé.

  A003000797 

 Le playsir qu'on prend aux inspirations est un grand acheminement a la gloire de Dieu, et des-ja on commence a plaire par iceluy a sa divine Majesté; car si bien cette delectation n'est pas encor un entier consentement, c'est une certaine disposition a iceluy.

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000799 

 Consentés, mais d'un consentement plein, amoureux et constant a la sainte inspiration; car en cette sorte, Dieu, que vous ne pouves obliger, se tiendra pour fort obligé a vostre affection.

  A003000799 

 Resolvés-vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plaira a Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, receves-les comme les ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003000808 

 De mesme, ne vous accuses pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous deves; mays si vous aves eu des distractions volontaires, ou que vous ayes negligé de prendre le lieu, le tems et la contenance requise pour avoir l'attention en la priere, accuses-vous en tout simplement, selon que vous treuverés y avoir manqué, sans alleguer cette generalité, qui ne fait ni froid ni chaud en la Confession..

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000815 

 On ne peut estre nourri de cette chair de vie et vivre des affections de mort; si que comme les hommes demeurans au paradis terrestre pouvoyent ne mourir point selon le cors, par la force de ce fruit vital que Dieu y avoit mis, ainsy peuvent ilz ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003000815 

 Que si les fruitz les plus tendres et sujetz a corruption, comme sont les cerises, les abricotz et les fraises, se conservent aysement toute l'annee estans confitz au sucre ou au miel, ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoy que fresles et imbecilles, sont preservés de la corruption du peché lhors qu'ilz sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptible du Filz de Dieu.

  A003000818 

 On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut faire ce que le pere spirituel dira; bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions est celle de mois a mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003000820 

 Il faut que je die ce mot pour les gens mariés: Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit es jours des festes, mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs a ceux qui les exigeoient.

  A003000826 

 L'ayant receu, excites vostre cœur a venir faire hommage a ce Roy de salut; traittes avec luy de vos affaires interieures, considerés-le dedans vous, ou il s'est mis pour vostre bonheur; en fin, faites-luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportes-vous en sorte que l'on connoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000828 

 Vostre grande intention en la Communion doit estre de vous avancer, fortifier et consoler en l'amour de Dieu; car vous deves recevoir pour l'amour ce que le seul amour vous fait donner.

  A003000829 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communies si souvent, dites leur que c'est pour apprendre a aymer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en [121] vos foiblesses.

  A003000839 

 Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier a Dieu, et n'ayant pas asses de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l'obeissance d'un autre, retira chez soy un miserable tout perdu et gasté de ladrerie pour exercer en iceluy la charité et mortification; ce que pour faire plus dignement, il fit vœu de l'honnorer, traitter et servir comme un valet feroit son maistre et seigneur.

  A003000839 

 » Il conneut que c'estoit la misericorde envers les pauvres que Dieu luy recommandoit, si que, par apres, il s'addonna tellement a l'exercice d'icelle, que pour cela il est par tout appellé saint Jean l'Aumosnier.

  A003000841 

 Ainsy entre les serviteurs de Dieu, le uns s'addonnent a servir les malades, les autres a secourir les pauvres, les autres a procurer l'avancement de la doctrine chrestienne entre les petitz enfans, les autres a ramasser les ames perdues et esgarees, les autres a parer les eglises et orner les autelz, et les autres a moyenner la paix et concorde entre les hommes.

  A003000851 

 Aussi Dieu mesme, par une sacree apparition, l'en corrigea, respandant en son ame un esprit doux, suave, amiable et tendre, par le moyen duquel s'estant rendu tout autre, il s'accusa grandement d'avoir esté si exacte et severe, et devint tellement gracieux et condescendant avec un chacun qu'il se fit tout a tous pour les gaigner tous..

  A003000852 

 Ma Philothee, il faut avoir bonne opinion de ceux esquelz nous voyons la prattique des vertus, quoy qu'avec imperfection, puisque les Saintz mesmes les ont souvent prattiquees en cette sorte; mays quant a nous, il nous faut avoir soin de nous y exercer, non seulement fidellement, mais prudemment, et a cet effect observer estroittement l'advis du Sage, de ne point nous appuyer sur nostre propre prudence, ains sur celle de ceux que Dieu nous a donnés pour conducteurs..

  A003000853 

 J'adjouste que nous n'avons pas entrepris de nous rendre sinon gens de bien, gens de [131] devotion, hommes pieux, femmes pieuses, c'est pourquoy il nous faut bien employer a cela; que s'il plait a Dieu de nous eslever jusques a ces perfections angeliques, nous serons aussi des bons anges, mais en attendant exerçons-nous simplement, humblement et devotement aux petites vertus, la conqueste desquelles Nostre Seigneur a exposee a nostre soin et travail: comme la patience, la debonnaireté, la mortification du cœur, l'humilité, l'obeissance, la pauvreté, la chasteté, la tendreté envers le prochain, le support de ses imperfections, la diligence et sainte ferveur..

  A003000853 

 Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

  A003000853 

 Voyés-vous, Philothee, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plustost des recompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encor plustost des eschantillons des felicités de la vie future, qui quelquefois sont presentés aux hommes pour leur faire desirer les pieces toutes entieres qui sont la haut en Paradis.

  A003000854 

 Il ne faut pourtant rien mespriser ni censurer temerairement; mais en benissant Dieu de la sureminence des autres, arrestons-nous humblement en nostre voÿe, plus basse mais plus asseuree, moins excellente mais plus sortable a nostre insuffisance et petitesse, en laquelle si nous conversons humblement et fidellement, Dieu nous eslevera a des grandeurs bien grandes..

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000858 

 Vous aves besoin de patience, affin que faysant la volonté de Dieu, vous en rapporties la promesse, dit l'Apostre.

  A003000859 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte egalement les tribulations conjointes a l'ignominie et celles qui sont honnorables.

  A003000859 

 Ne bornés point vostre patience a telle ou telle sorte d'injures et d'afflictions, mais estendes-la universellement a toutes celles que Dieu vous envoyera et permettra vous arriver.

  A003000860 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu ou il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommodités qu'il veut; et ainsy des autres tribulations..

  A003000861 

 Quand il vous arrivera du mal, opposés a iceluy les remedes qui seront possibles et selon Dieu, car de faire autrement, ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendes avec une entiere resignation l'effect que Dieu aggreera.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000864 

 Or, cela est vrayment une patience, mais une patience fause qui, en effect, n'est autre chose qu'une tres delicate et tres fine ambition et vanité: Ilz ont de la gloire, dit l'Apostre, mais non pas envers Dieu.

  A003000866 

 Obeisses au medecin, prenes les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous.

  A003000871 

 Pour recevoir la grace de Dieu en nos coeurs, il les faut avoir vuides de nostre propre gloire.

  A003000880 

 Plusieurs ne veulent ni n'osent penser et considerer les graces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre de la vaine gloire et complaisance, en quoy certes ilz se trompent; car puisque, [145] comme dit le grand Docteur Angelique, le vray d'atteindre a l'amour de Dieu, c'est la consideration de ses bienfaitz, plus nous les connoistrons plus nous l'aymerons; et comme les benefices particuliers esmeuvent plus puissamment que les communs, aussi doivent-ilz estre considerés plus attentivement..

  A003000881 

 Ainsy la Sainte Vierge confesse que Dieu luy fait choses tres grandes, mais [146] ce n'est que pour s'en humilier et magnifier Dieu: Mon ame, dit elle, magnifie le Seigneur, parce qu'il m'a fait choses grandes..

  A003000881 

 Certes, rien ne nous peut tant humilier devant la misericorde de Dieu que la multitude de ses bienfaitz, ni rien tant humilier devant sa justice, que la multitude de nos mesfaitz.

  A003000881 

 Mais si voyans les graces que Dieu nous a faites, quelque sorte de vanité nous venoit chatouiller, le remede infallible sera de recourir a la consideration de nos ingratitudes, de nos imperfections, de nos miseres: si nous considerons ce que nous avons fait quand Dieu n'a pas esté avec nous, nous connoistrons bien que ce que nous faisons quand il est avec nous n'est pas de nostre façon ni de nostre creu; nous en jouirons voyrement et nous en resjouirons parce que nous l'avons, mais nous en glorifierons Dieu seul parce qu'il en est l'autheur.

  A003000884 

 Demande a Dieu un signe au ciel d'en haut ou au profond de la mer en bas, dit le Prophete au malheureux Achaz, et il respondit: [148] Non, je ne le demanderay point, et ne tenteray point le Seigneur.

  A003000884 

 Le superbe qui se fie en soy mesme a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnoist plus impuissant: et a mesure qu'il s'estime chetif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plait a magnifier sa toute puissance en nostre infirmité, et eslever sa misericorde sur nostre misere.

  A003000884 

 Mais ne voit il pas que quand Dieu nous veut gratifier, c'est orgueil de refuser? que les dons de Dieu nous obligent a les recevoir, et que c'est humilité d'obeir et suivre au plus pres que nous pouvons ses desirs? Or, le desir de Dieu est que nous soyons parfaitz, nous unissans a luy et l'imitans au plus presque nous pouvons.

  A003000884 

 O le meschant! il fait semblant de porter grande reverence a Dieu, et sous couleur d'humilité s'excuse d'aspirer a la grace de laquelle sa divine Bonté luy fait semonce.

  A003000884 

 Plusieurs disent qu'ilz laissent l'orayson mentale pour les parfaitz, et qu'eux ne sont pas dignes de la faire; les autres protestent qu'ilz n'osent pas souvent communier, parce qu'ilz ne se sentent pas asses purs; les autres, qu'ilz craignent de faire honte a la devotion s'ilz s'en meslent, a cause de leur grande misere et fragilité; et les autres refusent d'employer leur talent au service de Dieu et du prochain parce, disent ilz, qu'ilz connoissent leur foiblesse et qu'ilz ont peur de s'enorgueillir s'ilz sont instrumens de quelque bien, et qu'en esclairant les autres ilz se consument.

  A003000884 

 Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fause, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blasmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un pretexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse.

  A003000886 

 Il est vray que quand Michol sa femme luy en fit reproche comme d'une folie, il ne fut pas marri de se voir avili: ains perseverant en la naifve et veritable representation de sa joye, il tesmoigna d'estre bien ayse de recevoir un peu d'opprobre pour son Dieu.

  A003000886 

 Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy.

  A003000890 

 Un religieux reçoit devotement un'aspre censure de son superieur, ou un enfant de son pere: chacun appellera cela mortification, obedience et sagesse; un chevalier et une dame en souffrira de mesme de quelqu'un, et quoy que ce soit pour l'amour de Dieu, chacun l'appellera couardise et lascheté: voyla donq encor un autre mal abject.

  A003000892 

 Je dis bien davantage: si je me suis desreglé par cholere ou par dissolution a dire des parolles indecentes et desquelles Dieu et le prochain est offencé, je me repentiray vivement et seray extremement marri de l'offence, laquelle je m'essayeray de reparer le mieux qu'il me sera possible; mays je ne laisseray pas d'aggreer l'abjection et le mespris qui m'en arrive; et si l'un se pouvoit separer d'avec l'autre, je rejetterois ardemment le peché et garderois humblement l'abjection..

  A003000894 

 Ah! qui nous fera la grace de pouvoir dire avec ce grand Roy: J'ay choisi d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs? Nul ne le peut, chere Philothee, que Celuy qui pour nous exalter, vesquit et mourut en sorte qu'il fut l' opprobre des hommes et l'abjection du peuple..

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000904 

 Servons Dieu par la bonne et mauvaise renommee, a l'exemple de saint Paul, affin que nous puissions dire avec David: O mon Dieu, c'est pour vous que j'ay supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage.

  A003000904 

 Si on nous blasme injustement, opposons paisiblement la [159] verité a la calomnie; si elle persevere, perseverons a nous humilier: remettans ainsy nostre réputation avec nostre ame es mains de Dieu, nous ne sçaurions la mieux asseurer.

  A003000908 

 L'humilité nous perfectionne envers Dieu, et la douceur envers le prochain.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000910 

 Mais je vous dis nettement et sans exception, ne vous courroucés point du tout, s'il est possible, et ne recevés aucun pretexte quel qu'il soit pour ouvrir la porte de vostre cœur au courroux; car saint Jacques dit tout court et sans reserve, que l'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu.

  A003000913 

 Apres ce doux effort, prattiqués l'advis que saint Augustin ja viel donnoit au jeune Evesque Auxilius: « Fais, » dit-il, « ce qu'un homme doit faire; que s'il t'arrive ce que l'homme de Dieu dit au Psalme: Mon œil est troublé de grande cholere, recours a Dieu, criant: Aye misericorde de moy, Seigneur, affin qu'il estende sa dextre pour reprimer ton courroux.

  A003000913 

 » [164] Je veux dire, qu'il faut invoquer le secours de Dieu quand nous nous voyons agités de cholere, a l'imitation des Apostres tourmentés du vent et de l'orage emmi les eaux; car il commandera a nos passions qu'elles cessent, et la tranquillité se fera grande.

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000922 

 Que si neanmoins quelqu'un ne treuve pas que son cœur puisse estre asses esmeu par cette douce correction, il pourra employer le reproche et une reprehension dure et forte pour l'exciter a une profonde confusion, pourveu qu'apres avoir rudement gourmandé et courroucé son cœur, il finisse par un allegement, terminant tout son regret et courroux en une douce et sainte confiance en Dieu, a l'imitation de ce grand penitent qui voyant son ame affligee la relevoit en cette sorte: Pourquoy es-tu triste, o mon ame, et pourquoy me troubles-tu? Espere en Dieu, car je le beniray encor comme le salut de ma face et mon vray Dieu..

  A003000923 

 Detestes neanmoins de toutes vos forces l'offence que Dieu a receuë de vous, et avec un grand courage et confiance en la misericorde d'iceluy, remettes-vous au train de la vertu que vous avies abandonnee.

  A003000923 

 Relevés donques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, vous humiliant beaucoup devant Dieu pour la connoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre cheute, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetifve.

  A003000927 

 Soyes donq soigneuse et diligente en tous les affaires que vous aurés en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiés veut que vous en ayes un grand soin; mais s'il est possible n'en soyes pas en sollicitude et souci, c'est a dire, ne les entreprenes pas avec inquietude, anxieté et ardeur.

  A003000929 

 Ainsy Dieu travaillera avec vous, en vous et pour vous, et vostre travail sera suivi de consolation.

  A003000929 

 Et en tous vos affaires appuyes-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos [170] desseins doivent reussir; travailles neanmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle, et puis croyes que si vous vous estes bien confiee en Dieu, le succes qui vous arrivera sera tous-jours le plus prouffitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon vostre jugement particulier.

  A003000929 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous seres parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si pressante, vous regardies plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance qu'ilz requierent toute vostre attention pour estre bien faitz, de tems en tems vous regarderés a Dieu, comme font ceux qui navigent en mer lesquelz, pour aller a la terre qu'ilz desirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas ou ilz voguent.

  A003000933 

 L'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre cors et la pauvreté nos moyens a l'amour et service de Dieu: ce sont les trois branches de la croix spirituelle, toutes trois neanmoins fondees sur la quatriesme qui est l'humilité.

  A003000934 

 Or cette obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir a ces superieurs la, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce qu'ilz ont en charge sur nous.

  A003000935 

 C'est un abus de croire que si on estoit religieux ou religieuse on obeiroit aysement, si l'on se treuve difficile et revesche a rendre obeissance a ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003000938 

 Bienheureux sont les obeissans, car Dieu ne permettra jamais qu'ilz s'esgarent..

  A003000949 

 Non, Philothee, Nul ne verra Dieu sans la chasteté, nul n'habitera en son saint tabernacle qui ne soit net de cœur; et, comme dit le Sauveur mesme, Les chiens et impudiques en seront bannis, et Bienheureux sont les netz de cœur, car ilz verront Dieu..

  A003000949 

 Suives la paix avec tous, dit l'Apostre, et la sainteté, sans laquelle aucun ne verra Dieu.

  A003000957 

 Au contraire, hantés les gens chastes et vertueux, pensés et lises souvent aux choses sacrees, car la parole de Dieu est chaste et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topase, pierre pretieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003000967 

 Ce fut le peché d'Achab qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder: il la desira ardemment, longuement et avec inquietude, et partant il offensa Dieu.

  A003000974 

 Ayons donq ce soin gracieux de la conservation, voyre de l'accroissement de nos biens temporelz, lhors que quelque juste occasion s'en presentera et entant que nostre condition le requiert, car Dieu veut que nous facions ainsy pour son amour.

  A003000974 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a donnees a cultiver et veut que nous les rendions fructueuses et utiles, et partant nous luy faisons service aggreable d'en avoir soin.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000975 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cestui ci, car il n'y a rien qui face tant prosperer temporellement que l'aumosne; mais en attendant que Dieu vous le rende vous seres tous-jours appauvrie de cela.

  A003000978 

 O mon Dieu, chere Philothee, que ce Prince et cette Princesse estoyent pauvres en leurs richesses, et qu'ilz estoyent riches en leur pauvreté..

  A003000981 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chicaneur nous en arrache quelque partie, quelles plaintes, quelz troubles, quelles impatiences en avons-nous! mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons et non pas a nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdrons pourtant pas le sens ni la tranquillité.

  A003000985 

 Mais si vous estes reellement pauvre, treschere Philothee, o Dieu, soyes-le encores d'esprit; faites de necessité vertu, et employes cette pierre pretieuse de [192] la pauvreté pour ce qu'elle vaut: son esclat n'est pas descouvert en ce monde, mais si est ce pourtant qu'il est extremement beau et riche.

  A003000986 

 La simple et pure acceptation de la volonté de Dieu rend une souffrance extremement pure..

  A003000986 

 Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003000986 

 Or, ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tous-jours tres aggreable, pourveu que nous le recevions de bon cœur et pour l'amour de sa sainte volonté: ou il y a moins du nostre il y a plus de Dieu.

  A003001003 

 Ces amitiés sont toutes mauvaises, folles et vaines: mauvaises, d'autant qu'elles aboutissent et se terminent en fin au peché de la chair, et qu'elles desrobent l'amour et par consequent le cœur a Dieu, a la femme et au mari, a qui il estoit deu; folles, parce qu'elles n'ont ni fondement ni rayson; vaines, parce qu'elles ne rendent aucun prouffit, ni honneur, ni contentement.

  A003001006 

 Ah! ce grand Dieu qui s'estoit reservé le seul amour de nos ames, en reconnoissance de leur creation, conservation et redemption, exigera un compte bien estroit de ces folles deduites que nous en faysons; que s'il doit faire un examen si exacte des parolles oyseuses, qu'est ce qu'il fera des amitiés oyseuses, impertinentes, folles et pernicieuses? [201].

  A003001006 

 Helas, nous n'avons pas d'amour a beaucoup près de ce que nous avons besoin; je veux dire, il s'en faut infiniment que nous en ayons asses pour aymer Dieu, et cependant, miserables que nous sommes, nous le prodiguons et espanchons en choses sottes et vaynes et frivoles, comme si nous en avions de reste.

  A003001006 

 O Dieu, quel aveuglement est celuy ci, de joüer ainsy a credit sur des gages si frivoles la principale piece de nostre ame! Ouy, Philothee, car Dieu ne veut l'homme que pour l'ame, ni l'ame que pour la volonté, ni la volonté que pour l'amour.

  A003001007 

 Bref, ces amourettes bannissent non seulement l'amour celeste, mais encor la crainte de Dieu, enervent l'esprit, affoiblissent la reputation: c'est, en un mot, le joüet des cours, mais la peste des cœurs..

  A003001011 

 Mais si vostre mutuelle et reciproque communication se fait de la charité, de la devotion, de la perfection chrestienne, o Dieu, que vostre amitié sera pretieuse! Elle sera excellente parce qu'elle vient de Dieu, excellente parce qu'elle tend a Dieu, excellente parce que son lien c'est Dieu, excellente parce qu'elle durera eternellement en Dieu.

  A003001012 

 Qu'a bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voyci combien il est bon et aggreable que les freres habitent ensemble! Ouy, car le baume delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a respandu sur cette amitié sa benediction et la vie jusques aux siecles des siecles.

  A003001014 

 » Saint Augustin tesmoigne que saint Ambroise aymoit uniquement sainte Monique, pour les rares vertus qu'il voyoit en elle, et qu'elle reciproquement le cherissoit comme un Ange de Dieu..

  A003001015 

 Saint Hierosme, saint Augustin, saint Gregoire, saint Bernard et tous les plus grans serviteurs de Dieu ont eu de tres particulieres amitiés sans interest de leur perfection.

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et la fause amitié provoque un tournoyement d'esprit qui fait chanceler la personne en la chasteté et devotion, la portant a des regards affectés, mignards et immoderés, a des caresses sensuelles, a des souspirs desordonnés, a des petites plaintes de n'estre pas aymee, a des petites, mais recherchees, mais attrayantes contenances, galanterie, poursuitte des baysers, et autres privautés et faveurs inciviles, presages certains et indubitables d'une prochaine ruine de l'honnesteté; mais l'amitié sainte n'a des yeux que simples et pudiques, ni des caresses que pures et franches, ni des souspirs que pour le Ciel, ni des privautés que pour l'esprit, ni des plaintes sinon quand Dieu n'est pas aymé, marques infallibles de l'honnesteté.

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001021 

 Saint Gregoire Nazianzene dit que le paon faisant son cri lhors qu'il fait sa rouë et pavonnade excite grandement les femelles qui l'escoutent a la lubricité: quand on voit un homme pavonner, se parer et venir comme cela cajoler, chuchoter et barguigner aux oreilles d'une femme ou d'une fille, sans pretention d'un juste mariage, ha! sans doute ce n'est que pour la provoquer a quelque impudicité; et la femme d'honneur bouchera ses oreilles pour ne point ouïr le cri de ce paon et la voix de l'enchanteur qui la veut enchanter finement: que si elle escoute, o Dieu, quel mauvais augure de la future perte de son cœur!.

  A003001026 

 O ma Philothee, pour Dieu, soyes rigoureuse en telles occasions: le cœur et les oreilles s'entretiennent l'un a l'autre, et comme il est impossible d'empescher un torrent qui a pris sa descente par le pendant d'une montaigne, aussi est-il difficile d'empescher que l'amour qui est tombé en l'oreille ne face soudain sa cheute dans le cœur.

  A003001027 

 Resouvenes-vous que vous aves voué vostre cœur a Dieu, et que vostre amour luy estant sacrifié, ce seroit donq un sacrilege de luy en oster un seul brin; sacrifies le luy plustost derechef par mille resolutions et protestations, et vous tenant entre icelles comme un cerf dans son fort, reclames Dieu; il vous secourra et son amour prendra le vostre en sa protection, affin qu'il vive uniquement pour luy..

  A003001028 

 Que si vous estes des-ja prinse dans les filetz de ces folles amours, o Dieu, quelle difficulté de vous en desprendre! Mettés vous devant sa divine Majesté, connoissés en sa presence la grandeur de vostre misere, vostre foiblesse et vanité; puys, avec le plus grand effort de cœur qu'il vous sera possible, detestés ces amours commencees, abjurés la vayne profession que vous en aves faitte, renoncés a toutes les promesses receuës, et d'une grande et tres absolue volonté, arrestés en vostre cœur et vous resoulvés de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d'amour..

  A003001030 

 Il ne faut point mesnager pour un amour qui est si contraire a l'amour de Dieu..

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001031 

 Non feront, Philothee, si vous aves conceu autant de detestation de vostre mal comme il merite, car si cela est, vous ne seres plus agitee d'aucun mouvement que de celuy d'un extreme horreur de cet infame amour et de tout ce qui en depend, et demeureres quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une tres pure charité pour Dieu.

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001039 

 L'une est du Sage: Qui craint Dieu aura pareillement une bonne amitié; l'autre est de saint Jacques: L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu..

  A003001043 

 Il me semble, au contraire, qu'il faut commencer par l'interieur: Convertisses-vous a moy, dit Dieu, de tout vostre cœur; Mon enfant, donne-moy ton cœur car aussi, le cœur estant la source des actions, elles sont telles qu'il est.

  A003001047 

 Si le travail que vous feres vous est necessaire, ou fort utile a la gloire de Dieu, j'ayme mieux que vous souffries la peyne du travail que celle du jeusne: c'est le sentiment de l'Eglise, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, descharge ceux qui les font du jeusne mesme commandé.

  A003001048 

 Et en cette nonchalance de ce qu'on doit manger et qu'on boit gist la perfection de la prattique de ce mot sacré: Manges ce qui [219] vous sera mis devant. J'excepte neanmoins les viandes qui nuisent a la santé ou qui mesme incommodent l'esprit, comme font a plusieurs les viandes chaudes et espicees, fumeuses, venteuses; et certaines occasions esquelles la nature a besoin d'estre recreée et aydee, pour pouvoir soustenir quelque travail a la gloire de Dieu.

  A003001050 

 Certes, ce tems la est le plus gracieux, le plus doux et le moins embarrassé; les oyseaux mesmes nous provoquent en iceluy au resveil et aux louanges de Dieu: si que le lever matin sert a la santé et a la sainteté..

  A003001052 

 Et Dieu sans doute vous dit en ces cas-la: Battes, rompes, fendes, froisses vos cœurs principalement, car c'est contre eux que mon courroux est animé.

  A003001052 

 Helas, chere amie, vous battes le pauvre asne, vous affligés vostre cors, et il ne peut mais de vostre mal, ni dequoy Dieu a son espee desgainee sur vous; corrigés vostre cœur qui est idolatre de ce mari, et qui permettoit mille vices a l'enfant et le destinoit a l'orgueil, a la vanité et a l'ambition.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001057 

 Si donques rien ne vous presse d'aller en conversation ou d'en recevoir chez vous, [222] demeurés en vous mesme et vous entretenés avec vostre cœur; mais si la conversation vous arrive, ou quelque juste sujet vous invite a vous y rendre, alls de par Dieu, Philothee, et voyes vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003001067 

 Dieu mesme requiert l'honnesteté corporelle en ceux qui s'approchent de ses autelz et ceux qui ont la charge principale de la devotion..

  A003001073 

 Et comme les abeilles ne demeslent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsy vostre langue sera tous-jours emmiellee de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre vos levres des louanges et benedictions de son nom, ainsy qu'on dit de saint François, qui prononçant le saint nom [228] du Seigneur, sucçoit et lechoit ses levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde..

  A003001073 

 Si donq vous estes bien amoureuse de Dieu, Philothee, vous parlerés souvent de Dieu es devis familiers que vous feres avec vos domestiques, amis et voysins: ouy, car la bouche du juste meditera la sapience, et sa langue parlera du jugement.

  A003001074 

 Mais parlés tous-jours de Dieu comme de Dieu, c'est a dire reveremment et devotement, non point faisant la suffisante ni la prescheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous sçaves (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devotion et des choses divines, goutte a goutte, tantost dedans l'oreille de l'un, tantost dedans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de vostre ame qu'il luy plaise de faire passer cette sainte rosee jusques dans le cœur de ceux qui vous escoutent.

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001081 

 C'est une des plus mauvaises conditions qu'un esprit peut avoir que d'estre moqueur: Dieu hait extremement ce vice et en a fait jadis des estranges punitions.

  A003001086 

 C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais..

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001090 

 Mais pourquoy? parce, dit l'Esprit de Dieu, qu'il estoit juste: l'homme juste, quand il ne peut plus excuser ni le fait ni l'intention de celuy que d'ailleurs il connoist homme de bien, encor n'en veut-il pas juger, mais oste cela de son esprit et en laisse le jugement a Dieu.

  A003001090 

 Nostre Dame estoit grosse, saint Joseph le voyoit clairement; mais parce que d'autre costé il la voyoit toute sainte, toute pure, toute angelique, il ne peut onques croire qu'elle eut pris sa grossesse contre son devoir, si qu'il se resoulvoit, en la laissant, d'en laisser le jugement a Dieu: quoy que l'argument fut violent pour luy faire concevoir mauvaise opinion de cette Vierge, si ne voulut-il jamais l'en juger.

  A003001091 

 Mais ne peut-on donq jamais juger le prochain? Non certes, jamais; c'est Dieu, Philothee, qui juge les criminelz en justice.

  A003001099 

 La mesdisance est une espece de meurtre, car nous avons trois vies: la [238] spirituelle qui gist en la grace de Dieu, la corporelle qui gist en l'ame, et la civile qui consiste en la renommee; le peché nous oste la premiere, la mort nous oste la seconde, et la mesdisance nous oste la troisiesme.

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001103 

 Helas, puisque la bonté de Dieu est si grande qu'un seul moment suffit pour impetrer et recevoir sa grace, quelle asseurance pouvons-nous avoir qu'un homme qui estoit hier pecheur le soit aujourd'huy? Le jour precedent ne doit pas juger le jour present, ni le jour present ne doit pas juger le jour precedent: il n'y a que le dernier qui les juge tous.

  A003001104 

 Non, chere Philothee, il ne faut pas, pensant fuir le vice de la mesdisance, favoriser, flatter ou nourrir les autres, ains faut dire rondement et franchement mal du mal et blasmer les choses blasmables: ce que faisant, nous glorifions Dieu, moyennant que ce soit avec les conditions suivantes..

  A003001105 

 Mais sur tout il faut que je sois exactement juste en mes paroles pour ne dire pas un seul mot de trop: par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop indiscrete et perilleuse, o Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien juste pour ne point aggrandir la chose, pas mesme d'un seul brin.

  A003001106 

 J'excepte entre tous, les ennemis declarés de Dieu et de son Eglise; car ceux-la, il les faut descrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques et les chefz d'icelles: c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, voyre ou qu'il soit..

  A003001107 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les princes et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit: Philothee, ne faites pas cette faute; car outre l'offense de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003001108 

 Quand vous oyes mal dire, rendés douteuse l'accusation, si vous le pouves faire justement; si vous ne pouves pas, excuses l'intention de l'accusé; que si cela ne se peut, tesmoignes de la compassion sur luy, escartes ce propos-la, vous resouvenant et faisant resouvenir la compaignie que ceux qui ne tombent pas en faute en doivent toute la grace a Dieu.

  A003001112 

 Accoustumes-vous a ne jamais mentir a vostre escient, ni par excuse ni autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003001113 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en chose d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de la, les artifices sont dangereux, car, comme dit la sacree Parolle, le Saint Esprit n'habite point en un esprit feint et double.

  A003001113 

 Les prudences mondaines et artifices charnelz appartiennent aux enfans de ce siecle; mais les enfans de Dieu cheminent sans destour et ont le cœur sans replis.

  A003001129 

 La sainte et chaste damoiselle Sara parlant a Dieu de son innocence: Vous sçaves, dit-elle, o Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joüeurs..

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001137 

 Plusieurs religieux et gens de devotion estoyent a mesme heure devant Dieu, chantoyent ses loüanges et contemployent sa beauté.

  A003001138 

 Je vous remarque ces petites considerations, mais Dieu vous en suggerera bien d'autres a mesme effect, si vous aves sa crainte..

  A003001149 

 Or sa meditation estoit telle: elle s'imaginoit qu'apprestant pour son pere elle apprestoit pour Nostre Seigneur, comme une sainte Marthe; que sa mere tenoit la place de Nostre Dame, et ses freres, le lieu des Apostres, s'excitant en cette sorte de servir en esprit toute la cour celeste, et s'employant a ces chetifz [255] services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit la volonté de Dieu estre telle.

  A003001149 

 Quand j'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des prédications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eust ravi le cœur de son Espoux celeste; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001151 

 Faites donq toutes choses au nom de Dieu et toutes choses seront bien faittes.

  A003001151 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or, qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003001151 

 Soit que vous mangies, soit que vous beuvies, soit que vous dormies, soit que vous vous recreiés, soit que vous tournies la broche, pourveu que vous sçachies bien mesnager vos affaires, vous prouffiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les facies.

  A003001157 

 Nous avons deux poids: l'un pour peser nos commodités avec le plus d'advantage que nous pouvons, l'autre pour peser celles du prochain avec le plus de desadvantage qu'il se peut; or, comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est a dire elles ont deux cœurs; et d'avoir deux [258] poids, l'un fort pour recevoir et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001163 

 Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens..

  A003001165 

 Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant; ceux-la, faites les bien valoir: cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles.

  A003001171 

 Pleust a Dieu que son Filz bienaymé fust appellé a toutes les noces comme il fut a celles de Cana: le vin des consolations et benedictions n'y manqueroit jamais, car ce qu'il n'y en a pour l'ordinaire qu'un peu au commencement, c'est d'autant qu'en lieu de Nostre Seigneur on y fait venir Adonis, et Venus en lieu de Nostre Dame.

  A003001173 

 Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?.

  A003001174 

 Si on colle deux pieces de sapin ensemble, pourveu que la colle soit fine, l'union en sera si forte qu'on fendroit beaucoup plus tost les pieces es autres endroitz, qu'en l'endroit de leur conjonction; mais Dieu conjoint le mari a la femme en son propre sang, c'est pourquoy cette union est si forte que plustost l'ame se doit separer du cors de l'un et de l'autre, que non pas le mari de la femme.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001177 

 Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés; car vrayement Dieu pour cela les a creés [267] d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et qu'elle fust produite d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduite du mari; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité: Maris, dit saint Pierre, portes vous discretement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces.

  A003001177 

 Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles affin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs.

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001181 

 La mere de saint Bernard, digne mere d'un tel filz, prenant ses enfans en ses bras incontinent qu'ilz estoyent nais, lies offroit a Jesus Christ, et des lhors les aymoit avec respect comme chose sacree et que Dieu luy avoit confiee; ce qui luy reussit si heureusement qu'en fin ilz furent tous sept tressaintz..

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 Certes, les races et generations sont appellees en nostre langage, maysons, et les Hebreux mesme appellent la generation des enfans, edification de mayson, car c'est en ce sens qu'il est dit que Dieu edifia des maysons aux sages femmes d'Egypte.

  A003001182 

 Mays les enfans estans venus au monde et commençans a se servir de la rayson, les peres et meres doivent avoir un grand soin de leur imprimer la crainte de Dieu au cœur.

  A003001182 

 Or c'est pour [271] monstrer que ce n'est pas faire une bonne mayson de fourrer beaucoup de biens mondains en icelle, mais de bien eslever les enfans en la crainte de Dieu et en la vertu: en quoy on ne doit espargner aucune sorte de peyne ni de travaux, puisque les enfans sont la couronne du pere et de la mere.

  A003001186 

 Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

  A003001198 

 Certes, l'infame et execrable action que Onan faisoit en son mariage estoit detestable devant Dieu, ainsy que dit le sacré Texte du trente huitiesme chapitre de Genese; et bien que quelques heretiques de nostre aage, cent fois plus blasmables que les Cyniques desquelz parle saint Hierosme sur l'Epistre aux Ephesiens, ayent voulu dire que c'estoit la perverse intention de ce meschant qui desplaisoit a Dieu, l'Escriture toutefois parle autrement, et asseure en particulier que la chose mesme qu'il faisoit estoit detestable et abominable devant Dieu.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001200 

 Que tous donques usent du monde, un chacun selon sa vocation, mais en telle sorte que n'y engageant point l'affection, on soit aussi libre et prompt a servir Dieu comme si l'on n'en usoit point.

  A003001206 

 Que si la vraye vefve, pour se confirmer en l'estat de viduité, veut offrir a Dieu en vœu son cors et sa chasteté, elle adjoustera un grand ornement a sa viduité et mettra en grande asseurance sa resolution; car voyant qu'apres le vœu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté sans quitter le Paradis, elle sera si jalouse de son dessein qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensees de mariage d'arrester en son cœur un seul moment, si que ce vœu sacré mettra une forte barriere entre son ame et toute sorte de projetz contraires a sa resolution.

  A003001207 

 Le vœu rend les œuvres faittes en suite d'iceluy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les œuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions.

  A003001207 

 Par la simple chasteté nous prestons nostre cors a Dieu, retenans pourtant la liberté de le sousmettre l'autre fois aux playsirs sensuelz; mais par le vœu de chasteté nous luy en faisons un don absolu et irrevocable, sans nous reserver aucun pouvoir de nous en desdire, nous rendans ainsy heureusement esclaves de Celuy la servitude duquel est meilleure que toute royauté.

  A003001208 

 Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son cœur avec celuy de sa divine Majesté; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable louange que ce qui est fait pour Dieu..

  A003001210 

 Ainsy la vefve devote ne veut jamais estre appellee et estimee ni belle ni gracieuse, se contentant d'estre ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est a dire humble et abjecte a ses yeux..

  A003001211 

 Esperer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'esperer en Dieu quand on est destitué de cet appuy, c'est chose digne de grande loüange: c'est pourquoy on connoist plus aysement en la viduité, la perfection des vertus que l'on a eues au mariage.

  A003001212 

 Mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduitz, la vefve alhors doit ramasser toutes ses affections et cogitations pour les appliquer plus purement a son avancement en l'amour de Dieu..

  A003001213 

 Car il faut que les fruitz du tracas soyent bien grans, pour estre comparables au bien d'une sainte tranquillité; laissant a part que les proces et telles brouilleries dissipent le cœur et ouvrent souventefois la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que, pour complaire a ceux de la faveur [284] desquelz on a besoin, on se met en des contenances indevotes et desaggreables a Dieu..

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001214 

 L'orayson soit le continuel exercice de la vefve; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir des parolles que pour Dieu.

  A003001217 

 J'aurois beaucoup d'autres choses a dire sur ce sujet; mais j'auray tout dit quand j'auray dit que la vefve jalouse de l'honneur de sa condition lise attentivement les belles epistres que le grand saint Hierosme escrit a Furia et a Salvia, et a toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere, car il ne se peut rien adjouster a ce qu'il leur dit, sinon cet advertissement: que la vraye vefve ne doit jamais ni blasmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou mesme troisiesmes et quatriesmes noces; car en certains cas Dieu en dispose ainsy pour sa plus grande gloire.

  A003001221 

 Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour.

  A003001225 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulés suivre la vie devote, ilz descocheront sur vous mille traitz de leur cajolerie et mesdisance: les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigotterie et artifices; ilz diront que le monde vous a fait mauvais visage et qu'a son refus vous recourés a Dieu; vos amis s'empresseront a vous faire un monde de remonstrances, fort prudentes et charitables a leur advis: Vous tomberes, diront-ilz, en quelque humeur melancholique, vous perdres credit au monde, vous vous rendres insupportable, vous enviellires devant [288] le tems, vos affaires domestiques en patiront; il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mysteres; et mille telles bagatelles..

  A003001226 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu?.

  A003001229 

 Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions; la perseverance fera bien voir si c'est a certes et tout de bon que nous sommes sacrifiés a Dieu et rangés a la vie devote.

  A003001233 

 Il vous faschera peut estre d'abord de quitter la gloire que les folz et moqueurs vous donnoyent en vos vanités; mais o Dieu, voudries vous bien perdre l'eternelle que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetems esquelz vous aves employé les annees passees se representeront encor a vostre cœur pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auries vous bien le courage de renoncer a cette heureuse eternité pour des si trompeuses legeretés? Croyes-moy, si vous perseveres vous ne tarderes pas de recevoir des douceurs cordiales si delicieuses et aggreables, que vous confesseres que le monde n'a que du fiel en comparayson de ce miel, et qu'un seul jour de devotion vaut mieux que mille annees de la vie mondaine..

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 Ainsy Satan, le monde et la chair voyans une ame espousee au Filz de Dieu, luy envoyent des tentations et suggestions par lesquelles: 1.

  A003001239 

 Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fust desaggreable a Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles; la bienheureuse Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoist, lhors que l'un se jetta dans les espines et l'autre dans la neige pour les mitiger, et neanmoins ilz ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmenterent de beaucoup..

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001242 

 C'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations: car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre, ce semble, toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroist plus en nulle part sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit; encores semble-il qu'il n'y soit pas, et a-on peyne de le treuver.

  A003001247 

 Le malin esprit eut congé de Dieu d'assaillir la pudicité de cette sainte vierge avec la plus grande rage qu'il pourroit, pourveu toutefois qu'il ne la touchast point.

  A003001248 

 O Dieu, quelle detresse a une ame qui ayme Dieu, de ne sçavoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout esteint en elle ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans sçavoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat..

  A003001252 

 Ce que je dis affin que, s'il vous arrive jamais d'estre affligee de si grande tentation, vous sçachies que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il vous veut aggrandir devant sa face, et que neanmoins vous soyes tous-jours humble et craintive, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidelité a l'endroit de sa Majesté.

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001252 

 Quelques tentations donques qui vous arrivent et quelque delectation qui s'ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement a la tentation mais encor a la delectation, ne vous troublés nullement, car Dieu n'en est point offensé..

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001264 

 Recoures de mesme a Dieu, reclamant sa misericorde et son secours; c'est le remede que Nostre Seigneur enseigne: Pries affin que vous n'entries point en tentation..

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001269 

 Ne disputés point avec vostre ennemi et ne luy respondés jamais une seule parolle, sinon celle que Nostre Seigneur luy respondit, avec laquelle il le confondit: Arriere, o Satan, tu adoreras le Seigneur ton Dieu et a luy seul serviras.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001278 

 Or donq, quant a ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux et tantost nous piquer sur la joüe, tantost sur le nés, parce qu'il est impossible d'estre tout a fait exempt de leur importunité, la meilleure resistance qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter; car tout cela ne peut nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennui, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu.

  A003001279 

 Mesprises donques ces menues attaques et ne daignes pas seulement penser a ce qu'elles veulent dire, mais laisses les bourdonner autour de vos oreilles tant qu'elles voudront, et courir ça et la autour de vous, comme l'on fait des mouches; et quand elles viendront vous piquer et que vous les verres aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles ni leur respondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu'elles soyent, et specialement de l'amour de Dieu.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001293 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre delivree de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peyne, industrie ou diligence; si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera a la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mays je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit.

  A003001296 

 Car, comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est pretieuse la tiennent bien serree en leur main, ainsy, a l'imitation de ce grand Roy, nous devons tous-jours dire: O mon Dieu, mon ame est au hazard, c'est pourquoy je la porte tous-jours en mes mains, et en cette sorte je n'ay point oublié vostre sainte loy.

  A003001296 

 Que s'il est egaré, avant toutes choses, cherches-le et le ramenes tout bellement en la presence de Dieu, remettant vos affections et desirs sous l'obeissance et conduite de sa divine volonté.

  A003001297 

 Quand vous sentires arriver l'inquietude, recommandes-vous a Dieu et resoulves-vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous que l'inquietude ne soit totalement passee, sinon que ce fust chose qui ne se peust differer; et alhors il faut, avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, l'attrempant et moderant tant qu'il vous sera possible, et sur cela, faire la chose non selon vostre desir, mais selon la rayson..

  A003001302 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit saint Paul, opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde opere la mort. La tristesse donques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003001305 

 Quelqu'un est-il triste, dit saint Jacques, qu'il prie: la priere est un souverain remede, car elle esleve l'esprit en Dieu qui est nostre unique joye et consolation; mais en priant, uses d'affections et parolles, soit interieures soit exterieures, qui tendent a la confiance et amour de Dieu, comme: o Dieu de misericorde, mon tres bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bienaymé de mon ame, et semblables..

  A003001308 

 Faites des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baysant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles ci: Mon Bienaymè a moy, et moy a luy.

  A003001308 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant, quand me consolerés-vous? O Jesus, soyes-moy Jesus; vive Jesus, et mon ame vivra.

  A003001308 

 Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et semblables..

  A003001310 

 Et en fin finale, resignes vous entre les mains de Dieu, vous preparant a souffrir cette ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses; et ne doutes nullement que Dieu, apres vous avoir esprouvee, ne vous delivre de ce mal..

  A003001314 

 Dieu continue l'estre de ce grand monde en une perpetuelle vicissitude, par laquelle le jour se change tous-jours en nuit, le printems en esté, l'esté en automne, l'automne en hiver et l'hiver en printems, et l'un des jours ne ressemble jamais parfaittement l'autre: on en void de nubileux, de pluvieux, de secs, de venteux, varieté qui donne une grande beauté a cet univers.

  A003001315 

 C'est un grand advertissement que celuy cy: il nous [316] faut tascher d'avoir une continuelle et inviolable egalité de cœur en une si grande inegalité d'accidens, et quoy que toutes choses se tournent et varient diversement autour de nous, il nous faut demeurer constamment immobiles a tous-jours regarder, tendre et pretendre a nostre Dieu.

  A003001315 

 Ou que nous vivions ou que nous mourions, dit l'Apostre, si sommes-nous a Dieu.

  A003001315 

 Que tout se renverse sans dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous, c'est a dire que nostre ame soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en tenebres, en tentations, en repos, en goust, en desgoust, en secheresse, en tendreté, que le soleil la brusle ou que la rosee la rafraischisse, ha! si faut-il pourtant qu'a jamais et tous-jours la pointe de nostre cœur, nostre esprit, nostre volonté superieure, qui est nostre bussole, regarde incessamment et tende perpetuellement a l'amour de Dieu son Createur, son Sauveur, son unique et souverain bien.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001316 

 Car, comme les avettes se voyans surprises du vent en la campaigne, embrassent des pierres pour se pouvoir balancer en l'air et n'estre pas si aysement transportees a la merci de l'orage, ainsy nostre ame ayant vivement embrassé par resolution le pretieux amour de son Dieu, demeure constante parmi l'inconstance et vicissitude des consolations et afflictions, tant spirituelles que temporelles, tant exterieures qu'interieures.

  A003001316 

 Cette resolution si absolue de ne jamais abandonner Dieu ni quitter son doux amour, sert de contrepoids a nos ames pour les tenir en la sainte egalité parmi l'inegalité de divers mouvemens que la condition de [317] cette vie luy apporte.

  A003001317 

 Non, chere Philothee, la devotion et cela ne sont pas une mesme chose; car il y a beaucoup d'ames qui ont de ces tendretés et consolations, qui neanmoins ne laissent pas d'estre fort vicieuses, et par consequent n'ont aucun vray amour de Dieu et, beaucoup moins, aucune vraye devotion.

  A003001317 

 Or, sur cela, qu'est ce que ne fit pas Saul pour tesmoigner que son [318] cœur estoit amolly envers David? il le nomma son enfant, il se mit a pleurer tout haut, a le loüer, a confesser sa debonnaireté, a prier Dieu pour luy, a presager sa future grandeur et a luy recommander la posterité qu'il devoit laisser apres soy.

  A003001318 

 Ainsy se treuve-il des personnes qui considerans la bonté de Dieu et la Passion du Sauveur sentent des grans attendrissemens de cœur, qui leur font jetter des souspirs, des larmes, des prieres et actions de graces fort sensibles, si qu'on diroit qu'elles ont le cœur saysi d'une bien grande devotion.

  A003001318 

 Mais quand ce vient a l'essay, on treuve que comme les pluyes passageres d'un esté bien chaud, qui tombans en grosses gouttes sur la terre ne la penetrent point et ne servent qu'a la production des champignons, ainsy ces larmes et tendretés tombans sur un cœur vicieux et ne le penetrans point, luy sont tout a fait inutiles: car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteroyent pas un seul liard du bien mal acquis qu'ilz possedent, ne renonceroyent pas une [319] seule de leurs perverses affections, et ne voudroyent pas avoir pris la moindre incommodité du monde pour le service du Sauveur sur lequel ilz ont pleuré; en sorte que les bons mouvemens qu'ilz ont eus, ne sont que des certains champignons spirituelz, qui non seulement ne sont pas la vraye devotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l'ennemi, qui, amusant les ames a ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaittes en cela, a ce qu'elles ne cherchent plus la vraye et solide devotion, qui consiste en une volonté constante, resolue, prompte et active d'executer ce que l'on sçait estre aggreable a Dieu..

  A003001320 

 Ce sont des petitz avant-goustz des suavités immortelles que Dieu donne aux ames qui le cherchent; ce sont des grains sucrés qu'il donne a ses petitz enfans pour les amorcer; ce sont des eaux cordiales qu'il leur presente pour les conforter, et ce sont aussi quelquefois des arres des recompenses eternelles.

  A003001320 

 Et comme ceux qui ont l'herbe scitique en la bouche en reçoivent une si extreme douceur qu'ilz ne sentent ni faim ni soif, ainsy ceux a qui Dieu a donné cette manne celeste des suavités et consolations interieures ne peuvent desirer ni recevoir les consolations du monde, pour au moins y prendre goust et y amuser leurs affections.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001321 

 Si les douceurs, tendretés et consolations nous rendent plus humbles, patiens, traittables, charitables et compatissans a l'endroit du prochain, plus fervens a mortifier nos concupiscences et mauvaises inclinations, plus constans en nos exercices, plus maniables et souples a ceux que nous devons obeir, plus simples en nostre vie, sans doute, Philothee, qu'elles sont de Dieu; mais si ces douceurs n'ont de la douceur que pour nous, qu'elles nous rendent curieux, aigres, pointilleux, impatiens, opiniastres, fiers, presomptueux, durs a l'endroit du prochain, et que pensans des-ja estre des petitz saintz nous ne voulons plus estre sujetz a la direction ni a la correction, indubitablement ce sont des consolations fauses et pernicieuses: Un bon arbre ne produit que des bons fruitz..

  A003001322 

 Connoissons que nous sommes encor de petitz enfans qui avons besoin du laict, et que ces grains sucrés nous sont donnés parce que nous avons encor l'esprit tendre et delicat, qui a besoin [323] d'amorces et d'appastz pour estre attiré a l'amour de Dieu.

  A003001322 

 Et ainsy, c'est beaucoup, Philothee, d'avoir les douceurs; mais c'est la douceur des douceurs de considerer que Dieu de sa main amoureuse et maternelle les nous met en la bouche, au cœur, en l'ame, en l'esprit.

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001322 

 Pourquoy pensons-nous que Dieu nous donne ces douceurs? pour nous rendre doux envers un chacun et amoureux envers luy.

  A003001322 

 il nous faut beaucoup humilier devant Dieu; gardons-nous bien de dire pour ces douceurs: o que je suis bon! Non, Philothee, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs, car, comme j'ay dit, la devotion ne consiste pas en cela; mais disons: o que Dieu est bon a ceux qui esperent en luy, a l'ame qui le recherche! Qui a le sucre en bouche ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais ouy bien que le sucre est doux: ainsy, encor que cette douceur spirituelle est fort bonne, et Dieu qui nous la donne est tresbon, il ne s'ensuit pas que celuy qui la reçoit soit bon.

  A003001326 

 Helas, que l'ame qui est en cet estat est digne de compassion, et sur tout quand ce mal est vehement; car alhors, a l'imitation de David, elle se repaist de larmes jour et nuit, [325] tandis que par mille suggestions l'ennemi, pour la desesperer, se moque d'elle et luy dit: ah, pauvrette, ou est ton Dieu? par quel chemin le pourras-tu treuver? qui te pourra jamais rendre la joye de sa sainte grace?.

  A003001326 

 Vous ferés donq ainsy que je vous viens de dire, tres-chere Philothee, quand vous aves des consolations; mais ce beau tems si aggreable ne durera pas tous-jours, ains il adviendra que quelquefois vous seres tellement privee et destituee du sentiment de la devotion, qu'il vous sera advis que vostre ame soit line terre deserte, infructueuse, sterile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour treuver Dieu, ni aucune eau de grace qui la puisse arrouser, a cause des secheresses qui, ce semble, la reduiront totalement en friche.

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001334 

 Mais notés, Philothee, qu'il ne faut pas faire cet examen avec inquietude et trop de curiosité; ains apres avoir fidelement consideré nos deportemens pour ce regard, si nous treuvons la cause du mal en nous, il en faut remercier Dieu, car le mal est a moitié gueri quand on a [327] descouvert sa cause.

  A003001335 

 Humilies-vous grandement devant Dieu en la connoissance de vostre neant et misere: Helas, qu'est-ce que de moy quand je suis a moy mesme? non autre chose, o Seigneur, sinon une terre seche, laquelle crevassee de toutes pars, tesmoigne la soif qu'elle a de la pluye du ciel, et ce pendant le vent la dissipe et reduit en poussiere..

  A003001336 

 Invoques Dieu et luy demandes son allegresse: Rendes-moy, o Seigneur, l'allegresse de vostre salut.

  A003001337 

 Alles a vostre confesseur, ouvres-luy bien vostre cœur, faites-luy bien voir tous les replis de vostre ame, prenes les advis qu'il vous donnera, avec grande simplicité et humilité: car Dieu qui ayme infiniment l'obeissance, rend souvent utiles les conseilz que l'on prend d'autruy, et sur tout des conducteurs des ames, encor que d'ailleurs il n'y eust pas grande apparence; comme il rendit prouffitables a Naaman les eaux du Jourdain, desquelles Helisee, sans aucune apparence de rayson humaine, luy avoit ordonné l'usage..

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001338 

 Je ne dis pas qu'on ne doive faire des simples souhaitz de la delivrance; mais je dis qu'on ne s'y doit pas affectionner, ains se remettre a la pure merci de la speciale providence de Dieu, affin que tant qu'il luy plaira il se serve de nous entre ces espines et parmi ces desers.

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001340 

 Ouy, chere Philothee, en tems de secheresse nostre volonté nous porte au service de Dieu comme par vive force, et par consequent il faut qu'elle soit plus vigoureuse et constante qu'en tems de tendreté.

  A003001341 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de bonnes œuvres, car plus nous avons des contradictions, soit exterieures soit interieures, [331] a les faire, plus elles sont estimees et prisees devant Dieu.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001346 

 C'est chose ordinaire a presque tous ceux qui commencent a servir Dieu et qui ne sont encor point experimentés es soustractions de la grace ni es vicissitudes spirituelles, que leur venant a manquer ce goust de la devotion sensible, et cette aggreable lumiere qui les invite a se haster au chemin de Dieu, ilz perdent tout a coup l'haleyne et tombent en pusillanimité et tristesse de cœur.

  A003001347 

 Ceci donq arriva au voyage duquel il est question a l'un de la trouppe, nommé Geoffroy de Peronne, nouvellement dedié au service de Dieu.

  A003001347 

 Celuy ci, rendu soudainement aride, destitué de consolation et occupé des tenebres interieures, commença a se ramentevoir de ses amis mondains, de ses parens, des facultés qu'il venoit de laisser, au moyen dequoy il fut assailli d'une si rude tentation que, ne pouvant la celer en son maintien, un de ses plus confidens s'en apperceut, et l'ayant dextrement accosté avec douces parolles luy dit en secret: «Que veut dire ceci Geoffroy? comment est ce que contre l'ordinaire, tu te rends si pensif et affligé?» Alhors Geoffroy, avec un profond souspir, «Ah mon frere,» respondit il, «jamais de ma vie je ne seray joyeux.» Cet autre, esmeu de pitié par telles parolles, avec un zele fraternel alla soudain reciter tout ceci au commun Pere saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une eglise prochaine affin de prier Dieu pour luy; et Geoffroy ce pendant, accablé de la tristesse, reposant sa teste sur une pierre, s'endormit.

  A003001348 

 Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goust [334] des delices celestes a ceux qui entrent a son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager a la poursuite du divin amour, comme une mere qui pour amorcer et attirer son petit enfant a la mammelle met du miel sur le bout de son tetin.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que quelquefois des bien grans orages s'eslevent parmi les secheresses et sterilités, et lhors il faut constamment combattre les tentations, car elles ne sont pas de Dieu; mais il faut souffrir patiemment les secheresses, puisque Dieu les a ordonnees pour nostre exercice.

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001350 

 Or, en telles occasions, il faut tous-jours se resouvenir de faire plusieurs actes de vertu avec la pointe de nostre esprit et volonté superieure; car encor que toute nostre ame semble dormir et estre accablee d'assoupissement et lassitude, si est-ce que les actions de nostre esprit ne laissent pas d'estre fort aggreables a Dieu, et pouvons dire en ce tems la, comme l'Espouse sacree: Je dors, mais mon cœur veille; et comme j'ay dit ci dessus, s'il y a moins de goust a travailler de la sorte, il y a pourtant plus de merite et de vertu.

  A003001351 

 C'est pour dire que les plus grans serviteurs de Dieu sont sujetz a ces secousses, et que les moindres ne doivent s'estonner s'il leur en arrive quelques unes..

  A003001351 

 Il fut deux ans en cette sorte, tellement qu'il sembloit estre du tout abandonné de Dieu; mays en fin, apres avoir humblement souffert cette rude tempeste, le Sauveur luy redonna en un moment une heureuse tranquillité.

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001358 

 Ainsy celuy qui a un vray soin de son cher cœur doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus; et outre cela, il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin, au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est a dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defautz qui y peuvent estre.

  A003001364 

 Le premier, c'est d'avoir quitté, rejetté, detesté, renoncé pour jamais tout peché mortel; le second, c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre cors, avec tout ce qui en depend, a l'amour et service de Dieu; le troisiesme, c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveries soudainement, moyennant la grace de Dieu.

  A003001365 

 Consideres a qui vous aves fait cette protestation, car c'est a Dieu.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001367 

 Helas, combien Dieu vous fut doux et gracieux en ce tems-la.

  A003001367 

 Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003001368 

 Consideres en quel tems Dieu vous tira a ces grandes resolutions, car ce fut en la fleur de vostre aage.

  A003001368 

 Et vous pourres bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay-je plus tost savouree! Helas, neanmoins, encores ne le merities-vous pas alhors; et partant, reconnoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu, vous m'aves esclairee et touchee des ma jeunesse, et jusques a jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003001368 

 Que si ç'a esté en vostre viellesse, helas, Philothee, quelle grace qu'apres avoir ainsy abusé des annees precedentes, Dieu vous ait appellee avant la mort, et qu'il ait arresté la course de vostre misere au tems auquel, si elle eust continué, vous esties eternellement miserable..

  A003001369 

 C'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003001369 

 La bonne main de Dieu, dit David, a fait vertu, sa dextre m'a relevé.

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001370 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles, comme vous voyes, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclure par action de grace et une priere affectionnee d'en bien prouffiter, se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire l'effort des resolutions apres le deuxiesme point de cet exercice..

  A003001374 

 Ce second point de l'exercice est un peu long; et pour le prattiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le facies tout d'une traitte, mays a plusieurs fois, [343] comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003001375 

 Et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, a Nostre Dame, aux Anges, a toute la Hierusalem celeste; il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu et de la perfection de vostre ame..

  A003001376 

 Invoques le Saint Esprit, luy demandant lumiere et clarté affin que vous vous puissies bien connoistre, avec saint Augustin qui s'escrioit [344] devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous connoisse et que je me connoisse; et saint François qui interrogeoit Dieu disant: «Qui estes-vous et qui suis-je?» Protestes de ne vouloir remarquer vostre avancement pour vous en res-jouir en vous mesme, mais pour vous res-jouir en Dieu, ni pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu et l'en remercier.

  A003001376 

 Mettes-vous en la presence de Dieu.

  A003001376 

 Protestes que si, comme vous penses, vous descouvres d'avoir peu prouffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voules nullement pour tout cela vous abattre ni refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voules vous encourager et animer davantage, vous humilier et remedier aux defautz, moyennant la grace de Dieu..

  A003001377 

 Cela fait, considerés doucement et tranquillement comme jusques a l'heure presente vous vous estes comportee envers Dieu, envers le prochain et a l'endroit de vous mesme..

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Il en prend de mesme des [346] ames qui ayment bien Dieu; quoy qu'elles soyent empressees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance a tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extremement bon signe..

  A003001385 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Dieu mesme? Vostre cœur se plaist-il a se resouvenir de Dieu? en ressent-il point de douceur aggreable? Ha, dit David, je me suis resouvenu de Dieu et m'en suis delecté.

  A003001385 

 Sentes-vous en vostre cœur une certaine facilité a l'aymer et un goust particulier a savourer cet amour? Vostre cœur se recree-il point a penser a l'immensité de Dieu, a sa bonté, a sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive emmi les occupations du monde et les vanités, se fait-il point faire place, saisit-il point vostre cœur? vous semble-il point que vostre cœur se tourne de son costé et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela.

  A003001386 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? Vous plaises-vous autour de luy? Les mouches a miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs: ainsy les bonnes ames prennent leur contentement autour de Jesus Christ et ont une extreme tendreté d'amour en son endroit; mais les mauvais se plaisent autour des vanités..

  A003001388 

 Quant a vostre langue, comme parles-vous de Dieu? Vous plaises-vous d'en dire du bien selon vostre condition et suffisance? aymes-vous a chanter les cantiques?.

  A003001389 

 Quant aux œuvres, penses si vous aves a cœur la gloire exterieure de Dieu et de faire quelque chose a son honneur; car ceux qui ayment Dieu ayment, avec Dieu, l'ornement de sa mayson..

  A003001390 

 Qu'aves-vous donq cy devant quitté pour l'amour de Dieu? [347].

  A003001390 

 Sçauries-vous remarquer d'avoir quitté quelque affection et renoncé a quelque chose pour Dieu? car c'est un bon signe d'amour de se priver de quelque chose en faveur de celuy qu'on ayme.

  A003001397 

 Que vous estimes-vous devant Dieu? rien sans doute.

  A003001403 

 Il faut bien aymer le mari et la femme d'un amour doux et tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu parce que Dieu l'ordonne et le veut.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001411 

 En nostre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous mesmes..

  A003001415 

 En l'esperance, trop mise peut estre au monde et en la creature, et trop peu mise en Dieu et es choses eternelles..

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001421 

 Remercies Dieu de ce peu d'amendement que vous aures treuvé en vostre vie des vostre resolution, et reconnoisses que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous et pour vous..

  A003001422 

 Humiliés-vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'aves pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'aves pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens qu'il vous a donnés en l'orayson et ailleurs..

  A003001431 

 Apres avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur les defautz et sur les remedes d'iceux, vous prendres les considerations suivantes, en faisant une chaque jour par maniere de meditation, y employant le tems de vostre orayson, et ce tous-jours avec la mesme methode, pour la preparation et les affections, de laquelle vous aves usé es meditations de la premiere Partie, vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son saint amour et service..

  A003001435 

 Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement.

  A003001435 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu et ne le peut haïr en soy mesme..

  A003001436 

 Voyes vostre cœur comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs, ainsy vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003001437 

 Helas, nostre cœur courant aux creatures, il y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrees, il void que c'est a refaire et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu sur lequel il puisse reposer, non plus que la colombe sortie de l'arche de Noé, affin qu'il retourne a son Dieu duquel il est sorti.

  A003001438 

 O ma belle ame, deves-vous dire, vous pouves entendre et vouloir Dieu, pourquoy vous amuseres-vous a chose moindre? vous pouves pretendre a l'eternité, pourquoy vous amuseres-vous aux momens? Ce fut l'un des regretz de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre delicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003001438 

 O mon ame, tu es capable de Dieu, malheur a toy si tu te contentes de moins que de Dieu! Esleves fort vostre ame sur cette consideration, remonstres-luy qu'elle est eternelle et digne de l'eternité; enfles-luy le courage pour ce sujet.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001447 

 O Dieu, quelle constance a monstré ce sexe fragile en semblables occurrences!.

  A003001448 

 Mon Dieu, qu'est ce que dit saint Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a-elle poursuivi son entreprinse de [356] servir Dieu en son mariage, en son vefvage! Et saint Hierosme, de sa chere fille Paula? parmi combien de traverses, parmi combien de varietés d'accidens! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur des si excellens patrons? Ilz estoyent ce que nous sommes, ilz le faisoyent pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus: pourquoy n'en ferons nous autant, en nostre condition et selon nostre vocation, pour nostre chere resolution et sainte protestation?.

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001454 

 Ah, mon Dieu, que nous devrions profondement mettre ceci en nostre memoire: est il possible que j'aye esté aymee et si doucement aymee de mon Sauveur, qu'il allast penser a moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiree a luy? et combien donq devons nous aymer, cherir et bien employer tout cela a nostre utilité.

  A003001454 

 Ceci est bien doux: ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au monde en qui il eust pensé, ainsy que le soleil esclairant un endroit [358] de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs et qu'il esclairast cela seul; car tout de mesme Nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans, en sorte qu'il pensoit a un chacun de nous comme s'il n'eust point pensé a tout le reste.

  A003001458 

 Consideres l'amour eternel que Dieu vous a porté, car des-ja avant que Nostre Seigneur Jesus Christ entant qu'homme souffrit en Croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté et vous aymoit extremement.

  A003001458 

 Et quand commença-il a estre Dieu? Jamais, car il l'a tous-jours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tous-jours aymee des l'eternité, c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faittes.

  A003001458 

 Mais quand commença-il a vous aymer? Il commença quand il commença a estre Dieu.

  A003001459 

 O Dieu, quelles resolutions sont-ce cy, que Dieu a pensees, meditees, projettees des son eternité! Combien [359] nous doivent-elles estre cheres et pretieuses, que devrions-nous souffrir plustost que d'en quitter un seul brin! Non pas certes si tout le monde devoit perir, car aussi tout le monde ensemble ne vaut pas une ame, et une ame ne vaut rien sans nos resolutions..

  A003001463 

 O cheres resolutions, vous estes le bel arbre de vie que mon Dieu a planté de sa main au milieu de mon cœur, que mon Sauveur veut arrouser de son sang pour le faire fructifier; plustost mille mortz que de permettre qu'aucun vent vous arrache.

  A003001463 

 Vives donques a jamais, o resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu; soyes et vives eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003001464 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleyne et de force protestés mille fois que vous continueres en vos resolutions, et comme si vous tenies vostre cœur, vostre ame et vostre volonté en vos mains, dedies-la, consacres-la, sacrifies-la et l'immoles a Dieu, protestant que vous ne la reprendres plus, mais la laisseres en la main de sa divine Majesté pour suivre en tout et par tout ses ordonnances.

  A003001464 

 Pries Dieu qu'il vous renouvelle toute, qu'il benisse vostre renouvellement de protestation et qu'il le fortifie; invoques la Vierge, vostre Ange, saint Louys et autres Saintz..

  A003001474 

 Faites donq hardiment ces exercices selon que je vous les ay marqués, et Dieu vous donnera asses de loysir et de force de faire tout le reste de vos affaires; ouy, quand il devroit arrester le soleil comme il fit du tems de Josué.

  A003001474 

 Nous faisons tous-jours asses quand Dieu travaille avec nous..

  A003001479 

 Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation, et a tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oublieray vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m'aves vivifiee. Et quand vous sentirés quelque detraquement en vostre ame, prenes vostre protestation en main, et prosternee en esprit d'humilité proferes-la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003001480 

 Car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu et qu'on s'est consacré a son amour d'une speciale affection est fort aggreable a sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ait honte de luy ni de sa Croix; et puis, elle coupe chemin a beaucoup de semonces que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation a la poursuite.

  A003001480 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre, et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent a l'amour de Dieu.

  A003001494 

 O Jesus mon Seigneur, mon Sauveur, et mon Dieu, me voicy, prosterné devant vostre Majesté, vouant et consacrant cet escrit à vostre gloire.

  A003001500 

 Une ame pleine d'honneur et de vertu, ayant il y a quelque temps receu la grace de Dieu de vouloir aspirer à la vie devote desira ma particuliere assistence pour ce regard: et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long temps auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour cette entreprinse, je me rendis fort soigneux de la bien instruire; et l'ayant conduicte par tous les exercices convenables à son dessein, et à sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, afin qu'elle y eut recours à son besoin.

  A003001501 

 Si cet essay t'agrée, tu verras ce qui y manque à mon premier loisir, et quelque jour une autre sorte de besoigne de plus grande haleine, s'il plait à Dieu..

  A003001502 

 J'adresse mes paroles à Philothee, parce que voulant reduire à l'utilité commune de plusieurs ames ce que j'avois premierement escrit pour une seule, je l'appelle du nom commun à toutes celles qui veulent estre devotes: car Philothee veut dire amatrice ou amoureuse de Dieu..

  A003001508 

 Et comme la belle et chaste Rebecca abbrevant les chameaux de son Isaac, fut destinée pour estre son espouse, recevant de sa part des pendans d'aureille, et des brasselets d'or; ainsi je me promets de l'immense bonté de mon Dieu, que conduisant ses cheres brebis aux eaux salutaires de la devotion, il rendra mon ame son espouse, mettant en mes aureilles les paroles dorées de son sainct amour, et en mes bras la force de les bien exercer, en quoy gist l'essence de la vraye devotion; que je suplie sa souveraine Majesté me voulloir octroyer, et à tous les enfans de son Eglise, à laquelle je veux à jamais sousmetre mes escrits, mes actions, mes paroles, mes volontés, et mes pensées..

  A003001508 

 Or il m'est advis, mon Lecteur mon amy, qu'estant Evesque, Dieu veut, que je peigne sur les cœurs des personnes non seulement les vertus communes, mais encore sa tres-chere et bien aymée devotion: et moy je l'entreprens volontiers, tant pour obéir et faire mon devoir, que pour l'esperance que j'ay que la gravant dans l'esprit des autres, le mien à l'adventure en deviendra saintement amoureux: et si jamais sa divine Majesté me voit vivement espris de ce sainct amour, elle me la donnera en mariage eternel.

  A003001537 

 Bref la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle: par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous pour elle, promptement et affectionnement: et comme il appartient à la charité de nous faire faire generallement et universellement [14*] tous les commandemens de Dieu: il apartient aussi à la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003001537 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu, ne peut estre estimé ny bon ny devot, puis que pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003001537 

 La vraye et vivante devotion, ô Philothée, presuppose l'amour de Dieu, ains elle n'est autre chose qu'un amour de Dieu, mais non pas un amour tel quel: l'amour divin entant qu'il embelit nostre ame il s'apelle grace, nous rendant agreables à sa divine Majesté: entant qu'il nous donne la force d'operer, il s'apelle charité.

  A003001537 

 Les pecheurs ne volent point en Dieu; mais font toutes leurs courses en la terre et pour la terre: les gents de bien qui n'ont pas encore attaint à la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions; mais rarement, lentement, et negligemment.

  A003001537 

 Les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement, et hautement.

  A003001538 

 Car alors comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voye des commandemens de Dieu, et de plus par les sentiers des conseils et inspirations celestes.

  A003001538 

 Car tout ainsi qu'un homme qui est nouvellement guery de quelque maladie, chemine autant qu'il luy est necessaire, mais lentement et pesemment: ainsi le pecheur estant guery de son iniquité, il chemine autant que Dieu le luy commande; pesemment neantmoins, et lentement jusques à tant qu'il ayt atteint à la devotion.

  A003001538 

 Et d'autant que la devotion gist en certain degré d'excellente charité, non seulement elle nous rend prompts, actifs et diligents à l'observation de tous les commandemens de Dieu, mais outre cela elle nous provoque à faire promptement et affectionnement le plus de bonnes œuvres que nous pouvons, encor qu'elles ne soyent nullement commandees, ains seulement conseillees ou inspirees.

  A003001545 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costez entre lesquels on monte, et ausquels les eschellons se tiennent, representent l'oraison qui impetre l'amour de Dieu, et les Sacremens qui le conferent: les eschellons ne sont autre chose que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et suport du prochain, ou montant par la contemplation en l'union amoureuse de Dieu.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001549 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruits, chacun selon son genre; ainsi commende il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ils produisent des fruicts de devotion, un chacun selon sa qualité et vocation.

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001556 

 L'amy fidelle, dit l'Escriture Sainte, est une forte protection: celuy qui l'a treuvé a treuvé un thresor: l'amy fidelle est un medicament de vie et d'immortalité: et ceux qui craignent Dieu le treuvent.

  A003001556 

 La bien heureuse mere Therese, voyant que madame Catherine de Cardone faisoit de grandes penitences, elle desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son Confesseur qui le luy defendoit, auquel elle estoit tentée de ne point obéir en cet endroit; et Dieu luy dit: Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin: vois tu la penitence qu'elle fait? mais moy je fais plus de cas de ton obéissance: aussi elle aimoit tant ceste vertu, qu'outre l'obeïssance qu'elle devoit à ses Supérieurs, elle en voila une toute particulière à un excellent homme, s'obligeant de suyvre sa direction et conduite: dont elle fut infiniment consolee, comme après et devant elle plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assubjetir à Dieu ont soubmis leur volonté à celle de ses serviteurs, ce que sainte Catherine de Sienne louë infiniment en ses Dialogues.

  A003001557 

 Mais qui treuvera cest amy? le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu: c'est à dire les humbles, qui desirent fort leur advencement spirituel.

  A003001557 

 Puis qu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, priez Dieu avec une grande instance, qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur: et ne doutés point que quant il devroit envoyer un Ange du Ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003001558 

 C'est à dire, quand vous l'aurez treuvé, ne le considerez pas comme un simple homme, et ne vous confiés point en luy, ny en son sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorisera, et parlera par l'entremise de cest homme, mettant dedans le cœur et dans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bon-heur.

  A003001559 

 Il le faut plein de charité, de science, et de prudence: si l'une de ces trois parties luy manque, il y a du danger: mais je vous dis derechef, demandés le à Dieu, et l'ayant obtenu benissez sa divine Majesté: demeurés ferme, et n'en cherches point d'autre, mais allés simplement, humblement et confidemment, car vous ferez un tres heureux voyage.

  A003001563 

 Qui sont les fleurs de nos cœurs, ô Philothee, sinon les bons desirs? Or tout aussi tost qu'ils paroissent il faut mettre la main à la sarpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes, et superflues: la fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster la robe de sa captivité, rongner ses ongles, et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire à l'honneur d'estre espouse du Fils de Dieu, se doit despouïller du vieil homme, et se revestir du nouveau, quittant le peché, et rongner et raser toutes sortes d'empeschemens qui nous destournent de l'amour de Dieu.

  A003001569 

 Que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peines eternelles de l'Enfer, et renoncé à la vision et à l'amour eternel de Dieu..

  A003001570 

 Mais outre cela la confession generalle nous rappelle à la cognoissance de nous mesme, nous provoque à une salutaire confusion, pour nostre vie passee: nous fait admirer la misericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience: elle apaise nos cœurs, delasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables à nostre condition, et nous ouvre le cœur, pour avoir confiance de nous bien declarer aux confessions suyvantes.

  A003001570 

 Parlant doncques d'un renouvellement general de nostre cœur, et d'une conversion universelle de nostre ame à Dieu, par l'entreprise de la vie devote; j'ay bien raison, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generalle.

  A003001574 

 Un homme resolu de se venger, changera de volonté en la confession; mais tost apres on le treuvera parmy ses amis qu'il prend plaisir à parler de sa querelle, disant que si ce n'eut esté la crainte de Dieu, il eut fait cecy et cela, que la loy divine en cet article de pardonner est difficile: que pleust à Dieu, qu'il fut permis de se venger! Ha qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neantmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger: comme fait cette femme, qui ayant detesté ses mauvaises amours se plaist neantmoins d'estre muguettée et environnée.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001586 

 Mettez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001590 

 Dieu par sa seule bonté vous a fait esclorre de ce rien pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté.

  A003001591 

 Considerez l'estre que Dieu vous a donné, car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement, et de s'unir parfaitement à sa divine Majesté..

  A003001594 

 Humiliez vous profondement devant Dieu, disant de cœur avec le Psalmiste; O Seigneur je suis devant vous comme un vray rien: et comment eustes vous memoire de moy pour me creer? helas, mon ame, tu estois abismee dans cest ancien neant, et y serois encores de present, si Dieu ne t'en eust retirée: et que ferois tu dedans ce rien?.

  A003001595 

 Rendez graces à Dieu.

  A003001599 

 Abaissez vous devant Dieu.

  A003001599 

 O Dieu, je suis l'ouvrage de vos mains..

  A003001599 

 O mon ame sçache que le Seigneur est ton Dieu: c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003001604 

 Benis, ô mon ame, ton Dieu, et que toutes mes entrailles louent son saint nom, car sa bonté m'a tirée du rien, et sa misericorde m'a créee..

  A003001604 

 Remerciez Dieu.

  A003001605 

 O mon Dieu, je vous offre l'estre que vous m'avez donné aveç tout mon cœur, je le vous dedie, et consacre.

  A003001606 

 O Dieu, fortifiez moy en ces affections, et resolutions: ô sainte Vierge recommandez les à la misericorde de vostre Fils, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc. Pater noster, Ave..

  A003001612 

 Mettez vous devant Dieu, priez qu'il vous inspire..

  A003001615 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile: mais seulement afin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace, et sa gloire.

  A003001620 

 Helas, ce direz vous, que pensois je, ô mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois je quand je vous oubliois? qu'aimois je quand je ne vous aymois pas? helas je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir.

  A003001622 

 Convertissez vous à Dieu.

  A003001622 

 Et vous, ô mon Dieu, mon Seigneur, vous serez d'oresnavant le seul objet de mes pensees: non, jamais je n'appliqueray mon esprit à des cogitations qui vous soient desagreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercée en mon endroit: vous serez les delices de mon cœur, et la suavité de mes affections..

  A003001628 

 Remerciez Dieu qui vous a fait pour une fin si excellente.

  A003001630 

 Je vous supplie, ô Dieu, d'avoir agreable mes souhaits et mes vœuz, et de donner vostre sainte benediction à mon ame, à celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Fils respandu sur la Croix etc..

  A003001635 

 Metez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001638 

 Considerés les graces corporelles, que Dieu vous a donnees, quel corps, quelles commoditez de l'entretenir; quelle santé, quelles consolations loisibles pour iceluy, quels amis, quelles assistances.

  A003001638 

 Mais cela considerez le avec une comparaison de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastez de corps, de santé, de membres: les autres abandonnez à la mercy des opprobres, du mespris et deshonneur: les autres accablez de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussiez si miserable..

  A003001639 

 Considerez les dons de l'esprit, combien y a il au monde de gens hebetez, enragez, insensez; et pourquoy n'estes vous pas du nombre? Dieu vous a favorisée.

  A003001640 

 Combien de fois vous a il donné ses Sacremens? combien de fois des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amandement? combien de fois vous a il pardonné vos fautes, combien de fois delivree des occasions de vous perdre où vous estiez exposee? Et ces annees passees, n'estoient ce pas un loisir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? voyez un peu par le menu, combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003001640 

 Considerez les graces spirituelles: ô Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise, Dieu vous a enseignee sa cognoissance dés vostre jeunesse.

  A003001643 

 Admirez la bonté de Dieu.

  A003001643 

 O que mon Dieu est bon en mon endroict! ô qu'il est bon! ô que vostre cœur, Seigneur, est riche en misericorde et liberal en debonnaireté! ô mon ame racontons à jamais combien de graces il nous a faites.

  A003001645 

 Et comment mon ame ne sera elle pas meshuy subjecte à Dieu qui a fait tant de merveilles et de graces en moy et pour moy?.

  A003001648 

 Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations..

  A003001652 

 Remerciez Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée maintenant de vostre devoir, et de tous les bien faits cy devant receuz..

  A003001659 

 Mettez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001662 

 Pensez combien il y a que vous commencez à pecher, et voyez combien dés ce premier commancement là, les pechez se sont multipliez en vostre cœur: comme tous les jours vous les avez acreu contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parolle, par desir et pensee.

  A003001663 

 Avec quelle preparation les avez vous receuz? pensez à cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres, pour vous sauver, vous avez tousjours fuy devant luy pour vous perdre..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001666 

 O mon Dieu, comme ose je comparoistre devant vos yeux? helas je ne suis qu'un aposteme du monde, et un égoust d'ingratitude et d'iniquité.

  A003001678 

 Remerciez Dieu, qui vous a attendu jusques à cette heure, et vous a donné ces bonnes affections: faites luy offrande de vostre cœur pour les effectuer.

  A003001683 

 Mettez vous en la presence de Dieu.

  A003001687 

 Ah chetifve pour quelles bagatelles et chimeres ay je offencé mon Dieu! Vous verrez que nous avons quitté Dieu pour neant: au contraire la devotion, les bonnes œuvres vous sembleront alors si desirables, et douces.

  A003001688 

 Considerez les grands et langoureux à Dieu que vostre ame dira à ce bas monde.

  A003001688 

 Elle dira à Dieu aux richesses, aux vanitez, et vaines compagnies, aux plaisirs, aux passetemps, aux amis, et voisins, aux parens, aux enfans, au mary, bref à toute creature: et en fin finale à son corps, qu'elle delaissera pasle, have, defait, hideux et puant..

  A003001689 

 Dieu luy face paix, dira-on, et puis c'est tout.

  A003001693 

 Priez Dieu, et vous jettez entre ses bras.

  A003001699 

 Remerciez Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees: offres les à sa Majesté: suppliez la derechef, qu'elle vous rende vostre mort heureuse, par le merite de celle de son Fils: implorez l'ayde de la Vierge, des Saincts.

  A003001705 

 Mettez vous devant Dieu, supliez le qu'il vous inspire..

  A003001708 

 En fin, apres le temps que Dieu a marqué pour la duree de ce monde, et apres une quantité de signes, et presages horribles pour lesquels les hommes secheront d'effroy, et de crainte; le feu venant comm' un deluge bruslera, et reduira en cendre toute la face de la terre, sans qu'aucune des choses que nous voyons sur icelle en soit exempte..

  A003001712 

 La separation faite, et les livres des consciences ouvers on verra clairement la malice des mauvais, et le mespris dont ils ont usé contre Dieu: et d'ailleurs la penitence des bons, et les effects de la grace de Dieu qu'ils ont receue: et rien ne sera caché: ô Dieu, quelle confusion pour les uns, quelle consolation des autres!.

  A003001713 

 Allez, dit-il (c'est un mot d'abandonnement perpetuel, que Dieu faict de tels mal heureux, les bannissant pour jamais de sa face).

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001717 

 Tremble, ô mon ame, à ce souvenir: ô Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du Ciel trembleront de frayeur?.

  A003001724 

 Remerciez Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour là, et le temps de faire penitence: offres luy vostre cœur pour la faire..

  A003001736 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, lequel ils sont forclos de jamais voir.

  A003001736 

 Que si Absalon treuva que la privation de la face amiable de son pere David, estoit plus ennuyeuse que son exil; ô Dieu, quel regret d'estre à jamais privé de voir vostre doux et souëve visage..

  A003001740 

 O mon ame pourrois tu bien vivre eternellement avec ces ardeurs perdurables, et emmy ce feu devorant? veux tu bien quitter ton Dieu pour jamais? Confessez que vous l'avez merité, mais combien de fois.

  A003001749 

 Mettez vous en la presence de Dieu, faites l'invocation..

  A003001753 

 O que cette compagnie est heureuse! le moindre de tous est plus beau à voir que tout ce monde, que sera-ce de les voir tous? Mais mon Dieu, qu'ils sont heureux! Tousjours ils chantent le doux cantique de l'amour eternel, tousjours ils jouissent d'une constante allegresse: ils s'entre-donnent les uns aux autres des contentemens indicibles, et vivent en la consolation d'une heureuse, et indissoluble societé..

  A003001754 

 Beny soyez vous à jamais, ô nostre doux, et souverain Createur, et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiquez si liberallement vostre gloire: et reciproquement Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saints; Benites soyes vous à jamais, dit il, mes cheres creatures qui m'avez servy, et qui me louerez eternellement avec si grand amour, et courage..

  A003001754 

 Considerez en fin, quel bien ils ont tous de jouïr de Dieu, qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respend dedans leur cœur un abisme de delices.

  A003001771 

 Mettez vous en la presence de Dieu, humiliez vous devant luy, priant qu'il vous inspire..

  A003001777 

 Et encor que l'un, et l'autre soit ouvert pour vous recevoir selon que vous le choisirez, si est ce que Dieu qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice, ou l'autre par sa misericorde, desire neantmoins d'un desir nompareil que vous choisissiez le Paradis, et que vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces, et mille secours pour vous ayder à la montee..

  A003001778 

 Voyez saint Louys, qui vous exhorte, et un million de sainctes Dames qui vous convient doucement, desirans de voir un jour vostre cœur joinct au leur pour loüer Dieu à jamais: et vous asseurent que le chemin du Ciel n'est point si mal aysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, hardiment, [40*] treschere sœur.

  A003001781 

 Je benis, ô mon Dieu, vostre misericorde, et accepte l'offre qu'il vous plait de m'en faire.

  A003001781 

 O enfer, je te deteste maintenant, et eternellement je deteste tes tourmens, et tes peines: je deteste ton infortunée, et malheureuse eternité, et sur tout tes eternelles blasphemes, et maledictions que tu vomis eternellement contre mon Dieu: et retournant mon cœur, et mon ame de ton costé, ô Paradis, ô gloire eternelle, ô felicité perdurable, je choisis à jamais, et irrévocablement mon domicile, et mon sejour dedans tes belles, et sacrées maisons, et en tes saints, et desirables Tabernacles.

  A003001790 

 Mettez vous en la presence de Dieu, abaissez vous devant sa face, et requerez son ayde..

  A003001810 

 Je vous ay premierement marqué la preparation laquelle consiste en deux poincts: dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second d'invoquer son assistance.

  A003001810 

 Or pour vous metre en la presence de Dieu je vous representeray quatre principaux moyens desquels vous vous pourrez servir à ce commencement..

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001811 

 Helas Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present: et bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et lors nous nous comportons comme si Dieu estoit bien loing de nous: car encor que nous sçachions bien qu'il est present à toutes choses, si est ce que n'y pensant point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas: c'est pourquoy tousjours avant l'oraison, il faut provoquer nostre ame à une atentive pensee, et consideration de cette presence de Dieu.

  A003001811 

 Le premier gist en une vive, et attentive aprehension de la toute-puissance de Dieu; c'est à dire que Dieu est en tout, et par tout, et qu'il n'y a lieu ny chose au monde où il ne soit, d'une tres veritable presence: de sorte que comme les oyseaux où qu'ils volent rencontrent tousjours l'air, ainsi où que nous allions, où que nous soyons nous trouvons Dieu present: chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif à l'apprehender.

  A003001811 

 Venant doncques à la priere, ô Philothee, il vous faut dire de tout vostre cœur, et à vostre cœur, ô mon cœur Dieu est vrayement icy..

  A003001812 

 En la consideration donques de cette verité, vous exciterez une grande reverence en vostre cœur à l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001814 

 Vous userez donques, ô Philothee," de l'un de ces quatre moyens pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'oraison, et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mais seulement un à la fois, et cela briefvement, et simplement.

  A003001818 

 Que si vous le voulez, vous pourrez user de quelques parolles courtes, et enflammées, comme sont celles-cy de David; Ne me rejetez point, ô mon Dieu, de devant vostre face, et ne m'ostez point la faveur de vostre Saint Esprit: esclairez vostre face sur vostre servante, et je considereray vos merveilles: donnez moy l'entendement, et je regarderay vostre loy, et la garderay de tout mon cœur: je suis vostre servante, donnez moy l'esprit, et telles semblables à cela.

  A003001818 

 Vostre ame se sentant en la presence de Dieu, se prosterne en une extreme reverence, se reconnoissant tres-indigne de demeurer devant une si souveraine Majesté: et neantmoins sçachant que cette mesme bonté le veut, elle luy demande la grace de la bien servir, et adorer en cette meditation.

  A003001821 

 Comme aussi à celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres où il s'agit de choses visibles, et sensibles: car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes crées, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003001821 

 Mais cela est trop subtil [47*] pour le commencement: et jusques à ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, ô Philothee, de vous tenir en la basse vallee que je vous ay monstree..

  A003001825 

 Apres l'action de l'imagination s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites afin d'esmouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude, et des autres pensees, et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins, et intentions.

  A003001829 

 Les principales sont l'amour de Dieu, et du prochain, le desir du Paradis, et de la gloire: le zelle du salut des ames: l'imitation de la vie de nostre Seigneur, la compassion, l'admiration, la resjouissance, la crainte de la disgrace de Dieu, et du Jugement et de l'enfer, la hayne du peché, la confiance en la bonté, et misericorde de Dieu, la confusion pour nostre mauvaise vie passee: et en ces affections nostre esprit se doit espancher, et estendre le plus qu'il luy sera possible.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001842 

 Par exemple si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour là de les rencontrer pour les salüer amiablement: et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003001843 

 Je veux dire, un Advocat doit sçavoir passer de l'oraison à la plaidoirie: le marchand au trafic: la femme mariée au devoir de son mariage, et au tracas de son mesnage, avec tant de douceur et de tranquillité, que pour cela son esprit n'en soit point troublé: car puis que l'un, et l'autre est selon la volonté de Dieu, il faut faire le passage de l'un à l'autre en esprit d'humilité, et de devotion..

  A003001844 

 Sçachez encor, Philothee, qu'il vous arrivera quelques fois, qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se trouvera [51*] toute esmue en Dieu.

  A003001849 

 Que si apres tout cela vous n'estes point consolée, pour grande que soit vostre seicheresse ne vous troublez point: mais continuez à vous tenir en une contenance devote devant vostre Dieu.

  A003001853 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre peché nous deplaira infiniment, parce que Dieu en a esté offencé: mais l'acusation de nostre peché nous sera douce et agreable, parce que Dieu en est honoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente..

  A003001855 

 Et cela fait, escoutez l'advertissement, et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dittes en vostre cœur: Parlez, Seigneur, car vostre servante vous escoute: c'est Dieu, Philothee, que vous escoutez, puis qu'il a dit à ses [54*] Vicaires: Celuy qui vous escoute m'escoute.

  A003001859 

 Apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré baptesme je fus si heureusement, et saintement vouée, et dediée à mon Dieu, pour estre sa fille: et que contre la profession qui fut alors faitte en mon nom j'ay tant et tant de fois, si malheureusement, et detestablement profané, et violé mon esprit, l'apliquant, et employant contre la divine Majesté: en fin revenant maintenant à moy mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le trosne de la justice divine, je me recognois, advoüe, et confesse pour legitimement atteinte, et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la mort, et passion de Jesus Christ, à raison des pechez que j'ay commis, pour lesquels il est mort, et a souffert le tourment de la croix, dont je suis digne par consequent d'estre à jamais perdue, et damnée..

  A003001859 

 Je soubsignée, constituée, et establie en la presence de Dieu eternel, et de toute la Cour celeste, ayant consideré l'immense misericorde de la divine bonté envers moy sa tres-indigne, et chetive creature, qu'elle a crée de rien, conservée, soustenue, délivrée de tant de dangers, et comblée de tant de bien-faits.

  A003001859 

 Mais sur tout ayant pensé, et consideré sur cette incomprehensible douceur, et clemence avec laquelle ce tres-bon Dieu m'a si benignement tollerée en mes iniquitez, si souvent, et si amiablement inspiree, me conviant à m'amander, et si patiemment attendue à penitence, et repentence, jusques à cette N. annee de mon eage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautez, et infidelitez, par lesquelles differant ma conversion, et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé.

  A003001860 

 Mais me retournant devers le trosne de l'infinie misericorde de [55*] ce mesme Dieu eternel, apres avoir detesté de tout mon cœur, et de toutes mes forces, les iniquitez de ma vie passée, je demande, en toute humilité, grace, pardon et mercy, avec entiere absolution de mon crime, en vertu de la mort et passion de ce mesme Sauveur, et Redempteur de mon ame, sur laquelle m'appuyant comme sur l'unique fondement de mon esperance, j'advouë derechef, et renouvelle la sacrée profession de fidelité, faicte de ma part à mon Dieu en mon baptesme, renonçant au Diable, au monde, et à la chair; detestant leurs malheureuses suggestions, vanitez, et concupiscences pour tout le temps de ma vie presente, et de toute l'eternité: et me convertissant à mon Dieu debonnaire, et pitoyable, je desire, propose, delibere, et me resous irrevocablement de le servir, et aimer maintenant et eternellement, luy donnant à ces fins, dediant et consacrant mon esprit avec toutes ses facultez, mon ame avec toutes ses puissances, mon cœur avec toutes ses affections, mon corps avec tous ses sens, protestant de ne jamais plus abuser d'aucune partie de mon estre, contre sa divine volonté, et souveraine majesté, à laquelle je me sacrifie et immole en esprit pour luy estre à jamais loyalle, obeïssante, et fidelle creature, sans que je vueille oncques m'en dedire ny repentir..

  A003001861 

 Mais helas si par suggestion de l'ennemy, ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque à ceste mienne resolution et consecration, je proteste dés maintenant et me propose, moyennant la grace du Sainct Esprit, de m'en relever, si tost que je m'en appercevray, me convertissant derechef à la misericorde divine, sans retardation ny dilation quelconque: cecy est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ny exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu, à la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma mere, qui entend ceste mienne declaration, en la personne de celuy qui comme officier d'icelle m'escoute en cette action.

  A003001861 

 O mon Dieu vous estes mon Dieu, Dieu de mon cœur, Dieu de mon ame, Dieu de mon esprit: ainsi je vous recognois et adore maintenant, et pour toute l'eternité.

  A003001861 

 Plaise vous, ô Dieu eternel, tout-puissant et tout bon, Pere, Fils, et S. Esprit, confirmer en moy ceste resolution, et accepter ce mien sacrifice cordial et interieur en odeur de suavité: et comme il vous a pieu me donner l'inspiration et volonté de le faire, donnez moy aussi la force et grace requise pour le parfaire.

  A003001865 

 O Dieu, Philothee, que voila un contract admirable, par lequel vous faites un heureux traité avec sa divine Majesté, puis qu'en vous donnant vous mesme à elle, vous la gaignez, et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que prenant la plume en main, vous signiez de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous alliez à l'autel, où Dieu reciproquement signera et seellera vostre absolution, et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et seau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003001870 

 Les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigoterie, et artifice: ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu: vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remonstrances fort prudentes et charitables à leur advis: vous tomberez, diront ils, en quelque humeur melancholique, vous perdrez credit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en patiront, il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mystere, et mille telles bagatelles..

  A003001871 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu..

  A003001874 

 Qu'il crie tant qu'il voudra comme un chat-huan pour inquieter les oyseaux du jour: soyons fermes en nos desseins, invariables en nos resolutions: la perseverance fera bien voir si c'est à certes et tout de bon que nous sommes crucifiez à Dieu, et rengez à la vie devote.

  A003001878 

 Il se pourra bien faire, ma chere Philothee, qu'à ce changement de vie plusieurs souslevemens se feront en vostre interieur: et que ce grand et general à Dieu que vous avez dit aux folies et niaiseries du monde, vous donnera quelque ressentiment de tristesse et descouragement.

  A003001878 

 Il vous faschera peut estre d'abord [61*] de quitter la gloire que les fols et mocqueurs vous donnoient en vos vanitez: mais ô Dieu! voudriez vous bien perdre l'eternelle, que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetemps, esquels vous avez employé les annees passées se representeront encore en vostre cœur, pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auriez vous bien le courage de renoncer à ceste heureuse eternité pour des si trompeuses legeretez? Croyez moy, si vous perseverez vous ne tarderez pas de recevoir des douceurs cordiales, si delicieuses et agreables, que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel.

  A003001879 

 Mais tandis vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devots nous ont laissez, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, afin que non seulement nous puissions voiler au temps de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001885 

 Car aussi seroit-ce une lacheté trop grande de vouloir tout à nostre escient, garder en nostre conscience une chose si deplaisante à Dieu, comme est la volonté de luy vouloir desplaire.

  A003001885 

 Le peché veniel pour petit qu'il soit desplait à Dieu, bien qu'il ne luy desplaise pas tant que pour iceluy il nous veuille damner ou perdre.

  A003001885 

 Que si le peché veniel luy deplait, la volonté, et l'affection que l'on a au peché veniel n'est autre chose qu'une resolution de vouloir deplaire à sa divine [63*] Majesté; est il bien possible qu'une ame bien née vueille non seulement deplaire à son Dieu, mais affectionner de luy deplaire?.

  A003001887 

 Mais je redis encore une fois: quelle apparence y a il qu'une ame genereuse se plaise à deplaire à son Dieu, et s'affectionne à luy estre desagreable, et vueille vouloir ce qu'elle sçait luy estre ennuyeux? [64*].

  A003001892 

 Le cœur de l'homme se chargeant de ces affections inutiles, superflues et dangereuses, ne peut sans doute promptement, aysement, et facilement courir apres son Dieu, en quoy gist la vraye devotion.

  A003001896 

 Dieu vous face la grace de les bien pratiquer.

  A003001896 

 Il n'y a point aussi de naturel si revesche qui par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003001901 

 Il faut s'arrester là, Philothee, et croyez moy, nous ne sçaurions aller à Dieu le Pere que par ceste porte.

  A003001905 

 Commencez toutes sortes d'oraisons, soit mentale, soit vocale par la presence de Dieu, et tenez ceste reigle sans exception: et vous verrez dans peu de temps combien elle vous sera profitable..

  A003001908 

 Si faisant l'oraison vocale, vous sentez vostre cœur tiré et convié à l'oraison interieure ou mentale, ne refusez point d'y aller; mais laissez tout doucement couler vostre esprit de ce costé là, et [69*] ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous estiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agreable à Dieu, et plus utile à vostre ame.

  A003001915 

 Remerciez et adorez Dieu profondement pour la grace qu'il vous a faite de vous avoir conservée la nuict precedente: et si vous aviez commis en icelle quelque peché vous luy en demanderez pardon..

  A003001917 

 Prevoyez quelles affaires, quels commerces, et quelles occasions vous pouvez rencontrer ceste journee là pour servir Dieu: et quelles tentations vous pourront survenir de l'offencer, ou par colere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement: et par une saincte resolution preparez vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu, et advancer vostre devotion: comme au contraire disposez vous à bien esviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003001918 

 Cela fait humiliez vous devant Dieu, recognoissant que de vous mesme vous ne sçauriez rien faire de ce que vous aurez deliberé, soit pour fuir le mal, soit pour executer le bien.

  A003001919 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et [71*] vivement, devant que l'on sorte de la chambre, s'il est possible: affin que par le moyen de cest exercice tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrousé de la benediction de Dieu: mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais..

  A003001923 

 Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux..

  A003001924 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour: et pour faire cela plus aysement on considere, où, avec qui, et en quelles occupations on a esté: si l'on treuve d'avoir fait quelque bien on en fait action de graces à Dieu: si au contraire l'on a fait quelque mal en pensees, en parolles, ou en œuvres on en demande pardon à sa divine Majesté, avec resolution de s'en confessera la premiere occasion, et de s'en amender soigneusement: apres cela on recommande à la providence divine, son corps, son [72*] ame, l'Eglise, les parens, les amis.

  A003001924 

 On remercie Dieu de la conservation qu'il a faitte de nous en la journee passée.

  A003001924 

 Pour le repos de la nuit suyvante on prie nostre Dame, le bon Ange, et les Saincts de veiller sur nous et pour nous, et avec la benediction de Dieu on se couche..

  A003001929 

 O Dieu, ce direz vous, pourquoy ne vous regarde je tousjours, comme tousjours vous me regardez? pourquoy pensez vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense je si peu souvent en vous? où sommes nous ô mon ame? nostre vraye place c'est Dieu, et ou est ce que nous nous trouvons?.

  A003001929 

 R'apellez le plus souvent que vous pourrez parmy la journee vostre esprit en la presence de Dieu, par l'une des quatre façons que je vous ay marquées: et regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites; vous verrez ses yeux tournez de vostre costé, et perpetuellement fichez sur vous par une amour incomparable.

  A003001931 

 Admirez sa beauté, invoquez son aide, jettez vous au pied de sa Croix: embrassez sa bonté, interrogez le souvent de vostre salut, donnez luy mille fois le jour vostre ame, fichez vos yeux interieurs par un simple regard sur sa douceur, tandez luy la main, comme un petit enfant à son pere, afin qu'il vous conduise: bref, tenez le sur vostre poitrine comme un bouquet, plantez le dans vostre cœur comme un estendard, et faites mille sortes de divers mouvemens de cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter à une passionnée et tendre dilection de ce divin Espoux de vostre ame.

  A003001931 

 Aspirez aussi bien souvent en Dieu par des courts, mais ardans eslancemens de vostre cœur.

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001933 

 En fin comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel, ont presque tousjours leurs pensees tournées du costè de la chose aimée, leur cœur plein d'affection à icelle, et leur bouche pleine de ses louanges: et qu'en absence ils ne perdent point d'occasion de representer leurs affections par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ils n'escrivent le nom de ce qu'ils aiment; ainsi ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser, et aspirer en luy, de parler de luy: et voudroient s'il estoit possible graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le sainct, et sacré nom de Jesus..

  A003001934 

 L'autre voyant un fleuve flotter: ô Dieu, dit il, ces eaux n'auront jamais repos qu'elles ne soyent abismées dedans la mer d'où elles sont sorties; mais ny mon cœur aussi n'aura jamais ny paix ny tranquillité, qu'il ne se soit plongé dedans son origine qui est Dieu.

  A003001934 

 L'un regardant dans un ruisseau, et y voyant le Ciel representé avec une quantité de belles estoilles en une nuict bien sereine: ô Dieu, dit il, ainsi seront ces mesmes estoilles sous mes pieds quand vous m'aurez logé dans vos saincts tabernacles; ainsi les hommes de la terre sont representez au Ciel dedans la poitrine de Dieu.

  A003001934 

 Une autre, voyant le tourne-Soleil; O Dieu, dict il, quand sera-ce que mon ame adherera apres vos saincts atraicts! L'autre voyant des pensees de jardin, belles à la veüe, mais sans odeur; hé, dit-il, telles sont mes cogitations! belles à dire, mais sans effect ny production.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001941 

 Faites doncques toutes sortes d'effort, pour assister tous les jours à la saincte Messe, affin d'offrir avec le Prestre en icelle vostre Redempteur à Dieu son Pere, pour vous, et pour toute l'Eglise.

  A003001941 

 Tousjours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit sainct Jean Chrisostome, pour honnorer ce sainct mistere: et nous y treuvans avec eux, et avec mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices, par une telle societé, Les cœurs de l'Eglise triumphante, et de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre à nostre Sauveur en ce mystere, pour avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere, et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003001943 

 Depuis le Credo jusqu'au Pater noster, appliquez vostre cœur aux mysteres de la mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representez en ce sainct Sacrifice; lequel avec le Prestre et le reste du peuple vous offrirez à Dieu le Pere pour son honneur, et pour vostre salut.

  A003001943 

 Or pour ouïr, ou reellement, ou mentalement la saincte Messe, comme il est convenable, dés le commencement jusques à ce que le Prestre se soit mis à l'autel, faites avec luy la preparation; laquelle consiste à se mettre en la presence de Dieu, recognoistre vostre indignité, et demander pardon de vos fautes.

  A003001948 

 Et puis (afin que je le die une fois pour toutes) il y a tousjours plus de bien et de consolation aux offices publiques de l'Eglise, que non pas aux actions particulieres: Dieu ayant ainsi ordonné que la communion soit preferée à toute sorte de particularité..

  A003001948 

 Outre cela, Philothee, les festes et Dimanches il faut assister à l'office des Heures et des Vespres, tant que vostre commodité le permettra; car ces jours là sont dediez à Dieu, et faut bien faire plus d'actions à son honneur et gloire en iceux, que non pas aux autres jours.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001949 

 Et bien qu'il puisse arriver que l'on fist d'aussi bons exercices à part soy, comme l'on fait aux Confrairies en commun, et que peut estre l'on goustast plus de les faire en particulier; si est-ce que Dieu est plus glorifié de l'union et contribution que nous faisons de nos bien-faits avec nos freres et prochains..

  A003001950 

 J'en dis de mesme de toutes sortes de prieres et devotions publiques, ausquelles, tant qu'il nous est possible, nous devons porter nostre bon exemple pour l'edification du prochain, et nostre affection pour la gloire de Dieu, et l'intention commune.

  A003001954 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003001958 

 Je fus consolé ceste année passée de consacrer un autel sur la place en laquelle Dieu fist naistre ce bien-heureux homme, au petit village du Vilaret, entre nos plus aspres montagnes..

  A003001967 

 De mesme ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous devez: mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez negligé de prendre le lieu, le temps, et la contenance requise, pour avoir l'attention en la priere, accusez vous en tout simplement, selon que vous treuverez y avoir manqué, sans alleguer ceste generalité, qui ne fait ny froid ny chaud en la confession..

  A003001967 

 Je n'ay pas tant aimé Dieu que je devois, je n'ay pas prié avec tant de devotion comme je devois, je n'ay pas cheri le prochain comme je devois, je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables.

  A003001973 

 Que si les fruits les plus tendres et sujets à la corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisement toute l'annee estans confits au sucre ou au miel; ce n'est pas merveille si nos cœurs quoy que fraisles et imbecilles sont preservez de la corruption du peché, lors qu'ils sont sucrés et emmielés de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu.

  A003001973 

 Si que, comme les hommes demeurans au Paradis terrestre pouvoient ne mourir point, selon le corps par la force de ce fruict vital, que Dieu y avoit mis; ainsi peuvent ils ne point mourir spirituellement par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003001976 

 Bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions c'est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003001978 

 Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit és jours des Festes; mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeoient.

  A003001984 

 En fin faictes luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportez vous en sorte que l'on cognoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001986 

 Vostre grande intention en la Communion doit estre de vous avancer, fortifier, et consoler en l'amour de Dieu: car vous devez recevoir pour l'amour ce que le seul amour vous fait donner.

  A003001987 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communiez si souvent, dites leur que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en vos foiblesses.

  A003001992 

 L'obeissance, la chasteté, et la pauvreté sont les trois grands moyens pour acquerir la parfaicte devotion: l'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre corps, et la pauvreté nos moyens à [90*] l'amour et service de Dieu.

  A003001997 

 Or ceste obeissance s'appelle necessaire, parce que nul ne se peut exempter du devoir d'obeir à ces superieurs là, Dieu les ayant mis en authorité de commander et gouverner, chacun en ce [92*] qu'ils ont en charge sur nous.

  A003001999 

 C'est un abus de croire que si l'on estoit Religieux ou Religieuse on obeïroit aysement, si l'on se treuve difficile, et revesche à rendre obéissance à ceux que Dieu a mis sur nous..

  A003002017 

 Au contraire hantez les gens chastes et vertueux, pensez et lisez souvent aux choses sacrées: car la parolle de Dieu est chaste, et rend ceux qui s'y plaisent chastes.

  A003002026 

 Ce fust le peché d'Achab, qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder; il la desira ardemment, longuement, et avec inquietude: et partant il offença Dieu..

  A003002035 

 Ma Philothee, les possessions que nous avons ne sont pas nostres: Dieu les nous a données à cultiver, et veut que nous les rendions fructueuses et utiles: et partant nous luy faisons service agreable d'en avoir soin..

  A003002036 

 Ayons donc soing de la conservation, voire de l'accroissement de nos biens temporels, comme de chose que Dieu veut que nous fassions pour son amour; mais prenons garde que l'amour propre ne nous trompe: car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu, qu'il semble que ce soit luy.

  A003002036 

 C'est pourquoy nous le devons avoir plus grand que les mondains n'ont pas des leurs; car ils ne font pas leurs travaux sur une si excellente consideration, puis qu'ils ne les font que pour l'amour d'eux-mesmes, et nous les faisons pour l'amour de Dieu.

  A003002036 

 Et comme l'amour de Dieu est doux, tranquille, paisible: aussi le soin et travail qu'on a pour iceluy, des biens du monde, est tout doux, amiable et soüefve.

  A003002036 

 Or afin qu'il ne vous deçoive, prattiquez la pauvreté; je ne dis pas celle d'esprit, mais je dis la pauvreté d'effect, emmy toutes les facultez et richesses que Dieu nous a données..

  A003002037 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non pas seulement en l'autre monde, [103*] mais en cellui-cy: car il n'y a rien qui fasse tant prosperer temporellement que l'aumosne: mais en attendant que Dieu vous le rende vous serez tousjours appauvrie de cela.

  A003002043 

 Quand nos moyens nous tiennent au cœur, si la tempeste, si le larron, si le chiquaneur nous [105*] en arrache quelque partie, quelles plaintes, quels troubles, quelles impatiences en avons nous? Mais quand nos biens ne tiennent qu'au soin que Dieu veut que nous en ayons, et non pas à nostre cœur, si on nous les arrache, nous n'en perdons pourtant pas le sens, ny la tranquillité.

  A003002047 

 Mais si vous estes reellement pauvre, ma Philothee, ô Dieu, soyés le encor d'esprit.

  A003002049 

 Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003002049 

 Or ce que nous recevons purement de la volonté de Dieu luy est tousjours tres-agreable, [106*] pourveu que nous le recevions de bon cœur, et pour l'amour de sa saincte volonté.

  A003002049 

 Où il y a moins du nostre, il y a plus de Dieu: la simple et pure acceptation de la volonté de Dieu rend une souffrance extremement pure..

  A003002057 

 Dieu mesme requiert l'honnesteté corporelle en ceux qui s'aprochent de ses autels, et qui ont la charge principalle de la devotion..

  A003002063 

 Mais si la conversation vous arrive ou quelque juste sujet vous invite à vous y rendre, allez de par Dieu, Philothee, et voyez vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003002072 

 C'est l'exercice que faisoit le Roy David parmi tant d'occupations [111*] qu'il avoit (comme il tesmoigne par mille traits de ses Pseaumes) comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tousjours avec vous, Je voyois mon Dieu tousjours devant moy, J'ay eslevé mes yeux à vous, ô mon Dieu, qui habitez au Ciel, Mes yeux sont tous-jours à Dieu.

  A003002072 

 Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003002074 

 Outre la solitude mentale, vous devés aimer la solitude locale et reelle, non pas pour vous retirer dans les deserts, comme saincte Marie Egiptienne, sainct Paul premier hermite, et les autres Peres solitaires; mais pour vous retirer dedans vostre chambre ou en quelque autre lieu, auquel separée de tous les hommes, vous puissiés traitter cœur à cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude: J'ay esté fait comme le chat-huan ou le hyboux, dans les mazures et comme le passereau solitaire au toict.

  A003002079 

 Dieu hayt extremement ce vice, et en a faict jadis des estranges punitions.

  A003002083 

 Que si vous pouvés absolument n'en point dire, ce sera chose beaucoup meilleure, à raison du danger qu'il y a de mesprendre entre nous autres, qui ne sommes pas parfaits comme saint Jean Baptiste, et saint Paul: et puis la verité est que si l'esprit de Dieu ne fait dire telles paroles, comme il faisoit en eux, elles n'apportent nulle sorte de correction.

  A003002088 

 Par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop grande et indiscrette; ô Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien droitte: et que puis que je les veux juger, que je ne die pas un seul mot de trop.

  A003002091 

 J'excepte entre tous les ennemis declarez de Dieu et de son Eglise: car ceux là il les faut décrier tant qu'on peut, comme sont les sectes des heretiques et schismatiques, et les chefs d'icelles.

  A003002092 

 Philothee, ne faites pas cette faute: car outre l'offence de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003002093 

 Escartés ce propos là, vous resouvenant et la compagnie, que ceux qui ne tombent pas en faute, en doivent toute la grace à Dieu.

  A003002097 

 Accoustumez vous de ne jamais dire de mensonge à vostre escient, ny par excuse, [116*] ny autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003002098 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en choses d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de là les artifices sont dangereux; car, comme dit la saincte parolle, le Sainct Esprit n'habite pas en un esprit feint et double.

  A003002098 

 Ces prudences mondaines, et artifices charnels appartiennent aux enfans de ce siecle: mais les enfans de Dieu cheminent sans destour, et ont le cœur sans replis.

  A003002110 

 On y fait de grandes veillées, apres lesquelles on perd les matinées des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles.

  A003002118 

 La saincte et chaste damoiselle Sara parlant à Dieu de son innocence; Vous sçavez, dit elle, ô Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joueurs..

  A003002139 

 Mais si vostre mutuelle et reciproque communication se fait de la charité, de la devotion, de la perfection Chrestienne; ô Dieu, que vostre amitié sera precieuse! Elle sera excellente parce qu'elle vient de Dieu, excellente parce qu'elle tend à Dieu, excellente parce que son lien c'est Dieu, excellente parce qu'elle durera eternellement en Dieu.

  A003002139 

 Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voicy combien il est bon et agreable que les freres habitent ensemble; ouy, car le baume [126*] delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre, par une continuelle participation: si qu'on peut dire que Dieu a respendu sur ceste amitié sa benediction, et la vie jusques au siecle des siecles..

  A003002148 

 Soyez fidelle, constante, et impliable aux vrayes amitiés: fuïez les fausses et frivoles, et vous resouvenez tousjours de ce que dit S. Jaques, L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu.

  A003002153 

 Non je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit, ny meilleur jugement: car ces desirs sont frivoles, et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est: ny que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaits ils ne font nulle nuysance, pourveu qu'ils ne soyent pas frequens..

  A003002155 

 Cela faict, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquels aussi en leur saison vous prattiquerez, et ainsi vous ne perdrez pas le temps en desirs inutiles.

  A003002161 

 Or comme dit l'Escriture, les levres trompeuses ont parlé en un cœur et un cœur, c'est à dire, elles ont deux cœurs: et d'avoir deux poids, l'un fort pour recevoir, et l'autre foible pour delivrer, c'est chose abominable devant Dieu..

  A003002167 

 Si l'ame cherche les moyens d'estre deslivrée de son mal, pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité; attendant sa delivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence: si elle cherche sa delivrance pour l'amour propre, elle s'empressera et s'eschauffera à la queste des moyens, comme si ce bien dependoit plus d'elle que de Dieu: je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensoit..

  A003002171 

 Soyés soigneuse de faire souvent l'examen que je vous marqueray cy bas, au chapitre de la troisiesme Partie, considerant si vostre ame s'est point eschappée de vos mains par quelques sortes d'affections déreglées: et si vous decouvrez quelque sorte de desordre, taschés d'appaiser le tout en la presance de Dieu, remettant fort vos empeschemens et desirs à la conduitte et mercy de sa divine providence..

  A003002172 

 Quand vous sentirés arriver l'inquietude, recommandez vous à Dieu, et resolvez vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous, que l'inquietude ne soit totallement passée: sinon que ce fut chose qui ne se peut differer; et alors il faut avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, et l'attremper ou moderer tant qu'il vous sera possible, et faire la chose, non selon vostre desir, mais selon la raison..

  A003002177 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit S. Paul, opere la penitence pour le salut: la tristesse du monde opere la mort.

  A003002180 

 La priere est un souverain remede: elle eslete l'esprit en Dieu, qui est nostre unique joye et consolation: mais en priant usez d'affections et parolles, soit interieures, soit exterieures, qui tendent à la confiance et amour de Dieu, [134*] comme, ô Dieu de misericorde, mon tres-bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bien-aimé de mon ame, et semblables..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002186 

 Et en fin finale resignez vous entre les mains de Dieu, vous preparant à souffrir ceste ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses: et ne doutez nullement que Dieu apres vous avoir esprouvée ne vous delivre de ce mal.

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 Il y en a d'autres où il y a plus de sujet d'admiration que d'imitation, comme celle de saincte Marie Egyptienne, de S. Simeon Stilités, des deux sainctes Catherines, de Sienne, et de Gennes: de S. Angele, et autres telles, lesquelles ne laissent pas neantmoins de donner un grand goust general du saint amour de Dieu..

  A003002195 

 Et vous, ma Philothee, parlés souvent de Dieu és devis familiers que vous ferés avec vos amis et voisins: mais tousjours parlés en comme de Dieu, c'est à dire reveremment et devotement: non point faisant la suffisante ny la prescheuse, mais avec esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de ce que vous sçaurez de la devotion et des choses divines, goutte à goutte, tantost dedans l'aureille de l'un, tantost dedans l'aureille de l'autre: priant Dieu au secret de vostre ame, qu'il luy plaise de faire passer ceste saincte rosée jusques dedans le cœur de ceux qui vous escoutent..

  A003002197 

 Ne parlez jamais de Dieu ny de la devotion par maniere d'aquit et d'entretien, mais tousjours avec attention et devotion.

  A003002203 

 Mais j'ay esté égallement consolé quand je l'ay veüe en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, aprester la viande, paistrir le pain, et faire tous les plus bas offices de la maison, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu; et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmy ces offices vils et abjets, s'imaginant qu'aprestant pour son pere, elle aprestoit pour nostre Seigneur: et que sa mere tenoit la place de nostre Dame, ses freres des Apostres; s'excitant en cette sorte de servir toute la cour celeste, et s'employant à ces chetifs services avec une grande suavité, parce qu'elle sçavoit telle estre la volonté de Dieu.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002205 

 Faites donq toutes choses au nom de Dieu, et toutes choses seront bien faites; soit que vous mangiés, soit que vous beuviez, soit que vous dormiés, soit que vous vous recrées, soit que vous tourniés la broche, pourveu que vous sçachiés bien mesnager vos affaires vous profiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les faciès..

  A003002205 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003002209 

 C'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions à ce combat: et soyés asseurée qu'autant de victoires que nous rapporterons contre ces petits ennemis, autant de pierres precieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis: c'est pourquoy je dis qu'attendant de bien et vaillamment combattre les grandes tentations, si elles viennent, il nous faut bien, et diligemment nous defendre de ces menues, et foibles attaques..

  A003002213 

 Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous, et avec nous quelque action de grande charité, premierement il nous la propose par son inspiration, secondement nous l'agreons, troisiesmement nous y consentons; car comme pour descendre au [141*] peche il y a trois degrez, la tentation, la delectation, et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter à la vertu: l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire à la delectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation..

  A003002214 

 Quand l'inspiration dureroit tout le temps de nostre vie, nous ne serions pourtant nullement agreables à Dieu si nous n'y prenons plaisir: au contraire sa divine Majesté en seroit offencée, comme il le fut contre les Israëlites, aupres desquels il fut quarante ans, comme il dit, les sollicitant à se convertir, sans que jamais ils y voulussent entendre: dont il jura contre eux en son ire, que jamais ils n'entreroient en son repos.

  A003002215 

 Le plaisir que l'on prend aux inspirations est un grand acheminement à la grace de Dieu, et desja on commence à plaire par iceluy à sa divine Majesté: car si bien cette delectation n'est pas encore un entier consentement, c'est une certaine disposition à iceluy; et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire à oüir la parole de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et agreable à Dieu de se plaire en l'inspiration interieure.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002216 

 Resolvez vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plairra à Dieu de vous faire: et quand elles arriveront, recevez les comme les Ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003002217 

 Consentez, mais d'un consentement plein, amoureux et constant à la saincte inspiration: car en ceste sorte, Dieu que vous ne pouvez obliger se tiendra pour fort obligé à vostre affection: mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n'estre point trompée conseillez vous tousjours à vostre guide, afin qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fausse: d'autant que l'ennemy voyant une ame prompte à consentir aux inspirations luy en propose bien souvent des fausses pour la tromper: ce qu'il ne peut jamais faire, tandis qu'avec l'humilité elle obeïra à son conducteur..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002224 

 Grandes furent aussi les tentations que souffrit S. François et S. Benoist, lors que l'un se jetta dans les espines, et l'autre dans la neige pour les mitiger: et neantmoins ils ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmentarent de beaucoup..

  A003002224 

 S. Paul souffrit longuement les tentations de la chair: et tant s'en faut que pour cela il fut desagreable à Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002227 

 Car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre ce semble toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroit plus nulle part, sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit, encor semble il qu'il n'y soit pas, et on a peine de le treuver: il y est neantmoins en verité, puisque quoy que tout soit en trouble en nostre ame et en nostre corps, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ny à la tentation, et que la delectation qui plait à nostre homme exterieur desplait à l'interieur: et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est elle pas dans icelle; en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle elle ne peut estre peché.

  A003002232 

 Le malin esprit eust congé de Dieu d'assaillir la pudicité de ceste saincte vierge avec la plus grande rage qu'il pouvoit, pourveu toutefois qu'il ne la touchast point.

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ce que je dis affin que s'il vous arrivoit jamais d'estre affligée de si grandes tentations vous sçachiés que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il veut vous agrandir devant sa face: et que neantmoins vous soyés tous-jours humble et craintifve, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menuës tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidellité à l'endroit de sa divine Majesté..

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002238 

 Mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur, considerons si le cœur et la volonté ont encore leur mouvement spirituel, c'est à dire s'ils font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et la delectation: car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité vie de nostre ame est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur, se treuve dans nostre ame, quoy que caché et couvert; si que moyennant l'exercice continuel de l'oraison, des Sacremens et de la confience en Dieu nos forces reviendront en nous, et nous vivrons d'une vie entiere et delectable.

  A003002238 

 Quelles tentations donques qui vous arrivent et quelle delectation qui s'en ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation, mais encor à la delectation, ne vous troublés nullement, Philothee, car Dieu n'en est point offencé.

  A003002250 

 Recourez de mesme à Dieu, reclamant sa misericorde et son secours: c'est le remede que nostre Seigneur enseigne: Priez afin que vous n'entriez point en tentation..

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002256 

 Arriere, ô Satan, tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et à luy seul tu serviras.

  A003002260 

 Mais quant aux menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries, qui comme mouches et moucherons viennent passer devant nos yeux, et tantost nous picquer sur la joüe, tantost sur le nez; parce qu'il est [152*] impossible d'estre tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure resistence qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter: car tout cela ne peut point nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennuy, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu..

  A003002261 

 Mesprisez doncques ces menues attaques, et ne daignez pas seulement penser à ce qu'elles veulent dire, mais laissez les bourdonner autour de vos aureilles, tant qu'elles voudront, et courir ça et là autour de vous, comme l'on fait des mousches; et quand elles viendront vous picquer, et que vous les verrez aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles, ny leur respondant, mais faisant des actions contraires quelles qu'elles soyent, et speciallement de l'amour de Dieu.

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002273 

 Ne vous laissés nullement persuader de recevoir aucune sorte de cholere et d'ire chés vous, ny pour un sujet ny pour un autre: car pour petite qu'elle soit, depuis qu'une fois elle est entrée dedans le cœur, il est malaysé de l'en sortir, et d'empescher qu'elle ne tyrannise nostre ame: aussi n'est elle utile à chose du monde, puisque, comme dit l'Apostre S. Jaques, l'ire de l'homme n'opere point la [155*] justice de Dieu, et jamais à l'adventure ne s'est il treuvé homme sage qui ne se soit repenty de s'estre mis en cholere..

  A003002281 

 Pour moy si j'avois, par exemple, grande affection de ne point tumber au vice de la vanité, et que j'y fusse neantmoins tumbé d'une grande cheute, je ne voudrois pas reprendre mon cœur en cette sorte; N'es tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter à cette vanité: meurs de honte, ne leve plus les yeux au Ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal à ton Dieu, et semblables choses: mais je voudrois le corriger raisonnablement et par voye de compassion; Or sus mon pauvre cœur, nous voila tumbés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschaper, ah relevons nous, et quittons la pour jamais: reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour desormais estre plus fermes, et remettons nous au chemin de l'humilité: courage, soyons sur nos gardes, Dieu nous aydera, et desormais nous ferons prou..

  A003002282 

 Detestez neantmoins de tout vostre cœur l'offence que Dieu a receu de vous, et avec un grand courage et confiance en la misericorde de Dieu, remettez vous au train de la vertu que vous aviez abandonnée..

  A003002282 

 Relevez doncques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, [157*] vous humiliant beaucoup devant Dieu par la recognoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre chêute, puis que ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetive.

  A003002288 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte esgallement les tribulations conjointes à l'ignominie, et celles qui sont honnorables: d'estre mesprisé, reprins, et accusé par les meschans, ce n'est que douceur [158*] à un homme de courage: mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est là où il y va du bon.

  A003002288 

 Ne bornez point vostre patience à telle ou telle sorte d'injures et d'afflictions, mais estendez la universellement à toutes celles que Dieu vous envoyera et permettra vous arriver.

  A003002289 

 Or je dis, Philothee, qu'il faut avoir patience, non seulement d'estre malade, mais de l'estre de la maladie que Dieu veut, au lieu où il veut, et entre les personnes qu'il veut, et avec les incommoditez qu'il veut, et ainsi des autres tribulations..

  A003002290 

 Quand il vous arrivera du mal, opposez à iceluy les remedes qui seront possibles, et selon Dieu, car de faire autrement ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendez avec une entiere resignation l'effet que Dieu agréera: s'il luy plaist que les remedes vaincquent le mal, vous le remercierez avec humilité: mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benissez le avec patience.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002300 

 Soyez doncque soigneuse et diligente en toutes les affaires que vous avez en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiez veut que vous en ayez un grand soin.

  A003002303 

 En toutes vos affaires appuyez vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent reussir: travaillés neantmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle: et puis croyes que si vous vous estes bien confiée en Dieu, le succes qui vous arrivera de vos desseins sera tousjours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais, selon vostre jugement particulier..

  A003002304 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous serés parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si presente, vous regardiez plus Dieu que les affaires: et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requierent toute vostre attention pour les bien faire, de temps en temps, vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui navigent en mer, lesquels pour aller à la terre qu'ils desirent, regardent plus en haut au Ciel que non pas en bas, où ils voguent: ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous, et pour vous, et vostre travail sera suivy de consolations.

  A003002309 

 Ainsi celuy qui a un vray soin de son cher cœur, doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus: et outre cela il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est à dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defauts qui y peuvent estre.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002315 

 Le second c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre corps, avec tout ce qui en depend à l'amour et service de Dieu.

  A003002315 

 Le troisiesme c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveriez soudainement, moyennant la grace de Dieu; mais ne sont ce pas là des belles, justes, dignes, et genereuses resolutions? Pesez bien en vostre ame combien ceste protestation est saincte, raisonnable et desirable..

  A003002316 

 Considerez à qui vous avez faicte ceste protestation, car c'est à Dieu.

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002318 

 Considerez par quels moyens vous fistes vostre protestation; helas combien Dieu vous fut doux et gratieux en ce temps-là.

  A003002318 

 Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003002319 

 Considerez en quel temps Dieu vous tira à ces grandes resolutions, car ce fut en la fleur de vostre aage; ah quel bon-heur d'apprendre tost ce que nous ne pouvons sçavoir que trop tard! S. Augustin ayant esté tiré à l'aage de trente ans s'escrioit: O ancienne beauté, comme t'ay je si tard cogneuë? Helas je te voyois, et ne te considerois point; et vous pourrez bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay je plustost savourée? helas neantmoins encore ne le meritiez vous pas alors: et partant recognoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu vous m'avez esclairée et touchée dés ma jeunesse, et jusques à jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003002319 

 Que si ç'a esté en vostre vieillesse, helas, Philothee, quelle grace, qu'apres avoir ainsi abusé des années precedentes, Dieu vous ayt appellé avant la mort, et qu'il ayt arresté la course de vostre misere, au temps auquel si elle eut continué vous estiez eternellement miserable..

  A003002320 

 La bonne main de Dieu, dit David, a fait vertu, sa dextre m'a relevé; ah je ne mourray pas, mais je vivray, et raconteray de cœur, de bouche, et par œuvres les merveilles de sa bonté..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002321 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles comme vous voyez, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclurre par action de graces, et une priere affectionnée d'en bien proffiter; se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire les resolutions apres le deuxiesme poinct de cet exercice.

  A003002325 

 Bien qu'és jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut il en faire un peu, sur tout du costé du soir, afin que vous puissiez gaigner le lict de meilleure heure, et prendre le repos de corps et d'esprit, necessaire à la consideration; et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, à N. Dame, aux Anges, à toute la Hierusalem celeste: il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu, et de la perfection de vostre ame.

  A003002325 

 Le second poinct de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le faciez tout d'une traitte, mais à plusieurs fois: comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003002330 

 Mettez vous en la presence de Dieu..

  A003002331 

 Invoquez le S. Esprit, luy demandant lumiere et clarté, afin que vous vous puissiez bien cognoistre, avec S. Augustin, qui s'escrioit devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous cognoisse, et que je me cognoisse, et S. François qui interrogeoit Dieu, disant: Qui estes vous, et qui suis je?.

  A003002332 

 Protestez de ne vouloir remarquer vostre advancement pour vous en resjoüir en vous mesme, mais pour vous en resjoüir en Dieu, ny pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu, et l'en remercier..

  A003002333 

 Protestez que si comme vous pensez, vous descouvrez d'avoir peu proffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abbatre, ny refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voulez vous encourager et animer d'avantage, vous humilier, et remedier aux defauts, moyennant la grace de Dieu..

  A003002337 

 Cela fait considerez doucement et tranquillement comme jusques à l'heure presente vous vous estes comportée envers Dieu, envers le prochain, et à l'endroit de vous mesme..

  A003002339 

 A L'ENDROIT DE DIEU.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002345 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Dieu mesme? vostre cœur se plait il à se resouvenir de Dieu? en ressent il point de douceur agreable? ah, dit David, je me suis resouvenu de Dieu, et m'en suis delecté.

  A003002345 

 Sentez vous en vostre cœur une certaine facilité à l'aymer, et un goust particulier à savourer cet amour? vostre cœur se recrée il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? si le souvenir de Dieu vous arrive emmy les occupations du monde, et les vanitez, se fait il point faire place? saisit il point vostre cœur? vous semble il point que vostre cœur se tourne de son costé, et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela..

  A003002346 

 Il en prend de mesme des ames qui aiment bien Dieu; quoy qu'elles soient embarrassees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance à tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extreme bon signe..

  A003002347 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? vous plaisés vous autour de luy? Les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs; ainsi les [171*] bonnes ames sa plaisent autour de Jesus Christ et de sa Croix, et les mauvaises autour des vanités..

  A003002349 

 Quant à vostre langue, comme parlés-vous de Dieu? vous plaisez-vous d'en dire du bien selon vostre condition et suffisance? aymes vous à chanter ses Cantiques?.

  A003002350 

 Quant aux œuvres, pensez si vous avez à cœur la gloire exterieure de Dieu, et de faire quelque chose à son honneur..

  A003002357 

 Que vous estimés vous devant Dieu? rien sans doute: or il n'y a pas grande humilité en une mousche de ne s'estimer rien au pris d'une montaigne, ny en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ny à une bluette ou estincelle de se tenir pour rien au pris du soleil: mais l'humilité gist à ne point nous surestimer aux autres, et à ne vouloir pas estre surestimés par les autres: à quoy en estes vous pour ce regard? [172*].

  A003002363 

 Il faut bien aimer le mary, et la femme d'un amour doux, tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu, parce que Dieu l'ordonne et le veut: j'en dis de mesme des enfans et proches parens, et encor des amis, chacun selon son rang..

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002372 

 En nostre amour, envers Dieu, envers le prochain, envers nous mesme..

  A003002376 

 En l'esperance trop mise peut estre au monde, et en la creature, trop peu mise en Dieu, et és choses eternelles..

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002384 

 Remerciés Dieu de ce peu d'amendement que vous aurés treuvé en vostre vie dés vostre resolution, et reconnoistrés que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous, et pour vous..

  A003002385 

 Humiliés vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'avés pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'avez pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens que Dieu vous a données, en l'oraison, et ailleurs..

  A003002395 

 Mettez vous en la presence de Dieu, demandez luy grace de vous bien resoudre à son sainct service..

  A003002396 

 Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement..

  A003002397 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003002398 

 Helas nostre cœur courant aux creatures, y va avec des empressemens, pensant de pouvoir y accoiser ses desirs; mais si tost qu'il les a rencontrées il voit que c'est à refaire, et que rien ne le peut contenter, Dieu ne voulant que nostre cœur treuve aucun lieu, sur lequel il puisse reposer, non plus que la Colombe sortie de l'Arche de Noë, afin qu'il retourne à son Dieu, duquel il est sorty.

  A003002399 

 O ma belle ame (devés vous dire) vous pouvez entendre, et vouloir Dieu, pourquoy vous amuserez vous à chose moindre? Vous pouvez pretendre à l'Eternité, pourquoy vous amuserez vous aux momens? Ce fut l'un des regrets de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre délicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003002399 

 O mon ame tu es capable de Dieu: malheur à toy si tu te contentes de moins que de Dieu.

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002408 

 O Dieu quelle constance a monstré ce sexe fragile en semblables occurrences!.

  A003002409 

 Mon [177*] Dieu qu'est ce que dit sainct Augustin de sa mere Monique? avec quelle fermeté a elle poursuivie son entreprinse de servir Dieu en son mariage, en son vefvage? Et S. Hierosme de sa chere fille Paula parmy combien de traverses, parmy combien de varieté d'accidens? Mais qu'est ce que nous ne ferons pas sur ces si excellens patrons? Ils estoient ce que nous sommes, ils le faisoient pour le mesme Dieu, pour les mesmes vertus; pourquoy n'en ferons nous autant en nostre condition, selon nostre vocation, pour nostre chere resolution, et sainte protestation?.

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002415 

 Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul.

  A003002419 

 Considerez l'amour eternel que Dieu vous a porté: car desja avant que nostre Seigneur Jesus Christ, entant qu'homme souffrit en Croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté, et vous aymoit extremement.

  A003002419 

 Et quand commença-il à estre Dieu? jamais: car il l'a tousjours esté, sans commencement, et sans fin: et aussi il vous a tousjours aymé dés l'eternité: c'est pourquoy il vous preparait les graces et faveurs qu'il vous a faictes.

  A003002419 

 Mais quand commença-il à vous aymer? il commença quand il commença à estre Dieu.

  A003002420 

 O Dieu quelles resolutions sont cecy, que Dieu a pensées, meditées, projettées dés son eternité? combien nous doivent elles estre cheres et precieuses? que devrions nous souffrir plustost que d'en quitter un seul brin? non pas certes si tout le monde devoit perir: car aussi bien tout le monde ensemble ne vaut pas une ame, et une ame ne vaut rien sans nos resolutions..

  A003002424 

 O cheres resolutions! vous estes le bel arbre de vie, que mon Dieu a planté de sa main au milieu de mon cœur; que mon Sauveur veut arrouser de son sang pour le faire fructifier.

  A003002426 

 Vivez doncques à jamais, ô resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu: soyez et vivez eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003002428 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleine et de force, protestés mille fois, que vous continuerez en vos resolutions; et comme si vous teniés vostre cœur, vostre ame, vostre volonté en vos mains, dediés la, consacrés la, sacrifiés la et l'immolés à Dieu; [180*] protestant que vous ne la reprendrés plus, mais la laisserés en la main de sa divine Majesté, pour suivre en tout et par tout ses ordonnances..

  A003002429 

 Priés Dieu qu'il vous renouvelle toute, qu'il benisse vostre renouvellement de protestation, et qu'il le fortifie; invoqués la Vierge, vostre Ange, les Saints, S. Louys..

  A003002439 

 Faites donques hardiment ces exercices, selon que je vous les ay marqués; et Dieu vous donnera asses de loisir et de force de faire tout le reste de vos affaires: ouy quand il devroit arrester le soleil comme il fit du temps de Josue.

  A003002439 

 Nous faisons tousjours asses quand Dieu travaille avec nous..

  A003002444 

 Refaittes tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation: et à tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oubliray vos justifications, ô mon Dieu, car en icelles vous m'avés vivifiée; et quand vous sentirez quelque detraquement en vostre ame, prenés vostre protestation en main, et prosternée en esprit d'humilité proferés la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000003 

 TOME IV. TRAITTÉ DE L'AMOUR DE DIEU — VOL. I.

  A004000015 

 Que pour la beauté de la nature humaine Dieu a donné le gouvernement de toutes les facultés de l'ame a la volonté.

  A004000020 

 Chapitre VI. Comme l'amour de Dieu domine sur les autres amours.

  A004000029 

 Chapitre XV. De la convenance qui est entre Dieu et l'homme.

  A004000030 

 Chapitre XVI. Que nous avons une inclination naturelle d'aymer Dieu sur toutes choses.

  A004000031 

 Chapitre XVII. Que nous n'avons pas naturellement le pouvoir d'aymer Dieu sur toutes choses 35.

  A004000032 

 Chapitre XVIII. Que l'inclination naturelle que nous avons d'aymer Dieu n'est pas inutile.

  A004000035 

 Chapitre II. Qu'en Dieu il n'y a qu'un seul acte qui est sa propre Divinité.

  A004000037 

 Chapitre IV. De la providence surnaturelle que Dieu exerce envers les créatures raysonnables.

  A004000041 

 Chapitre VIII. Combien Dieu desire que nous l'aymions.

  A004000042 

 Chapitre IX. Comme l'amour eternel de Dieu envers nous previent nos cœurs de son inspiration affin que nous l'aymions.

  A004000043 

 Chapitre X. Que nous repoussons bien souvent l'inspiration et refusons d'aymer Dieu.

  A004000061 

 Chapitre V. Que le bonheur de mourir en la divine charité est un don special de Dieu.

  A004000062 

 Chapitre VI. Que nous ne sçaurions parvenir a la parfaite union d'amour avec Dieu en cette vie mortelle 78.

  A004000064 

 Chapitre VIII. De l'incomparable amour de la Mere de Dieu Nostre Dame.

  A004000065 

 Chapitre IX. Preparation au discours de l'union des Bienheureux avec Dieu.

  A004000066 

 Chapitre X. Que le desir precedent accroistra grandement l'union des Bienheureux avec Dieu.

  A004000067 

 Chapitre XI. De l'union des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la Divinité.

  A004000068 

 Chapitre XII. De l'union eternelle des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la naissance eternelle du Filz de Dieu.

  A004000069 

 Chapitre XIII. De l'union des espritz bienheureux avec Dieu en la vision de la production du Saint Esprit 86.

  A004000070 

 Chapitre XIV. Que la sainte lumiere de la gloire servira a l'union des espritz bienheureux avec Dieu 87.

  A004000071 

 Chapitre XV. Que l'union des Bienheureux avec Dieu aura des differens degrés.

  A004000073 

 Que nous pouvons perdre l'amour de Dieu tandis que nous sommes en cette vie mortelle 90.

  A004000078 

 Chapitre VI. Que nous devons reconnoistre de dieu tout l'amour que nous luy portons.

  A004000079 

 Chapitre VII. Qu'il faut eviter toute curiosité et acquiescer humblement a la tres sage providence de Dieu 98.

  A004000087 

 Chapitre III. Que la sacree complaysance donne nostre cœur a Dieu et nous fait sentir un perpetuel desir en la jouissance.

  A004000091 

 Chapitre VII. Comme le desir d'exalter et magnifier Dieu nous separe des playsirs inferieurs et nous rend attentifs aux perfections divines.

  A004000093 

 Chapitre IX. Comme la bienveuillance nous fait appeller toutes les creatures a la louange de Dieu 118.

  A004000094 

 Chapitre X. Comme le desir de louer Dieu nous fait aspirer au Ciel 119.

  A004000095 

 Chapitre XI. Comme nous prattiquons l'amour de bienveuillance es louanges que nostre Redempteur et sa Mere donnent a Dieu.

  A004000096 

 Chapitre XII. De la souveraine louange que Dieu se donne a soy mesme, et de l'exercice de bienveuillance que nous faisons en icelle.

  A004000101 

 Chapitre IV. Qu'en ce monde l'amour prend sa naissance mais non pas son excellence, de la connoissance de Dieu.

  A004000109 

 Chapitre XII. De l'escoulement ou liquefaction de l'ame en Dieu.

  A004000117 

 Tressainte Mere de Dieu, vaysseau d'incomparable election, Reyne de la souveraine dilection, vous estes la plus aymable, la plus amante et la plus aymee de toutes les creatures.

  A004000118 

 Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!.

  A004000137 

 Or, c'est la verité que plusieurs escrivains ont admirablement traitté ce sujet, sur tout ces anciens Peres, qui, servans tres amoureusement Dieu, parloyent aussi divinement de son amour.

  A004000137 

 Saint Thomas en a fait un traitté digne de saint Thomas; saint Bonaventure et le bienheureux Denis le Chartreux en ont fait plusieurs tres excellens sous divers tiltres; et quant a Jean de Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, Sixte le Sienois en parle ainsy: «Il a si dignement discouru des cinquante proprietés du divin amour qui sont ça et la deduites au Cantique des Cantiques, qu'il semble que luy seul ayt tenu le conte des affections de l'amour de Dieu.» Certes, cet homme fut extremement docte, judicieux et devot..

  A004000139 

 Ce grand et celebre cardinal Belarmin a aussi depuis peu fait voir un petit livret intitulé l'Escalier four monter a Dieu par les creatures, qui ne peut estre qu'admirable, partant de cette tres sçavante main et tres devote ame, qui a tant escrit, et si doctement, pour le bien de l'Eglise..

  A004000139 

 Le Pere Jean de Jesus Maria, de l'Ordre des Carmes deschaussés, a composé un livret qui porte de mesme le nom de l'Art d'aymer Dieu, lequel est fort estimé.

  A004000139 

 Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme.

  A004000139 

 Le Pere Louys de Grenade, ce grand docteur de pieté, a mis un Traitté de l'amour de Dieu dans son Memorial, [5] qu'il suffit de dire estre d'un si bon autheur pour le rendre recommandable.

  A004000140 

 Ainsy Dieu esleve le trosne de sa vertu sur le theatre de nostre infirmité, se servant des choses foibles pour confondre les fortes..

  A004000145 

 Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens.

  A004000149 

 Un grand serviteur de Dieu m'advertit n'a guere que l'addresse que j'avois faite de ma parole a Philothee, en l' Introduction a la Vie devote, avoit empesché plusieurs hommes d'en faire leur proffit, d'autant qu'ilz n'estimoyent pas digne de la lecture d'un homme les advertissemens faitz pour une femme.

  A004000157 

 On peut louer beaucoup de riches actions de ce grand Prince, entre lesquelles je voy la preuve de son indicible vaillance et science militaire, qu'il vient de rendre maintenant admiree de toute l'Europe; mays toutefois, quant a moy, je ne puis asses exalter le restablissement de la sainte religion en ces troys balliages que je viens de nommer, y ayant veu tant de traitz de pieté, assortis d'une si grande varieté d'actions de prudence, constance, magnanimité, justice et debonnaireté, qu'en cette seule petite piece, il me sembloit de voir, comme en un tableau raccourci, tout ce qu'on loue es princes qui jadis ont le plus ardemment servi a la gloire de Dieu [16] et de l'Eglise: le theatre estoit petit, mais les actions grandes.

  A004000158 

 Or, en cette occasion on replanta par toutes les advenues et places publiques de ces quartiers-la, les victorieuses enseignes de la Croix; et parce que peu auparavant on en avoit planté une fort solemnellement a Annemasse, pres Geneve, un certain ministre fit un petit traitté contre l'honneur d'icelle, contenant une invective ardente et veneneuse, a laquelle pour cela il fut treuvé bon que l'on respondit: et Monseigneur Claude de Granier, mon predecesseur, duquel la memoire est en benediction, m'en imposa la charge selon le pouvoir qu'il avoit sur moy, qui le regardois non seulement comme mon Evesque, mais comme un saint serviteur de Dieu.

  A004000168 

 Et c'est une bonne partie de ce que je te communique maintenant que je dois a cette benite assemblee, parce que celle qui en est la Mere et y preside, sachant que j'escrivois sur ce sujet et que neanmoins malaysement pourrois-je tirer la besoigne au jour, si Dieu ne m'aydoit fort specialement et que je ne fusse continuellement pressé, ell'a eu un soin continuel de prier et faire prier pour cela, et [20] de me conjurer saintement de recueillir tous les petitz morceaux de loysir qu'elle estimoit pouvoir estre sauvés, par ci par la, de la presse de mes empeschemens, pour les employer a ceci: et parce que cette ame m'est en la consideration que Dieu sçait, elle n'a pas eu peu de pouvoir pour animer la mienne en cette occasion..

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000169 

 On ne reuscit pas tous-jours egalement: si je demeure court en ce Traitté, mon cher Lecteur, fay que ta bonté s'avance, et Dieu benira ta lecture..

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000171 

 Ainsy Dieu te benisse, mon cher Lecteur, et te fasse riche de son saint amour.

  A004000171 

 Cependant je sousmetz tous-jours de tout mon cœur mes escris, mes paroles et mes actions a la correction de la tressainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, sachant qu'elle est la colomne et fermeté de la verité, dont elle ne peut ni faillir ni defaillir, et que «nul ne peut avoir Dieu pour Pere qui n'aura cette Eglise pour mere.».

  A004000174 

 BENI SOIT DIEU [22].

  A004000181 

 Les voix, pour estre belles, doivent estre claires et nettes, les discours intelligibles, les couleurs esclattantes et resplendissantes: l'obscurité, l'ombre, les tenebres sont laides et enlaidissent toutes choses, parce qu'en icelles rien n'est connoissable, ni l'ordre, ni la distinction, ni l'union, ni la convenance; qui a fait dire a saint Denis que Dieu, «comme souveraine beauté, est autheur de la belle convenance, du beau lustre et de la bonne grace qui est en toutes choses, faisant esclatter, en forme de lumiere, les distributions et departemens de son rayon,» par lesquelz toutes choses sont rendues belles, voulant que pour establir la beauté il y eust la convenance, la clarté et la bonne grace..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000183 

 Ainsy, Theotime, parmi l'innumerable multitude et varieté d'actions, mouvemens, sentimens, inclinations, habitudes, passions, facultés et puissances qui sont en l'homme, Dieu a establi une naturelle monarchie en la volonté, qui commande et domine sur tout ce qui se treuve en ce petit monde; et semble que Dieu ait dit a la volonté ce que Pharao dit a Joseph: Tu seras sur ma mayson; tout le peuple obeira au commandement de ta bouche; sans ton commandement nul ne remuera.

  A004000183 

 Dieu donq, voulant rendre toutes choses bonnes et belles, a reduit la multitude et distinction d'icelles en une parfaite unité et, pour ainsy dire, il les a toutes rangees a la monarchie, faisant que toutes choses s'entretiennent les unes aux autres, et toutes a luy qui est le souverain Monarque.

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000203 

 Saint Augustin, reduisant toutes les passions et affections a quatre, comme ont fait Boëce, Ciceron, Virgile et la pluspart de l'antiquité: «L'amour, » dit-il, «tendant a posseder ce qu'il ayme s'appelle convoitise» ou desir; «l'ayant et possedant, il s'appelle joye; fuyant ce qui luy est contraire, il s'appelle crainte: que si cela luy arrive et qu'il le sente, il s'appelle tristesse; et partant, ces passions sont mauvaises si l'amour est mauvais, bonnes, s'il est bon.» «Les citoyens de la Cité de Dieu craignent, desirent, se deulent, se res-jouissent, et parce que leur amour est droit, toutes ces affections sont aussi droites.» «La doctrine chrestienne assujettit l'esprit a Dieu, affin qu'il le guide et secoure, et assujettit a l'esprit toutes ces passions, affin qu'il les bride et modere, en sorte qu'elles soyent converties au service de la justice et vertu.» «La droite volonté est l'amour bon, la volonté mauvaise est l'amour mauvais;» c'est a dire en un mot, Theotime, que l'amour domine tellement en la volonté, qu'il la rend toute telle qu'il est..

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000209 

 Les philosophes et payens ont aymé aucunement Dieu, leurs republiques, la vertu, les sciences; ilz ont haï le vice, esperé les honneurs, desesperé d'eviter la mort ou la calomnie, desiré de sçavoir, voire mesme d'estre bienheureux apres leur mort; se sont enhardis pour surmonter les difficultés qu'il y avoit au pourchas de la vertu, ont craint le blasme, ont fui plusieurs fautes, ont vengé l'injure publique, se sont indignés contre les tyrans, sans aucun propre interest.

  A004000212 

 Or ces affections que nous sentons en nostre partie raysonnable sont plus ou moins nobles et spirituelles selon qu'elles ont leurs objectz plus ou moins relevés, et qu'elles se treuvent en un degré plus eminent de l'esprit: car il y a des affections en nous qui procedent du discours que nous faysons selon l'experience des sens; il y en a d'autres, formees sur le discours tiré des sciences humaines; il y en a encor d'autres qui proviennent des discours faitz selon la foy; et, en fin, il y en a qui ont leur origine du simple sentiment et acquiescement que l'ame fait a la verité et volonté de Dieu..

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000217 

 Or, entre tous les amours, celuy de Dieu tient le sceptre, et a tellement l'authorité de commander inseparablement unie et propre a sa nature, que s'il n'est le maistre, il cesse d'estre et perit..

  A004000222 

 Les vertus sont en l'ame pour moderer ses mouvemens, et la charité, comme premiere de toutes les vertus, les regit et tempere toutes, non seulement [39] parce que «le premier en chaque espece des choses sert de regle et mesure a tout le reste,» mais aussi parce que Dieu, ayant creé l'homme a son image et semblance, veut que, comme en luy, tout y soit ordonné par l'amour et pour l'amour..

  A004000232 

 Il y a encor certains mouvemens d'amour par lesquelz nous desirons les choses que nous n'attendons ni pretendons nullement, comme quand nous disons: Que ne suis-je maintenant en Paradis! je voudrois estre roy; pleust a Dieu que je fusse plus jeune; a la mienne volonté que je n'eusse jamais peché, et semblables choses.

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000246 

 Versés devant Dieu vos cœurs, dit le Psalmiste, c'est a dire, exprimés [51] et prononcés les affections de vostre cœur par paroles; et la devote mere de Samuel, prononçant ses prieres, quoy que si bellement qu'a peyne voyoit-on le mouvement de ses levres: J'ay respandu, dit elle, mon ame devant Dieu.

  A004000247 

 Ainsy donq le bayser estant la vive marque de l'union des cœurs, l'Espouse qui ne pretend en toutes ses poursuites que d'estre unie avec son Bienaymé, Qu'il me bayse, dit-elle, d'un bayser de sa bouche; comme si elle s'escrioit: Tant de souspirs et de traitz enflammés que mon amour jette incessamment, n'impetreront-ilz jamais ce que mon ame desire? Je cours, hé, n'atteindray-je jamais au prix pour lequel je m'eslance, qui est d'estre unie cœur a cœur, esprit a esprit avec mon Dieu, mon Espoux et ma vie? Quand sera-ce que je respandray mon ame dans son cœur, et qu'il versera [52] son cœur dedans mon ame, et qu'ainsy heureusement unis, nous vivrons inseparables!.

  A004000257 

 Ainsy ces hommes angeliques qui sont ravis en Dieu et aux choses celestes, perdent tout a fait, tandis que leur extase dure, l'usage et l'attention des sens, le mouvement et toutes actions exterieures, parce que leur ame, pour appliquer sa vertu et activeté plus entierement et attentivement a ce divin object, la retire et ramasse de toutes ses autres facultés, pour la contourner de ce costé la.

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000270 

 Abraham, selon l'inferieure portion de son ame, dit cette parole qui tesmoigne quelque sorte de defiance, quand l'Ange luy annonça qu'il auroit un filz: Pensés-vous qu'a un homme de cent ans puisse naistre un enfant? mais selon la superieure, il creut en Dieu, et il luy fut imputé a justice.

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000277 

 Il y avoit trois parvis au Temple de Salomon: l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le second estoit pour les Israëlites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour l'ordre Levitique; et en fin, outre tout cela, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle l e seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A004000277 

 Nostre rayson, ou pour mieux dire nostre ame entant qu'elle est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, lequel y reside plus particulierement.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000278 

 Au Sanctuaire toute la lumiere y entroit par la porte; en ce degré de l'esprit rien n'entre que par la foy, laquelle produit, comme par maniere de rayons, la veüe et le sentiment de la beauté et bonté du bon playsir de Dieu.

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000279 

 la suavité de la tressainte charité, representee es commandemens de Dieu, qu'elle comprend, par laquelle nous acquiesçons a l'union de nostre esprit avec celuy de Dieu, laquelle nous ne sentons presque pas.

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000290 

 Et de fait, en nostre langage mesme, les motz de cher, cherement, encherir, representent une certaine estime, un prix, une valeur particuliere; de sorte que, comme le mot d'homme parmi le peuple est presque demeuré aux masles, comme au sexe plus excellent, et celuy d'adoration est aussi presque demeuré pour Dieu, comme pour son principal object, ainsy le nom de charité est demeuré a l'amour de Dieu, comme a la supreme et souveraine dilection..

  A004000290 

 Mais si l'eminence de cette amitié est hors de proportion et de comparayson au dessus de toute autre, alhors elle sera dite dilection incomparable, [71] souveraine, sureminente et, en un mot, ce sera la charité, laquelle est deüe a un seul Dieu.

  A004000294 

 Au contraire, saint Augustin, ayant mieux consideré l'usage de la Parole de Dieu, monstre clairement que le nom d'amour n'est pas moins sacré que celuy de dilection, et que l'un et l'autre signifie parfois une affection sainte, et quelquefois aussi une passion depravee; alleguant a ces fins plusieurs passages de l'Escriture.

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000299 

 Ce playsir, cette confiance que le cœur humain prend naturellement en Dieu, ne peut certes provenir que de la convenance qu'il y a entre cette divine Bonté et nostre ame: convenance grande, mais secrette; convenance que chacun connoist, et que peu de gens entendent; convenance qu'on ne peut nier, mais qu'on ne peut bien penetrer.

  A004000299 

 Nous sommes creés a l'image et semblance de Dieu: qu'est-ce a dire cela, sinon que nous avons une extreme convenance avec sa divine Majesté?.

  A004000300 

 Nostre ame est spirituelle, indivisible, immortelle; entend, veut, et veut librement; est capable de juger, discourir, sçavoir et avoir des vertus: en quoy elle ressemble a Dieu.

  A004000301 

 Mais, outre cette convenance de similitude, il y a une correspondance nompareille entre Dieu et l'homme pour leur reciproque perfection; non que Dieu puisse recevoir aucune perfection de l'homme, mais parce que, comme l'homme ne peut estre perfectionné que par la divine Bonté, aussi la divine Bonté ne peut bonnement si bien exercer sa perfection hors de soy qu'a l'endroit de nostre humanité: l'une a grand besoin et grande capacité de recevoir du bien, et l'autre a grande abondance et grande inclination pour en donner.

  A004000303 

 Telle est la convenance que nous avons avec Dieu..

  A004000307 

 Et ce secours, d'un costé seroit naturel, comme convenable a la nature, et tendant a l'amour de Dieu entant [77] qu'il est Autheur et souverain Maistre de la nature; et d'autre part il seroit surnaturel, parce qu'il correspondroit, non a la nature simple de l'homme, mais a la nature ornee, enrichie et honnoree de la justice originelle, qui est une qualité surnaturelle procedante d'une tres speciale faveur de Dieu.

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000308 

 Or, bien que l'estat de nostre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la santé et droitture originelle que le premier homme avoit en sa creation, et qu'au contraire nous soyons grandement depravés par le peché, si est ce toutefois que la sainte inclination d'aymer Dieu sur toutes choses nous est demeuree, comme aussi la lumiere naturelle par laquelle nous connoissons que sa souveraine bonté est aymable sur toutes choses; et n'est pas possible qu'un homme pensant attentivement en Dieu, voire mesme par le seul discours naturel, ne ressente un certain eslan d'amour que la secrette inclination de nostre nature suscite au fond du cœur, par lequel, a la premiere apprehension de ce premier et souverain object, la volonté est prevenue et se sent excitee a se complaire en iceluy..

  A004000309 

 Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses.

  A004000313 

 Et quant a Platon, il se declare asses [80] en la celebre definition de la philosophie et du philosophe, disant que philosopher n'est autre chose qu'aymer Dieu, et que le philosophe n'estoit autre que l'amateur de Dieu.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000313 

 Que diray-je du grand Aristote, qui avec tant d'efficace appreuve l'unité de Dieu et en a parlé si honnorablement en tant d'endroitz?.

  A004000314 

 Ilz l'ont certes aucunement glorifié, luy donnant des souverains filtres d'honneur, mays ilz ne l'ont pas glorifié comme il le falloit glorifier, c'est a dire ilz ne l'ont pas glorifié sur toutes choses; n'ayans pas eu le courage de ruiner l'idolatrie, ains communiquans avec les idolatres, retenans la verité qu'ilz connoissoient, en injustice, prisonniere dedans leurs cœurs, et preferans l'honneur et le vain repos de leurs vies a l'honneur qu'ilz devoient a Dieu, ilz se sont esvanouis en leurs discours..

  A004000314 

 Mais, o Dieu eternel! ces grans espritz qui avoyent tant de connoissance de la Divinité et tant de propension a l'aymer, ont tous manqué de force et de courage a la bien aymer.

  A004000314 

 Par les creatures visibles ilz ont conneu les choses invisibles de Dieu, voire mesme son eternelle vertu et Divinité, dit le grand Apostre; de sorte qu'ilz sont inexcusables, d'autant qu'ayans conneu Dieu, il z ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ni ne luy ont pas fait action de graces.

  A004000316 

 Car quelle compassion, je vous prie, de voir cet excellent philosophe parler parfois de Dieu avec tant de goust, de sentiment et de zele, qu'on le prendroit pour un Chrestien sortant de quelque sainte et profonde meditation, et neanmoins ailleurs, d'occasion en occasion, mentionner les dieux a la payenne? Hé, ce bon homme, qui connoissoit si bien l'unité divine et avoit tant de goust de la bonté d'icelle, pourquoy n'a-il pas eu la sainte jalousie de l'honneur divin, affin de ne point gauchir ni dissimuler en un sujet de si grande importance?.

  A004000317 

 Car ainsy nostre cœur humain produit bien naturellement certains commencemens d'amour envers Dieu, mais d'en venir jusques a l'aymer sur toutes choses, qui est la vraye maturité de l'amour deu a cette supreme Bonté, cela n'appartient qu'aux cœurs animés et assistés de la grace celeste et qui sont en l'estat de la sainte charité; et ce petit amour imparfait, duquel la nature en elle mesme sent les eslans, ce n'est qu'un certain vouloir sans vouloir, un vouloir qui voudrait mais qui ne veut pas, un vouloir sterile qui ne produit point de vrays effectz, un vouloir paralytique qui void la piscine salutaire du saint amour mais qui n'a pas la force de s'y jetter; et en fin, ce vouloir est un avorton de la bonne volonté, qui n'a pas la vie de la genereuse vigueur [82] requise pour en effect preferer Dieu a toutes choses: dont l'Apostre, parlant en la personne du pecheur, s'escrie: Le vouloir est bien en moy, mais je ne treuve pas le moyen de l'accomplir..

  A004000321 

 Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000324 

 Certes, l'honnorable inclination que Dieu a mise en nos ames, fait connoistre a nos amis et a nos ennemis que non seulement nous avons esté a nostre Createur, mais encor que, si bien il nous a laissés et laschés a la merci de nostre franc arbitre, neanmoins nous luy appartenons, et il s'est reservé le droit de nous reprendre a soy pour nous sauver, selon que sa sainte et suave Providence le requerra.

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité.

  A004000333 

 Or nous devisons ainsy de Dieu, non tant selon ce qu'il est en luy mesme, comme selon ses œuvres, par l'entremise desquelles nous le contemplons; car sur nos diverses considerations nous le nommons differemment, [87] comme s'il avoit une grande multitude de differentes excellences et perfections.

  A004000334 

 Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence.

  A004000334 

 Nostre esprit est trop foible pour former une pensee qui puisse representer une excellence tant immense, laquelle comprenant en sa tres simple et tres unique perfection, distinctement et parfaittement, toutes autres perfections, en une façon infiniment excellente et eminente que nostre esprit ne peut penser, nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout puissant, vray, juste, saint, infini, immortel, invisible; et certes, nous parlons veritablement: Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est a dire il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevee, qu'en une tres simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection..

  A004000334 

 Or, de nommer parfaitement cette supreme excellence, laquelle en sa tres singuliere unité comprend, ains surmonte toutes excellences, cela n'est pas au pouvoir de la creature, ni humaine ni angelique: car, comme il est dit en l'Apocalypse, Nostre Seigneur a un nom que personne ne sçait que luy mesme, parce que luy seul connoissant parfaitement son infinie perfection, luy seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné; dont les Anciens ont dit que nul n'estoit vray theologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connoistre totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par consequent la representer par paroles, sinon luy mesme.

  A004000341 

 Et neanmoins, chetifves creatures que nous sommes, nous parlons des actions de Dieu comme s'il en faysoit tous les jours grande quantité et en grande varieté, bien que nous sachions le contraire.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000341 

 Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel.

  A004000342 

 Dieu ne dit qu'un seul mot, et en vertu d'iceluy en un moment furent faitz le soleil, la lune et cette innombrable multitude d'astres, avec leurs differences en clarté, en mouvement, en influences:.

  A004000347 

 Ainsy saint Chrysostome remarque que ce que Moyse a dit en plusieurs paroles, descrivant la creation du monde, le glorieux saint Jean l'a exprimé en un seul mot, disant que par le Verbe, c'est a dire par cette Parole eternelle qui est le Filz de Dieu, tout a esté fait.

  A004000347 

 Car encor que l'historien sacré, s'accommodant a nostre façon d'entendre, raconte que Dieu repeta souvent cette toute puissante parole: Soit fait, es journees de la creation du monde, neanmoins, a proprement parler, cette parole fut tres unique; si que David l'appelle un souffle ou aspiration de la bouche divine, c'est a dire un seul trait de son infinie volonté, lequel respand si puissamment sa vertu en la varieté des choses creées, que pour cela nous le concevons comme s'il estoit multiplié et diversifié en autant de differences comme il y en a en ces effectz, quoy qu'en verité il soit tres unique et tres simple.

  A004000347 

 Un seul mot de Dieu remplit l'air d'oyseaux et la mer [91] de poissons, fit esclorre de la terre toutes les plantes et tous les animaux que nous y voyons.

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000349 

 En signe dequoy, l'Escriture nous ayant rapporté que Dieu au commencement dit: Soyent faitz les luminaires au firmament du ciel, et qu'ilz separent le jour de la nuit, et qu'ilz soyent en signes, en tems, et jours et annees, nous voyons encor maintenant cette perpetuelle revolution et entresuite de tems et de saysons qui durera jusques [93] a la fin du monde, pour nous apprendre que, comme.

  A004000358 

 Dieu donques, Theotime, n'a pas besoin de plusieurs actes, puisque un seul divin acte de sa toute puissante volonté suffit a la production de toute la varieté de ses œuvres, a rayson de son infinie perfection: mais nous autres mortelz avons besoin d'en traitter avec la methode et maniere d'entendre a laquelle nos petitz espritz peuvent arriver, selon laquelle, pour parler de la Providence divine, considerons, je vous prie, le regne du grand Salomon, comme un modele parfait de l'art de bien regner..

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000361 

 Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000368 

 Tout ce que Dieu a fait est destiné au salut des hommes et des Anges: mays voyci l'ordre de sa providence pour ce regard, selon que, par l'attention aux Saintes Escritures et a la doctrine des Anciens, nous le pouvons descouvrir, et que nostre foiblesse nous permet d'en parler..

  A004000369 

 Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne..

  A004000370 

 Et parce que Dieu vit qu'il pouvoit faire en plusieurs façons l'humanité de son Filz en le rendant vray homme, comme, par exemple, la creant de rien, non seulement quant a l'ame mays aussi quant au cors, ou bien formant le cors de quelque matiere precedente, comme il fit celuy d'Adam et d'Eve, ou bien par voye de generation ordinaire d'homme et de femme, ou bien en fin par generation extraordinaire d'une femme sans homme, il delibera que la chose se feroit en cette derniere façon; et entre toutes les femmes qu'il pouvoit choisir a cette intention, il esleut la tressainte Vierge Nostre Dame, par l'entremise de laquelle le Sauveur de nos ames seroit non seulement homme, mais enfant du genre humain..

  A004000370 

 Or, entre toutes les creatures que cette souveraine toute puissance pouvoit produire, elle treuva bon de choisir la mesme humanité que du despuis par effect fut jointe a la Personne de Dieu le Filz, a laquelle elle destina cet honneur incomparable de l'union personnelle a sa divine Majesté, affin qu'eternellement elle jouist par excellence des thresors de sa gloire infinie.

  A004000371 

 Outre cela, la sacree Providence determina de produire [100] tout le reste des choses, tant naturelles que surnaturelles, en faveur du Sauveur, affin que les Anges et les hommes peussent en le servant participer a sa gloire; en suite dequoy, bien que Dieu voulut creer tant les Anges que les hommes avec le franc-arbitre, libres d'une vraye liberté pour choisir le bien et le mal, si est-ce neanmoins que, pour tesmoigner que de la part de la Bonté divine ilz estoyent dediéz au bien et a la gloire, elle les crea tous en justice originelle, laquelle n'estoit autre chose qu'un amour tres suave qui les disposoit, contournoit et acheminoit a la felicité eternelle..

  A004000372 

 Et parce que la nature angelique ne pourroit faire ce peché que par une malice expresse, sans tentation ni motif quelcomque qui la peust excuser, et que d'ailleurs une beaucoup plus grande partie de cette mesme nature demeureroit ferme au service du Sauveur, partant, Dieu, qui avoit si amplement glorifié sa misericorde au dessein de la creation des Anges, voulut aussi magnifier sa justice, et en la fureur de son indignation resolut d'abandonner pour jamais cette triste et malheureuse trouppe de perfides, qui en la furie de leur rebellion l'avoient si vilainement abandonné..

  A004000378 

 Or disant, Theotime, que Dieu avoit veu et voulu une chose premierement, et puis secondement une autre, observant ordre en ses volontés, je l'ay entendu selon qu'il a esté declaré cy devant; a sçavoir, qu'encor que tout cela s'est passé en un tres seul et tres simple acte, neanmoins par iceluy, l'ordre, la distinction et [102] la dependance des choses n'a pas esté moins observee que s'il y eust eu plusieurs actes en l'entendement et volonté de Dieu.

  A004000379 

 Ainsy le grand Sauveur fut le premier en l'intention divine et en ce projet eternel que la divine Providence fit de la production des creatures: et en contemplation de ce fruict desirable fut plantee la vigne de l'univers et establie la succession de plusieurs generations, qui, a guise de feuilles et de fleurs, le devoyent preceder, comme avant coureurs et preparatifz convenables a la production de ce raisin que l'Espouse sacree loue tant es Cantiques, et la liqueur duquel res-jouit Dieu et les hommes..

  A004000385 

 Dieu, certes, monstre admirablement la richesse incomprehensible de son pouvoir, en cette si grande varieté de choses que nous voyons en la nature, mays il fait encor plus magnifiquement paroistre les thresors infinis de sa bonté, en la difference non pareille des biens que nous reconnoissons en la grace.

  A004000387 

 De cette maniere donques, Dieu destourna de sa glorieuse Mere toute captivité, luy donnant le bonheur des deux estatz de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam avoit perdue, et jouît excellemment de la redemption que le second luy acquit; en suite dequoy, comme un jardin d'eslite qui devoit porter le fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de perfections, ce Filz de l'amour eternel ayant ainsy paré sa Mere de robbe d'or, recamee en belle varieté, affin qu'elle fust la Reyne de sa dextre, c'est a dire la premiere de tous les esleuz, qui jouiroit des delices de la dextre divine.

  A004000387 

 Dieu disposa aussi d'autres faveurs pour un petit nombre de rares creatures qu'il vouloit mettre hors du danger de la damnation, comme il est certain de saint Jean Baptiste, et tres probable de Hieremie et de quelques autres, que la divine Providence alla saisir dans le ventre de leur mere, et des Ihors les establit en la perpetuité de sa grace affin qu'ilz demeurassent fermes en son amour, bien que sujetz aux retardemens et pechés venielz, qui sont contraires a la perfection de l'amour et non a l'amour mesme.

  A004000388 

 Il y a encor d'autres ames, lesquelles Dieu disposa de laisser pour un tems exposees, non au peril de perdre le salut, mais bien au peril de perdre son amour; ains il permit qu'elles le perdissent en effect, ne leur asseurant point l'amour pour toute leur vie, ains seulement pour la fin d'icelle et pour certain tems precedent.

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000400 

 Hé, voyci que je vous offre mon esprit et je vous monstreray ma parole. Et cette mesme Sapience poursuit en Ezechiel, disant: Que personne ne die, je suis emmi les pechés, et comment pourray-je revivre? ah non! car voyci que Dieu dit: Je suis vivant, et aussi vray que je vis, je ne veux point la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse de sa voye et qu'il vive.

  A004000400 

 Or, vivre selon Dieu, c'est aymer; et qui n'ayme pas, il demeure en la mort.

  A004000400 

 Voyés donq, Theotime, si Dieu desire que nous l'aymions.

  A004000401 

 Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist.

  A004000401 

 L'Apostre, comme vous voyes, oppose les richesses de la bonté de Dieu aux thresors de la malice du cœur impenitent, et dit que le cœur malicieux est si riche en iniquité, que mesme il mesprise les richesses de la debonnaireté par laquelle Dieu l' attire a penitence; et notés que ce ne sont pas simplement les richesses de la bonté divine que l'obstiné mesprise, mais les richesses attrayantes a penitence, richesses qu'on ne peut bonnement ignorer.

  A004000401 

 Mon cher Theotime, Dieu n'exerce pas donques une simple suffisance de remedes pour convertir les obstinés, mais employe a cela les richesses de sa bonté.

  A004000401 

 Or, qu'est ce a dire tout cela, Theotime, sinon que Dieu ne nous donne pas seulement une simple suffisance de moyens pour l'aymer, et en l'aymant nous sauver, mais que c'est une suffisance riche, ample, magnifique, et telle qu'elle doit estre attendue d'une si grande bonté comme est la sienne? Le grand Apostre, parlant au pecheur obstiné: Mesprises-tu, dit-il, les richesses de la bonté, patience et longanimité de Dieu? ignores-tu que la benignité de Dieu t'amene a penitence? Mays toy, selon ta dureté et ton cœur [113] impenitent, tu te fays un thresor d'ire au jour de l'ire.

  A004000405 

 Ce sont paroles de Dieu, par lesquelles il promet que le Sauveur venant au monde, establira un nouveau regne en son Eglise, qui sera son Espouse vierge et vraye Israëlite spirituelle.

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000408 

 Et certes, nous meriterions bien de demeurer abandonnés de Dieu quand, avec cette desloyauté, nous l'avons ainsy abandonné.

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000410 

 C'est en sursaut et a l'improuveu que Dieu nous appelle et resveille par sa tressainte inspiration: en ce commencement de la grace celeste, nous ne faysons rien que sentir l'esbranlement «que Dieu fait en nous,» comme dit saint Bernard, mais «sans nous.».

  A004000410 

 N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués.

  A004000416 

 Le grand saint Augustin donne une grande clarté a ce discours par celuy qu'il fait au livre douziesme de la Cité de Dieu, chapitre VI, VII, VIII, IX; car encor qu'il regarde particulierement les Anges, si est ce toutefois qu'il apparie les hommes a eux pour ce point.

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000417 

 En somme, Dieu crie haut et clair a nos oreilles: Ta perte vient de toy, o Israël, et en moy seul se treuve ton secours..

  A004000417 

 Nous desrobbons les biens de Dieu si nous nous attribuons la gloire de nostre salut, mais nous deshonnorons sa misericorde si nous disons qu'elle nous a manqué; nous offensons sa liberalité si nous ne confessons ses bienfaitz, mais nous blasphemons sa bonté si nous nions qu'elle nous ait assistés et secourus.

  A004000417 

 O Dieu tout bon, vous ne laissés que ceux qui vous laissent, vous ne nous ostés jamais vos dons, sinon quand nous vous ostons nos cœurs.

  A004000421 

 O Dieu, Theotime, si nous recevions les inspirations celestes selon toute l'estendue de leur vertu, qu'en peu de tems nous ferions de grans progres en la sainteté! Pour abondante que soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin selon leur affluence, mais selon la petitesse ou grandeur du canal par ou elles y sont conduites.

  A004000422 

 En ce sens saint Paul nous exhorte de ne point recevoir la grace de Dieu en vain: car, comme un malade qui ayant receu la medecine en sa main ne l'avaleroit pas dans son estomach, auroit voirement receu la medecine, mais sans la recevoir, c'est a dire il l'auroit receüe en une façon inutile et infructueuse, de mesme, nous recevons la grace de Dieu en vain, quand nous la recevons a la porte du cœur et non pas dans le consentement du cœur; car ainsy nous la recevons sans la recevoir, c'est a dire nous la recevons sans fruit, puisque ce n'est rien de sentir l'inspiration sans y consentir.

  A004000422 

 Et comme le malade auquel on auroit donné en main la medecine, s'il la recevoit seulement en partie et non pas toute, elle ne feroit aussi l'operation qu'en partie et non pas entierement, ainsy, quand Dieu nous envoye une inspiration grande et puissante pour embrasser son saint amour, si nous ne consentons pas selon toute son estendue, elle ne profitera pas aussi qu'a cette mesure la.

  A004000424 

 A quoy tient-il donques que nous ne sommes pas si avancés en l'amour de Dieu comme saint Augustin, saint François, sainte Catherine de Gennes, ou sainte Françoise? Theotime, c'est parce que Dieu ne nous en a pas fait la grace.

  A004000424 

 Mais pourquoy est-ce que Dieu ne nous en a pas fait la grace? parce que nous n'avons pas correspondu comme nous devions, a ses inspirations.

  A004000425 

 Mais, repliqua frere Rufin, comment pouves vous dire cela en verité et conscience, puisque plusieurs autres, comme l'on void manifestement, commettent plusieurs grans pechés, desquelz, grace a Dieu, vous estes exempt? A quoy saint François respondant: Si Dieu eust favorisé, dit-il, ces autres desquelz vous parles, avec autant de misericorde comme il m'a favorisé, je suis certain que, pour meschans qu'ilz soyent maintenant, ilz eussent esté beaucoup plus reconnoissans des dons de Dieu que je ne suis, et le serviroyent beaucoup mieux que je ne [123] fay; et si mon Dieu m'abandonnoit, je commettrois plus de meschancetés qu'aucun autre.».

  A004000427 

 Pour certain, la faute n'est pas de la part de Dieu, car, puisque sa divine Majesté nous ayde et fait cette grace que nous arrivions jusques a ce point, je croy qu'il ne manqueroit pas de nous en faire encor davantage, si ce n'estoit nostre faute et l'empeschement que nous y mettons de nostre part.» Soyons donques attentifs, Theotime, a nostre avancement en l'amour que nous devons a Dieu, car celuy qu'il nous porte ne nous manquera jamais.

  A004000431 

 Il faut donner un rang particulier a ces ames privilegiees esquelles Dieu s'est pleu d'exercer non la seule affluence, mais l'inondation, et, s'il faut ainsy dire, non la seule liberalité et effusion, mais la prodigalité et profusion de son amour.

  A004000431 

 Je laisse a part ces vocations toutes puissantes et ces attraitz saintement violens, par lesquelz Dieu en un instant a transferé quelques ames d'eslite de l'extremité de la coulpe a l'extremité de la grace, faysant en elles, par maniere de dire, une certaine transsubstantiation morale et spirituelle, comme il arriva au grand Apostre, qui de Saul, vaysseau de persecution, devint subitement Paul, vaysseau d'élection.

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 En cette sorte donq, trescher Theotime, nostre franc arbitre n'est nullement forcé ni necessité par la grace; ains, nonobstant la vigueur toute puissante de la main misericordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'ame de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraitz, cette volonté humaine demeure parfaittement [126] libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de necessité.

  A004000434 

 Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir.

  A004000434 

 Si tu sçavois le don de Dieu, dit le Sauveur a la Samaritaine, et qui est celuy qui te dit, donne-moy a boire, toy mesme peut estre luy eusses demandé, et il t'eust donné de l'eau vive.

  A004000434 

 Voyés de grace, Theotime, le trait du Sauveur, quand il parle de ses attraitz: Si tu sçavois, veut il dire, le don de Dieu, sans doute tu serois esmeüe et attiree a demander l'eau de la vie eternelle, et peut estre que tu la demanderois; comme s'il disoit: Tu aurois le pouvoir [127] et serois provoquee a demander, et neanmoins tu ne serois pas forcee ni necessitee; ains seulement peut estre tu la demanderois: car ta liberté te demeureroit pour la demander ou ne la demander pas.

  A004000435 

 En somme, «si quelqu'un disoit que nostre franc arbitre ne coopere pas, consentant a la grace dont Dieu le previent, ou qu'il ne peut pas rejetter la grace et luy refuser son consentement,» il contrediroit a toute l'Escriture, a tous les anciens Peres, a l'experience, et serait excommunié par le sacré Concile de Trente.

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000440 

 Vray Dieu, Theotime, quelle consolation de considerer la sacree methode avec laquelle le Saint Esprit respand les premiers rayons et sentimens de sa lumiere et chaleur vitale dedans nos cœurs.

  A004000441 

 Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu..

  A004000441 

 Saint Pachome, Ihors encor tout jeune soldat et sans connoissance de Dieu, enroollé sous les enseignes de l'armee que Constance avoit dressee contre le tyran Maxence, vint avec la trouppe de laquelle il estoit, loger au pres d'une petite ville non guere esloignee de Thebes, ou, non seulement luy, mais toute l'armee se treuva en extreme disette de vivres: ce qu'ayant entendu les habitans de la petite ville, qui par bonne rencontre estoyent fidelles de Jesus Christ, et par consequent amis et secourables au prochain, ilz prouveurent soudain a la necessité des soldatz, mais avec tant de [130] soin, de courtoisie et d'amour, que Pachome en fut tout ravi d'admiration; et demandant quelle nation estoit celle-la, si bonteuse, amiable et gracieuse, on luy dit que c'estoyent des Chrestiens; et s'enquerant derechef quelle loy et maniere de vivre estoit la leur, il apprit qu'ilz croyoient en Jesus Christ, Filz unique de Dieu, et faisoyent bien a toutes sortes de personnes, avec ferme esperance d'en recevoir de Dieu mesme une ample recompence.

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000442 

 Il m'est advis, certes, que je voy en cet exemple un rossignol qui, se resveillant a la prime aube, commence a se secouer, s'estendre, desployer ses plumes, voleter de branche en branche dans son buisson, et petit a petit gazouiller son delicieux ramage: car n'aves-vous pas pris garde, comme le bon exemple de ces charitables Chrestiens excita et resveilla en sursaut le bienheureux Pachome? Certes, cet estonnement d'admiration qu'il [131] en eut ne fut autre chose que son resveil, auquel Dieu le toucha, comme le soleil touche la terre, avec un rayon de sa clarté, qui le remplit d'un grand sentiment de playsir spirituel.

  A004000443 

 Cependant voyes, je vous prie, Theotime, comme Dieu va doucement renforçant peu a peu la grace de son inspiration dedans les cœurs qui consentent, les tirant apres soy comme de degré en degré sur cette eschelle de Jacob.

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000447 

 Quand Dieu nous donne la foy, il entre en nostre ame et parle a nostre esprit, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration, proposant si aggreablement ce qu'il faut croyre, a l'entendement, que la volonté en reçoit une grande complaysance, et telle qu'elle incite l'entendement a consentir et acquiescer a la verité, sans doute ni defiance quelconque.

  A004000448 

 Mon Dieu, Theotime, pourrois-je bien dire ceci? La foy est la grande amie de nostre esprit, et peut bien parler aux sciences humaines qui se vantent d'estre plus evidentes et claires qu'elle, comme l'Espouse sacree parloit aux autres bergeres: Je suis brune, mais belle.

  A004000453 

 La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle.

  A004000453 

 Mays quand la sainte foy a representé a nostre esprit ce bel object de son inclination naturelle, o vray Dieu, Theotime, quel ayse, quel playsir, quel tressaillement universel de nostre ame! laquelle alhors, comme toute surprise a l'aspect d'une si excellente beauté, s'escrie d'amour: O que vous estes beau, mon Bienaymé, o que vous estes beau!.

  A004000454 

 Eliezer cherchoit une espouse pour le fïlz de son maistre Abraham: que sçavoit-il s'il la treuveroit belle et gracieuse comme il la desiroit? Mays quand il l'eut treuvee a la fontaine, qu'il la vid si excellente en beauté et si parfaite en douceur, mais sur tout quand on la luy eut accordee, il en adora Dieu et le benit, avec des actions de graces pleynes de joye nompareille.

  A004000454 

 Et comme Jacob ayant veu la belle Rachel, apres l'avoir saintement baysee, fondoit en larmes de douceur pour le bonheur qu'il ressentoit d'une si desirable rencontre, de mesme nostre pauvre cœur ayant treuvé Dieu et receu d'iceluy le premier bayser de la sainte foy, il se fond par apres en suavité [137] d'amour, pour le bien infini qu'il void d'abord en cette souveraine beauté..

  A004000454 

 Le cœur humain tend a Dieu par son inclination naturelle, sans sçavoir bonnement quel il est; mais quand il le treuve a la fontaine de la foy, et qu'il le void si bon, si beau, si doux et si debonnaire envers tous, et si disposé a se donner comme souverain bien a tous ceux qui le veulent, o Dieu, que de contentemens et que de sacrés mouvemens en l'esprit, pour s'unir a jamais a cette bonté si souverainement aymable! J'ay en fin treuvé, dit l'ame ainsy touchee, j'ay treuvé ce que je desirois, et je suis maintenant contente.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000460 

 C'est a Dieu que je souspire,.

  A004000461 

 C'est Dieu que mon cœur desire..

  A004000471 

 O Seigneur Dieu tout puissant,.

  A004000473 

 Celuy qui, pour le retardement de ce bonheur, protestoit que ses larmes luy estoyent un pain ordinaire nuit et jour, tandis que son Dieu luy estoit absent, et que ses adversaires l'enqueroyent, ou est ton Dieu? helas, qu'eust il fait s'il n'eust eu quelque sorte d'esperance de pouvoir une fois jouir de ce bien apres lequel il souspiroit? Et la divine Espouse va toute esploree et alangourie d'amour, dequoy elle ne treuve pas si tost le Bienaymé qu'elle cherche: l'amour du Bienaymé avoit creé en elle le desir, le desir avoit fait naistre l'ardeur du pourchas, et cette ardeur luy causoit la langueur, qui eust aneanti et consumé son pauvre cœur si elle n'eust eu quelqu'esperance de rencontrer en fin ce qu'elle pourchassoit.

  A004000474 

 Et cet accoisement est la racine de la tressainte vertu que nous appelions esperance, car la volonté, asseuree par la foy qu'elle pourra jouir de son souverain bien usant des moyens a ce destinés, elle fait deux grans actes de vertu: par l'un, elle attend de Dieu la jouissance de sa souveraine bonté, et par l'autre, elle aspire a cette sainte jouissance..

  A004000474 

 Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000475 

 Mais quand l'esperance est suivie de l'aspirement, et qu'esperans nous aspirons et aspirans nous esperons, alhors, cher Theotime, l'esperance se convertit en un courageux dessein par l'aspirement, et l'aspirement se convertit en une humble pretention par l'esperance, esperans et aspirans selon que Dieu nous inspire.

  A004000475 

 Or, par ce progres, l'amour a converti son desir en esperance, pretention et attente, si que l'esperance est un amour attendant et pretendant; et parce que le bien souverain que l'esperance attend, c'est Dieu, et qu'elle ne l'attend aussi que de Dieu mesme, auquel et par lequel elle espere et aspire, cette sainte vertu d'esperance aboutissante de toutes pars a Dieu, est, par consequent, une vertu divine ou theologique.

  A004000479 

 Je ne dis pas, toutefois, qu'il revienne tellement a nous, qu'il nous fasse aymer Dieu seulement pour l'amour de nous: o Dieu, nenny; car l'ame qui n'aymeroit Dieu que pour l'amour d'elle mesme, establissant la fin de l'amour qu'elle porte a Dieu en sa propre commodité, helas, elle commettroit un extreme sacrilege.

  A004000479 

 L'amour que nous prattiquons en l'esperance, Theotime, va certes a Dieu, mays il retourne a nous; il a son regard en la divine Bonté, mays il a de l'esgard a nostre utilité; il tend a cette supreme perfection, mays il pretend nostre satisfaction: c'est a dire, il ne nous porte pas en Dieu parce que Dieu est souverainement bon en soy mesme, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous mesmes; ou, comme vous voyes, il y a du nostre et du nous mesme; et partant, cet amour est voirement amour, mais amour de convoitise et interessé.

  A004000479 

 Si une femme n'aymoit son mari que pour l'amour de son valet, elle aymeroit son mari en valet et son valet en mari; l'ame aussi qui n'ayme Dieu que pour l'amour d'elle mesme, elle s'ayme comme elle devroit aymer Dieu, et elle ayme Dieu comme elle se devroit aymer elle mesme..

  A004000480 

 Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille..

  A004000480 

 Mais il y a bien de la difference entre cette parole: j'ayme Dieu pour le bien que j'en attens, et celle cy: je n'ayme Dieu que pour le bien que j'en attens; comme aussi c'est chose bien diverse de dire: j'ayme Dieu pour moy, et dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy.

  A004000481 

 Cet amour donq que nous appelions esperance, est un amour de convoitise, mais d'une sainte et bien ordonnee convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu a nous ni a nostre utilité, mays nous nous joignons a luy comme a nostre finale felicité.

  A004000481 

 Nous nous aymons ensemblement avec Dieu par cet amour, mays non pas nous preferant ou esgalant a luy en cet amour; l'amour de nous mesmes est meslé avec celuy de Dieu, mays celuy de Dieu surnage; nostre amour propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; nostre interest y tient quelque lieu, mays Dieu y tient le rang principal.

  A004000481 

 Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur..

  A004000482 

 Et c'est ainsy que nous aymons et convoitons Dieu par l'esperance: non affîn qu'il soit nostre bien, mais parce qu'il l'est; non affin qu'il soit nostre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il estoit pour nous, mais d'autant que nous sommes pour luy..

  A004000483 

 Pourquoy donq aymons-nous Dieu, Theotime, de cet amour de convoitise? parce qu'il est nostre [145] bien.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000491 

 Il y a encor une autre pœnitence qui est voirement morale, mais religieuse pourtant, et en certaine façon [147] divine, d'autant qu'elle procede de la connoissance naturelle que l'on a d'avoir offencé Dieu en pechant; car en verité plusieurs philosophes ont sceu qu'on faisoit chose aggreable a la Divinité de vivre vertueusement, et que, par consequent, on l'offençoit en vivant vitieusement.

  A004000491 

 Le bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comme il est fort probable qu'aussi fit il), et, entre autres choses, il dit qu'il seroit content s'il pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» et de plus, il veut que son philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais desobeir a sa divine Majesté, ni blasmer ou accuser chose quelconque qui arrive de sa part, ni de s'en plaindre en façon que ce soit; et ailleurs il enseigne que Dieu et «nostre bon Ange » sont presens a nos actions.

  A004000491 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que ce Philosophe, lhors encor payen, connoissoit que le peché offençoit Dieu, comme la vertu l'honnoroit, et que par consequent il vouloit qu'on s'en repentist, puisque mesme il ordonnoit que l'on fist l'examen de conscience au soir, en faveur duquel, avec Pitagore, il fait cet advertissement:.

  A004000494 

 Or cette sorte de repentance, attachee a la science et dilection de Dieu que la nature peut fournir, estoit une dependance de la religion morale; mays comme la rayson naturelle a donné plus de connoissance que d'amour aux philosophes, qui ne l'ont pas glorifié a [148] proportion de la notice qu'ilz en avoyent, aussi la nature a fourni plus de lumiere pour faire entendre combien Dieu estoit offencé par le peché, que de chaleur pour exciter le repentir requis a la reparation de l'offence..

  A004000497 

 Nous entrons en une profonde apprehension dequoy, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisant et deshonnorant, luy desobeissant et nous rebellant a luy; lequel aussi, de son costé, s'en tient pour offencé, irrité et mesprisé, desagreant, reprouvant et abominant l'iniquité.

  A004000498 

 Car nous considerons parfois que Dieu, qui est offencé, a establi une punition rigoureuse en enfer pour les pecheurs, et qu'il les privera du Paradis preparé aux gens de bien.

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000504 

 C'est bien fait, certes, et cela ne se peut nier, de se repentir de ses pechés pour eviter la peine de l'enfer et obtenir le Paradis; mais qui prendroit resolution de ne se vouloir jamais repentir pour aucun autre sujet, il forclorroit volontairement le mieux, qui est de se repentir pour l'amour de Dieu, et commettroit un grand peché.

  A004000504 

 Et prenes garde que je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu, mais je dis seulement qu'elles [151] ne le comprennent pas; elles ne le repoussent pas, mais elles ne le contiennent pas; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas forclos, mais il n'y est pas non plus enclos.

  A004000506 

 Conclusion: la repentance qui forclost l'amour de Dieu est infernale, pareille a celle des damnés; la repentance qui ne rejette pas l'amour de Dieu, quoy qu'elle soit encor sans iceluy, est une bonne et desirable repentance, mais imparfaite, et qui ne peut nous donner le salut jusques a ce qu'elle ayt atteint a l'amour et qu'elle se soit meslee avec iceluy: si que, comme le grand Apostre a dit que s'il donnoit son cors a brusler et tous ses biens aux pauvres, sans avoir la charité, cela luy seroit inutile, aussi pouvons-nous dire en verité, que quand nostre penitence seroit si grande que sa douleur fist fondre nos yeux en larmes et fendre nos cœurs de regret, si nous n'avons pas le saint amour de Dieu tout cela ne nous serviroit de rien pour la vie eternelle..

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000511 

 Theotime, parmi les tribulations et regretz d'une vive repentance, Dieu met bien souvent dans le fond de nostre cœur le feu sacré de son amour; puis cet amour se convertit en l'eau de plusieurs larmes, lesquelles, par un second changement, se convertissent en un autre plus grand feu d'amour.

  A004000512 

 C'est pourquoy la parfaite pœnitence a deux effectz differens: car, en vertu de sa douleur et detestation, elle nous separe du peché et de la creature a laquelle la delectation nous avoit attachés; mais en vertu du [154] motif de l'amour, d'ou elle prend son origine, elle nous reconcilie et reunit a nostre Dieu duquel nous nous estions separés par le mespris: si que, a mesme qu'elle nous retire du peché en qualité de repentance, elle nous rejoint a Dieu en qualité d'amour..

  A004000513 

 Mais je ne veux pas dire neanmoins que l'amour parfait de Dieu, par lequel on l'ayme sur toutes choses, precede tous-jours cette repentance, ni que cette repentance precede tous-jours cet amour.

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000516 

 Si donques la penitence, selon l'Escriture, efface le peché, sauve l'ame, la rend aggreable a Dieu et la justifie, qui sont des effectz appartenans a l'amour et qui semblent ne devoir estre attribués qu'a luy, il ne le faut pas treuver estrange; car bien que l'amour ne se treuve pas tous-jours luy mesme en la pœnitence parfaitte, sa vertu neanmoins et sa proprieté y est tous-jours, s'y estant escoulee par le motif amoureux duquel elle provient..

  A004000517 

 Car ainsy le Saint Esprit jettant dans nostre entendement la consideration de la grandeur de nos pechés, entant que par iceux nous avons offencé une si souveraine bonté, et nostre volonté recevant la reflexion de cette connoissance, le repentir croist petit a petit si fort, avec une certaine chaleur affective et desir de retourner en grace avec Dieu, qu'en fin ce mouvement arrive a tel signe, qu'il brusle et unit avant mesme que l'amour soit du tout formé: amour qui, toutefois, comme un feu sacré, s'allume immediatement en ce point la; de sorte que la repentance ne parvient jamais a ce signe de brusler et reunir le cœur a Dieu, qui est son extreme perfection, qu'elle ne se treuve toute convertie en feu et flamme [157] d'amour, la fin de l'un servant de commencement a l'autre.

  A004000518 

 Et partant, nous devons tous avoir force telles oraysons jaculatoires, faites par maniere de repentance amoureuse et de souhaitz requerans nostre reconciliation avec Dieu, affin que par icelles, prononçans devant le Sauveur nostre tribulation, nous respandions nos ames devant et dedans son cœur pitoyable, qui les recevra a mercy.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Aussi, le grand saint Augustin prononce solemnellement cette remarquable parole: «Escoute une fois, o homme, et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré;» en laquelle, son intention n'est pas de parler du premier mouvement que Dieu fait «en nous, sans nous,» [159] Ihors qu'il nous excite et esveille du sommeil de peché; car, comme pourrions nous demander le reveil, puisque personne ne peut prier avant qu'estre esveillé? mays il parle de la resolution que l'on prend d'estre fidele, car il estime que croire c'est estre tiré, et partant, il admonneste ceux qui ont esté excités a croire en Dieu, de demander le don de la foy.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Et ce pendant nous demeurons en pleyne [160] liberté de consentir aux attraitz celestes ou de les rejetter; car, comme le sacré Concile de Trente a clairement resolu, «si quelqu'un disoit que le franc arbitre de l'homme, estant meu et incité de Dieu, ne coopere en rien, en consentant a Dieu qui l'esmeut et l'appelle affin qu'il se dispose et prepare pour obtenir la grace de la justification, et qu'il ne peut n'y consentir point s'il veut, certes, un tel seroit excommunié » et reprouvé de l'Eglise.

  A004000523 

 Nostre Seigneur tire les cœurs par les delectations qu'il leur donne, lesquelles font treuver la doctrine celeste douce et aggreable, mais avant que cette douceur ayt engagé et lié la volonté par ses amiables liens, pour la tirer a l'acquiescement et consentement parfait de la foy, comme Dieu ne manque pas d'exercer sa bonté sur nous par ses saintes inspirations, aussi nostre ennemi ne cesse point de prattiquer sa malice par ses tentations.

  A004000530 

 Mais cette amitié est une vraye amitié, [163] car elle est reciproque, Dieu ayant aymé eternellement quicomque l'a aymé, l'ayme ou l'aymera temporellement; elle est declaree et reconneüe mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l'amour que nous avons pour luy, puisque luy mesme nous le donne, ni nous aussi ne pouvons ignorer celuy qu'il a pour nous, puisqu'il l'a tant publié et que nous reconnoissons tout ce que nous avons de bon comme veritables effectz de sa bienveuillance; et, en fin, nous sommes en perpetuelle communication avec luy, qui ne cesse de parler a nos cœurs par inspirations, attraitz et mouvemens sacrés.

  A004000530 

 Voyla donq en fin, mon cher Theotime, comme Dieu, par un progres plein de suavité ineffable, conduit l'ame qu'il fait sortir hors de l'Egypte du peché, d'amour en amour, comme de logement en logement, jusques a ce qu'il l'ayt fait entrer en la Terre de promission, je veux dire en la tressainte charité; laquelle, pour le dire en un mot, est une amitié et non pas un amour interessé, car par la charité nous aymons Dieu pour l'amour de luy mesme, en consideration de sa bonté tres souverainement aymable.

  A004000531 

 Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté..

  A004000531 

 Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour.

  A004000531 

 Or cette amitié n'est pas une simple amitié, mais amitié de dilection, par laquelle nous faysons election de Dieu pour l'aymer d'amour particulier.

  A004000532 

 Nous l'appelions donq amitié surnaturelle pour cela, et de plus encor, parce qu'elle regarde Dieu et tend a luy, non selon la science naturelle que nous avons de sa bonté, mais selon la connoissance surnaturelle de la foy.

  A004000533 

 La charité donq est un amour d'amitié, une amitié de dilection, une dilection de preference, mais de preference incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l'ame pour l'embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les moderer, mais en la volonté, comme en son siege, pour y resider et luy faire cherir et aymer son Dieu sur toutes choses.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Je n'ay jamais sceu qu'il se treuvast aucun animal qui [167] n'eust point de bornes et limites en sa croissance, sinon le crocodile, qui estant extremement petit en son commencement, ne cesse jamais de croistre tandis qu'il est en vie; en quoy il represente egalement et les bons et les mauvais: car l' outrecuidance de ceux qui haïssent Dieu monte tous-jours, dit le grand roy David, et les bons croissent comme l'aube du jour, de splendeur en splendeur.

  A004000542 

 Detestable, tu seras assis! hé, ne connois-tu pas que tu es au chemin, et que le chemin n'est pas fait pour s'asseoir mais pour marcher? Et il est tellement fait pour marcher, que marcher s'appelle cheminer; et Dieu, parlant a l'un de ses plus grans amis: Marche, luy dit-il, devant moy, et sois parfait..

  A004000543 

 L'esprit de Dieu peut eslever le nostre et l'appliquer a toutes les actions surnaturelles qu'il luy plait, tandis qu'elles ne sont pas infinies: d'autant qu'entre les choses petites et les grandes, pour excessives qu'elles soyent, il y a tous-jours quelque sorte de proportion, pourveu que l'exces des excessives ne soit pas infini; mais entre le fini et l'infini il n'y a nulle proportion, et pour y en mettre, il faudroit, ou relever le fini et le rendre infini, ou ravaler l'infini et le rendre fini, ce qui ne peut estre.

  A004000543 

 La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable.

  A004000543 

 Le cœur qui pourroit aymer Dieu d'un amour egal a la divine bonté, auroit une volonté infiniment bonne, et cela ne peut estre qu'en Dieu seul.

  A004000544 

 Cependant, c'est une faveur extreme pour nos ames, qu'elles puissent croistre sans fin de plus en plus en l'amour de leur Dieu, tandis qu'elles sont en cette vie caduque,.

  A004000550 

 Car, comme en l'Arabie heureuse, non seulement les plantes de nature aromatique, mays toutes les autres sont odorantes, participant au bonheur de ce solage, ainsy en l'ame charitable, non seulement les œuvres excellentes de leur nature, mais aussi les petites besoignes, se ressentent de la vertu du saint amour et sont en bonne odeur devant la majesté de Dieu, qui, a leur consideration, augmente la sainte charité.

  A004000550 

 Les poilz de chevre presentés anciennement au Tabernacle estoyent bien receus, et tenoyent lieu entre les saintes offrandes; et les petites actions qui procedent de la charité, sont aggreables a Dieu et ont leur place entre les merites.

  A004000550 

 Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy..

  A004000550 

 Voyés-vous, Theotime, ce verre d'eau ou ce petit morceau de pain qu'une sainte ame donne au pauvre, pour Dieu: c'est peu de fait certes, et chose presque indigne de consideration selon le jugement humain; Dieu neanmoins le recompense, et tout soudain donne pour cela quelqu'accroissement de charité.

  A004000551 

 O Seigneur, nous fait dire la sainte Eglise nostre Mere, «donnés-nous l'augmentation de la foy, de l'esperance et de la charité;» et c'est a l'imitation de ceux qui disoient au Sauveur: Seigneur, accroisses la foy en nous; et selon l'advis de saint Paul, qui asseure que Dieu seul est puissant de faire abonder en nous toute grace..

  A004000552 

 C'est donq Dieu qui fait cet accroissement, en consideration de l'employte que nous faysons de sa grace, selon qu'il est escrit: A celuy qui a, c'est a dire, qui employe bien les faveurs receües, on luy en donnera davantage, et il abondera.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000553 

 Or, jamais Dieu n'ayme davantage une ame qui a de la charité, qu'il ne luy en donne aussi davantage; nostre amour envers luy estant le propre et particulier effect de son amour envers nous..

  A004000553 

 Theotime, les abeilles font le miel delicieux qui est leur ouvrage de haut prix, mays la cire, qu'elles font aussi, ne laisse pas pour cela de valoir quelque chose et de rendre leur travail recommandable: le cœur amoureux doit tascher de produire ses œuvres avec grande ferveur et de haute estime, afhn d'augmenter puissamment sa charité; mays si, toutefois, il en produit de moindres, il ne perdra point la recompense, car Dieu luy en sçaura gré, c'est a dire l'en aymera tous-jours un peu plus.

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Tel est l'amour que Dieu porte a nos ames, tel le desir de nous faire croistre en celuy que nous luy devons porter; sa divine Suavité nous rend toutes choses utiles, elle prend tout a nostre advantage, elle fait valoir a nostre proffit toutes nos besoignes, pour basses et debiles qu'elles soyent.

  A004000560 

 Car, comme nostre espouse pasmee fust demeuree morte en sa pasmayson, sans le secours du roy, aussi l'ame demeureroit perdue dans son peché, si Dieu ne la prevenoit.

  A004000560 

 Et tout cela, mon Theotime, Dieu le fait «en nous, sans nous,» par sa bonté toute aymable qui nous previent de sa douceur.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000560 

 Or, tandis qu'il la fait ainsy passer entre les vertus par lesquelles il la dispose a ce saint amour, il ne la conduit pas seulement, mais il la soustient de telle façon, que comme elle, de son costé, marche tant qu'elle peut, aussi luy, pour sa part, la porte et la va soustenant; et ne sçauroit-on bonnement dire si elle va ou si elle est portee, car elle n'est pas tellement portee qu'elle n'aille, et va toutefois tellement, que si elle n'estoit portee elle ne pourroit pas aller; si que, pour parler a l'apostolique, elle doit dire: Je marche, non pas moy seule, ains la grace de Dieu avec moy..

  A004000560 

 Que si l'ame estant ainsy excitee, adjouste son consentement au sentiment de la grace, secondant l'inspiration qui l'a prevenue et recevant les secours et remedes requis que Dieu luy a preparés, il la revigorera, et la conduira par divers mouvemens de foy, d'esperance et de pœnitence, jusques a ce qu'elle soit tout a fait remise en la vraye santé spirituelle, qui n'est autre chose que la charité.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000562 

 Neanmoins, bien que moyennant la charité respandue dans nos cœurs nous puissions marcher en la presence de Dieu et faire progres en la voye de salut, si est-ce que la Bonté divine assiste l'ame a laquelle il a donné son amour, la tenant continuellement de sa sainte main.

  A004000563 

 Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix.

  A004000564 

 Ainsy saint Anthoine et saint Simeon Stylite estoyent en la grace et charité de Dieu quand ilz firent dessein d'une vie si relevee, comme aussi la bienheureuse Mere Therese quand elle fit le vœu d'obeissance speciale, saint François et saint Louys quand ilz entreprirent le voyage d'outremer pour la gloire de Dieu, le bienheureux François Xavier quand il consacra sa vie a la conversion des Indois, saint Charles quand il s'exposa au service des pestiferés, saint Paulin quand il se vendit pour racheter l'enfant de la pauvre vefve; jamais pourtant ilz n'eussent fait des coups si hardis et genereux, si a la charité qu'ilz avoient en leurs cœurs Dieu n'eust adjousté des inspirations, semonces, lumieres et forces speciales, par lesquelles il les animoit et poussoit a ces exploitz extraordinaires de la vaillance spirituelle..

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000573 

 C'est Dieu, qui gouverne le monde;.

  A004000584 

 Affin qu'en ton Ciel, o mon Dieu,.

  A004000589 

 Ce qu'il a declairé en Isaïe, disant: Je suis ton Dieu, prenant ta main et te disant: ne crains point, je t'ay aydé.

  A004000589 

 Si que nous devons d'un grand courage avoir une tres ferme confiance en Dieu et en son secours; car si nous ne manquons a sa grace, il parachevera en nous le bon œuvre de nostre salut, ainsi qu'il l' a commencé, [180] operant en nous le vouloir et le parfaire, comme le tressaint Concile de Trente nous admoneste..

  A004000590 

 Car ce don n'est autre chose que l'assemblage et la suite de divers appuis, soulagemens et secours, par le moyen desquelz nous continuons en l'amour de Dieu jusques a la fin: comme l'education, eslevement ou nourrissage d'un enfant, n'est autre chose qu'une multitude de sollicitudes, aydes, secours et autres telz offices necessaires a un enfant, exercés et continués envers iceluy, jusques a l'aage auquel il n'en a plus besoin..

  A004000590 

 En cette conduite que la douceur de Dieu fait de nos ames des leur introduction a la charité jusques a la finale perfection d'icelle, qui ne se fait qu'a l'heure de la mort, consiste le grand don de la perseverance, auquel Nostre Seigneur attache le tres grand don de la gloire eternelle, selon qu'il a dit: Qui perseverera jusques a la fin, il sera sauvé.

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000594 

 Ainsy, trescher Theotime, nous devons, selon l'advis du saint Concile, «mettre toute nostre esperance en Dieu qui parachèvera nostre salut qu'il a commencé en nous, pourveu que nous ne manquions pas a sa grace.» Car il ne faut pas penser que celuy qui dit au paralitique: Va et ne veuille plus pecher, ne luy donnast aussi le pouvoir d'eviter le vouloir qu'il luy defendoit; et certes, il n'exhorteroit jamais les fideles a perseverer, s'il n'estoit prest a leur en donner le pouvoir.

  A004000594 

 Nous devons donq, avec le grand Roy, maintefois demander a Dieu le sacré don de perseverance, et esperer qu'il nous l'accordera:.

  A004000595 

 Seigneur Dieu, mon unique espoir,.

  A004000604 

 Hé, que reste-il, Seigneur, sinon que je proteste que vous estes mon Dieu es siecles des siecles! Amen..

  A004000605 

 O mon Dieu, mon Seigneur, Dieu pour jamais aymable,.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000614 

 Dieu, sans doute, n'a preparé le Paradis que pour ceux desquels il a preveu qu'ilz seroyent siens; soyons donques siens par foy et par œuvre, Theotime, et il sera nostre par gloire.

  A004000614 

 Or il est en nous d'estre siens: car bien que ce soit un don de Dieu d'estre a Dieu, c'est toutefois un don que Dieu ne refuse jamais a personne, ains l'offre a tous, pour le donner a ceux qui de bon cœur consentiront de le recevoir..

  A004000615 

 Demeurons donq en paix, et servons Dieu pour estre siens en cette vie mortelle, et encores plus en l'eternelle..

  A004000615 

 Mays voyés, je vous prie, Theotime, de quelle ardeur Dieu desire que nous soyons siens, puisque a cette [186] intention il s'est rendu tout nostre, nous donnant sa mort et sa vie; sa vie affin que nous fussions exemptz de l'eternelle mort, et sa mort affin que nous puissions jouir de l'eternelle vie.

  A004000619 

 O Dieu, dit saint Augustin, «vous aves creé mon cœur pour vous, et jamais il n'aura repos qu'il ne soit en vous!» Mais qu'ay-je au ciel sinon vous, o mon Dieu, et quelle autre chose veux-je sur la terre? Ouy, Seigneur, car vous estes le Dieu de mon cœur, mon lot et mon partage eternellement.

  A004000621 

 Cette parfaitte conjonction de l'ame a Dieu ne se fera donq point qu'au Ciel, ou, comme dit l'Apocalipse, se fera le festin des noces de l'Aigneau.

  A004000626 

 Or, non seulement chacun en particulier aura plus d'amour au Ciel qu'il n'en eut jamais en terre, mays l'exercice de la moindre charité qui soit en la vie celeste sera de beaucoup plus heureux et excellent, a parler generalement, que celuy de la plus grande charité qui soit, ou ayt esté, ou qui sera en cette vie caduque, car la haut tous les Saintz prattiquent leur amour incessamment, sans remise quelconque, tandis qu'ici bas les plus grans serviteurs de Dieu, tirés et tirannisés des necessités de cette vie mourante, sont contrains de souffrir mille et mille distractions qui les ostent souvent de l'exercice du saint amour..

  A004000627 

 Au Ciel, Theotime, l'attention amoureuse des Bienheureux est ferme, constante, inviolable, qui ne peut ni perir ni diminuer; leur intention est tous-jours pure, exempte du meslange de toute autre intention inferieure: en somme, ce bonheur de voir Dieu clairement et de l'aymer invariablement est incomparable.

  A004000633 

 La virginité de son cœur et de son cors fut plus digne et plus honnorable que celle des Anges; c'est pourquoy son esprit, non divisé ni partagé, comme saint Paul parle, estoit t out occupé a penser aux choses divines, comme elle plairoit a son Dieu.

  A004000633 

 O Dieu, nenny, car elle est la fille d'incomparable dilection, la toute unique colombe, la toute parfaitte Espouse.

  A004000634 

 Ouy, Theotime, cette Reyne celeste ne s'endormoit jamais que d'amour, puisqu'elle ne donnoit aucun repos a son pretieux cors que pour le revigorer, affin qu'il servist mieux son Dieu par apres; acte, certes, tres excellent de charité, car, comme dit le grand saint Augustin, elle nous «oblige d'aymer nos cors convenablement,» entant qu'ilz sont requis aux bonnes œuvres, qu'ilz sont une partie de nostre personne et qu'ilz seront participans de la felicité eternelle.

  A004000635 

 Mays quant a la tressainte Vierge, o Dieu, avec quelle devotion devoit elle aymer son cors virginal! non seulement parce que c'estoit un cors doux, humble, pur, obeissant au saint amour et qui estoit tout embaumé de mille sacrees suavités, mays aussi parce qu'il estoit la source vivante de celuy du Sauveur et luy appartenoit si estroittement, d'une appartenance incomparable.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000637 

 Mais combien donq y a-il plus d'apparence que la Mere du vray Salomon ait eu l'usage de rayson en son sommeil, c'est a dire, comme Salomon mesme la fait parler, que son cœur ait veillé tandis qu'elle dormoit? Certes, que saint Jean eust l'exercice de son esprit dans le [194] ventre mesme de sa mere, ce fut une bien plus grande merveille: et pourquoy donques en refuserions nous une moindre a celle pour laquelle et a laquelle Dieu a fait plus de faveurs qu'il ne fit ni fera jamais pour tout le reste des creatures?.

  A004000637 

 Mais voyés, je vous prie, que ni je ne dis ni je ne veux dire que cette ame tant privilegiee de la Mere de Dieu ait esté privee de l'usage de rayson en son sommeil.

  A004000642 

 L'amour triomphant que les Bienheureux exercent au Ciel consiste en la finale, invariable et eternelle union de l'ame avec son Dieu.

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 Mais lhors que nostre esprit, eslevé au dessus de la lumiere naturelle, commence a voir les verités sacrees de la foy, o Dieu, Theotime, quelle allegresse! L'ame se fond de playsir, oyant la parole de son celeste Espoux, qu'elle treuve plus douce et souefve que le miel de toutes les sciences humaines.

  A004000645 

 O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen.

  A004000646 

 Nous avons voirement creu tout ce qu'on nous avoit annoncé de ta gloire, o grande cité de Dieu, mays nous ne pouvions pas concevoir la grandeur infinie des abismes de tes delices..

  A004000646 

 Que si les verités divines sont de si grande suavité estans proposees en la lumiere obscure de la foy, o Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midy de la gloire? La Reyne de Saba qui, a la grandeur de la renommee de Salomon, avoit tout quitté pour le venir voir, estant arrivee en sa presence et ayant escouté les merveilles de la sagesse qu'il respandoit en ses propos, toute esperdue et comme pasmee d'admiration, s'escria que ce qu'elle avoit appris par [197] ouï dire de cette celeste sagesse n'estoit pas la moitié de la connoissance que la veüe et l'experience luy en donnoyent.

  A004000651 

 Hé, quelle union de nostre cœur a Dieu la haut au Ciel, ou apres ces desirs infinis du vray bien, non jamais assouvis en ce monde, nous en treuverons la vivante et puissante source! [199].

  A004000652 

 Alhors, certes, comme on voit un petit enfant affamé, si fort collé au flanc de sa mere et attaché a son tetin, presser avidement cette douce fontayne de suave et desiree liqueur, de sorte qu'il est advis qu'il veuille, ou se fourrer tout dans ce sein maternel, ou bien tirer et succer toute cette poitrine dans la sienne, ainsy nostre ame toute haletante de la soif extreme du vray bien, lhors qu'elle en rencontrera la source inespuisable en la Divinité, o vray Dieu, quelle sainte et suave ardeur a s'unir et joindre a ces mammelles fecondes de la toute bonté, ou pour estre tout abismés en elle, ou affin qu'elle vienne toute en nous!.

  A004000657 

 De sorte que les verités signifiees en la parole de Dieu sont par icelle representees a l'entendement, comme les choses exprimees au mirouer sont, par le mirouer, representees a l'œil: si que, croire c'est voir comme par un miroüer, dit le grand Apostre..

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 Mais au Ciel, Theotime, ah mon Dieu, quelle faveur! la Divinité s'unira elle mesme a nostre entendement, sans entremise d'espece ni representation quelconque; ains elle s'appliquera et joindra elle mesme a nostre entendement, se rendant tellement presente a luy, que cette intime presence tiendra lieu de representation et d'espece.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000663 

 O saint et divin Esprit, Amour eternel du Pere et du Filz, soyes propice a mon enfance! Nostre entendement verra donq Dieu, Theotime; mais je dis, il verra Dieu luy mesme, face a face, contemplant par une veüe de vraye et reelle presence la propre essence divine, et en elle ses infinies beautés: la toute puissance, la toute bonté, toute sagesse, toute justice, et le reste de cet abisme de perfections..

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000664 

 Car, comme se pourroit il faire que ce divin Filz fust la vraye, vrayement vive et vrayement naturelle image, semblance et figure de l'infinie beauté et substance du Pere, si elle ne representoit infiniment au vif et au naturel les infinies perfections du Pere? et comme pourroit elle representer infiniment des perfections infinies, si elle mesme n'estoit infiniment parfaite? et comme pourroit elle estre infiniment parfaite, si elle n'estoit Dieu? et comme pourroit elle estre Dieu, si elle n'estoit un mesme Dieu avec le Pere?.

  A004000664 

 Il verra, donq clairement, cet entendement, la connoissance infinie que de toute eternité le Pere a eue de sa propre beauté, et pour laquelle exprimer en soy mesme il prononça et dit eternellement le mot, le Verbe, ou la parole et diction tres unique et tres infinie, laquelle comprenant et representant toute la perfection du Pere, ne peut estre qu'un mesme Dieu tres unique avec luy, sans division ni separation.

  A004000665 

 Ainsy Dieu, qui est seul, n'est pas pourtant solitaire; car il est seul en sa tres unique et tres simple Divinité, mays il n'est pas solitaire, puisqu'il est Pere et Filz en deux Personnes.

  A004000665 

 Ce Filz donq, infinie image et figure de son Pere infini, est un seul Dieu tres unique et tres infini avec son Pere, sans qu'il y ait aucune difference de substance entre eux, ains seulement la distinction des Personnes; laquelle distinction de Personnes, comme elle est totalement requise, aussi est-elle tres suffisante pour faire que le Pere prononce, et que le Filz soit la Parole prononcee, que le Pere die, et que le Filz soit le Verbe ou la diction, que le Pere exprime, et que le Filz soit l'image, semblance et figure exprimee, et qu'en somme, le Pere soit Pere, et le Filz soit Filz, deux Personnes distinctes, mays une seule essence et Divinité.

  A004000666 

 Le tres doux saint Bernard, estant encores jeune garçon a Chastillon sur Seine, la nuit de Noël attendoit en l'eglise que l'on commençast l'office sacré, et en cette attente le pauvre enfant s'endormit d'un sommeil fort leger, pendant lequel, o Dieu! quelle douceur! il vit en esprit, mais d'une vision fort distincte et fort claire, comme le Filz de Dieu ayant espousé la nature humaine et s'estant rendu petit Enfant dans les entrailles tres [204] pures de sa Mere, naissoit virginalement de son ventre sacré, avec une humble suavité meslee d'une celeste majesté,.

  A004000669 

 Helas, mais de grace, Theotime, si une vision mystique et imaginaire de la naissance temporelle et humaine du Filz de Dieu, par laquelle il procedoit homme de la femme, vierge d'une Vierge, ravit et contente si fort le cœur d'un enfant, hé, que sera-ce quand nos espritz glorieusement illuminés de la clarté bienheureuse, verront cette eternelle naissance par laquelle le Filz procede «Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, vray Dieu d'un vray Dieu,» divinement et eternellement! Alhors donq, nostre esprit se joindra par une complaysance incomprehensible a cet object si delicieux, et par une invariable attention luy demeurera eternellement uni.

  A004000674 

 Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble.

  A004000675 

 Et d'autant que le Pere et le Filz qui souspirent, ont une essence et volonté infinie par laquelle ilz souspirent, et que la bonté pour laquelle ilz souspirent est infinie, il est impossible que le souspir ne soit infini; et d'autant qu'il ne peut estre infini qu'il ne soit Dieu, partant cet Esprit souspiré du Pere et du Filz est vray Dieu, et parce qu'il n'y a ni peut avoir qu'un seul Dieu, il est un seul vray Dieu avec le Pere et le Filz.

  A004000675 

 Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit..

  A004000676 

 Or sus, Theotime, le roy David, descrivant la suavité de l'amitié des serviteurs de Dieu, s'escrie:.

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000693 

 Toutefois, il y a de la difference entre les rayons que le soleil jette a nos yeux corporelz, et la lumiere que Dieu creera en nos entendemens, au Ciel: car le rayon du [209] soleil corporel ne fortifie point nos yeux quand ilz sont foibles et impuissans a voir, ains plustost il les aveugle, esblouissant et dissipant leur veüe infirme; ou, au contraire, cette sacree lumiere de gloire, treuvant nos entendemens inhabiles et incapables de voir la Divinité, elle les esleve, renforce et perfectionne si excellemment, que, par une merveille incomprehensible, ilz regardent et contemplent l'abisme de la clarté divine fixement et droitement en elle mesme, sans estre esblouis ni rebouschés de la grandeur infinie de son esclat..

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000694 

 Tout ainsy, donq, que Dieu nous a donné la lumiere de la rayson par laquelle nous le pouvons connoistre comme Autheur de la nature, et la lumiere de la foy par laquelle nous le considerons comme source de la grace, de mesme il nous donnera la lumiere de gloire, par laquelle nous le contemplerons comme fontaine de la beatitude et vie eternelle: mays fontaine, Theotime, que nous ne contemplerons pas de loin, comme nous faisons maintenant par la foy, ains que nous verrons par la lumiere de gloire plongés et abismés en icelle.

  A004000695 

 En Dieu gist la fontaine mesme.

  A004000704 

 Non, Theotime, car Dieu estant tres uniquement un et tres simplement indivisible, on ne le peut voir qu'on ne le voye tout; et d'autant qu'il est infini, sans limite, ni borne, ni mesure quelcomque en sa perfection, il n'y a ni peut avoir aucune capacité hors de luy, qui jamais puisse totalement comprendre ou penetrer l'infinité de sa bonté, infiniment essentielle et essentiellement infinie..

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000715 

 En suite dequoy il leur fait faire cette priere: Ne me rejettés point de devant vostre face et ne m'ostés point vostre Saint Esprit; Et ne nous induises point en tentation; affin qu'ilz fassent leur salut avec un saint tremblement et une crainte sacree, sçachans qu'ilz ne sont pas plus invariables et fermes a conserver l'amour de Dieu que le premier Ange avec ses sectateurs, et Judas, [215] qui l'ayans receu le perdirent, et en le perdant se perdirent eternellement eux mesmes; ni que Salomon, qui, l'ayant une fois quitté, tient tout le monde en doute de sa damnation; ni que Adam, Eve, David, saint Pierre, qui estans enfans de salut ne laisserent pas de descheoir pour un tems de l'amour sans lequel il n'y a point de salut.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000716 

 Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?.

  A004000717 

 Certes, en cette vie mortelle, quoy que nos ames abondent en amour celeste, si est ce que jamais elles n'en sont si pleines que par la tentation cet amour ne puisse sortir; mais la haut au Ciel, quand les suavités de la beauté de Dieu occuperont tout ncstre entendement et les delices de sa bonté assouviront toute nostre volonté, en sorte qu'il n'y aura rien que la plenitude de son amour ne remplisse, nul objet, quoy qu'il penetre jusques a nos cœurs, ne pourra jamais tirer ni faire sortir une seule goutte de la pretieuse liqueur de leur amour celeste; et de penser donner du vent par dessus, c'est a dire decevoir ou surprendre l'entendement, il ne sera plus possible, car il sera immobile en l'apprehension de la verité souveraine..

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000727 

 L'affection aux grans pechés rendoit tellement la verité prisonniere de l'injustice, entre les philosophes payens, que, comme dit le grand Apostre, co nnoissans Dieu, ilz ne le glorifioyent pas selon que cette connoissance requeroit: si que cette affection n'exterminant pas la lumiere naturelle, elle la rendoit infructueuse.

  A004000733 

 Ce malheur de quitter Dieu pour la creature arrive ainsy.

  A004000733 

 Nous n'aymons pas Dieu sans intermission, d'autant qu'en cette vie mortelle la charité est en nous par maniere de simple habitude, de laquelle, comme les philosophes ont remarqué, nous usons quand il nous plait et non jamais contre nostre gré.

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000745 

 L'amour de Dieu, qui nous porte jusques au mespris de nous mesmes, nous rend citoyens de la Hierusalem celeste; l'amour de nous mesmes, qui nous pousse jusques au mespris de Dieu, nous rend esclaves de la Babylone infernale.

  A004000745 

 Or nous allons, certes, petit a petit a ce [225] mespris de Dieu, mais nous n'y sommes pas plus tost parvenus, que soudain, en un moment, la sainte charité se separe de nous, ou, pour mieux dire, elle perit tout a fait.

  A004000745 

 Ouy, Theotime, car en ce mespris de Dieu consiste le peché mortel, et un seul peché mortel bannit la charité de l'ame, d'autant qu'il rompt le lien et l'union d'icelle avec Dieu, qui est l'obeissance et sousmission a sa volonté; et comme le cœur humain ne peut estre vivant et divisé, aussi la charité, qui est le cœur de l'ame et l'ame du cœur, ne peut jamais estre blessee qu'elle ne soit tuee: ainsy qu'on dit des perles, qui conceües de la rosee celeste perissent si une seule goutte de l'eau marine entre dedans leur escaille.

  A004000746 

 Mais la charité, Theotime, que le Saint Esprit respand en un moment dans nos cœurs lhors que les conditions requises a cette infusion se rencontrent en nous, certes aussi en un instant elle nous est ostee, si tost que, destournans nostre volonté de l'obeissance que nous devons a Dieu, nous avons achevé de consentir a la rebellion et desloyauté a laquelle la tentation nous incite..

  A004000747 

 Et de mesme, Theotime, encores que le Saint Esprit ayant mis la charité en une ame luy donne sa croissance par addition de degré a degré et de perfection a perfection d'amour, si est ce toutefois, que la resolution de preferer la volonté de Dieu a toutes choses estant le point essentiel de l'amour sacré, et auquel l'image de l'amour eternel, c'est a dire du Saint Esprit, est representee, on ne sçauroit en oster une seule piece que soudain toute la charité ne perisse..

  A004000748 

 Cette preference de Dieu a toutes choses est le cher enfant de la charité.

  A004000748 

 Que si Agar, qui n'estoit qu'une ægyptienne, veyant son filz en danger de mourir n'eut pas le courage de demeurer au pres de luy, ains le voulut quitter, disant: Ah, je ne sçaurois voir mourir cet enfant! quelle merveille y a-il que la charité, fille de douceur et suavité celeste, ne puisse voir mourir son enfant, qui est le propos de ne jamais offencer Dieu? Si que, a mesure que nostre franc arbitre se resout de consentir au peché, donnant par mesme moyen la mort a ce sacré propos, la charité meurt avec iceluy, et dit en son dernier souspir: Hé non, jamais je ne verray mourir cet enfant.

  A004000752 

 Ainsy le sacré Concile de Trente inculque divinement a tous les enfans de l'Eglise sainte, que la grace divine ne manque jamais a ceux qui font ce qu'ilz peuvent, invoquans le secours [228] celeste; que «Dieu n'abandonne jamais ceux qu'il a une fois justifiés, sinon qu'eux mesmes les premiers l'abandonnent,» de sorte que, s'ilz ne manquent a la grace ilz obtiendront la gloire.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000754 

 Au contraire, ces pauvres errans n'avoyent-ilz pas tort de crier dans ce bois: Hé, qu'avons-nous fait au soleil pour quoy il ne nous a pas fait voir sa lumiere comme a nos compaignons, affin que nous fussions arrivés [229] au logis sans demeurer en ces effroyables tenebres? Car, qui ne prendroit la cause du soleil, ou plustost de Dieu, en main, mon cher Theotime, pour dire a ces chetifs malencontreux: Qu'est ce, miserables, que le soleil pouvoit bonnement faire pour vous, qu'il ne l'ayt fait? ses faveurs estoyent esgales envers tous vous autres qui dormiés: il vous aborda tous avec une mesme lumiere, il vous toucha de mesmes rayons, il respandit sur vous une chaleur pareille; et, malheureux que vous estes, quoy que vous vissiés vos compaignons levés prendre le bordon pour tirer chemin, vous tournastes le dos au soleil, et ne voulustes pas employer sa clarté ni vous laisser vaincre a sa chaleur..

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Ainsy les Japonois se plaignans au bienheureux François Xavier [230] leur Apostre, dequoy Dieu, qui avoit eu tant de soin des autres nations, sembloit avoir oublié leurs predecesseurs, ne leur ayant point fait avoir sa connoissance, par le manquement de laquelle ilz auroyent esté perdus, l'homme de Dieu leur respondit que la divine loy naturelle estoit plantee en l'esprit de tous les mortelz, laquelle si leurs devanciers eussent observee, la celeste lumiere les eust sans doute esclairés; comme au contraire, l'ayant violee, ilz meriterent d'estre damnés.

  A004000756 

 Mays quant a ceux qui demeurent au sommeil de peché, o Dieu, qu'ilz ont une grande rayson de lamenter, gemir, pleurer et regretter! car ilz sont au malheur le plus lamentable de tous.

  A004000760 

 L'amour des hommes envers Dieu tient son origine, son progres et sa perfection de l'amour eternel de Dieu envers les hommes: c'est le sentiment universel de l'Eglise nostre Mere, laquelle, avec une ardente jalousie, veut que nous reconnoissions nostre salut et les moyens pour y parvenir de la seule misericorde du Sauveur, affîn qu'en la terre comme au Ciel a luy seul soit honneur et gloire.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000761 

 Certes, si quelqu'un se vouloit rehausser pour avoir fait quelque progres en l'amour de Dieu: Helas, chetif homme, luy dirions-nous, tu estois pasmé en ton iniquité sans qu'il te fut resté ni de vie ni de forces pour te relever (comme il advint a la princesse de nostre parabole), et Dieu, par son infinie bonté, accourut a ton ayde, et criant a haute voix: Ouvre la bouche de ton attention, et je la rempliray, il mit luy mesme ses doigtz entre tes levres et desserra tes dens, jettant dedans ton cœur sa sainte inspiration, et tu l'as receüe; puis, estant remis en sentiment, il continua par divers mouvemens et differens moyens de revigorer ton esprit, jusques a ce qu'il respandit en iceluy sa charité, comme ta vitale et parfaite santé..

  A004000762 

 Car dis-moy, je te prie, ne m'advoueras-tu pas que si Dieu ne t'eust prevenu, tu n'eusses jamais senti sa bonté, ni par conséquent consenti a son amour? non, ni mesme tu n'eusses pas fait une seule bonne pensee pour luy: son mouvement a donné l'estre et la vie au tien, et si sa liberalité n'eust animé, excité et provoqué ta liberté par les puissans attraitz de sa suavité, ta liberté fut tous-jours demeuree inutile a ton salut.

  A004000765 

 Theotime, si nous avons quelqu'amour envers Dieu, a luy en soit l'honneur et la gloire, qui a tout fait en nous et sans lequel rien n'a esté fait, a nous en soit l'utilité et l'obligation; car c'est le partage de sa divine bonté avec nous: il nous laisse le fruict de ses bienfaitz, et s'en reserve l'honneur et la louange; et certes, puisque nous ne sommes tous rien que par sa grace, nous ne devons rien estre que pour sa gloire.

  A004000770 

 Car nostre temerité nous presse tous-jours de rechercher pourquoy Dieu donne plus de moyens aux uns qu'aux autres, pourquoy il ne fit entre les Tyriens et Sidoniens les merveilles qu'il fit en Corozaïn et Bethsaïda, puisqu'ilz en eussent si bien fait leur proffït, et en somme, pourquoy il tire a son amour plustost l'un que l'autre..

  A004000771 

 O Theotime mon ami, jamais, non jamais nous ne devons laisser emporter nostre esprit a ce tourbillon de vent follet, ni penser de treuver une meilleure rayson de la volonté de Dieu que sa volonté mesme, laquelle est souverainement raysonnable, ains la rayson de toutes [236] les raysons, la regle de toute bonté, la loy de toute equité.

  A004000771 

 Que si nous devons charitablement porter tant d'honneur aux decretz des cours souveraines composees de juges corruptibles de la terre et de terre, que de croire qu'ilz n'ont pas esté faitz sans motifs, quoy que nous ne les sachions pas, hé, Seigneur Dieu, avec quelle reverence amoureuse devons-nous adorer l'equité de vostre providence supreme, laquelle est infinie en justice et bonté!.

  A004000772 

 Ainsy, en mille lieux de la sacree Parole, nous trouvons la rayson pour laquelle Dieu a repreuvé le peuple Juif: Parce, disent saint Paul et saint Barnabas, que vous repousses la parole de Dieu et que vous vous jugés vous mesmes indignes de la vie eternelle, voyci nous nous tournons devers les Gentilz.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000772 

 Et qui considerera en tranquillité d'esprit le IX, X et XI chapitre de l'Epistre aux Romains, verra clairement que la volonté de Dieu n'a point rejetté le peuple Juif sans rayson; mais neanmoins cette rayson ne doit point estre recherchee par l'esprit humain, qui, au contraire, est obligé de s'arrester purement et simplement a reverer le decret divin, l'admirant avec amour comme infiniment juste et equitable, et l'aymant avec admiration comme impenetrable et incomprehensible.

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000774 

 Et certes, cette response est bien solide; mais, suivant l'advis du divin saint Paul et de saint Augustin, nous ne nous devons pas amuser a cette consideration, laquelle, quoy que bonne, n'est pas toutefois comparable a plusieurs autres que Dieu s'est reservé et qu'il nous fera connoistre en Paradis.

  A004000774 

 Or, pourquoy la divine Providence donne-elle des evenemens si divers a une si pareille naissance? Certes, on peut dire que la Providence de Dieu ne viole pas ordinairement les lois de la nature; si que l'un de ces bessons estant vigoureux, et l'autre estant trop foible pour supporter l'effort de la sortie du ventre maternel, celuy ci est mort avant que de pouvoir estre baptizé, et l'autre a vescu; la Providence n'ayant pas voulu empescher le cours des causes naturelles, lesquelles en cette occurrence auront esté la rayson de la privation du Baptesme en celuy qui ne l'a pas eu.

  A004000774 

 «Alhors,» dit saint Augustin, «ce ne sera plus chose secrette pourquoy l'un plustost que l'autre est eslevé, la cause estant esgale de l'un et de l'autre; ni pourquoy des miracles n'ont pas esté faitz parmi ceux entre lesquelz s'ilz eussent esté faitz ilz eussent fait penitence, et ont esté faitz parmi ceux qui n'estoyent pas pour croire.» Et ailleurs, ce mesme Saint, parlant des pecheurs dont Dieu laisse l'un en son iniquité et en releve l'autre: «Or, pourquoy il retient l'un,» dit-il, «et ne retient pas l'autre, il n'est pas possible de le comprendre ni loysible de s'en enquerir, puisqu'il suffit de savoir qu'il depend de luy qu'on demeure debout, et ne vient pas de luy qu'on tumbe;» et derechef: «Cela est caché et tres esloigné de l'esprit humain, au moins du mien.».

  A004000775 

 Et d'autant qu'il n'estoit pas expedient pour nostre salut que nous eussions connoissance de ces secretz, ains nous estoit plus utile de les ignorer pour nous tenir en humilité, pour cela Dieu ne les a pas voulu reveler, et mesme le saint Apostre n'a pas osé s'en enquerir, ains a tesmoigné l'insuffisance de nostre entendement pour ce sujet, lhors qu'il s'est escrié: O profondité des richesses de la sapience et science de Dieu! » Pourroit on parler plus saintement, Theotime, d'un si saint mystere? Aussi, ce sont les paroles d'un tressaint et judicieux Docteur de l'Eglise.

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000781 

 Et nous sçavons bien en general que ces pieces diversifiees en tant de sortes, servent toutes, ou pour faire paroistre comme en une monstre la tressainte justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante misericorde de sa bonté, comme par une sonnerie de louange; mays de connoistre en particulier l'usage de chasque piece, ou comme elle est ordonnee a la fin generale, ou pourquoy elle est faite ainsy, nous ne le pouvons pas entendre, sinon que le souverain Ouvrier nous l'enseigne.

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000791 

 Et cela se fait de la sorte parce que cet amour humain, en l'absence de la charité, n'a plus aucune force surnaturelle pour porter l'ame a l'excellente action de l'amour de Dieu sur toutes choses..

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000797 

 Nous avons veu des jeunes gens bien nourris en l'amour de Dieu, qui se detraquans, ont demeuré quelque tems au milieu de leur malheureuse decadence qu'on ne laissoit pas de voir en eux des grandes marques de leur vertu passee, et que, l'habitude acquise du tems de la charité repugnant au vice present, on avoit peyne durant quelques mois de discerner s'ilz estoyent hors de la charité ou non, et s'ilz estoyent vertueux ou vitieux; jusques a ce que le progres faisoit clairement connoistre que ces exercices vertueux ne prenoient pas leur origine de la charité presente, mais de la charité passee, non de l'amour parfait, mais de l'imparfait que la charité avoit laissé apres soy comme marque du logement qu'elle avoit fait en ces ames-la..

  A004000800 

 Hé Dieu, n'est-ce pas une grande pitié de voir une ame qui se flatte en cette imagination d'estre sainte, demeurant en repos comme si elle avoit la charité, se treuver toutefois en fin que sa sainteté est fainte, et que son repos n'est qu'une lethargie et sa joye une manie? [250].

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000807 

 Car, comme plusieurs ont perdu le cœur en l'assaut, plusieurs aussi y ont perdu la crainte, et ont pris du courage et resolution en la presence du peril et de la necessité, qui ne l'eussent jamais sceu prendre en son absence; et ainsy, plusieurs serviteurs de Dieu, se representans les tentations absentes s'en sont effrayés jusques presque a perdre courage, qui les voyans presentes se sont comportés fort courageusement..

  A004000807 

 Mais si la desfiance se rendoit si demesuree qu'il nous semblast de n'avoir ni force ni courage, et que partant il nous arrivast du desespoir sur le sujet des tentations imaginees, comme si nous n'estions pas en la charité et grace de Dieu, il nous faut alhors faire resolution, malgré nostre sentiment et descouragement, de bien estre fideles en tout ce qui nous arrivera, jusques a la tentation qui nous met en peyne, et esperer que lhors qu'elle arrivera Dieu multipliera sa grace, redoublera son secours et nous fera toute l'assistance requise, et que ne nous donnant pas la force pour une guerre imaginaire et non necessaire, il nous la donnera quand ce viendra au besoin.

  A004000807 

 Quand donq on fait la prattique de cette vaillance par les occurrences futures ou seulement possibles, si on a un sentiment bon et fidele on en remercie Dieu, car ce sentiment est tous-jours bon, mais pourtant on demeure avec humilité entre la confiance et desfiance, esperant que moyennant l'assistance divine on feroit en l'occasion ce qu'on s'imagine, et toutefois, craignant que selon nostre misere ordinaire peut estre n'en ferions nous rien et perdrions courage.

  A004000808 

 En fin, en ces espouventemens pris pour la representation des assautz futurs, lhors qu'il nous semble que le cœur nous manque, il suffit de desirer du courage et se confier en Dieu qu'il nous en donnera quand il en sera tems.

  A004000808 

 Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi.

  A004000818 

 Nous sçavons par la foy que la Divinité est un abisme incomprehensible de toute perfection, souverainement infini en excellence et infiniment souverain en bonté; et cette verité que la foy nous enseigne, nous la considerons attentivement par la meditation, regardans cette immensité de biens qui sont en Dieu, ou tous ensemble [255] par maniere d'assemblage de toutes perfections, ou distinctement considerant ses excellences l'une apres l'autre: comme par exemple, sa toute puissance, sa toute sagesse, sa toute bonté, son eternité, son infinité.

  A004000818 

 O que beni soit a jamais mon Dieu dequoy il est si bon! hé, que je meure ou que je vive, je suis trop heureuse de sçavoir que mon Dieu est si riche en tous biens, que sa bonté est si infinie et son infinité si bonne..

  A004000818 

 Or, ce mouvement se prattique ainsy envers Dieu.

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000819 

 Or sçachés, disoyent ilz, que le Seigneur il est Dieu; O Dieu, mon Dieu, mon Dieu, vous estes mon Dieu; J'ay dit au Seigneur, vous estes mon Dieu; Dieu de mon cœur, et mon Dieu est le lot de mon héritage eternellement.

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000826 

 O Dieu, que l'ame est heureuse qui prend son playsir a sçavoir et connoistre que Dieu est Dieu et que sa bonté est une infinie bonté; car ce celeste Espoux, par cette porte de la complaysance, entre en elle et soupe avec nous, comme nous avec luy.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000827 

 Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy.

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000831 

 Quand le saint homme Isaac embrassa et baysa son cher enfant Jacob, il sentit la bonne odeur de ses [262] vestemens, et soudain, parfumé d'un playsir extreme: O, dit-il, voyci que l'odeur de mon filz est comme l'odeur d'un champ fleuri que Dieu a beni; l'habit et le parfum estoit en Jacob, mais Isaac en eut la complaysance et res-jouissance.

  A004000841 

 L'amour que nous portons a Dieu prend son origine de la premiere complaysance que nostre cœur sent soudain qu'il apperçoit la bonté divine, lhors qu'il commence a tendre vers icelle.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 Ainsy nostre cœur s'estant mis en la presence de la divine bonté et ayant attiré les perfections d'icelle par la complaysance qu'elle y prend, peut dire en verité: la bonté de Dieu est toute mienne, puisque je jouis de ses excellences, et moy je suis tout sien, puisque ses contentemens me possedent..

  A004000843 

 La complaysance nous rend possesseurs de Dieu, tirant en nous les perfections d'iceluy, et nous rend possedés de Dieu, nous attachant et appliquant aux perfections d'iceluy..

  A004000846 

 Les espritz perdus ont un mouvement eternel sans nul meslange de tranquillité; nous autres mortelz, qui sommes encor en ce pelerinage, avons tantost du repos, tantost du mouvement en nos affections; les espritz bienheureux ont tous-jours le repos en leurs mouvemens et le mouvement en leur repos, n'y ayant que Dieu seul qui ait le repos sans mouvement, parce qu'il est souverainement un acte pur et substantiel.

  A004000846 

 Quand nostre volonté a rencontré Dieu, elle se repose en luy, y prenant une souveraine complaysance, et nenmoins elle ne laisse pas de faire le mouvement de son desir; car, comme elle desire d'aymer elle ayme aussi de desirer, elle a le desir de l'amour et l'amour du desir.

  A004000847 

 Qui desire Dieu en le possedant, ne le desire pas pour le chercher, mais pour exercer cette affection dedans le bien mesme duquel il jouit; car le cœur ne fait pas ce mouvement de desir comme pretendant a la jouissance pour l'avoir, puisqu'il l'a des-ja, mais comme s'estendant en la jouissance laquelle il a; non pour obtenir le bien, mais pour s'y recreer et entretenir; non pour en jouir, mais pour s'y esjouir: ainsy que nous marchons et nous esmouvons pour aller en quelque delicieux jardin, auquel estans arrivés nous ne laissons pas de marcher et nous remuer derechef, non plus pour y venir, mais pour nous pourmener et passer le tems en iceluv; nous avons marché pour aller jouir de l'amenité du jardin, y estans, nous marchons pour nous esjouir en la jouissance d'iceluy..

  A004000851 

 En somme, Theotime, l'ame qui est en l'exercice de l'amour de complaysance crie perpetuellement en son sacré silence: Il me suffit que Dieu soit Dieu, que sa bonté soit infinie, que sa perfection soit immense; que je meure ou que je vive il importe peu pour moy, puisque mon cher Bienaymé vit eternellement d'une vie toute triomphante.

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000858 

 Quand le bon Jacob sceut que son filz vivoit, o Dieu quelle joye! son esprit revint en luy, il revescut et, par maniere de dire, il resuscita.

  A004000859 

 O Dieu, Theotime, quelle joye, et que ce viellard l'exprime excellemment! car, que veut-il dire par ces paroles: Maintenant je mourray content, puisque j'ay veu ta face, sinon que son allegresse est si grande qu'elle est capable de rendre joyeuse et aggreable la mort mesme, qui est la plus triste et horrible chose du monde?.

  A004000866 

 Ainsy naist l'union pretieuse de nostre coeur avec son Dieu, laquelle, comme un Benjamin mystique, est enfant de douleur et de joye tout ensemble..

  A004000871 

 En l'amour que Dieu exerce envers nous, il commence tous-jours par la bienveuillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel par apres il se complait.

  A004000872 

 Mais nostre amour envers Dieu commence, au contraire, par la complaysance que nous avons en la souveraine bonté et infinie perfection que nous sçavons estre en la Divinité, puis nous venons a l'exercice de la bienveuillance: et comme la complaysance que Dieu prend en ses creatures n'est autre chose qu'une continuation de sa bienveuillance envers elles, aussi la bienveuillance que nous portons a Dieu n'est autre chose qu'une approbation et perseverance de la complaysance que nous avons en luy..

  A004000873 

 Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000873 

 Or cet amour de bienveuillance envers Dieu se pratique ainsy: nous ne pouvons desirer d'un vray desir aucun bien a Dieu, parce que sa bonté est infiniment plus parfaite que nous ne sçaurions ni desirer ni penser; le desir n'est que d'un bien futur, et nul bien n'est [275] futur en Dieu, puisque tout bien luy est tellement present que la presence du bien en sa divine Majesté n'est autre chose que la Divinité mesme.

  A004000873 

 Que si estant ce que vous estes et que vous ne pouves jamais cesser d'estre, il estoit possible que vous receussies quelqu'accroissement de bien, o bon Dieu, quel desir aurois-je que vous l'eussies! alhors, o Seigneur eternel, je voudrais voir convertir mon cœur en souhait et ma vie en souspir pour vous desirer ce bien la.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000875 

 C'est encor une sorte de bienveuillance envers Dieu, quand, considerans que nous ne pouvons l'aggrandir en luy mesme, nous desirons de l'aggrandir en nous, c'est a dire de rendre de plus en plus et tous-jours plus grande la complaysance que nous avons en sa bonté.

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Donques l'amour de bienveuillance nous fait desirer d'aggrandir en nous de plus en plus la complaysance que nous prenons en la bonté divine, et pour faire cet aggrandissement l'ame se prive soigneusement de tout autre playsir pour s'exercer plus fort a se playre en Dieu.

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Mays il ne l'appelle pas plus tost par son nom, que toute fondue en playsir: Hé Dieu, dit elle, mon Maistre! Rien certes ne la peut assouvir, elle ne sçauroit se playre avec les Anges, non pas mesme avec son Sauveur s'il ne paroist en la forme en laquelle il luy avoit ravi son cœur.

  A004000881 

 Ainsy David cotte par le menu les œuvres et merveilles de Dieu, en plusieurs de ses Psalmes celestes; et l'amante sacree arrange es Cantiques divins, comme une armee bien ordonnee, toutes les perfections de son Espoux l'une apres l'autre, pour provoquer son ame a la tressainte complaysance, affm de magnifier plus hautement son excellence et d'assujettir encores tous les autres espritz a l'amour de son Ami tant aymable.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Ainsy donq, l'ame qui a pris une grande complaysance en l'infinie perfection de Dieu, voyant qu'elle ne peut luy souhaiter aucun aggrandissement de bonté, parce qu'il en a infiniment plus qu'elle ne peut desirer ni mesme penser, elle desire au moins que son nom soit beni, exalté, loüé, honnoré et adoré de plus en plus.

  A004000895 

 Au Seigneur Dieu de Syon..

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000896 

 Or, a mesure aussi que l'ame s'eschauffe a loüer la douceur incomprehensible de son Dieu, elle aggrandit et dilate la complaysance qu'elle prend en icelle, et par cet aggrandissement elle s'anime de plus fort a la louange: de sorte que l'affection de complaysance et celle de louange, par ces reciproques poussemens et mutuelles incitations qu'elles font l'une a l'autre, s'entredonnent des grans et continuelz accroissemens.

  A004000898 

 O Dieu, mon Theotime, que le cœur ardemment pressé de l'affection de loiier son Dieu reçoit une douleur grandemént delicieuse et une douceur grandement douloureuse, quand, apres mille effortz de louange, il se treuve si court! Helas, il voudroit, ce pauvre rossignol, tous-jours plus hautement lancer ses accens et perfectionner sa melodie, pour mieux chanter les benedictions de son cher Bienaymé! A mesure qu'il lotie il se plait a louer, et a mesure qu'il se plait a loüer il se desplait de ne pouvoir encor mieux louer; et pour se contenter au mieux qu'il peut en cette passion, il fait toute sorte d'effortz, entre lesquelz il tombe en langueur: comme il advenoit au tres glorieux saint François, qui, emmi les playsirs qu'il prenoit a lotier Dieu et chanter ses cantiques d'amour, jettoit une grande affluence de larmes et laissoit souvent tomber de foiblesse ce que pour lhors il tenoit en main, demeurant comme un sacré philomele a cœur failli, et perdant souvent le respirer a force d'aspirer aux louanges de Celuy qu'il ne pouvoit jamais asses lotier..

  A004000899 

 Mais oyés une similitude aggreable sur ce sujet, tiree du nom que ce saint amoureux donnoit a ses religieux; car il les appelloit cygales, a rayson des louanges qu'ilz rendoyent a Dieu emmi la nuit.

  A004000900 

 Benis Dieu, saintement poussee,.

  A004000906 

 Car n'est ce pas comme s'il eust dit: Je suis une cygale mystique; mon ame, mes espritz, mes pensees, et toutes les facultés qui sont ramassees au dedans de moy sont des orgues: o qu'a jamais tout cela benisse le nom et retentisse les louanges de mon Dieu!.

  A004000916 

 Ainsy le glorieux Psalmiste, tout esmeu de la passion saintement desreglee qui le portoit a louer Dieu, va sans ordre, sautant du ciel a la terre et de la terre au ciel, appellant pesle mesle les Anges, les poissons, les montz, les eaux, les dragons, les oyseaux, les serpens, le feu, la gresle, le brouillatz, assemblant par ses souhaitz toutes les creatures, affin que toutes ensemble s'accordent a magnifier pieusement leur Createur: les unes celebrant elles mesmes les divines louanges, et les autres donnant le sujet de le louer par les merveilles de leurs differentes proprietés, lesquelles manifestent la grandeur de leur Facteur.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000924 

 C'est cette passion sainte qui fait tant escrire de livres de pieté, tant fonder d'eglises, d'autelz, de maysons pieuses; et, en somme, qui fait veiller, travailler et mourir tant de serviteurs de Dieu entre les flammes du zele qui les consume et devore.

  A004000928 

 Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000930 

 Le cœur, donq, qui ne peut en ce monde ni chanter ni ouïr les louanges divines a son gré, entre en des desirs nompareilz d'estre deslivré des liens de cette vie, pour aller en l'autre ou on loue si parfaitement le Bienaymé celeste: et ces desirs s'estans ainsy emparés du cœur, se rendent quelquefois si puissans et pressans dans la poitrine des amans sacrés, que, bannissans tous autres desirs, ilz mettent en degoust toutes choses terrestres et rendent l'ame toute alangourie et malade d'amour; voire mesme cette sainte passion passe aucune-fois si avant, que si Dieu le permet on en meurt..

  A004000931 

 Ainsy ce glorieux et seraphique amant saint François, ayant longuement esté travaillé de cette forte affection de louer Dieu, en fin en ses dernieres annees, apres qu'il eut asseurance, par une tres speciale revelation, de son salut eternel, il ne pouvoit contenir sa joye, et s'alloit de jour en jour consumant, comme si sa vie et son ame se fust evaporee, ainsy que l'encens, sur le feu des ardens desirs qu'il avoit de voir son Maistre pour le louer incessamment; en sorte que ces ardeurs prenant tous les jours des nouveaux accroissemens, son [290] ame sortit de son cors par un eslan qu'elle fit vers le Ciel; car la divine Providence voulut qu'il mourust en prononçant ces sacrees paroles: Hé, tires hors de cette prison mon ame, o Seigneur, affin que je benisse vostre nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me rendies la tranquillité desiree.

  A004000932 

 Mon Dieu, Theotime, quelle douce et chere mort fut celle cy! mort heureusement amoureuse, amour saintement mortel.

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000938 

 Dieu provoque l'ame et donne la grace requise pour la production des autres [293] louanges, mais celles du Redempteur, luy qui est Dieu les produit luy mesme: c'est pourquoy elles sont infinies..

  A004000938 

 Elles sont divines non seulement quant a leur fin, mais quant a leur origine, divines parce qu'elles tendent a Dieu, divines parce qu'elles procedent de Dieu.

  A004000938 

 Mays ces louanges que cette Mere d'honneur et de belle dilection, avec toutes les creatures ensemble, donne a la Divinité, quoy qu'excellentes et admirables, sont neanmoins si infiniment inferieures au merite infini de la bonté de Dieu, qu'elles n'ont aucune proportion avec iceluy; et partant, quoy qu'elles contentent grandement la sacree bienveuillance que le cœur amant a pour son Bienaymé, si est-ce qu'elles ne l'assouvissent pas.

  A004000938 

 Ouy, mon cher Theotime, toutes les benedictions que l'Eglise militante et triomphante donne a Dieu, sont benedictions angeliques et humaines, car si bien elles s'addressent au Createur, toutefois elles procedent de la creature; mais celles du Filz, elles sont divines, car elles ne regardent pas seulement Dieu comme les autres, ains elles proviennent de Dieu, car le Redempteur est vray Dieu.

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000944 

 Elles sont d'infinie valeur, estime et dignité, parce qu'elles procedent d'une personne qui est Dieu, mais elles sont d'essence et nature finie, parce que Dieu les fait selon sa nature et substance humaine, qui est finie.

  A004000944 

 Toutes les actions humaines de nostre Sauveur sont infinies en valeur et merite, a rayson de la Personne qui les produit, qui est un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays elles ne sont pas pourtant de nature et essence infinie.

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000947 

 Et bien que, au commencement, l'ame amoureuse eut eu quelque sorte de desir de pouvoir asses louer son Dieu, si est-ce que revenant a soy elle proteste qu'elle ne voudroit pas le pouvoir asses louer, ains demeure en une tres humble complaysance, de voir que la divine Bonté est si tres infiniment louable qu'elle ne peut estre suffisamment louee que par sa propre infinité..

  A004000947 

 O Dieu, quelle complaysance, quelle joye a l'ame qui ayme, de voir son desir assouvi, puisque son Bien-aymé se loue, benit et magnifie infiniment soy mesme! Mays en cette complaysance naist derechef un nouveau desir de louer, car le cœur voudroit louer cette si digne louange que Dieu se donne a soy mesme, l'en remerciant profondement et rappellant derechef toutes choses a son secours pour venir avec luy glorifier la gloire de Dieu, benir sa benediction infinie, et louer sa louange eternelle: si que, par ce retour et repetition de louange sur louange, il s'engage, entre la complaysance et la bienveuillance, en un tres heureux labyrinthe d'amour, tout abismé en cette immense douceur, louant souverainement la Divinité dequoy elle ne peut estre asses louee que par elle mesme.

  A004000953 

 Car ainsy les Seraphins d'Isaïe, adorans Dieu et Je louans, voylent leurs faces et leurs pieds, pour confesser qu'ilz n'ont nulle suffisance de le bien considerer ni de le bien servir; car les pieds sur lesquelz on va representent le service: mais pourtant ilz volent de [298] deux aysles, par le continuel mouvement de la complaysance et de la bienveuillance, et leur amour prend son repos en cette douce inquietude..

  A004000954 

 Cet amour, donq, voudroit bien voir les merveilles de l'infinie bonté de Dieu, mays il replie les aysles de ce desir sur son visage, confessant qu'il n'en peut reussir; il voudroit aussi rendre quelque digne service, mays il replie le desir sur ses pieds, advoüant qu'il n'en a pas le pouvoir; et ne luy reste que les deux aysles de complaysance et bienveuillance, avec lesquelles il vole et s'eslance en Dieu..

  A004000954 

 Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu.

  A004000963 

 L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire a Dieu; par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons; par l'un nous mettons Dieu sur nostre cœur, comme un estendart d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nostre bras, comme une espee de dilection par laquelle nous faysons tous les exploitz des vertus..

  A004000963 

 L'un nous remplit de complaysance, de bienveuillance, d'eslans, de souhaitz, de souspirs et d'ardeurs spirituelles, nous faisant prattiquer les sacrees infusions et meslanges de nostre esprit avec celuy de Dieu; l'autre respand en nous la solide resolution, la fermeté de courage et l'inviolable obeissance requise pour effectuer les ordonnances de la [301] volonté de Dieu, et pour souffrir, aggreer, appreuver et embrasser tout ce qui provient de son bon playsir.

  A004000963 

 Nous avons deux principaux exercices de nostre amour envers Dieu; l'un affectif, et l'autre effectif, ou, comme dit saint Bernard, actif.

  A004000963 

 Par celuy la nous affectionnons Dieu et ce qu'il affectionne, par celuy ci nous servons Dieu et faisons ce qu'il nous ordonne; celuy la nous joint a la bonté de Dieu, celuy ci nous fait executer sa volonté.

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000966 

 Nous ne prenons pas ici le mot d'orayson pour la seule priere ou «demande de quelque bien, respandue devant Dieu par les fideles,» comme saint Basile la nomme; mays comme saint Bonaventure, quand il dit que l'orayson, a parler generalement, comprend tous les actes de contemplation, ou comme saint Gregoire Nissene, quand il enseignoit que «l'orayson est un entretien et conversation de l'ame avec Dieu;» ou bien comme saint Chrysostome, quand il asseure que «l'orayson est un devis avec la divine Majesté;» ou en fin comme saint Augustin et saint Damascene, quand ilz disent que l'orayson est «une montee ou eslevement de l'esprit en Dieu.» Oue si l'orayson est un colloque, un «devis» ou une «conversation» de l'ame avec Dieu, par icelle donq nous parlons a Dieu et Dieu reciproquement parle a nous, nous aspirons a luy et respirons en luy, et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous..

  A004000967 

 Elle s'appelle theologie, parce que, comme la theologie speculative a Dieu pour son object, celle ci aussi ne parle que de Dieu, mays avec trois differences: car, 1.

  A004000967 

 La speculative tend a la connoissance de Dieu, et la mystique a l'amour de Dieu; de sorte que celle la rend ses escholiers sçavans, doctes et theologiens, mays celle ci rend les siens ardens, affectionnés, amateurs de Dieu, et Philothees ou Theophiles.

  A004000967 

 La speculative traitte de Dieu avec les hommes et entre les hommes; la mystique parle de Dieu avec Dieu et en Dieu mesme.

  A004000967 

 Mays dequoy devisons-nous en l'orayson? quel est le sujet de nostre entretien? Theotime, on n'y parle que de Dieu; car, de qui pourroit deviser et s'entretenir l'amour que du bienaymé? Et pour cela, l'orayson et la theologie mystique ne sont qu'une mesme chose.

  A004000967 

 celle la traitte de Dieu entant qu'il est Dieu, et celle cy en parle entant qu'il est souverainement aymable; c'est a dire, celle la regarde la divinité de la supreme Bonté, et celle ci la supreme bonté de la Divinité.

  A004000968 

 En somme, l'orayson et theologie mystique n'est autre chose qu'une conversation par laquelle l'ame s'entretient amoureusement avec Dieu de sa tres aymable bonté, pour s'unir et joindre a icelle..

  A004000968 

 Or elle s'appelle mystique parce que la conversation y est toute secrette, et ne se dit rien en icelle entre Dieu et l'ame que de cœur a cœur, par une communication incommunicable a tout autre qu'a ceux qui la font.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000970 

 O Dieu, quelle difference entre le langage de ces anciens amateurs de la Divinité, Ignace, Cyprian, Chrysostome, Augustin, Hilaire, Ephrem, Gregoire, Bernard, et celuy des theologiens moins amoureux! Nous usons de leurs mesmes motz; mais entre eux c'estoyent des motz pleins de chaleur et de la suavité des parfums amoureux, parmi nous ilz sont froids et sans aucune senteur..

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000978 

 Ezechias donq, pour monstrer qu'emmi son ennuy il faysoit plusieurs oraysons vocales: Je crieray, dit il, comme le poussin de l'arondelle, ouvrant ma bouche pour pousser devant Dieu plusieurs voix lamentables; et pour tesmoigner d'autre part qu'il employoit aussi la sainte orayson mentale: Je mediteray, adjouste il, comme la colombe, roulant et contournant mes pensees dedans mon cœur par une attentive consideration, affin de m'exciter a benir et louer la souveraine misericorde de mon Dieu, qui m'a retiré des portes de la mort, ayant compassion de ma misere.

  A004000979 

 Ainsy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte: Je repenseray, dit il, devant vous, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter et repenser pour exciter les affections, n'est qu'une mesme chose.

  A004000979 

 Dont Moyse advertissant le peuple de repenser les faveurs receues de Dieu, il adjouste cette rayson: Affin, dit il, que tu observes ses commandemens, et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Nostre Seigneur mesme fait ce commandement a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy.

  A004000980 

 Ainsy le bienheureux Isaac, comme un aigneau net et pur, sortoit devers le soir aux chams, pour se retirer, conferer et exercer son esprit avec Dieu, c'est a dire prier et mediter..

  A004000981 

 Ainsy la celeste amante, comme une abeille mistique, va voletant, au Cantique des Cantiques, tantost sur les yeux, tantost sur les levres, sur les joues, sur la cheveleure de son Bienaymé, pour en tirer la suavité de mille passions amoureuses, remarquant par le menu tout ce qu'elle treuve de rare pour cela: de sorte que toute ardente de la sacree dilection, elle parle avec luy, elle l'interroge, elle l'escoute, elle souspire, elle aspire, elle l'admire; comme luy, de son costé, la comble de contentemens, l'inspirant, luy touchant et ouvrant le cœur, puis respandant en iceluy des clartés, des lumieres et des douceurs sans fin, mais d'une façon si secrette, que l'on peut bien parler de cette sainte conversation de l'ame avec Dieu comme le sacré Texte dit de celle de Dieu avec Moyse: que Moyse estant seul sur le coupeau de la montaigne, il parlait a Dieu et Dieu luy respondoit.

  A004000986 

 Car, comme les avettes parcourent le païsage de leur contree pour picorer ça et la et recueillir le miel, lequel ayant amassé elles travaillent sur iceluy pour le playsir qu'elles prennent en sa douceur, ainsy nous meditons pour recueillir l'amour de Dieu, mays l'ayant recueilli nous contemplons Dieu et sommes attentifs a sa bonté pour la suavité que l'amour nous y fait treuver.

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000993 

 Mays, mon Pere, repliqua frere Gilles, un ignorant peut il autant aymer Dieu qu'un lettré? Il le peut, dit saint Bonaventure, ains je vous dis qu'une pauvre simple femme peut autant aymer Dieu qu'un docteur en theologie.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001006 

 Ainsy dit on entre les theologiens que les Anges plus eslevés en gloire ont une connoissance de Dieu et des creatures beaucoup plus simple que leurs inferieurs, et que les especes ou idees par lesquelles ilz voyent sont plus universelles; en sorte que ce que les Anges moins parfaitz voyent par plusieurs especes et divers regars, les plus parfaitz le voyent par moins d'especes et moins de traitz de leur veüe.

  A004001006 

 Certes, a mesure que l'eau s'esloigne de son origine, elle se divise et dissipe ses sillons, si avec un grand soin on ne la contient ensemble: et les perfections se separent et partagent a mesure qu'elles sont [321] esloignees de Dieu, qui est leur source; mais quand elles s'en approchent, elles s'unissent jusques a ce qu'elles soyent abismees en cette souverainement unique perfection, qui est l' unité necessaire et la meilleure partie, que Magdeleine choysit, laquelle ne luy sera point ostee..

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001012 

 Et lhors, Theotime, l'ame fait une certaine saillie d'amour, non seulement sur l'action qu'elle considere, mais sur Celuy duquel elle procede: Vous estes bon, Seigneur, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications; Vostre gosier, c'est a dire la parole qui en provient, est très suave, et vous estes tout desirable; Helas, que vos paroles sont douces a mes entrailles, plus que le miel a ma bouche! Ou bien avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu! et avec sainte Magdeleine: Rabboni! ha, mon Maistre!.

  A004001013 

 Mays, en quelle des trois façons que l'on procede, la contemplation a tous-jours cette excellence, qu'elle se fait avec plavsir, d'autant qu'elle presuppose que l'on a treuvé Dieu et son saint amour, qu'on en jouit et qu'on s'y delecte, en disant: J'ay treuvé Celuy que mon ame cherit, je l'ay treuvé et ne le quitteray point.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001015 

 [324] Or manger, c'est mediter, car en meditant on masche, tournant ça et la la viande spirituelle entre les dens de la consideration, pour l'esmier, froisser et digerer, ce qui se fait avec quelque peyne; boire, c'est contempler, et cela se fait sans peyne ni resistance, avec playsir et coulamment; mais s'enivrer, c'est contempler si souvent et si ardemment, qu'on soit tout hors de soy mesme pour estre tout en Dieu.

  A004001020 

 Celuy, dit la bienheureuse Mere Therese de Jesus, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement se fait comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes se retirent au dedans d'elles mesmes quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, ains il nous advient quand il plait a Dieu de nous faire cette grace..

  A004001020 

 Je ne parle pas icy, Theotime, du recueillement par lequel ceux qui veulent prier se mettent en la presence de Dieu, rentrans en eux mesmes, et retirans, par maniere de dire, leur ame dedans leur cœur pour parler a Dieu; car ce recueillement se fait par le commandement de l'amour, qui, nous provoquant a l'orayson, nous fait prendre ce moyen de la bien faire, de sorte que nous faysons nous mesmes ce retirement de nostre esprit.

  A004001020 

 Mais le recueillement duquel j'entens de parler ne se fait pas par le commandement de l'amour, ains par l'amour mesme; c'est a dire, nous ne le faysons pas nous mesmes par election, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir quand nous voulons et ne depend pas de nostre soin, mays Dieu le fait en nous, quand il luy plait, par sa tressainte grace.

  A004001022 

 O Dieu, dit l'ame alhors, a l'imitation de saint Augustin, ou vous allois-je cherchant, Beauté tres infinie! «Je vous cherchois dehors, et vous esties au milieu de mon cœur.» Toutes les affections de Magdeleyne et toutes ses pensees estoyent espanchees autour du sepulchre de son Sauveur qu'elle alloit questant ça et la; et bien qu'elle l'eust treuvé et qu'il parlast a elle, elle ne laisse pas de les laisser esparses, parce qu'elle ne s'appercevoit pas de sa presence; mais soudain [327] qu'il l'eut appellee par son nom, la voyla qu'elle se ramasse et s'attache toute a ses pieds: une seule parole la met en recueillement..

  A004001023 

 Imaginés vous, Theotime, la tressainte Vierge Nostre Dame lhors qu'elle eut conceu le Filz de Dieu, son unique amour.

  A004001023 

 L'ame de cette Mere bienaymee se ramassa toute, sans doute, autour de cet Enfant bien-aymé, et parce que ce divin Ami estoit emmi ses entrailles sacrees, toutes les facultés de son ame se retirerent en elle mesme, comme saintes avettes dedans la ruche en laquelle estoit leur miel; et a mesure que la divine grandeur s'estoit, par maniere de dire, restressie et raccourcie dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit les louanges de cette infinie debonnaireté, et son esprit tressailloit de contentement dedans son cors (comme saint Jean dedans celuy de sa mere) autour de son Dieu qu'elle sentoit.

  A004001025 

 C'en est de mesme en cette sorte de recueillement de laquelle nous parlons; car a la seule presence de Dieu, au seul sentiment que nous avons qu'il nous regarde, ou des le Ciel ou de quelqu'autre lieu hors de nous, bien que pour lhors nous ne pensions pas a l'autre sorte de presence par laquelle il est en nous, nos facultés et puissances se ramassent et assemblent en nous mesmes pour la reverence de sa divine Majesté, que l'amour nous fait craindre d'une crainte d'honneur et de respect.

  A004001026 

 Certes, je connois une ame a laquelle si tost qu'on mentionnoit quelque mystere ou sentence qui luy ramentevoit un peu plus expressement que l'ordinaire la presence de Dieu, tant en confession qu'en particuliere conference, elle rentroit si fort en elle mesme qu'elle avoit peyne d'en sortir pour parler et respondre; en telle sorte, qu'en son exterieur elle demeuroit comme destituee de vie et tous les sens engourdis, jusques a ce que l'Espoux luy permist.de sortir, qui estoit quelquefois asses tost et d'autres fois plus tard..

  A004001030 

 L'ame, estant donq ainsy recueillie dedans elle mesme en Dieu ou devant Dieu, se rend parfois si doucement attentive a la bonté de son Bienaymé, qu'il luy semble que son attention ne soit presque pas attention, tant elle est simplement et delicatement exercee; comme il arrive en certains fleuves, qui coulent si doucement et egalement, qu'il semble a ceux qui les regardent ou navigent sur iceux de ne voir ni sentir aucun mouvement, parce qu'on ne les voici nullement ondoyer ni flotter.

  A004001033 

 Non, Theotime, l'ame ainsy tranquille en son Dieu ne quitteroit pas ce repos pour tous les plus grans biens du monde..

  A004001035 

 O Dieu, quelles delices a ce Benjamin, enfant de la joye du Sauveur, de dormir ainsy entre les bras de son Pere, qui, le jour suivant, comme le Benoni, enfant de douleur, le recommanda aux douces mammelles de sa Mere! Rien n'est plus desirable au petit enfant, soit qu'il veille ou qu'il dorme, que la poitrine de son pere et le sein de sa mere..

  A004001040 

 Or il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude devant Dieu; car elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette presence, sans discourir, sans operer, et sans faire chose quelconque par aucune de ses facultés sinon par la seule pointe de la volonté, qu'elle remue doucement et presqu'imperceptiblement, comme la bouche par laquelle entre la delectation et l'assouvissement insensible qu'elle prend a jouir de la presence divine.

  A004001041 

 Mays dites moy, Theotime, l'ame recueillie en son Dieu, pourquoy, je vous prie, s'inquieteroit elle? n'a-elle pas sujet de s'accoiser et demeurer en repos? Car, que chercheroit elle? Elle a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; que luy reste-il plus sinon de dire: J'ay treuvé mon cher Bienaymé, je le tiens et ne quitteray point.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001042 

 O Dieu eternel, quand par vostre douce presence vous jettes les odorans parfums dedans nos cœurs, parfums res-jouissans plus que le vin delicieux et plus que le miel, alhors toutes les puissances de nos ames entrent en un aggreable repos, avec un accoysement si parfait, qu'il n'y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l'odorat spirituel, demeure doucement engagee a sentir, sans s'en appercevoir, le bien incomparable d'avoir son Dieu present.

  A004001047 

 Il y a bien de la difference, Theotime, entre s'occuper en Dieu qui nous donne du [336] contentement, et s'amuser au contentement que Dieu nous donne..

  A004001047 

 Or tous ces espritz sont ordinairement sujetz d'estre troublés en la sainte orayson; car si Dieu leur donne le sacré repos de sa presence, ilz le quittent volontairement pour voir comme ilz se comportent en iceluy et pour examiner s'ilz y ont bien du contentement, s'inquietans pour sçavoir si leur tranquillité est bien tranquille et leur quietude bien quiete: si que, en lieu d'occuper doucement leur volonté a sentir les suavités de la presence divine, ilz employent leur entendement a discourir sur les sentimens qu'ilz ont; comme une espouse qui s'amuseroit a regarder la bague avec laquelle elle auroit esté espousee, sans voir l'espoux mesme qui la luy auroit donnee.

  A004001048 

 Et comme l'enfant qui, pour voir ou il a ses pieds, a osté sa teste du sein de sa mere, y retourne tout incontinent parce qu'il est fort mignard, ainsy faut il que si nous nous appercevons d'estre distraitz par la curiosité de sçavoir ce que nous faysons en l'orayson, soudain nous remettions nostre cœur en la douce et paysible attention de la presence de Dieu, de laquelle nous estions divertis.

  A004001048 

 L'ame, donq, a qui Dieu donne la sainte quietude amoureuse en l'orayson, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soy mesme ni son repos, lequel pour estre gardé ne doit point estre curieusement regardé; car qui l'affectionne trop le perd, et la juste regle de le bien affectionner c'est de ne point l'affecter.

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Certes, nous avons veu une ame extremement attachee et jointe a son Dieu, laquelle neanmoins avoit l'entendement et la memoire tellement [337] libre de toute occupation interieure, qu'elle entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit fort entierement, encor qu'il luy fut impossible de respondre ni de se desprendre de Dieu, auquel elle estoit attachee par l'application de sa volonté.

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001055 

 Quelquefois, non seulement l'ame s'apperçoit de la presence de Dieu, mais elle l'escoute parler par certaines clartés et persuasions interieures qui tiennent lieu de paroles.

  A004001056 

 Ains on se maintient en la [340] presence de Dieu, non seulement l'escoutant, ou le regardant, ou luy parlant, mais aussi attendant s'il luy plaira de nous regarder, de nous parler, ou de nous faire parler a luy; ou bien encor ne faysant rien de tout cela, mais demeurant simplement ou il luy plaist que nous soyons et parce qu'il luy plaist que nous y soyons.

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001056 

 Mays en fin, quelquefois ni elle n'oyt son Bienaymé, ni elle ne luy parle, ni elle ne sent aucun signe de sa presence, ains simplement elle sçait qu'elle est en la presence de son Dieu, auquel il plait qu'elle soit la.

  A004001056 

 Que si, a cette simple façon de demeurer devant Dieu, il luy plaist d'adjouster quelque petit sentiment que nous sommes tout siens et qu'il est tout nostre, o Dieu, que ce nous est une grace desirable et pretieuse!.

  A004001057 

 Que si derechef on la pressoit en disant: Mays, pauvre statue, dequoy te sert-il d'estre la de la sorte? Hé Dieu! respondroit-elle, je ne suis pas icy pour mon interest et service, mais pour obeir et servir a la volonté de mon seigneur et sculpteur, et cela me suffit.

  A004001058 

 Nous avons donq esté la, en la presence de son bon playsir, quoy que sans le voir et sans nous en appercevoir; si que nous pourrions dire, a l'imitation de Jacob: Vrayement j'ay dormi aupres de mon Dieu et entre les bras de sa divine presence et providence, et je n'en sçavois rien..

  A004001058 

 O vray Dieu, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, d'estre et vouloir tous-jours et a jamais estre en son bon playsir! car ainsy, comme je pense, en toutes occurrences, ouy mesme en dormant profondement, nous sommes encor plus profondement en la tressainte presence de Dieu.

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001059 

 Car, en somme, c'est le comble de l'amoureuse extase de n'avoir pas sa volonté en son contentement, mais en celuy de Dieu, ou de n'avoir pas son contentement en sa volonté, mais en celle de Dieu..

  A004001059 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un tres simple acquiescement au bon playsir divin, voulant estre en l'orayson sans aucune pretention que d'estre a la veue de Dieu selon qu'il luy plaira, c'est une quietude souverainement excellente, d'autant qu'elle est pure de toute sorte d'interest, les facultés de l'ame n'y prenant aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, en laquelle elle se contente de n'avoir aucun autre contentement sinon celuy d'estre [342] sans contentement, pour l'amour du contentement et bon playsir de son Dieu, dans lequel elle se repose.

  A004001064 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination.

  A004001065 

 Mon ame, dit l'amante sacree, s'est toute fondue a mesme que mon Bienaymé a parlé; et qu'est ce a dire, elle s'est fondue, sinon, elle ne s'est plus contenue en elle mesme, ains s'est escoulee devers son divin [344] Amant? Dieu ordonna a Moyse qu'il parlast au rocher, et il produiroit des eaux; ce n'est donq pas merveille si luy mesme fit fondre l'ame de son amante lhors qu'il luy parloit en sa douceur.

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001068 

 L'ame escoulee en Dieu ne meurt pas; car, comme pourroit-elle mourir d'estre abismee en la vie? mais elle vit sans vivre en elle mesme, parce que, comme [346] les estoiles sans perdre leur lumiere ne luisent plus en la presence du soleil, ains le soleil luit en elles et sont cachees en la lumiere du soleil, aussi l'ame, sans perdre sa vie, ne vit plus estant meslee avec Dieu, ains Dieu vit en elle.

  A004001068 

 Telz furent, je pense, les sentimens des grans bienheureux Philippe Nerius et François Xavier, quand, accablés des consolations celestes, ilz demandoyent a Dieu qu'il se retirast pour un peu d'eux, puisqu'il vouloit que leur vie parust aussi encor un peu au monde, ce qui ne se pouvoit tandis qu'elle estoit toute cachee et absorbee en Dieu..

  A004001072 

 Qui n'ayme pas beaucoup la chose publique, ne se met pas beaucoup en peyne si elle se ruine; qui n'ayme guere Dieu, ne hait non plus guere le peché.

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001074 

 Il est vray que cette douleur provient de l'amour, et partant c'est une amiable et aymable douleur, Oyes les eslans douloureux, mais amoureux, d'un amant royal: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et paroistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes m'ont servi de pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Ainsy la sacree Sulamite, toute destrempee en ses douloureuses amours, parlant aux filles de Hierusalem: Helas, dit-elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Ami, annoncés luy ma peyne, parce que je languis toute blessee de son amour.

  A004001075 

 Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001076 

 Ce cœur amoureux de son Dieu, desirant infiniment d'aymer, void bien que neanmoins il ne peut ni asses aymer ni asses desirer.

  A004001077 

 Dieu, donq, tirant continuellement, s'il faut ainsy dire, des sagettes du carquois de son infinie beauté, blesse l'ame de ses amans, leur faysant clairement voir qu'ilz ne l'ayment pas a beaucoup pres de ce qu'il est aymable.

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001081 

 Quand l'ame void son Dieu blessé d'amour pour elle, elle en reçoit soudain une reciproque blesseure: Tu as blessé mon cœur, dit le celeste Amant a sa Sulamite; et Sulamite s'escrie: Dites a mon Bienaymé que je suis blessee d'amour.

  A004001082 

 C'est encor une autre blesseure d'amour, quand l'ame sent bien qu'elle ayme Dieu et que neanmoins Dieu la traitte comme s'il ne sçavoit pas d'estre aymé, ou comme s'il estoit en desfiance de son amour; car alhors, mon cher Theotime, l'ame reçoit des extremes angoisses, luy estant insupportable de voir et sentir le seul semblant que Dieu fait de se desfier d'elle.

  A004001083 

 Helas, [353] cette pauvre ame qui sent bien qu'elle est resolue de plustost mourir que d'offencer son Dieu, mais ne sent pas neanmoins un seul brin de ferveur, ains au contraire une froideur extreme qui la tient toute engourdie, et si foible qu'elle tumbe a tous coups en des imperfections fort sensibles, cette ame, dis-je, Theotime, elle est toute blessee, car son amour est grandement douloureux de voir que Dieu fait semblant de ne voir pas combien elle l'ayme, la laissant comme une creature qui ne luy appartient pas; et luy est advis qu'emmi ses defautz, ses distractions et froideurs, Nostre Seigneur descoche contre elle ce reproche: Comme peux-tu dire que tu m'aymes, puisque ton ame n'est pas avec moy? ce qui luy est un dard de douleur au travers de son cœur; mais un dard de douleur qui procede d'amour, car si elle n'aymoit pas elle ne seroit pas affligee de l'apprehension qu'elle a de ne pas aymer..

  A004001084 

 Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique.

  A004001085 

 L'amour mesme nous blesse quelquefois par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu, si que nous pasmons de detresse pour ce sujet, comme faysoit celuy qui disoit: Mon zele, o Seigneur, m'a fait secher de douleur parce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A004001086 

 Telle fut la sagette d'amour que Dieu descocha dans le cœur de la grande sainte Catherine de Gennes au commencement de sa conversion, dont elle demeura toute changee et comme morte au monde et aux choses creées pour ne vivre plus qu'au Createur.

  A004001093 

 Ce grand serviteur de Dieu, homme tout seraphique, voyant la vive image de son Sauveur crucifié, effigiee en un Seraphin lumineux qui luy apparut sur le mont Alverne, il s'attendrit plus qu'on ne sçauroit imaginer, saisi d'une consolation et d'une compassion souveraine; car regardant ce beau miroüer d'amour que les Anges ne se peuvent jamais assouvir de regarder, helas, il pasmoit de douceur et de contentement! Mais voyant aussi d'autre part la vive representation des playes et blesseures de son Sauveur crucifié, il sentit en son ame ce glaive impiteux qui transperça la sacree poitrine de la Vierge Mere au jour de la Passion, avec autant de douleur interieure que s'il eust esté crucifié avec son cher Sauveur.

  A004001093 

 O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié..

  A004001095 

 Ainsy le Seraphin, voyant Isaïe n'oser entreprendre de parler, d'autant qu'il sentoit ses levres souillees, vint au nom de Dieu luy toucher et espurer les levres avec un charbon pris sur l'autel, secondant en cette sorte le desir d'iceluy.

  A004001095 

 O vray Dieu, Theotime, que de douleurs amoureuses et que d'amours douloureuses! car non seulement alhors, mays tout le reste de sa vie, ce pauvre Saint alla tous-jours traisnant et languissant, comme bien malade d'amour..

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.

  A004001097 

 Quand donques Dieu a donné un peu largement de ses divines douceurs a une ame et qu'il les luy oste, il la blesse par cette privation, et elle par apres demeure languissante, souspirant avec David:.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000003 

 TOME V. TRAITTÉ DE L'AMOUR DE DIEU — VOL. II.

  A005000012 

 De l'union de l'ame avec son Dieu qui se parfait en l'orayson.

  A005000013 

 Comme l'amour fait l'union de l'ame avec Dieu en l'orayson.

  A005000025 

 Chapitre XIII. Que la très sacree Vierge, Mere de Dieu, mourut d'amour pour son Filz.

  A005000027 

 De l'amour de conformité par lequel nous unissons nostre volonté a celle de Dieu qui nous est signifiee par ses commandemens conseilz et inspirations.

  A005000031 

 Chapitre IV. De la conformité de nostre volonté avec celle que Dieu a de nous sauver.

  A005000032 

 Chapitre V. De la conformité de nostre volonté a celle de Dieu, qui nous est signifiee par ses commandemens 33.

  A005000033 

 Chapitre VI. De la conformité de nostre volonté a celle que Dieu nous a signifiee par ses conseilz.

  A005000034 

 Chapitre VII. Que l'amour de la volonté de Dieu signifiee es commandemens nous porte a l'amour des conseilz 36.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000038 

 Chapitre XI. De l'union de nostre volonté a celle de Dieu es inspirations qui sont donnees pour la prattique extraordinaire des vertus, et de la perseverance en la vocation, premiere marque de l'inspiration.

  A005000039 

 Chapitre XII. De l'union de la volonté humaine a celle de Dieu es inspirations qui sont contre les lois ordinaires, et de la paix et douceur de cœur, seconde marque de l'inspiration.

  A005000041 

 Chapitre XIV. Briefve methode pour connoistre la volonté de Dieu.

  A005000042 

 Livre neufviesme. De l'amour de sousmission par lequel nostre volonté s'unit au bon playsir de Dieu.

  A005000044 

 Chapitre II. Que l'union de nostre volonté au bon playsir de Dieu se fait principalement es tribulations 50.

  A005000046 

 Chapitre IV. De l'union de nostre volonté au bon playsir de Dieu par l'indifference.

  A005000048 

 Chapitre VI. De la prattique de l'indifierence amoureuse es choses du service de Dieu.

  A005000050 

 Chapitre VIII. Comme nous devons unir nostre volonté a celle des Dieu en la permission des péchés 59.

  A005000054 

 Chapitre XII. Comme entre ces travaux intérieurs l'ame ne connoist pas l'amour qu'elle porte a son Dieu, et du trespas très aymable de la volonté.

  A005000055 

 Chapitre XIII. Comme la volonté estant morte a soy, vit purement en la volonté de Dieu.

  A005000058 

 Chapitre XVI. Du despouillement parfait de l'ame unie a la volonté de Dieu.

  A005000059 

 Du commandement d'aymer Dieu sur toutes choses.

  A005000060 

 De la douceur du commandement que Dieu nous a fait de l'aymer sur toutes choses 72.

  A005000062 

 Chapitre III. Comme tout le cœur estant employé en l'amour sacré, on peut neanmoins aymer Dieu differemment et aymer encor plusieurs autres choses avec Dieu.

  A005000064 

 Chapitre V. De deux autres degrés de plus grande perfection avec lesquelz nous pouvons aymer Dieu sur toutes choses.

  A005000065 

 Chapitre VI. Que l'amour de Dieu sur toutes choses est commun a tous les amans.

  A005000072 

 Chapitre XIII. Comme Dieu set jaloux de nous.

  A005000078 

 Combien toutes les vertus sont aggreables a Dieu.

  A005000079 

 Chapitre II. Que l'amour sacré rend les vertus excellemment plus aggreables a Dieu qu'elles ne le sont par leur propre nature.

  A005000107 

 Chapitre VIII. Moyen general pour appliquer nos œuvres au service de Dieu.

  A005000108 

 Chapitre IX. De quelques autres moyens pour appliquer plus particulierement nos œuvres a l'amour de Dieu 140.

  A005000109 

 Chapitre X. Exhortation au sacrifice que nous devons faire a Dieu de nostre franc arbitre.

  A005000113 

 Diverses Approbations de la première Edition du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A005000119 

 Manuscrit de la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A005000135 

 De l'union du cœur a son Dieu.

  A005000137 

 De la liquefaction de l'ame, c'est a dire, comm'elle se fond en Dieu.

  A005000144 

 De l'union de nostre volonte avec celle de Dieu en toutes choses generalement 205.

  A005000157 

 Nous ne parlons pas icy de l'union generale du cœur avec son Dieu, mais de certains actes et mouvemens particuliers que l'ame recueillie en Dieu fait par maniere d'orayson, affin de s'unir et joindre de plus en plus a sa divine bonté.

  A005000159 

 Alhors l'ame, amorcee des delices de ces faveurs, non seulement consent et se preste a l'union que Dieu fait, mays de tout son pouvoir elle coopere, s'efforçant de se joindre et serrer de plus en plus a la divine bonté; de sorte, toutefois, qu'elle reconnoist bien que son union et liayson a cette souveraine douceur depend toute de l'operation divine, sans laquelle elle ne pourroit seulement pas faire le moindre essay du monde pour s'unir a icelle..

  A005000161 

 Comme, par exemple, l'ame ayant longuement demeuré au sentiment d'union par lequel elle savoure doucement combien elle est heureuse d'estre a Dieu, en fin accroissant cette union par un serrement et eslan cordial: Ouy, Seigneur, dira-elle, je suis vostre, toute, toute, toute, sans exception; ou bien: Hé, Seigneur, je le suis certes, et je le veux estre tous-jours plus; ou bien, par maniere de priere: O doux Jesus, hé tirés-moy tous-jours plus avant dans vostre cœur, affin que vostre amour m'engloutisse et que je sois du tout abismee en sa douceur..

  A005000161 

 Et si vous prenes garde aux petitz enfans [7] unis et jointz aux tetins de leurs meres, vous verres que de tems en tems ilz se pressent et serrent par des petite eslans que le playsir de tetter leur donne; ainsy, en l'orayson, le cœur uni a son Dieu fait maintefois certaines recharges d'union, par des mouvemens avec lesquelz il se serre et presse davantage en sa divine douceur.

  A005000161 

 Or, en l'orayson, l'union se fait souvent par maniere de petitz mais frequens eslancemens et avancemens de l'ame en Dieu.

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Ainsy un sentiment de dilection, comme par exemple: Que Dieu est bon! estant entré dedans le cœur, d'abord il fait l'union avec cette bonté; mais estant entretenu un peu longuement, comme un parfum pretieux il penetre de tous costés l'ame, il se respand et dilate dans nostre volonté, et, par maniere de dire, il s'incorpore avec nostre esprit, se joignant et serrant de toutes pars de plus en plus a nous et nous unissant a luy.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000163 

 Et le cœur humain, transplanté du monde en Dieu par le celeste amour, s'il s'exerce fort en l'orayson, certes, il s'estendra continuellement et se serrera a la Divinité s'unissant de plus en plus a sa bonté, mais par des accroissemens imperceptibles, desquelz on ne remarque pas bonnement le progres tandis qu'il se fait, ains quand il est fait.

  A005000163 

 O qu'heureuse est une ame qui en la tranquillité de son cœur conserve amoureusement le sacré sentiment de la presence de Dieu! car son union avec la divine bonté croistra perpetuellement, quoy qu'insensiblement, et detrempera tout l'esprit d'iceluy de son infinie suavité..

  A005000164 

 Or, quand je parle du sacré sentiment de la presence de Dieu, en cet endroit, je n'entens pas parler du sentiment sensible, mais de celuy qui reside en la cime et supreme pointe de l'esprit, ou le divin amour regne et fait ses exercices principaux..

  A005000170 

 Car ainsy, lhors que nous voyons nostre esprit s'unir de plus en plus a Dieu sous des petitz effortz que nostre volonté fait, nous jugeons bien que nous avons trop peu de vent pour singler si fort, et qu'il faut que l'Amant de nos ames nous tire par l'influence secrette de sa grace, laquelle il veut nous estre imperceptible affin qu'elle nous soit plus admirable, et que, sans [11] nous amuser a sentir ses attraitz, nous nous occupions plus purement et simplement a nous unir a sa bonté..

  A005000170 

 Quelquefois il nous semble que nous commençons a nous joindre et serrer a Dieu avant qu'il se joigne a nous, parce que nous sentons l'action de l'union de nostre costé sans sentir celle qui se fait de la part de Dieu; lequel toutefois, sans doute, nous previent tous-jours, bien que tous-jours nous ne sentions pas sa prevention, car s'il ne s'unissoit a nous, jamais nous ne nous unirions a luy; il nous choisit et saisit tous-jours avant que nous le choisissions ni saisissions.

  A005000171 

 D'autres fois nous sentons les serremens, l'union se faysant par des actions sensibles, tant de la part de Dieu que de la nostre..

  A005000173 

 Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu.

  A005000174 

 O beau petit Martial, que vous estes heureux d'estre saisi, pris, porté, uni, joint et serré sur la poitrine celeste du Sauveur et baysé de sa bouche sacree, sans que vous y cooperies qu'en ne faisant pas resistance a recevoir ces divines caresses! Au contraire, saint Simeon embrasse et serre Nostre Seigneur sur son sein, sans que Nostre Seigneur fasse aucun semblant de cooperer a cette union, bien que, comme chante la [12] tressainte Eglise, «le viellard portoit l'Enfant, mays l'Enfant gouvernoit le viellard.» Saint Bonaventure, touché d'une sainte humilité, non seulement ne s'unissoit pas a Nostre Seigneur, ains se retiroit de sa presence reelle, c'est a dire du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, quand un jour oyant Messe, Nostre Seigneur se vint unir a luy, luy portant son divin Sacrement: or cette union faite, hé Dieu, Theotime, pensés de quel amour cette sainte ame serra son Sauveur sur son cœur! A l'opposite, sainte Catherine de Sienne, desirant ardemment Nostre Seigneur en la sainte Communion, pressant et poussant son ame et son affection devers luy, il se vint joindre a elle, entrant en sa bouche avec mille benedictions.

  A005000175 

 Et affin qu'on sçache que si on la tire un peu fortement par la volonté, toutes les puissances de l'ame se porteront a l'union: Tirés moy, dit-elle, et nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs courent a l'union; la volonté est la seule que Dieu veut, mais toutes les autres puissances courent apres elle pour estre unies a Dieu avec elle..

  A005000175 

 Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums.

  A005000175 

 La sacree amante du Cantique parle comme ayant prattiquee l'une et l'autre sorte d'union: Je suis toute a mon Bienaymé, ce dit-elle, et son retour est devers moy; car c'est autant que si elle disoit: Je me suis unie a mon cher Ami, et reciproquement il se retourne devers moy pour, en s'unissant de plus en plus a moy, se rendre aussi tout mien; Mon cher Ami m'est un bouquet de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles, et je le serreray sur mon sein, comme un bouquet de suavité; Mon ame, dit David, s'est serree a vous, o mon Dieu, et vostre main droite m'a empoigné et saisi.

  A005000177 

 O Dieu, quel exemple d'union excellente! Il s'estoit joint a nostre nature humaine par grace, comme une vigne a son ormeau, pour la rendre aucunement participante de son fruit; mays voyant que cette union s'estoit desfaite par le peché d'Adam, il fit une union plus serree et pressante en l'Incarnation, par laquelle la nature humaine demeure a jamais jointe en unité de personne a la Divinité; et affin que non seulement la nature humaine, mais tous les hommes peussent s'unir intimement a sa bonté, il institua le Sacrement de la tressainte Eucharistie, auquel un chacun peut participer pour unir son Sauveur a soy mesme, reellement et par maniere de viande.

  A005000181 

 Soit donques que l'union de nostre ame avec Dieu se face imperceptiblement, soit qu'elle se face perceptiblement, Dieu en est tous-jours l'autheur, et nul ne peut s'unir a luy s'il ne va a luy, ni nul ne peut aller a luy s'il n'est tiré par luy, comme tesmoigne le divin Espoux, disant: Nul ne peut venir a moy sinon que mon Pere le tire; ce que sa celeste Espouse proteste aussi, disant: Tirés moy, nous courrons a l'odeur de vos parfums..

  A005000183 

 Jacob, dit saint Bernard, tenant Dieu bien serré le veut bien quitter, pourveu qu'il reçoive sa benediction; mais Sulamite ne le quittera point quelle benediction qu'il luy donne, car elle ne veut pas les benedictions de Dieu, elle veut le Dieu des benedictions, disant avec David: Qu'y a-il au Ciel pour moy et que veux-je sur la terre sinon vous? vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage a toute eternité.

  A005000184 

 Mais quand l'union de l'ame avec Dieu est grandement tres estroitte et tres serree, elle est appellee par les theologiens inhesion ou adhesion, parce que par icelle l'ame demeure prise, attachee, collee et affigee a la divine Majesté, en sorte que malaysement peut elle s'en desprendre et retirer.

  A005000184 

 O Dieu, Theotime, combien plus doit estre attachee et serree l'ame qui est amante de son Dieu, quand elle est unie a la divinité de l'infinie Douceur et qu'elle est prise et esprise en cet object d'incomparables [16] perfections! Telle fut celle du grand vaysseau d'election qui s'escrioit: Affin que je vive a Dieu, je suis affigé a la croix avec Jesus Christ; aussi proteste-il que rien, non pas la mort mesme, ne le peut separer de son Maistre.

  A005000186 

 Or, la bienheureuse Mere Therese dit excellemment, que l'union estant parvenue jusqu'a cette perfection que de nous tenir pris et attachés avec Nostre Seigneur, elle n'est point differente du ravissement, suspension ou pendement d'esprit; mais qu'on l'appelle seulement union, ou suspension, ou pendement, quand elle est courte, et quand elle est longue on l'appelle extase ou ravissement: d'autant qu'en effect, l'ame attachee a son Dieu si fermement et si serree qu'elle n'en puisse pas aysement estre desprise, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; non plus qu'un cors crucifié n'est plus en soy mesme, mais en la croix, et que le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005000187 

 Imagines vous donques, que saint Paul, saint Denis, saint Augustin, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Gennes ou de Sienne sont encor en ce monde, et qu'ilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonne ame, mais non pas si sainte comme eux, qui fust en l'orayson d'union a mesme tems: je vous [18] demande, mon cher Theotime, qui est plus uni, plus serré, plus attaché a Dieu, ou ces grans Saintz qui dorment, ou cette ame qui prie? Certes, ce sont ces admirables amans; car ilz ont plus de charité, et leurs affections, quoy qu'en certaine façon dormantes, sont tellement engagees et prises a leur Maistre qu'elles en sont inseparables.

  A005000187 

 Mays affin d'eviter tout equivoque, saches, Theotime, que la charité est un lien et un lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus estroittement uni et lié a Dieu.

  A005000187 

 Mays, ce me dires vous, comme se peut-il faire qu'une ame qui est en l'orayson d'union, et mesme jusques a l'extase, soit moins unie a Dieu que ceux qui dorment, pour saintz qu'ilz soyent? Voyci que je vous dis, Theotime: celle la est plus avant en l'exercice de l'union, et ceux ci sont plus avant en l'union; ceux ci sont unis et ne s'unissent pas, puisqu'ilz dorment, et celle la s'unit, estant en l'exercice et prattique actuelle de l'union..

  A005000188 

 Au demeurant, cet exercice de l'union avec Dieu se peut mesme prattiquer par des courtz et passagers mais frequens eslans de nostre cœur en Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires faites a cette intention: Ah, Jesus, qui me donnera la grace que je sois un seul esprit avec vous! En fin, Seigneur, rejettant la multiplicité des creatures, je ne veux que vostre unité! O Dieu, vous estes le seul un et la seule unité necessaire a mon ame! Helas, cher Ami de mon cœur, unisses ma pauvre unique ame a vostre tres unique bonté.

  A005000192 

 Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme.

  A005000192 

 L'extase s'appelle ravissement, d'autant que par icelle Dieu nous attire et esleve a soy; et le ravissement s'appelle extase, entant que par iceluy nous sortons et demeurons hors et au dessus de nous mesmes pour nous unir a Dieu.

  A005000194 

 Et quelquefois, outre cela, Dieu donne a l'ame une lumiere non seulement claire, mais croissante comme l'aube du jour; et alhors, comme ceux qui ont treuvé une miniere d'or fouillent tous-jours plus avant pour treuver tous-jours davantage de ce tant desiré metail, ainsy l'entendement va de plus en plus s'enfonçant en la consideration et admiration de son divin objet; car ne plus ne moins que l'admiration a causé la philosophie et attentive recherche des choses naturelles, elle a aussi causé la contemplation et theologie mystique.

  A005000198 

 Dieu attire les espritz a soy par sa souveraine beauté et incomprehensible bonté: excellences qui, toutes deux, ne sont neanmoins qu'une supreme Divinité, tres uniquement belle et bonne tout ensemble.

  A005000199 

 Ainsy Dieu, Pere de toute lumiere, souverainement bon et beau, par sa beauté attire nostre entendement a le contempler, et par sa bonté il attire nostre volonté a l'aymer.

  A005000199 

 De maniere qu'en fin il faut conclure avec le grand saint Denis, que «l'amour divin est extatique, ne permettant pas que les amans soyent a eux mesmes, ains a la chose aymee;» a rayson dequoy cet admirable apostre saint Paul, estant en la possession de ce divin amour et fait participant de sa force extatique, d'une bouche divinement inspiree, Je vis, dit-il, non plus moy, mays Jesus Christ vit en moy; ainsy, comme un vray amoureux sorti hors de soy en Dieu, il vivoit non plus sa propre vie, mays la vie de son Bienaymé, comme souverainement aymable..

  A005000200 

 Or, ce ravissement d'amour se fait sur la volonté en cette sorte: Dieu la touche par ces attraitz de suavité, et lhors, comme une eguille touchee par l'aymant se tourne et remue vers le pole, s'oubliant de son insensible condition, ainsy la volonté atteinte de l'amour celeste s'eslance et porte en Dieu, quittant toutes ses inclinations terrestres, entrant par ce moyen en un ravissement non de connoissance mais de jouissance, non d'admiration mais d'affection, non de science mais d'experience, non de veüe mais de goust et de savourement.

  A005000201 

 Et partant, le malin esprit peut extasier, s'il faut ainsy parler, et ravir l'entendement, luy representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent eslevé et suspendu au dessus de ses forces naturelles, et par telles clartés il peut encor donner a la volonté quelque sorte d'amour vain, mol, tendre et imparfait, par maniere de complaysance, satisfaction et consolation sensible; mais de donner la vraye extase de la volonté, par laquelle elle s'attache uniquement et puissamment a la Bonté divine, cela n'appartient qu'a cet Esprit souverain par lequel la charité de Dieu est respandue dedans nos cœurs..

  A005000206 

 Affin donq qu'on puisse discerner les extases divines d'avec les humaines et diaboliques, les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs documens; mays quant a moy, il me suffira pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase: l'une est que l'extase sacree ne se prend ni attache jamais tant a l'entendement qu'a la volonté, laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu; de maniere que si l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon.

  A005000206 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés..

  A005000207 

 L'entiere observation des commandemens de Dieu n'est pas dans l'enclos des forces humaines, mais elle est bien pourtant dans les confins de l'instinct de l'esprit humain, comme tres conformes a la rayson et lumiere naturelle: de sorte que, vivans selon les commandemens de Dieu, nous ne sommes pas pour cela hors de nostre inclination naturelle.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 Nostre vie nouvelle c'est l'amour celeste qui vivifie et anime nostre ame, et cet [28] amour est tout caché en Dieu et es choses divines avec Jesus Christ; car puisque, comme disent les lettres sacrees de l'Evangile, apres que Jesus Christ se fut un peu laissé voir a ses disciples en montant la haut au Ciel, en fin une nuee l'environna qui l'osta et cacha de devant leurs yeux, Jesus Christ donques est caché au Ciel en Dieu.

  A005000209 

 Nous en faysons de mesme, Theotime, si nous sommes spirituelz; car nous quittons nostre vie humaine pour vivre d'une autre vie plus eminente, au dessus de nous mesmes, cachans toute cette vie nouvelle en Dieu avec Jesus Christ, qui seul la void, la connoist et la donne.

  A005000209 

 Or, Jesus Christ est nostre amour, et nostre amour est la vie de nostre ame: donques nostre vie est cachee en Dieu avec Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre amour, et par consequent nostre vie spirituelle, viendra paroistre au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire, c'est a dire, Jesus Christ nostre amour nous glorifiera, nous communiquant sa felicité et splendeur..

  A005000209 

 Vous estes mortz, disoit le grand Apostre aux Rhodiens, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A005000213 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Jesus Christ, nous [29] avons, par consequent, mis en luy nostre vie spirituelle: or, il est caché maintenant en Dieu au Ciel comme Dieu fut caché en luy tandis qu'il estoit en terre; c'est pourquoy nostre vie est cachee en luy, et quand il paroistra en gloire, nostre vie et nostre amour paroistra de mesme avec luy en Dieu.

  A005000214 

 Car, quel bien peut avoir une ame d'estre ravie a Dieu par l'orayson, si en sa conversation et en sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles? Estre au dessus de soy mesme en l'orayson et au dessous de soy en la vie et operation, estre angelique en la meditation et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu et jurer en Melchon, et en somme c'est une vraye marque que telz ravissemens et telles extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit.

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000217 

 Estimés, dit saint Paul, que vous estes vrayement mortz au peché et vivans a Dieu, en Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000234 

 Comme c'est le propre des repreuvés de mourir en peché, aussi est-ce le propre des esleuz de mourir en l'amour et grace de Dieu; mays cela toutefois advient differemment.

  A005000234 

 Et combien de gens de bien void on mourir apoplectiques, lethargiques et en mille sortes fort subitement, et des autres mourir en resverie et frenesie hors de l'usage de rayson? et tous ceux ci, avec les enfans baptisés, sont decedés en grace, et par consequent en l'amour de Dieu..

  A005000234 

 Si des espritz foibles et vulgaires eussent veu le feu du ciel tumber sur le grand saint Simeon Stylite et le tuer, qu'eussent-ilz pensé sinon des pensees de scandale? mais l'on n'en doit toutefois point faire d'autre, sinon que ce grand Saint s'estant immolé [36] tres parfaitement a Dieu en son cœur, des-ja tout consumé d'amour, le feu vint du ciel pour parfaire l'holocauste et le brusler du tout; car l'abbé Julien, esloigné d'une journee, vit l'ame d'iceluy montant au Ciel, et fit jetter de l'encens a mesme heure pour en rendre graces a Dieu.

  A005000235 

 Mais, comme pouvoyent ilz deceder en l'amour de Dieu, puisque mesme ilz ne pensoyent pas en Dieu lhors de leur trespas? Les sçavans hommes, Theotime, ne perdent pas leur science en dormant, autrement ilz seroyent ignorans a leur resveil et faudroit qu'ilz retournassent a l'escole; or c'en est de mesme de toutes les habitudes de prudence, de temperance, de foy, d'esperance, de charité; elles sont tous-jours dedans l'esprit des justes, bien qu'ilz n'en fassent pas tous-jours les actions.

  A005000236 

 Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams.

  A005000236 

 Tous les Apostres et presque tous les Martyrs sont mortz prians Dieu.

  A005000237 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort.

  A005000237 

 L'admirable sainte Eusebe, surnommee l'Estrangere, mourut a genoux en une fervente priere; saint Pierre le Martir, escrivant avec son doigt et de son propre sang la confession de la foy pour laquelle il mouroit, et disant ces paroles: Seigneur, je recommande mon esprit en vos mains; et le grand apostre des Japponois, François Xavier, tenant et baysant l'image dit Crucifix et repetant a tous coups cet eslan d'esprit: O Jesus, le Dieu de mon cœur![39].

  A005000241 

 Aussi la confession de la foy n'est pas tant un acte de l'entendement et de la foy, comme c'est un acte de la volonté et de l'amour de Dieu; et c'est pourquoy le grand saint Pierre, gardant la foy dans son ame au jour de la Passion, perdit neanmoins la charité, ne voulant pas advoüer de bouche pour son Maistre, Celuy qu'il reconnoissoit pour tel en son cœur.

  A005000242 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'ardeur du saint amour est grande, elle donne tant d'assautz au cœur, elle le blesse si souvent, elle luy cause tant de langueurs, elle le fond si ordinairement, elle le porte en des extases et ravissemens si frequens, que par ce moyen l'ame presque toute occupee en Dieu, ne pouvant fournir asses d'assistance a la nature pour faire la digestion et nourriture convenable, les forces animales et vitales commencent a manquer petit a petit, la vie s'accourcit et le trespas arrive..

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000248 

 Le grand saint François, qui en ce sujet de l'amour celeste me revient tous-jours devant les yeux, ne pouvoit pas eschapper qu'il ne mourust par l'amour, a cause de la multitude et grandeur des langueurs, extases et defaillances que sa dilection envers Dieu luy donnoit; mais, outre cela, Dieu qui l'avoit exposé a la veüe de tout le monde comme un miracle d'amour, voulut que non seulement il mourust pour l'amour, ains qu'il mourust encor d'amour.

  A005000248 

 Se voyant sur le point de son despart, il se fit mettre nud sur la terre, puis ayant receu un habit en aumosne, duquel on le vestit, il harangua ses freres, les animant a l'amour et crainte de Dieu et de l'Eglise, fit lire la Passion du Sauveur, puis commença avec une ardeur extreme a prononcer le Psalme CXLI: J'ay crié de ma voix au Seigneur, j'ay supplié de ma voix le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: O Seigneur, tires mon ame de la prison, affin que je benisse vostre saint nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me guerdonnies, il expira, l'an quarante cinquiesme de son aage.

  A005000250 

 Le Saint pria donq Dieu, et impetra la prolongation de sa vie corporelle en faveur de la spirituelle de son medecin, lequel ayant veu cette merveille se convertit; et saint Basile, se levant courageusement du lit, alla a l'eglise et le baptiza avec toute sa famille.

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000255 

 De la il passa en Bethleem, au lieu de la Nativité, ou on ne sçauroit dire combien de larmes il respandit contemplant celles desquelles le Filz de Dieu, petit Enfant de la Vierge, avoit arrousé ce saint estable, baysant et rebaysant cent fois cette terre sacree, et lechant la poussiere sur laquelle la premiere enfance du divin Poupon avoit esté receüe.

  A005000257 

 Mais ses compaignons et serviteurs qui virent ainsy subitement tumber comme mort ce pauvre amant, estonnés de cet accident, coururent de force au medecin, qui venant, treuva qu'en effect il estoit trespassé; et pour faire jugement asseuré des causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles mœurs et de quelles humeurs estoit le defunct, et il apprit qu'il estoit d'un naturel tout doux, amiable, devot a merveille et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005000258 

 Certes, un autre autheur presque du mesme aage, qui a celé son nom par humilité, mais qui seroit neanmoins digne d'estre nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroüer des spirituelz, raconte une autre histoire encor plus admirable; car il dit qu'es quartiers de Provence, il y avoit un seigneur grandement addonné a l'amour de Dieu et a la devotion du tressaint Sacrement de l'autel.

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000274 

 Nostre cœur est fait pour Dieu, qui l'alleche continuellement et ne cesse de jetter en luy les attraitz de son celeste amour; mais cinq choses empeschent la sainte attraction d'operer: 1.

  A005000274 

 le peché, qui nous esloigne de Dieu; 2.

  A005000274 

 tous-jours maistresse paisible de toutes ses passions et toute exempte de la rebellion que l'amour propre fait a l'amour de Dieu.

  A005000282 

 Comme la bonne terre ayant receu le grain le rend en sa saison au centuple, ainsy le cœur qui a pris de la complaysance en Dieu ne se peut empescher de vouloir reciproquement donner a Dieu une autre complaysance.

  A005000283 

 Ainsy, a force de se plaire en Dieu, on devient conforme a Dieu, et nostre volonté se transforme en celle de la divine Majesté par la complaysance qu'elle y prend.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000285 

 L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevostz ni sergens, par cette mutuelle complaysance [61] par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire..

  A005000286 

 Quicomque se plaist veritablement en Dieu desire de plaire fidelement a Dieu, et, pour luy plaire, de se conformer a luy..

  A005000290 

 La complaysance attire donq en nous les traitz des perfections divines selon que nous sommes capables de les recevoir; comme le miroüer reçoit la ressemblance du soleil, non selon l'excellence et grandeur de ce grand et admirable luminaire, mays selon la capacité et mesure de sa glace: si que nous sommes ainsy rendus conformes a Dieu..

  A005000291 

 L'amour [62] de complaysance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres amoureusement; car la bienveuillance desire a Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la reconnoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu a sa bonté..

  A005000292 

 Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté.

  A005000292 

 Nous nous sommes delectés a considerer comme Dieu est non seulement le premier principe, mais aussi la derniere fin, Autheur, Conservateur et Seigneur de toutes choses; a rayson dequoy nous souhaitons que tout luy soit sousmis par une souveraine obeissance.

  A005000292 

 Nous nous sommes pleus en la souveraine excellence de la perfection de Dieu; en suite de cela nous desirons qu'il soit souverainement loué, honnoré et adoré.

  A005000292 

 Nous voyons la volonté de Dieu souverainement parfaitte, droitte, juste et equitable; et a cette consideration nous desirons qu'elle soit la regle et la loy souveraine de toutes choses, et qu'elle soit suivie, servie et obeie par toutes les autres volontés..

  A005000292 

 Or ce desir se prattique, selon la complaysance que nous avons en Dieu, en la façon qui s'ensuit.

  A005000293 

 Mais notés, Theotime, que je ne traitte pas ici de l'obeissance qui est deüe a Dieu parce qu'il est nostre Seigneur et Maistre, nostre Pere et Bienfacteur; car cette sorte d'obeissance appartient a la vertu de justice et non pas a l'amour.

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000294 

 Ainsy donques se fait la conformité de nostre cœur avec celuy de Dieu, lhors que par la sainte bienveuillance nous jettons toutes nos affections entre les mains de la divine volonté, affin qu'elles soyent par icelle pliees et maniees a son gré, moulees et formees selon son bon playsir.

  A005000294 

 Et en ce point consiste la tres profonde obeissance d'amour, laquelle n'a pas besoin d'estre excitee par menasses ou recompenses, ni par aucune loy ou par quelque commandement; car elle previent tout cela, se sousmettant a Dieu pour la seule tres parfaite bonté qui est en luy, a rayson de laquelle il merite que toute volonté luy soit obeissante, sujette et sousmise, se conformant et unissant a jamais en tout et par tout a ses intentions divines..

  A005000298 

 D'autres fois nous considerons la volonté de Dieu en ses effectz particuliers, comme es evenemens qui nous touchent et es occurrences qui nous arrivent, et finalement en la declairation et manifestation de ses intentions.

  A005000298 

 La doctrine chrestienne nous propose clairement les verités que Dieu veut que nous croyions, les biens qu'il veut que nous esperions, les peynes qu'il veut que nous craignions, ce qu'il veut que nous aymions, les commandemens qu'il veut que nous fassions et les conseilz qu'il desire que nous suivions: et tout cela s'appelle la volonté signifiee de Dieu, parce qu'il nous a signifié et manifesté qu'il veut et entend que tout cela soit creu, esperé, craint, aymé et prattiqué..

  A005000298 

 Nous considerons quelquefois la volonté de Dieu en elle mesme, et la voyans toute sainte et toute bonne, il nous est aysé de la louer, benir et adorer, et de sacrifier nostre volonté et toutes celles dés autres creatures a son obeissance, par cette divine exclamation: Vostre [64] volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000299 

 C'est pourquoy Dieu, desirant que nous suivions sa volonté signifiee, il nous sollicite, exhorte, incite, inspire, ayde et secourt; mais permettant que nous resistions, il ne fait autre chose que de simplement nous laisser faire ce que nous voulons, selon nostre libre election, contre son desir et intention..

  A005000299 

 Or, d'autant que cette volonté signifiee de Dieu procede par maniere de desir et non par maniere de vouloir absolu, nous pouvons ou la suivre par obeissance, ou luy resister par desobeissance; car Dieu fait trois actes de sa volonté pour ce regard: il veut que nous puissions resister, il desire que nous ne resistions pas, et permet neanmoins que nous resistions si nous voulons.

  A005000299 

 Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse.

  A005000300 

 Et comme les rayons du soleil ne laissent pas d'estre vrays rayons quand ilz sont rejettés et repoussés par [66] quelqu'obstacle, aussi la volonté signifiee de Dieu ne laisse pas d'estre vraye volonté de Dieu encor qu'on luy resiste, bien qu'elle ne face pas tant d'effectz comme si on la secondoit..

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000301 

 A quoy tendent les protestations que si souvent nous en faysons es saintes ceremonies ecclesiastiques: car pour cela nous demeurons debout tandis qu'on lit les leçons de l'Evangile, comme prestz d'obeir a la sainte signification de la volonté de Dieu que l'Evangile contient; pour cela nous baysons le livre a l'endroit de l'Evangile, comme adorans la sainte Parole qui declaire la volonté celeste.

  A005000301 

 Certes, le grand miroüer de l'ordre pastoral, [67] saint Charles, Archevesque de Milan, n'estudioit jamais dans l'Escriture Sainte qu'il ne se mit a genoux et teste nüe, pour tesmoigner le respect avec lequel il failloit entendre et lire la volonté de Dieu signifiee..

  A005000301 

 En suite dequoy, es anciens Conciles on mettoit au milieu de toute l'assemblee des Evesques un grand throsne, et sur iceluy le livre des saintz Evangiles qui representoit la personne du Sauveur, Roy, Docteur, Directeur, Esprit et unique Cœur des Conciles et de toute l'Eglise; tant on honnoroit la signification de la volonté de Dieu exprimee en ce divin Livre.

  A005000301 

 La conformité donq de nostre cœur a la volonté signifiee de Dieu consiste en ce que nous voulions tout ce que la divine Bonté nous signifie estre de son intention, croyans selon sa doctrine, esperans selon ses promesses, craignans selon ses menasses, aymans et vivans selon ses ordonnances et advertissemens.

  A005000305 

 Dieu nous a signifié en tant de sortes et par tant de moyens qu'il vouloit que nous fussions tous sauvés, que nul ne le peut ignorer.

  A005000306 

 Or, bien que tous ne se sauvent pas, cette volonté neanmoins ne laisse pas d'estre une vraye volonté de Dieu, qui agit en nous selon la condition de sa nature et de la nostre: car sa bonté le porte a nous communiquer liberalement les secours de sa grace, affin que nous parvenions au bonheur de sa gloire; mais nostre nature requiert que sa liberalité nous laisse en liberté de nous en prevaloir pour nous sauver, ou de les mespriser pour nous perdre..

  A005000307 

 Nostre sanctification est la volonté de Dieu et nostre salut son bon playsir: or, il n'y a nulle difference entre le bon playsir et la bonne volupté, ni par consequent donq entre la bonne volupté et la bonne volonté divine; ains la volonté que Dieu a pour le bien des hommes est appellee bonne parce qu'elle est amiable, propice, favorable, aggreable, delicieuse, et, comme les Grecs, apres saint Paul, ont dit, c'est une vraye philantropie, c'est a dire, une bienveuillance ou volonté toute amoureuse envers les hommes..

  A005000308 

 Tout le temple celeste de l'Eglise triomphante et militante resonne de toutes pars les cantiques de ce doux amour de Dieu envers nous; et le cors tres sacré du Sauveur, comme un temple tressaint de sa Divinité, est tout paré de marques et enseignes de cette bienveuillance: c'est pourquoy, en visitant le temple divin, nous voyons ces aymables delices que son cœur prend a nous favoriser..

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000310 

 Il suffit de dire: je desire d'estre sauvé; mais il ne suffit pas de dire: je desire embrasser les moyens convenables pour y parvenir; ains il faut, d'une resolution absolue, vouloir et embrasser les graces que Dieu nous depart; car il faut que nostre volonté corresponde a celle de Dieu, et d'autant qu'elle nous donne les moyens de nous sauver, nous les devons recevoir, comme nous devons desirer le salut ainsy qu'elle le nous desire et parce qu'elle le desire..

  A005000310 

 Theotime, nous devons vouloir nostre salut ainsy que Dieu le veut: or il veut nostre salut par maniere de desir; et nous le devons aussi incessamment desirer en suite de son desir.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000316 

 Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:.

  A005000325 

 Au contraire, le cœur amoureux ayme les commandemens, et plus ilz sont de chose difficile plus il les treuve doux et aggreables, parce qu'il complait plus parfaitement au Bienaymé et luy rend plus d'honneur; [72] il lance et chante des hymnes d'allegresse quand Dieu luy enseigne ses commandemens et justifications.

  A005000325 

 Et comme le pelerin qui va gayement chantant en son voyage adjouste voirement la peyne du chant a celle du marcher, et neanmoins, en effect, par ce surcroist de peyne il se desennuye et allege du travail du chemin, aussi l'amant sacré treuve tant de suavité aux commandemens, que rien ne luy donne tant d'haleyne et de soulagement en cette vie mortelle que la gracieuse charge des preceptes de son Dieu; dont le saint Psalmiste s'escrie: O Seigneur, vos justifications ou commandemens me sont des douces chansons en ce lieu de mon pelerinage.

  A005000326 

 Le divin amour nous rend donq ainsy conformes a la volonté de Dieu, et nous fait soigneusement observer ses commandemens en qualité de desir absolu de sa divine Majesté, a laquelle nous voulons plaire: si que cette complaysance previent, par sa douce et amiable violence, la necessité d'obeir que la loy nous impose, convertissant cette necessité en vertu de dilection et toute la difficulté en delectation.

  A005000331 

 Et Dieu ne veut pas qu'un chacun observe tous les conseilz, ains seulement ceux qui sont convenables, selon la diversité des personnes, des tems, des occasions et des forces, ainsy que la charité le requiert; car c'est elle qui, comme reyne de toutes les vertus, de tous les commandemens, de tous les conseilz et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrestiennes, leur donne a tous et a toutes le rang, l'ordre, le tems et la valeur..

  A005000331 

 Le conseil se donne voirement en faveur de celuy [74] qu'on conseille, affin qu'il soit parfait: Si tu veux estre parfait, dit le Sauveur, va, vens tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; mais le cœur amoureux ne reçoit pas le conseil pour son utilité, ains pour se conformer au desir de Celuy qui conseille, et rendre l'hommage qui est deu a sa volonté: et partant, il ne reçoit les conseilz sinon ainsy que Dieu le veut.

  A005000335 

 Tout est fait pour la charité, et la charité pour Dieu; tout doit servir a la charité, et elle, a personne, non pas mesme a son Bienaymé, duquel elle n'est pas servante, mais espouse, auquel elle ne fait pas service, ains elle luy fait l'amour.

  A005000339 

 Certes, ce grand Roy, qui avoit son cœur fait selon le cœur de Dieu, savouroit si fort la parfaite excellence des ordonnances divines, qu'il semble que ce soit un amoureux espris de la beauté de cette loy comme de la chaste espouse et reyne de son cœur; ainsy qu'il appert par les continuelles louanges qu'il luy donne..

  A005000339 

 O Theotime, que cette volonté divine est aymable! o qu'elle est amiable et desirable! o loy toute d'amour et toute pour l'amour! Les Hebrieux par le mot de paix entendent l'assemblage et comble de tous biens, [77] c'est a dire la felicité; et le Psalmiste s'escrie: Qu'une paix plantureuse abonde a ceux qui ayment la loy de Dieu et que nul choppement ne leur arrive! comme s'il vouloit dire: O Seigneur, que de suavité en l'amour de vos sacrés commandemens! toute douceur delicieuse saisit le cœur qui est saisi de la dilection de vostre loy.

  A005000340 

 Ainsy l'ame qui ayme Dieu est tellement transformee en la volonté divine, qu'elle merite plustost d'estre nommee volonté de Dieu, qu'obeissante ou sujette a la volonté divine: dont Dieu dit par Isaïe qu'il appellera l'Eglise chrestienne d'un nom nouveau que la bouche du Seigneur nommera, marquera et gravera dans le cœur de ses fideles.

  A005000340 

 Au contraire le meschant, des le siecle, c'est a dire tous-jours, a rompu le joug de la loy de Dieu, et a dit: Je ne serviray point; c'est pourquoy Dieu dit qu'il l'a appellé des le ventre de sa mere transgresseur et rebelle; et parlant au roy de Tyr il luy reproche qu'il avoit mis son cœur comme le cœur de Dieu: car l'esprit revolté veut que son cœur soit maistre de soy mesme et que sa propre volonté soit souveraine comme la volonté de Dieu; il ne veut pas que la volonté divine regne sur la sienne, ains veut estre absolu et sans dependance quelcomque.

  A005000340 

 Ce qui fut parfaitement verifié en la [78] primitive Eglise, lhors que, comme dit le glorieux saint Luc, en la multitude des croyans il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; car il n'entend pas parler du cœur qui fait vivre nos cors, ni de l'ame qui anime les cœurs d'une vie humaine, mais il parle du cœur qui donne la vie celeste a nos ames, et de l'ame qui anime nos cœurs de la vie surnaturelle: cœur et ame tres unique des vrays Chrestiens, qui n'est autre chose que la volonté de Dieu.

  A005000340 

 Il fut escrit de vous, o Sauveur de mon ame, que vous fissies la volonté de vostre Pere eternel; et par le premier vouloir humain de vostre ame, a l'instant de vostre conception, vous embrassastes amoureusement cette loy de la volonté divine et la mistes au milieu de vostre cœur pour y regner et dominer eternellement: hé, qui fera la grace a mon ame qu'elle n'ait point de volonté que la volonté de son Dieu!.

  A005000340 

 La vie, dit le Psalmiste, est en la volonté de Dieu: non seulement parce que nostre vie temporelle depend de la volonté divine, mais aussi d'autant que nostre vie spirituelle gist en l'execution d'icelle, par laquelle Dieu vit et regne en nous, et nous fait vivre et subsister en luy.

  A005000340 

 Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté.

  A005000341 

 O combien excellente est l'observation de la defense des injustes voluptés, en celuy qui a mesme renoncé aux plus justes et legitimes delices! O combien celuy la est esloigné de convoiter le bien d'autruy, qui rejette toutes richesses et celles mesme que saintement il pourroit garder! Que celuy est bien esloigné de vouloir preferer sa volonté a celle de Dieu, qui pour faire la volonté de Dieu s'assujettit a celle d'un homme!.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 David estoit un jour en son preside, et la garnison des Philistins en Bethleem; or il fit un souhait disant: O si quelqu'un me donnoit a boire de l'eau de la cisterne qui est a la porte de Bethleem! Et voyla qu'il n'eut pas plus tost dit le mot, que trois vaillans chevaliers partent de la, main et teste baissee, traversent l'armee ennemie, vont a la cisterne de Bethleem, puisent de l'eau et l'apportent a David; lequel, voyant le hazard auquel ces gentilzhommes s'estoyent mis pour contenter son appetit, ne voulut point boire cette eau conquise au peril de leur sang et de leur vie, ains la respandit en oblation au Dieu eternel.

  A005000343 

 Certes, ainsy que tesmoigne le divin Psalmiste, Dieu n'exauce pas seulement l'orayson de ses fideles, ains il exauce mesme encor le seul desir d'iceux, et la seule preparation qu'ilz font en leurs cœurs pour prier, tant il est favorable et propice a faire la volonté de ceux qui l'ayment.

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000349 

 Or, quant aux hommes, on peut souvent mespriser leur conseil et ne mespriser pas ceux qui le donnent, parce que ce n'est pas mespriser un homme d'estimer qu'il ait erré: mais quant a Dieu, rejetter son conseil et le mespriser, cela ne peut provenir que de l'estime que l'on fait qu'il n'a pas bien conseillé; ce qui ne peut estre pensé que par esprit de blaspheme, comme si Dieu n'estoit pas asses sage pour sçavoir, ou asses bon pour vouloir bien conseiller.

  A005000353 

 Mays de quel ami et de quelz conseilz parlons nous? O Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseilz sont plus aymables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseilz sont pour le salut..

  A005000353 

 Si vous aves la migraine et [84] que l'odeur du musque vous nuyse, laisseres vous pour cela d'avouer que cette senteur soit bonne et aggreable? Si une robbe d'or ne vous est pas avenante, dirés vous qu'elle ne vaut rien? Si une bague n'est pas pour vostre doigt, la jetteres vous pour cela dans la boüe? Loues donq, Theotime, et aymes cherement tous les conseilz que Dieu a donné aux hommes.

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000355 

 Or, nous pouvons aysement en pratiquer plusieurs, quoy que non pas tous ensemble; car Dieu en a donné plusieurs affin que chacun en puisse observer quelques uns, et il n'y a jour que nous n'en ayons quelqu'occasion..

  A005000357 

 En quoy excella ce grand saint Bernard de Menthon, originaire de ce Diocese, lequel estant issu d'une mayson fort illustre, habita plusieurs annees entre les jougs et cimes de nos Alpes, y assembla plusieurs compaignons pour attendre, loger, secourir, deslivrer des dangers de la tourmente les voyageurs et passans, qui mourroyent souvent entre les orages, les neiges et froidures, sans les hospitaux que ce grand ami de Dieu establit et fonda es deux montz qui pour cela sont appellés de son nom, Grand Saint Bernard, au Diocese de Sion, et Petit Saint Bernard en celuy de Tarentaise.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000358 

 Que si en quelqu'occasion nous nous treuvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurrences rares et extraordinaires, qui les rendent necessaires a la conservation de la grace de Dieu.

  A005000362 

 Dieu ayant formé le cors humain du limon de la terre, ainsy que dit Moyse, il inspira en iceluy la respiration de vie, et il fut fait en ame vivante, c'est a dire en ame qui donnoit [89] vie, mouvement et operation au cors; et ce mesme Dieu eternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos ames, affin que, comme dit le grand Apostre, elles soyent faites en esprit vivifiant, c'est a dire en esprit qui nous face vivre, mouvoir, sentir, et ouvrer les œuvres de la grace, en sorte que Celuy qui nous a donné l'estre nous donne aussi l'operation.

  A005000362 

 Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur..

  A005000363 

 Et voulant voir par experience, le jour suivant, ce qu'il avoit appris par le recit de son compaignon, il treuva ces Peres dans leurs formes, rangés comme des statues de marbre en une suite de niches, immobiles a toute autre action qu'a celle de la psalmodie, qu'ilz faisoyent avec une attention et devotion vrayement angelique, selon la coustume de ce saint Ordre: si que ce pauvre jeune homme, tout ravi d'admiration, demeura pris en la consolation extreme qu'il eut de voir Dieu si bien adoré parmi les Catholiques, et se resolut, comme il fit par apres, de se ranger dans le giron de l'Eglise, vraye et unique Espouse de Celuy qui l'avoit visité de son inspiration, dans l'infame litiere de l'abomination en laquelle il estoit..

  A005000363 

 Lhors que j'estois jeune, a Paris, deux escoliers, dont l'un estoit heretique, passans la nuit au fauxbourg Saint Jacques, en une desbauche deshonneste, ouïrent sonner les Matines des Chartreux; et l'heretique demandant a l'autre a quelle occasion on sonnoit, il luy fit entendre avec quelle devotion on celebroit les offices sacrés en ce saint monastere: O Dieu, dit-il, que l'exercice de ces religieux est different du nostre! ilz font celuy des Anges, et nous celuy des bestes brutes.

  A005000363 

 Saint [90] Cyprien (ce n'est pas le grand Evesque de Cartage, ains un autre qui fut laïs, mais glorieux martir) fut touché voyant le diable confesser son impuissance sur ceux qui se confient en Dieu.

  A005000364 

 Car, comme Dieu donne, par l'entremise de la nature, a chasque animal les instinctz qui luy sont requis pour sa [91] conservation et pour l'exercice de ses proprietés naturelles, aussi, si nous ne resistons pas a la grace de Dieu, il donne a un chascun de nous les inspirations necessaires pour vivre, operer et nous conserver en la vie spirituelle.

  A005000364 

 Et quant au bon Eliezer, parce qu'il ne peut autrement discerner entre les filles de Haran, ville de Nachor, celle qui estoit destinee au filz de son maistre, Dieu le luy fait connoistre par inspiration.

  A005000364 

 Quand nous ne sçavons que faire et que l'assistence [92] humaine nous manque en nos perplexités, Dieu alhors nous inspire; et si nous sommes humblement obeissans, il ne permet point que nous errions.

  A005000364 

 Theotime, Eliezer ne se laisse entendre de desirer de l'eau que pour sa personne, mais la belle Rebecca, obeissant a l'inspiration que Dieu et sa debonnaireté luy donnoyent, s'offre d'abbreuver encor les chameaux; pour cela elle fut rendue espouse du saint Isaac, belle fille du grand Abraham et grand mere du Sauveur.

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 Les animaux sacrés d'Ezechiel alloyent ou l'impetuosité de l'esprit les portoit, et ne se retournoyent point en marchant, mais un chacun s'avançoit, cheminant devant sa face: il faut aller ou l'inspiration nous pousse, et ne point se revirer ni retourner en arriere, ains marcher du costé ou Dieu a contournee nostre face, sans changer de visee.

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000372 

 Qu'un chacun donq ayant treuvé la tressainte volonté de Dieu en sa vocation, demeure saintement et amoureusement en icelle, y prattiquant les exercices convenables, selon l'ordre de la discretion et avec le zele de la perfection.

  A005000377 

 La sainte damoyselle que les historiens appellent Eusebe l'Estrangere quitta Rome, sa patrie, et s'habillant en garçon, avec deux autres filles, s'embarqua pour aller outre mer et passa en Alexandrie, et de la en l'isle de Co; ou se voyant en asseurance, elle reprint les habitz de son sexe, et se remettant sur mer elle alla au païs de Carie, en la ville de Milassa, ou le grand Paul, qui l'avoit treuvee en Co et l'avoit prise sous sa conduite spirituelle, la mena, et ou par apres estant devenu Evesque, il la gouverna si saintement qu'elle dressa un monastere et s'employa au service de l'Eglise, en l'office qu'en ce tems la on appelloit de diacresse, avec tant de charité qu'elle mourut en fin toute sainte, [98] et fut reconneüe pour telle par une grande multitude de miracles que Dieu fit par ses reliques et intercessions.

  A005000377 

 Les paroles du Saint n'eussent pas eu cette force, selon leur portee ordinaire, si Dieu n'y eust adjousté son inspiration: mais inspiration si extraordinaire qu'on croiroit que ce fut plustost une tentation, si le miracle de la reunion de ce pied coupé, fait par la benediction du Saint, ne l'eust authorisee..

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000385 

 Le deputé donq estant venu a la colomne, il n'eut pas si tost fait son ambassade, que le grand Simeon, sans delay, sans reserve, sans replique quelcomque, se print a vouloir descendre, avec une obeissance et humilité digne de sa rare sainteté; ce que voyant le delegué: «Arrestés,» dit-il, «o Simeon, demeurés la, perseverés constamment et ayes bon courage; poursuives vaillamment vostre entreprise, vostre sejour sur cette colomne est de Dieu.».

  A005000386 

 Aussi Dieu, benissant la sousmission de ce grand homme, luy donna la grace de perseverer trente ans entiers sur une colomne haute de trente six coudees, apres avoir des-ja esté sept ans sur des autres colomnes de six, de douze et de vingt pieds de hauteur, et ayant auparavant esté dix ans sur une petite pointe de rocher au lieu appellé la Mandre.

  A005000387 

 Quand Dieu jette des inspirations dans un coeur, la premiere qu'il respand c'est celle de l'obeissance.

  A005000387 

 Tous les prophetes et predicateurs qui ont esté inspirés de Dieu ont tous-jours aymé l'Eglise, tous-jours adheré a sa doctrine, tous-jours aussi esté appreuvés par icelle, et n'ont jamais rien annoncé si fortement que cette verité, que les levres du prestre gardoyent la science, et qu'on devoit requerir la loy de sa bouche: de sorte que les missions extraordinaires sont des illusions diaboliques, et non des inspirations celestes, si elles ne sont reconneües et appreuvees par les pasteurs qui sont de la mission ordinaire; car ainsy s'accordent Moyse et les Prophetes.

  A005000388 

 Dont ilz peuvent dire avec le sacré Psalmiste: Seigneur, vous aves empoigné ma main droite, et m'aves conduit en vostre volonté, et m'aves recueilli avec beaucoup de gloire; J'ay esté fait comme un cheval envers vous, et je suis tous-jours avec vous: car, comme un cheval bien dressé se manie aysement, doucement et justement en toutes façons par l'escuyer qui le monte, aussi l'ame amante est si souple a la volonté de Dieu, qu'il en fait tout ce qu'il veut.

  A005000388 

 Et pour conclure tout ce que nous avons dit de l'union de nostre volonté a celle de Dieu qu'on appelle signifiee, presque toutes les herbes qui ont les fleurs jaunes, et mesme la cicoree sauvage qui les a bleues, les tournent tous-jours du costé du soleil et suivent ainsy son contour; mais l' heliotropium ne contourne pas seulement ses fleurs, ains encor toutes ses feuilles, a la suite de ce grand luminaire.

  A005000392 

 Saint Basile dit que la volonté de Dieu nous est tesmoignee par ses ordonnances ou commandemens, et que lhors il n'y a rien a deliberer, car il faut simplement faire ce qui est ordonné; mais que pour tout le reste il est en nostre liberté de choisir a nostre gré ce que bon nous semblera, bien qu'il ne faille pas faire tout ce qui est loysible, ains seulement ce qui est expedient: et qu'en fin, pour bien discerner ce qui est convenable, il faut ouïr l'advis du sage pere spirituel..

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000393 

 Mais, Theotime, je vous advertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive maintefois aux ames qui ont un grand desir de suivre en toutes choses ce qui est le plus selon la volonté de Dieu.

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000396 

 Es choses mesme de consequence il faut estre bien humble, et ne point penser de treuver la volonté de Dieu a force d'examen et de subtilité de discours; mais apres avoir demandé la lumiere du Saint Esprit, appliqué nostre consideration a la recherche de son bon playsir, pris le conseil de nostre directeur et, s'il y escheoit, de deux ou trois autres personnes spirituelles, il faut se resoudre et determiner au nom de Dieu, et ne faut plus par apres revoquer en doute nostre choix, mais le cultiver et soustenir devotement, paisiblement et constamment.

  A005000396 

 Et bien que les difficultés, tentations et diversités d'evenemens qui se rencontrent au progres de l'execution de nostre dessein, nous pourroyent donner quelque desfiance d'avoir bien choysi, il faut neanmoins demeurer ferme et ne point regarder tout cela, ains considerer que si nous eussions fait un autre choix nous eussions peut estre treuvé cent fois pis, outre que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercés en la consolation ou en la tribulation, en la paix ou en la guerre.

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000405 

 Et de la nous passerons a la tressainte complaysançe, nous res-jouissans dequoy Dieu est si infini en sagesse, puissance et bonté, qui sont les trois proprietés divines desquelles l'univers n'est qu'un petit essay et comme une monstre..

  A005000411 

 O Dieu tout juste et tout clement..

  A005000413 

 Theotime, nous devons avoir une extreme complaysance de voir comme Dieu exerce sa misericorde par tant de diverses faveurs qu'il distribue aux Anges et aux hommes, au Ciel et en la terre, et comme il prattique sa justice par une infinie varieté de peynes et chastimens; car sa justice et sa misericorde sont egalement aymables et admirables en elles mesmes, puisque l'une et Vautre ne sont autre chose qu'une mesme tres unique Bonté et Divinité..

  A005000414 

 Ainsy la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux, dont nostre vie abonde, qui par la [110] juste ordonnance de Dieu sont les peynes du peché, sont aussi, par sa douce misericorde, des eschellons pour monter au Ciel, des moyens pour proffiter en la grace et des merites pour obtenir la gloire.

  A005000414 

 Chose estrange mais veritable, Theotime: si les damnés n'estoyent aveuglés de leur obstination et de la hayne qu'ilz ont contre Dieu, ilz treuveroyent de la consolation en leurs peynes, et verroyent la misericorde divine admirablement meslee avec les flammes qui les bruslent eternellement.

  A005000416 

 Vous estes juste, o Dieu, vous estes equitable,.

  A005000419 

 mays voyans d'autre part que ces peynes, quoy qu'eternelles et incomprehensibles, sont toutefois moindres de beaucoup que les coulpes et crimes pour lesquelz elles sont infligees, ravis de l'infinie misericorde de Dieu: O Seigneur, diront ilz, que vous estes bon, puisqu'au plus fort de vostre ire vous ne pouves contenir le torrent de vos misericordes qu'elles n'escoulent leurs eaux dans les impiteuses flammes de l'enfer!.

  A005000428 

 O Dieu, neanmoins que vostre volonté soit faite, non seulement en l'execution de vos commandemens, conseilz et inspirations, qui doivent estre prattiqués par nous, mais aussi en la souffrance des afflictions et peynes qui doivent estre receües en nous, affin que vostre volonté fasse par nous, pour nous, en nous et de nous tout ce qu'il luy plaira..

  A005000428 

 Venons par apres a nous mesmes en particulier, et voyons une quantité de biens interieurs et exterieurs, [111] comme aussi un nombre tres grand de peynes interieures et exterieures que la Providence divine nous a preparees, selon sa tressainte justice et misericorde; et, comme ouvrans les bras de nostre consentement, embrassons tout cela tres amoureusement, acquiesçans a sa tressainte volonté, et chantans a Dieu, par maniere d'un hymne d'eternel acquiescement: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000432 

 Les afflictions sont comme cela: si nous les regardons hors de la volonté de Dieu, elles ont leur amertume naturelle; mais qui les considere en ce bon playsir eternel, elles sont toutes d'or, aymables et pretieuses plus qu'il ne se peut dire..

  A005000432 

 Voyes la verge de Moyse en terre, c'est un serpent effroyable; voyes-la en la main de Moyse, c'est une baguette de merveilles: voyes les tribulations en elles mesmes, elles sont affreuses; voyes-les en la volonté de Dieu, elles sont [112] des amours et des delices.

  A005000433 

 Si le grand Abraham eust veu la necessité de tuer son filz hors la volonté de Dieu, pensés, Theotime, combien de peynes et de convulsions de cœur il eust souffert; mais la voyant clans le bon playsir de Dieu, elle luy est toute d'or, et l'embrasse tendrement.

  A005000435 

 Aymer la volonté de Dieu es consolations, c'est un bon amour, quand en verité on ayme la volonté de Dieu et non pas la consolation en laquelle elle est; neanmoins, c'est un amour sans contradiction, sans repugnance et sans effort, car, qui n'aymeroit une si digne volonté en un sujet si aggreable? 2.

  A005000435 

 Aymer les souffrances et afflictions pour l'amour de Dieu, c'est le haut point de la tressainte charité; car en cela il n'y a rien d'aymable que la seule volonté divine, il y a une grande contradiction de la part de nostre nature, et non seulement on quitte toutes les voluptés, mais on embrasse les tourmens et travaux..

  A005000436 

 Le malin ennemi sçavoit bien que c'estoit le dernier affinement de l'amour, quand, apres avoir ouÿ de la bouche de Dieu que Job estoit juste, droiturier, craignant Dieu, fuyant le peché et ferme en l'innocence, il estima tout cela peu de chose en comparayson de la souffrance des afflictions, par lesquelles il fit le dernier et plus grand essay de l'amour de ce grand [114] serviteur de Dieu.

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000438 

 Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne.

  A005000438 

 Les chiens sont a tous coups en defaut au primtems, et n'ont quasi nul sentiment, parce que les herbes et fleurs poussent alhors si fortement leur senteur qu'elle outrepasse celle du cerf ou du lievre: parmi le primtems des consolations l'amour n'a presque nulle reconnoissance du bon playsir de Dieu, parce que le playsir sensible de la consolation jette tant d'attraitz dedans le cœur, qu'il en est diverti de l'attention qu'il devroit avoir a la volonté de Dieu.

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000444 

 Job en ses travaux fait l'acte de resignation: Si nous avons receu les biens, dit il, de la main de Dieu, pourquoy ne soustiendrons nous les peynes et travaux qu'il nous envoye? Voyés, Theotime, qu'il parle de soustenir, supporter et endurer.

  A005000444 

 On voudroit vivre s'il playsoit a Dieu, et de plus on voudroit qu'il pleust a Dieu de faire vivre; on meurt de bon cœur, mais on vivroit encor plus volontier; on passe d'asses bonne volonté, mais on demeureroit encor plus affectionnement.

  A005000444 

 Or, la resignation se prattique par maniere d'effort et de sousmission: on voudroit bien vivre en lieu de mourir; neanmoins, puisque c'est le bon playsir de Dieu qu'on meure, on acquiesce.

  A005000448 

 Certes, le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque affection tandis qu'il ne sçait encor pas ou est la volonté de Dieu: Eliezer, estant arrivé a la fontaine de Haran, vid bien la vierge Rebecca et la treuva sans doute trop plus belle et aggreable; mais pourtant il demeura en indifference jusques a ce que, par le signe que Dieu luy avoit inspiré, il conneut que la volonté divine l'avoit preparee au filz de son maistre, car alhors il luy donna les pendans d'aureilles et les brasseletz d'or.

  A005000448 

 La resignation prefere la volonté de Dieu a toutes choses, mais elle ne laisse pas d'aymer beaucoup d'autres choses outre la volonté de Dieu.

  A005000448 

 Or l'indifference est au dessus de la resignation, car elle n'ayme rien sinon pour l'amour de la volonté de Dieu; si que aucune chose ne touche le cœur indifferent, en la presence de la volonté de Dieu.

  A005000449 

 Le cœur indifferent n'est pas comme cela, car sachant que la tribulation, quoy qu'elle soit laide, comme une [119] autre Lia, ne laisse pas d'estre fille, et fille bienaymee du bon playsir divin, il l'ayme autant que la consolation, laquelle neanmoins en elle mesme est plus aggreable; ains il ayme encor plus la tribulation, parce qu'il ne void rien d'aymable en elle que la marque de la volonté de Dieu.

  A005000449 

 Qu'importe-il que la volonté de Dieu me soit presentee en la tribulation ou en la consolation? puisqu'en l'une et en l'autre je ne veux ni ne cherche autre chose que la volonté divine, laquelle y paroist d'autant mieux qu'il n'y a point d'autre beauté en icelle que celle de ce tressaint bon playsir eternel..

  A005000450 

 En quoy il fut imité par le grand Evesque saint Martin qui, parvenu a la fin de sa vie, pressé d'un extreme desir d'aller a son Dieu, ne laissa pas pourtant de tesmoigner qu'il demeureroit aussi volontier entre les travaux de sa charge pour le bien de son cher troupeau; comme si apres avoir chanté ce cantique:.

  A005000453 

 O Dieu des armees redoutables,.

  A005000459 

 Saute apres vous, Dieu de la vie!.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche, mais un peu plus en celuy du pauvre; le cœur indifferent choysira ce party.

  A005000462 

 La volonté de Dieu est en la modestie exercee entre les consolations, et en la patience prattiquee entre les tribulations; l'indifferent prefere celle-cy, car il y a plus de la volonté de Dieu..

  A005000462 

 Le bon playsir de Dieu est au mariage et en la virginité; mais parce qu'il est plus en la virginité le cœur indifferent choysit la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comme elle fit a la chere fille spirituelle de saint Paul, sainte Tecle, a sainte Cecile, a sainte Agathe, et mille autres.

  A005000462 

 Le cœur indifferent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon playsir eternel; un cœur sans choix, egalement disposé a tout, sans aucun autre object de sa volonté que la volonté de son Dieu; qui ne met point son amour es choses que Dieu veut ains en la volonté de Dieu qui les veut: c'est pourquoy, quand la volonté de Dieu est en plusieurs choses, il choysit, a quel prix que ce soit, celle ou il y en a plus.

  A005000463 

 En somme, le bon playsir de Dieu est le souverain object de l'ame indifferente: par tout ou elle le void elle court a l'odeur de ses parfums, et cherche tous-jours [121] l'endroit ou il y en a plus, sans consideration d'aucune autre chose; il est conduit par sa divine volonté, comme par un lien tres aymable, et par tout ou elle va il la suit.

  A005000463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu: ouy mesme, il prefereroit l'enfer au Paradis, s'il sçavoit qu'en celuy la il y eust un peu plus du bon playsir divin qu'en celuy ci; en sorte que si, par imagination de chose impossible, il sçavoit que sa damnation fust un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il quitteroit sa salvation et courroit a sa damnation..

  A005000468 

 Le grand Apostre nous annonce une generale indifference, pour nous monstrer vrays serviteurs de Dieu, en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blesseures, es prisons, es seditions, es travaux, [122] es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité et suavité au Saint Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; far les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et par l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables; comme inconneus, et toutefois reconneus; comme mourans, et toutefois vivans; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005000469 

 Et parce qu'elle estoit plus reconneüe es souffrances qu'es actions des autres vertus, il met l'exercice de la patience le premier, disant: Paroissons en toutes choses comme serviteurs de Dieu, en beaucoup de patience es tribulations, es necessités, es angoisses; et puis en fin, en chasteté, en prudence, en longanimité..

  A005000469 

 Et parmi tout cela, o Dieu, quelle indifference! leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté est riche, leurs mortz sont vitales et leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, revigorés de vivre entre les perilz de la mort et glorieux d'estre avilis, parce que telle estoit la volonté de Dieu.

  A005000470 

 Ezechiel vid le simulachre d'une main qui le saisit par un seul flocquet des cheveux de sa teste, l'eslevant entre le ciel et la terre: Nostre Seigneur aussi, eslevé en la croix entre la terre et le ciel, n'estoit, ce semble, tenu de la main de son Pere que par l'extreme pointe de l'esprit, et, par maniere de dire, par un seul cheveu de sa teste, qui, touché de la douce main du Pere eternel, recevoit une souveraine affluence de felicité, tout le reste demeurant abismé dans la tristesse et ennuy; c'est pourquoy il s'escrie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu delaissé?.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000476 

 Ma mere ou moy mesme (car c'est tout un) sommes au lit malade: que sçay-je si Dieu veut que la mort s'en ensuive? Certes, je n'en sçay rien; mays je sçay bien pourtant, qu'en attendant l'evenement que son bon playsir a ordonné, il veut, par la volonté declairee, que j'employe les remedes convenables a la guerison: je le feray donq fidelement, sans rien oublier de ce que bonnement je pourray contribuer a cette intention.

  A005000477 

 Admirable union de ce Patriarche avec celle de Dieu, qui croyant que ce fust le bon playsir divin qu'il sacrifiast son enfant, le voulut l'entreprit si fortement! admirable celle de l'enfant, qui se sousmit si doucement au glaive paternel, pour faire vivre le bon playsir de son Dieu au prix de sa propre mort!.

  A005000477 

 Mais si le bon playsir divin m'estoit declairé avant l'evenement d'iceluy, comme au grand saint Pierre la façon de sa mort, au grand saint Paul ses liens et prisons, a Hieremie la destruction de sa chere Hierusalem, a David la mort de son filz, alhors il faudroit [125] unir a l'instant nostre volonté a celle de Dieu, a l'exemple du grand Abraham, et comme luy, s'il nous estoit commandé, entreprendre l'execution du decret eternel en la mort mesme de nos enfans.

  A005000478 

 Quand Dieu luy ordonne de sacrifier cet enfant, il ne s'attriste point; quand il l'en dispense, il ne s'en res-jouit point: tout est pareil a ce grand cœur, pourveu que la volonté de son Dieu soit servie..

  A005000478 

 Voyés Abraham, l'espee au poing, le bras relevé, prest a donner le coup de mort a son cher unique enfant; il fait cela pour plaire a la volonté divine: et voyés en mesme tems un Ange, qui, de la part de cette mesme volonté, l'arreste court; et soudain il retient son coup, esgalement prest a sacrifier son filz et a ne le sacrifier pas, la vie et la mort d'iceluy luy estant indifferentes en la presence de la volonté de Dieu.

  A005000479 

 Ce docte et saint predicateur d'Andalusie, Jean Avila, ayant dessein de dresser une compaignie de prestres reformés, pour le service de la gloire de Dieu, en quoy il avoit des-ja fait un grand progres, lhors qu'il vid celle des Jesuites en campaigne, qui luy sembla suffire pour cette sayson-la, il arresta court son dessein avec une douceur et humilité nompareille..

  A005000479 

 Ce fut esgalement la volonté de Dieu que saint Anthoine de Padoüe desirast le martyre et qu'il ne l'obtinst pas.

  A005000479 

 Le bienheureux Ignace de Loyola, ayant avec tant de travaux mis sus pied la Compaignie du nom de Jesus, de laquelle il voyoit tant de beaux fruitz et en prevoyoit encor plus de beaux a l'advenir, eut neanmoins le courage de se promettre que s'il la voyoit dissiper, qui seroit le plus aspre desplaysir qu'il peust recevoir, dans demi heure apres il en seroit resolu et s'accoyseroit en la volonté de Dieu.

  A005000479 

 Ouy, Theotime, car Dieu bien souvent, pour nous exercer en cette sainte indifference, nous inspire des desseins fort relevés, desquelz pourtant il ne veut pas le succes; et lhors, comme il nous faut hardiment, courageusement et constamment commencer et suivre l'ouvrage tandis qu'il se peut, aussi faut il acquiescer doucement et tranquillement a l'evenement de l'entreprise, tel qu'il plaist a Dieu nous le donner.

  A005000479 

 Saint François va en Egypte pour y convertir les infideles ou mourir martyr entre les infideles; telle fut la volonté de Dieu: il revient neanmoins sans avoir fait ni l'un ni l'autre, et [126] telle fut aussi la volonté de Dieu.

  A005000480 

 Certes, Jonas eut grand tort de s'attrister dequoy, a son advis, Dieu n'accomplissoit pas sa prophetie sur Ninive.

  A005000480 

 Jonas fit la volonté de Dieu annonçant la subversion de Ninive, mais il mesla son interest et sa volonté propre avec celle de Dieu; c'est pourquoy, quand il void que Dieu n'execute pas sa prediction selon la rigueur des paroles dont il avoit usé en l'annonçant, il s'en fasche et murmure indignement.

  A005000480 

 Nous voulons que ce que nous entreprenons et manions reuscisse, mais il n'est pas raysonnable que [127] Dieu fasse toutes choses a nostre gré: s'il veut que Ninive soit menassee, et que neanmoins elle ne soit pas renversee, puisque la menasse suffit a la corriger, pourquoy Jonas s'en plaindra-il?.

  A005000480 

 O que bienheureuses sont telles ames, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces a les quitter quand Dieu en dispose ainsy! Ce sont des traitz d'une indifference tres parfaite, de cesser de faire un bien quand il plait a Dieu, et de s'en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est nostre guide, l'ordonne.

  A005000481 

 C'est a nous de bien planter et bien arrouser, mais de donner l'accroissement cela n'appartient qu'a Dieu.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000482 

 Ainsy Dieu ne fut pas cause que David pecha, mais il luy infligea bien la peyne deüe a son peché; il ne fut pas la cause du peché de Saül, mais ouï bien qu'en punition la victoire perit entre les mains d'iceluy..

  A005000482 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté divine que ta faute soit suivie de la defaite et du manquement de ton entreprise, en punition de ta faute: car si sa bonté ne luy peut permettre de vouloir ta faute, sa justice fait qu'il veut la peyne que tu en souffres.

  A005000482 

 Mays derechef, si l'entreprise faite par inspiration perit par la faute de ceux a qui elle estoit confiee, comme peut-on dire alhors qu'il faut acquiescer a la volonté de Dieu? car, me dira quelqu'un, ce n'est pas la volonté de Dieu qui empesche l'evenement, ains ma faute, de laquelle la volonté divine n'est pas la cause.

  A005000483 

 Quand donques il arrive que les desseins sacrés ne reuscissent pas, en punition de nos fautes, il faut egalement detester la faute par une solide repentance, et accepter la peyne que nous en avons; car, comme le peché est contre la volonté de Dieu, aussi la peyne est selon sa volonté..

  A005000487 

 Dieu nous a ordonné de faire tout ce que nous pourrons pour acquerir les saintes vertus, n'oublions donq rien pour bien reuscir de cette sainte entreprise; mais apres que nous aurons planté et arrousé, sçachons que c'est a Dieu de donner l'accroissement aux arbres de nos bonnes inclinations et habitudes: [129] c'est pourquoy il faut attendre le fruit de nos desirs et travaux de sa divine providence.

  A005000487 

 Ne nous inquietons point pour nous voir tous-jours novices en l'exercice des vertus; car, au monastere de la vie devote, chacun s'estime tous-jours novice, et toute la vie y est destinee a la probation, n'y ayant point de plus evidente marque d'estre non seulement novice, mais digne d'expulsion et reprobation, que de penser et se tenir pour profés: car selon la regle de cet ordre la, non la solemnité, mais l'accomplissement des vœux rend les novices profés; or les vœux ne sont jamais accomplis tandis qu'il y a quelque chose a faire pour l'observance d'iceux, et l'obligation de servir Dieu et faire progres en son amour dure tous-jours jusques a la mort..

  A005000488 

 Connoisses-vous que vostre retardement au chemin des vertus est provenu de vostre coulpe? or sus, humilies-vous devant Dieu, implores sa misericorde, prosternes vous devant la face de sa bonté et demandes-luy en pardon, confesses vostre faute et cries-luy mercy a l'oreille mesme de vostre confesseur pour en recevoir l'absolution: mais cela fait, demeures en paix, et ayant detesté l'offence, embrasses amoureusement [130] l'abjection qui est en vous, pour le retardement de vostre avancement au bien..

  A005000490 

 Or, bien que ces premiers eslans et tremoussemens ne soyent aucunement peché, neanmoins la pauvre ame qui en est souvent atteinte se trouble, s'afflige, s'inquiete, et pense bien faire de s'attrister, comme si c'estoit l'amour de Dieu qui la provoquast a cette tristesse.

  A005000490 

 Voyés cette bonne ame, je vous prie: elle a grandement desiré et tasché de s'affranchir de la cholere, en quoy Dieu l'a favorisee, car il l'a rendue quitte de tous les pechés qui procedent de la cholere; elle mourroit plustost que de dire un seul mot injurieux ou de lascher un seul trait de hayne.

  A005000492 

 Et remarques en fin, que non seulement nous ne devons pas nous inquieter en nos tentations ni en nos infirmités, mais nous devons nous glorifier d'estre infirmes, affin que la vertu divine paroisse en nous, soustenant nostre foiblesse contre l'effort de la suggestion et tentation: car le glorieux Apostre appelle ses infirmités, les eslans et rejettons d'impureté qu'il sentoit, et dit qu'il se glorifioit en icelles, parce que si bien il les sentoit par sa misere, neanmoins, par la misericorde de Dieu, il n'y consentoit pas..

  A005000492 

 L'eguillon de la chair, messager de Satan, piquoit rudement le grand saint Paul pour le faire precipiter au peché: le pauvre Apostre souffroit cela comme une injure honteuse et infame, c'est pourquoy il l'appelloit un souffletement et baffoüement, et prioit Dieu qu'il luy pleust de l'en deslivrer; mais Dieu luy respondit: O Paul, ma grace te suffit, car ma force se perfectionne en l'infirmité. A quoy ce grand saint homme acquiesçant: Donques, dit il, volontier je me glorifieray en mes infirmités, affin que la vertu de Jesus Christ habite en moy.

  A005000493 

 Dieu veut que nous ayons des ennemis, Dieu veut que nous les repoussions: vivons donq courageusement entre l'une et l'autre volonté divine, souffrans avec patience d'estre assaillis, et taschans avec vaillance de faire teste et resister aux assaillans.

  A005000497 

 Dieu hait souverainement le peché, et neanmoins il le permet tres sagement, pour laisser agir la creature raysonnable selon la condition de sa nature, et rendre les bons plus recommandables, quand, pouvans violer la loy, ilz ne la violent pas.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000500 

 L'Apostre, certes, dit qu'il a une douleur continuelle pour la perte des Juifz; mais c'est comme nous disons que nous benissons Dieu en tout tems, car cela ne veut dire autre chose, sinon que nous le benissons fort souvent et en toutes occasions: et de mesme, le glorieux [135] saint Paul avoit une continuelle douleur en son cœur a cause de la reprobation des Juifz, parce qu'a toutes occasions il regrettoit leur malheur..

  A005000500 

 Mais, en fin finale, apres que nous avons pleuré sur les obstinés et que nous leur avons rendu le devoir de charité pour essayer de les retirer de perdition, il faut imiter Nostre Seigneur et les Apostres, c'est a dire, divertir nostre esprit de la, et le retourner sur des autres objectz et a d'autres occupations plus utiles a la gloire de Dieu.

  A005000501 

 Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité.

  A005000501 

 Et notés, pour conclusion, que jamais Dieu ne retire sa misericorde de nous que par l'equitable vengeance de sa justice punissante, et jamais nous n'eschappons la rigueur de sa justice que par sa misericorde justifiante: et tous-jours, ou punissant ou gratifiant, son bon playsir est adorable, aymable et digne d'eternelle benediction.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable..

  A005000514 

 Certes, le cœur humain est le vray chantre du cantique de l'amour sacré, et il est luy mesme la harpe et le psalterion: or ce chantre s'escoute soy mesme pour l'ordinaire, et prend un grand playsir d'ouïr la melodie de son cantique; c'est a dire, nostre cœur aymant Dieu savoure les delices de cet amour et prend un contentement nompareil d'aymer un object tant aymable.

  A005000514 

 Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans.

  A005000514 

 Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes.

  A005000518 

 Vous connoistres bien cela, Theotime: car si ce rossignol mystique chante pour contenter Dieu, il chantera le cantique qu'il sçaura estre le plus aggreable a la divine Providence; mais s'il chante pour le playsir que luy mesme prend en la melodie de son chant, il ne chantera pas le cantique qui est le plus aggreable a la Bonté celeste, ains celuy qui est plus a son gré de luy mesme, et duquel il pense tirer plus de playsir.

  A005000519 

 Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu.

  A005000519 

 La volonté de Dieu est en la maladie aussi bien et presqu'ordinairement mieux qu'en la santé: que si nous aymons mieux la santé, ne disons pas que c'est pour tant mieux servir Dieu; car, qui ne void que c'est la santé que nous cherchons en la volonté de Dieu, et non pas la volonté de Dieu en la santé..

  A005000519 

 Les religieux voudroyent chanter le cantique des pasteurs, et les mariés celuy des religieux, affin, ce disent-ilz, de pouvoir mieux aymer et servir Dieu.

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Celuy qui est en une fervente orayson ne sçait s'il est en orayson ou non, car il ne pense pas a l'orayson qu'il fait, ains a Dieu auquel il la fait.

  A005000520 

 Celuy qui priant Dieu s'apperçoit qu'il prie, n'est pas parfaittement attentif a prier; car il divertit son attention de Dieu, lequel il prie, pour penser a la priere par laquelle il le prie.

  A005000520 

 Il est aussi sans doute malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant le playsir que l'on prend en son amour; mais neanmoins il y a bien a dire entre le contentement que l'on a d'aymer Dieu parce qu'il est beau, et celuy que l'on a de l'aymer parce que son amour nous est aggreable.

  A005000520 

 Le chantre celeste prend tant de playsir de plaire a son Dieu, qu'il ne prend nul playsir en la melodie de sa voix, sinon parce qu'elle plait a son Dieu.

  A005000520 

 Or, il faut tascher de ne chercher en Dieu que l'amour de sa beauté, et non le playsir qu'il y a en la beauté de son amour.

  A005000520 

 Qui est en l'ardeur de l'amour sacré il ne retourne point son cœur sur soy mesme pour regarder ce qu'il fait, ains le tient arresté et occupé en Dieu auquel il applique son amour.

  A005000520 

 Voules vous regarder Dieu? regardes le donq et soyes attentive a cela; car si vous reflechisses et retournes vos yeux dessus vous mesme, pour voir la contenance que vous tenes en le regardant, ce n'est plus luy que vous regardes, c'est vostre maintien, c'est vous mesme.

  A005000521 

 Helas, soudain que la suavité et satisfaction qu'il prenoit en l'amour cessera, et que les secheresses arriveront, il quittera tout la, il ne priera plus qu'en passant: or, si c'estoit Dieu qu'il aymoit, pourquoy eust-il cessé de l'aymer, puisque Dieu est tous-jours Dieu? c'estoit donq la consolation Dieu qu'il aymoit, et non le Dieu de consolation..

  A005000521 

 Vous verres, Theotime, cet homme qui prie Dieu, ce vous semble, avec tant de devotion et qui est si ardent aux exercices de l'amour celeste; mais attendes un peu, et vous verres si c'est Dieu qu'il ayme.

  A005000526 

 O que bienheureux est le cœur qui ayme Dieu sans aucun autre playsir que celuy qu'il prend de plaire a Dieu! car, quel playsir peut-on jamais avoir plus pur et parfait que celuy que l'on prend dans le playsir de la Divinité? Neanmoins, ce playsir de plaire a Dieu n'est pas a proprement parler l'amour divin, ains seulement un fruit d'iceluy, qui en peut estre separé ainsy qu'un citron de son citronnier.

  A005000527 

 Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté.

  A005000531 

 O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres.

  A005000535 

 Et cela, d'autant que la merveille de sa delivrance fut si grande qu'elle occupoit son esprit en telle sorte, qu'encor qu'il eust asses de sentiment et de connoissance pour faire ce qu'il faisoit, neanmoins il n'en avoit pas asses pour connoistre qu'il le faisoit reellement et tout de bon: il voyoit bien l'Ange, mais il ne s'appercevoit pas que ce fut d'une vraye et naturelle vision; c'est pourquoy il n'avoit nulle consolation de sa delivrance, jusques a ce qu'en revenant a soy: Maintenant, dit-il, je connois en verité que Dieu a envoyé son Ange, et m'a deslivré de la main d'Herodes et de toute l'attente du peuple Juif.

  A005000536 

 Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame.

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000549 

 Certes, nostre volonté ne peut jamais mourir, non plus que nostre esprit, mais elle outrepasse quelquefois les limites de sa vie ordinaire, pour vivre toute en la volonté divine: c'est lhors qu'elle ne sçait ni ne veut plus rien vouloir, ains elle s'abandonne totalement et sans reserve au bon playsir de la divine Providence, se meslant et detrempant tellement avec ce bon playsir, qu'elle ne paroist plus, mais est toute cachee avec Jesus Christ en Dieu, ou elle vit, non plus elle mesme, ains la volonté de Dieu vit en elle.

  A005000549 

 Et que devient la volonté humaine quand elle est entierement abandonnee au bon playsir divin? Elle [149] ne perit pas tout a fait, mais elle est tellement abismee et meslee avec la volonté de Dieu, qu'elle ne paroist plus et n'a plus aucun vouloir separé de celuy de Dieu..

  A005000551 

 Certes, si on demande a quelque serviteur qui est a la suite de son maistre, ou il va, il ne doit pas respondre qu'il va en tel ou tel lieu, ains seulement qu'il suit son maistre, car il ne va nulle part par sa volonté, ains seulement par celle de son maistre; ainsy, mon Theotime, une volonté resignee en celle de son Dieu ne doit avoir aucun vouloir, ains suivre simplement celuy de Dieu.

  A005000551 

 Et comme celuy qui est dans un navire ne se remue pas de son mouvement propre, ains se laisse seulement mouvoir selon le mouvement du vaysseau [150] clans lequel il est, de mesme, le cœur qui est embarqué dans le bon playsir divin ne doit avoir aucun autre vouloir que celuy de se laisser porter au vouloir de Dieu.

  A005000551 

 Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy..

  A005000552 

 C'est certes la souveraine perfection de nostre volonté que d'estre ainsy unie a celle de nostre souverain Bien, comme fut celle du Saint qui disoit: O Seigneur, vous m'aves conduit et mené en vostre volonté; car, que vouloit-il dire, sinon qu'il n'avoit nullement employé sa volonté pour se conduire, s'estant simplement laissé guider et mener a celle de son Dieu? [151].

  A005000554 

 Dieu m'a signifié qu'il vouloit que je sanctifiasse le jour du repos: puisqu'il veut que je le fasse, il veut donques que je le veuille faire, et que pour cela j'aye mon propre vouloir par lequel je suive le sien, me conformant et correspondant a iceluy.

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000554 

 Il est croyable que la tressainte Vierge Nostre Dame recevoit tant de contentement de porter son cher petit Jesus entre ses bras, que le contentement empeschoit la lassitude, ou du moins rendoit la lassitude aggreable: car, si de porter une branche d' agnus castus soulage les voyageurs et les delasse, quel allegement ne recevoit pas la glorieuse Mere de porter l'Aigneau de Dieu immaculé? Que si parfois elle le laissoit marcher sur ses pieds avec elle, le tenant par la main, ce n'estoit pas qu'elle n'eust mieux aymé de l'avoir pendant a son col sur sa poitrine, mais elle le faisoit pour l'exercer a former ses pas et a cheminer luy mesme.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000554 

 Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu.

  A005000556 

 Theotime, nous devons estre comme cela, nous rendans pliables et maniables au bon playsir divin, comme si nous estions de cire, ne nous amusans point a souhaiter et vouloir les choses, mais les laissant vouloir et faire a Dieu pour nous ainsy qu'il luy plaira, jettans en luy toute nostre sollicitude, d'autant qu'il a soin de nous, ainsy que dit le saint Apostre.

  A005000557 

 Ce pendant employons cherement nostre soin a benir Dieu de tout ce qu'il fera, a l'exemple de Job, disans: Le Seigneur m' a donné beaucoup, le Seigneur me l'a osté; le nom du Seigneur soit beni.

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000562 

 O Dieu, quelles ames, qui entre toutes sortes d'accidens tiennent tous-jours leur attention et affection sur la Bonté eternelle, pour l'honnorer et cherir a jamais!.

  A005000565 

 Es tu tumbé dans les filetz des adversités? hé, ne regarde pas ton adventure, ni les pieges esquelz tu es pris: regarde Dieu et le laisse faire, il aura soin de toy; jette ta pensee sur luy, et il te nourrira.

  A005000565 

 Pourquoy te mesles tu de vouloir ou ne vouloir pas les evenemens et accidens du monde, puisque tu ne sçais pas ce que tu dois vouloir, et que Dieu voudra tous-jours asses pour toy tout ce que tu pourras vouloir, sans que tu t'en mettes en peine? Attens donq en repos d'esprit les effectz du bon playsir divin, et que son vouloir te suffise puisqu'il est tous-jours tres bon; car ainsy ordonna-il a sa bienaymee sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» lui dit il, «et je penseray pour toy.».

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000566 

 Il me semble donq plustost, que l'ame qui est en cette indifference et qui ne veut rien, ains laisse vouloir a Dieu ce qu'il luy plaira, doit estre ditte avoir sa volonté en une simple et generale attente; d'autant qu'attendre [158] ce n'est pas faire ou agir, ains demeurer exposé a quelqu'evenement.

  A005000567 

 Car bien qu'il dit: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu abandonné? ce fut pour nous faire sçavoir les veritables amertumes et [159] peines de son ame, et non pour contrevenir a la tressainte indifference en laquelle il estoit; ainsy qu'il monstra bien tost apres, concluant toute sa vie et sa Passion par ces incomparables paroles: Mon Pere, je remetz mon esprit entre vos mains..

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000572 

 Alhors, Theotime, l'ame a rayson de s'escrier: J'ay osté mes habitz, comme m'en revestiray? j'ay lavé mes pieds de toutes sortes d'affections, comme les souillerois-je derechef? Nue je suis sortie de la main de Dieu, et nue j'y retourneray; le Seigneur m'avoit donné beaucoup de desirs, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A005000572 

 Car, comme la belle et chaste Judith avoit voirement dans ses cabinetz ses beaux habitz de feste, et neanmoins ne les affectionnoit point, ni ne s'en para jamais en sa viduité sinon quand, inspiree de Dieu, elle alla ruiner Holophernes, ainsy, quoy que nous ayons appris la prattique des vertus et les exercices de devotion, si est ce que nous ne les devons point affectionner ni en revestir nostre cœur sinon a mesure que nous sçavons que c'est le bon playsir de Dieu; et comme Judith demeura tous-jours en habit de deuil, sinon en cette occasion en laquelle Dieu voulut qu'elle se mist en pompe, aussi devons nous paisiblement demeurer revestus de nostre misere et abjection, parmi nos imperfections et foiblesses, jusques a ce que Dieu nous exalte a la prattique des excellentes actions..

  A005000573 

 Car ayant tout renoncé, voire mesme les affections des vertus, pour ne vouloir ni de celles-la ni d'autres quelconques qu'autant que le bon playsir divin portera, il [161] nous faut revestir derechef de plusieurs affections, et peut estre des mesmes que nous avons renoncees et resignees; mais il s'en faut derechef revestir, non plus parce qu'elles nous sont aggreables, utiles, honnorables et propres a contenter l'amour que nous avons pour nous mesmes, ains parce qu'elles sont aggreables a Dieu, utiles a son honneur et destinees a sa gloire..

  A005000574 

 Eliezer portoit des pendans d'aureilles, des brasseletz et des vestemens neufs pour la fille que Dieu avoit preparee au filz de son maistre; et par effect il les donna a la vierge Rebecca si tost qu'il conneut qu'elle estoit celle la.

  A005000575 

 Et le glorieux saint Paul, despouillé en un moment de toutes affections: Seigneur, dit-il, que voules vous que je face? c'est a dire: Que vous plait-il que j'affectionne, puisque me jettant a terre vous aves fait mourir ma volonté propre? Hé, Seigneur, mettes vostre bon playsir en sa place et m'enseignes de faire vostre volonté, car vous estes mon Dieu.

  A005000575 

 Theotime, quicomque a tout quitté pour Dieu ne doit [162] rien reprendre que comme Dieu le veut: il ne nourrit plus son cors sinon comme Dieu l'ordonne, affin qu'il serve a l'esprit; il n'estudie plus que pour servir le prochain et sa propre ame, selon l'intention divine; il prattique les vertus, non selon qu'elles sont plus a son gré, mais selon que Dieu le desire..

  A005000576 

 Dieu commanda au prophete Isaïe de se despouiller tout nud, et il le fit, marchant et preschant en cette sorte, ou trois jours entiers, comme quelques uns dient, ou trois ans, comme les autres pensent; puis il reprit ses habitz quand le terme que Dieu luy avoit prefigé fut passé.

  A005000584 

 L'homme est la perfection de l'univers, l'esprit est la perfection de l'homme, l'amour celle de l'esprit, et la charité celle de l'amour: c'est pourquoy l'amour de Dieu est la fin, la perfection et l'excellence de l'univers.

  A005000585 

 Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000586 

 Dieu, au jour du jugement, imprimera es espritz des damnés l'apprehension de la perte qu'ilz feront, en une façon admirable: car la divine Majesté leur fera clairement voir la souveraine beauté de sa face et les tresors [166] de sa bonté, et a la veüe de cet abisme infini de delices, la volonté, par un effort extreme, se voudra lancer sur iceluy pour s'unir a luy et jouir de son amour; mais ce sera pour neant, d'autant qu'elle sera comme une femme qui, entre les douleurs de l'enfantement, apres avoir enduré des violentes tranchees, des convulsions cruelles et des detresses insupportables, meurt en fin sans pouvoir enfanter.

  A005000593 

 Certes, je ne voudrois pas asseurer que cette veùe de la beauté de Dieu, que les malheureux auront comme en eloyse et a guise d'un esclair, doive estre de mesme clarté que celle des Bienheureux; mais elle sera pourtant si claire qu' ilz verront le Filz de l'homme en sa majesté, ilz verront Celuy qu'ilz ont percé, et par la veüe de cette gloire connoistront la grandeur de leur perte.

  A005000593 

 O si Dieu avoit defendu a l'homme de l'aymer, que de regretz es ames genereuses! que ne feroyent elles pas pour en obtenir la permission! David entra au hazard d'un combat extremement rude, pour avoir la fille du Roy; et qu'est ce que ne fit pas Jacob pour pouvoir espouser Rachel, et le prince Sichem, pour avoir Dina en mariage? Les damnés s'estimeroyent bienheureux s'ilz pensoyent de pouvoir quelque fois aymer Dieu, et les Bienheureux s'estimeroyent damnés s'ilz croyoient de pouvoir estre une fois privés de cet amour sacré..

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000599 

 O Dieu, quelle joye, quand, establis en ces eternelz tabernacles, nos espritz seront en ce mouvement perpetuel emmi lequel ilz auront le repos tant desiré de leur eternelle dilection!.

  A005000604 

 Et ne faut pas non plus, Theotime, que pendant l'enfance de nostre vie mortelle, nous laissions de faire ce qui est en nous, selon qu'il nous est commandé; puisque non seulement nous le pouvons, mais il est tres aysé, tout ce commandement estant de l'amour, et de l'amour de Dieu, qui, estant souverainement bon, est souverainement aymable.

  A005000604 

 Tandis que nous sommes petitz enfans, nous sommes sages comme petitz enfans, nous parlons en petitz enfans, nous aymons comme petitz enfans; mais quand nous serons parfaitz la haut au Ciel, nous serons quittes de nostre enfance et aymerons Dieu parfaittement.

  A005000608 

 Qui dit tout ne forclost rien; et toutefois, un homme ne laissera pas d'estre tout a Dieu, tout a son pere, tout a sa mere, tout au prince, tout a la republique, tout a ses enfans, tout a ses amis: en sorte qu'estant tout a un chacun, il sera encor tout a tous.

  A005000609 

 L'homme se donne tout par l'amour, et se donne tout autant qu'il ayme: il est donq souverainement donné a Dieu lhors qu'il ayme souverainement sa divine bonté; et quand il s'est ainsy donné il ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu.

  A005000609 

 Or, jamais aucun amour n'oste nos cœurs a Dieu, sinon celuy qui luy est contraire.

  A005000610 

 Certes, Theotime, la haut en Paradis Dieu se donnera tout a nous, et non pas en partie, puysque c'est un tout qui n'a point de parties; mais il se donnera pourtant diversement, et avec autant de differences qu'il y aura de Bienheureux: ce qui se fera ainsy, parce que, se donnant tout a tous et tout a un chacun, il ne se donnera jamais totalement ni a pas un en particulier, ni a tous en general.

  A005000610 

 Que si au Ciel, ou ces paroles, Tu aymeras le [172] Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, seront si excellemment prattiquees, on aura des si grandes differences en l'amour, ce n'est pas merveille si en cette vie mortelle il y en a beaucoup..

  A005000611 

 Theotime, non seulement entre ceux qui ayment Dieu de tout leur cœur il y en a qui l'ayment plus et les autres moins, mais une mesme personne se surpasse maintefois soy mesme en ce souverain exercice de la dilection de Dieu sur toutes choses.

  A005000612 

 Ains, il n'y a point de doute que David, pris a part, ne fut grandement dissemblable a soy mesme en cet amour; et qu'avec son second cœur, que Dieu crea net et pur en luy, et avec son esprit droit, que Dieu renouvella en ses entrailles par la tressainte pœnitence, il ne chantast beaucoup plus melodieusement le cantique de sa dilection, qu'il n'avoit jamais fait avec son cœur et son esprit premier..

  A005000612 

 Et nonobstant cela, elle ne laisse pas de dire qu'Ezechias n'eut point son semblable entre tous les roys de Juda, ni devant ni apres luy, qu'il s'unit a Dieu et [173] ne se destourna point de luy: puis, traittant de Josias, elle dit qu' il n'y eut aucun roy devant luy qui luy fust semblable, qui se retournast au Seigneur de tout son cœur, de toute son ame et de toute sa force selon toute la loy de Moyse; nul aussi apres luy ne s'esleva de semblable.

  A005000612 

 O Seigneur, disoit David, je vous ay cherché de tout mon cœur; J'ay crié de tout mon cœur, Seigneur, exauces moy; et la sacree Parole tesmoigne que vrayement il avoit suivi Dieu de tout son cœur.

  A005000612 

 Voyes donq, Theotime, je vous prie, voyes comme David, Ezechias et Josias aymerent Dieu de tout leur cœur, et que neanmoins ilz ne l'aymerent pas tous troys egalement, puisque aucun de ces troys n'eut son semblable en cet amour, ainsy que dit le sacré Texte.

  A005000613 

 Tous les vrays amans sont egaux en ce que tous donnent tout leur cœur a Dieu, et de toute leur force, mais ilz sont inegaux en ce qu'ilz le donnent tous diversement et avec des differentes façons; dont les uns donnent tout leur cœur de toute leur force moins parfaitement que les autres.

  A005000614 

 Et pourquoy avoit il servi Laban, sinon pour avoir Rachel qu'il aymoit de toutes ses forces? Il sert Laban de toutes ses forces, il sert Dieu de toutes ses forces; il ayme Rachel de toutes ses forces, il ayme Dieu de toutes ses forces: mais il n'ayme pas pour cela Rachel comme Dieu, ni Dieu comme Rachel.

  A005000614 

 Il ayme Dieu comme son Dieu, sur toutes choses et plus que soy mesme; il ayme Rachel comme sa femme, sur toutes les autres femmes et comme luy mesme.

  A005000614 

 Il ayme Dieu de l'amour absolument et souverainement supreme, et Rachel, du supreme amour nuptial; et l'un des amours n'est point contraire a l'autre, puisque celuy de Rachel ne viole point les privileges et advantages souverains de celuy de Dieu..

  A005000614 

 Ouy mesme Jacob, qui est appelle le saint de Dieu, en Daniel, et que Dieu proteste d'avoir aymé, confesse luy mesme qu'il avoit servi Laban de toutes ses forces.

  A005000615 

 De sorte, Theotime, que le prix de l'amour que nous portons a Dieu depend de l'eminence et excellence du motif pour lequel et selon lequel nous l'aymons, en ce que nous l'aymons pour sa souveraine infinie bonté, comme Dieu et selon qu'il est Dieu.

  A005000615 

 Or, une goutte de cet amour vaut mieux, a plus de force et merite plus d'estime que tous les autres amours qui jamais puissent estre es coeurs des hommes et parmi les choeurs des Anges; car tandis que cet amour vit, il regne et tient le sceptre sur toutes affections, faysant preferer Dieu en sa volonté a toutes choses indifferemment, universellement et sans reserve.

  A005000620 

 Entre lesquelles il y en a qui, estant nouvellement delivrees de leurs pechés et bien resolues d'aymer Dieu, sont neanmoins encor novices, apprentisses, tendres et foibles: si que elles ayment voirement la divine suavité, mais avec meslange de tant d'autres differentes affections, que leur amour sacré estant encor comme en son enfance, elles ayment avec Nostre Seigneur quantité de choses superflues, vaynes et dangereuses.

  A005000621 

 Certes, comme les menus desreglemens en paroles, en gestes, en habitz, en passetems et folastreries, ne sont pas a proprement parler contre la volonté de Dieu, aussi ne sont ilz pas selon icelle, ains hors d'icelle et sans icelle..

  A005000622 

 Dieu vouloit qu'Adam aymast tendrement Eve, mais non pas aussi si tendrement que pour luy complaire il violast l'ordre que sa divine Majesté luy avoit donné: il n'ayma pas donq une chose superflue ni de soy mesme dangereuse, mais il l'ayma avec superfluité et dangereusement.

  A005000622 

 Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000622 

 Mays il y a des ames qui, ayant des-ja fait quelque progres en l'amour divin, ont retranché tout l'amour qu'elles avoyent aux choses dangereuses, et neanmoins ne laissent pas d'avoir des amours dangereux et superflus, parce qu'elles affectionnent avec exces et par un amour trop tendre et passionné ce que Dieu veut qu'elles ayment.

  A005000622 

 Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré..

  A005000627 

 Car ainsy ces ames n'ayment rien si ce n'est en Dieu, quoy que toutefois elles ayment plusieurs choses avec Dieu, et Dieu avec plusieurs choses.

  A005000627 

 Or il y a des autres ames qui n'ayment ni les superfluités ni avec superfluité, ains ayment seulement ce que Dieu veut et comme Dieu veut: ames heureuses, puisqu'elles ayment Dieu, et leurs amis en Dieu, et leurs ennemis pour Dieu; elles ayment plusieurs choses avec Dieu, mais pas une sinon en Dieu et pour Dieu; c'est Dieu qu'elles ayment non seulement sur toutes choses mais en toutes choses, et toutes choses en Dieu; semblables au phœnix parfaitement rajeuni et revigoré, que l'on ne void jamais qu'en l'air ou sur les coupeaux des montz qui sont en l'air.

  A005000627 

 Saint Luc recite que Nostre Seigneur invita a sa suite un jeune homme qui l'aymoit voirement bien fort, mais il aymoit encor grandement son pere, et pour cela vouloit retourner a luy; et Nostre Seigneur luy retranche cette superfluité d'amour et l'excite a un amour plus pur, affin que non seulement il ayme Nostre Seigneur plus que son pere, mais qu'il n'ayme son pere qu'en Nostre Seigneur: Laisse aux mortz le soin d'ensevelir leurs mortz, mais quant a toy, qui as treuvé la vie, va, et annonce le Royaume de Dieu.

  A005000628 

 Celuy qui pese une des petites boulettes du cœur de sainte Claire de Montefalco y treuve autant de poids comme il en treuve les pesant toutes trois ensemble; ainsy le grand amour treuve Dieu autant aymable luy seul que toutes les creatures avec luy ensemble, d'autant qu'il n'ayme toutes les creatures qu'en Dieu et pour Dieu..

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000628 

 Or, cette sacree amante n'ayme non plus son Roy avec tout l'univers que s'il estoit tout seul sans univers, parce que tout ce qui est hors de Dieu et n'est pas Dieu ne luy est rien.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000629 

 Car, je vous prie, Theotime, que devoit estre celuy qui de tout son cœur chantoit a Dieu:.

  A005000634 

 Et celuy qui s'escrioit: J'ay estimé toutes choses boüe et fange affin de m'acquerir Jesus Christ, ne tesmoigna-il pas qu'il n'aymoit rien hors de son Maistre, [183] et qu'il aymoit son Maistre hors de toutes choses? Et quel pouvoit estre le sentiment de ce grand amant qui souspiroit toute la nuit: «Mon Dieu est pour moy toutes choses?» Telz furent saint Augustin, saint Bernard, les deux saintes Catherines, de Sienne et de Gennes, et plusieurs autres, a l'imitation desquelz un chacun peut aspirer a ce divin degré d'amour.

  A005000634 

 Et de mesme, ces grandes ames n'ayment pas, a proprement parler, les creaturès en elles mesmes, ains en leur Createur, et leur Createur en icelles: que si elles s'attachent par la loy de la charité a quelque creature, ce n'est que pour se reposer en Dieu, unique et finale pretention de leur amour; si que, treuvant Dieu es creatures et les creatures en Dieu, elles ayment Dieu et non les creatures, comme ceux peschent aux perles qui, treuvans les perles dans les ouïstres, n'estiment toutefois leur pesche que pour les seules perles..

  A005000635 

 Et de mesme il arrive quelquefois aux ames qui sont au rang des uniques et parfaites amantes, qu'elles se demettent et relaschent bien fort, voire mesme jusques a commettre des grandes imperfections et des fascheux pechés venielz; comme on void en plusieurs dissentions asses aigres, survenues entre des grans serviteurs de Dieu, ouï mesme entre quelques uns des divins Apostres, que l'on ne peut nier estre tumbés en quelques imperfections, par lesquelles la charité n'estoit pas certes violee, mais ouy bien toutefois la ferveur d'icelle.

  A005000635 

 Or, d'autant neanmoins que ces grandes ames aymoient pour l'ordinaire Dieu de l'amour parfaitement pur, on ne doit pas laisser de dire qu'elles ont esté en l'estat de la parfaite dilection: car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais aucun fruit veneneux, mais ouï bien du fruit verd ou vereux et taré, du guy et de la mousse, ainsy les grans Saintz ne produisent jamais aucun peché mortel, mais ouï bien des actions inutiles, mal meures, aspres, rudes et mal assaysonnees.

  A005000640 

 C'est l'amour qui doit prevaloir [186] sur tous nos amours et regner sur toutes nos passions: et c'est ce que Dieu requiert de nous, qu'entre tous nos amours le sien soit le plus cordial, dominant sur tout nostre cœur; le plus affectionné, occupant toute nostre ame; le plus general, employant toutes nos puissances; le plus relevé, remplissant tout nostre esprit, et le plus ferme, exerçant toute nostre force et vigueur.

  A005000640 

 Et parce que par iceluy nous choisissons et elisons Dieu pour le souverain object de nostre esprit, c'est un amour de souveraine election ou une election de souverain amour..

  A005000641 

 C'est cette supreme dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos ames, et fait que nous prisons si hautement le bien de luy estre aggreables, que nous le [187] preferons et affectionnons sur toutes choses.

  A005000641 

 Escoute, Israël; ton Dieu il est seul Seigneur, et partant tu l'aymeras de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton entendement et de toute ta force: parce que Dieu est seul Seigneur et que sa bonté est infiniment eminente au dessus de toute bonté, il le faut aymer d'un amour relevé, excellent et puissant au dessus de toute comparayson.

  A005000641 

 L'amour de Dieu est l'amour sans pair, parce que la bonté de Dieu est la bonté nompareille.

  A005000641 

 Or, ne voyes vous pas, Theotime, que quicomque ayme Dieu de cette sorte, il a toute son ame et toute sa force dediee a Dieu? puisque tous-jours et a jamais, en toutes occurrences, il preferera la bonne grace de Dieu a toutes choses, et sera tous-jours prest de quitter tout l'univers pour conserver l'amour qu'il doit a la divine Bonté.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000646 

 Entre tous les amours, celuy de Dieu doit estre tellement preferé qu'on soit disposé a les quitter tous pour celuy ci seul..

  A005000646 

 Lhors que le saint et brave gentilhomme Joseph conneut que l'amour de sa maistresse tendoit a la ruine de celuy qu'il devoit a son maistre: Ah, dit il, Dieu m'en garde de violer le respect que je dois a mon maistre qui se confie tant en moy! comment donq pourrois-je perpetrer ce crime et pecher contre mon Dieu? Tenes, Theotime, voyla trois amours dans le cœur de l'aymable Joseph, car il ayme sa dame, son maistre et Dieu; mais lhors que celuy de sa dame s'oppose a celuy de son maistre, il le quitte tout court et s'enfuit, comme il eust aussi quitté celuy de son maistre s'il eust esté contraire a celuy de son Dieu.

  A005000649 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005000649 

 Les connilles ont une fertilité incomparable; les elephantes ne font jamais qu'un veau, mais ce seul elephanteau vaut mieux que tous les connilz du monde: les amours que l'on a pour les creatures foisonnent bien souvent en multitude de productions; mais quand l'amour sacré fait son œuvre, il le fait si eminent qu'il surpasse tout, car il fait preferer Dieu a toutes choses sans reserve.

  A005000653 

 O mon cher Theotime, que la force de cet amour de Dieu sur toutes choses doit donq avoir une grande estendue! Il doit surpasser toutes les affections, vaincre toutes les difficultés et preferer l'honneur de la bienveuillance de Dieu a toutes choses; mais je dis a toutes choses absolument, sans exception ni reserve quelconque.

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000657 

 Comme peut vouloir mourir pour Dieu celuy qui ne veut pas vivre selon Dieu?.

  A005000657 

 Il est donq vray, mon Theotime, que ce ne nous est pas asses d'aymer Dieu plus que nostre propre vie, si nous ne l'aymons generalement, absolument et sans exception quelconque, plus que tout ce que nous affectionnons ou pouvons affectionner.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000662 

 Puis en fin l'ayant obtenue, il negligea toutes autres affections, ne tenant mesme presqu'aucun conte du devoir qu'il avoit a Lia, sa premiere espouse, femme de grand merite et bien digne d'estre cherie, et du mespris de laquelle Dieu mesme eut compassion, tant il estoit remarquable..

  A005000664 

 Et toutefois, revenans a nous, o vray Dieu, combien de fois faisons nous des elections infiniment plus honteuses et miserables! Le grand saint Augustin prit un jour playsir de voir et contempler a loysir des mandragores pour mieux pouvoir discerner la cause pour laquelle Rachel les avoit si ardemment desirees, et il treuva qu'elles estoyent voirement belles a la veüe et d'aggreable senteur, mais du tout insipides et sans [198] goust.

  A005000667 

 Celuy qui a dit: Tu ne tueras point, a dit aussi: Tu ne seras point luxurieux; que si tu ne tues point, mais tu commetz la luxure, ce n'est donq pas pour l'amour de Dieu que tu ne tues pas, ains c'est par quelqu'autre motif qui te fait choisir ce commandement plustost que l'autre: choix qui fait l'heresie en matiere de charité.

  A005000667 

 Or il en est de mesme es articles de la charité: c'est heresie en la dilection sacree de faire choix entre les commandemens de Dieu, pour en vouloir prattiquer les uns et violer les autres.

  A005000671 

 Aristote a eu rayson de dire que le bien est voirement aymable, mays a un chacun principalement son bien propre, de sorte que l'amour que nous avons envers autruy provient de celuy que nous avons envers nous mesmes; car comme pouvoit dire autre chose un philosophe qui non seulement n'ayma pas Dieu, mays ne parla mesme presque jamais de l'amour de Dieu? Amour de Dieu neanmoins qui precede tout amour de nous mesmes, voire selon l'inclination naturelle de nostre volonté, ainsy que j'ay declairé au premier Livre..

  A005000672 

 Ainsy les Bienheureux sont ravis et necessités, quoy que non forcés, d'aymer Dieu, duquel ilz voyent clairement la souveraine beauté; ce que l'Escriture monstre asses quand elle compare le contentement qui comble les cœurs de ces glorieux habitans de la Hierusalem celeste a un torrent et fleuve impetueux, duquel on ne peut empescher les ondes qu'elles ne s'espanchent sur les plaines qu'elles rencontrent..

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000677 

 Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes.

  A005000681 

 Car c'est en cette qualité-la, Theotime, que nous appartenons a Dieu d'une si estroitte alliance et d'une si aymable dependance, qu'il ne fait nulle difficulté de se dire nostre Pere et nous nommer ses enfans; c'est en cette qualité que nous sommes capables d'estre unis a sa divine essence par la jouissance de sa souveraine bonté et felicité; c'est en cette qualité que nous recevons sa grace et que nos espritz sont associés au sien tressaint, rendus, par maniara de dire, participans de sa divine nature: comme dit saint Leon.

  A005000681 

 Comme Dieu crea l'homme a son image et semblance, aussi a-il ordonné un amour pour l'homme a l'image et semblance de l'amour qui est deu a sa Divinité: Tu aymeras, dit il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur; c'est le premier et le plus grand commandement.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000681 

 Pourquoy aymons nous Dieu, Theotime? «La cause pour laquelle on ayme Dieu,» dit saint Bernard, «c'est Dieu mesme;» comme s'il disoit que nous aymons Dieu parce qu'il est la tres souveraine et tres infinie bonté.

  A005000681 

 Pourquoy nous aymons-nous nous mesmes en charité? Certes, c'est parce que nous sommes l'image et semblance de Dieu.

  A005000682 

 Theotime, aymer le prochain par charité c'est aymer Dieu en l'homme ou l'homme en Dieu; c'est cherir Dieu seul pour l'amour de luy mesme, et la creature pour l'amour d'iceluy.

  A005000683 

 Et c'est pourquoy non seulement le divin amour commande maintefois l'amour du prochain, mais il le produit et respand luy mesme dans le coeur humain comme sa ressemblance et son image; puisque tout ainsy que l'homme est l'image de Dieu, de mesme l'amour sacré de l'homme envers l'homme est la vraye image de l'amour celeste de l'homme envers Dieu..

  A005000683 

 Et pourquoy donq? O Theotime, pour l'amour de Dieu qui l'a formee a son image et semblance, et par consequent rendue capable de participer a sa bonté en la grace et en la gloire; pour l'amour de Dieu, dis-je, de qui elle est, a qui elle est, par qui elle est, en qui elle est, pour qui elle est, et qu'elle ressemble d'une façon toute particuliere.

  A005000683 

 Hé, vray Dieu, Theotime, quand nous voyons un prochain creé a l'image et semblance de Dieu, ne devrions-nous pas dire les uns aux autres: Tenes, voyes cette creature, comme elle ressemble au Createur? ne devrions-nous pas nous jetter sur son visage, la caresser et pleurer d'amour pour elle? ne devrions-nous pas luy donner mille et mille benedictions? Et quoy donq? pour l'amour d'elle? Non certes, car nous ne sçavons pas si elle est digne d'amour ou de hayne en elle mesme.

  A005000694 

 Dieu dit ainsy: Je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux; Le Seigneur a pour son nom, jaloux.

  A005000694 

 Dieu donques est jaloux, Theotime: mais quelle est sa jalousie? Certes, elle semble d'abord estre une jalousie de convoytise, telle qu'est celle des maris pour leurs femmes; car il veut que nous soyons tellement siens, que nous ne soyons en façon quelconque a personne qu'a luy: Nul, dit-il, ne peut servir a deux maistres.

  A005000694 

 Et si, il a rayson, ce grand Dieu tout uniquement bon, de vouloir tres parfaitement tout nostre cœur, [209] car nous avons un cœur petit, qui ne peut pas asses fournir d'amour pour aymer dignement la divine Bonté: n'est-il pas donques convenable que, ne luy pouvant donner tout l'amour qu'il seroit requis, il luy donne pour le moins tout celuy qu'il peut? Le bien qui est souverainement aymable ne doit-il pas estre souverainement aymé? Or, aymer souverainement, c'est aymer totalement..

  A005000695 

 Cette jalousie neanmoins que Dieu a pour nous, n'est pas en effect une jalousie de convoytise, ains de souveraine amitié; car ce n'est pas son interest que nous l'aymions, c'est le nostre.

  A005000697 

 Un jour sainte Catherine de Sienne estoit en un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, et tandis que Dieu luy faisoit voir des merveilles, un sien frere passa pres d'elle, qui faysant du bruit la divertit, en sorte qu'elle se retourna pour le regarder un seul petit moment.

  A005000698 

 C'est pourquoy elle n'est pas jalouse d'une jalousie interessee, mais d'une jalousie pure, qui ne procede d'aucune convoitise, ains d'une noble et simple amitié: jalousie laquelle par apres s'estend jusques au prochain, avec l'amour duquel elle procede; car, puisque nous aymons le prochain pour Dieu comme nous mesmes, nous sommes aussi jaloux de luy pour Dieu comme nous le sommes de nous mesmes, de sorte que nous voudrions bien mourir pour l'empescher de perir..

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000699 

 Or, comme le zele est une ardeur enflammee ou une inflammation ardente de l'amour, il a aussi besoin d'estre sagement et prudemment prattiqué; autrement, sous pretexte d'iceluy, on violeroit les termes de la modestie ou discretion, et seroit aysé de passer du zele a la cholere et d'une juste affection a une inique passion: c'est pourquoy, n'estant pas ici le lieu de marquer les conditions du zele, mon Theotime, je vous advertis que pour l'execution d'iceluy vous ayes tous-jours recours a celuy que Dieu vous a donné pour vostre conduite en la vie devote.

  A005000703 

 Theotime, qui veut bien voir quel zele ou quelle jalousie nous devons avoir pour Dieu, il ne faut sinon bien exprimer la jalousie que nous avons pour les choses humaines, et puis la renverser; car telle devra estre celle que Dieu requiert de nous pour luy..

  A005000704 

 Le cœur de Dieu est si abondant en amour, son bien est si fort infini, que tous le peuvent posseder sans qu'un chacun pour cela le possede moins, cette infinité de bonté ne pouvant estre espuisee, quoy qu'elle remplisse tous les espritz de l'univers; car apres que tout en est comblé, son infinité luy demeure tous-jours toute entiere, sans diminution quelcomque.

  A005000704 

 Le soleil ne regarde pas moins une rose avec mille millions d'autres fleurs que s'il ne regardoit qu'elle seule; et Dieu ne respand pas moins son amour sur une ame, encor qu'il en ayme une infinité d'autres, que s'il n'aymoit que celle la seule, la force de sa dilection ne diminuant point pour la multitude des rayons qu'elle respand, ains demeurant tous-jours toute pleine de son immensité..

  A005000705 

 Mays en quoy donq consiste le zele ou la jalousie que nous devons avoir pour la divine Bonté? Theotime, son office est premierement de haïr, fuir, empescher, detester, rejetter, combattre et abbattre, si l'on peut, tout ce qui est contraire a Dieu, c'est a dire a sa volonté, a sa gloire et a la sanctification de son nom.

  A005000706 

 Ainsy veut dire le glorieux saint Paul a ses Corinthiens: J'ay esté envoyé de Dieu a vos ames pour traitter le mariage d'une eternelle union entre son Filz nostre Sauveur et vous, et je vous ay promis a luy pour vous representer, ainsy qu'une vierge chaste, a ce divin Espoux; et voyla pourquoy je suis jaloux, non de ma jalousie, mais de la jalousie de Dieu, au nom duquel j'ay traitté avec vous.

  A005000706 

 Quel zele des enfans de Jacob, quand ilz sceurent que Dina avoit esté violee! Quel zele de Job, sur l'apprehension et crainte qu'il avoit que ses enfans n'offençassent Dieu! Quel zele de saint Paul pour ses freres selon la chair et pour ses enfans selon Dieu, pour lesquelz il avoit desiré d'estre exterminé comme criminel d'anatheme et d'excommunication! Quel zele de Moyse envers son peuple, pour lequel il veut bien, en certaine façon, estre rayé du livre de vie!.

  A005000706 

 nous rend ardemment jaloux pour la pureté des ames qui sont espouses de Jesus Christ, selon le dire du saint Apostre aux Corinthiens: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, car je vous ay promis a un homme, a sçavoir, de vous representer une vierge chaste a Jesus Christ.

  A005000707 

 En la jalousie humaine nous craignons que la chose aymee ne soit possedee par quelqu'autre; mais le zele que nous avons envers Dieu fait que, au contraire, nous redoutons sur toutes choses que nous ne soyons pas asses entierement possedés par iceluy.

  A005000715 

 Mais oyes, Theotime, ce que Dieu fit pour corriger l'aspreté de la passion dont le pauvre Carpus estoit outré.

  A005000720 

 Il est vray certes, mon ami Theotime, que Moyse, Phinees, Helie, Mathathias et plusieurs grans serviteurs de Dieu se servirent de la cholere pour exercer leur zele en beaucoup d'occasions signalees: mays notes, je vous prie, que c'estoyent aussi des grans personnages, qui sçavoyent bien manier leurs passions et ranger leurs choleres; pareilz a ce brave capitaine de l'Evangile qui disoit a ses soldatz: Alles, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000723 

 Ces grans Saintz estoyent inspirés de Dieu immediatement, et partant pouvoyent bien employer leur cholere sans peril; car le mesme Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les resnes de leur juste courroux, affin qu'il n'outrepassast les limites qu'il leur avoit prefigees.

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000726 

 Ainsy l'Espouse celeste confesse que l'amour estant fort comme la mort, laquelle sapara l'ame du cors, le zele, qui est un amour ardent, est encor bien plus fort, car il ressemble a l'enfer qui sapara l'ame de la veue de Nostre Seigneur: mays jamais il n'est dit ni ne se peut dire que l'amour ou le zele soit semblable au paché, qui seul separe de la grace de Dieu.

  A005000726 

 Et comme nostre Sauveur porta de sorte les pechés du monde, et fut fait tellement anatheme, sacrifié pour le peché et delaissé de son Pere qu'il ne laissa pas d'estre perpetuellement le Filz bienaymé, auquel le Pere prenoit son bon playsir, aussi le saint Apostre desira bien d'estre anatheme et separé de son Maistre pour estre abandonné d'iceluy et delaissé a la merci des opprobres et punitions deues aux Juifz, mais il ne desira pas pourtant jamais d'estre privé de la charité et grace de son Seigneur, de laquelle rien aussi ne le pouvoit jamais separer; c'est a dire, il desira d'estre traitté comme un homme separé de Dieu, mais il ne desira pas d'en estre par effect separé, ni privé de sa grace, car cela ne peut estre saintement desiré.

  A005000731 

 La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?.

  A005000732 

 Celuy qui [230] habitoit en soy mesme habite maintenant en nous, et Celuy qui estoit vivant es siecles dans le sein de son Pere eternel fut par apres mortel dans le giron de sa Mere temporelle; Celuy qui vivoit eternellement de sa vie divine vescut temporellement de la vie humaine, et Celuy qui jamais eternellement n'avoit esté que Dieu sera eternellement a jamais encor homme, tant l'amour de l'homme a ravi Dieu et l'a tiré a l'extase!.

  A005000732 

 Et Celuy duquel si souvent il est escrit: Je vis moy mesme, dit le Seigneur, il a peu dire par apres, selon le langage de son Apostre: Je vis moy mesme, non plus moy mesme, mais l'homme vit en moy; Ma vie c'est l'homme, et mourir pour l'homme c'est mon proffit; Ma vie est cachee avec l'homme en Dieu.

  A005000732 

 Il a esté en extase, non seulement en ce que, comme dit saint Denis, a cause de l'exces de son amoureuse bonté il devient en certaine façon hors de soy mesme, estendant sa providence sur toutes choses et se treuvant en toutes choses; mais aussi en ce que, comme dit saint Paul, il s'est en quelque sorte quitté soy mesme, il s'est vuidé de soy mesme, il s'est espuisé de sa grandeur, de sa gloire, il s'est demis du throsne de son incomprehensible majesté, et, s'il faut ainsy parler, il s'est aneanti soy mesme pour venir a nostre humanité nous remplir de sa Divinité, nous combler de sa bonté, nous eslever a sa dignité et nous donner le divin estre d'enfans de Dieu.

  A005000732 

 Il nous ayma d'amour de bienveuillance, jettant sa propre Divinité en l'homme, en sorte que l'homme fut Dieu.

  A005000732 

 Il s'unit a nous par une conjunction incomprehensible, en laquelle il adhera et se serra a nostre nature si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si estroittement joint et pressé a l'humanité qu'est maintenant la tressainte Divinité en la Personne du Filz de Dieu.

  A005000735 

 O Dieu! Theotime, quel brasier pour nous enflammer a faire les exercices du saint amour pour le Sauveur tout bon, voyans qu'il les a si amoureusement prattiqués pour nous qui sommes si mauvais! Cette charité donq de Jesus Christ nous presse..

  A005000743 

 Et toutefois, quoy que cela fut ainsy mince et environné de plusieurs imperfections, Dieu en sçavoit gré a ces pauvres gens et les en recompensoit abondamment..

  A005000743 

 La vertu est si aymable de sa nature que Dieu la favorise par tout ou il la void.

  A005000744 

 Or, toutes Egyptiennes et payennes qu'elles estoyent, elles craignirent d'offencer Dieu par une cruauté si barbare et desnaturee, comme eust esté celle du massacre de tant de petitz enfans: dequoy la divine Douceur leur sceut si bon gré, qu'elle leur edifia des maysons, c'est a dire les rendit plantureuses en enfans et en biens temporelz..

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Nabuchodonosor, roy de Babylone, avoit combattu en une guerre juste contre la ville de Tyr que la justice divine vouloit chastier; et Dieu dit a Ezechiel qu'en recompense il donneroit l'Egypte en proye a Nabuchodonosor et a son armee, parce, dit Dieu, qu'ilz ont travaillé pour moy.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000748 

 Car les ennemis de l'homme sont ardens, remuans et en perpetuelle action pour le precipiter, et quand ilz voyent qu'il n'arrive point d'occasion de prattiquer les vertus ordonnees, ilz suscitent mille tentations pour nous faire tumber es choses prohibees; et lhors la nature, sans la grace, ne se peut garentir du precipice: car si nous vainquons, Dieu nous donne la victoire par Jesus Christ, ainsy que [238] dit saint Paul.

  A005000748 

 Le pecheur peut voirement bien observer quelques uns des commandemens par ci par la, ains il peut mesme les observer tous pour quelque peu de tems, lhors qu'il ne se presente point de sujet relevé auquel il faille prattiquer les vertus commandees, ou de tentation pressante de commettre le peché defendu: mais que le pecheur puisse vivre long tems en son peché sans en adjouster des nouveaux, certes cela ne se peut sans une speciale protection de Dieu.

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 Fendes donq vostre cœur par la sainte penitence, et mettes l'amour de Dieu dans la fente; puis, entes sur iceluy telle vertu que vous voudres, et les œuvres qui en proviendront seront parfumees de sainteté, sans qu'il soit besoin d'autre soin pour cela..

  A005000753 

 Mais les vertus qui se treuvent es amis de Dieu, quoy qu'elles ne soyent que morales et naturelles selon leur propre condition, sont neanmoins anoblies et relevees a la dignité d'œuvres saintes, a cause de l'excellence du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Plantés en la mayson du Seigneur, ilz fleuriront es parvis de la mayson de nostre Dieu.

  A005000753 

 Puisque le juste est planté en la mayson de Dieu, ses feuilles, ses fleurs et ses fruitz y croissent et sont dediés au service de sa Majesté: il est comme l'arbre planté pres le courant des eaux, qui porte son fruit en son tems; ses feuilles mesmes ne tumbent point, tout ce qu'il fait prosperera.

  A005000753 

 Toutes les œuvres vertueuses d'un cœur ami de Dieu sont dediees a Dieu: car, le cœur qui s'est donné soy mesme, comme n'a-il pas donné tout ce qui depend de luy mesme? qui donne l'arbre sans reserve, ne donne-il pas aussi les feuilles, les fleurs et les fruitz? Le juste fleurira comme la palme, il croistra comme le cedre du Liban.

  A005000754 

 Ainsy Dieu regarda au bon Abel premierement, et puis a ses offrandes; en sorte que les offrandes prirent leur grace et dignité devant les yeux de Dieu, de la bonté et pieté de celuy qui les presentoit.

  A005000754 

 O bonté souveraine de ce grand Dieu, laquelle favorise tant ses amans qu'elle cherit leurs moindres petites actions, pour peu qu'elles soyent bonnes, et les anoblit excellemment, leur donnant le tiltre et la qualité de saintes! Hé, c'est en contemplation de son Filz bienaymé duquel il veut honnorer les enfans adoptifs, sanctifiant tout ce qui est de bon en eux: les os, les cheveux, les vestemens, les sepulchres et jusques a l'ombre de leurs cors; la foy, l'esperance, l'amour, la religion, ouy mesme la sobrieté, la courtoisie, l'affabilité de leurs cœurs..

  A005000754 

 Si vous voules rendre sainte la vertu humaine et morale d'Epictete, de Socrates ou de Demades, faites la seulement prattiquer par une ame vrayement chrestienne, c'est a dire qui ait l'amour de Dieu.

  A005000755 

 Car, comme ce grand prophete et prince Job, quoy qu'il fut issu de race payenne et habitant de la terre Hus, ne laissa pas d'appartenir a Dieu, ainsy les vertus morales, quoy que provenues d'un cœur pecheur, ne laissent pas d'appartenir a Dieu; mays quand ces mesmes vertus se treuvent en un cœur vrayement chrestien, c'est a dire doué du saint amour, alhors non seulement elles appartiennent a Dieu, mais elles ne sont point inutiles en Nostre Seigneur, ains sont rendues fructueuses et pretieuses devant les yeux de sa bonté.

  A005000755 

 «Adjoustes a un homme la charité,» dit saint Augustin, «tout profite; ostes en la charité, tout le reste ne profite plus:» et a ceux qui ayment Dieu toutes choses cooperent en bien, dit l'Apostre..

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000759 

 Mays il y a des vertus qui, a rayson de leur naturelle alliance et correspondance avec la charité, sont aussi beaucoup plus capables de recevoir la pretieuse influence de l'amour sacré, et par consequent la communication de la dignité et valeur d'iceluy: telles sont la foy et l'esperance, qui, avec la charité, regardent immediatement Dieu, et la religion avec la penitence et devotion, [242] qui s'employent a l'honneur de sa divine Majesté.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000761 

 C'est pourquoy, Theotime, entre toutes les actions vertueuses nous devons soigneusement prattiquer celles de la religion et reverence envers les choses divines, celles de la foy, de l'esperance et de la tressainte crainte de Dieu; parlans souvent des choses celestes, pensans et aspirans a l'eternité, hantant les eglises et services sacrés, faysans des lectures devotes, observans les ceremonies de la religion chrestienne: car le saint amour se nourrit a souhait parmi ces exercices, et respand sur iceux plus abondamment ses graces et proprietés qu'il ne fait sur les actions des vertus simplement humaines; ainsy que le bel arc-en-ciel rend odorantes toutes les plantes sur lesquelles il tumbe, mais plus que toutes incomparablement celles de l'aspalatus.

  A005000766 

 Mais, outre cela, cette divine dilection ne laisse pas d'avoir deux actes issus proprement et extraitz d'elle mesme; dont l'un est l'amour effectif, qui, comme un autre Joseph, usant de la plenitude de l'authorité royale, sousmet et range tout le peuple de nos facultés, puissances, passions et affections a la volonté de Dieu, affin qu'il soit aymé, obei et servi sur toutes choses, rendant par ce moyen executé le grand commandement celeste: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton esprit, de toutes tes forces.

  A005000767 

 Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité..

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Mais tous-jours reciproquement aussi, apres qu'on a eslevé ces vertus particulieres, il faut rapporter tout leur honneur a l'amour sacré, qui a toutes donne la sainteté qu'elles ont: car, que veut dire autre chose le glorieux Apostre, inculquant que la charité est benigne, patiente, qu' elle croid tout, espere tout, supporte tout, sinon que la charité ordonne et commande a la patience de patienter, et a l'esperance d'esperer, et a la foy de croire? Il est vray, Theotime, qu'avec cela il signifie encor que l'amour est l'ame et la vie de toutes les vertus; comme s'il vouloit dire, que la patience n'est pas asses patiente, ni la foy asses fidele, ni l'esperance asses confiante, ni la debonnaireté asses douce, si l'amour ne les anime et vivifie: et c'est cela mesme que nous fait entendre ce mesme vaysseau d'election, quand il dit que sans la charité rien ne luy proffite, et qu'il n'est rien; car c'est comme s'il disoit que sans l'amour il n'est ni patient, ni debonnaire, ni constant, ni fidele, ni esperant ainsy qu'il est convenable pour estre serviteur de Dieu, qui est le vray et desirable estre de l'homme.

  A005000775 

 Ainsy, les menues vertus de Nostre Dame, de saint Jean, des autres grans Saintz, estoyent de plus grand prix devant Dieu que les plus relevees de plusieurs Saintz inferieurs, comme beaucoup des petitz eslans amoureux des Seraphins sont plus enflammés que les plus relevés des Anges du dernier ordre; ainsy que le chant des rossignolz apprentifs est plus harmonieux incomparablement que celuy des chardonneretz les mieux appris..

  A005000775 

 On peut souffrir la mort et le feu pour Dieu sans avoir la charité, ainsy que saint Paul presuppose et que je declaire ailleurs; a plus forte rayson, on la peut souffrir avec une petite charité: or je dis, Theotime, qu'il se peut bien faire qu'une fort petite vertu ait plus de valeur en une ame ou l'amour sacré regne ardemment, que le martyre mesme en une ame ou l'amour est alangouri, foible et lent.

  A005000776 

 Ainsy, Theotime, les petites simplicités, abjections et humiliations esquelles les grans Saintz se sont tant pleus pour se musser et mettre leur cœur a l'abri contre la vayne gloire, ayant esté faites avec une grande excellence de l'art et de l'ardeur du celeste amour, ont esté treuvees plus agreables devant Dieu que les grandes ou illustres besoignes de plusieurs autres, qui furent faites avec peu de charité et de devotion..

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000781 

 Pour Dieu, pesons ces paroles.

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000786 

 Mays, o Dieu, Theotime, que cette bonté est misericordieuse sur nous en ce partage! nous luy donnons la gloire de nos louanges, helas, et luy nous donne la gloire de sa jouissance, et en somme, par ces legers et passagers travaux nous acquerons des biens perdurables a toute eternité.

  A005000799 

 Or l'homme est en un lieu de delices, ou Dieu fait sourdre le fleuve de la rayson et lumiere naturelle pour arrouser tout le paradis de nostre cœur; et ce fleuve se divise en quatre chefs, c'est a dire prend quatre courans, selon les quatre regions de l'ame.

  A005000800 

 Or ces quatre fleuves, ainsy separés, se divisent par apres en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines puissent estre bien dressees a l'honnesteté et felicité naturelle; mais outre cela, Dieu voulant enrichir les Chrestiens d'une speciale faveur, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de leur esprit une [262] fontaine surnaturelle que nous appelions grace, laquelle comprend voirement la foy et l'esperance, mais qui consiste toutefois en la charité, qui purifie l'ame de tous pechés, puis l'orne et l'embellit d'une beauté tres delectable et en fin espanche ses eaux sur toutes les facultés et operations d'icelle, pour donner a l'entendement une prudence celeste, a la volonté une sainte justice, a l'appetit de convoitise une temperance sacree, et a l'appetit irascible une force devote, affin que tout le cœur humain tende a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005000802 

 Certes, mon Theotime, Dieu a respandu en nos ames les semences de toutes les vertus, lesquelles [263] neanmoins sont tellement couvertes de nostre imperfection et foiblesse qu'elles ne paroissent point, ou fort peu, jusques a ce que la vitale chaleur de la dilection sacree les vienne animer et resusciter, produisant par icelles les actions de toutes les vertus: si que, comme la manne contenoit en soy la varieté des saveurs de toutes les viandes, et en excitoit le goust dans la bouche des Israëlites, ainsy l'amour celeste comprend en soy la diversité des perfections de toutes les vertus, d'une façon si eminente et relevee qu'elle en produit toutes les actions en tems et lieu, selon les occurrences.

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000802 

 L'amour celeste excelle en l'une et l'autre façon: car treuvant des vertus en une ame (et pour l'ordinaire au moins y treuve-il la foy, l'esperance et la penitence), il les anime, il leur commande, et les employe heureusement au service de Dieu; et pour le reste des vertus, qu'il ne treuve pas, il fait luy mesme leurs factions, ayant autant et plus de force luy seul qu'elles ne sçauroyent avoir toutes ensemble..

  A005000803 

 Ainsy saint Thomas, en consideration de ce que saint Paul asseure que la charité est patiente, benigne, forte: «La charité,» dit il, fait et «accomplit les œuvres de toutes les vertus;» et saint Ambroise, escrivant a Demetrias, appelle la patience et les autres vertus, «membres de la charité;» et le grand saint Augustin dit que l'amour de Dieu comprend toutes les vertus et fait toutes leurs operations en nous.

  A005000803 

 Voyci ses paroles: «Ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre» (il entend les quatre vertus cardinales), «on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: de maniere que je ne ferois nul doute de definir ces quatre vertus en sorte que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choisit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuisible.».

  A005000808 

 Ce que repetant le Disciple [266] bienaymé: Qui observe les commandemens de Dieu, dit-il, la charité de Dieu est parfaite en iceluy; et: Celle cy est la charité de Dieu, que nous gardions ses commandemens.

  A005000810 

 Les vertus ont leurs commencemens, leurs progres et leur perfection, et je ne nie pas que sans la charité elles ne puissent naistre, voire mesme faire progres; mays qu'elles ayent leur perfection pour porter le tiltre de vertus faittes, formees et accomplies, cela depend de la charité, qui leur donne la force de voler en Dieu, [267] et recueillir de la misericorde d'iceluy le miel du vray merite et de la sanctification des cœurs esquelz elles se treuvent..

  A005000812 

 Mais pourtant, du meslange de l'obeissance avec la chasteté ne peut reuscir une vertu accomplie et parfaite, puisque la derniere perfection, qui est l'amour, leur manque a toutes deux: de sorte que, si mesmes il se pouvoit faire que toutes les vertus se treuvassent ensemble en un homme et que la seule charité luy manquast, cet assemblage de vertus seroit voirement un cors tres parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celuy d'Adam quand Dieu de sa main maistresse le forma du limon de la terre, mais cors neanmoins qui seroit sans mouvement, sans vie et sans grace, [268] jusques a ce que Dieu inspirast en iceluy le spiracle de vie c'est a dire la sacree charité, sans laquelle rien ne nous profite..

  A005000813 

 Certes, en aymant nous obeissons comme en obeissant nous aymons; mais si cette obeissance est si excellemment aymable, c'est parce qu'elle tend a l'excellence de l'amour, et sa perfection depend non de ce qu'en aymant nous obeissons, mais de ce qu'en obeissant nous aymons: de sorte que tout ainsy que Dieu est egalement la derniere fin de tout ce qui est bon comme il en est la premiere source, de mesme l'amour, qui est l'origine de toute bonne affection, en est pareillement la derniere fin et perfection..

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 O vray Dieu, Theotime, quelz vertueux voyla! et quels sages pouvoyent estre ces gens qui enseignoyent une si cruelle et brutale sagesse? Helas, dit le grand Apostre, croyans d'estre sages ilz ont esté faitz insensés, et leur fol esprit a esté obscurci; gens abandonnés au sens repreuvé.

  A005000824 

 Ainsy nos anciens Peres ont appellé les vertus des payens vertus et non vertus tout ensemble: vertus, parce qu'elles en ont la lueur et l'apparence; non vertus, parce que non seulement elles n'ont pas eu cette chaleur vitale de l'amour de Dieu qui seule les pouvoit perfectionner, mais elles n'en estoyent pas susceptibles, puisqu'elles estoyent en des sujetz infideles.

  A005000829 

 Le grand ami de Dieu, Abraham, n'eut de Sara, sa femme principale, que son trescher unique Isaac, qui seul aussi fut son heritier universel; et bien qu'il eust encor Ismael d'Agar, et plusieurs autres enfans de [275] Cetura, ses femmes servantes et moins principales, si est ce toutefois qu'il ne leur donna sinon quelques presens et legatz pour les des-jetter et exhereder, d'autant que n'estans pas advoüés de la femme principale ilz ne pouvoyent pas aussi luy succeder.

  A005000829 

 Theotime, il n'y a que les enfans, c'est a dire les actes, de la tressainte charité qui soyent heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus Christ, et les enfans ou actes que les autres vertus conçoivent et enfantent sur ses genoux, par son commandement, ou au moins sous les aisles et la faveur de sa presence.

  A005000832 

 O Dieu, Theotime, quel malheur! Si le juste se destourne de sa justice et qu'il face l'iniquité, on n'aura plus memoire de toutes ses justices, il mourra en son peché, dit Nostre Seigneur en Ezechiel: de sorte que le peché mortel ruine tout le merite des vertus; car, quant a celles qu'on prattique tandis qu'il regne en l'ame, elles naissent tellement mortes qu'elles sont a jamais inutiles pour la pretention de la vie eternelle; et quant a celles que l'on a prattiquees avant qu'il fust commis, c'est a dire tandis que la dilection sacree vivoit en l'ame, leur valeur et merite perit et meurt soudain a son arrivee, ne pouvans conserver leur vie apres la mort de la charité qui la leur avoit donnee..

  A005000833 

 Elles perissent sur leurs arbres, et ne peuvent estre conservees en la main de Dieu, parce qu'elles sont vuides de vraye valeur; comme il est dit en l'Apocalipse a l'Evesque de Sardes, lequel estoit estimé un arbre vivant, a cause de plusieurs vertus qu'il prattiquoit, et neanmoins il estoit mort, parce qu'estant en peché, ses vertus n'estoyent pas des vrays fruitz vivans, mays des escorces mortes, et des amusemens pour les yeux, non des pommes savoureuses, utiles a manger..

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000839 

 Certes, le tressaint Concile de Trente veut que l'on anime les penitens retournés en la sacree dilection de Dieu eternel, par ces paroles de l'Apostre: Abondés en tout bon œuvre, sachans que vostre travail n'est point inutile en Nostre Seigneur; car Dieu n'est pas injuste pour oublier vostre œuvre et la dilection que vous aves monstree en son nom.

  A005000839 

 Dieu donques n'oublie pas les œuvres de ceux qui, ayans perdu la dilection par le peché, la recouvrent par la penitence.

  A005000839 

 Or Dieu oublie les œuvres [281] quand elles perdent leur merite et leur sainteté par le peché survenant, et il s'en resouvient quand elles retournent en vie et valeur par la presence du saint amour: de sorte mesme que, affin que les fideles soyent recompensés de leurs bonnes œuvres, tant par l'accroissement de la grace et de la gloire future que par l'effectuelle jouissance de la vie eternelle, il n'est pas necessaire que l'on ne retombe point au peché, ains suffit, selon le sacré Concile, que l'on «trespasse en la grace» et charité de Dieu..

  A005000840 

 Dieu a promis des recompenses eternelles aux œuvres de l'homme juste, mais si le juste se destourne de sa justice par le peché, Dieu n'aura plus memoire des justices et bonnes œuvres qu'il avoit faites.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000841 

 Il n'est pas raysonnable que le peché ayt autant de force contre la charité comme la charité en a contre le peché, car le peché procede de nostre foiblesse, et la charité de la puissance divine: si le peché abonde en malice pour ruiner, la grace surabonde pour reparer; et la misericorde de Dieu, par laquelle il efface le peché, s'exalte tous-jours et se rend glorieusement triomphante contre la rigueur du jugement, par lequel Dieu avoit oublié les bonnes œuvres qui precedoyent le peché.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000848 

 Cet autre se communie a Pasques pour ne point estre blasmé de son voysinage et pour obeir a Dieu; qui doute qu'il ne fasse bien? Mais s'il se communie autant ou plus pour eviter le blasme que pour obeir a Dieu, qui doute qu'il ne fasse impertinemment, egalant ou preferant le respect humain a l'obeissance qu'il doit a Dieu? Je puis jeusner le caresme, ou par charité affin de plaire a Dieu, ou par obeissance parce que l'Eglise l'ordonne, ou par sobrieté, ou par diligence pour mieux estudier, ou par prudence affin de faire quelque espargne requise, ou par chasteté affin de dompter le cors, ou par religion pour mieux prier.

  A005000848 

 Or, si je veux, je puis assembler toutes ces intentions et jeusner pour tout cela, mais en ce cas il faut tenir bonne police a ranger ces motifs: car si je jeusnois principalement pour espargner, plus que pour obeir a l'Eglise, plus pour bien estudier que pour plaire a Dieu, qui ne void que je pervertis le droit et l'ordre, preferant mon interest a l'obeissance de l'Eglise et au contentement de mon Dieu? Jeusner pour espargner est [286] bon; jeusner pour obeir a l'Eglise est meilleur; jeusner pour plaire a Dieu est tres bon: mais encores qu'il semble que de trois biens on ne puisse pas composer un mal, si est-ce que qui les colloqueroit en desordre, preferant le moindre au meilleur, il feroit sans doute un desreglement blasmable..

  A005000849 

 Il faut donner a chasque fin le rang qui luy convient, et, par consequent, le souverain a celle de plaire a Dieu..

  A005000849 

 Qui veut plaire a Dieu et a Nostre Dame fait tres bien; mais qui voudroit plaire a Nostre Dame egalement ou plus qu'a Dieu, il commettrait un desreglement insupportable, et on luy pourroit dire ce qui fut dit a Caïn: Si vous aves bien offert, mais aves malpartagé, cesses, vous aves peché.

  A005000850 

 Ilz suivent et prattiquent les vertus, non entant qu'elles sont belles et aymables, mais entant qu'elles sont aggreables a Dieu; ilz ayment leur felicité, non entant qu'elle est a eux, mais entant qu'elle plait a Dieu: ouy mesme ilz ayment l'amour duquel ilz ayment Dieu, non parce qu'il [287] est en eux, mais parce qu'il tend a Dieu; non parce qu'il leur est doux, mais parce qu'il plait à Dièu; non parce qu'ilz l'ont et le possedent, mais parce que Dieu le leur donne et qu'il y prend son bon playsir..

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Or, venant donq a l'action, je me pousse au peril, prevenu partous ces motifs; mais pour les relever tous au degré de l'amour divin et les purifier [288] parfaitement, je diray en mon ame de tout mon cœur: O Dieu eternel, qui estes le trescher amour de mes affections, si la vaillance, l'obeissance au prince, l'amour de la patrie et la magnanimité ne vous estoyent aggreables, je ne suivrois jamais leurs mouvemens que je sens maintenant; mais parce que ces vertus vous plaisent j'embrasse cette occasion de les prattiquer, et ne veux seconder leur instinct et inclination sinon parce que vous les aymes et que vous le voules..

  A005000855 

 Nous ne disons pas que nous allons a Lyon, mais a Paris, quand nous n'allons a Lyon que pour aller a Paris; ni que nous allons chanter, mais que nous allons servir Dieu, quand nous n'allons chanter que pour servir Dieu..

  A005000855 

 Qui desrobbe pour ivroigner, il est plus ivroigne que larron, selon Aristote; et celuy donques qui exerce la vaillance, l'obeissance, l'affection envers sa patrie, la magnanimité, pour plaire a Dieu, il est plus amoureux divin que vaillant, obeissant, bon citoyen et magnanime, parce que toute sa volonté, en cet exercice, aboutit et vient fondre dans l'amour de Dieu, n'employant tous les autres motifs que pour parvenir a cette fin.

  A005000855 

 Vous voyes bien, mon cher Theotime, qu'en ce retour d'esprit nous parfumons tous les autres motifs, de l'odeur et sainte suavité de l'amour, puisque nous ne les suivons pas en qualité de motifs simplement vertueux, mais en qualité de motifs voulus, aggreés, aymés et cheris de Dieu.

  A005000857 

 En cette sorte faut il animer toutes nos actions de ce bon playsir celeste, aymant principalement l'honnesteté et beauté des vertus parce qu'elle est aggreable a Dieu: car, mon cher Theotime, il se treuve des hommes qui ayment esperdument la beauté de quelques vertus, non seulement sans aymer la charité, mais avec mespris de la charité.

  A005000857 

 Qui ne sçait qu'il y a eu des pauvres de Lyon qui, pour louer avec exces la mendicité, se firent heretiques, et de mendians devindrent des faux belitres? Qui ne sçait la vanité des Enthousiastes, Messaliens, Euchites, qui quitterent la dilection pour vanter l'orayson? Qui ne sçait qu'il y a eu des heretiques qui, pour exalter la charité envers les pauvres, deprimoyent la charité envers Dieu, attribuant tout le salut des hommes a la vertu de l'aumosne, selon que saint Augustin le tesmoigne? quoy que le saint Apostre exclame que qui donne tout son bien aux pauvres, et il n'a pas la charité, cela ne luy proffite point..

  A005000858 

 Dieu a mis sur moy l'estendart de sa charité, dit la sacree Sulamite.

  A005000858 

 Reduisons donques toutes les vertus a l'obeissance [290] de la charité: aymons les vertus particulieres, mais principalement parce qu'elles sont aggreables a Dieu; aymons excellemment les vertus plus excellentes, non parce qu'elles sont excellentes, mais parce que Dieu les ayme plus excellemment: ainsy le saint amour vivifiera toutes les vertus, les rendant toutes amantes, aymables et sur-aymables..

  A005000862 

 de la justice, pour rendre a Dieu, au prochain et a soy mesme ce qu'il est obligé; 3.

  A005000863 

 l'entendement n'est autre chose que l'amour attentif a considerer et penetrer la beauté des verités de la foy, pour y connoistre Dieu en luy mesme, et puis, de la, en descendant, le considerer es creatures; 3.

  A005000863 

 la pieté est l'amour qui adoucit le travail et nous fait cordialement, aggreablement et d'une affection filiale employer aux œuvres qui plaisent a Dieu nostre Pere; et 7.

  A005000863 

 la sapience n'est autre chose en effect que l'amour qui savoure, gouste et experimente combien Dieu est doux et suave; 2.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000863 

 le conseil est aussi l'amour entant qu'il nous rend soigneux, attentifs et habiles pour bien choisir les moyens propres a servir Dieu saintement; 5.

  A005000864 

 Ainsy, Theotime, la charité nous sera une autre eschelle de Jacob, composee des sept dons du Saint Esprit comme autant d'eschellons sacrés, par lesquelz les hommes angeliques monteront de la terre au Ciel pour s'aller unir a la poitrine de Dieu tout puissant, et descendront du Ciel en terre pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au Ciel.

  A005000864 

 nous joignons nostre volonté a Dieu pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté: car, sur le sommet de cette eschelle, Dieu estant penché devers nous, il nous donne le bayser d'amour, et nous fait tetter les sacrees mammelles de sa suavité, meilleures que le vin..

  A005000864 

 nous unissons nostre entendement a Dieu pour voir et penetrer les traitz de son infinie beauté; et au 7.

  A005000865 

 Mays si ayans delicieusement joui de ces amoureuses faveurs nous voulons retourner en terre pour tirer le prochain a ce mesme bonheur, du premier et plus haut degré, ou nous avons rempli nostre volonté d'un zele tres ardent et avons parfumé nostre ame des parfums de la charité souveraine de Dieu, nous descendons au second degré, ou nostre entendement prend une clarté nompareille, et fait provision des conceptions et maximes plus excellentes pour la gloire de la beauté et bonté divine; de la nous venons au 3.

  A005000865 

 nous taschons de leur imprimer la sainte pieté, affin que reconnoissans Dieu pour Pere tres aymable, ilz luy obeissent avec une crainte filiale; et au dernier degré nous les pressons de craindre les jugemens de Dieu, affin que meslant cette crainte d'estre damnés avec la reverence filiale, ilz quittent plus ardemment la terre pour monter au Ciel avec nous..

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000883 

 Dieu envoye souvent [à l'âme] la crainte servile, comme un autre Eliezer (Eliezer aussi veut dire ayde de Dieu), pour traitter le mariage entre elle et l'amour sacré; que si l'ame vient sous la conduite de la crainte, ce n'est pas qu'elle la veuille espouser, car en effect, si tost que l'ame rencontre l'amour, elle s'unit a luy et quitte la crainte..

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000885 

 Tout ainsy donques que les nochers qui partent sous un vent favorable, en une sayson propice, n'oublient pourtant jamais les cordages, ancres et autres choses requises en tems de fortune et parmi la tempeste, aussi, quoy que le serviteur de Dieu jouisse du repos et de la douceur du saint amour, il ne doit jamais estre desprouveu de la crainte des jugemens divins, pour s'en servir entre les orages et assautz des tentations.

  A005000896 

 Certes, Platon, en son Gorgias et ailleurs, tesmoigne qu'entre les payens il y avoit quelque sentiment de crainte, non seulement pour les chastimens que la souveraine justice de Dieu prattique en ce monde, mais aussi pour les punitions qu'il exerce en l'autre vie sur les ames de ceux qui ont des pechés incurables.

  A005000896 

 En la tormente qui fit periller Jonas, les mariniers craignirent d'une grande crainte, et crierent soudain un chacun a son Dieu.

  A005000896 

 Et devant le Psalmiste, la bonne mere de Samuel avoit des-ja chanté que les ennemis mesmes de Dieu le craindroyent, d'autant qu'il tonneroit sur eux des le Ciel.

  A005000896 

 Les esclairs, tonnerres, foudres, tempestes, inondations, tremble-terre et autres telz accidens inopinés excitent mesme les plus indevotz a craindre Dieu; et la nature, prevenant le discours en telles occurrences, pousse le cœur, les yeux et les mains mesmes devers le ciel pour reclamer le secours de la tressainte Divinité, selon le sentiment commun du genre humain, qui est, dit Tite Live, que ceux qui servent la Divinité prosperent, et ceux qui la mesprisent sont affligés.

  A005000897 

 Les Chrestiens, parmi les estonnemens que les tonnerres, tempestes et autres perilz naturelz leur apportent, invoquent le nom sacré de Jesus et de Marie, font le signe de la Croix, se prosternent devant Dieu, et font plusieurs bons actes de foy, d'esperance et de religion.

  A005000897 

 Mais cette crainte, toutefois, prattiquee par maniere d'eslan ou sentiment naturel, n'est ni louable ni vituperable en nous, puisqu'elle ne procede pas de nostre election: elle est neanmoins un effect d'une tres bonne cause, et cause d'un tres bon effect, car elle provient de la connoissance naturelle que Dieu nous a donné de sa providence, et nous fait reconnoistre combien nous dependons de la toute puissance souveraine, nous incitant a l'implorer; et se treuvant en une ame fidele, elle luy fait beaucoup de biens.

  A005000897 

 Sur cette [301] crainte, donq, le divin amour fait maintefois des actes de complaysance et de bienveuillance: Je vous beniray, Seigneur, car vous estes terriblement magnifié; Que chacun vous craigne, o Seigneur! O grans de la terre, entendés: servés Dieu en crainte, et tressailles pour hiy en tremblement..

  A005000898 

 Les Ninivites, par les menaces de leur subversion et damnation, firent penitence, et leur penitence fut aggreable a Dieu; et en somme, cette crainte est comprise es dons du Saint Esprit, comme plusieurs anciens Peres ont remarqué..

  A005000898 

 Nous avons conceu de vostre crainte, o Dieu, et enfanté l'esprit de salut, est-il dit en Isaye; c'est a dire: Vostre face courroucee nous a espouvantés, et nous a fait concevoir et enfanter l'esprit de penitence, qui est l'esprit de salut; ainsy que le Psalmiste avoit dit: Mes os n'ont point de paix, ains tremblent devant la face de vostre ire.

  A005000899 

 Certes, celuy qui ayme le peché et le voudroit volontier commettre malgré la volonté de Dieu, encor qu'il ne le veuille commettre craignant seulement d'estre damné, il a une crainte horrible et detestable; car, bien qu'il n'ait pas la volonté de venir a l'execution du peché, il a neanmoins l'execution en sa volonté, puisqu'il la voudroit faire si la crainte ne le tenoit, et c'est comme par force qu'il n'en vient pas aux effectz.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 La crainte donq de ceux qui, comme esclaves, observent la loy de Dieu pour eviter l'enfer est fort bonne; mais beaucoup plus noble et desirable est la crainte des Chrestiens mercenaires, qui, comme serviteurs a gages, travaillent fidellement, non pas certes principalement pour aucun amour qu'ilz ayent encores envers leurs maistres, mais pour estre salariés de la recompense qui leur est promise.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000901 

 Ceux la donques craignent Dieu d'une affection filiale, qui ont peur de luy desplaire purement et simplement [304] parce qu'il est leur pere tres doux, tres benin et tres aymable..

  A005000901 

 Mais en fin, quand nous craignons d'offencer Dieu, non point pour eviter la peyne de l'enfer ou la perte du Paradis, mais seulement parce que Dieu estant nostre tres bon Pere nous luy devons honneur, respect, obeissance, alhors nostre crainte est filiale, d'autant qu'un enfant bien né n'obeit pas a son pere en consideration du pouvoir qu'il a de punir sa desobeissance, ni aussi parce qu'il le peut exhereder, ains simplement parce qu'il est son pere; en sorte qu'encor que le pere serait viel, impuissant et pauvre, il ne laisserait pas de le servir avec egale diligence, ains, comme la pieuse cigoigne, il l'assisterait avec plus de soin et d'affection: ainsy que Joseph, voyant le bon homme Jacob son pere, vieux, necessiteux et reduit sous son sceptre, il ne laissa pas de l'honnorer, servir et reverer avec une tendreté plus que filiale, et telle, que ses freres l'ayant reconneüe, estimerent qu'elle opereroit encor apres sa mort, et l'employerent pour obtenir pardon de luy, disans: Vostre pere nous a commandé que nous vous dissions de sa part: Je vous prie d'oublier le crime de vos freres, et le peché et malice qu'ilz ont exercé envers vous.

  A005000902 

 Car, comme les jeunes garçons qui commencent a monter a cheval, quand ilz sentent leur cheval porter un peu plus haut, ne serrent pas seulement les genoux, ains se prennent a belles mains a la selle, mais quand ilz sont un peu plus exercés ilz se tiennent seulement en leurs serres, de mesme les novices et apprentifs au service de Dieu, se treuvans esperdus parmi les assautz que leurs ennemis leur livrent au commencement, ilz ne se servent pas seulement de la crainte filiale, mais aussi de la mercenaire et servile, et se tiennent comme ilz peuvent pour ne point deschoir de leur pretention.

  A005000902 

 Toutefois, quand il arrive que cette crainte filiale est jointe, meslee et detrempee avec la crainte servile de la damnation eternelle, ou bien avec la crainte mercenaire de perdre le Paradis, elle ne laisse pas d'estre fort aggreable a Dieu, et s'appelle crainte initiale, c'est a dire crainte des apprentifs, qui entrent es exercices de l'amour divin.

  A005000906 

 La charité de Dieu est respandue en, nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné.

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de vertu, elle nous rend obeissans aux inspirations exterieures que Dieu nous donne par ses commandemens et conseilz, en l'execution desquelz on prattique toutes vertus; dont la dilection est la vertu de toutes les vertus.

  A005000915 

 Non vrayement, Theotime; qui aura l'amour de Dieu un peu abondamment, il n'aura plus ni desir, ni crainte, ni esperance, ni courage, ni joye que pour Dieu, et tous ses mouvemens seront accoysés en ce seul amour celeste..

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000918 

 Mais qu'est-ce a dire la prendre par le pied? C'est la lier et assujettir au dessein du service de Dieu.

  A005000919 

 En quoy donq prens-tu cette esperance? Je puis aussi resister a cette esperance luy en opposant une plus solide: Espere en Dieu, o mon ame, car c'est luy qui deslivrera tes pieds du piege; Jamais nul n'espera en luy, qui ait esté confondu; Jette tes pretentions es choses eternelles et perdurables.

  A005000921 

 Si la crainte est excessive: Hé, Dieu, Pere eternel, qu'est ce que peuvent craindre vos enfans et les poussins qui vivent sous vos aisles? Or sus, je feray ce qui est convenable pour eviter le mal que je crains; mais apres cela: Seigneur, je suis vostre, sauves moy, s'il vous plait; et ce qui m'arrivera je l'accepteray, parce que telle sera vostre bonne volonté.

  A005000926 

 Et quant a la tristesse, comme peut elle estre utile a la sainte charité, puisque entre les fruitz du Saint Esprit la joye est mise en rang joignant la charité? Neanmoins, le grand Apostre dit ainsy: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence stable en salut; mais la tristesse du monde opere la mort.

  A005000926 

 Il y a donq une tristesse selon Dieu, laquelle s'exerce, ou bien par les pecheurs en la penitence, ou par les bons en la compassion pour les miseres temporelles du prochain, ou par les parfaitz en la deploration, complainte et condoleance pour les calamités spirituelles des ames.

  A005000927 

 elle provient quelquefois de l'ennemy infernal, qui par mille suggestions tristes, melancholiques et fascheuses, obscurcit l'entendement, alangourit la volonté et trouble toute l'ame; et comme un brouillard espais remplit la teste et la poitrine de rume, et par ce moyen rend la respiration difficile et met en perplexité le voyageur, ainsy le malin remplissant l'esprit humain de tristes pensees, il luy oste la facilité d'aspirer en Dieu, et luy donne un ennuy et descouragement extreme, affin de le desesperer et le perdre.

  A005000929 

 Or, cette tristesse est commune aux bons et aux mauvais: mais aux bons elle est moderee par l'acquiescement et resignation en la volonté de Dieu, comme on vid en Tobie, qui de toutes les adversités dont il fut touché rendit graces a la divine Majesté; et en Job, qui en benit le nom du Seigneur; et en Daniel, qui convertit ses douleurs en cantiques.

  A005000931 

 Si elle est accidentelle, nous recourrons a ce qui est marqué au huitiesme Livre, affin de voir combien les tribulations sont aymables aux enfans de Dieu, et que la grandeur de nos esperances en la vie eternelle doit rendre presque [317] inconsiderables tous les evenemens passagers de la temporelle..

  A005000941 

 Pour moy, je parle en ce Traitté, de l'amour surnaturel que Dieu respand en nos cœurs par sa bonté, et duquel la residence est en la supreme pointe de l'esprit; pointe qui est au dessus de tout le reste de nostre ame, et qui est independante le toute complexion naturelle.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000943 

 Neanmoins, si deux personnes, dont l'une est aymante et douce, l'autre chagrine et amere, par condition naturelle, ont une charité egal, elles aymeront sans doute egalement Dieu, mais non pas semblablement.

  A005000948 

 Un thresor ne suffit pas au gré de ce divin Amant, ains il veut que nous ayons tant de thresors que notre thresor soit composé de plusieurs thresors; c'est a dire, Theotime, qu'il faut avoir un desir insatiable d'aymer Dieu, pour joindre tous-jours dilection a dilection.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000949 

 Theotime, de sçavoir si nous aymons Dieu sur toutes choses il n'est pas en nostre pouvoir, si Dieu mesme ne le nous revele, mais nous pouvons bien sçavoir si nous desirons de l'aymer, et quand nous sentons en nous le desir de l'amour sacré, nous sçavons que nous commençons d'aymer.

  A005000950 

 Tel fut saint Augustin quand il s'escria: «O aymer! o marcher! o mourir a soy mesme! o parvenir a Dieu!» Tel saint François, disant: «Que je meure de ton amour,» o l'Ami de mon cœur, «qui as daigné mourir pour mon amour!» Telles sainte Catherine de Gennes et la bienheureuse Mere Therese, quand, comme biches spirituelles, pantelantes et mourantes de la soif du divin amour, elles lançoyent cette voix: Hé, Seigneur, donnés moy cette eau!.

  A005000957 

 Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu.

  A005000957 

 Quicomque desire quelque chose qu'il ne desire pas pour Dieu, il en desire moins Dieu..

  A005000958 

 Un religieux demanda au bienheureux Gilles ce qu'il pourroit faire de plus aggreable a Dieu; et il luy respondit en chantant: «Une a un, une a un;» c'est a dire, «une seule ame a un seul Dieu.» Tant de desirs et d'amours en un cœur sont comme plusieurs enfans sur une mammelle, qui ne pouvans tetter tous ensemble, la pressent tantost l'un, tantost l'autre, a l'envi, et la font en fin tarir et dessecher.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000964 

 Que veut mon cœur, sinon Dieu,.

  A005000967 

 Sinon Dieu, mon cœur respire?.

  A005000969 

 Saint Bernard ne perdoit rien du progres qu'il desiroit faire en ce saint amour, quoy qu'il fut es cours et armees des grans princes, ou il s'employoit a reduire les affaires d'estat au service de la gloire de Dieu: il changeoit de lieu, mais il ne changeoit point de cœur, ni son cœur d'amour, ni son amour d'object; et, pour parler son propre langage, ces mutations se faisoyent en luy, mais non pas de luy, puisque, bien que ses [325] occupations fussent fort differentes, il estoit indifferent a toutes occupations et different de toutes occupations; ne recevant pas la couleur des affaires et des conversations, comme le cameleon celle des lieux ou il se treuve, ains demeurant tous-jours tout uni a Dieu, tous-jours blanc en pureté, tous-jours vermeil de charité et tous-jours plein d'humilité..

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000985 

 Dieu a soin de mesme de ceux qui ne vont a la cour, au palais, a la guerre, sinon par la necessité de leur devoir; et ne faut en cela ni estre si craintif que l'on abandonne les bonnes et justes affaires faute d'y aller, ni si outre-cuydé et presomptueux que d'y aller ou demeurer sans l'expresse necessité du devoir et des affaires..

  A005000985 

 Lhors que la peste affligea le Milannois, saint Charles ne fit jamais difficulté de hanter les maysons et toucher les personnes empestees: mais, Theotime, il les hantoit aussi et touchoit seulement et justement autant que la necessité du service de Dieu le requeroit; et pour rien il ne fust allé au danger sans la vraye necessité, de peur de commettre le peché de tenter Dieu.

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000996 

 Voyes ce Saint, je vous prie, qui donne un verre d'eau pour Dieu, au pauvre passager alteré: il fait peu de chose, ce semble; mais l'intention, la douceur, la dilection dont il anime son œuvre est si excellente, qu'elle convertit cette simple eau en eau de vie, et de vie eternelle..

  A005001002 

 Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité..

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001003 

 C'est faire excellemment les actions petites que de les faire avec beaucoup de pureté d'intention et une forte volonté de plaire a Dieu; et lhors elles nous sanctifient grandement.

  A005001006 

 Ce sont les propres paroles du divin Apostre, lesquelles, comme dit le grand saint Thomas en les expliquant, sont suffisamment prattiquees quand nous avons l'habitude de la tressainte charité, par laquelle, bien que nous n'ayons pas une expresse et attentive intention de faire chasque œuvre pour Dieu, cette intention neanmoins est contenue couvertement en l'union et communion que nous avons avec Dieu, par laquelle tout ce que nous pouvons faire de bon est dedié avec nous a sa divine Bonté.

  A005001006 

 Il n'est pas besoin qu'un enfant demeurant en la mayson et puissance de son pere declaire que ce qu'il acquiert est acquis a son pere, car sa personne estant a son pere, tout ce qui en depend luy appartient aussi: il suffit aussi que nous soyons enfans de Dieu par dilection, pour rendre tout ce que nous faisons entierement destiné a sa gloire..

  A005001006 

 Tout ce que vous faites, et quoy que vous fassies en paroles et en œuvres, faites le tout au nom de Jesus Christ; Soit que vous mangies, soit que vous beuvies, ou que vous fassies quelque autre chose, faites le tout a la gloire de Dieu.

  A005001009 

 Le motif de la divine charité respand une influence de perfection particuliere sur les actions vertueuses de ceux qui se sont specialement dediés a Dieu pour le servir a jamais.

  A005001009 

 Telz sont les Evesques et prestres, qui, par une consecration sacramentelle et par un caractere spirituel qui ne peut estre effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpetuel service de Dieu; telz les religieux, qui, par leurs vœux ou solemnelz ou simples, sont immolés a Dieu en qualité d'hosties vivantes et raysonnables; telz tous ceux qui se rangent aux congregations pieuses, dediés a jamais a la gloire divine.

  A005001009 

 Telz tous ceux encor qui, a dessein, se procurent des profondes et puissantes resolutions de suivre la volonté de Dieu, faisans pour cela des retraittes de quelques jours, affin d'exciter leurs ames par divers [333] exercices spirituelz a l'entiere reformation de leur vie: methode sainte, familiere aux anciens Chrestiens, mais despuis presque tout a fait delaissee, jusques a ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en usage du tems de nos peres..

  A005001010 

 Je sçai que quelques uns n'estiment pas que cette oblation si generale de nous mesme estende sa vertu et porte son influence sur les actions que nous prattiquons par apres, sinon a mesure qu'en l'exercice d'icelles nous appliquons en particulier le motif de la dilection, les dediant specialement a la gloire de Dieu.

  A005001010 

 Mais tous confessent neanmoins, avec saint Bonaventure, loué d'un chacun en ce sujet, que si j'ay resolu en mon cœur de donner cent escuz pour Dieu, quoy que par apres je fasse a loysir la distribution de cette somme, ayant l'esprit distrait et sans attention, toute la distribution neanmoins ne laissera pas d'estre faite par amour, a cause qu'elle procede du premier projet que le divin amour me fit faire de donner tout cela..

  A005001011 

 Mais de grace, Theotime, quelle difference y a-il entre celuy qui offre cent escuz a Dieu et celuy qui luy offre toutes ses actions? Certes'il n'y en a point, sinon que l'un offre une somme d'argent, et l'autre une somme d'actions.

  A005001012 

 Sur cette verité chacun devroit une fois en sa vie faire une bonne retraitte, pour en icelle bien purger son ame de tout peché, pour en suite faire une intime et solide resolution de vivre tout a Dieu, selon que nous avons enseigné en la premiere Partie de l' Introduction a la Vie devote; puis, au moins une fois l'annee, [334] faire la reveüe de sa conscience et le renouvellement de la premiere resolution, que nous avons marqué en la cinquiesme Partie de ce livre-la, auquel pour ce regard je vous renvoye..

  A005001017 

 Quand les paonnesses couvent en des lieux bien blancs, les pouletz sont aussi tous blancs; et quand nos intentions sont en l'amour de Dieu, lhors que nous projettons quelque bon oeuvre, ou que nous nous jettons en quelque vacation, toutes les actions qui s'en ensuivent prennent leur valeur et tirent leur noblesse de la dilection de laquelle elles ont leur origine: car, qui ne void que les actions qui sont propres a ma vocation ou requises a mon dessein, dependent de cette premiere election et resolution que j'ay faitte?.

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001019 

 Outre cela, appliquons cent et cent fois le jour nostre vie au divin amour par la prattique des oraysons jaculatoires, eslevations de cœur et retraittes spirituelles; car ces saintz exercices lançans et jettans continuellement nos espritz en Dieu, y portent ensuite toutes nos actions.

  A005001020 

 Cela fait, desployans, s'il faut ainsy dire, et eslevans les bras de nostre consentement, embrassons cherement, ardemment et tres amoureusement, soit le bien qui se presente a faire, soit le mal qu'il nous faut souffrir, en consideration de ce que Dieu l'a voulu eternellement, pour luy complaire et obeir a sa providence..

  A005001020 

 Eslevons en ces occurrences nos cœurs et nos espritz en Dieu, enfonçons nostre consideration et estendons nostre pensee dans la tressainte et glorieuse eternité; voyons qu'en icelle la divine Bonté nous cherissoit tendrement, destinant pour nostre salut tous les moyens convenables a nostre progres en sa dilection, et particulierement la commodité de faire le bien qui se presente alhors a nous, ou de souffrir le mal qui nous arrive.

  A005001021 

 C'est pourquoy, se representant la grandeur des peynes, travaux et hazards qu'il luy seroit force de subir pour ce sujet, il s'immola en esprit au bon playsir de Dieu, et baysant tendrement cette croix, il s'escria du fond de son cœur, a l'imitation de saint André: «Je te salue, o croix pretieuse,» je te salue, o tribulation bienheureuse! O affliction sainte, que tu es aymable, puisque tu es issue du sein amiable de ce Pere d'eternelle misericorde, qui t'a voulu de toute eternité et t'a destiné pour ce cher peuple et pour moy! O croix, mon cœur te veut, puisque celuy de mon Dieu t'a voulu; o croix, mon ame te cherit et t'embrasse de toute sa dilection! [337].

  A005001021 

 Voyes le grand saint Charles Ihors que la peste attaqua son diocese: il releva son courage en Dieu, et regarda attentivement qu'en l'eternité de la Providence divine ce fleau estoit preparé et destiné a son peuple, et que, emmi ce fleau, cette mesme Providence avoit ordonné qu'il eust un soin tres amoureux de servir, soulager et assister cordialement les affligés, puisqu'en cette occasion il se treuvoit le pere spirituel, pasteur et Evesque de cette province-la.

  A005001022 

 Mais quand elles seront de longue haleyne, il faudra de tems en tems, et fort souvent, repeter cet exercice, pour continuer plus utilement nostre union a la volonté et bon playsir de Dieu, prononçans cette briefve mais toute divine protestation de son Filz: Ouy, o Pere eternel, je le veux de tout mon cœur, parce qu'ainsy a-il esté aggreable devant vous.

  A005001022 

 O Dieu, Theotime, que de tresors en cette prattique!.

  A005001026 

 Il sacrifia, certes, toutes les plus fortes affections naturelles qu'il pouvoit avoir, Ihors qu'oyant la voix de Dieu qui luy disoit: Sors de ton pais, et de ta parentee, et de la mayson de ton pere, et viens au païs que je te monstreray, il sortit soudain et se mit promptement en chemin, sans sçavoir ou il iroit.

  A005001026 

 Le doux amour de la patrie, la suavité de la conversation des proches, les delices de la mayson paternelle, ne l'esbranlerent point; il part hardiment et ardemment, et va ou il plaira a Dieu de le conduire.

  A005001026 

 Quelle abnegation, Theotime! quel renoncement! On ne peut aymer Dieu parfaitement si l'on ne quitte les affections aux choses perissables..

  A005001027 

 Et comme il va montant, ce cher enfant luy dit: Mon pere! Et il luy respond: Que veux-tu, mon filz? Voyci, dit l'enfant, voyci le bois et le feu, mais ou est la victime de l'holocauste? A quoy le pere respond: Dieu se prouvoyra de la victime de l'holocauste, mon enfant.

  A005001027 

 Et tandis, ilz arrivent sur le mont destiné, ou soudain Abraham construit un autel, arrange le bois sur iceluy, lie son Isaac et le colloque sur le bucher; il estend sa main droite, empoigne et tire a soy le glaive, il hausse le bras, et comme il est prest de descharger le coup pour immoler cet enfant, l'Ange crie d'en haut: Abraham, Abraham; qui respond: Me voyci. Et l'Ange luy dit: Ne tue pas l'enfant, c'est asses; maintenant je connois que tu crains Dieu, et n'as pas espargné ton filz pour l'amour de moy.

  A005001027 

 Mays cecy n'est rien en comparayson de ce qu'il fit [338] par apres, quand Dieu l'appellant par deux fois et ayant veu sa promptitude a respondre, il luy dit: Prens Isaac ton enfant unique, lequel tu aymes, et va en la terre de vision, ou tu l'offriras en holocauste sur l'un des montz que je te monstreray. Car voyla ce grand homme qui part soudain avec ce tant aymé et tant aymable filz, fait trois journees de chemin, arrive au pied de la montaigne, laisse la ses valetz et l'asne, charge son filz Isaac du bois requis a l'holocauste, se reservant de porter luy mesme le glaive et le feu.

  A005001028 

 Hé, voyes donq, de grace, quel holocauste ce saint homme fit en son cœur! sacrifice incomparable, sacrifice qu'on ne peut asses estimer, sacrifice qu'on ne peut asses louer! O Dieu! qui sçauroit discerner quelle des deux dilections fut la plus grande, ou celle d'Abraham qui pour plaire a Dieu immole cet enfant tant aymable, ou celle de cet enfant qui pour plaire a Dieu veut bien estre immolé, et pour cela se laisse lier et [339] estendre sur le bois, et comme un doux aignelet attend paisiblement le coup de mort, de la chere main de son bon pere?.

  A005001029 

 Car d'un costé c'est voirement une merveille, mais non pas si grande, de voir que Abraham, des-ja viel et consommé en la science d'aymer Dieu, et fortifié de la recente vision et parole divine, face ce dernier effort de loyauté et dilection envers un Maistre duquel il avoit si souvent senti et savouré la suavité et providence; mais de voir Isaac, au primtems de son aage, encor tout novice et apprentif en l'art d'aymer son Dieu, s'offrir, sur la seule parole de son pere, au glaive et au feu pour estre un holocauste d'obeissance a la divine volonté, c'est chose qui surpasse toute admiration..

  A005001030 

 D'autre part, neanmoins, ne voyes vous pas, Theotime, qu'Abraham remasche et roule plus de trois jours dans son ame l'amere pensee et resolution de cet aspre sacrifice? N'aves vous point de pitié de son cœur paternel, quand, montant seul avec son filz, cet enfant plus simple qu'une colombe luy disoit: Mon pere, ou est la victime? et qu'il luy respondoit: Dieu y prouvoyra, mon filz.

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001031 

 Que si jamais nostre ame vouloit employer sa liberté contre nos resolutions de servir Dieu eternellement et sans reserve, o alhors, pour Dieu, sacrifions ce franc arbitre, et le faysons mourir a soy affin qu'il vive a Dieu.

  A005001031 

 Qui le voudra garder pour l'amour propre en ce monde, le perdra pour l'amour eternel en l'autre; et qui le perdra pour l'amour de Dieu en ce monde, il le conservera pour le mesme amour en l'autre.

  A005001031 

 Theotime, nostre franc arbitre n'est jamais si franc que quand il est esclave de la volonté de Dieu, comme il n'est jamais si serf que quand il sert a nostre propre volonté: jamais il n'a tant de vie que quand il meurt a soy mesme, et jamais il n'a tant de mort que quand il vit a soy.

  A005001037 

 motif est celuy de la providence naturelle de Dieu envers nous, de la creation et conservation, selon que nous disons au chapitre III du II e Livre..

  A005001038 

 motif est celuy de la providence surnaturelle de Dieu envers nous, et de la redemption qu'il nous a preparee, ainsy qu'il est expliqué au chapitre IV, V, VI et VII du II e Livre.

  A005001039 

 motif c'est de considerer comme Dieu prattique cette providence et redemption, fournissant a un chacun toutes les graces et assistances requises a nostre salut; dequoy nous traittons au II e Livre, des le chapitre VIII, et au Livre III, des le commencement jusques au chapitre VI..

  A005001040 

 motif est la gloire eternelle que la divine Bonté nous a destinee, qui est le comble des bienfaitz de Dieu envers nous; dont il est aucunement discouru des le chapitre IX jusques a la fin du Livre III..

  A005001045 

 Par exemple: O qu'aymable est ce grand Dieu, qui par son infime bonté a donné son Filz en redemption pour tout le monde! Helas, ouy, pour tous en general, mais en particulier encor pour moy, qui suis le premier des pecheurs! Ah! il m'a aymé; je dis, il m'a aymé moy, mais je dis moy mesme, tel que je suis, et s'est livré a la Passion pour moy!.

  A005001046 

 Et cependant, Dieu, des l'abisme de son eternité, pensoit pour moy des pensees de benedictions; il meditoit et desseignoit, ains determinoit l'heure de ma naissance, de mon Baptesme, de toutes les inspirations qu'il me donneroit, et en somme tous les bienfaitz qu'il me feroit et offriroit.

  A005001046 

 O Dieu, mon Theotime, quelle asses digne dilection pourrions nous avoir pour l'infinie bonté de nostre Createur, qui de toute eternité a projetté de nous creer, conserver, gouverner, racheter, sauver et glorifier tous en general et en particulier? Hé! qui estois-je lhors que je n'estois pas? moy, [343] dis-je, qui estant maintenant quelque chose, ne suis rien qu'un simple chetif vermisseau de terre.

  A005001053 

 Aussi, la haut en la gloire celeste, apres le motif de la Bonté divine conneüe et consideree en elle mesme, celuy de la mort du Sauveur sera le plus puissant pour ravir les espritz bienheureux en la dilection de Dieu; en signe dequoy, en la Transfiguration, qui fut un eschantillon de la gloire, Moyse et Helie parloyent avec Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit accomplir en Hierusalem.

  A005001064 

 L'ordonnance du grand Dieu.

  A005001068 

 Amen, Dieu soit beny! Je ferme donq ainsy tout ce Traitté par ces paroles, par lesquelles saint Augustin finit un sermon admirable de la charité qu'il fit devant une illustre assemblee..

  A005001077 

 Livre et Traicté de l'Amour de Dieu, ne contenir chose contraire à la Foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ains tres-utile à tous vrais Chrestiens et amateurs de la vertu.

  A005001087 

 Et non seulement y avoir trouvé toutes choses conformes à la saincte Doctrine des saincts Peres et Docteurs de l'Eglise, et adjustees au niveau de la Foy Catholique, Apostolique, et Romaine: mais d'abondant confessons ingenuëment y avoir rencontré tant d'avantages pour l'entiere recommandation de l'Amour de Dieu, tant d'ordre et de lumiere à le faire aisément concevoir, tant d'attraicts si puissants à luy gaigner les Ames; que nous estimons que ce sublime et Divin subject a vrayement rencontré cette fois celuy qu'il luy falloit pour dignement le [349] manier et l'estaller en public: et que l'esclat de son excellence et grandeur eust tousjours esté plus sombre et moindre parmy les hommes, quant à sa parfaite cognoissance, si ce Reverendissime Prelat, esgalement sçavant et Religieux, n'eust employé son net esprit et sa riche plume à le traicter.

  A005001087 

 Jehan Claude Deville, Chanoine en l'Eglise sainct Paul de Lyon, Docteur en saincte Theologie, Predicateur, et deputé a l'Approbation des Livres en ce Diœcese, par Monseigneur Denys Simon de Marquemont, Illustrissime, et Reverendissime Archevesque de Lyon: faisons foy d'avoir veu et leu ce present Livre de l'Amour de Dieu.

  A005001091 

 Thomas de Meschatin la Faye, Comte, Chanoine et Chamarier de l'Eglise de Lyon, et Vicaire General en l'Archevesché de Lyon, ayant veu les susdictes Approbations des Docteurs en Theologie, permettons l'impression du present Livre intitulé Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque de Geneve..

  A005001101 

 Il est permis au Sieur Pierre Rigaud, Marchand Libraire de cette ville, d'imprimer ou faire imprimer le present Livre intitulé le Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, avec defenses à tous autres en tel cas requises.

  A005001105 

 Louis Par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre.

  A005001105 

 Nostre cher et bien-amé Pierre Rigaud, Marchand Libraire de nostre Ville de Lyon, nous a fait dire et remonstrer, qu'il desire faire imprimer de nouveau, en beaux, et bons caracteres le Livre intitulé, T raicté de l'Amour de Dieu, par François de Sales, Evesque de Geneve.

  A005001122 

 TRAITTÉ DE L'AMOUR DE DIEU.

  A005001133 

 Nostre rayson, ou, pour parler avec lesescholes, nostr'ame entant qu'ell'est raysonnable, est le vray temple du grand Dieu, car c'est la ou plus particulierement il reside.

  A005001133 

 Premier: troys grans parvis, dont l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le [356] second estoit pour les Israelites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour tout l'ordre hierarchique; et en fin, outre tous ces parvis, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle le seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001134 

 Au Sanctuaire toute la lumiere entroit par la porte; en ce degré on n'a point de lumiere que celle qui provient du discours que l'on a fait de la souveraine æquité, bonté et infinité de la volonté de Dieu, lequel discours produit, par maniere de consequence, cette simple veüe, quil faut aymer et acquiescer a la volonté de Dieu, et cette simple veue est toute la clarté qui esclaire en ce sanctuaire.

  A005001134 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu..

  A005001135 

 Et de mesme, en cette tres intime ou superieure portion de la faculté raysonnable, se treuvent la foy, representee par les tables escrittes par le doigt de Dieu, par lesquelles il declaire sa volonté; l'esperance, delaquelle les promesses aboutissent a la fleurissante vie cæleste; et la charité, plus douce que la manne a nostre cœur, plus prætieuse que l'or devant Dieu.

  A005001138 

 En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001142 

 Et la hauteur est de mesme, par ce que la charité regarde Dieu en haut: et quand a l'amour d'obeissance, elle acheve la [362] coudee, accomplissant les œuvres de commandement; mays quant a l'amour affectif elle ne fait qu'en commencer en ce monde, et par maniere de dire, elle n'a sa mesure qu'a demi, attendant de l'accomplir en lautre..

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Sa longueur est de deux coudees et demi, pour la perseverance et longanimité entre les œuvres de la vie purgative, illuminative et unitive; et par ce que l'union ne se fait qu'a demi en ce monde, aussi la troysiesme mesure n'est que de demi coudee: ou bien la longanimité es œuvres requises a nostre perfection, au secours du prochain, au service de Dieu, et ce service n'a pas icy sa pleyne mesure.

  A005001146 

 ...entre Dieu et l'homme par la charité, l'amour de Dieu previent nostre cœur et produit en nous l'amour; et toutes les fois que cette Bonté cesse de jetter sa vertu dans nos cœurs, comm'il arrive tous-jours quand le peché divisant entre Dieu et nous fait ecclipser ce grand Soleil de justice, helas, alhors nous demeurons sans charité et sans amour.

  A005001146 

 C'est la vraye volonté de Dieu que nous ayons tous les moyens requis a faire nostre salut, aussi les avons nous tous suffisamment, et mesme, pour la plus part, nous les avons abondamment et surabondamment.

  A005001146 

 Et comm'est ce que sa bonté pourroit mieux tesmoigner la volonté qu'ell'a de nous sauver, que faysant pour nous une si riche provision des moyens necessaires a cet effect, les nous offrant si liberalement, et nous pressant si chaudement de les recevoir, de les embrasser et de les employer? Il est vray, [363] Philothee, que Dieu ne nous veut pas porter au salut, d'une volonté absolue et inevitable, sinon Ihors quil void la nostre suivre volontairement les attraitz de la sienne.

  A005001146 

 O Dieu, mais sil le veut, pourquoy ne nous sauvons pas tous? C'est par ce quil ne le veut pas de sa volonté inevitable, ains de sa volonté attrayante, laquelle exerce suffisamment en nous sa bonté pour nous rendre capables du salut, mays qui n'exerce pas pourtant sa toute puissance pour nous mettre hors du danger et du pouvoir de nous damner si nous voulons.

  A005001147 

 Il conserve soigneusement le privilege [de] nostre liberté entre les graces de sa liberalité: il comble quelquefois la liberté de doux attraitz ou d'attrayantes douceurs, mais il ne l'estouffe jamais, il ne la suffoque point, ains luy laisse tous-jours l'aspiration et respiration libre pour recevoir ou rejetter son inspiration; car en fin ce sont des douceurs, et ce ne seroyent pas des douceurs si c'estoyent des violences: il la tire sans la tiranniser, et cela, ce me semble, ne tesmoigne pas moins la verité de la volonté de Dieu pour nostre salut; ains, au contraire, ceste volonté est dautant plus veritable qu'elle est plus douce et plus suave, dautant plus aymable qu'ell'est plus amiable..

  A005001148 

 En ce que par cette volonté Dieu nous veut donner les moyens et commodités de nous sauver, ell'est tous-jours accomplie; car tous les hommes ont un vray et reel pouvoir d'estre ou de devenir enfans de Dieu, et par consequent ses heritiers, silz veulent.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001155 

 Mays de pœnitence pour avoir offencé Dieu, il y en a si peu d'apparence entre les Philosophes, que ceux qui ont esté les plus vertueux, comme les Stoiciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais, et en ont fait une maxime aussi insolente comme celle sur laquelle ilz l'ont fondee, que l'homme sage ne pechoit point.

  A005001156 

 C'est pourquoy cette vertu est une vertu morale, lhors que pour avoir offencé Dieu nous nous en repentons, demandons pardon, et pour reparation du peché excitons en nostre ame un volontaire desplaysir; mais elle ne laisse pas d'estre un vray don de Dieu, car bien que nous puissions avoir quelque sorte de repentance de nos pechés, entant que par iceux nous avons violé la loy naturelle et le dictamen rationis, l'ordonnance, la conduite et l'advis de la rayson, [si est] ce [que] quand nostre repentir se fait pour Dieu, et forclost [la volonté de pecher,] il ne peut [estre] que de Dieu, et vray don de Dieu..

  A005001171 

 Ce bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comm'aussi il y a grand'apparence quil fit), et entr'autres choses il dit quil seroit content sil pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» l. 4.

  A005001171 

 Et supra, Epict., I. 1. c. XIIII, enseigne que Dieu et «nostre bon Ange» sont presens a nos actions.

  A005001171 

 chap. X. Et ceste repentance morale a quelquefois eu pour motif la consideration d'avoir offencé Dieu; car, comme les Philosophes ont creu qu'on faysoit chose aggreable a Dieu en vivant vertueusement, aussi ont ilz pensé qu'on l'oSençoit en vivant vicieusement.

  A005001171 

 chap. XI. Et l. 1. c. XIIII, il veut que son Philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais luy desobeir, ni de blasmer, accuser ou se plaindre de chose quelcomque qui arrive de sa part.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001172 

 Mays il suffit, pour oster quelques uns de nos plus sçavans Theologiens de doute, que non seulement la nature peut çonnoistre que Dieu est offencé par les pechés, mais qu'aussi elle l'a conneu, et a enseigné que pour cela il s'en failloit repentir..

  A005001173 

 Nous commençons par une profonde apprehension de cette verité et maxime, que, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisons, luy desobeissons et nous rebellons a luy; que du costé de Dieu il s'en tient pour offencé, desagree, reprouve et abomine l'iniquité.

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001174 

 Nous considerons que Dieu, lequel nous avons offencé, a establi la punition rigoureuse de l'enfer pour les pecheurs, alaquelle nous serons condamnés si nous ne nous convertissons et faysons pœnitence; et cette consideration nous esmeut a nous repentir de nos pechés, les detester et rejetter de tout nostre cœur.

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001176 

 Quand donq nous sommes touchés par quelqu'un de ces motifz et qu'en vertu d'iceux nous detestons nos pechés, nous faysons une louable pœnitence (car la crainte de perdre ce que nous devons desirer ne peut estre que louable, et quand le desir d'une chose est louable, la crainte de son contraire est louable aussi: desirer le Paradis est chose louable; donques, craindre l'enfer est chose louable), mays imparfaite encor et laquelle ne suffit pas pour nous mettre en la grace de Dieu.

  A005001177 

 Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement..

  A005001178 

 Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus.

  A005001178 

 Je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu: non certes, Philothee, car si par exemple, quelqu'un se repentant d'offencer Dieu pour ce que par le peché il perd le Paradis, entendant et deliberant que si Dieu ne donnoit point de Paradis a ceux qui vivent bien, il ne voudroit pas bien vivre, helas, il commettroit un grand peché, car il præfereroit son interest et son bien propre a la bonté et Majesté divine; il aymeroit mieux le don que le Donnateur, qui seroit un'affection fort desordonnee et desreglee.

  A005001181 

 En fin donq, nous pouvons detester le peché, non pour l'endommagement quil fait a nostr'ame delaquelle il souille la beauté, defigure l'image divine, non pour le desir d'avoir le Paradis, non pour la crainte d'estre damnés, mays par ce que le peché offence Dieu qui est souverainement bon, et souverainement bien aymable et souverainement bienaymé.

  A005001186 

 C'est pourquoy, comme le vin theriacal n'est pas appellé theriacal pour avoir la substance de theriaque, mais seulement la vertu et l'operation de la theriaque contre tous venins, aussi la repentance amoureuse n'est pas appellee amoureuse pour avoir tous-jours la substance et propre action de l'amour, mais par ce qu'elle contient, ou l'action propre de l'amour, ou la vertu, le mouvement et l'operation de l'amour, qui est de reunir l'affection et la volonté a Dieu tres estroittement et inseparablement.

  A005001186 

 Car la souveraine bonté de Dieu estant le motif de nostre repentance, elle luy donne le mouvement, car elle ne seroit pas le motif si elle ne donnoit le mouvement: or, le mouvement que la bonté donne c'est le mouvement de l'amour, or le mouvement de l'amour c'est le mouvement d'union; c'est pourquoy la vraye repentance, bien quil ne soit pas advis et qu'on n'y voye pas l'amour, neanmoins ell'a le mouvement d'amour, et unit a Dieu.

  A005001187 

 Et cet amour qui donne mouvement a la repentance est un vray amour, mais non encor parfait, jusques a ce que son mouvement soit en son plus haut degré; car alhors, soudain l'amour parfait est produit en l'ame, c'est a dire la tresste vertu de charité qui rend l'ame toute chere a son Dieu.

  A005001188 

 Int, On considere combien Dieu est bon, et combien il est aymable pour cette bonté: O Seigneur, que vous estes bon! Confesses, confesses, o mon ame, a vostre Dieu quil est bon, qu'eternelle est sa misericorde.

  A005001188 

 On considere combien on est coulpable de cette coulpe: Estonnés vous, o cieux, et que ses portes se desolent extremement, car mon ame a fait deux maux; elle vous a quitté, o Dieu eternel, vous qui estes la source inespuisable des eaux vives de toute bonté, et se retourne du costé de la creature pour fouir et creuser des puis, puis crevassés et dissipés qui ne peuvent contenir aucunes eaux de vray contentement.

  A005001193 

 En somme, les pechés venielz diminuent la charité en son exercice et non en sa substance, c'est a dire ilz ne diminuent pas la charité, mais l'exercice d'icelle, et notamment en ce que la charité requiert que nous rapportions nos actions a Dieu.

  A005001193 

 Le peché mortel n'abolist pas la lumiere naturelle, mais il la tient prisonniere, captive et esclave, en sorte qu'elle ne fait pas son operation; comme dit le grand Apostre, que les Philosophes detenoyent la verité en injustice, parce que connoissans la verité d'un seul Dieu ilz ne le glorifioyent pas comme Dieu, ains cachoyent et retenoyent l'efficace de la verité dans la multitude de leurs vices.

  A005001195 

 Et en somme, la charité, qui nous est donnee pour agir selon la volonté de Dieu, n'arreste guere en un cœur qui ne l'employe pas: ou ell'agit ou elle perit; elle veut avoir des enfans, comme Rachel, [374] ou mourir.

  A005001210 

 Car, disent les uns, si la grace et misericorde de Dieu fait le commencement, le progres et la fin du salut des esleuz, sil eut donq pleu a Dieu de faire autant de grace aux repreuvés et d'avoir autant de misericorde pour eux quil en a eu pour ceux quil luy a pleu de sauver, ilz se fussent aussi bien convertis a l'exercice du tresst amour, et par consequent au salut.

  A005001210 

 Et c'est une excuse vulgaire de l'indevot, quil ne peut aymer Dieu autant quil desireroit, par ce que Dieu ne luy en fait pas la grace; et une tentation asses ordinaire, de penser que les devotz puissent rapporter leur devotion a leur diligence et leur diligence a leur gloire particuliere, comme silz avoyent rendue la grace effective et vigoureuse pour faire son operation en eux..

  A005001218 

 ...verra clairement quil confesse que la volonté de Dieu a eu des grans motifs et fortes raysons au decret de ce repoussement du peuple Juif, mays quil ne faut pas neanmoins en faire la recherche, ains que nous....................................................................................

  A005001224 

 Cette attraction que l'amour [fait] de son Dieu a soy est pareille a celle que fait le petit enfant [des mammelles] de sa mere; sinon que les mammelles des meres tarissent et dessechent petit a petit, la ou la fontayne des perfections divines estant inespuisable et infinie ne diminue point, mais demeure tous-jours autant fœconde comme sil ne s'en tiroit rien.

  A005001233 

 Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous.

  A005001237 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a toute son affection en la loy du Seigneur et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; c'est a [380] dire, qui desirant observer la loy de Dieu, il la meditera jour et nuit, affin que de la source de la meditation proviennent des ruisseaux continuelz d'affections, et des affections s'en ensuivent les actions.

  A005001239 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, en l'autre il est proposé par le mot de repenser, par ce que la meditation n'est autre chose qu'une pensee reiteree, attentive et entretenue volontairement; et affin qu'on sache que la meditation tend a esmouvoir les affections et a produire les actions, en l'un et en lautre passage il est dit quil faut mediter et repenser en la loy de Dieu pour l'observer.

  A005001239 

 Et c'est pourquoy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, pour exprimer d'autte façon sa conception il dit: Je repenseray, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter n'est autre chose que repenser souvent en une chose pour quelque dessein qui regarde l'affection.

  A005001239 

 v. 5, Moyse avertit le peuple quil repense en son cœur les graces particulieres que Dieu luy avoit faittes, affin, dit il, que tu observes ses commandemens et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Dieu luymesme, Jos.

  A005001240 

 24, qui estoit un animal net et pur, sortoit devers le soir pour mediter, pour prier ou se retirer en Dieu, pour conferer avec Dieu, pour exercer son esprit en Dieu, pous s'aliener de soy mesme; car les plus sçavans interpretes expliquent ainsy ce passage: Parap.

  A005001243 

 Or en cett'action, Philothee, elle parle avec Dieu, elle l'interroge, elle souspire, elle aspire, elle reconnoist la grandeur de Dieu et sa misere propre, ell'admire; et Dieu l'inspire, luy touche le cœur, respand des clartés et lumieres sans fin: si qu'en cette conversation et colloque se commence la s te theologie mistique, car l'homme commence par la a savourer Dieu et a connoistre sa douceur et suavité nompareille..

  A005001247 

 Car premierement, nous meditons principalement affin de nous provoquer a l'amour de Dieu, mays nous contemplons par ce que nous aymons; car apres que nous avons treuvé l'amour par la meditation, cet amour nous fait treuver une si grande douceur en la chose aymee, que nous ne pouvons nous saouler de regarder et voir la chose aymee: le desir d'obtenir l'amour nous fait mediter, et l'amour obtenu nous fait: contempler..

  A005001247 

 La meditation ne semble avoir qu'une seule difference d'avec l'estude, qui consiste en la fin; car l'estude tend a nous rendre plus doctes, et la meditation a nous rendre plus affectionnés a Dieu.

  A005001250 

 Il est vray que le regard ayant excité l'amour, l'amour ne s'arreste pas es bornes jusques auxquelles le regard l'a poussé, car en ce monde nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance; dont S t Thomas asseure que «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour de Dieu.

  A005001250 

 S t Bonaventure, interrogé si une pauvre simple femme pourroit autant aymer Dieu que luy, respondit qu'oüy; dont S t Gilles fit un'exclamation admirable, quil faut voir, comm'encor ce que l'abbé de S t André de Verceil dit a S t Anthoine, qui est es Chroniques, sur ce sujet..

  A005001253 

 C'est pourquoy, apres que la connoissance de la foy nous a provoqué [386] au commencement de l'amour, la connoissance de l'experience, par laquelle nous goustons, touchons et voyons la bonté de Dieu sous la conduite de l'amour, produit en nous un autr'amour plus grand; puis cet amour un goust plus excellent, et ce goust un amour plus eminent.

  A005001253 

 Ceux qui me goustent auront encor faim, et ceux qui me boivent auront encor soif. Qui goustoit plus Dieu, ou le bon Guillaume Ocham, que quelques uns ont estimé le plus subtil des mortelz, ou S te Cath.

  A005001254 

 ad 2, ou il apporte un'instance inevitable: Nous aymons, dit-il, extremement les sciences avant que de les sçavoir, «pour la connoissance sommaire et confuse que nous en avons;» «il en faut,» dit il, «dire de mesme de l'amour de Dieu.» La connoissance de la bonté applique la volonté a l'amour, mais despuis que l'amour est en train, il va par apres croissant par le playsir quil reçoit et ressent, sans qu'il soit besoin d'autre persuasion ni connoissance.

  A005001255 

 ad 3, «sousmet parfaitement son sçavoir a Dieu, par cela mesme la devotion en est augmentee;» tesmoignant [que] la science n'est point contraire de soymesme, ains est utile a la devotion, et quand elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement.

  A005001259 

 L'amour estant parvenu a la contemplation et au regard simple de Dieu, fait ce regard en l'une des deux façons.

  A005001260 

 D'autrefois, il regarde plusieurs attributz et est attentif a les regarder, mais comme d'une veüe totalement uniforme et sans distinction; comme celuy qui regardant l'espouse d'un seul trait d'œil quil feroit, passant sa veue des la teste jusques aux pieds, n'auroit rien regardé distinctement, quoy qu'il auroit tout veu attentivement, et ne sçauroit dire autre, ni quel carquant ni quelle robbe elle porte, ni quelles bagues, ni quelz yeux, ni quelle bouche, ni quelles mains, ains sçauroit seulement dire que tout est beau et qu'ell'est toute belle: car ainsy on regarde la toute puissance, la toute justice, la toute sagesse de Dieu, non point distinctement, mays d'une simple veüe qui tire son regard d'un seul trait sur ces attributz, sans nulle interruption; et neanmoins ne sçauroit dire rien en particulier, ains seulement en general que tout est bon, quil [388] est tout beau, quil est tout desiderable, ainsy que Dieu mesme fit au commencement du monde: car il vid la bonté de tout ce quil faysoit separement et qu'un chacun ouvrage estoit bon; puis, d'un seul trait de son regard, il vid que tout estoit tres bon..

  A005001261 

 Autrefois, on ne regarde pas ni un seul attribut, ni tout ensemble, mays une seule action ou un seul ouvrage de Dieu, et on demeure attentif a cela; comm'en l'acte de bonté par lequel il pardonne les pechés, et lhors on dit: Vous estes bon, Seig r, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications..

  A005001266 

 63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.

  A005001269 

 O Dieu, dit S t Augustin, ou vous allois-je chercher, Beauté infinie! car «vous esties dedans moy;» et les pelerins d'Emaus sentoyent les effectz de la presence de Celuy quilz pensoyent estre absent, et leurs facultés se ramassoyentau dedans: Nonne cor nostrum ardens erat in via? Il leur touchoit le cœur, et a cet attouchement ilz s'eschauffoyent interieurement.

  A005001269 

 Quel bonheur, Philothee, quelle suavité de sentir Dieu au milieu de son ame! Quand le tressaint Sacrement est dedans nous, et que par la tressainte foy et meditation nous apprehendons vivement la veritable et admirable presence de ce divin Espoux, il nous ramasse fort souvent a soy et retire toutes nos facultés: Revertere, revertere, Sulamitis; il nous attire par le miel de sa sapience comm'un autre Salomon autour de son trosne.

  A005001270 

 Car ainsy, Dieu respandant dedans le cœur le vin, plus doux que le miel, de son s t amour, et en faysant sentir l'odeur a nos facultés, vous les voyes, par cet aymable attrait, rentrer dedans le cœur comme dedans leur ruche, doucement et delicieusement..

  A005001271 

 Imaginés vous, Philothee, la tresste Vierge nostre Dame, lhors qu'ell'eut conceu le Filz de Dieu son uniqu'amour.

  A005001271 

 L'ame est plus ou ell'ayme qu'ou ell'anime: et ou estoit le Bien Aymé de cette Bienaymee, sinon dedans ses entrailles, dans ses flancz? c'est pourquoy toute son ame estoit ramassee dedans elle mesme, et a mesure que la divine Majesté s'estoit, par maniere de dire, restressie et appetissee dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit son infinie bonté, son esprit tressailloit en Dieu son Sauveur, c'est a dire en ses entrailles, ou Dieu estoit.

  A005001272 

 O Dieu, comme seroit elle esmeüe! quel accueil amoureux! quel empressement de caresses, sans ordre ni methode! car l'amour surpris de quelque grand contentement perd ordinairement contenance et semble un peu hors de soymesme..

  A005001273 

 Et un'autre fois, o Dieu, Philothee, quell'agitation de cœur tesmoigne elle! J'entens, dit elle, la voix de mon Bienaymé; le voicy quil vient cettuy ci, saultant es montaignes, outrepassant les collines; il est semblable au chevreul et au petit cerf.

  A005001277 

 Ainsy les grans princes mesme ramassent plus soigneusement leurs barons et chevaliers quand ilz doivent estre en la presence de quelqu'autre grand prince; et comme le soleil, par sa veue, fait recueillir en soymesme les flambes, les touchant seulement de son rayon: car ainsy Dieu touchant d'un trait de ses inspirations les cœurs qui le regardent et se mettent en sa presence, il les ramasse et recueille tout en eux mesme, pour estr'attentifs a Dieu.

  A005001277 

 Et quand l'ame reçoit souvent ce bonheur, que Dieu luymesme la ramasse et recueillit ses facultés pour estre attentive a sa divine Majesté, on appelle cela l'estat de recueil ou recueillement.

  A005001277 

 Mays ce recueillement ne se fait pas seulement par ce sentiment de la presence de Dieu au fond de nostre ame lhors que les puissances se recueillent autour du Bienaymé, ains aussi quand nous nous mettons en la presence de Dieu en quelle façon que ce soit.

  A005001278 

 Et je connois un'ame dedans laquelle si tost que l'on jettoit quelque parole de l'amour de Dieu, soit qu'elle se confessast, soit encor hors de confession, on voyoit qu'elle rentroit si fort en soymesme qu'ell'avoit peyne d'en sortir pour parler et respondre; de sorte mesme que tout son exterieur demeuroit comme destitué de vie, et tous ses sens sans action et comm'engourdis..

  A005001279 

 Quelquefois, l'ame estant ainsy toute ramassee en elle mesme, ou [394] devant Dieu, si elle se represente Dieu hors d'elle mesme, ou autour de Dieu, si elle se le represente et le sent dedans soy mesme, ell'entre en une si grande paix, en un repos si tranquille, et ressent un'attention si delicate, si amiable et si douce, quil semble que son attention ne soit presque pas attention, tant ell'est presqu'imperceptible et exercee delicatement.

  A005001282 

 Il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude par la presence de Dieu: elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette jouissance, car elle ne discourt point, elle n'opere point par aucune faculté de son ame, sinon par la seule volonté, laquelle estant la bouche par laquelle entre le contentement et la delectation interieure, elle remue doucement et presque sans remuement, sucçant le bien de cette presence.

  A005001283 

 O Dieu, Philothee, quil estoit heureux, ce divin enfant, de dormir dans le sein de son Pere, lequel aussi, le jour suivant, le recommanda comm'un enfant de lait a sa Mere! Il vaut mieux dormir dans le sein de Dieu que de veiller par tout ailleurs..

  A005001285 

 Ainsy, lhors que Dieu jette dedans nostr'ame la suavité de sa presence, son vin res-jouissant le cœur de l'homme, emmiellé de cette douceur incomparable, toutes les facultés de l'ame demeurent accoysees, bien que la seule volonté, comme l'odorat spirituel, demeure occupee, sans action, au sentiment de ce celeste playsir..

  A005001286 

 Or en cette tranquillité il arrive quelquefois une tentation subtile: car si l'esprit a qui Dieu la donne est grandement actif, fertile et foisonnant en considerations, ou qui ayme grandement sentir ce quil fait et retourner sa veue sur soymesme, pour se voir et reconnoistre son avancement ou savourer son contentement... Car il y a des espritz de cette condition, qui veulent tout voir et sçavoir ce qui se passe en eux, et ne se contentent pas de savourer le bien silz ne savourent encor le contentement; et, [par] maniere de dire, encor quilz soyent contens, il leur est advis quilz ne le sont pas s'ilz ne sentent le contentement d'estre contens, et sont comme ceux qui, se sentans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre [398] silz ne contoyent combien de robbes ilz portent, ou comme ceux qui, estantz bien rassassiés ou desalterés, ne seroyent pas contens silz ne sçavoyent la quantité et qualité de ce qu'ilz ont beu et mangé..

  A005001287 

 Alhors ces espritz volontairement quittent la paix et tranquillité quilz ont en la presence de Dieu, pour voir comm'ilz sont en cette presence, et quittent l'attention qu'ilz doivent avoir a Dieu pour se regarder eux mesme.

  A005001287 

 Il y a bien de la difference, Philothee, entre aymer Dieu qui me donne du contentement et aymer le contentement que Dieu me donne..

  A005001287 

 O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne.

  A005001288 

 Et comme l'enfant, si pour quelque occasion avoit levé sa teste du giron de sa mere pour voir ou il a les pieds, y retournerait soudain, ainsy faut il que nous estans ainsy distraitz par cette curiosité de sçavoir ce que nous faysons, nous remettions soudain nostre cœur en cette douce et paysible attention que nous avions a la presence de Dieu.

  A005001288 

 L'ame, donq, qui est si heureuse d'avoir treuvé la paix et quietude amoureuse en Dieu, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soymesme ni son contentement, car elle le perdra en l'aymant, et le conservera en le negligeant pour ne point quitter la source d'ou il provient.

  A005001288 

 Mays pourtant il ne faut pas croire qu'il y ait peril de perdre cette sainte quietude par les actions ni du cors ni de l'esprit qui ne se font point par legereté ni par indiscretion; car il faut croire la B. M. Therese, laquelle estime que c'est superstition d'estre si jaloux de cette quietude que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, pour la mieux conserver: car, certes, Dieu qui donne cette paix ne l'oste pas pour telz mouvemens exterieurs, non, ni mesme pour les distractions et evagations involontaires de l'esprit; car la volonté estant une fois bien amorcee ne laisse pas de savourer le fruit de cette quietude, quoy que l'entendement ou la memoire s'eschappent..

  A005001289 

 Nous avons veu un'ame extremement attachee a Dieu, [399] avoir neanmoins eu l'entendement tellement libre, qu'ell'entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit, bien que toutefois il luy fut impossible de pouvoir respondre ni de se desprendre de Dieu; auquel ell'estoit occupee par l'application de la volonté en telle sorte, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans une douleur extreme qui la provoquait au gemissement: et semble que ce fut comm'un enfant qui, ayant la bouche au tetin de sa mere, pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras pour prendre quelque chose, sans toutefois se desprendre du sucheron, ni cesser de tetter..

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001291 

 Aucunefois mesme l'ame est en cette paix sans avoir aucun'autre satisfaction que de sçavoir qu'ell'est aupres de Dieu, et n'y a nul autre contentement que d'y estre par ce que Dieu a aggreable qu'elle y soit.

  A005001291 

 Car quelquefois l'ame tire un contentement inimaginable de sentir par certaines douceurs interieures la presence de Dieu, comm'il arriva a s te Elizabeth; autrefois, non seulement elle sent son Dieu present, mais elle luy parle doucement et secrettement comme cœur a cœur.

  A005001291 

 O Dieu quel playsir! En d'autres occasions elle le sent, luy parle et l'entend parler, par certaines clartés qu'elle reçoit dans le cœur, qui luy tiennent lieu de paroles.

  A005001292 

 D'autrefois, ni elle ne sent aucun signe de la presence, ni elle n'oyt, ni elle ne parle, mays simplement elle sçait qu'ell'est avec Dieu, que Dieu luy est present et quil luy plait qu'elle demeure la en sa presence, comme les Apostres ausquelz N. S r dit au jardin des Olives: Demeures icy, veilles.

  A005001292 

 Et notes, Philothee, qu'il y a difference entre se mettre en la presence de Dieu et se tenir ou estre en la presence de Dieu: car pour s'y mettre il faut appliquer son ame et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais apres qu'on s'est mis en la presence de Dieu, on s'y tient et on y persevere tous-jours tandis qu'ou par l'entendement ou par la volonté on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, regardant Dieu ou quelque chose pour son amour; ou bien ne le regardant pas ni aucune chose pour son amour, mais luy parlant; ou mesme ne regardant ni ne parlant mais l'escoutant; ou encor ne regardant, ni ne parlant, ni n'escoutant, mais attendant sil nous regardera ou sil nous parlera; ou en fin, ne faysant rien de tout cela, mais simplement demeurant ou il nous a mis, par ce quil nous y a mis.

  A005001292 

 Que si a cette simple demeure se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et quil est nostre tout, c'est une grace extremement grande que nous recevons..

  A005001294 

 Mon Dieu, chere Philothee, que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que d'estre en son bon playsir et y demeurer volontairement! Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veue, a son gré et selon sa volonté; et semble qu'il nous jette la sur le lit comme des statues dans leurs niches, et nous nichons dans nos lictz comme les oyseaux dans leurs nids.

  A005001294 

 Nous avons donq tous-jours continué d'estre en sa presence, quoy que les yeux clos et fermés et sans que nous nous en soyons apperceu; et nous dirions volontier comme Jacob: Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien..

  A005001294 

 Quand nous nous esveillons, nous treuvons que nous sommes presens a Dieu, qui ne s'est point esloigné de nous, ni nous de luy.

  A005001295 

 Car en fin, comme dient tous les Saintz qui ont traitté de cette matiere, c'est la vraye et essentielle extase de l'amour de n'avoir pas sa volonté en soy mesme, mais en la volonté de Dieu, ni n'avoir pas son contentement en soymesme, mais au contentement de Dieu.

  A005001295 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un simple acquiescement a la volonté de Dieu est souverainement excellente, par ce qu'ell'est pure de tout l'interest des facultés de l'ame, qui ne jouissent d'aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, par laquelle elle se contente de n'avoir aucun contentement que d'estre sans contentement pour l'amour du contentement de Dieu.

  A005001299 

 Je ne parle pas icy de l'union generale que l'amant a avec la chose aymee et alaquelle l'amour tend, mais je parle d'une certaine union par laquelle l'ame recueillie en Dieu, comme nous avons dit cy devant, avec toutes ses puissances, elle se joint et unit a son object bienaymé, et demeure comme toute collee en luy..

  A005001301 

 L'ame, donq, amorcee de cett'union, non seulement consent, mays selon qu'elle peut, elle se presse et se serre de tout son pouvoir en Dieu..

  A005001303 

 Or icy donques (et ceci doit estre au commencement du chap.) nous ne parlons pas de l'union generale du cœur avec Dieu, mais de certains actes particuliers que le cœur fait, pour non seulement estr'uni, mais estre plus uni, plus serré et plus joint a Dieu.

  A005001304 

 Voyes un enfant pendu au col de sa mere, demeurer uni et joint a ses mammelles: si vous y prenes garde, de tems en tems il se pressera et serrera par des sursaultz de mouvemens que le playsir de tetter luy donne; ainsy un cœur aymant Dieu, demeure tous-jours uni par affection a sa divine Majesté, mais pourtant, en certaines occasions, il fait certain accroissement d'union, par un mouvement avec lequel il se serre et presse davantage en Dieu.

  A005001305 

 Quelquefois, par la seule volonté qui s'estend et se serre le plus estroittement a son Dieu: Hé, Seigneur, quand seray-je tout en vous? Quand viendray et paroistray devant vostre face? Joignes, Seig r, de plus en plus cett'ame a vostre bonté; et cœt..

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 O Dieu, quel bonheur, quand non seulement la volonté s'unit a Dieu, mais aussi toutes les facultés! [405].

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 Ainsy mesme l'ame de Jonathas est ditte collee a l'ame de David; et, comme dit S t Aug in, celuy entendoit bien la force de l'amour qui disoit a son ami: a Dieu, «la moytié de mon ame;» car quand l'amitié est parfaite ell'est indissoluble, inseparable et æternelle, ainsy que je l'ay dit ailleurs..

  A005001311 

 Or l'union de nostre ame a Dieu est lhors en sa perfection quand nous sommes tellement saysis de sa bonté que non seulement elle nous tire a soy, non seulement elle nous joint a soy, non seulement elle nous serre a soy, mais elle nous attache et se prend tellement a nous que nous ne nous en pouvons desprendre.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001312 

 Philothee, imagines vous donques que (il importe que vous m'entendies) S t Paul, S t Augustin, S t Denis, S t François, S te Catherine de Sienne ou de Genes sont encor en ce [406] monde, et quilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonn'ame, mais non si s te comm'eux, car il y en a peu qui leur soient comparables, qui est en l'orayson d'union a mesme tems: je vous demande, chere Philothee, qui est plus joint a Dieu, plus uni, plus attaché? O Dieu, vous me confesseres que ce sont ces heureux personnages; car leur charité, qui est, comme l'un d'eux tesmoigne, le lien de perfection, est bien plus grande et plus forte que celle de cett'autre ame qui est en l'orayson d'union.

  A005001313 

 Or c'est de cet exercice que nous parlons icy, lequel quand Dieu nous le donne jusques a [ce] signe de perfection que ce nous est une grande peyne et difficulté de nous en retirer, que nous ne pouvons qu'avec douleur nous en desprendre, et quil semble a nostr'ame qu'ell'est attachee et collee a son Dieu, alhors nous disons qu'ell'est en l'union d'adhæsion ou inhæsion.

  A005001314 

 Ainsy un'ame collee a Dieu n'est plus en soy, mays en Dieu, comme le lierre attaché a la muraille n'est plus en soy, mais en la muraille..

  A005001314 

 Or la Mere Therese dit excellemment que cett'union estant parvenue jusque a cette perfection que nous venons de dire, elle n'est point differente de l'extase, suspension ou pendement; mais que seulement on l'appelle union ou suspension quand ell'est courte, extase et ravissement quand ell'est longue: car en effect, l'ame attachee a son Dieu, si serré que toutes ses puissances sont employees a cela, elle n'est plus en soy mesme, mais en Dieu; comm'un cors crucifié n'est plus en soymesme, mais en la croix.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001321 

 Et comme Dieu dit a Moyse quil parlast au rocher et il produiroit des eaux, [et] que le rocher se fut fondu et converti en eau si Moyse luy eut parlé, ainsy le Bienaymé parlant a l'amante, son ame s'est fondue et toute convertie en liqueur.

  A005001323 

 Et aussi, ceux qui sont tumbés en cet exces d'amour en ressentent les effectz de l'extase, car, revenuz a eux mesme, ilz ne touchent plus ni voyent les playsirs de la terre qu'avec degoust, ont un extreme aneantissement d'eux mesme, n'estiment rien que le Ciel, et demeurent extremement alangouris quant aux sens exterieurs, et voudroyent ne jamais estre revenus a eux mesme, sil playsoit ainsy a Dieu, ains avoir perseveré en ce meslange, ou plustost abismement d'eux mesme en Dieu.

  A005001323 

 Il semble que telle fut la passion amoureuse qui fit dire au grand s t Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesuschrist vit en moy; et quand il disoit ailleurs: Nostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001323 

 Or la verité est que cette liquefaction, cet escoulement d'un'ame en Dieu, est a proprement parler une grande et veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors de ses propres bornes, hors de son propre maintien, et se treuve toute absorbee et engloutie et comme toute meslee en son Dieu, ainsy qu'une goutte d'eau qui tumbe dans un grand vaisseau de vin.

  A005001323 

 Tel, je pense, estoit le sentiment du grand Bienheureux Philippe Nerius, quand, accablé de consolation, il demandoit a Dieu quil se retirast pour un peu de luy.

  A005001329 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort? Voyes cet autre amoureux: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et apparoistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes ont esté mon pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Voyes la sacree Sullamite comm'elle parle aux filles de Hierusalem: Helas, dit elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Bienaymé, de luy annoncer ma peyne, par ce que je languis et suis blessee d'amour.

  A005001330 

 C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A005001330 

 Mays il y a une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait, par l'entremise neanmoins de l'amour, dans les cœurs quil veut rendre excellens.

  A005001332 

 O Dieu, quelle peyne a un'ame, mais que cette peyne est aymable! car ce cœur aymant desire d'aymer, et void bien quil ne peut ni asses aymer ni asses desirer.

  A005001333 

 Dieu, donq, comme tirant des sagettes du carquoys de son infinie beauté, blesse l'ame, luy faysant clairement voir qu'elle ne l'ayme pas asses; car qui ayme Dieu en ce monde en sorte quil ne voudroit et ne desire l'aymer davantage, il ne l'ayme pas comm'il faut.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 D'autrefois Dieu blesse l'ame d'amour, luy faysant voir combien il l'ayme; car rien ne blesse tant le cœur amoureux que de voyr le cœur de son amant blessé d'amour pour luy.

  A005001334 

 Jamais nous ne blessons un cœur d'amour que nous n'en soyons atteintz, et de voir un cœur blessé cela nous sert de blesseure: c'est pourquoy les ames devotes, quand elles considerent que Dieu est touché, ains blessé d'amour pour elles, elles en reçoivent une reciproque blesseure, dautant plus grande qu'elles voyent de ne pouvoir jamais tant aymer que l'amour divin le requiert..

  A005001335 

 Helas! alhors l'ame, quoy qu'asseuree, ressent neanmoins des cruelles douleurs; car comme ceux qui ont des extremes aversions et répugnances a quelque chose n'en peuvent seulement pas [417] voir les ombres et les figures, non pas mesm'ouir les noms, aussi un'ame extremement amoureuse ne peut mesmement pas souffrir les semblans que Dieu fait de se desfier de nostre amour.

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001335 

 Un'autre blesseure d'amour est quand l'ame sçait qu'ell'ayme Dieu, mais Dieu la traitte comme sil ne sçavoit pas que l'ame est en amour; et bien qu'elle sache bien que Dieu n'est pas en desfiance de son amour, neanmoins il la traitte en sorte quil semble estre en desfiance.

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001337 

 D'autrefois cette blesseure se fait par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu qui est tant aymable, si que ilz pasment de douleur, comme celuy qui disoyt: Mon zele me fait secher de douleur par ce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 Telle fut la sagette d'amour que Dieu descocha dedans le cœur de la grande s te Catherine de Gennes au premier commencement de sa conversion, dont elle demeura toute changee, et comme toute morte au monde et aux choses creées pour n'aymer plus que le Createur..

  A005001343 

 O Dieu, ma chere Philothee, imagines vous cett'image que non Appelles, mais N. S. mesme, ou un Seraphin par son [421] commandement, avoit taillee au Ciel en la presence de tous les Anges.

  A005001345 

 O Dieu, que de douleurs amoureuses et que d'amours douleureuses!.

  A005001346 

 Nerius et le B. Stanislas Kosca, l'un et lautre languissans d'un'ardeur excessive d'amour envers Dieu, pour la multitude des traitz enflammés que le celeste Amant descochoit dans leurs coeurs.

  A005001352 

 Dieu est jaloux de nous, et nous le devons estre de luy; mays sa jalousie et la nostre ne sont pas de mesme espece, a rayson de la difference des objetz: car Dieu a de la jalousie pour nous en deux façons.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001353 

 Ainsy, Dieu ne veut point de corrival par ce que nous n'en pouvons point recevoir qu'en nous perdant, et tout ce que nous luy ostons de nostr'amour nous le perdons..

  A005001353 

 Or cette jalousie semble estre une jalousie de convoytise, mays elle ne l'est pourtant pas, car Dieu ne desire pas tout nostre amour pour son utilité, mais pour la nostre.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001355 

 Le cœur de l'homme est si petit que Dieu le veut tout avoir; mais le cœur de Dieu est si grand que tous le peuvent posseder, egalement ou inegalement, sans que l'un soit contraire a lautre.

  A005001356 

 C'est la jalousie pour laquelle David se mouroit, et pour laquelle tant de gens sont mors, affin d'empescher le peché, et non seulement la damnation des ames; comme s t Jean Bape, s t Pierre et s t Paul, et mill'autres, par ce que le peché estoit contraire a la gloire de Dieu et a sa volonté.

  A005001356 

 C'est la jalouzie pour laquelle nous voudrions que toutes choses, mais sur tout nostre ame fut unie inseparablement a Dieu, qui faysoit dire: Ni la mort, ni l'angoisse, ni les choses presentes.

  A005001356 

 Nostre jalousie donq consiste en ce que nous desirons que rien ne soit contraire a Dieu, a sa volonté, a sa gloire.

  A005001357 

 Ainsy, le grand S t Denys dit que les sages Theologiens appellent Dieu jaloux, ou, s'il faut ainsy parler, zelant, par ce quil est excessif en l'amour quil porte a toutes choses, et par ce quil excite le desir amoureux a la jalousie, c'est a dire, par ce quil ayguise si fort le desir d'aymer en ses creatures qu'en fin il les rend saintement jalouses de luy.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001358 

 Au contraire, voyes ce pere, qui, comme Job, va transissant de crainte que ses enfans, engagés es conversations du monde, n'offencent Dieu; voyes cette mere, qui n'oste point les yeux de dessus sa fille, de peur qu'elle ne s'egare et s'engage en quelque commerce deshonneste: c'est le zele qui les porte, mais zele qui provient du juste amour que les pere et mere ont pour leurs enfans, qui les fait desirer que tout vice soit esloigné d'eux.

  A005001359 

 Mays quant au zele que Dieu a pour nous, c'est quil veut tout nostre cœur pour luy, par ce que c'est nostre souverain bien que nous soyons tout entierement siens; car, quand a luy, il ne tire nulle utilité de nostr'amour, ell'est toute pour nous.

  A005001360 

 Et quant au zele que nous avons pour Dieu, il consiste en ces pointz.

  A005001360 

 Il ne la hait pas seulement, mays il l'abomine, il la fuit, il s'essaye de l'empescher et esloigner: Arriere de moy, o malins, et je sonderayles commandemens de mon Dieu.

  A005001360 

 Par ce que nous l'aymons souverainement nous devons aussi hair tout ce qui luy est contraire, entant quil luy est contraire; et non seulement le hair, mais le fuir; et non seulement le fuir, mays l'empescher d'estre si nous pouvons; et non seulement l'empescher d'estre, mais si nous ne pouvons pas l'empescher, estre extremement marris quil soyt; et non seulement estre marris, mays avoir une s te affection d'ire pour vanger, entant quil nous appartient, la contrarieté faite a Dieu.

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001362 

 effect du zele envers Dieu est bien contraire a la jalousie humaine, car en lieu que nous craignons que la chose aimee ne soit possedee par quelqu'autre et qu'elle ne soit divisee, le zele envers Dieu nous fait craindre que nous mesme ne l'aymions pas asses purement et uniquement, et que nous ne soyons en quelque sorte divisés ou partagés selon l'esprit.

  A005001363 

 C'est une tressainte reverence que l'amour produit, qui nous fait souverainement desirer d'estr'agreables a Dieu et ne permettre que nous perdions aucun'occasion de luy estre tous-jours plus aggreables.

  A005001363 

 Ce sont les chaisnes d'or avec lesquelles Dieu nous assujettit a son amour.

  A005001363 

 Mays en quoy consiste cette crainte? La jalousie que nous avons pour Dieu ne nous met point en peyne si Dieu en ayme des autres ou sil ne nous ayme pas bien, mais si nous ne l'aymons pas bien nous mesme, si nous avons chose qui luy puisse desplaire.

  A005001363 

 effect c'est une sainte crainte des chastes espouses, la crainte parfaite, la crainte amoureuse, crainte delaquelle parle le Psalmiste disant: La crainte de Dieu est sainte; qui persevere, dure et demeure au siecle des siecles.

  A005001366 

 Il faut dire la difference quil y a entre la jalousie que Dieu a pour nous et celle que nous avons pour luy, et la rayson de la difference.

  A005001366 

 La difference quil y a entre le zele et jalousie que nous avons pour Dieu, et le zele et jalousie que nous avons pour les hommes; car c'est comme le cheval de Pausô, tout y va a la renverse.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001367 

 Un jour S te Catherine de Siene estant ravie d'un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, tandis que Dieu luy monstroit ses merveilles, un sien frere passa pres d'elle, et par le bruit quil fit la provoqua a se retourner devers luy et le regarder un seul petit moment, apres lequel elle remit ses yeux sur le divin objet dont sort Espoux l'avoit gratifiee.

  A005001368 

 Ainsy, Philothee, l'Apostre, jaloux des ames des Chorinthiens, proteste que ce n'est pas pour luy quil est jaloux, mais pour son Maistre: Je suis jaloux de vous, ou, sil faut ainsy dire, je vous jalouze de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a luy de vous preenter une vierge chaste.

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001371 

 Mais oyes, Philothee, ce que Dieu fit pour remedier a cette passion de Carpus, delaquelle il estoit tout outré.

  A005001375 

 25, et combien Dieu l'eut aggreable; ce que fit le grand Mathathias, 1.

  A005001377 

 Mays quant a nous, tenons nous dedans la regle de S t Jaques: L'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu.

  A005001378 

 On peut repousser les injures faites a Dieu et aux choses saintes par un zele doux, tranquille, constant, impliable, diligent, ardent, actif, impetueux, car les Anges exercent ainsy leur zele; sans fiel neanmoins, sans cholere, sans violence, sans chagrin, sans passion.

  A005001380 

 C'est un instrument qui est grandement dangereux, peu de gens s'en sçavent bien servir; il n'appartient qu'aux grans Saintz, desquelz Dieu tient la main par une tres speciale providence.

  A005001380 

 Le zele requiert que celuy qui repousse l'injure faite a Dieu ayt charge de ce faire; la cholere pousse souvent ceux qui ne doivent pas sinon compatir, pleurer, demander a Dieu le remede.

  A005001382 

 Et le grand s t Denis dit excellemment a Demophile, que celuy qui veut corriger les autres doit premierement «avoir soin d'empescher que lacholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte et sedition et confusion dans nous mesme.» Et apres, il dit au mesme: «De façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussées d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie; car telles paroles ne pleurent pas a Jes.

  A005001386 

 La parfaite jalouzie de l'ame, non seulement ne veut souffrir les approches des affections qui sont contraires au s t amour, mais rejette tout ce qui peut ombrager et donner de la distraction, bref, qui peut estre entre Dieu et elle.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001390 

 O que tell'ame est heureuse d'estre ainsy toute nue devant son Dieu! o comm'elle peut dire en verité avec le s t homme Job: Je fus infuse toute nue dans mon cors, et toute nue je me represente a luy; Dieu m'avoit donné beaucoup de biens et m'avoit permis de me revestir de plusieurs affections, maintenant il me les a ostees; ainsy quil a pleu a Dieu il a esté fait, le nom tress t de Dieu soit beni..

  A005001391 

 Alhors elle [444] reprend, selon qu'elle connoist estre la volonté de Dieu, l'affection, par exemple, de son cors, pour le nourrir affin quil puisse cooperer avec elle au service de Dieu; des enfans, affin quilz soyent eslevés en la crainte de Dieu; du pauvre, pour le soulager; de l'ignorant, pour l'instruire; de prier, d'estudier, de prescher; et le tout par ce que Dieu le veut, et tandis quil le veut, et comm'il le veut.

  A005001391 

 Elle n'espouse point d'affection, ains elle les prattique, indifferente pour en prendre d'autres et quitter celles-la soudain que Dieu le voudra, ne se voulant revestir que des habitz que Dieu luy marquera et selon quil luy marquera..

  A005001391 

 Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu.

  A005001392 

 L'Ange commanda a s t Pierre quil mit premier ses sandales, et il les mit les premieres, encor que ce ne soit pas l'ordinaire de prendre les souliers avant que de s'habiller: ainsy, aux uns Dieu commande d'enseigner avant que d'estudier, comm'il fit aux Apostres, a s t François, a Isaie, et ilz le firent; aux autres d'estudier avant qu'enseigner, et ilz le font.

  A005001392 

 Les Apostres ne porterent qu'une tunique, quand N. S. le leur ordonna ilz quitterent aussi leurs souliers; despuis ilz les reprirent par la volonté de Dieu.

  A005001392 

 O que bienheureux sont les pauvres d'esprit! Bienheureux sont les nuds d'esprit, car Dieu les revestira comm'il revest les lis, d'ornemens plus beaux que ne furent onques ceux de Salomon.

  A005001398 

 Que si Dieu l'arreste en la premiere admiration, il ne laisse pas de s'attacher, ne pouvant s'assovir de voir ce quil n'a encor point [445] veu.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Mays pour moy, il me suffira de vous en proposer deux principales marques, de la vraye extase divine: l'un'est que la vraye extase s'attache plus a la volonté qu'a l'entendement, elle l'esmeut et eschauffe, et remplit d'une puissante affection envers Dieu; si que quand l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, ell'est grandement a soupçonner.

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001404 

 Ainsy le Chrestien meurt a sa vie naturelle, et ne perd neanmoins pas la vie, mais il la cache en Dieu avec Jesus Christ.

  A005001404 

 C'est cela que le grand Apostre enseignoit aux Rhodiens: Vous estes mortz, et vostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001404 

 C'est pourquoy, estans mortz au monde et resuscités a Dieu avec J. C., nous ne devons appeter et chercher sinon le Ciel et les choses celestes, et savourer les amours de ce divin Espoux..

  A005001404 

 Il colloque en Dieu toutes ses consolations, tous ses playsirs, toutes ses richesses, tous ses honneurs, et cependant les couvre, affin qu'on ne les voye pas, d'humilité, d'abjection; si que, avec Jesus Christ, il couvre (comme Jesus Christ qui cacha sa Divinité) sa gloire, sa felicité sous l'ignominie de la croix: ainsy nous cachons nostre vie, c'est a dire nostre esperance, nostre consolation, la grace abondante, sous la croix.

  A005001404 

 Item, tout cela est en Dieu; nos pensees, nostr'amour, qui est la vie de nostr'ame, car c'est le poids ( Amor meus, pondus meum ), c'est le principe de tout mouvement affectif, il est caché en Dieu au Ciel avec Jesus Christ.

  A005001406 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Dieu avec Jes.

  A005001407 

 Qu'importe-il pour le bien [450] d'un'ame qu'elle soit ravie en Dieu par l'orayson, et que sa vie soit ravie par la terre en sa conversation? En somme, estre au dessus de soymesme en l'orayson et au dessous de soymesme en la vie et en l'action, c'est un meslange de contrarietés trop extremes.

  A005001409 

 En la premiere vie le viel homme vit au peché et fait une vie toute mortelle, ains qui est la mort mesme; en la seconde vie il vit a Dieu, et cette vie est la vraye vie vitale et une vie vive.

  A005001410 

 Or, quicomque a cette nouvelle vie parfaitement, il ne vit plus ni en soy, ni pour soy, ni a soy, ains il vit en N. S. Estimes, dit s t Paul, que vous estes vrayement morts au peché et vivans a Dieu, en J. C. N. S..

  A005001411 

 Cor. 5, cet admirable amant de Dieu fait un argument admirable, et le plus pressant qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter a cett'extase de vie delaquelle nous [451] parlons.

  A005001412 

 O Dieu, Philothee, que cette consequence est forte! ell'est inevitable.

  A005001419 

 Car il ne met division entre l'esprit et l'ame, entre l'ame et le cors que pour monstrer a chascun son rang et son office, affin que l'ame soit sujette a l'esprit, et la chair a l'ame, et l'esprit a Dieu; comme font les maistres de camp ou mareschaux, qui divisent l'armee en plusieurs bataillons, non pour les separer, ains pour les mieux ranger, et unir a un mesme effect et a mesme dessein, de sorte que la distinction sert a l'union.

  A005001420 

 Or, il y a bien difference entre mourir en l'amour de Dieu, mourir pour l'amour, mourir par l'amour et mourir d'amour.

  A005001420 

 Tous les esleuz meurent en l'amour de Dieu; car l'amour de Dieu et la grace n'estant non plus differens que le feu entant quil est lumineux et beau, et le feu entant quil est chaud et ardent, qui ne meurt en l'amour de Dieu ne meurt pas en la grace de Dieu, et qui meurt hors de la grace de Dièu il n'est pas esleu, car ceux la seulz sont esleuz desquelz Dieu praevoit quilz mourront en sa grace.

  A005001421 

 Tous les Martirs meurent pour l'amour de Dieu: car si bien on dit quilz meurent pour la foy, c'est a dire pour ne point renoncer la foy ou pour la soustenir, si est ce quilz ne mourroyent pas pour la foy si la charité ne les animoyt et silz n'aymoyent la foy; or ilz n'aymeroyent pas la foy silz n'aymoyent Celuy que la foy annonce.

  A005001422 

 Mays ceux que l'amour de Dieu consume petit a petit, les extasiant, fondant leur cœur, les allanguissant, leur ostant le boyre et le manger, et en somme abbregeant leur vie, ilz meurent par l'amour: car comme ceux que le regret ou desplaysir empesche de [454] manger et de dormir, petit a petit tumbent en defaillance de forces et en fin meurent (ilz ne meurent pas de regret, mais par le regret, car ilz meurent de foiblesse: le regret les empesche de manger et dormir, le defaut du manger et dormir les affoiblit, et en fin, destitués de force naturelle, ilz meurent); ainsy l'amour de Dieu occupant grandement l'esprit des saintz amants, petit a petit la digestion et les autres functions animales et vitales manquent a leur office; l'ame ne leur pouvant asses fournir de forces a rayson du divertissement qu'ell'a sur l'object de l'amour, en fin la mort s'en ensuit.

  A005001422 

 O Dieu, que c'est une mort heureuse que de mourir par l'amour! [Heureux] celuy auquel l'amour cause ainsy la mort! Quelle douce sajette qui nous fait tant perdre de sang qu'en fin nous en mourons!.

  A005001424 

 Et c'est un jugement temeraire et un esprit populaire qui juge de la varieté des genres de mort la varieté des evenemens apres la mort: si l'homme est craignant Dieu, toutes mortz luy sont bonnes.

  A005001424 

 Or il arrive maintefois que les gens de bien et les esleuz meurent de mort soudaine, et lhors qu'en effect ilz ne pensoyent pas a Dieu, comme font ceux qui meurent apoplectiques ou letargiques, ou qui meurent de mal de chaud, en resverie et frenesie: car bien que les saintz et esleuz ne meurent jamais de mort improuveue, par ce que toute leur vie n'est presque qu'une meditation de la mort, si est [ce] quilz meurent bien de certains genres de mort esquelz ilz n'ont pas l'usage de rayson, ni par consequent l'usage [456] de la charité et de l'amour.

  A005001424 

 Or, ceux ci sont bienheureux, mourans en la charité et en l'amour de Dieu, quoy que non pas en l'usage de l'amour, parce quilz meurent en Dieu; car, comme dit le Sage, Sap. 4.

  A005001424 

 Quand les justes dorment, ilz ne perdent pas pour cela la grace de Dieu, ni sa charité ou son amour.

  A005001424 

 Voyes vous, Philothee, la grace de Dieu et la charité n'est qu'une mesme chose.

  A005001425 

 Quelques uns des Saintz et esleus meurent non seulement en la charité et amour de Dieu, mais en l'exercice et en l'action de la charité et saint amour; et cela arrive a presque tous ceux qui pendant leur vie ont esté fort ardens en l'exercice de l'amour divin.

  A005001425 

 S t Estienne, S t Jaques le [457] mineur, le grand S t Paul, S t André et la plus part des Martirs sont mors priant Dieu, et par consequent en l'acte de l'amour.

  A005001425 

 S t Hierosme mourut exhortant ses chers enfans spirituelz d'aymer Dieu, le prochain et la vertu; S t Ambroyse, devisant doucement avec son Sauveur qui l'estoit venu visiter un peu avant son trespas, ainsy que S t Bassian, Ev.

  A005001425 

 Telle fut la mort de S t Aug in, [qui] mourut en l'exercice de la sainte contrition, lisant les Pseaumes pœnitentielz et pleurant amerement ses pechés; mais la contrition, principalement es hommes parfaitz, est toute fondee, meslee et unie a l'amour de Dieu.

  A005001426 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux que, comme dit Sixte Siennois, «on ne sçauroit discerner sil a surmonté sa doctrine par la pieté ou la pieté par la doctrine,» trois jours apres avoir escrit des 50 proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, il mourut, le visage et le cœur fort vif, repetant plusieurs fois, par maniere d'eslancement d'esprit en Dieu: Fortis ut mors dilectio tua.

  A005001426 

 S t Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand S t entre les roys, frappé de peste, ne cessa onques de prier; et ayant receu le tres divin Sacrement, il mourut: «les bras estendus en forme de croix,» dit Marule, «les yeux fichés au ciel, et jettant ces paroles de confiance amoureuse dans le sein de son Dieu: J'entreray, Seig r, en vostre demeure, je vous adoreray en vostre saint temple et confesseray vostre nom, il expira.» S t Pierre Celestin, apres avoir souffert des afflictions qu'on ne sçauroit bonnement dire, sur le point de la mort commença le Psalme: Laudate Dominum in sanctis ejus, et finit sa vie en le finissant, sur ces paroles si amoureuses: Omnis spiritus laudet Dominum.

  A005001426 

 S t Paul, premier hermite, mourut a genoux, la teste droite et les mains levees: qui peut croire quil mourut sinon d'amour, ou pour le moins en l'amour? Le grand s t Jean Chrisostome ayant eu revelation de son trespas et de son salut tout ensemble, par s t Basilisque, evesq. et martyr, donnant tout ce quil avoit de reste aux pauvres et mourant apres avoir receu le S t Sacrement, il ne peut mourir qu'en l'amour de Dieu.

  A005001427 

 Et sur le point de son trespas, il se mit nud sur la terre, receut encor un habit en aumosme, duquel il fut par apres vestu, il exhorta ses freres a l'amour et crainte de Dieu et de son Eglise, fit lire la Passion, puis commença a dire avec extreme devotion le Psal. 141: J'ay crié a haute voix au Seigneur, de ma voix j'ay supplié le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: Seig r, tires mon ame de la prison, [459] affin que je confesse vostre s t nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me recompensies, il expira, l'an 45 de son aage.

  A005001427 

 Mays quant au grand s t François, Saint en la protection duquel la Providence divine, comme j'espere, me remit des qu'elle me fit escheoir son digne nom, a moy tres indigne, en mon Baptesme, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour de Dieu.

  A005001429 

 Dieu luy recommanda son Filz pour le sauver des mains d'Herodes et pour le faire rapporter d'Egipte en la terre de promission; et maintenant le Filz le recommande au Pere, qui le transporte tout plein d'amour de l'Egipte, lieu de sejour pour les enfans d'Israel, au sein d'Abraham, en attendant de le ravir par apres luymesme au Ciel, au jour de son Ascension.

  A005001429 

 Hé Dieu, quelle mort devoit faire ce grand Patriarche! Il estoit vice pere de N. S., en lieu du Pere eternel qui, quant a ce qui regardoit la vie de N. S., ne vouloit pas employer ordinairement sa Majesté.

  A005001429 

 Mays quant a s t Joseph, il m'est impossible de douter quil ne mourut non seulement en l'amour, mais par l'amour et d'amour; car qui croiroit que le cher Enfant de son cœur, son Sauveur et son Dieu, ne l'assistast pas a l'heure de son trespas, et quil ne mourut pas entre les bras de Celuy quil avoit si souvent porté entre les siens? Beati misericordes: il avoit tant receu de douceurs, de misericorde, de charité, de ce bon Pere nourricier lhors quil vint au monde, quil ne pouvoit quil ne luy rendit la pareille.

  A005001430 

 Outre tous ces Saintz, j'ay treuvé deux histoires, lesquelles sont dautant plus croyables aux amans qu'elles sont admirables; car l'amour de Dieu, comme dit l'Apostre, omnia credit, il croit volontier, notamment ce qui magnifie son regne.

  A005001431 

 Il alla en Bethleem, au lieu de la Nativité, ou, qui pourroit exprimer combien de larmes il respandit, contemplant celles desquelles le Filz eternel de Dieu, s'estant rendu petit Enfant de la Vierge, avoit premierement arrousé ce s t estable, baysant et rebaysant cent et cent fois cette terre sacree, et lechant la poussiere sur laquelle la premiere enfance du divin petit Poupon avoit esté receüe.

  A005001433 

 Et poussant ses paroles au Ciel, il y lança quant et quand son ame, bienheureuse sagette, que l'amour sacré, comme un divin archer, tira dedans le blanc de [462] son celeste object! Ses compaignons et serviteurs voyans cet accident, estonnés et dolens, courent au medecin, qui venant, treuve qu'en effect il estoit mort; et pour faire jugement sur les causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles meurs et humeurs estoit ce brave defunct, auquel on respondit quil estoit d'un naturel tout aggreable, doux, amiable, devot a merveilles et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005001434 

 Et le medecin le voyant mort, se jetta sur sa poitrine, et fondant en larmes et souspirs: «En verité,» dit il tout haut, «o serviteur de Dieu, Basile, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort maintenant que quand je vous vis hier que vous ne mourustes pas.».

  A005001434 

 Le S t pria Dieu, et impetra la prolongation de sa vie corporelle en faveur de la spirituelle du medecin, [lequel] ayant veu ce miracle se convertit; et s t Basile, se levant du lit, alla en l'eglise et le baptiza avec toute sa famille.

  A005001434 

 Puis s'en revint dans son lit, ou s'estant asses longuement entretenu en l'orayson avec N. S. et ayant exhorté les assistans de servir Dieu de tout leur cœur, voyant les Anges venir a luy, il rendit son ame a Dieu, disant: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la metz entre vos mains.

  A005001444 

 Et quand il y auroit un peu plus de prieres en l'un qu'en l'autre, neanmoins ce n'est pas chose qui face une difference remarquable pour laquelle la volonté de Dieu soit plus tost en l'une qu'en lautre.

  A005001444 

 Le choix de la vocation, l'entreprise de quelqu'affaire de grande consequence ou de quelqu'occupation de longue haleyne, de quelque grande despence, le choix de l'habitation et sejour, l'election des conversations et amitiés, et telles semblables choses meritent qu'on regarde avec extrem'affection ce que Dieu veut de nous, et que l'on s'essaye de bien reconnoistre la volonté de Dieu; conferer des charges, entreprendre des grans voyages.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001445 

 Es choses mesme de consequence il ne faut pas penser de treuver la volonté de Dieu a force d'examen; mays apres avoir demandé la lumiere du S t Esprit et le conseil de nostre directeur, ou de deux ou troys personnes spirituelles et sages, prendr'au nom de Dieu la resolution, et ne douter point, par apres, de faire mauvais choix.

  A005001447 

 C'est l'occean de la perfection divine qui fait que Dieu void tout et prouvoit a tout; et comme rien n'est caché a la chaleur du soleil, qui penetre jusques dans les entrailles de la terre pour cooperer a la generation des mineraux, aussi rien n'est hors la providence divine: elle void tout, elle dispose tout; et comme le soleil esclaire tous les yeux de ceux qui le regardent, aussi parfaitement comme sil n'en esclairoit qu'un, ainsy Dieu prouvoit....

  A005001447 

 La providence de Dieu embrasse toutes choses grandes et petites, et rien n'arrive ni au ciel ni en la terre qui ne soit sous ses loix et ne soit conduit sous son authorité.

  A005001447 

 Voyes les lis des chams, et toutes les fleurs de la varieté et multitude desquelles la terre est diapree au primtems: elles n'ont pas une seule feuille que la providence de [466] Dieu ne la leur ayt ordonnee.

  A005001447 

 Voyes vous ces cheveux de nos testes? ilz nous importent peu, et quand nous serions chauves, comm'Helisee et saint Pierre, nous n'en vaudrions pas moins; neanmoins tous ces cheveux sont contés, la providence de Dieu en tient le roolle et ne veut pas qu'un seul perisse.

  A005001447 

 Voyes vous ces petitz moyneaux? ilz semblent estre de fort peu de consideration en comparayson du reste du monde, pas un neanmoins ne meurt que par le decret de la providence de Dieu.

  A005001452 

 C'est un plus grand amour de recevoir aggreablement les maladies, incommodités, pauvretés, injures que Dieu nous envoye.

  A005001452 

 Dont l'ame, a l'imitation de celle de son Sauveur, commence a s'ennuyer, puis a craindre, puis a s'espouvanter, puis a s'attrister, en sorte qu'elle peut dire qu'elle est triste jusques a la mort: dont l'ame tout entiere, et du consentement de toutes ses facultés et puissances tant exterieures qu'interieures, raysonnables et intellectuelles, desire, demande et prie qu'on esloigne d'elle ce calice; et ne luy reste plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle touchant Dieu et estant tout attachee a luy, dit par un simple acquiescement: Vostre volonté soit faite.

  A005001453 

 Or l'amour, voyant que Dieu veut telles souffrances nous arriver, permet bien a l'ame de se plaindre dequoy mesme elle ne se peut plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job, mais en fin il fait tous-jours l'acquiescement dans le fond du cœur, et un acquiescement amoureux, bien que non pas tendre; mais amoureux d'un amour fort, indomptable, et lequel retiré dans la pointe de l'esprit, comme dans le dongeon de la forteresse, quoy que tout le reste soit pris et coupé, demeure courageux et acquiesce parfaitement a la volonté divine.

  A005001454 

 Bref, l'amour ayme l'amer et le doux a cause de la volonté de Dieu, dont l'un et lautre procede; mais il ayme plus l'amer, par ce quil n'est aymable que pour la volonté de Dieu; si que l'amour, [468] sans crainte de mesprendre, se peut abandonner a la suite de [la] volonté divine en l'amer, ce qu'elle n'oseroit faire entre les douceurs, lesquelles estant aymables et en Dieu et en elles mesmes, il est souvent advis qu'on les ayme pour Dieu, et on les ayme pour elles mesmes.

  A005001454 

 Or, la pureté de l'amour divin requiert que nous n'aymions en toute chose que la volonté de Dieu, sans meslange de propre interest..

  A005001455 

 La resignation se fait par maniere d'effort et de sousmission: on voudroit vivre quand il faut mourir; neanmoins, puisque Dieu veut qu'on meure, on acquiesce.

  A005001455 

 Mays je dis, on voudroit vivre sil playsoit a Dieu, et on voudroit quil luy pleut, et seroit on plus ayse quil luy pleut de nous faire vivre; on meurt de bon cœur, mais on vivroit encor de meilleur cœur; on passe volontier, mais on demeureroit encor plus volontier.

  A005001455 

 Or cette conformité a la volonté de Dieu se fait ou par resignation, ou par indifference.

  A005001456 

 La resignation ayme beaucoup de choses outre la volonté de Dieu, mays elle prefere la volonté de Dieu; mais l'indifference oublie tellement tout autre amour, qu'ou il s'agit de la volonté de Dieu elle n'ayme rien ni ne veut rien que cette volonté, d'autant qu'elle treuve la volonté de Dieu si aymable que le reste en comparayson ne tient point de rang, c'est a dire ne luy est nullement aymable: si que aucune chose ne touche le cœur indifferent, en presence de la volonté de Dieu..

  A005001456 

 Mays l'indiSerence de nostre volonté en la volonté de Dieu passe bien plus avant; car elle ne treuve rien d'aymable que la volonté de Dieu, et par tout ou la volonté de Dieu se treuve egale elle est egalement contente.

  A005001457 

 J'ay dit, en presence de la volonté de Dieu, parce qu'en son absence le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque sorte d'affection.

  A005001457 

 Or, nous disons la volonté de Dieu estre presente quand nous la connoissons en quelque occasion.

  A005001458 

 Le cœur indifferent n'ayant esgard qu'a la volonté de Dieu, reçoit egalement et sans difference ce que Dieu luy envoye, mal ou bien; et bien que la tribulation, comme une autre Lia, soit laide, neanmoins, parce que la volonté du Pere celeste est autant accomplie [469] en elle comme en la consolation, il l'ayme autant comme la consolation, ains d'autant plus qu'il n'y voit rien d'aymable que la seule volonté de Dieu.

  A005001458 

 Que m'importe-il que la volonté de Dieu soit faite ou par la consolation ou par la tribulation, puisque je ne cherche que cette volonté? ains, je l'aymeray mieux en la tribulation, parce qu'elle n'a point d'autre beauté que la volonté de Dieu..

  A005001461 

 ...de mesme son desir le fait souspirer pour le Ciel; neanmoins, se doutant que la volonté de Dieu ne fut quil demeurast au travail de ce monde: O que vos tabernacles sont aymables, Seigneur Dieu des armees! a peu qu'a force de les souhaiter, mon ame ne tumbe en defaillance; «neanmoins, si adhuc populo tuo sum necessarius, je ne refuse point le travail; hé, Seigneur, vostre volonté soit faitte.» Comme sil eut voulu dire: Si vostre volonté pour moy est en mes travaux et non encor en Paradis, o Dieu, je prefere mes travaux au Paradis.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001462 

 Comme, par exemple, la volonté de Dieu est au mariage et en la virginité; mais par ce quil y en a plus en la virginité le cœur indifferent choysira la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comm'a la chere fille de s t Paul, [470] Tecla, a s te Cascile, a s te Agathe.

  A005001462 

 Ell'est en la modestie observee entre les consolations, et en la patience exercee parmi les tribulations: le cœur indifferent choysira le dernier, parce quil y a plus de la volonté de Dieu; parce que n'ayant aucun autre objet que la volonté de Dieu, par tout ou il la void et a mesure quil en void, il s'y porte sans consideration d'aucune autre chose, puysqu'en la presence de Dieu rien ne le touche, il oublie tout et ne tient conte de rien.

  A005001462 

 En somme, le cœur indifferent est comm'un cœur de cire pour Dieu, affin de recevoir avec egale facilité toutes les impressions quil plait a sa divine Providence luy donner; c'est un cœur pliable, sans nulle resistence entre les mains de Dieu; c'est un cœur qui n'a point de choix, egalement disposé a tout ce que la volonté de Dieu veut, n'ayant autre object de sa volonté que celle de Dieu; qui n'a point d'amour aux choses que Dieu veut, ains seulement a la volonté de Dieu: c'est pourquoy, pour peu quil voye la volonté de Dieu inclinée d'une part, encor quil y en ayt de l'autre part, sans avoir nulle sorte d'egard a tout le reste il court ou la volonté de Dieu semble plus grande.

  A005001462 

 Il ne demande qu'une seule chose, avec David: ut videat voluptatem Domini, qu'il voӱe le contentement, le bon playsir de Dieu; Dieu le conduit en sa volonté, in voluntate tua deduxisti me..

  A005001462 

 La volonté de Dieu est au service du pauvre et du riche; sil y en a plus au service du pauvre le cœur indifferent choysira ce party.

  A005001463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu, ouy mesme que le Paradis avec un peu moins de la volonté de Dieu; en sorte que, par imagination de chose impossible, sil sçavoit que sa damnation fut un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il aymeroit mieux sa damnation que sa salvation..

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001464 

 Le cœur indifferent applique les remedes a ses maux, qu'il sçait estr'ordonnés de Dieu et selon quilz luy sont ordonnés; mais que le mal vainque les remedes, ou que les remedes vainquent le mal, ce luy est chose indifferente: et parce quil sçait que l'evenement luy fait connoistre la volonté de Dieu, si tost quil void l'evenement, il l'ayme et l'embrasse cherement comm'effect de la Providence divine..

  A005001466 

 ...j'acquiesceray, et non seulement avec patience, ains avec amour; je cheriray cette volonté de Dieu, nonobstant la repugnance de toute la partie inferieure de mon ame: Ouy, Pere eternel, parce que tel est vostre bon playsir..

  A005001467 

 Admirable fut l'union de la volonté d'Abraham avec celle de Dieu, et admirable celle de l'enfant Isaac.

  A005001468 

 Que bienheureuses sont telles ames, hardies a commencer, souples et douces a cesser pour Dieu! C'est pourtant un point d'indifference tres parfaite, de cesser a bien faire quand il plait a Dieu..

  A005001471 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté de Dieu que de ta faute s'en ensuive la defaite de ton entreprise, car Dieu est autheur de la peyne: sa bonté fait quil ne peut estr'autheur, ni vouloir le peché, et sa justice fait quil veut la peyne.

  A005001471 

 Mays si l'entreprise faite pour la gloire de Dieu et par son inspiration perit par la faute de celuy a qui Dieu l'avoit confiee, il semble qu'alhors il n'y ait point de volonté de Dieu alaquelle on se doive conformer: car, me dira celuy la, ce n'est pas la volonté de Dieu, c'est ma faute.

  A005001472 

 Quand donques il arrive que pour nos pechés les entreprises ne reuscissent pas, il faut detester par vraye penitence nostre peché, et accepter par amour la peyne du peché; dautant que le peché est contre la volonté de Dieu, et la peyne selon sa volonté..

  A005001473 

 Or cette sainte indifference se doit prattiquer es choses qui dependent de la vie civile, comm'en lhonneur, es richesses, es rangs, es conditions, pour les avoir ou ne les avoir point, tout ainsy quil plait a Dieu nous les donner; en la vie naturelle, comme en la santé, en la maladie et en telz autres accidens; en la vie spirituelle, comm'es secheresses, aridités, froideurs et autres travaux interieurs..

  A005001474 

 Cor. 6, nous renvoye a toutes ces indifferences, voulant que nous nous monstrions vrays serviteurs de Dieu en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blessures, es prisons, es seditions, es travaux, es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité, en suavité au S t Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; par les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables comm'inconneus et toutefois conneus; comme mourans, et voyci nous vivons; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005001474 

 En agissant, pour nous employer es œuvres que Dieu veut, selon les inspirations, advis et conseilz.

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001475 

 Voyes en fin son indifference au combat a droite et a gauche, et sur tout comme leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté riche, leur mort vitale, leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, comm'ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, vivans d'estre revigorés par les perilz de la mort, et glorieux d'estre avilis: qui tesmoigne bien que leurs afflictions et tribulations [473] n'arrivoyent pas jusques a la cime de l'esprit, en laquelle nostre volonté faysant hommage a celle de Dieu, se resjouit de la voir prattiquee, soit en la tribulation, soit en la consolation..

  A005001475 

 Voyes encores comme le s t Apostre met les souffrances avant les vertus: il dit premierement que nous devons servir Dieu en patience es tribulations, es necessités; puis il adjouste, en chasteté, en prudence.

  A005001477 

 Faysons de nostre costé tout ce que nous pourrons pour les acquerir, n'oublions rien pour cette entreprise, car cela est de nostre devoir, c'est une volonté signifiee de Dieu que nous fassions cela soigneusement, diligemment et constamment; mais les fruitz de ce soin, de cette diligence, ce ne sont pas des volontés signifiees, ce sont des effectz de la volonté effective de Dieu: c'est pourquoy il faut demeurer en une simple attente de l'evenement de nos diligences, pour le recevoir tel qu'il plaira a Dieu nous le donner, sans nous inquieter pour cela..

  A005001477 

 Il faut mesme demeurer sousmis en cette sorte a la volonté de Dieu en l'acquisition des vertus, et ne vouloir pas les vertus qu'a mesure qu'il plaist a Dieu nous les donner.

  A005001478 

 Si donques il vous vient en la pensee que par vostre faute vous n'avances pas en la vertu, demandes pardon a Dieu, humilies vous devant sa misericorde; cela fait, demeures en paix, et ayant detesté vostre faute, embrasses amoureusement l'evenement de la retardation des vertus..

  A005001483 

 Mays prenes garde, je vous prie, qu'alhors ce cœur est en grand danger de prendre le change, car au commencement il aymoit Dieu, et petit a petit, sans s'en appercevoir, en lieu d'aymer Dieu il ayme l'amour de Dieu; il estoit amoureux de Dieu, mais petit a petit il est amoureux de l'amour quil a envers Dieu..

  A005001483 

 Quand nostre cœur, Philothee, ayme son Dieu et quil s'apperçoit de cet amour, quil escoute et entend son chant, quil a le sentiment de l'amour quil porte a Dieu, et des vertus et saintes passions et [474] affections que cet amour produit, o Dieu, Philothee, que ce cœur est amoureux de son amour, quil est affectionné a ses affections, quil a de playsir a complaire a Dieu, quil a de suavité en son cantique de dilection! C'est lhors quil apperçoit la presence de l'Espoux; et un contentement se respand en toutes ses facultés, plus delicieux que l'odeur du baume et que tous les parfums.

  A005001484 

 Car au commencement, ces pauvres cœurs ayment Dieu, et par apres, estans façonnés a l'amour, ilz ayment pour le playsir quilz ont en l'amour.

  A005001484 

 Ce chantre, donques, qui chantoyt au commencement a Dieu et pour Dieu, chante encor a Dieu voyrement, mais pour l'amour de son chant.

  A005001484 

 Il est certes malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant l'amour qu'on luy porte, non seulement par ce qu'il est amour tendant a Dieu, mays aussi par ce quil est amour [475] procedant de nostre cœur; mays neanmoins cela se peut faire, et se doit procurer pour la plus grande pureté de l'amour..

  A005001484 

 Il est vray que le cantique de Dieu estant plus excellent, il l'ayme davantage, non par ce que Dieu est plus excellent, mais par ce que son cantique est plus excellent.

  A005001484 

 Or cet amour de Dieu peut estre aymé du cœur, ou par ce quil regarde Dieu, ou par ce quil est en nous.

  A005001484 

 Si je n'ayme mon amour que par ce quil tend a Dieu, Philothee, j'ayme Dieu en mon amour et mon amour en Dieu; mais si j'ayme mon amour qui tend en Dieu par ce quil est mien, par ce que c'est moy qui ayme, par ce que cest amour qui va vers Dieu sort de moy, part de mon cœur, par ce quil nayt en moy et qu'en fin c'est mon amour (dautant qu'estant amour de Dieu comme de son object, il est amour de mon cœur comme de son sujet), qui ne void que ce n'est plus Dieu que je regarde, mays que de Dieu je suis revenu a moymesme, et que j'ayme cest amour par ce quil est mien, non par ce quil est a Dieu? L'amour de Dieu m'avoit emporté a Dieu, il m'avoit tiré de moymesme pour me complaire en Dieu, et maintenant, l'amour de moymesme me rapporte a moymesme pour me complaire en ma complaysance, pour aymer non plus Dieu, mays mon amour de Dieu: et dautant que c'est l'amour de Dieu que j'ayme, qui est le plus aggreable amour de tous, l'amour que j'en ay m'amuse plus aggreablement, plus fortement et intimement.

  A005001486 

 Car si nostre chantre chante pour Dieu, il chantera plus volontier le cantique que Dieu desirera le plus de luy; mais sil chante pour le playsir quil prend a chanter, il ne chantera pas le cantique qui est plus aggreable a Dieu, ains celuy qui luy est plus aggreable a luy mesme.

  A005001486 

 La maniere de connoistre si c'est l'amour de Dieu en tant quil est nostre, que nous aymons, ou si c'est l'amour de Dieu en tant quil est a Dieu et quil tend a Dieu, c'est de voir si nous sommes en indifference pour les exercices de l'amour de Dieu.

  A005001487 

 Il est vray, mais ce n'est donq pas pour Dieu, c'est pour cette suavité que tu travailles; ce n'est pas Dieu, c'est son amour que tu aymes.

  A005001487 

 Mais, mes chers amis, Dieu ne veut pas que tu chantes ce cantique-lâ, il veut que tu chantes celuy de ta vocation, parmi le travail...................................................................................................

  A005001487 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu te veut en ton diocæse, puis quil t'en a donné la charge, et non pas a la cour, ni mesme a Romme parmi ces delices spirituelles? Ouy; mais, icy dira-il, je prattique l'amour divin a Romme avec plus de suavité.

  A005001493 

 C'est alhors une grande fidelité a l'ame de servir Dieu, non seulement sans playsir ni consolation, mays par mille desplaysirs, entre mille amertumes et avec mille horreurs, pour sa simple volonté..

  A005001493 

 Le cœur indifferent ne travaillant plus pour aucun playsir, non pas mesme pour le plus pur playsir qu'on puisse avoir, qui est le playsir de plaire a Dieu, il ne travaille que pour l'amour de la volonté de Dieu: amour pur, desnué et quitte de toute autre sorte d'interest.

  A005001495 

 Une volonté bien unie a celle de son Dieu ne va nulle part, elle n'a aucun vouloir, elle suit celuy de Dieu..

  A005001496 

 Autre chose est avoir la volonté conforme et vouloir ce que Dieu veut; autre chose, avoir la volonté aneantie et convertie en celle de Dieu, car on ne veut plus, mays on laisse que Dieu veuille pour nous..

  A005001497 

 Sans user de nostre vouloir nous pouvons simplement acquiescer aux evenemens; et mesme, sans aucun acquiescement, nous pouvons recevoir les evenemens par une tres simple tranquillité, un repos de nostre volonté, qui, ne voulant rien vouloir, laisse vouloir et faire a la volonté de Dieu ce qu'il luy plaist, en nous, de nous, sur nous, jettant toute nostre sollicitude et tout nostre soin en luy, affin qu'il ayt soin de nous.

  A005001499 

 Mais acquiesces vous pas au sien? Non, je n'acquiesce pas, car je n'y pense pas: ce n'est pas par acquiescement, c'est par union de ma volonté; non, ce n'est pas par union, c'est par unité, mays unité en laquelle ma volonté ne tient point de rang ni de place, ni ne fait point de vouloir ni d'acquiescement, ains est reduite en la volonté de Dieu..

  A005001500 

 Il est fort difficile d'exprimer l'estat d'une ame totalement abandonnee entre les mains de Dieu, qui ne veut rien, ains laisse faire a Dieu selon son saint playsir.

  A005001501 

 C'est proprement remettre son esprit entre les mains de Dieu que de demeurer ainsy dans sa volonté, sans attention, sans election, sans vouloir ni resistance, ne se servant de sa volonté ni de son entendement pour chose quelconque que pour voir Dieu, pour jouir de ses delicieux amours et caresses..

  A005001501 

 Et comme un homme embarqué ne se remue point de son mouvement, mais seulement se laisse remuer, ainsy un cœur embarqué sur la volonté et providence de Dieu il n'a plus aucun vouloir par son election, mays en vertu de l'election qu'il a fait de ne rien vouloir de soy mesme, mais suivre le vouloir de Dieu; il ne se [478] porte pas a vouloir, mais se laisse porter a vouloir, sans election ni consideration quelconque, par la seule non resistance; il ne pense pas s'il a une volonté a sousmettre, il n'en sent point, mais se laisse porter et emporter au gré de la volonté divine, avec laquelle il pense estre une mesme chose: c'est la souveraine perfection de l'union.

  A005001507 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu comme Dieu, en qualité de Dieu, pour peu quil ayt de cet amour, il præferera Dieu a toutes choses en toutes les occasions qui se presenteront de faire [479] choix, ou la perte de Dieu ou la perte de la creature: car si bien il aura peut estre d'autres amours plus ardantes et passionnees, neanmoins cellui ci sera le meilleur et le plus prætieux.

  A005001507 

 Car cet amour par lequel on ayme Dieu en qualitéde Dieu, si bién il ne presse pas tant l'ame, et n'est pas si ardent comme les autres amours pour multiplier les actes d'amour, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005001507 

 Et comme une des perles de Cleopatra valoit mieux que tous les rochers de nos montaignes, bien que ceux ci soyent plus gros, plus pesans, plus hautz et de plus d'usage, ainsy un brin de vray amour de Dieu vaut mieux que tous les autres amours de nos cœurs, pour pressans et ardens qu'ilz soyent.

  A005001508 

 Car, voyes vous pas, Philothee, que quicomque ayme Dieu de cette sorte, il a tout son cœur, toute son ame, toutes ses puissances et toutes ses forces dedié a Dieu? puis que toutes fois et quantes quil sera requis quitter tout pour son amour, il le fera sans reserve quelcomque..

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001509 

 C'est un argument mal composé; l'homme est tout a Dieu, il doit aymer Dieu de tout son cœur, donques il ne doit aymer que Dieu.

  A005001509 

 Mays il est bien vray que qui doit aymer Dieu de tout son cœur ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu ou qui soit contraire a cet amour; c'est pourquoy entre les amans il y a de la difference, et bien que tous ceux qui ont le vray [480] amour de Dieu Tayment par consequent de tout leur cœur, de toute leur ame, de toute leur force.......

  A005001511 

 Ainsy, au reng des uniques et parfaites amantes, il arrive quelques fois que cet amour si relevé cesse pour un peu, et l'on prattique seulement l'amour des reynes, ou celluy des simples amies, ou mesme celuy des fillettes, jusques a commettre des pechés venielz, par des affections qui, n'estant pas contraires a l'amour de Dieu, sont neanmoins outre cet amour et sans l'amour de Dieu.

  A005001511 

 Je ne dis pas que celuy qui fait ces actions ou qui a ces affections soit sans l'amour de Dieu, mais je dis que les affections quil a sont hors et sans l'amour de Dieu; c'est pourquoy elles sont pechés venielz, desquelz personne, que l'on soit asseuré, n'a jamais esté exempt, sinon la très uniquement unique parfaite Mere du Sauveur.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001514 

 Helas! aussi, quel honneur que Dieu ne nous permette pas seulement, mais nous commande de l'aymer! Il doit estre mis au commencement pour la definition de la charité, et monstrer que cet amour n'est pas seulement un'amitié mais une dilection, et non seulement une dilection mais une charité, car c'est un amour d'excellence.

  A005001519 

 Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, delaquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatres parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A005001519 

 Or l'homme, sans doute, est le paradis du Paradis mesme, puis que le Paradis terrestre n'estoit fait que pour estre le sejour de l'homme, comme l'homme a esté fait pour estre le sejour de Dieu.

  A005001520 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005001527 

 Il est bien raysonnable que l'œuvre de Dieu soit plus excellente que celle de l'homme, et qu'ell'estende sa force plus avant a destruire son contraire.

  A005001527 

 La grace est un œuvre de Dieu, c'est pourquoy la reparation qu'elle fait est bien plus grande que n'est la ruine du peché, lequel est nostre œuvre.

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001533 

 Voulés-vous donq grandement prouffiter? Ne vous contentés pas de faire toutes vos œuvres en charité, comme l'Apostre commande, mays, comme luy mesme conseille, faites tout en son nom: Soit que vous beuvies, mangies, soit que vous fassies quelque autre chose, faites tout au nom de N. S. Ouvrés, salués, aymes, serves pour Dieu..

  A005001535 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz, n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela.

  A005001535 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du [486] matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000014 

 Auquel on demande si l'on peut aller à Dieu avec une grande confiance, mesme ayant le sentiment de nostre misere, et comment; et du parfait abandonnement de soy mesme.

  A006000023 

 Auquel est traitté de la Modestie de la façon de recevoir les corrections et du moyen d'affermir tellement son esprit en Dieu que rien ne l'en puisse destourner.

  A006000029 

 Auquel on demande en quoy consiste la parfaite determination de regarder et suivre la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver et suivre és volontés des Superieurs, égaux ou inferieurs, que nous voyons proceder de leurs inclinations naturelles ou habituelles; et de quelques poincts notables touchant les confesseurs et predicateurs. 99.

  A006000047 

 D. Ce que nostre saint Fondateur nous dit dans son dernier voyage à Paris, en presence d'un de Messieurs ses freres et d'une autre personne de ses amis, nous disant a Dieu.

  A006000083 

 DIEU SOIT BENY [4].

  A006000093 

 Mais pourtant, si quelqu'une les violoit volontairement, à dessein, avec mespris, ou bien avec scandale tant des Sœurs que des estrangers, elle commettroit sans doute une grande offense; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonore les choses de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation, et dissipe les fruits de bon exemple et de bonne odeur qu'elle doit produire envers le prochain: si bien qu'un tel mespris volontaire seroit en fin suivi de quelque grand chastiment du Ciel, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés à ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis.

  A006000104 

 Mais, mon Dieu, qui ne void la tromperie! car ce que l'un estimera peu, l'autre l'estimera beaucoup, et reciproquement; de maniere qu'en une compagnie l'un ne tiendra compte d'une regle, et le second en mesprisera une autre, le troisiesme une autre: ainsi tout sera en desordre.

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000107 

 Que si quelquefois il leur arrive quelque dégoust ou aversion des Constitutions et reglemens de la Congregation, elles se comporteront en mesme sorte qu'il se faut comporter envers les autres tentations, corrigeant l'aversion qu'elles ont par la raison, et par bonne et forte resolution de la partie superieure de l'ame, attendant que Dieu leur envoye de la consolation en leur chemin, et leur fasse voir (comme à Jacob, lors qu'il estoit las et recreu en son voyage) que les Regles et methode de vie qu'elles ont embrassées sont la vraye eschelle par laquelle elles doivent, à guise d'Anges, monter à Dieu par charité, et descendre en elles mesmes par humilité..

  A006000108 

 Mais si, sans aversion, il leur arrivoit de violer la Regle par infirmité, alors elles s'humilieront soudain devant Nostre Seigneur, luy demanderont pardon, renouvelleront leur resolution d'observer cette mesme Regle, et prendront garde sur tout de ne point entrer en descouragement d'esprit et inquietude; ains, avec nouvelle confiance en Dieu, recourront à son saint amour..

  A006000110 

 J'ay dit qu'il arrive rarement de n'offenser pas Dieu quand nous laissons volontairement de faire un bien propre à nostre avancement, parce qu'il se peut faire qu'on ne le laisse pas volontairement, ains par oubli, inadvertance, surreption; et lors il n'y a aucun peché, petit ni grand, sinon que la chose que nous oublions fust de si grande importance que nous fussions obligés de nous tenir attentifs pour ne point tomber en oubli, inadvertance et surreption.

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000113 

 En somme, elles auront perpetuelle memoire de ce que dit Salomon aux Proverbes, XIX: Qui garde le commandement garde son ame, et qui neglige sa voye il mourra: or vostre voye c'est la sorte de vie en laquelle Dieu vous a mises.

  A006000116 

 à supporter les tentations, qui ne manquent jamais à ceux qui veulent tout de bon servir Dieu..

  A006000119 

 Car, comme il faut avoir une humilité forte, pour ne point perdre courage ains relever nostre confiance en Dieu parmi nos imbecillités, aussi faut-il avoir le courage puissant pour entreprendre la correction et amendement parfait.

  A006000122 

 Forte à se tenir independante des tendretés, douceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des creatures, pour ne point nous laisser engager par icelles..

  A006000124 

 C'est pourquoy, comme la devotion genereuse ne cesse jamais de crier à Dieu: Tirez moy, aussi ne cesse elle jamais d'aspirer, d'esperer et de se promettre courageusement de courir, et de dire: Nous courrons apres vous.

  A006000124 

 Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons: ceste Congregation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de personnes qui pretendent de se perfectionner; non de personnes courantes, mais de personnes qui pretendent courir, et lesquelles pour cela apprennent premierement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir..

  A006000125 

 Que chacun abonde en son sens: celuy qui mange, mange en Nostre Seigneur, et celuy qui ne mange pas, ne mange pas en Nostre Seigneur; et tant l'un que l'autre rendent graces à Dieu. Les Raglas ne commandent pas beaucoup de jeunes, neantmoins il se pourra faire que quelques unes, pour des nacessités particuliares, obtiendront l'obedience d'en faire davantage: que celles qui jeuneront ne mesprisent point celles qui mangent, ni celles qui mangent celles qui jeuneront.

  A006000126 

 La genereuse devotion ne veut pas avoir des compagnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa pretention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin; et pourveu qu'on s'achemine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est.

  A006000126 

 Pourveu que celuy qui jeune, jeune pour Dieu, et que celuy qui ne jeune pas, ne jeune pas aussi pour Dieu, elle est toute satisfaite tant de l'un que de l'autre.

  A006000126 

 Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au prejudice des infirmes, se ressouvenant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inclinations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme.

  A006000127 

 Mais neantmoins, si quelques Sœurs avoient des aversions aux choses pieuses, bonnes et approuvées, ou bien des inclinations aux choses moins pieuses, si elles me croyent elles useront de violence, et contreviendront le plus qu'elles pourront à leurs aversions et inclinations, pour se rendre vrayement maistresses d'elles mesmes, et servir Dieu par une excellente mortification: repugnant ainsi à leurs repugnances, contredisant à leurs contradictions, declinant de leurs inclinations, se divertissant de leurs aversions, et en tout et par tout faisant regner l'authorité de la raison, principalement és choses esquelles on a du loisir pour prendre resolution.

  A006000132 

 Ce mot tant celebre entre les Anciens, « Cognois-toy toy-mesme, » encores qu'il s'entende de la cognoissance de la grandeur et excellence de l'ame, [19] pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognoissance de nostre indignité, imperfection et misere: d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons miserables, tant plus nous nous confierons en la bonté et misericorde de Dieu; car, entre la misericorde et la misere, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000132 

 Si Dieu n'eust point creé l'homme, il eust esté vrayement tout bon, mais il n'eust point esté actuellement misericordieux d'autant que la misericorde ne s'exerce qu'envers les miserables..

  A006000132 

 Vous me demandez, mes tres-cheres filles, si une ame ayant le sentiment de sa misere peut aller à Dieu avec une grande confiance.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000133 

 Vous voyez donc que tant plus nous nous cognoissons miserables, tant plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n'avons rien de quoy nous confier en nous mesmes.

  A006000134 

 Et si bien vous ne sentez pas une telle confiance, si ne faut-il pas laisser d'en faire les actes, et dire à Nostre Seigneur: Encore, mon Seigneur, que je n'aye aucun sentiment de confiance en vous, je sçay pourtant que vous estes mon Dieu, que je suis toute vostre, et n'ay esperance qu'en vostre bonté; ainsi je m'abandonne toute entre vos mains.

  A006000135 

 J'ay accoustumé de dire que le throsne de la misericorde de Dieu c'est nostre misere: il faut donc, d'autant que nostre misere sera plus grande avoir aussi une plus grande confiance..

  A006000135 

 Voila donc pour la conclusion de ce premier poinct, qu'il est tres-bon d'avoir de la confusion quand nous avons la cognoissance et sentiment de nostre misere et imperfection; mais qu'il ne faut pas s'arrester là, ni pour cela tomber en descouragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, le fondement de laquelle doit estre en luy et non pas en nous; d'autant que nous changeons et il ne change jamais, et demeure tousjours aussi bon et misericordieux quand nous sommes foibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits.

  A006000136 

 Il faut donques sçavoir qu'abandonner nostre ame et nous laisser nous mesmes n'est autre chose que quitter et nous deffaire de nostre propre volonté pour la donner à Dieu: car il ne nous serviroit de guere, comme j'ay desja dit, de nous renoncer et [22] delaisser nous-mesmes, si ce n'estoit pour nous unir parfaitement à la divine Bonté.

  A006000136 

 Mais nous autres, nous ne voulons pas nous abandonner sinon pour nous laisser à la mercy de la volonté de Dieu..

  A006000137 

 Ce que j'entens selon la partie superieure de nostre ame, car il n'y a point de doute que l'inferieure et l'inclination naturelle tendra tousjours plustost du costé de l'honneur que du mespris, des richesses que [23] de la pauvreté; quoy qu'aucun ne puisse ignorer que le mespris, l'abjection et la pauvreté ne soient plus agreables à Dieu que l'honneur et l'abondance de beaucoup de richesses.

  A006000137 

 De mesme, je ne sçay pas si l'année qui vient tous les fruits de la terre seront tempestés: s'il arrive qu'ils le soient, ou qu'il y ayt de la peste, ou autres tels evenemens, il est tout evident que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'y conforme.

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000137 

 La volonté de Dieu signifiée comprend ses commandemens, ses conseils, ses inspirations, nos Regles et les ordonnances de nos Superieurs.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000137 

 Or, pour faire cest abandonnement, il faut obeir à la volonté de Dieu signifiée et à celle de son bon plaisir: l'un se fait par maniere de resignation, et l'autre par maniere d'indifference.

  A006000138 

 Ainsi les Saints qui sont au Ciel ont une telle union avec la volonté de Dieu, que s'il y avoit un peu [25] plus de son bon plaisir en enfer ils quitteroient le Paradis pour y aller.

  A006000138 

 Cest estat du delaissement de soy-mesme comprend aussi l'abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, aridités, secheresses, aversions et repugnances qui arrivent en la vie spirituelle; car en toutes ces choses l'on y void le bon plaisir de Dieu, quand elles n'arrivent pas par nostre defaut et qu'il n'y a pas du peché..

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000139 

 En fin l'abandonnement est la vertu des vertus: c'est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruict de la perseverance; grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée des plus chers enfans de Dieu.

  A006000141 

 Elle ne fait rien sinon demeurer aupres de Nostre Seigneur, sans avoir souci d'aucune chose, non pas mesme de son corps ni de son ame; car puisqu'elle s'est embarquée sous la providence de Dieu, qu'a-t'elle affaire de penser ce qu'elle deviendra? Nostre Seigneur, auquel elle s'est toute delaissée, y pensera assez pour elle.

  A006000141 

 Je n'entens pas pourtant de dire qu'il ne faille pas penser és choses ausquelles nous sommes obligés chacun selon, sa charge; car il ne faut pas qu'un Superieur, sous ombre de s'estre abandonné à Dieu et se reposer en son soin, neglige de lire et d'apprendre les enseignemens qui sont propres pour l'exercice de sa charge.

  A006000141 

 Or maintenant, vous me demandez à quoy se doit occuper interieurement ceste ame qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu.

  A006000142 

 Celles qui sont dediées à Dieu en la Religion doivent tout abandonner sans aucune reserve.

  A006000142 

 Il ne sçait point et ne pense point où il va, mais il se laisse porter ou mener où il plaist à sa mere: tout de mesme ceste ame, aymant la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qu'il luy arrive, se laisse porter et chemine neantmoins, faisant avec grand soin tout ce qui est de la volonté de Dieu signifiée..

  A006000143 

 Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous [28] soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque desir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des desirs formés, car si tost qu'une ame qui s'est delaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu..

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000145 

 Il faut qu'elle soit fondée sur l'infinie bonté de Dieu et sur les merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, avec ceste condition de nostre part, que nous ayons et cognoissions en nous une entiere et ferme resolution d'estre tout à Dieu, et de nous abandonner du tout et sans aucune reserve à sa providence.

  A006000145 

 Il ne faut pas aussi entendre qu'en toutes ces choses icy de l'abandonnement et de l'indifference nous n'ayons jamais des desirs contraires à la volonté de Dieu, et que nostre nature ne repugne aux evenemens de son bon plaisir; car cela peut souvent arriver.

  A006000145 

 Je desire toutesfois que vous remarquiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satisfactions ne sont que des amusemens de nostre amour propre.

  A006000151 

 Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rien n'est permanent en ceste vie, que les choses temporelles sont perpetuellement muables, inconstantes et sujettes au changement: et le defaut de la cognoissance de ceste verité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs; d'autant que nous ne nous servons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant semblables à Dieu..

  A006000152 

 Dieu n'a pas seulement fait ceste grace à l'homme, de [33] le rendre seigneur des animaux, par le moyen du don qu'il luy a fait de la raison, par laquelle il l'a rendu semblable à luy; mais encore il luy a donné plein pouvoir sur toutes sortes d'accidens et evenemens.

  A006000152 

 En l'affliction il ne se desespere point, ains il attend la consolation; en la maladie il ne se tourmente point, mais il attend la santé, ou s'il void qu'il soit tellement mal que la mort s'en deust ensuivre, il benit Dieu, esperant le repos de la vie immortelle qui suit celle-cy.

  A006000152 

 Lors que Dieu eut creé nos premiers parens, il leur donna une entiere domination sur les poissons de la mer et sur les animaux de la terre, et par consequent leur donna la cognoissance de chacune espece, et les moyens de les dominer et s'en rendre le maistre et seigneur.

  A006000152 

 Quand Dieu dit: Faisons l'homme à nostre semblance, il [lui] donna quant et quant la raison et l'usage d'icelle pour discourir, considerer et discerner le bien d'avec le mal, et les choses qui meritent d'estre esleuës ou rejettées.

  A006000153 

 Dieu a donné à l'homme la raison pour le conduire, mais pourtant il y en a peu qui la laissent maistriser en eux; au contraire, ils se laissent gouverner par leurs passions, lesquelles devroient estre subjettes et obeissantes à la raison selon l'ordre que Dieu requiert de nous..

  A006000155 

 Mais ne sçaviez-vous pas que ce n'est point icy le lieu où le plaisir se trouve pur, sans meslange de desplaisir, que ceste vie est meslée de semblables accidens? Aujourd'huy que vous avez de la consolation en l'oraison, vous estes encouragée et bien resolue de servir Dieu; mais demain, que vous serez en secheresse, vous n'aurez point de cœur pour le service de Dieu: Mon Dieu, je suis si alangourie et abattue, dites-vous.

  A006000155 

 Or dites-moy un peu, si vous vous gouverniez par la raison, ne verriez-vous pas que s'il estoit bon de servir Dieu hier, qu'il est encore tres-bon de le servir aujourd'huy, et qu'il sera tres-bon de le servir demain? car c'est tousjours le mesme Dieu, aussi digne d'estre aymé quand vous estes en secheresse que quand vous estes en consolation.

  A006000156 

 Mais cela ne provient sinon dequoy on se laisse conduire à son inclination, à ses passions ou affections, pervertissant ainsi l'ordre que Dieu avoit mis en nous, que tout seroit subjet à la raison; car si la raison ne domine sur toutes nos puissances, sur nos facultés, nos passions, inclinations, affections, et en fin sur tout ce qui sera de nous, qu'en arrivera-t'il sinon une continuelle vicissitude, inconstance, varieté, changement, bijarrerie, qui nous fera tantost estre fervens, et peu apres lasches, negligens et paresseux; tantost joyeux, et puis melancoliques? Nous serons tranquilles une heure, et puis inquiets deux jours; bref, nostre vie se passera en faineantise et perte de temps..

  A006000157 

 Donc par ceste premiere remarque, nous sommes incités et semonds à considerer l'inconstance et varieté des succes, tant aux choses temporelles qu'aux choses spirituelles, à fin que par l'evenement des rencontres qui pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveües, nous ne perdions point courage, ne nous laissant emporter à l'inegalité d'humeur parmi l'inegalité des choses qui nous arrivent; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a mise en nous, et à sa providence, nous demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que nous avons faite de servir Dieu constamment, courageusement, hardiment et ardemment, sans discontinuation quelconque.

  A006000159 

 Nostre Dame reçoit la nouvelle qu'elle concevroit du Saint Esprit un fils, qui seroit Nostre Seigneur et Sauveur: quelle joye, quelle jubilation pour elle en ceste heure sacrée de l'Incarnation du Verbe eternel! Peu apres, saint Joseph s'apperçoit qu'elle est enceinte, et sçachant bien que ce n'estoit pas de luy qu'elle l'estoit, ô Dieu, quelle affliction! en quelle detresse ne fut-il pas! Et Nostre Dame, quelle extremité de douleur et affliction ne ressentit-elle pas en son ame, voyant son cher Espoux sur le point de la quitter, sa modestie ne luy permettant de descouvrir à saint Joseph l'honneur et la grace dont Dieu l'avoit gratifiée! Un peu apres ceste bourrasque passée, l'Ange [38] ayant descouvert à saint Joseph le secret de ce mystere, quelle consolation ne receurent-ils pas!.

  A006000161 

 O que nous avons grand tort de permettre que Dieu envoye et renvoye heurter et frapper à la porte de nos cœurs par plusieurs fois, avant que nous luy voulions ouvrir et luy permettre d'y demeurer! car il est à craindre que nous l'irritions et contraignions de nous abandonner..

  A006000162 

 Il nous le faut dire et redire plusieurs fois, à fin de le mieux graver dans nos esprits, que l'inegalité des accidens ne doit jamais porter nos ames et nos esprits dans l'inégalité d'humeur; car l'inegalité d'humeur ne provient d'autre source que de nos passions, inclinations ou affections immortifiées, et elles ne doivent point avoir de pouvoir sur nous tandis qu'elles nous inciteront à faire, delaisser ou desirer aucune chose, pour petite qu'elle puisse estre, qui soit contraire à ce que la raison nous dicte qu'il faut faire ou delaisser pour plaire à Dieu..

  A006000162 

 Or, voyez si nous avons raison de nous troubler et estonner si nous voyons semblables rencontres en la maison de Dieu, qui est la Religion, puisque cela estoit en la famille mesme de Nostre Seigneur, où la fermeté [40] et la solidité mesme faisoit residence, qui estoit Nostre Seigneur.

  A006000163 

 Il faut premierement sçavoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut pas entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle; car cela veut dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu; mais Nostre Seigneur, qui est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas besoin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien.

  A006000163 

 Sur quoy je desire que nous remarquions l'estime que nous devons faire du soin, du secours, de l'assistance et de la direction de ceux que Dieu met autour de nous pour nous aider à marcher seurement en la voye de la perfection.

  A006000165 

 O Dieu, avec quelle franchise, cordialité, sincerité, simplicité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges: nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appellés nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspirations, de nous defendre en nos perils, de nous reprendre en nos defauts, de nous exciter en la poursuite de la [42] vertu; ils sont chargés de porter nos prieres devant le throsne de la majesté, bonté et misericorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes; et les graces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges.

  A006000165 

 Si nous sommes accablés d'ennuy et de degoust, elles nous aydent à porter nostre peyne patiemment, et prient Dieu qu'il nous donne la force de la porter comme il faut pour ne point succomber en la tentation.

  A006000167 

 Estoit-il plus qualifié, et doué de quelque grace speciale ou particuliere? Cela ne se peut, veu que Nostre Seigneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mere, a par consequent plus de grace et de perfection que tous les Anges ensemble: neantmoins l'Ange commande, et il est obei.

  A006000167 

 Et maintenant nous autres, serons-nous si osés de dire que nous nous gouvernerons bien nous mesmes, comme n'ayans plus besoin de direction ni de l'ayde de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire, ne les estimant assez capables pour nous? Dites-moy, l'Ange estoit-il plus que Nostre Seigneur ou Nostre Dame? avoit-il meilleur esprit et plus de jugement? Nullement.

  A006000167 

 Ne vous semble-t'il pas que l'Ange commet une grande indiscretion de s'adresser plustost à saint Joseph qu'à Nostre Dame, laquelle est le chef de la maison, portant avec elle le thresor du Pere eternel? n'eust-elle pas eu raison de s'offencer de ceste procedure et façon de traitter? Sans doute elle eust peu dire à son Espoux: Pourquoy iray-je en Egypte, puisque mon Fils ne m'a point revelé que je le deusse faire, ni moins l'Ange ne m'en a parlé? Or Nostre Dame ne dit rien de tout cela, elle ne s'offence point dequoy l'Ange s'adressa à saint Joseph, ains elle obeit tout simplement parce qu'elle sçait que Dieu l'a ainsi ordonné; elle ne s'informe point pourquoy, ains il luy suffit que Dieu le veut ainsi, et qu'il prend plaisir que l'on se sousmette sans consideration.

  A006000168 

 Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mysteres de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognoissance pourquoy cecy ou cela! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'experience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquietudes, des humeurs bijarres, des murmures.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Ne voyez-vous pas que Dieu prend plaisir de traitter ainsi avec les hommes, pour leur apprendre la tres-sainte et tres-amoureuse sousmission? Saint Pierre estoit un vieil homme, rude et grossier, et saint Jean, au contraire, estoit jeune, doux, agreable; et neantmoins Dieu veut que saint Pierre conduise les autres et soit le Supérieur universel, et que saint Jean soit [45] l'un de ceux qui sont conduits et qui luy obeissent.

  A006000168 

 Nous voudrions, par adventure, estre enseignés et instruits par Dieu mesme, par la voye des extases ou ravissemens et visions, et que sçay-je, moy? semblables niaiseries que nous forgeons en nos esprits, plustost que de nous sousmettre à la voye tres aymable et commune d'une sainte sousmission à la conduite de ceux que Dieu nous a donnés, et à l'observance de la direction tant des Regles que des Superieurs..

  A006000168 

 À quelle raison donne-t'on ceste charge? pourquoy a-t'on dit cela? à quelle fin fait-on une telle chose à celle cy plustost qu'à l'autre? Grande pitié, dés qu'une fois on s'est laissé aller à esplucher tout ce que l'on void faire! Que ne faisons nous pas pour perdre la tranquillité de nos cœurs? Il ne nous faut point d'autres raisons sinon que Dieu le veut ainsi, et cela nous doit suffire.

  A006000169 

 Qu'il nous suffise donc de sçavoir que Dieu veut que nous obeissions, sans nous amuser à la consideration de la capacité de ceux à qui nous devons obeir; ainsi nous assujettirons nos esprits à marcher tout simplement en la tres heureuse voye d'une sainte et tranquille humilité, qui nous rendra infiniment agreables à Dieu..

  A006000171 

 Certes, tous les anciens Religieux ont esté admirables en ceste confiance qu'ils ont eue, que Dieu leur pourvoiroit tous jours de ce qu'ils auroyent besoin pour l'entretien de leur vie, laissant tout le soin d'eux-mesmes à la divine Providence..

  A006000171 

 Considerez, je vous supplie, le grand patron et modele des parfaits Religieux, saint Abraham, voyez comme Dieu le traitte: Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, et va à la montagne que je te monstreray.

  A006000171 

 Il ne dit rien de tout cela, ains se confia pleinement que Dieu y pourvoiroit; ce qu'il fit, quoy que petitement, leur faisant trouver de quoy s'entretenir simplement, ou par le mestier de saint Joseph, ou mesme par des aumosnes que l'on leur faisoit.

  A006000171 

 Que dites-vous, Seigneur, que je sorte de la ville? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident? Il ne fait nulle replique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le [47] conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des graces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obeissance luy est agreable.

  A006000172 

 Apres avoir beni Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée, retranchez ceste tendreté inutile qui vous fait plaindre de vostre infirmité..

  A006000172 

 Est-ce si grande merveille de nous voir broncher quelquefois? Mais je suis si miserable, si remplie d'imperfection! Le cognoissez-vous bien? benissez Dieu dequoy il vous a donné ceste cognoissance, et ne vous lamentez pas tant: vous [48] estes bien-heureuse de cognoistre que vous n'estes que la misere mesme.

  A006000173 

 Grande pitié, certes! Mais je suis si souvent en secheresse! cela me fait croire que je ne suis point bien avec Dieu, qui est si plein de consolation.

  A006000173 

 Mon Dieu! je ne suis pas fidelle à Nostre Seigneur, et partant je n'ay point de consolation en l'oraison.

  A006000173 

 Voire, c'est bien dit: comme si Dieu donnoit tousjours des consolations à ses amis! A-t'il jamais esté pure creature si digne d'estre aymée de Dieu, et qui l'ait esté davantage, que Nostre Dame et saint Joseph? voyez s'ils sont tousjours en consolation.

  A006000174 

 Je le croy, mais est-elle comparable à celle de laquelle nous venons de parler? Il ne se peut; et si cela est, considerez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son exterieur: il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter: Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet.

  A006000175 

 De mesme, en nostre luth spirituel, ce sont deux choses egalement discordantes et necessaires d'estre accordées, d'avoir un grand soin de nous perfectionner, et n'avoir point de soin de nostre perfection, ains le laisser entierement à Dieu: je veux dire, qu'il [50] faut avoir le soin que Dieu veut que nous ayons de nous perfectionner, et neantmoins luy laisser le soin de nostre perfection.

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000176 

 Il n'apporta nulle replique, ni plainte, ni delay à executer le commandement de Dieu: aussi Dieu le favorisa grandement, en luy faisant trouver un belier qu'il sacrifia sur la montagne, au lieu de son fils, Dieu se contentant de sa volonté..

  A006000176 

 Je remarque en fin que l'Ange dit à saint Joseph qu'il demeurast en Egypte jusques à ce qu'il l'advertist de revenir, et que le bon Saint ne luy dit point: Et quand sera-ce, Seigneur, que vous me le direz? pour nous enseigner que quand on nous fait commandement d'embrasser quelque exercice, il ne faut pas dire: Sera-ce pour long temps? ains il le faut embrasser tout simplement, imitant la parfaite obeissance d'Abraham, lors que Dieu luy commanda de luy sacrifier son fils.

  A006000177 

 Allez tout simplement en Egypte parmi la grande quantité d'ennemis que vous y aurez, car Dieu qui vous y fait aller vous y conservera, et vous n'y mourrez point; où au contraire, si vous [52] demeurez en Israël où est l'ennemy de vostre propre volonté, sans doute il vous y fera mourir.

  A006000177 

 De mesme, mes filles, quand on nous donne quelque charge ne disons pas: Mon Dieu! je suis si brusque, si l'on me donne telle charge je feray mille traits d'empressement; je suis desja si distraite, si l'on me donne un tel office je le seray bien plus; mais si l'on me laissoit dans ma cellule, je serois si modeste, si tranquille, si recueillie.

  A006000177 

 Il ne fait point de reflection sur le commandement, c'est pourquoy il s'en alla plein de paix et de confiance en Dieu.

  A006000177 

 Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Le glorieux saint Bernard dit que « la mesure d'aymer Dieu est de l'aymer sans mesure, » et qu'en nostre amour il n'y doit avoir aucunes bornes, ains il luy faut laisser estendre ses branches autant loin comme il pourra le faire.

  A006000189 

 Ainsi, mes cheres filles, il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs et que nous nous plaisons avec elles, pourveu que la sainteté accompagne tousjours les tesmoignages que nous leur rendons de nostre affection, et que Dieu n'en puisse pas, non seulement estre offensé, mais qu'il en puisse estre glorifié et loué.

  A006000189 

 Les saints Religieux d'autrefois, lors qu'ils se rencontroyent, disoyent: Deo gratias, pour preuve du grand contentement qu'ils recevoyent en se voyans l'un l'autre, comme s'ils eussent dit ou voulu dire: Je rends graces à Dieu, mon cher frere, de la consolation qu'il me donne de vous voir.

  A006000191 

 Il se peut faire qu'une Sœur laquelle vous verrez chopper fort souvent et commettre force imperfections, sera plus vertueuse et plus agreable à Dieu (ou pour la grandeur du courage qu'elle conserve parmi ses imperfections, ne se laissant point troubler ni inquieter de se voir si sujette à tomber, ou bien par l'humilité qu'elle en retire, ou encores par l'amour de son abjection) que non pas une autre laquelle aura une douzaine de vertus, ou naturelles ou bien acquises, et laquelle aura moins d'exercice et de travail, et par consequent peut estre, moins de courage et d'humilité que non pas l'autre que l'on void si sujette à faillir.

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000192 

 Que si tant est qu'il soit vray que nous ayons de l'inclination à en aymer une plustost que l'autre, nous ne devons nous amuser à y penser, et encor moins à le luy dire; car nous ne devons pas aymer par inclination, ains aymer nostre prochain, ou parce qu'il est vertueux, ou pour l'esperance que nous avons qu'il le deviendra, mais principalement parce que telle est la volonté de Dieu..

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 O mieux vaut tousjours, sans comparaison, ce que l'on nous fait faire (j'entends ce qui n'est pas contraire à Dieu et qui ne l'offense point) que ce que nous faisons ou choisissons à faire nous-mesme..

  A006000196 

 Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraordinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens, [66] je voudrois que l'on ne fist pas les reservées, ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance, l'on se les communiquast rondement et naïfvement les unes aux autres; et pour ce qui regarde nos defauts, que nous ne nous missions pas en peine de les couvrir; car pour ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont pas meilleurs.

  A006000203 

 Mais cela n'est rien; l'amour de charité doit estre general, et les signes et [68] tesmoignages de nostre amitié esgaux, si nous voulons estre vrayes servantes de Dieu..

  A006000207 

 Il faut aller simplement, à la franche marguerite, bien faire la recreation pour Dieu, pour le mieux louer et servir; si l'on n'a l'intention actuelle, la generale suffit.

  A006000212 

 Es choses evidemment mauvaises, il nous faut avoir compassion et nous humilier des defauts du prochain comme des nostres propres, et prier Dieu pour leur amendement, d'un mesme cœur que nous ferions pour le nostre si nous estions sujets aux mesmes defauts.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000219 

 Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes; car en verité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misere et le neant: mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous; et ces biens sont la santé, les richesses, [74] les sciences, et autres semblables.

  A006000220 

 Il y a des personnes qui s'amusent à une fausse et niaise humilité qui les empesche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon.

  A006000220 

 Ils ont tres-grand tort; car les biens que Dieu a mis en nous veulent estre recognus, estimés et grandement honnorés, et non pas tenus au mesme rang de la basse estime que nous devons faire de ceux qui sont en nous et qui sont de nous.

  A006000220 

 L'humilité nous fait défier de nous-mesmes, et la generosité nous fait confier en Dieu.

  A006000221 

 Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme: si Dieu m'appelle à un estat de perfection si haute qu'il n'y en ayt point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera? Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune presomption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tousjours sur nos gardes, de crainte de faillir; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection..

  A006000221 

 L'humilité qui ne produit point la generosité est indubitablement fausse, car apres qu'elle a dit: Je ne puis rien, je ne suis rien qu'un pur neant, elle cede tout incontinent la place à la generosité de l'esprit, laquelle dit: Il n'y a rien et il n'y peut rien avoir que je ne puisse, d'autant que je mets toute ma confiance en Dieu qui peut tout; et dessus ceste confiance, elle entreprend courageusement de faire tout ce qu'on luy commande.

  A006000221 

 Que si elle se met à l'execution du commandement en simplicité de cœur, Dieu fera plustost [76] miracle que de manquer de luy donner le pouvoir d'accomplir son entreprise, parce que ce n'est point sur la confiance qu'elle a en ses propres forces qu'elle l'entreprend, ains elle est fondée sur l'estime qu'elle fait des dons que Dieu luy a faits.

  A006000222 

 Il est vray, vouloit-elle dire, que je ne suis en aucune façon capable de ceste grace, eu esgard à ce que je suis de moy-mesme; ains entant que ce qui est de bon en moy est de Dieu et que ce que vous me dites est sa tres-sainte volonté, je croy qu'il se peut et qu'il se fera; et partant, sans aucun doute, elle dit: Me soit fait ainsi que vous dites..

  A006000222 

 L'humilité ne gist pas seulement à nous défier de nous-mesmes, ains aussi à nous confier en Dieu; et la défiance de nous-mesmes et de nos propres forces produit la confiance en Dieu, et de ceste confiance naist la generosité d'esprit de laquelle nous parlons.

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000223 

 Apres cest acte de confiance se devroit immediatement faire celuy de generosité, disant: Puisque je suis tres asseuré que la grace de Dieu ne me manquera point, je veux encore croire qu'il ne permettra pas que je manque à correspondre à sa grace.

  A006000223 

 Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grace desormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé? Je responds que la generosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre: Non, je ne seray plus infidelle à Dieu; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre [78] agreable à Dieu, sans exception d'aucune chose; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle-mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance; et pour ce elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille..

  A006000224 

 Mais nous autres, nous sommes si joyeux que rien plus, de tesmoigner que nous sommes bien humbles et que nous avons une basse estime de nous-mesmes, et semblables choses, qui ne sont rien moins que la vraye humilité, laquelle ne nous permet jamais de resister au jugement de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire..

  A006000225 

 Et de plus, Isaïe luy dit que pour preuve de la verité de ce qu'il luy disoit, qu'il demandast à Dieu un signe au ciel ou bien en la terre, et qu'il le luy donneroit.

  A006000225 

 Il offença Dieu en refusant d'obeir au Prophete que Dieu luy avoit envoyé pour luy signifier sa volonté..

  A006000225 

 J'ay mis dans le livre de l' Introduction un exemple qui sert à mon sujet et qui est fort remarquable: c'est du roy Achaz, lequel estant reduit à une tres-grande affliction par la rude guerre que luy faisoyent deux autres roys lesquels avoient assiegé Hierusalem, Dieu commanda au prophete Isaïe de l'aller consoler de sa part, et luy promettre qu'il emporteroit la victoire et [79] demeureroit triomphant de ses ennemis.

  A006000225 

 Lors, Achaz se mesfiant de la bonté de Dieu et de sa liberalité: Non, dit-il, je ne le feray pas, d'autant que je ne veux pas tenter Dieu. Mais le miserable ne disoit pas cela pour l'honneur qu'il portoit à Dieu; car au contraire, il refusoit de l'honnorer, parce que Dieu vouloit estre glorifié en ce temps là par des miracles, et Achaz refusoit de luy en demander un qu'il luy avoit signifié qu'il desireroit faire.

  A006000228 

 Ces tendretés se nourrissent des vaines reflexions [81] que nous faisons sur nous-mesmes, principalement quand nous avons bronché en nostre chemin par quelque faute; car ceans, par la grace de Dieu, l'on ne tombe jamais du tout, nous ne l'avons encore point veu, mais l'on bronche; et au lieu de s'humilier tout doucement, et puis se redresser courageusement, comme nous avons dit, l'on entre en la consideration de sa pauvreté, et dessus cela l'on commence à s'attendrir sur soy-mesme.

  A006000228 

 Hé, mon Dieu, que je suis miserable! je ne suis propre à rien.

  A006000228 

 Les Filles de la Visitation sont toutes appellées à une tres-grande perfection, et leur entreprise est la plus haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser; d'autant qu'elles n'ont pas seulement pretention de s'unir à la volonté de Dieu, comme doivent avoir toutes les creatures, mais de plus, elles pretendent de s'unir à ses desirs, voire mesme à ses intentions, je dis avant mesme qu'elles soyent presque signifiées; et s'il se pouvoit penser quelque chose de plus parfait et un degré de plus grande perfection que de se conformer à la volonté de Dieu, à ses désirs et à ses intentions, elles entreprendroyent [82] sans doute d'y monter, puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige.

  A006000228 

 Mon Dieu, que toutes ces choses sont esloignées de l'ame qui est genereuse et qui fait une grande estime, comme nous avons dit, des biens que Dieu a mis en elle! Car elle ne s'estonne point, ni de la difficulté du chemin qu'elle a à faire, ni de la grandeur de l'œuvre, ni de la longueur du temps qu'il y faut employer, ni en fin du retardement de l'œuvre qu'elle a entreprise.

  A006000230 

 Escoutez ces paroles qu'il dit sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, fourquoy m'avez-vous abandonné? Il estoit reduit à l'extremité, car il n'y avoit que la fine pointe de son esprit qui ne fust accablé de langueurs; mais remarquez qu'il se prend à parler à Dieu, pour nous montrer qu'il ne nous seroit impossible de le faire..

  A006000230 

 Hé, pour Dieu! considerons que Nostre Seigneur et nostre Maistre a bien voulu estre exercé par ces ennuys interieurs, mais d'une façon incomparable.

  A006000230 

 Le sacré Concile de Trente a determiné cela, et nous sommes obligés de croire que Dieu et sa grace ne nous abandonnent jamais en telle sorte que nous ne puissions recourir à sa bonté et protester que, contre tout le trouble de nostre ame, nous voulons estre toutes à luy et que nous ne le voulons point offencer.

  A006000231 

 Qui est mieux en ce temps, dites-vous, de parler à Dieu de nostre peine et de nostre misere, ou bien de luy parler de quelque autre chose? Je vous dis qu'en cecy, comme en toute sorte de tentations, il est mieux de divertir nostre esprit de son trouble et de sa peine, parlant à Dieu de quelque autre chose, que non pas de luy parler de nostre douleur; car indubitablement, si nous le voulons faire, ce ne sera point sans un attendrissement que nous ferons sur nostre cœur, agrandissant tout de nouveau nostre douleur, nostre nature estant telle qu'elle ne peut voir ses douleurs sans en avoir une grande compassion.

  A006000232 

 Dieu soit beni.

  A006000236 

 Dieu luy avoit promis que sa generation seroit multipliée comme les estoilles du ciel et comme le sablon de la mer, et cependant il reçoit le commandement de tuer son fils Isaac.

  A006000236 

 Grande certes [86] fut son esperance, car il ne voyoit en aucune façon rien en quoy il la peust appuyer, sinon sur la parole que Dieu luy avoit donnée.

  A006000236 

 Le pauvre Abraham ne perdit son esperance pourtant, ains il espera contre l'esperance mesme, que si bien il obeissoit au commandement qui luy estoit fait de tuer son fils, Dieu ne lairroit pas pourtant de luy tenir parole.

  A006000236 

 O mon Dieu, que nous serions heureux si nous pouvions nous accoustumer à faire ceste response à nos cœurs lors qu'ils sont en soucy de quelque chose: Nostre Seigneur y pourvoira; et qu'apres cela nous n'eussions plus d'anxieté, de trouble ni d'empressement, non plus qu'Isaac! car il se tut apres, croyant que le Seigneur y pourvoiroit, ainsi que son pere luy avoit dit..

  A006000236 

 O que c'est un vray et solide fondement que la parole de Dieu, car elle est infaillible! Abraham sort donc pour accomplir la volonté de Dieu avec une simplicité nompareille; car il ne fit non plus de consideration ni de replique que lors que Dieu luy avoit dit qu'il sortist de sa terre et de sa parenté, et qu'il allast au lieu qu'il luy monstreroit, sans le luy specifier, à fin qu'il s'embarquast plus simplement dans la barque de sa divine providence.

  A006000237 

 C'est tout un; allez et vous confiez en Dieu, car il a dit: Quand bien la femme viendroit à oublier son enfant, si ne vous oublieray-je jamais, car je vous porte gravés sur mon cœur et sur mes mains.

  A006000237 

 Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine providence: mais pourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais personne n'y a peu estre trompé? Nul ne se confie en Dieu, qui ne retire les fruicts de sa confiance.

  A006000237 

 Je dis cecy entre nous autres; car quant aux gens du monde, bien souvent leur confiance est accompagnée d'apprehension; c'est pourquoy elle n'est de nulle valeur devant Dieu.

  A006000237 

 Pensez-vous que Celuy qui a bien soin de pourvoir de nourriture aux oyseaux du ciel et aux animaux de la terre, qui ne sement ni ne recueillent rien, vienne jamais à s'oublier de pourvoir de tout ce qui sera necessaire à l'homme qui se confiera pleinement en sa providence, puisque l'homme est capable d'estre uni à Dieu nostre souverain bien?.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Cecy, mes tres-cheres Sœurs, m'a semblé estre bon à vous dire sur le sujet de vostre départ; car si bien vous n'estes pas capables de la dignité apostolique à cause de vostre sexe, vous estes neantmoins capables en quelque façon de l'office apostolique, et vous pouvez rendre plusieurs services à Dieu, procurant en certaine [88] façon l'avancement de sa gloire comme les Apostres.

  A006000238 

 Certes, mes cher es filles, cecy vous doit estre un motif de grande consolation, que Dieu se veuille servir de vous pour une œuvre si excellente que celle à laquelle vous estes appellées, et vous vous en devez tenir grandement honnorées devant la divine Majesté.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000239 

 O Dieu, quelle grace est celle que Dieu vous fait! il vous rend apostresses, non en la dignité, ains en l'office et au merite.

  A006000240 

 Allez donc pleines de courage faire ce à quoy vous estes appellées, mais allez en simplicité; si vous avez des apprehensions, dites à vostre ame: Le Seigneur nous pourvoira; si les considerations de vostre foiblesse vous travaillent, jettez-vous en Dieu et vous confiez en luy.

  A006000240 

 Les Apostres estoyent des pescheurs et ignorans la pluspart; Dieu les rendit sçavans selon qu'il estoit necessaire pour la charge qu'il leur vouloit donner.

  A006000240 

 N'importe, allez sans faire discours, car Dieu vous donnera ce que vous aurez à dire et à faire quand il en sera temps.

  A006000240 

 Que si vous n'avez point de vertu, ou que vous n'en apperceviez point en vous, ne vous mettez pas en peine; car si vous entreprenez pour la gloire de Dieu et pour satisfaire à l'obeissance la conduite des ames ou quelque autre exercice quel qu'il soit, Dieu aura soin de vous, et sera obligé de vous pourvoir de tout ce qui vous sera necessaire, tant pour vous que pour celles que Dieu vous donnera en charge..

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000244 

 O Dieu, quelle union est celle qu'il y a entre chaque Religieux d'un mesme Ordre! union telle, que les biens spirituels sont autant pesle-meslés et reduits en commun comme les biens exterieurs.

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000245 

 De mesme, devez-vous tascher d'accroistre et multiplier les actes des vertus, et devez agrandir vos courages pour vous rendre capables d'estre employées selon la volonté de Dieu.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000246 

 Il me semble, certes, quand je regarde et considere le commencement de vostre Institut, qu'il represente bien l'histoire d'Abraham; car comme Dieu luy eut donné parole que sa race seroit multipliée comme les estoilles du firmament et comme le sablon de la mer, il luy commanda neantmoins de luy sacrifier son fils par lequel la promesse de Dieu devoit estre accomplie; Abraham espera, et s'affermit en son esperance contre l'esperance mesme, et son esperance ne fut point vaine, ains fructueuse.

  A006000246 

 Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde? Elles furent sacrifiées, ains elles se sacrifierent elles-mesmes volontairement; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes, ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grace communiquer à plusieurs ames, ainsi que l'on void maintenant..

  A006000246 

 ceste sorte de vie, Dieu avoit projetté dés toute eternité de benir leur generation, et de leur en donner une qui seroit grandement multipliée.

  A006000247 

 La providence de nostre bon Dieu jetta de sa main benite ces trois filles dans la terre de la Visitation; et apres avoir demeuré [97] un temps cachées aux yeux du monde, elles ont fait le fruict que l'on void maintenant, de sorte que dans peu de temps tous ces païs seront faits participans de vostre Institut.

  A006000247 

 O qu'heureuses sont les ames qui se dedient veritablement et absolument au service de Dieu, car Dieu ne les laisse jamais steriles ni infructueuses! Pour un rien qu'elles quittent pour Dieu, Dieu leur donne des recompenses incomparables, tant en cette vie qu'en l'autre.

  A006000247 

 Quelle grace, je vous prie, d'estre employées au service des ames que Dieu ayme si cherement, et pour lesquelles sauver Nostre Seigneur a tant souffert! Certes, c'est un honneur nompareil et duquel vous devez, mes cheres filles, faire un tres-grand estat: et pour vous y employer fidellement, ne plaignez ni peine, ni soin, ni travail, car tout vous sera cherement recompensé, bien qu'il ne faille pas se servir de ce motif pour vous encourager, ains de celuy de vous rendre plus agreables à Dieu et d'augmenter d'autant plus sa gloire..

  A006000248 

 En fin, mes cheres filles, retenez cherement et fidelement ce que je vous ay dit, soit pour ce qui regarde l'interieur, soit pour ce qui regarde l'exterieur: ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous, embrassez amoureusement les evenemens et les divers effects de son divin vouloir, sans vous amuser nullement à autre chose.

  A006000248 

 Il est mieux que nous ne les voyions point en nous, car cela nous tient en humilité et nous donne plus de sujet de nous mesfier de nos forces et de nous-mesmes, et fait que nous jettons plus absolument toute nostre confiance en Dieu.

  A006000248 

 Ne nous amusons point à desirer ni à pretendre rien, laissons-nous tout à fait entre les mains de la divine Providence, qu'elle fasse de nous ce qu'il luy plaira; car à quel propos desirer une chose plustost qu'une autre? tout ne nous doit-il pas estre indifferent? Pourveu que nous plaisions à Dieu, et que nous aymions sa divine volonté, cela nous doit suffire.

  A006000248 

 Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons-nous plus honnorés devant la divine Bonté.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000248 

 Tant que nous n'avons pas besoin de la pratique d'une vertu, il est mieux que nous ne l'ayons pas; quand nous en aurons besoin, [98] pourveu que nous soyons fidelles en celles dont nous avons presentement la pratique, tenons-nous asseurés que Dieu nous donnera chaque chose en son temps.

  A006000249 

 Grand cas de l'esprit humain! comme si Dieu les eust laissés sans conduite, ou qu'il n'eust point eu de soin de les regir, gouverner et defendre! Ils s'adresserent donc au Prophete, lequel leur promit de le demander pour eux à Dieu, ce qu'il fit; et Dieu, irrité de leur demande, leur fit response qu'il le vouloit bien, mais qu'il les advertissoit que le roy qu'ils auroyent prendroit telle domination et authorité sur eux, qu'il leur leveroit leurs enfans: et quant aux fils, qu'il feroit les uns dizeniers, les autres soldats et capitaines; et quant à leurs filles, il feroit les unes cuisinieres, les autres boulanger es, les autres parfumeuses.

  A006000250 

 Dieu soit beni.

  A006000255 

 Mais en troisiesme lieu, mon Dieu, que la loy de la douceur est agreable! car elles sont sans fiel et sans amertume.

  A006000258 

 Et ne faudroit pas jamais douter que Dieu nous manquast, car son amour est infini pour l'ame qui se repose en luy.

  A006000258 

 O quelle agreable et profitable loy est celle-cy, de ne rien faire que pour Dieu et luy laisser tout le soin de nous-mesmes! Je ne dis pas seulement pour ce qui regarde le temporel, car je n'en veux pas parler où il n'y a que nous autres, cela s'entend assez sans le dire; mais je dis pour ce qui regarde le spirituel et l'avancement de nos ames en la perfection.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000260 

 Cela est bon, pourveu qu'il fust accompagné de paix et d'un soin amoureux de bien faire ce qu'elles font, et de dépendre tousjours neantmoins de la grace de Dieu et non point de leurs exercices; je veux dire, de n'attendre point aucun fruict de leur travail sans la grace de Dieu..

  A006000260 

 Tout nostre bien dépend de la grace de Dieu, en laquelle nous devons jetter toute nostre confiance; et cependant il semble, par l'empressement qu'elles ont à beaucoup faire, qu'elles se confient en leur travail et en la multiplicité des exercices qu'elles embrassent, ne leur semblant jamais de pouvoir assez faire.

  A006000261 

 Ces anxietés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agreables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beaucoup, bien qu'il ne fasse guere.

  A006000261 

 Il est vray, c'est à nous de bien cultiver, mais c'est à Dieu de faire que nostre travail soit suivi d'un bon succes.

  A006000261 

 Il semble que ces ames empressées à la queste de leur perfection ayent mis en oubli, ou qu'elles ne sçachent pas ce que dit Jeremie: O pauvre homme, que fais-tu de te confier en ton travail et en ton industrie? Ne [107] sçais-tu pas que c'est à toy voirement de bien cultiver la terre, de la labourer et ensemencer, mais que c'est à Dieu de donner l'accroissement aux plantes et faire que tu ayes une bonne recolte et la pluye favorable à tes terres ensemencées? Tu peux bien arroser, mais pourtant tout cela ne te serviroit de rien si Dieu ne benissoit ton travail et ne te donnoit, par sa pure grace et non par tes sueurs, une bonne recolte: dépens donc entierement de sa divine bonté.

  A006000261 

 La sainte Eglise le chante en chaque feste des saints Confesseurs: Dieu a honnoré vos travaux en faisant que vous en tirassiez du fruict; pour monstrer que de nous mesmes nous ne pouvons rien sans la grace de Dieu, en laquelle nous devons mettre toute nostre confiance, n'attendant rien de nous mesmes.

  A006000261 

 Ne nous empressons point en nostre besogne, je vous prie; car pour la bien faire il faut nous appliquer soigneusement, mais tranquillement et paisiblement, sans mettre nostre confiance en nostre peine, ains en Dieu et en sa grace.

  A006000262 

 Il y a quelque temps qu'il y eut des saintes Religieuses qui me dirent: Monsieur, que ferons-nous ceste année? L'année passée nous jeusnasmes trois jours de la semaine, et nous faisions la discipline autant: que ferons-nous maintenant le long de ceste année? il faut bien faire quelque chose davantage, tant pour rendre graces à Dieu de l'année passée, comme pour aller tousjours croissant en la voye de Dieu.

  A006000262 

 La colombe s'amuse simplement à sa besogne pour la bien faire, laissant tout autre soin à son cher colombeau: l'ame qui est vrayement colombine, c'est à dire qui ayme cherement Dieu, s'applique tout simplement, sans empressement, aux moyens qui luy sont prescrits pour se perfectionner, sans en rechercher d'autres, pour [108] parfaits qu'ils puissent estre.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000266 

 Mais, me pourra-t'on repliquer, vous dites fervemment: mon Dieu, et comme pourray-je faire cela! car je n'ay point de ferveur.

  A006000266 

 Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquerir quand il nous plaist.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000267 

 Il faut donc, pour conclusion de ceste premiere loy que je vous donne, vous confier pleinement en Dieu et faire tout pour luy, quittant entierement le soin de vous-mesmes à vostre cher Colombeau, lequel usera d'une prevoyance nompareille sur vous; et d'autant que vostre confiance sera plus vraye et plus parfaite, sa providence sera plus speciale..

  A006000268 

 Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa prosperité, et se rendit plus agreable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie; car il falloit avoir un amour plus fort et genereux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble..

  A006000268 

 Job, ce grand serviteur de Dieu, qui a esté loué de la bouche de Dieu mesme, ne se laissa vaincre d'aucune affliction qui luy survint; ains, plus Dieu luy ostoit de ses petits colombeaux et plus il en faisoit.

  A006000270 

 Mon Dieu! qu'avez-vous? est-on contraint de luy dire.

  A006000270 

 Mon Dieu, quelle foiblesse! la consolation manque, et par mesme moyen, le courage.

  A006000270 

 O il ne faut pas ainsi faire; ains, plus Dieu nous prive de la consolation, et plus nous devons travailler pour luy tesmoigner nostre fidelité.

  A006000272 

 O que ceste ame sainte estoit bien une chaste et amoureuse colombelle, grandement cherie de son cher Colombeau! Ainsi puissions-nous faire, mes cheres filles, qu'en toutes occasions nous prenions les biens, les maux, les consolations et afflictions de la main du Seigneur, ne chantant tousjours que le mesme cantique tres-aymable: Le nom de Dieu soit beni, tousjours sur l'air d'une continuelle egalité; car si ce bonheur nous arrive, nous vivrons avec une grande paix en toutes occurrences.

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000272 

 Tousjours: Le nom de Dieu soit beni.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000276 

 Or ces mouvemens arrivent parce que l'on n'a pas mis toutes ses volontés en commun, qui est pourtant une chose qui se doit faire entrant en Religion; car chaque Sœur devroit laisser sa volonté propre hors la porte pour n'avoir que celle de Dieu..

  A006000276 

 Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy.

  A006000276 

 Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour [120] luy en donner une autre moindre, la partie inferieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas peché, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu; et ainsi de tous les autres sentimens qui nous arrivent.

  A006000281 

 Or, il s'en faut despouiller tout à fait, et ne vouloir autre honneur que l'honneur de la Congregation, qui est de chercher en tout la gloire de Dieu, ni autre estime ou reputation que celle de la Communauté, qui est de donner bonne edification en toutes choses.

  A006000281 

 Tous ces despouillemens et renoncemens des choses susdites se doivent faire non par mespris, mais par abnegation, pour le seul et pur amour de Dieu..

  A006000282 

 Je dis bien plus, que si j'ay envie de voir quelqu'un pour quelque chose utile et qui doit reussir à la gloire de Dieu, si son dessein de venir est traversé et que j'en ressente un peu de peine, voire mesme que je m'empresse un peu pour divertir les 'occasions qui le retiennent, je ne fais rien de contraire à la vertu du despouillement, pourveu que je ne passe point jusques à l'inquietude..

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000285 

 Au contraire, il y en a d'autres qui semblent extremement minces et vuides aux yeux du monde, qui devant Dieu se trouveront pleines et fort excellentes, parce qu'elles se font seulement en Dieu et pour Dieu, sans meslange de nostre propre interest.

  A006000285 

 Il y a encor une autre raison qui rend ces premieres amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes: c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et alterent; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente..

  A006000285 

 Je vous dis briefvement qu'il y a certains amours qui [125] semblent extremement grands et parfaits aux yeux des creatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées en la vraye charité, qui est Dieu, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quelques considerations humainement louables et agreables.

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000286 

 Ainsi ceux qui n'ont rien d'aymable sont bien-heureux, car ils sont asseurés que l'amour que l'on leur porte est excellent, puisqu'il est tout en Dieu..

  A006000286 

 Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre [126] inclination aux personnes auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agreables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'affection sensitive.

  A006000287 

 Ce n'est donc pas pour Dieu [127] que vous l'aymez, car ceste derniere personne est aussi bien à Dieu que la premiere, et vous la devriez davantage aymer, car il y a davantage à faire pour Dieu.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Et non seulement il n'en faut pas estre marrie, mais il faut estre disposée à contribuer tout ce que nous pouvons pour cela, jusques à nostre peau, s'il en estoit besoin; car, pourveu que Dieu soit glorifié, nous ne nous devons pas soucier par qui; de telle sorte que [128] s'il se presentoit une occasion de faire quelque œuvre de vertu et que Nostre Seigneur nous demandast qui nous aymerions mieux qui la fist, il faudroit respondre: Seigneur, celle qui la pourra faire plus à vostre gloire.

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000294 

 La modestie donques nous assujettit tousjours et tout le temps de nostre vie, à cause que les Anges nous sont tousjours presens, et Dieu mesme, pour les yeux duquel nous nous tenons en modestie..

  A006000294 

 La premiere est extremement recommandable pour plusieurs raisons, et premierement, parce qu'elle nous assujettit fort; il n'y a point de vertu en laquelle il faille une si particuliere attention; et en ce qu'elle nous assujettit, consiste son grand prix, car tout ce qui nous assujettit pour Dieu est d'un grand merite et merveilleusement agreable à Dieu.

  A006000294 

 Un grand Saint l'escrivit à un sien disciple, disant qu'il se couchast modestement en la presence de Dieu, ainsi comme feroit celuy à qui Nostre Seigneur, estant encor en vie, commanderoit de dormir et se coucher en sa presence; et bien, dit-il, que tu ne le voyes pas et n'entendes pas le commandement qu'il t'en fait, ne laisse pas de le faire tout de mesme que si tu le voyois, parce qu'en effet il t'est present et te garde pendant que tu dors.

  A006000294 

 [132] O mon Dieu, combien nous coucherions-nous modestement et devotement si nous vous voyions! Sans doute nous croiserions les bras sur nos poitrines avec une grande devotion.

  A006000299 

 Ceste modestie retient la volonté resserrée en l'exercice des moyens de son avancement en l'amour de Dieu, selon la vocation en laquelle nous sommes..

  A006000299 

 De mesme, la modestie interieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie, evitant, comme j'ay dit, la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des desirs, la faisant appliquer saintement à ce seul un que Marie a choisi et qui ne luy sera point osté, qui est la volonté de plaire à Dieu.

  A006000299 

 De mesme, la volonté qui n'est pas retenue par la modestie passe d'un sujet à un autre pour s'esmouvoir à aymer Dieu et à desirer plusieurs moyens de le servir, et cependant il ne faut point tant de choses.

  A006000299 

 Mieux vaut s'attacher à Dieu comme Magdelaine, se tenant à ses pieds, luy demandant qu'il nous donne son amour, que de penser comment et par quel moyen nous le pourrons acquerir.

  A006000301 

 Et ainsi elles eviteront les deux extremités dites cy-dessus, retranchant d'une part la curiosité de l'entendement par la simple attention à Dieu, et de l'autre la stupidité et nonchalance d'esprit par les exercices de la charité [138] qu'elles pratiqueront envers le prochain quand il sera requis..

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000302 

 La science n'est pas necessaire pour aymer Dieu, ainsi que dit saint Bonaventure; car une simple femme est autant capable d'aymer Dieu comme les plus doctes hommes du monde.

  A006000305 

 Saint Pachome, qui recognut bien que c'estoyent des fanfares de l'esprit malin, [141] se print à sousrire, disant: Vous vous mocquez de moy; mais je le seray, s'il plaist à Dieu.

  A006000309 

 O Dieu! ce n'est pas le temps de sousmettre son jugement, pour luy faire croire et confesser que la correction est bonne et qu'elle a esté faite bien à propos; ô non! c'est apres que vostre ame sera raccoisée et tranquillisée; car pendant le trouble il ne faut dire ni faire aucune chose, sinon demeurer fermes et resolus de ne consentir point à nostre passion, pour raison que [144] nous eussions de le faire; car jamais nous ne manquerions de raisons en ce temps-là, il nous en viendroit à la foule: mais il n'en faut pas escouter une seule, pour bonne qu'elle puisse sembler, ains se tenir proche de Dieu, comme j'ay dit, nous divertissant, apres nous estre humiliés et sousmis devant sa Majesté, luy parlant d'autre chose..

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000311 

 Or, il s'en alla de ce pas jetter à genoux devant Dieu, demandant pardon de sa faute et se plaignant dequoy, apres avoir tant demeuré dans le desert, il n'estoit point encore mortifié, ce disoit-il.

  A006000311 

 Saint François mesme, sur le dernier temps de sa vie, apres tant de ravissemens et d'unions amoureuses avec Dieu, apres avoir tant fait pour sa gloire et s'estre surmonté en tant de sortes, un jour qu'il plantoit des choux dans le jardin, il arriva qu'un Frere, voyant qu'il ne les plantoit pas bien, l'en reprit; et le Saint fut esmeu d'un si puissant mouvement de colere de se voir repris, qu'il prononça à moitié une injure contre ce Frere qui l'avoit repris.

  A006000311 

 Saint Pachome, apres avoir vescu quatorze ou quinze ans és deserts en grande perfection, eut une revelation de Dieu qu'il gaigneroit une grande quantité d'ames, et que plusieurs viendroyent dans les deserts se ranger sous sa conduite.

  A006000314 

 C'est le moyen de bien faire tout ce que nous faisons que d'estre bien attentifs à la presence de Dieu; car aucun de nous ne l'offencera, voyant qu'il nous regarde.

  A006000314 

 Ce n'est pas cela que vous demandez, je le voy bien; mais comment vous pourriez faire pour affermir tellement vostre esprit en Dieu, que rien ne l'en puisse destacher ni retirer.

  A006000314 

 Deux choses sont necessaires pour cela: mourir et estre sauvé, car apres cela il n'y aura jamais de separation, et vostre esprit sera indissolublement attaché et uni à son Dieu.

  A006000314 

 Les pechés veniels mesmes ne sont pas capables de nous destourner de la voye qui conduit à Dieu: ils nous arrestent sans doute un peu en nostre chemin, mais ils ne nous en destournent pas pourtant, et beaucoup moins les simples distractions; et cecy je l'ay dit en l' Introduction..

  A006000314 

 Ma chere fille, vostre proposition m'est fort agreable, d'autant qu'elle porte sa response avec elle: il faut faire ce que vous dites, aller à Dieu sans regarder ni à droite ni à gauche.

  A006000314 

 Pardonnez-moy, ma fille, la moindre mousche de distraction ne retire pas vostre esprit de Dieu, ainsi que vous dites, car rien ne nous retire de Dieu que le peché; et la resolution que nous avons faite le matin de tenir nostre esprit uni à Dieu et attentif à sa presence, fait que nous y demeurons tousjours, voire mesme quand nous dormons, puisque nous le faisons au nom de Dieu et selon sa tres-sainte volonté.

  A006000314 

 Vous demandez en troisiesme lieu, comment vous pourriez faire pour porter vostre esprit droit en Dieu, sans regarder ni à droite ni à gauche.

  A006000314 

 Vous dites que ce n'est pas encor cela que vous demandez, mais que c'est que vous pourriez faire pour empescher que la moindre mousche ne retirast vostre esprit de Dieu ainsi qu'elle fait; vous voulez dire la moindre distraction.

  A006000315 

 C'en est de mesme de la peine que nous avons le long de la journée d'arrester nostre esprit en Dieu et és choses celestes, pourveu que nous ayons le soin de retirer nostre esprit pour l'empescher de courir apres ces mousches et papillons, comme fait une mere à l'endroit de son enfant.

  A006000315 

 Et que faire là, sinon prendre patience et ne nous lasser point de nostre travail, puisqu'il est pris pour l'amour de Dieu?.

  A006000315 

 Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agreable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consolations, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neantmoins que nous ayons la fidelité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement.

  A006000316 

 Il leur semble que quand elles ne sentent pas Dieu, qu'elles ne sont pas en sa presence, et cela est une ignorance; car une personne qui va souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera point en Dieu pendant ce temps-là, sinon en sa peine, quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy elle ne laisse pas de meriter en faveur de sa premiere resolution, et faire un acte de grand amour.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000316 

 J'ay remarqué que plusieurs ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut.

  A006000316 

 Mais si je ne me trompe, quand nous disons que nous [149] ne pouvons trouver Dieu, et qu'il nous semble qu'il est si loin de nous, nous voulons dire, que nous ne pouvons avoir du sentiment de sa presence.

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000320 

 Mon Dieu! je voudrois bien estre fermement invariable en mes exercices, mais je voudrois bien aussi n'y avoir pas tant de peine: en un mot, je voudrois trouver la besogne toute faite.

  A006000321 

 Au reste, ce n'est pas estre foible de tomber quelquesfois en des pechés veniels, pourveu que nous nous en relevions tout incontinent par un retour de nostre ame en Dieu, nous humiliant tout doucement.

  A006000321 

 Certes, si bien ils nous arrestent un peu, comme j'ay dit, ils ne nous destournent pourtant pas de la voye: un seul regard de Dieu les efface.

  A006000322 

 Sainte Paule, [155] laquelle fut si genereuse à se dépestrer du monde, quittant la ville de Rome et tant de commodités, et laquelle ne peut estre esbranlée par l'affection maternelle qu'elle portoit à ses enfans, tant son cœur estoit resolu de quitter tout pour Dieu, apres avoir fait toutes ces grandes merveilles, elle se laissa surmonter par la tentation de son propre jugement, qui luy faisoit accroire qu'il ne se falloit pas sousmettre à l'advis de plusieurs saints personnages qui vouloyent qu'elle retranchast quelque chose de ses austerités ordinaires: en quoy saint Hierosme advouë qu'elle estoit reprehensible..

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000328 

 Mais quant à l'obeissance qui regarde les Superieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de necessité, et se doit rendre avec une entiere sousmission de nostre entendement et de nostre volonté.

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000334 

 Car, par exemple, si allant en un lieu je trouve une Sœur et qu'elle me die que j'aille ailleurs, la volonté de Dieu en moy est que je fasse ce qu'elle veut, plustost que ce que je veux; que si j'oppose mon opinion à la sienne, la volonté de Dieu en elle est qu'elle me cede, et ainsi de toutes choses qui sont indifferentes.

  A006000334 

 Le second poinct auquel consiste l'obeissance est plustost humilité qu'obeissance; car ceste sorte d'obeissance est une certaine souplesse de nostre volonté à suivre la volonté d'autruy, et c'est une vertu extremement aymable, qui fait tourner nostre esprit à toutes mains et nous dispose à faire tousjours la volonté de Dieu.

  A006000337 

 Demeurez donc, ma chere fille, parfaitement abandonnée à sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laissez faire, jettant sur sa bonté tout le soin du corps et de l'ame, demeurant ainsi toute resignée, remise et reposée en Dieu, sous la conduite des Superieurs, sans soin que d'obeir..

  A006000337 

 Il se faut contenter de sçavoir qu'on fait bien par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni la cognoissance particuliere, mais marcher comme aveugle dans ceste providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres, et toute autre sorte de croix qu'il luy plaira nous donner.

  A006000337 

 Nous aurons tousjours assez tost ce que nous desirons, quand nous l'aurons et qu'il plaira à Dieu de nous le donner.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000339 

 Car comme ceste oraison n'est autre chose qu'un renoncement de nous-mesmes en Dieu, quand l'ame dit avec verité: Je n'ay plus de volonté sinon la vostre, Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu; de mesme, renonçans nostre volonté pour faire tousjours celle du prochain, c'est la vraye union avec le prochain: et faut faire tout cela pour l'amour de Dieu..

  A006000340 

 Bref, il faut avoir bon courage et ne dependre que de Dieu; car le caractere des Filles de la Visitation est de regarder en toutes choses la volonté de Dieu et la suivre..

  A006000340 

 En fin, la charité donne le prix et la valeur à toutes nos œuvres, de maniere que tout le bien que nous ferons il le faut faire pour l'amour de Dieu, et le mal que nous eviterons, il le faut eviter pour l'amour de Dieu.

  A006000342 

 Cela ne s'entend pas qu'estant prestes de recevoir Nostre Seigneur, s'il vous vient en memoire la necessité de quelqu'un de vos proches ou bien les necessités communes du peuple, vous ne puissiez les recommander à Dieu, en le suppliant d'en avoir compassion.

  A006000342 

 Il ne faut donc se prescrire de faire certain nombre de genuflexions, d'oraisons jaculatoires, et semblables pratiques par jour, ou durant quelque temps, sans le dire à la Superieure, bien qu'il faille estre fort fidelle en la pratique des eslevations et aspirations en Dieu.

  A006000342 

 Si l'on vous prie de le faire, il faut respondre que vous demanderez congé de le faire; mais si l'on se recommande simplement à vos prieres, vous pouvez respondre que vous le ferez volontiers, et en mesme temps eslever vostre esprit en Dieu pour ceste personne-là.

  A006000346 

 Il y a trois sortes d'obeissance pieuse, dont la premiere est generale à tous les Chrestiens, qui est l'obeissance deuë à Dieu et à la sainte Eglise en l'observance de leurs commandemens.

  A006000346 

 La seconde est l'obeissance religieuse, qui est desja d'un grand prix au dessus de l'autre, parce qu'elle s'attache non seulement aux commandemens de Dieu, ains elle s'assujettit à l'observance de ses conseils.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000348 

 Donques l'obeissance religieuse, qui doit estre aveugle, se sousmet amoureusement à faire tout ce qui luy est commandé, tout simplement, sans regarder jamais si le commandement est bien ou mal fait, pourveu que celuy qui commande ait le pouvoir de commander, et que le commandement serve à la conjonction de nostre esprit avec Dieu; car hors de là, jamais le vray obeissant ne fait aucune chose.

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 Il est porté dans le second Livre des Machabées, d'un nommé Rasias, lequel, poussé d'un zele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exposer aux coups, dont il sçavoit ne pouvoir eviter les blesseures et la mort; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jetta en l'air en presence de ses ennemis.

  A006000349 

 L'obeissance amoureuse presuppose que nous avons l'obeissance aux commandemens de Dieu..

  A006000349 

 L'on en void beaucoup d'autres qui se sont precipités à la mort, comme celuy qui se jetta dans une fornaise ardente; mais tous ces exemples doivent estre [171] admirés et non pas imités, car vous sçavez assez qu'il ne faut jamais estre si aveugle que de penser agréer à Dieu en contrevenant à ses commandemens.

  A006000349 

 Or, je sçay bien que plusieurs ont fait des choses contre les commandemens de Dieu par l'instinct de cette obeissance, laquelle ne veut pas seulement obeir aux commandemens de Dieu et des Superieurs, mais aussi à leurs conseils et à leurs inclinations.

  A006000349 

 Plusieurs donc se sont precipités à la mort par une inspiration particuliere de Dieu, qui estoit tellement forte qu'ils ne s'en pouvoyent nullement desdire; car autrement ils eussent griefvement peché.

  A006000349 

 Sainte Apollonie se jetta dans le feu que les impies ennemis de Dieu et du nom Chrestien avoyent preparé pour l'y mettre et la faire mourir.

  A006000350 

 Helas! vous ne faites rien plus que les mondains, car ils en font bien de mesme; et non seulement ils obeissent aux commandemens de ceux qu'ils ayment, mais ils n'estimeroyent pas leur amour bien satisfait s'ils ne suivoyent encor au plus pres qu'ils peuvent leurs inclinations et affections, ainsi que fait le vray obeissant, tant à l'endroit de ses Superieurs comme de Dieu mesme.

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000351 

 Dieu l'appelle et luy dit: Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, c'est à dire hors de ta ville, et t'en va au lieu que je te monstreray.

  A006000351 

 Il ne dit pas un mot, ains s'en alla où l'Esprit le portoit, sans regarder en aucune façon s'il alloit bien ou mal, pourquoy et à quelle intention Dieu luy avoit fait ce commandement si courtement, qu'il ne luy avoit pas seulement marqué le chemin par lequel il vouloit qu'il marchast.

  A006000353 

 Ainsi le vray obeissant croid simplement de pouvoir faire tout ce qu'on luy peut commander, parce qu'il tient que tous les commandemens [175] viennent de Dieu, ou sont faits par son inspiration, lesquels ne peuvent estre impossibles à raison de la puissance de Celuy qui commande..

  A006000355 

 Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Regle de la Religion et les commandemens des Superieurs; elle prend ce chemin en simplicité [176] de cœur, sans pointiller si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi: pourveu qu'elle obeisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agreable à Dieu, pour l'amour duquel elle obeit purement et simplement..

  A006000356 

 Ce fut la marque que print Eliezer pour cognoistre la fille que Dieu avoit determinée pour estre l'espouse du fils de son maistre.

  A006000356 

 Or, la promptitude de l'obeissance a tousjours esté recommandée aux Religieux comme une piece tres-necessaire pour bien obeir et observer parfaitement ce qu'ils ont voué à Dieu.

  A006000358 

 Or, dessus ceste obeissance aux conseils, l'obeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre ric à ric les desirs et les intentions de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000362 

 Ayez mesme le desir du martyre pour l'amour de Dieu, cela n'est rien si vous n'avez l'obeissance.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Je ne demande autre chose, respondit-il, que de mourir pour Dieu, et semblables responses.

  A006000362 

 Le Religieux, tout esperdu de joye, s'en va chantant et psalmodiant à la loüange de Dieu, et luy rendant action de graces dequoy il avoit bien daigné luy faire l'honneur de luy donner ceste occasion de mourir pour son amour; en fin il ne pensoit rien moins que de faire ce qu'il fit.

  A006000362 

 Mais passant plus outre, et laissant à part l'obeissance generale aux commandemens de Dieu et parlant de l'obeissance religieuse, je dis que si le Religieux n'obeit, il ne sçauroit avoir aucune vertu, parce que c'est l'obeissance qui le rend principalement Religieux, comme estant la vertu propre et particuliere de la Religion.

  A006000362 

 O qu'il fait bon vivre à l'abri de la sainte obeissance, plustost que nous retirer d'entre ses bras pour chercher ce qui nous semble plus parfait! Si tu te fusses contenté, ainsi que je t'avois dit, de te bien mortifier en vivant, lors que tu ne voulois rien moins que la mort, tu ne fusses pas tombé comme tu as fait; mais bon courage, souviens-toy de vivre desormais en sousmission, et t'asseure que Dieu t'a pardonné.

  A006000362 

 en une humilité et sousmission exemplaire, vint trouver [182] saint Pachome et luy dit, transporté de grande ferveur, qu'il avoit un tres-grand desir du martyre, qu'il ne seroit jamais content que cela n'arrivast, qu'il le supplioit bien humblement de vouloir prier Dieu à fin qu'il l'accomplist.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 Or à celuy-là, je luy peux bien asseurer de la part de Dieu le Paradis pour la vie eternelle; comme aussi, durant le cours de ceste vie mortelle, il jouïra de la vraye tranquillité, il n'en faut point douter..

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 Celles qui ne voudroyent pas s'assujettir aux conseils et à la direction contreviendroyent à l'obeissance amoureuse; et ce seroit tesmoigner une grande lascheté de coeur et avoir bien peu d'amour pour Dieu, [189] que de ne vouloir faire que ce qui nous est commandé et rien davantage.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Nostre Seigneur a promis que le vray obeissant ne se perdra jamais; non certes, celuy qui suivra indistinctement la volonté et direction des Superieurs que Dieu establira sur luy.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000366 

 Si aujourd'huy que vous avez une Superieure fort estimée, tant pour sa qualité que pour ses vertus, vous luy obeissez de bon cœur, demain que vous en aurez une autre qui ne sera pas tant estimée vous ne luy obeissez pas de si bon cœur qu'à l'autre, luy rendant bien pareille obeissance, mais n'estimant pas tant ce qu'elle vous dit et ne le faisant pas avec tant de satisfaction, hé! qui ne void que vous obeissez à l'autre par vostre inclination et non pas purement pour Dieu? car si cela estoit, vous auriez autant de plaisir et feriez autant d'estime de ce que ceste-cy vous dit, comme vous faisiez de ce que l'autre vous disoit..

  A006000367 

 C'est sans doute que j'auray plus de satisfaction, quant à la partie inferieure de mon ame, de faire ce qu'une Superieure me commande à laquelle j'ay de l'inclination, que non pas à faire ce que l'autre [191] me dit à laquelle je n'en ay du tout point; mais pourveu que j'obeisse également quant à la partie superieure il suffit, et mon obeissance vaut mieux quand j'ay moins de plaisir à la faire, parce que c'est là où nous monstrons que c'est pour Dieu et non pour nostre plaisir que nous obeissons.

  A006000368 

 Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desapprouver ce que ceste Superieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas? O certes, non jamais, mes cheres filles; ains il faut approuver tout ce que les Superieures font ou disent, permettent ou defendent, pourveu qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obeir ni approuver cela.

  A006000368 

 [192] Mais ne seroit-il point loisible à une fille qui a desja vescu longuement en Religion, et qui y a rendu de grands services, de se relascher un peu à l'obeissance, au moins en quelque petite chose? O bon Dieu! que seroit cela, sinon faire comme un maistre pilote qui ayant amené sa barque au port, apres avoir longuement et peniblement travaillé pour la sauver des perils de la tourmente et des vagues de la mer, voudrait en fin, estant arrivé au port, rompre son navire et se jetter luy-mesme dans la mer? Ne le jugeroit-on pas bien fol? car s'il vouloit faire cela, il ne se devoit pas tant travailler pour amener la barque jusqu'au port.

  A006000369 

 La premiere est qu'une Sœur peut aller dire: Bon Dieu, ma Sœur, que nostre Mere vient de me bien mortifier! toute joyeuse dequoy elle a esté digne de ceste mortification, et dequoy la Superieure luy a fait faire ce petit gain pour son ame, luy disant bien son fait sans l'espargner; et partant elle en donne la joye à sa Sœur à fin qu'elle luy aide à en benir Dieu.

  A006000369 

 Mais la troisiesme seroit tout à fait mauvaise, qui est de le dire par forme de murmure et de despit, et pour faire cognoistre que la Superieure a eu tort; or de ceste façon, je sçay bien que l'on ne le fait pas en ceste maison, par la grace de Dieu..

  A006000370 

 D'aller aussi dire: Je viens de parler à nostre Mere, je suis aussi seche que j'estois auparavant, il n'y a que s'attacher à Dieu; pour moy je ne retire aucune consolation [194] des creatures, j'ay esté moins consolée que je n'estois; cela n'est pas à propos.

  A006000370 

 De la premiere façon, encore qu'il n'y ayt point de mal de le dire, il seroit pourtant tres-bien de ne le dire pas, ains s'occuper en soy-mesme à s'en resjouir avec Dieu.

  A006000370 

 La Sœur à laquelle on dit cecy devroit respondre fort doucement: Ma chere Sœur, que ne vous estiez-vous bien attachée à Dieu, ainsi que vous dites qu'il faut faire, avant qu'aller parler à nostre Mere, et vous n'auriez pas du mescontentement dequoy elle ne vous a pas consolée.

  A006000370 

 Mais en ce sens-là que vous dites, qu'il se faut bien attacher à Dieu, prenez garde que cherchant Dieu au defaut des creatures il ne se veuille laisser trouver; car il veut estre cherché avant toutes choses et au mespris de toute chose.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000374 

 David sçachant cecy: Vive Dieu! dit-il, il me la payera, le mescognoissant qu'il est du bien que je luy ay fait de sauver ses troupeaux et empescher qu'aucune chose ne luy fust faite.

  A006000375 

 O Dieu! il ne faut pas faire ce jugement des Sœurs de ceans; car cela n'appartient qu'aux filles du monde de perdre l'asseurance quand 0n les advertit de leurs defauts.

  A006000378 

 La simplicité donc n'est autre chose qu'un acte de charité pur et simple qui n'a qu'une seule fin, qui est d'acquerir l'amour de Dieu, et nostre ame est simple lors que nous n'avons point d'autre pretention en tout ce que nous faisons.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000380 

 Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité de cœur, n'ayant qu'une seule pretention et une seule fin en tout ce que vous ferez; mais n'imitez pas seulement la simplicité de l'amour des colombes en ce qu'elles n'ont tousjours qu'un paron pour lequel elles font tout et auquel seul elles veulent complaire, mais imitez-les aussi en la simplicité qu'elles pratiquent en l'exercice et au tesmoignage qu'elles rendent de leur amour; car elles ne font point tant de choses ni tant de mignardises, ains elles font simplement leurs petits gemissemens à l'entour de leurs colombeaux, et se contentent de leur tenir compagnie quand ils sont presens..

  A006000381 

 La fin d'aller à l'Office pour louer Dieu est tres-bonne, mais ce motif n'est pas simple, car la simplicité requiert qu'on y aille attiré du desir de plaire à Dieu, sans aucun autre regard; et ainsi de toutes autres choses..

  A006000381 

 La simplicité bannit de l'ame le soin et la sollicitude que plusieurs ont inutilement pour rechercher quantité d'exercices et de moyens pour pouvoir aymer Dieu, ainsi qu'ils disent; et leur semble, s'ils ne font tout ce que les Saints ont fait, qu'ils ne sçauroyent estre contens.

  A006000381 

 La simplicité embrasse voirement les moyens que l'on prescrit à un chacun selon sa vocation pour acquerir l'amour de Dieu, de sorte qu'elle ne veut point d'autre motif pour acquerir ou estre incitée à la recherche de cest amour que sa fin mesme, autrement elle ne seroit pas parfaitement simple; car elle ne peut souffrir autre regard, pour parfait qu'il puisse estre, que le pur amour de Dieu qui est sa seule pretention.

  A006000381 

 Mais pourquoy y allez-vous? J'y vay pour louer Dieu.

  A006000381 

 Or, ce que nous [204] disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés: L'Art d'aymer Dieu; car ces livres enseignent qu'il n'y a point d'autre art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettre en la pratique des choses qui luy sont agreables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquerir cest amour sacré, pourveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude.

  A006000381 

 Pauvres gens! ils se tourmentent pour trouver l'art d'aymer Dieu, et ne sçavent pas qu'il n'y en a point d'autre que de l'aymer; ils pensent qu'il y ayt certaine finesse pour acquerir cest amour, lequel neantmoins ne se trouve qu'en la simplicité.

  A006000383 

 Apres que l'ame simple a fait une action qu'elle juge se devoir faire, elle n'y pense plus; et s'il luy vient à la pensée ce que l'on dira ou que l'on pensera d'elle, elle retranche promptement tout cela, parce qu'elle ne peut souffrir aucun divertissement en sa pretention, qui est de se tenir attentive à son Dieu pour accroistre en elle son amour.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000383 

 Nous avons dit que la simplicité a son regard continuel en l'acquisition de l'amour de Dieu; or l'amour de Dieu requiert de nous que nous retenions nos sentimens, et que nous les mortifions et aneantissions, c'est pourquoy il ne requiert pas que nous les manifestions et fassions voir au dehors.

  A006000384 

 S'il est expedient pour moy de le dire, je ne laisseray pas de le dire tout simplement, en arrive apres ce que Dieu voudra.

  A006000385 

 Mais d'où pensons-nous que vienne ce trouble, sinon du manquement de simplicité, d'autant que l'on s'amuse souvent à penser: que dira-t'on ou que pensera-t'on? au lieu de penser à Dieu et à ce qui nous peut rendre plus agreables à sa Bonté..

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000387 

 Elle ne se trouble de rien; elle se tient coye et tranquille en la confiance qu'elle a que Dieu sçait son desir, qui est de luy plaire, et cela luy suffît..

  A006000387 

 Il faut estre fort naïf en la conversation; il ne faut pourtant pas estre inconsideré, d'autant que la simplicité [209] suit tousjours la regle de l'amour de Dieu.

  A006000387 

 Que si elle y rencontre quelque occasion de pratiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher; elle ne les mesprise point aussi.

  A006000388 

 Nous tenons ce defaut de nostre bonne mere Eve, car elle en fit bien autant lors que le malin esprit la tentoit de manger du fruict defendu; elle dit que Dieu leur avoit defendu de le toucher, au lieu de dire qu'il leur avoit defendu de le manger.

  A006000389 

 Il faut voirement observer et attendre le temps convenable pour faire la correction, car la faire sur le champ est un peu dangereux; mais hors de là il faut faire en simplicité ce que nous sommes obligés de faire selon Dieu, et cela sans scrupule.

  A006000390 

 Et nous autres penserons estre plus favorisés de Dieu que saint Paul, croyans qu'il [214] nous veut conduire luy-mesme sans l'entremise d'aucune creature.

  A006000390 

 Il y a des ames qui ne veulent, à ce qu'elles disent, estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort.

  A006000390 

 La conduite de Dieu pour nous autres, mes tres-cheres filles, n'est autre que l'obeissance, car hors de là il n'y a que tromperie..

  A006000390 

 Vous voulez que je vous die un mot de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'interieur, tant à Dieu que par nos Superieurs.

  A006000391 

 C'est bien une chose certaine que tous ne sont pas conduits par un mesme chemin; mais aussi n'est-ce pas à un chacun de nous de cognoistre par quel chemin Dieu nous appelle.

  A006000391 

 Cela appartient aux Superieurs, lesquels ont la lumiere de Dieu pour ce faire.

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000393 

 Helas! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas les yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce miserable amour et soin que nous avons de nous-mesmes, hors de Dieu et de sa consideration.

  A006000393 

 Vous me demandez comme les ames qui sont attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succés au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absolue confiance, se delaissant à la mercy et au soin de l'amour eternel que la divine Providence a pour elles.

  A006000394 

 Cest exercice d'abandonnement continuel de soy-mesme és mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices en sa tres-parfaite simplicité et pureté; et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer.

  A006000395 

 Je vous en dis de mesme, mes tres-cheres filles: jettez bien tout vostre cœur, vos pretentions, vos sollicitudes et vos affections dans le sein paternel de Dieu, et il vous conduira, ains portera où son amour vous veut..

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000400 

 Dieu soit beni! [222].

  A006000400 

 La vraye vertu de prudence doit estre veritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui [221] donne goust et saveur à toutes les autres vertus; mais elle doit estre tellement pratiquée des Filles de la Visitation, que la vertu d'une simple confiance surpasse tout; car elles doivent avoir une confiance toute simple, qui les fasse demeurer en repos entre les bras de leur Pere celeste et de leur tres-chere Mere Nostre Dame, devant estre asseurées qu'ils les protegeront tousjours de leur soin tres-aymable, puisqu'elles sont assemblées pour la gloire de Dieu et l'honneur de la tres-sainte Vierge.

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000406 

 Le general est la pretention qu'elles ont toutes d'aspirer à la perfection de la charité; mais l'esprit particulier c'est le moyen de parvenir à ceste perfection de la charité, c'est à dire à l'union de nostre ame avec Dieu, et avec le prochain pour l'amour de Dieu; ce qui se fait, avec Dieu par l'union de nostre volonté à la sienne, et avec le prochain par la douceur, qui est une vertu dependante immediatement de la charité..

  A006000407 

 Au contraire, l'esprit particulier des autres est voirement de s'unir à Dieu et au prochain, mais c'est par le moyen de l'action, quoy que spirituelle.

  A006000407 

 Ils s'unissent bien encor à Dieu par l'oraison; mais neantmoins leur fin principale est celle que nous venons de dire, de tascher de convertir les ames et les unir à Dieu.

  A006000407 

 Ils s'unissent à Dieu, mais c'est en luy reunissant le prochain par l'estude, predications, confessions, conferences et autres actions de pieté; et pour mieux faire ceste union avec le prochain, ils [225] conversent avec le monde.

  A006000407 

 Les uns s'unissent à Dieu et au prochain par la contemplation, et pour cela ont une tres-grande solitude et ne conversent que le moins qu'ils peuvent parmi le monde, non pas mesmes les uns avec les autres, si ce n'est en certain temps; ils s'unissent aussi avec le prochain par le moyen de l'oraison, en priant Dieu pour luy.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000410 

 Or, pour venir en particulier à la fin pour laquelle nostre Congregation de la Visitation a esté erigée, et [228] par icelle comprendre plus aisement quel est l'esprit particulier de la Visitation, j'ay tousjours jugé que c'estoit un esprit d'une profonde humilité envers Dieu et d'une grande douceur envers le prochain; d'autant qu'ayant moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y avt tant plus de douceur de cœur.

  A006000410 

 Tous les anciens Peres ont determiné que, où l'aspreté des mortifications corporelles manque, il y doit avoir plus de perfection d'esprit; il faut donc que l'humilité envers Dieu et la douceur envers le prochain supplée en vos maisons à l'austerité des autres.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000413 

 Il estoit à pied, et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les benedictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et au Seigneur des Anges et des hommes; et en fin il fut mieux partagé que son frere, qui estoit si bien accompagné..

  A006000414 

 Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agreables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multiplicité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons.

  A006000416 

 Il ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Regle, si ce n'est en [234] cas si extraordinaires, que la perseverance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, les directeurs desquelles vouloyent qu'elles communiassent tous les jours.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Il y a une certaine simplicité de cœur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme pour s'appliquer avec toute la fidelité qui luy est possible à l'observance de ses Regles, sans s'espancher à desirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela.

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy presentons, laquelle est toute douce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon l'esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain: et c'est cest esprit qui fait nostre union tant avec Dieu qu'avec le prochain.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Il sera fort à propos que je vous propose quelque exemple remarquable pour vous faire comprendre combien est agreable à Dieu de se conformer à la Communauté en toutes choses: escoutez donc ce que je vay vous dire.

  A006000421 

 Pourquoy pensez-vous que Nostre Seigneur et sa tres-sainte Mere se soyent sousmis à la loy de la presentation et purification, sinon à cause de l'amour qu'ils portoyent à la communauté? Certes, cest exemple devroit suffire pour esmouvoir les Religieux à suivre exactement leur Communauté, sans jamais s'en départir; car ni le Fils ni la Mere n'estoyent aucunement obligés à ceste loy: non l'Enfant, parce qu'il estoit Dieu, non la Mere, parce qu'elle estoit Vierge toute pure.

  A006000422 

 Et David dit que Dieu a commandé que ses commandemens fussent [239] trop bien gardés.

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000423 

 O Dieu! il ne faut rien moins que cela en une Communauté.

  A006000425 

 Dieu soit beni.

  A006000425 

 Et faut bien se garder de penser que les infirmes soyent plus inutiles en Religion que les forts, ou qu'ils fassent moins et ayent moins de merite, parce que tous font également la volonté de Dieu.

  A006000429 

 Mais il faut que je vous die qu'il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme sont les Evesques, les Superieurs qui ont charge des autres, et tous ceux qui ont gouvernement; les antres ne le doivent nullement faire, si l'obeissance ne le leur ordonne; car autrement ils perdroyent le temps qu'ils doivent employer à se tenir fidellement aupres de Dieu.

  A006000433 

 Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laisserent pas pour cela d'estre grands Saints et fort agreables à Dieu; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imperfections ou des inclinations contraires à la vraye vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir perseverer en icelles; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoy que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela.

  A006000433 

 La grande sainte Paule estoit opiniastre à soustenir l'opinion qu'elle s'estoit formée de [247] faire des grandes austerités, plustost que de se sousmettre à l'advis de plusieurs qui luy conseilloyent de s'en abstenir; et de mesme plusieurs autres Saints, lesquels estimoyent qu'il falloit grandement macerer le corps pour plaire à Dieu, en sorte qu'ils refusoyent pour cela d'obeir au medecin et de faire ce qui estoit requis à la conservation de ce corps perissable et mortel.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000436 

 Car l'oraison n'est autre chose qu'une application totale de nostre esprit avec toutes ses facultés en Dieu: or, estant lassé à la poursuite des choses inutiles, il se rend d'autant moins habile et apte à la consideration des mysteres sur lesquels on veut faire l'oraison..

  A006000438 

 Ce que pour mieux entendre, il faut que je vous ressouvienne de ce que vous sçavez tres-bien, que nous avons deux amours en nous, l'amour affectif et l'amour effectif; et cela est tant en l'amour que nous avons pour Dieu qu'en celuy que nous avons pour le prochain et pour nous-mesmes encore; mais nous ne parlerons que de celuy du prochain, et puis nous retournerons à nous-mesmes..

  A006000442 

 O Dieu! mes cheres filles, cela sont des enfances; il faut aller simplement.

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000443 

 O ma chere fille, si cela estoit que vous le voulussiez souffrir pour l'amour de Dieu, comme vous pensez, vous ne l'iriez pas dire à une autre que vous sçavez bien qui se sentira obligée à declarer vostre mal à la Superieure; et par ce moyen vous aurez en biaisant le soulagement que tout à la [255] bonne foy vous eussiez mieux fait de demander simplement à celle qui vous pouvoit donner congé de le prendre; car vous sçavez bien que la Sœur à qui vous dites que la teste vous fait bien mal, n'a pas Je pouvoir de vous dire que vous vous alliez coucher.

  A006000443 

 Peut estre que vous ne le direz pas à la Superieure ou à celle qui vous peut faire prendre du soulagement, mais ouy plus facilement aux autres, parce, dites-vous, que vous voulez souffrir cela pour Dieu.

  A006000444 

 Marcher simplement, c'est la vraye voye des Filles de la Visitation, qui est grandement agreable à Dieu et tres-asseurée..

  A006000447 

 Que si neantmoins il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la premiere occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes..

  A006000450 

 Mais quant à ceste peine que vous dites que vous avez, et laquelle vous oste le moyen de vous tenir attentive à Dieu si vous ne l'allez incontinent dire à la Superieure, je vous dis qu'il faut remarquer qu'elle ne vous oste pas peut estre l'attention à la presence de Dieu, ains plustost la suavité de ceste attention.

  A006000450 

 Or, si ce n'est que cela, si vous avez bien le courage et la volonté, ainsi que vous dites, de la souffrir sans rechercher du soulagement, je vous dis que vous ferez tres-bien de le faire, quoy qu'elle vous apportast un peu d'inquietude, pourveu qu'elle ne fust pas trop grande; mais si elle vous ostoit le moyen de vous tenir proche de Dieu, à ceste heure-là il la faudroit aller dire à la Superieure, non pas pour vous soulager, mais pour gagner chemin en la presence de Dieu, bien qu'il n'y auroit pas grand mal de le faire pour vous soulager..

  A006000451 

 L'on ne dit point: Helas! j'ay offencé Dieu, il faut recourir à sa bonté et esperer qu'il me fortifiera; on dit: O je sçay bien que Dieu est bon; il n'aura pas égard à mon infidelité, il recognoist trop bien nostre infirmité; mais nostre Mere... Nous revenons tousjours là pour continuer nos plaintes..

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000454 

 C'est la marque d'un cœur tendre et d'une devotion molle, de se laisser aller à tous les petits rencontres de contradiction: n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur melancolique et despiteuse soyent jamais parmi nous; nous avons trop bon courage, graces à Dieu; nous nous appliquerons tant à faire desormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir.

  A006000454 

 Cependant, mes cheres filles, purifions bien nostre intention, à fin que faisant tout pour Dieu, pour son honneur et gloire, nous attendions nostre recompense de luy seul.

  A006000454 

 Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir.

  A006000454 

 O Dieu! ma Mere, nos Soeurs sont tellement resolues d'aymer la mortification, que ce sera une chose agreable de les voir: la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des secheresses, des repugnances, tant elles sont desireuses de se rendre semblables à leur Espoux.

  A006000458 

 Il faut sçavoir que la determination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans l'Oraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A006000458 

 Il n'y a aucune resistance à la volonté de Dieu au Ciel, tout luy est sujet et obeissant; ainsi disons-nous qu'il nous puisse arriver et ainsi demandons-nous à Nostre Seigneur de faire, n'y apportant jamais aucune resistance, mais demeurans tous jours tres-sujets et obeissans en toutes occurrences à ceste divine volonté.

  A006000459 

 Aux commandemens de Dieu et de l'Eglise il faut necessairement que chacun obeisse, parce que c'est la volonté de Dieu absolue, qui veut qu'en cela nous obeissions si nous voulons estre sauvés.

  A006000459 

 C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses; c'est un conseil de prester et de donner l'aumosne: dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'aumosne puisqu'il n'a rien? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut, que nous suivions, et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à fin que nous les [265] embrassions tous.

  A006000459 

 De cecy j'en ay parlé bien clairement au livre de l'Amour de Dieu; neantmoins, pour satisfaire à la demande qui m'a esté faite, j'en diray encore quelque chose.

  A006000459 

 La volonté de Dieu se peut entendre en deux façons: il y a la volonté de Dieu signifiée et la volonté du bon plaisir.

  A006000459 

 La volonté signifiée est distinguée en quatre parties, qui sont les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les conseils, les inspirations, les Regles et Constitutions.

  A006000459 

 Mais les ames ainsi determinées ont besoin d'estre esclaircies en quoy elles pourront recognoistre ceste volonté de Dieu.

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000460 

 Voila donc comment Dieu nous manifeste sa volonté que nous appelions volonté signifiée..

  A006000461 

 Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Freres, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre, mais encore plus particulierement les seculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté.

  A006000461 

 Et à ceste volonté de Dieu, nous devons tousjours estre prests de nous sousmettre en toutes occurrences, és choses desagreables comme és agreables, en la mort comme en la vie, en fin en tout ce qui n'est point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-cy va devant; et c'est en cecy que nous respondons à la seconde partie de la demande.

  A006000461 

 Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, és choses adverses et prosperes, bref en toutes choses qui ne sont point preveües.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000462 

 Dieu me commande la charité envers le prochain; c'est une grande charité de se conserver en union les uns avec les autres, et pour cela je ne trouve point de meilleur moyen que d'estre doux et condescendant.

  A006000462 

 Les pierres, les animaux, les plantes ne parlent point; il n'y a donc que l'homme qui me puisse manifester la volonté de mon Dieu, et partant je m'attache à cela tant que je puis.

  A006000462 

 Mais ma principale consideration est de croire que Dieu me manifeste ses volontés par celles de mes Freres, et partant j'obeis à Dieu toutes et quantes fois que je leur condescens en quelque chose.

  A006000462 

 Sçachez donc que me ressouvenant que Nostre Seigneur a commandé que nous fissions aux autres ce que nous voudrions qui nous fust fait, je ne peux faire autrement; car je voudrois que Dieu fist ma volonté, et partant je fais volontiers celle de mes Freres et de mes prochains, à fin [267] qu'il plaise à ce bon Dieu de faire quelquesfois la mienne.

  A006000463 

 Le glorieux saint Paul, apres avoir dit que rien ne le separera de la charité de Dieu, ni la mort ni la vie, non pas mesme les Anges, ni tout l'enfer s'il se bandoit contre luy n'en auroit pas le pouvoir: Je ne sçache rien de meilleur, dit-il, que de me rendre tout à tous, rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent, et en fin me rendre un avec un chacun.

  A006000463 

 Voyez-vous, mes cheres Sœurs, le grand saint Anselme se sousmet à tout ce qui n'est point contre les commandemens de Dieu ou de la sainte Eglise ou contre les Regles; car ceste obeissance marche tous-jours devant.

  A006000464 

 A quoy le bien-heureux Pere respondit: Mon Frere, si Dieu permet que l'enfant ayt de la vanité, peut estre qu'en recompense il me donnera de l'humilité; et quand il m'en aura donné, j'en pourra y par apres donner à cest enfant.

  A006000465 

 Il faut donc se sousmettre tousjours à faire tout ce que l'on veut de nous pour faire la volonté de Dieu, pourveu qu'il ne soit pas contraire à sa volonté qu'il nous a signifiée en la maniere susdite..

  A006000465 

 Mais comment par parole? Le conseil de l'abnegation de soy-mesme, qu'est-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tousjours ce en quoy l'on offenceroit Dieu? Mais, pourriez-vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procede d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle; et partant, Dieu n'a pas inspiré ma Mere ou ma Sœur de me faire faire une telle chose.

  A006000465 

 Non, peut estre que Dieu ne luy aura pas inspiré cela, mais ouy bien à vous de le faire, et y manquant, vous contrevenez à la determination de faire la volonté de Dieu en toutes choses, et par consequent au soin que vous devez avoir de vostre perfection.

  A006000466 

 Car pourquoy feray-je plustost la volonté de ma Sœur que la mienne? la mienne n'est-elle pas aussi conforme à celle de Dieu en ceste legere occurrence que la sienne? Pour quelle raison dois-je croire que ce qu'elle me dit que je fasse soit plustost une inspiration de Dieu que la volonté qui m'est venue de faire une autre chose?.

  A006000467 

 O Dieu! mes cheres Sœurs, c'est icy où la divine Majesté nous veut faire gaigner le prix de la sousmission; car si nous voyions bien tousjours que l'on a raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous n'aurions pas grand merite en la faisant, ni grande repugnance, parce que sans doute toute nostre ame aquiesceroit volontiers à cela; mais quand les raisons nous sont cachées, c'est lors que nostre volonté repugne, que nostre jugement regimbe, et ressentons la contradiction.

  A006000467 

 Or, c'est en ces occasions qu'il se faut surmonter, et avec une simplicité toute enfantine se mettre en besogne sans discours ni raison, et dire: Je sçay bien que la volonté de Dieu est que je fasse plustost la [271] volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets à la pratique, sans regarder si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procede de passion et inclination, ou bien vrayement par une inspiration ou mouvement de la raison; car pour toutes ces petites choses il faut marcher en simplicité.

  A006000467 

 Quelle apparence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de meditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive quand l'on m'en prie, ou que je m'en abstienne par penitence ou sobrieté, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de consideration, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant?.

  A006000468 

 Es choses de consequence, il ne faut non plus perdre le temps à les considerer, mais il s'en faut addresser à nos Superieurs, à fin de sçavoir d'eux ce que nous avons à faire; apres quoy, il n'y faut plus penser, ains s'arrester absolument à leur opinion, puisque Dieu nous les a donnés pour la conduite de nostre ame en la perfection de son amour.

  A006000468 

 Que si l'on doit ainsi condescendre à la volonté d'un chacun, beaucoup plus le doit-on faire à celle des Superieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu mesme; aussi sont-ils ses lieutenans.

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 Premierement, je voudrois qu'on portast un grand honneur aux confesseurs; car, outre que nous sommes fort obligés d'honnorer le sacerdoce, nous les devons regarder comme des Anges que Dieu nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté.

  A006000471 

 Que si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous apprehendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre: J'en ay, mon Pere, mais par la grace de Dieu, je ne pense pas y avoir offencé sa Bonté; mais jamais ne dites qu'on vous a defendu de vous confesser de cecy ou de cela.

  A006000474 

 Je voudrois bien, de plus, que l'on eust un grand soin d'estre bien veritables, simples et charitables en la confession (veritable et simple est une mesme chose): dire bien clairement ses fautes, sans fard, sans artifice, faisant attention que c'est à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut estre celé; fort charitables, ne meslant aucunement le prochain en vostre confession.

  A006000475 

 Certes, on a beaucoup d'obligation de le faire; car il semble que ce soyent des messagers celestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de salut.

  A006000475 

 De mesme faut-il faire de la parole de Dieu: ne point regarder qui est-ce qui la nous apporte ou qui est-ce qui la nous declare; il nous doit suffire que Dieu se sert de ce predicateur pour la nous enseigner.

  A006000475 

 Et puisque nous voyons que Dieu l'honnore tant que de parler par sa bouche, comment est-ce que nous autres pourrions manquer d'honnorer et de respecter sa personne?.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000475 

 Je voudrois bien encor, mes cheres filles, qu'en ceste maison l'on portast grand honneur à ceux qui vous annoncent la parole de Dieu.

  A006000480 

 Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Superieures sont les lieutenantes de Dieu; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tranquillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs.

  A006000480 

 Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Superieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la derniere, selon l'ordre de la maison, à fin que les Sœurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela: Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu.

  A006000482 

 L'on va à la confession pour se reunir à Dieu.

  A006000482 

 Le veniel fait seulement une petite ouverture entre Dieu et nous, et par le Sacrement de Confession nous remettons nostre ame en son premier estat..

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 Je voudrois que l'on procedast simplement et franchement, purement pour Dieu, avec une vraye detestation de ses fautes et entiere volonté de s'amender..

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000487 

 Quant à l'acte de contrition, il faut avoir un vray regret du mal passé et une bonne resolution de ne le plus commettre; et à cest effect, le Confiteor, qui est la confession generale des Chrestiens, se doit dire bien devotement devant Dieu.

  A006000490 

 Certes, cela est louable, mais la confiance filiale plaist beaucoup à Dieu.

  A006000490 

 Humilions-nous devant Dieu et il nous pardonnera; faisons resolution de nous confesser à la premiere occasion, et passons chemin en la voye de Dieu.

  A006000490 

 Les pechés veniels sont effacés par un abbaissement devant Dieu, en prenant de l'eau benite, en disant un mea culpa avec humilité.

  A006000490 

 Si neantmoins le scrupule est grand et la faute grosse, la Superieure trouvant bon que vous vous retiriez de la Communion, faites-le doucement, par reverence envers la grandeur et pureté de Dieu.

  A006000493 

 Ne voyez-vous pas que quand je presche au choeur devant les seculiers, comme [286] barbier, je ne fay point de mal? Je ne jette que des parfums, je ne parle que des vertus et des choses propres à consoler nos ames; je joüe un peu du flageolet, parlant des louanges que nous devons rendre à Dieu.

  A006000498 

 Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire departir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de crainte d'offencer Dieu.

  A006000499 

 Je dis bien plus, car je vous asseure que nous prendrions plaisir à ne lire jamais qu'un mesme livre, pourveu qu'il fust bon et qu'il parlast de Dieu; ains, quand il n'y auroit que ce seul nom de Dieu nous serions contens, puisque nous trouverions tousjours assez de besogne à faire, apres l'avoir leu et releu plusieurs fois.

  A006000500 

 Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez-vous, et vous asseurez [292] que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plus à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne pour la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la premiere lecture.

  A006000500 

 Vous donne-t'on un livre que vous sçavez desja tout ou presque tout par cœur? benissez-en Dieu, d'autant que vous comprendrez plus facilement sa doctrine.

  A006000503 

 Helas! mes cheres filles, si l'on ne vouloit mettre des Superieurs et Superieures sinon qu'ils fussent parfaits, il faudroit prier Dieu de nous envoyer des Saints ou des Anges pour l'estre, car des hommes nous n'en trouverons point.

  A006000504 

 Helas! il s'en faut aller, priant Dieu pour la Superieure, le benissant de ceste bien-aymée contradiction.

  A006000504 

 Vous vous estonnez dequoy venant parler à la Superieure, elle vous dit quelque parole moins douce que l'ordinaire, parce qu'elle a peut estre la teste toute pleine de soucis et affaires; vostre amour propre s'en va tout troublé, au lieu de penser que Dieu a permis ceste petite secheresse à la Superieure pour mortifier vostre amour propre, qui recherchoit que la Superieure vous caressast un peu, recevant amiablement ce que vous luy vouliez dire.

  A006000512 

 Dieu soit beni.

  A006000512 

 Pleust à Dieu, mes cheres Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer! l'on verroit bien tost des grands changemens en eux, qui reussiroyent à la gloire de Dieu et au salut de leurs ames.

  A006000516 

 O Dieu, ma fille, se plaindre! n'ay-je pas dit à Philothée, que « pour l'ordinaire, qui se plaint peche »? Or, de se plaindre à la Superieure quand une Sœur nous a mortifiée, cela est tolerable à une fille imparfaite; mais se plaindre à une Sœur de ce que la Superieure nous a mortifiée, je n'ay rien à dire là-dessus, parce que sans marchander il s'en faut amender, si quelqu'une y estoit inclinée.

  A006000518 

 Au nom de Dieu, mes cheres filles, que jamais cela ne se fasse.

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000520 

 Vous voulez encore sçavoir, si la Superieure vous commande quelque chose contre les commandemens de Dieu et de son Eglise, si vous devez obeir.

  A006000525 

 Car Dieu qui desire de donner à tous la vie eternelle, leur donne à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a esleus, correspondans à ceste vocation suivant les attraits de Dieu; toutesfois, le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appelles..

  A006000525 

 Deux choses sont requises pour donner sa voix comme il convient à telles personnes: la premiere, que ce soit à des personnes bien appellées de Dieu; la seconde, qu'elles ayent les conditions requises pour nostre maniere de vivre.

  A006000525 

 Quant au premier poinct, qu'il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion, il faut sçavoir que quand je parle de cest [310] appel et vocation, je n'entens pas parler de la vocation generale, telle qu'est celle par laquelle Nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ni encor de celle de laquelle il est dit en l'Evangile que plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus.

  A006000526 

 Ainsi en voyons-nous qui viennent par despit et ennuy en Religion; et quoy qu'il semble que ces vocations ne soyent pas bonnes, neantmoins on en a veu qui estans ainsi venus, ils ont fort bien reussi au service de Dieu.

  A006000526 

 D'autres sont incités d'entrer en [311] Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le defaut de la santé ou beauté corporelle; et quoy que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes.

  A006000526 

 En fin les voyes de Dieu sont incomprehensibles, et ses jugemens inscrutables et admirables en la varieté des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses creatures à son service, lesquels doivent estre tous honnorés et reverés..

  A006000526 

 Il y en a d'autres qui ne sont point bien appelles; neantmoins estans venus, leur vocation a esté bonifiée et ratifiée de Dieu.

  A006000526 

 Mais parlant plus particulierement de la vocation religieuse, je dis que plusieurs sont bien appelles de Dieu en la Religion, mais il y en a peu qui maintiennent et conservent leur vocation; car ils commencent bien, mais ils ne sont pas fidelles à correspondre à la grace, ni perseverans en la pratique de ce qui peut conserver leur vocation et la rendre bonne et asseurée.

  A006000528 

 Doncques la bonne vocation n'est autre chose qu'une volonté ferme et constante qu'a la personne appellée de vouloir servir Dieu en la maniere et au lieu auquel sa divine Majesté l'appelle; et cela est la meilleure marque que l'on puisse avoir pour cognoistre quand une vocation est bonne..

  A006000529 

 Mais remarquez que, quand je dis une volonté ferme et constante de servir Dieu, je ne dis pas qu'elle fasse dés le commencement tout ce qu'il faut faire en sa vocation, avec une fermeté et constance si grande qu'elle soit exempte de toute repugnance, difficulté ou dégoust [312] en ce qui en dépend.

  A006000530 

 Doncques, pour sçavoir si Dieu veut que l'on soit Religieux, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensiblement, ou qu'il nous envoye quelque Ange du Ciel pour nous signifier sa volonté; ni moins est-il besoin d'avoir des revelations sur ce sujet.

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000530 

 Je voudrois bien, dit une de ces filles, mais je ne sçay pas si c'est la volonté de Dieu que je sois Religieuse, d'autant que l'inspiration que je sens à ceste heure n'est pas, ce me semble, assez forte.

  A006000531 

 Ne vous souciez point, dis-je, de quel costé il vienne, car Dieu a plusieurs moyens d'appeller ses serviteurs et servantes à son service..

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000532 

 Car, combien que Dieu soit tout-puissant et peut tout ce qu'il veut, si est-ce qu'il ne veut point nous oster la liberté qu'il nous a une fois donnée; et quand il nous appelle à son service, il veut que ce soit de nostre bon gré que nous y allions, et non par force ni par contrainte.

  A006000534 

 Il persevera fidelement en sa vocation et a esté un grand serviteur de Dieu.

  A006000535 

 Mais Dieu bien souvent en cecy fait voir la grandeur de sa clemence et misericorde, employant ces intentions, qui d'elles-mesmes ne sont aucunement bonnes, pour faire de ces personnes-là des grands serviteurs de sa divine Majesté; et en cecy il se fait voir admirable..

  A006000537 

 Car c'est chose certaine que, quand Dieu appelle quelqu'un à une vocation, il s'oblige par consequent, par sa providence divine, de luy fournir toutes les aydes requises pour se rendre parfait en sa vocation..

  A006000537 

 D'où vient donc, qu'estant si bien appellé, il ne persevera pas en sa vocation? O c'est qu'il abusa de sa liberté, et ne voulut pas se servir des moyens que Dieu luy donnoit pour ce sujet; mais au lieu de les embrasser et d'en user à son profit, il s'en servit pour en abuser et pour les rejetter, et, en ce faisant, il se perdit.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000538 

 Remarquez aussi que quand je dis que Dieu s'est obligé de donner à ceux qu'il appelle toutes les conditions requises pour estre parfaits en leur vocation, je ne dis pas qu'il les leur donne tout à coup et à l'instant qu'ils entrent en Religion.

  A006000539 

 C'est donc une chose bien difficile de sçavoir si une fille est bien appellée de Dieu, pour luy donner sa voix; car bien qu'on la voye fervente, peut estre ne perseverera-t'elle pas; mais tant pis pour elle.

  A006000539 

 Ne laissez pas pour cela, si vous voyez qu'elle ayt ceste volonté constante de vouloir servir Dieu et se perfectionner, de luy donner vostre voix; car si elle veut recevoir les aydes que Nostre Seigneur infailliblement luy donnera, elle perseverera.

  A006000539 

 Voila donc comme les jugemens de Dieu sont occultes et secrets, et comme les uns, qui par despit et forme de mocquerie entrent en Religion, y perseverent neantmoins; les autres, y estans bien appellés et ayans commencé avec grande ferveur, finissent mal et quittent tout.

  A006000541 

 Quand il se presentera des infirmes, dites: Dieu soit beni! en vient-il des robustes: à la bonne heure! En somme, les maladies qui n'empeschent point d'observer la Regle ne doivent point estre considerées en vos maisons.

  A006000543 

 Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries; mais neantmoins, si elles veulent bien estre gueries et tesmoignent une volonté ferme à vouloir recevoir les remedes, [326] quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes; car ces filles-là, apres beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, deviennent des grandes servantes de Dieu et acquierent une vertu forte et solide, car la grace de Dieu supplée au defaut; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grace.

  A006000544 

 Je dis qu'il y faut bien prendre garde, et non qu'il n'en faille point recevoir, si l'on void qu'elles veuillent estre changées et humiliées; car elles pourront bien, avec le temps et la grace de Dieu, faire ce changement; ce qui arrivera sans doute, si avec fidelité elles se servent des remedes qui leur seront donnés pour leur guerison.

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000555 

 Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu..

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000557 

 Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacremens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agreables, sans aucun meslange de propre interest.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000560 

 Mais, outre ces trois preparations, je vous veux dire en un mot que la principale est l'abandonnement total de nous-mesmes à la mercy de Dieu, sousmettans sans [339] reserve quelconque nostre volonté et toutes nos affections à sa domination.

  A006000560 

 O mon Dieu, je suis absolument sousmise à vostre divine volonté, mais donnez-moy un grand courage pour faire des œuvres excellentes pour vostre service; mais de douceur, pour vivre paisiblement avec le prochain, il ne s'en parle point.

  A006000560 

 O mon Dieu, puisque je suis tout vostre, que j'aye tousjours des consolations à l'oraison.

  A006000560 

 Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la pretention que nous avons! et jamais ils ne demandent des tribulations ou mortifications.

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000563 

 En fin, il faut qu'en toutes les prieres et demandes que vous ferez à Dieu, vous ne les fassiez pas seulement pour vous, ains que vous observiez de dire tousjours nous, comme Nostre Seigneur nous l'a enseigné en l'Oraison dominicale, où il n'y a ni mien, ni mon, ni moy.

  A006000564 

 Et ne faut pas que nous pensions que communiant ou priant pour les autres nous y perdions quelque chose, sinon que nous offrissions à Dieu ceste Communion ou priere pour la satisfaction de leurs pechés, car alors nous ne satisferions pas pour les nostres.

  A006000564 

 Et si une personne ne faisoit pas attention de faire quelque chose pour la satisfaction de ses pechés, la seule attention qu'elle auroit de faire tout ce qu'elle fait pour le pur amour de Dieu suffiroit pour y satisfaire, puisque c'est une chose asseurée que qui pourroit faire un acte excellent de charité, ou un acte d'une parfaite contrition, satisferoit pleinement pour tous ses pechés..

  A006000567 

 Il faut avoir des esprits genereux qui ne s'attachent qu'à Dieu seul, sans s'arrester aucunement à ce que nostre partie inferieure veut, faisant regner la partie superieure de nostre ame, puisqu'il est entierement en nostre pouvoir, avec la grace de Dieu, de ne jamais consentir à l'inferieure.

  A006000567 

 Je voudrois aussi que l'on ne s'inquietast point quand l'on entend parler de quelque defaut que nous avons ou de quelque vertu que nous n'avons pas; mais que nous benissions Dieu dequoy il nous a découvert le moyen d'acquerir la vertu et de nous corriger de l'imperfection, et puis prendre courage de nous servir de ces moyens.

  A006000569 

 Je vous dis qu'il ne faut presque point de temps pour le bien faire, puisqu'il ne faut autre chose que se prosterner devant Dieu en esprit d'humilité et de repentance de l'avoir offencé..

  A006000571 

 Il faut aussi considerer que nous faisons le mesme office que les Anges, quoy qu'en divers langage, et que nous sommes devant le mesme Dieu devant lequel les Anges tremblent.

  A006000571 

 Mais s'il nous arrive d'en faire plusieurs, et que cela continue, il y a de l'apparence que nous n'avons pas conceu un vray desplaisir de nostre premiere faute; et c'est ceste negligence qui nous devroit apporter beaucoup de confusion, non pas à cause de la presence de la Superieure, mais pour le respect de celle de Dieu qui nous est present, et de ses Anges.

  A006000571 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles disent à l'Office employent fidellement ce talent selon le bon plaisir de Dieu, qui le leur a donné pour les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui [345] n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses.

  A006000574 

 Car il ne faut pas tousjours penser que l'on a eu de la negligence quand la distraction a esté longue, car il se pourra bien faire qu'elle nous durera le long d'un Office sans qu'il y ayt de nostre faute; et pour mauvaise qu'elle fust, il ne faudroit pas s'en inquieter, ains en faire des simples rejets de temps en temps devant Dieu.

  A006000574 

 Il ne faut pas redire son Office pour avoir esté distraitte en le disant, pourveu que ce ne soit pas volontairement; et encor que vous vous trouvassiez à la fin de quelque Psalme sans estre bien asseurée si vous l'avez dit, parce que vous avez esté distraitte sans y penser, ne laissez pas de passer outre, vous humiliant devant Dieu.

  A006000575 

 Vous voulez que je vous die quelque chose de l'oraison Plusieurs se trompent grandement, croyant qu'il [347] faut beaucoup de methode pour la bien faire, et s'empressent pour trouver un certain art qu'il leur semble estre necessaire de sçavoir, ne cessant jamais de subtiliser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la font ou comme ils la pourront faire à leur gré; et pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer durant icelle, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie certes tres-grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dépendist de la methode et contenance de ceux qui font l'oraison.

  A006000576 

 Mais, mon Dieu, diront quelques-unes, je ne puis pas tousjours avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation à l'ame, ni ceste reverence sensible qui me fait aneantir si doucement et agreablement devant Dieu.

  A006000576 

 Or, ce n'est pas aussi de celle-là que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en recognoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité..

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000580 

 Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidelité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune secheresse, repugnance ou contradiction qui se puisse presenter.

  A006000581 

 Mais pour les autres manieres d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que l'on ne s'y ingere point de soy-mesme et sans l'advis de ceux qui conduisent..

  A006000581 

 Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la premiere, et si, elle est plus sainte et plus asseurée; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement, pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumieres et mouvemens que Dieu nous y donnera.

  A006000588 

 Dieu ayant destiné de toute eternité, en sa divine providence, qu' une Vierge concevroit un Fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, voulut neantmoins que ceste Vierge fust mariée.

  A006000588 

 Mais, ô Dieu! pour quelle raison, disent les saints Docteurs, ordonna-t'il deux choses si differentes, estre vierge et mariée tout ensemble? La pluspart des Peres disent que ce fut pour empescher que Nostre Dame ne fust calomniée des Juifs, lesquels n'eussent point voulu exempter Nostre Dame de calomnie et d'opprobre, et se fussent rendus examinateurs de sa pureté; et que, pour conserver ceste pureté et ceste virginité, il fut besoin que la divine Providence la commist à la charge et en la garde d'un homme qui fust vierge, et que ceste Vierge conceust et enfantast ce doux fruict de vie, Nostre Seigneur, sous l'ombre du saint mariage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000594 

 Au contraire, les justes tiennent tousjours toutes leurs fleurs resserrées dans l'estuy de la tres-sainte humilité, et ne les font point paroistre, tant qu'ils peuvent, jusques aux grosses chaleurs, lors que Dieu, ce divin Soleil de justice, viendra à réchauffer puissamment leurs coeurs en la vie eternelle, où ils porteront à jamais le doux fruict de la felicité et de l'immortalité.

  A006000595 

 Mais quelles dignités, mon Dieu! estre gouverneur de Nostre Seigneur, et non seulement cela, mais estre encor son Pere putatif, mais estre Espoux de sa tres-sainte Mere! O vrayement je ne doute nullement que les Anges ravis d'admiration, ne vinssent troupes à troupes le considerer et admirer son humilité, lors qu'il tenoit ce cher Enfant dans sa pauvre boutique, où il travailloit de son mestier pour nourrir et le Fils et la Mere qui luy estoyent commis..

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000598 

 En quoy nous voyons combien l'humilité est necessaire pour la conservation de la virginité, puisqu'indubitablement aucun ne sera du celeste banquet et du festin nuptial que Dieu prepare aux vierges en la celeste demeure, sinon entant qu'il sera accompagné de ceste vertu.

  A006000599 

 Cette boite d'albastre est donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, attendans, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire..

  A006000601 

 O Dieu, qu'il faisoit bon voir la reverence et le respect avec lequel il traittoit tant avec la Mere qu'avec le Fils! S'il avoit bien voulu quitter la Mere, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond aneantissement estoit-il par apres, quand il se voyoit estre tant honnoré que Nostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeissans à ses volontés et ne fissent rien que par son commandement! Cecy est une chose qui ne se peut comprendre; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme proprieté que je remarque estre en la palme, qui est [364] la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint..

  A006000603 

 Or, la perseverance fait que l'homme mesprise cest ennemy en telle sorte qu'il en demeure victorieux, par une continuelle égalité et sousmission à la volonté de Dieu.

  A006000604 

 Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et precipité aux enfers (comme si l'humilité pouvoit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne inseparable), qu'il n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu, et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agreable à Dieu; si que nous pouvons bien dire: Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persevere en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil..

  A006000604 

 Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pouvoit faire, mon Dieu, quelle detresse, quel ennuy, quelle peine d'esprit n'avoit-il pas? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre.

  A006000605 

 Quant à la perseverance, contraire à cest ennemy interieur qui est l'ennuy qui nous survient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, penibles, des mauvaises fortunes, s il faut ainsi dire, ou bien és divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut [366] esprouvé de Dieu et des hommes mesmes en son voyage! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et son Fils tres-cher en Egypte, le voila que soudain il part sans dire mot; il ne s'enquiert pas: Où iray-je? quel chemin tiendray-je? de quoy nous nourrirons-nous? qui nous y recevra? Il part d'aventure avec ses outils sur son dos, à fin de gaigner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage.

  A006000606 

 L'ennuy de ne sçavoir quand il en sortiroit devoit sans doute grandement affliger et tourmenter son pauvre cœur; neantmoins il demeure tousjours luy-mesme, tousjours doux, tranquille et perseverant en sa sousmission au bon plaisir de Dieu, auquel il se laissoit pleinement conduire; car, comme il estoit juste, il avoit tousjours sa volonté ajustée, jointe et conforme à celle de Dieu..

  A006000606 

 Si saint Paul a tant admiré l'obeissance d'Abraham lors que Dieu luy commanda de sortir de sa terre, d'autant que Dieu ne luy dit pas de quel costé il iroit, ni moins Abraham ne luy demanda pas: Seigneur, vous me dites que je sorte, mais dites-moy donc si ce sera par la porte du midy ou du costé de la bise, ains il se mit en chemin, et alloit selon que l'Esprit de Dieu le conduisoit, combien est admirable ceste parfaite obeissance de saint Joseph! L'Ange ne luy dit point jusques à quand il demeureroit en Egypte, et il ne s'en enquiert pas.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000607 

 Estre juste n'est autre chose qu'estre parfaitement uni à la volonté de Dieu, et y estre tousjours conforme en toutes sortes d'evenemens, soit prosperes ou adverses.

  A006000608 

 Apres quoy il se sousmettoit tres-humblement à la volonté de Dieu en la continuation de sa pauvreté et de son abjection, sans se laisser aucunement vaincre ni terrasser par l'ennuy interieur, lequel sans doute luy faisoit maintes attaques; mais il demeuroit tousjours constant en la soumission laquelle, comme toutes ses autres vertus, alloit continuellement croissant et se perfectionnant; ainsi que de Nostre Dame, laquelle gaignoit chaque jour un surcroist de vertus et de perfections qu'elle prenoit en son Fils tres-saint, lequel ne pouvant croistre en aucune chose, d'autant qu'il fut dés l'instant de sa conception tel qu'il est et sera eternellement, faisoit que la sainte famille en laquelle il estoit alloit tousjours croissant et avançant en perfection, Nostre Dame tirant sa perfection de sa divine Bonté, et saint Joseph la recevant, comme nous avons desja dit, par l'entremise de Nostre Dame..

  A006000610 

 Dieu soit beni..

  A006000614 

 Elles viendront en un parloir, elles verront des Religieuses avec un visage serein, tenant bonne mine, bien modestes, fort contentes, elles diront en elles-mesmes: Mon Dieu, qu'il fait bon là! allons-y; aussi bien le monde nous fait mauvaise mine, nous n'y rencontrons point nos pretentions.

  A006000614 

 Une autre dira: Mon Dieu, que l'on chante bien là dedans! Les autres y viennent pour y rencontrer la paix, les consolations et toutes sortes de douceurs, disant en leur pensée: Mon Dieu, que les Religieuses [371] sont heureuses! elles sont hors du bruit de pere, de mere, qui ne font autre chose que crier; on ne sçauroit rien faire qui les contente, c'est tousjours à recommencer.

  A006000615 

 Il faut, par necessité, que ce soit Dieu qui bastisse la cité, ou autrement, bien qu'elle fust bastie, il la faudroit ruiner.

  A006000615 

 Je veux croire, mes cheres filles, que vos pretentions sont toutes autres, et partant que vous avez toutes bon cœur et que Dieu benira ceste petite troupe commençante.

  A006000615 

 Voicy, mes cheres filles, trois sortes de pretentions qui ne valent rien pour entrer en la maison de Dieu.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Mais quant à vous, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi; car outre ceste commune obligation que vous avez avec tous les Chrestiens, Dieu, par un amour tout special, vous a choisies pour estre ses cheres espouses..

  A006000616 

 Nous voulons faire un grand bastiment, mes cheres filles, qui est d'edifier chez nous la demeure de Dieu.

  A006000616 

 Partant, considerons bien meurement si nous avons suffisamment du courage et de la resolution pour nous [372] ruiner nous-mesmes et nous crucifier, ou plustost pour permettre à Dieu mesme de nous ruiner et nous crucifier, à fin qu'il nous reedifie pour estre le temple vivant de sa Majesté.

  A006000617 

 C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le servant continuellement.

  A006000617 

 C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur.

  A006000617 

 Par consequent, vous qui pretendez à l'habit, et vous autres qui pretendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu.

  A006000618 

 Mais, mou Dieu! me direz-vous, ce n'est pas cela que je cherchois; je pensois qu'il suffisoit pour estre bonne Religieuse, d'avoir desir de bien faire l'oraison, avoir des visions et revelations, voir des Anges en forme d'homme, estre ravie en extase, aymer bien la lecture des bons livres.

  A006000618 

 Pensez-vous que ces bons Religieux du desert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrivés en suivant leurs inclinations? Certes nenny; ils se sont mortifiés es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes.

  A006000619 

 Partant, elles ne doivent rechercher que Dieu et la mortification de leurs humeurs, passions et inclinations en la sainte Religion, car si elles cherchent autre chose, elles n'y trouveront jamais la consolation qu'elles pretendent.

  A006000620 

 Ces paroles sont dures: Il faut mourir; mais elles sont suivies d'une grande douceur: c'est à fin d'estre unies à Dieu par ceste mort.

  A006000620 

 Elle nous donne des Regles pour servir à nos cœurs de pressoirs, et en faire sortir tout ce qui est contraire à Dieu: vivez donc courageusement selon icelles..

  A006000620 

 Je dis donc qu'il faut mourir à fin que Dieu vive en nous, car il est impossible d'acquerir l'union de nostre ame avec Dieu par un autre moyen que par la mortification.

  A006000620 

 Je vous asseure de la part de Dieu, que si vous estes fidelles à faire ce qu'elles vous enseignent, vous parviendrez sans doute au but que vous devez pretendre, qui est de vous unir à Dieu.

  A006000621 

 Je vous en dis de mesme de la sainte humilité et douceur, fondement de ceste Congregation: Dieu nous les donnera infailliblement, pourveu que nous ayons bon cœur et fassions nostre possible pour les acquerir.

  A006000621 

 Mais, me dira quelqu'une, mon Dieu! comment feray-je? je n'ay point l'esprit de la Regle.

  A006000622 

 Faisons ainsi ce que nous pourrons, Dieu se contentera, et nos Superieurs aussi.

  A006000623 

 Dieu nous a laissé ce pouvoir; autrement ce seroit, en nous demandant la perfection, nous obliger à chose impossible, et partant injustice, laquelle ne se peut rencontrer en Dieu..

  A006000623 

 Le monde se trompe en ceste pensée, Dieu ne rejette rien de ce où la malice ne se rencontre point; car dites-moy, je vous prie, que peut [378] mais une personne d'estre de telle ou telle temperature, sujette à telle ou telle passion? Le tout gist donc aux actes que nous en faisons par ce mouvement, lequel dépend de nostre volonté, le peche estant si volontaire que sans nostre consentement il n'y a point de peché.

  A006000623 

 On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu.

  A006000624 

 Espris d'une juste colere du zele de la gloire de Dieu, il dit en se tournant vers les Levites: S'il y a quelqu'un qui tienne le parti de Dieu, qu'il prenne l'espée en main pour tuer tout ce qui se presentera à luy, sans espargner ni pere, ni mere, ni frere, ni sœur; qu'il mette tout à mort.

  A006000624 

 Lors que Moyse descendit de la montagne d'où il venoit de parler à Dieu, il vid le peuple qui ayant fait un veau d'or, l'adoroit.

  A006000625 

 Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu.

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Dieu nous attire par des attraits particuliers, chacun a le sien special, nous ne sommes pas toutes tirées par un mesme chemin.

  A006000627 

 Elles ont raison de le dire et il est veritable; mais il est vray aussi que si cest attrait vient de Dieu, il les conduira à l'obeissance sans doute.

  A006000628 

 Tout nostre bon-heur consiste en la perseverance: je vous y exhorte, mes cheres filles, [381] de tout mon cœur, et prie sa Bonté qu'il vous comble de grace et de son divin amour en ce monde, et nous fasse tous jouïr en l'autre de sa gloire, A Dieu, mes cheres filles, je vous emporte toutes dans mon cœur; de me recommander à vos prieres ce seroit chose superflue, car je croy de vos pietés que vous n'y manquez point.

  A006000628 

 Vivez donc toute vostre vie et formez toutes vos actions selon icelle, et Dieu vous benira.

  A006000632 

 Si Dieu venoit à moy, j'irais aussi à luy; s'il ne vouloit pas venir à moy, je me tiendrais là et n'irais pas à luy..

  A006000633 

 Je dis donc qu'il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous.

  A006000633 

 Saint Paul pratiqua excellemment cest abandonnement au mesme instant de sa conversion; quand Nostre Seigneur l'eut aveuglé, il dit tout incontinent: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? et dés lors il demeura dans l'absolue dépendance de ce que Dieu ordonneroit de luy.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000635 

 Mais pour l'employ exterieur, ne pourroit-on pas, dites-vous, desirer les charges basses parce qu'elles sont plus penibles et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu? Ma fille, David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pecheurs; et: Il est bon, Seigneur, dit-il, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications. Or neantmoins, ce desir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine.

  A006000636 

 Ceste bonne femme, estant dans le lict avec une grosse fievre, pratiqua plusieurs vertus; mais celle que j'admire le plus est ceste grande remise qu'elle fit d'elle-mesme à la providence de Dieu et au soin de ses superieurs, demeurant en sa fievre, tranquille, paisible et sans aucune inquietude, ni sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle.

  A006000636 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse, ceste bonne femme! Certes, elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent aussi les Apostres qui pourveurent à sa guerison sans en estre sollicités par elle, ains par la charité et commiseration de ce qu'elle souffroit.

  A006000637 

 Elle voit Nostre Seigneur dans sa maison, comme souverain Medecin, mais elle ne le regarde pas comme tel, si peu elle pensoit à sa guerison; ains elle le consideroit comme son Dieu, à qui elle appartenoit tant saine que malade, estant aussi contente malade que possedant une pleine santé.

  A006000637 

 Nostre febricitante ne fait aucun cas de sa maladie, elle ne s'attendrit point à la raconter, elle la souffre sans se soucier que l'on la plaigne ni que l'on procure sa guerison; elle se contente que Dieu la sçache, et ses Superieurs qui la gouvernent.

  A006000638 

 Il ne suffit pas d'estre malade et d'avoir des afflictions puisque Dieu le veut; mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut, autant de temps qu'il veut et en la façon qu'il luy plaist que nous le soyons, ne faisant aucun choix ni rebut de quelque mal ou affliction que ce soit, tant abjecte ou deshonnorable nous puisse-t'elle sembler; car le mal et l'affliction sans abjection enfle bien souvent le cœur au lieu de l'humilier.

  A006000640 

 Ainsi, nous ne devons rien desirer ni rien refuser, ains souffrir et recevoir esgalement tout ce que la providence de Dieu permettra nous arriver.

  A006000640 

 Dieu nous en fasse la grace..

  A006000642 

 DIEU SOIT BENI.

  A006000649 

 Nous soubsignez Docteurs en la sacrée Faculté de Theologie à Paris; certifions avoir leu diligemment les v de feu Messire FRANÇOIS DE SALES d'heureuse memoire, Evesque et Prince de Geneve, par luy faicts de vive voix, aux Religieuses de l'Ordre de la Visitation de saincte Marie, pour leur instruction, et direction, et par icelles Religieuses colligez, et redigez par escrit pour leur usage; lesquels ressentent son homme d'Oraison, et parfaitement interieur, et sont conformes aux Regles et maximes de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine: Et d'iceux on peut tirer tres-utilement la parabole de ce que toute sorte de personnes, tant Regulieres que Seculieres, doivent pratiquer pour bien employer les graces de nostre Dieu, devenir grandes en vertu, redresser les inclinations de la nature, et porter courageusement le joug de nostre Seigneur.

  A006000667 

 LOUIS par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre.

  A006000681 

 LOUIS par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A nos amez et feaux Conseillers tenans nos Cours de Parlement, Baillifs, Seneschaux, Prevosts, leurs Lieutenans, et tous autres nos Justiciers, et Officiers qu'il appartiendra, Salut.

  A006000695 

 Au nom de Dieu, ainsi soit-il.

  A006000730 

 Et qu'y ferois-je, ma fille? pas si bien que vous sans doute, car je ne [397] vaux rien; mais il me semble qu'avec la grace de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites ceans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu.

  A006000730 

 Je porterais laveüe bien basse et marcherais fort modestement; car, ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000731 

 O il me semble que je l'aymerois bien de tout mon cœur, ce bon Dieu, et qu'à cela j'appliquerais tout mon esprit, et à bien observer les Regles et Constitutions.

  A006000732 

 Mais il ne nous faut pas estonner de nos fautes, car que pouvons-nous sans l'ayde de ce bon Dieu? rien du tout.

  A006000732 

 Voulez-vous que je vous die encore, ma tres-chere fille? Il m'est advis que je serois bien joyeux, et que je ne m'empresserais jamais; cela, Dieu mercy, je le fais desja, car jamais je ne m'empresse, mais je le ferois encore mieux..

  A006000733 

 Commençons tout de bon, Dieu nous aydera; si nous avons le courage, nous ferons prou, Dieu aydant..

  A006000733 

 Je tascherois le mieux qu'il me seroit possible de me tenir en la presence de Dieu et de faire toutes mes actions pour son amour, car, ma chere fille, on nous apprend ceans à faire ainsi.

  A006000734 

 Dieu nous en face la grace et soit beni..

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000738 

 Ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours, et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000740 

 Jamais nous ne nous devons estonner ni descourager pour estre sujettes à faire des fautes; nous en ferons tousjours, Dieu le permettant ainsi pour nous faire pratiquer l'humilité: de nous-mesmes nous ne pouvons rien autre chose.

  A006000740 

 Rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué en nos Constitutions; avec la grace de Dieu, nous le pouvons et devons faire.

  A006000741 

 Et tousjours je tascherois le mieux que je pourrois de faire toutes mes actions en la presence de Dieu, avec le plus d'humilité et d'amour qu'il me seroit possible, car on apprend ceans à faire ainsi, n'est-il pas vray? Et qu'avons-nous à faire nous autres que cela? [399] rien du tout.

  A006000742 

 Dieu soit beni..

  A006000742 

 Je lirois bien souvent le chapitre De l'Humilité et De la Modestie: et vous, ne les lisez-vous pas bien souvent? Quelquefois? Nous ferons prou, je le sçay bien moy, et Dieu nous aydera.

  A006000748 

 Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy-mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumiere que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misere et abjection.

  A006000749 

 Or, de tels humbles Dieu nous en defende..

  A006000749 

 Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de mesme humeur, dites-leur voir: Mon Dieu, que vous estes braves, que vous avez de merite! je ne vois rien qui approche de vostre perfection.

  A006000752 

 Le cinquiesme, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d'humilité, c'est non seulement d'aymer le mespris, mais de le desirer, de le rechercher et s'y complaire pour l'amour de Dieu: et ceux qui parviennent icy sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit.

  A006000762 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame devote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et reverence; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy.

  A006000763 

 La rose a encor une autre proprieté, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur: ainsy l'ame devote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiedeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu.

  A006000764 

 Bien-heureuse sera l'ame qui pourra dire en verité à l'heure de la mort, à l'imitation de Nostre Seigneur: Tout est consommé, j'ay fait tout ce que j'ay peu pour m'avancer au service de Dieu..

  A006000765 

 Il faut garder nos cœurs purs et nets comme un temple sacré auquel Dieu fait sa residence, et avoir tous les jours et à toutes heures la serpe à la main pour couper et retrancher les inutilités qui naissent à l'entour de nos cœurs, qui sont comme la terre qui a tousjours besoin d'estre sarclée et emondée; et faut estre resolu de plustost mourir mille fois que d'offenser Dieu à son escient.

  A006000765 

 Il ne faut pas desirer d'estre delivré de ses imperfections, sinon parce qu'elles desplaisent à Dieu; car il est bon, pour nous tenir en humilité et resignation, que sa volonté soit faite ou nous les ostant ou nous les laissant, pourveu qu'il soit glorifié en icelles..

  A006000766 

 Dieu ne differe jamais sa misericorde lors que la confiance et diligence y operent; et il faut, pour obeir parfaitement, avoir mortifié son propre jugement..

  A006000766 

 Il ne se faut pas humilier pour estreexalté, mais il se faut humilier parce que Dieu s'est humilié.

  A006000766 

 L'on n'est en Religion que pour conserver en nous l'image et semblance de Dieu sans intermission, et le moyen de le faire, c'est d'estre continuellement en sa presence et former toutes nos actions au modele des siennes.

  A006000767 

 Et pour la bien faire, il faut, outre cela, avoir encor trois autres conditions, à sçavoir: estre pauvre par humilité, riche en esperance, et estre enté sur l'arbre de la Croix avec Nostre Seigneur: et en somme, il faut tousjours demander à Dieu en l'oraison qu'il « accroisse en nous la foy, l'esperance et la charité.

  A006000767 

 La fin pour laquelle nous faisons l'oraison ne doit estre que pour nous unir à Dieu.

  A006000771 

 Quand nous avons ouy la parole de Dieu, il nous faut prendre garde de n'estre pas comme le panier qu'on tire de l'eau..

  A006000774 

 Celuy qui s'est voué au service de Dieu doit faire beaucoup d'estime de sa vocation; et qu'il se prepare pour combattre et endurer tous les rencontres et toutes les difficultés qui se presenteront en son chemin..

  A006000778 

 Quand nous sommes en la presence de Dieu nous devons avoir deux attentions: l'une à luy, et l'autre à ce que nous faisons..

  A006000779 

 Il n'y a rien, dit saint Bernard, qui ayt tant d'efficace pour meriter, retenir et conserver la grace de Dieu que d'estre trouvé devant luy en tout temps humble et craintif.

  A006000779 

 Il ne faut jamais penser qu'on aye bien fait une action, encor que nous l'ayons faite avec toute la perfection qu'il nous a esté possible, parce que nous ne sçavons pas ce qu'elle est devant Dieu; la propre volonté ne vaut rien devant luy.

  A006000779 

 Il ne faut pas pourtant vouloir aller par une autre voye que celle qu'il plaist à Dieu nous conduire, soit à pied, soit en barque; mais il faut avoir ceste resolution de se monstrer fidelle aux occasions, car nous sommes des geans à pecher et des nains à bien faire.

  A006000779 

 Snr qui regarderay-je, dit Dieu, sinon sur celuy qui est humble et craintif?.

  A006000782 

 Il faut ouÿr la parole de Dieu avec intention, attention et obeissance.

  A006000782 

 La parole de Dieu est une charge; les predicateurs en sont chargés avant que de l'avoir annoncée, et les auditeurs en demeurent, chargés apres qu'ils l'ont ouÿe..

  A006000785 

 Le sommaire de toutes vertus c'est d'estre fondé en une profonde crainte de Dieu, laquelle au seul nom du peché nous fasse trembler.

  A006000787 

 Il faut avoir continuellement et en tout temps douleur de nos pechés, parce qu'ils ont offencé Dieu qui est eternellement bon.

  A006000787 

 Nous sommes obligés d'une obligation particuliere de nous perfectionner et nous donner à Dieu sans reserve quelconque, et quand on se sent pauvre et desnué de vertus il faut avoir de plus grandes pretentions de bien faire.

  A006000790 

 Il ne se faut pas despouiller pour demeurer nud, mais il se faut despouiller de nous-mesme pour se revestir de Dieu..

  A006000790 

 Il nous faut bien recognoistre nostre neant, mais il n'y faut pas demeurer, car nous ne nous aneantissons que pour nous unir à nostre tout qui est Dieu.

  A006000792 

 La vraye simplicité consiste à tenir sa memoire, son entendement et sa volonté vuides de toute chose, fors que de Dieu..

  A006000794 

 Ceux-là sont tiedes qui vont lentement au service de Dieu et comme par coustume, disant: Allons tousjours; pourveu que nous arrivions une fois à la perfection, ce sera assez.

  A006000794 

 Il n'y a rien que Dieu ayt tant à contre-cœur que la negligence, c'est pourquoy il dit qu'il vomira les tiedes.

  A006000800 

 Les Filles de la Visitation doivent estre fort fermes en la foy, humbles dans la conversation, honnestes de paroles, justes és jugemens sur les deportemens du prochain, equitables és actions, [406] misericordieuses és œuvres, reglées és mœurs, patientes et courageuses és tribulations, maladies et infirmités, souples à tous les desseins et volontés de Dieu en toutes choses, douces et condescendantes au prochain, zelées pour la gloire de Dieu, ne cherchant qu'à luy plaire, unies inseparablement à son amour par une fidelité inviolable à ne s'attacher qu'à luy seul, à se tenir en sa presence, à le preferer à tout par un amour de surestime: c'est là l'esprit de vostre Congregation, mes cheres filles, et l'heritage que je vous laisse en vous disant le dernier adieu, avec ce souhait que vous soyez à jamais unies..

  A006000810 

 Que les filles regardent leurs Superieures, tandis qu'elles les ont, comme tenant la place de Dieu, sans s'amuser à tant d'inclinations humaines qui ne sont rien moins que la vraye vertu.

  A006000810 

 Si bien il est dit que sainte Therese pleuroit beaucoup à la mort de quelque serviteur de Dieu, elle ne doit pas estre imitée en cela, car il faut seulement imiter les vertus des Saints.

  A006000811 

 Celuy d'union se doit conserver par la parfaite observance, à fin qu'elle persevere selon le bon plaisir de Dieu..

  A006000811 

 Nous sçavons qu'il a traitté de ceste affaire avec les Reverends Peres Jesuites, qui ont esté de mesme sentiment; de quoy il tesmoigna d'estre fort ayse, disant que les affaires de Dieu se font tousjours avec difficulté.

  A006000811 

 Tout depend de la fidelité que l'on a de s'unir à Dieu par la fidelité à l'observance des Regles et Constitutions; et on a beau rechercher des moyens, rien ne maintiendra la compagnie que la fidelité d'une chacune à garder ses Regles.

  A006000811 

 » Et il dit encore qu'il n'avoit rien à desirer, sinon que Dieu donnast à nos Monasteres l'esprit d'union et [409] d'humilité.

  A006000812 

 Il me tesmoigna d'en estre fasché, et me dit: « Mon Dieu, ma fille, n'ayez point ces desirs; il y a peu de personnes qui sçachent trouver la veine de la vraye pauvreté, laquelle consiste à ne rien desirer, mais se contenter de ce peu que Dieu veut que nous ayons.

  A006000816 

 Il me dit apres: « Nostre Mere desire que j'escrive sur les maximes du Fils de Dieu; je les honnore, je les revere et les respecte de tout mon cœur, mais je ne les pratique pas.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Ne plaidez point; si je ne le fais, tout le monde est contre moy.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Si on vous demande vostre manteau, donnez encore vostre robe; si je le veux faire, on me dit que j'ay grand tort, que je ne me laisseray rien, que je suis desja assez pauvre.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Si on vous donne un soufflet, tendez l'autre joue; le monde ne veut point cela, ni ne veut supporter la moindre injure.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Soyez debonnaires; et l'on veut que je me fasche; si je ne le fais, on l'attribue à bestise.

  A006000817 

 Il dit que ouy, « selon les maximes du Fils de Dieu.

  A006000818 

 Et qu'ont à faire les servantes de Dieu d'estre importunées de mes infirmités? n'est-il pas mieux cent fois qu'elles demeurent en leur quietude et repos, que d'estre employées dans le tracas? Voyez-vous, ma fille, il est grandement important de ne point donner ceste ouverture aux confesseurs.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000821 

 Dieu ayde aux ames qui vont en simplicité et confiance.

  A006000821 

 Il respondit: « Il est vray, vous avez raison; quand les Superieures se tiennent bien unies avec Dieu, il ne manque pas de les enseigner.

  A006000821 

 Nous luy dismes un jour que nous craignions qu'il y eust bien du danger, quand les Superieures n'auroyent pas l'esprit de la Regle, « Que feriez-vous là? si elles sont fidelles à les observer, Dieu le leur donnera avec le temps.

  A006000821 

 » Nous luy dismes: Monseigneur, il me semble qu'ayant confiance en Dieu il ne manque pas de donner la lumiere pour les charges, et que la charité est toute chose.

  A006000829 

 Le bon acte de contrition consiste à avoir une ferme resolution de ne vouloir plus offencer Dieu..

  A006000829 

 « Il ne faut pas avoir un sentiment qui nous fasse jetter des larmes, mais un desplaisir d'avoir offencé Dieu.

  A006000830 

 Et quand bien mesme on n'aurait pas pensé de la faire pour Dieu, il n'en faudrait point recevoir de scrupule, car l'intention generale suffit, quoy que pourtant au commencement il faut tascher de la dresser.

  A006000832 

 Et s'il vous semble que vous vous amendez de vos imperfections plustost pour la repugnance que vous avez de ce qu'on vous reprend, que pour Dieu, ne faites nul estat de cela; dressez vostre intention, et il n'y aura point de mal.

  A006000832 

 Il n'est pas mal de revenir quelquefois sur soy-mesme, pourveu que ce soit pour nous humilier, comme de penser en nostre ingratitude, mais il faut tousjours se tourner à Dieu; car, comme je dis en quelque lieu, ce n'est pas proprement faire oraison, que de tousjours reflechir sur soy, puisque l'oraison est une eslevation de nostre esprit en Dieu pour s'unir à luy.

  A006000832 

 Il suffit de faire toutes vos actions pour Dieu tout simplement; et quand mesme vous n'auriez pas pensé de dresser vostre intention avant que de faire et commencer vostre action, il suffit de le faire apres, et n'en recevez aucun scrupule: l'intention generale que nous faisons le matin suffit.

  A006000832 

 Nous ne pouvons pas avoir une continuelle presence de Dieu, cela n'appartient qu'aux Anges; il suffit de nous y tenir tant qu'il nous sera, possible, et d'eslever souvent nostre esprit en Dieu: je n'entens pas d'avoir tousjours l'esprit bandé.

  A006000832 

 On est bien heureux d'avoir ceste sainte affection de servir à Dieu, et ne faut point faire d'estat de n'avoir pas le sentiment que nous desirerions en son service.

  A006000832 

 Quand nous faisons quelque chose pour Dieu, c'est estre en sa presence; le desir que nous avons de nous tenir en sa presence nous sert [d'attention à la] presence de sa Bonté.

  A006000832 

 Que si ce que nous faisons nous tire hors de nostre attention à Dieu, et qu'il soit necessaire, il ne s'en faut pas mettre en peine.

  A006000833 

 Ne recevez point ces scrupules; mangez pour Dieu, et vous tenez en repos.

  A006000834 

 Il faut souffrir humblement cela, et demeurer devant Dieu comme une statue, pour recevoir tout ce qu'il nous envoyera; Nostre Seigneur se plaist quelques fois de nous voir combattre tout le temps de l'oraison le sommeil, sans nous en vouloir deslivrer; il faut souffrir patiemment et en aymer nostre abjection.

  A006000837 

 Il est tousjours mieux de tenir nostre ame en confiance en Dieu qu'en crainte, quoy que nous le fassions pour nous humilier.

  A006000838 

 Ma fille, ne vous privez pas de la Communion par amertume de cœur, mais quand vous sentez cela, il s'en faut approcher pour se fortifier, et s'unir à Dieu par l'esprit de douceur.

  A006000839 

 Dieu vous a fait une grande grace de vous avoir appellée en son service dés vostre jeune âge; remerciez l'en bien de toutes les forces de vostre ame..

  A006000839 

 La fidelité de l'ame envers Dieu consiste à estre parfaitement resignée à sa sainte volonté, à endurer patiemment tout ce que sa [416] Bonté permet nous arriver, faire tous nos exercices en l'amour et pour l'amour, et sur tout l'oraison, en laquelle il se faut entretenir avec Nostre Seigneur fort familierement de nos petites necessités, les luy representer et luy demeurer sousmise en tout ce qui luy plaira faire de nous; estre bien obeissante, faire tout ce que l'on nous commande, de bon cœur, encor que nous y sentions de la repugnance; estre fidelle à partir si tost que la cloche nous appelle, et rejetter les distractions qui nous arrivent en l'oraison et à l'Office; conserver une grande pureté de cœur, car c'est là où Dieu habite, et non pas dans les cœurs pleins de vanité et de presomption d'eux-mesmes, au contraire il les chastie et punit rigoureusement.

  A006000840 

 O Dieu, ne faites pas ceste faute de regarder les imperfections des Sœurs, car cela retarderoit beaucoup vostre perfection et ferait beaucoup de dommage à vostre ame..

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000842 

 L'oraison est une pure attention de nostre esprit en Dieu; tant plus elle est simple et desnuée de sentiment, et plus elle est oraison.

  A006000842 

 Pour nous bien preparer pour l'oraison il faut y aller avec une grande humilité et recognoissance de nostre neant, invoquant l'assistance du Saint Esprit et celle de nostre bon Ange, et se tenir bien coye durant ce temps-là, en la presence de Dieu, croyant qu'il est plus en nous que nous-mesme; et, bien que nostre oraison soit privée de discours et consideration, il n'y a nul danger, car elle ne depend point du discours ni de la consideration.

  A006000842 

 Quand ces pensées vous arrivent, il faut faire un simple abaissement de vostre esprit devant Dieu, de tous vos pechés, sans les particulariser, car ce seul acte suffit; pour l'ordinaire ces pensées ne nous servent que de distraction..

  A006000843 

 Faisant quelques œuvres où il y faut mettre son attention, il faut de temps en temps remettre son esprit en Dieu; et quand nous y avons manqué il s'en faut humilier, et de l'humilité aller à Dieu, et de Dieu à l'humilité, avec confiance, luy parlant comme l'enfant fait à sa mere, car il sçait bien ce que nous sommes..

  A006000843 

 Vous serez en toutes vos actions en la presence de Dieu si vous les faites toutes pour Dieu.

  A006000846 

 Il ne faut jamais dire que nous ne pouvons pas faire quelque chose, mais vous faites bien de dire qu'il vous semble; car on peut tout en la grace de Dieu, lequel ne nous laisse pas en nos necessités..

  A006000846 

 O qu'il est bien raisonnable que nous nous privions des contentemens du monde pour Dieu, puisqu'il se prive de sa gloire pour nous.

  A006000847 

 Les maladies du corps n'empeschent pas à la devotion, au contraire elles nous aydent, si nous les prenons de [418] la main de Dieu.

  A006000848 

 O ma chere fille, gardez-vous de ces reflexions, car il est impossible que l'Esprit de Dieu demeure en un esprit qui veut sçavoir tout ce qui se passe en luy.

  A006000851 

 Il faut avoir un grand courage, car, ma chere fille, vous estes fille de Jesus Christ crucifié, vous ne devez donc avoir pretention en ceste vie, que celle de l'union de vostre ame avec Dieu.

  A006000855 

 Cela est bon pour des filles foibles; [419] les filles de Dieu ne doivent point s'amuser à ces tendretés.

  A006000856 

 Conservez bien le desir que vous avez d'observer vos Regles, car elles sont toutes d'amour; ressouvenez-vous que vous ne manquerez pas de difficultés, mais ne perdez pas courage, esperez en Dieu, et vous jettez entre les bras de sa divine Providence.

  A006000856 

 Il faut croire que tout ce que nous souffrons est peu devant Dieu; il faut penser le moins que nous pouvons à ce que nous souffrons..

  A006000858 

 Mettez vostre confiance en Dieu, car les parens oublient bien tost leurs enfans..

  A006000860 

 O mon Dieu, baillez-les de bon cœur; si Dieu permet qu'elles se gastent, il vous donnera de quoy pour en acheter d'autres.

  A006000861 

 Il est vray que la charité donne le prix à nos œuvres, et n'y a que Dieu qui la puisse donner; attendez-la plus de luy que de vous-mesme.

  A006000864 

 Il importe peu que la parole de Dieu soit dite d'un style haut ou bas; ce n'est qu'une recherche humaine, qui ne veut en tout que l'excellence..

  A006000865 

 Il faut s'abandonner entre les bras de Dieu, et le servir à la façon qui luy plaira.

  A006000865 

 Le vray zele consiste à se laisser conduire à Dieu et à nos Superieurs..

  A006000867 

 Vostre entrée en Religion est pour l'amour de Dieu; soyez indifferente par quelles voyes il plaira à sa Bonté vous conduire, soit par la consolation, affliction ou abjection; vous meritez autant d'un costé que de l'autre.

  A006000868 

 La peine que nous avons de souffrir l'abjection, la crainte d'estre humiliée, sont des imperfections auxquelles nous sommes tous sujets; il ne faut point s'en estonner, mais prendre bon courage et mettre son cœur en Dieu, ne desirant autre chose que de luy plaire.

  A006000869 

 Vous desirez sçavoir comme il s'entend qu'il faut mediter jour et nuict en la loy de Dieu.

  A006000874 

 Dieu ne nous demandera pas compte si nous avons dit beaucoup d'Offices, mais ouy bien si nous avons esté bien sousmis à sa volonté..

  A006000875 

 Voyez-vous, ma fille, par exemple, voila deux de nos Sœurs: l'une que vous aymerez bien, et l'autre à laquelle vous n'aurez pas tant d'inclination à l'aymer, et par ce moyen vous ne la regarderez pas de si bon cœur que l'autre que vous aymez bien; au contraire, si vous l'aymiez bien purement pour Dieu, vous regarderiez d'aussi bon cœur celle que vous n'aymez pas comme celle que vous aymez bien, et luy souhaiteriez autant de bien qu'à l'autre..

  A006000878 

 » Luy parlant des prrdications et confessions: « J'ayme grandement entendre la parole de Dieu.

  A006000880 

 Luy disant une fois que nous desirions grandement en ceste maison de prendre son esprit, il nous respondit: « Dieu vous en garde! prenez celuy de Dieu et de saint Augustin.

  A006000884 

 O que celles qui ont une grande affection de suivre en tout et par tout la Communauté sont heureuses! Dieu leur a fait une grande grace.

  A006000887 

 Et si on persevere à faire la charité à celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir contre la prudence humaine, une quantité de belles et agreables, mesme aux yeux du monde.

  A006000895 

 Il est mieux de parler à Dieu qu'aux hommes.

  A006000895 

 » Monseigneur, luy dit-on, nous voulons parler à vous à fin d'apprendre à parler à Dieu.

  A006000896 

 L'amour de Dieu est inseparable d'avec l'amour du prochain, et il est tous-jours mieux de regarder les vertus de Nostre Seigneur.

  A006000896 

 Les vertus de Dieu, entant que Dieu, sont si excellentes, que pour satisfaire à nostre foiblesse il s'est voulu faire homme pour nous monstrer l'exemple de ce que nous devons faire, à fin que nous le puissions imiter.

  A006000896 

 On luy demanda s'il n'estoit pas mieux et plus simple de regarder les vertus de Dieu que non pas celles des Superieures et des Soeurs.

  A006000897 

 » Que faut-il donc faire, Monseigneur, quand on nous loüe? « Il s'en faut aller à Dieu et les laisser là; mais pour les inferieures, quand la Superieure loüe quelques bonnes actions qu'elles ont faites, il ne faut pas qu'elles s'en aillent; il est quelquefois necessaire de le faire, mais pour les Superieures elles ne doivent pas permettre cela en façon quelconque.

  A006000899 

 Il ne faut non plus craindre qu'il nous en vienne, pourveu que nous tenions tous-jours nostre volonté superieure ferme en Dieu; et au lieu de nous amuser à de vaines craintes, il nous faut tenir nostre cœur en Dieu et nous unir à luy: car en fin il ne faut rien desirer ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun desir sinon en ce que Dieu veut faire de nous.

  A006000899 

 Saint Paul pratiqua excellemment cest abandonnement au mesme instant de sa conversion; quand Nostre Seigneur l'eut aveuglé, il dit tout promptement: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? et demeura indifferent à tout ce que Dieu ordonneroit de luy.

  A006000900 

 Il ne faut doncques pas desirer les charges honnorables, cela empesche grandement l'union de nostre ame avec Dieu qui se plaist en la bassesse et humilité.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 Vous demandez si on ne peut pas desirer des charges basses, parce qu'elles sont penibles, et semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu et plus de merite que de demeurer en sa cellule.

  A006000901 

 Et ne faut point faire ces jugemens, où il y a plus de merite; pour nous autres il n'y faut point regarder, et je n'ayme point cela de vouloir tousjours regarder au merite, car les Filles de Sainte Marie ne doivent faire leurs actions que pour la plus grande gloire de Dieu.

  A006000901 

 Si nous pouvions servir Dieu sans meriter, ce qui ne se peut, nous devrions desirer de le faire.

  A006000902 

 Ce n'est pas cela que je veux dire, Monseigneur, de regarder où il y a plus de merite; mais seulement parce qu'aux charges penibles il semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu que d'estre en sa cellule.

  A006000902 

 Il arrive assez souvent qu'on est aussi uni à Dieu par l'action que dans la solitude; mais en fin, je reviens tousjours: où il y a plus d'amour il y a plus de perfection..

  A006000902 

 Je vous dis bien plus: voila une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d'amour, elle merite beaucoup, car on ne sçauroit donner davantage que sa vie; mais une autre personne qui ne souffrira qu'une chiquenaude avec deux onces d'amour aura beaucoup plus de merite, parce que c'est la charité et l'amour qui donne le prix à tout.

  A006000902 

 Que si une Sœur estant en la cuisine, tenant la poële sur le feu, a plus d'amour et de charité que l'autre, le feu materiel ne le luy ostera point, au contraire, il luy aydera à estre plus agreable à Dieu.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000903 

 Il ne faut pas desirer sa cellule quand on n'y peut pas estre, mais faire ce que l'on fait pour Dieu et retrancher de son esprit tous ces desirs.

  A006000903 

 O mon Dieu, quand sera-ce que nos Sœurs n'auront plus tant de desirs, et qu'elles s'amuseront à faire et à ne rien vouloir que ce que Dieu veut, la volonté duquel nous est signifiée par nos Regles et Superieurs!.

  A006000903 

 Tous ces desirs ne proviennent que de la nature et ne servent que d'inquietude aux esprits et à contenter nostre amour propre, sous le pretexte de faire beaucoup pour Dieu.

  A006000905 

 Ouy, il les faut dire tout simplement; mais pour toutes ces petites choses qui passent par l'esprit sans s'y arrester, je trouverois meilleur que l'on passast tout cela entre Dieu et soy, parce qu'il n'est pas digne d'attention.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000906 

 Mais il y a ceste difference entre Nostre [430] Seigneur et nous, que volontairement il vouloit ressentir pour l'amour de nous, s'en pouvant exempter entant que Dieu; mais nous ne le pouvons, encore qu'il soit contraire à nostre volonté..

  A006000906 

 Nous le voyons bien en saint Paul, lequel estant tenté de l'aiguillon de la chair, ce mouvement le pressant fort, il demanda par trois fois à Dieu d'en estre delivré; et lors il ouyt Nostre Seigneur qui luy dit: Paul, ma grace te suffit, ma vertu se perfectionne en l'infirmité; et lors il demeura tranquille et paisible en sa peine et tentation.

  A006000907 

 Par exemple: si le desir me venoit d'estre Pape et que la papauté m'occupast l'esprit, je ne ferois que m'en rire, et me divertirois en pensant qu'il fait bon en la vie eternelle, que Dieu est aymable, que ceux qui sont au Ciel sont heureux de jouïr de luy; et ainsi faisant, je me divertirois genereusement et noblement, car lors que le diable me mettroit dans l'esprit le desir de la papauté je parlerais à Dieu de sa bonté, et choses semblables..

  A006000908 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne soit mieux de s'estre tenu ainsi en la presence de Dieu, plustost que de tant flechir et reflechir sur ce qui se passe dedans nous et autour de nous? Vous demandez si on se sentoit un grand scrupule, ne pouvant accoiser son esprit, à cause que ces desirs et tentations ont tant duré, si on s'en pourrait confesser.

  A006000908 

 Vous demandez s'il ne faudroit point recevoir de scrupule quand on n'aurait point fait d'attention un jour ou deux à la rejetter, estant ainsi occupé en Dieu, sans faire attention à s'en divertir.

  A006000909 

 Quand nous demandons l'amour de Dieu et la charité nous y comprenons l'humilité et toutes les vertus, car elles ne sont point separées les unes des autres.

  A006000909 

 Vous dites, Monseigneur, qu'il ne faut rien desirer; mais ne faut-il pas desirer l'amour de Dieu et l'humilité? car Nostre Seigneur a dit: Demandez et il vous sera donné, heurtez et il vous sera ouvert.

  A006000910 

 Pleust à Dieu qu'il y en eust plusieurs qui fussent conduites par ceste voye, car n'ayant rien dans l'esprit que ce seul desir de plaire à Dieu, elles feroyent toutes choses avec perfection, sans se mettre en peine [de ce] qu'on penseroit d'elles.

  A006000910 

 « O non, ma chere fille, si elle estoit conduite par ce chemin il n'y auroit rien à craindre, car ne desirant que l'amour de Dieu elle pratiquerait toutes les vertus et tout ce qui est necessaire pour [431] plaire à Dieu; car l'amour de Dieu surpasse toutes les vertus.

  A006000912 

 La premiere, d'y aller purement pour s'unir à Dieu par le moyen de la grace que l'on reçoit en ce Sacrement.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000912 

 Les pechés veniels ne nous en desunissent pas, ains ils font une petite ouverture entre Dieu et l'ame; et par la vertu de ce Sacrement, nous reunissons nostre ame à Dieu et la remettons en son premier estat..

  A006000913 

 Il faut aller à la Confession purement pour nous unir à Dieu, avec une vraye detestation de ses pechés et une volonté ferme et entiere de s'amender, moyennant sa grace.

  A006000913 

 Il se commet en confession quatre grands manquemens: le premier, c'est d'y aller pour se descharger et soulager, plustost que pour plaire à Dieu et s'unir à luy.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000917 

 Il n'est pas neantmoins necessaire de faire ce discernement quand on ne le sçait pas faire, puisque ceste grande servante de Dieu ne laissoit pas d'estre sainte.

  A006000919 

 L'on demande si sçachant veritablement que l'on a des pechés veniels, si l'on peut s'approcher de la sainte Communion sans se confesser, parce que, Monseigneur, vous avez dit qu'ils font une petite separation entre Dieu et l'ame.

  A006000924 

 Comme par exemple, une personne ira souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera pas en luy [436] pendant ce temps-là, sinon en sa peine; et quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy, elle ne laisse pas de meriter en faveur de sa premiere resolution, et fait un acte de grand amour..

  A006000924 

 Il leur semble que quand elles ne sentent pas Dieu, elles ne sont pas en sa presence.

  A006000924 

 « J'ay remarqué en toutes nos Maisons que nos filles ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut et une ignorance.

  A006000925 

 Nous n'avons rien à desirer que l'union de nostre ame avec Dieu.

  A006000927 

 DIEU SOIT BENI [437].

  A006000935 

 Or, ayant appliqué ces remedes, ne vous mettez point en peine mais souffrez de bon cœur sans desirer d'estre delivrée de vostre affliction, demeurant sousmise au bon plaisir de Dieu, qui est que vous soyez ainsi exercée..

  A006000935 

 Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, luy parler, la caresser, non seulement comme si nous ne luy en avions point, mais davantage, et en cela nous tesmoignerons nostre fidelité à Dieu et obeirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute nostre repugnance, nous nous surmontions, ainsi que j'ay dit, à la caresser.

  A006000936 

 Mais s'ils avoyent de l'aversion esgalement à tout ce qu'ils verroyent faire qui offenseroit Dieu, cela proviendroit d'un bon zele; neantmoins il seroit par apres dangereux de passer de l'aversion de l'action à l'aversion de la personne; et en ceste sorte, encor que pour l'ordinaire elle n'oste pas la charité, elle en oste la suavité..

  A006000937 

 De mesme, si je suis obligé de reprendre et advertir ceste personne de quelque defaut, et qu'ayant dressé mon intention de le faire avec charité il m'arrive neantmoins en parlant un peu de sentiment, cela n'est point peché et est presque inevitable à tout le monde; un simple abaissement devant Dieu suffit pour reparer ceste faute.

  A006000939 

 Il la faut laisser gronder, et ne pas suivre ses volontés, faisant tousjours regner la raison, qui veut que nous nous surmontions en toutes les occasions pour plaire à Dieu et observer le point de nos Regles qui dit qu'il se faut aymer cordialement..

  A006000948 

 La nonchalance fait que nous n'avons pas le courage de faire les mortifications, ni de desirer que l'on nous y [440] exerce, c'est pourquoy nous avons aversion à les voir faire aux autres; et le descouragement nous fait ennuyer et dire: Mon Dieu, la grande peine! ce n'est jamais fait, je ne vis jamais tant de choses, c'est tousjours à recommencer.

  A006000949 

 Les mortifications nous arrivent par l'ordre de la providence de Dieu et nous sont tousjours faites avec charité, et faut le croire ainsi, car il ne nous appartient pas de juger si elles partent de la passion.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000949 

 Mais s'il arrivoit que cela nous tombast en la pensée, il faut le recevoir par forme de tribulation, avec douceur, et regarder tousjours la main de Dieu; car encores qu'il ne soit pas autheur du mal et de ceste passion, puisqu'elle devoit arriver, Nostre Seigneur la prend de sa main et la pose dessus nous, pour nous faire meriter par la souffrance de la tribulation..

  A006000950 

 Car si vous battez des portes ou marchez fort, vous troublez la tranquillité d'une Sœur qui est peut estre en oraison; si vous estes habillée de travers ou avec quelque indecence, vous donnez occasion à une autre de rire ou de se distraire de la presence de Dieu, et luy faites ce dommage; et ainsi en d'autres occasions.

  A006000951 

 Quand l'on est tenté de quelque tentation où il y a danger de [441] pecher, et qu'elle dure, pour s'empescher d'offencer Dieu il faut souventefois faire quelque acte qui tesmoigne que l'on n'y consent pas: comme seroit de baiser terre, lever les mains jointes contre le ciel avec ceste intention, et dire quelques paroles à Nostre Seigneur, et choses semblables.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000969 

 En l'ancienne Loy, Dieu ne vouloit point que l'holocauste luy fust offerte, si premier elle n'estoit escorchée: de mesme, nos cœurs ne seront jamais si propres pour estre immolés et sacrifiés à l'honneur de la divine Majesté, que quand ils seront bien escorchés de leur vieille peau, qui sont nos habitudes, nos inclinations, nos repugnances, les affections superflues que nous avons sur nous-mesme et pour nostre propre volonté..

  A006000969 

 En quoy voulons-nous nous mortifier sinon és occasions de contradiction qui nous arrivent? Mes cheres filles, il faut escorcher la victime si nous voulons qu'elle soit agreable à Dieu.

  A006000970 

 Sommes-nous consolées? benissons Dieu; la consolation nous manque-t'elle? benissons-le semblablement, et ne nous estonnons point de ces petites bijarreries..

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000972 

 Il nous faut user du mesme remede pour nous divertir de ces petites tricheries d'humeur, de chagrin, d'aversion, que nous avons dit touchant la premiere question du renoncement de la propre opinion, par un simple divertissement de nostre esprit, pour parler à Dieu d'autre chose.

  A006000973 

 Les personnes qui font estai de servir Dieu le plus fidelement qu'elles peuvent, ne sont pas exemptes de l'ambition, non, mais elles l'exercent aux desirs des choses interieures, souhaitans les vertus au plus haut degré de leur perfection; [445] mais l'amour tendre et affectif ayant plus de pouvoir sur elles que non pas sur les mondains, les fait amuser à ce desir sans s'appliquer soigneusement et laborieusement à la recherche de venir à chef de leur pretention et sainte entreprise, parce qu'il leur cousteroit cher de renoncer à soy-mesme en tant d'occasions.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000979 

 En demandant vos commodités vous ne faites pas mal, pourveu que vous ne vous rendiez trop exactes à la recherche d'icelles et que vous vous teniez tousjours dans les termes de l'observance pour ce regard; mais aussi perdez-vous par ce moyen les occasions de pratiquer les vertus qui sont fort propres à la condition de vie à laquelle Dieu vous a appellées.

  A006000988 

 Le Saint luy dit: Vous avez un monde de passions, d'adversaires et ennemis en vous-mesme: desirs inutiles, impatiences, presomption et autres semblables; puisque vous desirez tellement terrasser et tuer les ennemis [450] de Dieu, prenez chacun jour un de ces desirs desreglés, et ainsi vous tuerez les ennemis de Dieu.

  A006000988 

 Neantmoins, saint Pachome ne laissa de prier Dieu pour faire essay de la constance de ce Religieux..

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000988 

 Sur ce desir, il vint prier saint Pachome instamment qu'il priast Dieu luy envoyer quelque occasion de souffrir le martyre pour son nom.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001013 

 Pourquoy pensez-vous, mes filles, que Dieu vous a mises au monde, et sur tout appellées à la sainte Religion, sinon à fin que [453] vous y soyez des hosties d'holocaustes à sa divine Majesté et des victimes qui se consomment chaque jour en son saint amour? Ce qui vous oblige à destruire en vous tout ce qui s'oppose à la perfection et à l'union avec Dieu, autant que vous pourrez, sur tout l'amour propre, la propre volonté, la recherche de l'honneur, la satisfaction des sens.

  A006001021 

 « Je rends graces à mon Dieu, » adjousta-t'il, « de ce qu'il veut estre servi en ce lieu, et je m'en vay content de laisser une Communauté que j'espere estre agreable à ses yeux et qu'il benira.

  A006001021 

 « Mais sçachez, ma fille, » adjousta-t'il, « que ce ne sera pas sans me faire violence, car je vois le monde d'un certain œil que Dieu me fait la grace de devenir tousjours plus simple et moins mondain parmi les artifices de la Cour.

  A006001027 

 Honorez-les, admirez-les, et d'ailleurs contentez vous de ce peu que Dieu vous donne; c'est assez pour vous.

  A006001030 

 Ah! Dieu vous donne une occasion de practiquer la patience: voudriez-vous bien la laisser eschapper? peut estre que de vostre vie vous n'en rencontrerez une semblable; peut estre que ce sera le dernier service que vous rendrez à sa divine Majesté.

  A006001030 

 Faites vous resolution d'estre chaste? Ouy; ô bien, je le seray, et quoy qu'il en puisse arriver, je mourray plustost que de consentir à la moindre impureté du monde: que le diable arme ses puissances, je ne le craindray point; je suis plus forte que luy, Dieu est mon Pere et il combatra pour moy.

  A006001030 

 O qu'il se trouvera de vertus comme cela, quand Dieu manifestera les secrets des cœurs! Telle personne croit d'en avoir maintenant bonne provision, qui à cette heure-là ne verra que du vent, je veux dire en trois mots, qu'il faut avoir la perfection, mais celle qui est vraye et solide.

  A006001030 

 Soyez constantes, et Dieu benira vostre travail.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000038 

 XXII. Exhortation au service de Dieu.

  A007000063 

 LA PAROLE DE DIEU..

  A007000065 

 Par ceux qui en ont charge de Dieu.

  A007000081 

 II — Sur le désir que Dieu a de notre salut.

  A007000091 

 V — Sur l'amour de Dieu et du prochain.

  A007000104 

 I — De l'obligation de servir Dieu.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000128 

 En l'incomprehensible et beaucoup plus indicible abisme de ceste eternité en laquelle regne glorieusement la Majesté divine, le Pere eternel, regardant sa propre substance et infinité, conceut en son entendement et produisit, parla et dict une parolle ou un Verbe, representant et exprimant si parfaittement sa substance, essence et divinité, qu'a ce Verbe il communiqua sa propre essence et divinité, engendrant en ceste maniere son Filz aussi vrayement Dieu que le Pere, et par la mesme divinité que le Pere.

  A007000128 

 Si que ce Filz est vrayement « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere: » il est Dieu, puysqu'il a l'infinie divinité pour son essence et substance; il est « Dieu de Dieu, » pour ce que ceste divinité ou essence divine, il l'a receüe par la feconde communication que son Pere eternel luy en faict eternellement, comme il luy en fit eternellement, l'engendrant et enfantant de son ventre, devant qu'il y eust aucun lucifer entre les Anges au Ciel spirituel et invisible, ny aucune belle estoille ou diane entre les estoilles au ciel corporel et visible: Ex utero ante luciferum genui te; Ps.

  A007000129 

 Mays Dieu le Pere voulant exprimer et dire ce qu'il entendoit, consideroit et pensoit de soy mesme, comme s'il se fust voulu donner un nom propre et se nommer soy mesme, il dict un mot, une parolle, un Verbe qui le representa si naïfvement et exprima si vivement ce qui estoit en luy, que ce Verbe fut un autre luy mesme, et fut « vray Dieu de vray Dieu; » non [3] pas qu'il y eust deux dieux, mais parce qu'il y eut deux Personnes participantes d'une seule, et simple, et indivisible, et totale divine essence..

  A007000130 

 O saint amour, o amour eternel et infini! Doriques, mes Freres, des lhors, c'est a dire des l'eternité, avant les siecles, en l'infinité, en l'abisme de la perpetuité, ce Pere et ce Filz eternelz, jettans a force d'une mesme et seule volonté, d'une mesme et seule amitié, d'un mesme et seul courage, jettans dis je, par une mesme et seule bouche, un souspir, une respiration, un esprit d'amour, ilz produirent, ilz expirerent un souffle d'ou proceda le Saint Esprit, tierce Personne de la Trinité, « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, Dieu vray de Dieu vray.

  A007000130 

 » Dieu le Pere, Dieu le Filz, Dieu le Saint Esprit, trois Personnes qui ne sont qu'un seul Dieu, une seule tressainte et tres adorable Trinité..

  A007000131 

 Dequoy si je voulois parler davantage, on pourroit bien dire a bon droit de moy ce qu'aujourd'huy les Juifz disoyent sans rayson des Apostres: Musto plenus est iste, c'est a dire: il faut bien que cestuy ci soit enyvré d'une grande presomption de vouloir expliquer les interieures operations de Dieu, qui sont voylëes de leur infinité en telle façon que l'œil de l'homme n'y peut approcher que de bien loin.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000131 

 Mays tout autre est cest amour infini par lequel le Pere et le Filz s'entr'ayment, car en cest amour ilz ne se fondent pas, ilz ne se dissolvent pas, ce qui seroit imperfection; mays sans alteration de leur nature, ilz produisent un Saint Esprit, Dieu parfaict de Dieu parfaict, possedant pleinierement une mesme divine essence [4] avec eux; et sans se desfaire de l'essence divine, ilz la communiquent toute entierement et parfaittement a ce Saint Esprit et Amour.

  A007000132 

 Ce que nous voulant enseigner lhors qu'elle parle de la creation des choses en leur estre naturel, parlant de celle de l'homme, elle introduit la Majesté divine en ses troys Personnes, disant: Faisons l'homme a nostre sem blance car si une seule Personne eust creé l'homme, elle eust dict: Je fais, et non pas: Faisons, comme nous trouvons escrit: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et David chante: Benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus; Dieu nous benie, Dieu nostre, Dieu nous benie; ne reprenant par troys fois ce nom de Dieu sinon pour nous monstrer que non seulement le Pere benit, non [5] seulement le Filz benit, mais encores le Saint Esprit, et tous trois ensemble sont ceux qui benissent.

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000137 

 Tout de mesme donques, Dieu est par tout le monde, vivifiant tout; et comme nous disons l'ame estre en la teste pour les principales operations qu'elle y faict, aussi disons nous que nostre Dieu est au Ciel pour les principales operations qu'il y faict, monstrant sa gloire ouvertement.

  A007000139 

 C'est la coustume de Dieu d'imprimer sa sainte crainte es courages de ceux esquelz il veut communiquer ses graces, affin qu'apres la crainte vienne l'amour.

  A007000139 

 Mays maintenant Dieu se faisant ouÿr par le bruit d'un grand vent, il remet la force es courages apostoliques et la constance que le peché leur avoit osté..

  A007000140 

 Lhors le laboureur a bien dequoy louer Dieu de voir son jardin et campaignes reverdoyer plus que jamais, les fleurs se redresser, et tous les fruictz, par maniere de dire, reprendre l'haleyne que la chaleur leur avoit ostëe, et representer aux pauvres semeurs le banquet prætendu d'une abondante cueillette..

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000143 

 Et devant que l'œuvre de la reparation aye esté faitte, combien a il cousté de sang a Jesus Christ mesme, vray Dieu et vray homme? Devant qu'oser dire et s'asseurer de ceste grande parolle: Consummatum est, combien de peynes a il enduré? ains quelles peynes n'a il pas enduré et souffert?.

  A007000144 

 Et quoy que le rien fust infiniment ennemy de Dieu, estant tout a fait de party contraire le neant et le sauverain Estre, si est ce neantmoins que n'ayant aucune puyssance, et le rien ne pouvant rien faire avec sa nulle puyssance, le tout qui estoit Dieu, au simple projet de sa volonté, mettoit en fuite le rien, changeant sa neantise en un bon estre, lhors qu'il faisoit les creatures..

  A007000144 

 Et respondent tous qu'en la formation du monde les choses furent faites du rien, et ne falloit faire autre que destruire le rien pour donner estre aux choses, lequel rien ne faisoit point de resistance a la volonté de Dieu, mays luy obeissoit, se changeant en estre a la simple parolle du Createur: Ipse dixit, et facta sunt; mandavit, et creata sunt.

  A007000144 

 Or les theologiens, non contens de sçavoir resolument que plus admirable a esté la Majesté divine en la reformation qu'en la formation du monde, ains que plus est admirable la justification du simple et seul pecheur, laquelle neantmoins se faict tous les jours en cent mille lieux du Christianisme, non contens, dis je, de le sçavoir, ilz demandent entr'eux le pourquoy, affin par apres de pouvoir rendre conte aux curieux de leur dire, et de faire mieux connoistre aux hommes la grace que Dieu leur [11] faict quand il les appelle a pœnitence.

  A007000145 

 Ainsy donques Dieu en la creation n'avoit point de resistance, mais bien tout au contraire en la recreation et reformation du monde, en la justification du pecheur.

  A007000145 

 Je sçay bien, o doctes, la vraye et recevable distinction des Peres [et] theologiens, de saint Chrisostome et de saint Bonaventure, de la volonté de Dieu, in « voluntatem signi et voluntatem beneplaciti, » « antecedentem et consequentem, » « efficacem et inefficacem; » mais je veux estre entendu de tous mes freres..

  A007000145 

 O combien de resistance trouve Dieu en ceste besoigne! Que si vous me demandes: Hé, qui est si osé et si temeraire que de faire resistance a Dieu, et qui le peut faire? Saint Pol ne dict il pas en ce chapitre scabreux et qui ne devroit estre leu que des doctes (c'est aux Rom., 9 ): Voluntati ejus quis resistit? et au Psalm.

  A007000146 

 Des choses que Dieu veut estre faites, il veut les unes [12] estre faites sans nostre consentement, et en celles cy tousjours il est obei: telle est la production des choses, la pluye, neige, tempeste, les maladies et afflictions.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000147 

 Mays nous autres, pendant que nous sommes en ce malotru monde, nous ne sommes pas ainsy appuyés; mays affin que nous puissions mieux meriter selon la suavité de la divine disposition, nous sommes tellement appuyés de la grace de Dieu, que nous puissions descheoir: la grace nous fait vaincre nostre infirmité et nous fortifie dans l'amour et la prattique du bien, nous laissant neantmoins tousjours en danger de tomber.

  A007000147 

 Que si quelques uns en ce monde, comme la Sainte Vierge, ont esté tousjours sans cheoir par speciale grace de Dieu, encores ne sont ilz pas semblables aux Bienheureux, n'estant necessités a bien faire tousjours et en toutes façons comme les Bienheureux.

  A007000148 

 Ainsy Dieu en la constitution et reformation des choses jura, par maniere de dire, sur son immutabilité, que si nous voulons voguer sur la nacelle de l'Eglise parmi l'eau amere de ce monde, il nous conduiroit en Paradis.

  A007000148 

 Dieu pourroit bien nous creer en Paradis, nous y mettre des l'enfance, en tout tems; mais nostre nature requiert qu'il nous fasse ses cooperateurs, et que « Celuy qui nous fit sans nous, ne nous sauve pas sans nous.

  A007000148 

 » C'est icy ou je respondray a vostre demande: Qui peut resister, qui veut resister a Dieu? Je le veux demander a mon ame, luy proposant les doutes que j'ay en cecy, et si vous faites mes demandes chacun a la vostre, vous ouyres de belles responses en vous mesme..

  A007000149 

 Et ceste autre voix: Pænitet me fecisse hominem, [14] ah, bon Dieu, elle seroit suffisante de nous fendre les cœurs, s'ilz estoyent de chair; car nostre Dieu ne se plaint pas d'avoir faict l'homme pour la creation, car quand il l'eut creé, vidit cuncta quæ fecerat, et erant valde bona; mais pour la peyne que devoit avoir son Filz faict homme a le reformer, dont il dict: Tactus dolore cordis intrinsecus.

  A007000149 

 O mon ame, ma chere moitié, n'as tu jamais ouy en toy mesme le Seigneur ton Dieu te commander: Ambula coram me, et esto perfectus? Ouy sans doute; et luy as tu jamais respondu: Recede a nobis, viam mandatorum tuorum nolumus? O combien de fois, avec tant de pechés, as tu rejetté les inspirations de Dieu; combien de fois luy as tu fait resistance! Ah, la lamentable voix que Dieu rend par Isaye, se plaignant de nous autres: Tota die expandi manus meas ad populum non credentem, et contradicentem mihi.

  A007000151 

 Il dict donques que le Dieu de majesté, le mesme Dieu qui se monstra tant terrible sur la montaigne de Sinaï, a faict un son vehement sur les eaux et nuages en l'air.

  A007000152 

 Si que les Apostres estans comme les çieux de l'Eglise, on peut bien dire d'eux: Verbo Domini cœli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum; les deux apostoliques, par l'influence desquelz Jesus Christ, comme premier mouvant, nous communique sa foy et ses graces, ont esté confirmés par la parolle de ce Verbe de Dieu, lhors qu'il les laissa pour monter au Ciel, leur faisant ses beaux advertissemens.

  A007000153 

 Donq ceste voix, ce son, estoit signe que par la parolle de Dieu portee par la voix des Apostres, l'idolatrie avec ses adhaerans seroit bouleversee comme les veaux qui paissent au Liban et que in omnem terram exibit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et que portæ inferi non prævalebunt adversus eam; et que reges erunt nutritii Ecclesiæ et principes pulverem ejus lingent..

  A007000154 

 O que ce n'est pas sans cause que le Prophete royal dict: Ignitum eloquium tuum, Domine, et servus tuus dilexit illud; car par la parole de Dieu nos ames sont du tout enflammees en son amour et a l'extirpation de toutes nos imperfections.

  A007000159 

 Ainsy semble il que par ce son vehement Nostre Seigneur aye voulu faire enfanter les saintes prædications a ses Apostres, et par le [18] moyen de ses Apostres a tout le monde, lesquelz estoyent comme engrossés de la connoissance d'un vray Dieu et Sauveur par plusieurs conjectures naturelles et du paganisme; dequoy je me rapporte a Eusebe, De Præparatione Evangelica.

  A007000162 

 Et quelle gloire, quelle louange pourront ilz dire? Ilz diront: Deus diluvium inhabitare facit, et sedebit Dominus rex in æternum; c'est a dire: autrefois il fit un deluge pour repurger le monde avec l'eau, mays maintenant il se faict un deluge qui durera tousjours, avec la parolle de Dieu laquelle purifie et illumine les ames: Mot Dei manet in æternum.

  A007000163 

 Dominus virtutem populo suo dabit, Dominus benedicet populo suo in pace. O Seigneur Dieu, o doux Jesus, que dis je? Dominus virtutem, etc.

  A007000163 

 En paix, mon Dieu, et que feres vous de nous, Seigneur, qui sommes en guerre?.

  A007000163 

 Le Seigneur Dieu donnera vertu et force a son peuple, le Seigneur benira son peuple en paix.

  A007000164 

 Mes Freres, ores que vous aves ouy quelque chose de l'infinité des graces que le Saint Esprit communiqua a sa venue, et quoy que ce que j'ay dict soit peu en comparayson de ce qui en est, si est ce que je ne crois pas que vous ne desirassies extremement une venue du Saint Esprit sur vous autres; ou si vous estes si durs que de ne la pas desirer, je vous oseray bien dire a l'imitation de saint Pol, pour la premiere fois que j'ay eu cest honneur que de vous parler de la part de Dieu: O insensati Allobroges, usquequo gravi corde? Mais je ne le dis pas, ne pouvant croire tant de mal de [20] ceux auxquelz je desire tant de bien.

  A007000167 

 Jamais Dieu ne cessera de nous chastier, jusques a ce que nous cessions de pecher, dict l'Apostre saint Pol: Tu autem secundum impænitens cor tuum, etc. Et ceste impcenitence vient d'une certaine courtoysie que chacun a envers soy mesme; que chacun se flatte, chacun est prest ad excusandas excusationes in peccatis, chacun rejette la cause de nos maux sur le peché d'autruy, et non sur les siens, comme l'on devroit; et me semble, a ouÿr les discours que l'on va faisant en Savoye, que je vois jouer au change..

  A007000167 

 Je ne veux pas m'amuser [22] beaucoup icy, car s'il plaist a Dieu de se servir de moy en ce ministere, je vous en parleray plus d'une fois.

  A007000167 

 Que ferons nous, mes Freres, nous qui sommes, comme j'avois commencé a vous dire, en guerre? Mes Freres, la guerre est un fleau de Dieu, et pendant que nous en sommes chastiés, il nous faut croire que c'est pour nos pechés; car si in terra pax est hominibus bonæ voluntatis, donques, bellum hominibus malæ voluntatis; car, comme inter bonæ voluntatis et malæ voluntatis, il n'y a point d'entre-deux, il n'y en a point aussi entre bellum et pax.

  A007000169 

 Et que faut il faire? Il faut bannir le peché de nous; il nous faut faire la paix avec Dieu, et nous aurons bien tost apres la paix en la terre..

  A007000170 

 Disons donques tous, et que chacun parle pour soy, [24] faisons chacun pour nous en nous eslevant a Dieu: Pater, peccavi in cœlum et coram te; Tibi soli peccavi, et malum coram te feci.

  A007000170 

 O mon ame, n'est ce pas toy qui es cause de ce mal, qui as faict tant de pechés sur pechés, tant d'offenses, tant de laschetés que justement l'ire de Dieu est tombëe sur tout un peuple? Ne sçais tu pas qu'autrefois, s'ilz se fussent trouvé dix hommes de bien, le bon Dieu, pour leur respect, eust gardé toute une ville de ruine (au Gen., 18 )? Ah, que peut estre manquoit il le dixiesme en ce païs; que si tu te fusses reformé, peut estre eusses tu accompli le nombre: o quel grand bien! Et ne me respons pas: Pourquoy les autres n'y ont ilz advisé? car ilz en ont plus affaire que toy.

  A007000171 

 Je suis comme un petit Jonas, commandé de Dieu de le louer par bonne conversation; j'ay esté desobeyssant, allant et marchant a rebours du commandement de Dieu.

  A007000172 

 Il faut se rendre devot et prier Dieu, et c'est la troisiesme disposition; car les Apostres estoyent perseverans en orayson.

  A007000172 

 Nostre necessité nous y invite, et la liberalité de Dieu: Ad Dominum cum tribularer clamavi, et exaudivit me; Miserere mei, et exaudi orationem meam.

  A007000173 

 Gardes, mes Freres, car c'est offencer Dieu de demander la paix pour faire des superfluités, pour des passetems; il la faut demander pour plus commodement le servir, comme faysoit ce Prophete: Ut sine timore, de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi; et comme fait l'Eglise: « Ut et corda nostra mandatis tuis dedita, et, hostium sublata formidine, tempora sint tua protectione tranquilla.

  A007000173 

 Mays gardes bien de faire comme plusieurs, lesquelz ont accoustumé de dire: O s'il plaisoit a Dieu nous donner la paix, nous triompherions, nous ferions aussi bonne chere.

  A007000173 

 Que devons nous demander a Dieu, mes Freres? Tout ce qui est pour son honneur et le salut de nos ames, et en un mot l'assistance du Saint [26] Esprit: Emitte Spiritum tuum et creabuntur; et en ce tems icy, la paix et la tranquillité: Fiat pax in virtute tua; Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000174 

 Et pour obtenir le Saint Esprit, il faut remercier Dieu le Pere qui l'envoye, de ce qu'il l'a envoyé sur nostre chef Jesus Christ Nostre Seigneur son Filz, entant qu'homme, [et] que ex plenitudine ejus omnes accepimus; de ce qu'il l'a envoyé sur ses Apostres pour nous le communiquer par leurs mains.

  A007000174 

 Il nous faut remercier le Filz, lequel entant que Dieu l'envoye pareillement sur ceux qui se disposent; mays sur tout, il le faut remercier de ce qu'entant qu'homme il nous a merité la grace de recevoir le Saint Esprit.

  A007000174 

 Il nous faut rendre graces a Dieu de tous ses bien-faictz, si nous voulons qu'il nous donne des victoires qui sont commencement de paix.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000195 

 Certes, quand j'ay leu au Genese que Dieu fit deux grans luminaires au ciel, l'un pour præsider et esclairer le jour et l'autre pour la nuict, incontinent j'ay pensé que c'estoyent ces deux grans Saintz, saint Jan et saint Pierre; car ne vous semble il pas que saint Jan soit le grand luminaire de la Loy mosaïque, laquelle n'estoit qu'une ombre ou comme une nuict au regard de la clairté de la Loy de grace, puysqu'il estoit plus que prophete? Encores qu'il ne fust pas lumiere, toutesfois il portoit tesmoignage de la lumiere, par [33] quelque participation de la lumiere laquelle in tenebris lucet; Joan., I.

  A007000198 

 Vous apperceves vous point du mistere que contient ceste histoire? Moyse estoit chef de la Synagogue, et fut a cest effect sauvé et retiré des eaux par la providence de Dieu.

  A007000203 

 est de ceux qui ne sont pas saintz sinon contingemment, et sans aucune necessité que par la volonté de Dieu; neantmoins ilz le sont tousjours.

  A007000203 

 par necessité de consequence: c'est ainsy que fut sanctifié Nostre Seigneur, lequel estant Filz naturel de Dieu, ne pouvoit qu'il ne fust saint; et parce qu'il estoit saint par nature, il s'appelle saint par excellence: Sanctus vocabitur Filius Dei (Luc., I ); estant l'un des trois Sanctus, Sanctus, Sanctus (Isa., 6 ), que les Seraphins que vit Isaye repetent sans cesse dans le Ciel en l'honneur de la tressainte Trinité.

  A007000205 

 O deux luminaires ardens de predication, fayorises de vos saintes intercessions mon enfance, affin qu'il plaise a Dieu se servir de moy en ce ministere, ad dandam scientiam salutis plebi ejus, in remissionem peccatorum eorum (Luc., I ), et que je puisse tellement avoir les levres ouvertes de la part de Nostre Seigneur, que os meum annuntiet laudem ejus; recte docere, et [38] æ doceo opere complere, ne cum aliis prædicaverim ipse reprobus efficiar..

  A007000208 

 C'est que Dieu nous attribue ces noms pour nous humilier et nous monstrer sa charité; le diable nous les attribue pour nous faire tomber dans la superbe, et par ce moyen nous separer de la charité.

  A007000208 

 En fin ces noms donnés aux hommes monstrent plustost la gloire de Dieu que celle des hommes: il a tant de bonté que de nous vouloir rendre semblables a luy, autant que nostre bassesse le peut porter..

  A007000208 

 Mais remarques cecy: car Dieu nous appelle dieux; le diable nous appelle dieux, quoy que non pas absolument, disant: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum.

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000212 

 Ainsy le grand saint Pierre estant viel glorifia Dieu estendant ses mains, comme il luy avoit esté prædict.

  A007000213 

 Quand Dieu crea cest univers, voulant faire l'homme il dict: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, ut præsit piscibus maris, volatilibus cœli et bestiis terræ; Gen., I.

  A007000223 

 La rayson en est bien aysëe a donner: c'est que Dieu avoit dessein de prendre les Gentilz pour son peuple, abandonnant l'ingrate nation des Juifz, non en la destituant des secours necessaires pour son salut, mays luy ostant les privileges qu'il luy avoit concedés, desquelz elle s'estoit rendue indigne.

  A007000224 

 C'est asses parlé sur la mort de saint Pierre; que vous laisseray je pour prattique? La premiere chose a quoy je vous exhorte est de remercier Dieu de ce qu'il nous a donné une telle pierre, sur laquelle nous appuyant, nous ne tomberons jamais.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000225 

 Ne regardons jamais les cogitations de la foy qui ne sont pas de Dieu ny fondëes sur la pierre de l'Eglise Catholique; mays brisons les, et rompons leurs pointes contre ceste pierre, c'est a dire avec l'authorité apostolique de l'Eglise..

  A007000225 

 Pourquoy? parce que les pensëes d'infidelité sont nostres, et les pensëes de fidelité sont de Dieu: Non sumus sufficientes cogitare aliquid ex nobis tanquam ex nobis, sed omnis sufficientia nostra ex Deo est; 2.

  A007000226 

 Mays outre ces pensëes qui sont les petitz de l'entendement dont parle le Psalmiste, il y a d'autres petitz de la volonté, qui sont nos pechés, desquelz encores je dis: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram; car Dieu a donné a ceste pierre la force et le pouvoir de remettre et oster les pechés.

  A007000227 

 Je sçay que vous desires tous extremement la paix, c'est pourquoy je vous diray avec le Prophete royal: Si vous la voules obtenir, addresses vous a Dieu par prieres et oraysons: Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000227 

 Or, puysqu'il n'y a personne si saint qui ne contrevienne quelquefois a la loy de Dieu, au moins tesmoignons que nous aymons ceste loy, en demandant pardon a Dieu, et venant briser nos pechés par la confession et pœnitence aux pieds du prestre, comme a une pierre fondëe sur la pierre de la foy: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000246 

 Si l'ancienne Sinagogue, par le commandement de Dieu, celebroit si solemnellement le premier jour de chasque mois, qu'on appelloit neomenie, en reconnoissance du gouvernement et solicitude que Dieu a des hommes, il me semble, que nous avons tout'occasion a ce premier jour du mois d'aoust de solemniser la feste que nostre Mere l'Eglise nous y presente, puysque elle se faict en contemplation d'un miracle auquel reluit tres [55] clairement la faveur et assistence de Dieu aux prieres de son Eglise, sa providence sur le chef general d'icelle, et la misericorde que sa Majesté a usëe vers le paganisme (duquel nous sommes la race) en [la] translation de son Eglise d'entre les Hebreux aux Gentilz..

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000249 

 Et a cest'intention ay je esté dedié par la benediction episcopale que je viens de recevoir, par laquelle, quand je l'ay ouÿe, il me sembloit entendre que Dieu me dict: Quasi tuba exalta vocem tuam.

  A007000249 

 Soustenes moy, et inspires et soufles puyssamment, par les souspirs et devotions que vous jetteres aux pieds de la glorieuse Vierge pour impetrer la faveur du Saint Esprit, saluant ceste Dame, Mere de Dieu, du salut que le mesme Dieu luy fit fayre; et par ainsy, non seulement, comme je vous disois, vous sonneres de la trombe en ce renouveau du mois, mays ce que vous dict le mesme Psalmiste: Laudate Deum in sono tubæ.

  A007000251 

 Despuys n'ay je eu cest honneur de vous parler de la part de Dieu, que je vous rapportay ces paroles de nostre Maistre a son disciple saint Pierre: Cum esses junior, cingebas te et currebas ubi volebas; cum autem senueris, alius cinget te, et ducet quo non vis; et vous dis que ces dernieres paroles furent accomplies en la mort de ce glorieux Prince, lhors quil fut lié pour estre crucifié.

  A007000261 

 Or, toute l'Eglise prioit Dieu sans intermission pour iceluy.

  A007000263 

 Ah, ja Dieu ne playse que jamais ce malheur arrive en Savoÿe; non, non.

  A007000263 

 Qui me contemnunt erunt ignobiles: ja Dieu ne plaise que nous nous procurions les malheurs pour la mauvaise affection qu'on a a l'Eglise, que nos praedecesseurs ont fuis et evités, et surmontés et chassés par leur devotion.

  A007000266 

 Saint Pierre donques estant emprisonné et gardé a bon escient, l'Ange de Dieu vint avec une grande lumiere et le trouva dormant, et le frappant sur le costé, il l'esveilla et luy dict: Surge velociter, leve toy vistement..

  A007000268 

 Ne sçaves vous pas que Nostre Seigneur voulant former Eve de la coste d'Adam, il l'endormit et tira une de ses costes? Ainsy Dieu voulant ce jourdhuy envoyer saint Pierre [64] a Romme fonder son Eglise, il le faict dormir et frapper au costé, comme sil vouloit dire: Leve toy vistement, et sache que comme sur la coste d'Adam je luy fonday son espouse, ainsy sur toy je fonderay et ædifieray mon Eglise a Romme.

  A007000277 

 En ce delectable sejour que Dieu prepara pour nos premiers parens, et puys pour tous nous autres si le peché ne nous en eust chassés, il y avoit un fleuve pour arrouser ceste beniste contree, lequel sortant de la, se departoit en quattre diverses courses.

  A007000279 

 C'est une chose bien certaine et qui nous devroit bien consoler, que Jesus Christ Nostre Seigneur et Maistre, en toute rigueur de justice, avec un juste prix, a payé et satisfait a Dieu son Pere ce que nous avions merité de peyne pour tous nos pechés, et non seulement pour tous les nostres, mays pour tous ceux de tout le monde.

  A007000285 

 Et ne me dites pas que le Filz de Dieu a satisfait selon la nature humaine, car je vous l'accorde, pour parler a la scholastique, si vous dites ut quo; si vous dites ut quod je vous le nie, « quia actiones, » dit le philosophe, « sunt suppositorum.

  A007000286 

 Dieu, bien infiny, avoit esté offensé; Jesus Christ, bien infiny, a satisfait: l'homme s'estoit eslevé par superbe contre Dieu mesme; Nostre Seigneur s'est humilié sous toute creature.

  A007000286 

 Entendes bien ceci: estant esgal a son Pere, il s'abbaissa et aneantit jusques a la mort, qui est la moindre de toutes les creatures, n'estant que privation; et partant, Dieu son Pere luy donne un nom qui est au dessus de tout nom, a sçavoir le nom de Jesus, qui signifie Sauveur, comme s'il disoit: Il est justement Sauveur, puysqu'estant infini, avec son infinie satisfaction, il a payé en toute rigueur..

  A007000290 

 Dieu vient dans l'entendement par la foy, et voyci la premiere application du sang de Dieu a nos ames.

  A007000290 

 Donques, pour venir au poinct Beati oculi qui vident quæ vos videtis, il y a quatre endroitz par lesquelz Dieu peut venir en nous: l'entendement, la memoyre, la volonté et les sens exterieurs.

  A007000293 

 Qui pourroit jamais lire sans larmes ce qu'on escrit du bon capitaine Anthoyne de Paive, qui convertit si tost les roys des Mazacariens, des Sianiens et Supaniens? Et qui ne se trouvera le cœur saysi, considerant la premiere conversion si soudaine et si grande que firent trois Peres de l'Ordre de saint Dominique en Conge? Qui ne dira avoir esté bienheureux les travaux de tant de prestres et Religieux qui sont allés prescher es Indes, puysqu'ilz ont trouvé la terre des cœurs humains si fertile et traittable, que, a une seule rosëe de la parolle de Dieu, elle germe et bourgeonne toutes sortes de fleurs chrestiennes? Cela nous doit faire pleurer de consolation d'un costé, de voir Dieu receu en ces contrëes, et pleurer de detresse de l'autre costé, de nous voir recevoir si abondamment ses graces sans rendre aucun fruict.

  A007000296 

 Non, non, il ne le faut pas penser sans rien faire, mays en faysant: Domine, quid faciendo? Et de vray, qui croit bien ce dont nous avons discouru au commencement, comme n'esperera il de Dieu toute sorte de biens? Qui connoist combien Dieu a faict pour nous, et qui croit aux peynes que Nostre Seigneur a endurëes pour nous, il ne peut qu'il ne soit en bonne esperance: ainsy la Magdeleyne, [76] ut cognovit quod Jesus accubuisset, attulit alabastrum.

  A007000297 

 Et de vray, de quoy devrions nous avoir plus de desir que de la vie eternelle? S'il se trouvoit un medecin si fortuné qui trouvast quelque herbe qui peust asseurer cinquante ans de vie, mon Dieu, comme chacun y courroit, on n'y espargneroit rien.

  A007000299 

 Pour ceste vie eternelle, David inclinoit sa volonté et son cœur a garder les commandemens de Dieu; saint Augustin a esté incliné a se retirer avec ses Religieux avant qu'il fust Evesque; saint Jan Baptiste a se retirer es desers..

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000318 

 Mes Freres, nous allons en Bethel: Bethel veut dire mayson de Dieu; nostre Jacob sera pour ceste heure saint Pol, qui crie: Hoc sentite in vobis, quod et in Christo; comme s'il disoit: Abjicite deos alienos.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000330 

 J'ay dict le mouvement naturel, parce que comme la paralysie corporelle n'empesche pas le mouvement exterieur du cors, mays seulement l'interieur et propre, ainsy la spirituelle n'empesche pas le mouvement de nostre ame a la creature; mays il ne luy est pas naturel, car son mouvement est a Dieu: Ibunt de virtute in virtutem, donec videatur Deus deorum in Sion.

  A007000334 

 Que penses vous que faict l'artisan qui survend sa marchandise, et lequel a tout propos jure, se maudit, etc., affin de vendre troys foys autant, et dict que c'est un gain honneste qu'il faict en homme de bien? Il cherche des excuses ad excusandas excusationes in peccatis, et c'est pour luy que David a adjousté: Qui jurat proximo suo, etc.; et Dieu: Non furtum facies.

  A007000339 

 Hé, mon frere, je te diray ce qu'il faut: il faut purger l'habitation du cœur, oster ce qui deplaist a Dieu, qui est le peché mortel, puys se preparer avec bonnes intentions et avoir ferme propos de s'amender.

  A007000339 

 Mais je mesnage; au nom de Dieu, je ne sçaurois bonnement me tenir sans crier, sans me distraire.

  A007000339 

 Mon bon frere, prens peyne a ne point offencer Dieu, et du reste, vis joyeusement.

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000365 

 Ce n'est donc pas sans raison que je m'adressais ce reproche: Est-ce ainsi, ô François, que toi, le dernier de tous, par le mérite, le talent et la vertu tu prétends être préposé aux premiers? Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement périlleux et onéreux? Longtemps j'ai été effrayé par ces voix [95] intérieures, je méditais ces mots du Prophète: O Dieu, j'ai entendu vos paroles et j'ai craint..

  A007000366 

 Cependant, ce jour a lui; ma terreur s'est presque dissipée, et ma confiance en Dieu s'est grandement accrue.

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000415 

 « O Dieu qui venez de m'élever à cette charge, que votre puissance me garde toujours, afin que j'évite tout péché dans l'exercice de mes fonctions, et que l'accomplissement de vos lois si justes soit le motif et la règle de mes pensées, de mes paroles et de mes œuvres.

  A007000420 

 Je répétais alors en moi-même: O Dieu, j'ai entendu vos paroles et j'ai craint..

  A007000421 

 Cependant, ce jour a lui; ma terreur s'est presque évanouie, et ma confiance en Dieu s'est grandement accrue.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000428 

 » O Dieu immortel, que vos voies sont éloignées de nos voies! O suprême Protecteur des petits, vous pouvez, des pierres, susciter des enfants d'Abraham.

  A007000430 

 Dieu, il est vrai, porte secours au besoin à ceux qui ne se sont pas jetés dans le danger; quant à ceux qui aiment le péril, ils y périront.

  A007000430 

 On me dira peut-être: rien ne vous autorise à présumer si grandement de [104] la bonté de Dieu, vous qui avez volontairement gravi un degré d'où il est si facile de déchoir et de se précipiter.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000435 

 C'est sur ce camp, vaillants Compagnons d'armes, que vous devez fixer vos regards; et ce que votre fidélité doit à Dieu, à l'Eglise, à la Patrie, à vos autels et à vos foyers, lorsque l'occasion s'en offrira, faites-le, montrez-le, accomplissez-le.

  A007000435 

 Que notre camp soit le camp du Dieu dont les [107] trompettes font entendre, avec des accents pleins de douceur, ce chant: Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu des armées.

  A007000437 

 C'est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations, et c'est avec pleine raison que le Seigneur s'en plaint si amèrement par ses Prophètes.

  A007000441 

 Ainsi, par la miséricorde de Dieu, nous recouvrerions les biens que nos ancêtres perdirent par son juste jugement..

  A007000442 

 En un mot, car il faut terminer ce discours, nous devons vivre d'après la règle chrétienne, de telle sorte que nous soyons Chanoines, c'est-à-dire réguliers, et enfants de Dieu, non seulement de nom mais encore d'effet..

  A007000442 

 Pour atteindre ce but, rendons-nous Dieu propice par la pénitence.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000445 

 Qu'il en soit ainsi, Dieu immortel, qu'il en soit ainsi..

  A007000447 

 Nous recouvrerons nos anciens sièges, et enfin délivrés des mains de nos ennemis, nous servirons dans la sainteté et la justice ce Dieu souverainement exalté dans les siècles..

  A007000459 

 En ceste 2 e façon tout est de misericorde, car toutes ses bonnes œuvres sont de Dieu.

  A007000460 

 O sang, sang prætieux! Qui prætendra donques ignorance de l'intention de l'Eglise? Elle proteste que tout vient de Dieu.

  A007000461 

 O Seigneur, Seigneur, mon Dieu, nous flechissons le genou a vostre sacré nom, nous reconnoissons qu' il n'y en a point d'autre in quo salvari nos opporteat.

  A007000469 

 Je prie Dieu de tout mon cœur, auditoire devot, que comm'il luy a pleu de vous « fair'arriver au beau commencement de ce jour, » de ceste semayne, de ce mois et de cest'annëe, qu'il vous veuille « garder sain et sauve; » affin que le servans et honorans tousjours renouvellés en vos consciences, vos « œuvres et pensëes commencent par » iceluy, qui est Dieu benit es siecles.

  A007000473 

 [1.] Aprenons a servir Dieu de bon cœur, a bonn'heure.

  A007000489 

 Cest ancien peuple d'Israël se monstra tousjours dur aux commandemens de Dieu; mais sur tout il se monstra tres bigearre lhors qu'apres l'honnorable relation de Josué et Caleb de la fertilité de la terre promise, et l'exhortation qu'ilz firent pour les encourager d'y aller, ilz conclurent de n'y point aller: et par apres, Dieu ayant adverti qu'ilz n'avançassent, ilz voulurent a toute [119] force y aller, et monterent toute la montaigne, dont malheur en prit.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000493 

 Moyse, ce grand capitaine de probité, estant appellé de Dieu, lhors qu'il paissoit les brebis de son beau-pere Jetro en la montaigne Oreb, a la charge de la conduitte [120] et gouvernement general d'Israël pour le delivrer des mains de Pharao, la majesté de Dieu luy apparoissant en un buysson ardent, il prattiqua tous les vrays moyens, et demanda a Dieu toutes les vrayes qualités, marques et conditions avec lesquelles il faut entreprendre de parler de la part de Dieu et de gouverner un peuple..

  A007000497 

 O saint Prophete, o grand pasteur d'Israël, o advisé Moyse, o digne ambassadeur de Dieu, digne secretaire de Dieu, que tu sçavois bien les conditions requises et fondamentales a une telle charge! Il se tient indigne, il demande le nom, il demande des signes..

  A007000498 

 Dites moy, comme se pouvoit il rendre digne, sinon se tenant indigne? comme Marie se dispose a estre Mere de Dieu, en se reconnoissant sa petite servante.

  A007000499 

 C'est icy, mes Freres, la pierre de touche a laquelle vous connoistres si ceux qui se vantent de la parole de Dieu sont vrays ou faux prophetes; car il n'y a jamais eu secte qui n'aye tousjours dict qu'elle parloit de la part de Dieu, et que ses preschementeries estoyent les [121] vrayes paroles de Dieu, et ne se soit vantëe de l'Escriture: [ainsi] Luther, Calvin et tous les autres, a l'imitation du diable, lequel voulant tenter Jesus Christ luy allegue l'Escriture: Angelis suis mandavit de te.

  A007000499 

 Si c'est Dieu, ou c'est mediatement ou immediatement: si mediatement, qu'ilz monstrent la succession; si immediatement et extraordinairement, qu'ilz en produisent les preuves, qu'ilz fassent des miracles.

  A007000502 

 O mes Freres, tenes ceste preuve pour fondamentale, et demandes a, ceux qui vous veulent retirer du sein de l'Eglise: Quis te misit? Saint Jan Baptiste fut un grand reformateur et envoyé de Dieu extraordinairement; mays, encores qu'il ne dist rien contraire a l'eglise judaïque, pour ce qu'il venoit a un grand office, vous verres qu'il a des marques pour se faire connoistre; sa vie miraculeuse, sa nativité, contraignoit de dire Quis, putas, puer iste erit? Saint Pol, extraordinairement envoyé, voulut encor une marque visible par l'imposition des mains d'Ananie, Act., 9: Ut videas, dict Ananie, et implearis Spiritu Sancto..

  A007000515 

 La nous te loüerons a toute eternité, si nous te servons en ceste briefve journëe de ce monde: c'est, o Seigneur, dequoy nous vous prions nous faire la grace, puysque vous estes le Dieu de misericorde, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A007000525 

 Qui ouÿt jamais raconter un tel siege? Qui conneut jamais un ingenieur si subtil, qui, au son des trompettes, fit renverser des murailles entieres? Qui vid jamais, semblable batterie? Josué leve les yeux en haut; d'en haut vient l'Ange, il l'adore; l'Ange luy enseigne de la part de Dieu le stratageme, Josué croid et se fie en Dieu, il faict ce qui luy est commandé; parmy son armëe l'Arche de Dieu y est, les prestres sonnent, les murailles tombent..

  A007000526 

 Ha, si l'intention estoit au Ciel, si la confiance estoit en Dieu, si l'honneur deu aux serviteurs de Dieu estoit rendu, si on croyoit et obeyssoit a Dieu, il n'y auroit rien d'imprenable, tout renverseroit devant les Chrestiens.

  A007000526 

 Mays je ne suis pas icy pour apprendre la maniere comme il faut entrer et prendre a force les villes terrestres; je voudrois plustost vous dire comme il faut prendre et subjuguer les villes et forteresses spirituelles, ennemies de Dieu et des Saintz, pour le service de la divine Majesté.

  A007000526 

 O les belles instructions pour nos capitaines, de lever leurs courages en haut vers Dieu, invoquer les Saintz et s'appuyer en Dieu, le croire, obeyr a ses commandemens.

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000530 

 C'est le peché qui empesche que Dieu ne se rende maistre de nos ames, et ne peut entrer en nous, ains demeure a la porte: Ego st o ad ostium et [132] pulso.

  A007000531 

 Que si celles de Hiericho tomberent au son des trompettes des prestres, celles-ci doivent tomber encores au son de la trompette evangelique et la prædication de la parolle de Dieu, suivant ce que sa Majesté dict a Hieremie: Ecce dedi Mot meum in ore tuo; constitui te super gentes, ut evellas, et destruas, et disperdas, et dissipes, et ædifices, et plantes; c. I. Ainsy David se fit maistre de Sion, suivant ce qu'il dict: Ego autem constitutus sum rex ab eo super Sion montent sanctum ejus, prædicans præceptum ejus.

  A007000533 

 Ah non; mays comme il faut desirer la viande pour [se] nourrir, ainsy faut il user de la parole de Dieu, qui est l'aliment de nos ames: Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei.

  A007000534 

 Quand l'homme entend la parole de Dieu sans ceste intention, elle est en luy comme ceste semence qui tombe dans le chemin: Aliud cecidit secus viam; la vayne gloire et la curiosité la perdent.

  A007000535 

 La seconde disposition qu'il faut avoir pour bien ouyr la parole de Dieu, c'est l'attention; car il y en a plusieurs qui viennent au sermon pour faire leur proffit, mais y estant, ou en dormant ou en causant ou en pensant ailleurs, ilz ne sont pas attentifz; auxquelz, quand ilz sont de retour, si l'on demande que c'est qu'ilz ont rapporté du sermon, ilz peuvent bien respondre qu'ilz en sont revenuz gens de bien, pour en avoir rapporté les oreilles ou leur chapeau.

  A007000536 

 Ainsy Dieu envoye le vent de sa parole et espouvante toute la barque, et l'auditeur dort.

  A007000536 

 I Reg., 3, Heli enseigne a Samuel la façon d'ouÿr Dieu.

  A007000536 

 Jonæ, 1, Dieu fait un grand vent sur mer, si que chacun s'addresse a Dieu, et Jonas dort.

  A007000536 

 Or, cecy n'est pas une petite incivilité, que Dieu parlant a nous, nous ne voulions l'escouter, ne plus ne moins que si nous parlions a Dieu sans y penser; de maniere que de ceux la Nostre Seigneur dict: Populus hic auribus me honorat, cor autem eorum longe est a me.

  A007000537 

 Ce qui procede de plusieurs causes: l'une, qu'ilz ne reçoivent pas la parole de Dieu comme telle, ains comme la parole des prædicateurs; et toutesfois Nostre Seigneur a dit une foys pour toutes: Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit; Et ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi; et ailleurs: Non estis vos qui loquimini, sed Spiritus Patris vestri, etc. Dequoy se plaignant Nostre Seigneur, il dict a Ezechiel: Nolunt audire te, quia nolunt audire me.

  A007000539 

 La parole de Dieu est une medecine, une manne: Beati qui audiunt Mot Dei, en mangeant, et custodiunt illud, en digerant, etc. C'est pourquoy on voit si peu de fruict des prædications, et on rebat tant de fois une chose: Manda, remanda, etc..

  A007000539 

 La troisiesme [cause] d'ou il vient, c'est que la parolle de Dieu chasse le peché de l'ame, et l'homme qui se plaist au peché la trouve amere lhors qu'elle le sollicite: Ad tempus credunt, et in tempore tentationis recedunt.

  A007000540 

 Les autres, avec si peu d'attention, que la parolle de Dieu ne va pas jusques au cœur: Et natum aruit, quia non habebat humorem.

  A007000554 

 Enseignement lequel a esté entendu de ceste façon de tous nos anciens Peres, du college mesmes des Apostres, et semini ejus in secula, et a esté ainsy interpreté per os sanctorum qui [ a ] Christo sunt prophetarum; lhors que par « tradition de main en main, » ilz ont observé tres etroittement et commandé le sainct jeusne de Caresme, affin qu'en ce tems la on fit particulierement pœnitence, pour s'approcher dignement autant qu'on peut du Royaume des cieux, ou ne se rendre pas incapables d'iceluy, s'approchant de nous par la communication du præcieux Cors de Nostre Seigneur, vive memoyre de la mort de Nostre Seigneur et de sa Croix, par laquelle le Royaume de Dieu, qui n'estoit qu'a Dieu seul, a esté mesme communiqué aux hommes..

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000568 

 Que si peut estre tu ne peux pas monter au Ciel pour aller contempler la bonté de Dieu, regarde la en son miroir: Miroir de la bonté de Dieu est la Passion du Sauveur Jesus.

  A007000569 

 Si vous n'y estes encores, chemines toute cest'huitayne en ceste desplaysance de vos pechés, et je suys asseuré que, aydant Dieu, vous y arriveres, et entendres la douce voix du Sauveur: O anima, magna est fides tua; fiat tibi sicut vis.

  A007000569 

 Sus donques, debout, o mon ame: Si Dieu t'a tant aymé que pour te laver de tes pechés il a envoyé son Filz, regrette, lamente, pleure les pechés que tu as commis, et desormais n'abandonne jamais un si bon Maistre.

  A007000585 

 Ceste ci est l'une des plus notables et signalëes sentences de l'Evangile, en laquelle la maniere de bien et deüement servir Dieu est exprimee et declairee par Dieu mesme.

  A007000587 

 Comme le chasseur ayant donné la chasse et le cours au cerf et a la biche, la va attendre aupres de quelque fontayne ou elle a accoustumé de s'abbreuver (car ceste sorte d'animal est sujette a la soif estrangement), pour la prendre apres que la froideur de l'eau l'aura engourdie, suivant le dire du Psalmiste: Comme le cerf crie vers la fontayne, ainsy mon ame vous souhaite, o mon Dieu, tout de mesme Nostre Seigneur, en l'histoire de l'Evangile du jourdhuy, s'en va aupres d'une fontayne attendre une pauvre pecheresse alterëe par son iniquité, affin de la prendre d'une tres glorieuse chasse, apres qu'avec ses saintz discours il l'a engourdie aux mouvemens de son peché et de sa concupiscence.

  A007000593 

 Si tu sçavois le don de Dieu que le Pere a donné au monde; Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret, ut omnis qui credit, etc., habeat vitam æternam.

  A007000595 

 Dicit ei mulier: Domine, neque in quo haurias habes, et puteus altus est; unde ergo habes aquam vivam? Comme elle va desvoyer l'intelligence de Nostre Seigneur, parlant d'un don de Dieu; et elle va parler de la terre.

  A007000611 

 Helisee vint luy mesme chez la Sunamite, ferme l'huis sur soy et le petit enfant, prie Dieu, se couche sur le petit enfant par deux fois; en fin la petite creature baille sept fois, et ouvre les yeux et resuscite.

  A007000612 

 Dieu envoya des lyons; en remede dequoy on leur envoye un prestre de ceux qui estoyent captifz, qui leur enseignoit la loy de Dieu; mays ces gens ne se sçavoyent resoudre a abandonner leur idolatrie, et partant adoroyent Dieu et tenoyent sa religion, et la religion des faux dieux.

  A007000630 

 Cest incomparable miroir de patience, que Dieu appelle par honneur son serviteur, Job, en son septiesme chapitre, dict une sentence digne d'æternelle memoire: Militia est hominis vita super terram.

  A007000632 

 Helas, mon Dieu, si je la caresse, elle me tue; si je la tourmente, je me sens de l'affliction.

  A007000634 

 Mon Dieu, quelz [160] stratagemes font nos ennemis contre nous! Domine, quid multiplicati sunt qui tribulant me? multi insurgunt adversum me; Ps.

  A007000642 

 Vous vous resouvenes bien, mes venerables Dames, de vostre glorieuse Mere sainte Claire: estant un jour sa ville d'Assise, ville illustre pour ses deux beaux fleurons, assiegëe, elle se fit porter aux murs, y fit apporter le Saint Sacrement, et fit ceste orayson a Dieu: Ne tradas bestiis animas confitentium tibi, et custodi famulas tuas, quas « pretioso sanguine redemisti.

  A007000651 

 La joye fut sans doute bien grande en l'arche de Noë, quand la colombe, peu auparavant sortie comme pour espier l'estat auquel estoit le monde, revint en fin portant en son bec le rameau d'olive, signal bien asseuré de la cessation des eaux, et que Dieu avoit redonné au monde le bonheur de sa paix.

  A007000651 

 Mays, o Dieu, de quelle joye, de quelle feste, de quelle allegresse fut ravie la trouppe des Apostres, quand ilz virent revenir entr'eux la sainte humanité du Redempteur apres la resurrection, portant en sa bouche l'olive d'une sainte et aggreable paix: Pax vobis, et leur monstrant les marques et signes indubitables de la reconciliation des hommes avec Dieu: Et ostendit eis manus et pedes.

  A007000653 

 La foy n'y entre point, car on y void tout; l'esperance encores moins, car on y possede tout; mais la seule charité y a lieu, pour aymer en tout, par tout et du tout nostre Dieu.

  A007000656 

 C'est grand cas que d'estre separé de Dieu; on est timide, on perd la force: telz estoyent les Apostres, telle la Magdeleine.

  A007000656 

 O je ne voudrois pas que nous fussions sans esperance, mays je voudrois bien que nous pleurassions quand nous perdons Dieu.

  A007000670 

 Mais en la Croix de Nostre Seigneur, o quelle gloire! Si Celuy la qui estoit si grand qu'il estoit Dieu, y constitue son exaltation, sa clarification, s'il l'appelle la porte de sa gloire, que vous reste il a faire et que me reste il a dire, sinon: Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu, qui cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est se esse æqualem Deo, sed semetipsum exinanivit; propter quod, etc.?.

  A007000675 

 Lises donques ce livre divin qui vous enseigne la science de salut, et ou Jesus Christ luy mesme a appris l'obeyssance qui est deuë a Dieu.

  A007000676 

 Voicy maintenant la seconde glorification: c'est que nostre salut y est, c'est la ou Nostre Seigneur nous a sauvés; car combien que toutes les actions de sa vie, jusques aux plus petites, ayent esté infiniment suffisantes pour operer nostre salut, neantmoins la volonté de Dieu son Pere et la sienne a esté de ne l'accomplir qu'en la Croix.

  A007000680 

 Ceste grande gloire de la Croix l'a rendue honnorable a un chacun; et partant, Dieu la fit chercher par Helene, mere du grand Constantin, qui alla expres en Hierusalem pour la trouver, et l'ayant trouvëe, elle fut incontinent mise en grand honneur parmi toute l'Eglise.

  A007000680 

 Et de fait, qui n'honnoreroit un si grand reliquaire, une si signalee marque de la charité du Filz de Dieu? Je vous proposerois volontier une belle doctrine de saint Bonaventure touchant ceste veneration de la Croix; mais je veux finir.

  A007000681 

 Disons donques que ce saint bois de la Croix est singulierement venerable; car s'il est escrit, Psal. 131: Adorabo in loco ubi steterunt pedes ejus, comme n'honnorerons nous pas ubi stetit totum corpus? Et partant, il s'ensuit: Surge, Domine, in requiem, etc. Et si on faysoit, dict saint Hierosme, tant d'honneur au tabernacle, etc., combien plus au bois de la Croix, sur lequel a esté estendu le cors de Dieu incarné, qui a esté arrousé, teint et penetré de son sang [178] prætieux.

  A007000682 

 Quand Constantin alla a la guerre, il ouÿt de [Dieu] la voix: « In hoc signo vinces; » ainsy veut il que nous vainquions: « Filii tui armis triumphare jussisti.

  A007000682 

 Regardons si en nostre mont Calvaire, c'est a dire en nostre cerveau et entendement, nous y avons laissé la foy fervente de la Croix qui nous y fut mise au Baptesme, ou si nous n'avons point eslevé une idole de Venus en nostre imagination; si en nostre memoyre, ou la sainte esperance fut mise, nous n'y avons point remis Adonis; en nostre volonté, ou Dieu avoit mis la charité, etc. Et a l'imitation d'Helene, ostons, ostons ces figures maudites du monde, ces impressions vaines, et y relevons la Croix, disant: Absit mihi gloriari, etc., car c'est la nostre secours.

  A007000694 

 Dieu en l'Ancien Testament, comparut parmi [180] les desertz, et a Moise, en feu, au buysson et ronciers; au Nouveau Testament, sur la croix, a la colomne, en la creche.

  A007000728 

 C'est vrayement la proprieté des pecheurs que de s'esloigner de Dieu tant qu'il est possible.

  A007000728 

 Je trouve admirable et profonde la description que le saint personnage et langoureux prophete Job faict des pecheurs, quand il les qualifie en ceste façon: Qui dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus (cap. 21 ); Retire toy, va t'en, destourne toy de nous, nous ne voulons point sçavoir tes chemins. O belle façon de parler, o description pleine de doctrine! Pour dire les pecheurs, il dict ceux qui ont dict a Dieu: Retire toy de nous.

  A007000729 

 C'est en cest esloignement que consiste le mal principal du peché, c'est a dire qu'il nous separe de Dieu; de maniere qu'en l'escole l'on est d'accord que Ite, est le mot principal de la sentence de Nostre Seigneur: Ite.

  A007000729 

 Ce sont les deux maux [187] du peché, que disent les theologiens: Aversio a Deo, et conversio ad creaturam; se separer, se retirer, s'esgarer, s'esloigner et fourvoyer de Dieu, et se joindre, accointer, s'allier et unir a la creature.

  A007000730 

 Mais voicy le gros de la difficulté: comme se peut il faire que nous soyons esloignés de Dieu luy mesme qui est par tout, et ne sçaurions trouver un recoin, pour caché qu'il soit, que sa Majesté n'y soit? Saint Pol aux Atheniens, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus..

  A007000731 

 Et en ceste façon ilz disent a Dieu: [188] Recede a nobis, viam mandatorum tuorum nolumus.

  A007000731 

 Ilz voudroyent que jamais Dieu ne les vist, qu'il ne pensast point a eux, qu'il ne fust point parmi eux.

  A007000731 

 L'ame se peut retirer et esloigner de Dieu en deux façons: Premierement, par affection et desir; « non loco sed affectu, » dict saint Chrisostome.

  A007000731 

 La ou, remarques la façon, l'immobilité est propre a Dieu et la mobilité aux pecheurs, et ilz la veulent renverser: Recede a nobis, etc. Secondement, l'ame s'esloigne de Dieu fuyant ses graces et les moyens qu'il nous propose pour nostre salut; comme l'on dict qu'un tel fuit les medecins, non pas pource qu'il laisse la personne des medecins, mays les remedes: Scientiam viarum tuarum nolumus..

  A007000732 

 Ainsy sont loin de Dieu les pecheurs; ainsy sont-ilz esloignés de ses misericordes.

  A007000732 

 » O quelle division de l'homme, au regard de son Dieu, au regard de luy mesme! Mays il y a ceste seule consolation parmy ceste grande desolation; c'est qu'encores que le pecheur soit loin de Dieu, il peut revenir a luy et estre bien receu.

  A007000734 

 Les Pharisiens murmurent quia hic peccatores recipit; mais voyons un peu le progres, comme il les reçoit, et nous verrons grandes choses, Le pecheur se peut bien esloigner de Dieu, et de soy mesme, c'est chose certaine.

  A007000737 

 Puysqu'ainsy est, donq, o Sauveur, o Redempteur, o bon Dieu, je peux bien dire a ce peuple, de vostre part: Accedite ad Dominum, et illuminamini, et faciès vestræ non confundentur; quia hic peccatores recipit..

  A007000738 

 Mais voyes la maniere de s'approcher de Dieu: il faut abandonner le peché; Recede a malo.

  A007000750 

 En quoy, affin de vous y ayder selon mon petit pouvoir, et vous donner quelques instructions pour vous faire benir Dieu, je vous ay apporté les parolles de David: Ecce nunc, etc., asseuré que je suis que si vous le benisses bien, il vous bénira de benedictions inestimables..

  A007000752 

 Mays Dieu est Celuy la qui a faict nostre ame et nostre cors; car tout ce qui est, est œuvre de ses mains.

  A007000752 

 O comme nous sommes donques a Dieu, comme il est nostre Seigneur et nostre Maistre, puysque tout ce qui est en nous, il l'a faict: c'est luy qui en est l'ouvrier.

  A007000756 

 Et d'autant plus deves vous estre humbles, qu'estans ses taillables a misericorde, vous l'aves si souvent offencé; dont vous deves avoir si grande confusion, que d'humilité et de honte, vous retournies au neant auquel vous esties, en un nul estre, nulle vertu, nulle qualité, avant que Dieu vous tirast du miserable estat ou vous esties parmi le neant pour vous faire ses serviteurs.

  A007000756 

 Si donques estant devant Nostre Seigneur, en reconnoissance que vous estes ses sujetz et serviteurs, vous vous baisses et inclines le cors jusques a la terre de laquelle vous aves esté pris, baisses vos ames par humilité devant vostre Dieu, jusques au rien duquel vous estes la race..

  A007000757 

 Il veut dire: Je le sers si humblement que je ressemble un cheval mené par la bride apres vous, o mon Dieu.

  A007000757 

 L'autre conclusion qu'il faut tirer, c'est qu'estant descendus au rien, remontant a l'estre que Dieu nous a baillé, et considerant de poinct en poinct combien nous sommes dependans de Dieu et combien nous sommes obligés a le servir, il nous faut faire une exclamation a nostre ame: Nonne Deo subjecta erit anima mea? [196] Comment, si Dieu m'a creëe, et non seulement creëe, mays rachetëe d'entre les mains d'un si cruel et barbare tyran, avec tant de sang, si je luy ay voué et presté fidelité, qui me levera jamais de son service? Escoutes comme David estoit en ceste resolution: Quasi jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000758 

 De maniere qu'encores a rayson de cecy, nous sommes obligés a servir Dieu, et ceux qui ne le serviront pas en recevront un terrible reproche au jour du jugement; car c'est pour cela qu'il est dict que totus orbis pugnabit contra insensatos.

  A007000758 

 Mays outre, tout cela, il y a une autre rayson: c'est que nous nous servons de toutes les creatures, et icelles nous servent volontier, en intention que nous servions Dieu pour elles; car elles, ne pouvant pas servir Dieu, lequel estant esprit ne peut estre servi que par esprit, elles nous servent a celle fin que nous servions Dieu tant en leur nom qu'au nostre.

  A007000758 

 Pour toutes ces raysons, il se faut resoudre de servir Dieu fidellement..

  A007000760 

 De ceste resolution, il nous faut passer a l'execution d'icelle, c'est a dire de servir Dieu le mieux qu'il nous sera possible.

  A007000760 

 La on ne sert plus Dieu visitant les malades, la on ne visite point les prisonniers, la on ne jeusne plus, la on ne faict plus l'aumosne, la on ne reschauffe plus les refroidis, la on ne vestit plus les nudz, pource que hyems transiit et recessit.

  A007000760 

 Or est-il qu'entre toutes les façons de servir Dieu, [la meilleure] c'est de le servir en la façon qu'il est servi en Paradis; car c'est luy qui nous enseigne a demander que son service soit fait en la terre comme au Ciel; car il n'y a pas difference entre servir Dieu et faire sa volonté.

  A007000760 

 Que si nous voulons sçavoir comme [197] Dieu est servi au Ciel, escoutes David: Beati qui habitant in domo tua, Domine; in sæcula sæculorum laudabunt te.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000761 

 Mais oyes comme cela va, car vous me pourries dire: Hé quoy, n'ayment-ilz pas Dieu? Aymer, mes Freres, c'est vouloir et desirer du bien, et ne sçauroit-on dire quelle difference il y a entre la bienveuillance et l'amitié, ne plus ne moins qu'on ne sçauroit dire quelle difference il y a entre haïr et vouloir du mal a une personne.

  A007000762 

 Comment donq est ce qu'on peut aymer Dieu?.

  A007000762 

 La consequence n'en vaut rien; la rayson est pource que la continuation de l'estre a l'Ange n'est pas naturelle et essentielle, et partant on la luy peut desirer, non celle qu'il a, ains celle qui est a venir; mays a Dieu, son æternité luy est autant essentielle que sa bonté.

  A007000762 

 Quelqu'un me dira qu'on peut bien desirer a un Ange [198] qu'il soit Ange, c'est a dire la continuation en son estre: ainsy en Dieu, dites vous.

  A007000763 

 Ainsy, au lieu de desirer du bien a Dieu, on se complaist et on se resjouyt au bien qu'il possede et qu'il est luy mesme.

  A007000763 

 L'ame regardant en Dieu l'infiny merite de sa bonté, et que d'ailleurs en ce sauverain Estre rien ne manque, mays y est plus parfaittement quod factum est ( in ipso vita erat ), elle ne desire pas qu'autre bien luy arrive, pource qu'il est impossible.

  A007000763 

 Mays quoy, elle s'avise d'un autre moyen pour aymer Dieu.

  A007000764 

 Iceluy seul rend de condigno l'honneur qui est deu a Dieu, et partant ne peut estre esconduit, ains impetre de Dieu tout ce qu'il veut: Quæcumque petieritis Patrem in nomine meo dabit vobis; Exauditus est pro sua reverentia..

  A007000764 

 La desplaysance, l'humilité et la pœnitence sont le sacrifice qui aggree a Dieu: Sacrificium Deo spiritus contribulatus et partant il l'offre.

  A007000795 

 Dieu le prouve es miracles de sa nativité, en sa miraculeuse vie.

  A007000805 

 Prions Dieu qu'il nous fasse la grace que tout soit a son honneur, et Nostre Dame qu'il luy plaise nous favoriser de son intercession.

  A007000814 

 Secondement, despuis ce verset jusques a la fin, le Psalmiste se lamente que Dieu differe tant ceste execution, et ce pendant son peuple est tourmenté..

  A007000815 

 En troysiesme lieu, a l'arc en ciel, qu'il appelle testem in cœlo fidelem, parce qu'en la Genese, g, vers. 13, Dieu le donna pour tesmoignage a Noë de sa reconciliation faite avec le monde: ainsy l'Eglise est le vray tesmoin de la reconciliation nouvelle.

  A007000816 

 Au Psal. 2, apres que Dieu le Pere luy a dict ceste grande parolle: Ego hodie genui te, il [211] luy dict: Postula a me, et dabo tibi gentes hæreditatem tuam, possessionem tuam terminos terræ. Au Pseau.

  A007000820 

 Saint Pierre, 1, c. 2, appelle il pas l'Eglise domum spiritalem? Aussi l'est elle, car elle n'est pas une mayson materielle, ains [213] ordonnëe a l'esprit; comme les gens qui servent Dieu sont appellés spirituelz, mais ne laissent ilz pour cela d'estre visibles?.

  A007000821 

 Ce qui semble donner a entendre que l'Eglise ne comprend que les seulz esleuz, lesquelz ne sont conneuz que de Dieu.

  A007000821 

 Mays combien que la sainteté et les esleuz ne soyent conneuz que de Dieu, combien qu'elle soit l'Eglise du Sauveur qu'on ne void pas, n'est il pas vray que l'Eglise est ce champ qui comprend la bonne semence et la zizanie; qu'elle est ceste grange laquelle enferme le grain et la paille; qu'elle est ceste grande mayson dont parle saint Pol, ou il y a des vaysseaux prætieux et des vaysseaux vilz et abjectz, et que la separation ne sera faite qu'a la fin du monde, lhors que de militante elle deviendra triomphante?.

  A007000833 

 C'est sans doute que Dieu qui a basti ceste Eglise, l'a bastie si bien et si fermement qu'elle doit estre perdurable; ce que je prouveray maintenant avec de tres preignantes raysons, pour les occasions que je vous diray tost apres.

  A007000833 

 Le glorieux secretaire de Dieu dict en ce lieu que l'Eglise est une cité nouvelle, paree et ornee de Dieu comme une espouse pour son espoux.

  A007000833 

 O quelle seroit ceste espouse accompaignëe d'autant de perfections que luy desireroit son espoux! Penses donques, je vous prie, quelle doit estre ceste sainte cité que Dieu s'est præparëe luy mesme comme une espouse.

  A007000833 

 Prions Dieu que ce soit a son honneur et gloire, employant a ceste intention l'intercession de la Vierge.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000835 

 Or, en cas pareil, mes Freres, quand il pleut a Dieu recreer le monde et fonder son Eglise, il la benit tellement que jamais ceste generation sienne ne devoit manquer ou faillir en aucune façon: de maniere que la vraÿe Eglise qui est maintenant, doit estre descendue de pere en filz par ceste generation spirituelle de ce second Adam, Nostre Seigneur et Maistre.

  A007000836 

 Mays, je vous prie, seroit il bien seant que Nostre Seigneur eust respandu son sang pour reconcilier son Eglise a Dieu son Pere, et puys qu'en fin ceste Eglise fust tellement abandonnëe qu'elle vinst a estre du tout perdue? Certes, un tel Mediateur merite une paix perpetuelle, une alliance tres estroitte, dont Isaye dict: Et fœdus perpetuum feriam eis, parlant du Christianisme..

  A007000838 

 Ce qui est davantage [218] confirmé par l'Ange, lhors qu'il annonçoit l'Incarnation a Nostre Dame, disant que Nostre Seigneur seroit grand, et seroit appellé Filz du Tres Haut; et le Seigneur Dieu luy donnera le throsne de David son pere, et il regnera sur la mayson de Jacob æternellement, et son regne sera sans fin; Luc., 1.

  A007000845 

 Mais qu'apprendrons nous icy en ceste verité? Nous apprendrons a louer Dieu qui a laissé au monde une Eglise perpetuelle, a laquelle en tout tems on peut recourir pour y faire son salut; puys, montant de ceste Eglise que nous voyons ça bas, a celle que nous ne voyons pas, la haut, nous exciterons en nous le desir de la vie eternelle, comme dict l'Apostre, 2 Cor., 4: Non contemplantibus nobis quæ videntur, sed quæ non videntur.

  A007000851 

 Si on faict un sacrifice ou oblation a Dieu le Pere en icelle, propre et reel..

  A007000856 

 Premierement, parce que Dieu peut tout.

  A007000856 

 Troisiesmement, je vous advise que Dieu peut faire qu'un vray cors soit en un lieu ou y vienne (car l'un vaut l'autre) sans estre veu ni apperceu, et sans autres [224] conditions corporelles, et ne lairra pas le cors d'estre reellement et d'effect, vray et reel cors.

  A007000865 

 Si Adam par la communication reale de sa chair nous faict mourir, etc. Et c'est la plus grande gloire de Dieu..

  A007000880 

 Parce que cela est plus a la gloire de Dieu.

  A007000907 

 Dites moy, au nom de Dieu, pourquoy ne sera elle aussi utile en signe comme en parole? Et qui ne voit que s'il est utile aux fidelles de leur ramentevoir la Passion de Jesus Christ par paroles, il le sera aussi de la leur representer par signes?.

  A007000915 

 Or, ceste sainte figure est dediëe a Dieu, donques, etc..

  A007000915 

 Premierement, tout ce qui est consacré a Dieu est digne d'estre honnoré.

  A007000916 

 Cest escabeau est le Temple, comme disent les Chaldeens; c'est l'Arche de l'alliance, comme disent les Hebrieux: et comme que ce soit, c'est tousjours pour nous, et on infere de la efficacement, que ceste sainte figure est digne d'estre honnorëe, puysqu'elle est consacrëe a Dieu..

  A007000916 

 [2.] Que tout ce qui est dedié a Dieu soit digne d'estre honnoré, on le prouve parce que l'Escriture l'appelle quasi par tout saint.

  A007000918 

 Si donq la Croix est le signe du pouvoir et royaume de Nostre Seigneur, pourquoy, etc. Que si le buysson ou Dieu comparut meritoit ce respect, etc. Si l'Arche d'alliance, comme il est dict Psalm.

  A007000919 

 Pour les grans effectz qu'il plaist a Dieu de faire par ce ceremonial, et particulierement contre les demons qui le haïssent; dequoy Lactance rend tesmoignage, [Divin.

  A007000930 

 Et nos plus proches devanciers, suyvant le sacré ton de leurs ayeulz en une devotieuse harmonie, chantoyent a tous coups, en tous lieux Ave Maria, pensans se rendre tres aggreables au Roy celeste, honnorans reveremment sa Mere, et ne sçachans ou rencontrer maniere plus propre pour l'honnorer qu'en imitant les honneurs et respectz que Dieu mesme luy avoit decreté et accommodé selon son bon playsir, pour l'en faire honnorer, le jour que sa divine Majesté voulut tant honnorer en ceste Vierge tout le reste des hommes, que de se faire homme luy mesme.

  A007000930 

 O sainte Salutation, o louanges bien authentiques, o riches et discretz honneurs! Le grand Dieu les a dictés, un grand Ange les a prononcés, un grand Evangeliste les a enregistrés, toute l'antiquité les a prattiqués, nos ayeulz nous les ont enseignés..

  A007000930 

 Toute l'ancienne Eglise, par tous les lieux du monde, en un parfait consentement d'espritz, avoit tousjours salué la Mere de Dieu de ceste façon angelique: Ave Maria, gratia plena.

  A007000954 

 Et comme sommes nous enseignés sinon par la foy, laquelle peut estre appellee oracle, parce qu'en icelle on oyt Dieu? Fides ex auditu; Rom., 10.

  A007000954 

 J'appelleray pour ce coup icy l'oracle du Christianisme la sainte doctrine evangelique ou l'Evangile; car de fait, l'oracle n'estoit autre sinon le lieu d'ou Dieu monstroit ses volontés au peuple.

  A007000954 

 Mais l'unique entrëe de cest oracle c'est la parolle de Dieu; car nous ne pouvons pas entrer en cest auditoire de Dieu, que ce ne soit per Mot Dei..

  A007000955 

 Mais ceste entrëe a deux portes, a sçavoir, l'Escriture et la Tradition; elles sont encores de bois d'olive, parce qu'elles portent la grace de Dieu.

  A007000976 

 Premierement, se souvenir que les Traditions sont paroles de Dieu comme l'Evangile, etc.; non jamais contraires a l'Escriture.

  A007000989 

 Ce fut le Saint des saintz, ce fut Dieu mesme qui luy apparut, mays en quelle forme? Cumque levasset oculos, apparuerunt ei tres viri; sous l'apparence de troys, Celuy qui est unique Seigneur vint visiter son serviteur.

  A007000989 

 Entre les signalëes faveurs que la bonté de Dieu fit a son bon serviteur Abraham nostre grand pere, l'une fut a mon advis, des plus grandes, lhors qu' en la vallee de Mambré, sa divine Majesté le vint visiter en son tabernacle visiblement, ainsy que raconte le Genese, chap. 18; car quel homme estoit ce qu'Abraham, affin que vous le visities? Apparuit ei Dominus in convalle Mambre.

  A007000989 

 Il est bien dict au commencement du Genese, que Dieu dict: Faciamus hominem ad imaginem et [254] similitudinem nostram, par lesquelles paroles la Trinité de ce Facteur estoit monstrëe; mays jamais l'apparition n'en avoit esté faitte devant Abraham, dont avec merite on a appellé justement Abraham pere des croyans, comme ayant eu une si signalëe revelation de ce mistere fondamental de nostre foy: Apparuit Dominus; « tres vidit, et unum adoravit.

  A007000989 

 » Et affin que nous n'ignorions pas que ce fut une apparition d'un Dieu en Trinité, apres qu'Abraham eut veu ces troys, il en adore l'unité: « Tres vidit, et unum adoravit, » dict la Glose; et Abraham leur parlant: Domine, si inveni gratiam in oculis tuis, ne transeas servum tuum, sed afferam pauxillum aquæ, ut laventur pedes vestri, et requiescite sub arbore.

  A007000992 

 Car encores qu'il semble que ceste sainte Trinité se doive reduire a l'unité de l'essence, d'autant que selon nostre façon d'entendre l'un soit premier que l'autre, si est ce que l'article de l'unité d'un Dieu n'est pas si propre aux Chrestiens que celuy de la Trinité, d'autant que plusieurs ont conneu Dieu et son unité, qui n'estoyent pas Chrestiens.

  A007000994 

 Premierement, Dieu le Pere, en l'abisme inexcogitable de toute son seternité, plein de son infinie essence, bonté, beauté et perfection, se regardant soy mesme avec son entendement tres fecond, entendit et comprit si bien sa nature, qu'en une seule conception et apprehension il exprima toute sa grandeur; et ceste conception, ceste parolle, ce Verbe, ceste diction de son cœur fut un autre luy mesme.

  A007000997 

 Gloria, en singulier, en [259] parlant des troys, pource que ces troys Personnes ont la mesme gloire; Patri et Filio, pource que, combien que ces deux Personnes soyent un seul et mesme Dieu, et que le Pere regarde son Filz comme un autre luy mesme, il y a neantmoins ceste distinction, que le Pere a la divinité par luy mesme, et le Filz, par la communication du Pere: et sans cela, ni l'un ne seroit Pere, ni l'autre ne seroit Filz, ains ces deux noms seroyent des noms faintz et sans fondement.

  A007000998 

 L'autre blaspheme, c'est qu'ilz ne veulent recevoir le nom de Trinité; et leur rayson est, d'autant que Trinité ne veut dire que les Personnes; la personne ne veut dire que residence et proprieté; residence et proprieté n'est pas Dieu.

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007001000 

 Cest enfant revenu a soy, et ayant raconté ce qu'il venoit d'apprendre, tout le peuple se print a chanter ce mesme cantique, et par ce moyen appaisa l'ire de Dieu et destourna les malheurs dont il estoit menacé.

  A007001000 

 Il dict qu'a Constantinople, « sous Proclus Archevesque, advindrent plusieurs signes de la juste colere de Dieu; et comme le peuple estoit en priere, un enfant fut ravi, et dans son ravissement, les Anges luy enseignerent ce cantique: Sanctus Deus, sanctus fortis, sanctus immortalis, miserere nobis.

  A007001001 

 C'est lhors que nous procurons que Dieu soit glorifié: Ut videant opera vestra bona et glorificent Patrem vestrum..

  A007001001 

 On appelle la gloire appropriee celle qui vient a Dieu, non de ses ouvrages interieurs mays exterieurs, ainsy [261] que David dict: Cœli enarrant gloriam Dei, etc.; et comme dict saint Pol, I. Cor., 10: Omnia in gloriam Dei facite.

  A007001002 

 Helas, il y en a plusieurs parmi les Chrestiens, qui ressemblent a ces philosophes, sont froidz, [262] lasches, n'affectionnent l'honneur deu a Dieu et a ses amis Or, qui est ainsy disposé ne peut dire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc..

  A007001005 

 Nous devons glorifier Dieu par la Passion de son Filz; or, ceste Passion n'est plus præsente pour rendre gloire a Dieu par icelle, il faut donq [263] recourir a sa memoire.

  A007001029 

 Ceux que Dieu a unis, que l'homme ne les sépare point.

  A007001041 

 Dieu dit à Abraham: En ta postérité seront bénies toutes les nations.

  A007001058 

 Pendant que tantost l'un tantost l'autre a respondu selon son propre sens et advis, quoy [268] que saint Pol aÿe faict ceste quæstion comm'un'exclamation d'une verité indubitable, bonté de Dieu! quelle dissipation s'est ensuyvie, quelle grande confusion de langages s'est faite parmi le monde.

  A007001059 

 Cinquiesmement, je monstreray que ce Sacrement est non seulement Sacrement, mays Sacrifice; sixiesmement, je monstreray la convenance, et respondray aux raysons contrayres, et iray poursuyvant selon que Dieu me donnera les moyens..

  A007001069 

 8; ou il est dict que Dieu ordonna deux sortes de sacrifices: l'un, veau, se bruloit hors la ville, hors les tentes, et cestuy ci est accompli en la Passion; l'autre, aigneau, se mangeoit en la ville.

  A007001085 

 Item, Moise monté sur le mont Nebo au coupeau de Phasga, ayant veu la terre, mourut par le commandement de Dieu, lequel mesme daigna le sevelir, dict l'Escriture, Deut.

  A007001178 

 Dieu dit à Eve et à Adam: Tu ne mangeras pas; le démon dit: Mange.

  A007001178 

 Ici, Dieu dit: Mange; le démon dit: Garde-toi de manger..

  A007001213 

 Or, Dieu hait celui qui parle d'une manière [289] sophistique.

  A007001213 

 Rupert ajoute ces remarquables paroles: « Le démon a voulu être semblable à Dieu, » il n'y a pas réussi; « maintenant, il veut rendre Dieu semblable à lui, c'est-à-dire menteur.

  A007001213 

 Rupert dit très bien (liv. III de la Trinité, chap. VII et VIII): « Le serpent est moqueur: ses réponses sont vagues, ce qui lui permet de soutenir qu'il a dit vrai alors même que la parole de Dieu s'est accomplie.

  A007001213 

 » Ainsi les hérétiques veulent en savoir autant que Dieu: ils n'y réussissent pas, et ils prétendent que la puissance divine ne saurait dépasser leur intelligence..

  A007001215 

 Ainsi: La vie était la lumière des hommes, et cet esprit, qui est Dieu le Verbe, s'est fait chair.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001215 

 Il est étrange de voir des hommes qui en appellent constamment aux Ecritures se tromper parce qu'ils ne connaissent ni les Ecritures ni la puissance de Dieu..

  A007001221 

 Jésus-Christ marche habituellement pas à pas, Pour montrer à la Vierge que rien n'est impossible à Dieu, il lai donne l'exemple de la femme stérile; pour prouver son pouvoir de remettre les péchés, il guérit les maladies du corps; et ainsi des autres.

  A007001226 

 Le serment est la conclusion de toute la discussion. C'est le même Dieu qui fit serment à Abraham, à David, etc. Or, les paroles que l'on confirme par un serment doivent être claires et conformes au sens qu'y attachent ceux qui interrogent, s'ils ont le droit d'interroger; et les disciples avaient ce droit.

  A007001227 

 Cet homme était vraiment le Fils de Dieu.

  A007001253 

 Nous ne pouvons rien apprendre au sujet du Sacrement de l'Eucharistie, si ce n'est de la parole de Dieu.

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001278 

 Souvenez-vous d'Elie sur son char de feu: il monte vers Dieu et en même temps abandonne à son disciple, avec son double esprit, son manteau.

  A007001278 

 l'agneau pascal: immolé à Dieu, il est mangé par le père de famille et les autres convives.

  A007001306 

 Rompez ce pain, vrai gage d'immortalité, antidote qui, préservant de la mort, fait vivre par Jésus-Christ en Dieu.

  A007001306 

 Saint Ignace, aux Ephésiens: « Approchez-vous souvent avec empressement de l'Eucharistie, cette gloire de Dieu.

  A007001321 

 Je m'efforceray de traitter de cecy; mays il faut que ce soit Dieu, parce que c'est semen suum, etc..

  A007001321 

 La semence est la parole de Dieu; le fruict c'est la foy, l'esperance, la charité et le salut; la terre c'est nostre cœur.

  A007001323 

 La parole de Dieu, selon sa nature, doit estre preschee, semee et annoncee.

  A007001323 

 Que si elle est escritte, ce n'a pas esté pour abolir la prædication, mais plustost pour l'accommoder et enrichir; contre ceste sotte façon de parler de plusieurs qui disent qu'il ne faut rien croire qui ne soit escrit, et que l'Escriture suffit sans autre parole de Dieu; que chacun la peut entendre et y doit chercher la resolution de sa foy.

  A007001323 

 Si donques ce n'estoit pas de l'Escriture, et il n'y a point d'autre parole de Dieu que l'Escriture, semen non esset Mot Dei.

  A007001328 

 Que si on ne peut entendre sans ouyr, et que cest ouyr soit necessaire au salut, avec combien d'attention [308] faut il escouter la parole qui n'est pas parole humaine, mais parole de Dieu.

  A007001329 

 Et maintenant, pour la septiesme fois, clamabat, dicens: Qui habet aures audiendi, audiat, pour rendre ses auditeurs attentifz a la comparayson de la parole de Dieu a la semence.

  A007001329 

 Semen est Mot Dei; et comme la semence entre en la terre et ne demeure pas sur terre, ainsy faut il que la parole de Dieu, etc. Audiam quid loquatur in me Dominus Deus; Ps.

  A007001346 

 Encores que tant au ciel qu'en la terre Dieu soit tousjours par une parfaitte præsence en tous lieux comme il dict par Hierem., 23: Cœlum et terrain ego impleo, et ce que saint Pol dict, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus movemur et sumus, si est-ce neantmoins qu'il y a certains lieux lesquelz luy estant consacrés, sont appellés mayson de Dieu, habitation, lieu, temple, tabernacle, non pas pour ce qu'il soit plus la qu'ailleurs (parlant de Dieu en sa divinité), mays pour ce que la il confere particulierement ses graces et benedictions, et la il faict plus de demonstration de sa gloire..

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001347 

 [312] C'est de l'Eglise que vous aves appris, huguenotz, ce que vous sçaves, si vous en sçaves quelque chose, de l'incomprehensibilité et immensité de Dieu.

  A007001348 

 Mays je ne veux pas m'entretenir en cecy, car je ne pense pas qu'il y ayt icy personne tant ennemy de l'antiquité, qui ne porte honneur particulier aux eglises, comme maysons de Dieu; seulement je vous mettray un argument en main a ce propos, lequel vous pouves porter en face de tous les plus esveillés de nos adversaires..

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Et pourquoy donques y a il des jours qui sont appellés saintz, consacrés, dediés, et qui s'appellent jours de Dieu, jours du Seigneur? Dieu est il plus en ces jours la qu'es autres? Non [313] veritablement.

  A007001349 

 Je sçay bien que quelque fois saint Pol a dict que Dieu n'habitoit aux temples; mays c'estoit aux Atheniens qui croyoient aux idoles, pour leur monstrer qu'il n'y avoit qu'un Dieu qui remplissoit le ciel et la terre, sans avoir necessité de temples.

  A007001349 

 Pourquoy donques sont ilz plustost appelés jours de Dieu que les autres? Ah, me dires vous, parce que Dieu se les est reservés.

  A007001349 

 Saint Estienne en dict bien autant une fois, mais c'estoit contre les Juifz qui pensoyent qu'hors leur Temple jamais ne deust estre lieu sacré, et pensoyent qu'hors iceluy, Dieu ne deust jamais estre invoqué çelebrement..

  A007001349 

 Si pour ce que Dieu est en tous lieux il n'a point de lieu qui luy soit plus sacré l'un que l'autre, dites moy, pourquoy ferons nous aucunes festes? car s'il est en tous lieux, aussi est il en tous tems.

  A007001349 

 Vous me dires: Pour ce qu'en ces jours Dieu nous a favorisés de la creation et autres benefices.

  A007001350 

 Mays sur tout les Chrestiens y doivent avoir une plus grande reverence que les autres; car si les Juifz portoyent tant d'honneur a leur Temple dans lequel on ne sacrifioit que des animaux, quelle reverence doivent avoir les Chrestiens lesquelz sçavent que l'eglise est le lieu auquel est sacrifié Jesus Christ, ou le cors de Nostre Seigneur est reservé, si que nous pouvons bien dire ce que le bon homme Jacob disoit quand Dieu luy eut faict part de ses merveilles: Vere Dominus est in loco isto; Gen., 28..

  A007001351 

 En quoy encores elle nous instruit de ce que nous devons faire affin que Jesus Christ fasse son habitation chez nous; car nous sommes les temples de Dieu, pour lesquelz les autres temples ont esté faictz: Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis? Saint Luc dict donques que Nostre Seigneur traversant la ville de Hieri cho, voicy qu'un homme appellé Zachee, prince des publicains, fort riche, vouloit voir Nostre Seigneur quel homme c'estoit.

  A007001352 

 Zachee donques s'appercevant que Nostre Seigneur estoit entré en la ville, a cause du grand peuple qu'il voyoit se presser pour rapprocher, voyant qu'il ne le pouvoit voir parmi la presse, estant petit homme, il s'encourt devant, et monte sur un arbre de figue folle. Il n'est pas comme plusieurs qui pour les choses de Dieu ne remueroyent pas les pieds; mays il est ardent de ne pas laisser perdre ceste commodité.

  A007001353 

 Ainsy plusieurs estans couchés parmi leur meschanceté, sentent que Dieu frappe a la porte, ilz font des sourds; apres, ilz voudroyent se confesser, qu'il faut passer outre, et sçachans la beauté de la vertu, ilz font comme le paresseux: Vult et non vult piger; 13 Proverbes.

  A007001353 

 C'est icy ou il nous faut apprendre nostre leçon; car il y en a plusieurs qui voudroyent bien se ranger a servir Dieu, mays ilz y vont si laschement, que pour cela seul ilz sont reprehensibles.

  A007001353 

 Il appelle Zachee par son nom, luy faysant paroistre que c'estoit luy qui nomme toutes choses par leur nom et qui connoist toutes choses, et qu'il estoit Dieu; car Zachee ne l'avoit jamais veu, ni Nostre Seigneur Zachee, et en le voyant il l'appelle par son nom, Zachee.

  A007001353 

 Qui est ce qui ne juge devoir servir Dieu, et qui est ce d'entre les Chrestiens qui, [316] sçachant les grandes recompenses que Dieu donne a ses serviteurs, ne desire le servir? Mais quoy, ilz perdent tout le merite en ce qu'ilz retardent trop, et font comme l'Espouse es Cantiques, laquelle sentant son Espoux a la porte, fit difficulté de se lever pour luy ouvrir; apres, elle voulut luy ouvrir, mays il ne s'y trouva plus; elle le chercha, et ne le trouva plus.

  A007001365 

 C'est pour ceste rayson que desirant, en ces sermons suivans, prouver la verité du tressaint Sacrement de l'autel, j'ay creu que je ne pouvois mieux commencer, o mes tres chers Freres, que vous faisant voir clairement et distinctement la veritable doctrine de l'Eglise; doctrine si claire et si souëfve, que vos entendemens, au premier regard de sa beauté, la recevront, je m'en asseure, avec un amour et playsir incroyable, et la reconnoistront asses a son propre maintien et a sa grace pour estre fille de Dieu, sortie d e sa bouche et conceuë au sein de son infinie sagesse.

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001371 

 Et, outre cela, nos Chrestiens se tenoyent si serrés et couvertz en la celebration de ce mistere, que mesme ilz ne permettoyent pas aux catechumenes de le voir; si que les payens oyans dire absolument que les Chrestiens mangeoyent la chair du Filz de Dieu, et ne sçachans ni pouvans deviner que ce fust autrement qu'avec une façon charnelle, ilz accusoyent les Chrestiens d'un crime d'antropophagie..

  A007001372 

 O peuple, des personnes baptizëes, nourries et instruites en l'Eglise de Dieu, qui ont mille fois ouÿ et veu la celebration de la sainte Eucharistie et cent fois peut estre y ont participé; et apres tout cela, s'estant [325] separés de la sainte compaignie des fidelles pour faire des sectes a part, ne laissent pas de nous faire des argumens sur ceste calomnie aussi asseurement comme s'ilz estoyent tout a fait ignorans de nostre creance.

  A007001379 

 Or, je commençay a prouver que Dieu le pouvoit, tant par la commune regle de sa toute puyssance, que par des preuves particulieres touchant la pluralité des lieux d'un mesme cors.

  A007001381 

 O Seigneur, je loüeray de tout mon cœur vostre toute puyssance pourveu que vous ouvries mes levres a vos loüanges; j'adoreray vostre Majesté au saint Sacrement, pourveu que vous ternes tousjours vos paroles en mon cœur: car vos paroles m'instruiront que vous y estes Homme Dieu, reellement et veritablement, et que ceste vostre praesence n'est non plus impossible a vostre volonté, quoy qu'incomprehensible a nos foibles entendemens, que le reste de vos œuvres admirables.

  A007001383 

 [1.] Nous demeurasmes donques bien asseurés qu'un cors peut estre en plusieurs lieux par l'obeissance qu'il faict au commandement de son Dieu tout puyssant, auquel il n'y a rien d'impossible.

  A007001386 

 Ce qu'il disoit aux Atheniens au propos du Dieu inconneu.

  A007001386 

 La majesté de Dieu est tellement par tout, que saint Pol a dict: Non longe est ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus; Act., 17.

  A007001387 

 Et voicy maintenant la difficulté ouverte entre nous et nos adversaires; car nous disons que comme la præsence est ordinairement separëe de l'occupation de lieu es choses spirituelles, aussi le peut elle estre es choses corporelles par la toute puyssance de Dieu.

  A007001388 

 Voyes vous, il dict que tout cela est impossible aux hommes; mays ni cela ni autre chose n'est impossible a Dieu.

  A007001389 

 Ah mon Dieu, que ce que l'esprit humain hait est bien haï! qu'est ce qu'il ne va rechercher pour s'excuser? Voyes en saint Luc, 24, comme ses disciples s'esmerveillerent de ceste soudaine apparition, et voyant les portes bien fermëes, ilz pensoyent voir un esprit; comme nos adversaires, lesquelz quand on leur dict que Nostre Seigneur n'occupe point de lieu, ilz pensent que ce ne soit pas son cors.

  A007001391 

 A quelque prix que ce soit, ilz veulent ce qu'ilz ont dict une fois soit vray; ilz ayment mieux blesser la virginité de la Mere de Dieu que confesser leur faute.

  A007001391 

 Mais quoy, o mon Dieu, o mon Sauveur, o mon Maistre, permettes moy que je parle de la premiere entrëe que vous fistes en ce monde, en laquelle non vous, mais les Anges pour vous, vous voyant parmi les hommes, petit enfant, pauvret, nud et pleurant, chanterent: Gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis.

  A007001391 

 Voyes vous, mes Freres, Nostre Seigneur avec son vray cors sort hors du ventre de sa Mere sans aucune fraction ni ruption de sa virginité; ne failloit il pas donques que ce fut sans occuper [332] place, et qu'il passast par ce cors virginal par penetration de dimension? A Dieu ne playse que je die ce que nos adversaires respondent en cest endroit; c'est chose hors de respect.

  A007001391 

 chapitre, dict et proteste que la Mere de Dieu seroit Vierge, non seulement concevant, mays enfantant: Ecce Virgo concipiet et pariet; et en nostre Symbole: « Natus ex Maria Virgine.

  A007001393 

 Voudries vous bien, Messieurs, que je me servisse du tesmoignage de saint Augustin au 22. livre de la Cité de Dieu, chap. 8? La il est dict que Petronie eut un anneau d'un certain Juif, ou il y avoit une pierre pour la guerir de certaine maladie qu'elle avoit; l'anneau estoit tres bien lié et attaché a un lien, bien fort et ferme; elle s'en va au sepulchre de saint Estienne.

  A007001394 

 Si je voulois rapporter les raysons qu'alleguent Pierre Martyr et Calvin, je n'aurois jamais faict, quoy qu'il me seroit tres aysé de leur respondre en philosophie et a la scholastique; mays je n'ay que faire de me mettre sur la philosophie, quand j'ay la parole de Dieu pour moy.

  A007001404 

 Car a la verité, puysque c'est Jesus Christ et que Jesus Christ est Dieu, qui ne l'adorera je vous prie, aussi bien la qu'au Ciel, puysqu'il est escrit en saint Matthieu, 4: Dominum Deum tuum adorabis, et illi soit servies? car Nostre Seigneur, ou qu'il soit, il y veut estre [338] adoré.

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001428 

 Cor., 11; en tous lesquelz lieux Nostre Seigneur parlant de la viande qu'il donnoit instituant la manducation de la Cene, ilz rapportent qu'il dict que c'estoit son cors, par des paroles si expresses qu'elles ne le sçauroyent estre davantage, dont elle tire ceste claire rayson: Dieu l'a dict, Dieu ne peut mentir, donques il y est.

  A007001428 

 L'adversaire respond que Dieu ne l'a pas dict; nous monstrons ses propres motz.

  A007001432 

 Pourquoy voules vous, o Messieurs, adjouster vos interpretations sur le testament de Nostre Seigneur? Si saint Pol faict consideration sur un singulier et pluriel, tant il veut prendre rigoureusement la proprieté des parolles, pourquoy [345] voulons nous prendre la licence de renoncer a la proprieté des paroles du Filz de Dieu en ce sien testament?.

  A007001452 

 (Les huguenotz gastent et avilissent la parole de Dieu, celle des Sacremens et celle cy. Sil dict delere, ilz disent non imputare.) O quelle grace de Nostre Seigneur: Tu es Petrus, Cepha, Petros, et super hanc petram ædificabo.

  A007001507 

 Méprises-tu les richesses de sa [355] bonté? Ignores-tu que la bénignité de Dieu t'attire à pénitence? Je me tiens à la porte.

  A007001517 

 Dieu dans le buisson.

  A007001540 

 Elie: Si le Seigneur est Dieu, etc.

  A007001540 

 Ils jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A007001541 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé; vous ne dédaignerez pas, ô Dieu, un cœur contrit et humilié.

  A007001551 

 La bénignité et l'humanité de notre Sauveur est apparue, etc. Levez-vous, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que vous avez établi, etc..

  A007001552 

 Levez-vous, Seigneur, dans votre colère, et dominez au milieu de vos ennemis; et levez-vous, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que vous avez établi.

  A007001564 

 Choisis des hommes, et étant sorti, combats contre Amalec; demain je me tiendrai sur le sommet de la colline, ayant la verge de Dieu en ma main. Moïse frappe la mer de sa verge et elle est divisée; il frappe de nouveau, et elle se rejoint.

  A007001578 

 Dieu est par tout: Cœlum et terram ego impleo; et David: Si ascendero in cœlum, etc.; et saint Pol, Act.

  A007001592 

 Le peuple dit: Qu'est toute chair pour qu'elle entende la voix du Dieu vivant?... Tu diras: Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur [364] écoute.

  A007001593 

 Après que Dieu s'est plaint amèrement des péchés de Jérusalem: Montez sur ses murs et renversez-les.

  A007001593 

 Jéricho, c'est l'âme du pécheur; les murs, sont le péché: Les péchés ont établi une séparation entre Dieu et vous.

  A007001593 

 L'environnera, parce que comme les murs garantissent la ville des étrangers, ainsi le péché sépare de Dieu qui est pressé de frapper à la porte, et maintient sous la puissance du diable, à qui le pécheur appartient.

  A007001593 

 Vos péchés ont établi une séparation entre vous et Dieu.

  A007001603 

 Les parties sont Dieu et le diable, les armes sont la parolle de Dieu, l'inimitié est fondee sur une rebellion.

  A007001660 

 Dès le jour où tu as appliqué ton cœur afin de l'affliger devant Dieu, tes paroles ont été entendues. Et il avait dit auparavant: Je pleurai tous les jours pendant trois semaines; le pain si appétissant, je n'en [370] mangeai point; la viande et le vin n'entrèrent pas dans ma bouche. Comme remède au péché.

  A007001660 

 Ils jeûnèrent dans le Seigneur, et Dieu vit leurs œuvres..

  A007001688 

 Si vous êtes le Fils de Dieu..

  A007001689 

 Si vous êtes le Fils de Dieu, pour savoir s'il l'est; s'il ne l'est pas, pour lui inspirer de l'orgueil..

  A007001692 

 Dieu en disant, opère.

  A007001694 

 Providence de Dieu..

  A007001706 

 L'effect fut premierement la plus grande gloire de Dieu: Infirmitas hæc non est ad mortem, sed pro gloria Dei..

  A007001707 

 Or, ceste gloire de Dieu vint de la resurrection du Lazare, d'autant plus admirable, 1.

  A007001712 

 Ezechias malade se convertit a Dieu..

  A007001713 

 Saint exemple de recourir a Dieu; mays il faut, comme ces devotes dames, recourir en confiance.

  A007001719 

 Confiance en Dieu.

  A007001744 

 Au Dieu inconnu.

  A007001745 

 O Dieu, vos amis sont devenus extrêmement honorables.

  A007001828 

 La femme douée de grâces, Marie pleine de grâce, trouvera la gloire. Si Iaaïe [a dit]: Son sépulcre sera glorieux, combien plus le corps de Marie, la vivante demeure de Dieu..

  A007001830 

 Bienheureux ceux qui ont le cœur pur [391] parce qu'ils verront Dieu.

  A007001830 

 L'incorruption approche de Dieu.

  A007001857 

 Aussi, le Seigneur débute-t-il par ces paroles: Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai retiré de la terre d'Egypte et de la maison de servitude.

  A007001857 

 Les bienfaits de Dieu à notre égard sont si nombreux, que, pussions-nous vivre sans fin et le servir de toutes manières, nous n'égalerions pas sa libéralité; et après tout cela, nous devrions dire: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A007001857 

 Sachez que le Seigneur est Dieu; c'est lui qui nous a faits, et non pas nous-mêmes. Donc, tout ce que nous sommes, nous le tenons de lui.

  A007001867 

 Mais quel est le véritable amour? L'amour pur par lequel Dieu est aimé pour lui-même, le cœur lui étant totalement donné.

  A007001877 

 Fous y verres qu'encores que Dieu le nous eust laissé davantage, vous n'eussies pourtant gueres jouy du bien de sa presence; car il avoit tant de charité, qu'il eut tous-jours privé de ce contentement son espouse et sa fille, pour ne point frustrer de son secours l'Eglise sa mere et l'espouse de son Dieu.

  A007001877 

 Il vous fera resouvenir que vous estes fille d'un si grand prince, sa fille unique, sa chere fille; mays il adjoustera que vous estes fille de son esprit et de sa foy plus que de son cors, puysqu'il vous a receuë de Dieu par les prieres du grand saint François, duquel aussi vous portes le nom, et que par ce vous estes plus obligee de vous resjouyr en la vie et gloire de son esprit, que de regretter la mort de son cors.

  A007001877 

 Loues donq la bonté de Dieu, je vous supplie, de ce qu'il vous a fait naistre d'un si bon pere, et qu'il vous a laissé pour vostre conduitte une si vertueuse grand'mere et une si grande mere; et moy, je supplieray sa divine Majesté qu'elle vous donne les benedictions que Monseigneur vostre pere vous a desirees, pour le voir la haut en Paradis apres avoir heureusement fini la course de ceste vie, en laquelle je vous supplie tres humblement de m'advoüer,.

  A007001886 

 Si Dieu me donnoit autant d'esprit pour discourir et force a bien dire que j'en desirerois maintenant, pour le service de ceste action publique que nous celebrons pour honnorer la memoire du grand Philippe Emmanuel de Lorraine duc de Mercœur, lieutenant general de l'Empereur en ses armees d'Hongrie, je ne pourrois pas pourtant ni ne devrois vous representer, tres illustre et chrestienne assemblee, la justice du regret que nous avons pour son trespas.

  A007001898 

 Mais, je vous supplie, nostre Dieu ne dit-il pas au premier homme qu'au jour qu'il mangeroit du fruit defendu il mourroit de mort? Et neanmoins, si nous parlons selon le vulgaire, il ne mourut qu'apres plusieurs centaines d'annees despuis qu'il eut prevariqué; toutefois la verité est qu'il commença a mourir des le jour qu'il eut offencé, et continua jusques a son dernier jour..

  A007001899 

 Mais si nous les voyions maintenant qu'ilz en sont delivrés, mon Dieu, que nous serions honteux de les avoir appellés mortz, et que nous serions en peyne de trouver des belles parolles pour exprimer l'excellence de la vie en laquelle ilz sont arrivés! Aussi nostre langue françoise ne les appelle pas mortz, mais trespassés, protestant asses que la mort n'est qu'un passage et trait, au dela duquel est le sejour de la gloire..

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001902 

 Si vous faittes misericorde en terre, disent ilz, on vous fera misericorde au Ciel; si vous consoles les affligés icy bas, vous seres consolés la haut; si vous esclaires les ignorans en la nuict de ce monde, vous aures la clarté [406] de la vision de Dieu au plein midy de l'autre; si vous combattes pour Dieu en terre, vous seres couronnés au Ciel.

  A007001903 

 Que si je raconte quelques unes de ses vertus, ce ne sera pas pour donner lumiere [407] au soleil, comme l'on dit, ni que je presume de le pouvoir dignement louer, mais seulement pour faire reconnoistre a tout le monde que ce n'est pas sans grande rayson que l'on l'a regretté avec des pleurs si extraordinaires, que l'on honnore tant sa memoire, et que l'on a une si grande esperance qu'il est maintenant en la gloire de son Dieu.

  A007001905 

 O saint et celeste Esprit, o bel Ange de lumiere et de paix, qui fustes assigné a ce prince pour protecteur de son ame, et qui aves esté fidelle tesmoin des bonnes actions que Dieu luy a inspirees et que vous aves sollicitees, je suis vostre humble serviteur et devot; [408] suggeres maintenant a ma foible memoire ce que vous en jugerés de plus digne d'honneur et d'imitation..

  A007001907 

 C'est tous-jours Dieu qui fait en nous tout nostre salut, il en est le grand architecte; mays il procede differemment en ses misericordes, car il nous donne certains biens sans nous, et d'autres avec l'entremise de nos desirs, travaux et volontés.

  A007001907 

 Le prince Philippe Emmanuel duc de Mercœur receut abondamment des biens de la premiere façon, sur lesquelz il bastit un excellent ediffice de perfection de ceux de la seconde sorte; car quant au premier, Dieu le fit naistre de deux maysons des plus illustres, anciennes et catholiques qui soyent entre les princes de l'Europe.

  A007001910 

 C'est un roy d'or couronné de bois, beaucoup meilleur que les rois de bois couronnés d'or, lequel regne comme un autre David sur la montaigne de Sion, preschant et annonçant la foy de son Dieu.

  A007001915 

 Donques le duc de Mercœur considerant qu'il y a autant de difference entre la vertu et la noblesse qu'entre la lumiere et la splendeur, l'une esclàirante de soy et l'autre d'emprunt, louant Dieu d'avoir moyen de rendre ses actions plus exemplaires, il a tous-jours eu soin de ne rien faire qui peust obscurcir ou amoindrir la grande splendeur que la generosité de ses ancestres luy avoit acquis; et entant qu'il luy a esté possible, il l'a non seulement conservee, mais de beaucoup augmentee..

  A007001916 

 Saint Paul partage le devoir d'un Chrestien en trois [413] vertus: en la sobrieté que nous appelions temperance, en la justice et en la pieté: Ut sobrie, juste et pie vivamus, dit-il; la temperance au regard de nous mesmes, la justice quant au prochain, et la pieté pour ce qui concerne le service de Dieu..

  A007001919 

 Car il avoit une exacte connoissance et prattique des mathematiques, que le fameux Bressius luy avoit enseignees; il avoit aussi l'usage de l'eloquence et la grace de bien exprimer ses belles conceptions, non seulement en ceste nostre langue françoise, mays mesme en allemande, italienne et espagnole, esquelles il estoit beaucoup plus que mediocrement disert; et neanmoins il n'employa jamais son bien dire en choses vaines, ou pour mieux dire, il ne voulut abuser de ce beau talent que Dieu luy avoit si liberalement departi, ains il l'employa a la persuasion des choses utiles, louables et vertueuses.

  A007001923 

 Quant a la pieté envers nostre bon Dieu, qui est le souverain bien de nostre ame, c'estoit le rendes-vous de toutes ses pensees et le centre de toutes ses imaginations.

  A007001927 

 Ouÿr jurer et blasphemer le saint nom de Dieu luy estoit un mal insupportable.

  A007001929 

 Ce fut avec ceste mesme devotion d'employer tous ses biens au service de Dieu, qu'il mena bon nombre de cavalerie a ses despens au premier voyage qu'il fit en Hongrie..

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001931 

 Que restoit il donq a ce prince pour dedier a Dieu, sinon son cors et sa vie? Ce qu'il fit par le desir continuel qu'il eut des sa plus tendre jeunesse de faire la guerre [419] contre les infidelles, desir que Dieu luy a donné la grace d'assovir avec la gloire que la Hongrie et tout le Christianisme sçait et tesmoigne.

  A007001936 

 A peyne estoit-il arrivé, que voyant Canise assiegee de six ou sept vingt mille Turcz, apres avoir soigneusement mis ordre a tout ce qu'il jugeoit a propos pour son dessein, et sur tout ayant tiré promesse des princes et seigneurs du païs qu'il auroit la commodité des vivres necessaires pour l'entretenement de son armee, la teste eslevee en la confiance qu'il avoit en son Dieu, il la baissa par apres contre l'ennemy, s'achemine contre ceste puyssante armee, et de son premier effort en emporte une partie, qui l'attendoit avec force canons sur les avenues et passages, en un lieu fort avantageux pour l'ennemy et ou il s'estoit fort bien retranché.

  A007001942 

 Mais, mon Dieu, qu'il faisoit bon voir ce grand general demeurer a la queue de son armee, qui estoit presque destituee de tous ses autres chefz et reduitte a six ou sept mille hommes, la faim ayant fait retirer le reste, et amuser le Turc par escarmouches pendant qu'elle faisoit sa retraitte l'espace de cinq a six lieues, et jusques a ce qu'il l'eut entierement degagee d'une grande quantité de mauvais passages; combattant tantost a pied, tantost a cheval, se trouvant ores en teste de l'avant garde, ores a la queue de l'arriere garde, faysant l'office non seulement de general, mais de mareschal de camp, de general de l'artillerie, de sergent majeur, de colonnel, et bref ayant luy seul sur les bras le faix et la charge de ceste si perilleuse et tant admirable retraitte, en laquelle il se trouva plusieurs fois aux mains et meslee, donnant secours aux siens, signamment en une assistance fort remarquable qu'il donna a son arriere-garde laquelle s'en alloit desconfite par la furieuse charge de cinquante mille chevaux turcz, quoy que courageusement combattuz par le vaillant comte de Chaligny sous les heureux auspices de son frere et general, qui le secourut en fin si a propos, que les Turcz, battuz et repoussés, firent les premiers une autant honteuse retraitte que celle de nostre armee fut glorieuse, pour avoir esté faitte avec une poignee de gens que nostre general sauva et garantit heureusement des effortz [423] d'une si effroyable multitude, avec le butin de plusieurs pieces de canon..

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001947 

 Ce qu'il monstroit bien clairement es lettres qu'il escrivoit a Madame sa femme; car il mettoit tant de soin de rapporter a la seule gloire de Dieu les heureux succes de ses armes, qu'il sembloit mesme n'en vouloir pas estre estimé l'instrument: signe certain d'une vraye humilité, et non point affectee, puysqu'il la prattiquoit a l'endroit de celle qui n'estoit qu'un autre luy mesme..

  A007001947 

 Il sçavoit que le fruit des belles et saintes actions c'est de les avoir faittes, et que hors de la vertu il n'y a point de loyer digne d'elle; c'est pourquoy il n'en desiroit point d'autre que la gloire de nostre Dieu.

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001954 

 Dieu avoit donné a ce grand prince un cœur plein de valeur, un courage invincible.

  A007001954 

 Et semble certainement, a voir le progres de [428] sa vie, que Dieu luy ayt excité expres ces exercices, et qu'en fin il y eut appellé tant de sortes de nations pour tesmoins, a celle fin qu'elles y remarquassent le spectacle d'une extreme valeur et d'un extreme bonheur..

  A007001955 

 Ah, que les François sont braves quand ilz ont Dieu de leur costé! qu'ilz sont vaillans quand ilz sont devotz! qu'ilz sont heureux a combattre les infidelles! Leo qui omnibus insultat animalibus, solos pertimescit gallos, disent les naturalistes.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001957 

 Et par ce, la voyant proche: Or sus, dit il, loué soit eternellement en la terre comme au Ciel mon Dieu, mon Createur.

  A007001958 

 Il vescut jusques au treiziesme jour, auquel il rendit en paix et envoya son esprit a son Dieu, immediatement apres avoir prononcé ces divines parolles: In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum; redemisti me, Domine Deus veritatis..

  A007001959 

 Quand je dis que le duc de Mercœur est decedé, je dis aussi un grand duc et grand prince; mais ce qui est plus que tout cela et ou le monde ne peut atteindre, je dis ensemble un grand selon Dieu, grand en foy et religion, grand en vertu et preudhommie, grand en douceur et debonnaireté, grand en merites et bienfaitz, grand en prudence et en conseil, grand en reputation et honneur devant Dieu et devant les hommes, grand en toutes sortes et manieres.

  A007001963 

 » Car au reste, quel soin peut-il avoir pour ce qui est au monde? De Madame sa femme? Hé quoy, ne sçait-il pas qu'estant vertueuse et devote, elle se sçaura bien consoler en Dieu? De Mademoyselle sa fille? Hé quoy, ignore il qu'elle a une dame et mere qui suppleera le manquement du pere? De l'honneur de sa mayson? Mais il a laissé tant de grans princes qui le sçauront bien maintenir, voire accroistre mesme, a la faveur de ce grand Roy qui luy a rendu tant de tesmoignages de ses merites pendant sa vie, et tant d'honneur a sa memoire apres sa mort.

  A007001964 

 Hé, ne se trouvera-il personne qui veuille entreprendre de combattre pour la gloire de mon Dieu, et qui d'une ame courageuse reprenne mes brisees a la poursuitte d'une si sainte entreprise?.

  A007001966 

 Pour moy, je le considere en cest estat; car encor que je m'imagine que ce grand prince a esté pecheur, au moins comme le sont ceux qui tombent sept fois le jour, et qu'a l'adventure il a eu besoin de quelque purgation selon la severité du juste jugement divin, si est ce que d'ailleurs, considerant sa belle vie: helas, dis je, est il possible que celuy duquel Dieu s'est servi pour delivrer tant d'ames de la captivité des infidelles, soit encor privé de la jouissance de la pleine et triomphante liberté?.

  A007001967 

 Dieu exauce les prieres de tout le Christianisme, lequel, joignant ses vœux aux nostres, conspire en ceste voix pour vous: Dieu donne sa paix a celuy qui a tant combattu pour defendre la nostre; Dieu donne son Paradis a celuy qui a conservé les maysons de tant de Chrestiens; Dieu donne son temple celeste a celuy qui a tant preservé d'eglises en terre; Dieu reçoive en la cité de Hierusalem triomphante celuy qui a tant combattu pour la militante.

  A007001967 

 Dieu vous reçoive en son saint domicile, o belle ame.

  A007001967 

 Et Dieu donne a tous ceux qui font de telles prieres pour l'ame de ce grand prince la grace de sa sainte paix et de son eternelle consolation!.

  A007001967 

 Que si neanmoins le secret inscrutable de nostre Dieu vous avoit encores confiné, o devot et genereux esprit, pour quelque tems au sejour de purgation, voicy que nous vous donnons nos prieres et oraysons, nos jeusnes et nos veilles et tout ce que nous pouvons, et sur tout ces saintz Sacrifices, aflin qu'ilz vous soyent appliqués.

  A007001994 

 Elisabeth signifie serment de Dieu; Zacharie, mémoire de Dieu.

  A007001995 

 Il naquit de deux personnes justes devant Dieu.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002036 

 Dieu mit au ciel deux luminaires au commencement, l'un desquelz fut appellé par grand excellence le grand luminaire, et l'autre fut nommé le moindre; le grand pour esclairer et præsider au jour, et le moindre pour esclairer et præsider a la nuict; car encores que nostre Createur voulust qu'il y eust vicissitude de jour et de nuict, et que les tenebres succedassent a la lumiere, si est ce qu'estant lumiere luy mesme, il ne voulut pas que les tenebres et la nuict demeurassent du tout privees de lumiere; dont ayant creé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuict, affin que l'obscurité des tenebres fust encores meslee et attrempee par le moyen de sa clarté..

  A007002037 

 Ce mesme Dieu, avec sa sainte providence, voulant creer le monde spirituel de son Eglise, y a mis comme en un divin firmament deux grans luminaires; mais l'un plus grand, l'autre moindre.

  A007002037 

 Or ce grand luminaire venant [440] icy bas en terre, le Filz de Dieu prenant nostre nature humaine, comme le vray soleil qui vient sur nostre hemisphere, fit la lumiere et le jour; jour bienheureux et tant desiré qui dura trente trois ans environ, pendant lesquelz il esclaira la terre de l'Eglise par les rayons de ses miracles, exemples, predications et saintes parolles.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002039 

 Pourquoy ne pourroit on pas dire de mesme de la Mere de Dieu, a sçavoir qu'elle n'est pas morte encor, mais qu'elle mourra cy apres? Certes, si quelqu'un vouloit maintenir ceste opinion, on ne sçauroit le convaincre [442] par l'Escriture, et selon vos principes, o adversaires de l'Eglise Catholique, il seroit bien fondé.

  A007002041 

 Ma response est en un mot que Nostre Dame Mere de Dieu est morte de la mort de son Filz.

  A007002044 

 Le glaive de la parolle de Dieu, lequel, comme parle l'Apostre, est plus penetrant qu'aucune espee a deux taillans.

  A007002065 

 Et si quelqu'un veut contredire, nous avons a luy respondre, comme fit en cas pareil l'Apostre: Si quis videtur contentiosus esse, nos talem consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei; Que s'il y a quelqu'un qui semble estre contentieux, nous n'avons point telle coustume, ni aussi l'Eglise de Dieu..

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002073 

 Aux uns elle remonstre que la Vierge est creature, mais si sainte, mais si parfaitte, mais si parfaittement alliee, jointe et unie a son Filz, mais tant aymee et cherie de Dieu, qu'on ne peut bien aymer le Filz que pour l'amour de luy on n'ayme extremement la Mere, et que pour l'honneur du Filz on n'honnore excellemment la Mere.

  A007002073 

 L'Eglise qui va tous-jours par le chemin royal et se tient dans le milieu de la vertu, ne combattit pas moins les uns que les autres, mais determinant contre les uns que la Vierge n'estoit que creature et que partant on ne devoit luy faire aucun sacrifice, elle establit contre les autres que neanmoins ceste sainte Dame, pour avoir esté Mere du Filz de Dieu, devoit estre reconneuë d'un honneur special, infiniment moindre que celuy de son Filz, mays infiniment plus grand que celuy de tous les autres Saintz.

  A007002074 

 Et pour moy, j'ay accoustumé de dire qu'en certaine façon la Vierge est plus creature de Dieu et de son Filz que le reste du monde; pour autant que Dieu a creé en elle beaucoup plus de perfections qu'en tout le reste des creatures, qu'elle est plus rachetee que tout le reste des hommes, parce qu'elle a esté rachetee non seulement du peché, mays du pouvoir et de l'inclination mesme du peché, et que racheter la liberté d'une personne qui devroit estre esclave, avant qu'elle le soit, est une grace plus grande que de la racheter apres qu'elle est captive.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002133 

 O Dieu! quelle loyauté avec le Sultan; quelle équité avec ses sujets.

  A007002135 

 Les plus vives sollicitations ne purent jamais l'amener à promettre de cette sorte: Je m'engage à faire telle chose ou à renier Dieu.

  A007002139 

 O heureuse France, combien longtemps l'Epoux s'est nourri parmi tes lis! [467] Combien de royaumes, de provinces, etc. Dieu fasse que tes lis ne se flétrissent jamais, mais toi veille à ne les jamais perdre..

  A007002154 

 Caïus se figurait qu'il deviendrait Dieu en revêtant les insignes de la divinité; toutefois, ce n'est pas ainsi qu'on le devient, mais par les vertus.

  A007002172 

 Saint Grégoire de Tours, De la gloire des Confesseurs: « Garde le silence, ô homme de Dieu; c'est inutile de publier le nom d'un inconnu quand personne ne le demande.

  A007002173 

 Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille; pour moi, je ne contredis point, je ne me suis pas retiré en arrière.

  A007002194 

 Je t'en conjure devant Dieu.

  A007002196 

 Avec des lampes; de la parole de Dieu et de l'exemple des Saints.

  A007002197 

 Les cieux qui, comme des livres, ont annoncé la gloire de Dieu.

  A007002199 

 Aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A007002199 

 Levez-vous, morts, et venez, etc. Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront, etc..

  A007002200 

 Job, dans la loi de nature, témoigne, en conformité avec nous, de sa foi à l'article de notre résurrection; bien que celle-ci se puisse faire par Dieu seul.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000131 

 Afin de comprendre ce point, notez que Dieu a coutume de faire des miracles pour accréditer ses paroles, surtout lorsqu'il annonce quelque chose de nouveau.

  A008000154 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Cet homme souffre depuis trente-huit ans.

  A008000180 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; convertissez-vous et vivez. [6].

  A008000181 

 Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié? Et il récompense au delà du mérite: Ses commisérations surpassent toutes ses œuvres.

  A008000182 

 1 re raison: Parce que c'est Dieu qui a été offensé.

  A008000182 

 Tu as abandonné le Seigneur ton Dieu, Ils m'ont abandonné, moi, source d'eau vive.

  A008000184 

 Qui [7] jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008000185 

 Que Dieu est bon à Israël! Que vos paroles sont douces à mon palais! [8].

  A008000205 

 Ce n'est pas à moi, comme homme, de vous l'accorder, car ceci relève de Dieu; saint Augustin.

  A008000206 

 Car tout ce que nous avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu que nous sommes utiles.

  A008000206 

 Saint Augustin: Parce que nous sommes esclaves par nature, nous ne méritons que par la volonté de Dieu.

  A008000206 

 Saint Bède: Pour Dieu, non pour nous, parce qu'il n'a pas besoin de nos biens.

  A008000216 

 L'intention: obeir, s'unir a Dieu et au prochain..

  A008000222 

 Pour s'unir a Dieu.

  A008000266 

 Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu..

  A008000267 

 Mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. La trompette est la parole de Dieu.

  A008000268 

 convaincra de péché? et aussi qui a prêché et fait retentir comme une trompette la parole de Dieu: Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point? Rien ne vous empeche de croire, puisque je vous dis la vérité et que vous ne trouverez rien dans ma vie qui n'y soit conforme.

  A008000269 

 Et toi, fils de l'homme, prends une brique, mets-la devant toi et tu y décriras la cité de Jérusalem; et tu disposeras contre elle un siège, et tu bâtiras des fortifications, tu formeras un rempart, tu établiras contre elle des camps, et tu mettras des béliers autour. La brique, c'est le cœur de l'homme, car il est terre; Jérusalem, c'est l'ornement et la dignité de l'âme et de l'image de Dieu, de la foi et des dons de Dieu; connaître le Christ, être Chrétien.

  A008000270 

 Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu.

  A008000270 

 Entendre la parole de Dieu est un signe de prédestination et de filiation divine.

  A008000274 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé, un cœur contrit, etc. Excitez-vous à la componction dans vos lits.

  A008000287 

 v. 16 et 17, Dieu annonce un enfant de Sara, Abraham rit: Putasne centenario? etc.; utinam Ismael vivat.

  A008000295 

 Et le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le Ciel, et il est assis à la droite de Dieu..

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000299 

 Il faut s'en tenir à la parole de Dieu écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit: Gardez les Traditions que vous avez reçues, soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008000299 

 Il faut se confesser à Dieu, donc pas aux ministres du Christ; mais l'Eglise dit: à Dieu et à ses [22] ministres.

  A008000300 

 Car, Gen., XIII, 16, Dieu lui promet une postérité; Gen., XV, 2, 3, Abraham l'interprète d'Eliézer.

  A008000300 

 Dieu est plus grand que notre cœur.

  A008000300 

 Gen., XVII, 16, 17, Dieu annonce un enfant de Sara, Abraham rit: Pensez-vous qu'à un centenaire? etc.; plaise à Dieu qu'Ismael vive! Gen., XVIII, Sara de même.

  A008000302 

 II aux Antiochiens: «Elie laisse à son disciple son manteau; le Fils de Dieu, montant au Ciel, nous laisse sa chair; mais Elie s'était dépouillé, le Christ, lui, nous laisse sa chair sans la quitter lui-même,» bien qu'il la cache..

  A008000302 

 Or, il y a treize cents ans que saint Chrysostôme s'en rapportait à ce miracle; Du Sacerdoce, liv. III. «O miracle,» s'écriait-il, «ô bonté de Dieu! Celui qui siège là-haut avec le Père, en ce moment même, se livre à toutes les mains, se donne lui-même à tous ceux qui veulent le recevoir et l'embrasser.» Et hom.

  A008000317 

 Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les affections: ô Dieu! tout changera; les affections dépravées tomberont, ainsi que l'amour des biens passagers, etc. Et sur la terre la détresse des nations: dans la chair, détresse des sens.

  A008000346 

 Celui qui dit qu'il aime Dieu et ne garde pas ses commandements est un menteur.

  A008000349 

 Pour moi, il m'est bon d'adhérer à Dieu.

  A008000351 

 Pour la maison de Dieu: Qui est scandalisé sans que je brûle? Zèle du Christ pour la Vierge: Pose-moi comme un sceau sur ton cœur.

  A008000405 

 Quand vous serez crucifiés au monde et que le monde sera crucifié en vous, Dieu sera immortel en votre âme.

  A008000406 

 Qui nous séparera? Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu.

  A008000407 

 Toutefois, Dieu veut que nous soyons ordinairement instruits par les hommes [35] et non par les Anges.

  A008000411 

 Bon Dieu! et nous, nous voulons que tout prospère, que tout nous sourie! [37].

  A008000438 

 Les présents apaisent Dieu, et nous l'apaisons ainsi par instinct naturel, témoin Abel..

  A008000439 

 «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents.

  A008000442 

 Apportez au Seigneur, enfants de Dieu, apportez au Seigneur des petits de béliers.

  A008000443 

 Bon Dieu! qui sait si tu vieilliras? Un autre dit: Si j'étais Capucin je ferais des sacrifices à Dieu; honore Dieu du bien que tu as.

  A008000443 

 Dieu se contente de tout: Abel donne de ses troupeaux, et celui qui n'avait que des poils de chèvre pouvait les offrir.

  A008000443 

 Il y en a qui font hommage à Dieu de ce qu'ils n'ont pas.

  A008000443 

 Si j'étais docteur, etc.; honore Dieu par ta simplicité.

  A008000443 

 Si j'étais en santé; honore Dieu par ta patience.

  A008000443 

 Si j'étais riche, je donnerais, etc.; honore Dieu par ta pauvreté.

  A008000444 

 Saint Augustin [dit que les Mages donnèrent] de l'or, comme à un roi; de l'encens, comme à un Dieu; de la myrrhe, comme à un mortel.

  A008000491 

 Comment donc l'homme, c'est-à-dire ma misère, approchera -t-il de votre cœur sublime, c'est-à-dire de vos richesses et de vos trésors? Comment irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à ma misère, faites donc que par vous ma misère s'approche de Dieu.

  A008000491 

 Dites-moi, ô très chère Mère et ma très douce Souveraine, ces trésors resplendissants de la sagesse et de la science n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous les avez voilés et comme cachés dans votre chair, car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés.

  A008000492 

 O Seigneur Dieu, souvenez-vous que nous sommes poussière et que nous retournons en poussière.

  A008000493 

 Quant à vous, ô Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit, bénissez-nous tous..

  A008000496 

 C'est une sainte avarice des enfants de Dieu que de ne jamais se rassasier de bonnes œuvres.

  A008000497 

 Que ferez-vous donc? Pendant ce Carême, entendez la parole de Dieu, nourrissez-vous du Verbe dans l'Eucharistie, jeûnez, faites l'aumône, visitez les pauvres: voilà vos grandes œuvres.

  A008000499 

 Dieu regarda Abel et ses présents.

  A008000500 

 Aussi est-il dit, aux Hébreux, VI: Dieu n' est pas injuste pour oublier vos œuvres..

  A008000500 

 Et si, comme plusieurs le pensent, entre autres Suarez, l'intention formelle et actuelle n'est pas nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu.

  A008000500 

 Rendre, en effet, implique une dette; Dieu se constitue donc débiteur de la récompense.

  A008000504 

 La [55] connaissance de Dieu est le brouillard, la connaissance de nous-mêmes, la cendre répandue.

  A008000504 

 Le brouillard est la connaissance confuse de Dieu, qu'il répand comme la cendre, c'est-à-dire, selon la connaissance que nous avons de nous-mêmes.

  A008000550 

 Or, voici que le Christ vient à notre recherche et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y aura des signes, etc. Combien est utile la crainte de Dieu; combien juste la crainte du jugement..

  A008000551 

 Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est la tout l'homme.

  A008000551 

 La crainte de Dieu.

  A008000603 

 Le quatrième jour de la création Dieu dit: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour les temps, les jours et les années, afin qu'ils brillent dans le firmament du ciel et qu'ils éclairent la terre..

  A008000604 

 Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum.

  A008000604 

 O Dieu, que le commencement du monde est admirable, et comme Dieu prent la peyne de ranger toutes choses! Mays, o Dieu, que sa fin est espouventable, lhors que Dieu troublera et renversera tout! Comme quand un roy veut habiter un palais, on tend les tapisseries, on estale les meubles, ainsy quand Dieu mit l'homme au monde.

  A008000606 

 La crainte humaine à son tour est double: naturelle ou morale et mondaine; la crainte de Dieu, quadruple: servile, mercenaire, filiale, crainte des épouses..

  A008000607 

 Ainsi, qui dirait: Si Dieu prescrivait telle chose et ne sanctionnait pas ce précepte par la menace d'un châtiment, etc., je pécherais; mais comme, etc., celui-là serait pécheur d'affection.

  A008000607 

 Bien plus, cette crainte même serait péché, parce qu'il jugerait le châtiment plus à craindre que la faute et que Dieu, et qu'il estimerait son avantage au-dessus de tout et de Dieu même.

  A008000607 

 Quand la crainte excite et entraîne au [70] désir de servir Dieu et d'éviter le péché, etc. Cette crainte est un acte d'espérance, car la même vertu qui pousse au bien détourne aussi du mal.

  A008000641 

 Mes auditeurs, escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur extraordinaire de Dieu que je vous parle.

  A008000641 

 Mes chers auditeurs, si j'apporte en cette chaire autre desir de gloire que le desir de la gloire de Dieu, si j'y viens pour autre passion que pour la Passion du Sauveur, si j'ay prætention d'autre issue que de celle de vostre salut, que ma langue se replie en derriere, et demeur'attachee a mon gosier, que ma bouche soit dessechee et comm'une fontaine tarie qui ne peut point respandre ses eaux.

  A008000647 

 Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei.

  A008000662 

 Mais que crierai-je? Dis aux cités de Juda: Voici votre Dieu, et sa récompense est avec lui, etc..

  A008000665 

 La mort est dans la marmite, homme de Dieu.

  A008000666 

 Veulent être rivaux du Seigneur tous ceux qui cherchent à gagner le cœur de l'homme; le monde, le démon, cet ami qui veut être préféré aux commandements de [79] Dieu, cette amie, etc. C'est la voix de la nature humaine à la recherche de sa béatitude..

  A008000667 

 L'Epoux répond; il place les premiers éléments de la connaissance de Dieu dans la connaissance de soi-même: Si tu t'ignores, ô la plus belle.

  A008000668 

 (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez.

  A008000668 

 Pour moi, je ne vois pas ici un reproche, mais un conseil bienveillant qui nous apprend de quelle manière nous devons débuter dans la recherche de Dieu.

  A008000669 

 Pour expliquer le second sens, rappelons que Dieu dès l'origine nous a donné le nom d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre, nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi, ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez, dis-tu.

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000670 

 L'homme étant créé, Dieu le prit et le plaça dans le paradis de délices.

  A008000670 

 Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [ Nous mangeons ] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre..

  A008000671 

 Dieu avait insisté par une double menace: Tu mourras de mort; Eve, oubliant cette menace, l'atténue par le doute.

  A008000671 

 O Dieu! c'est la première porte ouverte au mal: Eve doute de la mort.

  A008000673 

 Or, Dieu voyant que l'homme avait péché par oubli de la mort, lui intime cette sentence: Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'il ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré; car tu es poussière et [ tu retourneras ] en poussière.

  A008000674 

 Dieu le forma et lui inspira un souffle de vie, de la vie mortelle et de l'immortelle, de la temporelle et de l'éternelle; des trois vies sensitive, végétative, raisonnable; de la nature et de la grâce.

  A008000674 

 Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme, puisqu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu! Comme Phidias, représentant Minerve, au centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à notre image (littéralement, avec notre image et notre ressemblance ).

  A008000695 

 Or, saint Joseph fut le vicaire et le lieutenant de Dieu le Père, chargé de sa famille et gouvernant le Fils de Dieu et la Mère de Dieu.

  A008000696 

 Les mariages selon Dieu unissent toujours des êtres semblables.

  A008000726 

 Job, répondant à Baldad le Suhite, parle de la puissance et de la providence divines, et entre autres choses il loue souverainement Dieu de ce que son esprit a orné les cieux, et que, de sa main créatrice, il a mis au jour Vartificieuse couleuvre.

  A008000729 

 La main créatrice de la providence de Dieu amène donc au jour le monde entier..

  A008000729 

 Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement.

  A008000730 

 Et Celui qui pourvoit aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne déposerait pas le venin des passions! Celui qui n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit, pourrait-il abandonner l'homme qui le suit fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de Dieu..

  A008000730 

 O Dieu! que cette providence est admirable à l'égard des serpents! Ils se [90] purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs le croient, avec du serpolet.

  A008000731 

 D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat.

  A008000731 

 L'esprit du Seigneur a orné les cieux de phalanges angéliques; cependant, comme sous l'influence de l'un d'entre eux, de l'antique dragon, plusieurs étaient devenus rebelles, par l'ordre de Dieu ils furent expulsés, chassés et précipités du Ciel.

  A008000731 

 Voyant la Jérusalem céleste, qui portait ces monstres en son sein, endurer comme les douleurs de l'enfantement, [91] Dieu, de sa main, mit dehors ce monstre.

  A008000732 

 La force de la pensée est tout entière dans la figure employée par l'Ecrivain sacré; c'est comme s'il était dit: Dieu le créa attentivement, avec soin; et il le créa esprit droit, non pervers, quoique maintenant il soit déformé et tortueux..

  A008000732 

 Le démon lui-même est créature de Dieu; il fut formé comme les autres pour orner les cieux, bien que sa malice ait causé sa perte.

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000733 

 Dans le temple comme dans le Ciel se trouve la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les aromates sont les prières des Saints, et les vingt-quatre [ vieillards ] prient par la mélodie de leurs harpes d'or.

  A008000733 

 Du Ciel et du temple Dieu chasse les acheteurs et les [92] vendeurs.

  A008000733 

 Or, Dieu chassa tous et chacun de ceux qui s'engagèrent dans la révolte.

  A008000733 

 Satan trafiquait pour ravir à Dieu l'autorité, aux autres l'obéissance; il s'était mis dans l'esprit de gouverner les créatures, brebis, bœufs, colombes: les brebis, les fidèles soumis; les bœufs, les prélats chargés de soins; les colombes, les religieux portés sur les ailes de la contemplation, les Anges inférieurs, les supérieurs et même les Séraphins.

  A008000733 

 Un temple est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils les temples des images des Saints, comme Dieu avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du Ciel.

  A008000734 

 [93] Or, Satan se sentait pressé par l'ambition la plus forte: Dieu lui laissa cette ambition et s'en servit comme d'un fouet pour le tourmenter.

  A008000736 

 Les Philistins s'emparent de l'Arche à mains armées et l'introduisent dans le temple de Dagon, et Dieu les frappa dans les parties secrètes.

  A008000736 

 Rien de plus agréable à Dieu, de plus utile pour vous.

  A008000736 

 Vous voulez voir vos maisons honorées, honorez la maison de Dieu.

  A008000758 

 Dieu d'un seul mot crée tout.

  A008000759 

 Dieu nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables..

  A008000760 

 Avant-hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs.

  A008000760 

 il entendait parler de l'obtention d'un miracle comme témoignage de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97] réponse distingue entre les justes, les pécheurs et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or, ici nous avons une pénitente et une âme juste..

  A008000761 

 Dieu a vraiment besoin de notre misère: Ayez pitié de moi parce que je suis infirme; et notre misère a besoin de la miséricorde de Dieu; Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions dans son cœur.

  A008000761 

 Nous supplions le Christ par deux motifs: par notre misère et par l'amour ou la miséricorde de Dieu.

  A008000762 

 En Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des considérations qui excitent les larmes..

  A008000762 

 Hésébon, cingule de douleur, ceinture de douleur, lorsque Dieu se ceignit de douleur.

  A008000787 

 Après avoir parlé du poisson callionyme et du fiel conservé en souvenir: O Dieu! Chrétiens, ici est conservé le mémorial de la foi; le plus auguste sacrement de la foi est exposé à vos yeux.

  A008000791 

 Si le Seigneur Dieu est avec moi et s'il me gardé dans la voie par laquelle je marche, le Seigneur sera mon Dieu..

  A008000822 

 O Dieu immortel! quelle vie que celle de cette Vierge et quelle mort! Mais éprouva-t-elle des douleurs? Oui, des douleurs d'amour.

  A008000851 

 Dieu a voulu le salut de tous, il invita surtout les Juifs et ils ne voulurent pas venir; il leur envoya des apôtres, ils ne voulurent pas les recevoir et même les mirent à [108] mort.

  A008000851 

 Le salut des hommes, telles sont les noces du Fils de Dieu.

  A008000852 

 Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus parfaite image de Dieu; dans la sainteté de la vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté..

  A008000853 

 Mais Dieu lui fit des vêtements de peau, ce que quelques-uns entendent de la mortification et de la pénitence, et que nous entendons de la charité et des mérites du Christ, afin que nous fussions couverts du vêtement fait de la laine de l'Agneau immolé.

  A008000854 

 Ainsi le bienheureux Hilarion conserva toujours sa première robe, car il commença à servir Dieu dès l'âge de quinze ans.

  A008000872 

 Je monterai au ciel, je placerai mon trône sur les astres de Dieu, je serai semblable au Très-Haut.

  A008000872 

 Saint Augustin, liv. XIII de la Cité [ de Dieu ], chap. XIV, citant les Proverbes, dit très bien de l'homme: Le cœur s'exalte avant la ruine et il s'humilie avant la gloire.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Et le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; car Dieu sait qu'en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal.

  A008000873 

 S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune.

  A008000905 

 Ainsi les Apôtres nous ont transmis la parole de Dieu, les docteurs la dégagent de toute ambiguité et les prédicateurs l'emportent pour la déposer dans les coeurs..

  A008001025 

 Il fut chéri de Dieu et des hommes, et sa mémoire est en bénédiction..

  A008001032 

 Pourquoi? Parce que c'était un péché contre la chose publique; et Dieu punit les péchés de la chair, etc. Pharaon et toute sa cour sont punis par la peste, au témoignage de [132] Josèphe, et en Gérara, Abimélech.

  A008001032 

 Sa vertu dominante fut une crainte souveraine de Dieu, comme on peut le voir en saint Matthieu, chap. I. L'homme et la femme adultères étaient, par la loi de Moïse, condamnés à mourir, non explicitement à être lapidés.

  A008001051 

 O Dieu quelle gloire.

  A008001054 

 O Dieu, Agrippine! «Occidat dum imperet.» Nostre Dame voudroit mourir pour la gloire de son Filz.

  A008001064 

 Je vois une petite source, une humble Vierge, qui devint grande comme un fleuve ( Le fleuve, par son impétuosité, réjouit la cité de Dieu.

  A008001110 

 Néanmoins, dès qu'il s'agit de la Bienheureuse Mère de Dieu, il est absolument juste de croire à ce privilège.

  A008001111 

 Et remarquez: Dès le commencement et avant les siècles je fus créée (c'est-à-dire de stinée à prendre la naturehumaine créée: Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies ); et après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi affermie dans Sion, et je me suis reposée dans la cité sainte, et ma puissance a été dans Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints.

  A008001111 

 Jacob vit Dieu au sommet de l'échelle, nous le voyons au bas.

  A008001128 

 Et comme quand les vignes fleurissent les vins fleurissent, ainsy par tout ou l'amour de Dieu fleurit, l'amour du prochain fleurit..

  A008001128 

 L'amour de Dieu engendre l'amour du prochain.

  A008001141 

 Et au commencement [147] du sermon: Dieu nous a recommandé en diverses occasions et en bien des manières la charité envers le prochain.

  A008001141 

 L'homme a été créé à la ressemblance de Dieu; donc, l'amour du prochain tend à ce que nous aimions en lui la ressemblance et l'image de Dieu, c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre cette image et cette ressemblance de plus en plus parfaite.

  A008001144 

 A cause de nos péchés, notre dette envers Dieu est immense.

  A008001167 

 Ainsi les hommes attribuent aux hommes et à la nature les biens qu'ils ont reçus de Dieu, et ils ne lui en rendent pas grâces; voilà pourquoi ils sont affligés....

  A008001199 

 Saint Grégoire de Nazianze, 1 re Apologie: «J'ai été appelé dès ma jeunesse, et dès le sein de ma mèr a j'ai été jeté en Dieu, et je lui ai été offert d'après la promesse maternelle.».

  A008001200 

 Simon: Comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage; grand prêtre, qui dans sa vie a soutenu la maison du Seigneur, et en ses jours a fortifié le temple; comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage, et comme la lune luit dans les jours de son plein, comme le soleil resplendissant, ainsi a-t-il brillé dans le temple de Dieu..

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001232 

 L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations.

  A008001262 

 Aussi, les Anges sont-ils les premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux.

  A008001288 

 Délivrez-moi du sang versé, ô Dieu, Dieu, etc. Moïse met sa main dans son sein, et elle se couvre de lèpre; mets ta main dans ton cœur, dans ton sein, et la commotion se fera.

  A008001289 

 Dieu: Qui t'a appris que, etc. La verge de Moïse saisie par l'extrémité.

  A008001313 

 On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes.

  A008001313 

 Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux acceptions: [1.] il est employé dans le sens strict et signifie alors demande; c'est la demande faite à Dieu de tout ce que nous désirons de lui; or, nous demandons de trois manières (voir l'Inventaire des vertus).

  A008001315 

 La fin de l'oraison est l'union avec Dieu, car du reste, Dieu n'a pas besoin de nos prières; c'est la transfiguration de l'âme, car cet acte persévérera au Ciel.

  A008001335 

 Comme votre esprit vous a portés à errer loin de Dieu, vous le rechercherez de nouveau avec dix fois plus d'ardeur..

  A008001339 

 A cause de David, etc., Dieu donna à Abiam un fils, Asa, parce que David avait fait ce qui était droit aux yeux du Seigneur et qu'il ne s'était point détourné de tout ce qu'il lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen.

  A008001340 

 Au contraire, selon Job, [les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de nous, nous ne voulons point de la science de vos voies.

  A008001356 

 Histoire du songe de Judas Machabée, à qui Jérémie donna un glaive d'or, lui disant: Prends ce saint glaive, don de Dieu, avec lequel tu extermineras les adversaires de mon peuple. Nicanor, chef [de l'armée] de Démétrius.

  A008001371 

 C'est pourquoi si les Anges, si Dieu lui-même pouvait s'attrister, il mourrait; Dieu, du reste, quand il était mortel, en mourut..

  A008001389 

 Assurément, un Dieu irrité ne pouvait être apaisé que par le Christ à venir.

  A008001389 

 Dieu regarda Abel.

  A008001389 

 Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [ dans son troupeau ].

  A008001422 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se sont couverts de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que ces pêcheurs eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont acquis des richesses.

  A008001425 

 Ainsi la verge d'Aaron a fleuri, et celle de Moïse a été agréée de Dieu.

  A008001425 

 Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père.

  A008001427 

 C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se couvrent de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voila que [ ces pécheurs ] eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont obtenu des richesses.

  A008001427 

 J'ai pensé pénétrer ce mystère, mais un grand travail s'offre à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu et que je comprenne leur fin dernière... Voir le Psaume XXXVI..

  A008001430 

 Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits.

  A008001432 

 Saint Augustin résout ainsi la difficulté: J'ai pensé pénétrer ce mystère; mais un grand travail s'offre à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu.

  A008001434 

 Du reste, ceux-là sont bons que le Dieu bon fait bons.

  A008001434 

 Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul, c'est-à-dire que la bonté est une propriété absolue et intrinsèque à l'être.

  A008001436 

 Ou bien, on marche d'une manière oblique en faisant tantôt bien, tantôt mal; comme ceux qui juraient par Dieu et jurent par Melchom..

  A008001438 

 C'est pour cela que Pereira, Viegas, Corneille disent avec saint Jerome qu' Israël signifie prince avec Dieu ou de Dieu.

  A008001438 

 Mais à la fin de toutes les Bibles, ces mots sont traduits par: puissant contre Dieu. [187].

  A008001438 

 Voir l'histoire rapportée dans la Genèse: Jacob lutta avec Dieu, d'où son nom de puissant contre Dieu, ou de prince avec Dieu, ce qui revient au même; car celui qui agit en prince avec Dieu, dans [186] le combat le rend son sujet.

  A008001449 

 ( Coram Domino in bonis, id est, de la part de Dieu et in ejus nomine; in malam partem, id est, contra Dominum.

  A008001463 

 ( Devant le Seigneur étant pris en bonne part, signifie de la part de Dieu et en son nom; en mauvaise part, il signifie contre le Seigneur.

  A008001465 

 Il en était de même des Gentils, comme le témoigne Pline, parlant de la dîme de l'encens donnée au dieu Sabin.

  A008001515 

 Veux-tu plaire à Dieu? Si tu n'as pas choisi un genre de vie, choisis-le; si tu l'as choisi, applique-toi au devoir de ton état: tu y trouveras Dieu, Dieu prendra soin de toi.

  A008001517 

 Nous devons porter à tout ce qui concerne Dieu un amour et un honneur analogues à celui que nous avons pour Dieu lui-même.

  A008001520 

 Vrai Dieu! jadis tous les Chrétiens étaient saints et sains, nul donc ne craignait le contact des lèvres, personne n'évitait une haleine pure; mais aujourd'hui:.

  A008001528 

 O prudente jeune fille, plût à Dieu que toutes vous imitassent! Quelqu'un vous caresse, pour ne pas être déçues allez aussitôt le dire à votre père ou à votre mère.

  A008001555 

 Comme Rachel représente l'union avec Dieu, la charité parfaite et la vie contemplative, il me semble voir en ce fait un sens mystique: sept degrés nous élèvent à la perfection et nous nous maintenons dans la perfection par sept vertus; ces sept degrés sont les sept dons du Saint-Esprit..

  A008001593 

 Avant de rien créer, Dieu, de toute éternité, jouissait de tous les biens réunis et ne manquait de rien.

  A008001593 

 C'est-à-dire: Dieu a tellement tout fait pour sa gloire, qu'il fait servir à cette gloire l'impie [203] lui-même, ce qu'on n'aurait pas même soupponne, car celui-ci se precipite vers le jour mauvais, le jour de calamite et de perdition.

  A008001593 

 La gloire de Dieu, en effet, consiste dans sa misericorde et sa justice; tout donc, par l'un ou l'autre de ces attributs, contribue à sa gloire..

  A008001594 

 Dieu a donc une autre gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les richesses de la gloire de son royaume et la grandeur de sa puissance, comme il est dit du festin d'Assuerus.

  A008001594 

 Il faut tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de Dieu: le monde entier le loue par l'organe de l'homme qui lui sert de procureur; l'homme, par le Christ qui lui sert de médiateur, et le Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme par Celui qui donne le mouvement et l'inspiration suprêmes..

  A008001594 

 Immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Le sacrifice de louange m'honorera, et c'est là, dans cette louange, que se trouve le chemin qui conduit à la vue du salut de Dieu.

  A008001594 

 J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative.

  A008001594 

 Mais il y a en Dieu deux sortes de gloire: l'une essentielle, et pour cette gloire, il n'a rien créé; le Pére a seulement engendré le Fils et avec lui exhale l'Esprit-Saint, afin d'exprimer sa perfection par ce seul Verbe et de l'aimer par ce seul soupir.

  A008001594 

 Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas; voir ce merveilleux passage, et enfin: Mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ à [204] Dieu.

  A008001595 

 C'est pourquoi, invitant toute créature à la louange de Dieu, David dit: Louez le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le, rendez-lui grâces.

  A008001595 

 Dieu, d'après de Valentia, sur la première Partie de saint Thomas, n'est pas sa propre fin.

  A008001595 

 Il n'a donc pas tout fait pour lui-même en ce sens qu'il soit la fin de son action, mais il a fait toutes choses pour lui-même parce qu'il est la fin de tout ce qui existe; tout donc a été fait pour la louange de Dieu, la louange de Dieu est donc la fin de tout l'univers.

  A008001596 

 Aussi l'Eglise a-t-elle ses chantres qui continuellement donnent des louanges à Dieu.

  A008001596 

 Qu'il est donc délicieux de chanter et d'entonner des cantiques au nom du Dieu Très-Haut!.

  A008001599 

 Le Myssolydien, au ton lugubre; c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et peut-être aussi du Christ quand il disait: O Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Or le cantique de Zacharie comprend tous ces genres.

  A008001601 

 Levez vos âmes vers Dieu; le jour approche, car voici venir les jours.

  A008001601 

 Premièrement, à l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après: La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y aura des signes, chant Myssolydien.

  A008001620 

 A ces mots: Dieu d'Israël, j'ai montré que le vrai Dieu était l'objet du culte d'Israël.

  A008001620 

 Mais pourquoi est-il dit ici qu'il a opéré la rédemption de son peuple? Est-ce parce qu'il était Dieu du peuple d'Israël, ou parce qu'Israël était le peuple de Dieu?.

  A008001621 

 Il faut ajouter en troisième lieu qu'il était le Dieu d'Israël parce qu'il avait été très souvent promis à ce peuple et qu'il lui avait donné des gages de son arrivée dans la bénédiction de Jacob; aussi l'appelait-on Celui qui doit venir.

  A008001621 

 Israël était le peuple spécial de Dieu parce que Dieu avait choisi Israël et l'avait radieté de la servitude d'Egypte; secondement, pour la cause relatée au verso du folio 154.

  A008001660 

 De là: J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en iniquité? Tout le jour ta langue a médité l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction comme un rasoir affilé.

  A008001661 

 Peut-être aussi n'a-t-il pas pris de l'huile du tabernacle, mais on appelait sanctifiée et sainte l'huile que Dieu avait ordonné de répandre ou que le Prophète avait bénite.

  A008001665 

 Au sens prophétique, Dieu a planté sa vigne, l'Eglise, dans le royaume du Christ, ou dans le Christ représenté par la corne qui contenait l'huile.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001665 

 Origène (voir son témoignage dans la Chaîne d'or ), Rupert, Haimon, Théophylacte, Eusèbe (liv. IV des Démonstrations, chap. XV), d'après Rio (Adage DCXCI de la I re Partie), appliquent au Christ ce passage d'Isaïe, et disent que le Christ est à la fois la corne et le fils de l'huile, parce que Dieu l'a oint de l'huile de la joie, que le Christ est oint et que son nom est un parfum répandu..

  A008001668 

 Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc..

  A008001671 

 J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettez plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu.

  A008001674 

 Dieu viendra du midi, et le Saint, de la montagne de Pharan; de Séïr et de la montagne de Pharan, montagnes par lesquelles passèrent les enfants d'Israël pour arriver en la terre de promission.

  A008001674 

 Votre œuvre, le genre humain, qui semble avoir coûté un travail à Dieu: Il forma [ l'homme ] du limon de la terre et le vivifia, il lui inspira un souffle de vie au commencement des années; mais maintenant, au milieu des années, vivifiez-le, car il était mort.

  A008001675 

 Pour moi, a Dieu ne plaise que je me glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi, au monde.

  A008001696 

 La grâce a été répandue sur vos lèvres, c'est pourquoi Dieu vous a béni pour l'éternité; l'huile répandue de la doctrine.

  A008001697 

 » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée.

  A008001700 

 Droit, pur: Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, c'est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a oint d'une huile d'allégresse.

  A008001700 

 Saint Pierre prêchant: Vous savez comment Dieu l'a oint de l'Esprit-Saint et de la puissance.

  A008001723 

 Dieu dit à Job: Qui a donné l'intelligence au coq? On prépare des bijoux et des vêtements pour l'épouse d'Isaac avant qu'elle soit connue.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger..

  A008001727 

 Que l'homme ne sépare point ce que Dieu a uni.

  A008001748 

 Quel est ce testament de Dieu? comment s'en souvient-il? que signifie: accomplir ses miséricordes envers nos pères?.

  A008001749 

 Et pourquoi? Parce que dans l'alliance de Dieu avec les hommes, les plus grands biens promis ne seront donnés qu'à la mort du testateur et que cette volonté de Dieu tire toute sa force et son effet de la [232] mort.

  A008001749 

 Et saint Paul: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle et buvaient le même breuvage; cependant, la plupart d'entre eux ne furent pas agréables a Dieu, et ils succombèrent dans le désert.

  A008001750 

 Assurément Dieu n'oublie pas: Car je suis le Seigneur et je ne change pas.

  A008001751 

 Dieu semble donc oublier et s'attarder.

  A008001752 

 Dieu a fait miséricorde.

  A008001752 

 La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [ Lorsque ] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.

  A008001752 

 La grâce du Sauveur notre Dieu est apparue..

  A008001753 

 Je rattache la fin au début: Dieu nous a fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à nous, comme un gage plus précieux que tout.

  A008001792 

 David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il parle de la justice de sa cause en face de ses ennemis, et non de la justice de son âme par rapport à [237] Dieu.

  A008001792 

 XVI: Eprouvez-moi, ô Dieu, etc..

  A008001794 

 NOTA. Capharnaum est souvent appelée cité du Christ: Il traversa la mer et vint dans sa ville, c'est-à-dire à Capharnaum, le champ de pénitence, comme le mont Moria, [dont le nom signifie amertume,] était l'antique demeure de Dieu.

  A008001795 

 Ce ne sont pas les Anges, ce sont les infirmités qu'il appelle ses soldats; aussi peut-on faire ici une digression sur la puissance de la parole de Dieu..

  A008001796 

 Ce ne sont pas seulement les paroles, ce sont les pensées mêmes de Dieu qui opèrent.

  A008001796 

 L'hébreu, d'après Rio, présente une antithèse: mais Dieu a pensé le changer en bien.

  A008001796 

 Toutefois, Dieu parle pour ce qui doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte progressivement selon les vues de sa Providence..

  A008001796 

 Vous avez formé un mauvais dessein contre moi, mais Dieu l'a changé en bien.

  A008001796 

 Vous avez pensé et vous n'avez pas réussi, Dieu a pensé et sa pensée est devenue acte.

  A008001798 

 Constantin le Grand défendit de marquer le front d'un stigmate, parce que le visage de l'homme est considéré comme représentant l'image de Dieu.

  A008001801 

 Saint Bernard écrit, épitre CCXCII e, à un homme qui avait osé détourner un novice de la vie religieuse: « Plût a Dieu que tu eusses la sagesse et l'intelligence et que tu prévisses tes fins dernières! Tu goûterais les choses de Dieu, tu comprendrais les choses du monde, tu prévoirais les supplices de l'enfer; tu aurais horreur de l'enfer, tu aspirerais aux choses d'en-haut, et tout ce qui regarde le mal du monde, tu le mépriserais.».

  A008001807 

 Cependant, ô mon âme, sois soumise à Dieu, puisque c'est de lui que vient ma patience; il veut que tu souffres l'injure, mais, pour la supporter, il est prêt à te donner la patience..

  A008001808 

 Saint Chrysostôme dit à ce sujet: Dieu nous ordonne d'aimer nos ennemis pour que l'amour ne reste pas oisif, car les amis sont si peu nombreux que si nous n'aimions que les amis, nous aimerions un très petit nombre de personnes..

  A008001846 

 Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise que c'est le Seigneur qui le tente, car Dieu ne tente point pour le mal.

  A008001859 

 O festin des Anges! Que le Seigneur mon Dieu soit béni, lui qui dresse mes mains au combat et mes doigts à la guerre.

  A008001885 

 Au quatrième jour de la création [Dieu dit]: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour [252] les temps, les jours et les années, et qu'ils éclairent la terre.

  A008001885 

 Dieu créa le monde dans le plus bel ordre; de là son nom de mundus qui signifie pur, et de cosmos, ordre, et d' univers (à la fois un et divers).

  A008001888 

 Aussitôt que le [253] signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A008001889 

 La voix: «Levez-vous, morts, et venez au jugement.» Bien peser ici les paroles du Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation.

  A008001890 

 Restait à trouver qui le lui donnerait, et voici que c'est Dieu..

  A008001915 

 Le Maître des Sentences se moque de cette interprétation parce que le nom même de Josaphat signifie jugement de Dieu; mais l'opinion [257] énoncée ci-dessus n'en est pas moins certaine.

  A008001919 

 Pour le commencement [du sermon]: Je t'en conjure devant Dieu et devant le Christ.

  A008001951 

 O Dieu! laquelle voulez-vous choisir? Faites un bon choix.

  A008001975 

 Quand nous avons interprété le premier verset du cantique de Zacharie, nous avons dit pourquoi Dieu est appelé le Dieu d'Israël; c'est à cause de la [266] religion de ce peuple.

  A008001977 

 Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que j'ai crié tout le jour vers vous; réjouissez l'âme de votre serviteur, parce que c'est vers vous, Seigneur, que j'ai élevé mon âme. De même: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme; mon Dieu, je me confie en vous, je ne [267] rougirai point.

  A008001977 

 La prière est en quelque sorte une sortie de nos confins, car elle est «une élévation de l'âme vers Dieu,» comme la définit saint Jean Damascène.

  A008001977 

 [Le grand Prêtre priait] localement devant le Propitiatoire, réellement et moralement devant Dieu représenté par le Propitiatoire..

  A008001979 

 Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort..

  A008002019 

 C'est pourquoi l'Esprit-Saiut apparaît sous forme de colombe et le Christ est déclaré Fils de Dieu: Celui-ci est mon Fils.

  A008002019 

 Là, nous sommes enfants de Dieu... Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les vers de la Sybille.

  A008002048 

 Et Isaïe: L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé a ceux qui vous attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne pouvaient regarder le visage de Moïse.

  A008002048 

 Mais comme il est écrit: Que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, que le cœur de l'homme n'a point conçu ce que Dieu a préparé a ceux qui l'aiment.

  A008002050 

 Voir la face de Dieu est le fondement de toute béatitude.

  A008002051 

 La définition de Boèce prise dans un sens absolu ne s'applique qu'à Dieu.

  A008002051 

 Ou bien on pourrait la définir: l'état par lequel nous possédons Dieu, «assemblage de tous les biens.

  A008002052 

 J'entends ainsi ce passage: l'image de Dieu dort, maintenant que nous la voyons comme par un miroir, en énigme; mais lorsqu'elle s'éveillera, que nous la verrons vivante, face à face, alors nous serons bienheureux.

  A008002052 

 Rien de ce qui est moins que Dieu ne peut remplir une âme capable de posséder Dieu..

  A008002053 

 C'est pourquoi Jésus fut transfiguré pendant qu'il priait, en cette contemplation de complaisance et de bienveillance dont nous avons parlé dans le livre de l'Amour de Dieu..

  A008002082 

 Terrible et redoutable menace! Mais comment Dieu, si plein de miséricorde, ne se présentera-t-il pas à ceux qui le cherchent? Nous répondrons à cette question si Dieu veut bien nous inspirer.

  A008002083 

 Dans ce texte: Le principe, c'est moi qui vous l'annonce, la version grecque met le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν tin archin: C'est moi qui vous annonce le principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur.

  A008002084 

 Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié, ou contiendra-t-il dans sa colère ses miséricordes? L'olivier est toujours verdoyant au milieu du déluge..

  A008002084 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; revenez et vivez.

  A008002085 

 On peut entendre ces paroles de trois manières: [1.] elles surpassent en excellence toutes ses œuvres; car l'Incarnation est une œuvre de cette miséricorde, or ce mystère et ses résultats surpassent toutes les autres oeuvres de Dieu.

  A008002085 

 Sur toutes ses œuvres, non sur les vôtres; et comme le péché est votre œuvre et non la sienne, Dieu en réclame sans merci l'expiation.

  A008002085 

 Tu as abandonné la source de la sagesse, car si tu avais marché dans la voie de Dieu, tu aurais assurément habité dans une paix éternelle..

  A008002087 

 Qui jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008002125 

 Notons que saint Paul avait dit auparavant: Que l'Evêque gouverne bien sa maison; or ici, il appelle l'Eglise, maison de Dieu; Dieu est donc préposé sur sa propre maison qui est l'Eglise, afin de la bien gouverner.

  A008002125 

 Voir ce passage: Je t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que si je tarde, tu saches comment tu dois te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la vérité.

  A008002127 

 Sur lequel l'Esprit-Saint vous a établis Evêques pour gouverner l'Eglise de Dieu.

  A008002129 

 O Dieu! il faut aimer les brebis pour le Christ et non pour la vanité; non pour en être honoré, mais pour que le Christ soit honoré par elles.

  A008002158 

 Dès lors, Jésus commença à découvrir à ses disciples, etc. Et Pierre: A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point.

  A008002163 

 Ce n'est pas à moi comme homme, c'est à moi comme Dieu; saint Augustin.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002197 

 Les richesses acquises selon Dieu sont bonnes.

  A008002234 

 Dans cette parabole, le Seigneur montre qu'il est Fils de Dieu, héritier de toutes choses, que les Scribes, les Pharisiens et les Prêtres le crucifieront et que le Royaume de Dieu leur sera enlevé.

  A008002236 

 La haie, c'est aussi la protection de Dieu, ou plutôt cette protection est le lien qui fait la force de la haie.

  A008002237 

 Nous sommes placés entre deux plateaux de bois, l'amour de Dieu et l'amour du prochain, et nous y devons agir et souffrir en martyrs.

  A008002240 

 Bien que ces vignerons fussent très méchants, jamais Dieu ne leur enleva la haie, le pressoir, la tour et la vigne, sinon lorsqu'apparut l'héritier qu'ils mirent à mort.

  A008002279 

 Aussi, pour démontrer qu'il n'en est pas de même en Dieu, les théologiens attribuent au Père la puissance, au Fils la sagesse, à l'Esprit-Saint la bonté.

  A008002281 

 Par orgueil, elle se complut en cette parole: Vous serez comme des dieux; ensuite, elle crut qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de Dieu ne devait pas être entendue à la lettre, comme elle l'avait tout d'abord comprise, et alors elle se décida à manger du fruit.

  A008002282 

 Averti par Dieu, il ne tint nul compte de l'avertissement, mais 1.

  A008002283 

 Ce ne fut, à mon avis, qu'un péché véniel, d'après ce passage du III0 Livre des Rois: Il ne s'était point détourné de tout ce que Dieu lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen.

  A008002287 

 C'est ainsi que nous pouvons la déclarer impossible aux hommes, même au moyen de la grâce ordinaire, mais non pas impossible à Dieu.

  A008002314 

 En effet, Dieu offrit toujours son secours à Israël, mais Israël ne s'en prévalut pas, et c'est pourquoi Dieu dit: Ta perte vient de toi, Israël, tu es cause de ta perte parce que tu négliges le secours que je te présente..

  A008002314 

 Il est dans l'Ecriture deux vérités que Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous enseigna toujours dans l'Eglise: la première est que si nous nous perdons, c'est par notre faute; la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à Dieu.

  A008002315 

 C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils..

  A008002315 

 Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le culte des faux dieux: Je serai comme une lionne, comme un léopard sur la voie des Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs entrailles, je les dévorerai comme un lion.

  A008002315 

 Ne dis pas: Dieu est cause que [ la sagesse ] est loin de moi, car il dépend de toi de ne pas faire ce qu'il hait.

  A008002316 

 Dieu donc ne repousse personne s'il n'en est repoussé, il n'abandonne personne s'il n'en est abandonné, il ne rejette personne s'il n'en est rejeté.

  A008002317 

 Dieu laisse, en effet, à l'homme sa liberté: celui qui vous a créé sans vous, ne vous sauvera pas sans vous; il vous a fait sans que vous le sachiez, il ne vous sauvera pas sans que vous le vouliez..

  A008002387 

 Dans ce passage, le Seigneur reproche à ces hypocrites d'exagérer superstitieusement certaines traditions et d'en avoir établi d'autres qui étaient contraires à la Parole de Dieu.

  A008002387 

 Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu.

  A008002389 

 De là cet ordre du Père: Ecoutez-le ); et aussi son Apôtre: La foi vient par l'ouïe, et l'ouïe par la parole de Dieu.

  A008002389 

 Si l'on en croyait les hérétiques, ce dépôt serait la grâce de Dieu que Timothée reçut pour bien remplir ses fonctions; mais les mots suivants montrent toute la sottise, toute la fausseté de cette interprétation.

  A008002390 

 Et ce caractère [322] se retrouve, pour ainsi dire, en tout; les hérétiques admettent certains points et en rejettent d'autres: ils voudraient la figure, le signe, et non la réalité; l'attribution, non la grâce; la foi, mais non les œuvres; la rémission, et non l'absolution des péchés; l'administration, mais non l'épiscopat; la prière adressée directement à Dieu, mais non la médiation des Saint6..

  A008002390 

 L'Eglise Catholique veut toute la Parole de Dieu, Ecritures et Traditions.

  A008002427 

 Mais prions Dieu..

  A008002435 

 Nous devons remarquer que nulle tradition ne contredit à l'Ecriture (car l'une et l'autre viennent du même Dieu); toutes les traditions au contraire sont [327] conformes à l'Ecriture.

  A008002437 

 L'erreur des Ariens en est la preuve; ils voulaient changer de place le point en ce texte: Au commencement était le [328] Verbe, et le Verbe était en Dieu, et Dieu était.

  A008002462 

 Mais il faut se rappeler que tous ces péchés étaient opposés à la vertu de religion, cette [331] reine de toutes les vertus morales, qui consiste dans la constante et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû..

  A008002462 

 On transportait de Gabaa l'Arche de Dieu; les bœufs regimbaient et la faisaient pencher.

  A008002465 

 O abomination de la désolation! l'ennemi a porté la main sur tout ce qu'elle avait de plus désirable, car elle a vu les nations entrer dans son sanctuaire, nations au sujet desquelles il était ordonné qu'elles n'entreraient point dans le sanctuaire de Dieu.

  A008002500 

 Ainsi Dieu envoie parfois les tribulations pour fertiliser les âmes..

  A008002500 

 D'autres fois, pour l'épreuve et l'exercice de la vertu, comme il est arrivé à Job et à Tobie; voir Tobie, II. Dieu frappe parfois nos moissons d'une grêle de perles.

  A008002502 

 Et enfin, p our manifester les œuvres de Dieu.

  A008002502 

 O toute suave providence de Dieu!.

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002539 

 Au contraire: Ne sais-tu pas que la bénignité de Dieu t'attend à pénitence! Mais je donnerai trois règles d'après lesquelles nous devons procéder dans ces conjonctures..

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002540 

 Quand notre prochain est frappé, s'il s'agit d'un homme fidèle et craignant Dieu, nous ne devons jamais dire qu'il est puni pour ses péchés.

  A008002540 

 Sur cette conduite de Dieu, nous devons nous abstenir de toute recherche curieuse.

  A008002563 

 En fin, il fit tant par ses journees, quil se perclit, si Dieu n'eut pitie de luy; dequoy on est incertain..

  A008002580 

 Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire.

  A008002585 

 Il partagea mal, offrant à Dieu ce qu'il avait de moins bon; 2.

  A008002585 

 il fut violemment irrité et son visage fut abattu, de là vient la question que Dieu lui adressa: Pourquoi ton visage est-il abattu? 4.

  A008002587 

 Oubli des choses célestes: Le Seigneur s'irrita contre Salomon parce que son âme s'était détournée du Seigneur Dieu d'Israël.

  A008002590 

 Hélas! nous présumons trop de nous-mêmes; il ne suffit pas de reconnaître que nous tenons tout de Dieu, il faut encore ne pas croire que nous ayons beaucoup.

  A008002591 

 L'homme juste et craignant Dieu.

  A008002592 

 Les anciens moines, d'après Cassien, priaient constamment: O Dieu, venez à mon aide.

  A008002629 

 Pourquoi Naboth dit-il: Que Dieu me soit propice? C'est parce qu'il n'était permis aux Juifs de vendre leurs biens que jusqu'au temps du [354] jubilé.

  A008002631 

 Je laisse de côté les causes générales pour lesquelles Dieu permet le péché (voir [Bellarmin], liv. III, chap. II De la perte de la grâce et de l'état du péché ), et je dis que le Christ voulait réfuter d'avance les Apathistes: Euthimius, Palladius, Evagrius de Pont, qui affirmaient que les Saints et les justes étaient exempts de toute perturbation.

  A008002631 

 Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [ de Dieu ], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions.

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002648 

 Dieu envoye sa grace suffisante: Ne dicas, per Deum abest.

  A008002657 

 Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes... Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le Seigneur... Dieu ne veut pas que personne périsse... Que nul lorsqu'il est tenté, ne dise, etc. Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton bien.

  A008002658 

 Voilà la grâce prévenante: Dieu n'est aimé que s'il aime [le premier].

  A008002658 

 Voir dans le livre de l' Amour de Dieu..

  A008002659 

 Dieu envoie sa grâce suffisante: Ne dis pas: Dieu est cause que [la grâce] est loin de moi..

  A008002687 

 François de Borgia, voyant l'Impératrice défunte, etc. Toutefois, le moyen ordinaire est la parole de Dieu..

  A008002687 

 Il est admirable de voir combien sont multipliés les moyens par lesquels [Dieu] blesse les cœurs, combien sont nombreux les sentiers dans lesquels il décoche ses flèches! Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et [361] cette image la frappa comme une prédication muette.

  A008002720 

 Il est vrai que la grâce de Dieu nous est nécessaire, mais aussi jamais elle ne nous manque: Ils ont été rebelles à la lumière.

  A008002720 

 Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif.

  A008002720 

 Voir dans le livre de l'Amour de Dieu l'exemple de celui qui ferme les yeux.

  A008002761 

 Oh! plaise à Dieu que ce soit à votre avantage! etc..

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Voici l'Agneau de Dieu, et Faites pénitence.

  A008002765 

 Ainsi les Anges résument de cette sorte tout le livre de la Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.

  A008002765 

 Du reste, ayez la paix, et le Dieu de paix et de dilection sera avec vous.

  A008002767 

 si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui lui sont dues; les sources se dessèchent si personne n'y puise.

  A008002821 

 Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité... La femme lorsqu'elle enfante, etc. D'après Rupert et plusieurs Grecs, l'enfant doit être le Christ; voir Maldonat.

  A008002822 

 Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, qui l'écoutent et qui l'accomplissent.

  A008002842 

 Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable; car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air.

  A008002871 

 Cependant les Juifs eux-mêmes avouent que notre version représente le texte original, mais qu'il ne faut pas en conclure que les femmes pieuses offraient leurs miroirs, ordinairement d'airain, parce que déjà elles avaient rejeté la vanité pour vaquer au service de Dieu et du Temple).

  A008002874 

 Car la parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est vertu de Dieu.

  A008002874 

 Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit.

  A008002874 

 Dieu ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l'Evangile; non point toutefois selon la sagesse de la parole, afin de ne pas anéantir la croix du Christ.

  A008002874 

 Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes.

  A008002876 

 Confiance en Dieu et piété.

  A008002900 

 Comme les pères font tout en vue de leurs enfants, car ils thésaurisent pour eux, ainsi que dit saint Paul, de même Dieu le Père a tout fait pour son Fils, parce que, selon la remarque de Corneille, le Fils de Dieu, en tant que Dieu, est héritier naturel, et en tant qu'homme il a été constitué héritier..

  A008002900 

 Il a tout [388] créé pour les élus; or les élus ont été créés pour le Christ et le Christ, pour Dieu.

  A008002900 

 Qui a été prédestiné Fils de Dieu.

  A008002900 

 Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est a Dieu.

  A008002902 

 La suite prouve en faveur de la révérence passive: Et même, quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert.

  A008002903 

 Le principe des créatures de Dieu.

  A008002904 

 Prosper, sentence 30: A quelle élévation doit arriver l'homme, pour lequel un Dieu s'est fait homme! [390].

  A008002934 

 Donc, pendant une heure, puisque c'est l'espace de temps destiné à cette manducation spirituelle, nous [391] mangerons autant que nous pourrons, et nous dirons: premièrement, que Dieu nous a destiné un certain travail à accomplir; secondement, qu'à ce travail il a préparé une récompense; et en troisième lieu, que la récompense sera proportionnée au travail accompli..

  A008002935 

 «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés.

  A008002938 

 C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense.

  A008002938 

 Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent.

  A008002940 

 Saint Augustin, sur le Psaume XCIII, [suppose ce dialogue entre Dieu et l'homme]: «J'ai quelque chose à vendre.

  A008002959 

 Ceux-ci, se flattant d'être riches de la connaissance des mystères de Dieu, sont tardifs à abandonner leurs richesses.

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002961 

 Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008003023 

 Il y a dans mon âme la partie supérieure et [403] la partie inférieure: Je sens une autre loi; je me complais clans la loi de Dieu selon l'homme intérieur.

  A008003024 

 Dans son sein: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez sucées; dans son esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.

  A008003024 

 Marie, par un parfait renoncement aux choses temporelles et à la prudence de la chair, laisse Marthe servir; car elle est tout absorbée par la contemplation et la confiance en Dieu.

  A008003049 

 Mais nous ne pouvons parler de la prière que si Dieu nous instruit; disons donc avec les Apôtres: Seigneur, enseignez-nous à prier..

  A008003054 

 Beau passage, dans l'Exode: Pourquoi cries-tu vers moi? Saint Bernard, sermon XVI e sur le Psaume XC, dit: «C'est une clameur aux oreilles de Dieu, qu'un ardent désir.» Auprès de Dieu le cri ne vaut pas autant que l'amour.

  A008003056 

 Toute prière renferme toujours une demande à Dieu; nous sommes serviteurs inutiles, non relativement à nous-mêmes, mais relativement à Dieu.

  A008003057 

 Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes; toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008003078 

 Voir dans les Actes des Apôtres, saint Paul appelé vase d'élection, non seulement parce que Dieu le prédestinait à la gloire, comme il y prédestine les autres élus, mais parce qu'il le destinait soit à une éminente grâce de celles qui sont appelées gratum faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et qu'il l'appelait à une mission extraordinaire.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003090 

 Dieu m'a donné un extraordinaire desir de planter en tous les cœurs des enfans de la sainte Eglise la reverence et l'amour de la sainte Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A008003090 

 J'ay plusieurs fois consideré qu'apres que le grand Judas Machabee eut reedifié le Temple de l'ancienne Sinagogue, la nation hebraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombans en face louerent et benirent Dieu qui les avoit ainsy prosperé.

  A008003099 

 Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle..

  A008003100 

 A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle David; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles..

  A008003101 

 A ceux du tiers estat, j'offre la croix de l'humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix que Dieu a attachee a leur naissance, mais sanctifiee par l'usage que Jesus Christ a fait du mestier de charpenterie; et il fait [417] dire de soy mesme par son Prophete: Je suis dans le labeur et dans le travail des ma jeunesse.

  A008003106 

 Ceux qui refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur presente en ceste vie auront en l'autre le partage de Judas..

  A008003122 

 Les enfants d'Israël murmurent dans le désert parce qu'ils manquaient de pain; ils doutent que Dieu puisse leur préparer une table dans le désert; et le Seigneur s'irrite de leur défiance, le courroux du ciel s'allume contre eux: Male locuti sunt de Deo, dixerunt: Nunquid poterit Deus parare mensam in deserto? Ignis accensus est in Jacob, et ira ascendit in Israel.

  A008003122 

 Moïse et Aaron, dans une autre circonstance, recourent à Dieu pour avoir de l'eau.

  A008003122 

 Moïse frappe deux fois le rocher, l'eau coule avec abondance; mais parce que son frère et lui avaient eu quelque doute, Dieu leur déclare qu'ils n'entreront point dans la terre promise: Quia non credidistis mihi, non introducetis hospopulos in terram quam dabo eis.

  A008003122 

 Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il entreprenne de mesurer sur sa faible intelligence le pouvoir et les mystères de Dieu? Aussi, voyez comment le Seigneur punit ce péché.

  A008003128 

 Ce Disciple bien-aimé, cet aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé; il a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l' Alléluia.

  A008003129 

 Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive reconnaissance..

  A008003140 

 Ah! s'écrie saint Bonaventure, si une épine seulement nous blesse le pied, nous jetons des cris de douleur; et comment donc serions-nous insensibles aux maux extrêmes qu'a soufferts notre Chef et notre Seigneur! «Quare magis compateris parvae puncturae pedis tui, quam gravissimae morti Domini tui!» Quoi! dit encore le même Saint, nous ne pourrions soutenir la vue d'un tourment affreux exercé, je ne dis pas sur un parent ou sur un ami, je ne dis pas sur un homme inconnu, mais sur un vil animal; et nous verrions sans douleur l'excès des maux que souffre notre Dieu! «Si videres animal brutum ita affligi, humano affectu compatereris, quanto magis Domino Deo!».

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003157 

 Là j'entonnerai le cantique du salut: Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés: Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus.

  A008003158 

 Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.».

  A008003158 

 Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu' il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000067 

 La tres sainte Eglise a accoustumé de nous preparer dès la veille des grandes solemnités, à fin que nous venions à estre plus capables de reconnoistre les grans benefices que nous avons receus de Dieu en icelles.

  A009000068 

 Ces paroles sont tirées de celles que Moyse addressa aux enfans d'Israël lors qu'il sceut le jour que Dieu avoit destiné pour leur donner la manne dans le desert.

  A009000068 

 Il parle ainsy comme si le Seigneur devoit venir en sa propre gloire, bien que nous sçachions tous que Dieu ne va et ne vient pas comme s'il avoit un corps, car il est immuable, ferme et solide, sans mouvement aucun; neanmoins Moyse use de ces termes pour monstrer que le benefice de la manne estoit si grand qu'il sembloit que Dieu deust venir luy mesme pour la porter et distribuer aux enfans d'Israël.

  A009000069 

 Alexandre le Grand estant à l'article de la mort, ses courtisans, fols, insensés et flatteurs, luy vindrent dire: «Sire, quand te plaist-il que nous te fassions dieu?» Lors Alexandre monstra bien, en la response qu'il leur fit, qu'il n'estoit pas si fol comme eux: «Vous me ferez dieu quand vous serez bienheureux,» leur respondit-il.

  A009000069 

 Car ils pensoyent que si bien il y avoit un Dieu supreme qui est le premier principe de toutes choses, il pouvoit neanmoins y avoir plusieurs dieux, ou du moins des hommes qui, participant en quelque façon aux qualités divines, se pouvoyent appeller dieux.

  A009000069 

 Entre les payens, cet instinct qu'ils avoyent que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu leur a fait faire des choses estranges, jusques là qu'ils croyoient, au moins quelques-uns, de se pouvoir faire dieux et se faire adorer comme tels du reste des hommes.

  A009000069 

 Je dis chrestien, d'autant que nuls que les Chrestiens n'ont jamais sceu comprendre comme il se pouvoit faire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu.

  A009000070 

 Et nostre entendement, qui est l'œil de nostre ame, ne le peut regarder longuement sans s'obscurcir, et confesser en s'humiliant qu'il ne peut penetrer dans le fond de ce mystere, pour comprendre comme Dieu s'est incarné dans le ventre virginal de la tres sainte Vierge, et s'est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu..

  A009000070 

 Les Chrestiens ont esté plus esclairés, et ont eu l'honneur de sçavoir que l'homme a esté fait Dieu et que Dieu s'est fait homme, bien qu'ils ne soyent pas capables de comprendre la grandeur du mystere de l'Incarnation et de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur, car c'est un mystere caché dans l'obscurité des tenebres de [3] la nuit; non pas que le mystere soit tenebreux en soy mesme, car Dieu n'est que lumiere.

  A009000071 

 Dieu faisoit pleuvoir de nuit la manne dans le desert pour les enfans d'Israël; et à fin que les Israëlites eussent plus de sujet de luy en sçavoir gré, il voulut dresser luy mesme le festin et la table, car vous avez entendu que Moyse dit: Vous sçaurez que le Seigneur vous a retirés de l'Egypte, et au matin vous verrez sa gloire.

  A009000071 

 Dieu voulant de mesme faire un benefice signalé et incomparablement aymable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un desert, où ils ne font que souspirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est nostre patrie celeste, vient luy mesme en personne nous l'apporter, et ce au plus fort de la nuit.

  A009000073 

 Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Nostre Seigneur deust violer l'integrité de sa Mere, luy qui ne l'avoit choisie sinon parce qu'elle estoit vierge? Luy qui estoit la pureté mesme eust-il peu diminuer ou entacher la pureté de sa tres sainte Mere? Nostre Seigneur est engendré et produit virginalement de toute eternité du sein de son Pere celeste; car si bien il prend la mesme divinité de son Pere eternel, il ne la divise pourtant pas, ains demeure un mesme Dieu avec luy.

  A009000073 

 Tous les Prophetes ont sceu que la Vierge concevroit et enfanteroit un enfant qui serait Dieu et homme tout ensemble; elle concevroit, mais par la vertu du Saint Esprit; elle concevroit son Fils virginalement et l'enfanterait de mesme virginalement.

  A009000075 

 Et comme ces trois gousts ou saveurs se trouvoyent en une seule viande qui estoit la manne, de mesme en la personne de Nostre Seigneur il y a trois substances, lesquelles toutes trois ne font qu'une mesme Personne, qui est Dieu et homme tout ensemble.

  A009000079 

 Dieu, quelles enseignes sont celles cy pour faire reconnoistre Nostre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïfvement ce qui leur estoit annoncé! Les Anges eussent eu quelque rayson de se faire croire s'ils eussent dit: Allez, vous trouverez l'Enfant assis sur un throsne d'ivoire et entouré de courtisans celestes qui luy tiennent compagnie.

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000080 

 Mais remarquez qu'il n'y eut que les bergers qui veilloyent sur leur troupeau qui eurent l'honneur et la grace d'ouïr cette gracieuse nouvelle de la naissance de Nostre Seigneur, pour nous monstrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j'ay dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de nostre ame, pour les faire repaistre dans quelque saint pasturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne meriterons point d'ouïr cette nouvelle tant aymable de la naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l'aller visiter dans la creche où sa tres benite Mere le posera demain..

  A009000081 

 O Dieu, quelle bonté de cet aymable Sauveur! Il s'est sousmis à faire tout ce que font les autres enfans, pour ne paroistre autre chose qu'un pauvre petit poupon, sujet à la necessité et loy de l'enfance.

  A009000083 

 Helas, Nostre Seigneur ne pouvoit pas mesuser de sa volonté ni de sa liberté; neanmoins il a voulu que tout fust caché sous les maillots, et la science et la sapience eternelle, avec tout ce qu'il avoit entant que Dieu, esgal à son Pere, comme l'usage de rayson, le pouvoir de parler et bref tout ce qu'il devoit faire ayant atteint l'aage de trente ans.

  A009000085 

 Les bergers le visiterent et ils en receurent une joye tres grande, s'en retournant chantant les louanges de Dieu et annonçant à tous ceux qu'ils rencontroyent ce qu'ils avoyent veu.

  A009000086 

 Anne, mere de Samuel, demeura longuement sans avoir des enfans, ce qui luy causoit une si grande bigearrerie que l'on ne la trouvoit jamais de mesme humeur; car quand elle voyoit des femmes qui s'esjouissoyent avec leurs enfans, elle se lamentoit et se chagrinoit dequoy elle n'en avoit pas, et quand elle en voyoit quelques unes qui se plaignoyent de leurs enfans, elle se resjouissoit dequoy Dieu ne luy en donnoit point; mais dès qu'elle eut le petit Samuel, dès lors on ne la vit jamais plus inegale.

  A009000088 

 Sa Bonté nous veuille faire la grace que nous entendions sa voix, ainsy que les brebis celle du pasteur, à fin que le reconnoissant pour nostre souverain Pasteur, nous ne nous esgarions et n'escoutions celle de l'estranger qui se tient pres de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous devorer; et que de mesme nous puissions avoir la fidelité de nous tenir sousmis, obeissans et sujets à ses volontés et commandemens, ainsy que les avettes font avec leur roy, à fin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la grace de Dieu nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000095 

 Or, quel est ce nous mesme qu'il faut purifier, puisque nous en avons deux, lesquels neanmoins ne font qu'une seule personne? Nous avons un nous mesme qui est tout celeste, lequel nous fait faire les bonnes œuvres; c'est cet instinct que Dieu nous [16] a donné pour l'aymer et pour aspirer à la jouissance de la Divinité en la gloire eternelle.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000102 

 Et tout de mesme des maladies; ils voudroyent avoir celles que Dieu a données à un autre et non pas celles qu'ils ont..

  A009000102 

 O Seigneur Dieu, me direz-vous, il faut estre grandement sur ses gardes pour ne la point suivre, cette propre volonté, et n'escouter point ce que nostre amour propre desire, car ils font des artifices pour attirer nostre attention.

  A009000104 

 Bienheureuses sont les ames qui sçavent bien cette pratique de s'offrir à Dieu, et toutes leurs actions, en l'union de ce Sauveur! Mais considerons aussi un peu cette autre prattique d'union que fit la Sainte Vierge avec saint Simeon et Anne la prophetesse; car si bien les Evangelistes ne parlent point de cette derniere, il est pourtant probable qu'elle eut l'honneur de tenir le Sauveur de nos ames entre ses bras, puisqu'elle avoit excellemment bien renoncé à soy mesme, bien porté sa croix et avoit esperé et aspiré tant de temps apres la venue du Seigneur qu'elle voyoit de ses yeux.

  A009000105 

 Les uns l'ont sur la langue: ils disent merveille de Dieu et le louent avec beaucoup d'ardeur; il y en a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et amoureuses, et se fondent presque en pensant à luy.

  A009000118 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Je ne le feray pas, car il [23] est escrit que l'homme ne vit pas seulement du pain, mais de toute parole qui part de la bouche de Dieu..

  A009000118 

 Il luy commença à dire: Si tu es Fils de Dieu, convertis ces pierres en pain et en mange.

  A009000119 

 Il faut que nous sçachions que le diable donne souvent cette tentation aux ames les plus pieuses, plus retirées et plus adonnées au service de Dieu; aussi est-ce celles-là particulierement qu'il cherche, car il sçait bien qu'il aura plus d'honneur, c'est à dire d'honneur infernal, pour l'acquisition d'une de ces ames, que non pas de beaucoup d'autres moins pieuses; et il fait cela aussi pour la haine perpetuelle qu'il porte à Dieu.

  A009000119 

 Les ames donques qui pretendent rendre quelque grand service à Dieu se doivent armer pour supporter les attaques de l'ennemy, car il vient premierement leur dire: Si tu es enfant de Dieu, convertis ces pierres en pain.

  A009000120 

 Il faut regarder l'intention de la divine Majesté au temps de la tentation; non pas que nous puissions penser ni dire que c'est Dieu qui nous tente; oh non, car il ne le peut, ains il permet que nous soyons tentés et exercés.

  A009000120 

 Le vray enfant de Dieu mangeroit plustost la pierre que de la convertir en pain.

  A009000120 

 O Dieu, que faites-vous, cheres ames? Ne changez pas la pierre en pain, convertissez-la plustost en eau, car vostre Pere, qui est Dieu, l'a bien fait pour desalterer les enfans d'Israël; mais il n'en a jamais tiré du pain, ains a plustost fait descendre la manne du ciel.

  A009000121 

 Ceux qui se sont precipités l'ont fait par des particulieres inspirations de Dieu, car autrement ils eussent peché..

  A009000121 

 Ils entendent raconter que les Saints ont accompli des œuvres admirables: les uns se sont precipités pour estre martyrisés pour Dieu, les autres ont jeusné les semaines entieres, et ainsy des autres.

  A009000121 

 Or, le diable estant rejetté par nostre Maistre ne perdit pas courage, ains le prit et le porta sur le pinacle du Temple, et luy dit: Si tu es Fils de Dieu, jette toy en bas, car il est escrit que les Anges te porteront entre leurs bras, de peur que tu ne heurtes de ton pied à la pierre. Et Nostre Seigneur ne le voulut pas pour plusieurs raysons, dont en voicy une: ce fut pour nous monstrer que si bien nous sommes portés par le diable en un lieu haut et sureminent comme est la Religion, par quelques intentions perverses, voire mesme de despit, que nous n'en devons pas descendre, ains y devons demeurer, car Dieu sçaura bien convertir nostre mauvaise intention en une bonne.

  A009000129 

 L'Eglise au premier Dimanche de Caresme nous fait voir la tentation de Jesus Christ, au second, sa Transfiguration et la gloire de la Hierusalem celeste, et au troisiesme, la providence de Dieu envers ceux qui, ayans appris de Nostre Seigneur à vaillamment combattre, l'ont fait si fidellement qu'ils ont merité la recompense qu'il leur monstre apres la bataille.

  A009000133 

 Quel exces? Celuy ci, que Dieu descende de sa gloire supreme.

  A009000134 

 L'on est veritablement fort en crainte emmy la consolation, car on ne sçait si on ayme les consolations de Dieu, ou bien le Dieu des consolations; mais en l'affliction il n'y a rien à craindre, pourveu qu'on soit fidelle, d'autant qu'il n'y a rien de delectable.

  A009000135 

 Je dis bien neanmoins que si vous voulez bien faire vostre devoir, il faut que vous priiez Dieu, et c'est en l'oraison que nous apprenons à bien faire ce que nous faisons.

  A009000136 

 L'une est neanmoins plus profitable que l'autre; comme de mesme il y a plus de profit à accomplir la volonté de Dieu, ou bien à l'aymer en quelque evenement qui nous contrarie, que non pas à [30] escouter parler Nostre Seigneur emmy la consolation que l'on reçoit aucunefois en l'oraison..

  A009000137 

 Il ne faut cependant voir que Dieu, ne chercher plus que luy, ni avoir aucune affection que pour luy, et nous serons bienheureux.

  A009000144 

 Il y a une malediction particuliere pour ceux qui font l'œuvre de Dieu negligemment; mieux vaudroit sans doute estre du tout froid, parce qu'à la fin on viendroit à reconnoistre sa misere en sentant sa froideur, et se retourneroit-on avec ardeur du costé de la divine Majesté pour estre secouru.

  A009000144 

 L'on ne peut dire combien Dieu hait la negligence.

  A009000145 

 Mais d'autant qu'il n'y a creature si malheureuse qui n'ait quelque chose de bon, l'asnesse a une grande simplicité: elle est sans artifice, sans destour et sans fiel; c'est pour cela que Nostre Seigneur l'a choisie, car il n'y a point de vertu que Dieu ayme tant et qui l'attire davantage dans une ame que la simplicité.

  A009000146 

 Aller à l'eglise pour prier Dieu, et avoir encores intention d'y parler à quelqu'un avec qui l'on a affaire, c'est une intention impure, car elle est meslée.

  A009000146 

 Un autre exemple: aller à l'oraison pour adorer Dieu, et y joindre l'intention d'obtenir des consolations, qui ne voit que cela est impur? La pureté donques n'a qu'une seule intention, ou au moins n'en conserve point d'impure et qui ne tende à la gloire de Dieu..

  A009000147 

 Cecy est la parfaite simplicité, de n'avoir en tout ce que l'on fait qu'une seule et unique pretention de plaire à Dieu, et c'est ce que Nostre Seigneur voulut enseigner à ses Apostres quand il leur recommanda d'estre prudens comme le serpent et simples comme la colombe.

  A009000147 

 Mais la simplicité surpasse ces deux vertus, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu.

  A009000148 

 L'ame simple veut bien travailler pour se rendre parfaite, puisque Dieu le veut, mais elle ne s'empresse point, ains en laisse l'evenement au divin bon playsir.

  A009000149 

 O que cecy devroit faire grand honte à tant de personnes qui sont si curieuses qu'elles veulent sçavoir le pourquoy de tout ce que Dieu fait! Qu'il vous suffise que le Seigneur en a besoin..

  A009000150 

 C'est l'amour affectif qui nous cause tant de grans desirs de travailler pour la gloire de Dieu et de nous rendre parfaits; mais il veut principalement l'amour effectif, car il ne nous servira de gueres d'affectionner fort sa sainte volonté si nous n'aymons qu'elle soit accomplie en nous en l'affliction comme en la prosperité.

  A009000150 

 Dieu desire tellement cet amour qu'il le veut tout avoir, et l'amour affectif et l'amour effectif.

  A009000150 

 Et que nul ne demande pourquoy Dieu veut tout l'amour, car on ne le sçauroit dire, sinon parce qu'il en a besoin pour faire des choses si excellentes et si grandes en l'ame qui le luy donne tout, que nul esprit humain ne les peut sçavoir ni comprendre..

  A009000150 

 Nul ne peut comprendre le bonheur d'une ame qui est desliée et conduite à Nostre Seigneur par le moyen de la grace; mais, o Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l'on deslie encores l'amour! Et pourquoy deslier l'ame et l'amour? Parce que le Seigneur en a besoin: de l'ame pour la sauver, et de l'amour pour luy estre reservé.

  A009000151 

 Il faut honnorer et estimer toutes les vertus parce qu'elles nous rendent fort aggreables à Dieu, et non pas les prattiquer et nous y affectionner parce que nostre esprit y a quelque correspondance..

  A009000151 

 Mais, o Dieu, il faut que cet amour soit pur, qu'il nous fasse entreprendre la prattique de toutes les vertus [35] egalement, et non pas selon nostre choix; car bien souvent nous nous faschons dequoy nous avons fait quelque legere faute en la vertu que nous affectionnons, et ne nous mettons point en peine d'avoir fait un defaut beaucoup plus grand en une autre vertu qui sera peut estre plus excellente.

  A009000151 

 Tout de mesme en est-il de la charité: choisir un des commandemens de Dieu sans les vouloir observer et honnorer tous, c'est estre heretique en la charité.

  A009000152 

 Chacun sçait que la palme est donnée aux martyrs en signe de la victoire qu'ils ont remportée sur tous leurs ennemis; mais l'olive represente les confesseurs qui ont beaucoup fait pour la gloire de Dieu en temps de paix, car aussi l'olive est le hieroglifique de la paix.

  A009000152 

 On le voit en ce que Dieu estant apaisé apres avoir si justement puni les hommes par le deluge, il envoya à Noé, qui estoit dans l'arche, une branche d'olivier par la colombe.

  A009000154 

 Il appella donques l'un de ces enfans et luy bailla une fiole d'huile, luy enjoignant de la part de Dieu de s'y en aller, sans s'amuser à parler à personne, ains qu'il demandast simplement le prince qu'il luy nomma; et l'ayant trouvé, qu'il le tirast à part, luy vidast son huile sur la teste en luy disant: De la part de Dieu, je te sacre roy d'Israël; et puis, qu'il s'en retournast sans faire autre chose..

  A009000154 

 Un jour que les princes d'Israël estoyent tous reunis, Dieu parla à Elisée, luy commandant d'envoyer un fils des Prophetes en cette assemblée pour sacrer roy l'un de ces princes.

  A009000161 

 Chose admirable que Dieu nous ayt tant aymés que de laisser mourir son Fils pour nous, qui avions merité la mort! Nostre Maistre ne s'est pas contenté de mourir pour nous d'une mort commune, mais a choisi la plus pleine d'abjection et d'ignominie qui se pouvoit jamais penser.

  A009000161 

 Le Fils de Dieu est reduit sur une croix; et qui l'y a mis? Certes, ç'a esté l'amour.

  A009000161 

 O Dieu, [39] que vos secrets jugemens sont admirables et incomprehensibles! Admirables et tres grans sont ceux que nous sçavons et comprenons, mais bien plus, sans nulle comparaison, sont grans et aymables ceux que nous ne sçavons pas.

  A009000162 

 Adam se vouloit rendre semblable à Dieu, voulant vivre de sa vie, comme l'ennemy l'en avoit asseuré quand il prevariqua le commandement de la divine Majesté.

  A009000162 

 Mais pour voir l'humilité de Nostre Seigneur, escoutons ce qu'en escrit saint Paul: Quand il estoit le Fils de Dieu, il s'est vuidé de luy mesme; c'est à dire qu'il a pour un temps resserré toute sa gloire en la partie superieure de son ame, laissant sa partie inferieure exposée à la mercy de toutes les souffrances, abjections et repugnances qui luy devoyent arriver en sa Passion.

  A009000162 

 Mais, o Dieu, il ne faut pas la choisir à nostre gré, ains l'accepter de bon cœur telle qu'elle nous arrivera selon le divin [40] bon playsir; je ne dis pas seulement la mort, mais toutes sortes de peines, d'afflictions, de contradictions et abjections.

  A009000162 

 O Dieu, que cecy est admirable, que le Verbe eternel s'aneantisse et se demette de sa propre gloire pour des creatures qui correspondent si peu à son amour! Il s'est rendu obeissant jusques à la mort, et jusques à la mort de la croix; il est bien raysonnable que nous luy soyons obeissans jusques à la mort, voire jusques à la mort de la croix, pour luy tesmoigner nostre amour.

  A009000162 

 Remarquez icy, je vous prie, l'infinie bonté du Sauveur qui voulut mourir de la mort des hommes, pour nous faire vivre, selon la pretention d'Adam, de la vie de Dieu.

  A009000163 

 Nous aurions voirement rayson d'en demeurer surpris si nous nous appuyions en nos forces, mais il faut se confier en la vertu de Dieu qui est pour nous si nous combattons pour son amour, et dire à l'imitation de son Apostre: Je suis plus fort lors que je me sens plus foible.

  A009000168 

 Et comment ce divin Sauveur ne seroit-il l'amour de nos ames, veu qu'il est leur Espoux, et tout particuliement celuy des Religieuses? car les anciens Peres disent tout clair et hardiment qu'elles ont esté espousées par le Fils de Dieu, et fondent sur cette alliance les relations speciales que Dieu le Pere et Nostre Dame contractent avec elles.

  A009000169 

 Apres qu'il eut conquis la Terre Sainte pour la foy de Nostre Seigneur (car pour lors les infidelles la possedoyent), on voulut mettre une couronne d'or sur son chef; mais luy, commençant à s'escrier, la refusa disant: A Dieu ne plaise que je sois couronné d'une couronne d'or, où mon Sauveur et mon Maistre a esté couronné d'espines! Ha Dieu, il n'en sera pas ainsy; apportez-m'en une d'espines, telle que celle de mon Maistre, et j'en orneray mon chef.

  A009000176 

 Aussi importe-t-il peu d'en sçavoir les noms, et je voudrois que jamais l'on ne demandast ni le nom ni quelle oraison l'on a; car s'il est vray, comme le dit saint Anthoine, que l'oraison en laquelle on s'apperçoit que l'on prie est imparfaite, aussi celle que l'on fait sans sçavoir comment on la fait et sans refleschir sur ce que l'on demande, monstre assez que l'ame est fort occupée en Dieu, et par consequent cette oraison est fort bonne.

  A009000177 

 Ainsy nostre entendement passant d'une pensée à une autre, bien que ces pensées soyent de Dieu, si elles n'ont une fin, loin d'estre bonnes elles sont inutiles et nuisibles et apportent un grand empeschement à l'oraison..

  A009000179 

 La meditation se fait donques pour esmouvoir les affections, et particulierement celle de l'amour; aussi la meditation est elle mere de l'amour de Dieu, et la contemplation, fille de l'amour de Dieu..

  A009000180 

 Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu..

  A009000182 

 Mais Dieu qui n'est point carnassier, ne tient pas de ces oyseaux de proye, ains seulement des petits oyselets qui sont enfermés dans la voliere pour luy donner du playsir.

  A009000182 

 Nous devons sçavoir premierement que toutes choses sont creées pour l'oraison, et que lors que Dieu crea l'Ange et l'homme il le fit à fin qu'ils le louassent eternellement là haut au Ciel, bien que ce soit la derniere chose que nous ferons, si derniere se peut appeller ce qui est eternel.

  A009000182 

 Par ces petits oyselets [49] on represente les Religieux et Religieuses qui se sont volontairement renfermés ès monasteres pour chanter les louanges de leur Dieu; aussi leur principal exercice doit estre l'oraison et d'obeir à cette parole que Nostre Seigneur dit en l'Evangile: Priez sans cesser..

  A009000182 

 Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000184 

 Aussi toute la perfection y est-elle enclose, comme dit le Pere Gilles, compaignon de saint François, lors qu'un certain personnage luy demanda comme il pourrait faire pour estre bien tost parfait: «Donne,» respondit il, «l'une à l'un;» c'est à dire: Tu n'as qu'une ame et il n'est qu'un Dieu; donne luy ton ame et il se donnera à toy.

  A009000184 

 La cause finale de l'oraison ne doit donques pas estre de vouloir ces tendretés et consolations que Nostre Seigneur donne aucunefois, puisque l'union ne consiste pas en cela, ains au vouloir de Dieu.

  A009000184 

 La principale demande que nous devons faire à Dieu c'est l'union de nos volontés à la sienne, et la cause finale de l'oraison consiste à ne vouloir que Dieu.

  A009000190 

 Et cela soit dit quant à Dieu..

  A009000190 

 Or, Dieu ne peut rien demander par grace, ains tout par authorité; de plus, il ne peut avoir besoin de rien, d'autant qu'il possede toutes choses: c'est donques tout asseuré que Dieu ne peut ni ne doit prier.

  A009000190 

 Premierement, il faut que nous sçachions que Dieu ne peut point prier, puisque la priere est une demande qui se fait par grace et qu'elle exige de nous une connoissance que nous avons besoin de quelque chose, car l'on n'a pas accoustumé de demander ce qu'on possede desja.

  A009000191 

 Plusieurs des anciens Peres, et mesme saint Gregoire Nazianzene, enseignent que Nostre Seigneur Jesus Christ ne peut non plus prier (entant que Dieu il est tout evident, puisqu'il est un mesme Dieu avec son Pere; nous en avons desja parlé).

  A009000194 

 Aussi y eut-il une fois un payen qui fit une oraison si excellente qu'elle merita d'estre presentée devant le throsne de la divine Majesté; et Dieu luy octroya la grace de luy bailler le moyen d'estre instruit en la foy, et despuis fut un grand Saint emmy les Chrestiens.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Et Dieu respondant leur dit: Vos jeusnes, vos afflictions et vos festes me sont en abomination, d'autant qu'emmi tout cela vous avez vos mains ensanglantées.

  A009000207 

 La priere de tels pecheurs ne sçauroit estre bonne, parce que nul ne peut dire Jesus sinon en la vertu du Saint Esprit, et nul ne peut appeller Dieu Pere, qu'il ne soit adopté pour son fils.

  A009000207 

 Ne sçavez-vous pas aussi que nul ne peut avoir acces vers le Pere que par la vertu du nom de son Fils, comme luy mesme a dit que tout ce que l'on demanderoit à son Pere en son nom on l'obtiendroit Les prieres du pecheur impenitent ne sont donc point aggreables à Dieu..

  A009000207 

 Or, c'est une chose asseurée que les pecheurs impenitens ne sont point exaucés, d'autant qu'ils veulent croupir en leurs pechés; aussi leurs oraisons sont-elles en abomination devant Dieu.

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000209 

 La matiere de l'oraison est de demander à Dieu tout ce qui est bien; mais il faut que nous sçachions qu'il y a deux sortes de biens, les biens spirituels et les biens corporels ou temporels.

  A009000210 

 Je sçay bien qu'on interprete ces paroles en cette façon, sçavoir est, que les predicateurs preschant au peuple ont le miel dessous la langue, et parlant à Dieu par la priere qu'ils font pour le peuple, ils ont le lait [58] dessous la langue.

  A009000211 

 Entre les biens spirituels il y en a de deux sortes: les uns nous sont necessaires pour nostre salut, et ceux cy nous les devons demander à Dieu simplement et sans condition, car il nous les veut donner; les autres biens, quoy que spirituels, nous les devons demander sous les mesmes conditions que les biens corporels, sçavoir, si c'est la volonté de Dieu et si c'est pour sa plus grande gloire; et sous ces conditions nous pouvons tout demander.

  A009000211 

 Les autres biens spirituels sont les extases, les ravissemens, les douceurs et consolations, toutes lesquelles choses nous ne devons point requerir de Dieu que sous condition, parce qu'elles ne sont aucunement necessaires pour nostre salut..

  A009000212 

 Il y en a qui pensent que s'ils estoyent doués de sapience ils seroyent bien plus capables pour aymer Dieu, et cela n'est pas.

  A009000212 

 Lors, saint Bonaventure luy respondit que la science ne luy aydoit point à aymer Dieu, et qu'une simple femme le pouvoit autant aymer que les plus doctes hommes du monde..

  A009000212 

 Vous vous resouviendrez bien qu'une fois le frere Gilles s'en alla trouver saint Bonaventure et luy dit: O que vous estes heureux, mon Pere, d'estre si sçavant, car vous pouvez bien plus aymer [59] Dieu que nous autres qui sommes ignorans.

  A009000213 

 Mais qui ne voit la tromperie de ceux qui sont tous-jours apres leur pere spirituel pour se plaindre dequoy ils n'ont point de ces tendretés et consolations en leurs oraisons? Ne voyez-vous pas que si vous en aviez vous ne pourriez eschapper à la vaine gloire, et ne sçauriez empescher que vostre amour propre ne s'y compleust, en sorte que vous vous amuseriez plus aux dons qu'au Donateur? C'est donques une grande misericorde que Dieu vous fait de ne vous en point donner; et ne faut pas perdre courage pour cela, puisque la perfection ne consiste pas à avoir de ces gousts et tendretés, ains à avoir nostre volonté unie à celle de Dieu.

  A009000215 

 C'est pourquoy ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens, ains demeurent devant Dieu comme des enfans devant leur pere, remettant en luy toute leur confiance; ou bien comme un valet qui sert bien son maistre, car il ne va pas requerant tous les jours sa nourriture, mais ses services demandent assez pour luy.

  A009000216 

 Toutes les actions de ceux qui vivent en la crainte de Dieu sont des continuelles prieres, et cela se nomme oraison vitale.

  A009000217 

 De mesme peut-on dire que ceux qui donnent l'aumosne, qui visitent les malades et s'exercent à toutes telles bonnes œuvres font oraison, et ces mesmes bonnes actions demandent à Dieu recompense..

  A009000217 

 Il chantoit aussi presque continuellement les louanges de Dieu, car luy mesme estoit une voix; bref, sa vie estoit une continuelle priere.

  A009000218 

 La priere n'est autre chose que parler à Dieu; or il est certain que parler à Dieu sans estre attentif à luy et à ce qu'on luy dit, est une chose qui luy est fort desaggreable.

  A009000218 

 Les prieres de ceux qui les font comme ce papegay sont en abomination à Dieu qui regarde plus au cœur de celuy qui prie que non pas aux paroles qu'il dit..

  A009000221 

 O Dieu, que nous devrions venir avec beaucoup de reverence à ces Offices, mais tout autrement preparés que non pas pour les prieres particulieres, parce qu'en celles cy nous ne traittons avec Dieu que de nos affaires, ou si nous prions pour l'Eglise nous le faisons par charité; mais aux prieres communes nous prions pour tous en general.

  A009000228 

 Nous allons à Dieu en deux façons pour le prier, lesquelles nous sont toutes deux recommandées de Nostre Seigneur et commandées de nostre sainte Mere l'Eglise: à sçavoir, nous prions aucunefois immediatement Dieu, et d'autres fois mediatement, comme quand nous disons les antiennes de Nostre Dame, le Salve Regina et autres.

  A009000228 

 Quand nous allons immediatement à Dieu nous protestons de sa bonté et de sa misericorde en laquelle nous mettons toute nostre confiance; mais quand nous prions mediatement et que nous implorons l'assistance de Nostre Dame, des Saints et Esprits bienheureux, c'est à fin d'estre mieux receus de la divine Majesté, et alors nous protestons de sa grandeur et toute puissance, et de la reverence que nous luy devons..

  A009000229 

 Que pensez-vous, je vous prie, que signifient les rameaux que nous portions aujourd'huy en nos mains? Non autre, sinon que nous demandons à Dieu qu'il nous rende victorieux par le merite de la victoire que Nostre Seigneur remporta sur l'arbre de la Croix..

  A009000230 

 Quand nous sommes aux Offices il faut que nous observions de nous tenir en la posture qui nous est marquée dans nos messels; mais en nos oraisons particulieres, quelle reverence y devons-nous garder? Nous sommes devant Dieu comme aux communes, bien qu'aux communes nous devons avoir un soin particulier à cause de l'edification du prochain; la reverence exterieure ayde beaucoup à l'interieure.

  A009000231 

 David dit que toute sa face prioit, que ses yeux estoyent tellement [66] attentifs à regarder Dieu qu'il avoit la veue toute attenuée, et sa bouche baillante comme un oyselet qui attend que sa mere le vienne rassasier.

  A009000231 

 Ouy mesme la posture d'estre gisant est bonne, et semble que d'elle mesme elle prie; car ne voyez-vous pas le saint homme Job couché sur son fumier, faire une priere si excellente qu'elle merite que Dieu l'escoute? Or, cela soit dit ainsy..

  A009000232 

 Ensuite, allant tousjours en remontant, il y avoit une autre place pour les prestres, et puis en fin finale l'estage destiné pour les Cherubins et le Maistre d'iceux, où reposoit l'Arche de l'alliance et où Dieu manifestoit ses volontés, et celuy cy s'appelloit le Sancta Sanctorum..

  A009000233 

 Le quatriesme et le Sancta Sanctorum, c'est la fine pointe de nostre ame, que nous appelions esprit; [67] et pourveu que cette fine pointe regarde tousjours à Dieu, nous ne nous devons point troubler..

  A009000234 

 Ainsy il semble aucunefois quel'ame s'en aille toute du costé du midy, tant elle est agitée de distractions; que neanmoins la fine pointe de l'esprit regarde tousjours à son Dieu, qui est son nord.

  A009000235 

 Or, en l'oraison mentale il y a quatre parties, dont la premiere est la meditation, la seconde la contemplation, la troisiesme les eslancemens et la quatriesme une simple presence de Dieu.

  A009000236 

 Ainsy nous allons picorant les vertus de Nostre Seigneur l'une apres l'autre, pour en tirer l'affection d'imitation; [ensuite nous les considerons toutes ensemble d'un seul regard par la contemplation.] Dieu à la creation medita; car ne voyez-vous pas qu'apres qu'il eut creé le ciel il dit qu'il estoit bon? et tout de mesme fit-il apres qu'il eut creé la terre, les animaux, puis en fin l'homme.

  A009000237 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, apres avoir loué son Bien-Aymé pour la beauté de ses yeux, de ses levres, bref de tous ses membres l'un apres l'autre, elle conclut en cette sorte: O que mon Bien-Aymé est beau, o que je l'ayme, il est mon tres cher! C'est icy la contemplation, car à force de considerer mystere apres mystere combien Dieu est bon, nous venons à faire comme les cordons de nos bateaux.

  A009000240 

 Il est vray que de dire à Dieu: Vous estes «mon tout,» et vouloir quelque autre chose que luy, ce ne seroit pas bien, parce qu'il faut que les paroles soyent conformes aux sentimens du cœur.

  A009000240 

 Mais dire à Dieu: Je vous ayme, encores que nous n'ayons pas un grand sentiment d'amour, nous ne devons pas laisser de le dire, parce que nous voulons et avons un grand desir de l'aymer..

  A009000240 

 Vous me dites que vous n'avez pas le temps de faire deux ou trois heures d'oraison; qui vous en parle? Recommandez-vous à Dieu dès le matin, protestez que vous ne le voulez point offenser, et puis vous en allez à vos affaires, resolue de faire neanmoins plusieurs eslevations de vostre esprit en Dieu, voire emmi les compagnies.

  A009000241 

 Les saints Peres qui vivoyent au desert, ces anciens et vrays Religieux, estoyent si soigneux de faire ces oraisons et eslancemens, que saint Hierosme raconte que quand on alloit les visiter on entendoit l'un qui disoit: Vous estes, o mon Dieu, tout ce que je desire; l'autre: Quand seray-je tout vostre, o mon Dieu? et l'autre repetoit: Deus in adjutorium meum intende.

  A009000243 

 O que nous serons heureux si nous parvenons jamais au Ciel; car nous y mediterons, regardant et considerant toutes les œuvres de Dieu par le menu, et nous les trouverons toutes bonnes; nous contemplerons, les voyant toutes ensemble tres bonnes, et nous nous eslancerons eternellement en luy.

  A009000249 

 Certes, cette bonne Mere ne veut pas que nous nous estonnions et mettions en peine de ce que nous avons esté, des grans pechés que nous avons commis autrefois, ni de nos miseres presentes; o non, pourveu que nous ayons maintenant une resolution ferme et inviolable d'estre tout à Dieu et d'embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l'amour sacré, faisant que cette resolution soit efficace et produise des œuvres.

  A009000250 

 Le grand saint Chrysostome parlant de saint Paul le loue le plus pertinemment qu'il se peut, et avec tant d'honneur et d'estime que c'est chose admirable de voir comme il raconte ses vertus, perfections, excellences, les prerogatives et graces desquelles Dieu l'a orné et enrichi.

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000252 

 Il s'en trouve fort peu, voire mesme entre les plus spirituels, qui regardent purement Dieu sans rechercher leur propre contentement, ne desirant que le contenter et non se contenter soy mesme..

  A009000253 

 La pluspart de nous autres, si nous nous examinons bien, nous trouverons que nos demandes sont grandement impures et imparfaites: si nous sommes à l'oraison, nous voulons que Dieu nous parle, qu'il nous vienne visiter, consoler et recreer, nous luy disons qu'il fasse cecy, qu'il nous donne cela; et s'il ne le fait pas, quoy que pour nostre plus grand bien, nous nous en inquietons, troublons et affligeons..

  A009000253 

 Voyez-vous que nostre misere est grande! Nous voulons que Dieu fasse nostre volonté, et nous ne voulons pas faire la sienne sinon lors qu'elle se trouve conforme à la nostre.

  A009000255 

 Rien ne nous porte tant de prejudice en la vie spirituelle, et nous empesche autant d'avancer en la voye de Dieu; car si sa sainte volonté regnoit en nous, nous ne commettrions jamais aucun peché, nous n'aurions garde de vivre selon nos inclinations et humeurs; non certes, car elle est la regle de toute bonté.

  A009000255 

 Si elle est au Ciel on l'en met dehors, car les Anges en furent chassés parce qu'ils avoyent une propre volonté et vouloyent estre semblables à Dieu; pour cela ils tresbucherent aux enfers.

  A009000256 

 Ils ne sçavoyent ce qu'ils demandoyent, de vray, puisqu'au Ciel il n'y a point de gauche, car c'est là où sont les damnés qui sont privés de la presence de Dieu; il n'y a que la dextre où sont les Bienheureux qui jouissent et jouiront eternellement de l'Essence divine qui les comblera de toute sorte de contentement et felicité.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000256 

 Voyez-vous, elle voudroit servir Dieu en l'action, et Dieu veut qu'elle le serve en patissant et souffrant pour son amour..

  A009000258 

 Saint Jacques fut martyr effectif, car Dieu luy fit la grace de mourir pour son amour, quoy que saint Jean ne laissa pas d'avoir la recompense et couronne du martyre..

  A009000258 

 Saint Jean fut martyr de la premiere maniere, Dieu ne permettant pas qu'il fust martyr effectif, ains seulement de volonté et affection; car l'huile bouillant qu'on avoit preparé pour le mettre, et dedans lequel on le mit, ne luy fit aucun mal, ains luy fut aussi doux et suave que si c'eust esté un bain des plus aggreables.

  A009000260 

 N'est-ce pas un grand martyre de ne faire jamais sa propre volonté, sousmettre son jugement, escorcher son cœur, le vuider de toutes ses affections impures et de tout ce qui n'est point Dieu, ne point vivre selon ses inclinations et humeurs ains selon la volonté divine et la rayson? C'est un martyre qui est fort long et ennuyeux et qui doit durer toute nostre vie, mais nous obtiendrons à la fin d'icelle une grande couronne pour nostre recompense si nous sommes fidelles à cela..

  A009000260 

 Nous pouvons estre martyrs et le boire, non en deux et trois jours mais toute nostre vie, nous mortifiant continuellement, comme font et doivent faire les Religieux et Religieuses que Dieu a appellés en la Religion pour porter sa croix et estre crucifiés avec luy.

  A009000262 

 Certes, les ames devotes ne doivent point avoir d'autre cœur que celuy de Dieu, point d'autre esprit que le sien, point d'autre volonté que la sienne, point d'autres affections que les siennes ni d'autres desirs que les siens, en somme elles doivent estre toutes à luy..

  A009000262 

 J'admire cette grace incomparable dequoy il changea de cœur avec elle; car auparavant elle prioit ainsy: «Seigneur, je vous recommande mon cœur,» mais despuis elle disoit: «Seigneur, je vous recommande vostre cœur,» de sorte que le cœur de Dieu estoit son cœur.

  A009000264 

 La premiere, pour ce que l'on auroit horreur de descouvrir dans les cœurs des meschans et grans pecheurs des choses si sales, horribles et tant de miseres; car sainte Catherine, qui avoit receu ce don de Dieu, de [80] penetrer les consciences et connoistre les pechés les plus secrets, en avoit une si grande horreur, qu'il failloit qu'elle se destournast pour s'empescher de les voir.

  A009000265 

 Nous en sommes de mesme, car nous faisons en esprit de beaux exploits et de belles resolutions, nous imaginant que nous faisons choses et autres pour Dieu; mais quand ce vient aux occasions, nous tournons le clos et manquons de courage et de fidelité..

  A009000266 

 Certes, lors qu'il nous vient de ces [81] ardens desirs de faire de grandes choses pour Dieu, nous devons alors plus que jamais nous approfondir en l'humilité et defiance de nous mesmes et en la confiance en Dieu, nous jettant entre ses bras, reconnoissant que nous n'avons nul pouvoir pour effectuer nos resolutions et bons desirs, ni faire chose quelconque qui luy soit aggreable; mais en luy et avec sa grace toutes choses nous seront possibles.

  A009000267 

 En fin nous ne l'acquerrons jamais par une autre voye; il nous faut vendre tout pour avoir cette precieuse perle de l'amour sacré que Dieu se prepare à nous donner, si nous sommes fidelles à travailler pour l'acquerir.

  A009000267 

 Mais, mon Dieu, qu'il s'en trouve peu! Toutefois, je ne dis pas cela sans faire quelques exceptions..

  A009000268 

 Je le sçay qu'il y en a plusieurs qui le desirent, et demandent à Dieu les peines et afflictions, le priant qu'il les fasse souffrir; mais c'est avec cette condition qu'il les visite et console souvent en leur souffrance, qu'il leur tesmoigne qu'il l'a aggreable, qu'il se plaist de les voir souffrir, et [82] qu'il les en recompensera bien d'une gloire immortelle.

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000275 

 Celles-cy estiment grandement, disent-elles, le bonheur d'estre tout à Dieu.

  A009000275 

 Mais pourquoy donques, s'il est vray que vous l'estimez tant, ne vous retirez-vous en Religion pour appartenir plus entierement à Nostre Seigneur et le servir plus parfaitement, puisque vous n'avez point de legitime occasion de demeurer dans le monde? O Dieu, je ne me puis destacher de telles et telles choses que j'ayme tant; je le desirerois bien, mais je ne puis.

  A009000276 

 O Dieu, quelle merveille est celle-cy, que Nostre Seigneur se fasse desirer et attire les ames à sa suite par le moyen de tout ce qui est si rude et si affreux au sens humain!.

  A009000278 

 O Dieu, si nostre cher Sauveur, dont la volonté ne pouvoit estre que tousjours absolument parfaitte, et partant ne pouvoit choisir aucune chose qui ne fust tres aggreable à son Pere, n'a point voulu vivre selon icelle, comme est-ce donques que nous autres [86] aurons bien la hardiesse de laisser vivre la nostre, le choix de laquelle, pour l'ordinaire, gaste toutes nos œuvres?.

  A009000278 

 Un jour le grand saint Basile considerant cecy, se demanda: Ne seroit-il pas possible de servir Dieu parfaitement faisant de grandes et rudes penitences et austerités, voire de grandes œuvres pour Nostre Seigneur, conservant sa propre volonté? Et soudain apres, il s'imagina que Nostre Seigneur et tres sacré Maistre luy respondoit: Je me suis vuidé de ma propre gloire, je suis descendu du Ciel, j'ay pris sur moy toutes les miseres humaines, et en fin finale je suis mort, et de la mort de la croix.

  A009000279 

 Apres avoir donné des rares exemples de vertu à l'ordre clerical, estant chanoine de Besançon, il fut esleu d'un commun consentement Archevesque de cette ville; et bien que son humilité faisoit qu'il s'en croyoit indigne, il ne laissa pas de l'accepter, parce que le Superieur commandoit, le Pape ordonnoit, et le commun consentement du peuple luy faisoit connoistre que c'estoit la volonté de Dieu.

  A009000281 

 Au demeurant, je m'estonne grandement comme on a le courage de venir au service de Dieu, puisqu'on ne promet point des consolations ni des delices, ains qu'il faudra tousjours travailler et souffrir, tousjours se mortifier et humilier.

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000289 

 Cette bonne femme s'estant escriée: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées, Nostre Seigneur respondant dit: Il est vray; comme qui diroit: Voire! mais bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent, c'est à sçavoir, qui la mettent en effect.

  A009000290 

 Ne voyez-vous pas qu'il ne dit pas seulement estre bienheureux ceux qui escoutent sa parole, ains adjouste ceux qui l'observent? Dieu monstre assez qu'il ne juge pas qu'on l'escoute si on ne l'effectue avec affection de sousmission et d'obeissance; aussi se plaint-il de son peuple parce que luy ayant parlé, il n'en a pas esté ouy; c'est à dire qu'ils n'ont pas mis en effect ses paroles, d'autant qu'ils l'avoyent bien ouy de leurs oreilles.

  A009000291 

 Sur ce propos, il me souvient d'avoir expliqué une fois en cette chaire comment nous devons faire pour entendre la parole de Dieu et la predication avec utilité.

  A009000292 

 O que c'est une bonne chose que la priere! Mais le bonheur de ce saint homme ne consistoit pas à sçavoir la volonté de Dieu, s'il ne l'eust incontinent suivie comme il fit.

  A009000292 

 O que ceux là sont heureux qui estans inspirés, comme ce bien heureux Jean et sa femme, de se dedier et consacrer à Dieu avec tout ce qu'ils possedent, ont recours à la priere pour connoistre en quel lieu ils le pourront faire pour sa plus grande gloire et pour l'honneur de [92] nostre tres digne Maistresse; car, ainsy que nous l'avons desja declaré, point de devotion pour Dieu sans affection de plaire à Nostre Dame..

  A009000292 

 Voyez-vous ce bon homme Jean dont nous faisons mention, il fut prompt à suivre l'attrait de Dieu; car estant inspiré de luy donner tous ses biens, et ne sçachant comme il le pourrait executer à sa gloire et à l'honneur de Nostre Dame à laquelle il avoit une si particuliere devotion, il se mit en priere et il entendit ce qu'il devoit faire.

  A009000294 

 O Dieu, que nous devons d'honneur, d'amour et d'affection à Nostre Dame, tant parce qu'elle est Mere de nostre Sauveur que parce qu'elle est encores la nostre!.

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000295 

 Il se trouve beaucoup de personnes qui estans chrestiennes protestent qu'elles veulent dedier et offrir à Dieu [93] tout ce qu'elles ont, tout ce qu'elles sont, parce qu'elles connoissent que tout luy appartient, et aymeroyent mieux mourir que de l'offenser mortellement.

  A009000295 

 Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté.

  A009000296 

 Ainsy ces benites ames ne veulent pas [94] seulement se tourner et abandonner à Dieu à demi, mais tout entieres; elles mesmes et tout ce qui en depend: les feuilles des vaines esperances que le monde donne, la fleur de leur pureté et les fruits de tout ce qu'elles feront et possederont à jamais..

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000298 

 Je laisse tout plein d'autres proprietés, comme seroit de dire qu'elle ne tombe jamais dessus la mer, au moins dessus la haute mer; et je pourrois adjouster que de mesme la sacrée et particuliere inspiration de se donner à Dieu sans reserve ne tombe point sur les ames qui voguent sur la haute mer de ce miserable monde et qui y sont eslevées sur les plus hautes dignités.

  A009000299 

 Escoutez le Psalmiste royal David, lors que se plaignant à Dieu dequoy son ame estoit devenue par le peché plus noire qu'un ethiopien, il le prie qu'il luy plaise l'arrouser de son hyssope, et par ce moyen elle sera rendue plus blanche que la neige..

  A009000301 

 C'est le divin Psalmiste qui le declare, asseurant qu'elle fait la volonté de Dieu, qu'elle obeit à sa parole.

  A009000301 

 Hé, voyez-la tomber: elle tombe si doucement! Voyez comme elle demeure sur la terre jusques à ce qu'il plaise à Dieu d'envoyer un rayon de soleil qui la vienne dissiper et faire fondre.

  A009000301 

 O douce et amoureuse sujetion qui nous rend aggreables à Dieu!.

  A009000302 

 Faire toutes ces choses ainsy, c'est obeir; au grand Apostre qui dit: Soit que vous mangiez, soit que vous beuviez, faites tout au nom de Dieu.

  A009000302 

 Je sçay bien qu'il faut manger et boire pour sustenter le corps, à fin qu'estant joint à l'ame, ils puissent par ensemble passer le cours de cette vie [97] selon l'ordonnance de Dieu; de mesme qu'il faut dormir pour, par apres, estre plus vigoureux pour servir la divine Majesté.

  A009000303 

 Or, ceux qui sont en la Religion font toutes ces actions bien plus particulierement au nom de Dieu, d'autant qu'ils les font toutes par obeissance.

  A009000311 

 Ils sont si jaloux de nostre bonheur, qu'ils se resjouissent quand ils voyent que nous sommes fidelles à Dieu et que nous correspondons à son amour; et quand nous ne le faisons pas, s'ils pouvoyent avoir du desplaysir ils en auroyent..

  A009000313 

 Cette resolution doit estre cuite sous la cendre de l'humilité, parce que sans cette vertu nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni aux Esprits angeliques, nostre edifice tombera par terre et nos resolutions ne seront point efficaces; car nous ne pouvons rien sans Nostre Seigneur.

  A009000313 

 Le pain que nous devons donner à manger aux Anges, c'est une resolution forte, genereuse et invincible de vouloir servir, honnorer et aymer Dieu, non seulement toute nostre vie, mais jusques à l'eternité.

  A009000313 

 Or, il ne nous donnera point sa grace si nous ne la luy demandons par le moyen de l'oraison; mais celle cy n'est point aggreable à Dieu sans l'humilité, car sans icelle l'oraison n'est point oraison.

  A009000314 

 Encores que les oyseaux viennent souvent en la terre et y demeurent, on ne laisse pas de les appeller oyseaux du ciel; ainsy, ces personnes religieuses, quoy qu'elles soyent en la terre elles n'y ont point leur cœur, car elles le lancent si souvent du costé du Ciel et ont leurs desirs, affections et pensées tellement tournés vers Dieu, ne visant qu'à luy complaire, que ce ne sont plus des poissons, mais des oyseaux du Ciel.

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000315 

 Il ne faut point penser que nous soyons plus aggreables à Dieu par un autre exercice que par celuy-cy, car sa volonté est que nous fassions celuy-là; partant nous le devons faire de bon cœur, et non pas en desirer un autre, où nous ne trouverons peut estre pas sa volonté mais la nostre, et ce, à nostre confusion..

  A009000315 

 Les personnes du monde ne sont point en un estat stable, car pour grande que soit la dignité en laquelle elles se trouvent eslevées, elles en peuvent descheoir; mais les ecclesiastiques et Religieux sont en un estat stable, parce que, par le moyen des vœux qu'ils font, ils se lient estroittement à Dieu, en sorte qu'ils ne peuvent plus demordre de leur resolution.

  A009000315 

 Lors que nous avons choisi par inspiration divine un estat ou condition, [102] si bien nous y avons esté portés par quelque mauvaise fin, intention et affection impure, Dieu sçaura sans doute convertir le mal en bien, si nous luy sommes fidelles.

  A009000316 

 Ha, je ne dis pas que nous puissions empescher cela et que nous n'ayons point de tentations, mais je dis qu'il faut, avec [103] la partie superieure de nostre ame, nous serrer aupres de Dieu et demeurer fermes en nos resolutions.

  A009000317 

 Ils se nourrissent donques de la resolution qu'ils ont de servir Dieu, et sa volonté est leur viande; car le Seigneur les ayant creés, il leur monstra en un instant le bien et le mal, pour qu'ils eussent à choisir l'un ou l'autre.

  A009000317 

 Le glorieux Archange au contraire, et tous ceux de sa compagnie, reconnoissans qu'ils n'estoyent rien au prix de Dieu, firent en un moment, et avec tant de perfection et stabilité, la resolution cuite sous la cendre de la sainte humilité, qu'ils se sousmirent à la divine Majesté pour luy estre eternellement dediés et accomplir ses saintes volontés non seulement aux choses excellentes, mais aux plus viles et abjectes.

  A009000317 

 Lors saint Michel, comme en reprenant Lucifer de sa temerité, luy dit: Qui est semblable à Dieu? et par cette parolle le fit tresbucher avec sa malheureuse trouppe au profond des enfers.

  A009000317 

 Lucifer et ceux de sa suite ne se voulurent point sousmettre au vouloir divin ni se determiner à servir Dieu eternellement; mais desirans, par orgueil et presomption, d'estre semblables à luy, ils se demanderent pourquoy le Verbe eternel ne prenoit leur nature, à fin qu'ils luy devinssent esgaux.

  A009000317 

 Or, l'aliment qui a le plus de rapport avec la nature des Anges, c'est la volonté de Dieu.

  A009000318 

 A l'imitation de nostre Sauveur et de ses Anges celestes, si nous sommes vrays enfans de Dieu, nous ne nous desprendrons jamais de nos resolutions, mais nous persevererons à nous humilier et à le servir jusques à la fin de nostre vie, voire jusques à toute eternité, car il n'a pas promis la couronne à ceux qui commencent, mais à ceux qui persevereront.

  A009000318 

 Estant sur icelle, plusieurs luy dirent: Si tu es Fils de Dieu, sauve-toy toy mesme et descens de la croix; mais il n'en voulut pas descendre parce qu'il estoit enfant de Dieu, ains demeura ferme en la determination qu'il avoit prise de nous racheter par sa mort et perseverer jusques à la fin.

  A009000318 

 Si nous avons fait dessein de servir Nostre Seigneur et d'estre tout à luy, on aura beau nous contrarier, le monde au'ra beau nous dire que nous descendions de la croix et que nous serons aussi bien enfans de Dieu demeurant au monde qu'en nous mettant en Religion; si nous sommes ses vrays enfans, nous nous tiendrons en la fermeté de nos resolutions et persevererons jusques à la fin en l'humilité et au service de cette divine Majesté..

  A009000319 

 Non, je ne dis pas qu'il faille avoir des grans sentimens et consolations; neanmoins quand Dieu les nous donne nous sommes bien obligés d'en faire nostre proffit et correspondre à son amour.

  A009000320 

 Ce veau rosti que nous devons donner aux Anges à l'imitation d'Abraham, c'est nostre cœur que nous devons rostir et escorcher par le moyen de la mortification, pour l'offrir à Dieu, pur, net et vuide de nostre propre volonté et amour propre.

  A009000321 

 De mesme, ces filles qui viennent en Religion pour monter la montaigne de la perfection, se despouillent et posent leurs habits mondains, c'est à dire leurs mauvaises habitudes, leur propre volonté et les affections qui les peuvent esloigner de Dieu.

  A009000324 

 Il y en a d'autres qui n'ont point le naturel doux et simple, qui ont l'esprit fort; elles sont esgalement bien heureuses si elles s'addonnent à bon escient à la mortification de leurs passions et mauvaises inclinations, parce qu'elles deviendront capables de rendre de grans services à Dieu et acquerront de grandes et solides vertus.

  A009000325 

 Mais, mon Dieu, qui n'admirera l'humilité des Esprits angeliques en les voyant abaissés en des offices si vils que de servir les hommes, non seulement ceux qui ont l'usage de rayson et qui sont capables de correspondre à leurs inspirations, mais encores les petits enfans? O qu'ils ont bien compris la leçon de leur Maistre: Apprenez de moy que je suis doux, debonnaire et humble de cœur.

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000326 

 Car cette dignité est si excellente qu'elle surpasse en certaine façon celle des Esprits angeliques, quoy qu'ils soyent plus heureux, estans en lieu asseuré et voyans Dieu face à face.

  A009000327 

 L'Ange regarda aussi saint Jean comme estant creé à l'image et semblance du Fils de Dieu; car despuis que ce divin Sauveur de nos ames se vestit de nostre humanité il a tant honnoré les hommes! Avant l'Incarnation du Verbe eternel, Abraham et d'autres Prophetes adoroyent les Anges, et ceux cy le leur permettoyent; mais despuis, ils portent tant de respect aux hommes qu'ils ne le veulent pas souffrir.

  A009000327 

 L'humilité de cet Ange faisoit qu'il se consideroit comme serviteur de Dieu et non pas comme un Prince du Ciel, ne regardant en soy que ce qui estoit vil et abject.

  A009000328 

 Il en est comme de l'amour de Dieu et du prochain: ce sont deux amours qui ne vont point l'un sans l'autre, et à mesure que nous aymons plus Dieu, aussi aymons-nous plus le prochain..

  A009000328 

 Si vous distribuez tout vostre bien aux pauvres, si vous me dites que vous travaillez beaucoup pour la gloire de Dieu et pour convertir les ames à luy, et que vous donnez vostre vie et vostre corps pour estre bruslé, je vous diray que tout cela n'est rien si vous n'avez la charité.

  A009000331 

 Et si nous nous rendons semblables à eux en cette vie par le moyen de l'imitation de leurs vertus, nous ferons chose fort aggreable à Dieu et à ses Anges, et nous nous rendrons dignes de parvenir à la gloire et felicité eternelle, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit, qu'à jamais nous louerons et benirons avec eux.

  A009000331 

 Imitons-les autant qu'il nous sera possible en leur resolution cuite sous la cendre de l'humilité et en leur stabilité au service de Dieu, en la pureté de l'amour divin et denuement de tout amour propre, en leur douceur, affabilité, charité et support du prochain.

  A009000343 

 Dieu a preparée a ceux qui l'ayment..

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000348 

 Les assistans et personnes qui servent ce sont les Anges, Archanges et autres Esprits celestes que Dieu a nommés et destinés à ce service.

  A009000349 

 Et pour commencer par la chose principale, Dieu qui fait ce festin se trouve en iceluy et il est luy mesme la viande qui rassasie ceux qui y sont conviés; car là est l'Aigneau, dit saint Jean, qui oste le peché du monde; c'est cet Aigneau de Hieremie, qui a esté occis pour les pechés du monde, c'est luy qui les a effacés et remis et qui s'est fait la nourriture de ses esleus.

  A009000349 

 Or, c'est une chose toute claire et hors de doute et de controverse que la felicité des Bienheureux, ainsy que les theologiens enseignent, consiste en la vision de Dieu, comme au contraire la peine des damnés qu'on appelle du dam, consiste en la privation de cette claire vision.

  A009000350 

 Disons un mot de cette gloire essentielle qui consiste [114] à voir clairement Dieu tel qu'il est, sans ombre ni figure.

  A009000350 

 L'on voit en cette gloire des choses si relevées et excellentes que Dieu, avec l'infinité de sa toute puissance, n'en peut pas produire de plus grandes.

  A009000350 

 La premiere c'est la Divinité, à sçavoir Dieu luy mesme; la seconde c'est la maternité de la Sainte Vierge, nostre souveraine Mere et Maistresse; la troisiesme c'est la gloire elle-mesme, de laquelle Dieu est le souverain objet..

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000351 

 Rien n'est plus grand que Dieu avec l'infinité de sa puissance, et il ne peut rien creer de plus haut que luy mesme; car s'il pouvoit creer quelqu'autre plus grand ou plus haut que luy il ne seroit pas Dieu, puisque Dieu est un Estre par dessus tout estre, que nul ne peut esgaler.

  A009000352 

 La seconde chose est la maternité de la Sainte Vierge, qui est l'œuvre la plus excellente que la toute puissance du Seigneur puisse operer en une simple creature; car, comme pouvoit-il l'eslever plus haut que de la faire Mere de Dieu, c'est à dire de luy mesme?.

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 En cette claire vision de Dieu ils descouvrent et viennent à l'intelligence des autres plus hauts et plus inscrutables mysteres, dont ils ont la connoissance avec une telle allegresse qu'ils n'en peuvent souhaitter ni desirer de plus grande.

  A009000354 

 Hé, combien pensez-vous qu'ils ressentent de suavité en la claire veuë du mystere ineffable de la tres sainte Trinité, de l'eternité du Pere, du Fils et du Saint Esprit? Quelle joye de comprendre que le Fils n'est pas moindre que le Pere, que le Pere pour estre Pere n'est point plus grand que le Fils, et que le Saint Esprit est en tout esgal au Pere et au Fils! Quelle suavité de voir que le Fils est eternel et aussi ancien que le Pere, et le Saint Esprit aussi bien que le Pere et le Fils, et que ces trois Personnes ayant une mesme essence, ne font qu'un seul Dieu!.

  A009000354 

 Ils voyent en icelle la grandeur et excellence de la maternité de la Vierge, et encores quelle et combien grande est la gloire que Dieu donne à ses esleus.

  A009000354 

 Là ils voyent face à face, clairement, nettement, sans ombre, image ni figure, Dieu trin et un, non par enigme mais tel qu'il est, avec une telle clarté qu'on voit la lumiere en la lumiere.

  A009000355 

 Ce qui monstre que Dieu luy fit connoistre de ce divin mystere tout ce qui s'en peut connoistre en cette vie, si que cette verité demeura si fort gravée en son cœur et en son esprit, qu'il eut dès lors une [116] singuliere devotion au sacré mystere de l'adorable Trinité, se fondant de joye toutes les fois qu'il en avoit le souvenir.

  A009000355 

 Je lisois hier en la Vie du bienheureux Ignace, fondateur des Jesuites, que Dieu luy descouvrit un jour le mystere de l'ineffable et tres adorable Trinité, de laquelle vision il receut tant de clarté et de lumiere en son entendement qu'il en faisoit despuis des discours les plus relevés qui se puissent entendre; et demeura plusieurs jours à escrire ce qu'il avoit appris, remplissant divers cahiers des choses plus hautes et plus subtiles qui soyent en la theologie.

  A009000356 

 Ils voyent encores ce nœud indissoluble avec lequel l'humanité est jointe et unie avec la Divinité, cette œuvre incomparable de l'Incarnation en laquelle Dieu s'est fait homme et l'homme est fait Dieu.

  A009000356 

 Quelle felicité et quelle joye de voir encores le fruit et l'utilité de l'usage des Sacremens, car c'est là où l'on conçoit comment la grace se communique par iceux selon la correspondance que l'on y apporte; comme les uns la reçoivent, les autres la rejettent, comme Dieu donne sa grace efficace aux uns, comme il la refuse à quelques autres sans leur faire tort.

  A009000357 

 De qui sont ces paroles? Non d'autre que de Dieu mesme qui les dira au cœur de l'ame fidelle et bienheureuse, laquelle, par un amour reciproque, respondra ces [117] gracieuses et douces parolles del'Espouse: Mon Ami est tout à moy et je suis toute à luy; il est à cette heure tout mien, et je seray desormais toute sienne.

  A009000357 

 Mais quel langage est-ce qu'ils tiennent et de quel parler se servent-ils? Leur parler et leur langage n'est autre que celuy d'un pere avec ses enfans, il est tout filial et plein d'amour; car, comme ce lieu est la demeure des enfans de Dieu, aussi leur langage est-il tout filial et plein de dilection, puisque le Ciel est le lieu d'amour et que nul n'y entre qu'il n'aye la charité et qu'il n'ayme Dieu.

  A009000357 

 Or, non seulement ils voyent Dieu, qui est en quoy consiste la felicité, ains encores ils l'entendent parler et parlent avec luy, et c'est icy un des principaux points de leur felicité.

  A009000357 

 Que si estant encores en cette vallée de misere, l'Espouse prononçoit ces parolles d'amour avec tant de suavité, o Dieu, quelle joye et quelle jubilation pensons-nous que sera celle des Bienheureux en ce dialogue qu'ils feront en cette felicité?.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000359 

 Que si estant un jour en l'eglise de Chastillon sur Seine, meditant la sacrée Nativité de Nostre Seigneur, son entendement et toutes ses facultés furent tellement englouties en la contemplation d'icelle, et avec tant de consolation et admiration qu'il fut tout [118] absorbé, demeurant quelques jours sans se pouvoir desprendre ni retirer, quelque violence qu'il se peust faire, en quel abisme, je vous prie, l'entendement de l'homme se perdra-t-il en la claire veue non seulement de la Nativité du Sauveur, mais de tous les divins mysteres? La volonté sera alors en cette union inseparable avec son Dieu, sans que jamais elle puisse faire aucune resistance à icelle, ains accomplira tousjours sans aucune repugnance tout ce qui sera de son divin vouloir..

  A009000360 

 Je les rassasieray, dit Dieu, d' une manne celeste qui les assouvira, et outre cela je donneray à chacun une pierre blanche en laquelle il y aura escrit un nom que personne n'entendra que celuy qui le recevra.

  A009000360 

 Reste maintenant la memoire, qui sera toute pleine de Dieu et des biens qu'il nous a faits en cette vie, et mesme du peu de service que nous luy avons rendu au prix de ces grans salaires et recompenses.

  A009000362 

 Or, si la pensée que le regne de Dieu est eternel cause au cœur humain tant de liesse spirituelle, quelle pensez-vous doit estre la joye des Esprits celestes en l'asseurance qu'ils ont de la perpetuité de leur gloire? Voyla pour ce qui est de la gloire essentielle des Bienheureux..

  A009000367 

 Et qu'est-ce ce mirouer où l'on voit tout ce que je vous ay dit, sinon l'essence de Dieu dans lequel on le contemple et connoist on luy mesme tel qu'il est? Dans cette mesme essence on se connoist soy mesme avec tout ce qu'on a receu, et en icelle on voit encores la gloire de tous les autres Saints, tous leurs merites, tout ce qu'ils ont fait et souffert et toutes les graces et faveurs qui leur ont esté octroyées.

  A009000367 

 On voit aussi toutes les choses creées: comme Dieu a fait le ciel, l'a orné du soleil et de la lune, l'a enrichi des estoilles et de tout ce qui se retrouve en iceluy; comme il fit la terre diaprée d'une si grande varieté de fleurs; en somme comme il crea toutes choses et la maniere avec laquelle il y proceda.

  A009000369 

 Bref, pour comble de felicité, les Bienheureux seront semblables à Dieu, c'est à sçavoir par participation.

  A009000369 

 C'est ce que nous fait entendre la Sainte Escriture quand elle nomme Nostre Seigneur le Dieu des dieux, c'est à dire le Dieu de tous ces petits dieux, des Saints qui sont en Paradis..

  A009000369 

 Outre cela, nos corps seront glorieux apres la resurrection (je dis les nostres, avec cette presupposition que je fais tousjours, sçavoir, si Dieu nous fait la misericorde d'estre du nombre de ses esleus); ils auront, comme nos ames, les quatre dons de la gloire: la subtilité, l'agilité, l'impassibilité et la clarté.

  A009000370 

 Que me reste-t-il, mes cheres Sœurs, sinon de vous exciter derechef par ces parolles de saint Paul à relever vos cœurs et vos pensées à ces [123] biens que nul œil n'a veu, ni oreille entendu, ni cœur d'homme pensé, et que Dieu a preparé à ceux qui l'ayment en cette vie.

  A009000371 

 Il n'y a point de façon ni de mesure pour aymer: la façon d'aymer Dieu c'est de l'aymer plus que tout et au delà de tout.

  A009000371 

 Remplissez-la encores du souvenir de vos fautes et infidelités pour vous en humilier et amender, et des benefices que vous avez receus de Dieu pour l'en remercier; et si vous avez receu des graces, resouvenez vous-en pour les bien cultiver et conserver, vous disposant à l'augmentation et accroissement d'icelles.

  A009000371 

 «La mesure,» comme dit saint Bernard, «est de ne point avoir de mesure.» Remplissez vostre memoire de toutes ces choses et la contentez en Dieu, luy retranchant tous les souvenirs et images de ce qui n'est point Dieu, et la nourrissez de ces divins mysteres, tant de l'enfance du Sauveur que de tout le reste de sa vie, mort et passion.

  A009000376 

 Ainsy que l'on ne vit jamais tant de parfums dans la ville de Hierusalem comme elle y en porta quant et soy pour offrir à ce grand roy, de mesme, jamais tant de parfums et tant de baume ne furent presentés à Dieu en son Temple comme la tres sainte Vierge en porte aujourd'huy avec elle; jamais aussi la divine Majesté n'avoit jusques alors receu un si excellent et tant aggreable present comme celuy des bien heureux saint Joachim et sainte Anne.

  A009000376 

 [125] Ils vindrent donc en Hierusalem pour accomplir le vœu qu'ils avoyent fait à Dieu de luy dedier leur glorieuse Enfant dans le Temple, où on eslevoit d'autres jeunes filles pour le service de la divine Majesté..

  A009000377 

 Voyez-vous, le temps luy duroit sans doute, à nostre glorieuse Dame, de voir arriver le jour auquel ses parens la devoyent offrir à Dieu, car c'est une chose tres asseurée qu'elle avoit eu l'usage de la rayson dès le ventre de sa mere.

  A009000380 

 O Dieu, quelle melodie! o qu'elle l'entonna mille fois plus gracieusement que ne firent jamais les Anges; de quoy ils furent tellement estonnés, que troupe à troupe, ils venoyent pour escouter cette celeste harmonie et, les cieux ouverts, ils se penchoyent sur les balustres de la salle de la Hierusalem celeste pour regarder et admirer [127] cette tres aymable Pouponne.

  A009000380 

 O mon Dieu, que j'eusse bien desiré de me pouvoir vivement representer la consolation et suavité de ce voyage despuis la mayson de Joachim jusques au Temple de Hierusalem! Quel contentement tesmoignoit cette petite Infante voyant l'heure venue qu'elle avoit tant desirée! Ceux qui alloyent au Temple pour y adorer et offrir leurs presens à la divine Majesté chantoyent tout le long de leur voyage; et pour cet effect, le royal Prophete David avoit composé tout expres un Psalme que la sainte Eglise nous fait dire tous les jours au divin Office.

  A009000381 

 Ils ne faisoyent point de remarque du jour de leur naissance, d'autant qu'en naissant nous ne sommes pas enfans de grace, ains adamistes ou enfans d'Adam; mais ils remarquoyent, pour le solemniser, le jour auquel ils avoyent esté faits enfans de Dieu par le Baptesme.

  A009000381 

 Les anciens Chrestiens faisoyent des grandes festes, mais spirituelles, à l'anniversaire de leur Baptesme, qui estoit le jour de leur dedicace, c'est à dire celuy auquel ils s'estoyent dediés à Dieu.

  A009000383 

 Certes, il est tres veritable, et ce jour est d'autant plus plein de contentement que nous avons plus de connoissance du bonheur qu'il y a d'estre absolument dedié à Dieu..

  A009000383 

 L'on a choisi fort à propos en la maison de ceans le jour de la Presentation Nostre Dame pour se renouveller, se presenter et offrir à la divine Majesté sous sa protection, accompagnant ainsy de nostre propre offrande celle qu'elle fit d'elle mesme à Dieu.

  A009000385 

 Et tout ainsy qu'un homme qui joue excellemment du luth a accoustumé d'en taster toutes les cordes de temps en temps pour voir si elles ont point besoin d'estre rebandées ou bien laschées, à fin de les rendre bien accordantes selon le ton qu'il leur veut donner, de mesme il est necessaire que tous les ans au moins une fois, nous tastions et considerions toutes les affections de nostre ame pour voir si elles sont bien accordées pour entonner le cantique de la gloire de Dieu et de nostre propre perfection.

  A009000389 

 Quant au premier point, à sçavoir qu'elle vient se dedier à Dieu en son enfance, comme pourrions-nous faire cela, veu que nous ne sommes plus en cet aage là et que nous n'y sçaurions jamais plus retourner, car le temps perdu ne se peut recouvrer? Dites-vous qu'il n'y a plus de remede? O pardonnez-moy, il y a du remede en toutes choses.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000392 

 Mais j'ay aussi consideré que nostre glorieuse Dame et Maistresse venant pour se dedier à Dieu, fut portée par ses pere et mere une partie du chemin, et l'autre partie elle vint avec ses petits pieds, tousjours aydée neanmoins.

  A009000393 

 Et la sainte Eglise, esgalement tendre et soigneuse du bien de ses enfans, nous enseigne de dire tous les jours une oraison où elle demande à Dieu qu'il luy plaise nous accompaigner le long de nostre pelerinage et nous ayder de sa grace prevenante et concomitante, car sans l'une et sans l'autre nous ne pouvons rien..

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000396 

 Il faut quitter tout pour avoir le tout qui est Dieu.

  A009000396 

 Je sçay bien que les gens du monde se donnent à Dieu à leur façon, mais je ne parle pas pour eux maintenant, ains pour nous qui luy sommes dediés et consacrés.

  A009000396 

 O Dieu, tout bien consideré, qu'est-ce que nous quittons? Le tracas du mesnage où le plus souvent les choses vont de travers et contre nostre volonté.

  A009000397 

 Comme s'il eust dit: Considere ton nom, et tu trouveras qu'il signifie uni, seul; or, par ce mot, seul, je n'entens pas d'estre retiré et sequestré dans un desert, mais c'est à sçavoir que pour estre bon moine il ne faut avoir que Dieu pour objet en tout ce que nous faisons; et cela c'est estre seul..

  A009000397 

 Il me souvient à ce propos qu'il faut tout quitter pour estre bonne Religieuse, qu'il y eut un senateur lequel fut inspiré de Dieu d'abandonner le monde, car il pensoit que pour evader les perils des vagues de la mer de ce miserable siecle il failloit surgir au port de la vie monastique.

  A009000398 

 Dieu ne se contente pas de nos offrandes quand elles ne sont pas accompagnées de celle de nostre propre cœur, car il est comme l'aigle qui se repaist plus pleinement du cœur des oyseaux qu'elle prend pour sa proye que non pas des autres parties de leur corps.

  A009000399 

 Dieu le reprit et luy dit: De quoy te troubles-tu? Si tu as bien offert tu n'en as pas occasion, et si ton offrande estant bonne tu ne l'as neanmoins pas faite comme il convient, repare ta faute, il y a remede en tout..

  A009000399 

 L'exemple de Caïn monstre assez la verité de ce que nous disons; car ayant fait son sacrifice, il ne fut pas aggreable à la Divinité comme celuy de son frere Abel, non seulement parce qu'il avoit mal partagé, offrant le moindre et le pire de ses troupeaux, mais aussi parce qu'il n'avoit pas donné son cœur; partant il n'avoit pas bien fait son sacrifice, d'autant que Dieu vouloit premierement son cœur.

  A009000406 

 Gedeon estant extremement affligé pour la rude et pressante guerre que luy faisoyent ses ennemis qui l'avoyent environné de toutes parts, Dieu, dont la bonté est incomparable, en eut compassion et luy envoya un Ange pour le consoler.

  A009000406 

 S'il est vray, comme il est, que la tres sainte Vierge et saint Joseph ont Nostre Seigneur avec eux, pourquoy donques les voyons-nous si remplis de crainte qu'ils se rendent fuyars pour l'apprehension d'un homme terrien, quoy qu'ils ayent avec eux le Dieu de [139] la majesté infinie, par l'ordonnance duquel toutes choses se font et ont esté faites?.

  A009000407 

 Hé Dieu, que luy eust-il cousté à ce beni Enfant, qui aymoit si cherement sa tres sacrée Mere et saint Joseph son Pere nourricier, de leur dire un petit mot à l'oreille pour les advertir d'eschapper à la furie d'Herode en s'en allant en Egypte, mais d'estre sans crainte parce qu'il ne leur arriveroit aucune mesaventure? Il ne le fit pourtant pas, ains attendit que l'Ange saint Gabriel vinst reveler au glorieux saint Joseph qu'il failloit fuir..

  A009000407 

 La rayson de cette conduite est que Nostre Seigneur ne voulut aucunement user de son pouvoir ou de son authorité, ni paroistre autre qu'un petit enfant sujet aux loix de l'enfance, ne parlant qu'en son temps comme les autres; et luy, qui non seulement entant que Dieu mais aussi entant qu'homme sçavoit toutes choses, cette grace luy ayant esté infuse dès l'instant de sa conception, luy qui estoit rempli d'une science pleine et entiere, ne voulut neanmoins en rien tesmoigner.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000412 

 Quant au troisiesme point, à sçavoir l'abnegation de soy mesme, qui a jamais peu parvenir à un si entier renoncement pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs? O Dieu, c'est en ce point que ce divin Enfant s'est bien monstré vray Religieux! Saint Joseph [142] et Nostre Dame sont ses Superieurs, ils le menent, ils le portent d'un lieu à un autre, et il leur laisse faire sans jamais dire un seul mot.

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000418 

 On leur promet les consolations que Dieu a accoustumé de donner à ceux qui le servent fidellement, consolations qui sont tres grandes, voire mesme dès cette vie, mais à condition qu'elles renonceront à tous les playsirs sensuels, pour licites qu'ils puissent estre.

  A009000428 

 Vous ne sçavez peut estre pas comme elle fut instituée par Dieu mesme lors que les enfans d'Israël furent sortis de l'Egypte et delivrés de la captivité.

  A009000429 

 Pasques ne signifie autre chose que passage; et les hommes font un passage tres heureux en leur Baptesme, car ils passent de la tyrannie et servitude du diable à la grace de l'adoption des enfans de Dieu.

  A009000430 

 Cette fin donques n'est autre que pour nous bailler sujet de meriter davantage par ce moyen, travaillans courageusement pour l'amour de Dieu à nous surmonter nous mesme..

  A009000430 

 O Dieu, l'on ne regarde pas la fin pour laquelle la divine Bonté a permis qu'en punition du peché de nostre premier pere plusieurs mauvaises inclinations nous soyent demeurées apres le Baptesme, bien que la grace nous y soit donnée suffisamment pour nous surmonter.

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000431 

 Lors les Chrestiens ainsy fortifiés par ce moyen, se viennent par apres offrir au jour de la Pentecoste comme des pains faits avec le nouveau froment des inviolables resolutions qu'ils ont prises de plustost mourir que d'offenser Dieu volontairement.

  A009000432 

 Mais apres, en la Pentecoste, ils firent l'offrande parfaitte, d'autant qu'ils ne presenterent plus seulement des javelles, ains des pains cuits par le feu de l'amour de Dieu.

  A009000433 

 Ils paracheverent encores l'offrande que Dieu requeroit en la feste de Pentecoste, se sacrifiant comme des boucs, je veux dire conversant avec les pecheurs et voulant estre tenus pour tels comme le reste des hommes.

  A009000434 

 Les beliers qu'il failloit offrir representent nostre imagination, les petits aignelets nos affections, et le bouc nostre chasteté, par laquelle nous nous privons pour l'amour de Dieu de tous les playsirs sensuels, voire mesme des permis et licites..

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 On tasche de bouleverser toutes leurs affections, [153] pour qu'elles n'en ayent jamais plus que pour Dieu et selon sa tres sainte volonté.

  A009000438 

 Elles ont aussi receu le don de science, discernant le bonheur qu'il y a de se dedier absolument à Dieu plustost que de demeurer [154] au monde.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de force pour combattre valeureusement les ennemis de la gloire de Dieu et pour accomplir la resolution qu'elles ont faitte de se vaincre elles mesmes.

  A009000438 

 En fin elles ont receu le don de pieté et de crainte, fuyant les occasions qu'elles pouvoyent rencontrer au monde de perdre l'amour de Dieu..

  A009000439 

 Elles sont determinées à ne jamais plus occuper leur entendement à la consideration des choses terrestres et caduques, ains à celle des vrays biens eternels et à la connoissance de Dieu et d'elles mesmes.

  A009000439 

 Elles suivront constamment les conseils de ceux que Dieu leur a donnés pour leur conduitte, se rendans souples à suivre leurs volontés; elles sont resolues de faire les œuvres des ames fortes et genereuses, n'ayans pas moindre pretention que de parvenir au plus haut point de la perfection chrestienne, sans se descourager au bien, mais s'appuyans et s'asseurans en la faveur et protection de la divine Bonté, qui ayant commencé l'œuvre de leur perfection la parachevera, moyennant qu'elles luy soyent fidelles..

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000440 

 En fin elles craindront eternellement Dieu, non d'une crainte servile, ains d'une crainte procedante de l'amour qu'elles luy portent, apprehendant non seulement de l'offencer, mais aussi de ne pas assez luy estre aggreables; et cette crainte amoureuse leur servira [155] d'aiguillon pour s'avancer tous les jours davantage en la dilection sacrée..

  A009000441 

 Elles se sont encor determinées d'assujettir leur imagination et fantasie, qui, semblable à un belier, va courant ça et là parmi les choses de la terre; elles ont ainsy reduit toutes leurs affections en une, qui est pour Dieu..

  A009000456 

 Elle y alla pour voir cette grande merveille ou cette grande grace que nostre Dieu avoit fait à cette bonne vielle et sterile, de concevoir un fils en sa sterilité, car elle sçavoit bien qu'en l'ancienne Loy c'estoit une chose blasmable d'estre infeconde; mais parce que ceste bonne femme estoit vielle, elle alla aussi pour la servir en cette sienne grossesse et luy donner tout le soulagement qui luy estoit possible.

  A009000456 

 Secondement, ce fut pour luy reveler le tant haut mystere de l'Incarnation qui s'estoit operé en elle; car Nostre Dame n'ignoroit pas que sa cousine Elizabeth estoit personne juste, fort bonne, craignant Dieu et desirant ardemment la venue du Messie promis en la Loy pour racheter le monde, et que ce luy seroit une tres grande consolation d'apprendre que les divines promesses estoyent accomplies et que le temps desiré [158] par les Prophetes et les Patriarches estoit ja venu.

  A009000457 

 Elle estoit en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie par la plus parfaitte dilection qui se puisse dire, mais encores elle avoit l'amour du prochain en un degré de tres grande perfection, qui luy faisoit desirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des ames; et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à celle de saint Jean, encores dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence.

  A009000458 

 Elle alloit donques s'en esjouir avec sa cousine, et se provoquer l'une l'autre à glorifier Dieu qui avoit versé sur toutes deux tant de graces: sur elle qui estoit vierge, luy faisant concevoir le Fils de Dieu par l'operation du [159] Saint Esprit, et sur sainte Elizabeth qui estoit sterile, concevant miraculeusement et par grace speciale celuy qui devoit estre le Precurseur du Messie.

  A009000458 

 Mais comme il n'eust pas esté raysonnable que celuy qui estoit choisi pour preparer les voyes du Seigneur fust entaché du peché, Nostre Dame alla promptement à ce qu'il fust sanctifié, et que ce sacré Enfant qui estoit Dieu, à qui seul appartient la sanctification des ames, peust operer en cette visite celle du glorieux saint Jean, le purifiant et retirant du peché originel; ce qu'il fit avec une telle plenitude que plusieurs docteurs soustiennent hardiment que jamais il ne pecha veniellement, bien que quelques autres tiennent l'opinion contraire..

  A009000459 

 Ayant donques cette charité en si grande perfection, elle ressembloit au mont Carmel pour les actes frequens qu'elle en produisoit, tant envers [160] Dieu qu'envers le prochain; et cette charité, comme un arbre de parfums, jettoit une tres aggreable odeur et suavité..

  A009000460 

 C'est elle que Dieu a regardée avec une complaisance toute particuliere; car, qui a jamais peu donner complaisance à Nostre Seigneur que celle qui estoit accomplie en toutes sortes de vertus? Avec la charité elle estoit douée d'une profonde humilité, ainsy que le tesmoignent ces parolles qu'elle dit lors que sainte Elizabeth la loua: Parce que Dieu a regardé l'humilité de sa servante, toutes les nations la loueront et appelleront bienheureuse..

  A009000461 

 Mais quand elle dit: Il a regardé l'humilité de sa servante, elle veut signifier la vileté, misere et abjection qu'elle voyoit en elle mesme, en ce qui estoit de sa nature et du neant dont elle estoit sortie; c'est en ce sens qu'elle asseuroit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, car le vray humble, disent ces docteurs, ne croit ni ne voit jamais qu'il a la vertu d'humilité..

  A009000462 

 Ainsy la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ni ne fit aucune faute contre icelle quand elle [162] asseura que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, non plus que saint Paul quand il s'escrioit: Qui est-ce qui me pourra separer de la charité? car elle sçavoit qu'entre toutes les autres vertus, celle-là touche et attire le cœur de Dieu..

  A009000462 

 Certes, il n'y a point de doute en cela, bien que, quand il dit: Qui me separera de la charité de mon Dieu, il faille entendre, moyennant la grace de Dieu.

  A009000462 

 D'autres tiennent l'opinion contraire, et celle-cy est la plus probable; ils pensent que Nostre Dame entendoit parler de la vertu d'humilité, et qu'elle connoissoit bien que c'estoit cette vertu qui avoit attiré le Fils de Dieu dans ses entrailles.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000462 

 Voyez-vous avec quelle asseurance parle cet Apostre? S'il confesse que rien ne le pourra separer de là charité de son Dieu, il faut donques qu'il croye avoir la charité.

  A009000464 

 C'est cette bassesse que Dieu regarda en la sacrée Vierge, et de ce regard proceda tout son bonheur; [163] ainsy, dit-elle, à cause de cela, elle sera publiée bienheureuse par toutes les creatures, de generation en generation.

  A009000464 

 Nostre Dame donques, disant que Dieu avoit regardé son humilité, faisoit reflexion sur elle mesme tant à cause de sa nature que de l'estre qu'elle avoit, ce qui fit qu'elle s'humilia..

  A009000465 

 Abraham dont la foy estoit si grande et qui ne pouvoit mesconnoistre les dons de Dieu en luy, confessa neanmoins, comme il est escrit en la Genese, n'estre que poudre et cendre.

  A009000465 

 Ainsy la Vierge, considerant sa vie qui estoit toute sainte et toute pure, la trouva bonne, et voyant en soy l'humilité elle peut dire en ce sens que Dieu avoit regardé son humilité; mais aussi en l'autre sens, voyant son neant, elle dit qu'il avoit regardé sa bassesse, sa vileté et son abjection, et que pour cela elle en seroit appellée bienheureuse..

  A009000466 

 Or, tant en une maniere comme en l'autre, elle parla avec une si grande humilité qu'elle fit bien voir qu'elle tenoit tout son bonheur de ce que Dieu avoit jetté les yeux sur sa petitesse; c'est pourquoy on luy peut approprier ces parolles du Cantique des Cantiques: Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum; Ma bien-aymée m'est un nard qui respand une tres odoriferante odeur.

  A009000467 

 Ce n'est pas qu'il ne voulust reconnoistre sa Mere, mais il vouloit faire entendre que ce n'estoit pas seulement pour l'avoir porté en son sein qu'elle estoit aggreable à Dieu, ains plustost par l'humilité avec laquelle elle accomplissoit sa volonté en toutes choses..

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000467 

 Vous voyez donques, mes tres cheres Sœurs, comme [164] l'humilité est aggreable à Dieu, et comme nostre glorieuse Maistresse fut choisie pour estre Mere de Nostre Seigneur parce qu'elle estoit humble.

  A009000470 

 Certes, toute la mayson en fut comblée de joye: l'enfant tressaillit, le pere recouvra la parole, la mere fut remplie du Saint Esprit et receut le don de prophetie, [166] car voyant cette sainte Dame entrer dans sa mayson elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de mon Dieu me soit venue visiter? Voyez-vous, elle la nomme Mere avant qu'elle ait enfanté, ce qui est contre la coustume ordinaire, d'autant qu'on n'appelle point meres les femmes avant leur enfantement, parce que souvent elles enfantent malheureusement.

  A009000470 

 Mais sainte Elizabeth sçavoit bien que la Vierge enfanteroit heureusement, et partant elle ne fait point de difficulté de l'appeller Mere avant qu'elle le soit, car elle est asseurée qu'elle le sera, et non Mere d'un homme seulement, mais de Dieu, et par consequent Reyne des hommes et des Anges; pour ce, elle s'estonne qu'une telle Princesse la soit allée visiter..

  A009000471 

 Pour ce qui devoit advenir, elle vit par ce mesme esprit que la Vierge seroit benite entre toutes les femmes, et le proclama; elle parla aussi du present, l'appellant Mere de Dieu.

  A009000473 

 La tres sainte Vierge entendant ce que sa cousine Elizabeth disoit à sa louange, s'humilia et rendit de tout la gloire à Dieu; puis confessant que tout son bonheur, comme j'ay dit, procedoit de ce qu'il avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entonna ce beau et admirable cantique Magnificat, cantique qui surpasse tous ceux qui avoyent esté chantés par les autres femmes: plus excellent que celuy de Judith, plus beau sans nulle comparaison que celuy que chanta la sœur de Moyse apres que les enfans d'Israël eurent passé la mer Rouge et que Pharaon et les Egyptiens furent ensevelis dans ses eaux, en somme plus beau que ceux qui ont esté chantés par Simeon et par tous les autres dont l'Escriture fait mention..

  A009000491 

 De mesme en font tous les hommes, car chacun cherche la felicité et le bonheur, neanmoins personne ne le trouve que celuy qui rencontre cette perle orientale du pur amour de Dieu, et qui l' ayant trouvée, vend tout ce qu'il a pour l'avoir..

  A009000492 

 Saint Bernard le dit fort bien: Ton ame, o homme, est de grande estendue, et nulle chose ne la peut remplir ni satisfaire que Dieu seul.

  A009000494 

 Les Anges luy demandent: Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu.

  A009000495 

 L'amante sacrée dit que les gardes l' ont blessée parce qu'elles l'ont arrestée, car rien ne blesse tant un cœur qui ayme Dieu que de se voir retenu loin de Dieu.

  A009000496 

 Le pur amour de Dieu est cette perle pretieuse que les negociateurs du Ciel trouvent, et pour laquelle acheter il faut qu'ils vendent tout ce qu'ils ont.

  A009000496 

 Nous voyons que ces anciens Chrestiens qui ne se contentoyent pas d'observer les commandemens de Dieu, mais aussi se mettoyent à la prattique exacte de ses conseils, quittoyent tout sans reserve; si que l'on pouvoit veritablement bien asseurer qu'ils n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame, car le mot de tien et de mien n'estoit jamais entendu parmi eux..

  A009000498 

 Le bienheureux saint Ignace, [173] escrivant à un de ses amis, luy recommande expressement les vierges et les vefves congregées dans les monasteres; les vierges comme consacrées à Dieu, et les vefves comme l'autel.

  A009000499 

 C'est une pretention bien haute que de conquerir le pur amour de Dieu, qui est la perle pretieuse que vous cherchez et que vous avez trouvée, laquelle neanmoins ne se peut acheter qu'au prix de toutes choses.

  A009000499 

 Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon.

  A009000500 

 Escoutez l'Espouse au Cantique des Cantiques, laquelle dit que si quelqu'un donne toute sa substance pour Dieu, pour son pur amour, il ne l'estimera rien, croyant de n'avoir gueres donné pour une perle si pretieuse.

  A009000500 

 La pretention de tous les Religieux n'est point moindre que de se transformer tout en Dieu, pretention digne certes d'un cœur genereux, et pretention que nous devrions tous avoir.

  A009000501 

 De mesme les ames qui ont fait cette genereuse entreprise de se transformer toutes en Dieu, helas! que ne faut-il pas qu'elles fassent pour s'aneantir, se confondre et se delaisser, jusques à ce qu'elles soyent tellement purifiées que rien ne leur demeure que la seule liqueur celeste qui est en elles, à sçavoir, l'image et la semblance de la divine Majesté.

  A009000505 

 La troisiesme consideration qui vous doit estre de grande consolation, c'est l'honneur que vous avez de venir faire vos offrandes sous la protection de la glorieuse mere de la tres sainte Mere de Dieu, laquelle, comme une mere perle, demeura erami la mer de ce monde sans recevoir aucune goutte d'eau salée, je veux dire, sans estre aucunement abreuvée des vains playsirs terrestres, ains vescut tousjours tres saintement en la prattique de toutes sortes de vertus.

  A009000512 

 O Dieu, quel soin n'eut elle pas de fournir Nostre Seigneur de tout ce qui luy estoit necessaire pendant qu'il fut petit! Quel empressement, ou pour mieux dire, quelle diligence ne fit-elle pas pour eviter le courroux d'Herode! Que ne fit-elle pour le sauver de tant de perils et mesaventures dont il fut menacé!.

  A009000514 

 Les Anges ont soin de nostre salut, et Dieu mesme a soin de ses creatures, mais avec paix et tranquillité.

  A009000514 

 Les Saints qui sont au Ciel ont du soin pour glorifier et louer Dieu, mais sans inquietude, car il n'y en peut avoir.

  A009000515 

 Marthe, avec le dessein et souci de pourvoir à ce qu'il failloit à nostre Maistre, avoit encores un peu de propre estime qui la poussoit à monstrer et desirer que l'on vist la courtoisie et affabilité avec laquelle elle recevoit ceux qui luy faisoyent l'honneur de la venir voir, se respandant toute au service propre au traittement exterieur du [180] Sauveur; et la bonne fille pensoit estre bonne servante de Dieu par ce moyen-là et s'estimoit estre quelque chose.

  A009000516 

 Cecy correspond à la response qu'il fit à cette femme dont il est parlé en l'Evangile: Vous dites bien que bienheureux est le ventre qui m' a porté et les mammelles que j'ay succees; mais moy je vous dis que bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000516 

 Or, ces personnes qui s'affectionnent et s'embesoignent comme Marthe à faire quelque chose pour Nostre Seigneur, pensent estre bien devotes et croyent que cet empressement soit vertu; ce qui n'est pourtant pas, ainsy que luy mesme le fait entendre: Une seule chose est necessaire, qui est d'avoir Dieu et de le posseder.

  A009000521 

 Nous trouvons en beaucoup de lieux de la Sainte Escriture que les lampes representent les Saints, lampes qui ont jetté des continuelles exhalaisons de bons exemples devant les hommes et qui ont esté tousjours ardentes du feu de l'amour de Dieu.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000523 

 Le grand Apostre saint Paul, parlant de la gloire du Fils de Dieu Nostre Seigneur, fait un argument par lequel on peut bien entendre le haut degré de celle de sa tres sainte Mere.

  A009000526 

 Je ne sçay si vous aurez remarqué que le petit David, avant qu'entreprendre la bataille contre Goliath, s'informa soigneusement parmi les soldats de ce que l'on donneroit bien à celuy qui vaincroit et terrasseroit ce grand geant, ennemy des enfans de Dieu.

  A009000527 

 Or, la fille du Roy, c'est à dire de Dieu, n'est autre chose que la gloire.

  A009000531 

 L'homme exterieur c'est celuy que nous voyons, qui regarde, qui parle, qui touche, qui gouste, qui escoute; c'est celuy cy qui s'empresse en l'exercice des vertus lesquelles concernent le commandement de l'amour du prochain, tandis que l'homme interieur prattique l'amour de Dieu.

  A009000535 

 Il faut certes un grand soin pour ne point produire d'actes d'impatience; mais, o Dieu, prattiquer la vaillance spirituelle, ne se laisser jamais descourager au bien, cela ne se peut faire qu'avec une grande attention pour observer la discretion.

  A009000536 

 Aymer Dieu sur toutes choses est le premier commandement; aymer le prochain sur tout ce qui n'est point Dieu c'est l'image du premier commandement..

  A009000537 

 Aymez-vous parfaitement Dieu, vous aymez donques parfaitement le prochain.

  A009000537 

 La tres sainte Vierge, nostre glorieuse Maistresse, prattiqua l'un et l'autre de ces amours en la reception qu'elle fit de son Fils: elle l'ayma et le receut en qualité de son Dieu, et elle le receut, l'ayma et le servit en qualité de son prochain.

  A009000537 

 Si vous avez l'amour de Dieu, ne vous mettez point en peine ni en souci de prattiquer les autres vertus, d'autant qu'il ne se presentera point d'occasion de vous y exercer que sans soin vous ne le fassiez; je dis quelle vertu que ce soit: de patience, de douceur, de modestie, et ainsy des autres..

  A009000539 

 En contreschange dequoy, ce grand Roy eternel, Dieu tout puissant, luy bailla un degré de gloire digne de sa grandeur, comme aussi le pouvoir de distribuer à ses devots des graces dignes de sa liberalité et magnificence.

  A009000552 

 ton Dieu de tout ton cœur, de toute.

  A009000556 

 A quoy nostre divin Maistre respondit: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu d'un amour de dilection, de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton esprit, de toute ta pensée, de toutes tes forces et en fin de tout ce que tu as et de tout ce que tu es..

  A009000557 

 Dieu veut estre aymé d'un amour d'election.

  A009000557 

 Hé Dieu, n'est-il pas bien raysonnable que cet amour domine et tienne le donjon au dessus de tous les autres, qu'il regne et commande et que tout luy soit sujet? Aymer le Seigneur d'un amour d'election, c'est cela, c'est le choisir entre mille, comme l'Espouse du Cantique des Cantiques: Mon Bien-Aymé est beau à merveille, toutes sortes de perfections sont en luy, je l'ay choisi entre mille, c'est à dire entre un nombre infini, pour mon Bien-Aymé et mon choisi..

  A009000557 

 Premierement je m'arreste sur cette parole: Tu aymeras Dieu d'un amour de dilection, c'est à dire d'un amour d'election.

  A009000558 

 O que ce commandement d'aymer Dieu est aymable!.

  A009000558 

 Qu'est-ce qui peut davantage esmouvoir nostre volonté à aymer que de se voir si parfaitement aymée? Mais de qui? De Dieu mesme.

  A009000559 

 Il n'y a que Nostre Dame qui ait eu ce privilege de pouvoir aymer Dieu en cette vie sans interruption quelconque, car tandis qu'elle dormoit, son esprit ne laissoit pas d'agir et de s'eslancer en Dieu.

  A009000559 

 Mais quant à nous, combien de fois nous trouvons-nous en des distractions qui nous sont inevitables! Nous pouvons voirement aymer Dieu d'un amour ferme et [194] invariable, mais non pas estre en l'exercice continuel de nostre amour..

  A009000559 

 Mais, disent quelques autres, Dieu veut que nous l'aymions de tout nostre cœur, de tout nostre esprit, de toutes nos forces, de toute nostre pensée, et ainsy de tout nostre pouvoir: et comme donques le pourrons nous faire en cette vie, puisqu'il faut que nous aymions nos peres, nos meres, nos femmes et nos enfans? Comment, nostre amour estant partagé, pourrons-nous aymer Dieu de toutes nos forces? Cela ne se peut, dites-vous.

  A009000559 

 O pauvres gens, que vous monstrez bien qui vous estes, et que vous avez des esprits, mais non pas pour penetrer les choses de Dieu, ni les comprendre et connoistre pour telles qu'elles sont.

  A009000560 

 Pour aymer Dieu d'un amour d'election il faut avoir la volonté determinée de ne conserver et ne reserver aucun autre amour qui ne luy soit sujet et sousmis, demeurans prests à bannir de nos esprits non seulement tout ce qui sera contraire, mais aussi tout ce qui ne servira pas à la conservation et augmentation de ce divin amour, qui est le seul digne du nom de dilection.

  A009000561 

 Et comment, me direz-vous, pourrons-nous faire pour satisfaire à ce divin commandement de l'amour de Dieu tandis que nous serons en cette vie, puisque vous asseurez que nous le pouvons accomplir selon le desir de la divine Bonté? Il est vray sans doute, nous le pouvons, mais pour le vous mieux faire entendre je me serviray d'une similitude..

  A009000563 

 Ils tiennent tousjours l'arc de cette resolution bandé, prests à descocher la fleche de leur fidelité en tous les rencontres où il sera besoin de faire paroistre que l'amour qu'ils luy portent est le supreme entre tous les autres amours, faisant tousjours ceder l'amour de la creature à celuy du Createur, voire mesme celuy qu'ils ont pour leur pere, mere, femme et enfans; heureux qu'ils sont, certes, de conserver ceste fidelité à Dieu, car ainsy faisant ils l'aymeront suffisamment pour ne point entrer en sa disgrace..

  A009000563 

 L'amour que le vulgaire des hommes porte à Dieu, s'entend les Catholiques, est semblable à ce premier archer que nous nous sommes representé, car ils sont resolus de mourir plustost que d'offencer mortellement la divine Majesté en prevariquant ses commandemens.

  A009000564 

 Ces ames donques que je dis estre comparables au second archer, sont celles qui se retirent du commun du peuple pour mener une vie plus parfaite, soit qu'elles s'en sequestrent tout à fait ou non, et qui ne se contentent pas de vivre selon l'observance des commandemens de Dieu, mais passant plus outre, embrassent la prattique de ses conseils; partant elles descochent le plus souvent qu'elles peuvent des traits et des sagettes dans le cœur de la divine Majesté par des eslancemens fervens et affectionnés de leur esprit.

  A009000564 

 Mais il y a des ames plus nobles et genereuses qui, sçachans que la suffisance ne suffit pas en ce qui est d'aymer Dieu, passent plus outre.

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000565 

 O qu'ils sont heureux de blesser continuellement le cœur tres aymable de Dieu de leur amour, amour qui sera infini et immortel et lequel ne pourra jamais avoir d'interruption en son exercice sacré, parce qu'à mesure qu'ils descochent les traits de leurs affections la divine Majesté remplit leurs carquois de sorte qu'ils seront eternellement inepuisables.

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000567 

 Mais, o Dieu, considerons un peu quel est cet amour que le Seigneur nous porte et duquel nous sommes si cherement aymés.

  A009000567 

 Voyez combien il est jaloux de nostre amour: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de toute ta pensée, de toutes tes forces, de tout ton esprit et de tout ce que tu es, c'est à dire de tout ton pouvoir.

  A009000568 

 Aymer Dieu de tout nostre cœur, qu'est-ce sinon l'aymer de tout nostre amour, mais d'un amour ardent; et pour cela il ne faut pas aymer beaucoup d'autres choses, au moins d'une affection particuliere.

  A009000569 

 Mais vous seriez bien ayses de sçavoir comment vous pourrez connoistre si vous aymez Dieu ainsy que nous venons de dire.

  A009000569 

 Si vous aymez bien Dieu vous aurez un grand soin de rechercher sa presence à fin de vous unir tousjours plus avec sa divine Bonté, non point pour la consolation qu'il y a de jouir de cette presence, ains simplement pour satisfaire à son amour qui le desire ainsy; vous rechercherez le Dieu de toutes consolations et non pas les consolations de Dieu.

  A009000570 

 Il faut voirement aymer quelque chose avec Dieu, mais d'un amour qui n'aille point de pair, ains soit tousjours prest à estre rejetté entant que sa divine Majesté le desirera..

  A009000570 

 Une autre marque pour connoistre si vous aymez bien Dieu, est si vous n'aymez pas beaucoup d'autres choses avec luy, ainsy que j'ay dit (mais cela s'entend d'un amour fort et puissant); car vous sçavez que quand on ayme beaucoup de choses ensemble, c'est les aymer d'un amour moins fort et moins parfait.

  A009000571 

 Ainsy faisant, nous nous resjouirons davantage des dons que Dieu fera à leurs ames, de sa grace, des vertus et benedictions celestes, que non pas des honneurs, richesses et biens caducs et perissables qui leur pourroyent arriver.

  A009000571 

 La troisiesme et la principale marque que je vous donne pour connoistre si vous aymez bien Dieu est que vous aymerez aussi bien le prochain; car nul ne peut dire en verité qu'il ayme Dieu s'il hait le prochain, ainsy que l'asseure le grand Apostre saint Jean.

  A009000571 

 Mais Dieu nous ayme pour le Ciel, partant il ayme plus l'ame que le corps; de mesme devons-nous faire nous autres.

  A009000571 

 Mais comme aymerez vous le prochain, de quel amour? Oh! de quel? de l'amour dont Dieu mesme nous ayme, car il faut aller puiser cet amour dans le sein du Pere eternel, à fin qu'il soit tel qu'il doit estre.

  A009000580 

 Toutes ces pretentions sont fort imparfaites et ne sont point dressées selon l'intention pour laquelle Nostre Seigneur a institué les Religions, qui est «pour s'unir plus parfaittement à Dieu» et estre crucifié avec Jesus Christ au «mont de Calvaire,» pour vivre avec luy au Ciel, et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau.

  A009000582 

 En Religion on doit vivre en une parfaitte chasteté, contraire à la liberté de la chair et du sang; en une parfaitte pauvreté, contraire aux richesses et commodités dont le monde fait tant de cas; mortifier son jugement, qui est une chose bien difficile, l'affection que l'on a pour son propre repos, l'ayse que l'on prend à l'oraison avec Dieu pour jouir de ses suavités.

  A009000583 

 Encores que cette derniere pretention paroisse bonne, ce n'est pourtant pas l'intention pour laquelle les Religions sont instituées: c'est à fin de servir plus parfaittement à Dieu et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau, car entrant en Religion il n'y faut point apporter les coustumes du monde.

  A009000584 

 L'Eglise fait encores cette priere: Dieu «vous veuille despouiller du viel homme et vous reveste du nouveau,» pour nous monstrer que toute nostre force vient de [205] Dieu.

  A009000584 

 Qu'est ce à dire cela: ma vertu se perfectionne en ton infirmité? C'est à dire en nostre foiblesse, lors que nous croyans plus infirmes pour entreprendre le bien, nous nous appuyons totalement en Dieu, reconnoissans nostre petitesse et que nous ne pouvons rien de nous mesmes sans la grace divine.

  A009000586 

 Rebecca ayant ouy ce qu'Isaac avoit dit à Esau, print un chevreau qu'elle accommoda en guise de venaison, puis le fit porter par Jacob à son pere à fin qu'il eust sa benediction (Dieu ne permit pas qu'elle vinst à Esau).

  A009000587 

 O que bienheureuses sont les ames qui entrent en Religion à cette supreme fin, pour cueillir les fleurs des graces de Dieu et jouir apres de leurs fruits au Ciel! Mais ceux qui sont venus pour d'autres motifs il ne faut pas qu'ils perdent courage, car on peut tousjours redresser son intention, la bonifier et la rendre meilleure, pourveu qu'on se despouille bien du viel homme, comme nous avons dit, et qu'on prenne les habitudes de la Religion..

  A009000601 

 Mais si cela est, pourquoy dit-elle au jour de sa joye, puisque c'est au jour de sa douleur et de sa mort, ainsy que luy mesme le declare: Mon ame est triste jusques à la mort? Mon Dieu, qu'est-ce que cecy, qu'emmi une si grande allegresse il se trouvast une si grande tristesse! O certes, la tristesse et la joye ne sont pas incompatibles ensemble, de sorte qu'elles se pouvoyent facilement rencontrer toutes deux en l'ame de Nostre Seigneur le jour de sa Passion.

  A009000603 

 La rayson nous le monstre, puisque ce fut alors que Dieu rendit le fruit de sa justice, de sa charité et de sa misericorde envers les hommes.

  A009000603 

 O Dieu, quel acte d'obeissance est celuy cy! Quel exces de complaisance pour le Pere eternel, lequel avoit desja dit au baptesme de Nostre Seigneur qu'il estoit son Fils bien aymé! Combien pensez-vous qu'il receut de contentement voyant qu'il luy rendoit le dernier et le plus [212] excellent tesmoignage de sa souveraine dilection et sousmission?.

  A009000604 

 L'amour que Dieu porte aux Bienheureux en Paradis et que ces ames bienheureuses portent à la divine Majesté est ce qui fait leur felicité.

  A009000604 

 Partant, et la connoissance que nous aurons des grandeurs de Dieu, et l'amour que nous luy porterons et qu'il nous portera seront le sujet de nostre bonheur eternel.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000606 

 Nous venons tous au festin de la Croix, car par la grace de Dieu nous esperons d'estre sauvés par [213] les merites de Nostre Seigneur crucifié; mais le malheur est que nous n'y venons pas tous avec la robe nuptiale, de sorte que plusieurs en sont bannis et jettés dans les flammes eternelles..

  A009000609 

 La charité des personnes du monde est si estroitte que rien n'y sçauroit entrer que la simple observance des commandemens de Dieu; car quant aux conseils ils ne peuvent entrer en cette robe.

  A009000613 

 Dieu soit beni..

  A009000620 

 Il crea les Anges en estat de justice et de grace, quoy qu'ils en receurent chacun differemment, les uns plus, les autres moins selon leur rang; neanmoins tous en furent parfaitement [217] doués autant qu'il estoit requis pour estre aggreables à Dieu et posseder la felicité et beatitude eternelle.

  A009000624 

 Il y a aussi d'autres ames qui servent Dieu si langoureusement et negligemment que c'est pitié; elles tombent [219] à tout propos en des imperfections et n'ont point de courage pour s'en relever.

  A009000626 

 Nous voyons par ces paroles que ce grand Saint appelle toutes les ames des Chrestiens generalement, espouses de ce grand Dieu.

  A009000626 

 Quand je considere le bonheur de ces ames que Dieu a choisies de toute eternité pour les mettre en la sainte Religion, à fin de «vaquer» plus soigneusement à la purgation de leurs maladies et imperfections pour acquerir «la perfection du divin amour,» j'ay de la jalousie pour elles, d'autant qu'elles sont tres particulierement les espouses de l'Espoux celeste.

  A009000627 

 Les femmes du monde ayment voirement Dieu, mais leur amour est partagé, car elles ayment leur mari, leurs enfans, leurs moyens; elles desirent d'en acquerir davantage, tellement que leurs affections estans engagées en tant de choses, elles sont beaucoup diverties de la pureté de l'amour divin et sacré.

  A009000627 

 Mais les ames religieuses ont mille fois plus de facilité parce que leur amour n'est point partagé; elles le logent tout en leur celeste Espoux, qui est l'unique objet de leurs affections et pretentions, auquel elles se sont entierement dediées et consacrées pour estre siennes à toute eternité, sans reserve ni exception; elles n'ont autre desir que de l'aymer et de luy plaire et taschent d'aneantir leur amour propre pour faire vivre et regner l'amour de Dieu, car ces deux amours ne peuvent compatir ensemble.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000630 

 De sorte que ces ames religieuses reçoivent mille suavités et contentemens parmi la pauvreté, la mortification et les exercices de la Religion, car c'est principalement à elles que ce divin Esprit depart ses pretieux dons; partant elles ne doivent rechercher que Dieu et la mortification de leurs passions en la Religion, car si elles y cherchent autre chose elles n'y trouveront jamais la consolation qu'elles pretendent..

  A009000633 

 L'humilité est une petite vertu et la moindre de toutes en apparence, qui, de sa condition et nature, penche tousjours en bas parce qu'elle se cache et aneantit au fond de la terre et du neant; la charité c'est la premiere, la plus excellente et la plus relevée, car elle embrasse Dieu, et neanmoins elle se veut unir à l'humilité avec laquelle elle est mariée..

  A009000633 

 L'humilité nous est tellement necessaire, que sans icelle nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni avoir aucune autre vertu, pas mesme la charité qui perfectionne tout, car elle est si conjointe à l'humilité que ces deux vertus ne peuvent estre separées; elles ont une si grande sympathie ensemble que l'une ne va point sans l'autre.

  A009000634 

 Cela est bon quand Dieu les donne; mais que fait-elle encores pour estre si sainte que vous dites? Elle donne souvent l'aumosne.

  A009000635 

 Cet Evesque avoit de vray des grans talens et richesses interieures, mais parce qu'il n'avoit pas ces deux vertus et qu'il estoit enflé d'orgueil et de vanité en soy mesme, devant Dieu il est pauvre et vuide de tout bien.

  A009000636 

 Et non seulement devant Dieu, car cela est facile (il est bien aysé à une mouche de se tenir pour rien au respect d'un elephant), mais devant les creatures; s'estimant la moindre et la plus imparfaite de toutes, elle s'aneantit, s'abaisse, se tient pour vile, abjecte et denuée de tout bien.

  A009000636 

 La sainte et vraye humilité fait que l'ame se tient fort rabaissée devant Dieu.

  A009000638 

 On doit s'estimer vil, pauvre et vuide de tout bien, et y venir avec cette croyance que l'on n'est rien, que l'on ne vaut rien; c'est pourquoy on se cache, comme ne meritant pas d'estre regardé de Dieu ni des creatures.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000644 

 En fin, si nous touchons Nostre Seigneur crucifié ça bas en terre, nous toucherons eternellement ce grand Dieu glorifié là haut au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000649 

 A quoy il respondit: Bienheureux sont ceux qui oyent, qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000650 

 La felicité n'est pas attachée à la dignité ni donnée selon icelle, ains selon la mesure de l'union que nous avons avec la divine volonté; de façon que si l'on pouvoit separer la dignité de Mere de Dieu d'avec la parfaite sousmission qu'avoit la tres sacrée Vierge à sa sainte volonté, elle auroit eu le mesme degré de gloire et la mesme felicité qu'elle a maintenant au Ciel.

  A009000651 

 Elle ne fut jamais sujette au changement et ne peut jamais se desprendre de cette premiere union et adhesion qu'elle fit alors de sa volonté avec celle de Dieu.

  A009000651 

 Nostre Dame a eu trois grans privileges au dessus de toutes les pures creatures: le premier est qu'elle a tousjours esté tres obeissante à la volonté de Dieu, c'est à dire à sa parole, et cela dès l'instant de sa conception, sans jamais varier ni discontinuer, non pas mesme un seul moment.

  A009000652 

 Nostre Dame ne peut jamais descheoir de la premiere grace qu'elle receut de la souveraine Majesté parce qu'elle alla tousjours adherant à la divine volonté, si qu'elle meritoit sans cesse de nouvelles graces; et plus elle en recevoit, plus son ame se rendoit capable d'adherer à Dieu, en sorte qu'elle s'unissoit plus que jamais et affermissoit sa premiere conjonction avec luy.

  A009000652 

 Quant à elle, il suffisoit, pour perseverer en son bon propos, qu'elle se fust donnée à Dieu dès le premier moment de sa vie, sans qu'elle eust besoin pour cela de sortir de la mayson de son pere; elle n'avoit rien à craindre que les objets exterieurs la peussent jamais divertir; mais, comme une bonne Mere, elle nous vouloit enseigner que nous ne devions rien negliger pour bien asseurer nostre vocation, ainsy que saint Pierre nous exhorte..

  A009000652 

 Si donc on peut trouver du changement en la tres sainte Vierge, ce n'est que pour s'unir davantage et croistre autant qu'il se pouvoit en toutes sortes de vertus pour rendre invariable la resolution qu'elle avoit faite d'estre toute à Dieu.

  A009000654 

 Elle venoit avec un cœur nompareil se donner à Dieu sans reserve, et semble que si elle eust osé, elle eust dit volontiers aux bonnes dames qui eslevoyent ces filles qu'on dedioit au Seigneur dans le Temple: Me voyci entre vos mains comme une boule de cire, faites de moy tout ce que vous voudrez, je ne feray nulle resistance.

  A009000654 

 Saint Joachim et sainte Anne la portoyent vrayement pour satisfaire au vœu qu'ils avoyent fait à Dieu de la luy offrir dans son Temple; mais cette benite Enfant y venoit aussi poussée de sa propre volonté, et, bien que pour se tenir dans les bornes de l'enfance elle ne l'eust point manifestée, l'heure neanmoins luy tardoit fort de se voir absolument toute consacrée au service de la divine Majesté.

  A009000656 

 Elle obeit plus parfaitement à la parolle de Dieu que nulle autre, aussi se donna-t-elle plus absolument à luy que nulle autre.

  A009000656 

 Et qu'est-ce que Dieu demande de nous? Escoutez-le, de grace, ce sacré Sauveur de nos ames: Mon enfant, donne-moy ton cœur, va-t-il repetant à un chacun de nous..

  A009000656 

 Mais qu'est-ce, je vous prie, que nous donner tout à Dieu? C'est ne se reserver aucune chose qui ne soit pour Dieu, non pas mesme une seule de nos affections ou de nos desirs.

  A009000657 

 Car, helas! ne sçavons-nous pas que tout ce qui est remis entre ses mains divines est converti en bien? Ton cœur est-il de terre, de boue ou de fange, ne crains point de le remettre entre les mains de Dieu; quand il crea Adam il prit bien un peu de terre et puis il en fit une ame vivante.

  A009000657 

 Mais, me dira-t-on, comment cela se peut-il faire que je donne à Dieu mon cœur qui est tout plein de pechés et d'imperfections? comment pourroit-il luy estre aggreable, puisqu'il est tout rempli de desobeissances à ses volontés? Hé, pauvre homme, de quoy te fasches-tu? pourquoy refuses-tu de le luy donner tel qu'il est? N'entens-tu pas qu'il ne dit point: Donne-moy un cœur pur comme celuy des Anges ou de Nostre Dame, mais: Donne-moy ton cœur? C'est le tien propre qu'il demande; donne-le tel qu'il est.

  A009000658 

 En l'ancienne Loy Dieu avoit ordonné qu'un chacun visitast son Temple, mais il defendit que personne n'y vinst les mains vuides, ni pauvres ni riches.

  A009000658 

 Mais que les ames riches en saintes pretentions de faire de grandes choses pour Dieu ne viennent pas apporter l'offrande des pauvres, car il ne s'en contenteroit pas.

  A009000658 

 Que les seculiers viennent offrir à la divine Majesté l'affection et la volonté qu'ils ont de suivre ses commandemens; Dieu s'en contentera et ils seront bien heureux, puisque s'ils les observent fidellement ils seront sauvés.

  A009000659 

 Mais nous autres, gardons bien de rien reserver, car Dieu ne veut point de reserve, il veut tout; et comme il se donne tout à nous en son divin Sacrement, de mesme il nous veut tout entiers.

  A009000659 

 Nostre Dame fait aujourd'huy une offrande telle que Dieu desirait, car outre la dignité de sa personne qui surpasse toutes les autres apres son Fils, elle offre tout ce qu'elle est et tout ce qu'elle a; et c'est ce que Dieu demande.

  A009000659 

 O mondains, jouissez, si bon vous semble, de vos biens, pourveu que vous ne fassiez tort à personne; prenez les playsirs licites et permis par la tres sainte Eglise, faites vos volontés en tant et tant d'occurrences, Dieu vous permet tout cela.

  A009000660 

 Mais il n'est pas de nous comme de Nostre Dame, laquelle s'estant une fois donnée, n'avoit nul besoin de [236] reconfirmer son offrande; car jamais elle ne discontinua, non pas mesme un seul moment, d'estre toute à Dieu et d'estre appliquée, collée et conjointe avec la divine volonté.

  A009000660 

 Pour nous, au contraire, à cause de la continuelle vicissitude et varieté de nos affections et humeurs, il est necessaire qu'à toute heure, tous les jours, tous les moys et toutes les années nous reconfirmions et renouvellions les vœux et les paroles que nous avons prononcées d'estre tout à Dieu.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000661 

 Les Israëlites, qui estoyent le peuple de Dieu, faisoyent leur renouvellement à chaque nouvelle lune, et pour y inviter un chacun, ils celebroyent des festes solemnelles, sonnant les trompettes pour resveiller l'esprit, non en des fanfares ou choses vaines, ains apres les choses eternelles.

  A009000662 

 Mais outre toutes ces festes, ç'a esté la coustume de tous ceux qui se sont plus specialement dediés à Dieu, comme les Religieux et Religieuses, de prendre un jour particulier pour reconfirmer leurs vœux à fin de mieux [237] obeir au grand Apostre qui nous conseille de bien affermir nostre vocation.

  A009000663 

 Demandez, je vous prie, à un Chrestien s'il ne veut pas obeir à la parole de Dieu: Oh! sans doute je le veux.

  A009000663 

 O Dieu, si vous voulez estre redouté vous ne serez pas humble, car il n'y a rien qui soit plus contraire à l'humilité.

  A009000663 

 Obeir à la volonté de Dieu c'est obeir à sa parole.

  A009000664 

 Il ne faut non plus d'exemption en cette obeissance qu'en l'offrande que Dieu veut que nous luy fassions de nous mesme, car si Nostre Dame n'eust pas esté aggreable à la divine Majesté sans cette absolue obeissance, comme Nostre Seigneur le monstre par la louange qu'il luy donna apres celle de cette benite femme mentionnée en nostre Evangile, beaucoup moins le serons-nous, nous autres.

  A009000664 

 Pourtant, mes cheres Soeurs, bien que nul autre que la Sainte Vierge puisse avoir cet honneur d'estre Mere de Nostre Seigneur en effect, nous devons neanmoins tascher d'en meriter le nom par l'obeissance à la volonté de Dieu.

  A009000671 

 Cette mesme louange se peut donner aux Religieux et Religieuses, non comme estans successeurs immediats des Apostres quant à l'office, car tous ne preschent pas, mais ouy bien quant à la maniere de servir Dieu, en la pretention de suivre ses conseils et ses volontés, à fin de tascher d'acquerir la perfection..

  A009000672 

 De mesme, si le feu du Saint Esprit, l'amour de Dieu, touche une ame et la choisit pour y faire sa demeure, vous appercevrez tout aussi tost que l'amour terrestre, caduc et perissable commencera à s'esteindre, à mourir et perir, en fin à luy quitter la place..

  A009000673 

 C'est de ce feu dont Nostre Seigneur parloit lors qu'il dit: J'ay apporté le feu du Ciel en terre, et que veux-je sinon qu'il brusle? O Dieu, quelle grace d'estre touché de ce feu tres beni, car jamais plus on ne se plaist ès ardeurs qui luy sont contraires..

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000679 

 Mais, o Dieu, que leur folie est grande de se vouloir gouverner eux mesmes! Escoutez le grand saint Bernard qui demande à l'un de ceux cy: Dis-moy, je te prie, qui est ton maistre? Je le suis moy mesme.

  A009000680 

 Mais, o Dieu, qu'est-ce qui suit cette liberté? non autre certes qu'un eternel esclavage apres cette vie mortelle, qui est de si peu de durée au prix de l'eternelle..

  A009000681 

 Mais quel est ce sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et sans lequel elles ne sçauroyent meriter que Nostre Seigneur les trouve bonnes ni aggreables à sa bonté? C'est la sainte obeissance qui les rend aussi meritoires de la vie eternelle; ouy, mesme une action qui de soy n'est nullement bonne et de nul merite, si elle est faite par obeissance elle devient bonne, et les indifferentes sont rendues meritoires et aggreables à Dieu.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000682 

 S'ils se vont coucher ils le font simplement parce qu'il est expedient de donner du repos à leur corps à fin d'avoir par apres assez de force pour le travail ordinaire et necessaire pour la gloire de Dieu.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 Ce qu'ayant fort bien consideré, ces filles qui se viennent offrir à Nostre Seigneur en sacrifice tres aymable ont fait dessein de renoncer à leur propre liberté; ne s'estimans pas assez sages pour se conduire elles mesmes, elles se viennent abandonner entre les bras de la sainte obeissance pour demeurer à jamais sujettes et sousmises à la volonté de Dieu et de leurs Superieurs.

  A009000685 

 O Dieu, si nous autres qui sommes drdiés au service de la divine Bonté faisions la centiesme partie des choses que les courtisans des rois et des princes font pour eux, indubitablement nous serions tous saints.

  A009000685 

 Que de veilles insupportables et autres travaux tant du corps que de l'esprit! Et cependant, ces pauvres gens perdent pour la pluspart toute leur peine, faute de relever leurs intentions et de le faire parce que les rois et les princes tiennent la place de Dieu quant aux choses temporelles, et que partant il les faut honnorer et servir de bon cœur.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000687 

 Dieu vous fasse la grace d'enfanter Nostre Dame ainsy que vous l'avez conceue, c'est à sçavoir de bien mettre en effect vos resolutions et vos desirs..

  A009000687 

 Que vous avez bien conceu Nostre Dame en la veille de sa Conception! car, qu'est-ce autre chose concevoir la sacrée Vierge sinon concevoir la volonté et le desir de l'imiter en ses vertus? Elle estoit si droite en ses intentions qu'elle ne voulut point donner son consentement d'estre Mere de Dieu que premier elle n'eust consideré si c'estoit la divine volonté; mais l'ayant [248] reconneuë elle dit: Fiat; me soit fait selon ta parole.

  A009000693 

 Dieu dit comme il fait et fait comme il dit; en quoy il nous monstre qu'il ne nous faut pas contenter de bien dire, mais qu'il faut que nous ajustions les effects à nos propositions et les œuvres à nos parolles si nous luy voulons estre aggreables; et tout ainsy que son dire est faire, il veut de mesme que nostre dire soit incontinent suivi du faire et de l'execution de nostre bon propos.

  A009000694 

 Nostre Seigneur donques pour confirmer cette verité, vient aujourd'huy au Temple pour y estre offert à Dieu son Pere, s'assujettissant à l'observance de la Loy que jadis il avoit donnée à Moyse, escritte sur les tables de pierre.

  A009000695 

 Mais Nostre Dame fut prevenue de la grace de Dieu et confirmée en icelle au mesme instant de sa conception, de sorte qu'elle ne pouvoit en descheoir ni pecher.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000696 

 C'est la plus grande de toutes les vertus purement morales, car je n'entens pas parler de l'amour de Dieu et de la charité, celle-cy n'estant pas seulement une vertu particuliere ains une vertu generale qui se respand sur toutes les autres, et dont elles tirent leur splendeur.

  A009000696 

 O Dieu, quelle grandeur de Nostre Seigneur et de Nostre Dame qui est sa Mere! Que c'est une consideration belle, et la plus utile et profitable que nous sceussions faire que celle cy, de l'humilité que le Sauveur a si cherement aymée! Il semble qu'elle ait esté sa bien aymée et qu'il ne soit descendu du Ciel pour venir en terre que pour l'amour d'elle.

  A009000699 

 Il y en a plusieurs qui se trompent grandement en ce qu'ils pensent que l'humilité ne soit propre à pratiquer [253] que par les novices et commençans, et que dès qu'ils ont fait un peu de chemin en la voye de Dieu ils se peuvent bien relascher en cette prattique.

  A009000700 

 Ce n'est point mal de se considerer soy mesme pour glorifier Dieu des dons qu'il nous a faits, pourveu que nous ne passions à la vanité et complaisance sur nous mesmes.

  A009000700 

 Cependant il faut tousjours demeurer dans les termes et limites d'une sainte et amoureuse reconnoissance envers Dieu de qui nous dependons et qui nous a faits ce que nous sommes..

  A009000701 

 Le roy Saul que ne fit-il pas au commencement de son regne? L'Escriture dit qu'il estoit en l'innocence d' un enfant d'un an; et cependant il se pervertit de telle sorte par son orgueil qu'il merita d'estre reprouvé de Dieu.

  A009000703 

 Escoutez-la, de grace, comme elle se mesestima tousjours, et principalement quand l'Ange luy annonça qu'elle devoit estre Mere du Fils de Dieu: Je suis, dit-elle, sa servante.

  A009000703 

 Je sçay bien qu'elle entendoit ainsy, que Dieu avoit regardé sa petitesse et sa bassesse, mais c'est en cela mesme que nous reconnoissons davantage sa profonde et sincere humilité.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000708 

 Les uns pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie tres grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dependist de la methode ou de la contenance de ceux qui font l'oraison.

  A009000709 

 Il n'y a point d'autre finesse, et sans cette condition jamais nos oraisons ne vaudront rien ni ne pourront estre receues de Dieu; car le divin Maistre l'a dit luy mesme: Nul ne peut aller à mon Pere que par moy.

  A009000709 

 L'oraison n'est autre chose qu'une «eslevation de nostre esprit en Dieu,» que nous ne pouvons nullement faire de nous mesmes.

  A009000709 

 Laissez, dit-il, maintenant aller vostre serviteur en paix, puisqu'il a veu son salutaire et son Dieu.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000711 

 O qu'heureux sont ceux qui vont au Temple disposés pour recevoir cette grace, d'obtenir de cette divine Mere ou de son cher Espoux Nostre Seigneur et Maistre, car l'ayant entre nos bras nous n'avons plus rien à desirer, et pouvons bien chanter ce divin cantique: Laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, o mon Dieu, puisque mon ame est pleinement satisfaite, possedant tout ce qui est de plus desirable soit au Ciel soit en la terre..

  A009000712 

 En plusieurs endroits de l'Escriture Sainte ce mot de timoré nous fait entendre la reverence envers Dieu et les choses de son service.

  A009000713 

 C'est bien dit; vous ne voulez donques pas ajuster vostre volonté à celle de Dieu qui veut que vous y ayez des secheresses et des sterilités? cela n'est pas estre juste.

  A009000713 

 Cela est bon, Dieu vous veuille acheminer au but de vostre desir et entreprise; mais dites-moy, je vous prie, qu'est-ce que vous y allez faire? Je m'en vay demander à Dieu des consolations.

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000713 

 Oh! je m'en vay demander à Dieu qu'il me delivre de tant de distractions qui m'y arrivent et qui m'y importunent.

  A009000713 

 Premierement, Simeon estoit juste; qu'est-ce à dire cela, sinon qu'il avoit ajusté sa volonté à celle de Dieu? Estre juste n'est autre qu'estre selon le cœur de Dieu et vivre selon son bon playsir.

  A009000714 

 Nous aurons tousjours assez tost ce que nous desirons, quand nous l'aurons lors qu'il plaira à Dieu de nous le donner.

  A009000715 

 Car, en quel respect et en quelle reverence ne devons nous pas estre en parlant à la divine Majesté, puisque les Anges qui sont si purs tremblent en sa presence? Mais, mon Dieu, je ne puis point avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation de toute l'ame, c'est à dire de toutes les facultés de nostre ame, en fin cette reverence sensible qui me feroit aneantir si doucement et aggreablement devant Dieu.

  A009000715 

 La troisiesme condition est qu'il faut estre, comme saint Simeon, timoré, c'est à dire plein de reverence devant Dieu au temps de la sainte oraison.

  A009000715 

 Or, ce n'est pas de celle cy que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en reconnoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité.

  A009000716 

 Grand cas que ce divin Esprit ne fasse nulle reserve pour n'habiter point en nous, que celle de la feintise et artifice! Il faut donc estre simples et naïfs, si nous voulons qu'il vienne en nous, et par apres Nostre Seigneur; car le Saint Esprit semble estre le fourrier de nostre Sauveur Jesus Christ, et comme il procede de luy de toute eternité entant que [264] Dieu, il semble qu'il luy rende son change, Nostre Seigneur procedant de luy entant qu'homme..

  A009000717 

 Que nous reste-t-il donc plus à dire maintenant, sinon qu'ayant dès cette vie perissable et mortelle le Saint Esprit en nous, nous tenant en grand respect et reverence devant la divine Majesté en attendant avec sous-mission l'evenement de nostre perfection et ajustant, autant qu'il nous sera possible, nostre volonté à celle de Dieu, nous aurons le bonheur de porter le Sauveur entre nos bras, et au moyen de cette grace nous serons bienheureux eternellement.

  A009000722 

 Je rencontray de mes yeux, dit-il, un autel dedié au Dieu inconneu; et de là il print occasion de prescher aux Atheniens quel estoit ce Dieu inconneu qu'ils adoroyent.

  A009000722 

 Le grand Apostre saint Paul, predicateur de la Croix de Nostre Seigneur, raconte qu'estant allé un jour en la ville d'Athenes il fit de ses yeux le rencontre d'un autel qui avoit pour tiltre: Au Dieu inconneu.

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Le grand Apostre donc print sujet de cette inscription pour leur faire une excellente predication, leur donnant à entendre avec des termes admirables quel estoit ce Dieu qu'ils ignoroyent encores.

  A009000723 

 Non pas que je vous veuille parler d'un Dieu inconneu, car grace à sa bonté nous le connoissons; mais certes, je pourrois bien parler d'un Dieu mesconneu.

  A009000723 

 Nous ne vous ferons donc pas connoistre, mais nous vous ferons reconnoistre ce Dieu tant aymable qui est mort pour nous..

  A009000724 

 Oh que c'est une chose utile que cette reconnoissance! Car veritablement, au dire de plusieurs, Abraham, Isaac et Jacob eussent eu quelque excuse s'ils n'eussent pas reconneu la divine Majesté, d'autant qu'ils ne l'avoyent pas conneue si clairement que nous, qui sommes hors d'excuse, ayans appris de Dieu mesme ce qu'il est, par la divine bouche de Nostre Seigneur qui est, comme nous avons dit, un mesme Dieu avec son Pere.

  A009000728 

 Aussi tost que les Anges eurent peché ils furent en mesme temps confirmés en leur malice par la volontaire election qu'ils firent du mal et de ce qui pouvoit estre desaggreable à Dieu; si que dès lors il n'y eut plus d'esperance pour eux de s'en pouvoir desprendre.

  A009000730 

 Mon Dieu, que ces parolles sont admirables! Considerez, je vous prie, la douceur du cœur de nostre Maistre, et voyez comme la charité recherche des artifices pour parvenir au but de sa pretention qui est la gloire de Dieu et le salut du prochain.

  A009000734 

 O Dieu, quelle misere est la nostre! A peine pouvons-nous pardonner à nos ennemis, et Nostre Seigneur les aymoit si cherement et prioit ardemment pour eux!.

  A009000735 

 Cette priere si admirable porta un tel fruit que plusieurs d'entre eux se convertirent: aucuns tout sur le champ, confessant, apres l'avoir ouïe, que cela estant tout à fait au dessus de la nature humaine, il estoit veritablement Fils de Dieu.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000737 

 Mais outre la grace qu'il octroye aux pecheurs, il la demande pour eux à son Pere celeste avec une charité si artificieuse qu'il ne l'appelle point son Dieu ni Seigneur, comme nous verrons qu'il fera cy apres en parlant pour soy, ains il l'appelle mon Pere, sçachant bien que ce mot si tendre estant prononcé par l'amour cordial, est plus respectueux que celuy de mon Seigneur, et que partant il seroit plus tost exaucé.

  A009000737 

 O Dieu, quelle bonté et quelle douceur du cœur de nostre tres doux Sauveur!.

  A009000740 

 Tous sans exception ont eu besoin du merite du sang respandu par Nostre Seigneur, lequel, comme je crois, jettoit des odeurs et des parfums si excellens, tant devant la Majesté du Pere eternel que devant les hommes, qu'il estoit presqu'impossible qu'il ne fust reconneu pour estre le sang non d'un homme seulement, mais d'un homme Dieu..

  A009000743 

 O Dieu, quel eschange; du Fils au serviteur, de Dieu à la creature! Neanmoins elle ne refuse point, sçachant bien qu'en la personne de saint Jean elle acceptoit pour siens tous les enfans de la Croix et qu'elle en seroit la chere Mere.

  A009000744 

 En quoy certes ont grand tort ceux qui pensent qu'elle fut tellement outrée de douleur qu'elle en demeura pasmée; car sans doute cela n'est point, ains elle demeura ferme et constante, bien que son affliction fust la plus grande que jamais femme aye ressenti pour la mort de son enfant, parce qu'il ne s'en est jamais trouvé qui ayt eu autant d'amour qu'elle en avoit pour Nostre [276] Seigneur, non seulement parce qu'il estoit son Dieu, mais aussi parce qu'il estoit son Fils tres cher et tres aymable..

  A009000745 

 Elle demeura donc, cette tres glorieuse Mere, ferme, constante et parfaittement sousmise au bon playsir de Dieu, qui avoit decreté que Nostre Seigneur mourroit pour le salut et redemption des hommes..

  A009000747 

 Mais il ne se monstra pas seulement digne du nom de Jesus, ains encores de celuy de Nazareen; et cecy est le deuxiesme point de nostre discours et la deuxiesme parolle de ce tiltre sacré que j'ay regardé et consideré sur l'autel de la Croix, dedié non au Dieu inconneu mais au Dieu mesconneu.

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000752 

 Non, cette haine ne se peut trouver qu'au cœur des hommes forcenés de desespoir et de rage à cause des vehementes douleurs qu'ils souffrent; et cela fait que quelquefois ils haïssent Dieu et sont du tout incapables de l'aymer.

  A009000752 

 O Dieu, quelle douceur du cœur de nostre Maistre qui nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire! car il n'y a point de plus grand peché que de haïr Dieu qui n'est en façon quelconque capable d'estre haï en soy mesme.

  A009000753 

 Or, cette parolle que nous disions nagueres ne fut nullement prononcée pour se plaindre, ains seulement pour nous enseigner comme au fort de nos peines interieures, delaissemens et abandonnemens spirituels nous nous devons addresser à Dieu et ne nous plaindre qu'à luy mesme qui seul doit voir nostre affliction, ne souffrant pas que les hommes s'en apperçoivent sinon le moins qu'il se peut..

  A009000757 

 Je passe outre et remarque la troisiesme vertu que Nostre Seigneur nous presente sur la croix, comme une fleur tres aggreable: c'est la tres sainte perseverance, vertu sans laquelle nous ne sçaurions estre dignes du fruit de sa Mort et Passion; car ce n'est pas tout de bien commencer si l'on ne persevere jusques à la fin, puisque c'est chose asseurée que l'estat auquel nous nous trouverons à la fin de nos jours, lors que Dieu coupera le fil de nostre vie, sera celuy où nous demeurerons pour toute eternité.

  A009000758 

 Mais plus excellente que toute autre est la quatriesme vertu, car elle est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le merite, ce semble, de la patience et le fruit de la perseverance; grande est cette vertu, et seule digne d'estre prattiquée des plus chers enfans de Dieu: c'est la tres aymable indifference.

  A009000771 

 La seconde paix est celle que les saints Peres ont distinguée en trois parties: la paix avec Dieu, [286] la paix les uns avec les autres et la paix avec nous mesme.

  A009000772 

 Grand certes est le chastiment que Dieu tire de nous lors qu'il nous laisse entre les mains de nos ennemis, qu'il retire son divin secours et ne nous tient plus en sa tres sainte protection.

  A009000772 

 Les Iraëlites ayans quitté l'observance des commandemens de Dieu et s'estans departis de sa grace, le Seigneur justement indigné contre eux, les laissa, en punition, tomber entre les mains des Madianites, leurs ennemis jurés; partant il leur osta sa paix en laquelle il les avoit tousjours tenus tandis qu'ils avoyent esté fidelles.

  A009000773 

 Gedeon demeura bien estonné de ces parolles et respondit: Hé, comment est-il possible que ce que vous dites soit vray? Vous m'asseurez que le Seigneur est avec moy; si cela estoit, comme seroit-il possible que je fusse saisi et environné de tant d'afflictions? Le Seigneur est le Dieu de paix, et je ne suis qu'en [287] guerre et en trouble.

  A009000773 

 Or cela n'est pas; au contraire, en l'affliction et en la tribulation Dieu se tient plus pres de nous, d'autant que nous avons plus besoin de sa protection et de son secours..

  A009000773 

 Or, la bonté de Dieu qui est si grande envers les hommes, ayant abandonné les Israelites par l'espace d'environ sept ans, se resolut d'avoir pitié d'eux et envoya un Ange annoncer à Gedeon qu'il vouloit les restablir en leur premiere paix, et par son moyen.

  A009000774 

 Despuis il esleva un autel au lieu où il luy avoit parlé, lequel il nomma Domini pax, c'est à dire la paix du Seigneur, [288] parce que la paix luy avoit esté annoncée de la part de Dieu en ce lieu là..

  A009000774 

 Vous me dites, poursuit-il, que je prenne les armes et que je demeureray victorieux; hé, ne sçavez-vous pas que je suis le moindre de tous les hommes? C'est tout un, respond l'Ange, Dieu veut que ce soit toy qui delivres les Israelites de l'affliction en laquelle ils sont.

  A009000775 

 En cette mort il fut fait peché pour nous, ainsy que dit saint Paul; c'est à sçavoir, luy qui estoit impeccable fut rendu comme un pecheur devant la face de Dieu son Pere, ayant par sa bonté non ouye pris sur luy toutes nos iniquités à fin de satisfaire pour nous à la justice divine..

  A009000775 

 Il n'y a point de cloute, mes cheres ames, que la Croix ne represente merveilleusement bien cet autel sur lequel fut offert le sacrifice de la paix, et lequel fut nommé ensuite la paix du Seigneur; ou que plustost le sacrifice de Gedeon et son autel ne fust la figure de celuy que Nostre Seigneur et Maistre accomplit sur la croix, puisque ce sacrifice a esté appellé le sacrifice d'accoisement et de pacification; car les hommes ayant esté pacifiés avec Dieu, receurent la paix en eux mesmes au moyen de la grace que le Sauveur leur acquit par sa Mort et Passion.

  A009000777 

 Et tout ainsy que par ce signe Gedeon demeura confirmé en l'esperance de l'evenement de la paix et de la victoire qu'il devoit remporter sur les Madianites, comme l'Ange le luy avoit predit, de mesme le sacrifice de la Croix [289] estant consommé et Nostre Seigneur ayant dit: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, les hommes furent soudain confirmés en l'esperance que les Prophetes leur avoyent donnée par tant de siecles, que la paix seroit un jour faite en eux, et que l'ire de Dieu estant accoisée par le moyen de ce sacrifice, qui est un sacrifice de pacification, ils seroyent rendus victorieux et triomphans de leurs ennemis..

  A009000781 

 En somme, le saint Evangile ne traitte presque par tout que de la paix; et comme il commence par la [291] paix, de mesme il finit par la paix pour nous enseigner que c'est l'heritage que le Seigneur Dieu nostre Maistre a laissé à ses enfans qui sont en la sujetion de la tres sainte Eglise, nostre bonne Mere et son Espouse tres chere..

  A009000781 

 Il a esté commencé par la paix, comme nous voyons en l'Evangile qui se lit en la Nativité de Nostre Seigneur, en laquelle les Anges chantoyent: Gloire à Dieu ès lieux hauts, et paix en terre aux hommes de bonne volonté.

  A009000782 

 Cependant, comme cette paix est un peu bien generale, il nous faut traitter de la seconde, qui est celle qui nous pacifie avec Dieu, avec le prochain et avec nous mesme.

  A009000782 

 Nul homme, fors les enfans de l'Eglise, ne peut avoir de tels moyens pour se reconcilier avec Dieu, à faute desquels aussi ils demeurent tousjours enfans d'ire et miserables..

  A009000782 

 Quant au premier point, nous avons desja dit que c'est par le moyen de la Mort et Passion de Nostre Seigneur que nous avons esté reconciliés avec Dieu.

  A009000783 

 La guerre n'est entre les Chrestiens sinon entant qu'ils ne sont pas en la grace de Dieu; car, s'ils y demeurent, le diable, le monde et la chair n'ont nul pouvoir sur eux.

  A009000783 

 La paix n'appartient qu'aux enfans de l'Eglise, il est vray; car tous les autres n'ont point les moyens de reconciliation que nostre Sauveur nous a donnés pour nous remettre en la bonne grace de Dieu son Pere autant de fois que nous la perdons, bien que veritablement nous la perdions par nostre faute.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000793 

 Les Anges apostats escouterent cette fausse opinion qu'ils devoyent estre comme Dieu, et se perdirent en leurs pensées.

  A009000793 

 Mais soudain que Lucifer vit que son ambition outrecuidée l'avoit perdu, il presenta cette mesme tentation à nostre pauvre mere Eve, l'asseurant qu'elle ne mourroit point, bien que Dieu l'eust dit, ains qu'elle seroit semblable à luy en mangeant du fruit defendu.

  A009000793 

 O que le pauvre Adam eust esté heureux de demeurer seul et sans estre marié, car il n'eust pas encouru l'indignation de Dieu en prevariquant son commandement!.

  A009000793 

 Saint Michel ayant entrepris de resister à leur temerité: Miserables, dit-il, qui est comme Dieu? et au son de cette parolle ils furent precipités et malheureux pour jamais.

  A009000798 

 C'est grand pitié du desgat que ce manquement de paix fait en l'ame; au lieu que nous jouirions d'un grand repos si la memoire demeuroit ferme au souvenir des promesses divines qui nous asseurent non seulement de la fidelité de Dieu, mais encor de son soin tendre et amoureux pour tous ceux qui se confient en luy et ont logé en sa bonté toutes leurs esperances.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 Le troisiesme soldat de nostre esprit et le plus fort de [299] tous c'est la volonté, car nul ne peut surmonter la liberté de la volonté de l'homme; Dieu mesme qui l'a creé ne veut en façon quelconque la forcer ni violenter.

  A009000800 

 De mesme, pourriez-vous bien dire, en aymant Dieu je rencontre plusieurs autres choses, comme les livres, les vertus, [300] l'oraison, le prochain que j'ayme voirement bien; cependant mon dessein principal estant de n'aymer que Dieu, fait que j'ayme toutes ces choses et que je m'en sers, mais ce n'est qu'en passant, pour m'exciter à l'aymer davantage, et tousjours plus parfaitement, car tel est mon vouloir et je n'en veux jamais point d'autre..

  A009000800 

 Et quel est-il cet un? C'est Dieu qu'il faut vouloir, mes cheres Sœurs, et rien autre; car qui ne se contente pas de Dieu merite de n'avoir rien.

  A009000800 

 Mais, me repliquerez-vous, ne faut-il pas vouloir aymer le prochain? Puisque vous dites qu'il ne faut aymer que Dieu et ne vouloir que luy seul, pourquoy donques tant de livres spirituels, tant de predications et tous les autres exercices de devotion? Un exemple vous fera entendre cecy: vous regardez cette muraille qui est blanche, et je vous demande ce que vous voyez.

  A009000802 

 Mais, mon Dieu, quelle paix est celle cy, et qu'elle est differente de celle que le monde donne! Les mondains se vantent aucunesfois d'avoir la paix, mais c'est une paix fausse, laquelle est en fin suivie d'une tres grande guerre.

  A009000802 

 Son bien aymé Apostre saint Pierre en fit tout de mesme apres luy, car il dormoit paisiblement quand l'Ange le vint tirer de la prison, le soir devant le jour auquel on le devoit faire mourir; tant les vrays amis de Dieu sont tranquilles et possedent la paix que Nostre Seigneur leur a acquise..

  A009000803 

 De mesme en font les hommes pecheurs lors qu'ils pensent fuir l'ire de Dieu.

  A009000803 

 La tempeste estant grande et les matelots ne sçachant plus que faire pour eviter le peril eminent auquel ils se voyoient presque reduits, s'en vont au fond du navire, où trouvant le pauvre Jonas qui dormoit, non d'un sommeil de paix mais d'un sommeil de detresse, ils luy dirent: Quoy, miserable, tu dors en cette affliction! Et s'estant enquis d'où il estoit: Oh! respondit-il, je suis un miserable homme qui fuis de devant la juste indignation de Dieu irrité contre moy.

  A009000804 

 La paix, mes cheres ames, ne se trouve qu'emmi les enfans de Dieu et de l'Eglise, qui vivent selon la volonté divine en l'observance de ses commandemens.

  A009000805 

 Nous pouvons bien affoiblir la chair, nostre principal ennemy, qui nous poursuit de si pres que jamais il ne nous abandonne; mais pourtant nous ne le pouvons abattre ni terrasser tout à fait, parce que c'est l'un de ces goujats et coquins que Dieu a laissés en vie pour nous exercer, bien qu'ils ne nous puissent nuire.

  A009000806 

 Un jeune homme, touché de l'esprit de Dieu pour se retirer en Religion, s'en alla clans un monastere de la Thebaïde trouver un bon Pere auquel il raconta son dessein, le suppliant de le recevoir pour son disciple.

  A009000808 

 O Dieu, dit le pauvre garçon, quoy, n'est-il pas encores fait? faut-il encores recommencer? est-il requis de faire si souvent des noviciats? trois ans ne suffiront-ils pas? Helas, je pensois estre parfait en le voulant, et cependant il y a encores tant à faire! Apres qu'il eut bien fait ses plaintes, le bon maistre ne s'en estonnant pas beaucoup, commença à l'encourager disant que puisqu'il avoit desja tant fait il failloit poursuivre, que la perfection estoit un si grand bien qu'il ne failloit pas regretter la peine ni le temps que l'on employe à l'acquerir..

  A009000810 

 Mais le Pere luy dit: Mon fils, il n'appartient qu'à Dieu de juger si vous l'estes ou non; mais si vous voulez, nous en ferons bien une petite espreuve.

  A009000820 

 La grace que nous recevons au jour de nostre Baptesme est certes grande, car nous sommes rendus enfans de Dieu.

  A009000820 

 Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés [308] à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent, nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizés..

  A009000821 

 Ce n'est pas non plus seulement pour ce que c'est le jour de leur naissance spirituelle auquel ils reçoivent la grace divine et renouvellent les promesses qu'ils ont faittes, ou que l'on a fait pour eux en leur Baptesme, de vivre selon les commandemens de Dieu; mais ils solemnisent beaucoup plus parfaittement et se resjouissent davantage en cette journée, d'autant que c'est celle de leur renaissance.

  A009000821 

 En effect, ils ne se contentent pas de renouveller les vœux, à sçavoir les promesses d'observer les commandemens de Dieu, ains se resolvent d'entreprendre la prattique des conseils de Nostre Seigneur et de vivre selon la perfection du saint Evangile.

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000823 

 Il me semble que j'ay entendu vos cœurs, mes tres cheres Filles, dire telles ou semblables paroles à Nostre Seigneur, que vous venez maintenant choisir pour vostre Espoux et «l'unique objet de vostre dilection:» Il est vray, mon Seigneur et mon Dieu, qu'en la Religion on ne presche que la mortification tres entiere de nous mesme à fin d'obeir à cette semonce sacrée que vous avez faite: Quiconque veut estre parfait il est requis et necessaire qu'il renonce à soy mesme, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000827 

 O Dieu, quelle dureté de cœur! car pour tout cela il ne s'amollissoit pas, ains perseveroit en son obstination, disant tousjours qu'il ne croiroit point s'il ne touchoit et voyoit luy mesme les playes de son Maistre.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 O Dieu, quelle confusion pour le saint Apostre, lequel ayant ouÿ son Maistre, se print à dire ces parolles de fidelité: Mon Seigneur et mon Dieu! Et à l'instant ses yeux furent ouverts, il vit le peril eminent dont son cher Maistre l'avoit tiré.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000850 

 Voyons donques maintenant comment Dieu envoya son Saint Esprit sur tous les hommes qui se trouverent assemblés au cenacle, lesquels estoyent au nombre de six vingts et parloyent tous selon que le Saint Esprit leur donnoit.

  A009000851 

 Mais ce que nous disons que le Saint Esprit nous a esté donné par le Pere et par le Fils, ne se doit pas entendre qu'il soit separé ni de l'un ni de l'autre, parce qu'il ne se peut, n'estant qu'un seul et vray Dieu indivisible; ains nous voulons dire que Dieu nous a donné sa divinité, bien que ce soit en la personne de son Saint Esprit.

  A009000852 

 Certes, nous ne sçaurions assez remercier Dieu de ce qu'il a fait ce singulier present à son Eglise, à cause des biens qui en resultent.

  A009000854 

 Cette crainte ne leur a pourtant point fait eviter le peché ni l'iniquité pource qu'ils n'avoyent pas receu le Saint Esprit; car la crainte qui s'appelle don du Saint Esprit non seulement nous fait redouter les divins jugemens, la mort et l'enfer, mais elle nous fait craindre Dieu comme nostre Seigneur et nostre Juge, et partant nous porte à fuir le mal et tout ce que nous sçavons luy estre desaggreable.

  A009000856 

 La pieté n'est autre chose qu'une crainte filiale, qui ne nous fait plus regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous redoutons de desplaire et desirons d'aggreer..

  A009000857 

 Mais il ne nous serviroit de gueres d'avoir le desir de plaire à Dieu et la crainte de luy desplaire si le Saint Esprit ne nous octroyoit le troisiesme don, qui est celuy de science, par lequel nous apprenons que c'est que vertu et que c'est que vice, ce qui est aggreable à Dieu et ce qui luy est desaggreable.

  A009000859 

 C'est en quoy consiste le don de force et la grandeur de courage: à se surmonter soy mesme pour s'assujettir à Dieu, mortifiant et retranchant de nos esprits toutes leurs superfluités et imperfections pour petites qu'elles soyent, sans aucune reserve; et de plus, ce don nous fait entreprendre de parvenir à la plus haute perfection, sans craindre la difficulté qu'il y a pour l'acquerir..

  A009000861 

 Voyons cette pauvre femme: elle s'en ira promptement reconnoistre sur la Croix du Sauveur, voire mesme dans le cœur de Dieu, cette maxime de la perfection: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; au mystere de l'Incarnation elle remarque la mesme maxime, et de plus celle de l'humilité et abjection.

  A009000862 

 Ainsy, faisant tout au contraire des gens du monde, qui estiment bienheureux les riches, ceux qui sont honnorés et qui vivent delicieusement, elle tient pour bienheureux les pauvres d'esprit, puisqu'elle a trouvé cette vertu dans le cœur de Dieu mesme; bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui portent et font paroistre dans leur exterieur la mortification procedante de l'interieure renonciation et mespris de tout ce dont le monde fait estat..

  A009000863 

 David dit que les cieux annoncent la gloire de Dieu.

  A009000863 

 Il adjouste que les jours et les nuits se laissent la charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu.

  A009000863 

 Or, ils parloyent selon que le Saint Esprit leur donnoit, c'est à dire, ceux qui ne preschoyent publiquement s'entrencourageoyent les uns les autres à louer Dieu.

  A009000864 

 N'est-ce pas une plus grande merveille de voir une ame decorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel decoré d'estoiles? Les jours se donnent charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu; et qui ne sçait que les Saints en ont fait de mesme, se resignant leurs vertus les uns aux autres? A saint Anthoine succeda saint Hilarion, à saint Hilarion d'autres Saints, et ils iront ainsy tousjours perseverant..

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Puis apres, sentant la main puissante de Dieu qui le deslioit, il poursuit avec ces paroles qui sont du Psalme CXV: Dirupisti vincula mea; O Seigneur, vous m' avez deslié des liens de mes pechés, et que feray-je en reconnaissance d'une telle faveur? Je vous sacrifieray un sacrifice de louange, je boiray le calice de vostre salutaire et invoquer ay le nom du Seigneur.

  A009000871 

 Ces cadenes ne sont autre chose que le peché qui nous rend non seulement esclaves de nos passions, mais encores du demon; et nul ne nous en peut deslier que la main puissante de Dieu.

  A009000871 

 Ces liens, comme dit le mesme saint Augustin, nous sont merveilleusement bien representés par les chaisnes et manottes de fer dont saint Pierre fut lié en la prison; car, bien qu'il fust emprisonné pour la justice, ses liens neanmoins ne laissent pas de nous representer le peché qui, comme manottes et chaisnes de fer, tient le pecheur si estroittement enserré qu'autre que Dieu ne le peut desenchaisner..

  A009000873 

 Mais Dieu a aussi des liens, des ceps et cadenes desquels il enchaisne ses serviteurs: les uns sont de fer et les autres d'or.

  A009000873 

 Or, plusieurs oyans telles et semblables paroles et redoutans les terribles jugemens de Dieu, faisoyent penitence, et se laissant enchaisner par la crainte et vive apprehension, ils se convertissoyent.

  A009000874 

 Que si bien il n'est pas si grand que le blaspheme et la haine de Dieu, si est-il le plus difficile de tous à s'en depetrer et desbrouiller..

  A009000878 

 (Il n'estoit pas de grande extraction, mais ouy bien d'une bonne famille, quoy que pauvre. Il avoit des freres et des sœurs; il confesse luy mesme et n'a point honte de le declarer, qu'il fut entretenu aux estudes par un gentilhomme. O Dieu, cela ne se diroit pas par un homme de nostre temps!) Or, il estoit avaritieux.

  A009000879 

 O Dieu, combien grans sont les effects de vostre puissance et misericorde!.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000881 

 O Dieu, comme apres sa conversion ce glorieux Saint estoit contrit et humilié, combien rabaissé et plein de reconnoissance des graces qu'il avoit receuës de la souveraine Bonté! Avec quel ressentiment de dilection s'escrioit-il: Que rendray-je au Seigneur pour tant de biens qu'il m'a faits? Puis, cherchant en soy avec un esprit tout plein d'une humble et amoureuse gratitude, il disoit: Je luy sacrifieray un sacrifice de louange..

  A009000882 

 Et la doctrine chrestienne nous enseigne qu'il faut en tout temps louer Dieu: en beuvant, en mangeant, en veillant et dormant, de jour, de nuit, d'autant qu'en tout temps nous sentons les effects de sa misericorde.

  A009000882 

 On ne peut nier le devoir qu'un chacun a de louer Dieu à cause de ses bienfaits, non plus que l'on ne sçauroit nier qu'il y a un Dieu createur et gouverneur du monde.

  A009000882 

 Sacrifier un sacrifice de louange n'est autre chose que louer et glorifier Dieu pour ses misericordes.

  A009000882 

 Tous les bons Chrestiens le font lors qu'ils assistent aux Offices ou vont aux eglises pour connoistre Dieu, le louer [329] et adorer, et lors que parmi leurs autres occupations ils le benissent et invoquent..

  A009000883 

 Mais saint Augustin ne dit pas simplement qu'il chantera ses louanges, ains qu'il luy sacrifiera un sacrifice de louange, pour monstrer qu'il n'entend pas seulement parler de ceux qui, comme le commun du peuple, louent Dieu, ains d'une sorte de gens comme ceux qui en ont receu des graces particulieres.

  A009000884 

 Et qui est cette Sulamite sinon l'ame devote? Qu'est-ce que des chœurs sinon des lieux designés pour chanter les louanges divines? Donc, l'ame devote qui s'essaye de louer et glorifier Dieu ressemble à des chœurs.

  A009000885 

 Ce que voyant, le grand Archange saint Michel s'escria: Qui est comme Dieu? qui est comme Dieu? Ce qu'il repeta souventesfois, et fut suivi de tous les autres Esprits bienheureux qui respondirent de chœur en chœur ce mesme mot: Qui est comme Dieu? et donnerent par ce moyen la fuite à Lucifer et à ses complices.

  A009000885 

 Certes, il n'y a point de meilleur moyen que celuy cy pour donner la fuite au diable, parce que le miserable ne peut supporter les louanges de Dieu ni de le voir adorer et glorifier..

  A009000885 

 Cette douce Sulamite donques est semblable à des chœurs et à des armées, car elle accompagne ses louanges d'affection et ses affections de louange; elle donne les fruits de son jardin lors quelle loue, et l'arbre, lors qu'elle unit aux louanges ses affections amoureuses; [330] et avec cette belle varieté elle va, comme une armée celeste, mettant en fuite les ennemis de Dieu, qui ne taschent rien tant sinon d'empescher ce saint exercice.

  A009000886 

 Or, nous pouvons dire que l'ame de saint Augustin fut cette amante Sulamite parce que dès l'instant de sa conversion il ne cessa jamais de louer Dieu, de jour, de nuit, en beuvant, en mangeant, en parlant, en escrivant, chantant les cantiques de sa misericorde et de sa grace.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000887 

 Toutefois, par ces chœurs et ces armées nous devons entendre particulierement les Religieux et ecclesiastiques, lesquels non seulement louent Dieu par psalmes, hymnes et cantiques, ains de plus, tant par les sermons que par les fonctions propres à leur estat, taschent d'attirer les autres à la connoissance de la verité, à fin de les exciter à louer Dieu..

  A009000888 

 Et que la prudence humaine ne vienne point apporter icy ses raysons et dire: Oh! cela est bon pour les ecclesiastiques, predicateurs et docteurs, lesquels par leurs labeurs continuels assistent au public; mais à quoy servent ceux qui sont enfermés dans ces cloistres? A rien; ils sont inutiles à l'Eglise de Dieu.

  A009000888 

 O Dieu, les pauvres gens! ils sont aveugles en leurs opinions.

  A009000889 

 Ils representent les Evesques et pasteurs qui veillent sur leurs troupeaux, qui sont en continuelle action pour gaigner quelque ame à Dieu et, comme de vaillans soldats, font de bons exploits en la sainte Eglise.

  A009000892 

 Il ne s'est pas contenté de louer Dieu, comme nous avons dit, ains a tasché d'amener à luy plusieurs ames, preschant les uns et donnant aux autres une maniere vie tre parfaite.

  A009000894 

 O Dieu, que c'est un vice espouvantable que cette ingratitude! Saint Augustin n'en estoit nullement entaché, mais au contraire il se sentoit tellement redevable à ce bien aymé Sauveur de nos ames qui l'avoit deslié des liens de ses pechés et vicieuses habitudes, qu'il se perdoit en la consideration de l'amour qu'il portait à son souverain Bienfacteur et Liberateur.

  A009000895 

 Cela est bon quand il vient de Dieu, et saint Augustin l'a experimenté, à ce qu'il confesse luy mesme avec une grande sincerité lors qu'il dit: O Dieu, Jesus, Jesus, vous me desliiez des liens de mes pechés, mais à mesme temps vous me reliiez et menottiez avec ces liens, ces cadenes d'amour et de dilection.

  A009000895 

 O Dieu, que c'est une grande suavité! On sent des presseures de cœur, des sentimens d'amour que le Saint Esprit donne comme grains sucrés ainsy qu'à des petits enfans pour nous attirer.

  A009000896 

 Dieu mesme qui nous l'a donnée ne la veut point avoir par force, et quand il demande que nous la luy donnions il veut que ce soit franchement et de nostre bon gré.

  A009000897 

 O Dieu, qui pourroit descrire ce parfait abandonnement, cet entier delaissement que saint Augustin fit à la divine Bonté de soy et de sa propre vie, qui n'est [335] autre que cette liberté? Je suis tout ravi quand je lis en ses Confessions ce qu'il en dit.

  A009000899 

 Combien pensez-vous qu'il souffrit lors qu'il rembarra les heresies des Manicheens, des Donatistes et autres Africains? O Dieu, ce ne fut pas sans grand travail et peine.

  A009000900 

 Et ne faut-il pas aussi aymer ses ennemis? Ouy, mais pour Dieu.

  A009000900 

 Que nous serions heureux si nous observions cecy! Il s'en trouve prou qui cherissent leurs amis, mais ils ne les ayment pas en Dieu, car ils commettent de grandes injustices pour les favoriser, et les ayment aux despens de l'honneur et gloire de Dieu.

  A009000900 

 Saint Augustin disoit une parole que nous devrions tous graver sur le frontispice de nos chambres ou plustost de nos cœurs: O Dieu, dit-il, qu'il seroit à souhaiter que l'on n'aymast que vous, qu'on vous aymast en toutes choses et qu'on n'aymast aucune chose sans vous! Mais, o glorieux Saint, vous voulez que l'on n'ayme que Dieu; ne faut-il pas aussi aymer ses amis? Ouy, mais en Dieu.

  A009000901 

 En fin (car il faut que je finisse) ce grand Saint, estant [337] parfaittement mort et aneanti en soy mesme, se plaint à Nostre Seigneur en ces termes: O Seigneur, faites que je meure à fin que je ne meure pas! Monstrez moy vostre face, o mon Dieu.

  A009000901 

 Mais sçachant qu'homme mortel ne peut voir Dieu, il demande de mourir à fin de ne pas mourir; comme s'il disoit: L'amour que vous m'avez donné pour vous est si grand que vivre sans vous m'est une mort; c'est pourquoy, Seigneur, faites que je meure à fin que je ne meure pas, car vous voir c'est ma vie.

  A009000901 

 Ouy, en verité nostre vie consiste à voir la face de Dieu..

  A009000902 

 De ce grand amour de Dieu procedoit celuy du prochain.

  A009000903 

 Avant que de finir, disons encores ce mot que saint Augustin escrit en un autre endroit: O Dieu, est-il possible que l'on sçache que vous estes Dieu et que l'on ne vous ayme pas! Certes, c'est chose pitoyable en cet aage que nous sçachions que Dieu est Dieu, que nous le croyions et que nous ne l'aymions pas.

  A009000909 

 Et saint Augustin, traittant de ceux qui se consacrent à Dieu pour tendre à cette perfection, escrit: Ces gens icy que sont-ils, sinon une assemblée de personnes qui vont en la milice, à la guerre et au combat contre le monde, la chair et soy mesme? [340].

  A009000910 

 Lors que Dieu crea Adam il le fit pere de tout le genre humain, des hommes et des femmes esgalement; neanmoins il crea la femme, que nous appelions nostre mere Eve, qui est comme la capitainesse du sexe feminin.

  A009000911 

 Cela ne se faisoit pas seulement pour [341] la bienseance et civilité, mais comme remarque l'Escriture, d'apres l'ordonnance de Dieu, qui monstra souvent par diverses figures et exemples les faveurs et graces qu'il devoit faire à la sacrée Vierge Nostre Dame..

  A009000911 

 Certes, quand Dieu delivra les Israëlites de l'Egypte pour les mener en la terre de promission, il les mit sous la main et conduite de Moyse, lequel fut declaré pour capitaine et conducteur de ce peuple.

  A009000912 

 Certes, cette glorieuse Dame a esté un mirouer et abbregé de la perfection chrestienne; mais bien que Dieu l'aye fait passer par tous les estats et degrés pour servir d'exemple à tous les hommes, si est-elle le particulier modele de la vie religieuse..

  A009000913 

 Elle fut presentée au Temple en sa jeunesse, n'ayant que trois ans, pour apprendre aux peres et meres avec quel soin ils doivent eslever leurs enfans et avec quelle affection ils les doivent instruire en la crainte de Dieu et les porter à son service.

  A009000915 

 C'est de ce monde ou de ces hommes que le grand Apostre parle lors qu'il escrit: Le monde n'a point conneu Dieu, et pour ce il ne l'a point receu ou voulu entendre ses loix, ni moins les recevoir et garder, d'autant qu'elles sont entierement contraires aux siennes.

  A009000915 

 O Dieu, que c'est une chose difficile que de se rendre bien quitte de ce monde! Nos affections sont tellement embrouillées en iceluy et nostre cœur en est tellement sali qu'il faut un grand soin pour le bien laver et nettoyer, si nous ne voulons qu'il en demeure tous-jours souillé et enlaidi.

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Or, il n'en faut pas faire ainsy, car pour estre moine il ne suffit pas d'en porter l'habit, mais il faut relier fortement ses affections à Dieu et vivre en une parfaitte abnegation du monde et de tout ce qui luy appartient.

  A009000919 

 O Dieu, la sacrée Vierge Nostre Dame et Maistresse le fit si absolument et parfaittement en sa nativité que c'est chose admirable.

  A009000920 

 O Dieu, ja n'advienne qu'un seul petit doute contraire passe tant soit peu par nostre entendement! Or, sa vie fut une vie toute sainte et glorieuse, car sa tres benite ame jouit continuellement de la claire vision de la Divinité avec laquelle elle estoit unie dès le moment de sa creation..

  A009000920 

 Or, cet usage de rayson ne luy fut point osté, car Dieu fait ses dons absolument et sans aucune revocation ni rappel.

  A009000921 

 Concluons donques, d'apres ce grand Saint, que le plus haut tiltre qu'on puisse donner à la Sainte Vierge c'est de l'appeller Mere de Dieu..

  A009000921 

 Et nous pouvons adjouster: Y a-t-il quelque creature à qui le Fils de Dieu ayt dit ma Mere? Non certes, cela estoit deu à cette seule Vierge qui l'avoit porté neuf mois dans son ventre sacré.

  A009000921 

 Il est vray que saint Jean devoit estre Precurseur du Fils de Dieu, mais la sacrée Vierge estoit esleuë pour estre la Mere de Dieu.

  A009000921 

 Le grand Apostre saint Paul, qui certes est admirable en tout ce qu'il dit, [346] fait un argument par lequel nous pouvons entendre quelle est la dignité de Mere de Dieu: Y a-t-il Ange ni Seraphin à qui le Pere eternel ayt dit: Celuy-cy est mon Fils? O non, cela estoit deu seulement à nostre cher Sauveur et Maistre qui estoit son Fils vray et naturel.

  A009000923 

 Et qui ne s'estonnera de voir cette celeste Enfant dans ce berceau, estant capable de connoissance et d'amour, discourant et adherant à Dieu, et en cette adhesion vouloir et accepter d'estre tenue et traittée de tous comme un simple enfant et en tout semblable aux autres? O Dieu, quel renoncement de la gloire, du faste et appareil du monde est celuy cy! et ce avec un tel deguisement que cette merveille n'estoit point conneue.

  A009000923 

 Mais en la Sainte Vierge qui, paraissant petit enfant et faisant tout ce qu'ils font, a neanmoins les mesmes discours et rayson que lors qu'elle mourut, o Dieu, c'est une chose qui est non seulement aymable et aggreable, ains tres admirable.

  A009000925 

 O Dieu, si Nostre Seigneur a traitté si rudement sa chair tres sainte, qui n'avoit aucune mauvaise inclination, nous qui en avons une tant desloyale, traistreuse et maligne, refuserons-nous et serons-nous lasches à la mortifier pour l'assujettir à l'esprit? Et, voyant ce que fait nostre Chef et Capitaine, serons-nous des soldats couards et foibles de courage?.

  A009000930 

 Les Anges devindrent diables et tresbucherent [351] en enfer pour n'avoir voulu s'assujettir à Dieu; car quoy qu'ils n'eussent point d'ame humaine ils avoyent neanmoins leur esprit propre, lequel n'ayant pas voulu renoncer pour le rendre sujet et sousmis à leur Createur, ils se perdirent miserablement.

  A009000932 

 Elle en vient jusques là que de voir mourir son Fils et son Dieu sur le bois de la croix, demeurant ferme et debout au pied d'icelle, s'assujettissant à ce qui estoit du divin vouloir en adherant à la volonté du Pere eternel.

  A009000932 

 Elle va au Temple, mais ce sont ses parens qui l'y menent, l'ayant ainsy promis à Dieu.

  A009000932 

 O Dieu, quelle abnegation est celle cy! Il est vray que le cœur tendrement amoureux de cette dolente Vierge estoit transpercé de vehementes douleurs; et qui pourroit [352] exprimer les peines et convulsions qui se passoyent alors dans ce cœur sacré! Neanmoins nous voyons qu'il suffit à cette sainte Dame de sçavoir que c'estoit la volonté du Pere eternel que son Fils mourust et qu'elle le vist mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme aggreant et acceptant cette mort..

  A009000935 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si vous faites ce renoncement absolu du monde, de la chair et de vous mesme, et si vous vivez desormais en l'exacte observance des Regles et Constitutions qui vous ont esté données de la part de Dieu.

  A009000943 

 Mais le Sauveur, par un saint contreschange luy respondit: Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000944 

 Et le tiltre de Mere de Dieu est reservé à la sacrée Vierge qui l'a porté dans ses chastes entrailles où il prit chair humaine.

  A009000944 

 Et quoy que ma Mere soit bienheureuse d'estre Mere de Dieu, neanmoins elle l'est en quelque façon davantage pour avoir entendu cette parole et l'avoir gardée..

  A009000944 

 Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Certes, nous les devons escouter avec beaucoup de reverence et attention, comme aussi nos Superieurs et toutes personnes inspirées et esclairées de l'Esprit de Dieu, par lesquelles il nous signifie ses volontés et son bon playsir.

  A009000946 

 Mais ces paroles, quoy qu'inspirées de Dieu, sont paroles d'hommes, et pour l'ordinaire ne demeurent pas dans les cœurs, ou au moins fort peu.

  A009000946 

 Quant au premier, Dieu a coustume de nous enseigner sa volonté et faire entendre sa parole en trois façons.

  A009000947 

 Ils ont beau crier, exhorter, se peiner, si la vertu de Dieu ne les anime et que de vostre costé vous n'y apportiez quelque disposition, rien ne vous en demeurera dans le cœur..

  A009000947 

 O Dieu, d'où vient qu'ils produisent si peu de fruits? car nous sommes Chrestiens, disons-nous, et comme tels nous escoutons de la voix des hommes la parole divine.

  A009000948 

 Cependant saint Hierosme, fidelle interprete de la Sainte Escriture, tient que ce fut vrayement Dieu, mais par le ministere des Anges.

  A009000948 

 Dieu a encores une autre façon de parler à ses creatures: c'est par le ministere des Anges.

  A009000948 

 Il est escrit que Dieu parla à Moyse sur la montagne de Sina cœur à cœur, bouche à bouche; toutefois il est dit aussi ailleurs que Dieu ne parla jamais à aucun homme.

  A009000948 

 Que s'ils parlerent à Moyse, suivant l'opinion de ce Docteur, o Dieu, combien grans furent les effects que leurs paroles opererent en iceluy!.

  A009000948 

 Voire, il y en a qui les ont voulu adorer, pensans voir Dieu mesme qui leur partait, tant estoit grande la majesté de ces celestes Esprits et merveilleux les effects que leurs paroles operoyent dans les cœurs, le Seigneur s'en servant pour fidelles interpretes de ses volontés.

  A009000949 

 Mais la troisiesme façon par laquelle Dieu se fait entendre aux hommes est tres admirable et familiere: ses effects sont tout autres, car il leur parle interieurement.

  A009000950 

 Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent..

  A009000950 

 Certes, il est tres vray que le fond du cœur est reservé à Dieu seul et qu'il n'y a que luy qui le puisse penetrer.

  A009000950 

 Mais, mon Dieu, que cette divine parole est admirable! elle s'escoule dans l'ame avec tant de douceur, elle la penetre, l'embrase et demeure en icelle.

  A009000951 

 Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu.

  A009000952 

 Donques bienheureux sont ceux, dit Nostre Seigneur, qui escoutent la parole de Dieu, puisque c'est desja un bon signe qu'ils la garderont..

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000952 

 Et qu'est-ce cette viande spirituelle sinon la parole de Dieu, qui est la vraye pasture de l'ame, comme luy mesme l'a declaré en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture? Il faut donques la recevoir.

  A009000953 

 Ce sont des animaux qui engloutissent la viande sans la mascher, et pour cela Dieu les rejettoit en l'ancienne Loy, comme au contraire il aggreoit ceux qui ruminent, tels que les taureaux et aigneaux lesquels luy estoyent ordinairement offerts et immolés.

  A009000953 

 O Dieu, si l'on sçavoit l'importance de ce point! Helas, il y a tant de personnes qui entendent la divine parole! mais que font-elles sinon l'engloutir comme des corbeaux, ours et lions, sans la ruminer? De là vient que tant de gens se perdent, qui pour cela sont appellés immondes et ne sont point propres pour le sacrifice.

  A009000954 

 Ce que saint Bernard entendoit fort bien lors qu'il exhortoit ses Religieux à garder diligemment ce pain sacré de la parole de Dieu: Soyez bien soigneux de garder vostre pain, si vous en avez, leur disoit-il; mettez-le en quelque lieu où il ne vous puisse estre desrobé par les larrons.

  A009000955 

 Saint Bernard veut dire qu'il ne suffit pas de bien escouter et mediter la parole de Dieu, mais qu'il faut encores la digerer et la changer ainsy en nous mesme.

  A009000956 

 O Dieu, que nous serions heureux si estans appellés à une vocation nous meditions et digerions tellement son excellence, que par la grande estime que nous en ferions et le grand amour avec lequel nous pratiquerions nos Regles et Constitutions, nous vinssions à la convertir en nostre propre substance, en sorte que, laissant d'estre ce que nous sommes, nous devinssions nostre vocation mesme! O que bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent!.

  A009000957 

 Bienheureux donc sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000957 

 Ce n'est donques pas le pain seul qui nourrit l'homme; non certes, mais c'est la parole de Dieu qui non seulement sustente l'ame comme estant la viande qui luy est propre, ains sa vertu passe encor au corps, luy conservant une certaine force [362] et vigueur que le pain materiel ne luy peut pas donner.

  A009000957 

 Comme s'il vouloit dire: Tu me demandes de changer ces pierres en pain; mais je n'ay pas besoin de le faire, puisque cette pierre, estant benite, me peut servir de nourriture; comme au contraire, le pain sans la benediction de Dieu ne peut nullement nourrir.

  A009000957 

 Lors que Dieu punit les hommes par le fleau de la famine, nous voyons que quoy qu'ils mangent une grande quantité de pain ils ne sont point rassasiés, d'autant que la benediction de Dieu n'est pas sur iceluy; mais pour peu qu'il y ayt de pain beni par le Seigneur il rassasie l'homme.

  A009000957 

 Lors que Satan tenta Nostre Seigneur au desert et luy dit qu'il changeast ces pierres en pain pour subvenir à sa faim, Jesus luy respondit: L'homme ne se nourrit pas seulement de pain, ains de toute parole de Dieu.

  A009000958 

 Et pour commencer par la sacrée Vierge, comme celle qui l'a mieux escoutée et gardée, que diray-je sinon emprunter pour ce sujet les paroles de ce grand saint Hierosme en l'epistre qu'il escrit à Eustochium sur la mort de sa mere Paula? Si toutes les parties de mon corps se convertissoyent en langues, si tous mes nerfs resonnoyent en voix humaines, je ne publierois encores assez dignement combien la Sainte Vierge est bienheureuse pour avoir entendu et gardé la parole de Dieu, car elle l'a fait avec tant de perfection que pour cela elle a esté dite bienheureuse par la bouche de sainte Elizabeth, qui estoit poussée de l'Esprit Saint.

  A009000959 

 O Dieu, qu'il estoit heureux d'avoir si bien digeré cette sainte parole jusques à estre tout transformé en icelle! Saint Jean [363] Baptiste qui entra si jeune dans le desert, s'estoit-il pas tellement transformé en la penitence que son langage, sa voix, ses habits, tout son exterieur et interieur ne preschoyent que penitence? Voyla donques comme l'on peut justement dire: Bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et qui la gardent..

  A009000959 

 Qu'y avoit-il de si pauvre, de si humble que saint François? Il se cachoit, et Dieu le rehaussoit; il s'appauvrissoit, et Dieu l'enrichissoit.

  A009000960 

 Et que l'on ne pense pas que les vocations puissent venir d'autres que de Dieu.

  A009000960 

 Je sçay bien que plusieurs (je veux dire quelques-uns) entrent en Religion poussés ou forcés par les hommes, et ceux-là veritablement ne sont pas meus par l'Esprit de Dieu; aussi en arrive-t-il souvent de grans malheurs, et si la divine misericorde ne touche ces pauvres cœurs ils viennent non pas à se convertir en leur vocation mais à la corrompre.

  A009000960 

 O non certes, les hommes ont beau nous exciter; qu'ils fassent tout ce qu'ils pourront, qu'ils employent toute leur rhetorique et philosophie pour persuader à une ame d'entrer en Religion, de faire choix d'une vocation, tout leur travail sera inutile; il faut que Dieu touche et parle à ce cœur.

  A009000960 

 Or, vivans licentieusement dans la Religion, que doivent-ils attendre que la damnation? O Dieu, qu'il vaudroit bien mieux qu'ils fussent demeurés au monde pour s'y sauver, puisqu'on le peut faire en gardant les divins commandemens..

  A009000961 

 En fin, si nous travaillons fidellement pendant cette vie en entendant et gardant la parole de Dieu, comme nous avons dit, nous serons bienheureux non seulement en icelle, mais beaucoup plus en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000961 

 Mais ces filles sont venues parce que Dieu les a appellées, car c'est luy qui va touchant ceux qu'il luy plaist pour les conduire où il veut.

  A009000961 

 Nostre regle n'est autre que la volonté de Dieu, à laquelle nous devons ajuster la nostre en la renonçant et mortifiant.

  A009000961 

 Que vous reste-t-il plus sinon de bien entendre et garder la parole divine, à sçavoir vos Regles et Constitutions, et vous convertir tellement en elles que vous soyez desormais vostre vocation mesme? Les Religieuses ne doivent avoir autre soin que celuy là, d'autant que dans leurs Regles et Constitutions elles voyent la volonté de Dieu qui leur [364] signifie et monstre ce qu'elles ont à faire pour parvenir à la perfection et union avec sa divine Majesté.

  A009000967 

 La complaisance nous fait resjouir de ce qu'il est infini, immense, d'une perfection incomprehensible, en un mot de ce qu'il est Dieu, prononçant avec un vif ressentiment ces paroles de David: J'ay dit: Vous estes mon Dieu; et je m'en suis resjoui.

  A009000967 

 On peut donc exercer cet amour envers Dieu, mais pour celuy de bienveuillance il semble impossible, car puisqu'il est infini et l'infinité mesme, on ne luy sçauroit souhaitter plus de sainteté et de perfection qu'il n'en a. Il est immense en grandeur, il surpasse infiniment en gloire les Cherubins et Seraphins, les Vertus, les Throsnes, tous les Anges et Esprits celestes; il a plus de perfection que tous les Saints et Saintes ensemble, et toute la leur, voire mesme celle de la glorieuse Vierge Marie, n'est rien en comparaison de celle du Fils de Dieu.

  A009000967 

 Par l'amour de complaisance nous nous complaisons au bien que possede celuy que nous aymons, et par l'amour de bienveuillance nous luy en desirons lus qu'il n'en a. On peut aymer Dieu de ces deux manieres.

  A009000967 

 Pourtant ils peuvent tousjours avoir quelque accroissement en leur gloire, non point essentiellement ains accidentellement; mais la gloire et perfection de Dieu ne procede de personne, et ne peut y avoir en icelle augmentation ni diminution.

  A009000967 

 Sa beatitude est au dessus de celle de tous les Bienheureux, des Anges, de la Vierge, et leur bonheur derive de Dieu, car c'est luy qui le leur donne et communique.

  A009000968 

 Nous n'avons tous qu'un mesme chef qui est Jesus Christ; or, nostre amour et union sont fondés en luy, comme donques la mort aura-t-elle le pouvoir de les rompre? Saint Paul disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Ni les Anges, ni les Vertus, ni le ciel, ni la terre, ni l'enfer ne nous pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000969 

 C'est pourquoy aujourd'huy nous faisons la feste de tous en general, non seulement des Saints, mais encores des Seraphins, des Cherubins, et de tous les Anges, lesquels se resjouissent en cette solemnité, louant Dieu des graces qu'il a octroyées aux Bienheureux que nous festons.

  A009000969 

 L'Eglise participe à cette joye, et nous invite à nous resjouir en ce jour et à louer le Fils de Dieu à cause des Saints..

  A009000971 

 J'ay dit que cet amour de complaisance est la cause principale de la beatitude des Saints, car, tout en parlant tousjours avec estime et respect de ceux qui tiennent l'opinion contraire, je pense [369] que la cause principale de la gloire des Bienheureux ne consiste pas en l'entendement par lequel ils voyent et connoissent Dieu, mais en la volonté par laquelle ils l'ayment de cet amour de complaisance; et j'estime qu'en cela gist leur felicité.

  A009000971 

 Les Bienheureux ayment Nostre Seigneur; aussi le Ciel est rempli de cet amour de complaisance, qui est la cause principale de leur beatitude; car connoissans clairement la grandeur et perfection de Dieu et tous les divins attributs qu'ils voyent en luy, ils l'ayment souverainement de cet amour de complaisance, et par ainsy attirent en eux ses perfections.

  A009000972 

 L'amour de bienveuillance envers iceux se peut aussi pratiquer sans difficulté; car bien qu'ils soyent tous rassasiés et contens en la beatitude qu'ils possedent et que nous ne puissions accroistre leur gloire essentielle, laquelle consiste à voir Dieu face à face et à l'aymer souverainement, si est-ce que nous leur pouvons causer un accroissement de gloire accidentelle et partant pratiquer l'amour de bienveuillance.

  A009000973 

 Pour faire un homme parfait il faut qu'il aye une ame et un corps; et quoy que ce soit l'ame qui fait l'homme, neanmoins Dieu à la creation l'unit avec un corps organisé.

  A009000974 

 (Dieu desire de sauver tout le monde. C'est à nous de nous servir de la liberté qu'il nous a donnée pour choisir le Paradis ou non, cela depend de nous; que si nous le choisissons, il nous octroye suffisamment de graces pour y parvenir.) Vostre royaume nous advienne.

  A009000974 

 L'Eglise exerce donc en ce jour l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints, et se resjouissant de la gloire que desja ils possedent, elle les congratule et provoque ses enfans à s'y complaire et à glorifier Dieu qui les a sanctifiés.

  A009000975 

 Ils chantent un cantique continuel, sans se lasser ni se reprendre; ils benissent Dieu avec une joye et complaisance pleine d'une incomparable suavité, s'excitant et provoquant les uns les autres à le tousjours magnifier, mais d'un desir doux, tranquille et qui les rassasie pleinement.

  A009000975 

 Ils louent Dieu en luy mesme de ce qu'il est Dieu et des biens qu'il a en soy et de soy, de la veuë desquels ils ont une parfaite complaisance; ils le louent encores de ce qu'il les a faits saints, reconnoissant que leur sainteté procede de luy comme de son principe et cause fondamentale, et luy en donnent toute la gloire.

  A009000975 

 Premierement, les Saints louent et glorifient perpetuellement Dieu sans pause ni intermission.

  A009000975 

 Puis ils se felicitent aussi les uns les autres de ce qu'ils sont bienheureux et de ce que Dieu les a sanctifiés, prenant un singulier playsir à voir comment il leur a fait sentir les effects de sa grande et infinie misericorde..

  A009000976 

 Et quoy que les louanges que nous donnons à Dieu doivent estre continuelles et invariables, neanmoins ce sera tousjours avec quelque pause; car il n'y a homme, pour saint qu'il soit, qui ose dire qu'il a sa volonté si collée et unie à celle de Dieu qu'il n'en peut point estre separé un seul moment ou distrait par aucun accident de cette vie, ni qui puisse tenir son cœur si attentif à louer Dieu, qu'il ne fasse quelque interruption en l'exercice de l'amour et benediction qu'il luy doit..

  A009000976 

 Or, les Saints nous ayment souverainement, et desirent que nous fassions ça bas en terre ce qu'ils font là haut au Ciel, c'est à dire que nous louions incessamment et perpetuellement Dieu.

  A009000977 

 En toutes les heures du jour et de la nuit il se trouve des ames qui louent et glorifient Dieu..

  A009000977 

 Les uns disent: Louez Dieu perpetuellement; et en d'autres endroits: Que Dieu soit loué de jour et de nuit; mais il faut entendre cecy en cette façon.

  A009000978 

 La sainte Eglise en fait de mesme lors qu'elle celebre leurs festes: elle loue Dieu en eux, car qui voudroit celebrer la feste de tous les Saints à leur honneur et non à celuy de Dieu ne feroit rien d'aggreable ni à Dieu ni aux Saints mesmes, puisqu'ils ne peuvent recevoir de gloire sinon de voir que le Seigneur est exalté en eux et eux en luy..

  A009000978 

 Mais apres que nous avons correspondu à ce desir qu'ont les Bienheureux de nous voir louer le Seigneur, nous devons encores les congratuler eux mesmes de ce qu'ils sont Saints et benir Dieu en eux; et c'est icy un autre acte de bienveuillance en leur endroit.

  A009000978 

 Or, lors que nous faisons tels souhaits nous leur causons une gloire accidentelle, laquelle ils n'auroyent pas si nous ne magnifiions Dieu et si nous ne desirions qu'il le fust de tous.

  A009000979 

 Quand nous taschons de nous perfectionner de plus en plus, de procurer la sanctification [373] des autres, contribuant de nostre costé tout ce que nous pouvons, que nous desirons que tous louent et benissent Dieu, puisque tous le peuvent et doivent faire, que tous soyent saints, puisque tous le peuvent estre, nous causons une gloire accidentelle aux Bienheureux, laquelle ils n'auroyent pas sans cela.

  A009000986 

 En somme, l'esprit du monde va tout au contraire de celuy de Dieu.

  A009000988 

 Travaillez donques avec fidelité en cette vie, mes cheres Filles, et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité, pour aymer et jouir de Dieu à toute eternité.

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001003 

 C'est ce qu'a voulu dire le grand Apostre saint Paul: nos corps sont des tabernacles faits et formés d'argile, et Dieu a enfermé dans iceux de grans tresors.

  A009001005 

 Elle a un grand avantage par dessus tous les Bienheureux, qui est qu'elle s'est donnée et totalement dediée au service de Dieu dès l'instant de sa conception, puisqu'il n'y a nul doute qu'elle n'ayt esté toute pure et n'ayt eu l'usage de rayson dès que son ame fut mise en ce petit corps formé dans les entrailles de sainte Anne..

  A009001006 

 Elle luy donna l'usage de la rayson et la foy par laquelle Nostre Dame conneut Dieu et creut tout ce qui estoit de la verité, en sorte que, remplie de cette clarté, elle se dedia et consacra toute à la divine Majesté, mais d'une façon tres parfaite.

  A009001006 

 Les theologiens nous asseurent que Nostre Seigneur jettant un rayon de sa lumiere et de sa grace dans l'ame de saint Jean Baptiste lors qu'il estoit encor aux entrailles de sainte Elizabeth, le sanctifia et luy [384] donna l'usage de rayson avec la foy, par laquelle ayant reconneu son Dieu dans le ventre de la tres sainte Vierge il l'adora et se consacra à son service.

  A009001007 

 C'est donc une chose toute asseurée que dès l'instant de sa conception Dieu la rendit toute pure, toute sainte, avec l'usage parfait de la foy et de la rayson en une façon du tout admirable et qui ne peut assez estre admirée; car il avoit fait cette pensée de toute eternité parce que ses cogitations sont tres hautes, et ce qui n'avoit jamais peu entrer en l'entendement des hommes, Dieu l'avoit medité avant tous les temps.

  A009001008 

 O Dieu, qu'elle fut heureuse, car elle n'avoit que trois ans quand elle quitta sa patrie et la mayson de son pere.

  A009001010 

 Mais qui pourroit expliquer avec quel ressentiment d'amour et de dilection le disoit cette sainte Vierge, veu que ce sacré cantique ne traitte d'autre chose que de la Loy et volonté de Dieu, pour à laquelle obeir elle s'acheminoit au Temple?.

  A009001010 

 O Dieu, combien estoyent grans les souspirs et eslans d'amour et de dilection que jetta cette petite Pucelle ainsy que ses pere et mere, mais elle sur tout, comme celle qui alloit pour se sacrifier derechef à son divin Espoux qui l'appelloit et luy avoit inspiré cette retraitte, non seulement à fin de la recevoir comme son espouse, ains encores pour la preparer à estre sa mere! Oh qu'elle alloit doucement chantant ce cantique sacré du Psalmiste: Beati immaculati in via.

  A009001011 

 La voyla donques en ce bas aage vouée et sacrifiée entierement à Dieu..

  A009001012 

 La premiere est celle dont nous parlons à cette heure; l'autre est celle par laquelle on correspond promptement aux secrettes inspirations de Dieu lors que, se rendant tout à fait au premier mouvement et attrait d'icelles, en [387] quelque temps et aage que Nostre Seigneur nous appelle, l'on quitte tout pour le suivre..

  A009001014 

 Au plus fort de ces blasphemes et injures une femme esleva sa voix (laquelle les saints Peres disent estre sainte Marcelle, mais comme l'Evangeliste ne la nomme pas, il vaut mieux dire seulement que c'estoit une femme), et surprise d'admiration pour le divin Maistre s'escria: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! Alors le peuple tout estonné se tut, et le Sauveur se retournant du costé de cette femme lu y respondit: Plustost bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001015 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Il est vray que le ventre qui m' a porté est bienheureux et les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses; car quel plus grand bonheur pouvoit arriver à une femme que de porter dans son sein Celuy qui est esgal au Pere, «Celuy que les cieux ne peuvent comprendre?» O que veritablement ce sein dans lequel le Fils de Dieu a pris chair humaine est heureux, et que cette Vierge a receu d'honneur ayant donné son plus pur sang pour former la sacrée humanité du Sauveur de nos ames! Partant, il est bien vray, o femme, ce que tu dis que non seulement ce sein, mais encores les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses, d'autant qu'elles ont nourri Celuy qui sustente toutes les creatures.

  A009001016 

 Et certes, ce bonheur n'appartient qu'à elle, d'autant qu'aucune autre creature quelle qu'elle soit ne peut estre ni ne sera jamais honnorée du tiltre de Mere de Dieu.

  A009001016 

 Il n'appartient qu'à la sacrée Vierge; car tout ainsy qu'entant que Dieu je n'ay qu'un Pere sans mere, ainsy entant qu'homme devois-je avoir une Mere sans pere; et comme je n'ay qu'un Pere au Ciel, aussi ne devois-je avoir qu'une Mere en terre: cela a esté ordonné de toute eternité par mon Pere celeste.

  A009001016 

 Neanmoins je te dis maintenant que quoy que ma Mere soit si heureuse parce qu'elle m'a porté dans son ventre et que j'ay succé ses mammelles, elle l'est beaucoup plus parce qu'elle a ouÿ la parole de Dieu et l'a gardée.

  A009001016 

 Qu'est-ce que cette manne sinon le Fils de Dieu qui est descendu du Ciel? N'est-il pas aussi cette verge et ces tables de la Loy? Ouy, il est la pierre vive; sur son propre corps ont esté escrits et gravés les dix commandemens de la loy de grace avec les burins des clous, de la lance et des fouets.

  A009001017 

 Comme s'il vouloit dire: Pour bien ouyr il faut bien escouter; mais outre cela, il faut encores incliner et prester l'oreille, c'est à sçavoir s'abaisser et humilier, pour entendre ce qui est de la volonté de Dieu.

  A009001017 

 Et pour laisser toute autre parole et ne parler que de celle de la vocation, o Dieu, combien a-t-elle esté fidelle en cecy! Voyla que le Seigneur luy dit à l'oreille, ou plustost à l'interieur du cœur: Audi filia; Escoute, ma fille, preste moy l'oreille, oublie ta patrie et quitte la mayson de ton pere, et le Roy convoitera ta beauté.

  A009001018 

 Elle s'en alla où Dieu la conduisoit, et le Roy du Ciel convoitant sa beauté la choisit non seulement pour son Espouse, ains aussi pour sa Mere..

  A009001018 

 L'on fait tant d'examens, il faut tant considerer, il faut parler aux uns et aux autres pour sçavoir si l'inspiration est vraye, si elle vient de Dieu, il faut tant esplucher toutes choses! Certes, il est bon de bien considérer et discerner quelle est l'inspiration, mais apres ce regard, sortez et allez en la terre que Dieu vous monstre; n'escoutez point tant de discours, ne prestez point l'oreille à tant de raysons que l'on vous apporte, n'usez point de tant de dilayemens, car vous vous mettez en grand peril; ne vous endormez point, soyez prompts.

  A009001018 

 O Dieu, combien fut diligente la glorieuse Vierge, et qu'on luy peut bien appliquer ce verset du Psalmiste: Ecce non dormitabit, neque dormiet.

  A009001018 

 O sainte, divine et admirable semonce que Dieu fait au cœur de tant de creatures, et qui a esté escoutée et entendue par un grand nombre! Cependant je ne sçay [390] comment cela est arrivé, plusieurs ont ouy la parole sacrée de la vocation et ne sont pourtant point sortis ni allés où Dieu les appelloit.

  A009001019 

 Donques, bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001020 

 De ce nombre a esté la sacrée Vierge; c'est elle qui a esté menée au cabinet de Dieu et à laquelle ont esté descouverts mieux qu'à nulle autre creature les plus hauts mysteres.

  A009001020 

 Donques, bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent..

  A009001021 

 C'est ce que vouloit signifier Isaïe quand il disoit qu'il croyoit en la parole du Seigneur et qu'il graveroit son nom en son cœur; c'est à sçavoir qu'il entendroit l'inspiration et la volonté de Dieu et la garderoit dans son cœur.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001022 

 Ceux-là sont heureux neanmoins, car ils auront part au Royaume de Dieu..

  A009001022 

 Mais helas, c'est un grand malheur que si peu entendent comme il faut ces saintes inspirations! Plusieurs vivent au monde et usent des richesses, honneurs et dignités dont la loy divine permet d'user, mais non point d'abuser; ils ajustent aux commandemens de Dieu leur affection pour la jouissance des biens et dignités, [392] quoy qu'il ne leur faille pas parler des conseils, d'autant qu'ils se contentent seulement d'eviter ce qui les peut condamner.

  A009001023 

 Hé, disent-ils, je me donneray à Dieu, mais non pas si absolument que le monde n'y aye encores quelque part.

  A009001023 

 Ils proposent de se dedier tout à Dieu, mais ils se veulent reserver quelque chose.

  A009001023 

 Je rendray à Dieu ce qui luy est deu, mais je me reserveray ce qui est deu au monde, à sçavoir les yeux, les cheveux, que sçay-je moy, telles autres bagatelles, sans toutefois rien faire en cela qui soit contraire à la loy divine.

  A009001024 

 Au moins ils pretendent se reserver le choix des exercices spirituels, car cela est bon, disent-ils, c'est pour Dieu, c'est à fin de le mieux servir, et je voy bien qu'un tel exercice m'est meilleur qu'un autre.

  A009001024 

 D'autres veulent bien suivre l'inspiration et la volonté de Dieu, ils veulent estre tout à luy, mais non pas totalement; car il y a bien difference entre estre tout à Dieu, et totalement à Dieu.

  A009001024 

 Et ne voyez-vous pas qu'en faisant cette reserve vous n'estes pas totalement à Dieu? Mais c'est pour Dieu.

  A009001024 

 Je le veux; cependant la glorieuse Vierge ne fit certes pas ainsy, car elle se donna totalement à luy au jour de sa Presentation, sans aucune reserve pour petite qu'elle peust estre; elle n'usa jamais de sa volonté ni de son choix, n'en ayant retenu un seul petit brin pour chose quelconque, et elle persevera tres parfaitement en cecy tout le temps de sa vie, demeurant tousjours totalement à son Dieu..

  A009001026 

 Combien cette divine Mere nous a-t-elle laissé de merveilleux exemples de son obeissance à la volonté de Dieu! Voyez son mariage à saint Joseph, sa fuite en Egypte.

  A009001026 

 Et pourquoy? Parce que je feray aussi bien la volonté de Dieu en y allant et demeurant qu'en m'en revenant.

  A009001026 

 Et quand reviendrez-vous? Quand Dieu le commandera.

  A009001026 

 O Dieu, je n'ay point de patrie que celle d'accomplir la volonté divine.

  A009001026 

 Qui vous y fait aller? La volonté de Dieu.

  A009001027 

 La premiere est que pour obeir parfaitement il faut aymer Dieu qui commande; la seconde c'est qu'il faut aymer la chose commandée.

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001027 

 Plusieurs ayment Dieu qui commande, mais ils n'ayment pas la chose commandée; d'autres [394] ayment la chose commandée et n'ayment pas Dieu qui commande.

  A009001028 

 Plusieurs ayment la chose commandée et n'ayment pas Dieu qui commande.

  A009001028 

 Qui ne voit qu'elle n'ayme pas Dieu qui commande, ains seulement la chose commandée? car si elle aymoit Dieu qui commande elle aymeroit autant le Donateur des contrarietés que le Donateur des consolations..

  A009001029 

 Ce faisant, nous imiterons la glorieuse Vierge et nous rendrons totalement à Dieu..

  A009001029 

 D'où vient cela sinon de ce que nous ne regardons pas Dieu qui nous envoye le commandement, et que pour l'aggreer nous prenons garde si celuy qui nous l'apporte est vestu de vert ou de gris, et quelle est sa mine et contenance? Or, il ne faut pas faire cela, mais recevoir l'obeissance comme volonté divine, n'importe par qui elle nous soit signifiée, aymant Dieu qui ordonne, prenant ce commandement et le mettant sur nostre teste, c'est à dire dans le fond de nostre volonté, pour l'accepter et executer avec fidelité.

  A009001029 

 De plus, quand je tascherois de l'aymer, celuy qui me l'ordonne de la part de Dieu est de si mauvaise grace, il a une si pauvre mine, qu'il me la rend tout à fait desplaisante et de mauvaise saveur.

  A009001029 

 Je sçay bien, dira-t-il, qu'estant la volonté de Dieu, la chose qui m'est ordonnée est bonne; mais j'y ay tant de repugnance et de difficulté, je ne la sçaurois aggreer.

  A009001029 

 O Dieu, voyci la cause de tous nos maux.

  A009001029 

 Un autre aymera Dieu qui commande et n'aymera [395] pas la chose commandée.

  A009001043 

 C'est luy qui le monstra du doigt, prononçant ces paroles: Ecce Agnus Dei; Voicy l'Aigneau de Dieu qui oste le peché du monde..

  A009001046 

 Et le miserable, au lieu de la confesser, s'excusa sur sa femme, et fut pour cela chastié de Dieu, avec toute sa posterité.

  A009001046 

 Mais encores que Dieu sçache toutes choses, il n'a pas laissé de faire plusieurs questions aux hommes; non point qu'il ignorast ce qu'il leur demandoit, mais sa divine Providence l'a fait pour trois diverses causes.

  A009001046 

 Une partie des [400] Peres tiennent que s'il eust advoué son peché quand Dieu l'appella, s'il eust frappé sa poitrine et dit un bon peccavi, le Seigneur luy eust pardonné et ne l'eust pas chastié par le fleau dont il le menaçoit et duquel il a puni luy et tous ses descendans.

  A009001050 

 Certes, ce doit estre le principal but de tous les docteurs et predicateurs de faire connoistre Dieu.

  A009001050 

 Le signe pour trouver Dieu et le connoistre c'est Dieu mesme.

  A009001050 

 Mais lors qu'ils voulurent confirmer la merveille qu'ils leur faisoyent entendre ils leur dirent: Allez le voir, et alors vous croirez et tiendrez pour certain ce que nous vous annonçons; car il n'y a point de moyen ni de signe asseuré pour trouver Dieu que Dieu mesme.

  A009001052 

 Au contraire, les serviteurs de Dieu ne preschent et n'enseignent ceux qu'ils conduisent que pour les porter à Dieu, tant par leurs paroles que par [403] leurs œuvres.

  A009001054 

 Il les traitte comme des petits enfans, car pour luy il croit asseurement qu'il est le Fils de Dieu, l'Aigneau qui oste le peché du monde.

  A009001057 

 Hé Dieu, laissez-vous donc gouverner par autruy.

  A009001057 

 Il faut qu'ils usent d'une grande discretion pour leur donner la pasture de la parole de Dieu au temps convenable et propre à la bien recevoir; discretion encores pour en bailler à un chacun ce qu'il en a de besoin et en la maniere qui est plus à propos.

  A009001060 

 En ce siecle, si l'on demande à un gentilhomme: Qui estes-vous? o Dieu, il faut prendre ce mot au point d'honneur et s'en couper la gorge sur le pré.

  A009001061 

 Ne vous contentez donc pas lors qu'on vous interroge vous disant: Qui estes-vous? de respondre comme les petits enfans au catechisme: Je suis Chrestien; mais vivez en telle sorte que l'on puisse adjouster qu'on a veu un homme qui ayme Dieu de tout son cœur, qui garde les commandemens de la Loy, qui frequente les Sacremens, et telles autres choses dignes d'un vray Chrestien.

  A009001062 

 Certes, c'est une grande grace quand Dieu nous donne sa lumiere pour connoistre nostre misere, et c'est un signe de la conversion interieure.

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001064 

 Ce mal n'est autre qu'une [409] certaine langueur et tepidité au service de Dieu.

  A009001065 

 On ne se soucie pas d'entendre prescher la parole de Dieu, de lire des livres devots, d'estre reprins ni corrigé; on s'amuse à des niaiseries et l'on se met en grand peril, car, comme c'est un tres bon signe quand une personne escoute volontiers la divine parole, aussi en est-ce un mauvais quand elle en est degoustée et pense n'en avoir plus besoin..

  A009001067 

 Aussi pouvons-nous dire avec verité que non seulement les pauvres sont evangelisés mais qu'ils ont evangelisé, Dieu se servant d'eux pour porter la verité par tout le monde..

  A009001067 

 O Dieu, avec quelle douceur les enseignoit-il! Comme s'accommodoit-il à leur ignorance! Il se faisoit tout à tous pour les sauver tous.

  A009001068 

 Mais l'Esprit de Dieu fait tout le contraire; il rejette les superbes et [411] converse avec les humbles, et Nostre Seigneur met cecy au nombre des miracles: Dites à Jean que les pauvres sont evangelisès..

  A009001068 

 O que l'Esprit de Dieu est different de celuy du monde qui ne fait estat que de ce qui paroist et a de l'esclat! Les anciens philosophes ne vouloyent recevoir en leurs escoles sinon ceux qui avoyent un bel esprit et un bon jugement; que s'ils ne les rencontroyent pas tels ils disoyent librement: Ce n'est pas là un tableau propre pour mon pinceau.

  A009001071 

 O Dieu, quels pensez-vous qu'estoyent les cœurs de ces [412] bons disciples? Combien doux et pleins d'une grande consolation! Qu'il leur tardoit d'estre pres de leur Maistre pour luy dire ce qu'ils avoyent veu et entendu.

  A009001075 

 D'autres ayment mieux l'adversité; la tribulation, disent-ils, les fait mieux retourner à Dieu.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Quand on fait tout ce qu'ils desirent, qu'on escoute tout ce qu'ils disent, qu'on ne les contrarie en rien, o Dieu, ils sont si braves et font des merveilles; mais si on les touche, qu'on les contrarie tant soit peu, tout est perdu.

  A009001076 

 Dites que vous avez veu un homme doux, charitable et zelé pour la gloire de Dieu; un vigilant pasteur, en fin un homme accompli en toutes vertus et qui s'acquittoit soigneusement de tous les devoirs de sa charge, ayant les deux portions de l'ame si bien reglées qu'il n'avoit point de haine que pour le peché ni d'amour que pour la dilection de nostre cher Sauveur..

  A009001077 

 Et quand on luy representoit que c'estoit un empereur à qui il s'en prenoit, comme tesmoignoit-il par ses paroles qu'il n'avoit esgard qu'à la gloire de Dieu! Que ne dit-il pas à ceux qui, sur ce [415] sujet, luy representoyent la faute de David! Eh bien, respondoit-il, vous me parlez de la faute de David, mais vous ne m'alleguez rien de sa penitence.

  A009001090 

 C'est pourquoy il leur dit: Vous serez semblables à Dieu.

  A009001090 

 Et comment semblables à Dieu? Oh! c'est que mangeant de ce fruit vous aurez, comme Dieu, la connoissance du bien et du mal.

  A009001090 

 Il ne leur dit pas qu'ils luy seroyent esgaux, car qui peut estre comme Dieu? C'est une chose impossible que celle là, et si le miserable eust tenté Adam et Eve en cette sorte, ils eussent facilement conneu sa tromperie, parce qu'estans encor en la justice originelle ils estoyent doués de grandes lumieres et connoissances.

  A009001090 

 Sçachant donc ainsy par sa propre experience comme l'orgueil et l'ambition sont une puissante amorce, il en usa pour tenter nos premiers parens, leur proposant le fruit defendu avec une telle outrecuidance qu'il les asseura que s'ils en mangeoyent ils seroyent semblables à Dieu.

  A009001091 

 Les autres tiennent que la cause de leur cheute fut l'envie; car ces esprits voyans comment le Seigneur devoit creer l'homme, comme il vouloit enrichir la nature humaine et comme il se devoit communiquer à cette nature s'incarnant et s'unissant à icelle d'une union hypostatique, en sorte que ces deux natures ne feroyent qu'une personne, ils furent touchés d'envie et marris de ce que le Createur pensoit relever cette nature par dessus la leur, et se dirent: Pourquoy Dieu voulant sortir de soy mesme pour se communiquer, ne choisit-il pas plustost la nature angelique et seraphique pour faire cette communication? n'est-elle pas plus noble et excellente que l'autre? Et de là ils vindrent à estre pleins de jalousie, d'ambition et d'orgueil, et tresbucherent miserablement..

  A009001091 

 Les theologiens philosophant sur la cause de la cheute de Lucifer et des autres anges, disent que ce fut une certaine complaisance spirituelle qu'ils eurent en eux mesmes, laquelle leur causa un tel orgueil par la connoissance de la grandeur et excellence de leur nature, qu'ils voulurent avec une outrecuidance insupportable estre comme Dieu, mettre leur siege à l'esgal du sien.

  A009001093 

 Eve donques n'en eut non plus peur qu'un enfant n'en aurait d'un petit aignelet; l'ennemy luy parla sous la figure de ce serpent, luy donna de l'ambition et convoitise d'estre semblable à Dieu, et pour ce sujet elle mangea du fruit defendu..

  A009001094 

 Ainsy, l'ange est rendu diable, et de beau et amy de Dieu qu'il estoit, il s'est declaré son ennemy, et est devenu laid, espouvantable.

  A009001095 

 Et pourquoy? Non pour autre chose que pour sçavoir si saint Jean estoit le Christ Fils de Dieu, le Messie qu'ils attendoyent, à fin de luy rendre l'honneur qui luy estoit deu..

  A009001099 

 O non, mais son orgueil le porta jusques à vouloir estre semblable à Dieu; et le miserable, au lieu de devenir ce qu'il presumoit, il descheut par son outrecuidance de ce qu'il estoit, fut chassé et banni pour jamais du Ciel et rendu diable.

  A009001099 

 Son ambition n'arriva point jusques là; il sçavoit que Dieu seroit tousjours le premier et auroit quelque superintendance par dessus luy, car en somme il est Dieu et Lucifer ne pretendoit pas estre tel.

  A009001100 

 Neanmoins, entendans de ce viel serpent que s'ils venoyent à manger du fruit defendu ils seroyent semblables à Dieu, la seule proposition que leur fit Satan leur toucha le cœur en telle sorte qu'ils vindrent à s'oublier du commandement et de la defense du Seigneur.

  A009001100 

 O que l'ambition et l'orgueil sont de fortes et dangereuses amorces pour seduire l'homme et luy faire transgresser la loy de Dieu! Il est donques bien vray, comme dit le grand saint Ambroise, que qui veut entrer au combat et en la guerre contre le vice il faut necessairement qu'il soit revestu et par tout armé de l'humilité..

  A009001101 

 Et on ne luy propose pas seulement d'estre semblable à Dieu, ains on vient pour luy faire confesser qu'il est le Christ et le reconnoistre pour tel.

  A009001101 

 Mon Dieu, qu'elle fut admirable en ce grand Saint! car il n'estoit point au Ciel ni au paradis terrestre, ains en la terre; il n'estoit point Ange, ains homme; il [421] n'estoit point en la justice originelle, ains il pouvoit pecher veniellement.

  A009001103 

 Je sçay bien que c'estoyent des erreurs; mais nous voyons ainsy le desir que Dieu avoit infus dans tous les cœurs de l'Incarnation de son Fils, de cette union de la nature divine avec l'humaine.

  A009001103 

 Les anciens Peres expliquans ces paroles disent qu'elles nous representent le desir que les Anges avoyent de l'Incarnation; d'autres tiennent que par icelles nous devons entendre le desir que Dieu avoit de toute eternité d'unir la nature humaine avec la divine, desir qu'il communiqua aux Anges et aux hommes, quoy qu'en differentes façons.

  A009001103 

 Les uns, tels que les Patriarches et les Prophetes, [422] le souhaittoyent ardemment, et par les souspirs qu'ils jettoyent au Ciel ils demandoyent l'Incarnation du Fils de Dieu.

  A009001103 

 Que signifie donc ce bayser sinon l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine? Les autres le desiroyent, mais comme imperceptiblement; car de tout temps l'on a veu les hommes enclins à rechercher une Divinité, et ne pouvans se faire un Dieu humanisé, parce que cela appartenoit à Dieu seul, ils recherchoyent des inventions pour faire des deités.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001108 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions sur cecy, à sçavoir, qui seroit ce grand personnage; mais la plus commune estoit qu'iceluy ne seroit autre que le Fils de Dieu.

  A009001108 

 Mais comment pouvoit-il asseurer n'estre pas Prophete, sçachant bien qu'il l'estoit et que Dieu mesme l'avoit declaré? Voyez-vous, il estoit encor promis en la Loy au peuple Juif qu' un grand Prophete luy seroit envoyé.

  A009001109 

 Neanmoins voyant qu'en ce sens que nous avons dit, il pouvoit asseurer qu'il ne l'estoit pas, pour eviter l'honneur qu'on luy vouloit rendre, honneur qui devoit estre deferé à Dieu seul, il respondit: Je ne le suis pas.

  A009001109 

 Voyla donques comme saint Jean rembarra cette tentation d'orgueil et d'ambition, et comme l'humilité luy donna des inventions admirables pour ne point admettre ni recevoir l'honneur qu'on luy vouloit rendre, dissimulant et niant d'estre ce que veritablement il estoit; car il n'y a point de doute qu'il ne fust Elie et Prophete, voire plus que Prophete, Dieu l'ayant declaré luy mesme.

  A009001110 

 Hé, folie! vous vous moquez du monde en disant cela; comme si Dieu pouvoit estre honnoré par le peché! Non, cela n'est pas; il ne faut jamais mentir pour honnorer Dieu, et c'est une sottise et grande ignorance que celle là.

  A009001110 

 Mais plusieurs ayans mal entendu cecy, s'en sont servi, et n'ont point pensé mentir en disant beaucoup de choses fort esloignées de la verité; et mesme il en est qui sont arrivés jusques là que de croire qu'ils pouvoyent proferer des menteries quand il s'agissoit de la gloire de Dieu.

  A009001110 

 Oh, respondent-ils, il est vray, mais c'est pour honnorer Dieu que j'ay dit un tel mensonge.

  A009001114 

 Sans se soucier que l'on diroit ou penseroit, il est allé droitement devant Dieu, et n'a point fait comme ceux qui vont et ne vont pas.

  A009001115 

 O noble vertu d'humilité tant necessaire à l'homme en cette basse terre! Ce n'est pas sans rayson qu'on dit [428] qu'elle est la base de toutes les vertus, car sans elle il n'y en a point; et bien qu'elle ne soit pas la premiere, la charité et l'amour de Dieu la surpassant en dignité et excellence, si est-ce que la charité a une telle convenance et sympathie avec l'humilité, qu'elles ne vont jamais l'une sans l'autre..

  A009001118 

 Mais à mesure qu'il s'abaisse, Dieu l'exalte et crie tout haut qu' il est Prophete et plus que Prophete; il l'appelle encores Ange, disant: Voicy que j'envoye mon Ange, et iceluy preparera ta voye.

  A009001119 

 Ceux-cy ne se faschent pas si on leur dit qu'ils sont imprudens, qu'ils n'ont point d'esprit ni de jugement, ains ils s'abaissent, et Dieu les exalte et releve, leur donnant son Esprit par lequel ils operent de grandes choses..

  A009001119 

 Oh! Dieu les humilie, il les laisse, et regarde les pauvres humbles qui sont sur la plate terre, lesquels n'ont point de siege sinon la bassesse.

  A009001130 

 La parole de Dieu est tombée sur Jean.

  A009001137 

 Ne recevez point mes paroles comme paroles d'homme, mais comme paroles de Dieu, car je vous dis en verité que ce n'est point moy qui enseigne, ains Dieu par moy..

  A009001137 

 Pensez-vous, leur escrivoit-il, que ce soit moy qui vous parle? Oh non, mais c'est Dieu qui vous parle par ma bouche.

  A009001138 

 Comme s'il disoit: Ce n'est pas moy qui crie en ce desert: Faites penitence, ains c'est Dieu qui le vous dit par moy, et je ne suis que la voix, la trompette par laquelle il vous donne à entendre comment vous vous devez preparer à faire penitence et vous disposer à sa venue.

  A009001138 

 Voyla ce que je suis; vous devez donc escouter mes paroles non comme miennes mais comme de Dieu qui vous parle par ma bouche, car je suis la voix de Celuy qui crie au desert.

  A009001139 

 Saint Jean estoit fils de Zacharie, et la parole de Dieu estoit tombée sur luy non seulement à fin qu'il la gardast pour soy, ains aussi pour la communiquer aux autres.

  A009001140 

 Et notez icy (je le diray en passant), que personne ne peut estre receu en dignité et prelature si la sacrée parole ne tombe sur luy, c'est à sçavoir s'il n'est choisi et esleu de Dieu.

  A009001140 

 Premierement, saint Jean a esté choisi et esleu de Dieu pour sa voix, son avant coureur.

  A009001140 

 Quant à saint Jean, il fut choisi et esleu de Dieu, et luy mesme approuva sa vocation et maniere de proceder.

  A009001141 

 Nous sommes enseignés par là que lors que Dieu depart quelque charge à ceux qu'il a choisis pour son service, comme sont les predicateurs, ils doivent soigneusement s'appliquer à leur devoir et communiquer aux autres ce qu'ils ont receu et ce que Dieu leur a donné pour ce sujet.

  A009001142 

 Car qu'eust-il servi aux Israëlites que Dieu leur eust envoyé la manne au desert pour leur nourriture, s'ils ne l'eussent point voulu recueillir et ramasser? Et que leur eust-il profité de la recueillir s'ils ne l'eussent point voulu manger pour s'en substanter? Certes, quand la divine Providence fit tomber la manne du ciel elle obligea les enfans d'Israël à se lever le matin pour l'aller recueillir avant que le soleil parust; et non seulement cela, mais encores de la manger et avaler pour en estre nourris et substantés.

  A009001142 

 De mesme, ceux qui escoutent la parolle de Dieu sont tenus à la prattiquer pour en profiter..

  A009001142 

 Mais comme il estoit obligé de crier que l'on preparast les voyes, que l'on applanist les sentiers et les chemins du Seigneur, le peuple auquel il s'addressoit estoit de mesme obligé de l'ouyr, de recevoir le baptesme qu'il luy presentoit et de faire ce qu'il luy disoit; car si le predicateur a le devoir de vous prescher, vous avez aussi celuy de l'escouter et de bien recevoir ce qu'il vous annonce de la part de Dieu.

  A009001144 

 O Dieu, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulant esloigner l'avarice et toute sollicitude du cœur de ses disciples, leur commanda de vivre au jour la journée et de n'avoir point souci du lendemain?.

  A009001145 

 Certes, entre les ordonnances que Dieu fit aux enfans d'Israël il leur enjoignit de ne recueillir qu'une mesure de manne, à sçavoir ce qui estoit suffisant pour la prebende et portion d'un chacun.

  A009001145 

 Et quels sont ces vers sinon les vifs et puissans remords de conscience qui piqueront et rongeront l'ame au souvenir et à la veue de tant de moyens et d'occasions qu'on a eus de servir Dieu? Quels remords de conscience aura-t-on à l'heure de la mort, voyant le nombre de documens, advis et instructions qui nous ont esté donnés [436] pour nostre perfection! Ce seront les plus grandes douleurs que l'on ressentira que celles cy.

  A009001145 

 Voyla comme l'avarice spirituelle est la seconde rayson qui nous empesche de profiter de la parole de Dieu; cela soit dit seulement pour introduction à mon discours.

  A009001146 

 Du temps que Tibere Cesar estoit Empereur, qu'Herode estoit roy de la Galilée, que Ponce Pilate presidoit en Hierusalem, qu'Anne et Caïphe estoyent princes des prestres et siegeoyent dans la chaire de Moyse, Dieu envoya son Prophete lequel fut sa voix qui crioit au desert: Applanissez le chemin du Seigneur, faites penitence, car le salut est proche.

  A009001147 

 Que veut-il signifier? pourquoy le Prophete dit-il que Dieu pardonnera au peuple d'Israël pour ce qu'ils sont venus au comble de leur malice?.

  A009001149 

 Une autre façon d'entendre ces paroles: Parce que leur malice est venue à son comble leurs iniquités leur seront pardonnées, est celle-cy: Lors qu'ils sont venus au comble, au midy, au plus haut point de leur meschanceté et ingratitude, lors qu'il semble qu'ils n'ayent aucune souvenance de leur Dieu ni plus de memoire de ses bienfaits, leurs iniquités leur seront pardonnées; c'est à dire, en ce temps là auquel ils meriteroyent d'estre precipités, Dieu leur pardonnera et ne se souviendra plus de leur meschanceté.

  A009001150 

 A la verité, ce sont de grans effects de la bonté de Dieu de departir ses graces à ses creatures, de leur pardonner continuellement les fautes qui journellement sont commises contre luy et de recompenser de si petits services par de si grandes faveurs; de sorte que celuy qui correspond à la premiere grace se dispose à recevoir la seconde, et correspondant à la seconde il se prepare à obtenir la troisiesme, puis de la troisiesme à une quatriesme, et ainsy consecutivement, selon le dire de la theologie scholastique, qui est tres veritable.

  A009001150 

 C'est pour cela qu'en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture Dieu nous recommande la fidelité à suivre les bons mouvemens, lumieres et inspirations; en quoy certes reluit la grandeur de sa misericorde..

  A009001150 

 Car les theologiens enseignent que Dieu ne manque jamais de son costé; que si l'ame est fidelle à correspondre aux premieres graces elle se dispose à recevoir les secondes, troisiesmes et quatriesmes, et par cette correspondance elle se rendra digne de participer à de grans biens et d'obtenir de signalées faveurs.

  A009001151 

 En somme, le monde estoit arrivé au plus haut point de sa malice; [439] et ce fut alors que Dieu vint pour le racheter et nous delivrer de la tyrannie du peché et servitude de nostre ennemy, sans estre esmeu à ce faire que par son immense bonté qui le porta à se communiquer en cette sorte..

  A009001152 

 O Dieu, combien furent grandes les richesses de vostre bonté à l'endroit de cet Apostre!.

  A009001153 

 Helas, son peché eust esté en quelque façon excusable s'il l'eust commis en gardant ses brebis, quand il estoit berger; mais que David aye tant offensé Dieu apres en avoir receu des graces si singulieres, apres tant de clartés, de lumieres et de faveurs, luy qui estoit selon le cœur de [440] Dieu, par lequel il avoit fait tant de merveilles et prodiges, luy qui avoit tousjours esté nourri dans le sein de la douce clemence et misericorde divine, soit venu jusques là que de commettre de si grans forfaits et qu'il soit demeuré un an entier sans en avoir la connoissance, o certes, c'est une chose qui estonne grandement..

  A009001153 

 Lors que les pecheurs sont le plus endurcis en leurs pechés, qu'ils sont venus à un tel point qu'ils vivent comme s'il n'y avoit pas de Dieu, de Paradis ni d'enfer, c'est alors que le Seigneur leur descouvre les entrailles de sa pitié et douce misericorde.

  A009001154 

 Puis il demeura une année entiere croupissant dans son iniquité, sans se souvenir où estoit son Dieu..

  A009001155 

 Cependant la divine Bonté le voyant en cet aveuglement, luy envoya le Prophete Nathan lequel luy demanda où estoit son Dieu et ce qu'il avoit fait.

  A009001155 

 Il y a cent autres semblables exemples dans la Sainte Escriture, c'est à dire un grand nombre à qui Dieu a fait la mesme misericorde.

  A009001155 

 Neanmoins Dieu ne le quitta point en ce temps là, mais par le moyen du Prophete Nathan luy fit confesser son crime.

  A009001155 

 Quel plus grand esclat voudriez-vous de la divine misericorde? car alors que David estoit au comble de sa malice, Dieu luy pardonna ses iniquités.

  A009001159 

 Ce bon Saint luy respondit: Garde toy bien de lever les yeux pour regarder le Ciel, toy qui tant et tant de fois t'en es servie pour jetter des regards dangereux, pour muguetter et pour telles autres choses; ne leve point ces mains par lesquelles tu as fait tant d'œuvres malignes, mais exerce toy toute ta vie en humilité et te confie en la bonté de Dieu.

  A009001159 

 Il faut donques remplir ces vallées creusées par les frayeurs provenantes de la connoissance des grosses imperfections et des pechés commis; il faut, dis-je, les remplir par la confiance meslée avec la crainte de Dieu..

  A009001160 

 Et ce pauvre publicain, qui devant le monde estoit une montagne haute et raboteuse, fut rabaissé et applani devant la divine Majesté lors qu'il vint au Temple; car n'osant lever les yeux pour regarder le ciel à cause des grans pechés qu'il avoit commis, il se tenoit à la porte avec un cœur contrit et humilié; partant il fut digne de trouver grace devant Dieu.

  A009001160 

 Mais Dieu voyant son orgueil le rejetta.

  A009001161 

 Il faut redresser tant d'intentions sinistres et obliques, pour n'en avoir qu'une, celle de plaire à Dieu en faisant penitence; ce doit estre le but auquel nous devons viser.

  A009001161 

 Oh, disent elles, Dieu est si bon et misericordieux, nous nous arrangerons bien avec luy; donnons-nous seulement du bon temps, puis à l'heure de la mort nous dirons un bon peccavi et Dieu nous pardonnera.

  A009001161 

 Qu'est-ce que cela sinon une grande presomption de la part de ces ames qui prennent occasion de la bonté divine pour croupir dans leurs pechés? Hé! ne sçavent-elles pas qu'encores que Dieu soit infiniment misericordieux, aussi est-il infiniment juste, et que quand sa misericorde est irritée elle provoque sa justice?.

  A009001162 

 Mon Dieu, que c'est une chose merveilleusement suave que de considerer la vie de nostre cher Sauveur et Maistre, car l'on y voit reluire cette parfaite esgalité parmi tant de divers accidens! Certes, personne ne l'a eue en telle perfection que luy et la sacrée Vierge nostre Mere, qui seule, apres son Fils, a esté sans peché.

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001170 

 Premierement, nous sçavons que c'est le Pere qui nous a donné son Fils, car nous lisons que Dieu a tant aymé le monde qu'il luy a donné son Fils unique.

  A009001171 

 Il n'y a donc qu'un Dieu en trois Personnes, et ce Dieu est tout puissant, tout sage et tout bon.

  A009001171 

 Tout ce que cette adorable Trinité opere hors de soy se doit attribuer aux trois Personnes divines, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit le font aussi, [448] d'autant que bien qu'ils soyent trois Personnes ils ne sont toutefois qu'un seul Dieu, n'ayant qu'une mesme sapience, puissance et bonté.

  A009001172 

 C'est de part et d'autre le mesme Dieu homme [449] qui estoit dans les entrailles de la Vierge; de sorte que la manne, qui a esté figure du Sacrement de l'Eucharistie, le sera aussi bien du mystere de l'Incarnation.

  A009001172 

 Je sçay bien que c'estoit aussi une figure de l'Eucharistie, ainsy que le disent nos anciens Peres; cependant, entre ce mystere et celuy de l'Incarnation il n'y a que cette difference, qu'en la Nativité l'on voit Dieu incarné en sa propre personne, et en l'Eucharistie nous le voyons en une forme plus couverte et en une façon plus obscure.

  A009001172 

 Or, que cela soit ainsy ou, comme d'autres tiennent, que Dieu la fist luy mesme sans se servir de l'ayde d'aucune creature, l'une et l'autre opinion se peut bien appliquer au mystere de l'Incarnation; car en iceluy Dieu se servit de l'Ange Gabriel pour annoncer ce mystere à Nostre Dame, et d'autre part ce ne furent point les Anges qui firent cette oeuvre admirable, mais la tres sainte Trinité seule, sans le concours d'aucune creature..

  A009001174 

 Nos miserables corps sont bien formés de leur substance, mais l'ame qui y est infuse n'en est [450] point faite, car elle est toute spirituelle et Dieu seul en est le Createur.

  A009001176 

 Ainsy, combien qu'en Nostre Seigneur incarné il y ayt trois substances, il n'y a cependant qu'une personne; car la substance de l'ame et celle du corps ne font qu'une humanité, et cette nature humaine avec la divine ne font point deux personnes mais une seule qui est Dieu et homme.

  A009001176 

 De plus, s'ils ont conneu Dieu ils ne l'ont pas reconneu, ce [451] qui toutefois estoit le plus important.

  A009001176 

 O admirable invention de la providence de Dieu! Cette divine Majesté voyant que la Divinité n'estoit pas conneue des hommes voulut s'incarner et joindre avec la nature humaine, à fin que sous ce manteau de l'humanité, la Divinité peust estre reconneue.

  A009001177 

 Certes, en cette Incarnation il a fait voir ce qui n'eust jamais peu entrer ni estre compris de l'esprit humain, c'est à dire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu; l'immortel mortel, l'impassible passible, sujet au chaud, au froid, à la faim, à la soif; l'infini fini, l'eternel temporel; en somme, l'homme divinisé et Dieu humanisé, en sorte que Dieu sans laisser d'estre Dieu soit homme, et l'homme sans laisser d'estre homme soit Dieu; tellement qu'on peut dire que les Mages qui bayserent les pieds de ce petit Enfant nouveau né, bayserent les pieds de Dieu.

  A009001177 

 Ces deux natures sont tellement unies par ensemble que l'on peut prononcer sans blasphemer: Ce sang est le sang de Dieu, le sang de l'Aigneau mort pour les pechés des hommes; Dieu a esté flagellé, fouetté; les mains de Dieu ont esté tendues et clouées à la croix.

  A009001177 

 Mais comment de Dieu? car Dieu entant que Dieu n'a point de corps; et s'il n'a point de corps comme est-ce que les Mages luy ont baysé les pieds? Neanmoins il en est ainsy à cause de cette union des deux natures qui ne font qu'une personne.

  A009001177 

 Or, ce n'est pas à dire que Dieu ayt souffert tout cela, ni qu'il ayt respandu du sang ou estendu ses bras en la croix; car Dieu est impassible, il n'a point enduré ces choses entant que Dieu, d'autant qu'en la Passion la Divinité n'a point souffert, la Divinité n'a point estendu ses mains en la croix, elle n'a point respandu de sang, car en Dieu il n'y a ni sang, ni bras, ni mains; mais on parle ainsy, et avec verité, à cause de cette estroitte union de la nature humaine avec la divine..

  A009001178 

 Ainsy, à cause de cette si estroitte union que la nature divine et la nature humaine ont ensemble, on vient à parler des deux comme s'il n'y en avoit qu'une seule, disant: Pourquoy ne souffriray-je telle chose puisque Dieu l'a soufferte?.

  A009001180 

 La Divinité c'est le brasier ardent dans lequel a esté jettée l'humanité, et cette humanité a esté dès lors tellement jointe avec la Divinité qu'elle a participé à la nature divine, en telle sorte que l'homme a esté fait Dieu et Dieu a esté fait homme, sans que pour cela la nature divine et la nature humaine ayent laissé d'estre ce qu'elles estoyent auparavant.

  A009001180 

 Or, comme le fer que l'on tire de la fournaise ne s'appelle plus fer seulement, ains fer embrasé, et le feu, un feu enferré, aussi disons-nous qu'en l'Incarnation Dieu est humanisé et l'homme divinisé.

  A009001181 

 Gedeon estant capitaine de l'armée d'Israël et voulant sçavoir avant de livrer bataille aux Madianites s'il seroit favorisé de Dieu, il luy demanda un signe.

  A009001181 

 Il mit donques une toison sur la place, et, merveille qui monstre la bonté de Dieu, la rosée tomba du ciel en si grande abondance que la toison en fut trempée de toutes parts; et neanmoins la terre qui estoit dessous demeura si seche qu'il sembloit qu'elle eust esté battue par l'espace de plusieurs jours.

  A009001181 

 Quand Moyse voulut retirer les Israelites de l'Egypte Dieu l'instruisit et luy ordonna tout ce qu'il falloit faire.

  A009001183 

 Vous voyez par ces similitudes que c'est que l'Incarnation; quand donques on vous demandera que c'est que ce mystere, vous respondrez: C'est une telle union de la nature humaine avec la divine, une telle jonction de la Divinité avec l'humanité, que par icelle l'homme est fait Dieu et Dieu est fait homme, en prenant sa nature..

  A009001186 

 Ce livre estoit intitulé la sainte volonté de Dieu; or, pendant toute sa vie, Nostre Seigneur ne fit autre chose que lire, prattiquer et garder tout ce qu'il y trouva escrit, ajustant ses volontés à celles de son Pere celeste, comme il le dit luy mesine: Je suis venu non pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé..

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001188 

 Aussi Nostre Seigneur merita plus en jettant un seul souspir amoureux que ne firent jamais tous les Saints et Saintes ou que tous les Cherubins et Seraphins; et Dieu fut plus honnoré par un seul acte d'amour et d'adoration que la tres benite ame du Sauveur fit à l'instant de sa creation, qu'il ne l'a esté et ne le sera jamais par toutes les creatures angeliques et humaines.

  A009001189 

 O Dieu, il ne faut pas chercher [459] cela, car cette façon d'agir est insupportable à ceux qui sçavent tant soit peu que c'est que la devotion.

  A009001189 

 Que si Dieu vous donne des consolations ou grains de dragées, baysez-luy la main et le remerciez tres humblement, mais ne vous arrestez point à cela, ains passez outre et vous humiliez..

  A009001190 

 Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne.

  A009001190 

 O Dieu, qui pourroit demeurer aupres de cette creche tout le long de cette octave il se fondroit d'amour, voyant ce petit Enfant en si pauvre lieu, pleurer et trembler de froid.

  A009001191 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A009001191 

 Voyla donques ce Dieu incarné.

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001210 

 Courage, luy devons-nous dire, nous avons desja quelque peu avancé au chemin de la vie spirituelle; allons un petit plus avant, nous ferons bien encores une lieue de chemin, puis nous en ferons davantage; et ainsy se passionner pour acheminer les ames à Dieu..

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001212 

 Ce qu'entendant ce grand serviteur de Dieu, touché d'une affection paternelle et despouillé de son propre interest, levant les mains et les yeux au Ciel où son cœur avoit desja pris place, il dit ces belles paroles: Domine, si adhuc populo tuo sum necessarius, non recuso laborem; O Seigneur, quoy que par vostre grace je me voye prest à jouir du bien apres lequel j'ay tant souspiré, neanmoins, si je suis encores necessaire à ces ames pour leur salut, je ne refuse point de demeurer davantage en cet exil, je me resigne entierement à vostre tres sainte volonté.

  A009001213 

 Voyla en fin quelles sont les mammelles de l'Espouse et de l'Espoux; voyla les fruits d'une parfaitte oraison, laquelle se fait non seulement à certaines heures et à certains temps limités, mais encores par des eslevations d'esprit et des eslancemens du cœur en Dieu, que l'on appelle oraisons jaculatoires, et par des actes frequens d'union de nostre volonté avec celle de Dieu, qui se peuvent faire à tous momens et en toutes sortes d'occasions..

  A009001214 

 Certes, la crainte d'enfer est un motif des plus puissans que nous puissions avoir pour nous tenir en bride et nous empescher de transgresser la loy de Dieu, c'est pourquoy cette crainte est bonne; mais pour les espouses ce motif est trop grossier et trop bas, car elles ne veulent point d'autre mammelle que celle de l'amour..

  A009001214 

 Mais cette mammelle de la crainte n'est pas la mammelle des espouses, ains celle des serviteurs et des valets, à qui il faut donner la crainte des chastimens pour les ranger à leur devoir et à l'observance des commandemens de Dieu.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001216 

 Et David mesme, duquel l'ame estoit vrayement espouse, puisqu'il estoit selon le cœur de Dieu, confesse neanmoins qu'il se servoit de ce motif: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; O Seigneur, dit-il, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent..

  A009001217 

 Or, quand Dieu nous soustrait ce sentiment, il ne faut pas se descourager ni penser que nous n'avons point d'amour, pourveu que nous ayons une forte resolution de ne luy vouloir jamais desplaire, qui est ce en quoy consiste le parfait et veritable amour.

  A009001218 

 Or, cette benediction que Jacob demandoit si instamment nous signifie l'esperance de jouir de Dieu en la vie future.

  A009001219 

 Mais considerez, je vous prie, l'ardent amour de cette Espouse: certes, rien ne la peut contenter que la presence de son Bien-Aymé; elle ne veut point de benedictions, ni ne s'arreste point à l'esperance des biens à venir comme Jacob; elle ne veut que son Dieu, et pourveu qu'elle le possede elle est contente.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 O Dieu, mes cheres Filles, ayons donques cette faim, je vous prie; ayons un grand desir de l'amour de Nostre Seigneur, et taschons de nous rendre semblables aux petits enfans, à fin qu'il nous donne ses divines mammelles à tetter, et qu'il nous prenne entre ses bras et nous mette sur sa sacrée poitrine..

  A009001224 

 Voyla ce que le Prophete veut qu'il luy arrive, s'il ne marche devant Dieu en esprit d'humilité.

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000062 

 Je sçay bien qu'il les faisoit aussi entant que Dieu, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit l'operent de mesme; mais quant au miracle de Cana c'est proprement le Fils qui le fait..

  A010000062 

 Mais ce miracle estoit invisible, secret et occulte; c'estoit une œuvre si haute qu'elle surpasse infiniment tout ce que les Anges et Archanges en peuvent comprendre, et partant ce n'estoit pas un signe qui manifestast la gloire de Dieu comme celuy qui se fit aux noces de Cana en Galilée, ainsy que dit l'Evangeliste.

  A010000064 

 Or, puisque nous qui vous annonçons la parole de Dieu, sommes obligés de vous dire sur chaque mystere les choses qui peuvent servir à la consolation de nostre foy quand les occasions s'en presentent, comme à ce coup icy de celuy de l'Eucharistie, j'en toucheray ce qui fait à nostre propos.

  A010000065 

 En la creation de l'homme Dieu, comme nous l'avons desja touché, changea la terre en chair humaine et opera une admirable transmutation; car apres avoir dit: Faisons l'homme à nostre image et semblance, il prit de l'argile et en forma un corps qui n'estoit alors qu'une masse de terre.

  A010000065 

 Quand Dieu crea Adam il donna le premier signe de cette creation en changeant le limon de la terre au corps de l'homme; de mesme, lors que Jesus Christ le recrea, le premier signe de cette recreation fut la transformation d'une substance en une autre, le changement de l'eau en vin.

  A010000068 

 Certes, nous devrions faire cent mille adorations chaque jour à ce divin Sacrement en reconnoissance de l'amour avec lequel Dieu demeure avec nous.

  A010000068 

 L'Apostre dit que le Chrestien est nourri de la chair vivante et du sang du Dieu vivant, ce qui est vray; et quoy que cette verité repugne à nos sens qui n'y peuvent rien voir, neanmoins nous le croyons et mesme avec d'autant plus de suavité que nos sens en connoissent moins.

  A010000075 

 En l'Oraison Dominicale que nous disons tous les jours, nous demandons premierement que le Royaume de Dieu nous advienne, comme le but et la fin à laquelle nous visons, et puis, que sa volonté soit faite, comme l'unique moyen pour nous conduire à cette beatitude; mais outre cela, nous faisons une autre requeste, à sçavoir, qu'il nous donne nostre pain quotidien.

  A010000075 

 Je sçay bien toutefois que l'on peut prier Dieu non seulement pour le spirituel mais aussi pour le temporel; il n'y a nul doute que cela ne se puisse et doive faire, puisque Nostre Seigneur le nous a luy mesme enseigné.

  A010000075 

 La sainte Eglise a mesme des prieres speciales pour demander à Dieu les choses temporelles, car elle a des oraisons propres pour impetrer la paix en temps de guerre, la pluye en temps de secheresse et la serenité en temps de trop grande pluye; voire il y a des messes toutes particulieres pour le temps de la contagion.

  A010000075 

 Par quoy nous sommes enseignés qu'il n'y a point de doute ni de difficulté que l'on ne puisse et doive requerir de Dieu ses necessités spirituelles et temporelles..

  A010000076 

 De mesme, il n'est pas requis pour aymer Dieu de sentir qu'on l'ayme; car son amour ne consiste pas à sentir, gouster et savourer sa douceur.

  A010000076 

 Mais je demande encor l'humilité, car je ne suis point humble, et neanmoins je vois que l'on ne sçauroit rien faire sans cette chere vertu; je demande aussi l'amour de Dieu, cette sacrée dilection [10] qui rend toutes choses si douces et faciles.

  A010000076 

 Vous pouvez donques estre bien humble et aymer Dieu sans le sentir..

  A010000077 

 O Dieu, attendez un peu, mes cheres ames, ce n'est pas icy le lieu des gousts et sentimens; attendez d'estre là haut au Ciel où vous connoistrez si vous avez l'humilité et jouirez de ces suavités.

  A010000077 

 Vous verrez alors comme vous aymez Dieu, et gousterez la douceur de son amour; mais en cette vie le Seigneur veut que nous vivions entre la crainte et l'esperance, que nous soyons humbles et que nous l'aymions sans le sçavoir..

  A010000078 

 Mais, o Dieu, qui est si hardi que d'y vouloir mettre la pointe de son esprit, pour aigu et subtil qu'il puisse estre, à fin d'en comprendre le vray sens, sans avoir receu la lumiere d'en haut pour cela? Cette responce estoit toute amoureuse, et la Sainte Vierge qui le sçavoit bien s'en sentit la plus obligée mere qui aye jamais esté.

  A010000079 

 Et quant aux yeux, les larmes qui en deseoulent sont des preuves de l'amour; c'est en cette façon que le Psalmiste donnoit des tesmoignages du sien lors qu'il respandoit une grande abondance de larmes devant son Dieu..

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000081 

 Cependant, Dieu avoit veu de toute eternité que Rebecca concevroit et auroit des enfans, mais avec cette condition qu'elle les obtiendroit par ses prieres; et si elle n'eust prié avec son mary Isaac elle n'eust point conceu.

  A010000081 

 Il est vray aussi que Dieu avoit determiné de toute eternité l'heure et l'instant de faire deux grans miracles: celuy de l'Incarnation et celuy de donner au monde le premier signe pour la manifestation de sa gloire; mais c'estoit d'une façon generale et non point en sorte qu'estant prié il ne peust avancer cette heure.

  A010000081 

 Voyant donc qu'ils ne pouvoyent avoir des enfans à cause de sa sterilité, elle et son mary s'enfermerent en une chambre et prierent si fervemment que Dieu les ouyt, les exauça, et Rebecca devint grosse de deux jumeaux, Esau et Jacob.

  A010000082 

 O que bienheureuse est l'heure de la divine Providence en laquelle Dieu a voulu nous departir tant de graces et de biens! O que bienheureuse est l'ame qui attendra avec patience et qui se preparera pour correspondre avec fidelité à icelle quand elle arrivera! Certes, ce fut l'heure de la Providence divine celle en laquelle la Samaritaine se convertit.

  A010000085 

 Voyla une bonne femme qui a un fils malade; o Dieu, il faut employer le Ciel et la terre, car cet enfant est unique, c'est le fruit de mon sein, c'est [16] en luy que j'ay mis toute mon esperance; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien on recourt aux vœux qu'on fait aux Saints.

  A010000086 

 En somme, mes cheres Sœurs, prattiquez bien ce qui vous a esté enseigné jusqu'à present et vous reposez en la providence de Dieu, car il ne manquera pas de vous fournir ce que vous aurez besoin.

  A010000086 

 Vous voudriez avoir quelque lumiere de la foy pour comprendre le mystere de l'Incarnation; entretenez-vous le long du jour en de devotes pensées sur la bonté infinie de nostre Dieu.

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000096 

 A cause du rapport et de la convenance qu'elle a avec l'homme, il estoit en quelque façon raysonnable que Dieu luy donnast cette felicité; il y avoit encores de la bienseance que l'homme la possedast, voyla pourquoy il s'obligea de la luy bailler.

  A010000096 

 Elle a une telle convenance et rapport avec le cœur de l'homme qu'il ne sçauroit trouver de repos qu'en la possedant; de mesme, si je l'ose dire, elle, par un amour reciproque, ne semble pas estre vraye felicité qu'entant que l'homme la possede, car Dieu l'a faite pour la jouissance de l'homme, et la luy a tellement promise qu'il s'est obligé de la luy donner.

  A010000096 

 Or, bien que cette promesse n'ayt pour fondement que sa bonté, il s'ensuit neanmoins que cette obligation est de justice, mais d'une justice toute misericordieuse, car c'est par pure misericorde que Dieu s'est engagé de donner sa gloire à sa creature, gloire qui n'est autre que l'union de nos ames avec luy..

  A010000099 

 Neanmoins ce n'est point do cette beauté que depend leur plus haute valeur, ains de l'estime qu'elles ont devant Dieu, qui en fait un si grand estat qu'il leur a promis la felicité, c'est à dire la vie eternelle.

  A010000100 

 Il en prend ainsy de tout ce qui n'est point Dieu et qui est hors de luy..

  A010000100 

 Regardez un marchand: que ne fait-il pas pour accroistre son bien? O Dieu, c'est une chose incroyable et inconcevable quel travail il endure.

  A010000103 

 Quoy que cette perle soit la perfection chrestienne, si est-ce que nous pouvons dire encores plus proprement que la perfection religieuse est la vraye perle evangelique, pour laquelle acheter il faut tout quitter, et en une façon bien plus speciale que pour la perfection chrestienne, car pour celle cy on la peut acquerir en gardant les commandemens de Dieu; mais pour la perfection religieuse il ne faut pas seulement garder les preceptes, ains aussi les conseils, les [23] secrettes inspirations et les mouvemens interieurs.

  A010000104 

 Ananias et Saphira sa femme ayans vendu leurs terres, en deposerent les deniers aux pieds de saint Pierre; mais ayans voulu user de quelque reserve, ils furent aigrement repris par iceluy et rigoureusement chastiés de Dieu pour leur feintise et dissimulation.

  A010000104 

 Or, il ne faut pas agir de la sorte, d'autant que Dieu ne pouvant estre trompé, il vous en prendroit comme à Ananias et à sa femme; pensant tromper Dieu vous vous trouveriez trompés vous mesmes.

  A010000107 

 (Je sçay que plusieurs ne veulent pas nommer ces biens futurs biens de fortune, voire mesme le grand saint Augustin, parce que les payens appelloyent un de leurs dieux, le dieu de [25] Fortune; mais despuis ce temps, la chose a esté raccommodée, ou pour mieux dire spiritualisée, de sorte qu'on les appelle communement de ce nom.).

  A010000112 

 A mesme temps Dieu luy rendit la lumiere corporelle et sa premiere beauté, mais en une façon beaucoup plus excellente que la premiere; car son celeste Espoux voyant que pour acquerir son amour et acheter cette perle de la perfection religieuse elle avoit quitté sa santé et sa beauté, il l'en favorisa bien plus pleinement qu'elle ne l'eust peu esperer.

  A010000113 

 Je feray bien telle chose, mais je vois qu'il seroit mieux autrement; mon Dieu, on me dit que je la fasse ainsy, et cependant je vois que j'en [28] tirerois beaucoup plus de proffït si je la faisois en cette sorte; un tel exercice me seroit bien plus proffitable pour mon avancement que non pas cet autre.

  A010000113 

 On veut bien faire le bon playsir de Dieu, mais non pas en tout, ains en ce qui sera conforme au nostre.

  A010000113 

 Or, comme il ne suffit pas en Religion d'observer les commandemens de Dieu, ains encores ses inspirations particulieres et generales qui sont marquées dans les Statuts, Regles et Constitutions, pour les prattiquer il faut necessairement renoncer à sa propre volonté.

  A010000113 

 Quant à l'abnegation de la propre volonté j'ay tous-jours accoustumé de dire que c'est la principale piece de nostre renoncement; c'est par où il faut commencer et finir, car la volonté propre n'est qu'une formiliere de petits vouloirs, inclinations et humeurs, lesquelles on doit toutes assujettir à l'obeissance et à la rayson; autrement elles font un desordre et rebellion tant à la loy et volonté de Dieu qu'à celle des Superieurs.

  A010000114 

 Nous pouvons juger par ces parolles du violent combat que ce saint Apostre tant favorisé de Dieu souffroit en sa chair, qui repugnoit à l'esprit..

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000115 

 Voyla donques comme cette grande sainte Brigide quitta les honneurs, biens, richesses et playsirs, les biens de fortune, les biens naturels et soy mesme, assujettissant pour jamais sa liberté et sa volonté à celle d'autruy, à fin de trouver et avoir cette unique perle, l'union temporelle de son ame avec Dieu, pour parvenir à l'eternelle en l'autre vie.

  A010000117 

 Au reste, quand mesme nous quitterions de grans biens [30] pour aller souffrir en Religion toutes les disettes et les incommodités que la pauvreté traisne apres soy, o Dieu, que ce seroit bien peu au prix de ce que Nostre Seigneur a quitté pour nous! car ne pouvant estre pauvre au Ciel, où il n'y a ni peut avoir aucune disette, il s'est humanisé et il est venu en ce monde endurer la plus grande pauvreté des choses necessaires à l'usage de sa vie, et ce, pour nous enrichir et donner des preuves de son amour..

  A010000117 

 Or, bien que cela se commence à prattiquer quand on se dedie au service de Dieu, si est-ce qu'il se fait bien plus entierement quand on prononce les vœux.

  A010000118 

 Je vous dis derechef que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous vous donnez tellement à Dieu que desormais vous viviez non plus selon vos humeurs et fantasies, mais selon les Regles et Constitutions et la volonté de ceux qui vous gouverneront..

  A010000118 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si aujourd'huy que vous voulez vous dedier à Dieu vous vous donnez toute à luy sans aucune reserve, et si, à l'imitation de sainte Brigide, vous quittez et renoncez toutes choses pour acheter cette perle unique de la perfection religieuse! Vous serez bienheureuse si de bon cœur vous venez chercher en cette mayson la vraye paix et tranquillité d'esprit, qui consiste et se trouve non pas dans les consolations ou mignardises, comme plusieurs pensent lesquels se trompent, mais dans le renoncement parfait et absolu de vostre propre volonté et jugement, en la sujetion et sousmission de vostre liberté, vous laissant conduire et gouverner par autruy.

  A010000119 

 Aussi c'estoit son celeste Espoux lequel ne luy pouvoit rien refuser; et parce qu'elle luy donnoit tout ce qu'il requeroit d'elle, luy de son costé, par un amour reciproque, l'exauçoit selon ses desirs; car Dieu ne refuse rien à ceux qui font en tout sa sainte volonté.

  A010000120 

 Ce qui arriva soudain, parce que Dieu vouloit tout ce que la Sainte souhaittoit.

  A010000120 

 Mais celuy qui estoit net ne se soucia point de l'autre, ains se voyant si blanc: O Dieu, respondit-il, je ne l'oserois pas toucher, car à cette heure que je suis gueri il est dangereux que si je le touche je ne devienne derechef lepreux.

  A010000121 

 Voyez-vous ce que fait cette Sainte, guidée de l'Esprit de Dieu, pour guerir ces lepreux? Elle leur dit: Lavez-vous les uns les autres.

  A010000122 

 Quand on vient à dire: Moy qui suis net je n'oserois toucher celuy là qui est encores malade; ou bien: C'est un membre pourri, la correction ne luy proffite point, c'est en vain qu'on se travaille apres luy, il vaut mieux le laisser, o Dieu, ne voyez-vous point le danger où vous estes de devenir vous mesme lepreux? Car, qui veut-on guerir sinon celuy qui est malade? Et pourquoy Nostre Seigneur est-il venu sinon pour les infirmes? Le juste, comme dit le glorieux Apostre, n'a pas besoin de loy; il n'est pas requis de luy persuader d'aymer Dieu, il l'ayme assez, ni encores d'aymer le prochain, car il sçait à quoy l'amour de Dieu l'excite et oblige.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000125 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000125 

 O Dieu, que cette Urie fut heureuse de tout delaisser pour tout avoir; car quittant la veuë elle quitta vrayement tout, d'autant que c'est la chose la plus pretieuse au corps de l'homme, celle que l'on conserve le plus soigneusement et que l'on craint davantage de perdre.

  A010000125 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous quittez vostre veuë et si vous renoncez à tout pour tout avoir, embrassant en telle sorte la vraye mortification de vos sens et passions, que mesprisant toutes les choses temporelles et transitoires, [34] vous recherchiez avec cette bonne Urie les biens eternels et perdurables! Si vous vous livrez toute à Dieu et luy donnez tout ce qu'il vous demande, il vous octroyera tout ce qu'il est luy mesme et ne vous refusera rien de ce que vous requerrez de luy.

  A010000133 

 La mer de Galilée signifie le monde avec ses tracas et remuemens, où l'on a grande peine à entendre Nostre Seigneur, c'est à dire ses inspirations, si l'on ne va sur la montagne et qu'on ne se retire en la mayson de Dieu; car pourquoy ne peut-on pas parler en secret parmi les rues de Lyon, sinon à cause que l'on fait trop de bruit? Ainsy malaysement peut-on ouyr les paroles que le Sauveur dit au fond de nostre cœur au milieu de [36] tant d'embarrassemens.

  A010000133 

 Mais, mes cheres Filles, nostre bon Dieu vous a tant aymées qu'il vous a fait entendre son inspiration sacrée malgré ces tracas, encores que vous luy fissiez la sourde oreille et que possible vous n'y pensiez pas..

  A010000134 

 Dieu a esté si bon en nostre endroit qu'il a institué des Sacremens en son Eglise pour toutes sortes de vocations, et sa Providence a voulu qu'en toutes les conditions il y eust des Saints: des rois, des empereurs, des princes, des prelats, des mariés, des vefves, des clercs, des religieux.

  A010000134 

 Mes cheres Filles, vous avez mieux fait que tous ceux-là, car encores qu'ils se puissent sauver chacun selon sa vocation, bien qu'avec grande peine, ils sont si enfoncés dans la terre, dans les richesses, dans les vanités, que malaysement ils s'acquittent de leurs devoirs envers Dieu; bienheureux neanmoins sont-ils si, parmi tant d'empeschemens, ils suivent Nostre Seigneur selon leur capacité.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000135 

 Je ne dis pas aussi que vous n'en aurez point, parce que je mentirois, car je sçay bien que vous en aurez; mais pourtant il n'y faut pas venir à cette intention, mes cheres Filles, ains pour y faire la volonté de Dieu et pour luy estre tant soit peu plus aggreables..

  A010000136 

 Il ne vous sera point loysible d'ouyr des choses inutiles, non pas mesme ce que vous pouviez bonnement entendre dans le monde; car il faut tout quitter en la Religion pour se dedier tout entiere à la plus grande gloire de Dieu.

  A010000136 

 Vous n'aurez plus aucun souci de vous conserver, ains laisserez tout le soin de vous mesmes; en fin, mes cheres Filles, il vous faudra toutes conformer au bon playsir de Dieu, et non à vos inclinations..

  A010000139 

 Dieu vous benisse.

  A010000157 

 Les amours de Nostre Seigneur ont, au dessus de tous les playsirs terriens, une force incomparable et une proprieté indicible pour recreer le cœur humain, non seulement plus que toute autre chose, ains rien n'est capable de luy donner un parfait contentement que le seul amour de Dieu.

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000160 

 Je passe plus avant et veux que nous aymions les Anges; parlant communement, quel gain en tirerons-nous? car ce sont comme nous des creatures, esgalement sujettes à Dieu, nostre commun Createur.

  A010000160 

 Les Cherubins et les Seraphins n'ont aucun pouvoir de nous aggrandir ni de nous donner un contentement parfait, d'autant que Dieu s'est reservé cela, ne voulant pas que nous trouvions a loger nostre amour hors de luy, tant il en est jaloux..

  A010000162 

 Folie insupportable! car quel bonheur, ains quel honneur, quelle grace et quel sujet d'un parfait contentement que d'estre aymé de Dieu et de demeurer en la mayson de sa divine Majesté, c'est à dire d'avoir logé en luy tout nostre amour, sans autre pretention que de luy estre aggreable! Et cependant, voyla que ce cœur humain se laisse emporter à sa fantasie et s'en va de creature en creature, de mayson en mayson pour voir s'il ne pourra point trouver quelqu'un qui le veuille recevoir et luy donner du contentement parfait; mais en vain, car Dieu, qui s'est reservé ce chantre pour luy seul, a commandé à toutes les creatures, de quelque nature qu'elles soyent, de ne luy donner satisfaction ni consolation quelconque, à fin que par ce moyen il soit contraint de retourner à luy qui est ce Maistre bon d'une incomparable bonté.

  A010000162 

 Le cœur humain est un chantre infiniment aymé de Dieu, qui est la souveraine Sainteté; mais ce chantre est fort bigearre, et fantastique plus qu'il ne se peut dire.

  A010000162 

 Vous ne sçauriez croire combien Dieu se recrée à ouyr les louanges qui luy sont données par le cœur qui l'ayme; il se plaist grandement aux eslans de nos voix et en l'harmonie de nostre musique.

  A010000163 

 Dieu a mis en nostre pouvoir l'acquisition de son pur amour qui nous peut infiniment relever au dessus de nous mesme, il le donne à qui luy donne le sien; pourquoy donques nous amusons-nous autour des creatures, esperant quelque chose au trafic que nous ferons en la recherche de leurs affections?.

  A010000163 

 O que la bonté de nostre Dieu est grande! C'est pourquoy l'Espouse à juste rayson s'escrie: O mon Bien-Aymé, que meilleures sans comparaison sont tes mammelles, que tes amours et tes delices sont mille fois plus aggreables que celles de la terre! car les creatures, fussent-elles des plus hautes et relevées et des Anges mesme, fussent-elles des freres ou des sœurs, elles ne nous sçauroyent satisfaire ni contenter.

  A010000165 

 Je ne veux [46] pas dire cependant que si celles qui l'ont donné à quelqu'un viennent à l'en retirer pour le consacrer à Dieu, que ce sacré Espoux ne le reçoive de bon cœur et qu'il n'accepte ce don de leurs affections; mais pourtant il aggrée grandement ces jeunes ames qui se dedient tout à fait à la perfection de son amour.

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000166 

 Elle est cette unique fillette qui a plus excellemment aymé le divin Espoux que jamais nulle creature n'a fait ni fera; car elle commença à l'aymer dès l'instant de sa conception glorieuse aux entrailles de la bonne sainte Anne, se donnant à Dieu et luy dediant son amour dès qu'elle commença d'estre..

  A010000166 

 Or, je sçay bien que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré de perfection que de dedier aussi absolument son amour à Dieu et à la suite de sa divine volonté comme lit Nostre Dame; mais pourtant nous ne devons pas laisser de le desirer, et commencer le plus tost et le plus parfaittement possible selon nostre capacité, qui est incomparablement moindre que celle de cette sainte Vierge.

  A010000169 

 Nous ferons nostre troisiesme consideration sur ce que Nostre Dame fut trouvée toute seule dans sa chambre quand l'Ange la vint saluer et luy apporter cette [48] heureuse et tant gracieuse nouvelle de l'Incarnation du Verbe de Dieu dans ses saintes et chastes entrailles.

  A010000170 

 De là vient qu'en la Religion on recommande tant l'exercice de la presence de Dieu, qui est d'une utilité incomparable.

  A010000170 

 Nous en voyons la preuve en ce que Nostre Dame le prattiquant et demeurant retirée merita au mesme temps d'estre choisie pour Mere de Dieu..

  A010000174 

 La virginité de nostre divine Maistresse n'est donc point sterile comme celle des Anges, ains elle est tellement [50] feconde que dès l'instant qu'elle fut vouée à Dieu jusqu'à maintenant elle a tousjours fait de nouvelles productions.

  A010000176 

 A Dieu ja ne plaise que nous pensions que cette espreuve ressemble aux nostres, car estant toute pure et la pureté mesme, elle ne pouvoit [51] recevoir les attaques que nous recevons et qui nous tourmentent nous autres qui portons la tentation en nous.

  A010000178 

 Lors elle fit le plus grand acte d'humilité qui ait jamais esté fait et qui se fera jamais par une pure creature; car se voyant exaltée par l'Ange, lequel la salua disant qu'elle estoit pleine de grace et qu'elle concevroit un fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, cela l'esmeut et la fit craindre.

  A010000179 

 Elle se voyoit eslevée à la plus haute dignité qui jamais fut et sera; car quand il plairoit à Dieu de recreer derechef plusieurs mondes, il ne sçauroit pourtant faire qu'une pure creature fust plus que la Mere de Dieu.

  A010000179 

 Nostre Dame estant rassurée par l'Ange et ayant appris ce que Dieu vouloit faire d'elle et en elle, fit ce souverain acte d'humilité disant: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole.

  A010000180 

 L'humilité semble nous esloigner de Dieu qui est appuyé sur le haut de l'eschelle, parce qu'elle nous fait tousjours descendre pour nous avilir, mespriser et ravaler; mais neanmoins c'est tout au contraire, car à mesure que nous nous abaissons, nous nous rendons plus capables de monter au sommet de cette eschelle où nous rencontrons le Pere eternel..

  A010000181 

 Nostre Dame s'humilia et se reconneut indigne d'estre eslevée à la haute dignité de Mere de Dieu; c'est pour cela qu'elle fut rendue sa Mere, car elle n'eut pas plus tost fait la protestation de sa petitesse, que, s'estant abandonnée à luy par un acte de charité incomparable, elle devint Mere du Tres Haut, qui est le Sauveur de nos ames..

  A010000182 

 Lors, en la jouissance d'icelles, nous chanterons, apres Nostre Dame et tres sainte Maistresse, le cantique des louanges de ce Dieu qui nous aura fait tant de grace de la suivre en ce monde et de batailler sous son estendart.

  A010000186 

 La tres sainte Vierge fut tirée seule et la premiere par le celeste Espoux pour se consacrer et se dedier totalement à son service, car elle fut la premiere qui consacra son corps et son ame par le vœu de virginité à Dieu; mais soudain qu'elle fut tirée elle tira quantité d'ames, qui luy ont fait offre d'elles mesmes pour marcher sous ses auspices sacrés en l'observance d'une parfaite et inviolable virginité et chasteté; si que despuis qu'elle a tracé le chemin, il a tousjours esté couvert et chargé d'ames qui se sont venues consacrer par les vœux au service de la divine Majesté.

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour moy, je pense que ce qu'on a fait de tout temps une feste plus grande pour leur entrée et Profession en Religion qu'on ne fait pas pour les hommes, n'est pour autre rayson sinon que le sexe estant plus fragile et faisant un acte de si grande vaillance comme est celuy qu'elles font entrant en Religion, qu'il requiert aussi plus d'honneur, et Dieu merite plus d'estre honnoré et admiré en cette solemnité, que non pas en la [55] profession que les hommes font de vivre en Religion.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000193 

 Et comme le soleil est celuy qui donne la chaleur à tout ce qui est de la terre, ouy mesme au feu, lequel ne produiroit point de chaleur sans luy, ainsy l'amour de Dieu est ce soleil qui donne de la chaleur au cœur humain quand il est disposé pour la recevoir, et sans ce feu sacré il demeure plus froid qu'il ne se peut dire..

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000202 

 Cette union naturelle est une chose si haute qu'elle ne sçauroit assez estre admirée; aussi est-elle l'œuvre d'un Dieu tres haut et amateur de l'unité..

  A010000202 

 Dieu, qui est un, ayme l'unité et l'union, et tout ce qui n'est point uni ne luy est point aggreable, dit le grand Apostre saint Paul.

  A010000202 

 Or, celle cy est si excellente que tous les philosophes n'ont point encores fini ni resolu leur admiration, en voyant comme Dieu a conjoint l'ame et le corps, mais d'une jonction tellement estroitte que le corps, sans laisser d'estre corps, et l'esprit, sans laisser d'estre esprit, ne font neanmoins qu'une seule personne.

  A010000203 

 Ce sont donc deux extremités que celles icy, et deux grans contraires; neanmoins Dieu a operé dans le ventre de la Vierge une si admirable conjonction de ces deux natures, qu'elles n'ont fait qu'une personne, en sorte que l'homme est Dieu, et Dieu, sans laisser d'estre Dieu, est homme..

  A010000203 

 Jamais la pensée d'une telle et si admirable jonction n'eust osé entrer dans l'esprit d'aucun Ange, Cherubin ni Seraphin, car ces deux natures divine et humaine sont si esloignées l'une de l'autre, il y a une si grande distance entre icelles, qu'onques aucune creature angelique n'eust peu penser que Dieu eust voulu faire cette union.

  A010000203 

 Mais ce n'est pas de cette union naturelle de l'ame et du corps en Nostre Dame que je veux parler, d'autant qu'elle est generale et commune au reste des hommes; ains je me veux arrester sur trois autres unions merveilleuses que Dieu a fait en elle.

  A010000204 

 C'est donc une union miraculeuse et surnaturelle, faite par la main toute puissante de Dieu, qui a donné ce privilege à nostre glorieuse Maistresse; et comme cette union a esté operée en elle seule, aussi demeurera-t-elle seule à jamais vierge et mere tout ensemble..

  A010000206 

 Il est vray que nul autre que Dieu ne pouvoit faire l'union de ces deux vertus; mais luy, qui n'est qu' un seul Dieu, veut et ayme l'unité, et se plaist à monstrer la grandeur de son pouvoir en faisant de si admirables jonctions.

  A010000207 

 C'est sur cette derniere union que je m'arresteray, laquelle me donnera entrée dans le sujet de cette feste; car qu'est-ce que la Visitation de Nostre Dame à sainte Elizabeth sinon un assemblage de l'humilité et de la charité, ou un sommaire des effects de ces deux vertus pratiquées par la Sainte Vierge envers sa cousine? L'humilité et la charité n'ont qu'un seul objet qui est Dieu, à l'union duquel elles tendent; neanmoins elles passent de Dieu au prochain, et c'est là où elles se perfectionnent.

  A010000207 

 Certes, nostre tres glorieuse Maistresse pratiqua ces deux vertus en un souverain degré au temps de l'Incarnation, lors que l'Ange Gabriel luy avant annoncé ce mystere ineffable, elle respondit: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car pendant qu'il la declaroit Mere de Dieu et Reyne des Anges et des hommes, qu'il luy faisoit entendre qu'elle estoit eslevée par dessus toutes les creatures angeliques et humaines, elle s'abaissa aux pieds [63] de toutes, disant: Voicy la chambriere du Seigneur.

  A010000207 

 Humilité grande que celle cy! La Sainte Vierge eut alors une telle et si claire connoissance de la misere de nostre nature et de la distance qu'il y a entre Dieu et l'homme, que, se voyant rehaussée et esleue au dessus de tous, elle se rabaissa au plus profond de son neant devant les incomprehensibles et inespuisables abismes de l'immense bonté de Dieu..

  A010000208 

 Il est vray qu'elle ne s'humilia jamais si profondement que quand elle dit: Voicy la servante du Seigneur; mais apres avoir fait des actes d'une si parfaite humilité et aneantissement et estre descendue le plus bas qu'elle pouvoit, elle produit consecutivement des actes de charité, en adjoustant: Me soit fait selon ta parole; car en donnant son consentement et acquiescement à ce que l'Ange luy annonçoit que son Dieu demandoit d'elle, elle fit paroistre la plus grande charité qui se peut imaginer.

  A010000208 

 Vous voyez donques comme en cet instant, Dieu unit en la Sainte Vierge la charité et l'humilité; en disant: Voicy la servante du Seigneur elle s'est abaissée jusques au profond abisme du neant, mais en mesme temps elle est relevée par la charité au dessus des Cherubins et Seraphins lors qu'elle adjouste: Me soit fait selon ta parole, car à cette heure le Verbe divin print chair dans son ventre virginal, et par ce moyen elle devint Mere de Dieu..

  A010000209 

 Comme si elle eust voulu dire à sainte Elizabeth: Vous me proclamez bienheureuse, et il est vray que je le suis; mais tout mon bonheur procede de ce que Dieu a regardé ma vileté et mon abjection.

  A010000209 

 De l'amour de Dieu procede celuy du prochain; et à mesure, disoit le grand Apostre, que ton amour sera grand envers Dieu il le sera aussi à l'endroit de tes freres.

  A010000209 

 Saint Jean nous enseigne cecy lors qu'il escrit: Comme est-il possible que tu aymes Dieu que tu ne vois point, si tu n'aymes pas ton prochain que tu vois?.

  A010000209 

 Voyla comment l'humilité est jointe à la charité en Nostre Dame, et comment son humilité la fait exalter; car Dieu regarde les choses basses pour les relever; c'est pourquoy, voyant cette sainte Vierge humiliée au dessous de toutes les creatures, il jetta les yeux sur elle et la rehaussa au dessus de toutes.

  A010000210 

 Donc, si nous voulons monstrer que nous aymons bien Dieu, et si nous voulons qu'on nous croye quand nous l'asseurons, il nous faut bien aymer nos freres, les servir et ayder en leurs besoins.

  A010000210 

 En quoy elle fait paroistre une grande humilité et charité; car dès qu'elle se vit Mere de Dieu elle s'humilia jusques là que de se mettre tout aussi tost en chemin pour aller secourir et assister cette bonne femme.

  A010000210 

 O Dieu, quelle douceur et suavité ressentoit-elle en son cœur par la connoissance de cette merveille! O que de saints devis et d'amoureux colloques entre le Fils et la Mere!.

  A010000211 

 O mon Dieu, que grande et profonde estoit cette humilité, laquelle elle fit encor paroistre en saluant sa cousine, car l'Evangeliste remarque que Nostre Dame, comme la plus humble, la salua la premiere..

  A010000211 

 Que si nous luy voulons donner un nom digne de son excellence il nous la faut nommer Mere de Dieu; car ce mot est si sureslevé que tous les tiltres, les louanges et eloges que nous luy sçaurions donner sont compris dans iceluy.

  A010000212 

 Mais que de benedictions et de graces entrerent en cette maison avec la sacrée Vierge! Ce qui se connoist par les parolles de sainte Elizabeth, laquelle avec un esprit de prophetie s'escria d'une voix claire et intelligible: D'où me vient ce bonheur que la Mere de mon Dieu vienne me visiter? Puis, poursuivant elle dit: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A010000212 

 O Dieu, qui pourroit comprendre les douceurs et suavités qui s'escoulerent dans le cœur de sainte Elizabeth en cette Visitation? Comme est-ce qu'elle meditoit ce grand mystere de l'Incarnation et les graces et faveurs que le Seigneur luy avoit accordées? Que de paroles amoureuses, que de divins colloques faisoit saint Jean dès le sein de sa mere avec son cher Maistre [66] qu'il reconnoissoit et adoroit dans celuy de Nostre Dame! Que de benedictions et de lumieres ce cher Sauveur de nos ames respandoit dans le cœur de son Precurseur! Il luy avança donc à cette heure l'usage de rayson; mais je ne vous en diray rien pour le present parce que je me souviens fort bien de vous en avoir desja parlé autrefois..

  A010000213 

 Le premier est que saint Jean eut l'usage de rayson; le second, qu'il fut sanctifié dans le sein de sa mere, et le troisiesme, qu'il fut rempli de science et de la connoissance «le Dieu et des divins mysteres, ce qui est cause qu'il l'ayma, l'adora et tressaillit de joye.

  A010000215 

 Quelles impertinences et extravagances ne fit-elle pas pour s'eslever? Et Eve, la premiere femme, pour avoir seulement ouy dire qu'elle estoit creée à l'image de Dieu, ne presuma-t-elle pas tant d'elle mesme que de se vouloir rendre semblable à luy, escoutant et faisant pour ce sujet tout ce que luy suggeroit l'ennemy?.

  A010000216 

 Lors que l'Ange l'appelle Mere de Dieu, s'enfonçant dans l'abisme de son neant, elle se dit sa chambriere, et lors que sainte Elizabeth la proclame bienheureuse et benite entre les femmes, elle respond que cette benediction procede de ce que le Seigneur a regardé sa bassesse, sa petitesse et son abjection.

  A010000216 

 [68] O Dieu, que l'humilité de cœur est un bon signe en la vie spirituelle! Que c'est une bonne marque qu'on reçoit efficacement les graces divines quand ces graces abaissent et humilient, et qu'on voit que tant plus elles sont grandes, tant plus elles aneantissent profondement le cœur devant Dieu et les creatures, en sorte que, comme la Sainte Vierge, l'on tient tout son bonheur de ce que les yeux de la divine Bonté ont regardé nostre vileté et misere!.

  A010000217 

 Une profonde humilité et une ardente charité tant envers Dieu qu'à l'endroit du prochain, voyla donc les effects operés par la grace du Seigneur dans le cœur de Nostre Dame.

  A010000218 

 Dieu donne sa grace aux justes en mesure pleine, comble et qui regorge de toutes parts.

  A010000219 

 Ce seroit un grand abus; et celuy qui diroit telles et semblables paroles monstreroit bien par là son indigence, sa mendicité et le malheur qui le talonne; car à telles sortes de gens qui estiment avoir à suffisance, Dieu leur oste ce qu'ils ont.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 Les Grecs se saluoyent en cette sorte: Dieu soit avec nous, Dieu nous benisse; les Hebreux: Pax Christi, la paix de Nostre Seigneur soit avec vous; et parmi les Latins: Laus Deo, Deo gratias; gloire soit à Dieu, loué soit Dieu.

  A010000221 

 La premiere chose que fit cette Sainte fut de s'humilier profondement, car voyant la Vierge elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de Dieu me vienne visiter? Voyla le premier fruit de la grace de Dieu, qui est l'humilité; aussi, sa visite incline l'ame à s'aneantir en la connoissance de la bonté divine et en celle de son neant et demerite..

  A010000221 

 Leurs discours ne furent point inutiles, mais, mon Dieu, combien saints, pieux et devots! Cette visite remplit du Saint Esprit toute la maison de Zacharie.

  A010000222 

 Aussi, bien qu'on doive à la sacrée Vierge un culte et un honneur plus grand qu'à tous les autres Saints, neanmoins il ne faut pas qu'il soit esgal à celuy que l'on rend à Dieu.

  A010000222 

 En quoy vous voyez que le second effect du Saint Esprit est de nous faire demeurer fermes en la foy et d'y confirmer les autres; puis de retourner à Dieu, reconnoissant qu'il est la source de imites les graces.

  A010000222 

 Je dis cecy pour refuter l'heresie de quelques uns lesquels ont voulu soustenir qu'il la failloit honnorer en la mesme façon que Nostre Seigneur, ce qui est faux; car on doit adorer Dieu seul par dessus et au dessus de toutes choses, et puis rendre un honneur tout particulier à Nostre Dame comme Mere de nostre Sauveur et cooperatrice de nostre salut.

  A010000222 

 Or donques, quand le Saint Esprit vient en nous il nous porte à aymer et louer Dieu, et ensuite sa tres sainte Mere..

  A010000223 

 Saint Jean fut sanctifié; aussi, celuy qui reçoit le Saint Esprit est tout transformé en Dieu.

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000226 

 Il n'y a point de doute que nous ne puissions demander à Dieu, par l'intercession de Nostre Dame, non [73] seulement les biens spirituels, tels que les vertus, ains aussi les temporels.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000227 

 O Dieu, dira-t-on, je voudrois bien que la Vierge me visitast.

  A010000227 

 [74] Mais que faire pour estre parente de nostre amiable Souveraine? O Dieu, il y a mille moyens pour cela.

  A010000230 

 Ses pere et mere ne la contraignirent pas pour l'honneur qu'ils portoyent à la sainte Mere de Dieu.

  A010000231 

 Il nous semblera quelquefois d'estre abandonnés de Dieu; vous devez endurer tout cela si vous voulez estre participantes de ces visites, car de penser pouvoir estre devotes sans souffrir, c'est une tromperie.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000238 

 Grand cas de l'esprit humain! Les Israëlites avoyent esté conduits dans le desert avec mille sollicitudes par Moyse et Aaron, Dieu leur avoit fourni abondamment tout ce qui leur laisoit besoin, et les miserables ne font par apres que murmurer et se plaindre de ce qu'ils n'ont point de roy.

  A010000239 

 O peuple ingrat et murmurateur! Le Seigneur, le Dieu vivant quoy qu'invisible, estoit leur Roy et leur Prince, leur sceptre et leur couronne imperiale; mais ils ne s'en contentent pas, ains en demandent un autre, quoy qu'ils eussent bien veu la tyrannie des souverains de la terre, ayans experimenté la cruauté d'un Pharaon, roy des Egyptiens, bien contraire à la douceur de leur Roy invisible, nostre unique Seigneur.

  A010000239 

 Or, les princes du peuple de Dieu ne faisoyent pas comme ceux de cette heure, parce que le Seigneur leur communiquoit tellement son Esprit qu'ils ne commandoyent ni ordonnoyent que ce qu'ils sçavoyent estre de la divine volonté, laquelle ils connoissoyent par le moyen des Prophetes et souverains Prestres de la Loy auxquels ils s'addressoyent.

  A010000240 

 Dieu voyant donques qu'Israël ne cessoit de murmurer, en fut grandement courroucé et indigné, et luy fit sçavoir par son Prophete Samuel qu'il luy donneroit un roy.

  A010000242 

 Bien que cette prophetie de Samuel aux Israelites fust pour leur tesmoigner l'ire et l'indignation de Dieu, si estoit-elle encores une figure de ce que Nostre Seigneur devoit faire en la loy de grace parmi le peuple chrestien, ses vrays enfans et sujets, auxquels, comme Roy, il devoit donner des lois qui ne sont autres que ses saints commandemens.

  A010000246 

 Là, elle regarda et fut regardée du Sauveur, et tellement navrée de son amour qu'elle fit à cet instant une entiere conversion qui, par la vehemence et force de cet amour, passa jusques à la transformation de son esprit et de son cœur [82] dans celuy de son Dieu.

  A010000250 

 Ce n'est pas de ces pecheurs que sainte Magdeleine est la reyne, ains de ceux qui veulent sortir de leur iniquité; car ayant esté pecheresse, comme nous avons dit et comme l'Evangile nous l'enseigne, elle sortit de son peché et en demanda pardon à Dieu avec une vraye contrition et ferme resolution de le quitter, provoquant ainsy tous les pecheurs à imiter son exemple.

  A010000251 

 Comme elle avoit offencé Dieu de tout son cœur, de toute son ame et d'une grande partie des membres de son corps, aussi les employa-t-elle à faire penitence; elle la lit de tout son cœur, de tout son corps et de toute son ame, sans reserve quelconque, ains elle s'employa generalement et totalement ès œuvres d'icelle.

  A010000252 

 Dieu luy donna en recompense un amour tres fort et ardent, accompagné d'une tres grande pureté; et tout ainsy que le divin Espoux luy navroit le cœur, de mesme luy blessoit-elle le sien par des desirs, souspirs et eslans amoureux.

  A010000252 

 En effect, bien qu'on ne la nomme pas vierge, si est-ce qu'à cause de la sureminente pureté qu'elle eut apres sa conversion elle doit estre appellée archivierge, parce qu'ayant esté purifiee dans la fournaise de l'amour sacré, elle fut remplie d'une excellente chasteté et douée d'une si parfaite dilection qu'apres la Mere de Dieu c'est elle qui ayma davantage Nostre Seigneur.

  A010000254 

 Elle leur enseigne comme il faut qu'elles fassent pour entrer en Religion, c'est à dire pour quelle fin elles y doivent entrer, qui n'est pas seulement pour aymer Dieu.

  A010000254 

 Tous les Chrestiens doivent l'aymer [86] et sont obligés de faire ce qu'ils font par le motif de l'amour, et si ce n'est avec tant de pureté, c'est du moins avec quelque amour interessé; car il faut de necessité aymer Dieu et le prochain pour estre sauvé et pour aller en Paradis, autrement l'on ira aux enfers..

  A010000255 

 Et pour estre sauvé? Non, mais pour estre mieux sauvé; non pour plaire à Dieu, mais pour mieux luy plaire.

  A010000255 

 Et pourquoy? Peut-estre pour aymer Dieu? O non, mais pour le mieux aymer.

  A010000257 

 O Dieu, quelle erreur et tromperie se trouveroit en nostre siecle si quelqu'un vouloit, apres quelques années de Religion, se tenir pour parfait et profes! Un jour un grand serviteur de Dieu demanda à un bon Religieux ce qu'il desiroit estre toute sa vie.

  A010000258 

 O que vous serez heureuses si vous faites des sacrifices entiers de vous mesme à la divine Majesté, si vous ne vous reservez l'usage d'aucune chose, pour petite qu'elle soit! [88] Dieu vous demande cela.

  A010000260 

 Il leur est facile de se divertir des cogitations coulpables, parce que n'ayans plus d'occasion presente et estans en des lieux où elles ne voyent rien que des sujets pieux, où elles ne lisent que des bons livres, où elles n'entendent parler que de Dieu et des choses spirituelles, elles s'en rendent plus facilement quittes..

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Puisque vous avez tout donné au monde, il faut tout donner à Dieu et ne vous reserver aucune chose.

  A010000261 

 Et pourquoy? Hé Dieu, parce que je ne fais pas ce que je veux.

  A010000263 

 Il faut donques sacrifier ses cheveux, ses paroles et ses yeux a Dieu, ne s'en servant point pour des niaiseries, et ne pleurant point de ces larmes tendres et molles, ni moins des naturelles.

  A010000264 

 Voyez vous comme elle nous apprend à ne chercher que Dieu, à ne pleurer sinon pour son absence causée par nos pechés, ou bien de quoy il est si peu conneu et glorifié du prochain.

  A010000267 

 Il faut donques entrer avec une resolution de «mourir à vous mesme pour vivre à Dieu,» embrassant la Croix du Sauveur, et vous renonçant entierement.

  A010000268 

 Elle le pria de les porter à Theophile, qui les ayans receues les admira et demeura tout esperdu; ensuite il se convertit, confessant que Jesus Christ estoit le vray Dieu vivant.

  A010000271 

 Et ne dites point: O Dieu, tousjours vivre icy! et le moyen? (Peut estre que cela ne vous viendra pas en teste pendant vostre noviciat, mais puis apres il pourroit survenir des fantosmes qui vous estonneront.) Ressouvenez-vous des paroles de saint Paul: J'ay tellement mesprisé le inonde que je le tiens comme un pendu et il me tient comme un pendard; je suis crucifié au monde et le monde m'est crucifié; je n'ay pas de vie pour moy, ni pas un bouton pour le monde; car si bien je vis, je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000272 

 Or sus, Dorothée, qui veut dire don de Dieu, ainsy soit-il.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Non, mes cheres Filles, ne faites point les contemplatives ni les extatiques; mais bien vous souhaitté-je de demeurer tout le temps de vostre vie aux pieds de Nostre Seigneur, d'avoir un grand courage pour devorer toutes les difficultés qui vous empescheroyent de jouir de vostre Dieu et qui vous pourroyent tant soit peu separer de luy.

  A010000275 

 Vous l'emporterez? Mais il est parmi les Juifs et soldats; vous n'estes qu'une femme, comment ferez-vous? O Dieu, respond-elle, ne craignez point cela, car je l'iray prendre au milieu des Juifs et je l'emporteray; je me sens assez de force pour le faire.

  A010000287 

 Ce pauvre jeune homme sentoit en son cœur de rudes combats, d'autant qu'il abusoit miserablement de tous les dons de nature et de grace que le Seigneur luy avoit liberalement departis; car estant entre autres choses doué d'un grand esprit, d'un bon jugement accompagné d'une heureuse memoire, il s'en servoit pour se bander contre Dieu, comme il raconte luy mesme, disant: Je me servois de mon esprit humain pour resister au divin.

  A010000291 

 Combien de Saints et de Saintes se sont dès leur enfance dediés et consacrés au service de Dieu, lesquels ont perseveré constamment jusqu'à la fin, portant des fruits tres delicieux; entre autres, le glorieux saint Jean Baptiste duquel nous celebrerons demain la Decollation.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000294 

 Il estoit encores contentieux, car ressentant de violens combats entre la chair et l'esprit, il disputoit avec l'Esprit de Dieu et resistoit à iceluy.

  A010000301 

 Despuis qu'il fut prestre et Evesque, il prattiqua la pauvreté en telle sorte qu'il ne se laissa rien, donnant tout son vin et son blé aux pauvres, jusques là qu'il vendit les tapisseries et ornemens de l'eglise pour subvenir à leurs necessités; ce qu'il faisoit par une inspiration particuliere de Dieu, d'autant qu'il n'est pas loysible de devestir l'autel pour nourrir les indigens, sinon en cas de besoin.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Mais la chasteté est un don de Dieu qui ne s'acquiert pas à force de bras et qui ne peut estre conservé par artifice et industrie; car les dons de Dieu ne s'arrachent pas de ses mains par force ni par contrainte, ils se donnent gratuitement et selon la disposition du cœur.

  A010000304 

 Que faut-il donques faire pour acquerir et attirer ce don des mains de Dieu, puisque nul ne peut estre chaste si le Seigneur ne luy en fait la grace? Priez, dit l'Apostre; c'est à dire, demandez-la en esprit de profonde humilité, car c'est par la priere que vous l'obtiendrez, et que, l'ayant receuë, vous la conserverez.

  A010000308 

 O Dieu, quelle humilité et quelle sincerité est celle cy! Certes, il en sçavoit bien un peu, mais il estimoit cela n'estre rien, et il estoit bien ayse de le reconnoistre et confesser pour donner place à l'amour de son abjection.

  A010000309 

 plus que toy qui n'es que simple prestre; cependant cela regarde seulement la dignité que nous tenons en l'Eglise de Dieu, car pour le reste je sçay, o Hierosme, que tu m'es superieur.

  A010000310 

 O Dieu, en ce temps cy nous ne voulons point de correction; c'est beaucoup quand nous la souffrons de nos Superieurs, mais des esgaux on ne le peut supporter, le cœur s'enfle et bondit, car celuy cy m'estant esgal n'a nulle authorité de me reprendre.

  A010000311 

 O Dieu, quel bonheur sera le vostre si vous la recevez en esprit de sousmission comme le glorieux saint Augustin..

  A010000312 

 O Dieu, que la sainteté de nostre temps est esloignée de celle-là, car elle [112] ne consiste qu'à cacher ses fautes, mesme au confesseur.

  A010000315 

 Et pourquoy donques? Pour plaire à Dieu en toutes vos œuvres, ains pour davantage luy plaire; pour vous revestir des merites de la Passion et du sang pretieux de Jesus Christ.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 O les pretieux vestemens que ceux qui sont faits du sang du Sauveur, sans lequel toutes nos œuvres ne sont point meritoires! Il est vray qu'en donnant un verre d'eau pour l'amour de [114] Dieu on merite la vie eternelle; mais d'où prend-il sa valeur sinon (le la Passion du Sauveur qui rend meritoire cet acte de charité? Haussant donques vos cœurs et vos affections, n'estimez point meritoires les desirs de la chair, c'est à dire les desirs de ceux qui vivent en cette chair, mais fondez toutes vos esperances en ceux du Fils de Dieu, qui vit et regne en l'eternité avec le Pere et le Saint Esprit.

  A010000329 

 Adam cultivoit la terre par recreation, courboit les jeunes entes pour en faire des treilles et pavillons, Dieu luy ayant ordonné cela pour son exercice et pour eviter l'oysiveté.

  A010000333 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si apres avoir bien medeciné et purgé vos cœurs vous venez à peindre sur iceux! Et quoy? O Dieu, rien autre que Nostre Seigneur crucifié, à l'imitation de sainte Claire de Montefalco qui, par une vive imagination et affection d'amour et compassion interieure, imprima en son cœur l'image de la Croix de son Sauveur.

  A010000336 

 D'autre viennent avec des affections mondaines ou grandement contraires à l'esprit de religion; que si l'on ne se despouille de ces choses on ne possedera jamais la vraye paix des enfans de Dieu.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000339 

 Il faut donques qu'ils ferment [125] le vanteau en quittant cette lumiere naturelle ou imaginaire, à fin de recevoir la surnaturelle que Dieu communique en l'obscurité de l'humilité interieure..

  A010000342 

 O mon Dieu, que de suavités receut ce Saint en son interieur, arrestant sa veuë sur le front de la bienheureuse Vierge; et non seulement sur le front, ains aussi sur tout ce doux et beni visage.

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000343 

 O Dieu, quelle suavité recevoit aussi nostre glorieux Saint de la compagnie de saint Paul! combien de secrets luy reveloit-il, luy qui avoit esté ravi jusques au troisiesme Ciel! Il est certain que saint Luc avoit beaucoup appris de cet Apostre, car mesme en ses escrits il dit qu'il n'a pas veu tout ce qu'il rapporte, mais bien qu'il l'a ouÿ..

  A010000344 

 O Dieu, combien suave, douce, humble, tranquille est celle qui converse souvent avec la Sainte Vierge! que sa conversation est esgale, paisible et aggreable!.

  A010000349 

 Mais quand il leur recommande de ne tenir point les yeux fichés sur les yeux de leur Maistre il n'entend pas qu'ils ne fassent pas ce qu'ils font pour plaire aux yeux de Dieu et pour l'imiter, o non; mais que, lors mesme qu'ils ne seroyent pas regardés de leur Seigneur ils ne devroyent pas laisser de faire ce qui luy est aggreable.

  A010000349 

 Or, quand il dit d'avoir les yeux sur les yeux, il veut signifier qu'ils fassent ce qu'ils font pour plaire à Dieu; et sur ses mains, qu'ils regardent ses œuvres à fin de l'imiter.

  A010000350 

 Peignez son image dans vos cœurs et l'y conservez avec fidelité, perseverant constamment en ce que vous avez voué et promis, car c'est la perseverance qui rend nos œuvres aggreables à Dieu et qui les couronne.

  A010000354 

 Il est dit dans la Genese que lors que Dieu eut creé le ciel et la terre, il les regarda, les trouva bien et s'y compleut; car considerant la lumiere il dit qu'elle estoit bonne; voyant ensuite la terre comme la pepiniere des arbres, herbes et plantes, et la mer qui retenoit dedans soy tant de poissons, il dit derechef que cela estoit bon.

  A010000356 

 Ne pensez pas que ce soyent les miracles et les vocations speciales qui ont rendu saints tous ceux qui sont en Paradis; o non certes, car il est vray qu'il y en a un nombre infini qui ont esté ignorés en cette vie, qui n'ont point fait de prodiges et dont on ne fait aucune mention sur la terre, lesquels neanmoins sont au dessus de ceux qui ont operé beaucoup de merveilles et qui ont esté et sont honnorés parmi l'Eglise de Dieu.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000358 

 O Dieu, que c'est chose plus admirable encores de considerer le rapport qu'il y a entre la Hierusalem celeste et la terrestre, entre l'Eglise triomphante et la militante! L'Eglise militante fait ça bas en terre ce qu'elle croit se faire la haut en la triomphante, et comme une bonne mere, elle tire tout ce qu'elle peut de la Hierusalem celeste pour en nourrir ses enfans.

  A010000360 

 C'est le propre de sa justice de recompenser ceux qui travaillent pour acquerir le Royaume de Dieu, cette divine Majesté nous ayant mis en cette terre où nous pouvons meriter et demeriter; neanmoins le loyer qu'il nous donne pour les travaux et labeurs que nous prenons est infiniment au dessus de nos merites, et voyla où reluit sa grande misericorde..

  A010000360 

 Dieu, de toute eternité, a desiré de nous donner sa grace et de nous faire ressentir les effects de sa misericorde, et par consequent de sa justice, par laquelle il nous veut donner sa gloire.

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000361 

 O Dieu, c'est cet amour qui produit celuy du prochain et qui fait que l'on travaille pour l'ayder, que l'on s'oublie soy mesme pour le servir..

  A010000363 

 Pour cela, lors que nous prions les Saints nous ne leur demandons pas qu'ils nous accordent ou qu'ils nous departent quelque vertu ou faveur, mais bien qu'ils la nous impetrent, parce qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de donner ses graces comme il luy plaist et à qui il luy plaist..

  A010000363 

 Quant à la premiere, qui est celle que l'on prie, ce ne peut jamais estre que Dieu, car c'est luy seul qui possede en soy tous les tresors de la grace et de la gloire.

  A010000364 

 Comme s'il vouloit dire: Helas! il est vray que ce Dieu auquel je veux parler est tres haut, et que moy je ne suis que poudre, cendre, poussiere et chose de nul prix; neanmoins je parleray à mon Seigneur, d'autant qu'il est mon Createur et que je suis sa creature.

  A010000364 

 Immediatement c'est parler directement à Dieu sans l'entremise d'aucune creature, comme firent le centenier, le publicain, la Samaritaine la Chananée, et plusieurs autres que nous lisons en la Sainte Escriture, lesquels prierent directement Nostre Seigneur et en receurent de grandes graces à cause de l'humilité dont ils accompagnoyent leurs demandes.

  A010000364 

 Le publicain receut la remission de ses pechés; [138] de mesme la Samaritaine et plusieurs autres, Dieu pouvant donner ce qu'il luy plaist, sans avoir besoin de l'ayde et secours d'aucune creature..

  A010000364 

 Or, on peut prier Dieu en deux façons, à sçavoir, immediatement et mediatement.

  A010000365 

 Cette façon de prier est bonne et bien meritoire, car elle est humble; elle procede de la connoissance de nostre indignité et bassesse, qui fait que n'osant approcher de Dieu pour luy demander ce de quoy nous avons besoin, nous nous addressons aux Saints; ainsy nos prieres, qui d'elles mesmes sont foibles et de peu de valeur, estans meslées avec celles de ces Bienheureux auront une grande force et efficace..

  A010000365 

 Prier Dieu mediatement c'est s'addresser à luy par le moyen des Saints et de la Sainte Vierge, comme fit le centurion, lequel envoya ses amis pour conjurer Nostre Seigneur de venir guerir son serviteur.

  A010000366 

 La priere immediate est toute filiale, pleine d'amour et de confiance; elle s'addresse à Dieu comme à nostre Pere et nostre Chef souverain.

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000368 

 Nous autres Chrestiens, qui vivons en cette vallée de miseres, prions et envoyons nos requestes et nos souspirs au Ciel, implorant le secours de Dieu et luy demandant sa grace; pour cela nous nous servons de l'invocation des Saints, les suppliant d'interceder pour ce qui nous regarde, nous qui sommes advenaires et pelerins sur cette terre, et qu'ils nous aydent à parvenir à cette felicité de laquelle ils jouissent..

  A010000369 

 O Dieu, ces glorieux Saints prient continuellement et sans se lasser; leur felicité est [139] de perpetuellement chanter les louanges de Dieu, mais avec tant de ferveur, de profonde humilité, d'amour et de fermeté qu'elles sont d'un prix et d'une valeur incomprehensibles.

  A010000369 

 Par ce divin meslange elles se rendent encores pretieuses devant Dieu et meritoires pour nous et pour nos prochains, car la charité et l'amour divin ne veulent pas que l'on travaille seulement pour soy, ains aussi pour autruy..

  A010000370 

 Les Saints au Ciel ne cessent, comme nous avons dit, de desirer et demander que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, et que par ce moyen nous arrivions à la felicité qu'ils possedent; ils sont poussés à ce faire par cette charité vraye et non envieuse qui n'a d'autre objet que la gloire de Dieu; de là vient qu'ils souhaittent que nous la possedions.

  A010000370 

 Nous en devons faire de mesme à l'endroit de nostre prochain, nous employant à son service et l'aydant à se sauver avec une charité non point envieuse ni jalouse, mais qui regarde Dieu seul, n'ayant point d'autre pretention que de le glorifier..

  A010000371 

 Celle des ames bienheureuses procede de la connoissance tres claire qu'elles ont, sans ombre ni figure, de la grandeur et essence de Dieu, de cette distance infinie qu'il y a entre Dieu et l'homme, entre la creature et le Createur; et plus ils ont de degrés de gloire plus ils connoissent cette distance infinie, et par consequent leur humilité est plus profonde.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000372 

 Certes, l'humilité de la sacrée Vierge a esté tres grande en cette vie, car elle avoit plus de connoissance de Dieu qu'aucune creature.

  A010000372 

 Mais l'humilité que Nostre Dame a maintenant au Ciel est mille et mille fois plus grande qu'elle n'estoit icy bas parce qu'elle a mille fois plus de connoissance de la grandeur de Dieu qu'elle n'avoit alors.

  A010000372 

 Quand elle dit qu'il a regardé la bassesse de sa servante, elle monstre qu'elle connoist et confesse la distance infinie qui existe entre Dieu et elle.

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Aussi les Bienheureux supplient avec ferveur sa Bonté de se respandre sur nous, estans incités à ce faire, comme nous l'avons dit, par le desir et le playsir qu'ils voyent que Dieu prend à se respandre et communiquer..

  A010000374 

 Or, à mesure que nous correspondons aux dons de Dieu il nous en depart de nouveaux, et par suite nous augmentons le playsir qu'il prend de tousjours nous en donner.

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000380 

 O Dieu, dit-elle, veritablement les pauvres d'esprit sont bienheureux.

  A010000381 

 Si on luy eust demandé: O bon Saint, qui vous a reduit en tel point? O Dieu, eust-il dit, c'est cette aymable pauvreté à laquelle est promis le Royaume des cieux; c'est elle qui m'a icy conduit et qui me fait patir de la sorte.

  A010000382 

 Je sçay bien que ces paroles: Bienheureux ceux qui pleurent, s'entendent de ceux qui pleurent leurs pechés et ceux d'autruy parce qu'ils sont contre Dieu, ou encores pour l'absence de ce souverain Bien, comme faisoit David qui detrempoit son pain de larmes quand on luy disoit: Où est ton Dieu? Mais tous n'ont pas ces larmes, et elles ne sont pas necessaires pour estre sauvé; neanmoins tous peuvent avoir le desir d'icelles et demeurer devant la divine Majesté avec un cœur contrit et humilié.

  A010000395 

 Les jours, les moys et les années appartiennent tous a Dieu qui les a faits et creés.

  A010000398 

 Dès l'instant de son Incarnation il fut rempli de toutes sortes de graces et benedictions quant au corps et quant à l'ame par cette estroitte union de l'humanité avec la Divinité, à cause dequoy il fut non seulement comblé de la plenitude des graces, mais son ame fut encores toute glorieuse, jouissant de la claire vision de Dieu, de maniere qu'il n'avoit aucun besoin de s'assujettir à la loy de la circoncision, et neanmoins il n'a pas voulu laisser de s'y sousmettre.

  A010000398 

 Nostre divin Sauveur n'avoit point besoin d'estre circoncis, car non seulement il estoit Legislateur, mais il n'avoit point de tache ni de rouille de peché; il estoit Fils de Dieu, et par consequent tres saint et sans macule.

  A010000398 

 Quant au premier point, la circoncision estoit une sorte de sacrement de l'ancienne Loy qui signifioit la purification de la coulpe du peché originel; c'estoit comme une profession de foy en l'attente de l'avenement de Nostre Seigneur, et ceux qui estoyent circoncis devenoyent enfans et amis de Dieu, d'ennemis qu'ils estoyent auparavant.

  A010000398 

 Secondement, la circoncision estoit comme une marque par laquelle le peuple de Dieu estoit reconneu d'entre les autres; mais Nostre Seigneur n'avoit pas besoin d'estre marqué de cette marque, puisqu'il estoit luy mesme le sceau ou le signacle [148] du Pere eternel.

  A010000400 

 O Dieu, qu'est-ce que vous faites? Ces veilles, ces jeusnes sont bons, mais vous ne faites pas bien la circoncision spirituelle, car vous ne commencez pas en la partie la plus interessée: le mal est au cœur, et vous tuez le corps.

  A010000405 

 Dieu n'a pas seulement deux preceptes en sa loy, ains il y en a encores d'autres qu'il faut necessairement observer pour estre sauvé, car manquer à un commandement de Dieu c'est se juger et condamner soy mesme aux peines d'enfer.

  A010000405 

 Il y a des Chrestiens qui coupent tout ce qui les empesche de garder la loy de Dieu; ils sont bien heureux ceux cy, car ils auront en fin le Paradis, puisque pour l'avoir il ne faut que bien garder et observer les divins commandemens.

  A010000406 

 En faisant cela ils seront bien heureux, car estans marqués de cette marque, ils seront reconneus pour enfans de Dieu et en fin colloqués en sa gloire..

  A010000406 

 Je dis toute, et non pas seulement une partie d'icelle; c'est pourquoy celuy qui n'aura fait qu'une incision, qui se sera contenté d'observer un commandement ou deux, retranchant la mauvaise coustume qu'il avoit d'y contrevenir, sans se soucier de circoncire les habitudes vicieuses qui le rendent refractaire aux autres preceptes de Dieu, il sera damné.

  A010000412 

 Certes, je sçay assez combien sont recommandables ces anciens hermites et anachoretes qui vivoyent parmi les deserts, et en quelle estime il les faut avoir pour les admirables triomphes et victoires qu'ils ont remportés en mortifiant ou circoncisant eux mesmes leur cœur et leurs passions interieures, aydés à ce faire par la grace de Dieu, et sollicités et poussés par l'inspiration du Saint Esprit, des Saints et de leurs bons Anges.

  A010000413 

 Vous verrez des gens orgueilleux, hautains, fiers, grossiers; ils comprennent bien qu'il est du tout necessaire de circoncire ces passions, car elles sont un grand empeschement à la grace de Dieu.

  A010000416 

 Il n'en est pas ainsy de l'amour de Dieu, car il persevere et ne sort jamais de l'ame où il est une fois entré, laquelle il va unissant et liant avec la divine Majesté, non pour deux ou trois jours comme l'amour mondain, mais pour l'eternité.

  A010000418 

 O Dieu, [159] serons-nous si couards et si lasches de cœur, nous autres, que de fuir nostre circoncision spirituelle, voyant aujourd'huy nostre cher Sauveur s'assujettir à la loy de la mesme circoncision pour nous en donner l'exemple? En respandant son sang il nous semond non point à verser le nostre, mais seulement à respandre nos cœurs et nos esprits devant luy.

  A010000420 

 Mais en outre, il en a encores un qui est celuy de Christ, qui signifie grand Prestre, oint de Dieu.

  A010000422 

 Cependant, Dieu qui tenoit le parti de Jephté parce que sa cause estoit juste, le favorisa en telle sorte qu'il en massacra quarante deux mille, laissant Ephraïm et tout le reste du peuple bien estonné de se voir ainsy mis en vau de route.

  A010000423 

 A nostre derniere heure, si Dieu nous fait tant de grace que de ne point mourir de mort soudaine, nous aurons un prestre aupres de nous qui tiendra un cierge beni entre ses mains et qui nous criera: Souvenez-vous de nostre Redempteur; dites Jesus, dites Jesus.

  A010000427 

 Le second nom est celuy de la Purification de la Vierge, parce que la Loy ordonnoit que les femmes iroyent au Temple quarante jours apres leur accouchement pour se purifier, et qu'elles apporteroyent deux animaux pour offrande (les deux tourterelles offertes par la Vierge sacrée estoyent un signe et tesmoignage de sa purification); ou, comme disent quelques autres, la feste du Rencontre, parce qu'en ce jour les differentes sortes de gens qui sont en l'Eglise de Dieu se rencontrerent quasi toutes au Temple.

  A010000427 

 Les Grecs et ceux d'Orient l'ont appellée la Presentation du Fils de Dieu au Temple, parce qu'en icelle Nostre Dame alla en Hierusalem pour presenter le Fils unique de Dieu à son Pere eternel, dans son Temple mesme.

  A010000427 

 Là se trouverent Nostre Dame et saint Joseph qui estoyent à la fois vierges et mariés, saint Simeon qui estoit prestre, selon la plus commune opinion des anciens Peres; là se trouva aussi la bonne Anne prophetesse qui estoit vefve, et Nostre Seigneur qui estoit Dieu et homme.

  A010000428 

 Mais en ce jour, le Fils de Dieu est offert à son Pere, et en son temple mesme.

  A010000428 

 Quant au premier, à sçavoir la feste de la Presentation du Fils de Dieu au Temple, je fais cette premiere consideration.

  A010000429 

 Cependant Dieu a esté fait semblable à nous autres hommes en esgalité de substance et de nature, mais non pas en esgalité de perfection, car en cela il nous surpasse infiniment..

  A010000429 

 Il existe mesme une telle liaison entre ces deux natures que les attributs, louanges et eloges que l'on donne à l'une sont aussi donnés à l'autre; en sorte que nous disons que par cette jonction Dieu s'est fait homme et l'homme a esté fait Dieu.

  A010000430 

 Dieu fait sa demeure en soy, son centre n'estant autre que luy mesme; aussi, lors qu'il a voulu se communiquer à l'homme il est sorti de soy mesme: il a fait comme un effort, il a esté comme en ravissement et en extase par laquelle il est sorti de soy pour se communiquer à sa creature; mais il n'eust peu demeurer en terre ni estre veu des hommes s'il ne se fust attaché à une nature qui luy servist en quelque façon de matiere pour le retenir.

  A010000430 

 Le feu parpille tousjours et s'eslance contre son centre, [166] n'ayant jamais repos qu'il n'y soit; mais Dieu est luy mesme son centre, il ne va ni ne vient, ains il remplit tout de sa Divinité et trouve son centre en tous lieux parce qu'il est tout en toutes choses.

  A010000431 

 Certes, la nature de l'ame est beaucoup plus excellente que celle du corps: elle n'est point corporelle ni terrestre; si elle ne vient point du ciel, elle Vient moins encores de la terre; elle est creée de Dieu au mesme instant qu'elle est infuse et respandue dans le corps, lequel elle ennoblit et embellit.

  A010000432 

 L'ame, ainsy que nous l'avons touché, est toute spirituelle, elle ne croist point ça bas, elle est creée de Dieu seul, sans le concours d'aucune creature; mais le corps vient de la terre, car nous sçavons que celuy du premier homme fut petri du limon de la terre, et despuis ce temps là le corps a esté formé de la substance de l'homme et de la femme, en sorte que, pour cette cause, il est leur œuvre.

  A010000432 

 Mais sa tres sainte ame fut creée par Dieu, qui au mesme instant de sa creation, la respandit dans ce corps formé par la vertu du Saint Esprit; et dès lors ces deux substances de l'ame et du corps demeurerent tellement jointes et unies ensemble qu'elles ne firent qu'une seule nature parfaite..

  A010000434 

 Or, cette nature divine ainsy jointe et unie à l'humaine, elles ont fait une telle liaison et communication entre elles, que l'homme a esté Dieu et Dieu a esté homme; de plut, les t rois substances qui se trouvent reunies en la personne de Nostre Seigneur ne forment que deux natures parfaites, à sçavoir la divine et l'humaine, lesquelles, quoy qu'infiniment esloignées l'une de l'autre, ne font neanmoins en l'Incarnation qu'une seule Personne.

  A010000435 

 Je ne suis pas, auroit-il peu dire, sujet à la loy de la purification, car je suis Fils de Dieu, et partant je n'ay nul peché en moy.

  A010000437 

 Or, il est escrit que Dieu avoit creé l'homme et la femme en la justice originelle, ce qui les rendoit extremement beaux et tellement capables de la grace qu'il n'y avoit point en eux de peché, ni par consequent fin rebellion de la chair à l'esprit.

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000438 

 Lucifer en sa cheute vint premierement à se degouster du commandement avant de desobeir; voyla pourquoy, connoissant la force de cette tentation, quoy qu'il sceust bien que Dieu n'avoit pas defendu à nos premiers parens de ne point manger de tous les fruits, il ne laissa pas de le leur dire à fin de leur faire haïr cette ordonnance..

  A010000438 

 Mais voyez-vous la malice et la ruse de cet esprit infernal et menteur? Pourquoy, dit-il, Dieu vous a-t-il defendu de manger de tous ces fruits? Voyez-vous comme il exagere la defense de Dieu? Il n'avoit pas defendu de manger de tous les fruits ains d'un seul, mais il parloit ainsy à Eve à dessein de luy faire haïr le commandement du Seigneur; car le premier degré de la desobeissance c'est de haïr la chose commandée, et cette haine est une tres grande tentation contre l'obeissance.

  A010000439 

 Dieu avoit voirement defendu de ne pas manger du fruit de cet arbre, mais de ne le pas toucher ni regarder il n'en avoit rien dit; c'estoit un mensonge aussi grand que celuy du malin esprit, lors qu'il demanda pourquoy Dieu leur avoit defendu de manger de tous ces fruits.

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 On doit demeurer à table en silence jusques à la fin du repas pour entendre la lecture qui s'y fait: Hé Dieu, à quel propos tout cecy? ne vaudroit-il pas mieux sortir quand on a achevé? En somme, c'est le degoust des commandemens qui fait raysonner ainsy et qui nous fait manquer à l'obeissance..

  A010000441 

 Une fille qui n'aymera pas le silence dira librement: Hé Dieu, tant de silence, à quel propos en tant garder? ne seroit-il pas mieux à cette heure de parler que de se taire? Maintenant que j'ay une [173] si belle conception en l'esprit il me feroit si grand bien de la dire, elle causeroit tant de suavité à ceux qui l'entendroyent, et il n'est point loysible de la raconter! Neanmoins, si j'attens encor une demi heure je ne m'en souviendray plus et ne sçauray que c'est.

  A010000441 

 Voyez-vous le degoust du silence comme il fait parler? Une autre qui n'aymera point aller à l'Office aux heures ordonnées sera dans sa cellule sur quelque bonne cogitation, et voyla le signe qui l'appelle pour aller au chœur: O Dieu, pensera-t-elle, ne seroit-il pas mieux de ne pas me rendre en tel lieu? j'estois en ma cellule sur une si bonne pensée, peut estre que si j'y eusse encor un peu demeuré j'eusse eu quelque ravissement, et cependant il me faut maintenant aller chanter au chœur.

  A010000442 

 Mais la sacrée Vierge s'assujettit volontiers à la loy de la purification parce qu'elle aymoit le commandement, et la chose commandée luy estoit si pretieuse, qu'encores qu'elle n'y fust pas obligée elle ne laissa pas de l'accomplir à cause de l'amour qu'elle portoit à l'obeissance et à Dieu qui avoit fait ce commandement.

  A010000442 

 O que bienheureux sont ceux qui ayment les commandemens de Dieu, et qui ne font pas seulement ce qu'ils sont obligés de faire, mais encores ce qui ne les oblige pas, s'y sousmettant pour le bien et edification des autres! C'est cet amour, que la sacrée Vierge portoit à l'obeissance et à l'edification du prochain qui la fit assujettir à la loy de la purification..

  A010000444 

 Aussi ne leur enjoignit-il point cela; mais le malin esprit le dit par mespris de Dieu et à dessein de le faire mespriser par Eve.

  A010000444 

 Ce qu'elle dit comme par mespris de Dieu.

  A010000444 

 Neanmoins, c'est à quoy vise le malin esprit, et pour ce sujet il demande à Eve, comme en mesprisant l'ordre du Seigneur: Pourquoy Dieu vous a-t-il fait ce commandement? Quelle rayson, vouloit-il dire, de vous mettre en ce paradis terrestre et de vous defendre de manger de tous les fruits qui y sont? Mais il estoit un grand menteur, d'autant que Dieu n'avoit pas fait une telle defense; et certes, s'il l'eust faite, il semble qu'elle eust esté insupportable, car de mettre un homme et une femme dans un beau verger tout plein de fruits et leur l'aire une defense generale de n'en toucher pas un, c'eust esté un commandement bien difficile à observer.

  A010000444 

 Voyez-vous comme ces paroles ressentent le mespris? car Dieu leur avoit non seulement signifié qu'ils n'eussent point à manger de ce fruit de peur d'encourir la mort, ains il leur avoit declaré tout clairement que [175] s'ils en mangeoyent ils mourroyent.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000449 

 Ce sont icy toutes les affections de Dieu, sur lesquelles nous devons marcher, suivant non seulement ses preceptes, mais encores ses intentions au plus pres que nous pourons.

  A010000449 

 Mais pour cheminer asseurement en celles-cy selon les affections divines, il faut estre simple et veritable à les descouvrir, et suivre la direction que l'on nous donne là dessus; par ce moyen nous serons portés par Nostre Seigneur et ne marcherons plus sur nos propres affections ains sur celles de Dieu..

  A010000449 

 Mais que cette ame est heureuse quand elle ne chemine plus sur ses affections sur celles de son Dieu! Et quelles sont les affections Dieu sinon ses commandemens, d'autant que c'est en iceux qu'elles sont encloses? et tous sont compris en ce premier: Tu aymeras ton Dieu de tout ton coeur et ton prochain comme toy mesme.

  A010000449 

 Nous n'avons donques pas besoin de nous mettre en peine pour sçavoir quelles sont les affections de Dieu, parce qu'elles nous sont toutes marquées dans ses commandemens et dans les conseils que Nostre Seigneur nous a luy mesme donnés sur la montagne quand il a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux lex debonnaires, et les autres beatitudes.

  A010000450 

 Nous faisons cela quand nous endurons les travaux et les peines avec amour, c'est à dire, que l'amour que nous avons à la loy de Dieu nous rend son joug suave et plaisant, nous faisant aymer ces peines et travaux, et cueillir la douceur parmi les amertumes: cela n'est autre que porter Nostre Seigneur entre nos bras.

  A010000450 

 Or, le porter en cette façon n'est autre chose que de vouloir endurer et souffrir de [179] bon cœur tout ce qu'il luy plaist que nous souffrions, pour dure et pesante que soit la charge et le fardeau que Dieu nous met sur les espaules.

  A010000457 

 Les anciens philosophes le gardoyent [181] et le recommandoyent: ce n'est pas qu'ils fussent vertueux pour cela, ni qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, o non, puisque le jeusne n'est vertu sinon entant qu'il est accompagné des conditions qui le rendent aggreable à Dieu; de là vient qu'il proffite aux uns et non aux autres parce qu'il n'est pas fait esgalement de tous.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000463 

 La seconde est de ne point jeusner pour la vanité ains pat humilité; car si nostre jeusne n'est fait avec humilité il ne sera point aggreable à Dieu.

  A010000463 

 Les philosophes payens ont ainsy jeusné, et leur jeusne n'a point esté regardé de Dieu.

  A010000463 

 Or, comme d'apres l'Apostre, tout ce qui se luit sans la charité n'est point aggreé de Dieu, aussi dis je de mesme avec ce grand Saint, que si vous jeusnez sans humilité vostre jeusne ne vaudra rien; car si vous n'avez l'humilité vous n'avez pas la charité, et si vous estes sans charité vous estes aussi sans humilité, d'autant qu'il est presqu'impossible d'avoir la charité sans estre humble et d'estre humble sans avoir la charité, ces deux [185] vertus ayans une telle sympathie et convenance par ensemble qu'elles ne peuvent jamais aller l'une sans l'autre..

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000466 

 C'est avec ceux cy que nous avons le plus à faire: nous monstrons clairement aux premiers qu'ils contreviennent à la loy de Dieu, et qu'en ne jeusnant pas autant qu'il faut, tout en le pouvant faire, ils enfreignent les commandemens du Seigneur.

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000469 

 Dieu luy inspira cette retraitte si extraordinaire à fin de rendre recommandables les deserts qui estoyent pour lors inhabités et qui par apres devoyent estre habités par tant de si saints Peres; mais ce n'estoit pourtant pas à fin que chacun suivist saint Paul, ains seulement pour qu'il fust un mirouer et prodige de vertus, digne d'estre admiré et non imité de tous.

  A010000469 

 Oh! que l'on ne m'apporte point cela, car ce qu'a fait saint Paul a esté par une inspiration particuliere, laquelle Dieu veut estre admirée mais non Imitée de tous.

  A010000469 

 Que l'on ne me rapporte point non plus un saint Simeon Stylite lequel demeura quarante quatre ans sur une colonne, luisant chaque jour deux cens actes d'adoration par des [189] genuflexions; car il agissoit de la sorte, aussi bien que saint Paul, par une inspiration toute particuliere, Dieu voulant faire voir en iceluy un miracle de sainteté, et comment les hommes sont appellés et peuvent mener en ce monde une vie toute celeste et angelique..

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000472 

 Ces bons Religieux ne penserent donques rien de celuy qui estendoit ainsy ses deux nattes; mais saint Pacome, qui estoit son Superieur et à qui seul il appartenoit d'examiner le mouvement qui le poussoit, entra un peu en consideration sur cette action; et comme Dieu donne tousjours sa lumiere à ceux qui le servent, il luy fit connoistre que ce Frere estoit conduit par un esprit de vanité et de complaisance pour ses deux nattes, et qu'il avoit fait cela à fin que luy et tous les autres Peres vissent qu'il avoit bien travaillé ce jour-là.

  A010000472 

 Mais saint Pacome, qui avoit l'Esprit de Dieu, les luy fit jetter au feu et demander à tous les Religieux de prier pour celuy qui avoit travaillé pour l'enfer; puis il le fit mettre cinq mois en prison pour penitence de sa faute, à fin de servir d'exemple aux autres et leur apprendre à faire leurs œuvres avec humilité..

  A010000473 

 De mesme plusieurs autres, qui n'estans pas maigres ne laissoyent pas d'estre grandement austeres et excellens serviteurs de Dieu.

  A010000474 

 (Plusieurs Saints en faisoyent un si grand estât qu'ils ne se couchoyent jamais sans en avoir leu un chapitre pour recueillir leur esprit en Dieu.) Il dit donc: Que te proffitera-t-il de faire ce que tu fais pour les yeux des creatures? Rien que vanité et complaisance, qui ne sont bonnes que pour l'enfer; mais si tu accomplis ton jeusne et toutes tes œuvres pour plaire à Dieu seul, tu travailleras pour l'eternité, sans te complaire en toy mesme, ni te soucier si tu es veu ou non des hommes, d'autant que ce que tu fais n'est pas pour eux, et que ce [192] n'est point d'eux que tu attens ta recompense.

  A010000474 

 C'est icy la troisiesme condition requise pour bien jeusner, à sçavoir, de regarder Dieu et de faire tout pour luy plaire, nous enfonçant en nous mesmes à l'imitation d'un grand Saint, lequel se retira en un lieu secret et escarté où il demeura quelque temps sans qu'on sceust où il estoit, se contentant que le Seigneur et ses Anges le conneussent.

  A010000474 

 Cependant, quoy que tous les hommes doivent chercher de ne plaire qu'à Dieu, si est-ce que les Religieuses et les personnes qui luy sont dediées doivent avoir un soin tout particulier de cecy, ne visant qu'à luy, se contentant que luy seul voye leurs œuvres et n'attendant aussi que de luy leur recompense.

  A010000474 

 Il faut donc faire nostre jeusne en humilité et en verité et non en mensonge et hypocrisie, c'est à dire pour Dieu et pour aggreer à luy seul..

  A010000476 

 Et discourant sur la defense qui leur estoit faite: Hé quoy, dirent-ils, dirent-ils, encores que Dieu nous ayt menacés de la mort, si est-ce que pour cela nous ne mourrons pas, car il ne nous a pas creés, pour nous faire mourir.

  A010000476 

 Laissons donques cela, et voyons plustost, par trois exemples que je vous rapporteray, combien c'est une chose dangereuse de vouloir faire les discrets sur les commandemens de Dieu ou de nos Superieurs.

  A010000476 

 Le premier est celuy d'Adam, lequel ayant receu de Dieu le commandement de ne point manger du fruit defendu, sous peine de perdre la vie, le serpent vint conseiller à Eve d'enfreindre ce commandement, elle l'escouta et emporta son mary.

  A010000478 

 Luy, connoissant qu'ils estoyent envoyés de Dieu, les avoit receus et en avoit une sollicitude toute particuliere; c'est pourquoy en s'en allant il recommanda fort soigneusement qu'on les recreast et qu'on leur fist manger des herbes cuites.

  A010000479 

 Voyla comme ceux qui oublient [194] les ordonnances et commandemens de Dieu, qui font des interpretations ou qui veulent faire des prudens sur les choses commandées se mettent en peril de mort; car tout leur travail accompli selon la propre volonté ou la discretion humaine n'est digne que du feu..

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000487 

 Mon fils, venant au service de Dieu,.

  A010000491 

 C'est un advertissement du Sage: Mon fils, dit-il, qui as dessein de servir Dieu, prepare ton ame à la tentation; car c'est une verité infaillible que nul n'est exempt de tentation lors qu'il est bien resolu de servir Dieu.

  A010000494 

 Si nous sommes conduits par l'Esprit de Dieu au lieu de la tentation ne craignons point, ains [197] tenons-nous asseurés qu'il nous rendra victorieux; mais ne la recherchons pas, ni ne l'allons point agacer, pour saints et genereux que nous pensions estre, car nous ne sommes pas plus vaillans que David ou que nostre divin Maistre mesme qui ne la voulut point chercher.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000495 

 Mais voyons un peu, je vous prie, comme c'est une chose certaine que venant au service de Dieu nul ne peut eviter la tentation.

  A010000496 

 Nous ne nous devons jamais confier en nos forces ni en nostre vaillance et aller rechercher la tentation pensant la terrasser, mais si nous la rencontrons où l'Esprit de Dieu nous a portés, il nous faut tenir fermes en la confiance que nous devons avoir qu'il nous fortifiera contre les attaques de nostre ennemy, pour furieuses qu'elles puissent estre.

  A010000497 

 Il dit donques ainsy, comme s'il ne se fust addressé aux Chrestiens ou à quelqu'un en particulier: O que vous estes heureux, vous qui estes armés de la verité de Dieu, car elle vous servira comme d'un bouclier contre les traits de vos ennemis, et fera que vous demeurerez victorieux.

  A010000498 

 Non, n' allons point de nous mesmes au devant de la tentation par aucune presomption d'esprit, ains seulement repoussons-la quand Dieu permet qu'elle nous attaque et qu'elle nous vienne chercher où.

  A010000498 

 Quiconque est armé de la foy ne doit rien craindre, et c'est l'unique arme necessaire pour rembarrer et confondre nostre ennemy; car qu'est-ce, je vous prie, qui pourra nuire à celuy qui dira: Credo, «Je crois en Dieu» qui est nostre Pere, et nostre «Pere tout puissant?» En disant ces paroles nous monstrons que nous ne nous confions point en nos forces, et que ce n'est qu'en la vertu de Dieu, «Pere tout puissant,» que nous entreprenons le combat et que nous esperons la victoire.

  A010000499 

 Ne recherchons donc point d'autres armes ni d'autres inventions pour refuser nostre consentement à la tentation, sinon de dire: «Je crois.» Et que croyez-vous? «En Dieu, mon Pere tout puissant.».

  A010000499 

 Nous autres, au contraire, si bien par la grace de Dieu nous ne consentons pas aux tentations et evitons la coulpe et le peché en icelles, nous demeurons neanmoins pour l'ordinaire un peu blessés de quelque importunité, trouble ou esmotion qu'elles produisent en nostre cœur.

  A010000500 

 Il leur semble quasi qu'il y a de l'impossibilité de parvenir au faiste d'icelle, et diroyent volontiers: O Dieu, la perfection qu'il faut avoir ceans, ou en la sorte de vie et de vocation en laquelle je suis, est trop eminente pour moy, je n'y sçaurois atteindre.

  A010000500 

 La crainte est la premiere tentation que l'ennemy presente à ceux qui sont resolus de servir Dieu, car dès aussi tost qu'on leur enseigne ce que la perfection requiert de nous: Helas! pensent-ils, jamais je ne pourray faire cela.

  A010000500 

 [200] Hé, ne vous troublez point et ne faites point ces chimeres d'apprehension de ne pouvoir accomplir ce à quoy vous vous estes obligées, puisque vous estes armées et environnées de la verité de Dieu et de sa parolle; car vous ayant appellées à cette maniere de vie et en cette maison, pourveu que vous marchiez simplement en vostre observance, il vous fortifiera et vous donnera la grace de perseverer et de faire ce qui est requis pour sa plus grande gloire et pour vostre plus grand salut, c'est à dire vostre plus grande felicité..

  A010000501 

 Oh, disent-ils, si je m'adonne au service de Dieu il me faudra tant travailler pour resister aux tentations qui m'attaqueront! Vous avez bien rayson, car vous n'en serez pas exempts, d'autant que c'est une regle generale que tous les serviteurs de Dieu sont tentes, ainsy que l'escrit saint Hierosme en cette belle epistre qu'il addresse à sa chere fille Eustochium..

  A010000502 

 Et qui ne s'en estonneroit? voir une ame hors de la [201] grace de Dieu se resjouir! O que leurs joyes sont vaines et leurs allegresses trompeuses, car elles sont suivies des douleurs et des regrets eternels.

  A010000503 

 Ils sont tousjours à se lamenter; et de quoy? Dequoy, dites-vous, helas! il faut travailler; et cependant je pensois qu'il suffisoit de s'embarquer en la voye de Dieu et en son service pour se reposer.

  A010000504 

 Confions-nous en Dieu, qui est nostre «Pere tout puissant,» en la vertu duquel toutes choses nous seront rendues faciles, quoy que d'abord elles nous espouvantent un peu..

  A010000505 

 Faisons-en de mesme, mes cheres ames; si nous sentons que le courage nous manque et que nous enfonçons dans nos tentations, crions à haute voix pleins de confiance: Seigneur, sauvez-moy, et ne doutons pas que Dieu ne nous fortifie et nous empesche de perir..

  A010000505 

 Hé, donques, veut dire le Psalmiste, que craignez-vous, vous qui estes environnés de la verité et armés du fort bouclier de la foy qui vous apprend que Dieu est vostre «Pere tout puissant?» Tendez-luy la main et ne vous espouvantez point, car il vous sauvera et protegera contre tous vos ennemis.

  A010000506 

 Chimere et enfance tres grande! Telles sont bien souvent les personnes qui viennent nouvellement au service de Dieu: elles font les hardies, il semble qu'elles ne [203] mangeront jamais assez le crucifix et que rien ne leur sçauroit suffire; elles ne pensent rien moins que de vivre tousjours'en repos et tranquillité, et que chose aucune ne pourra surmonter leur courage et generosité..

  A010000506 

 Il faut remarquer qu'il y en a aucuns, lesquels faisans les courageux vont de nuit seuls en quelque part; mais dès qu'ils entendent tomber une petite pierre du plancher, ou qu'ils oyent seulement courir une souris se prennent à crier: O mon Dieu! Qu'est-ce, leur dit-on, qu'avez-vous trouvé? J'ay ouy.

  A010000507 

 O Dieu, qu'il fut bien trompé quand il se vit si lasche et craintif en l'execution de ses promesses au temps de la Passion de son Sauveur! Il eust bien mieux valu au pauvre saint Pierre de se tenir en humilité et de s'appuyer sur les forces de Nostre Seigneur, que non pas de se confier vainement en la ferveur qu'il sentoit pour lors..

  A010000509 

 L'emmemy la porta au paradis terrestre; avec icelle il fit descheoir nos premiers peres de la justice originelle dont Dieu les avoit doués.

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000513 

 Or, ceux cy ne craignent pas seulement ce qui les peut porter au mal, mais ce qui peut en quelque façon destourner ou troubler leur repos; ils ne voudroyent pas qu'un seul petit bruit de je ne sçay quoy se mist entre Dieu et eux, d'autant qu'ils se sont fourré bien avant en l'imagination qu'il y a une certaine quietude et accoisement tel que qui le peut avoir se trouve tousjours en paix si bien heureux.

  A010000514 

 O mon Dieu, qu'y a-t-il? Helas, disent-ils, qu'il y a? j'ay bien sujet de me plaindre.

  A010000515 

 C'est bien dit, certes; hé, croyez-vous qu'en cette vie vous puissiez avoir une quietude si permanente qu'elle ne doive point recevoir de divertissement? Il ne faut pas desirer les graces que Dieu ne fait pas communement; ce qu'il a fait pour une Magdeleine ne doit pas estre souhaitté de nous autres.

  A010000516 

 Et comme nous devons avoir une ferme et invariable resolution de ne pas nous rendre si lasches que d'en faire volontairement, aussi devons-nous estre inebranlables en cette autre resolution de ne nous pas estonner ni troubler voyant que nous sommes sujets à tomber en icelles, voire encores que ce fust souvent, nous confiant en la bonté de Dieu qui pourtant ne nous en ayme pas moins.

  A010000516 

 Que Dieu nous face part ou non de ses consolations, il faut nous tenir sousmis à sa tres sainte volonté qui doit estre la maistresse et conductrice de nostre vie; apres quoy nous n'avons rien à desirer..

  A010000517 

 Tout beau! leur peut-on dire, ne vous hastez pas tant; commencez à bien vivre selon vostre vocation, doucement, simplement et humblement; puis confiez-vous en Dieu qui vous rendra saints quand il luy plaira..

  A010000520 

 Or, je ne parle pas de ceux qui sont eslevés non pas par leur election mais par leur sousmission l'obeissance qu'ils doivent à Dieu et à leurs Superieurs; car ceux-là n'ont rien à craindre, non plus que Joseph en la maison de Putiphar, parce que si bien ils sont au lieu de la tentation ils n'y periront point.

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000522 

 L'on ne peut assez dire combien cette avarice spirituelle apporte de retardement à nostre perfection, d'autant qu'elle oste la douce et tranquille attention que nous devons avoir de bien faire ce que nous faisons pour Dieu, ainsy que j'ay desja dit..

  A010000522 

 S'il pensent aux Chartreux: O Dieu, disent-ils, c'est bien une sainte vie, mais ils ne preschent point; il faut donc aller prescher.

  A010000523 

 Elle ne voudroit pas que personne vinst troubler son repos, lequel en fin se termine en une vaine complaisance qu'elle prend en iceluy; car elle admire la bonté de Dieu, mais en elle et non pas en Dieu, la suavité de Dieu, mais en elle mesme.

  A010000523 

 La solitude est une chose fort desirable en ce temps là, ce luy semble, pour jouir à souhait de la divine presence sans divertissement quelconque; mais elle la souhaitte non point pour la gloire de Dieu, ains pour la satisfaction qu'elle ressent en recevant en elle ces douces caresses et saintes douceurs qu'elle voit provenir de ce cœur bien aymé du Sauveur..

  A010000525 

 O Dieu, quel playsir de se trouver avec le Sauveur en ce festin delicieux! Mes cheres ames, nous ne serons jamais capables de luy tenir compagnie en ses consolations d'estre appellés à son banquet celeste si nous ne sommes compagnons de ses peines et souffrances.

  A010000525 

 Si nous ne combattons nous ne serons pas vainqueurs, et partant nous ne meriterons pas la couronne de l'immortelle gloire que Dieu nous prepare si nous demeurons victorieux et triomphans..

  A010000526 

 Nous eviterons aussi l'avarice spirituelle et l'ambition qui nous apportent tant de detraquement au cœur et tant de retardement en nostre perfection; l'esprit du midy n'aura nul pouvoir de nous faire descheoir de la ferme et invariable resolution que nous avons prise de servir Dieu genereusement et le plus parfaitement qu'il se peut en cette vie, apres laquelle nous irons jouir de luy, qui soit beni.

  A010000538 

 Et d'abord, quand le Sauveur dit: Femme, que ta foy est grande, estoit-ce que la foy de cette femme fust plus grande que la nostre? O non quant à l'objet, parce que la foy a pour objet les verités revelées de Dieu ou de l'Eglise, et elle n'est autre chose qu'une adhesion que nostre entendement fait à ces verités qu'il trouve belles et bonnes.

  A010000540 

 Tous sont esgaux en cecy, parce que tous doivent croire toutes les verités de la foy, tant celles que Dieu a revelées par luy mesme, que celles qu'il a revelées par son Eglise.

  A010000549 

 Elle employe la prudence pour acquerir ce qui la peut fortifier et augmenter; elle ne se contente pas de croire toutes les verités revelées par Dieu et declarées par [220] l'Eglise, ce qui necessaire pour estre sauvé, mais elle veille pour, de plus en plus, en descouvrir de nouvelles; et non seulement cela, ains aussi les penetre à fin d'en tirer le suc et la moelle dont elle se nourrit, se delecte, s'enrichit et s'aggrandit.

  A010000550 

 Il faut peu de chose pour estre sauvé: croire tous les mysteres de nostre Religion et garder les commandemens de Dieu.

  A010000550 

 Vous ne travaillez donc pas pour Dieu ains seulement pour vous mesme, puisque vostre prudence ne s'estend pas plus avant qu'à faire ce que vous scavez qui vous peut empescher de vous perdre.

  A010000551 

 Elle n'observe pas seulement ce qui est requis pour le salut, mais elle recherche, embrasse et prattique fidellement tout ce qui la peut plus approcher de son Dieu..

  A010000551 

 Il y en a plusieurs, escrit saint Bernard, qui disent: Je garde les commandemens de Dieu.

  A010000551 

 Or, la foy veillante n'agit pas ainsy; elle sert Dieu non en serviteur mercenaire, mais fidelle, car elle employe toute sa force, prudence, justice et temperance à faire tout ce qu'elle sçait et connoist estre aggreable à nostre Seigneur et Maistre.

  A010000556 

 Elle avoit la confiance, qui est l'une des principales conditions qui rendent nostre priere grande devant Dieu.

  A010000559 

 Helas! si l'on a quelques degousts à l'oraison, si Dieu nous retire ou soustrait la suavité ou facilité ordinaire que nous y avions, on se plaint, on s'afflige et on dit: C'est que je ne suis point humble, Dieu n'a que faire de m'entendre, il ne me regardera point, car il ne regarde que les saints, et que sçay-je? telles autres niaiseries et mille pensées que l'on entretient pour se laisser aller à l'ennuy et au descouragement.

  A010000559 

 Si Dieu ne donne promptement ce qu'on luy demande, ou qu'il ne nous monstre qu'il nous escoute, on perd courage, on ne peut perseverer en l'oraison, on quitte tout là..

  A010000561 

 Et la ferons-nous chaque jour, n'en ferons-nous point d'autre? Non, je ne dis pas cela; mais Dieu ne vous en enjoint point d'autre.

  A010000565 

 Mais quand il dit: Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, ains seulement pour les brebis perdues de la mayson de mon Pere, il veut faire entendre qu'il estoit seulement promis aux Juifs lesquels estoyent nommés enfans de Dieu; c'est à dire qu'il avoit esté predit qu'il viendroit et marcheroit sur ses propres pieds parmi ce peuple, qu'il l'enseigneroit de sa propre bouche, gueriroit ses malades de ses propres mains, feroit des miracles en propre personne en Israël, et partant qu'il ne failloit pas oster le pain des enfans de Dieu, à sçavoir au peuple Juif, pour le jetter aux chiens ou au peuple Gentil, nation qui ne le connoissoit pas.

  A010000567 

 Certes, toutes les vertus sont bien cheres à Dieu, mais l'humilité luy plaist par dessus toutes, et semble qu'il ne luy peut rien refuser.

  A010000567 

 Or cette femme fit voir la grandeur de la sienne en confessant qu'elle estoit une chienne et que, comme chienne, elle ne demandoit pas les faveurs reservées aux Juifs, qui estoyent les enfans de Dieu, ains seulement de ramasser les miettes qui tomboyent dessous la table.

  A010000580 

 son corps je ne sçay, Dieu le sçait),.

  A010000592 

 Dieu favorise grandement ceux qui prattiquent la charité envers leurs freres; il n'y a rien qui attire tant sa misericorde sur nous que cela, d'autant que Nostre Seigneur a declaré que c'est son commandement, c'est à sçavoir le sien plus cheri et plus aymé; apres celuy de l'amour de Dieu il n'y on a point de plus grand.

  A010000592 

 Il rapporte donques qu'il avoit conneu un medecina à Carthage, qui estoit fort fameux aussi bien à Rome qu'en cette ville, tant parce qu'il estoit excellent en l'art de la medecine comme parce qu'il estoit un grand homme de bien, faisant beaucoup de charités, servant les pauvres gratis; et cette charité qu'il exerçoit à l'endroit du prochain fut cause que Dieu le tira d'une erreur en laquelle il estoit tombé estant encores jeune homme.

  A010000595 

 La tranquillité est l'excellence de nostre action; or, au Ciel [237] nostre action n'empeschera pas la tranquillité, ains elle la perfectionnera de telle sorte qu'elles ne se nuiront point l'une à l'autre, voire elles s'entr'ayderont merveilleusement à continuer et perseverer pour la gloire du pur amour de Dieu qui les rendra capables de subsister ensemble..

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000599 

 Je ne veux pas, mes cheres Sœurs, vous entretenir de la felicité que les Bienheureux ont en la claire veuë de la face de Dieu, qu'ils voyent et verront sans fin en son essence, car cela regarde la felicité essentielle, et je n'en veux pas traitter, sinon que j'en dise quelques mots sur la fin.

  A010000602 

 Nous aymerons des personnes particulierement, mais ces amitiés particulieres n'engendreront point de [240] partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aymerons un chacun des Bienheureux de cet amour eternel dont nous aurons esté aymés de la divine Majesté..

  A010000602 

 Si cela est ainsy, o mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si cherement aymés en cette vie! Ouy mesme nous connoistrons les nouveaux Chrestiens qui se convertissent maintenant à nostre sainte foy aux Indes, au Japon et aux antipodes.

  A010000603 

 O Dieu, nos cœurs ne se fondront-ils pas d'un contentement indicible oyant ces paroles?.

  A010000603 

 O Dieu, quelle consolation recevrons-nous en cette conversation celeste que nous aurons les uns avec les autres! Là nos bons Anges nous apporteront une joye plus grande qu'il ne se peut dire quand ils se feront reconnoistre à nous, et qu'ils nous representeront si amoureusement le soin qu'ils ont eu de nostre salut durant le cours de nostre vie mortelle; ils nous resouviendront des saintes inspirations qu'ils nous ont apportées, comme un lait sacré qu'ils alloyent puiser dans les mammelles de la divine Bonté, pour nous attirer à la recherche de ces incomparables suavités dont nous serons lors jouissans.

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000606 

 Je dis seul, parce qu'en ce mot de felicité sont compris toutes sortes de biens, lesquels ne sont pourtant qu'un unique bien, qui est celuy de la jouissance de Dieu en la felicité eternelle.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000609 

 Nostre felicité ne s'arrestera pas là, mes cheres ames, mais elle passera plus avant, car nous verrons face à face et tres clairement la divine Majesté, l'essence de [244] Dieu et le mystere de la tres sainte Trinité, en laquelle vision et claire connoissance consiste nostre felicité essentielle.

  A010000610 

 Dieu dira un mot si particulier à chacun des Bien-heureux qu'il n'y en aura point de semblable.

  A010000610 

 Et quel sera-t-il ce divin entretien? Oh, quel il sera! Il sera tel qu' il n'est pas loysible à l'homme de le rapporter; ce sera un devis si secret que nul ne le pourra entendre que Dieu et celuy avec lequel il se fera.

  A010000610 

 Non seulement il y aura conversation et entretien entre les Personnes divines, ains encores entre Dieu et les hommes.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000611 

 Ce sera alhors que Dieu donnera à la divine amante ce bayser qu'elle a si ardemment demandé et souhaitté, ainsy que nous disions tantost.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000618 

 Dieu la donne tousjours suffisante à quiconque la veut recevoir; cecy est une chose toute claire, tous les theologiens en sont d'accord, et le Concile de Trente a declaré que jamais la grace ne nous manque, mais que c'est nous qui manquons à la grace, ne la voulant recevoir ou luy donner nostre consentement.

  A010000618 

 Nous y trouverons aussi dequoy condamner ceux qui censurent et parlent injustement contre la Providence divine, et ne veulent adorer ni approuver les effects et evenemens d'icelle touchant l'election des bons et la reprobation des mauvais; car lors qu'on voit l'ejection de ceux cy, la prudence humaine se met à la recherche des motifs et raysons de leurs cheutes, et au lieu de regarder la douce Providence de Dieu, elle se jette sur le defaut de la grace et dit: Si ce [248] pecheur en eust receu autant que le juste il ne fust pas tombé en tel defaut.

  A010000619 

 Il estoit circoncis, et Dieu luy avoit tesmoigné qu'il l'aymoit en [249] luy donnant la jouissance de beaucoup de biens et de possessions, d'autant qu'il n'en prenoit pas en la Loy mosaïque comme en celle de grace, en laquelle la pauvreté est tant louée et recommandée.

  A010000619 

 Nostre Seigneur n'avoit pas encores dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; aussi en ce temps-là Dieu favorisoit ses amis en leur faisant part des richesses et commodités temporelles par lesquelles il les obligeoit à le servir..

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000620 

 Neanmoins nous voyons en l'Evangile du jour que de ces deux hommes esgalement appellés de Dieu, celuy qui a le plus receu et qui est le plus obligé de le servir ne le sert point, ains vit et meurt miserablement, tandis que le pauvre Lazare le sert avec fidelité et meurt heureusement.

  A010000620 

 Nous voyons donques que ce riche estoit appellé de Dieu aussi bien que le Lazare, et qu'il avoit encores plus d'obligation que luy d'observer les divins commandemens.

  A010000623 

 Et l'homme dans le paradis terrestre, où Dieu l'avoit mis en sa grace, ne vint-il pas à en descheoir? car Eve, escoutant le serpent, print du fruit defendu, en presenta à son mary, et il en mangea contre la volonté de son Createur..

  A010000623 

 Quand Dieu crea les Anges dans le Ciel il les establit en sa grace, de laquelle il sembloit qu'ils ne devoyent jamais descheoir; neanmoins Lucifer vint à se revolter, et luy et tous ses sectateurs refuserent de rendre à la divine Majesté la sujetion et obeissance de leur propre volonté, disant qu'ils ne se vouloyent point sousmettre, ce qui fut cause de leur ruine.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000625 

 C'est une chose perilleuse de vivre dans le monde en la conversation des meschans; c'est pourquoy demeurer bon parmi iceux sans descheoir de la grace est une faveur tres speciale de Dieu, et pour ce, dit saint Hierosme, il en retire plusieurs hors de ce siecle et les appelle dans le desert où ils n'ont point la societé des pervers..

  A010000625 

 Job, comme dit saint Gregoire, demeurant juste entre les meschans avoit receu une grande grace de Dieu, car pour l'ordinaire l'on est tel que ceux avec qui l'on converse; partant il avoit grand sujet de louer le Seigneur de ce qu'il le maintenoit dans le bien parmi les impies.

  A010000625 

 Qui donques ne tremblera? Y aura-t-il societé, Religion, Institut, Congregation ou maniere de vivre qui se puisse asseurer et dire exempte de crainte et apprehension de tomber dans les precipices du peché? Et quelle compagnie, assemblée ou vocation trouvera-t-on qui soit exempte de peril? O Dieu, nulle que ce soit.

  A010000626 

 Chose estrange que dans l'Eglise triomphante (non pas triomphante pour lors, mais angelique), parmi des esprits si purs, doués d'une si noble et excellente nature, parmi une si sainte compagnie où il n'y avoit aucune occasion de peril, sans tentation ni suggestion des esprits malins, car il n'y en avoit point encores, il y ayt eu un si petit nombre d'Anges qui ayent perseveré, et que la troisiesme partie se soit revoltée contre Dieu et ayt esté precipitée dans les enfers! Chose espouvantable aussi que Judas, qui avoit esté appellé du Sauveur mesme à l'apostolat, ayt commis un si execrable peché et une si estrange trahison que de vendre son Maistre au temps qu'il alloit en sa compagnie, qu'il oyoit sa parole et qu'il voyoit les œuvres merveilleuses [253] qu'il faisoit! Ce sont des exemples qui doivent faire trembler toutes sortes de personnes, de quel estat, condition ou vocation qu'elles soyent..

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000629 

 C'est une grande pitié à qui taste le pouls de la pluspart des mondains et à qui regarde un peu de pres les [254] mouvemens de leurs cœurs! L'on descouvre facilement qu'ils veulent jouir du monde et de ce qu'il contient, mais quant à Dieu ils se contentent d'en user.

  A010000629 

 S'ils prient, s'ils gardent les commandemens ou prattiquent quelques autres bonnes œuvres c'est de crainte que Dieu ne les chastie par quelque desastre ou infortune, ou à fin qu'il leur conserve leurs maysons, leurs champs, leurs vignes, leur femme, leurs enfans desquels ils veulent jouir, se contentant d'user de Dieu pour ce sujet ou tels autres.

  A010000631 

 Ce desir luy estoit si cher qu'il ne trouvoit rien de si difficile à quitter pour Dieu, car il se fust plus aysement desfait et eust plus volontiers cedé tous les biens et playsirs du monde, s'il les eust eus, que cette passion de s'instruire.

  A010000631 

 Il sembloit quasi que Dieu la luy laissast comme la derniere et principale piece de son renoncement; neanmoins il se contenta de la resolution que saint Gregoire avoit de tout abandonner pour luy, le mettant en un lieu où il pouvoit estudier et quitter son desir sans le quitter.

  A010000632 

 C'est une façon de parler de l'Escriture: l'avaricieux fait son dieu de son or et de son argent, et le voluptueux de son ventre.

  A010000632 

 Celuy qui boit du vin selon sa necessité ne fait point de mal, mais celuy qui en prend avec tel exces qu'il vient [256] à s'enivrer offense Dieu mortellement, perd le jugement, noye sa rayson dans le vin qu'il boit, et s'il venoit à mourir en cet estat il se damneroit; c'est comme s'il disoit en beuvant: Si je meurs je me veux perdre et damner eternellement.

  A010000632 

 Ils estoyent avides d'amasser des richesses et de mettre argent sur argent, mais encores ils cachoyent et serraient si fort les biens qu'ils avoyent et les aymoient si demesurement qu'ils les adoroyent et en faisoyent leur dieu.

  A010000638 

 Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quel lieu et estat que nous soyons, et dresser souvent nos cœurs vers la divine Bonté pour invoquer son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant apres luy par frequentes prieres et oraisons..

  A010000638 

 O Dieu, que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il puisse estre! C'est ce qui faisoit dire à ce grand saint Bernard: Marchez tousjours et gardez de vous arrester; allez tousjours plus avant, car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie; celuy qui n'avance pas, il faut de necessité qu'il recule.

  A010000639 

 Hé bien, la grace de Dieu vous manque-t-elle pour mortifier cette inclination que vous avez à rire? Mettez la main bien avant dans le cœur où sont ces passions de la joye, de la tristesse, de la vanité ou de la colere, travaillez avec le secours de Dieu, et vous les rangerez toutes à la rayson.

  A010000639 

 Mais la grace ne va-t-elle pas au dessus de la nature? Saint Paul avoit un naturel aspre, rude et revesche; neanmoins la grace de Dieu le renversa, et se saisissant de ce naturel revesche, elle le rendit d'autant plus ferme au bien qu'il entreprit, et si courageux et invincible en toutes sortes de peines et de travaux que rien ne peut esbranler son courage, de maniere qu'il devint un grand Apostre, tel que nous l'honnorons à present.

  A010000640 

 Mais, mon Dieu, je pense que je passeray l'heure..

  A010000641 

 Les Apostres s'estans assemblés par le commandement de Dieu, apres beaucoup de ceremonies en esleurent un autre pour occuper sa place.

  A010000642 

 Veillez continuellement sur vos exercices, observez soigneusement vostre maniee de vivre, servez fidellement Dieu en cette vocation, de peur qu'elle ne vous eschappe; car si vous la perdez elle ne se perdra pas pour cela, mais une autre vous succedera et en heritera..

  A010000643 

 Comme ils estoyent tous deux d'une singuliere vertu, il y eut un peu de difficulté pour sçavoir lequel on retiendroit, tellement que pour mieux rencontrer ce qui estoit de la volonté de Dieu ils les mirent au sort.

  A010000643 

 Joseph estoit juste et craignant Dieu, homme d'une extraordinaire sainteté et pureté de vie, si qu'il estoit en grande estime parmi les Apostres et disciples.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000644 

 Partant ceux qui y sont appellés ne doivent pas se glorifier et presumer d'eux mesmes, pensant estre meilleurs ou plus parfaits que les autres, et ceux qui ne sont point receus à tels offices ne s'en doivent point troubler, puisque cela ne les empeschera pas d'estre justes et aggreables à Dieu..

  A010000644 

 Quelques uns pensent que les Apostres receurent une inspiration ou une parole interieure qui leur donnoit à entendre que Mathias estoit choisi de Dieu pour Apostre, et qu'alors tous d'une commune voix dirent qu'il le seroit; tout ainsy que lors qu'on fit Evesque saint Ambroise, le peuple estant en grand peine au sujet de cette election, l'on ouyt la voix d'un petit enfant qui dit: Ambroise sera Evesque, et alors tous crierent qu'Ambroise le devoit estre.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000657 

 Aymer Dieu sans aymer le prochain, qui est creé à son image et semblance, c'est une chose impossible..

  A010000657 

 Et cela non sans grand sujet, puisque le bien-aymé du Bien-Aymé, le grand Apostre saint Jean, asseure que quiconque dit qu'il ayme Dieu et n'ayme pas le prochain est menteur; au contraire, celuy qui dit qu'il ayme le prochain et n'ayme pas Dieu contrevient à la verité, car cela ne se peut.

  A010000660 

 Comme s'il disoit: De mesme que Dieu, nostre Pere tout bon, nous a aymés si cherement qu'il nous a tous adoptés pour ses enfans, ainsy monstrez que vous estes vrayement ses enfans en vous aymant cherement les uns les autres en toute bonté de cœur..

  A010000660 

 J'ay pris d'autant plus de playsir à traitter de ce sujet aujourd'huy, que j'ay trouvé que saint Paul nous recommande cet amour du prochain avec des termes admirables dans l'Epistre que nous avons leuë à la sainte Messe, en laquelle il dit escrivant aux Ephesiens: Bien aymés, marchez en la voye de la dilection des uns envers les autres comme enfans tres chers de Dieu; marchez en icelle comme Jesus Christ y a marché, lequel a donné sa propre vie pour nous, s'offrant à Dieu son Pere en holocauste et en hostie d'odeur et de suavité.

  A010000660 

 Nostre Seigneur avoit esté, un peu court en nous enseignant par paroles comme quoy il desiroit que nous pratiquassions [267] cette sainte et tres sacrée union; c'est pourquoy son glorieux Apostre s'estend davantage à nous l'exprimer, nous exhortant à marcher en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu.

  A010000661 

 Mais à fin que nous ne cheminions point d'un pas d'enfant en cette voye de la dilection que Dieu nostre Pere nous a tant recommandée, saint Paul adjouste: Marchez-y comme Nostre Seigneur y a marché, donnant sa vie pour nous, et le reste qui s'ensuit.

  A010000661 

 Or, c'est ce qu'il ne faut nullement aymer dans le prochain, car Dieu ne le veut pas..

  A010000662 

 Mon Dieu, quelle disproportion entre les objets de ces deux amours! et cependant les commandemens sont semblables, en telle sorte que l'un ne peut subsister sans l'autre; il faut necessairement que l'un perisse ou s'accroisse en mesme temps que l'autre descroit ou augmente, ainsy que parle saint Jean..

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000664 

 C'est pourquoy nous devons faire comme Marc Antoine: nous devons acheter ces deux amours, comme jumeaux sortis tous deux des entrailles de la misericorde de nostre bon Dieu, et ce en mesme temps; car dès que Dieu crea l'homme à son image et semblance il ordonna à cet instant mesme qu'il aymeroit Dieu et son prochain aussi..

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000665 

 La loy de nature a tousjours appris ces deux preceptes au cœur de tous les hommes; de sorte que si Dieu n'en eust point parlé, tous neanmoins eussent sceu qu'ils estoyent obligés de ce faire.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000674 

 Marchons donques en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu, ainsy que nous admoneste le saint Apostre en l'Epistre d'aujourd'huy..

  A010000675 

 De ces paroles nous tirons la connoissance du degré auquel doit parvenir nostre amour mutuel et à quelle perfection il doit monter, qui est de donner les uns pour les autres ame pour ame, vie pour vie, bref tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons hors le salut; car Dieu veut que cela seul soit excepté.

  A010000679 

 C'est à ce souverain degré de perfection que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, c'est à ce degré de l'amour du prochain, dis-je, que nous sommes appellés et auquel nous devons pretendre de toutes nos forces.

  A010000679 

 Mieux vaut tousjours sans comparaison ce que l'on nous fait faire (j'entens ce qui n'est point contraire à Dieu et qui ne l'offense point), que ce que nous faisons ou choisissons de nous mesmes..

  A010000680 

 O combien ce motif est pregnant pour nous inciter à [277] l'amour de ce commandement et à son exacte observance: nous avons esté esgalement arrousés de ce sang pretieux, comme d'un ciment sacré, pour serrer et unir nos cœurs les uns aux autres! O que la bonté de nostre Dieu est grande!.

  A010000681 

 Nostre Seigneur a encores esté offert ou s'est offert pour nous à Dieu son Pere comme hostie en odeur de suavité.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000682 

 Nous sommes tous nourris d'un mesme pain, qui est ce pain celeste de la divine Eucharistie, la manducation duquel s'appellant Communion, nous represente, comme nous avons dit, la commune union que nous devons avoir ensemble, union sans laquelle nous ne meriterons pas de porter le nom d' enfans de Dieu, puisque nous ne luy sommes pas obeissans..

  A010000683 

 Mais entre tous ses preceptes il n'en est point qu'il ayt tant inculqué ni dont il ayt tesmoigné desirer une si exacte observance que celuy de l'amour du prochain; non pas que celuy de l'amour de Dieu ne le precede, mais d'autant que pour la prattique de celuy de l'amour du prochain la nature ayde moins que pour l'autre, il estoit besoin que nous y fussions excités en une façon plus particuliere..

  A010000685 

 Nostre divin Maistre est le grand Prestre sur lequel a esté incomparablement respandu cet onguent pretieux et odoriferant de la tres sainte dilection, soit envers Dieu soit envers le prochain; nous autres, nous sommes comme ses cheveux et comme autant de poils de sa barbe.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000694 

 Nostre Seigneur ayant choisi saint Pierre pour chef des ecclesiastiques, il estoit convenable qu'il vescust en celibat, d'autant que, comme escrit saint Hierosme, la vierge qui vient à se marier ne peut pas dire qu'elle soit toute à Dieu.

  A010000697 

 Mais il reprint la fievre et se courrouça contre elle en la chassant, comme s'il eust voulu dire: Comment ose-t-elle demeurer au lieu où est le Medecin et la medecine de vie? Que ne s'enfuit-elle en ma presence sans attendre que je luy en fasse le commandement? Il est escrit que Dieu se courrouça contre la mer Rouge de ce qu'elle ne s'estoit pas dessechée; comme si l'on vouloit dire: La volonté de Dieu estant que la mer Rouge fust à sec, il la reprint, l'arguant de ce qu'elle ne s'estoit dessechée avant mesme qu'il le luy eust commandé.

  A010000699 

 Or, plusieurs esprits bigearres et niais ont fait des heresies sur ces paroles, croyant, voire disant que Melchisedech n'estoit point un homme, qu'il n'avoit pas un vray corps comme nous, et luy ont quant et quant voulu attribuer la divinité, comme s'il eust esté Dieu, ce qui est faux; car, d'apres saint Paul, c'estoit un homme juste et paisible, et n'y a point de difficulté qu'il ne fust semblable aux autres.

  A010000700 

 Il y en a encores beaucoup en ce temps icy qui conduisent les ames, et d'autres à qui le Saint Esprit depart aussi de saintes et devotes pensées, lesquelles ils nous dressent pour nostre usage; car le mesme Dieu qui estoit hier est encores aujourd'huy pour faire tout autant de graces et faveurs aux hommes de cet aage comme à nos peres anciens..

  A010000704 

 Certes, cette femme est admirable en la façon qu'elle porta sa maladie corporelle, et je trouve en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy à la Messe qu'elle prattiqua un grand [287] nombre de vertus; mais celle que j'ay plus admirée c'est cette grande remise qu'elle fait d'elle mesme à la providence de Dieu et aux soins de ses superieurs.

  A010000705 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse cette bonne femme, et qu'elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent saint Pierre et saint André et ces deux autres Apostres, Jean et Jacques, lesquels procurerent sa guerison; ils prouveurent à ce qui luy estoit necessaire sans estre sollicités par cette malade, qui ne leur en parla point, ains poussés par la charité et commiseration de ce qu'elle enduroit.

  A010000708 

 O Dieu, combien y eut-il de malades en Capharnaum qui, sçachant que Nostre Seigneur, souverain Medecin, estoit là, tesmoignerent un tres grand empressement et avidité pour faire connoistre leur estat à celuy qu'ils sçavoyent les pouvoir guerir.

  A010000709 

 Les moines qui se sont consacrés au service de Nostre Seigneur, adjouste-t-il, ne doivent plus avoir soucy des maladies corporelles, mais bien des spirituelles, et pour les premieres il leur faut s'en remettre à la providence de Dieu qui les permet, et au soin des Superieurs qui ont charge d'eux.

  A010000710 

 Cecy est bien considerable; car si ce saint Pere leur eust mandé qu'il leur parloit selon son sentiment, il n'eust pas esté si austere; mais non: Je ne vous parle point, asseure-t-il, selon mon sentiment, «mais en ce que je vous dis, il me semble que j'ay l'Esprit de Dieu.».

  A010000710 

 Saint Bernard paroist bien austere en cecy, mais il l'est encores davantage en ce qu'il leur escrit par apres en la mesme epistre: Que s'il vous semble que je sois trop rigoureux, je vous diray qu'en ce que je vous dis, j'ay l'Esprit de Dieu et que c'est avec iceluy que je vous parle.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000712 

 Elle sçavoit bien que Dieu n'estoit point ni la premiere, ni la seconde, ni la troisiesme cause de sa maladie, car il ne l'est en façon quelconque, d'autant que n'estant pas la cause du peché, aussi ne l'est-il pas de la maladie.

  A010000713 

 Elle ne dit donques mot, elle ne fait aucun compte de sa maladie, elle ne s'attendrit point à la raconter, elle souffre sans se soucier qu'on la plaigne ou qu'on procure sa guerison; elle se contente que Dieu le sçache et ses superieurs qui la gouvernent.

  A010000714 

 Elle tesmoigne par là qu'elle est autant contente de l'une que de l'autre, et qu'elle ne veut point estre quitte de sa fievre que lors qu'il plaira à son Dieu.

  A010000714 

 Nostre febricitante est admirable, car non seulement elle ne publie pas son mal, elle ne s'amuse point à en parler ni ne se met en devoir d'envoyer querir le medecin; mais, chose estrange, Nostre Seigneur estant en sa mayson comme un souverain Medecin qui la pouvoit guerir, elle ne luy dit mot touchant sa maladie; voire, elle ne le veut pas regarder en qualité de medecin, ains seulement comme son Dieu à qui elle appartient et en la santé et en la maladie.

  A010000715 

 C'est assez qu'il le sçache et qu'il nous voye en nostre infirmité; il le faut laisser faire, et, sans nous mettre en devoir de pourvoir à ce qui est requis pour nostre guerison, nous abandonner à nos Superieurs et leur en laisser le soin, ne nous meslant d'autre chose que de bien porter nostre mal tant qu'il plaira à Dieu.

  A010000715 

 Il ne suffit pas d'estre malade parce que telle est la volonté de Dieu, mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut et autant et comme il luy plaist, nous remettant, pour la santé, à ce qu'il en ordonnera, sans luy rien demander.

  A010000718 

 Certes, il est bon de recourir à Dieu, mais pour l'ordinaire cela se fait avec tant d'imperfection que c'est pitié; l'on en a mesme veu commettre de notables pour ce sujet par des grans personnages, comme il arriva à un Roy de France: c'estoit Louys unziesme.

  A010000718 

 Il y a des personnes qui voudroyent, quand elles sont malades, employer tout le monde, si elles pouvoyent, pour estre gueries, et envoyent de costé et d'autre à ce que l'on prie Dieu de les delivrer de ces maladies corporelles.

  A010000723 

 Ce que considerant, la bienheureuse Sœur Marie de l'Incarnation estimoit son bonheur si grand qu'elle disoit qu'elle desireroit mourir comme ce Bienheureux, desnuée de tout appuy humain, voire mesme divin, se contentant de la grace ordinaire que Dieu donne à toutes ses creatures.

  A010000723 

 Je veux parler du bienheureux François Xavier, que l'on est sur le point de canonizer pour sa grande sainteté de vie, lequel à l'heure de la mort ne trouva ni mayson, ni viandes propres à se sustenter, car il mourut pres de la Chine, en un pauvre lieu, abandonné de tout secours humain; et au milieu de tout cela, le cœur de ce grand serviteur de Dieu se fondoit de joye de se voir reduit en tel estat.

  A010000739 

 L'histoire que la tres sainte Eglise nous represente en l'Evangile d'aujourd'huy est un tableau dans lequel sont depeints mille beaux sujets propres à nous faire admirer et louer la divine Majesté; mais ce tableau nous represente sur tout la providence admirable, tant generale que particuliere, que Dieu a pour les hommes, et nommement pour ceux qui l'ayment et qui vivent selon ses volontés dans le Christianisme..

  A010000740 

 Dieu exerce il est vray cette providence envers toutes les creatures et specialement envers les hommes, tant payens et heretiques qu'autres quels qu'ils soyent, car autrement ils periroyent indubitablement; pourtant, il faut sçavoir qu'il a une providence beaucoup plus particuliere pour ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000741 

 Je le dresse donc sur la confiance que ceux qui pretendent à la perfection doivent avoir en la Providence pour ce qui regarde les necessités spirituelles, d'autant que j'ay parlé d'autres fois, je pense en ce mesme lieu, de cette providence generale que Dieu a pour tous les hommes, et de la confiance que nous devons avoir en luy pour les choses temporelles.

  A010000741 

 O que ces troupes estoyent aymables en cette prattique si parfaite du delaissement total d'elles mesmes entre les bras de la divine Providence! N'ayons pas peur que Dieu leur manque, car il en prendra soin et en aura compassion, ainsy que nous verrons tantost en la suite de nostre discours.

  A010000742 

 Ceux cy ont une plus grande capacité que les autres pour bien entendre la parole de Dieu et estre attirés par la douceur de ses suavités.

  A010000742 

 O que c'est une bonne [299] marque à un Chrestien de se plaire à entendre la parole de Dieu et de quitter tout pour le suivre! On peut sans doute pretendre et parvenir à la perfection en demeurant au monde et faisant soigneusement ce qu'on doit faire selon sa vocation; mais pourtant c'est une chose tres certaine que le Sauveur n'exerce pas envers ceux-là une providence si speciale, ni n'en a pas une sollicitude si particuliere comme de ceux qui abandonnent encores tout le soin d'eux mesmes pour le suivre plus parfaitement.

  A010000744 

 Ayez patience, peut-on dire à ces bonnes gens, quittez un peu le soin de vous mesme et n'ayez pas peur que rien vous manque; car si vous vous confiez en Dieu il aura soin de vous et de tout ce qui sera requis à vostre perfection.

  A010000744 

 O mon Dieu, ils sont si viste cassés et recreus dès qu'ils ont un peu travaillé! Il ne leur semble jamais de parvenir assez tost à ce festin delicieux que Nostre Seigneur doit faire là haut, sur la cime de la montagne de la perfection.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000747 

 Il faut avoir une grande fidelité, mais sans anxieté ni empressement; nous servir des moyens qui nous sont donnés selon nostre vocation, et puis nous tenir en repos pour tout le reste; car Dieu, sous la conduite duquel nous nous sommes embarqués, sera tousjours attentif à nous pourvoir de ce qui nous sera necessaire.

  A010000747 

 Quand tout nous manquera, lors Dieu prendra soin de nous, et tout ne nous manquera pas, puisque nous aurons Dieu qui doit estre nostre tout..

  A010000748 

 Dieu fera plustost des miracles que de laisser sans secours, tant spirituel que temporel, ceux qui se confient pleinement en sa divine providence; mais neanmoins il veut que nous fassions de nostre costé ce qui est en nous, c'est à dire il veut que nous nous servions des moyens ordinaires pour nous perfectionner, [302] au defaut desquels il ne manquera jamais de nous secourir.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000748 

 Tandis que nous avons nos Regles, nos Constitutions, des personnes qui nous disent ce que nous devons faire, n'attendons pas que Dieu fasse des miracles pour nous conduire à la perfection, car il ne le fera pas.

  A010000749 

 Quand donc les appuis humains nous manquent, tout ne nous manque pas, car Dieu succede et prend soin de nous par sa speciale providence.

  A010000750 

 Nous ne devons pas entendre que Dieu nous tente pour nous porter au mal, car cela ne se peut, ains il tente les hommes et ses serviteurs les mieux aymés pour esprouver leur fidelité et l'amour qu'ils luy portent, à fin de leur faire accomplir quelques œuvres grandes et [303] esclattantes, comme il fit à Abraham quand il luy commanda de luy sacrifier son fils tant aymable Isaac.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000752 

 Chose estrange que de l'esprit humain: cela n'est rien! Et que voudriez-vous donques de plus? que Dieu vous envoyast un Ange pour vous consoler? O il ne le fera pas; vous n'avez pas cneores jeusné trois jours et trois nuits pour le suivre sur la montagne de la perfection, pour à laquelle parvenir il faut que vous vous oubliiez vous mesme, laissant à Dieu le soin de vous consoler ainsy que bon luy semblera, ne vous mettant en peine ni en soucy d'autre chose que d'aller apres luy en escoutant sa parole comme ce bon peuple..

  A010000753 

 Grand cas, que Dieu ayme tant l'humilité qu'il nous tente quelquefois non pour nous faire faire le mal, ains pour nous apprendre par nostre propre experience quels nous sommes, permettant que nous disions ou fassions quelque grande folie ou aucune chose qui nous donne matiere de nous abaisser.

  A010000753 

 Or, ces plaintes et ces tendretés que nous avons sur nous mesme, ces doleances, ces difficultés à la poursuite du bien commencé, qu'est-ce autre chose qu'un sujet vrayement digne de nous humilier et reconnoistre pour foibles et encores enfans en ce qui est de la vertu et de la perfection? Oh! il ne faut pas tant se regarder soy mesme, ains il faut penser en Dieu et le laisser penser en nous..

  A010000754 

 Nous pouvons bien dire: Il est vray que je n'ay nulle vertu, ni moins les conditions propres pour estre employé à telle ou telle charge; mais apres il nous faut tellement mettre nostre confiance en Dieu que nous devons croire que quand il sera necessaire que nous les ayons et qu'il se voudra servir de nous, il ne manquera pas de nous les donner, pourveu que nous nous laissions nous mesme pour nous occuper fidellement à louer et procurer que nostre prochain loue sa divine Majesté, et que sa gloire soit augmentée le plus que nous pourrons..

  A010000757 

 A la resurrection, comme se pourra-t-il faire qu'un chacun ressuscite en son mesme corps, puisque les uns [306] auront esté mangés par les vers, les autres par les bestes farouches, qui par les oyseaux, d'autres en fin auront esté bruslés et leurs cendres jettées au vent? Comme donques se pourra-t-il faire qu'en mesme temps que l'Ange appellera un chacun pour venir au jugement, tous, dis-je, en ce mesme instant, sans aucun delay, se releveront ressuscités en leur propre chair; raov, en ce corps que je porte à cette heure, lequel ressuscitera par la toute puissance de Dieu qui le produira de nouveau? car comme il ne luy a pas esté difficile de le produire tel qu'il est, il ne le sera pas davantage de le reproduire derechef..

  A010000758 

 Tandis que nous avons du pain Dieu ne fait pas des prodiges pour nous nourrir..

  A010000759 

 Mais ceux qui pretendent de suivre Nostre Seigneur jusques sur la montagne de la perfection se doivent contenter de la suffisance en tout ce qui regarde les necessités tant corporelles que spirituelles, fuyant l'abondance et la superfluité en toutes choses, demeurant contens en la simple suffisance, voire mesme en estant privés du necessaire quand il plaist à Dieu que cela arrive..

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000761 

 Dieu, comme nous avons dit, ne commanda pas à Elie dans le desert de retourner entre les Prophetes pour estre sustenté, ains il luy envoya un Ange parce qu'il estoit allé là par l'ordre de la divine Providence.

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000764 

 Apres icelle il n'y aura plus sujet de craindre ni d'avoir telles apprehensions, car Dieu aydant, nous serons en lieu de sureté.

  A010000770 

 Tous ceux qui virent ce prodige furent pleins d'estonnement et commencerent à louer et à glorifier Dieu, disant qu'il avoit visité son peuple et que ce Prophete estoit la redemption d'Israël.

  A010000772 

 C'est le propre de la bonté de se communiquer [312] car de soy mesme elle est communicative, et pour cet effect elle se sert de la misericorde et de la justice: de la premiere pour faire du bien, et de la seconde pour punir et arracher ce qui nous empesche de ressentir les effects de cette bonté de nostre Dieu dont la misericorde est sa justice, et la justice sa misericorde.

  A010000772 

 Cette bonté infinie de nostre Dieu a deux mains par lesquelles il fait toutes choses: l'une est sa misericorde, l'autre sa justice.

  A010000772 

 Tout ce que font sa misericorde et sa justice procede de sa bonté, car il est souverainement bon quand il use de sa justice comme quand il fait misericorde, il ne peut y avoir de justice ni de misericorde où il n'y a point de bonté: or, comme Dieu est tousjours en soy la bonté mesme, aussi est-il tousjours juste et misericordieux.

  A010000773 

 Les anciens disoyent que Dieu habitoit avec eux, qu'il enseignoit et instruisoit son peuple à faire ce qui estoit de ses divines volontés; neanmoins, comme le disent nos saints Peres, il n'y habitoit pas visiblement ains invisiblement.

  A010000774 

 Aussi, comme saint Hierosme l'escrit en ses epistres, la coustume de sepulturer les Chrestiens dans les eglises n'est venue qu'apres l'Incarnation du Fils de Dieu et ne s'est prattiquée que despuis la mort de Nostre Seigneur, d'autant que par cette mort nous a esté ouverte la porte du Ciel.

  A010000776 

 C'est avec une parole toute puissante que Dieu a creé le ciel et la terre, qu'il a tiré l'estre du non estre, d'autant que cette parole est operative, elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas, elle fait ce qui est.

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000777 

 Au jour du jugement, ou un peu devant iceluy, l'Archange viendra, qui par le commandement de Dieu dira: «Levez-vous, morts, venez au jugement.» Et à cette voix tous les morts ressusciteront pour estre jugés.

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000778 

 Mais comment se fait cecy? Par la vertu de la parole de Dieu.

  A010000783 

 C'est ce qui fait que les plus grans serviteurs de Dieu ont redouté ce passage comme une chose à la verité tres redoutable..

  A010000785 

 Mais remarquez comme il parle avec asseurance disant que quand il sera dissous de son corps de mort il verra Dieu, car le desir qui le travaille est de voir son Maistre.

  A010000786 

 Notez cependant que par son autre souhait il marque cette condition, à sçavoir, si c'estoit la volonté de Dieu; car, dit-il, je suis retenu d'un autre desir, qui est de demeurer parmi vous, mes tres chers enfans, parce que j'ay esté envoyé pour vous enseigner et instruire; de sorte que pendant que ma presence vous sera tant soit peu necessaire je suis pressé de ne me point separer de vous et de me priver du contentement incomparable et inexplicable que j'attens apres la mort, plustost que de vous quitter, sçachant que je vous puis estre encores utile et qu'il y a tant soit peu du bon playsir de mon Maistre.

  A010000786 

 Si donques ce grand Saint souspiroit apres la mort, c'est parce qu'il avoit asseurance de la felicité eternelle; s'il la demandoit, c'estoit entant que ce seroit la volonté de Dieu..

  A010000787 

 Mais quand vous seriez asseurés d'aller en Paradis il ne la faudroit pas desirer ni demander pour estre delivrés des miseres de ce monde, ni sans cette condition de la volonté de Dieu.

  A010000788 

 Considerez ces paroles, je vous prie: Que le jour perisse auquel je suis né, et celles qui s'ensuivent, lesquelles l'auroyent rendu [320] coulpable si Dieu n'eust pris en main sa cause, et asseuré qu'il ne pecha point en tout le temps qu'il fut reduit sur le fumier, affligé en toutes les façons qui se peuvent imaginer..

  A010000790 

 Or donques, comme Job estoit un grand amoureux de Dieu, toutes les paroles qu'il prononça sur son fumier cstoyent certes des paroles amoureuses; la flamme qui embrasoit son cœur luy faisoit faire des extravagances, mais le Seigneur, qui penetroit le fond de ce cœur, voyoit bien que ce n'estoit ni l'ennuy ni l'impatience qui le faisoit parler de la sorte, ains l'amour dont il estoit animé; car nostre cher Maistre sçait bien que c'est que d'aymer, il connoist bien le langage de l'amour, et pour ce il declare que Job n'a point peché en tout ce qu'il a dit.

  A010000793 

 Or, le grand saint Job parle amoureusement quand il dit: Que le jour perisse auquel je suis né, etc. Notez cependant que si bien par cette parole et autres semblables il paroist souhaitter et demander la [322] mort, ce n'est point toutefois qu'il manque de resignation et de sousmission à la volonté divine, car il ne la veut qu'entant qu'il plaira à Dieu; neanmoins l'amour luy fait dire ces choses d'autant qu'il souspiroit de voir Celuy qui le pressoit si fort de son amour.

  A010000794 

 C'est ce que voulut signifier Eve quand le serpent la tentant de rompre le commandement, elle luy respondit: Mais Dieu nous a dit que si nous mangions de ce fruit nous mourrions; en quoy elle monstre la crainte qu'ils avoyent de la mort.

  A010000794 

 Outre ce que nous avons deduit, nous voyons ès paroles que le Seigneur addressa à nos premiers parens au paradis terrestre que la mort est naturellement redoutée de l'homme; car quand Dieu defendit à Adam de manger du fruit de l'arbre de science, il luy dit: Je suis ton Seigneur, et pour ce il faut que tu m'obeisses; or, comme ton Seigneur, je te fais un commandement qui est que tu ne manges point du fruit de cet arbre, car si tu en manges tu mourras.

  A010000794 

 Voyla le chastiment dont Dieu menaça l'homme, comme estant le plus rude de tous et le plus contraire à sa nature.

  A010000795 

 Mais nos anciens Peres enseignent que nous devons craindre la mort sans la craindre: que veut dire cecy? C'est que, quoy qu'il faille la redouter ce ne doit pas estre d'une crainte excessive qui ne soit pas accompagnée de tranquillité; car les Chrestiens doivent marcher sous l'estendart de la providence de Dieu et estre prests à embrasser tous les effects et evenemens de cette douce providence qui sçaura bien prendre soin de nous.

  A010000796 

 Dieu a compté tous les cheveux de nostre teste, il prendra donques soin de nous.

  A010000798 

 Cela estant ainsy, que reste-t-il sinon que nous demeurions abandonnés aux evenemens de la Providence divine, ne luy demandant rien ni ne refusant rien? car je le repete, toute la perfection chrestienne consiste en ce point: ne rien demander à Dieu et ne rien refuser de Dieu; ne luy demander point la mort, mais aussi ne la point refuser quand elle viendra.

  A010000798 

 Il faut donques craindre la mort sans la craindre, c'est à dire la craindre d'une crainte tranquille et pleine d'esperance, puisque Dieu nous a laissé tant de moyens pour bien mourir, et entr'autres celuy de la contrition qui est si general qu'il peut effacer la coulpe de toute sorte de pechés.

  A010000798 

 O que bienheureux sont ceux qui seront en cette sainte indifference, et qui, en attendant ce que Dieu ordonnera d'eux, se prepareront par une bonne vie à bien mourir!.

  A010000802 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000810 

 Celuy qui est de Dieu escoute les paroles.

  A010000811 

 de Dieu; c'est pourquoy vous.

  A010000813 

 n'estes pas de Dieu..

  A010000818 

 C'est pourquoy Dieu defend au pecheur d'annoncer sa parole, comme s'il disoit: Miserable, oserois-tu bien enseigner ma doctrine par tes levres et la deshonnorer par ta mauvaise vie? Hé, comment veux-tu qu'elle soit acceptée apres avoir passé par une bouche si puante et si pleine d'infection et de meschanceté? Ja n'advienne que j'aye un tel proclamateur de mes volontés.

  A010000818 

 Quant au premier point, il est donques requis que la personne qui parle et qui annonce la parole de Dieu soit irreprochable et que sa vie soit conforme à son enseignement; autrement il ne sera pas receu ni approuvé.

  A010000820 

 Or, bien que tous les hommes soyent pecheurs, tous ne doivent pourtant pas se taire et ne point enseigner la parole de Dieu, ains seulement ceux qui menent une vie du tout contraire à cette divine parole.

  A010000821 

 Apres avoir demeuré desja longuement dans les deserts, il fut un jour inspiré de Dieu de venir à Edesse, qui estoit sa propre ville; et luy, qui avoit exposé son cœur devant la divine Majesté pour recueillir cette pretieuse rosée des inspirations celestes, et qui avoit tousjours eu une fidelité tres grande à les recevoir et à leur obeir, se rendit fort docile à celle cy..

  A010000822 

 Estant parvenu à Edesse il fit rencontre d'une femme desbauchée, rencontre qui luy causa une si grande fascherie qu'il dit en soy mesme: Mon Dieu, je vous avois prié de me faire trouver quelqu'un qui m'enseignast ce que vostre bon playsir requiert de moy, et cependant j'ay rencontré cette miserable.

  A010000822 

 Il s'achemina donc promptement du costé de la ville, laquelle voyant il luy vint en pensée que Dieu ne vouloit pas sans quelque bonne rayson qu'il y allast et quittast son hermitage.

  A010000823 

 Nous sommes donques enseignés par cette histoire comme nous ne devons pas mesestimer la parole de Dieu ni les bons enseignemens, quoy qu'ils nous soyent presentés par des personnes de mauvaise vie.

  A010000824 

 Par ainsy nous voyons que combien qu'il ne faille pas estimer ni approuver la mauvaise vie des hommes meschans et pecheurs, neanmoins nous ne devons pas mespriser la parole de Dieu qu'ils nous proposent, ains en faire nostre profit comme saint Ephrem.

  A010000825 

 Nous ne devons point regarder la personne qui nous presche ou nous enseigne, ains seulement si ce qu'elle nous dit est bon ou mauvais; car il faut demeurer asseuré que la parole de Dieu n'est ni bonne ni mauvaise à cause de celuy qui nous l'expose ou explique, ains qu'elle porte sa bonté quant et elle, sans recevoir nulle tare pour la mauvaisetie de celuy qui la prononce.

  A010000826 

 Nous devons tirer du fruit de la parole de Dieu n'importe par qui elle nous soit presentée; mais pourtant les pecheurs qui ne veulent pas s'amender, ains qui perseverent en leur meschanceté, offencent grandement en l'exposant et en proferant les louanges de la souveraine Majesté, puisqu'ils mettent cette divine parole en danger d'estre mesprisée à cause de leur mauvaise conduite.

  A010000827 

 Donques, entant que Nostre Seigneur est Dieu il estoit impossible qu'il peust pecher, et entant qu'il est homme cela ne se pouvoit non plus, parce que son ame humaine fut glorieuse en sa partie superieure dès l'instant de sa conception au ventre sacré de Nostre Dame.

  A010000827 

 Dès que l'on dit Dieu, ce mot exclut tellement le peché que jamais plus on ne doit estre en doute qu'il s'y puisse trouver.

  A010000827 

 Nostre divin Maistre parloit tres justement, car il est impossible de joindre deux choses tant esloignées, sçavoir, Dieu et le peché.

  A010000827 

 Par consequent il jouissoit en cette partie supreme de la claire veuë de la divine Majesté, veuë qui fera nostre beatitude eternelle, et de laquelle resuite necessairement une impossibilité de pecher, car il est impossible de voir Dieu sans l'aymer souverainement: aussi l'amour souverain ne peut souffrir le peché, lequel deshonnore la divine Bonté et luy est infiniment desaggreable..

  A010000828 

 Tout le bien de l'homme consiste non seulement à recevoir cette verité de la parole de Dieu, mais à demeurer en icelle, comme au contraire tout le [333] mal des Anges et des hommes provient dequoy ils sont descheus de la verité au lieu d'y demeurer..

  A010000830 

 Certes, il n'avoit pas besoin de ce lait tres delicieux pour soy mesme, non plus que les femmes du lait qu'elles ont dans leur poitrine, lequel ne leur est donné de Dieu et de la nature que pour la nourriture de leurs enfans.

  A010000831 

 L'Ange se destournant de [334] la consideration de Dieu, qui est la verité eternelle, et retirant les yeux de son entendement de dessus cet objet infiniment aymable, les abaissa soudain sur sa propre beauté estoit dependante de cette Beauté supreme laquelle il devoit regarder continuellement.

  A010000831 

 La foy luy apprenoit que tout ce qu'il avoit estoit de Dieu et qu'à luy seul est deu le souverain honneur; il destourna son entendement de la consideration de cette verité, et soudain il commit cet acte de vanité insupportable de dire: Je monteray et seray semblable au Tres Haut.

  A010000832 

 De mesme nos premiers parens, faute de rester en la verité, c'est à dire attentifs en icelle, meriterent d'estre condamnés pour tousjours, si Dieu, par le merite de son Fils, ne leur eust pardonné.

  A010000832 

 Et la pauvrette, s'amusant à escouter ces tricheries, se laissa persuader en telle sorte qu'elle attira mesme son mary à pecher et à contrevenir au commandement de Dieu en mangeant du fruit de l'arbre defendu.

  A010000832 

 Quelle plus grande verité que celle-cy, puisque Dieu mesme avoit proferé cette sentence? Mais cet ancien serpent commençant à arraisonner la femme: Hé, dit-il, ou vouloit-il dire, ne soyez pas si exacts à prendre les paroles du Seigneur à la rigueur, vous ne mourrez point.

  A010000833 

 Helas! ne voyons-nous pas que ceux qui sont fort affectionnés à ces choses si vaines et frivoles ne pensent point, ou du moins il le semble par leur mauvaise conduite, à cette verité qu'il y a un Paradis rempli de toutes sortes de consolations et de bonheur pour ceux qui vivront selon les commandemens de Dieu et qui marcheront apres luy à la suite de ses volontés? Or, ces commandemens et volontés sont tout à fait contraires à la vie qu'ils menent, car ils ne laissent point pour cela de s'adonner aux playsirs bas et caducs, quoy qu'ils voyent bien qu'ils les priveront eternellement, s'ils ne s'amendent, de la jouissance de cette felicité sans fin.

  A010000833 

 Hé, ne voit-on pas aussi combien la vanité les possede, puisqu'ils ne se tiennent point attentifs à cette verité, qu'il y a un enfer où tous les tourmens et malheurs qui se peuvent imaginer, voire qui ne se peuvent imaginer, sont assemblés pour punir ceux qui ne craindront pas Dieu en cette vie et qui ne vivront pas en l'observance de ses commandemens? Neanmoins cette consideration est grandement necessaire pour nous maintenir en nostre devoir..

  A010000834 

 Lors ces ardeurs font un brasier de desirs de plaire à cet Amant sacré, si qu'il luy semble qu'elle ne pourra jamais rien trouver de difficile à faire ou à souffrir; rien ne luy paroist impossible; les Martyrs n'ont rien fait pour Dieu au prix de ce qu'elle voudroit faire.

  A010000834 

 Mais nous ne le faisons pas, car de cette verité que nous avons apprise en l'oraison nous passons à la vanité en l'action; de là vient que nous sommes anges en l'oraison et bien souvent diables en la conversation et en l'action, offençant ce mesme Dieu que nous avons reconneu estre si aymable et si digne d'estre obei..

  A010000835 

 De mesme nous considerons que Nostre Seigneur s'est aneanti et abaissé d'un abaissement tel que nul ne le peut comprendre; sur quoy Dieu prononce cette verité en nostre cœur, que si nostre doux Sauveur s'est tant humilié pour nous donner exemple, c'est une chose toute certaine que nous devons nous humilier si profondement que nous demeurions tout abismés en la connoissance de nostre neant.

  A010000837 

 Nous la croyons bien, pourrions-nous respondre, mais nous ne l'ensuivons pas; en quoy nous ne serons nullement excusables, non plus que les payens, lesquels ayans reconneu qu'il y avoit un Dieu ne l'ont pourtant pas honnoré comme tel.

  A010000837 

 Pour obvier à cela, mes cheres ames, il nous faut sçavoir comme quoy nous devons nous disposer à ouyr et recevoir la parole de Dieu; et cecy est le troisiesme point..

  A010000838 

 Car tout ainsy que la femme qui n'aymeroit pas davantage son mary que son laquais ne l'aymeroit pas assez ni comme elle doit, non plus que l'enfant qui aymeroit son pere d'un amour esgal à celuy qu'il porteroit à son valet, de mesme celuy qui ouyroit la predication avec le mesme esprit et la mesme attention qu'il feroit un conte de recreation ou tel autre propos, ne l'entendroit pas comme il faut; et s'il prenoit un playsir esgal en l'un comme en l'autre l'on pourroit [338] dire asseurement qu'il n'aymeroit pas assez la parole de Dieu.

  A010000839 

 Faisons-en de mesme, mes cheres ames; quand nous entendons la parole de Dieu en la predication, ou que nous la lisons dans quelque livre, mettons-la sur nos testes; je ne veux pas dire visiblement et reellement, ains spirituellement.

  A010000839 

 Ne regardons jamais à la qualité de celuy qui nous annonce la sacrée parole; peu importe qu'il soit bon ou mauvais, pourveu que ce qu'il dit soit utile et conforme à nostre foy; car Dieu ne nous demandera pas si ceux qui nous ont enseignés ont esté saints ou pecheurs, ains si nous avons profité de ce qu'ils nous ont dit de sa part et si nous l'avons receu avec esprit d'humilité et de reverence..

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000840 

 L'exemple du grand saint Charles est bien remarquable pour ce sujet: il ne lisoit jamais la sainte Bible qu'à genoux, la teste nue, avec une tres grande reverence, [339] parce qu'il luy sembloit que ce fust Dieu qui luy parloit à mesure qu'il lisoit.

  A010000841 

 Vous me pourriez objecter: Mon Dieu, vous avez dit que pour bien recevoir la sainte parole et faire qu'elle ne retourne pas à nostre condamnation ains en tirer de l'utilité, il faut l'entendre avec attention, en esprit de devotion et reverence.

  A010000842 

 Or, quand on nous enseigne qu'il faut escouter la parole de Dieu avec attention, reverence et devotion, cela se doit entendre comme quand on parle de l'oraison et de tout ce qui est de la prattique spirituelle.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000843 

 Il ne faut pas non plus nous mettre en danger de nous perdre en ne demeurant pas en la verité, c'est à dire en ne vivant pas selon icelle, ou en ne nous rendant pas capables de bien l'entendre quand elle nous est proposée ou expliquée de la part de Dieu.

  A010000848 

 Or, d'autant que Dieu est le premier principe de tous les estres, il ne s'en trouve aucun qui n'ayt quelque chose de beau et d'aymable en soy; mais entant qu'ils tirent leur origine du neant, il y a en tous quelque imperfection..

  A010000848 

 Toutes les choses qui sont au monde ont deux visages parce qu'elles ont deux extractions ou deux principes: le premier est Dieu, qui est la cause premiere de tout ce qui existe; le second est le neant duquel tout a esté tiré.

  A010000849 

 Ces deux visages ne se trouvent pas seulement ès creatures raysonnables, mais en toutes les autres qui sont creées de Dieu..

  A010000849 

 La creature raysonnable est voirement creée à l'image et semblance de Dieu, qui en est la premiere cause et le souverain principe; aussi comme telle, elle est tout aymable, ains tellement aggreable que qui verroit une ame en grace et ayant conservé en soy l'image de son Createur, il en deviendroit tout amoureux et ravi comme le fut sainte Catherine de Sienne.

  A010000849 

 Or, d'autant que tout ce qui vient de Dieu est bon et aymable, aussi tout ce qu'il y a de bon et d'aymable en la creature procede de luy comme de sa premiere [342] source; de mesme, l'imperfection qui s'y rencontre vient du neant duquel elle a esté extraite.

  A010000850 

 Mais quoy que la colombe soit employée ordinairement pour nous signifier la perfection, si est-ce que je trouve en la mesme l'ecriture que l'on s'en sert pour nous faire entendre la laideur du vice et du peché; car Dieu parlant au peuple d'Ephraïm luy dit: Vous avez erré et vous vous estes fourvoyé comme la colombe qui n'a point de cœur.

  A010000853 

 Il semble donc que celles cy soyent uniques en ce point, quoy qu'elles tirent aussi bien que les autres leur extraction du rien duquel Dieu a creé toutes choses..

  A010000854 

 Entant qu'il est creé à l'image de Dieu il tient de luy tout ce qu'il a de bon; et entant qu'il est creé du rien il luy reste tousjours de l'imperfection..

  A010000854 

 Je dis seule entre toutes les pures creatures, car quant à son Fils Nostre Seigneur il n'estoit pas simple creature, estant Dieu et homme tout ensemble; je n'entens donques pas parler de luy, d'autant qu'estant la source de toutes les perfections il ne pouvoit y avoir en luy rien d'imparfait.

  A010000855 

 Cecy est tellement general qu'il ne se trouve pas seulement aux creatures humaines ains encores ès Anges, car leur perfection n'a pas esté exempte d'imperfection; l'iniquité s'est trouvée parmi eux, et Dieu les a precipités parce qu'ils s'estoyent rebellés contre luy.

  A010000855 

 Cette imperfection est que, quoy qu'ils soyent jouissans de la claire vision de Dieu, ils ne reconnoissent pas tousjours tres clairement ce qui est de sa volonté, de sorte qu'en attendant d'en avoir une plus claire connoissance ils font au plus pres qu'ils peuvent ce qu'ils jugent estre le plus conforme au divin bon playsir, combien qu'ils soyent quelquefois d'advis differens l'un de l'autre.

  A010000855 

 Et non seulement elle s'est rencontrée parmi les Anges avant qu'ils fussent confirmés en grace, mais aussi du despuis, d'autant qu'ils n'ont point esté si entierement parfaits qu'il ne leur soit resté une certaine imperfection negative, laquelle neanmoins ne les rend point desaggreables à Dieu; elle ne les peut non plus faire descheoir de la beatitude, ni leur faire commettre aucun peché, car ils sont confirmés en grace.

  A010000855 

 Il advint ainsy aux Anges gardiens des Persans et des Juifs qui desbattoyent ensemble pour ce qui estoit de l'execution de la volonté de Dieu; en quoy ils commirent une imperfection, sans toutefois pecher car ils ne le pouvoyent pas faire.

  A010000855 

 Ils ressembloyent à ceux qui contreviennent à cette sainte volonté sans le sçavoir ou connoistre; car s'ils sçavoyent que ce qu'ils font n'est pas du bon playsir de Dieu ils mourroyent plustost mille fois que de le faire.

  A010000856 

 Tous les grans Saints escrivant les vies des autres Saints ont tousjours dit ouvertement et naïfvement leurs fautes et imperfections, pensant, comme il est vray, rendre en cela autant de service à Dieu et aux Saints mesmes qu'en racontant leurs vertus.

  A010000857 

 Il est bon de voir les defauts aux vies des Saints, non seulement pour reconnoistre la bonté que Dieu a exercée en leur pardonnant, mais encores pour apprendre à les abhorrer, eviter et à en faire penitence comme eux.

  A010000860 

 Un saint Pierre a esté brusque et actif, est-ce merveille que je le sois? Cela le portoit à faire souvent des fautes; et qu'est-ce si j'en fais de mesme? Hé Dieu, voyla pas de belles raysons? Mais quelle folie est celle cy! Ne voyez-vous pas que telle sorte de gens prennent de là occasion de nourrir leurs imperfections et croupir dans leurs mauvaises habitudes?.

  A010000866 

 O Dieu, le beau jeu que celuy cy! Mais chacun ne le sçait ni ne l'ayme pas jouer.

  A010000870 

 Ce n'est certes pas sans cause qu'ils remarquent que l'asnesse avoit desja porté le faix et que l'asnon n'avoit jamais rien porté, car Dieu avoit ja chargé le peuple Juif de sa loy, tandis que [353] les Gentils ne l'avoyent pas encores receuë: Nostre Seigneur venoit donques pour leur imposer son joug, voyla pourquoy il monta l'asnon.

  A010000872 

 Dieu n'habite ni ne se repose que dans le cœur humble et simple; c'est pourquoy, voulant faire monstre de cette vertu, il a choisi cette bassesse et abjection pour le jour de son triomphe.

  A010000878 

 Oh, dit-elle au serpent, Dieu nous a defendu de regarder et toucher ce fruit; voulant donner à entendre par là que ce commandement estoit hors de rayson, rude et difficile à garder.

  A010000878 

 On conseillera à une personne de communier frequemment: O Dieu, pensera-t-elle, que dira-t-on si l'on me voit communier souvent, me confesser et faire l'oraison? Hé, que l'on dira? allez seulement faire ce que le Seigneur commande..

  A010000880 

 Certes, cette parole: Le Seigneur en a besoin est une parole generale de laquelle on doit payer tous ceux qui empeschent de faire ce qui est de la volonté de Dieu.

  A010000880 

 En somme, l'on se doit servir de cette parole pour rembarrer tous ceux qui nous veulent empescher de faire la volonté de Dieu..

  A010000882 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000895 

 Ces serpenteaux mordoyent non d'une morseure trop piquante, mais certes grandement dangereuse, car elle estoit si venimeuse qu'infailliblement tous seroyent morts si Dieu par sa bonté et providence infinie n'y eust pourveu..

  A010000895 

 Dieu ayant retiré son peuple de la servitude d'Egypte pour l'introduire en la terre de promission sous la conduite de ce grand capitaine Moyse, il survint un estrange accident; car de petits serpenteaux s'esleverent ou sortirent de terre dans le desert où estoyent les pauvres Israëlites, de sorte qu'il en fut tout rempli.

  A010000896 

 Ce que faisant ils estoyent promptement gueris; mais certes, ceux qui ne le vouloyent pas regarder mouroyent, car il n'y avoit point d'autre moyen d'eschapper à la mort que celuy là, qui estoit ordonné de Dieu mesme.

  A010000896 

 Moyse voyant ce pitoyable accident, s'addressa à Dieu pour demander quelque remede à un tel malheur.

  A010000896 

 O que le Dieu d'Israël fut bon, dit un grand Saint, de pourvoir Moyse d'un tel remede pour la guerison de son peuple!.

  A010000897 

 Ces enfans d'Israël, tirés de la servitude d'Egypte, representent bien tout le genre humain que Dieu avoit preservé du peché et placé dans cette terre de promission du paradis terrestre où il [361] nous avoit mis avec la justice originelle.

  A010000898 

 Il n'y en a point eu et il n'y en aura jamais aucune qui ose pretendre ni aspirer à un si particulier benefice, car cette grace estoit seulement deue à celle qui estoit destinée dès toute eternité à estre Mere de Dieu..

  A010000899 

 Il est mort, dit le grand Apostre escrivant aux Galates (je ne lis jamais ces paroles que je ne tremble et que je ne sois saisi de terreur), le Fils [362] de Dieu est mort pour nostre redemption, luy qui n'avoit aucun peché ni iniquité..

  A010000899 

 Or, cette piqueure estoit si venimeuse que nous en serions tous morts, et d'une mort eternelle, si Dieu, par son infinie bonté, n'eust pourveu à un si grand inconvenient, ce qu'il a fait, mais en une façon admirable, sans y estre esmeu d'autre cause que de sa pure et immense misericorde.

  A010000900 

 O que le Dieu d'Israël est bon d'avoir fourni et pourveu la nature humaine d'une telle et si pretieuse Redemption! Nous estions tous perdus sans icelle, et si Dieu ne nous eust donné ce remede nous serions tous morts, sans excepter aucune ame quelle qu'elle fust, puisque toutes avoyent peché..

  A010000901 

 Mais Dieu ne pouvoit-il point fournir au monde un autre remede que celuy de la mort de son Fils? O certes, il le pouvoit bien faire, et par mille autres moyens que celuy là; car n'estoit-il pas en sa puissance de pardonner à la nature humaine d'un pouvoir absolu et par pure misericorde, sans y faire entrevenir la justice et sans l'intermission d'aucune creature? Il le pouvoit sans doute; et qui en eust osé parler ou y trouver à redire? Personne, car il est Maistre souverain et peut tout ce qu'il luy plaist.

  A010000903 

 O Dieu, que c'est une consideration de grande utilité et proffit que celle de la Croix et de la Passion! Est-il moyen, je vous prie, de contempler en icelle l'humilité de nostre Sauveur sans devenir humble et sans avoir de l'affection aux humiliations? Peut-on voir son obeissance sans estre obeissant? O non certes, nul n'a jamais regardé Nostre Seigneur crucifié, qui soit mort ou resté malade; comme au contraire, tous ceux qui sont morts, ç'a esté pour ne l'avoir pas voulu regarder, de mesine qu'entre les enfans d'Israël ceux là moururent qui n'avoyent pas voulu considerer le serpent que Moyse avoit fait dresser sur la colonne..

  A010000904 

 Certes, encor que son cœur eust esté chatouillé par les discours et raysons de cet esprit infernal et qu'en suite de cela elle n'eust fait que regarder ou toucher le fruit de l'arbre de science, voire qu'elle en eust cueilli et mesme presenté à Adam son mary, ils ne seroyent pas morts pour cela, car Dieu avoit seulement dit: Si vous en mangez vous mourrez.

  A010000904 

 Ils pouvoyent donques mourir ou ne mourir pas: ils pouvoyent mourir en contrevenant au commandement de Dieu, et ne mourir pas en le gardant.

  A010000904 

 La cheute de nos premiers pere et mere au paradis [364] terrestre fut encores une figure de cecy: Dieu leur avoit donné beaucoup de fruits pour l'entretenement de leur vie; mais il y en avoit un, qui estoit le fruit de science du bien et du mal, duquel il leur avoit defendu de manger, les menaçant de la mort s'ils le faisoyent.

  A010000904 

 Mais voicy un grand accident qui survint; car le serpent infernal, sçachant qu'ils avoyent ce pouvoir, de mourir ou ne mourir pas, se resolut de les tenter et de leur faire perdre la justice originelle dont Dieu les avoit doués et enrichis, les sollicitant de manger du fruit defendu; et pour ce faire plus commodement, il print les escailles et la forme d'un serpent, et en cette sorte il tenta Eve.

  A010000905 

 C'est chose merveilleuse qu'il ayt tellement meslé la nature divine avec l'humaine que, quoy que ce soit tres asseuré que l'humanité seule a souffert et non la Divinité car elle est impassible, neanmoins quand on voit la façon avec laquelle le Sauveur a enduré, l'on ne sçait, pour ainsy parler, si c'estoit Dieu ou l'homme qui souffroit, tant les vertus qu'il prattiquoit sont admirables..

  A010000905 

 Entant que Dieu il pouvoit ne pas mourir; mais ce qui est davantage, il ne pouvoit ni souffrir ni mourir, car Dieu est impassible et immortel; et tout ainsy qu'il ne pouvoit point pecher, aussi ne pouvoit-il point mourir, d'autant que mourir est une impuissance aussi bien que pecher.

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000907 

 C'est celle que nous avons receuë en la personne de nostre premier pere Adam, en laquelle nous pouvions mourir ou ne mourir pas; car estant au paradis terrestre où se trouvoit l'arbre de vie, nous pouvions, en mangeant de son fruit, nous empescher de mourir, sous la condition neanmoins de nous abstenir du fruit [366] defendu, comme Dieu l'avoit ordonné.

  A010000908 

 Despuis que Dieu prononça la sentence de mort contre l'homme, il n'y en a eu et n'y en aura pas un qui ne meure; aucune creature humaine, quelle qu'elle soit, ne peut s'en exempter.

  A010000909 

 La troisiesme nature est celle que nous aurons au Ciel si Dieu nous fait la misericorde d'y arriver.

  A010000911 

 Dieu le Pere parla pour rendre ce tesmoignage lors que Nostre Seigneur receut le baptesme de saint Jean Baptiste au fleuve Jourdain, car on entendit alors cette voix: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel j'ay pris tout mon playsir, escoutez-le.

  A010000913 

 De plus Dieu, par le plus miserable, infidelle, traistre et desloyal homme qui fut jamais au monde, à sçavoir par la bouche de Caïphe, pour lors souverain Prestre, ne prononça-t-il pas cette parole de verité si grande qu'il estoit expedient qu'un seul homme mourust pour sauver tout le peuple? Admirable conteste que celuy de Dieu pour monstrer que veritablement son Fils estoit Sauveur et qu'il failloit qu'il mourust pour nous sauver, puisque mesme il tira cette sentence du plus detestable grand Prestre qui ayt onques esté sur terre.

  A010000913 

 Pilate fit escrire sur la croix: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs sans sçavoir ce qu'il faisoit, et, pour chose qu'on luy dist, il ne voulut oster ni permettre qu'on changeast ce tiltre; car Dieu vouloit qu'en iceluy fussent mises les deux causes de la mort de son Fils.

  A010000913 

 Voyez encores combien nostre Dieu conteste pour monstrer la verité de la vocation de son Fils: Pilate declara tant et tant de fois que Nostre Seigneur estoit innocent, qu'il ne trouvoit en luy aucune chose digne de mort, il protesta que, quoy qu'il le condamnast, il connoissoit neanmoins qu'il n'estoit pas coulpable et qu'il failloit bien qu'il y eust quelque cause qui luy estoit inconneuë.

  A010000914 

 Or, que reste-t-il à cette heure, sinon que puisque le Fils de Dieu a esté crucifié pour nous, nous crucifiions quant et luy nostre chair avec ses concupiscences? car l'amour ne se paye que par l'amour.

  A010000915 

 Ce que je vous vay dire est la chose la plus admirable qui se puisse imaginer et la plus propre à fournir une comparaison pour monstrer que Nostre Seigneur est mort à cause de nos pechés; et pour moy je pense que quand je rencontray cecy à l'ouverture de ce livre ce fut une inspiration que Dieu m'envoyoit, du moins l'ay-je toujours creu ainsy..

  A010000919 

 C'est le sacrifice de nos levres et de nostre cœur que nous presentons à Dieu tant pour nous que pour le prochain; aussi Nostre Seigneur s'en servit-il disant à son Pere: Mon Pere, pardonnez-leur parce qu'ils ne sçavent ce qu'ils font.

  A010000920 

 Il est vray que le Pere celeste portoit une grande reverence à ce Fils qui, entant que Dieu, luy est esgal et au Saint Esprit, ayant avec luy une mesme substance, sapience, puissance, bonté et infinie immensité; c'est pourquoy, le regardant comme son Verbe, le Pere ne luy pouvoit rien refuser.

  A010000920 

 Mais, mon Dieu, quelle charité ardente estoit celle cy et quelle puissance avoit une telle priere! Certes, les prieres de Nostre Seigneur estoyent si efficaces et si meritoires que rien ne luy pouvoit estre refusé; et pour ce il fut exaucé, comme dit le grand Apostre, à cause de la reverence que le Pere luy portoit.

  A010000922 

 Jesus Christ fit donques cette priere à son Pere; mais avec quelle reverence! Certes, la sacrée Vierge Nostre Dame a surpassé toute creature en l'humilité et respect avec lesquels elle a prié et traitté avec son Dieu; tous les Saints ont prié avec grande reverence; les colonnes du Ciel tremblent, les plus hauts Seraphins fremissent et se couvrent de leurs aisles pour l'honneur qu'ils portent à la divine Majesté; mais toutes ces humilités, tous ces honneurs, toute cette reverence que la Vierge, les Saints, tous les Anges et les Seraphins rendent à Dieu ne sont rien en comparaison de celle de Nostre Seigneur.

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000926 

 O miserable viellesse que celle cy! Que c'est une chose espouvantable de tomber entre les mains du Dieu vivant! Que ses jugemens sont inscrutables! Que celuy qui est debout craigne donques de tomber, dit l'Apostre; que personne ne se glorifie pour se voir bien appellé de Dieu, et en quelque lieu où il semble n'avoir rien à craindre.

  A010000926 

 Telles ont esté les cheutes de plusieurs qui sont descheus du service de Dieu.

  A010000927 

 Cependant nostre Sauveur inspira au cœur de Judas le mesme peccavi qu'au cœur de saint Pierre; ce mesme peccavi que Dieu avoit inspiré au cœur de David, il l'inspira à celuy des deux Apostres, et neanmoins l'un le rejetta et l'autre le receut; car saint Pierre entendant le coq chanter se resouvint de ce qu'il avoit fait et de ce que luy avoit dit son bon Maistre, et lors, reconnoissant sa faute, il sortit et pleura si amerement que pour cela il receut indulgence pleniere et remission de tous ses pechés.

  A010000930 

 Il est vray aussi que ce peccavi que Dieu envoya au cœur de Judas fut comme celuy qu'il envoya jadis au cœur de David: pourquoy donques ne se convertit-il pas? O miserable! il vit la grandeur de sa faute et se desespera.

  A010000933 

 Certes, il y a des ames qui tombent apres avoir long temps servi Dieu et estre arrivées à la montagne de la perfection.

  A010000934 

 O Dieu, que grande est l'humilité et le rabaissement avec lequel nous devons vivre sur cette terre! Mais aussi, quel sujet de bien ancrer nostre esperance et confiance en Nostre Seigneur; car si apres avoir commis des pechés tels que de le renier, de perseverer et user sa vie en des horribles forfaits et iniquités l'on trouve la remission quand on se retourne du costé de la Croix où est attachée nostre Redemption, que doit craindre le pecheur de l'une et l'autre sorte de revenir à son Dieu en la vie et en la mort? Escoutera-t-il encores cet esprit malin qui luy fait voir ses fautes telles qu'il n'en puisse recevoir le pardon? Hé, qu'il responde hardiment que son Dieu est mort pour tous, et que ceux qui regarderont la Croix, pour grans pecheurs qu'ils soyent, trouveront le salut et la redemption..

  A010000935 

 O Dieu, combien de fois nostre divin Sauveur l'offrit-il à Judas et au mauvais larron! Avec quelle patience attendit-il l'un et l'autre! Que ne fit pas le cœur sacré de ce cher Sauveur à l'endroit de celuy de Judas? combien de mouvemens, d'inspirations secrettes ne luy donna-t-il pas, tant en la cene, quand il estoit à genoux devant luy, luy lavant les pieds, qu'au jardin des Olives, lors qu'il l'embrassa et le baysa, comme aussi durant le chemin et en la mayson de Caïphe lors que ce malheureux confessa sa faute.

  A010000936 

 Donques si Nostre Seigneur remet si librement de si grans et enormes pechés, voire s'il offre mesme le pardon aux obstinés et les attend à penitence avec tant de patience, o Dieu que ne fera-t-il à celuy qui le luy demande, et avec quel cœur ne recevra-t-il pas le penitent contrit?.

  A010000936 

 Helas! ce miserable, en refusant ainsy le salut, [379] ne meritoit-il pas que Dieu le precipitast à l'instant dans les enfers? Mais il ne le fit point, ains l'attendit à penitence jusques à ce qu'il expirast.

  A010000937 

 O Dieu, quelles furent ses angoisses! C'est une chose inexplicable et inconcevable.

  A010000940 

 Or, quoy qu'elle aymast ce saint Apostre d'un tel et si grand amour, si ne faut-il pas croire qu'elle l'aymast comme son divin Fils, qu'elle aymoit non seulement entant qu'il estoit son Fils, mais aussi entant qu'il estoit son Dieu.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000942 

 Certes il disoit vray, car ces tenebres provenoyent de ce que le Dieu de la nature souffroit en Hierusalem..

  A010000943 

 O Dieu, combien de larmes amoureuses jetta-t-il pendant ces trois heures de meditation, combien de souspirs et sanglots! Mais helas, de combien et de quelles douleurs fut transpercé le sacré cœur de mon Sauveur! O certes, personne ne le sçait que Celuy qui les souffrit, et peut estre la sacrée Vierge Nostre Dame qui estoit au pied de la croix, à qui il les communiquoit, laquelle les ruminoit en soy mesme..

  A010000944 

 Mais d'autant que ces douleurs n'estoyent conneuës que de luy seul qui les souffroit et de sa sainte Mere à qui il les communiquoit, voulant faire voir à tout le monde qu'il n'estoit pas là sans souffrir, il cria tout haut en se plaignant à son Pere eternel, de sorte qu'il fut entendu de tous: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'avez-vous delaissé?.

  A010000945 

 Mais la partie inferieure fut tellement abandonnée de tout secours humain et divin, que se trouvant privée de toute consolation et sentant les douleurs du corps et de l'esprit avec toute l'aspreté et rigueur qui se puisse souffrir, il se plaignit disant: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? pour faire entendre à tous la vehemente douleur qu'il enduroit alors.

  A010000945 

 O Dieu, combien estoyent grandes les angoisses de sa tres sainte ame qui estoit delaissée non seulement de toutes les creatures, mais encor du Pere eternel lequel avoit pour un peu retiré sa face de son Fils bien aymé! Ce ne fut point cependant qu'il endurast cette privation en la partie superieure de son ame, car elle jouissoit tousjours de la claire vision de la Divinité, estant bienheureuse dès l'instant de sa creation et n'ayant jamais esté sans cette gloire.

  A010000947 

 On luy fit aussi les plus belles offres, les plus desirables semonces qui se peuvent imaginer, d'autant que les uns luy crioyent: Toy qui te vantes d'estre Fils de Dieu, descens de la croix, et nous t'adorerons et te reconnoistrons pour tel.

  A010000947 

 Tu as dit que tu destruirois le Temple; or sus, fais maintenant quelque miracle pour ta delivrance et nous te reconnoistrons pour nostre Dieu.

  A010000948 

 Elle se peut entendre de cette soif corporelle causée parles extremes tourmens qu'il avoit soufferts toute la nuit, alteration si grande qu'elle brusloit et consumoit ses poumons et l'eust fait infailliblement mourir si Dieu ne l'eust reservé à de plus grandes souffrances.

  A010000950 

 Ha! miserables que vous estes, dit nostre Sauveur, vous demandez que je descende de ce bois pour croire en moy; c'est à sçavoir vous voulez un autre moyen de redemption que celuy que mon Pere a ordonné de toute eternité, moyen qui a esté predit par tant de Prophetes et annoncé par tant de figures; vous pretendez donc estre sauvés comme vous voulez et non comme Dieu veut.

  A010000952 

 D'autres encores veulent bien obeir, pourveu qu'on ne les contrarie point en leurs caprices; celuy cy se sousmettra à l'un, mais non pas esgalement à un autre; et peu de chose esprouve la vertu de telle sorte de gens qui obeissent en ce qu'ils veulent et non pas en ce que Dieu veut.

  A010000953 

 Ne desirez donques point de descendre de cette croix sous quelque bon pretexte que ce soit; mais puisque Dieu vous y a mis demeurez-y sans en sortir..

  A010000954 

 C'est la croix à laquelle Dieu l'a attaché, il faut donques qu'il y demeure ferme, sans croire à ce qui le pourroit provoquer d'en sortir..

  A010000954 

 Que le prelat et celuy qui a charge d'ames ne desire point d'estre destaché de cette croix à cause du tracas de [387] mille soucis et empeschemens qu'il y rencontre; ains qu'il fasse ce qui est de son devoir en son office, ayant soin des ames que Dieu luy a commises, instruisant les uns, consolant les autres, tantost parlant, tantost se taisant, donnant le temps à l'action et, quand il le doit, à la priere.

  A010000955 

 Et que l'on ne me dise pas: O Dieu, si j'avois maintenant ma liberté je ferois tant d'heures d'oraison, et peut estre j'y recevrois tant de consolations qu'à l'adventure j'y serois ravi.

  A010000955 

 Obeissez seulement, Dieu ne vous demande pas autre chose..

  A010000955 

 Que le Religieux reste constamment et fidellement cloué à la croix de sa vocation, sans jamais laisser entrer la moindre pensée qui le puisse divertir ni faire varier en l'entreprise qu'il a faitte de servir Dieu en cette maniere de vivre, ni moins qu'il n'escoute jamais ce qui le porteroit à faire ce qui seroit contraire à l'obeissance.

  A010000955 

 Si je priois à cette heure, je ferois tant que peu s'en faudroit que je n'arrachasse le cœur de Dieu pour le mettre dans le mien, ou bien je m'eslancerois en telle sorte que je mettrois la main dans le costé du Sauveur pour luy desrober son cœur.

  A010000956 

 O Dieu, il y auroit matiere à une infinité de reflexions sur ces paroles, et toutes tres utiles, mais je vous en ay parlé autrefois..

  A010000958 

 Ah! mes cheres Sœurs, si quand nous nous consacrons au service de Dieu nous commencions par remettre absolument et sans reserve nostre esprit entre ses mains, que nous serions heureux! Tout le retardement de nostre perfection ne provient que de ce defaut d'abandon; et il est vray qu'il faut par là commencer, poursuivre et finir la vie spirituelle, à l'imitation du Sauveur qui l'a fait avec une admirable perfection au commencement, au progres et à la fin de sa vie..

  A010000959 

 Il s'en trouve assez qui, venant au service de Dieu, disent bien à Nostre Seigneur: Je remets mon esprit entre vos mains, avec cette reserve neanmoins, que vous nourrirez mon cœur dans les douceurs et consolations sensibles, et que je ne souffriray point d'aridités ni de secheresses.

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000961 

 Donques, mes tres cheres Sœurs, faites ainsy et dites indifferemment de toutes choses avec nostre cher Maistre: Je remets, o mon Dieu, mon esprit entre vos mains.

  A010000961 

 Que ceux donques qui sont aux actions de la vie active n'en veuillent point sortir pour s'adonner à la [390] contemplative jusques à ce que Dieu l'ordonne, et que ceux qui contemplent ne quittent point la contemplation jusques à ce que Dieu le commande.

  A010000962 

 Demeurons sur la croix où Dieu nous a mis, prions sur icelle, voire plaignons-nous à luy de nos afflictions et aridités et disons, quand il est requis, des paroles de consolation au prochain.

  A010000962 

 Dieu nous en fasse la grace.

  A010000962 

 En somme, consommons-nous sur cette croix et accomplissons tout ce qui est des divines volontés, et en fin nous recevrons de ce grand Dieu, comme je l'en prie de tout mon cœur, et pour moy particulierement, la grace de remettre nostre esprit entre ses mains.

  A010000962 

 Si nous faisons cela nous pourrons bien dire à l'heure de nostre mort comme nostre cher Maistre: Tout est consommé; o Dieu, j'ay accompli tout ce qui estoit de vos divines volontés en tous les evenemens.

  A010000981 

 Cecy estant posé, le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous donner des maximes, comme fondemens generaux et tres asseurés par le moyen desquels nous puissions parvenir à la connoissance de la vraye perfection et à l'exercice d'icelle.

  A010000982 

 Mais celles de Dieu nous enseignent tout au contraire que [393] bienheureux sont les pauvres d'esprit, carie Royaume des cieux est à eux.

  A010000982 

 Par où nous voyons clairement que celles que Dieu est venu donner au monde sont directement opposées à celles de ce siecle et qu'elles les destruisent totalement..

  A010000983 

 Il suffit que, par un esprit d'abnegation, ils ayent un ferme propos de souffrir toutes sortes d'incommodités, travaux, peines et mesme le martyre si l'occasion s'en presentoit, plustost que de preferer aucune chose de ce monde caduc et perissable aux commandemens, au service et honneur de Dieu.

  A010000985 

 Mais la providence de Dieu est admirable en cecy, ayant voulu, par une prescience tres utile, exprimer ces mots, ce qu'il possede, pour nous enseigner que principalement et en premier lieu nous devons faire banqueroute aux choses possedées avant que de venir à l'abnegation des futures..

  A010000986 

 Helas, combien y a-t-il de mortels qui s'abusent et se trompent en ce point! Demandez à un malade pourquoy il desire la santé et ce qu'il feroit s'il venoit en convalescence? Ha, respondra-t-il, que je ferois? Je remercierois Dieu de m'avoir osté de la grande peine où j'estois et que j'endurois, et je quitterois volontiers toutes [395] sortes d'occupations pour m'adonner à son service.

  A010000986 

 Hé, mon amy, que penses-tu faire? Tu veux donner à Dieu ce que tu n'as pas.

  A010000986 

 Il est tres asseuré que les vielles gens sont proches de la mort et que les jeunes peuvent bien tost mourir; neanmoins, parlez à un jeune homme esventé et l'interrogez de l'estat de son salut: Quoy, dira-t-il, ne suffit-il pas que je dedie à Dieu mes vieux jours? Si faut-il se donner du bon temps tandis qu'on est jeune.

  A010000986 

 Miserable que tu es, tu veux donc faire present à Dieu de ce que par adventure tu n'auras jamais! Et s'il dispose de toy en tes tendres années, lesquelles tu pretens passer servant au monde, en quelle voye de salut te verras-tu reduit? O deplorable ignorance de la doctrine celeste! Lors qu'il s'agit du service de Dieu nous voulons renoncer aux choses futures pour laisser l'exercice des presentes..

  A010000990 

 En fin, parcourez [397] tant qu'il vous plaira tout ce qui est en nous, vous ne trouverez qu'une seule petite partie dont nous soyons maistres: c'est la volonté, laquelle nous possedons tellement que Dieu mesme n'a pas voulu s'en reserver le dessus, donnant à l'homme libre juridiction ou d'embrasser le mal ou de suivre le bien, si mieux il luy aggrée..

  A010000995 

 Les festes nous sont recommandées à fin de rendre à Dieu l'honneur, le culte et l'adoration que nous luy devons comme à nostre souverain Maistre et Seigneur.

  A010000998 

 Tout ce que nous devons esperer et demander à Dieu est contenu dans les sept demandes du Pater, que nous appelions communement Oraison dominicale, laquelle Nostre Seigneur nous a laissée..

  A010000999 

 Pour la troisiesme nous avons les divins commandemens, par lesquels nous sommes instruits à aymer Dieu et le prochain; car de ces deux commandemens dependent toute la Loy et les Prophetes.

  A010001000 

 De plus, il y a en icelle sept Sacremens, lesquels pourtant nous ne sommes pas obligés de prattiquer tous, ains seulement chacun selon sa vocation, comme celuy des Ordres pour les prestres et celuy du Mariage pour ceux que Dieu y a appellés.

  A010001001 

 Considerons d'abord que Dieu estant un Esprit pur et libre, voulant faire quelque chose hors de soy il crea les Anges, et ensuite Adam et Eve en estat d'innocence et de justice originelle; de plus il leur laissa leur franc arbitre, accompagné de toutes les prerogatives et privileges de grace qui se puissent desirer.

  A010001001 

 Or, vous sçavez que tous les Anges furent creés en grace, mais ils ne furent pas aussi tost confirmés en icelle, Dieu leur ayant laissé leur franc arbitre et pleine liberté.

  A010001001 

 Saint Michel voyant cela, se prit à dire: Qui est comme Dieu? et par ce moyen le renversa en l'abisme des enfers, d'autant, comme l'escrit saint Bernard, que nul ne peut estre eslevé qu'au prealable il ne se soit humilié.

  A010001002 

 Elle, ouvrant les oreilles à ce propos (car si tost qu'on parle de nous eslever il nous semble que tout nostre bien depend de cela), donna son consentement et mangea du fruit defendu, voire passa plus outre, en faisant manger à son mary, si que tous deux succomberent et desobeirent à Dieu.

  A010001002 

 Lucifer s'estant ainsy rendu rebelle contre son Createur, et par consequent contre l'image d'iceluy qui est l'homme, s'addressa à nos premiers parens, et premierement à Eve et luy parla ainsy: Si tu manges de ce fruit tu sçauras le bien et le mal et seras semblable à Dieu.

  A010001003 

 Nostre Dame et sainte Maistresse seule a esté exempte de ce mal, elle qui devoit concevoir Dieu premierement en son cœur et en son esprit avant que de le concevoir en ses chastes entrailles.

  A010001003 

 Tous les hommes naissent enfans d'ire à cause du peché originel qui les rend ennemis de Dieu; mais par le Baptesme ils sont regenerés et faits ses enfans, capables de sa grace et de l'heritage de la vie [402] eternelle.

  A010001004 

 Il est vray, mais il est Dieu aussi, et par ce moyen il est parfaitement Dieu et homme, sans separation ni distinction quelconque.

  A010001005 

 Quant à Nostre Dame, la tres sainte Vierge, elle fut conceuë par voye ordinaire de generation; mais Dieu l'ayant de toute eternité predestinée en son idée pour estre sa Mere, la garda pure et nette de toute souilleure, bien que de sa nature elle pouvoit pecher.

  A010001008 

 La mere de l'empereur Neron, ce cruel qui a tant persecuté l'Eglise de Dieu, estant en ceinte de luy, fit venir tous les enchanteurs et devins pour sçavoir ce que son fils deviendroit.

  A010001008 

 Or, si les meres ont naturellement tant de desir que leurs enfans regnent et soyent honnorés, à plus forte rayson Nostre Dame qui sçait que son Fils est son Dieu: aussi l'honneur du Fils est celuy de la Mere..

  A010001009 

 Dieu nous en fasse la grace, et de l'entendre en cette vie et en l'autre.

  A010001014 

 L'Esprit de Dieu, au contraire, dit la verité sans flatterie quelconque.

  A010001015 

 Mais, je vous prie, [406] pourquoy la font-ils sinon pour nous faire voir l'infinie misericorde de Dieu en comparaison de la misere des pecheurs? Nous trouvons qu'il est dit en la Sainte Escriture que Dieu fait son throsne de nostre misere.

  A010001018 

 Sur quoy saint Bernard replique et dit: O pauvre Thomas, pourquoy ne voulez-vous pas croire sans toucher, puisque nostre foy n'est point palpable et qu'elle ne depend point des sens? Et de vray il a rayson, ce grand Saint, d'autant que la foy est un don de Dieu qu'il infuse en l'ame humble, car elle n'habite pas en une ame pleine d'orgueil; il faut avoir l'humilité pour recevoir ce rayon de la lumiere divine qui est un don purement gratuit.

  A010001022 

 Lors tout estonné, il s'exclama et dit: O mon Seigneur et mon Dieu! et en mesme temps il fut changé et rendu fidelle, si qu'il a esté predicateur de la foy comme les autres Apostres, et apres avoir grandement travaillé pour icelle, il est à la fin mort pour cette mesme foy..

  A010001023 

 C'est un grand don de Dieu que la foy; c'est elle qui nous separe d'avec ces miserables heretiques lesquels ne veulent pas croire le Saint Sacrement de l'autel parce, disent-ils, qu'on ne voit rien, qu'on n'y touche rien.

  A010001023 

 Comme si ce que Dieu a dit n'estoit pas bien dit et bien fait, et comme s'il failloit voir et toucher pour croire..

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001025 

 Dieu nous fasse la grace de ne passer jamais à ce troisiesme degré, et si nous y passons, de nous en vouloir retirer par sa bonté et misericorde.

  A010001032 

 Le troisiesme nous le festons à la Pentecoste, jour auquel Dieu adoptant les Gentils, les fit passer de l'infidelité au bonheur d'estre ses enfans bien aymés, bonheur le plus grand que l'Eglise peust recevoir.

  A010001034 

 Si nous estions des Anges nous parlerions de Dieu bien autrement et d'une maniere bien plus excellente; mais helas, nous ne sommes qu'un peu de poussiere et des enfans qui ne sçavons ce que nous disons.

  A010001035 

 Ainsy, en Nostre Seigneur et Maistre, la Divinité a comme joint nostre nature en la sienne et Dieu nous a faits participans en quelque façon de sa Divinité, car il s'est fait homme comme nous..

  A010001035 

 Ce n'est pas pourtant à dire qu'en Jesus Christ il y ayt deux personnes, car la Divinité s'unissant à nostre humanité il fut tres parfaittement Dieu et homme au mesme instant de sa conception, sans separation quelconque.

  A010001039 

 Je vous laisse aux pieds de cette bienheureuse accouchée, à fin que, comme des sages avettes, vous ramassiez le miel et le lait qui distillent de ces saints mysteres et de ses chastes mammelles, en attendant que je vous explique le reste, si Dieu nous en fait la grace et nous en donne le temps, lequel je supplie nous benir de sa benediction.

  A010001042 

 Dieu n'est qu'un en essence; toutefois la Divinité est en trois Personnes, Pere, Fils et Saint Esprit, qui sont un seul vray Dieu.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001042 

 Toutes les œuvres de Dieu qui regardent le salut des hommes et des Anges sont attribuées d'une façon particuliere au Saint Esprit, d'autant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Les œuvres donques qui procedent de la bonté de Dieu sont attribuées au Saint Esprit parce qu'il est l'amour, c'est à dire le souspir amoureux du Pere et du Fils.

  A010001044 

 Il est dit au Livre des Nombres, chapitre VIII, que Dieu commanda à Moyse de mettre un grand chandelier d'or aupres du tabernacle, lequel portoit sept lampes pour ardre perpetuellement.

  A010001044 

 Saint Isidore et, devant luy, saint Cyrille Hierosolymitain ont dit que ce chandelier et ses sept lampes representoyent le Saint Esprit et ses sept dons: et il est vray que toute lumiere, chaleur, clarté et benediction procede du Saint Esprit, c'est à dire de Dieu entant qu'il est amour; mais cette clarté, lumiere et benediction est partagée en sept dons du Saint Esprit..

  A010001047 

 Et le Sage dit: On escrit tant de livres qu'on veut, mais l'abbregé de tous c'est la crainte de Dieu..

  A010001047 

 Initium sapientiœ timor Domini; Le commencement de la sapience c'est la crainte de Dieu, dit le Psalmiste; et en un autre lieu: Timete Dominum, omîtes sancti ejus; Craignez Dieu, o vous tous saints et esleus.

  A010001047 

 Mais quelle crainte? car il y a double crainte de Dieu, inferieure et superieure.

  A010001047 

 Or voicy donques, pour commencer à monter cette divine eschelle, que le premier don du Saint Esprit est le don de crainte de Dieu.

  A010001048 

 C'est pourquoy le saint Prophete David parlant à Dieu, au Psalme CXLIX, luy dit: Vous assujettirez sous vostre empire les rois et les grans, et les emprisonnerez avec des menottes de fer; Ad alligandos reges eorum in compedibus, et nobiles eorum in manicis ferreis..

  A010001048 

 Or, il faut sçavoir que cette crainte est double; car on craint Dieu ou entant qu'il chastie les malfaiteurs ou entant qu'il recompense les bienfaiteurs.

  A010001049 

 C'est pourquoy les philosophes, comme Platon, Aristote et les autres, ont craint et ont pensé que Dieu apres cette vie chastieroit les offences..

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 Or, la crainte de Dieu ne comprend pas seulement l'apprehension des peines d'enfer, ains elle a encores celle de perdre le Paradis.

  A010001053 

 Ce qui nous fait voir que cette crainte est bonne, et que c'est Dieu qui en est l'autheur et la met dans le cœur pour commencer par icelle nostre salut..

  A010001054 

 Le Saint Esprit donques venant au cœur luy communique le don de pieté, par lequel l'ame un tres grand honneur et respect à Dieu, accompagné d'un amour filial et d'une crainte amoureuse..

  A010001054 

 Le don de pieté est une vertu particuliere laquelle depend de la justice, qui n'est autre que l'honneur, le respect et l'amour que nous rendons non seulement à Dieu comme à nostre souverain Createur et nostre Pere tres aymable, mais encores à ceux que nous tenons pour superieurs, soit spirituels ou temporels, comme les peres, meres, prelats et magistrats.

  A010001055 

 Et c'est à cela que Dieu nous veut faire tendre, quand il veut que nous le nommions nostre Pere qui est ès cieux, en l'Oraison dominicale, nom de respect, d'amour et de crainte..

  A010001055 

 O don de pieté, riche present que Dieu fait au cœur! Bienheureux est celuy lequel a cette correspondance de cœur filial envers le cœur paternel du Pere celeste.

  A010001055 

 Quand l'ame a eu la crainte de perdre le Paradis dont je vous ay parlé, elle passe outre et dit: Quand il n'y auroit point de Paradis, Dieu est mon Pere: il m'a creée, me conserve, me nourrit et me donne toutes choses, et partant je le veux aymer, honnorer et servir.

  A010001056 

 Ainsy devons nous faire, mes cheres Sœurs, envers Dieu, le reverant comme nostre Pere, le servant avec amour, sans apprehension des supplices ni pretention des recompenses, nous laissant porter entre les bras de sa sainte providence tout ainsy qu'il luy plaira.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001058 

 Dieu sçait le mal, mais pour le detester, et le bien pour le prattiquer: Vous serez comme des dieux; Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, dit le serpent à nos premiers parens pour les tromper miserablement, leur faisant prattiquer le mal.

  A010001059 

 D'autres ont esté ignorantes, et en leur ignorance elles ont esté admirablement sçavantes, comme sainte Catherine de Genes; mais la presence du Saint Esprit les rendoit sçavantes, et parce qu'elles avoyent la crainte, la pieté et l'humilité, Dieu leur fit ce riche present du don de science qu'Eve a tant desiré, mais par orgueil, pour estre semblable à Dieu..

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001065 

 Une ame simple, prosternée devant Dieu, entendra le mystere de la tres sainte Trinité, [427] non pour le dire, ains pour en tirer des maximes pour son salut, parce que le Saint Esprit luy a communiqué le don d'entendement.

  A010001068 

 Plusieurs sçavans sont fols, mais la sapience est une science par laquelle on savoure, on gouste et penetre la bonté de la loy et les choses les plus relevées de l'Evangile, non pour en parler ou prescher, ains pour les prattiquer, et, comme l'abeille, l'ame va dessus les fleurs de la loy, sucçant le miel de la bonté de Dieu.

  A010001069 

 Que tout le reste se perde, pourveu que nous ne perdions point Dieu.

  A010001070 

 Plaise donques à la divine Majesté de nous donner le don de crainte à fin que nous le servions finalement; le don de pieté pour le reverer comme nostre Pere tres aymable; le don de science pour connoistre le bien que nous devons faire et le mal que nous devons fuir; le don de force pour surmonter courageusement toutes les difficultés que nous rencontrerons en la prattique de la vertu; le don de conseil pour discerner et choisir les moyens propres à nous perfectionner; le don d' entendement pour penetrer la beauté et l'utilité des mysteres de la foy et des maximes evangeliques, et en fin le don de sapience pour gouster combien Dieu est aymable et pour savourer et experimenter les douceurs de son incomprehensible bonté.

  A010001117 

 Vous sçaves ja qu'Abram signifie Dieu le Pere.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000203 

 Et maintenant que je suys au milieu et meillieur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation..

  A011000203 

 Mays m'ayant escript un de mes amis de l'honneur et faveur que vous aves faict a une mienne seur, je me suys persuadé que le treuveries bon de moy, auquel vous fistes tant d'acueil dernierement en ceste ville; joinct aussi que ne pouvant encores (Dieu m'en face la grace pour l'advenir) fayre paroistre [1] l'affection que j'ay de vous fayre humble service, j'ay volu (comme il s'accoustume) vous en donner souvenance par lettres.

  A011000205 

 Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays.

  A011000227 

 Je ne sais ce que Dieu veut faire de la France, car les péchés y sont très grands..

  A011000434 

 (Ce Prince a sollicité [32] lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser.

  A011000435 

 Je ne revins chez moi que lorsque je la vis beaucoup mieux, grâces à Dieu, quoiqu'elle approchât de son terme.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000484 

 Moi au contraire, mon excellent Frère, je me suis senti inondé d'une si grande joie en lisant votre lettre, que je n'aurais pu désirer aucun remède plus efficace pour rétablir ma santé, si, grâces à Dieu, elle n'eût été déjà remise.

  A011000490 

 Plût à Dieu que le bon sens y trouvât son compte! Ceci à la hâte.

  A011000535 

 J'apprends qu'il prêche avec une si grande ferveur qu'elle semble réaliser cette parole: Dieu s'élève et prend son vol, porte sur les Chérubins..

  A011000629 

 Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder en face!... [64].

  A011000647 

 Le mardi de la Pentecôte, Dieu aidant, nous ferons à Aix, [65] ainsi que vous l'écrivez, le pèlerinage convenu.

  A011000647 

 Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous dirai-je avec saint Paul, parce que votre foi est maintenant annoncée partout.

  A011000647 

 Nous ôterons les souliers de nos pieds, car nous regardons comme saint le lieu où nous nous rendons, ce lieu orné du bois très précieux sur lequel Dieu s'est montré à nos pères avec une charité bien plus ardente que dans le buisson de Moïse.

  A011000648 

 A Dieu seul en soit la gloire..

  A011000649 

 Il faut seulement que vous et nous ayons à jamais cette unique loi, d'être non seulement appelés, mais d'être en effet tous frères et enfants de Dieu..

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000797 

 O bien aimé de Dieu, que le Ciel vous soit en aide!.

  A011000830 

 Ils ne veulent pas nous écouter parce qu' ils ne veulent pas écouter Dieu.

  A011000830 

 Mais il n'en sera pas ainsi; car aussi longtemps qu'il nous sera permis par les trèves et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier, nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.

  A011000830 

 Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à Dieu: Nous ne servirons pas; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.

  A011000839 

 Ce pendant je prieray Dieu pour vostre heureuse santé et longue vie, vous suppliant tres humblement me [93] continuer en lhonneur que j'ay de vostre Reverende Paternité, et lequel je prise tant, d'estre advoüé pour.

  A011000840 

 Vostre tres humble filz selon Dieu et tres obeissant serviteur..

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000885 

 me semble que cette divine rosée de la parole de Dieu va porter chaque jour de plus heureux fruits.

  A011000912 

 Dieu me faict icy entreprendre une besoigne digne de la seule vertu de sa droitte.

  A011000921 

 Je prie Dieu quil vous doint parfaitte santé et sa grace, et me recommande bien fort a vostre bonne grace, de Madame la curiale et de vostre beaufilz et fille, attendant de bien tost aller voir mes pere et mere et leur....

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000934 

 Pleut a Dieu seulement que j'y portasse quelque mediocrité de vos perfections pour le service [de] sa divine Majesté, laquelle je prie continuer longuement en santé Vostre Paternité, a laquelle baysant les mains, je demeureray.

  A011001017 

 « Dieu mettra encore un terme au malheur présent;.

  A011001035 

 Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé, et que l' on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu, et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle..

  A011001051 

 Je suis pecheur, et rien plus, indigne tout a faict des graces que Dieu espanche sur moy.

  A011001061 

 Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys.

  A011001061 

 J'en loue Dieu mille fois, et vous remercie tres humblement de la souvenance que vous daignés avoir de si peu de chose que je suys et du desir que vous aves de me voir, que je ne pense pas pouvoir estre plus grand que celuy que j'ay de jouir de vostre præsence, quoy qu'on die que l'amitié descend plus vistement qu'elle ne monte.

  A011001062 

 Et ne faut pas penser d'apporter aucun remede a cela, car de leur apporter en jeu l'enfer, la damnation, ilz se couvrent de la bonté de Dieu; si on les presse, ilz vous quittent tout court.

  A011001065 

 Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reservant de vous dire le reste a bouche plus seurement et bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos saints conseilz et instructions, qui ne seront jamays [121] recueillys plus humblement et affectionnement que de moy.

  A011001149 

 Vous aurez reçu maintenant enfin, je pense, ma précédente lettre; plût à Dieu que j'eusse pu la remettre à notre ami Portier! Il m'aurait [133] sans doute rapporté la réponse au sujet de nos affaires du Chablais.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001218 

 Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le coffre du Seigneur; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers.

  A011001220 

 Il me reste à souhaiter que notre bon et grand Dieu conserve longuement à la république chrétienne votre vénérable vieillesse exempte d'infirmités.

  A011001263 

 En [150] implorant pour vous de Dieu notre Seigneur tout contentement, je baise humblement vos mains vénérées et je demeure,.

  A011001337 

 Pour nous, ayant grand courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement et avec joie cette lutte qui donne bon espoir..

  A011001356 

 Ces messieurs de Thonon possèdent vos premières méditations sur la Pénitence et l'Amour de Dieu.

  A011001357 

 Je profiterai de cette occasion, comme je l'ai déjà fait plus d'une fois à son égard, pour lui prêcher la parole de Dieu.

  A011001391 

 Je prie Dieu qu'il vous rende la peyne et le soin que vous prenes pour son honneur, et vous remercie tres humblement de l'affection qu'il vous plaict prendre a ce dont je vous avois prié..

  A011001393 

 Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut des ames que, selon la malice du tems et la distance des lieux, Sa Sainteté nous ouvrist par deça un peu liberalement la main de sa clemence in foro conscientiæ..

  A011001415 

 Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous presente de si signalëes occasions, et allum'en vous de [170] si sains desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001430 

 Il est du tout necessaire quil y ait un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de predicateurs, puysque pour croire il faut ouïr et l'on ne peut 0uyr sans precheur, et que ceux qui viendront icy pour precher doivent estre debrigués de tout autre soucy que de porter la parole de Dieu.

  A011001435 

 Au contraire, [il] attirera par ses prieres la benediction du Pere celeste a quicomque l'advancera, et particulierement sur Vostre Altesse qui en est la cause principale et universelle, pour la prosperité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme je dois, puysque j'ay ce bien d'estre né et nourry, ainsy que je vivray et mourray, sil plaict a sa divine bonté,.

  A011001477 

 Mais quant a la coadjutorie, toutes raysons et ma propre experience me defend de la desirer; et le [182] devoir, l'honneur et le zele que j'ay a Monseigneur le Reverendissime Evesque m'empechera tousjours de penser a l'evesché pendant que Dieu le me prestera pour Prelat, et mon incapacité, quand Dieu m'en auroit privé..

  A011001506 

 Nous devons tous, tant que nous sommes de Savoisiens, et moi particulièrement, louer Dieu et nous réjouir de l'heureux choix que Sa Sainteté fit de Votre Seigneurie pour l'accréditer en qualité de [183] Nonce apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime; car ces pauvres églises de Savoie si affligées ne pouvaient désirer un protecteur, un médecin plus zélé, plus prudent et plus compatissant.

  A011001507 

 Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y a longtemps et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle pour secourir cette province désolée en m'écrivant, et traitant si cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédicateur, suis une personne privée et peu digne de considération.

  A011001510 

 Mais le service de Dieu, de la très sainte Eglise et de Son Altesse Sérénissime exige que premièrement on rétablisse notre sainte religion, toute autre considération étant laissée de côté....

  A011001522 

 Si que le tems est venu de voir Dieu loué et le zele de Vostr'Altesse en effect, de laquelle j'attens l'ordre et provision necessaire; et la supplie tres humblement croire, quoy que peut estr'on luy die le contraire, que je ne luy escris qu'avec la realité et conscience en laquelle il faut servir son sauverain Prince et Dieu mesme..

  A011001562 

 En attendant, je prierai le Dieu éternel de vous conserver pour l'avantage de l'Eglise, et baisant respectueusement vos mains sacrées et paternelles, je demeurerai,.

  A011001589 

 Si le prince vient, j'accours aussitôt vers vous; si, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne vient pas, je ne manquerai pas de me détourner de mon chemin, s'il m'est possible, pour me rendre auprès de vous.

  A011001624 

 Je prie sans cesse le Seigneur notre Dieu de vous combler de toute sorte de contentement, demeurant,.

  A011001640 

 Je prie Dieu nostre Createur quil nous face vivr'et mourir pour son service, et vous supplie croire que je suys,.

  A011001679 

 Quant aux calomniateurs, j'espère qu'à la fin on connaîtra, et Dieu [203] le sait, combien en ceci je suis libre de toute ambition, et que, par ces quelques travaux, je ne cherche pas à être bien vu de mes supérieurs, sinon autant qu'il le faut pour remplir cette mission et d'autres semblables.

  A011001680 

 Mais pour ceci et beaucoup d'autres choses qui regardent le service de Dieu et de la sainte Eglise, j'espère que bientôt Votre Seigneurie me donnera audience selon cette bienveillance avec laquelle elle daigne m'inviter en son palais, afin que je puisse [204] m'honorer non seulement d'être, comme je le suis, votre très humble et tout dévoué, mais encore votre serviteur familier.

  A011001711 

 Ne sachant de quel côté me tourner, je supplie humblement, pour l'amour de Dieu, Votre Seigneurie de ne pas permettre que l'Avent s'achève sans que je voie Notre-Seigneur rentrer en ces contrées.

  A011001712 

 Qui sait si Dieu ne veut pas que la paix spirituelle soit la préparation et le fondement de la temporelle?.

  A011001740 

 Dieu très bon et très grand disposera de tout dans sa miséricorde.

  A011001741 

 Je partirai, s'il plaît à Dieu, après le sermon que je dois prêcher Dimanche à Thonon..

  A011001753 

 A Necy il y a eu quelque soupçon de contagion, mays ce ne sera rien, Dieu aydant.

  A011001753 

 Madame vostre mere, ma cosine, se porte tres bien, Dieu mercy.

  A011001802 

 Si Son Altesse veut en chose aucune témoigner de la piété héréditaire dans sa Maison, elle peut et doit le faire en cette occasion, avec la promptitude et la diligence si agréables à Dieu..

  A011001803 

 En attendant, je prie le Dieu éternel de bénir tant de travaux que Votre Seigneurie Illustrissime entreprend pour notre bien et pour celui de la sainte Eglise, et, baisant très humblement vos mains vénérées, je demeurerai à jamais,.

  A011001822 

 Plaise au Dieu très bon et très haut que nos péchés ne ruinent pas l'espoir d'une telle félicité!.

  A011001822 

 Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu: qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire.

  A011001857 

 Je suis bien aise que messieurs les Chevaliers estiment peu considérables les biens ecclésiastiques du Chablais, car étant si généreux, ils les cèderont volontiers pour le service de Dieu.

  A011001860 

 J'ai une certaine espérance que l'exécution de ce dessein contribuera à l'accroissement de la gloire de Dieu, à la prospérité de leurs Altesses et de ces pays.

  A011001860 

 Je loue Dieu de la bonne pensée qu'il a inspirée à Son Altesse Sérénissime de proposer à Sa Sainteté un gentilhomme si bien qualifié, ainsi que me l'écrivit Votre Seigneurie.

  A011001861 

 Plût à Dieu que ce fût Votre Seigneurie, dont je baise les mains sacrées avec un très humble respect, suppliant le Seigneur de vous combler de bonheur..

  A011001876 

 Je supplie donq Vostre Altesse commander comm'il luy plaira sur ce sujet, et priant Dieu tres affectionnement pour sa santé, je m'honnoreray du bien que j'ay d'estr'advoué,.

  A011001927 

 En fin, Dieu soit beni.

  A011001940 

 Et louant Dieu de tout mon cœur du saint zele dont je voy devoré le cœur de Vostre Altesse, je me resjouis d'estre comme je suis,.

  A011001966 

 Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Seigneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation [232] de la sainte foi catholique.

  A011001968 

 Baisant très humblement leurs mains et leur souhaitant du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement, je les prie de me tenir pour.

  A011001993 

 J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les conditions voulues; car je persiste à dire que depuis longtemps il ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février par un bourgeois de Genève.

  A011002021 

 Loué soit le Dieu éternel de la patience et du zèle qu'il vous a départis pour faire, par un modeste commencement, éclore enfin cette bénite entreprise.

  A011002022 

 Mais, comme Votre Seigneurie me l'écrit, le même Dieu qui, avec le temps, fait sortir de très grands arbres des petites semences, donnera aussi, moyennant le temps et votre travail, un accroissement convenable à ce faible commencement..

  A011002026 

 Je loue le Dieu béni de ce que Sa Sainteté a quelque intention de placer dans l'abbaye d'Abondance les réformés de Saint-Bernard, et je supplie le Seigneur lui en donner une volonté absolue pour le bien des finies.

  A011002072 

 Et parce que leur pauvreté pourroit estre secourue avec une petite piece des graines de [251] Ripaille et Filly qui sont destinees aux aumosnes, je suppliay tres humblement Vostre Altesse, a leur nom, de leur en assigner quelque portion; et selon la pieté dont Dieu l'a enrichie elle le trouva raysonnable.

  A011002074 

 Les gens du consistoire supreme de ce balliage taschent de lever a monsieur d'Avully la judicature qu'il y tient de Vostre Altesse; mays puysque ce consistoire n'est que pour la correction des meurs et qu'il n'en est faitte aucune mention au traitté de Nion, a ce que j'ay peu apprendre, comm'on ne perd pas le jugement pour se faire catholique, aussy n'en devroit on pas perdre la judicature, specialement quand elle depend de la volonté de Vostre Altesse, pour la santé de laquelle je ne cesseray de prier Dieu nostre Seigneur, comm'ayant ce bien [de] me pouvoir et devoir dire,.

  A011002106 

 Je suis retourné aujourd'hui, quatrième Dimanche de Carême, dans la paroisse de Cervens où ce peuple m'a consolé en montrant tant d'avidité pour la parole de Dieu et tant d'attention à l'écouter.

  A011002139 

 Je supplie très humblement pour l'amour de Dieu Votre Seigneurie Illustrissime de daigner me pardonner si elle n'a pas reçu de mes lettres aussi souvent qu'Elle le souhaitait; le peu de facilité que nous avons ici, moi surtout, d'en envoyer à Chambéry ou à Aoste en a été la cause principale.

  A011002141 

 Quant aux considérations faites à Rome au sujet de la conférence, elles sont vraiment très sages; j'ai écrit de très amples mémoires sur ce qu'il m'en semble, et je les ai envoyés à M. Louis de Sales, chanoine de Genève, homme expérimenté, zélé, éloquent dans la prédication, très prudent pour ce qui regarde le service de Dieu et [258] qui connaît mes pensées aussi bien que moi-même.

  A011002157 

 Ces huguenotz ont intention de priver monsieur d'Avully de la judicature du supreme consistoire parce qu'il est catholique; mais puysque cecy ne touche en rien au traitté de Nion et qu'il a esté institué en cest office par [263] Vostre Altesse, je cuyde que ce soit pour l'honneur de Dieu et de Vostre Altesse qu'il y soit expressement continué.

  A011002158 

 Ainsy ne cessé-je de demander a Vostre Altesse, mays je ne cesse aussi de demander a Dieu qu'il la conserve longuement en tres parfaitte santé, puysque j'ay l'honneur d'estre,.

  A011002191 

 Je loue le Seigneur de ce qu'il a donné à Sa Sainteté l'intention de rendre au service de Dieu et des âmes les revenus des cures, ainsi que le demande la justice.

  A011002286 

 Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse.

  A011002288 

 Plût à Dieu qu'il eût aussi l'inspiration de demander la même liberté pour la ville de Genève, ce que peut-être il ne serait pas impossible d'obtenir en traitant l'affaire un peu énergiquement.

  A011002289 

 Que le Seigneur notre Dieu en soit loué!.

  A011002291 

 Je prie le Seigneur notre Dieu de donner à Votre Seigneurie tout [278] vrai contentement et de la conserver longtemps pour le bien et la consolation de ces petites églises si affligées, et je demeure à jamais,.

  A011002354 

 Votre Seigneurie m'encourage si fort à lui écrire souvent, que je lui parlerai librement même des choses les plus minimes (bien que dans le service de Dieu les moindres choses soient importantes), Comme au Père très affectionné de ces populations.

  A011002438 

 M gr notre Révérendissime Evêque m'a envoyé, pour faire parvenir à Votre Seigneurie, une lettre dans laquelle il vous annonce que, par la grâce de Dieu, il a recouvré la santé..

  A011002449 

 Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne, et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si [306] est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable..

  A011002463 

 Je prie Dieu quil vous conserve longuement en prosperité, et m'offre meshuy a vous pour demeurer a jamais,.

  A011002503 

 Faites moy cest honneur de croire que la nouvelle santé que Dieu me donne vous est toute acquise, puisque je suis.

  A011002539 

 Après avoir été visité de la bonté de Dieu notre Seigneur par une lièvre continue, j'ai fait récemment une rechute si dangereuse que [313] pendant sept jours consécutifs on n'attendait guère autre que ma mort.

  A011002543 

 Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

  A011002544 

 Et finalement, Dieu m'ayant donné ce peu de vie qui me reste, je reconnais devoir l'employer au service de sa divine Majesté, de la sainte Eglise et tout particulièrement à me témoigner,.

  A011002557 

 Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que l'annee passee, appres plusieurs declarations de la bonne intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des gens d'Eglise qui seroient emploiés pour le service de Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le Nonce de donner chasque annee six pensions pour autant de gens d'Eglise; mais pour ne se forcer pas de premier coup, ilz ne firent ceste premiere annee la que la moytié de ce quilz avoient promis, qui fut cause de reduire les six a troys.

  A011002559 

 Je puis dire avec verité que la pluspart des vilages du balliage de Thonon sont de mesme vollonté; pour tous lesquelz je prie Dieu de tout mon cœur quil les fasse jouir des desirs quil a mis en eux, et supplie Vostre Altesse en toutte humilité qu'elle leur fasse voir la grandeur de l'affection qu'ell'a a l'honneur de Dieu, puisque l'acueil et faveur que leur simplicité recepvra de Vostre Altesse servira de mesure et de reigle a tout le reste de Chablais, et en fin mesme a ceux de la ville de Thonon, quoy quilz semblent maintenant revesches et rebelles a la lumiere.

  A011002560 

 Je pensois bien obtenir de Sa Sainteté la restitution universelle des cures des balliages, suivant l'expres consentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit, [320] si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les commandementz et le congé de Vostre Altesse.

  A011002572 

 Leur presche ne se fait pas en ceste eglise la ni en la ville, car il leur est defendu; pourquoy leur permettra on de le sonner la ou ilz ne le disent ni peuvent dire? Une cloche ne peut servir a Dieu et a Belial.

  A011002573 

 Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet.

  A011002612 

 Je les ay asseurés que Vostre Altesse a trop de fermeté et reconnoist trop bien les obligations qu'elle a a la faveur que Dieu luy a fait en ces dernieres victoires, pour vouloir accorder aux Bernois chose qui apportast aucune incommodité au service de sa divine Majesté, et que je ne croyois pas qu'il y eust personne aupres de Vostre Altesse, si mal appris de son zele et sa pieté, qui osast entreprendre d'en faire la proposition..

  A011002613 

 Ainsy prie je Dieu tout puissant qu'il la conserve tres longuement et luy face voir lous ses Estatz entierement affermis et dediés a son obeissance....

  A011002613 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse d'avoir aggreable ceste mienne responce, et l'advoüer pour la consolation de ces pauvres gens, lesquelz ne se laissent aller a ces craintes que par une grande jalousie qu'ilz ont de l'honneur de Dieu.

  A011002648 

 Dieu soit son protecteur et son conservateur!.

  A011002691 

 Mais maintenant je vois que ces lettres vieillissent; en outre, si le décret de Sa Sainteté touchant la restitution des bénéfices ne nous parvient pas avant la récolte, cette [335] affaire sera retardée jusqu'à l'année prochaine, et Dieu seul sait si nous serons en vie! Pour toutes ces raisons, j'ai donné lesdites lettres à M. le Président afin qu'il les remette à Votre Seigneurie, protectrice de l'entreprise.

  A011002695 

 Je m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres semblables; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heureux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées..

  A011002727 

 Entre les incalculables avantages spirituels que plusieurs serviteurs de Dieu espèrent de cette bénite paix, ils se promettent que le roi de France, sur l'invitation du Saint-Siège Apostolique, s'emploiera vigoureusement pour obtenir que la ville de Genève ouvre ses portes à l'exercice du culte catholique au moyen de l' Intérim, afin que le Seigneur et Prince de paix ait sa place dans une pacification si importante et tant désirée.

  A011002741 

 Je me garderay bien, Dieu aydant, d'attribuer a mes merites, qui sont ou petitz ou nulz, la faveur avec laquelle il vous plait recueillir mes importunités.

  A011002759 

 Dieu le voulust, mais je crains fort quil n'en sera rien..

  A011002783 

 Mais aussi je voudrois que personne ne perdit courage de venir pour ceste retardation, puisque la tardiveté sera recompensee d'une bien grande consolation si Dieu nous fait les graces que nous esperons..

  A011002789 

 Le R. P. Cherubin et toute la brigade des serviteurs de Dieu que nous avons icy vous salue tres affectionnement..

  A011002815 

 On en espère un très grand fruit, à la gloire de Dieu et au salut des âmes..

  A011002817 

 Soyez du reste assuré que, s'il vous plaît en agir ainsi, Dieu le regardera comme un grand service rendu à sa divine Majesté et vous en tiendra bon compte au jour du jugement.

  A011002818 

 rende donc ce service à l'honneur de Dieu.

  A011002819 

 En attendant, nous nous tiendrons assurés que, pour l'honneur de Dieu et de la Cour céleste, Votre Excellence nous accordera ce que nous lui demandons avec une ardeur et une humilité qui n'ont point d'égales.

  A011002847 

 C'est avec une joie incroyable que j'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée le lendemain de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie; j'y ai reconnu clairement combien grande est votre piété envers Dieu et votre bienveillance à notre égard.

  A011002866 

 Ceste infinité de peyne que vous aves pour l'affaire de Dieu vous sera recompensee par Celuy pour lhonneur duquel vous le faittes.

  A011002866 

 Leur religion ne merite pas ceste faveur; mais qui sçait si Dieu se veut servir de vostre courtoisie pour les faire penser a leur conscience? Ilz promettent bien quilz n'en seront pas ingratz.

  A011002867 

 Mais pour Dieu, escrivant a Son Altesse, touchés vivement un mot affin quil vienne a ces 40 [heures].

  A011002870 

 Or sus, Monsieur, je prie Dieu pour vostre santé, et suis irrevocablement.

  A011002891 

 et humble serviteur en Dieu,.

  A011002927 

 Il n'y a autre chose à demander sinon un concours actif, prompt et libéral du Saint-Siège Apostolique, afin qu'il embrasse cette entreprise du même bras favorable avec lequel il a coutume de soutenir les œuvres de Dieu.

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le 20 et 21 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant les secondes célébrées le I er et le 2 courant; je suis sûr que je vous dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de Jubilés.

  A011002932 

 Dieu nous donnera de plus réjouissantes nouvelles.

  A011002954 

 En effet, Dieu a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris [363] la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011002972 

 Je prie le Dieu très bon et très grand de conserver longuement Votre Sainteté à son Eglise.

  A011003484 

 Si ainsy estoit nous aurions tout gaigné, puis qu'elle sera toute en l'honneur du Sainct Sacrement; et non moins sil fait estat de la troisieme, laquelle je pretens faire, Dieu aydant, en l'honneur de Nostre Dame..

  A011003490 

 Aussy font ma belle mere et ma maistresse, avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous conserve, Monsieur mon Frere, a longues annees en sa grace, et nous, en la vostre..

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003593 

 Nostre santé est tres bonne en general, graces a Dieu, lequel vueille qu'ainsy soit de celle de Necy bien tost.

  A011003611 

 Tout mon train se porte bien, graces a Dieu, et sur toutz celuy que vous tenez et recognoissez pour.

  A011003631 

 Bon Dieu, que le tems m'en dure, et de vous voir et en cest acte là! l'un et l'autre sera quand il plaira a Dieu.

  A011003654 

 La seule souvenance me recree infiniment; Dieu veuille que dans un an je la puisse rafreschir par une nouvelle jouissance..

  A011003656 

 Ma maistresse et voz neveus vous en presentent autant, et du mesme cœur duquel nous prions Dieu, tous tant que nous sommes, monsieur mon Frere, pour vostre santé et prosperité..

  A011003675 

 Qu'y feriez vous, mon bon Frere? Il faut joindre encor ceste patience a tant d'autres desquelles Dieu vous a donné et le sujet et le merite en ceste vostre si saincte et digne negotiation.

  A011003676 

 Et en ceste attente, vous baisant bien humblement les mains, comm'aussy ma maistres.se avec voz neveux, sans oublier madame du Foug, monsieur le Procureur fiscal et monsieur du Crest, je prie Dieu vous donner la santé longue et contente vie..

  A011003694 

 Mais, graces a Dieu, tout va bien puisque vous avez reintegré la Messe en sa possession en un jour si solemnel, quoy que non pas si solemnellement que vous et moy eussions desiré..

  A011003696 

 Il dit que monsieur de Lullin fait merveilles, et m'asseure que si a son retour de France la chose n'est resolue il employera tout son credit pour la faire reussir a l'honneur de Dieu et a vostre contentement.

  A011003696 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est tres bien disposee a plaider vostre cause (si ainsy la faut appeller plustost que celle de Dieu) contre Messieurs de Sainct Lazare, et que luy mesme s'y est aydé, s'asseurant qu'en brief vous l'emporterez, du moins pour l'entretenement de six curés.

  A011003719 

 Dieu est bien le chef des Conseilz d'Estat, lesquelz se tiennent en ce tems par tout le monde; mais quand on vient a parler de luy et de ses affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblee, comme s'il en estoit seulement le president ou l'un des conseillers.

  A011003723 

 Ceste cy ne laissera, s'il luy plaist, d'estre pour vous deux, comme encores les tres humbles recommandations que ma maistresse et moy presentons a ses bonnes graces et a celles de Madame nostre mere, Messieurs nos freres, et Mesdemoiselles nos sœurs, priant Dieu vous donner a tous, Monsieur mon Frere, une santé longue et contente vie..

  A011003743 

 J'espere qu'avec vostre bonne ayde je pourray dans cinq mois estre pere d'un François, si ma maistresse ne me trompe, laquelle en ceste apprehension vous baise bien humblement les mains, comm'aussy je fay, et a madame du Foug et a tous ces messieurs nos communs amis, priant Dieu vous donner a tous une santé longue et contente vie..

  A011003759 

 Dieu soit loué que nous voilà tous deux a l'egal contens et en beau chemin de jouir, sil plait a Dieu, a longues annees de ceste mutuelle et incomparable amitié, laquelle se fait desja paroistre es lieux mesmes ou nous n'avons jamais esté veus ny congnus..

  A011003760 

 Dieu sçait combien je desireroys de vous y treuver, et pour combien de raisons; mais je prendray bien patience pour quelques jours, pourveu que je sois bien adverty de vostre bon portement, et que la conversation du Pere Esprit vous console parmy tant de travaux que vous continuez de prendre a cultiver ceste barbarie huguenotte, si cultiver se peut dire pour deraciner; mais je parle du terroir, non pas de la semence..

  A011004061 

 En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant; et Nous desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez.

  A011004062 

 A tant prions Dieu que vous aye en sa garde..

  A011004078 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, etc..

  A011004079 

 A tous ceux qui ces presentes verront sçavoir faisons qu'estant deuement informé du sainct zele que tres Reverend Pere en Dieu, nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur Messire Claude de Granier, Evesque de Geneve, a de faire colloquer en son Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es benefices dependantz de nostre nomination les personnes mentantes soient preferez aux aultres.

  A011004114 

 A tant je prie Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004125 

 A Reverend Pere en Dieu, le Prevost de Sainct Pierre de Geneve..

  A011004129 

 Et si bien je crois que, mes lettres receues, vous aurez changé de deliberation, si n'ay je pourtant voullu laisser de vous en donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004144 

 A tant prions Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004161 

 De quoy avons voullu vous donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde..


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000018 

 — Persévérance des convertis; grâces qu'ils reçoivent de Dieu.— Demande de diverses faveurs 20.

  A012000055 

 — Intérêt pour le monastère des Filles-Dieu.

  A012000062 

 Combien l'établissement des Carmélites en France contribuerait à la gloire de Dieu.

  A012000064 

 CLXVIII. Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu.

  A012000071 

 CLXXIV. A la Soeur de Soulfour, Novice au Monastere des Filles-Dieu.

  A012000071 

 — Ne pas subtiliser dans le service de Dieu et supporter ses propres imperfections.

  A012000080 

 Ordonnance relative au choix des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-Dieu. 107.

  A012000081 

 — Il lui serait utile de se lier avec quelques grands serviteurs de Dieu; éloge de plusieurs d'entre eux.

  A012000087 

 — Avoir de grandes prétentions au service de Dieu, mais ne pas s'étonner si elles ne peuvent être entièrement réalisées.

  A012000115 

 — Amour de Dieu et de la sainte Eglise.

  A012000116 

 En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde: s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons jaculatoires.

  A012000133 

 Marques de la volonté de Dieu dans le choix d'un directeur.

  A012000133 

 — « Lien admirable » établi par Dieu entre les deux Saints.

  A012000140 

 » — Comment on peut servir Dieu dans les maladies.

  A012000141 

 — Il faut servir Dieu à la campagne aussi bien qu'à la ville.

  A012000166 

 Désir de « voir sous la faucille de la parole de Dieu » la moisson du pays de Gex.

  A012000204 

 Et priant Dieu pour vostre longue et bonne santé, je demeure æternellement,.

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000221 

 Je vous confesse ingenuement que Dieu n'a pas permis que nous ayons esté confus dans l'examen, quoy qu'en ne regardant que moy mesme je n'attendis que cela.

  A012000298 

 Il reste que Votre très Illustre Seigneurie, de son côté, ne tarde pas à s'y rendre, afin de terminer ce qui concerne [13] le service de Dieu et des âmes dans ces bailliages de Thonon et Ternier, puisque je vois que Votre très Illustre Seigneurie a été nommée pour assister à l'exécution du Bref du Siège Apostolique..

  A012000298 

 M. le président de Rochette est en Savoie, et moi-même j'y serai bientôt, s'il plaît à Dieu.

  A012000299 

 Veuillez vous rappeler qu'il s'agit ici du service de Dieu, dans lequel toute négligence attire la malédiction, et me pardonnez si avec tant de liberté je vous invite à venir sans délai, car je me sens obligé d'agir ainsi.

  A012000323 

 Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prosperité, et vous supplie croire que vous ne sçauries donner credit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus entierement et fermement,.

  A012000370 

 Il est évident que Dieu demande de nous une très grande diligence et un grand zèle à nous employer à cette entreprise, car il accorde dans ces pays certaines grâces que l'on pourrait appeler de petits, ou plutôt de grands miracles, comme j'en donnerai connaissance à Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en serai plus sûrement informé..

  A012000371 

 J'apprends que le P. Chérubin sollicite avec zèle Sa Sainteté, et il paraît que Dieu a disposé le cœur de son Vicaire à s'occuper de cette nécessité..

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000375 

 Je prie Dieu de conserver Votre Seigneurie pour la gloire de son saint nom et l'utilité de la sainte Eglise, et lui faisant très humble révérence en baisant ses mains sacrées, je demeure éternellement,.

  A012000417 

 Dieu soit loué de ce que ces évènements se rencontrent sous le pontificat d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de Votre Seigneurie, et que l'information soit confiée à un Prélat doué de tant de sagesse comme est M gr de Vienne, qui, par la grande expérience qu'il a de nos mœurs ultramontaines, en est singulièrement capable.

  A012000417 

 Plaise à Dieu qu'on puisse dire en nos jours: Déjà la cognée est posée à la racine..

  A012000421 

 C'est en priant Dieu notre Seigneur de vous accorder la plénitude de ses grâces pour la consolation de plusieurs, et en particulier pour celle de cette province, que je baise très humblement vos mains vénérées..

  A012000493 

 Non pas que la contagion soit à Annecy, par la grâce de Dieu; mais le seul respect dû à la personne du prince exige que nul venant des lieux qui ont été infectés, encore qu'ils soient entièrement purifiés, ne se présente à la cour que longtemps après la quarantaine.

  A012000493 

 Venant de Thonon à Chambéry dans l'espoir de me rendre utile à M gr de Genève, j'ai été contraint de m'arrêter quelque temps en chemin afin d'attendre les mémoires nécessaires pour traiter en cette [31] cour différentes choses touchant le service de Dieu; car Monseigneur ne pouvait s'y rendre, vu qu'à Annecy, où il se trouvait, les communications sont interrompues avec Chambéry et avec tous les autres lieux où ira le prince.

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000502 

 En attendant je prie Dieu notre Seigneur pour la santé de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime si utile à l'Eglise.

  A012000538 

 En attendant je prie Dieu d'accorder toutes sortes de contentements à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise les mains en toute humilité, la suppliant de me pardonner si j'ose lui exposer avec tant de liberté les choses qui me sont personnelles; mais les témoignages d'extrême bienveillance tant de fois reçus m'encouragent en ces rencontres....

  A012000564 

 Si l'œuvre difficile et laborieuse de la conversion de ces provinces ne provenait de Dieu, il y a longtemps qu'elle serait ruinée; car les empêchements et les obstacles n'ont point manqué, et ils ont été en si grand nombre et de telle nature qu'ils n'auraient jamais pu [42] être surmontés par des moyens humains.

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000594 

 J'ai voulu dire ceci à Votre Seigneurie Illustrissime pour lui exposer sommairement les obstacles qui s'opposent au progrès du service de Dieu dans ces contrées.

  A012000595 

 Quant à ces bonnes populations, nous avons déjà célébré solennellement la fête de la conception avec toutes les octaves; plaise à Dieu que nous puissions célébrer la fête de l'enfantement et de la naissance, au moins en cette année du Jubilé! ... [48].

  A012000639 

 Au milieu de tant d'afflictions par lesquelles il a plu à Dieu de châtier nos péchés, il ne me reste autre chose à vous écrire sinon qu'en cette infirmité, la vertu divine s'est montrée par la constance de nos convertis de Thonon.

  A012000642 

 Je prie le Seigneur notre Dieu de vous donner tout vrai contentement, et, vous faisant très humble révérence, je baise vos mains vénérées..

  A012000659 

 Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoye les deux lettres et demeure icy au devoir que j'ay au service de mon pere, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois dans peu de jours privé de la [53] consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en la presence de ce bon pere.

  A012000659 

 Or Dieu, qui est Seigneur de nos vies, soit a jamais loué de toutes ses volontés..

  A012000697 

 Toutefois, Dieu soit loué de ce que ni parmi les anciens Catholiques, ni parmi les nouveaux convertis il n'y a eu d'autre mouvement que celui d'une plus grande ardeur et ferveur.

  A012000736 

 Je vous en supplie aussi moi-même, baisant très humblement vos mains sacrées, et priant Dieu de nous faire jouir longues années des fruits de votre protection..

  A012000802 

 Je vous demande en dernier lieu de me permettre de vous écrire quelquefois soit à Rome, soit à Bari, et de vous renseigner sur nos affaires, dont je crois que Votre Seigneurie gardera toujours un agréable souvenir, se rappelant les travaux qu'Elle leur a consacrés pour le service de Dieu.

  A012000821 

 Si ce jour s'écoulait sans que la question fût réglée, je craindrais d'être responsable du retard devant Dieu et devant les hommes.

  A012000848 

 A cet effet, M gr notre Evêque écrit à l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino, et j'ai cru devoir en avertir Votre Seigneurie Illustrissime, afin qu'Elle intervienne aussi dans une occasion si favorable.à la gloire de Dieu..

  A012000880 

 C'est en baisant très humblement les mains vénérées de Votre Seigneurie que je lui souhaite de Dieu notre Seigneur, avec tout vrai [76] contentement, un bon commencement, un meilleur progrès et une excellente fin de son importante nonciature..

  A012000895 

 J'y ay employé tout mon cœur, et espere que Dieu en aura touché quelques uns par les motifz quil luy a pleu m'inspirer.

  A012000896 

 Le saint effect de l'edit que je propose rendra tous-jours plus admirable a tous les vrays [78] Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clemence, mesme apres tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant ell'est maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu..

  A012000898 

 Mais puisque les grans princes ont soin de toutes les pieces de leurs estatz, il est raysonnable que chacune leur contribue les advis qui semblent estre pour leur service; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse, pour la singuliere debonaireté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur d'estre tousjours avoué,.

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000937 

 C'est pourquoi, avant de m'en retourner en Savoie, il m'a semblé utile de donner connaissance de cette particularité à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant très humblement d'exercer en cette occasion le saint zèle que Dieu lui a inspiré pour le bien de la sainte Eglise.

  A012000938 

 Pour toutes ces choses nous n'avons, après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre Seigneurie, à qui je baise très humblement les mains..

  A012001012 

 Je prie Dieu de vous conserver de longues années sain et sauf pour le bien des âmes..

  A012001047 

 Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder; cela y est extremement requis.

  A012001069 

 [101] Ce qu'estant, je ne m'en puis retourner que bien depesché, Dieu aydant; aussy vay je esventant certaines conjectures qui m'en font concevoir tres bonne esperance.

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001091 

 Dieu me veut exercer.

  A012001093 

 Il s'est icy parlé de guerre, mais vaynement et sans occasion; je croy que Dieu nous continuera la paix.

  A012001116 

 Ce pendant je prie Dieu, Monseigneur, qu'il comble vos souhaitz de ses graces, et vous bayse tres humblement les mains, comme fait monsieur Deage..

  A012001134 

 J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre expedition que d'esperances; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis..

  A012001174 

 Ce qu'il y a de plus considerable c'est le sommaire tres fidelle des rares et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001213 

 J'accepte tout ce que vous me donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la benediction des enfans que Dieu vous a donnés, affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence: Beatius est dare quam accipere.

  A012001214 

 Je n'ay eu la commodité des vostre despart de visiter mes dames Filles de Dieu sinon une fois en ces octaves, que je leur presentay un metz du grand festin qui se celebroit en ce tems-la; mais je me suis obligé de leur en porter un autre sur le mesme sujet.

  A012001215 

 J'ay esventé parmi les bonnes ames le desir qui vous avoit esté proposé de la Congregation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivee: Dieu fera son œuvre..

  A012001280 

 En soit ce que la providence de Dieu voudra.

  A012001332 

 Je la soumets tout entière aux ordres et au bon plaisir de Votre Sainteté, et de tout cœur je supplie Dieu, le grand rémunérateur, de vous conserver très longtemps dans une santé heureuse et inaltérable pour le bonheur de son Eglise.

  A012001351 

 Nous nous assemblâmes pour cet effet pendant quelques jours; et ce dessein ayant été mûrement examiné, nous trouvâmes qu'il était inspiré de Dieu et qu'il contribuerait à sa plus grande gloire et au salut d'un grand nombre d'âmes..

  A012001355 

 Daigne Dieu très bon et très grand conserver Votre Sainteté de très longues années pour notre consolation personnelle et pour celle de tous les gens de bien..

  A012001365 

 Je me confie neanmoins en la bonté de Dieu, qu'elle me donnera la grace de sa sainte assistance pour vous rendre le service que je desire et auquel ma naissance et mon education m'invite.

  A012001385 

 J'ay pris une telle confiance en vostre charité qu'il ne me semble plus avoir besoin de preface ou avant propos pour vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de faire maintenant, soit en presence, si jamais Dieu dispose de moy en sorte que j'aye le bien de vous revoir.

  A012001386 

 Je n'ose pas pourtant rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sinceres, mays sur tout parce que je croy fermement que c'est Dieu qui me les a donnees.

  A012001387 

 Seigneur Dieu, que je fus marry et de ce que l'on me disoit, et de l'avoir sceu seulement en un tems auquel je n'avois pas loysir d'en traitter avec vous; car je ne sçay si mon affection me trompe, mays je me persuade que vous m'eussies donné une favorable audience, et n'eussies sceu treuver mauvaise aucune remonstrance que je vous eusse faite, puisque vous n'eussies jamais descouvert en mon ame ni en tous ses mouvemens, sinon une entiere et pure affection a vostre advancement spirituel et au bien de vostre mayson..

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Je les planteray donq icy sur ce papier; Dieu les veuille conduire et addresser en vos espritz pour y servir a sa gloire..

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001392 

 » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre: ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections? On vous appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu: voules vous perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités? pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir donnee par le consentement de toute la France? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet, et l'autre devant un rat, dont la seule veuë leur fait perdre courage: cela est un grand deschet de leur generosité.

  A012001394 

 Pendant que cet Ismaël, ce soin et desir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point offensé.

  A012001395 

 Ce sont les raysons que Dieu m'a donnees pour vous prier de vouloir reformer vostre mayson touchant ces petites ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre; mays je ne puis assouvir le desir que j'en ay..

  A012001398 

 Elle estoit trop pointilleuse: si ce mal n'y estoit pas elle en devoit loüer Dieu, s'il y estoit elle le devoit corriger.

  A012001401 

 Chacun doit jetter tout son soin en Dieu, et aussi il nourrit tout le monde; mays chacun ne le jette pas en mesme degré de resignation.

  A012001401 

 Dieu veut que l'on se fie en luy chacun selon sa vocation.

  A012001401 

 Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous [146] autres ecclesiastiques devons faire; car il nous est defendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas defendu aux mondains; ni les ecclesiastiques seculiers ne sont pas obligés d'esperer en ceste mesme Providence comme les Religieux; car les Religieux y doivent esperer si fort qu'ilz n'ayent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens.

  A012001401 

 Les uns l'y jettent sous le travail et industrie que Dieu leur a donnee et par laquelle Dieu les nourrit; les autres, plus purement, sans l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela.

  A012001401 

 Or, vostre condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu sans l'ayde ni faveur d'aucune pension ni proprieté particuliere; c'est pourquoy vous les deves rejetter..

  A012001402 

 David admire comme Dieu nourrit les petitz poussins des corbeaux; aussi est ce chose admirable.

  A012001402 

 Faysons ce que nous devons, chacun selon sa condition et profession, et Dieu ne nous manquera point.

  A012001402 

 Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au desert de la Religion: ne recherchés plus les moyens mondains, esperés fermement en Dieu; il vous nourrira sans doute, quand il devroit faire pleuvoir la manne..

  A012001404 

 Je prie Dieu qu'il envoye ses Anges pour vous porter entre leurs mains, affin que vous ne heurties point aux pierres d'achoppement..

  A012001405 

 Pries Dieu par des oraisons communes et distinctes a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la grace.

  A012001405 

 Puisqu'il est le Dieu de paix, apaises vos espritz, mettes les en repos; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste.

  A012001405 

 Vous aves des-ja fait la premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté: mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres? Marchés plus avant, achevés la journee: mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la sainte Parole, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens..

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001408 

 Et je prie Dieu qu'il [151] vous donne les resolutions necessaires a vostre bien, pour la plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'effect ses vrayes filles.

  A012001409 

 Dieu soit nostre paix et consolation.

  A012001425 

 Vous verres, Dieu aydant, le reste dans peu de jours que nous nous promettons l'honneur de vostre presence et de celle de madame ma tante, ma seur, ma commere, a laquelle, pour son arrivee, je garde le baiser solemnel, si elle m'en juge encor digne.

  A012001426 

 En contrechange, je prieray toute ma vie Dieu pour vostre longue vie, santé et prosperité, et demeureray,.

  A012001441 

 C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et reception a cest evesché, de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement: l'une, de m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre; l'autre, d'avoir aggreable la requeste que je fai presenter a messieurs du Senat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte, et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie,.

  A012001458 

 Dieu vous veuille dire luy mesme en vostre cœur ce quil en desire; mais si ce bonheur m'arrivoit, je le mettrois au premier rang de ceux que j'ay eu ci devant, tout aupres de celluy que j'ay receu en vostre connoissance, car aussi en seroit ce l'accroissement et perfection.

  A012001459 

 Nostre bon Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son service..

  A012001482 

 Cependant, Monsieur, puisque vous me faittes cest honneur de vous res-jouir de ma promotion a cest evesché, faittes moy encor ceste faveur de m'assister de vos advis et prieres pour m'en bien acquitter, comme en contre-change [158] je prieray toute ma vie Dieu pour vostre santé, et me diray,.

  A012001517 

 Je désirais informer Votre Seigneurie Révérendissime de toutes ces choses, et la supplier, puisque le Seigneur notre Dieu nous a unis par une même vocation (car, à ce qu'on me dit, nous avons été préconisés le même jour), de daigner aussi, bien que j'en sois indigne, me tenir étroitement uni à Elle dans son cœur.

  A012001519 

 En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies difficiles du gouvernement des églises, et que son bon [161] Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne l'abomination de la désolation.

  A012001533 

 Dieu en soit loüé eternellement..

  A012001533 

 Dieu seul soit vostre repos et consolation.

  A012001534 

 J'ayme vostre esprit fermement parce que je pense que Dieu le veut, et tendrement parce que je le voy encores foible et jeune.

  A012001534 

 Pour responce, je vous diray premierement, que je ne veux pas que vous usies d'aucune parole de ceremonie ni d'excuse en mon endroit, puisque, par la volonté de Dieu, je vous porte toute l'affection que vous sçauries desirer et ne m'en sçaurois empescher.

  A012001536 

 Quand nous ne nous arrestons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe; car Dieu nous en donne quelquefois pour cest effect.

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par l'advis de vos superieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela, quand Dieu vous en jugera digne et capable.

  A012001540 

 Et pour vous, j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la creature; mays je pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la creature, et neanmoins de Dieu, car il me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens.

  A012001540 

 Mais quand ilz seroyent de la creature, encor ne seroyent ilz pas a rejetter, puisqu'ilz conduisent a Dieu, ou au moins qu'on les y conduit; il faudroit seulement prendre garde a ne se point laisser surprendre, selon les regles generales de l'usage des creatures..

  A012001540 

 Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle.

  A012001540 

 Voyla ma responce asses clairement, ce me semble, a laquelle j'adjouste que vous ne facies jamais de difficulté de recevoir que Dieu vous envoye a dextre ou a gauche, avec la preparation et resignation que je vous ay dite; et quand vous series la plus parfaite du monde, vous ne devries pas refuser ce que Dieu vous donne, a condition d'estre preste a le refuser si tel estoit son playsir.

  A012001541 

 Laissés vous gouverner a Dieu, ne pensés pas tant a vous mesme.

  A012001541 

 Or, je vous dis en verité, comme il est escrit au Livre des Rois: Dieu n'est ni au vent fort, ni en [166] l'agitation, ni en ces feux, mais en ceste douce et tranquille portee d'un vent presque imperceptible.

  A012001541 

 Si vous desires que je vous commande, puisque vostre Mere Maistresse le veut, je le feray volontier, et vous commanderay premierement, qu'ayant une generale et universelle resolution de servir Dieu en la meilleure façon que vous pourres, vous ne vous amusies pas a examiner et esplucher subtilement quelle est la meilleure façon.

  A012001542 

 Vous sçaves que Dieu veut en general qu'on le serve, en l'aymant sur tout, et nostre prochain comme nous mesmes; en particulier, il veut que vous gardies une Regle: cela suffit, il le faut faire a la bonne foy, sans finesse et subtilité, le tout a la façon de ce monde, ou la perfection ne reside pas; a l'humaine et selon le tems, en attendant un jour de le faire a la divine et angelique et selon l'eternité.

  A012001545 

 Il n'y a pour vous que Dieu et vous en ce monde; tout le reste ne vous doit point toucher, sinon a mesure que Dieu le vous commande et comme il le vous commande.

  A012001545 

 Je vous prie, ne regardés pas tant ça et la, tenes vostre veuë ramassee en Dieu et en vous.

  A012001545 

 Vous ne verrés jamais Dieu sans bonté, ni vous sans misere, et verrés sa bonté propice a vostre misere et vostre misere objet de sa bonté et misericorde.

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001547 

 En fin, Dieu vous a donné un pere temporel sur lequel vous pouves prendre beaucoup de consolation spirituelle; retenes ses advis comme de Dieu, car Dieu vous donnera beaucoup de benedictions par son entremise.

  A012001548 

 Si vous sçavies la grande multiplicité des affaires que j'ay et l'embarrassement ou je suis en ceste charge, vous auries pitié de moy et prieries quelquefois Dieu pour moy, et il l'auroit bien aggreable..

  A012001548 

 Tous les jours je vous presente sur l'autel avec le Filz de Dieu; j'espere que Dieu l'aura aggreable.

  A012001549 

 Je vous en supplie, et la Seur Anne Seguier, dites souvent a Dieu, comme le Psalmiste: Je suis vostre, sauvés moy, et comme la Magdeleine estant a ses piedz: Rabboni, Ah, mon Maistre; et puys, laissés le faire.

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 J'espere qu'en nos jours on verra vostre mont sacré parsemé de fleurs dignes du sang dont il a esté arrousé, et que leur odeur rendra tant de tesmoignage a la bonté de Dieu que ce sera un vray mont de martyres.

  A012001563 

 Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses..

  A012001564 

 Sur tout, je vous supplie, prevales vous de l'assistence de quelques personnes spirituelles, desquelles le choix vous sera bien aysé a Paris, la ville estant fort grande; car je vous diray, avec la liberté d'esprit que je dois employer par tout, mays particulierement en vostre endroit: vostre sexe veut estre conduit, et jamais, en aucune entreprise, il ne reuscit que par la sousmission; non que bien souvent il n'ayt autant de lumiere que l'autre, mais parce que Dieu l'a ainsy establi.

  A012001577 

 Je vous remercie de l'advis que vous me donnés touchant la resolution de messieurs de Saint Claude et du soin quil vous plait avoir de cet affaire pour la gloire de Dieu et le bien des brebis quil m'a commises.

  A012001596 

 Je voudrois que la resjouissance que vous prenés de ma promotion a ceste charge eut autant de sujet en ma capacité et suffisance comm'ell'en a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer; Dieu, par sa bonté, m'aydera et suppleera a ce qui me manque.

  A012001597 

 Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses graces, comme doit celuy qui est.

  A012001613 

 Dieu, pour le service et gloire duquel je vous le desire, vous veuille disposer luy mesme de sa main, affin que vous soyes son bon serviteur et fidelle ....

  A012001624 

 Et ce desplaysir ne nous est pas defendu, pourveu que nous le moderions par l'esperance que nous avons de ne demeurer gueres separés, mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre [177] repos, Dieu nous en faysant la grace.

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001638 

 Outre cela, Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier, qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Geneve, affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa delivrance par [179] quelque eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité; et je puis vous asseurer qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort bien son devoir..

  A012001659 

 Dieu donq soit loué en tout et par tout.

  A012001660 

 Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut secourir par toutes sortes d'instrumens; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer ceux qui sont pres de nous.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001664 

 [182] Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les desirs du service de Dieu, les uns apres les autres, et vous sentires un grand allegement..

  A012001665 

 Ayés bon courage: Cette maladie ne sera pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié par icelle.

  A012001667 

 Dieu veuille estre son protecteur en sa sortie.

  A012001667 

 Elle ne treuvera pas, peut estre, un autre monastere chez son pere comme vous aves treuvé chez le vostre; neanmoins j'espere que Dieu la fera cheminer devant luy et estre parfaitte, car j'ay confiance en la misericorde de Dieu qu'elle en fera quelque chose de mieux..

  A012001668 

 Je finis, vous priant de continuer en la resolution que vous faittes au milieu de vostre lettre quand vous dites: Je proteste devant Dieu et devant vous que je ne veux que luy et ne veux servir qu'a luy.

  A012001681 

 Et je prieray tous-jours Dieu quil luy playse de vous donner, (sic) me croyant tous-jours fidelle et affectionné au service de Vostre Excellence et de Monseigneur son filz....

  A012001708 

 Que s'il vous reste quelque difficulté, prenés en la mesme confiance [187] avec moy; je vous asseure, Monsieur, que jamais je ne me lasseray de rendre du service a vostre consolation et a vostre esprit, lequel j'espere que Dieu addressera pour le service de plusieurs autres..

  A012001710 

 Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent.

  A012001710 

 Helas, Dieu soit loué, qui vous a donné le desir de n'en faire pas de mesme; j'espere qu'il vous en donnera encor le pouvoir affin que son œuvre soit parfaitte en vous..

  A012001711 

 Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de Berulle; il est tout tel que je sçaurois desirer d'estre moy mesme.

  A012001712 

 Mais pour le lire fructueusement il ne le faut pas gourmander, ains le faut peser et priser, et chapitre apres chapitre le ruminer et appliquer a l'ame avec beaucoup de consideration et de prieres a Dieu.

  A012001718 

 Ne le faittes pas pour devenir grand predicateur, mays simplement parce que vous le deves et que Dieu le veut.

  A012001719 

 Je vous supplie de me recommander a Dieu; je vous rendray le contrechange et seray toute ma vie,.

  A012001735 

 Faittes moy cet honneur, Monsieur, que de l'en asseurer et luy presenter une tres humble reverence en mon nom, ce pendant que je prieray Dieu quil vous comble de ses graces et que je suis,.

  A012001755 

 Cependant, et moy et tous les ecclesiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre santé, et je demeureray,.

  A012001769 

 Dieu neanmoins nous fait des consolations en ce que jamais nos ennemis ne sont rencontrés quilz ne soyent battus.

  A012001769 

 J'ay de peyne, par la grace de Dieu, autant que j'en puis porter; je desire que vous m'aydies fort par vos prieres et par celles de vos amis.

  A012001788 

 Neanmoins, si vous estimes pour quelque autre rayson de devoir apporter de la difficulté en cet affaire, je vous prieray de m'en advertir, affin que j'apporte le plus que je pourray de diligence et industrie pour accommoder le tout a la gloire de Dieu, ornement de son service et vostre contentement..

  A012001804 

 Il me reste a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la premiere supplication que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour l'humble et entiere affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon Prælat decedé, duquel les merites vivent devant Dieu et en vostre souvenance..

  A012001822 

 Je receu par mon frere une de vos lettres qui me fait louer Dieu dequoy il a donné quelque lumiere a vostre esprit.

  A012001824 

 Ceux qui aspirent au pur amour de Dieu n'ont pas tant besoin de patience avec les autres comme avec eux mesmes.

  A012001825 

 Et qu'est ce a dire, la preparation de nostre cœur? Selon la sainte Parole, Dieu est plus grand que nostre cœur, et nostre cœur est plus grand que tout le monde.

  A012001825 

 Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparation de nostre cœur.

  A012001825 

 Quand nostre cœur, a part soy, en sa meditation, prepare le service qu'il doit rendre a Dieu, c'est a dire quand il fait ses desseins de servir Dieu, de l'honnorer, de servir le prochain, de faire la mortification des sens exterieurs et interieurs et semblables bons propos, en ce tems la il fait des merveilles; il fait des preparations et dispose ses actions a un degré si eminent de perfection admirable.

  A012001825 

 Toute cette preparation neanmoins n'est nullement proportionnee a la grandeur de Dieu, qui est infiniment plus grand que nostre cœur; mais aussi cette preparation est [203] ordinairement plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions exterieures..

  A012001826 

 Tout cela est fort bon, voyla des bonnes preparations; encor en faudroit il davantage pour servir Dieu selon nostre devoir.

  A012001826 

 Un esprit qui, d'un costé, considere la grandeur de Dieu, son immense bonté et dignité, ne se peut saouler de luy faire des grandes et merveilleuses preparations.

  A012001827 

 On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance; je puis bien dire: Hé, que ne suis je aussi fervent que les Seraphins pour mieux servir et louer mon Dieu! Mais je ne doy pas m'amuser a faire des desirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise perfection, disant: Je le desire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray.

  A012001828 

 Cheres imperfections, qui nous font reconnoistre nostre misere, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et nonobstant lesquelles Dieu considere la preparation de nostre cœur, qui est parfaitte..

  A012001831 

 Ayons un ferme et general propos de vouloir servir Dieu de tout nostre [205] cœur et toute nostre vie; au bout de la, n'ayons soin du lendemain.

  A012001831 

 Il faut encores en cest endroit avoir une grande confiance et resignation en la providence de Dieu.

  A012001831 

 Il faut faire provision de manne pour chasque jour, et non plus; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d'autre, et passé demain, et tous les jours de nostre pelerinage..

  A012001846 

 Je regrette tous-jours de n'avoir eu autant de bonheur pour la connoistre pendant que je fus a Paris comme j'ay de devoir maintenant a la reconnoistre; ce que je fay avec toute la sincerité que vous sçauries desirer d'un homme duquel vous aves entierement acquis le service et volonté, comme je vous supplie de croire, et de nourrir cett'amitié que vostre seule bonté a fait naistre pour m'en favoriser, tandis que de mon costé je prieray Dieu quil vous comble de ses graces, et demeureray inviolablement....

  A012001857 

 Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte.

  A012001857 

 Dieu vous a choysi pour commencer un si saint œuvre et, par la, vous a assés obligé d'en desirer et solliciter le progres et l'accomplissement.

  A012001859 

 Et cependant que j'attends l'asseurance de la reception, je prieray Dieu quil vous comble de ses benedictions, et demeureray de toute mon affection,.

  A012001896 

 Je prie Dieu cependant pour vostre santé, que je souhaitte longue et heureuse, comme doit,.

  A012001911 

 Despuis vostre despart, madame de Beaulieu a esté demandee en mariage par monsieur de Sainte Clere, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections.

  A012001912 

 C'est pourquoi ell'envoye monsieur Sapientis, auquel j'ay donné ce mot pour vous tesmoigner qu'apres avoir sceu ce dessein, et l'avoir consideré et recommandé a Dieu avec le soin que j'eusse fait pour une propre fille de ma mere, j'ay estimé qu'il estoit fort bon et sortable, et ne m'est demeuré aucune difficulté pour retenir mon jugement, que le devoir qu'ell'a d'attendre le vostre, lequel je pense ne pouvoir pas estre beaucoup dissemblable au mien..

  A012001931 

 Le R. Pere Cherubin, præsent porteur, m'a dit et fait entendre combien de zele Dieu vous a donné a l'advancement des affaires de la Sainte Maison de Thonon et le bon commencement que vous y aves fait donner.

  A012001932 

 Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition.

  A012001953 

 J'attens response, et priant Dieu qu'il vous comble de ses graces, je suis toute ma vie,.

  A012001971 

 Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur.

  A012001973 

 Dieu vous veuille donner, Messieurs, le comble de ses graces, et a moy autant de pouvoir quil m'a donné d'affection de me faire connoistre.

  A012002006 

 » Sil ne tient qu'a cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer; mais je ne puis si je ne l'ay, ni l'avoir que par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que, priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie,.

  A012002038 

 En finissant, je vous souhaite du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement..

  A012002104 

 Après Dieu, c'est le Saint-Siège Apostolique, c'est sa vigilance qui assure la stabilité de la république chrétienne.

  A012002111 

 Il apparaissait vraiment comme le prince établi par Dieu sur son peuple, pour annoncer ses préceptes, et il ne se donna du repos que le jour où les affaires changèrent de face.

  A012002111 

 Pendant les quelques mois que le prince s'occupa d'amener la conversion du pays, durant son séjour à Thonon, son cœur, par une grâce singulière, semblait être dans les mains de Dieu, tant il en suivait docilement les impressions.

  A012002111 

 Sans doute, « il est digne et juste » de rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de toutes choses le mouvement si remarquable et si profond qui s'est fait dans les âmes; mais, avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se servir surtout du duc de Savoie et de son zèle, comme du principal instrument.

  A012002112 

 A eux tous, en peu de temps, avec de grands labeurs et avec la très grande grâce de Dieu, ils achevèrent presque la sainte entreprise..

  A012002147 

 Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation.

  A012002147 

 O vive Dieu, ma bonne Mere! Il est vray que le souvenir de ce tems la produit tous-jours quelque sainte douceur a ma pensee..

  A012002217 

 Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner l'ayse que je reçois de vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent; mais le bon est qu'apres tout cela la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du contentement selon le monde et selon Dieu..

  A012002239 

 Pleut a Dieu que l'advis me fust arrivé en un tems auquel j'eusse peu regaigner ma liberté sans la perte de tant d'affaires ecclesiastiques; j'eusse bien tost treuvé la resoulution.

  A012002240 

 Le Pere Recteur me fera ce bien de vous dire plus de particularités sur ce suject, et je prieray Dieu pour vostre prosperité, demeurant sans fin,.

  A012002240 

 Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray bien tost appres Pasques, avec un dessein inviollable de ne jamais sortir du diocese, je ne dis plus sans le congé, mais bien sans le commandement de Son Altesse, et espere que les jours suyvans jugeront les precedens de [255] ma vie et que le dernier les jugera tous.

  A012002251 

 Que pleut a Dieu, Monseigneur, que les nouvelles qui courent il y a quelques moys de deça de la restitution de Gex a Vostre Altesse ne soyent autant certaines qu'elles sont desirables; j'en auroy ce particulier contentement de voir la sainte religion asseuree en tout mon diocese, sans employer ny tant de peine ni tant de soing comme je suis obligé de faire maintenant.

  A012002252 

 Je fay en toutte humilité la reverence a Vostre Altesse et prie Dieu pour sa prosperité, desirant l'honneur d'estre toutto ma vie advoüé,.

  A012002274 

 Là je travaillerai, selon que Dieu m'en donnera le moyen, à l'arrangement des affaires indiquées ci-dessus, et je rendrai compte de tout aux deux Nonces de Votre Sainteté en France et en Savoie.

  A012002293 

 Dieu, ce me semble, m'a donné a vous; je m'en asseure toutes les heures plus fort.

  A012002300 

 Je ne cesseray jamais de prier nostre bon Dieu qu'il luy plaise de parfaire en vous son saint ouvrage, c'est a dire le bon desir et dessein [263] de parvenir a la perfection de la vie chrestienne; desir lequel vous deves cherir et nourrir tendrement en vostre cœur, comme une besoigne du Saint Esprit et une estincelle de son feu divin..

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002302 

 Ce ne sont pas celles desquelles il est dit: Benissant je beniray la vefve; et ailleurs, que Dieu est le juge, protecteur et defenseur des vefves.

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002303 

 Tenes vous fort en la presence de Dieu par les moyens que vous sçaves.

  A012002304 

 Loués Dieu cent fois le jour d'estre « fille de l'Eglise, » a l'exemple de la Mere Therese qui repetoit souvent ce mot a l'heure de sa mort avec une extreme consolation.

  A012002304 

 Priés Dieu pour eux affin qu'en se sauvant ilz procurent fructueusement le salut des ames; et en cet endroit, je vous supplie de ne jamais m'oublier, puisque Dieu me donne tant de volonté de ne jamais vous oublier aussi..

  A012002319 

 A vous, Madame, qui estes mariee, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend d'eux..

  A012002320 

 Le moyen pour s'unir a Dieu ce doit estre principalement l'usage des Sacremens et l'orayson.

  A012002320 

 Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progres que vous aurés fait au service de Dieu et selon le conseil de vos peres spirituelz, vous pourres vous communier plus souvent.

  A012002322 

 Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et vostre cœur en Dieu.

  A012002322 

 Voyla les principaux moyens de se bien unir avec Dieu..

  A012002323 

 C'est l'advis de saint Paul, qui ordonne aux serviteurs de servir Dieu en leurs maistres et leurs maistres en Dieu.

  A012002323 

 Il faut considerer le prochain en Dieu, qui veut que nous l'aymions et caressions.

  A012002323 

 Il faut rapporter a ce point les oraysons et meditations, car apres avoir demandé l'amour de Dieu il faut tous-jours demander [269] celuy des prochains, et particulierement de ceux ausquelz nostre volonté n'a null'inclination..

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002326 

 Prenes-la en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entierement affectionnee a vostre bien spirituel, et qui ne desire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit.

  A012002345 

 J'ay envoyé a madame la presidente Brulart, vostre seur un escrit que je desire vous estre communiqué; non pas que celuy que je vous ay donné ne suffise pour vous et pour ce tems, mais affin que vous ayés tous-jours plus d'esclaircissement en vostre esprit, a l'advancement duquel je me sens tant obligé que je ne suis de rien plus desireux en ce monde, non seulement pour cette grande confiance que Dieu vous a donnee en mon endroit, mays [271] aussi pour celle qu'il me donne que vous servires beaucoup a sa gloire.

  A012002346 

 Mais tenes la methode que je vous ay dite, de commencer par l'exemple; et bien qu'il vous semblera prouffiter peu au commencement, ayés neanmoins de la patience, et vous verrés ce que Dieu fera.

  A012002346 

 Tenes bon et ferme en ce commencement a bien faire tous vos exercices, et prepares vous aux tentations et contradictions; car le malin esprit vous en suscitera infiniment pour empescher le bien qu'il prevoit devoir sortir de vostre resolution; mais Dieu sera vostre protecteur.

  A012002363 

 Je ne regarde qu'a la gloire de Dieu et le salut du prochain; ou cela ne peut estre procuré, je ne fay point de conference..

  A012002366 

 On me dit que Dieu a mis en vous beaucoup de dons de nature; n'en abusés pas pour forclorre ceux de la grace, et consideres attentivement les qualités de la part en laquelle vous desires conferer..

  A012002397 

 Toutes ses parties sont aggreables: la souvenance que vous avés de moy en vos prieres, car cela tesmoigne vostre charité; le memoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme, car encor que de mon costé il ni aÿe eu autre chose qu'imperfection, si est ce que ç'a tous-jours esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile; le desir que vous aves de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir.

  A012002398 

 Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est veritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guere esloignés d'affections et conceptions..

  A012002399 

 Beni soit Dieu.

  A012002399 

 Ce respect vous doit sans doute contenir en la sainte conduite a laquelle vous vous estes si heureusement rangee, mais il ne vous doit pas gehenner, ni estouffer la juste liberté que l'Esprit de Dieu donne a ceux quil possede.

  A012002402 

 Dieu nous face la grace de vivre et mourir en son amour et sil luy plait, pour son amour.

  A012002403 

 Dieu soit vostre cœur et vostre ame, Madame, et je suis.

  A012002420 

 Je vous supplie, Monsieur, d'avoir aggreable que j'attende puisque ma condition le requiert, en laquelle je prie Dieu tous les jours pour vous, et suis,.

  A012002438 

 Peu auparavant que je receusse vos lettres, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mere Therese, pour delasser mon ame des travaux de la journée, et je treuvay qu'ell'avoit fait vœu d'obeissance particuliere au P. Gracian, de son Ordre, pour faire toute sa vie ce quil luy ordonneroit qui ne seroit contraire a Dieu ni a l'obeissance des superieurs [283] ordinaires de l'Eglise et de son Ordre.

  A012002439 

 Dieu m'a donné a vous; tenes moy pour vostre en luy et m'appelles ce quil vous plaira, il n'en importe..

  A012002439 

 Faites valoir mon affection, usés de tout ce que Dieu m'a donné pour le service de vostre esprit: me voyla tout vostre, et ne penses plus sous quelle qualité ni en quel degré je le suis.

  A012002439 

 Je ne vous sçaurois pas expliquer ni la qualité ni la grandeur de cett'affection que j'ay a vostre service spirituel; mais je vous diray bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray cherement, et que tous les jours je la voy croistre et s'augmenter notablement.

  A012002441 

 Mais bien, beni soit Dieu; j'aime mieux que vous excedies en naïfveté que si vous en manquiés.

  A012002442 

 Le sachant, je m'essayeray de vous donner autant de loysir quil me sera possible, et prieray Dieu [286] particulierement affin que je vous puisse estre autant utile a toules comme je suis affectionné.

  A012002443 

 C'est le bon Jesus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu qui en est le Pere.

  A012002444 

 Vous ne voudries pour rien du monde offencer Dieu, c'est bien asses pour vivre joyeuse..

  A012002445 

 Je desire sçavoir le nom et l'aage de vos enfans, parce que je les tiens pour miens selon Dieu..

  A012002474 

 C'est pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre Béatitude pourvoit avec une très diligente sollicitude les églises cathédrales et qu'Elle veut user d'une bienveillance apostolique toute spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose, quelque chétif et indigne que je sois, la supplier de favoriser le théologien susnommé, pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le bien des âmes.

  A012002487 

 Je ne voy point d'autre moyen de servir en cette affaire le seigneur Lobet, eu esgard a la haste qu'il a de s'en retourner en Piemont, et puisque les affaires de cette Sainte Mayson ne sont pas au pouvoir de moy seul, qui, en cette occasion et en tout'autre, feray tous-jours joindre [292] ma volonté a vos desirs, comme doit celuy qui, priant Dieu pour vostre prosperité, sera toute sa vie....

  A012002518 

 Que Dieu est bon! Il connoist bien mon infirmité et ma delicatesse; c'est pourquoy il ne me permet point de seulement gouster les eaux de Mara que premierement il ne les ayt adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation..

  A012002521 

 Il laisse a part la grande multitude de mes imperfections, qui sont sans doute blasmables, et ne me censure que de celles que je n'ay point, par la grace de Dieu: d'ambition, d'oysiveté exterieure, luxe en chiens de chasse et escuries, et semblables folies, qui sont non seulement esloignees [296] de mon affection, mays incompatibles avec la necessité de mes affaires et la forme de vie que ma charge m'impose.

  A012002521 

 Or, beni soit Dieu qu'il ne sçait pas mes maladies, puisqu'il ne les voudroit guerir que par la mesdisance.

  A012002523 

 Dieu, par sa bonté, nous rende dignes de l'office auquel il nous appelle.

  A012002556 

 Je vay commencer: Dieu y veuille mettre sa bonne main..

  A012002560 

 » Cette consideration nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste specialement; et c'est merveille combien la predication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres predicateurs.

  A012002567 

 Mais au fin moins faut il estre confessé, suyvant ce que Dieu dit, au rapport de David: Peccatori autem dixit Deus: Quare tu enarras justitias meas et assumis testamentum meum per os tuum? Et saint Paul: Castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne cum aliis prædicaverim ipse reprobus efficiar.

  A012002571 

 C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres, le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consecration episcopale, ayans des-ja eu la sacerdotale le jour de la Cene, des langues de feu; affin qu'ilz sceussent que la langue de l'Evesque doit esclaircir l'entendement des auditeurs et eschauffer leurs volontés..

  A012002572 

 Car qui est cette ame tant insensible qui ne reçoive un extreme playsir d'apprendre bien et saintement le chemin du Ciel, qui ne ressente une consolation extreme de l'amour de Dieu? Et pour cette delectation, elle doit estre procuree; mais elle n'est pas distincte de l'enseigner et esmouvoir, c'en est une dependance.

  A012002573 

 Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on dist: O qu'il est grand orateur! o qu'il a une belle memoire! o qu'il est sçavant! o qu'il dit bien! Mais je voudrois que l'on dist: O que la penitence est belle! o qu'elle est necessaire! Mon Dieu, que vous estes bon, juste! et semblable chose; ou que l'auditeur, ayant le cœur saysi, ne peust tesmoigner de la suffisance du predicateur que par l'amendement de sa vie.

  A012002575 

 Il faut prescher la parole de Dieu.

  A012002576 

 Au contraire donq il faut s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a communiqué le vray sens de sa Parole..

  A012002577 

 Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile, rien de si beau? Mais aussi, qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre? Il n'y a non plus de difference entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notee et une musique chantee..

  A012002580 

 C'est un livre qui contient la parole de Dieu, mais en un langage que chacun n'entend pas.

  A012002580 

 Et des histoires naturelles? Tres bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de toutes pars cette parole; toutes ses parties chantent la louange de l'Ouvrier.

  A012002587 

 Ainsy ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo et represente naïfvement le sens litteral, qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles..

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002598 

 L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et penitence; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur..

  A012002598 

 Tropologiquement, Esaü c'est l'amour propre de nous mesmes; Jacob, l'amour de Dieu en nostre ame.

  A012002602 

 Et toy, Chrestien, tu es si tenant, si froid, si peu resolu a immoler, je ne dis pas ton filz ni ta fille, ni tous tes biens, ni une grande partie, mais un seul escu pour l'amour de Dieu a secourir les pauvres, une seule heure de tes passetems pour servir Dieu, une seule petite affection, etc..

  A012002602 

 Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obeissance d'Abraham.

  A012002614 

 Es Maries j'y voy la ferveur et diligence; es Anges, la joye et jubilation en leurs habitz blancz et en leur lumiere; es gardes je voy la foiblesse des hommes qui entreprennent contre Dieu; en Jesus je voy la gloire, le triomphe de la mort, l'esperance de nostre resurrection..

  A012002617 

 En l'exemple de la Resurrection: Pour la foy, nous voyons la toute puissance de Dieu, un cors passer au travers de la pierre, estre devenu immortel, impassible et tout spiritualisé.

  A012002617 

 O quel amour! Pour l'imitation: Il est resuscité le troisiesme jour; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et satisfaction? Il force la pierre; vainquons toutes difficultés..

  A012002621 

 Ou bien de considerer comme il a combattu le diable, le monde, la chair: la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est la division de saint Jan: Omne, dit il, quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, etc. Ou bien, comme je fis a Fonteynes, sur saint Bernard: comme il faut honnorer Dieu en son [318] Saint et le Saint en Dieu; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint; comme il faut prier Dieu par l'intercession de son Saint; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et mettre chaque chose en son lieu..

  A012002633 

 Il est bon d'avoir certaines exclamations familieres et judicieusement prononcees et employees, comme: O Dieu, bonté de Dieu, o bon Dieu, Seigneur Dieu, vray Dieu, eh, helas, ah, mon Dieu! [322].

  A012002638 

 Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre..

  A012002641 

 Dieu le veut, les hommes s'y attendent; c'est la gloire de Dieu, c'est vostre salut: hardiment, Monsieur, et courage, pour l'amour de Dieu..

  A012002642 

 Nous ne devons pas chercher nostre honneur, mais celuy de Dieu; et laissés faire, Dieu cherchera le nostre.

  A012002643 

 Mais mon Dieu, Monsieur, que dires vous de moy qui vay si simplement avec vous? L'amour ne se peut taire [324] ou il y va de l'interest de celuy qu'on ayme.

  A012002649 

 Pour l'amour de Dieu, aymés moy tous-jours, et me tenes pour autant vostre serviteur qu'homme qui vive, car je le suis.

  A012002657 

 Nous nous sommes bien couppé de la besoigne l'un a l'autre; nos desirs de servir Dieu et son Eglise (car je confesse que j'en ay, et luy ne sçauroit dissimuler qu'il n'en soit plein) se sont, ce me semble, aiguisés et animés par le rencontre..

  A012002660 

 Nos anciens peres, Abraham et les autres, presentoyent ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz; je pense, Monsieur, que la premiere chose qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon Dieu en son Paradis..

  A012002663 

 A cet effect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est necessaire pour faire une bienheureuse retraitte.

  A012002663 

 Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost? Je sçai que ces pensees ne vous seront pas nouvelles; mais il faut que la façon de les faire soit nouvelle en la presence de Dieu, avec une tranquille attention, et plus pour esmouvoir l'affective que pour esclairer l'intellective..

  A012002665 

 Vostre saint Bernard dit que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit du monde et de ses vanités; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette supreme Bonté.

  A012002667 

 A Dieu premierement, puis a la patrie; mais premierement a la celeste, secondement a la terrestre.

  A012002667 

 Nous nous devons a Dieu, a la patrie, aux parens, aux amis.

  A012002669 

 Je prie Dieu qu'il comble vos annees de ses benedictions, et suis d'une affection totalement filiale,.

  A012002685 

 Faites tous-jours l'entree de l'orayson en vous mettant en la presence de Dieu, l'invoquant et proposant le mystere; et apres les considerations, faites tous-jours les actes des affections, non pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions; apres cela l'action de graces, l'offre, la priere; en fin lisés bien le petit memorial que je vous envoye et le prattiqués..

  A012002686 

 Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus.

  A012002686 

 Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance: O port de mes esperances, ah, vostre sang me garentira; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres.

  A012002686 

 Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces meditations la des quatre fins se finissent toutes par l'esperance et confiance en Dieu, et non pas par la crainte et l'effroy; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout celles de la mort et de l'enfer.

  A012002690 

 Le soir avant que d'aller coucher, j'appreuve que si l'eglise n'est point esloignee de vos chambres, ni trop incommode, vous y allies toutes ensemble, et qu'estans arrivees et mises a genoux et en la presence de Dieu, la semainiere fasse l'office de l'examen de conscience en cette sorte: Pater noster, et dire secrettement le reste; Ave Maria et Credo, et a la fin: carnis resurrectionem, vitam æternam.

  A012002693 

 Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous, obeissant soigneusement au medecin, et croyes que c'est une mortification aggreable a Dieu; et quand vos Seurs le seront, soyes fort affectionnee a les visiter, secourir et faire servir et consoler.

  A012002695 

 Je vous voy dedans, sans doute; si Dieu vous donne sa grace et quelques annees de vie, ce sera vous qui seres employee de la divine Providence a cette sacree besoigne, et sans beaucoup de peyne.

  A012002697 

 Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres, et ce devant les autres; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance avec des termes d'amour: Ma chere Seur, ou Fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le faire: Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu?.

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002699 

 Le troysiesme c'est de commander si doucement et amiablement qu'on rende l'obeissance aymable; et, apres qu'elles vous auront obei, adjouster: Dieu vous veuille recompenser de cette obeissance.

  A012002704 

 Courage donq, ma bonne Fille, Dieu sera avec nous..

  A012002705 

 Ainsy faut-il mesler la justice avec la bonté, a la façon de nostre bon Dieu, a fin que la charité soit exercee et la discipline observee..

  A012002707 

 Et la premiere fois qu'elles communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la reverence qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Breviaire pour en remercier Dieu toutes les annees suivantes..

  A012002708 

 Il me reste a vous dire que, sans ceremonie, je suis entierement vostre et de toute vostre Abbaye, ou j'espere voir un jour fleurir de toutes pars la sainte devotion; en ce que je pourray, je contribueray et ce que Dieu me donnera d'esprit et mes foibles prieres.

  A012002708 

 Mais nous sommes asses pres, puisque Dieu nous joint au desir de le servir; demeurons en Dieu, et nous serons ensemble.

  A012002722 

 C'est tout ce qu'il nous faut pour le present, car vous seres assaillie sans [341] doute; mais avec l'esprit d'une douce vaillance nous chevirons de ce bon dessein, Dieu aydant.

  A012002722 

 Dieu le veut, et je le connois fort bien; je ne puis rien dire davantage.

  A012002724 

 Je me dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy.

  A012002727 

 Vous feres bien de vous arrester aux devotions que je vous ay presentees et de ne point varier sans m'en advertir; Dieu aura aggreable vostre humilité en mon endroit et vous les rendra fructueuses..

  A012002728 

 C'estoit l'un des plus grans serviteurs de Dieu qui l'ust de cet aage, et de mes plus intimes amis; il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy.

  A012002730 

 Dieu, ma tres chere Seur, soit vostre conducteur, protecteur et conservateur, vostre pretention et vostre confiance.

  A012002733 

 Et le tout se fera, Dieu aydant, sans aucune incommodité de personne, sinon celle de son esprit.

  A012002733 

 Madame, j'oubliois presque de vous dire que ma mere et moy avons fait un projet de vous envoyer apres l'hiver prochain ma jeune seur que vous vistes a Saint Claude, [344] en intention que si Dieu la favorise de l'inspiration d'estre Religieuse, elle le soit, le tems estant venu, par vostre grace et assistence; trop heureuse qu'elle sera d'arriver en cette Mayson-la a mesme tems que la devotion s'y allumera.

  A012002742 

 Dieu me veuille inspirer..

  A012002744 

 Ne vous en mettes donq nullement en peyne, mays serves Dieu gayement et en liberté d'esprit..

  A012002745 

 Ceux qui sont simplement gens de bien cheminent en la voye de Dieu; mays les devotz courent, et quand ilz sont bien devotz, ilz volent.

  A012002745 

 La vertu de devotion n'est autre chose qu'une generale inclination et promptitude de l'esprit a faire ce qu'il connoist estre aggreable a Dieu; c'est cette dilatation de cœur de laquelle David [346] disoit: J'ay couru en la voye de vos commandemens quand vous aves estendu mon cœur.

  A012002746 

 Il faut avant toutes choses observer les commandemens generaux de Dieu et de l'Eglise, qui sont establis pour tout fidelle chrestien, et sans cela il n'y peut avoir aucune devotion au monde: cela, chacun le sçait.

  A012002748 

 Helas, tous les jours nous luy demandons que sa volonté soit faitte, et quand ce vient a la faire nous avons tant de peyne! Nous nous offrons a Dieu si souvent, nous luy disons a tous coupz: Seigneur, je suis vostre, voyla mon cœur; et quand il nous veut employer nous sommes si lasches! Comme pouvons-nous dire que nous sommes siens si nous ne voulons accommoder nostre volonté a la sienne? [347].

  A012002748 

 La premiere, c'est que Dieu le veut ainsy, et est bien la rayson que nous fassions sa volonté, car nous ne sommes en ce monde que pour cela.

  A012002749 

 C'est, en un mot, que nous voulons servir Dieu, mais a nostre volonté et non pas a la sienne.

  A012002749 

 Ce n'est pas a nous de choysir a nostre volonté; il faut voir ce que Dieu veut, et si Dieu veut que je le serve en une chose, je ne doy pas vouloir le servir en une autre.

  A012002749 

 Dieu me commande de servir aux ames, et je veux demeurer a la contemplation: la vie contemplative est bonne, mais non pas au prejudice de l'obeissance.

  A012002749 

 Dieu veut que Saül le serve en qualité de roy et cappitaine, et Saül le veut servir en qualité de prestre: il n'y a nulle difficulté que celle cy est plus excellente que celle la; mais neanmoins Dieu ne se paye pas de cela, il veut estre obei..

  A012002749 

 La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la vocation.

  A012002749 

 Saül avoit commandement de gaster et ruyner tout ce qu'il rencontreroit en Amalech: il ruyna tout, horsmis ce qui estoit de pretieux, qu'il reserva et en fit sacrifice; mais Dieu declaira qu'il ne veut nul sacrifice contre l'obeissance.

  A012002750 

 C'est grand cas, Dieu avoit donné de la manne aux enfans d'Israël, une viande tres delicieuse; et les voyla qu'ilz n'en veulent pas, mais recherchent en leurs desirs les aulx et les oignons d'Egipte.

  A012002750 

 C'est nostre chetifve nature qui veut tous-jours que sa volonté soit faitte, et non pas celle de Dieu.

  A012002750 

 Or, a mesure que nous aurons moins de propre volonté, celle de Dieu sera plus aysement observee..

  A012002751 

 Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres: ceux qui sont Evesques voudroyent ne l'estre pas; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le voudroyent estre.

  A012002751 

 Une personne qui n'a point la fievre de la propre volonté se contente de tout; pourveu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu l'employe: pourveu qu'il face sa volonté divine, ce luy est tout un..

  A012002752 

 C'est le dire de saint Paul: Chascun demeure en sa vocation devant Dieu.

  A012002752 

 Il faut non seulement vouloir faire la volonté de Dieu, mais pour estre devot, il la faut faire gayement.

  A012002753 

 Vostre meditation ne doit estre que d'une grosse demi heure, et non plus, au bout de laquelle adjoustés tous-jours une consideration de l'obeissance que Nostre Seigneur a exercee a l'endroit de Dieu son Pere, car vous treuveres que tout ce qu'il a fait il l'a fait pour complaire a la volonté de son Pere; et la dessus, esvertues vous de vous acquerir un grand amour de la volonté de Dieu..

  A012002754 

 Saint François et tant de Religieux de nostre aage ont baysé et rebaysé mille fois des ladres et ulcerés; les autres se sont confinés es desers; les autres, sur les galeres avec les soldatz; et tout cela pour faire chose aggreable a Dieu.

  A012002755 

 Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité que nous avons avec la volonté de Dieu: si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette intention la..

  A012002756 

 Je voudrois que souvent parmi la journee vous invoquassies Dieu affin qu'il vous donnast l'amour de vostre vocation, et que vous dissies comme saint Paul quand il fut converti: Seigneur, que voules vous que je face? Voules vous que je vous serve au plus vil ministere de vostre mayson? Ah, je me reputeray encor trop heureuse: pourveu que je vous serve, je ne me soucie pas en quoy ce sera.

  A012002756 

 O mon Dieu, quel thresor vous acquerres, plus grand sans doute que vous ne sçauries estimer.

  A012002758 

 Il faut aymer ce que Dieu ayme: or, il ayme nostre vocation; aymons-la bien aussi, et ne nous amusons pas a penser sur celle des autres.

  A012002760 

 Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excedes point pour le present les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude: demeurés ferme, et communiés spirituellement; Dieu recevra en conte la preparation de nostre cœur..

  A012002761 

 Mon Dieu, que vous estes heureuse d'avoir un mari si raysonnable et souple! vous en devés bien louer Dieu.

  A012002762 

 Dieu soit vostre cœur et vostre vie!.

  A012002762 

 Dieu sçait si jamais je vous oublie, ni toute vostre famille, en mes foibles prieres; je vous ay tres intimement gravee en mon ame.

  A012002774 

 Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de moyen de me bien faire entendre par cest escrit comme j'en ay de volonté; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir de moy vous series consolee, et particulierement pour les deux doutes que l'ennemy vous [352] suggere sur lo choix que vous aves fait de moy pour estre vostre pere spirituel.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002777 

 Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet; dites luy hardiment que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a fait.

  A012002777 

 Ce fut Dieu qui vous embarqua en la premiere direction, propre a vostre bien en ce tems la; c'est Dieu qui vous a portee a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit indigne, il vous rendra fructueuse et utile..

  A012002777 

 Ce n'a esté ni vous ni moy qui en avons fermé le traitté; ç'a esté un troysiesme, qui en cela n'a peu regarder qu'a Dieu seul.

  A012002777 

 La difficulté que j'y apportay au commencement, qui ne procedoit que de la consideration que j'y devois appliquer, vous doit entierement resoudre; car cryés bien que ce n'estoit pas faute de tres grande inclination a vostre service spirituel (je l'avois indicible), mais parce qu'en chose de telle consequence je ne voulois suivre ni vostre desir ni mon inclination, ains Dieu et sa provividence.

  A012002778 

 Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble; mais seulement son effect est une grande suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres benedictions spirituelles.

  A012002778 

 Non, je n'adjouste pas un seul brin a la verité, je parle devant le Dieu de mon cœur et du vostre.

  A012002778 

 Pour le second, ma tres chere Seur, sçachés que, comme je viens de dire, des le commencement que vous conferastes avec moy de vostre interieur Dieu me donna un grand amour de vostre esprit.

  A012002778 

 Quand vous vous declarastes a moy plus particulierement, ce fut un lien admirable a mon ame pour cherir de plus en plus la vostre, qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a vous, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affection que je sentois en mon esprit, et sur tout en priant Dieu pour vous.

  A012002779 

 Grand cas ce me semble, ma Fille: la sainte Eglise de Dieu, a l'imitation de son Espoux, ne nous enseigne point de prier pour nous en particulier, mais tous-jours pour nous et nos freres Chrestiens: « Donnés nous, » dit elle, « accordés nous, » et en semblables termes qui en comprennent plusieurs.

  A012002779 

 Se peut-il dire plus que cela? Mais, a l'honneur de Dieu, que ceci ne se communique point a personne; car j'en dis un petit trop, quoy qu'avec toute verité et pureté.

  A012002780 

 C'est tout un; patience, il se faut parler par signes: il se faut prosterner devant Dieu et demeurer la devant ses piedz; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler.

  A012002780 

 Je vous en diray ce que Dieu me donnera.

  A012002782 

 Arriere, o Satan; il est escrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.

  A012002782 

 Il en faut dire aussi a Jesus Christ et au Saint Esprit, telles qu'il vous suggerera, et mesme a l'Eglise: O mere des enfans de Dieu, jamais je ne me separeray de vous; je veux mourir et vivre en vostre giron..

  A012002784 

 C'est sans doute que le sentiment exterieur divertit le mal et l'affliction interieure, et provoque la misericorde de Dieu; joint que le malin voyant que l'on bat sa partisane et confederee, la chair, il craint et s'enfuit.

  A012002785 

 Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture: Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera le calme.

  A012002795 

 Les meditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance.

  A012002798 

 Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les desirer totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des pensees conformes a cela.

  A012002799 

 A mesure qu'il croistra, nous penserons aux particularités requises, Dieu aydant.

  A012002799 

 Quant a Celse Benine, il faut que ce soit avec des motifz genereux, et qu'on luy plante dans sa petite ame des pretentions au service de Dieu toutes nobles et vaillantes, et luy ravaler fort les apprehensions de la gloire purement mondaine; mays cela petit a petit.

  A012002804 

 Vous luy deves une grande charité a l'acheminer a une fin heureuse, et nul respect ne vous doit empescher de vous y employer avec une humble ardeur, car c'est le premier prochain que Dieu vous oblige d'aymer; et la premiere partie que vous deves aymer en luy c'est son ame, et en son ame, la conscience, et en la conscience, la pureté, et en la pureté, l'apprehension du salut eternel.

  A012002806 

 Et qu'est ce? C'est un desengagement du cœur chrestien de toutes choses, pour suivre la volonté de Dieu reconneuë.

  A012002806 

 Vous entendres aysement ce que je veux dire si Dieu me donne la grace de vous proposer les marques, signes, effectz et occasions de cette liberté..

  A012002807 

 Nous demandons a Dieu, avant toutes choses, que son nom soit sanctifié, que son royaume advienne, que sa volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A012002807 

 Tout cela n'est autre chose sinon l'esprit de liberté; car, pourveu que le nom de Dieu soit sanctifié, que sa Majesté regne en nous, que sa volonté soit faite, l'esprit ne se soucie d'autre chose..

  A012002809 

 Une ame qui a la vraye liberté sortira avec un visage esgal et un cœur gracieux a l'endroit de l'importun qui l'aura incommodee, car ce luy est tout un, ou de servir Dieu en meditant, ou de le servir en supportant le prochain; [363] l'un et l'autre est la volonté de Dieu, mais le support du prochain est necessaire en ce tems la.

  A012002810 

 L'instabilité d'esprit ou dissolution est un certain exces de liberté par lequel on veut changer d'exercice, d'estat de vie, sans rayson ni connoissance que ce soit la volonté de Dieu.

  A012002812 

 C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses exercices et les communes regles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé.

  A012002812 

 Or, la volonté de Dieu se manifeste en deux façons: par la necessite et par la charité.

  A012002812 

 Que si je ne suis pas malade, mais il se presente une occasion d'aller en un autre lieu ou, si je ne vay, ilz se feront huguenotz, voyla la volonté de Dieu asses declairee pour me faire doucement contourner mon dessein..

  A012002812 

 Si cependant je deviens malade ou que je me rompe la jambe, je n'ay que faire de regretter et m'inquieter de ne point prescher, car c'est chose certaine que la volonté de Dieu est que je le serve en souffrant et non pas en preschant.

  A012002813 

 De maniere que cette liberté ne prejudicie jamais aux vocations; au contraire, elle fait que chascun se plaist en la sienne, puisque chascun doit sçavoir que c'est la volonté de Dieu qu'on y demeure..

  A012002817 

 Dieu sçait si ce cœur de saint Jan, touché de l'amour de son Sauveur des le ventre de sa mere, eut desiré de jouïr de sa douce præsence.

  A012002817 

 Et qu'est-ce cela sinon avoir son esprit desengagé de tout, et de Dieu mesme, pour luire la volonté de Dieu et le servir; laisser Dieu pour.

  A012002817 

 Mais je vous veux præsenter un soleil au pris de tout cela, un vray esprit franc et libre de tout engagement, et qui ne tient qu'a la volonté de Dieu.

  A012002817 

 O Dieu, quelle mortification d'esprit.

  A012002818 

 Dieu, et n'aymer pas Dieu pour l'aymer tant mieux et plus purement? Cest exemple estouffe mon esprit de sa grandeur..

  A012002819 

 J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la necessité et charité, mais par l'obedience; de façon que celuy qui reçoit un commandement doit croire que c'est la volonté de Dieu.

  A012002820 

 Faites beaucoup pour Dieu et ne faites rien sans amour; appliques tout a cet amour, manges et beuvés pour cela..

  A012002820 

 Resouvenes vous de faire estat que tout le passé n'est rien et que tous les jours il [367] vous faut dire avec David: Tout maintenant je commence a bien aymer mon Dieu.

  A012002820 

 Resouvenes vous que sur les grandes resolutions que vous declairastes de vouloir estre toute a Dieu de cors, de cœur, d'esprit, je dis Amen de la part de toute l'Eglise nostre mere, et a mesme tems la Sainte Vierge, avec tous les Anges et Bienheureux, firent retentir au Ciel leur grand Amen et Alleluya.

  A012002821 

 L'annee qui vient, sil plait a Dieu, je vous en donneray un autre, apres que vous aures bien proffité en l'escole de cettuyci..

  A012002822 

 J'ay receu le billet de vos vœux, que je garde et regarde soigneusement commun juste instrument de nostre alliance toute fondee en Dieu, et laquelle durera a l'æternité, moyennant la misericorde de Celuy qui en est l'autheur..

  A012002822 

 Pour le neufviesme point, croyes de moy deux choses: l'une, que Dieu veut que vous vous servies de moy, et n'en doutes point; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut, Dieu m'assistera de la lumiere qui me sera necessaire pour vous servir; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnee si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage.

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002824 

 Dieu le veuille, ma tres chere Seur, mais pour mon regard je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse faire esperer d'avoir liberté d'aller de dela; je vous en dis la rayson en confiance estant a Saint Claude.

  A012002824 

 Je suis icy lié pieds et mains; et pour vous, ma bonne Seur, l'incommodité du voyage passé ne vous estonne-elle point? Mais nous verrons entre cy et Pasques ce que Dieu voudra de nous; sa sainte volonté soit tousjours la nostre.

  A012002824 

 Je vous prie de benir Dieu avec moy des effectz du voyage de Saint Claude; je ne vous les puis dire, mais ilz sont grans.

  A012002825 

 Aydes-la et la visites par lettres; Dieu vous en sçaura gré.

  A012002825 

 J'ay esté consolé de voir que vous appelles de si bon cœur Madame du Puis d'Orbe seur; c'est une grand'ame, si ell'est bien assistee, et Dieu se servira d'elle a la gloire de son nom.

  A012002826 

 Dieu soit vostre cœur, vostr'esprit, vostre ame, ma tras chere Seur, et je suis en ses entrailles,.

  A012002872 

 Je prie Dieu qu'il multiplie ses faveurs en Vostre Altesse, a laquelle faysant tres humblement la reverence je demeure,.

  A012002905 

 J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la.

  A012002924 

 Mais cela ne se peut ni attendre ni esperer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse qui le commandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des ames qui en seroyent assistees et du bon monsieur Nouvelet, duquel la pauvreté seroit soulagee et la viellesse consolee, et qui ne respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prosperité de Vostre Altesse, de Messeigneurs ses enfans et de la posterité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine Majesté, comm'estant,.

  A012002941 

 C'est asses dit une fois pour toutes: ouÿ, Dieu m'a donné a vous; je dis uniquement, entierement, irrevocablement..

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002944 

 Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties.

  A012002945 

 Je viens a vostre croix, et ne sçai si Dieu m'aura bien ouvert les yeux pour la voir en ses quattres boutz.

  A012002945 

 Vous adjoustés que neanmoins la volonté, par la grace de Dieu, ne veut que la simplicité et fermeté en l'Eglise, et que vous mourries volontiers pour la foy d'icelle..

  A012002946 

 De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu apres et est puisné; il a aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions.

  A012002946 

 Et courage, car elle ne laissera pas de faire des beaux enfans et des œuvres aggreables a Dieu.

  A012002946 

 O Dieu soit beni, ma chere Fille, l' infirmité n'est pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié en icelle.

  A012002948 

 Courage, ma chere Seur; puisque nostre volonté est a Dieu, sans doute nous sommes a luy.

  A012002949 

 Il mourut-la, plus heureux que plusieurs qui moururent en la terre de promission, puisque Dieu luy fit lhonneur de l'ensepulturer luymesme.

  A012002949 

 O Dieu, quelz souspirs devoit jetter cett'ame.

  A012002950 

 Le bon Dieu sçait bien ce quil fait et pourquoy; c'est pour nostre bien sans doute.

  A012002950 

 Nostre Seigneur donna le choix a David de la verge delaquelle il seroit affligé; et, Dieu soit beni, mais il me semble que [je] n'eusse pas choysi, j'eusse laissé faire tout a sa divine Majesté.

  A012002950 

 Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer..

  A012002950 

 Saches, ma tres chere Seur, que je vous escris ces choses avec beaucoup de distractions, et que si vous les treuves embrouïllees ce ne sera pas merveille, car je le suis moymesme, mais, Dieu merci, sans inquietude.

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002951 

 Tant de secheresses qu'on voudra, tant de sterilités, pourveu que nous aymions Dieu..

  A012002952 

 Mais avec tout cela vous n'estes pas encor au pais ou il ni a point de jour, car vous aves le jour par fois et Dieu vous visite.

  A012002953 

 Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu veut que je le serve en souffrant les sterilités, les angoisses, les tentations, comme Job, comme saint Paul, et non pas en preschant.

  A012002953 

 Hé, serons nous pas un jour tous ensemble au Ciel a benir Dieu eternellement? Je l'espere et m'en res-jouïs..

  A012002953 

 Servés Dieu comme il veut; vous verres qu'un jour il fera tout ce que vous voudres et plus que vous ne sçauries vouloir.

  A012002954 

 Cela donq s'entend en observant la vraye discretion, et, en ce cas la, ce n'est [387] non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre, dire, faire et donner selon son gré..

  A012002959 

 J'attens de pied coy une grande tempeste, comme je vous ay escrit au commencement, et pour mon particulier, mais joyeusement; et, regardant en la providence de Dieu, j'espere que ce sera pour sa plus grande gloire et mon repos, et beaucoup d'autres choses.

  A012002960 

 Resouvenes vous de prier pour ma Geneve, affin que Dieu la convertisse.

  A012002961 

 Dieu soit a jamais vostre cœur, vostre esprit, vostre repos, et je suis,.

  A012002965 

 A Dieu soit honneur et gloire..

  A012002980 

 Vostre homme [Rose] me presse si fort de le depescher que je ne sçai si je pourray vous respondre entierement; au moins vous diray je quelque chose, selon que Dieu m'en donnera la grace..

  A012002981 

 Pour moy, ma chere Seur et Fille, ne doutés nullement, vous ne sçauries m'estre importune; et si Nostre Seigneur m'avoit autant donné de liberté et de commodité de vous assister commne j'en ay de volonté et d'affection, vous ne me verries jamais las de vous servir a la gloire de Dieu, car jo suis pleinement vostre, et vous ne sçauries avoir trop d'asseurance de moy pour ce regard..

  A012002981 

 Tous vos degoustemens ne m'estonnent point; ilz cesseront un jour, Dieu aydant, et si bien vous aves donné peu de satisfaction a ce bon Pere, [390] je m'asseure qu'il ne s'en troublera point; car je le tiens pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de Dieu.

  A012002984 

 Ce ne sera pas sans des douleurs extremes; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses commandemens! O courage, ma chere Seur; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il vous envoye ses livrees.

  A012002985 

 Comme s'il disoit: Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction, je ne l'aymerois pas, je la rejetterois; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la reçois, je l'honnore..

  A012002985 

 David affligé disoit a Nostre Seigneur: J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que c'est vous, o mon Dieu, qui m'aves fait ce mal que je souffre.

  A012002985 

 Et vous me dites que vous me laisses a penser comme vous servires Dieu pendant le tems que vous seres sur le lict! Et suis content d'y penser, ma bonne Fille.

  A012002985 

 Et voyla donques le service que vous feres a Dieu sur vostre lict: vous souffrires et offrires vos souffrances a sa Majesté.

  A012002987 

 L'obeissance que vous rendres au medecin sera infiniment aggreable a Dieu, et mise en conte au jour du jugement..

  A012002987 

 Pendant ce tems la, ma chere Fille, dispenses vous de l'Office pour tous les jours que les medecins vous le conseilleront, encor qu'il vous semblera que vous n'en ayes pas besoin: je vous l'ordonne comme cela au nom de Dieu.

  A012002988 

 Ma chere Seur, il faut tous-jours faire comme cela, et Dieu sera glorifié en vous..

  A012002989 

 Pendant que je vous penseray affligee dans le lict, [393] je vous porteray (mais c'est a bon escient que je parle), je vous porteray une reverence particuliere et un honneur extraordinaire, comme a une creature visitee de Dieu, habillee de ses habitz et son espouse speciale.

  A012002991 

 Daniel ne pouvant aller au Temple se tournoit de ce costé la pour adorer Dieu; faites en de mesme.

  A012002992 

 Je l'accepte de tout mon cœur, et vous prometz que j'auray le soin de vous que vous desires, autant que Dieu m'en donnera de force et de pouvoir.

  A012002992 

 [394] Dieu soit eternellement beni et glorifié sur vous, en vous et par vous.

  A012002996 

 Demandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires..

  A012002996 

 Je vous supplie qu'il vous plaise faire recommander a Dieu un bon œuvre que je souhaitte voir accompli, et sur tout de le recommander vous mesme pendant vos tourmens; car en ce tems la, vos prieres, quoy que courtes et de cœur, seront infiniment bien receuës.

  A012003005 

 Faites le, et attendes de Dieu de grandes benedictions, plus sans doute en une heure d'une telle devotion, bien et justement reglee, qu'en cent jours d'une devotion bigearre, melancholique et dependante de vostre propre cervelle.

  A012003005 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de voir en vostre lettre le grand courage que vous aves de vaincre toutes les difficultés pour estre vrayement et saintement devote en vostre vocation.

  A012003006 

 Non, car Dieu y est aussi bien qu'en la ville.

  A012003009 

 Dieu soit a jamais avec vous et en vostre cœur.

  A012003021 

 Cela est contraire a l'advis de tous les serviteurs de Dieu et a l'experience et a la rayson.

  A012003021 

 Il est vray que c'est un grand abus de tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la commodité, pour cela on s'en inquiete ou trouble; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy, qui est Dieu, et par consequent perdre la vraye liberté.

  A012003023 

 Dieu donques nous face bien mourir sur sa sainte Croix, affin que nous soyons entierement siens.

  A012003023 

 J'ay veu le testament des deux Religieux, par lequel l'ame se donne toute a Dieu.

  A012003023 

 Je voy la dedans, ma tres chere Fille, que vous aves tout laissé a Dieu, pour estre exercee par toutes sortes d'aridités, tentations et secousses selon son bon playsir: resouvenés vous en bien.

  A012003023 

 Mon Dieu, que vous estes obligee a l'amour de sa divine bonté! Sans doute, toutes choses bien considerees, il vous a esté expedient d'estre conduite par ou vous aves esté conduite jusques a present; mais [397] jusques a present.

  A012003023 

 O que les sentiers de la providence que Dieu a des siens sont admirables et imperscrutables!.

  A012003025 

 Mon Dieu qui connoist ma foiblesse ne la voudra pas espreuver, et se sera peut estre contenté de la menace.

  A012003026 

 Dieu soit vostre amour, vostre cœur, vostre courage, et je suis,.

  A012003026 

 Ma chere Seur et ma Fille, tous les jours je donne vostre cœur a Dieu avec celuy de son Filz en la sainte Messe; donnes luy le mien, et je vous advoüeray au jour du jugement.

  A012003032 

 Dieu benie nostre Celse Benine et ses trois seurs; c'est ainsy que je les salue.

  A012003084 

 Si monsieur le Præsident eüt esté icy, j'eusse sur le champ essayé de faire ce que vous desirés de moy vers luy, comme je le feray, Dieu aydant, tout aussi tost quil sera de retour de Chamberi qui sera, comm'il m'escrit, aux Rois..

  A012003085 

 Le vous puisse je rendre en quelque façon reciproque, et je l'espere de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commencement, meilleur progres et tres bonne fin de cette nouvelle annee qui nous arrive.

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 Aussi ay renversé sans dessus dessous mon entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu veut tant aymer que de se faire aymer par eux.

  A012003122 

 Je laisse a part tout le reste de vostre lettre pour louer, benir et remercier Dieu de la resolution quil a planté en vostre ame: je le prie de nourrir et arrouser de ses benedictions ceste plante.

  A012003122 

 Nous n'aurons pas besoin d'aller a Romme pour aller en Hierusalem, c'est a dire en la paix de nos consciences; Dieu a estendu sa main jusques icy pour nous embrasser..

  A012003123 

 La terre seche ne reçoit pas si a propos le soc ni la semence; Dieu fait pleuvoir pour semer sa grace..

  A012003123 

 Mais si faut il que je vous die ce mot: le rocher d'Horeb estoit vif et dur; sil jetta de l'eau ce ne fut point par mollesse, ce fut que Dieu le toucha.

  A012003124 

 Courage, Madame; ce seroit une vraye et prodigieuse pusillanimité en un'ame bien nee de quitter une telle resolution que celle que vous aves receu; Dieu, qui vous l'a donnee, ne la retirera jamais si vous ne la chassés.

  A012003137 

 Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre,.

  A012003162 

 Dans cette vue, que Dieu immortel daigne conserver le plus longtemps possible à son Eglise les jours de Votre Béatitude!.

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003195 

 Me sentant chargé du soin du plus important evesché de tout ce voysinage, ce m'a esté une incroyable consolation d'avoir sceu que vous esties aupres de Sa Majesté, [411] car je ne doutois pas qu'une sayson si pleyne de difficultés ne fit naistre beaucoup d'occasions esquelles ceste pauvre et tant affligee Eglise que Dieu m'a confiee auroit extreme necessité d'ayde et d'appuy; et ne pouvois d'ailleurs souhaitter un appuy et asseurance plus ferme et solide que d'une telle colomne du tressaint Siege Apostolique que vous estes.

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003197 

 Si que il sembloit que Dieu voulut particulierement esclairer de son œil de misericorde ceste province, apres tant de tenebres lesquelles l'avoyent obscurcie si long tems..

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre permission; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres.

  A012003234 

 Faittes moy donq ce bien, Monsieur, et croyes, je vous prie, qu'en toutes occasions ou j'auray le pouvoir esgal a la volonté vous me rencontreres tous-jours prompt et prest pour le contentement de vos desirs; de quoy je prie Dieu me mettre bien tost en main les occasions et vous donner, Monsieur, heureuse et longue vie en sa grace et protection..

  A012003250 

 Je me tiens asseuré de vostre faveur en ceste occasion, laquelle attendant je prie Dieu quil vous doint, Monsieur, le comble de ses graces et benedictions..

  A012003269 

 C'était un coup d'audace dont le succès égala l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très [421] bon, très grand, une si particulière assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents personnes des deux sexes furent arrachées à l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms rétablis sur les registres de la catholicité..

  A012003270 

 Pour toutes ces bonnes fortunes, après Dieu, c'est à vous assurément, Très Saint Père, c'est à vous que reviennent mes très profondes actions de grâces.

  A012003282 

 C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remede qu'elle connoistra bien y estre propre; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et heureuse santé, demeurant,.

  A012003295 

 Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree, croyant que leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise Catholique.

  A012003296 

 La bonté et justice de ceste requeste m'en promet un favorable appoinctement, comme la grandeur du courage de Vostre Majesté m'asseure d'une pleine et soudaine jouissance du bien que j'en pretens, qui n'est principalement que la gloire de nostre bon Dieu, l'establissement de laquelle est l'unique gloire de la tres chrestienne couronne qu'il a donnee a Vostre Majesté, et laquelle je le supplie luy vouloir tres longuement conserver en toute felicité et pour son service, desirant vivre tous-jours en l'honneur d'estre,.

  A012003325 

 Je vous baise humblement les mains, priant Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A012003356 

 De mon côté, il est évident que, dans le choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par aucune vue personnelle, par aucune considération du sang ou de la parenté, ni par aucune sollicitation étrangère; mon seul et unique mobile, c'est le désir de la plus grande gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise.

  A012003356 

 [432] En vous baisant humblement les mains, je vous souhaite de Dieu notre Seigneur tout vrai contentement..

  A012003404 

 La mesme bonté de Vostre Altesse qui me fait oser l'importuner si souvent pour ces bonnes causes, m'en fait encor esperer favorable issue, laquelle attendant, je continueray mes prieres a Dieu tout puissant, quil luy playse donner a Vostre Altesse, Monseigneur, parfaitte et longue prosperité pour le bien et conservation de son peuple et accroissement de la sainte religion..

  A012003420 

 Ce que me promettant de vostre zele et prudence, je prieray Dieu qu'il accroisse en vous ses saintes graces, et demeureray,.

  A012003437 

 A ceste intention, j'ay retenu quelques bons hommes d'Eglise, de mes chanoynes et autres, que je n'ay voulu employer ailleurs, pour les reserver a ceste moisson, laquelle je desire extremement voir sous la faucille de la parole de Dieu et instruction catholique.

  A012003438 

 Je ne vous prieray pas de prester l'ayde de vostre faveur a un si saint souhait, car je sçai que vostre pieté vous y tient tout entierement dedié; mays je prieray bien Dieu quil luy plaise vous maintenir et accroistre en [439] ceste chrestienne et sainte affection, et de me donner le bon heur de pouvoir tesmoigner combien je desire estre,.

  A012003455 

 Je me suis essayé d'establir les eglises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu merci, en la façon [440] de laquelle je donnay n'a guere advis a Vostre Altesse; n'en demeurant que trois pour l'establissement desquelles je n'ay encor peu treuver les moyens necessaires, et entre autres pour celle de Thonon, en laquelle Sa Sainteté m'avoit ordonné par son Brief que j'establisse huit præstres avec un curé, outre trois prædicateurs qui devoyent estre communs pour les deux balliages.

  A012003457 

 Dequoy je supplie Dieu luy faire la grace, et de la nous conserver longuement en tres heureuse santé et prosperité, comm'ayant ce bien d'estre, Monseigneur,.

  A012003473 

 Aussi n'en sçauroient ilz jamais rien prouver, puysque la verité est que j'ay tous-jours eu en singuliere recommandation l'honneur que je dois aux volontés de Vostre Altesse en tout le progres de cest'œuvre, de laquelle ell'a esté le principal instrument sous la main de Dieu, lequel je prie tous-jours quil luy playse multiplier ses saintes benedictions sur la personne et les catholiques desseins d'icelle, a laquelle faysant humble reverence je demeure a jamais,.

  A012003516 

 Et ces permissions sont demandées pour cinq ans, à la gloire et honneur de Dieu.

  A012003517 

 Parmi les milliers de personnes qui, par la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont converties et soumises à la sainte Eglise cette année dernière aux environs ou sur les confins du territoire de Genève, bon nombre ont été, par suite de leur conversion, dépouillées de tous leurs biens: les unes, parce qu'elles sont sorties de Genève ou de quelque autre ville; et d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur commerce avec les Genevois la majeure partie des ressources nécessaires à cette misérable vie temporelle.

  A012003588 

 A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde.

  A012003606 

 A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde..

  A012003620 

 Ce qu'attendant, prions Dieu quil vous ait en sa sainte et digne garde..

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003636 

 A tant prions Dieu quil vous ait en sa garde..

  A012003868 

 Que pleust a Dieu que pour resentiment de tant de faveur je peusse vous rendre aultant de service comme je vous en presente de remercimentz; vous verriez de quel courage je recognoistroy le plain pouvoir que vous avez sur moy, dont attendant qu'il s'offre quelque occasion, je vous supplie, Monsieur, de prendre toute creance de ma disposition a l'obeissance que je vous doibz..

  A012003889 

 Il ne reste maintenant que de m'aller rendre au lieu ou je suis envoié; ce que je suis prest de faire dans quelques jours, avec l'aide de Dieu, et de commencer a mettre la main a l'œuvre; ou, si je ne craignoy de vous estre importun, je vous supplieroy volontiers, continuant ce que vous avez commencé en moy, de me vouloir assister de voz bons advis et conseilz, que je mettrey peine d'ensuivre au plus pres quil me sera possible, sil vous plaist de m'en favoriser.

  A012003890 

 Et sur cette asseurance de mon service, je vous supplie de m'aimer et me conserver l'honneur de voz bonnes graces, priant Dieu, Monsieur, qu'il vous donne, en tres parfaicte santé, tres longue et tres heureuse vie..

  A012003919 

 La reputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quartiers, du zele et affection qu'aves a l'honneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancement de son Eglise Catholicque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une priere aultant pleine d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz.

  A012003933 

 lit encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pastorale meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre Reverendissime Seigneurie, bruslant du zele de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire, portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocesains.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..

  A012003935 

 Attendant donc vostre arrivee en ce pays, et sur tout vostre prompte et favorable response, avec vostre permission je baise tres humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu,.


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000018 

 — Grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir.

  A013000018 

 — Les tentations qui viennent de Dieu et celles qui n'en peuvent venir: conduite à tenir à l'égard de ces dernières.

  A013000018 

 — Servir Dieu comme il veut: moyen de le bien servir.

  A013000019 

 Dieu console ses amis en même temps qu'il les afflige.

  A013000020 

 — Donner du contentement aux siens, servir Dieu avec gaieté: deux choses très louables.

  A013000020 

 — La volonté de Dieu doit nous servir d'étoile « en ceste navigation.

  A013000027 

 — Exhortation à soumettre en tout sa volonté à celle de Dieu.

  A013000028 

 — Dans quelles âmes Dieu se plaît d'agir.

  A013000028 

 — Moyens de rendre l'entrevue fructueuse: l'examen de son âme, la prière, la confiance en Dieu et au Saint.

  A013000033 

 Grâce inestimable pour une âme que Dieu a faite toute sienne: en garder la souvenance par la célébration du jour anniversaire.

  A013000034 

 Mettre un cœur vaillant à faire ce que Dieu veut.

  A013000034 

 — Ne pas regarder à la substance de nos actions; les plus chétives deviennent honorables si Dieu les ordonne.

  A013000034 

 — Soyons ce que Dieu veut et non ce que nous voulons, contre son gré.

  A013000035 

 La vraie simplicité dans l'accusation des péchés, très agréable à Dieu.

  A013000036 

 — Ayons une piété qui plaise à Dieu et aux hommes.

  A013000036 

 — Pressante exhortation finale de se donner à Dieu. 53.

  A013000050 

 Nul repos qu'en Dieu.

  A013000051 

 — La joie viendra après les larmes; sinon, servons Dieu quand même.

  A013000052 

 — Dieu « est bon a tous et en tous tems.

  A013000053 

 » — Ne pas craindre si Dieu nous abandonne, nous laisse et lutte avec nous.

  A013000054 

 — Les marques de l'amour de Dieu.

  A013000056 

 — Dieu parle de préférence « parmi les desertz et halliers.

  A013000057 

 — Dieu bénira cet acquiescement; il réclame cette preuve d'amour.

  A013000057 

 — Quels sont ceux qui ont le plus de moyens de servir Dieu.

  A013000058 

 Avec le désir de le servir, Dieu en donne les moyens.

  A013000058 

 — Bonheur d'être seul à seul avec Dieu.

  A013000060 

 Respect dû à la parole de Dieu.

  A013000061 

 — Avec Dieu, il fait bon où que ce soit.

  A013000064 

 Le service de Dieu « agissant » et « patissant.

  A013000067 

 S'intéresser à l'établissement du collège; le bien de la ville, la gloire de Dieu et de l'Eglise en font un devoir. 92.

  A013000075 

 — Les âmes sont la vigne de Dieu.

  A013000078 

 — Dieu est le protecteur de la viduité chrétienne.

  A013000085 

 — La Methode de servir Dieu, et le Combat spirituel.

  A013000096 

 — Se confier à la providence de Dieu, « non de bouche seulement, » pratique très fructueuse.

  A013000097 

 — Il faut s'attacher à la gloire de Dieu et non à ses créatures.

  A013000097 

 — Pensées qui occupaient le Saint tandis qu'il portait le Saint-Sacrement à la Fête-Dieu.

  A013000099 

 Conseils variés à une personne du monde: servir Dieu par les exercices de sa vocation et par l'accomplissement des devoirs d'état.

  A013000104 

 — Il faut être à Dieu sans réserve ni division 131.

  A013000107 

 — Les emplois dans la maison d'un prince et en la maison de Dieu.

  A013000120 

 Exhortation à bénir Dieu pour une grâce reçue.

  A013000125 

 Le devoir d'une âme qui veut aimer Dieu.

  A013000132 

 — Le Saint commence à écrire le Traitté de l'Amour de Dieu.

  A013000145 

 — Hors de Dieu et sans lui, nous ne sommes que « des vrais riens.

  A013000147 

 Pour des âmes novices, il n'est pas bon de penser toujours rencontrer Dieu sans préparation.

  A013000149 

 Les croix de Dieu, pourvu que l'on y meure, sont douces et consolantes.

  A013000149 

 — Dieu, quand il inspire à une âme de le servir, lui en donne aussi les moyens.

  A013000152 

 — Que Dieu seul est à craindre et de quelle crainte.

  A013000154 

 — Bonheur de savoir qu'il faut aimer Dieu.

  A013000155 

 Le Saint regarde comme un devoir que Dieu lui impose d'écrire souvent à la baronne de Chantal.

  A013000155 

 — Grand honneur de parler seul à seul à son Dieu.

  A013000156 

 — Etre bonne servante de Dieu, en quoi cela consiste. 191.

  A013000159 

 Servir Dieu soit parmi les épines, soit parmi les roses.

  A013000161 

 Comment Dieu supplée aux commodités de le servir, quand on les laisse pour sa gloire.

  A013000165 

 » — Dieu « prend tout a sayson.

  A013000165 

 » — Il faut agréer que Dieu frappe sur l'endroit qu'il lui plaira.

  A013000165 

 — C'est assez d'avoir Dieu.

  A013000178 

 — Les trois points de l'Exercice de l'amour de la volonté de Dieu.

  A013000183 

 Ne pas se ralentir dans la poursuite de la gloire de Dieu.

  A013000184 

 Le Saint estime que le projet de la Visitation est de Dieu et s'y affectionne de plus en plus.

  A013000184 

 — Quand on n'a d'autre intention que la gloire de Dieu, ne se tourmenter de rien.

  A013000189 

 — Deux raisons principales ou deux manières de se présenter devant Dieu à l'oraison, toutes deux fort utiles.

  A013000193 

 — Etre joyeusement humble devant Dieu et le monde.

  A013000215 

 Notre prédécesseur vénéré, M gr Isoard, voyait dans cette publication un de ces évènements providentiels par lesquels Dieu se plaît, au temps marqué par ses décrets, à glorifier ses Saints.

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000253 

 Même aux Saints, Dieu n'accorde pas toujours le succès dans leurs entreprises.

  A013000255 

 Elles y apprendront qu'il faut obéir, servir Dieu avec gaieté, se supporter soi-même, ne pas ouvrir son âme à tout venant, se défier du monde, ce charlatan, faire « le miel dedans sa ruche » et ne pas [XIII] s'épuiser en désirs de perfection chimérique.

  A013000259 

 Le saint Evêque, quand il parlait à Dieu, lui nommait toutes ces chères âmes qu'il voulait dédier à son service.

  A013000263 

 Or, à tous ces [XV] ennemis de la paix et de l'activité, l'habile Directeur fait une guerre sans merci, et quand il a débarrassé l'âme des vaines craintes et dégagé la volonté des obstacles qui lui font échec, alors il lui donne un point d'appui immuable: la volonté de Dieu..

  A013000264 

 Et la volonté de Dieu pour le Saint, si partisan, comme on sait, du positif et du réel, ce n'est ni le désir capricieux du moment, ni le sentiment d'une commotion intérieure: c'est la volonté de Dieu notifiée par ses commandements, ou manifestée par les devoirs de notre vocation.

  A013000268 

 « Les croix de Dieu sont douces, » écrit-il, mais « pourveu que l'on y meure.

  A013000274 

 Sa vie féconde, son indomptable vigueur, l'étendue de son influence, la haute portée de ses œuvres établissent victorieusement que la direction du saint Evêque de Genève, en dressant l'âme à l'amour de Dieu, la préparait merveilleusement aux conquêtes d'un prosélytisme et d'un apostolat intrépide et infatigable..

  A013000275 

 Mais pour entendre l'exquise pureté, la simplicité ingénue de cet amour « fort, impliable et sans mesure ni reserve... doux, facile; bref, si je ne me trompe, tout en Dieu, » oh! que l'intelligence doit être pieuse et bonne! [XVIII].

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000283 

 « Mon Dieu, tres chere Fille de mon ame, que je voudrois volontier mourir pour l'amour de mon Sauveur! mais au moins, si je ne puis mourir pour cela, que je vive pour cela seul.

  A013000288 

 Il lui prêche sur un ton de conviction émue la résignation au bon vouloir de Dieu, mais une résignation entière, « sans reserve, sans si, « sans mais... en tout et par tout.

  A013000292 

 Les Lettres de l'Evêque de Genève ne sont-elles pas capables de faire ce miracle? En les lisant, on sentira que le beau de la vie, c'est d'aimer Dieu, de ne pas trop s'aimer soi-même et de beaucoup servir son prochain.

  A013000317 

 Benite soyes vous en vostre cœur et en vostre cors, en vostre personne et en celles de ceux qui vous sont plus chers, en vos consolations et en vos travaux, en tout ce que vous feres et que vous souffrires pour Dieu.

  A013000328 

 Je gueriray cependant pour luy escrire, et a vous aussi; et me recommandant a voz prieres, je supplie Dieu quii soit tousjours vostre coueur (sic), vostre ame et vostre amour, et je suis,.

  A013000347 

 Dieu donques vous vueille delivrer de ces deux dernieres incommodités, et tost appres vous serez delivree de l'autre..

  A013000347 

 En vostre patience, dit le Fils de Dieu, vous possederez vos ames.

  A013000347 

 Maintenant, pour respondre a celle que j'ay en main, autant que ma santé me le permet (pour laquelle je ne puis encor vous escrire de ma main), je loue Dieu de la constance avec laquelle vous supportés vos tribulations.

  A013000348 

 L'autre, que Moÿse, le plus grand amy de Dieu de toute la trouppe, mourut sur les frontieres de la terre de repos, la voyant de ses yeux et ne pouvant en avoir la jouissance..

  A013000348 

 Ny il ne fust pas loisible de s'enquerir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de detours et les conduisoit par des chemins si aspres; et tous ceux qui en murmurerent moururent avant l'arrivee.

  A013000349 

 Pleust a Dieu que nous regardassions peu a la condition du chemin que nous frayons et que nous eussions les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit et sur le bien heureux pays auquel il nous mene.

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Et quand a ce que vous me distes, que c'est un grand travail de vouloir et ne pouvoir, je ne veux pas vous dire quil faut vouloir ce que l'on peut, mais je vous dis bien que c'est un grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir.

  A013000350 

 Que voulez vous? il faut voir et parler a Dieu parmy les tonnerres et tourbillons du vent; il le faut voir dans le buisson et parmy le feu et les espines, et pour ce faire, la verité est quil est besoing de se deschausser et faire une grande abnegation de nos volontés et affections.

  A013000351 

 Bref, pour lhonneur de Dieu, acquiescés entierement a sa volonté, et ne croyez nullement que vous le servissiez mieux autrement, car on ne le sert jamais bien sinon quand on le sert comme il veut.

  A013000351 

 C'est assez pour ce point, jusques a ce que Dieu me donne la commodité de vous le declairer a souhait, lors que, sur iceluy, nous establirons l'asseurance de nostre vie.

  A013000351 

 Ce sera quand Dieu nous fera revoir en presence..

  A013000351 

 Imaginez vous que vous ne deussiez jamais estre delivree de vos angoisses: qu'est-ce que vous feries? Vous diries a Dieu: Je suis vostre; si [6] mes miseres vous sont aggreables, accroisses en le nombre et la duree.

  A013000351 

 Vous verrez que quand vous ne penserez plus a vostre delivrance, Dieu y pensera, et quand vous ne vous en empresseres plus, Dieu y accourra.

  A013000353 

 Que donques, hardiment et courageusement, elle se descharge pour ce regard avecq une grande humilité et [7] mespris de soy mesme, sans avoir crainte de faire voir sa misere a celuy par l'entremise duquel Dieu la veut guerir.

  A013000354 

 Arrestez la a ce commencement, et faites luy sçavoir que ce desir est de si grande consequence, qu'elle ne doit ni le repeter ni permettre qu'il croisse qu'appres qu'elle en aura pleinement communiqué avec son pere spirituel, et qu'ensemblement ils en auront ouy ce que Dieu en dira.

  A013000354 

 Dites luy encor, je vous supplie, que j'ay veu le desir qu'elle commence de prendre de se voir un jour en lieu ou elle puisse servir Dieu de cors et de voix.

  A013000354 

 Je crains qu'elle ne s'engage plus avant et que, par appres, il ne soit malaysé de la reduire a l'indifference avec laquelle il faut ouyr les conseils de Dieu.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000356 

 Vous ne pouves croire, ma tres chere Fille, que les tentations contre la foy et l'Eglise viennent de Dieu.

  A013000357 

 Et pour cela, ma chere Seur, ma tres chere Fille, faut il s'inquieter, faut il changer de posture? O Dieu, nenny.

  A013000357 

 Et quoy? pour tout cela, ma bonne Fille, faut il se fascher? Laissés le morfondre et tenes toutes les advenües bien fermees: il se lassera en fin, ou, s'il ne se lasse, Dieu luy fera lever le siege.

  A013000357 

 Sçaves vous comment Dieu fait en cela? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne presenter a vendre, affin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affection aux choses divines.

  A013000358 

 C'est en fin ceste volonté libre, laquelle, toute nuë devant Dieu, reside en la supreme et plus spirituelle partie de l'ame, ne depend d'autre que de son Dieu et de soy mesme; et quand toutes les autres facultés de l'ame sont perdues et assujetties a l'ennemy, elle seule demeure maistresse de soy mesme pour ne consentir point..

  A013000358 

 O Dieu, mais donques la voyla, la sainte violence qui ravit les cieux.

  A013000360 

 Au demeurant, ces tentations si importunes viennent de la malice du diable; mais la peyne et souffrance que nous en ressentons vient de la misericorde de Dieu, qui, [10] contre la volonté de son ennemy, tire de la malice d'iceluy la sainte tribulation par laquelle il affine l'or qu'il veut mettre en ses thresors.

  A013000360 

 Je dis donques ainsy: vos tentations sont du diable et de l'enfer, mais vos peynes et afflictions sont de Dieu et du Paradis; les meres sont de Babylone, mais les filles sont de Hierusalem.

  A013000362 

 Je m'en vay, mays dans une heure, en la petite bourgade ou je dois prescher, Dieu s'estant voulu servir de moy et en souffrant et en preschant: il soit a jamais beni.

  A013000376 

 J'eusse egalement desiré de pouvoir vous visiter tous les jours par mes lettres et d'estre visité par les vostres, pour participer au bien et au mal que Dieu a mis en vous depuis l'ouverture de vostre jambe.

  A013000376 

 Je m'asseure que l'un et l'autre a esté grand, car c'est la coustume de nostre bon Dieu de ne point envoyer des afflictions et tourmentz a ceux qui l'aiment, qu'il ne leur envoye quant et quant des grandes consolations, et, comme dit le Psalme, selon la multitude des tribulations, ses delectations rejouissent nostre ame.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000378 

 Pour moy, je me le suys promis de la bonté de Dieu et m'en suys resjoui devant sa Majesté.

  A013000380 

 Et voyla comme nostre bon Dieu m'a voulu donner un bout de sa croix pendant quil vous avoit imposé le gros de l'arbre.

  A013000397 

 Il est requis en cela d'une entiere resignation au bon plaisir de Dieu.

  A013000397 

 Je ne voy encores rien devant mes yeux qui me puisse promettre le bonheur de vous voir cette annee; et quant a ce que vous me touchez de [me voir] de deça, il ne me semble pas que ce soit chose bien aysee a faire, ni [peut] estre convenable de quelque tems, eu esgard aux [liens] avecq lesquels Dieu vous a attachee de dela.

  A013000397 

 Mais si la providence de Dieu l'exigeoit pour sa gloire et vostre salut, elle sçaura bien faire naistre les occasions encor que nous ne les voyons pas, et les fera sortir de quelque lieu auquel nous ne pensons pas.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000399 

 Je le suis autant du contentement que vous donnes aux vostres et de la gayeté avec laquelle vous vives; car Dieu est le Dieu de joye.

  A013000399 

 Je suis bien consolé de voir combien vous estimes le bien de servir Dieu, car c'est signe que vous l'embrasseres estroittement.

  A013000400 

 Faysons bien, adherons a la volonté de Dieu; que ce soit l'estoille sur laquelle nos yeux s'arrestent en ceste navigation, et nous ne sçaurions que bien arriver.

  A013000400 

 Je prie Dieu nostre Sauveur qu'il vive et regne en vous, et vous en luy..

  A013000411 

 Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter.

  A013000411 

 Or sus donques, courage: Si vous aves confiance vous verres la gloire de Dieu..

  A013000413 

 O Dieu, dis je, ainsy puissies vous vous asseoir sur le cœur de cette fille que vous m'aves donnee et a laquelle vous m'aves donné.

  A013000414 

 Dieu soit en tout et par tout beni, et veuille se saysir de nos cœurs es siecles des siecles.

  A013000427 

 Dieu en a bien gueri quelques uns soudainement, sans leur laisser aucune marque de leurs maladies precedentes, comme il fit a l'endroit de Magdeleine, laquelle, en un instant, d'un esgoust d'eau de corruption, fut changee en une source d'eaux de perfections et ne fut jamais troublee despuis ce moment la.

  A013000427 

 Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems apres leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit: tesmoin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la premiere vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort miserablement une fois par la negation..

  A013000427 

 Pendant que nous sommes icy bas, il faut que nous nous portions tous-jours nous mesmes jusques a ce que Dieu nous porte au Ciel, et pendant que nous nous porterons, nous ne porterons rien qui vaille.

  A013000427 

 Vous vous plaignes dequoy plusieurs imperfections et defautz se meslent en vostre vie, contre le desir que vous aves de la perfection et pureté de l'amour de nostre Dieu.

  A013000429 

 Es palais des princes et des rois on y met des statues qui ne servent qu'a recreer la veuë du prince: contentés vous donq de servir de cela en la presence de Dieu, il animera cette statue quand il luy plaira..

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000430 

 Nous sommes bien heureux de pouvoir demeurer en la presence de Dieu, et contentons nous qu'elle nous fera porter nostre fruit ou tost ou tard, ou tous les jours ou par fois, selon son bon playsir auquel nous devons pleynement nous resigner..

  A013000431 

 C'est un mot de merveilles que celuy que vous me dites: Que Dieu me mette en quelle saulse qu'il voudra, ce m'est tout un, pourveu que je le serve.

  A013000431 

 Et bien, vous me dites qu'en quelle saulse que Dieu vous mette ce vous est tout un.

  A013000431 

 Mon Dieu, que l'amour propre se fourre subtilement parmi nos affections, pour devotes qu'elles semblent et paroissent!.

  A013000432 

 Il faut regarder ce que Dieu veut, [20] et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gayement, ou au moins courageusement; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un.

  A013000433 

 Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tesmoignent leurs desplaysirs seulement en disant: Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit.

  A013000433 

 Mais, courage, je vous supplie; accoustumés petit a petit vostre volonté a suivre celle de Dieu ou qu'elle vous mene; faites qu'elle se sente fort piquee quand vostre conscience luy dira: Dieu le veut; et petit a petit, ces repugnances que vous sentes si fortes, s'affoibliront et bien tost apres cesseront du tout.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000434 

 Quant au desir que vous aves de voir les vostres fort advancés au service de Dieu et desir de la perfection chrestienne, je le loue infiniment, et comme vous souhaittes, j'adjousteray mes foibles prieres aux supplications que vous en faites a Dieu.

  A013000444 

 O tribulation, que vous series desirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne; [22] jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle.

  A013000461 

 Dieu en soit glorifié et beni..

  A013000471 

 Voyci le grand mot qui me rend si absolument vostre: c'est que Dieu le veut, et je n'en doute nullement.

  A013000472 

 J'ay sans doute une extreme compassion a vos souffrances, et les recommande souvent a Nostre Seigneur affin qu'il vous les rende utiles et qu'au sortir d'icelles on puisse dire de vous, comme il fut dit du bon homme Job: En toutes ces choses il ne pécha onques, mays il espera en son Dieu..

  A013000473 

 Mon Dieu, que vous seres eternellement heureuse si vous souffres pour Dieu ce peu de maux qu'il vous envoye!.

  A013000474 

 Mais, ma chere Fille, ayés confiance, soyés ferme: Si vous croyes, vous verres la gloire de Dieu.

  A013000479 

 Faysons troys choses, ma tres chere Fille, et nous aurons la paix: ayons une intention bien pure de vouloir en toutes choses l'honneur de Dieu et sa gloire, faysons le peu que nous pourrons pour cette fin la, selon l'advis de nostre pere spirituel, et laissons a Dieu tout le soin du reste.

  A013000479 

 Qui a Dieu pour object de ses intentions et qui fait ce qu'il peut, pourquoy se tourmente il? pourquoy se trouble il? qu'a il a craindre? Non, non, Dieu n'est pas si terrible a ceux qu'il ayme; il se contente de peu, car il sçait bien que nous n'avons pas beaucoup.

  A013000481 

 La premiere, c'est que bien souvent nous estimons avoir perdu la paix par ce que nous sommes en amertume, et neanmoins nous ne l'avons pas perdue pourtant; ce que nous connoissons, si pour l'amertume nous ne laissons pas de renoncer a nous mesme et vouloir du tout dependre du bon playsir de Dieu, et nous ne laissons pas pour cela d'executer la charge en laquelle nous sommes.

  A013000481 

 La seconde, c'est qu'il est force que nous souffrions de l'ennuy interieur quand Dieu arrache la derniere peau du viel homme pour le renouveller en l'homme nouveau qui est creé selon Dieu; et partant nous ne devons nullement nous troubler de cela, ni estimer que nous soyons en la disgrace de Nostre Seigneur.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000485 

 Mais je sçai bien que la, dessus le lict, vous jettes mille fois le jour vostre cœur es mains de Dieu, et c'est asses.

  A013000485 

 Obeysses bien aux medecins, et quand ilz vous defendront quelque exercice, ou de jeusne, ou d'orayson mentale, vocale, ou mesme l'Office, horsmis la jaculatoire, je vous prie tant que je puis, et par le respect et par l'amour que vous me voules porter, d'estre fort obeissante, car Dieu l'a ainsy ordonné.

  A013000485 

 Quand vous seres guerie et bien fortifiee reprenes tout bellement vostre chemin et vous verres que nous irons bien loin, Dieu aydant; car nous irons ou le monde ne peut atteindre, hors ses limites et confins..

  A013000486 

 Croyés, je vous supplie, que je n'ay rien plus a cœur que vostre advancement devant Dieu; et si mon sang y estoit utile, vous verries bien en quel rang je vous tiens.

  A013000488 

 Hé courage, ma chere et bienaymee Fille; Dieu nous en fera la grace..

  A013000491 

 C'est une de ses grandes passions et des miennes: Dieu veuille que ce soit avec autant de vostre contentement..

  A013000493 

 La pauvrette est de la seconde sorte: languissante sous les melancholies et embarrassemens de diversités de foiblesse, qui semblent accabler sa vertu; il faut l'ayder tant qu'on pourra et laisser le reste a Dieu..

  A013000505 

 Ce n'est pas de mon eschole qu'elle a jeusné ce Caresme contre l'opinion des medecins, a l'obeissance desquelz je l'exhorte bien fort, sachant bien Dieu seul estre servi comme cela..

  A013000505 

 Je vis en perpetuelle apprehension de son mal qu'il n'empire, et en recommande a Dieu les remedes autant qu'il m'est possible.

  A013000506 

 Au demeurant, Monsieur mon tres honnoré Pere, j'ay une jeune seur que je desirerois mettre aupres de cette aisnee et plus chere en son Monastere, non pour estre Religieuse, si Dieu ne luy en donne l'inspiration, mais seulement pour avoir cet honneur d'estre aupres d'elle et d'apprendre la vertu en une si bonne compaignie.

  A013000506 

 Que s'il vous plaist m'en donner la permission, ce sera, Dieu aydant, sans que la Mayson en reçoive aucune charge; madame l'Abbesse seule en sera importunee de seulement supporter [36] l'incommodité de voir aupres de soy une inutile et maussade fille et servante..

  A013000521 

 Il me semble qu'elle a un petit trop de crainte que je ne m'offence si elle communique son interieur a quelque autre; et la verité est que quicomque veut proffiter il ne faut pas l'aller espanchant ça et la indistinctement, ni changer a toute apparence de methode et façon de vivre; mais aussi doit on vivre avec une honneste liberté, et, quand il est requis, il ne faut faire nulle difficulté d'apprendre d'un chacun et de se prevaloir des dons que Dieu met en plusieurs.

  A013000521 

 Je ne desire rien tant, que de voir en elle un cœur estendu et sans aucune contrainte au service de Dieu.

  A013000522 

 Je le prie qu'il voye le plus qu'il pourra le monastere du Puy d'Orbe; je m'asseure qu'il luy sera utile, et Dieu, sans doute, l'a preparé pour cela, dont je louë sa divine Majesté de tout mon cœur.

  A013000522 

 Vous feres bien aussi de luy obeir en tout le reste de vostre conduitte interieure et spirituelle, sans que pourtant je me veuille exempter de contribuer tout ce que Dieu me donnera de lumiere et de force, car il ne me seroit pas possible de desfaire la sainte liayson que Dieu a mis entre nous..

  A013000523 

 Affermissés tous les jours de plus en plus la resolution que vous aves prise avec tant d'affection de servir Dieu selon son bon playsir et d'estre tout entierement sienne, sans vous rien reserver pour vous ni pour le monde.

  A013000539 

 Puysque vous estes resolue de me revoir entre ci et [39] Pentecoste et que vous en esperes tant de fruit, venes au nom de Dieu, et pour une bonne fois.

  A013000541 

 De mon costé, je presenteray a Dieu plusieurs sacrifices, pour obtenir de sa bonté la lumiere et grace necessaire, pour vous servir en cette [40] occasion.

  A013000541 

 Je vous dirois bien que vous præparassies une grande, mais je dis une tres grande et absolue confiance en la misericorde de Dieu premierement, puis en mon affection, mais je sçai que de cela la provision est toute faitte..

  A013000542 

 Le plus que vous pourres apporter d'abnegation ou indifference de vostre propre volonté, c'est a dire de desir et resolution de bien obeir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es ames qui sont purement siennes et non præoccupees d'affections et de propres volontés.

  A013000544 

 Courage, ma Seur, Dieu vous sera bon et propice..

  A013000548 

 Dieu vous ayde.

  A013000577 

 Venes joyeusement, Dieu vous attend.

  A013000580 

 Celuy duquel Dieu vous donne l'ame,.

  A013000594 

 Vivés joyeuse en Dieu, et salués tres humblement en mon nom madame vostre Abbesse et vostre chere Maistresse.

  A013000610 

 Je prie Dieu, Monsieur, quil vous comble de ses graces, et suis.

  A013000625 

 Je veux que nous les appellions jours de nostre dedicace, puisqu'en iceux vous aves si entierement dedié vostre esprit a Dieu..

  A013000625 

 O que mon ame est satisfaitte de l'exercice de penitence que nous avons fait ces jours passés, jours heureux, et acceptables, et memorables! Jobdesire que le jour de sa naissance perisse et que jamais il n'en soit memoire; mais moy, ma Fille, je souhaitte, au contraire, que ces jours esquelz Dieu vous a faitte toute sienne, vivent a jamais en vostre esprit et que la souvenance en soit perpetuelle.

  A013000629 

 Mon Dieu, ne craignés point que la providence de Dieu vous defaille; non, s'il estoit besoin, il envoyeroit plustost un Ange pour vous conduire que de vous laisser sans guide, puisqu'avec tant de courage et de resolution vous voules obeir.

  A013000629 

 Vostre vœu est dressé a Dieu, quoy qu'il regarde un homme.

  A013000638 

 Me voyci a vous escrire et ne sçai quoy, sinon que vous allies tous-jours gayement en ce chemin celeste auquel Dieu vous a mise.

  A013000639 

 En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables? Prenés garde, ma tres chere Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur.

  A013000639 

 Or, cette pureté consiste a priser toutes choses et les peser au poidz du sanctuaire, lequel n'est autre chose que la volonté de Dieu..

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000654 

 Or, ma Fille, ni a-il pas moyen de dissoudre petit a petit ces difficultés? Il le faut sans doute, et procurer d'avoir une vraye simplicité chrestienne, delaquelle le principal effect consiste a naifvement se declairer en confession, et bien plus encores; car je ne doute point qu'un jour Dieu vous fera la grace d'estre si humble que vous desireres que non seulement vos peres spirituelz, mais les autres aussi sachent toutes vos imperfections.

  A013000655 

 Et moy, ma chere Fille, je prieray tant Dieu, quil m'assistera a vous bien conseiller..

  A013000656 

 Tenes donq ferme, car ce n'est rien; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensee a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mere..

  A013000658 

 Je le dis devant Dieu, auquel je demande incessamment vostre gloire et vostre perfection.

  A013000679 

 Et mon Dieu, que vous seres heureuse si au milieu du monde vous conserves Jesus Christ dedans vostre cœur! Je le supplie qu'il y veuille vivre et regner eternellement..

  A013000680 

 C'est tout, en somme, d'avoir le cœur doux a l'endroit du prochain et humble a l'endroit de son Dieu.

  A013000681 

 Je vous l'ay dit, Madame, et je vous l'escris maintenant: je ne veux point une devotion fantasque, brouillonne, melancholique, fascheuse, chagrine; mais une pieté douce, souëfve, aggreable, paysible et, en un mot, une pieté toute franche et qui se fasse aymer de Dieu premierement, et puis des hommes.

  A013000682 

 Notés bien et vous resouvenes de ce que je vous ay dit: offrés et donnés a tout moment vostre cœur a Dieu, souspirés a luy, rendes vostre devotion aggreable, sur tout a monsieur vostre mari, et vives joyeuse d'avoir pris ce genre de vie..

  A013000683 

 Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main; rendes moy le reciproque, et jettés quelques souspirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute voüee au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher.

  A013000702 

 Courage, pour l'amour de Dieu, ma chere Fille.

  A013000702 

 Dieu, qui a fait le reste, fera bien encor quil s'accommodera un jour du tout a nous..

  A013000702 

 Seigneur Dieu, je croyois que vous n'oseries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos ames, si pleins de la gloire de Dieu? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire.

  A013000704 

 La patience vous est requise, par ce que vous y aures mille petitz degoustz; mais il ni a remede, c'est la gloire de Dieu.

  A013000721 

 Mais pour ma Seur, c'est ma fille, et, avec vostre congé, je pense que nostre bon Dieu, qui m'a tant donné de cœur a son bien, me donnera de la lumiere pour le service de son esprit.

  A013000722 

 Dieu nous veuille rendre telz quil nous souhaitte pour sa gloire, et je suis sans fin,.

  A013000736 

 A Dieu, ma Fille tres aymee; vivés en Jesus Christ et faites quil vive en vous.

  A013000753 

 Je ne suis nullement en doute de la fermeté de vostre zele et de vostre memoyre es choses qui regardent le service de Dieu.

  A013000781 

 C'est cela, ma Fille: Dieu nous fait voir [67] ces esmotions, combien nous sommes de chair, d'os et d'esprit.

  A013000781 

 Je suis passionné, quand je voy les graces que Dieu me fait, apres tant d'offences que j'ay commises..

  A013000783 

 A Dieu, ma Fille; demeurés en paix, et tenés-vous sur le bout de vos piedz et vous estendés fort du costé du Ciel.

  A013000804 

 Et si le trône de Votre Sainteté devait être édifié avec les vêtements de vos sujets, comme le fut, d'après l'Ecriture, le premier trône de Jéhu, en toute hâte je prendrais mes habits, je les étendrais sous vos pieds, je sonnerais de la trompette et je m'écrierais: Que Paul V soit roi! Vive le Pontife suprême que le Seigneur a sacré sur Israël, le peuple de Dieu!.

  A013000821 

 Dequoy pleures-vous, o femme? Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des tenebres, ni des impuissances, ni des barrieres.

  A013000821 

 Nous suffise que Dieu est nostre Dieu et que nostre cœur est sa mayson..

  A013000822 

 O Dieu, disois je, qui me donnera ce bonheur de voir un jour le nom de Jesus gravé dans le fin fons du cœur de celle qui le porte marqué sur sa poitrine? O que j'eusse soüaité d'avoir le fer de la lance de Nostre Seigneur en une main et vostre cœur de l'autre! Sans doute j'eusse fait cet ouvrage.

  A013000826 

 Je suis plein d'esperance en la bonté de Dieu que nous serons tout siens; je suis joyeux et plein de courage: Dieu n'est il pas tout nostre? Amen.

  A013000840 

 Je vous supplie, Monsieur, de continuer en mon endroit la charité que vous m'aves promise de prier Dieu pour moy, qui suis....

  A013000851 

 Mais je ne lairray pas de vous supplier, Monsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Bergeraz, et de me marquer le jour et le lieu auquel je me rende ensemblement pres de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions necessaires a l'entretenement du service de Dieu es eglises des balliages.

  A013000872 

 Mesnagés vostre santé affin qu'elle vous serve a servir Dieu.

  A013000872 

 Presentés a Dieu vostre petite cooperation, [79] et soyés certaine qu'il l'aggreera et benira de sa sainte main..

  A013000873 

 A Dieu, ma chere Fille; je supplie sa sainte Bonté qu'elle vous assiste a jamais, et je suis extremement, et de tout mon cœur, tout vostre et plus que vostre..

  A013000880 

 Non, de par Dieu, ma tres chere Fille, non, je ne seray point en peyne, je ne craindray point, je ne douteray point pour vos impuissances, ni pour le mal qui est dans vostre teste.

  A013000881 

 Rachel, ne pouvant avoir des enfans, donna en mariage pour sa seconde a son mary la bonne fille Bala (en ce tems la, il estoit permis d'avoir plusieurs femmes pour multiplier le peuple de Dieu), et Bala enfantoit sur les [80] genoux de Rachel; dont Rachel prenoit les enfans a soy et les tenoit pour siens, si que Bala, sa seconde, n'en avoit plus de soin, au moins, elle n'en avoit pas le plus grand soin.

  A013000883 

 Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net, car ilz verront Dieu; il ne dit pas qu'ilz le voyent, mais qu'ilz le verront..

  A013000883 

 Demeurés en paix, ma Fille, vous aves le partage des enfans de Dieu.

  A013000884 

 Mais que voudries vous qu'il fust? Quelque esprit clairvoyant, fort, constant et subsistant? Aggreés que vostre esprit soit assortissant a vostre condition: un esprit [de] vefve, c'est a dire vil et abject de toute abjection, horsmis celle de l'offense de Dieu.

  A013000885 

 Mais mon Dieu, commenceray je par la a vous parler de moy, puisque vous le desires? C'est la verité; hier tout le jour et toute cette nuit, j'en ay porté une pareille, non pas en ma teste, mais en mon cœur; mais maintenant elle m'est ostee par la confession que je viens de faire.

  A013000889 

 Despuis vostre despart, je n'ay cessé de recevoir des traverses et grosses et petites; mais ni mon cœur ni mon esprit n'a nullement esté traversé, Dieu mercy.

  A013000889 

 Je feray tous les jours mieux, Dieu aydant; au moins j'en ay la volonté..

  A013000890 

 Oh, cela ne se peut dire, Seigneur Dieu, quelle consolation au Ciel a s'entr'aymer en cette pleyne mer de charité, puisque ces ruisseaux en rendent tant!.

  A013000891 

 O Sauveur de mon ame, quelle joye de l'ouyr si saintement accuser ses pechés, et, parmi le discours d'iceux, faire voir une providence de Dieu si speciale, si particuliere a le retirer, par des mouvemens et ressortz si secretz a l'œil humain, si relevee, si admirable.

  A013000892 

 Ma response est devant Dieu: non, ne doutés point, ma Fille, je ne ferois pas un seul clin d'œil [84] pour tout le monde, je le mesprise de bon cœur; si ce n'est la plus grande gloire de nostre Dieu, rien ne se remuera en moy.

  A013000894 

 A Dieu, ma tres chere Fille; a ce grand Dieu, dis je, auquel nous nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame, que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy.

  A013000904 

 Allons, ma chere Seur, ne nous arrestons nulle part qu'en Dieu, hors duquel aussi bien ne pouvons nous avoir aucun repos.

  A013000904 

 Mais je ne doute nullement qu'elles ne soyent tous-jours telles, et qu'elles ne me donnent asseurance de quelque progres spirituel en l'amour de Dieu et de vostre vocation.

  A013000904 

 Que je les souhaite saintes, ma chere Dame, et sortables aux graces que Dieu vous a faites.

  A013000925 

 Et Dieu m'a fait voir a ce voyage une consolation entiere; car, au lieu que je n'y treuvay que cent Catholiques, je n'y ay pas maintenant treuvé cent huguenotz.

  A013000925 

 J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des eglises, j'y ay esté fort empesché; mais Dieu y a mis une tres bonne fin par sa grace, et encores s'y est il fait quelque peu de fruit spirituel.

  A013000926 

 C'est aujourd'huy saint Augustin, et vous pouves penser, si j'ay prié pour vous et le Maistre et le serviteur et la mere du serviteur de Dieu.

  A013000926 

 Dieu le veut, ma Fille, je le sçai bien, et il en tirera sa gloire.

  A013000926 

 Vivés joyeuse et soyés genereuse; Dieu que nous aymons et a qui nous sommes voués, nous veut en cette sorte la.

  A013000928 

 L'Apostre saint Paul en souffre de terribles et Dieu ne les luy veut pas oster, et le tout par amour.

  A013000929 

 Il ne laissera pas pour cela d'estre nostre Dieu, car l'affection que nous luy devons est d'une nature immortelle et imperissable..

  A013000929 

 Vivés, ma chere Fille, avec le doux Jesus et vostre sainte Abbesse, parmi les tenebres, les cloux, les espines, les lances, les derelictions, et, avec vostre Maistresse, vivés long tems en larmes, sans rien obtenir; en fin Dieu vous resuscitera et vous res-joüyra, et vous fera voir le desir de vostre cœur.

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000944 

 Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses: il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien.

  A013000959 

 Mon Dieu, ma chere Fille, quand sera ce que Nostre Dame naistra dedans nostre cœur? Pour moy, je voy bien que je n'en suis nullement digne; vous en penseres tout autant de vous.

  A013000960 

 Aussi, ma Fille, jamais nostre bon Dieu ne nous abandonne que [91] pour nous mieux retenir; jamais il ne nous laisse que pour nous mieux garder; jamais il ne luicte avec nous que pour se rendre a nous et nous benir..

  A013000972 

 Je voudrois bien sçavoir tout nettement ce que je dois esperer de l'assistance de monsieur Viardot pres des Peres Jesuites, pour vostre Mayson... Or bien, la gloire de Dieu soit faitte..

  A013000974 

 Mais laissons nous aller a la providence de Dieu, qui sçait ce qui est mieux..

  A013000974 

 Vous exclames de desir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas.

  A013000977 

 Ce bon succes du commencement de nostre reformation, ces bons desirs, ces bonnes affections a la poursuite de la vertu, ces feux, ces fers, ces litz de douleur, cette jambe boiteuse, ces contradictions, que penses vous que soit tout cela? Marques de l'amour de Dieu, signes de son bon playsir en nous.

  A013000977 

 Courage, ma Fille, courage; a quoy sert il de desguiser nostre bonheur? Non, sans doute, Dieu nous donne des grandes conjectures qu'il est nostre et que nous serons un jour du tout a luy.

  A013000991 

 Tout aussi tost que nostre bon Dieu mit en l'esprit de madame vostre Abbesse la confiance qu'ell'a au mien, et qu'avec tant de volonté, ell'eut embrassé le dessein de restablir la discipline religieuse en son Monastere, je me sentis aussi tout soudainement lié et voué a vostre service, et commençai a vous souhaiter toutes les benedictions du Ciel, lesquelles je ne doutois point vous devoir bien tost arriver par la disposition en laquelle je voyois vostre teste, et celle en laquelle, par son recit, je vous voyois aussi toutes; car elle me dit tant de louables qualités de vostre bon naturel, que je m'en promis aysement les beaux et dignes effectz desquelz vous jouisses maintenant avec elle, et je m'en res-jouis extremement avec vous..

  A013000992 

 Beni soit Dieu, mes cheres Dames, qui tient vos cœurs [95] en sa main et leur donne la sainte forme de son bon playsir.

  A013000992 

 Que puis-je dire en ce grand contentement que j'en reçois, sinon que Dieu vous veuille affermir de plus en plus en ces saintes affections et vous donne la sainte perseverane? Y a il consolation au monde, comparable a celle d'un'ame religieuse, qui n'a que Dieu pour l'object de ses affections? Y a-il rien de si doux que de voir une mere, avec tant de filles autour d'elle, qui, comme branches d'un bel olivier, fleurissent sur le tige de la sainte obeissance et observance de la Regie?.

  A013000992 

 Vous appliques [déjà] fort vos entendemens a connoistre Dieu par l'orayson, vos memoires a vous resouvenir de ses bien faitz, par l'action de graces et meditation, vos volontés a son obeissance, par celle que vous rendes avec tant de soupplesse a vostre Abbesse.

  A013000993 

 Mon Dieu, mes cheres Dames, que c'est une grand'amertume que l'amertume d'une Religion desreglee, d'une compaignie sans ordre.

  A013000994 

 Non seulement vous jouires du bonheur que la vie vrayement religieuse donne aux ames qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particuliere consolation: c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette benediction pour vous, mais vous la feres couler a vostre posterité spirituelle, et laisseres dedans vostre Mayson des plantes apres vous, qui rendront le mesme fruit, Dieu [96] aydant.

  A013000995 

 Que l'Abbesse est heureuse d'avoir treuvé des cœurs si disposés au bien que Dieu luy avoit inspiré de procurer; que les Religieuses sont heureuses de s'estre rencontrees en un tems auquel leur Abbesse devoit faire tel dessein.

  A013000995 

 Quel bonheur de vous voir, comme seurs en une table, repaistre et l'interieur et l'exterieur d'une mesme tressainte viande; de vous voir au chœur, les yeux couvertz au monde et ouvers a Dieu; de vous voir, avec cett'humilité et renoncement de vous mesme, obeir aux volontés de celle que Dieu vous a donnee pour conductrice en ce voyage de perfection.

  A013000996 

 Ayes aggreable l'affection qui le pousse a vos yeux, et croyes, je vous supplie, que je ne cesseray jamais d'implorer de la misericorde de Dieu les graces qui vous sont requises, pour le saint accomplissement de cette sainte besoigne que vous aves si heureusement commences avec madame vostre Abbesse.

  A013000997 

 Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves; conserves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obeissance.

  A013001014 

 Il estoit couché parmi les obscures tenebres, en un lieu fort affreux: il sentit des grans espouvantemens, mais ce fut pour peu, car soudain il vit une clairté de feu et ouyt la voix de Dieu qui luy promit ses benedictions.

  A013001014 

 Mon esprit, sans [98] doute, vit parmi vos tenebres et tentations, car il accompaigne fort le vostre; le recit de vos maux me touche de compassion, mais je voy bien que la fin en sera heureuse, puisque nostre bon Dieu nous fait prouffiter en son eschole, en laquelle vous estes plus esveillee a la sentinelle qu'en autre tems.

  A013001015 

 Et fermés les yeux a tout respect que vous pourries porter a mon repos, lequel, croyés-moy, je ne perdray jamais pour vous, pendant que je vous verray ferme de cœur au desir de servir nostre Dieu, et jamais, jamais, s'il plait a sa Bonté, je ne vous verray qu'en cette sorte la.

  A013001015 

 Que nous importe-il que Dieu nous parle parmi les espines ou parmi les fleurs? Mais je ne me resouviens pas qu'il ayt jamais parlé parmi les fleurs, ouy bien parmi les desertz et halliers plusieurs fois.

  A013001016 

 O Dieu, courage! Les lumieres ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui depend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie celeste sera sur vostre cœur, il n'y a rien a craindre..

  A013001016 

 Soyés courageuse, ma chere Fille; nous ferons prou, Dieu aydant; et croyés moy que le tems est plus propre au voyage, que si le soleil fondoit sur nos testes ses ardentes chaleurs.

  A013001017 

 J'ay le cœur bon, Dieu merci, et j'espere de le rendre encores meilleur selon vostre desir.

  A013001017 

 Mais faites courir vostre imagination tant que vous voudres, elle ne sçauroit atteindre ou ma volonté me porte, pour vous souhaitter de l'amour de Dieu..

  A013001017 

 Mon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre: c'est une vraye fille spirituelle, cela.

  A013001018 

 Courage, ma Fille, Dieu est pour nous.

  A013001019 

 Je suis immortellement tout vostre, et Dieu le sçait, qui l'a voulu ainsy et qui l'a fait d'une main souveraine et toute particuliere..

  A013001030 

 Ce ne fut pas sans parler du desir qu'ell'a de faire un saint holocauste de soy mesme a la majesté de son Dieu, se vouant entierement a son service, en la Religion de Sainte Claire.

  A013001031 

 Croyes moy, Monsieur, Dieu sçait qu'en ceci je parle devant luy: abandonnés vous a la Providence divine, et laisses embarquer cette fille ou l'inspiration l'appelle.

  A013001031 

 Dieu vous consolera plus en un jour, acquiesçant a sa volonté, que tous les enfans du monde ne feront en cent ans.

  A013001031 

 Et s'il vous falloit immoler vostre fille comm'Abraham voulut faire son enfant, et Jephté le fit reellement, n'auries vous pas le courage de le faire pour Dieu? Or, voyla une douce et non sanglante immolation de vostre fille que Dieu desire de vous; en cela connoistra-il combien vous l'aymes, si vous exposés l'ame de cette fille, qui est vostre ame, pour l'amour de sa divine Majesté, laquelle vous a tant aymè que de donner son Filz pour vous..

  A013001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, que l'esprit de madamoyselle vostre fille estant si parfaittement animé du dessein de vivr'a Dieu totalement et sans division, elle n'aura jamais repos hors du lieu ou elle aspire; et vous, qui l'aimes tendrement, aures aussi beaucoup d'inquietude de la voir vivra contrecœur au monde et devant vos yeux.

  A013001032 

 Je sçay bien, Monsieur, qu'emmy le monde on y peut servir Dieu et faire le salut, mais je ne doute point que ceux que Dieu en retire, n'ayent plus de moyens de le servir.

  A013001046 

 Quel bonheur d'estre la, seule a seule avec Dieu, sans que personne sache ce qui se passe entre Dieu et le cœur, que Dieu mesme et le cœur qui l'adore! J'appreuve que vous vous exercies es meditations de la Vie et Passion de Nostre Seigneur..

  A013001048 

 Ayés un bon courage, Dieu vous appelle indubitablement a beaucoup d'amour et de perfection.

  A013001048 

 Et quant a moy, ma Fille, asseurés vous bien que toutes mes affections sont dediees a vostre bien et au service de vostre chere ame, que Dieu veuille a jamais benir de ses grandes benedictions..

  A013001076 

 J'y rencontre, il faut l'avouer, mon Révérend Père, bien de la peine et du travail, mais ce n'est pas sans mélange de consolation, puisque, par la grâce de notre bon Dieu, tous les jours je vois nombre d'âmes quitter l'hérésie pour rentrer dans le giron de la sainte Eglise.

  A013001091 

 Estant et devant estre homme de fort peu de ceremonies, je vous diray fort simplement que Dieu m'a donné [110] tant d'inclination a vous souhaiter ses graces et benedictions et tant de confiance en vostre vertu, qu'il ne me seroit pas possible ni de cesser de supplier sa divine Majesté affin qu'il perfectionne son saint amour en vostre esprit, ni de douter que vous n'ayes aggreable de vous resouvenir quelques fois de moy, qui, chargé de grand fardeau, ay bien besoin de l'assistance de vos prieres reciproques.

  A013001092 

 C'est ainsy, Madame, qu'il faut faire: recueillir tous-jours avec humilité et consideration les [111] choses qui se disent au nom de Dieu, pour petites qu'elles soyent et quoy que le diseur soit peu de chose.

  A013001092 

 Et ceci vous le deves faire souvent, car, outre que cela recree, Dieu en est servi.

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001110 

 Mon Dieu, supportés la foiblesse de mes espaules et ne les chargés que de peu, pour seulement me faire connoistre quel pauvre soldat je serois, si je voyois les armees en front..

  A013001111 

 Et laissons gronder et fremir l'ennemy a la porte et tout autour de nous; car Dieu est au milieu de nous, en nostre cœur, d'ou il ne [113] bougera point, s'il luy plaist.

  A013001112 

 Je ne vous diray plus rien, ni dessus le grand abandonnement de toutes choses et de soy mesme pour Dieu, ni dessus la sortie de sa contree et de la mayson de ses parens.

  A013001112 

 Non, je n'en veux point parler; Dieu nous veuille bien esclairer et faire voir son bon playsir, car, au peril de tout ce qui est en nous, nous le suivrons ou qu'il nous conduise.

  A013001113 

 Les nuitz nous sont des jours, quand Dieu est en nostre cœur, et les jours sont des nuitz, quand il n'y est point..

  A013001113 

 Vray Dieu! que devoit-elle penser en descendant et voyant ces abismes devant ses yeux interieurs? Je croy qu'elle disoit avec Job: Qui me fera la grace, o mon Dieu, que tu me conserves et defendes en enfer? Et avec David: Non, je ne craindray nul mal, car, Seigneur, tu es avec moy.

  A013001129 

 Dieu sçait ce quil fera pour ma cousine, qui ne peut estre que mieux que d'estre en un monastere ou elle seroit si peu reconneüe..

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001169 

 Monsieur nostre bon pere m'escrit souvent de vos nouvelles: rien ne me peut arriver de plus souhaittable quand elles sont bonnes, comme elles sont tous-jours selon Dieu, en qui je sçai que vous jettes toute vostre veuë interieure, et au bon playsir duquel tous vos desseins et desirs se vont fondre..

  A013001169 

 Opprimé et accablé d'affaires en cette visite de mon diocese que je fay, je ne laysse pas de prier nostre bon Dieu tous les jours et luy offrir le saint Sacrifice, affin que vous ne soyes pas accablee des douleurs que vostre jambe vous apporte, ni des difficultés que nos saintes entreprinses ont et doivent avoir en ces commencemens.

  A013001170 

 Courage, ma chere Fille; Dieu vous sera propice sans doute, pourveu que vous luy soyes fidelle.

  A013001170 

 Je sçai, ma chere Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers; mais aussi je sçai que la victoire en est souventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand merite..

  A013001170 

 Quel bonheur que sa divine Majesté vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays patissant! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par consequent le salut.

  A013001171 

 A Dieu, ma chere Seur; on me ravit les lettres pour les emporter, et n'ay loysir que de me dire,.

  A013001182 

 J'ay esté consolé, au recit que vous me faites des traitz de vertu qui parurent en l'ame de feu monsieur vostre mari, sur le point de son depart de ce monde: signes evidens de son bon fons et de la presence de la grace de Dieu.

  A013001184 

 Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de messieurs nos pere, oncle et frere; mais que ce mot me console: [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions... car je cheris ce bon oncle du fons de mon ame.

  A013001185 

 La meditation de la Passion, nos petitz exercices de mortification et de charité feront merveilles, Dieu aydant.

  A013001185 

 Voyes vous bien, cette chere seur que j'ayme infiniment, ell'est guerie, Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson: encor un peu de respect aux volontés des freres, des peres, des meres, que sçai-je moy? O mon Dieu! que bien heureux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs peres et freres: Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois point.

  A013001187 

 Que je suis ayse que nostre Dijon aye receu les bonnes Carmelines de la Mere Therese! Nostre bon Dieu les face fructifier a sa gloire.

  A013001188 

 Mon Dieu, que de destours prend on avant que d'arriver au logis, quand on n'est pas guidé..

  A013001189 

 Mais je voy nostre bon Dieu qui permet tout pour le mieux, et je l'en beny de tout mon cœur.

  A013001189 

 Mon Dieu, que je desirerois de me pouvoir dignement... [124].

  A013001189 

 O Dieu, quel grand bien a un'ame de toucher au doit son imbecillité! cela la fortifie et establit pour tout le reste de sa vie.

  A013001192 

 Hé, que Dieu m'est bon! je ne fus jamais plus fort.

  A013001193 

 A Dieu, ma chere Fille.

  A013001193 

 Dieu soit nostre cœur, nostre amour, nostre tout.

  A013001204 

 C'est pourquoy, en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte; mais il ne m'est pas possible d'estendre les [126] considerations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net..

  A013001205 

 Vivons, ma Fille, vivons tandis quil plaist a Dieu, en cette vallee de miseres, avec une entiere sousmission a la sainte volonté souveraine.

  A013001206 

 Et ce nid, pour qui seroit-il fait, ma chere Fille? Pour les petitz poussins de celuy qui l'a fait: pour l'amour de Dieu, pour les affections divines et celestes..

  A013001207 

 Mais pendant que les alcions bastissent leurs nidz et que leurs petitz sont encor tendres, pour supporter l'effort des secousses des vagues, helas, Dieu en a le soin et leur est pitoyable, empeschant la mer de les enlever et saysir.

  A013001207 

 O Dieu, ma Fille, et donq cette souveraine Bonté asseurera le nid de nos cœurs pour son saint amour contre tous les assautz du monde, ou il nous garentira d'estre assaillis.

  A013001209 

 Mon Dieu, ma chere Fille, qu'est ce que je vous escris? je veux dire, a quel propos cela? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous..

  A013001210 

 A Dieu, ma Fille; ouy, je dis ma vraye Fille en Celuy duquel le saint amour me rend obligé, ains tout consacré d'estre, vivre, mourir et revivre a jamais vostre et tout vostre.

  A013001220 

 A quoy il me semble que vous pouves et deves contribuer non seulement vos voix, mais vos remonstrances et persuasions, puisque l'erection et establissement de ce college servira tant a la gloire de Dieu et de l'Eglise, comme vous pouves juger et croire.

  A013001254 

 Dieu veüille vous combler des benedictions qu'il respandit sur terre, quand il y envoya son Filz pour naistre petit enfant parmi nous; de quoy nous celebrons la memoire en ces jours, que je vous souhaite pleins de joye et contentement, estant,.

  A013001269 

 O Dieu, pourquoy vivrons-nous l'annee suivante, si ce n'est pour mieux aymer cette Bonté souveraine? Oh! qu'elle nous oste de ce monde, ou qu'elle oste le monde de nous; ou qu'elle nous fasse mourir, ou qu'elle nous fasse mieux aymer sa mort que nostre propre vie..

  A013001269 

 Vive Dieu! ma Fille, nostre cœur (voyes vous, je dis nostre cœur) est fait pour cela: ah! que n'en sommes nous bien pleins.

  A013001270 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaite en Bethlehem maintenant, aupres de vostre sainte Abbesse.

  A013001271 

 Dieu veuille couronner vostre commencement d'annee des roses que son sang a teint..

  A013001272 

 A Dieu, ma chere Fille; je suis celuy qui vous a dedié tout son service..

  A013001320 

 Vous fustes malade apres la Conception, et je le fus aussi sept ou huit jours durant, et craignois bien que ce ne fust pour bien plus, mais Dieu ne le voulut pas.

  A013001321 

 Le bon est que c'est tout a la gloire de nostre Dieu, a laquelle il m'a donné de tres grandes inclinations, et je le prie qu'il luy playse de les convertir en resolutions..

  A013001322 

 Je me sens un peu plus amoureux des ames que l'ordinaire; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes secheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy.

  A013001323 

 Il y a une certaine benediction de Dieu en cette filiation, sans doute..

  A013001324 

 Mais bien, dit le Sage, celuy qui n'a esté tenté que sçait-il? Tout va bien, tout ira bien, Dieu aydant, et, comme je dis ordinairement, si Dieu nous ayde nous ferons prou..

  A013001324 

 Mon Dieu, n'est ce pas dommage que ces bausmes des amitiés spirituelles soyent exposés aux mouscherons? Cette liqueur si sainte, si sacree merite un soin bien grand pour estre conservee toute nette, toute pure.

  A013001324 

 Si les mousches qui avoyent gasté, ou au moins qui vouloyent gaster la suavité de l'onguent estoyent fort pressantes et en grand nombre, o Dieu, en ce cas la il faut qu'elle se renge a un exacte retranchement de toutes paroles superflues, de tous gestes, de toutes vëues, et que le seul confessional, pour tout, demeure en liberté.

  A013001325 

 Nostre petite Charlotte est a Dieu; c'est ce Pere auquel elle ressemble le plus.

  A013001326 

 C'est toute la ceremonie delaquelle j'use avec vous; autrement je reviendrois au mien et tien, duquel Dieu nous veuille garder et defendre..

  A013001326 

 Je ne dy rien a Dieu pour elle, sinon quil en face a son bon playsir.

  A013001326 

 Tous les chemins sont [140] bons a ceux que Dieu tient de sa mayn.

  A013001327 

 Laisses faire, Dieu gardera bien nostre pere sans perdre la fille.

  A013001329 

 Dieu seul le sçait, je ne le sçai pas.

  A013001329 

 Je pense que non, car mille liens me tiennent attaché si court et serré que je ne puis remuer pieds ni mains, si Dieu de sa sainte main ne m'en delivre.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001329 

 Pour ma personne, je ferois tout pour donner satisfaction, je ne dis pas a vous, mais au moindre de tous mes enfans que Dieu m'a donné; mais ma pauvre femme me fait compassion, et puis que je ne la puis laisser qu'elle n'en souffre mille incommodités et que Dieu veut que je luy adhære, me voyla garrotté.

  A013001330 

 Mon Dieu sçait bien que si j'estois en liberté j'irois, je dis, je volerois souvent par tout ou j'ay du devoir.

  A013001331 

 Pour moy, je pense bien, Dieu aydant, vous escrire tous les huit jours.

  A013001333 

 A Dieu, ma chere Fille, a Dieu donq soyes vous a jamais.

  A013001338 

 Vous estes maintenant a Dijon, ou je vous ay escrit il n'y a que peu de jours, et ou vous abondes, par la grace de Dieu, de plusieurs consolations ausquelles je participe en esprit.

  A013001340 

 Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs ames sont la vigne de Dieu; la cisterne est la foy, la tour est l'esperance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est la loy de Dieu, qui les separe des autres peuples infideles..

  A013001340 

 [144] Dieu l'accroistra, s'il luy plait, pour sa sainte gloire.

  A013001341 

 A vous, ma chere Fille, je dis que vostre bonne volonté, c'est vostre vigne; la cisterne, sont les saintes inspirations de la perfection que Dieu y fait pleuvoir du Ciel; la tour, c'est la sainte chasteté, laquelle, comme il est dit de celle de David, doit estre d'ivoire; le pressoir, c'est l'obeissance, laquelle rend un grand merite pour les actions qu'elle exprime; la haye, ce sont vos vœux.

  A013001341 

 Oh! Dieu conserve cette vigne qu'il a plantee de sa main; Dieu veuille faire abonder de plus en plus les eaux salutaires de ses graces en sa cisterne; Dieu soit a jamais le protecteur de sa tour; Dieu soit celuy qui veuille tous-jours donner tous les tours au pressoir, qui sont necessaires pour l'expression du bon vin, et tenir tous-jours close et fermee cette belle haye dont il l'a environnee, cette vigne, et face que les Anges en soyent les vignerons immortelz..

  A013001342 

 A Dieu, ma chere Fille, la cloche me presse.

  A013001351 

 Dieu sçait tout, et j'addresse tout a sa plus grande gloire, et, adorant sa providence, je demeure en paix.

  A013001352 

 Croyés que ce pendant je pense a tous momens a vous et a vostre ame, pour laquelle je jette incessamment mes souhaitz devant Dieu et ses Anges, affin que, de plus en plus, elle soit remplie de l'abondance de ses graces.

  A013001354 

 Je doy a jamais tascher de vous tenir hautement et constamment dans le siege que Dieu vous a donné en mon ame, qui est establi a la Croix..

  A013001355 

 O mon Dieu, que nous serons heureux si nous vivons et mourons en ce saint tabernacle! Non, rien, rien du monde n'est digne de nostre amour; il le faut tout a ce Sauveur qui nous a tout donné le sien..

  A013001356 

 Vrayement, j'ay eu de grans sentimens ces jours passés, des infinies obligations que j'ay a Dieu, et, avec mille douceurs, j'ay resolu derechef de le servir avec plus de fidelité qu'il me sera possible et de tenir mon ame plus continuellement en sa divine presence; et avec tout cela, je me sens une certaine allegresse, non point impetueuse, mais, ce me semble, efficace pour entreprendre ce mien amendement.

  A013001356 

 [147] Vous me souhaittes perpetuellement beaucoup de graces, et moy, avec ardeur nompareille, je prie Dieu qu'il vous rende tres absolument toute sienne..

  A013001357 

 Mon Dieu, tres chere Fille de mon ame, que je voudrois volontier mourir pour l'amour de mon Sauveur! mais au moins, si je ne puis mourir pour cela, que je vive pour cela seul.

  A013001357 

 O ma Fille, je suis fort pressé; que vous puis-je plus dire, sinon que ce mesme Dieu vous benisse de sa grande benediction?.

  A013001358 

 A Dieu encor une fois, ma bonne, ma chere Fille, ma Seur, que je cheris incomparablement en Nostre Seigneur, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A013001358 

 A Dieu encor, ma tres chere Fille; me voyci bien avant dans la nuit, mais plus avant dans la consolation que j'ay de m'imaginer le doux Jesus assis sur vostre cœur; je le prie qu'il y demeure au grand jamais.

  A013001358 

 A Dieu, ma chere Fille; pressés fort ce cher Crucifié sur vostre poitrine.

  A013001377 

 Ne dois-je pas plus de compassion a cette pauvre crucifiee qu'a vous, qui, Dieu mercy, aves tant de commodités?... [151].

  A013001387 

 Ne vous amuses point a la consideration de tout cela, car il vous doit suffire que Dieu n'est point offencé en ces attaques que vous receves.

  A013001387 

 Pour moy, je voy cette grande horreur et hayne que vous aves pour ces suggestions, et ne doute nullement que cela ne vous nuise et ne donne de l'advantage a l'ennemy, qui se contente de vous ennuyer et inquieter, puisqu'il ne peut faire autre chose, comme il ne fera jamais, Dieu aydant.

  A013001388 

 Non, je ne suis nullement en crainte pour les colomnes de nostre tabernacle, car Dieu en est le protecteur.

  A013001398 

 Je vous asseure que cette seule nouvelle m'a des-ja rempli de joye et de contentement, et si cela m'arrive je le tiendray pour une singuliere faveur de Dieu....

  A013001409 

 Je ne veux pas retourner que je ne me sois essayé fort fidellement a bien rendre ce devoir, comme je feray en toutes autres occasions, aydant Dieu, que je supplie vous benir et conserver, et demeure,.

  A013001453 

 Vous seres consolé sans doute, Monsieur mon Pere, par le voysinage de ces bonnes Dames Carmelites, desquelles la bonne odeur se respand souefvement par tout ou elles sont receües; et moy, qui participe a tous vos contentemens, je m'en res-jouis beaucoup, comme aussi de la conversation de messieurs de Berulle [et Gallemand], que j'honnore de tout mon cœur pour sçavoir que Dieu a le sien tourné du costé du leur..

  A013001472 

 Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscretion, en fisse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le desire..

  A013001474 

 A Dieu, Madame ma tres chere Fille, tenes bien serré le sacré Crucifix sur vostre cœur.

  A013001488 

 Le livre de La Methode de servir Dieu est bon, [161] mais embarrassé et difficile plus qu'il ne vous est requis.

  A013001490 

 Ausquelles des deux que vous voulies venir, vous me treuveres icy plein de cœur, et, Dieu aydant, de joye a vous servir..

  A013001492 

 A Dieu, ma tres chere Fille; je suis celuy qu'il a rendu si uniquement vostre..

  A013001492 

 Dieu soit a jamais avec nous, et veuille vivre en nos cœurs eternellement.

  A013001503 

 Je loue Dieu de la santé de madame l'Abbesse, ma grande seur, et, avec vostre congé, ma chere fille, et croy que sa divine bonté s'en servira pour l'accroissement de sa gloire et le salut de plusieurs ames..

  A013001525 

 Haïssés donq vos imperfections parce qu'elles sont imperfections, mays aymés-les parce qu'elles vous font voir vostre rien et vostre neant, et qu'elles sont sujet a l'exercice et perfection de la vertu et misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande incessamment, me confiant que vous en faites le reciproque pour moy, qui, a jamais, suis et seray.

  A013001529 

 Vous me faites tous-jours des excuses; pour l'honneur de Dieu, non plus, car il semble que vous ne sçachies pas quelle ame sa divine bonté m'a donnee en vostre endroit..

  A013001530 

 Dieu soit vostre tout, ma chere Seur..

  A013001560 

 Or, puisque c'est la verité, et que je ne desire de voir la fin de ce proces que pour la gloire de Dieu et le bien de vostre Monastere, je croy que vous ne feres nulle difficulté de m'envoyer ladite attestation..

  A013001595 

 Du moins ne m'y espargneray-je point, Dieu aydant, lequel je prie vous vouloir combler de ses graces, et desire d'estre recommandé a sa misericorde en vos saintz Sacrifices..

  A013001612 

 Continués seulement a presenter souvent vostre cœur a Dieu et vivés en esprit de douceur et d'humilité devant sa face et parmi les prochains, et ne doutes nullement qu'il ne vous assiste et conduise ou vous aspirés..

  A013001630 

 Mais cette fille doit benir Dieu que cet inconvenient luy ayt esté manifesté au commencement de sa devotion, car c'est un signe evident que sa divine Majesté la veut conduire par la main, et, par l'experience de ce danger eschappé, la veut rendre et sage et prudente pour en eviter plusieurs autres.

  A013001630 

 O Dieu, que c'est chose rare de voir des feuz sans fumee! Si est ce que le feu de l'amour cæleste n'en a point pendant quil demeure pur; mais quand il se commence a mesler, il commence de mesme a rendre de la fumee d'inquietudes, de desreglemens et mouvemens de cœur irreguliers.

  A013001630 

 Or bien, Dieu soit loué que tout est bien remis et en bon estat..

  A013001631 

 Dieu soit a jamais en vostre cœur; je suis en luy et par luy, Madame,.

  A013001649 

 Que si Vostre Altesse n'use de sa providence et pieté ordinaire a commander audit Conseil et sieur Bergeraz que, sans delay, il (sic) satisfacent a leur devoir, je n'espere pas d'en voir jamais aucune bonn'issue, laquelle j'affectionne extramement, non seulement pour mon devoir et le salut de plusieurs ames qui manquent d'assistence faute de pasteurs, mais encor par ce que ce sera le comble de lhonneur, qui est deu a la bonté et pieté de Vostre Altesse, de la reduction de ces peuples; qui me fait la supplier tres humblement, et par l'amour de Nostre Seigneur, quil luy playse employer sa bonne et puissante main a l'execution d'une si saint'œuvre, de laquelle la recompense sera immortelle au Ciel, que je desire a Vostre Altesse de tout mon cœur, apres que, par une longue suite d'annees, ell'aura heureusement regné en terre, pour le bien de son peuple et la gloire de son Dieu..

  A013001664 

 Et voyant qu'il n'arrive point, je me plains a vous, Messieurs, mais de vous mesmes, qui, ce me semble, avés trop peu de soin d'une chose si importante a la gloire de Dieu et salut des ames.

  A013001665 

 Ayes aggreable, Messieurs, je vous supplie, cette plainte que je vous fay avec autant de respect que ma juste affection me permet, desirant vivre, Messieurs, en vos bonnes graces, priant Dieu quil vous comble de ses benedictions, et demeurant.

  A013001684 

 C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la cheris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, desire beaucoup de devotion d'elle..

  A013001684 

 J'ay esté consolé de voir que vous vous remettés en la providence de Dieu.

  A013001685 

 Portes y vostre cœur bien fervent, et, [180] soit a pied ou a cheval, ne doutés point que Dieu ne le regarde et que Saint Claude ne le favorise..

  A013001703 

 Ce sera donques pour cette prochaine annee, s'il plait a Dieu, que nous nous reverrons, ma tres chere Fille; mais cela infalliblement, et tous-jours ou aux festes de Pentecoste ou a celle du Saint Sacrement, sans qu'il soit besoin d'attendre aucune autre assignation, affin qu'on s'y dispose de bonne heure.

  A013001704 

 Que je demandasse de vous survivre? Oh vrayement, que ce bon Dieu en face comme il luy plaira, ou tost ou tard: ce ne sera pas cela que je voudrois excepter en mes resignations, si j'en faysois.

  A013001704 

 Seigneur Dieu, que dites vous, ma tres chere Fille? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand desir sur vous que de vous voir en l'entiere et parfaite liberté de cœur des enfans de Dieu? Mais je vous entens bien, ma chere Fille, vous ne voules pas dire cela; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnee.

  A013001705 

 Et, si vous voules que je vous die tout, elle n'agissoit pas si souëfvement au commencement que Dieu me l'envoya (car c'est luy sans doute), comme elle fait maintenant, qu'elle est infiniment forte, et, ce me semble, [182] tous-jours plus forte, quoy que sans secousse ni impetuosité.

  A013001705 

 Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne merite; et, Dieu mercy, je la sens fort entiere maintenant, ayant absolument retranché les veillees du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi.

  A013001706 

 L'orayson du matin a six heures, et durera demi heure ou trois quartz d'heure; a cinq heures du soir, un peu de recueillement pour un quart d'heure environ, et la lecture un quart d'heure, ou devant ou apres; au soir, demi quart d'heure pour l'examen et la recommandation; parmi le jour, beaucoup de saintes aspirations en Dieu..

  A013001709 

 Et tout de mesme des applications de l'entendement, car aussi ne se font-elles que pour esmouvoir les affections, et les affections pour les resolutions, et les resolutions pour l'exercice, et l'exercice pour l'accomplissement de la volonté de Dieu, en laquelle nostr'ame se doit fondre et resoudre.

  A013001711 

 O Dieu! mon Dieu me face tel, que tout ce que j'employe a mon usage soit rapporté a son service, et que ma vie soit tellement sienne, que ce qui sert a la maintenir puisse estre dit servir a sa divine Majesté..

  A013001712 

 Mais bien! que vostre intention vous vaille devant Dieu! J'en suis content pour une piece; mais qui me l'estimera a sa juste valeur? car si je voulois rendre aux pauvres son prix selon que je l'estimeray, je n'aurois pas cela vaillant, je vous en asseure.

  A013001713 

 Voyés-vous, j'adorois Celuy que je portois, et me vint au cœur que c'estoit le vray Aigneau de Dieu, qui oste les pechés du monde.

  A013001715 

 Mais il est vray, vous me venes presque tous-jours a la traverse en ces exercices divins, sans neanmoins les traverser ni divertir, graces a ce bon Dieu.

  A013001716 

 Mais ayés patience, nous en parlerons l'annee suivante, si Dieu nous conserve icy bas.

  A013001718 

 Je me res-jouys de voir les bons Peres Capucins en vostre Autun, car j'espere que Dieu en sera glorifié.

  A013001719 

 Dieu soit leur protecteur a jamais, et de Celse Benigne, duquel je n'ay rien appris, il y a long tems; mays Claude m'en dira quelque chose a son retour.

  A013001727 

 A Dieu, ma chere Fille, a Dieu soyons nous a jamais, sans reserve, sans intermission.

  A013001730 

 Les octaves de Pentecoste et de la Feste Dieu ont esté miennes, ma chere Fille, mais seulement pour demeurer icy, et non pas pour y avoir aucun loysir.

  A013001731 

 J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de dela; faites moy ce bien, je vous prie, ma chere Fille, pour l'amour de Dieu, qui vous veuille benir et conserver eternellement.

  A013001741 

 Mais, comme je vous ay dit maintesfois, nostre bon Dieu me traitte en enfant bien tendre, car il ne m'expose a point de rude [192] secousse; il connoist mon infirmité et que je ne suis pas pour en supporter de grandes.

  A013001743 

 Tenés, ma chere Fille, tenés vostre cœur bien large devant Dieu; allons tous-jours gayement en sa presence.

  A013001744 

 Je vous escriray souvent, ma chere Fille, et mille et mille fois je vous beniray des benedictions que nostre Dieu m'a commises.

  A013001754 

 Aymés tous les prochains, mais sur tout ceux que Dieu veut que vous aymies le plus.

  A013001754 

 Ravales-vous volontier aux actes desquelz l'escorce semble moins digne, quand vous sçaures que Dieu le veut; car, de quelque façon que la sainte volonté de Dieu se fasse, ou par des hautes ou par des basses operations, il n'importe.

  A013001754 

 Servés Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation.

  A013001755 

 Si nostre bon Dieu vous fait courir, il dilatera vostre cœur; mais de nostre costé, arrestons nous a cette unique leçon: Apprenes de moy qui suis debonnaire et humble de cœur ... [194].

  A013001781 

 J'espere que Dieu nous y aidera, que je supplie vous vouloir abondamment combler de ses graces; et vous remerciant bien humblement du soin que vous aves eu de nos affaires, je demeure.

  A013001825 

 Mon Dieu, ma bonne Fille, que vos lettres me consolent et qu'elles me representent vivement vostre cœur et confiance en mon endroit, mais avec une si pure pureté, que je suis forcé de croire que cela vient de la mesme main de Dieu..

  A013001826 

 Les petitesvefves, les petites villageoises, comme basses vallees, sont si fertiles, et les Evesques, si hautement eslevés en l'Eglise de Dieu, sont tout glacés! Ah! ne se treuvera-il pas un soleil asses fort pour fondre celle qui me transit? [199].

  A013001826 

 O Dieu, ce dis je, et l'ardeur de ce berger estoit elle si chaude a la queste de sa vache, que cette glace ne l'a point refroidy? Et pourquoy donques suis je si lasche a la queste de mes brebis? Certes, cela m'attendrit le cœur, et mon cœur tout glacé se fondit aucunement.

  A013001827 

 Que voulies vous que je pensasse la dessus? Je vous en envoyeray un jour un extrait, car, sans mentir, il y a je ne sçai quoy de bon en cette petite histoire d'une femme mariee, et qui estoit, de sa grace, de mes grandes amies et m'avoit souvent recommandé a Dieu..

  A013001828 

 Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur en la sainte Messe, ma tres chere Fille, et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extreme dereliction par laquelle il sua le sang et s'escria sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as-tu delaissé, qu'il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a present, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas.

  A013001829 

 A quel propos s'inquieter? Mon ame, espere en Dieu; pourquoy es-tu triste et pourquoy te troubles-tu? puisque Dieu est mon Dieu et que mon cœur est un cœur tout sien..

  A013001829 

 En fin nous sommes tout a Dieu, sans reserve, sans division, sans exception quelconque, et sans autre pretention que de l'honneur d'estre siens.

  A013001829 

 Si nous avions un seul filet d'affection en nostre cœur qui ne fust pas a luy et de luy, o Dieu, nous l'arracherions tout soudainement.

  A013001837 

 Dieu me veuille assister, ma tres chere Fille, pour respondre utilement a vostre lettre du 9 julliet.

  A013001838 

 C'est bien dit, ma Fille, parlés avec moy franchement, comme avec moy, c'est a dire avec une ame que Dieu, de son authorité souveraine, a rendu toute vostre.

  A013001838 

 Hé, mon Dieu, que voyla une grande consolation pour moy.

  A013001839 

 Dieu vous laisse la pour sa gloire et vostre grand proffit; il veut que vostre misere soit le throsne de sa misericorde, et vos impuissances, le siege de sa toute puissance.

  A013001839 

 Ou est ce que Dieu faisoit resider la force divine qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux, la plus foible partie qui fust en luy? Que je n'oye plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles.

  A013001839 

 Vos impuissances vous nuysent beaucoup, car, dites-vous, elles vous gardent de rentrer en vous mesme et de vous approcher de Dieu.

  A013001841 

 Aymés Dieu crucifié parmi les tenebres, demeurés aupres de luy, dites: Il m' est bon d'estre icy; faysons icy trois tabernacles, l'un a Nostre Seigneur, l'autre a Nostre Dame, l'autre a saint Jan.

  A013001844 

 Un Religieux souffrira patiemment une censure de son Superieur, chacun appellera cela mortification et obedience; un gentilhomme en souffrira une autre pour l'amour de Dieu, on l'appellera couardise: voyla une vertu abjecte, une souffrance mesprisee.

  A013001847 

 Mes seurs me renvoyent a la Visitation des plus miserables, voyla une abjection selon le monde; elles me renvoyent visiter les moins miserables, voyla une abjection selon Dieu; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde.

  A013001848 

 Je donne du nez en terre et tombe en une cholere desmesuree: je suis marry de l'offence de Dieu; bien ayse que cela me declaire vil, abject et miserable..

  A013001849 

 J'ay choysi, dit le Prophete, d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs..

  A013001853 

 Entendés bien, pour l'amour de Dieu; je ne dis pas que non, mais je dis que mon esprit n'a encor sceu treuver dequoy dire ouy.

  A013001853 

 Et sachés qu'en cette enqueste, je me suis tellement mis en l'indifference de ma propre inclination pour chercher la volonté de Dieu, que jamais je ne le fis si fort; et neanmoins, l' ouy ne s'est jamais peu arrester en mon cœur, si que jusques a maintenant je ne le sçaurois dire ni prononcer, et le non, au contraire, s'y est tous-jours treuvé avec beaucoup de fermeté..

  A013001853 

 Mais vous me demandes que je vous die si je ne pense pas qu'un jour vous quitties tout a fait et tout a plat toutes choses de ce monde pour nostre Dieu, et que je ne le vous cele pas, ains que je vous laisse cette chere esperance.

  A013001854 

 Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu; et si elle ne vous donne pas du repos interieur, nous employerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre, Dieu communiquera plus clairement son bon playsir.

  A013001854 

 Mais parce que ce point est de tres grande importance, et qu'il n'y a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention; et encor faudra-il, avant que je me resolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'annee prochaine, Dieu aydant.

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001856 

 Quant a nos petites, j'appreuve que vous leur preparies un lieu dedans des monasteres, pourveu que Dieu prepare dedans leur cœur un lieu pour le monastere.

  A013001857 

 Mais quant a nostre Aymee, d'autant qu'elle veut demeurer en la tourmente et tempeste du monde, il faut sans doute, avec un soin cent fois plus grand, l'asseurer en la vraye vertu et pieté; il faut beaucoup mieux fournir sa barque de tout l'attelage requis contre le vent et l'orage; il faut luy planter creusement dans son esprit la vraye crainte de Dieu et l'eslever es plus saintz exercices de devotion..

  A013001858 

 Dieu en fera a son playsir, et faudra que les hommes s'y accommodent..

  A013001859 

 Vous resouvient il de monsieur N., comme son esprit s'estoit entortillé et entrelassé es vaines craintes sur la fin du Caresme, et que cela n'a esté nullement utile? Je vous supplie pour l'honneur de Dieu, ma Fille, ne craignes point Dieu, car il ne vous veut faire nul mal; aymés le fort, car il vous veut faire beaucoup de bien.

  A013001860 

 Dites luy souvent: Que puis-je avoir sur terre ou que pretens-je au Ciel sinon vous, o mon Jesus? Vous estes le Dieu de mon cœur et l'heritage que je desire eternellement.

  A013001860 

 Que cherchés vous sur terre sinon Dieu? et vous l'aves.

  A013001862 

 Mais si Dieu habite es tenebres et en la montaigne de Sinaï, toute fumante et couverte de tonnerres, d'esclairs et de fracas, ne serons nous pas bien aupres de luy? [211].

  A013001862 

 Non, Dieu ne sçauroit vous perdre pendant que, pour ne le point perdre, vous vivres en nos resolutions.

  A013001862 

 Que le monde renverse, que tout soit en tenebres, en fumee, en tintamarre; mais Dieu est avec nous.

  A013001863 

 Vivés, vivés, ma chere Fille, vivés toute en Dieu, et ne craignes point la mort.

  A013001871 

 car, ma Fille, il faut, comme un petit Jan, nourrir nos cœurs du miel sauvage aussi bien que du commun; c'est a dire, faire tout valoir, a la ville et aux chams, pour la tres sainte dilection de Dieu....

  A013001872 

 Helas, ma chere Fille, disons avec saint Augustin: Que faysons-nous? Les ignorans et les grossiers se levent, et, se levant devant nous, ilz ravissent les cieux; et nous croupissons dans nostre negligence! Au moins, parmy cette misere, soyons humbles, et Dieu nous benira, et relevera nostre bassesse par sa sainte misericorde....

  A013001882 

 Cet exercice la n'est nullement deshonneste devant les yeux de Dieu; au contraire il luy est aggreable, il est saint, il est meritoire, au moins pour la partie qui rend le devoir et n'en recherche pas l'acte, mais seulement y condescend pour obeir a celuy a qui Dieu a donné l'authorité de se faire obeir pour ce regard..

  A013001883 

 C'est le grand mot: si nous sommes saintz selon nostre volonté nous ne le serons jamais bien; il faut que nous le soyons selon la volonté de Dieu.

  A013001883 

 Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est exterieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'interieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit.

  A013001883 

 Ma chere Fille, il ne faut pas juger des choses selon nostre goust, mais selon celuy de Dieu.

  A013001883 

 Mon Dieu, que nous nous trompons souvent!.

  A013001883 

 Or, la volonté de Dieu est que, pour l'amour de luy, vous facies librement ainsy: que vous aymies franchement l'exercice de vostre estat.

  A013001884 

 En la mayson d'un prince, ce n'est [214] pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentilhomme de la chambre; mais en la mayson de Dieu, les souillars et souillardes sont les plus dignes bien souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'exterieur.

  A013001884 

 Je vous dis encor une fois quil ne faut point regarder a la condition exterieure des actions, mais a l'interieure, c'est a dire si Dieu le veut ou ne le veut point.

  A013001884 

 O Dieu, faut-il donques que l'action qui, en l'exterieur, est si basse, soit si haute en merite, et mes prædications, mes Confirmations, si relevees en l'exterieur, soyent si basses en merite pour moy, faute d'amour et de dilection! J'ay dit ceci de la sorte affin que vous sachies que la Communion n'est nullement incompatible avec l'obeissance, en quelque sorte d'action qu'on l'exerce.

  A013001938 

 Empereur très grand et très auguste, que le Seigneur vous exauce au jour de la tribulation, que le nom du Dieu de Jacob vous protège; qu'il vous envoie du ciel son assistance, et que du haut de Sion, il soit votre défenseur.

  A013001947 

 C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout; et le matin, je suis plus gay que jamais.

  A013001947 

 D'ordre, de mesure, de rayson, je n'en tiens point du tout maintenant (car je ne vous sçaurois rien dissimuler); et cependant, me voyla tout fort, Dieu mercy..

  A013001950 

 A Dieu, ma Fille, mais a Dieu soyons-nous a jamais, comme il est nostre eternellement.

  A013001957 

 Les conjurations que la bonne madame l'Abbesse me fait d'aller-la sont si puissantes, qu'autre chose ne pourroit me retenir de l'entreprendre maintenant, sinon la plus grande gloire de Dieu qui me tient encor tout cloué sur ce banq..

  A013001957 

 ... et de prendre tant de loysir pour le faire que vous en soyes bien satisfaitte, comme j'espere que Dieu vous en fera la grace, et a moy qui le souhaite sans fin.

  A013001960 

 ... Je sçay bien que vous n'aves pas besoin d'autres connoissances pour estre consolee que de celle de Dieu, lequel vous treuveres indubitablement icy, ou il attend les pecheurs a penitence et les penitens a sainteté, comme il fait aussi a tous les endroitz du monde; car je l'ay mesme rencontré tout plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et aspres montaignes, ou beaucoup de simples ames le cherissoyent et adoroyent en toute verité et sincerité, et les chevreuilz et chamois couroyent ça et la parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges.

  A013001961 

 O Dieu! un de ses voysins se fit devaler avec une corde pour le chercher, et il le treuva non seulement mort, mais tout presque converti en glace; et, en cet estat, il l'embrasse, et crie qu'on le retire vistement, autrement quil mourra du gel.

  A013001965 

 Dieu veuille... [II] me semble que nostre bonne madame Brulart [presse un] peu trop la bonn' Abbesse, laquelle estant boiteuse,....

  A013001977 

 Mon Dieu, le bon pere que nous avons et le tres bon mari que vous aves! Helas, ilz ont un peu de jalousie de leur empire et domination, qui leur semble estr'aucunement violé quand on fait quelque chose sans leur authorité et commandement.

  A013001979 

 Je veux dire que, pour un peu, Dieu sera servi si, pour regaigner l'esprit de ces deux superieurs quil vous a establiz, vous souffres la privation de la Communion reelle.

  A013001979 

 Quand vous pourres communier sans troubler vos deux superieurs, faites-le selon l'advis de vos confesseurs; quand vous craindres de les troubler, contentes vous de communier d'esprit, et croyes moy, cette mortification spirituelle, cette privation de Dieu aggreera extremement a Dieu et vous le mettra bien avant dans le cœur.

  A013001980 

 Je respons de mesme pour vostre fille: laisses-luy desirer la tressainte Communion jusques a Pasques, puisqu'elle ne la peut recevoir sans offencer son bon pere avant ce tems-la; Dieu recompensera cett'attente..

  A013001981 

 Vous estes, a ce que je voy, au vray essay de la resignation et indifference, puisque vous ne pouves pas servir Dieu a vostre volonté.

  A013002080 

 Cela m'a tenu occupé, mais consolé, a la reception de plusieurs confessions generales et changemens de consciences, outre la mer de mes affaires ordinaires, entre lesquelles (je le dis a vous) je vis en plein [236] repos de cœur, resolu de m'employer fidellement ci apres et soigneusement a la gloire de mon Dieu, premierement chez moy mesme, et puis en tout ce qui est a ma charge.

  A013002124 

 Helas! ma tres chere Fille, il est vray: Dieu, ce me semble, vous faisoit alhors renaistre spirituellement entre mes bras interieurs, qui vous embrasserent, certes, tendrement, et mon cœur fut tout dedié au vostre..

  A013002124 

 Oh! qu'il tienne le second rang apres celuy de nostre Baptesme: jour du renouvellement de nostre temple interieur; jour auquel, par un eschange favorable, nous consacrasmes nostre vie a Dieu pour ne plus vivre qu'en sa mort; jour fondement, Dieu aydant, de nostre salut; jour presage de la sainte et desirable eternité de gloire, jour duquel le souvenir nous res-jouira non seulement en la mort temporelle, mais encor en la vie immortelle.

  A013002124 

 Ouy da, ma bonne et chere Fille, benissons Dieu ensemblement de cette heureuse journee en laquelle, par un feu tout nouveau, vous renouvellastes l'holocauste de [241] vostre cœur, offert et voué pieça a la divine Majesté; et que ce jour, donques, soit conté entre les jours memorables de nostre vie.

  A013002150 

 Mais ce pendant, faites bien la besoigne qui est devant vos yeux maintenant; c'est a dire, continués a faire tout doucement vos exercices spirituelz, rendes vostr'esprit et vostre cœur cent fois le jour entre les mains de Dieu, le luy recommandant en toute sincerité.

  A013002150 

 Voyes quelles occasions vous rencontrés tous les jours pour servir sa divine Majesté, soit pour vostr'advancement, soit pour celluy du prochain, et les employes fidellement; car voyes vous, ma Fille, vous pouvés beaucoup proffiter si vous aymes bien Dieu et sa gloire..

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002174 

 Que Dieu très bon très grand, nous l'en supplions avec toute la ferveur de nos désirs, envoie du ciel son assistance à la Couronne Impériale, et que du haut de Sion il la protège..

  A013002188 

 Sachés que le cœur qui veut aymer Dieu ne doit estre attaché qu'a l'amour de Dieu.

  A013002188 

 Si ce mesme Dieu luy en veut donner d'autre, a la bonne heure; s'il ne luy en veut point donner d'autre, a la tres bonne heure encor.

  A013002191 

 Et je dis excellentes, parce que ces petites resolutions de ne faire pas mal ne sont pas suffisantes: il en faut une de faire tout le bien qu'on pourra et de retrancher non seulement le mal, mais tout ce qui ne sera pas de Dieu et pour Dieu..

  A013002192 

 Or sus, nous nous verrons, s'il plaist a Dieu, avant Pasques.

  A013002228 

 Mon Dieu qui void mon cœur sçait qu'il est plein de beaucoup de grans souhaitz pour vostre advancement spirituel, ma chere Fille.

  A013002228 

 O Dieu, que c'est une grandeur bien grande que cette petitesse! C'est la vraye grandeur des vefves, mais bien encor des Evesques.

  A013002229 

 Que soyons nous a jamais attachés a la Croix, et que cent mille coups de flesches transpercent nostre chair, [252] pourveu que le dard enflammé de l'amour de Dieu ayt premierement penetre nostre cœur.

  A013002230 

 O Dieu, mais que je souhaitte ce cœur du Sauveur pour Roy de tous les nostres!.

  A013002230 

 Tenés vostre cœur au large, ma chere Fille, et pourveu que l'amour de Dieu soit vostre desir et sa gloire vostre pretention, vivés tous-jours joyeuse et courageuse.

  A013002231 

 Je ne puis plus escrire, et suis celuy que Dieu a voulu estre vostre en la façon que luy seul sçait.

  A013002302 

 Je m'en res-jouis en Dieu, pour l'amour duquel je vous les ay recommandés et vous les serves..

  A013002305 

 Or, de par Dieu soit il.

  A013002307 

 Demeurés donques en paix parmi la guerre, et ne vous troublés point, car Dieu est pour vous.

  A013002319 

 A nostre premiere vëue, Dieu nous sera misericordieux, sil luy plait..

  A013002319 

 Mon Dieu, que vous faites bien de mettre vostre desir de sortir du monde en depost es mains de la Providence cæleste, affin qu'il n'occupe point vostre ame inutilement, comm'il feroit indubitablement qui le laisseroit menager et remuer a sa fantasie.

  A013002319 

 Prions Dieu, supplions sa volonté qu'elle se face connoistre, disposons la nostre a ne rien vouloir que par la sienne et pour la sienne, et demeurons en repos, sans empressement ni agitation de cœur.

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002322 

 Faysons-le donques, puisque Dieu vous l'inspire aussi; vous ne laisseres pas d'estre asses brave sans cela aux yeux de vostre Espoux et de vostre Abbesse.

  A013002322 

 La vraye simplicité est tous-jours bonne et agreable a Dieu..

  A013002323 

 Je voy que toutes les saysons de l'annee se rencontrent en vostre ame: que tantost vous sentes l'hyver de maintes sterilités, distractions, degoustemens et ennuys, tantost les rosees du mois de may, avec l'odeur des saintes fleurettes, tantost des chaleurs de desir de plaire a nostre bon Dieu.

  A013002325 

 Dieu vous en sçaura bon gré, car il ayme les petitz enfans; et, comme je disoys l'autre jour au cathechisme pour inciter nos dames a prendre soin des filles, les Anges des petitz enfans ayment d'un particulier amour ceux qui les eslevent en la crainte de Dieu et qui instillent en leurs tendres ames la sainte devotion; comme au contraire, Nostre Seigneur menace ceux qui les scandalisent, de la vengeance de leurs Anges.

  A013002326 

 Despuis que je suis de retour de la visite, j'ay tant esté pressé et empressé a faire des appointemens que mon logis estoit tout plein de playdeurs qui, par la grace de Dieu, pour la pluspart s'en retournoyent en pais (sic) et repos.

  A013002326 

 Je loue Dieu que vous voules accorder vos proces.

  A013002326 

 Si vous n'estes pas a Dijon le Caresme il n'importe pas; vous ne laisseres pas d'estre aupres de nostre bon Dieu, de l'ouyr et servir, mesme en l'assistence de monsieur vostre beaupere auquel je doy tant d'honneur et de respect pour le bien quil me fait de m'aymer.

  A013002328 

 Non, vous ne contrevenes pas a l'obeissance n'eslevant pas si souvent vostre cœur a Dieu et ne prattiquant [264] pas si a souhait les advis que je vous ay donné.

  A013002332 

 O Dieu me face vrayement enfant en innocence et simplicité! Mais ne suis je pas aussi un vray simple de vous dire ceci? Il ni a remede, je vous fay voir mon cœur tel qu'il est et selon la varieté de ses mouvemens, affin que, comme dit l'Apostre, vous ne pensies de moy plus quil ni a en moy..

  A013002333 

 Ah, mon Dieu, que je suis redevable a ce Sauveur qui nous ayme tant, et que je voudrois bien pour une bonne fois le serrer et coller sur ma poitrine! J'entens aussi bien sur la vostre, puis quil a voulu que nous fussions si inseparablement uns en luy..

  A013002334 

 A Dieu, ma tres chere, mais ma vrayement tres chere Seur et Fille.

  A013002352 

 Mon Dieu me face la grace de bien faire ce que je doy pour vivre moins indigne des misericordes avec lesquelles il supporte mes miseres..

  A013002378 

 Je vous renvoye les patentes signees; mais, pour l'honneur de Dieu, si c'est monsieur de Pinché, qu'il n'aille pas sur les galoches et friseures, ni galantant comm'il a fait jadis.

  A013002397 

 Or, ayant cett'opinion, pour contenter mon cœur j'ay creu que je devois en donner cet advis a Vostre Excellence, laquelle jugera par apres ce qu'ell'en doit faire, ne me restant qu'a prier Dieu qu'il la conserve et prospere longuement, et demeure, Monsieur,.

  A013002410 

 ... incertitude me seroit ennuyeuse si Dieu ne vouloit que j'y fusse.

  A013002411 

 Je pense aussi que vous vous tiendres desliee, affin que, si Dieu le veut, vous puissies venir au tems que nous avons marqué; si moins, au tems que nous marquerons.

  A013002412 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je souhaitte tant de bien, a laquelle Dieu m'a si uniquement donné.

  A013002423 

 O mon Dieu, a qui dirois je ces choses, sinon a ma chere Fille?.

  A013002425 

 Il est vray que, pour vous consoler, il faut que je vous die que je la sens encor toute dedans mon cœur, dont je loue Dieu; car c'est la verité que cette sorte d'occupation m'est infiniment proffitable.

  A013002426 

 Je nommois le vostre et celuy de cette jeune servante de Dieu de qui je vous parlois, et plusieurs autres.

  A013002428 

 Je suis celuy que Dieu vous a donné irrevocablement..

  A013002437 

 Receves-le avec honneur et reverence, et priés Dieu pour celuy qui vous le donne et pour moy qui l'ay impetré..

  A013002457 

 A Dieu encor une fois, ma Fille, a Dieu soyons nous a jamais et pour tout.

  A013002459 

 C'est un homme vrayement serviteur de Dieu..

  A013002467 

 O Dieu, que ne suis-je insensible aux autres accidens et suggestions malignes comme je le suis aux injures et mauvaises opinions qu'on a de moy! Il est vray qu'elles ne sont pas ni cuisantes ni en grand nombre; mais encor m'est il advis que s'il y en avoit beaucoup davantage je ne m'en estonnerois pas, moyennant l'assistance du Saint Esprit.

  A013002468 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons-nous au tems et en l'eternité; qu'a jamais puissions-nous unir nos petites croix a la sienne grande..

  A013002470 

 Dieu soit a jamais leur Dieu, et l'Ange qui a conduit leur mere les veuille benir a jamais.

  A013002493 

 Dieu donques, ma tres chere Fille, veut que ce soit a Pentecoste que je vous voye, et icy a Neci ou, nonobstant le Jubilé de Thonon, je me treuveray en ce tems-la et y arresteray au fin moins quinze jours entiers, pour retourner par apres a la conclusion dudit Jubilé, a laquelle Son Altesse, comm'on dit, se treuvera.

  A013002493 

 Mais saches, ma chere Fille, qu'hier seulement cette resolution fut prise, contre toute esperance, mais si a souhait que rien plus: voyla pourquoy je dis que Dieu le veut..

  A013002495 

 Et ce pendant, je prieray nostre grand Dieu qu'il me donne sa sainte lumiere pour vous bien servir en cett'occasion pour laquelle vous aures tant de peyne et de mesayse.

  A013002496 

 A Dieu, ma tres chere Fille, je suis infiniment pressé.

  A013002497 

 Celuy que Dieu vous a si uniquement dedié,.

  A013002530 

 Croyés-moy, Dieu sera glorifié en vostre voyage et venue, d'autant que c'est luy seul qui l'a disposé et m'a osté les empeschemens que je voyois nagueres devant mes yeux pour le faire si tost.

  A013002532 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, jusques a ce tems la; et en ce tems la et en l'eternité, a Dieu soyons nous, et a Dieu sans plus, puisque hors de luy et sans luy nous ne voulons rien, non pas mesme nous mesmes, qui aussi bien, hors de luy et sans luy, ne sommes que des vrays riens.

  A013002543 

 A Dieu donq, Monsieur, jusques a vendredi prochain; ains, a Dieu soyons nous jusques a l'eternité des eternités, car a meilleur maistre ne sçaurions nous estre.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002559 

 Or, si apres avoir appliqué nostre esprit a cette humble preparation, Dieu ne nous donne neanmoins pas des douceurs et suavités, alhors il faut demeurer en patience a manger nostre pain tout sec, et rendre nostre devoir sans recompense presente..

  A013002562 

 Sachés que Dieu ne veut rien de vous sinon cela, pour maintenant: ne vous amuses donques pas a faire autre chose.

  A013002563 

 Il ne faut point de response a ces tentations que celle de Nostre Seigneur: Arriere de moy, o Satan; tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.

  A013002564 

 Je [291] desirois bien de vous voir, mais il n'estoit pas convenable que je le voulusse; Dieu disposera peut estre quelque moyen plus propre pour cela.

  A013002574 

 0 Dieu, me vint il dans le cœur, peut estre maintenant mesme cette fille le mange.

  A013002575 

 Pour moy, je le sens tous-jours plus l'erme en mon ame; et puis que, apres tant de considerations, de prieres et de sacrifices, nous avons fait nos resolutions, ne permettés point a vostre cœur de s'appliquer a des autres desirs; mais, benissant Dieu de l'excellence des autres vocations, arrestés-vous humblement a celle-ci, plus basse et moins digne, mais plus propre a vostre suffisance et plus digne de vostre petitesse.

  A013002577 

 Mais, mon Dieu, ma chere Fille, tenés vostre cœur au large, reposés-le souvent entre les bras de la Providence divine.

  A013002586 

 Mais les croix de Dieu sont elles pas douces et pleines de consolation? Ouy, pourveu que l'on y meure, comme fit le Sauveur.

  A013002586 

 O mon Dieu, que je desire vostre consolation, ma chere Fille.

  A013002587 

 Ne nous amusons point a la consideration de la beauté des autres, mais saluons seulement ceux qui passent par iceux et disons leur simplement: Dieu nous conduise a nous revoir au logis..

  A013002587 

 Quand tout mourroit en nous, pourveu que Dieu y vive, que nous en doit il chaloir? Allons, allons, ma Fille, nous sommes en bon chemin.

  A013002588 

 Dieu, qui void les intimes replis de mon cœur, sçait qu'il n'y a rien en ceci que pour luy et selon luy, sans lequel je veux, moyennant sa grace, n'estre rien a personne et que nul ne me soit rien; mais, en luy, je veux non seulement garder, mais je veux nourrir, et bien tendrement, cette unique affection.

  A013002588 

 Il est fort, impliable et sans mesure ni reserve, mais doux, facile, tout pur, tout tranquille; bref, si je ne me trompe, tout en Dieu.

  A013002589 

 Maintenant donq, y ayant pensé, je vous dis qu'il n'y a point de danger d'en parler quand l'occasion s'en presente, car cela ne tesmoigne que la memoire que vous en deves avoir; mais je croy qu'il seroit mieux, parlant de luy, d'en parler sans paroles et souspirs qui tesmoignassent un amour attaché et engagé a la presence corporelle; et parlant, en lieu de dire: feu mon pauvre mary, je voudrois [295] dire: mon mary, que Dieu ayt en sa misericorde; et ces dernieres paroles, les dire avec sentiment d'un amour non point affoibli par le tems, mais bien affranchi et espuré par l'amour superieur.

  A013002593 

 Tenés vostre cœur ferme et haut eslevé en Dieu par une entiere confiance en sa sainte providence, laquelle, sans doute, ne vous a pas donné le dessein de la servir qu'elle ne vous donne tous les moyens de ce faire.

  A013002594 

 A Dieu donques soyons nous a jamais, sans fin, sans mesure, sans reserve.

  A013002594 

 A Dieu, ma chere Fille, ce n'est pas avec loysir que je vous escris; c'est par impetuosité que j'ay conduit ma plume jusques icy, partie avant la sainte Messe, partie apres.

  A013002594 

 Nous sommes asses riches si ce tresor nous reste, [296] comme il fera infalliblement, Dieu aydant, lequel me rend tous-jours plus puissamment et inviolablement vostre.

  A013002605 

 A Dieu, ma tres chere Fille, ce mesme Dieu que j'adore, qui m'a rendu si uniquement, si intimement vostre; qu'a jamais son nom soit beni et celuy de sa sainte Mere.

  A013002606 

 Je me resouvins encor hier de sainte Marthe, exposee dans une petite barque avec Magdeleine; Dieu luy servit de pilote pour la faire aborder en nostre France..

  A013002607 

 A Dieu de rechef, ma chere Fille, vivés toute joyeuse, toute constante a nostre cher Jesus.

  A013002619 

 O Dieu, les plus belles ne sont pas les meilleures.

  A013002624 

 Ayés bon courage, ne vous estonnés point; soyons seulement a Dieu, car Dieu est nostre.

  A013002633 

 N'ayons point de crainte que de Dieu, et encor, une crainte amoureuse; tenons nos portes bien fermees; prenons garde a ne point laisser ruiner les [300] murailles de nos resolutions et vivons en paix.

  A013002636 

 Mon Dieu, ma Fille, que j'ay de consolation en l'asseurance que j'ay de nous voir eternellement conjointz en la volonté d'aymer et louer Dieu! Que sa divine providence nous conduise par ou il luy semblera mieux; mais j'espere, ains je m'asseure que nous aboutirons a ce signe et arriverons a ce port.

  A013002636 

 Vive Dieu! ma chere Fille, j'ay cette confiance.

  A013002649 

 Nous aurons asses a faire de reduire en effect nos resolutions, lesquelles neanmoins me contentent tous les jours plus, et j'y voy tous-jours plus de la gloire de Dieu, en la seule providence duquel j'espere cet evenement..

  A013002650 

 Ce n'est que par force que je la cheris, parce qu'elle est necessaire, je dis tres necessaire; et sur cela, je vay tout [303] a la bonne foy, a l'abry de la providence de Dieu.

  A013002653 

 Mon Dieu, ma Fille, vous aves trop avant ces desirs dans le cœur.

  A013002653 

 Vous desires infiniment que Dieu vous laisse paysible, dites vous, de ce costé la; et moy je desire que Dieu soit paysible de tous costés et que pas un de nos desirs ne soit contraire aux siens.

  A013002653 

 Vous en seres delivree bien tost, Dieu aydant, lequel j'en supplieray, mais, je vous asseure, avec beaucoup de resignation en son bon playsir; je dis une resignation gaye et douce.

  A013002654 

 Dieu sera avec moy pour cette conduitte, et nous n'errerons point, moyennant sa grace.

  A013002663 

 Hardiment, ma Fille, cheminons en cet amour essentiel, fort et impliable de nostre Dieu, et laissons courir ça et la ces fantosmes de tentations: quilz entrecouppent tant quilz voudront nostre chemin.

  A013002665 

 Ce que Dieu me dit par le prochain m'esmeut beaucoup..

  A013002666 

 Mon Dieu, qui suis-je? Peu de chose, ma Fille, moins que rien.

  A013002668 

 Je fay par tout prier Dieu pour vous, et veux, Dieu aydant, prier encor plus et mieux que je n'ay fait ci devant.

  A013002672 

 Ne sommes nous pas trop heureux de sçavoir quil faut aymer Dieu et que tout nostre bien gist a le servir, toute nostre gloire a l'honnorer? O que sa bonté est grande sur nous! Je m'en vay donq a son saint autel..

  A013002674 

 Je n'escris pas a mon bon monsieur le Conte pour ce coup, mais je prie Dieu quil establisse en luy son saint amour, et le cheris extremement..

  A013002683 

 Encor mon affection n'est pas satisfaite, car elle est insatiable au desir de rendre a mon Dieu le devoir que j'ay envers vous.

  A013002683 

 Je dis a Dieu, ma Fille, parce que je me confirme tous les jours plus en la creance que j'ay que c'est Dieu qui m'impose ce devoir: c'est pourquoy je le cheris si incomparablement..

  A013002687 

 Et puisque mon cœur me presse de vous dire tout ce qui luy arrive de consolation (ce qu'aussi bien ne sçai je faire a beaucoup pres a nulle autre creature), je vous diray que ces trois jours passés, j'ay eu un playsir nompareil a penser au grand honneur qu'un cœur a de parler seul a seul a son Dieu, a cet Estre souverain, immense et infini.

  A013002687 

 Ne voyla pas un merveilleux secret? Je pense que c'est cela que les Docteurs disent, que pour faire l'orayson il est bon de penser qu'il n'y a que Dieu au monde; car sans doute, cela retire fort les puissances de l'ame et l'application d'icelles s'en fait bien plus forte..

  A013002687 

 Ouy, car ce que le cœur dit a Dieu, nul ne le sçait que Dieu mesme de premier abord, et, par apres, ceux a qui Dieu le fait sçavoir.

  A013002689 

 A Dieu, ma chere Fille, je suis fort pressé d'affaires.

  A013002689 

 J'ay peyne, sans doute, a faire ces choses ou il faut mesler de la mondanité, a laquelle je n'ay point d'inclination, Dieu merci.

  A013002690 

 Mon Dieu, que ma pauvre mere eut grand'peur le jour que tant d'esclairs et de tonnerres se firent, dont je vous escrivis dernierement; car le foudre tumba en [plusieurs] endroitz tout au tour de Sales, sans interest neanmoins d'aucune creature, mais avec tant d'eaux et de tintamarre que jamais on n'avoit rien veu de tel.

  A013002692 

 A Dieu donques, ma Fille, a Dieu, dis-je, infiniment, sans reserve, sans mesure; a tout le reste, sous son bon playsir.

  A013002692 

 A Dieu, ma Fille, je m'en vay dire la sainte Messe, apres laquelle j'escriray un petit mot a mon monsieur le Conte, si je puis.

  A013002692 

 Tenons nous bien a Dieu, ma Fille, et a sa sainte Mere.

  A013002705 

 Cependant, vivés toute a Dieu, et pour l'amour qu'il vous a porté, supportés-vous vous mesme en toutes vos miseres.

  A013002705 

 En fin, estre bonne servante de Dieu, ce n'est pas estre tous-jours consolee, tous-jours en douceur, tous-jours sans aversions ni repugnance au bien; car a ce [313] conte la, ni sainte Paule, ni sainte Angele, ni sainte Catherine de Sienne n'auroyent pas bien servi Dieu.

  A013002705 

 Estre servante de Dieu, c'est estre charitable envers le prochain, avoir en la partie superieure de l'esprit une inviolable resolution de suivre la volonté de Dieu, avoir une tres humble humilité et simplicité pour se confier en Dieu et se relever autant de fois qu'on fait des cheutes, s'endurer soy mesme en ses abjections et supporter tranquillement les autres en leurs imperfections..

  A013002706 

 Dieu soit a jamais nostre tout.

  A013002714 

 Je vous supplie donques, [314] Monsieur, de luy estre favorable en cela, puisque, par ce moyen, il retournera plus tost en son eglise a prier Dieu, comme je fay, quil vous conserve et prospere longuement, et que la faveur dont vous le gratifierés sera un juste adveu que vous me tenes et aymes,.

  A013002748 

 Je prie Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre Seigneurie une parfaite prospérité, et je lui baise très humblement les mains..

  A013002760 

 Ne voyes [317] vous pas, ma Fille, que le trouble du jour est esclairci par le repos de la nuit? signe evident que nostre ame n'a besoin d'autre chose que de se resigner fort en son Dieu et se rendre indifferente a le servir, soit parmi les espines, soit parmi les roses..

  A013002761 

 Et je connoissois bien que Dieu me vouloit faire entendre que si les assautz et grandes attaques ne me troublent point, comme a la vérité elles ne font, ce n'est pas moy qui fay cela, c'est la grace de mon Sauveur; et, sans mentir, apres cela je me sens consolé de cette connoissance experimentale que Dieu me donne de moy mesme..

  A013002763 

 Et si, Dieu me donne la force de me lever quelquefois devant le jour pour cet effect, quand je prevoy la multitude des embarrassemens du jour, et tout cela gayement; et me semble que je m'y affectionne et voudrois bien pouvoir en faire deux fois le jour, mays il ne m'est pas possible.

  A013002763 

 Ouy, ma Fille, par la grace de Dieu, je puis dire maintenant mieux que ci devant que je fay l'orayson mentale, parce que je ne manque pas un seul jour sans cela, si ce n'est quelquefois le Dimanche pour satisfaire aux confessions.

  A013002764 

 Vive Jesus! vive Marie! A Dieu, ma chere Fille; je suis celuy qu'il a rendu sans fin, sans reserve et sans comparayson vostre..

  A013002776 

 Cependant, Monsieur, je prie Dieu quil vous comble de benedictions, et suis.

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002792 

 Je voy que vous aves de l'apprehension de vous ranger au chasteau, d'autant que vous seres privee des commodités que vous avies de servir Dieu par la hantise du college des Jesuites.

  A013002793 

 Avec cela, vous pouves justement vous contenter, et suppleer le manquement des autres exercices par des frequentes et ferventes oraysons jaculatoires ou eslancemens d'esprit en Dieu, et les sermons, par une devote et attentive lecture des bons livres..

  A013002806 

 Je suis icy despuis huit jours entre nos proches, ou la pieté et l'amitié regnent d'une bonne façon, graces a Dieu.

  A013002806 

 N'est ce pas un signe qu'un jour il sera de nostre robbe et un bon serviteur de Dieu?....

  A013002819 

 Nous sommes icy hors de nouvelles, et moy particulierement, parmi ces replis de nos montagnes; mais je ne passe point de jour que je n'invoque la benediction de Dieu sur vous et sur toute vostre mayson.

  A013002848 

 Aussi j'espère que Sa Sainteté aura eu l'inspiration de prendre une mesure qui tourne à la gloire de Dieu et à la paix de la sainte Eglise.

  A013002849 

 Je baise humblement les mains sacrées de Votre Seigneurie et prie Dieu notre Seigneur de lui accorder tout vrai contentement..

  A013002863 

 Et bien, ma chere Fille, mais n'est il pas raysonnable que la tres sainte volonté de Dieu soit executee, aussi bien es choses que nous cherissons comme aux autres? [328] Mais il faut que je me haste de vous dire que ma bonne mere a beu ce calice avec une constance toute chrestienne; et sa vertu, de laquelle j'avois tous-jours bonne opinion, a de beaucoup devancé mon estime..

  A013002864 

 Pas un seul mot d'impatience, pas un seul clin d'œil d'inquietude; mille benedictions a Dieu et mille resignations en son vouloir.

  A013002864 

 « La volonté de Dieu soit faite, » dit ma bonne mere, et pleura un espace de tems abondamment; et puis, appellant sa Nicole: « Je me veux lever pour aller prier Dieu en la chappelle pour ma pauvre fille, » dit elle.

  A013002865 

 Au demeurant, elle vous remercie infiniment du soin et de l'amour maternel que vous aves exercé a l'endroit de cette petite [329] defuncte, avec obligation aussi grande que si Dieu l'eust conservee par ce moyen.

  A013002866 

 Laissons que Dieu recueille ce qu'il a planté en son verger; il prend tout a sayson..

  A013002868 

 Il ne faut pas seulement aggreer que Dieu nous frappe, mais il faut acquiescer que ce soit sur l'endroit qu'il luy plaira; il faut laisser le choix a Dieu, car il luy appartient..

  A013002868 

 Mais vous, ma chere Fille, que voules vous dire quand vous me dites que vous vous estes bien treuvee en cette occasion telle que vous esties? Dites-moy, je vous prie: nostre esguille marine n'a-elle pas tous-jours esté tendante a sa belle estoille, a son saint astre, a son Dieu? Vostre cœur qu'a-il fait? Aves-vous scandalizé ceux qui vous ont veu sur ce point et en cet evenement? Or cela, ma Fille, dites le moy clairement; car voyes vous, je n'ay pas treuvé bon que vous ayes offert ni vostre vie ni celle de quelqu'un de vos autres enfans en eschange de celle de la defuncte.

  A013002869 

 Ah! je ne dis pas qu'il ne faille souhaitter et prier pour leur conservation; mais de dire a Dieu: Laissés ceci et prenés cela, ma chere Fille, il ne le faut pas dire.

  A013002869 

 David offroit sa vie pour celle de son Absalon, mais c'est parce qu'il mouroit perdu; et c'est en ce cas la qu'il faut conjurer Dieu.

  A013002869 

 Mais es pertes temporelles, o ma Fille, que Dieu touche et pince par ou il voudra et sur telle corde de nostre luth qu'il choysira, jamais il ne fera qu'une bonne harmonie: Seigneur Jesus, sans reserve, sans si, sans mais, sans exception, sans limitation, vostre volonté soit faitte sur pere, sur mere, sur fille, en tout et par tout.

  A013002870 

 Je luy en sçai bon gré; car ces cœurs a demi mortz, a quoy sont-ilz bons? Mais il faut que nous fassions un exercice particulier, toutes les semaines une fois, de vouloir et d'aymer la volonté de Dieu plus vigoureusement, je passe plus avant: plus tendrement, plus amoureusement que nulle chose du monde; et cela, non seulement es occurrences supportables, mais aux plus insupportables.

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002871 

 Helas, ma Fille, a la verité dire, cette leçon est haute; [331] mais aussi, Dieu, pour qui nous l'apprenons, est le Tres Haut.

  A013002871 

 Vous aves, ma Fille, quattre enfans; vous aves un pere, un beaupere, un si cher frere, et puis encor un pere spirituel: tout cela vous est fort cher et meritamment, car Dieu le veut.

  A013002872 

 Et bien donques, ma Fille, si Dieu nous ostoit tout, si ne s'ostera-il jamais a nous pendant que nous ne le voudrons pas.

  A013002873 

 Je vous envoye un escusson pour vous aggreer; et puisqu'il vous plaist de faire faire le service la ou cette fille repose en son cors, je le treuve bon, mais sans grandes pompes, sinon celles que justement la coustume chrestienne exige: car a quoy tout le reste? Vous feres, par apres, tirer en liste tous ces frais et ceux de sa maladie, et me l'envoyeres, car je le veux ainsy; et ce pendant on priera Dieu de deça pour cette ame et luy ferons joliment [332] ses petitz honneurs.

  A013002884 

 Or bien, Dieu soit loué..

  A013002885 

 Helas! la pauvre madamoyselle Jacot doit avoir esté bien affligee de filz, de pere, de [333] mari; je luy ay une grande compassion, et prie Dieu qu'il luy soit pour tout cela.

  A013002886 

 Il faut faire de nostre costé une preparation proportionnee a nostre portee, et quand Dieu nous portera plus haut, a luy seul en soit la gloire..

  A013002886 

 Mais quant vous vous y voudres mettre, si Dieu vous tire en un autre, alles y avec luy.

  A013002887 

 Vous pourres utilement lire les livres de la Mere Therese et de sainte Catherine de Siene, la Methode de servir Dieu, l' Abbregé de la Perfection chrestienne, la Perl'Evangelique; mais ne vous empresses point a la prattique de tout ce que vous y verres de beau, mais alles [334] tout doucement aspirant apres ces beaux enseignemens et les admirant tout bellement.

  A013002889 

 Dieu soit a jamais nostre [cœur, ma chere Seur, et je] suis en luy,.

  A013002903 

 Je prieray cependant Dieu, Monsieur, quil vous prospere en l'abondance de ses graces..

  A013002917 

 O ma chere Fille, ne voyci pas grand cas! c'est mon Noé qui va a Lion, et neanmoins je n'ay pas loysir de [337] vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'aller dire la Messe; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu.

  A013002918 

 Dieu soit loüé, beni et magnifié en tout ce que vous me dites par vostre lettre..

  A013002918 

 O Dieu, non: ni la mort, ni les choses presentes ni les futures, ni les prosperités ni les adversités, ne nous separeront jamais de la charité qui est en Jesuscrist.

  A013002919 

 Et si, il m'a fallu desrober un peu de ce loysir pour confesser nostre M me de Charmoysi, qui m'a consolé beaucoup de la voir tous-jours ferme en la resolution de vivr'a Dieu.

  A013002920 

 Vivons a Dieu, ma Fille, vivons pour Dieu, vivons en Dieu qui vit et regne a jamais..

  A013002921 

 Je dis nostre, car si nous ne voulons que ce que Dieu veut, sa volonté et la nostre ne seront qu'une volonté.

  A013002921 

 Je vous dresseray, Dieu aydant, quelque petit exercice pour nostre chere volonté divine.

  A013002923 

 Mais dites moy, ma chere Fille, n'est ce pas nostre bon Dieu qui ouvre le chemin au mariage de nos jeunes gens? Cette facilité de messieurs vos plus proches, d'ou peut elle provenir que de la Providence celeste? De deça, ma Fille, je le confesse, mon esprit y est, je ne dis pas porté, mais lié et collé; ma mere ne pense qu'a cela, toute la fraternité y conspire; et tandis que la sayson s'advancera, prions bien Dieu que sa sainte main conduise l'œuvre.

  A013002925 

 La lettre de nostre bon M. le Conte me console beaucoup; je l'ayme sincerement et le recommande tous-jours a Dieu.

  A013002926 

 J'ay presché sur les paroles de Dieu recitees par Hieremie: Je pense des pensees de paix et non point d'affliction.

  A013002927 

 A Dieu, ma chere Fille, a ce grand Dieu, dis-je, auquel nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy..

  A013002947 

 Or, j'espere que Dieu benira le tout et se rendra le protecteur de ce projet, que je luy recommande de tout [342] mon cœur, et qu'il vous conserve et comble de ses grandes graces et faveurs.

  A013002965 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chere tante, et permettes moy de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sensible.

  A013002965 

 Or, Dieu donques soit loüé et beni, et nous [343] face la grace de le louer et benir longuement en cette vie pour le benir æternellement en l'autre..

  A013002965 

 Oüy, Monsieur mon Oncle, car sur mon chemin de ma visite, on me dit si asseurement que Dieu avoit retiree son ame de ce monde, que je ne la recommanday plus a sa divine Majesté qu'en qualité de trespassé, apres en avoir eu les desplaysirs et tristesses que la sincere affection de neveu et serviteur bien humble que je luy suis me fournissoit.

  A013002967 

 Voyla pas de rares exemples, des monuemens de pieté? Et combien cela me doit il animer a me bien dedier au service de Dieu..

  A013002988 

 Dieu nous fasse voir, Monseigneur, les jours de Vostre Altesse fleuris en toutes sortes de benedictions, et l'Eglise refleurissante en la pieté de laquelle, comme d'un beau printems, le chapeau de Vostre Altesse, a guise d'une rose vermeille, nous vient donner un doux et gracieux presage.

  A013003000 

 Entre tout cela, ma vraye Fille, je vous puis asseurer, a la gloire de Dieu, [347] qu'il n'y a icy qu' un cœur et qu'une ame en unité de son tres saint amour; et j'espere que la benediction et la grace du Seigneur s'y doit rendre abondante, car des-ja c'est beaucoup, et une chose bonne, belle et suave, de voir comme cette fraternité demeure ensemble..

  A013003009 

 La gloire en soit a Dieu uniquement, et a nous la parfaitte consolation.

  A013003028 

 On peut bien lui dire: Votre douleur est grande comme la mer; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère..

  A013003044 

 Mais courage, ma Fille, sans doute nous aymerons Dieu, car il nous ayme.

  A013003054 

 Faut il donques que ce soit tous-jours en courant que je vous escrive, ma bonne et chere Fille? Il y a, ce me semble, long tems que je ne vous escris que comme cela; et si, ce n'est pas que je n'aye a vous escrire un peu au long sur l'obeissance et l'amour de la volonté de Dieu.

  A013003055 

 O ma Fille, comme prié-je maintenant Dieu pour vous! Certes, avec une consolation extraordinaire; je m'y sens poussé d'une ardeur toute nouvelle.

  A013003057 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, invoqués bien Dieu sur nous, et le remerciés dequoy nous avons resolu de ne jamais faire de mesme.

  A013003057 

 Non, je ne pense pas que nous eussions le courage de retarder ainsy, de propos deliberé, un seul pas de nostre chemin pour tout ce que le monde nous auroit presenté: non pas, ma Seur, ma Fille? Sans doute non, moyennant la grace de Dieu..

  A013003058 

 A Dieu, ma chere Fille; nostre amour soit tout en Dieu, et Dieu soit en tout nostre amour.

  A013003070 

 O quand sera-ce, ma chere Fille? mon Dieu, quand sera-ce? Mais ce pendant je vous monstre ce a quoy il faut pretendre, bien qu'il se faille contenter d'y atteindre petit a petit.

  A013003075 

 Je prie Dieu pour tous vos enfans; car, ma Fille, tout cela, ce me semble, m'appartient de si pres que nul parentage n'y sçauroit rien adjouster.

  A013003082 

 Les deux pointz que je vous dis en la chappelle de Sales pour la pureté du cœur sont d'eviter le peché et de [360] ne point y laisser entrer aucune affection formee qui ne tende a l'honneur et amour de Dieu.

  A013003085 

 J'aurois grande envie de vous dire un mot de l'amour de la volonté de Dieu, car je m'apperçois que vous en faites l'exercice en l'orayson, et ce n'est pas cela que je voulois dire; car il ne faut point vous assujettir en icelle, j'entens a l'orayson, a aucun point ordinaire.

  A013003085 

 Mais, en vous promenant seule, ou ailleurs, jettés l'œil sur la volonté generale de Dieu, par laquelle il veut toutes les œuvres de sa misericorde et de sa justice au Ciel, en terre, sous terre; et, avec une profonde humilité, appreuvés, loués, puis aymés cette volonté souveraine, toute sainte, toute equitable, toute belle..

  A013003086 

 Jettés l'œil sur la volonté de Dieu speciale, par laquelle il ayme les siens et fait en eux des œuvres diverses de consolation et de tribulation.

  A013003089 

 Nous nous portons tous bien, Dieu merci.

  A013003090 

 Il me semble que la devotion s'accroist un peu et que Nostre Seigneur dispose la place a l'exercice d'une petite troupe de chetifves femmelettes qui se retireront, Dieu aydant, un jour en ces quartiers.

  A013003091 

 Or, a Dieu ma Fille, ma Fille tres chere et tres aymee, a Dieu soyons nous a jamais.

  A013003119 

 Or, je suis donques bien d'advis que vous la facies communier; et ce bon Dieu [365] la veüille bien prendre pour sa bienaymee et luy donner le ressentiment de son amour pour cela.

  A013003120 

 Mais ne vous effarouchés pas pour cela a dire: Mais que doy je donq estre, moy? Car, ma Fille, je ne sçai comme je suis fait; encor que je me sens miserable je ne m'en trouble point, et quelquefois j'en suis joyeux, pensant que je suis une vraye bonne besoigne pour la misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande sans cesse.

  A013003121 

 Oh, Dieu sçait comme mon cœur le desireroit ardamment, si je ne pensois que la volonté divine veut de nous un peu de patience; mais esperons tous-jours beaucoup..

  A013003122 

 A Dieu, ma Fille, ma tres chere Fille..

  A013003135 

 Mon Dieu, ma Fille, je voudrois que vous eussies la peau du cœur un peu plus dure, affin que vous ne laissassies pas de dormir pour les puces.

  A013003137 

 Usés fort de diversions en semblables occasions, par des actes positifs d'amour en Dieu et de confiance en sa grace.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003138 

 Je les dis au Pere Recteur de Chambery, sans rien nommer, il m'y conforta; je les dis a un autre grand ecclesiastique, il m'y conforta; je les ay dites mille fois a Dieu, mais helas! non pas si reveremment que je devois, et tous-jours il m'y a conforté.

  A013003139 

 Mon Dieu, c'est asses..

  A013003140 

 J'ay veu en la lettre que [Thibaut] m'a apportee, que vous aves parlé franchement et librement a vostre confesseur, dont je loue Dieu, et qu'il s'est conformé a nos opinions..

  A013003151 

 Pour tout cela, je desire vous voir icy jeudi prochain, affin que, s'il se peut, nous accommodions ces differens a la gloire de Dieu, que je supplie vous assister, et suis.

  A013003167 

 J'ay tant de compassion a vos infirmités et incommodités que vous ne le sçauries croire; mais la vertu de Dieu se declaire en l'infirmité..

  A013003167 

 Maintenant je vous demanderois volontier, ma chere Fille: Qu'est ce que dit vostre cœur? Est il pas tous-jours celuy que j'ay veu si desireux de la gloire de Dieu? Ah, pour l'amour de Dieu, ma chere Fille, si ce cœur avoit perdu son courage, reprenes-le et ne le laisses pas sans cela.

  A013003168 

 Mon Dieu, que d'affection que j'ay a ce Monastere et que je le souhaitte parfait!.

  A013003170 

 A Dieu, ma tres chere Fille, jamais je n'eu plus de desir de vous servir que j'en ay maintenant: Dieu m'en donne la grace selon mon souhait.

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003184 

 Mais croyes moy: ou je suis le plus trompé homme du monde, ou nos resolutions sont de Dieu et a sa plus grande gloire.

  A013003184 

 Mon Dieu, ma Fille, que vos maux me font de bien, car j'en prie avec plus d'attention, je me metz devant Nostre Seigneur avec plus de pureté d'intention, je me metz plus entierement a l'indifference.

  A013003185 

 C'est que tout ce que je vous dis: Ne penses pas ceci, cela; ne regardes pas, et semblables, tout cela s'entend grosso modo; car je ne veux point que vous contraignies vostre esprit a rien, sinon a bien servir Dieu, a le bien aymer, a ne point abandonner nos resolutions, ains a les aymer.

  A013003186 

 Mon Dieu, ma Fille, ne sçauries vous vous prosterner devant Dieu quand cela vous arrive, et luy dire tout simplement: Ouy, Seigneur, si vous le voules je le veux, et si vous ne le voules pas je ne le veux pas; et puis passer a faire un peu d'exercice et d'action qui vous serve de divertissement.

  A013003187 

 Nous n'avons point d'intention que pour la gloire de Dieu, non pas? Non certes, au moins d'intentions descouvertes; car si nous en descouvrions, nous les arracherions tout aussi tost de nostre cœur.

  A013003187 

 Quel remede, ma chere Fille? Apres la grace de Dieu, c'est de n'estre pas si delicate.

  A013003190 

 Si Dieu nous ayde, il reuscira..

  A013003193 

 A Dieu, ma Fille, ma tres chere Fille.

  A013003208 

 Les resolutions dont il s'agit sont generales de servir Dieu; c'est pourquoy il n'y a nulle difficulté qu'elles ne soyent eternelles.

  A013003208 

 Or sus, j'adjouste que les particulieres le sont encores, quand Dieu et sa gloire sont l'objet de nostre volonté.

  A013003209 

 A Dieu, ma chere Fille, et que Jesus vive et regne a jamais en nous..

  A013003226 

 Et cependant, mon Pere, je vous supplie de luy presenter mes tres affectionnees recommandations de ma part, et luy dire que si mes prieres sont exaucees au Ciel, il se treuvera bien tost en l'eglise et assemblee, a rendre action de graces de sa santé recouverte, pour l'employer encor plusieurs annees a la gloire de Dieu et consolation de plusieurs.

  A013003245 

 Que vous faites bien de treuver Dieu bon et doux et de savourer sa paternelle sollicitude en vostre endroit, dequoy, estant maintenant en lieu ou vous ne pouves pas jouir du tems pour vous exercer a la meditation, il se presente en eschange plus frequemment a vostre cœur pour le fortifier de sa sacree presence.

  A013003246 

 Je ne m'esbahis donques pas, ma chere Cousine, si Dieu vous donnant le goust de sa presence, vous va petit [381] a petit degoustant du monde.

  A013003246 

 Mais se pourroit-il bien faire qu'apres avoir consideré la bonté, la fermeté, l'eternité de Dieu, nous puissions aymer cette miserable vanité du monde? Or sus, il nous faut supporter et tolerer cette vanité du monde; mais il ne faut aymer ni affectionner que la verité de nostre bon Dieu, lequel soit a jamais loué de ce qu'il vous conduit a ce saint mespris des folies terrestres..

  A013003247 

 Mon Dieu, ma chere Fille, ne serons nous pas bien heureux si nous mourons avec nostre doux Sauveur au milieu de nostre cœur? Or sus, il l'y faut donq bien tenir tous-jours, continuant nos exercices, nos desirs, nos resolutions, nos protestations.

  A013003248 

 J'ay loüé Dieu dequoy cette pauvre defuncte s'estoit retiree, ce me semble, a la devotion un peu plus cette annee derniere; car c'est un grand signe de la misericorde de [382] Dieu sur elle.

  A013003260 

 Mon Dieu, que le royaume interieur est heureux quand ce saint amour y regne! Que bienheureuses sont les puissances de nostre ame qui obeissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chere Cousine, sous son obeissance et dans cet estat, il ne permet point que les grans pechés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres.

  A013003261 

 C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices: que ce soit le gros de nostre soin, et le reste, des dependances.

  A013003261 

 Humilions-nous fort, ma chere Cousine, ma Fille; advouons que si Dieu ne nous est cuirasse et bouclier, nous serons incontinent percés et transpercés de toute sorte de pechés.

  A013003277 

 Et n'oubliés jamais de porter a l'orayson cette consideration: c'est qu'en icelle on s'approche de Dieu et on se met en sa presence pour deux raysons principales..

  A013003278 

 Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois en la presence du Roy, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement affin d'estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs? Et cette fin de se presenter devant Dieu, seulement pour tesmoigner et protester de nostre volonté et reconnoissance a son service, elle est tres excellente, tres sainte et tres pure, et par consequent de tres grande perfection..

  A013003278 

 La premiere est pour rendre a Dieu l'honneur et l'hommage que nous luy devons, et cela se peut faire sans qu'il nous parle, ni nous a luy; car ce devoir se fait, reconnoissant qu'il est nostre Dieu et nous, ses viles creatures, et demeurant devant luy prosternés en esprit, attendant ses commandemens.

  A013003279 

 La seconde cause pour laquelle on se presente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens interieurs; et ordinairement cela se fait avec un playsir tres delicieux, parce [386] que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame..

  A013003282 

 Ce pendant, nourrissés vostre bon desir, et le faites vivre sous la cendre de l'humilité et resignation en la volonté de Dieu.

  A013003282 

 Quant a la crainte que vous aves que vostre pere ne vous face perdre le desir d'estre Carmeline par la trop grande distance de tems qu'il vous veut prefiger pour executer vostre souhait, dites a Dieu: Seigneur, tout mon desir est devant vous, et le laissés faire; il maniera le cœur de vostre pere et le contournera a sa gloire et a vostre prouffit.

  A013003320 

 Mon Dieu, que j'ay et de cœur et de passion au service de vostr'esprit, vous ne le sçauriés asses croire, ma chere Seur.

  A013003321 

 Et sur cela, Dieu m'a donné tant de choses pour vous venir escrire, que si j'avois asses de loysir, il m'est advis que je dirois merveilles..

  A013003322 

 Que luy reste-il pour se glorifier, sinon Dieu? O bienheureuse gloire, o couronne prætieuse!.

  A013003324 

 Connoisses-vous que vous estes une chetifve et pauvrette vefve? Aymes cette chetifve condition, glorifies-vous de n'estre rien, soyés en bien ayse, puisque vostre misere sert d'object a la bonté de Dieu pour exercer sa misericorde.

  A013003324 

 Nous ne sommes que des gueux; les plus miserables sont de meilleure condition, la misericorde de Dieu les regarde volontiers..

  A013003325 

 Il faut bien garder vostre misere, vostre vilité; car Dieu la regarde, comme il fit celle de la Vierge sacree.

  A013003325 

 Les hommes regardent ce qui est dehors, mais Dieu regarde le cœur.

  A013003326 

 Tenes vous donques joyeusement humble devant Dieu; mais tenes vous esgalement joyeuse et humble devant le monde.

  A013003375 

 Les grandes et rares qualitéz que la bonté et liberalité de Dieu vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recognoistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire l'estat que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le general de ceste province, et principalement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, semble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour predicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de desir..

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003394 

 Que vous estes heureux, mon cher Seigneur, d'estre si util a l'Eglise de Dieu et receuillir une si ample moisson de voz peines en vostre printemps! Que sera donc vostre automne? O trois fois heureux! Dieu vous conserve longuement en santé, afin que de vostre Babylone voisine, vous faciez une saincte et triumphante Hierusalem..

  A013003415 

 Voz bonnes et saintes prieres me doivent faire attendre de Dieu ceste grace, plustost qu'aucune autre consideration..

  A013003416 

 La vie me sera tousjours aggreable, quand elle sera accompagnee de la grace de Dieu et de la vostre, et quand elle me donnera plus de moyens de vous tesmoigner par effect que je suis et seray eternellement,.

  A013003429 

 Si est il que apres ce remerciement, je me ressent (sic) bien obligé à vous, Monseigneur, mesmes qu'avec ceste singuliere affection qu'il vous ha pleu me conserver, j'espere par voz saints Sacrifices estre offert à Dieu, au quel mon aage me talonne à chaque heure d'aspirer et me presenter.

  A013003430 

 Et comme tout cecy est derivé et plus abondamment, j'espere, derivera d'iceluy qui deit: Cum exaltatus fuero à terra, omnia trabam ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz volontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entierement en holocauste à Dieu.

  A013003431 

 De voz euvres, qui sont issues contre ceux qui avoient escrit au deshonneur de la Croix, j'eusse desiré participer, tant pour soulagement de mon esprit et pour en tirer proffit, que pour en faire mention en mon Apparatus sacer; mais, possible, par quelque occasion, si Dieu plait, j'en participeray, et lors, en la seconde edition du dict Apparatus, j'en feray mention, puis que la premiere est parachevee.

  A013003432 

 Je le vous envoye donq, comme tribut deu à celuy qui ha la charge dans Geneve, car ainsi je cuyde, et je sçay que vous l'avez de Dieu pour la convertir.

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003440 

 par la grace de Dieu Evesque de Geneve..

  A013003451 

 A tant, prions Dieu quil vous aye en sa saincte et digne garde..

  A013003471 

 Elle se levoit du lict toutes les nuicts à certaine heure, avec la seule chemise, soit en hyver soit en esté, ayant la permission de son mary (avec lequel elle couchoit d'ordinaire), et prioit Dieu, ou meditoit l'espace d'une heure..

  A013003472 

 Si par fortune elle n'avoit pas la commodité d'ouyr la Messe, elle s'enfermoit dans son cabinet, et là prioit Dieu l'espace de deux heures.

  A013003473 

 En fin, il faudroit que j'employasse bien du temps si je voulois raconter les actions de saincteté que ceste bonne femme a faictes devant les hommes; car des autres œuvres de pieté qu'elle a faictes devant Dieu tant seulement, il n'y a personne qui les puisse raconter.

  A013003475 

 Elle tira de son coffre le linceul avec lequel elle vouloit estre ensevelie; et ayant appellé son fils et ses deux filles, elle leur dit plusieurs belles parolles touchant la crainte et l'amour de Dieu, la dilection du prochain et soing des choses domestiques; apres quoy, elle leur bailla sa benediction maternelle..

  A013003475 

 Le jour estant venu, elle se mist à genoux pour prier Dieu avec son livre d'Heures, et estant retournée au lict par le commandement de son mary, elle fist un long discours des peines et travaux que la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame avoit soufferts, tant en eslevant son divin Enfant, qu'en Egypte et autre part.

  A013003476 

 Son mary vouloit faire venir des medecins de Geneve; mais elle eust horreur au seul nom et luy dit: « Pleust à Dieu que ces medecins n'eussent jamais mis le pied dans vostre maison, car ils sont ennemis de Dieu.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003478 

 Son mary revint avec le sieur Vicaire, pleurant à chaudes larmes; et elle, apres avoir receu le Sacrement, tenant l'image du Crucifix entre ses mains, les yeux levez au ciel, rendit doucement son esprit à Dieu, selon qu'elle avoit predit, le neufviesme de juin, à cinq heures du soir; et alors il fallut haster de faire la biere.

  A013003539 

 Vos vertus et vos mérites m'obligeoient assez à vous honorer et à vous consacrer mes très-humbles services, mais l'affection qu'il vous plaît porter à toute notre petite famille et l'estime que vous faites de ma fille de Chantal m'accable d'obligations; de sorte que, ne pouvant assez m'acquiter, je serai contraint de faire cession non seulement de ce peu de bien que Dieu m'a donné, mais aussi de moi-même, qui suis et veux demeurer à jamais vostre très-humble serviteur..

  A013003541 

 Par les lettres qu'il m'en écrit, il s'en loue fort; mais ils ne sont [410] pas tels que les vôtres, ni si remplis qu'eux des graces de Dieu.

  A013003543 

 Je prie Dieu, Monsieur, qu'il veuille les benir tous et multiplier sur vous toutes ses saintes graces.

  A013003554 

 Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même: qu'afin que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenéz un soin continuel de toutes les eglises de Dieu sapées par les heretiques et relevées par vôtre travail..

  A013003562 

 Oultre les obligations passees que je vous ay, en voici une nouvelle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz merites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts Sacrifices qu'il vous a pleu offrir a Dieu pour ma santé.

  A013003563 

 Bien souvent un mal est accompagné d'un autre, comme de fait, pour mon affliction corporelle j'ay esté frustré de la consolation spirituelle que Dieu m'envoyoit par vostre ministere; car celle qu'a voulu se charger de la presente pour la vous rendre en main, vous dira que je n'ay rien fait pour le bien spirituel de son ame.

  A013003563 

 En quoy je doibs lamenter ma perte, veu que ce bon heur m'arrivant, j'apprenois la vraye crainte et amour de mon Dieu et a detester le peché, a l'imitation d'une ame laquelle, vivant parmi le monde, n'a rien de commun avec icelluy, conversant au Ciel avec Dieu et ses Anges.

  A013003563 

 Je luy ay dit que je priois Dieu pour son retour apres festes, aux fins de recouvrer se (sic) bien perdu.

  A013003563 

 O quelle ame de Dieu, aussi bien laniepce que la tente! Elles n'ont manqué a visiter chaque jour nostre eglise, et autant de foys m'envoyer le bon soir, avec plaintes iterees de mon mal..

  A013003564 

 Dieu recompensera, s'il luy plaist, la charité exercee en mon endroit par tant de personnes d'honneur.

  A013003564 

 Je conserveray, Dieu aydant, au secret de mon cœur se (sic) present riche et precieux, et en recognoissance me diray ce que je veus et doibs estre par tout devoir,.

  A013003569 

 Monseigneur, comment ferons nous pour mettre sous la presse le thresor de devotion de madame de Charmoisy? Il fault, a mon advis, premierement revoir le tout, le disposer, l'intituler et prefasser, avec le nom de l'autheur, affin que le bien soit plus asseuré et plus universel; le tout a la gloire de Dieu.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000018 

 — Humilité et désintéressement de François de Sales; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté de Dieu. 21.

  A014000019 

 — Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements; il ne veut que la volonté de Dieu.

  A014000020 

 Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu.

  A014000020 

 — Lé Saint ne veut que Dieu pour son partage.

  A014000023 

 — Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges.

  A014000024 

 — Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence.

  A014000028 

 Dieu protège les vœux qu'il a inspirés.

  A014000028 

 — Les afflictions qui aident à bien servir Dieu.

  A014000030 

 Il faut aimer l'attente que Dieu impose à l'accomplissement de nos désirs.

  A014000031 

 — Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état.

  A014000033 

 — Bonheur de ne prétendre qu'à Dieu. 38.

  A014000038 

 La tranquillité d'âme, mère du contentement et fille de l'amour de Dieu.

  A014000038 

 — Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition.

  A014000041 

 — Le moyen de faire glorifier Dieu par le prochain.

  A014000043 

 — Exhortation à progresser dans l'amour de Dieu.

  A014000046 

 Dieu agrée extrêmement la résignation dans les maladies et l'obéissance au médecin.

  A014000049 

 Servir Dieu où l'on est.

  A014000049 

 — Le labeur patient n'est jamais stérile devant Dieu.

  A014000050 

 — Dieu seul est un guide indispensable.

  A014000052 

 — Les âmes que Dieu aime «en tout et par tout.».

  A014000053 

 La fête de la Dédicace; les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les vœux.

  A014000055 

 Souhaits de ferveur par le don du cœur à Dieu.

  A014000057 

 L'insensibilité et l'indifférence religieuse: définition de l'une et de l'autre; celle-ci est un grand don de Dieu. 60.

  A014000064 

 — Ingénieuse manière de demander à une âme chrétienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu. 66.

  A014000065 

 — Le Saint déplore les dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge.

  A014000069 

 Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des âmes d'élite.

  A014000073 

 — Obligation d'une âme qui est toute à Dieu.

  A014000075 

 Dieu, comme un bon père, accommode ses pas aux nôtres.

  A014000077 

 — La présence de Dieu dans l'âme chrétienne, d'après sainte Thérèse et saint François de Sales. 79.

  A014000083 

 Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à Dieu.

  A014000083 

 — La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui «en luy ont logé leurs esperances.» — Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort.

  A014000085 

 — Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire: «un livret» de l'Amour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques.

  A014000087 

 — Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu.

  A014000088 

 — L'amour-propre et l'amour de Dieu.

  A014000095 

 — L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des Saints à la très sainte unité de Dieu. 97.

  A014000097 

 — Comment Dieu lui témoigne son amour paternel. 99.

  A014000102 

 Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre.

  A014000105 

 — Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur. 106.

  A014000106 

 — Le bon plaisir de Dieu meilleur que le nôtre. 107.

  A014000106 

 — Pourquoi Dieu quelquefois empêche la méditation.

  A014000108 

 — Ecercice recommandé pour s'avancer en l'amour de Dieu.

  A014000134 

 — Le temps de Dieu; récompense promise à ceux qui en usent bien.

  A014000141 

 — Comment le Saint s'excuse de parler brièvement de Dieu. 146.

  A014000154 

 Tout fait espérer que l'âme de M me de Boisy a été reçue «en la main dextre de son Dieu.».

  A014000160 

 Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu.

  A014000160 

 — C'est tenter Dieu de confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera.

  A014000168 

 — Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier la plante du futur Institut. 173.

  A014000172 

 — Pourquoi le Saint espère que Dieu aura été pitoyable au prince.

  A014000181 

 — S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il? — Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements.

  A014000183 

 — Un «rare bien:» parler cœur à cœur avec son Dieu. 190.

  A014000194 

 — Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante. 201.

  A014000195 

 Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au Traitté de l'Amour de Dieu.

  A014000211 

 — Celui-ci le presse «de rendre fait» le Traitté de l'Amour de Dieu.

  A014000244 

 J'ay receu vostre premiere lettre avec une particuliere consolation, comme un bon commencement de la communication spirituelle que nous devons avoir ensemble pour l'advancement du royaume de Dieu dans nos cœurs.

  A014000244 

 [1] Veuille ce mesme Dieu me bien inspirer ce qui sera plus propre pour vostre conduitte..

  A014000245 

 Mon Dieu, ma chere Fille, voudrions nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions et contestes ordinaires?.

  A014000246 

 S'il vous arrive quelque acte de chagrin, ne vous en espouvantés point, ne vous en mettes nullement en peyne; mais, l'ayant reconneu, humiliés-vous doucement devant Dieu et taschés de remettre vostre esprit en posture de suavité.

  A014000247 

 Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien qu'il vous laissera broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout, et affin que vous luy serries la main de plus fort.

  A014000248 

 A Dieu, Madame, a Dieu soyés vous entièrement, absolument, irrevocablement.

  A014000259 

 Il faut donques que vous vous en resjouissies, en remerciant Dieu et le loüant.

  A014000271 

 Dieu me veuille exaucer, Monsieur, et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel, et moy je deviendray autant utilement comme je suis affectionnement,.

  A014000286 

 Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donnera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable, du milieu delaquelle [je prie] Dieu quil prospere Vostre Majeste..............................................................................................qui est....................................

  A014000294 

 Que si bien il y entrevient beaucoup de manquemens par infirmité, il ne faut nullement s'estonner; mais, en detestant d'un costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a playsir de voir et connoistre nostre misere..

  A014000295 

 La preparation de toute la journee, qui se fait briefvement le matin; l'orayson mentale avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ; le soir, avant souper, une petite retraitte, en laquelle, comme [7] en maniere de repetition, vous facies une douzaine de vives aspirations en Dieu selon la meditation du matin, ou sur quelque autre sujet..

  A014000311 

 Dieu m'a fait la grace de reconnoistre que je suis fait pour luy, par luy et en luy.

  A014000312 

 Si donques Sa Majesté vous dit son intention particuliere, j'examineray avec Dieu et en sa presence mes forces; et si je les sens aucunement assortissantes au service qu'elle desirera, et que Sa Sainteté me le commande (car vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la sentinelle en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt, tout affectionné a suivre la vocation divine, ne doutant nullement qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés du Pape et du Roy..

  A014000331 

 Pour donques laysser entierement la conduite de mon sort es mains de Dieu, je ne veux ni refuser ni accepter que je ne voye et considere que c'est..

  A014000346 

 Cela m'a mis en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande gloire de Dieu et du service de l'Eglise.

  A014000347 

 J'ay fait responce (car, comme je vous dis, c'est tout de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois: Seigneur, que voules vous que je face? Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absoluë.

  A014000347 

 Pour moy, je proteste que je ne veux que Dieu pour mon partage, comme que ce soit.

  A014000348 

 O ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite? quand aurons nous des cœurs embrasés de son amour? Courage, ma chere Fille, nous sommes destinés a cette heureuse fin.

  A014000351 

 Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance exterieure, car Celuy a l'œil duquel le fond de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous..

  A014000358 

 Helas, ma chere Fille, ilz vous resveillent souvent l'esprit, a ce que je voy; mais croyés bien que celuy que j'ay de conduire le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi tres souvent (or sus, je veux dire ce mot de vanterie), plus souvent que vous, que je croy; mais ne faut il pas tout faire avec une diligence soigneuse, mais douce, mais tranquille, mais resignee? Eh bien, j'espere que Dieu sera nostre guide..

  A014000359 

 Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage; car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy.

  A014000359 

 Mais Dieu tiendra tout de sa main; car voyes vous, ma chere Fille, mon ame n'a point de rendes vous qu'en cette providence de Dieu: Mon Dieu, vous me l'aves enseigné des ma jeunesse, et jusques a present j'en annonceray vos merveilles..

  A014000359 

 Non, croyés-le bien, ma chere Fille (mais voyes vous, n'en parles a personne, je vous dis tout), ce ne seroit pas sans repugnance s'il me failloit changer de logis, bien que je ne me sente nullement attaché qu'a quelques ames, d'un lien tput purement spirituel, Dieu mercy.

  A014000360 

 A Dieu, ma chere Fille.

  A014000360 

 Dieu nous ayme, ma chere Fille; il sera tous-jours avec nous, nostre unique amour et confiance.

  A014000360 

 O Dieu, que je desire de bien a vostre esprit, [15] ma chere Fille! Nostre Dame soit nostre Dame et Maistresse..

  A014000361 

 Vostre, tel que Dieu le veut et fait,.

  A014000386 

 Je croy que le desir que vous aves de vouer vostre chasteté a Dieu n'a pas esté conceu en vostre ame que premierement vous n'ayes longuement consideré son importance: c'est pourquoy j'appreuve que vous le facies, et le jour de Pentecoste mesme.

  A014000387 

 Considerés combien la sainte chasteté est une vertu aggreable a Dieu et aux Anges, ayant voulu qu'elle fust eternellement observee au Ciel, ou il n'y a plus aucune sorte de playsirs charnelz ni de mariages.

  A014000387 

 Ne seres-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que [18] vous continueres eternellement en l'autre? Benisses donq Dieu qui vous a donné cette sainte inspiration..

  A014000388 

 N'est ce pas un grand contentement de pouvoir dire a Nostre Seigneur: Mon cœur et ma chair tressaillent de joye en vostre Bonté, pour l'amour de laquelle je quitte tout amour et pour le playsir de laquelle je renonce a tous autres playsirs? Quel bonheur de n'avoir point reservé de delices mondaines pour ce cors, affin de donner plus entierement son cœur a son Dieu!.

  A014000389 

 Considerés que la Sainte Vierge voua la premiere sa virginité a Dieu, et apres elle, tant de vierges, hommes et femmes.

  A014000389 

 Mais avec quelle ardeur, avec quel amour, avec quelle affection furent vouées ces virginités, ces chastetés? O Dieu, cela ne se peut dire.

  A014000390 

 Puis, le jour de Pentecoste, lhors que le prestre eslevera la sainte Hostie, offrés avec luy a Dieu, le Pere eternel, le cors pretieux de son cher Enfant, Jesus, et tout ensemble vostre cors, lequel vous feres vœu de conserver en chasteté tous les jours de vostre vie.

  A014000391 

 O Dieu eternel, Pere, Filz et Saint Esprit, je N., vostre indigne creature, constituee en vostre divine presence et [19] de toute vostre Cour celeste, prometz a vostre divine Majesté, et fay vœu de garder et observer tout le tems de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entiere chasteté et continence, moyennant la faveur et grace de vostre Saint Esprit.

  A014000395 

 Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, lequel sçait que je vous cheris fort affectionnement en luy; et le mesme jour de Pentecoste, je luy offriray vostre cœur et ce qui en sortira pour sa gloire.

  A014000406 

 Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera, si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y preparant tous les matins par une application speciale de quelque point de vostre meditation, et vous opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous vous en sentires distraite..

  A014000407 

 Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement par l'assistance de Dieu; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé, [21] vous usies d'une douce diligence.

  A014000408 

 Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas; maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses grandes.

  A014000409 

 Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries et bagatelles, car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice; mais je voudrois bien oster l'ardeur et la chaleur de ce soin.

  A014000411 

 Recommandés moy a la misericorde de Dieu, laquelle je supplie de vous faire abonder en son saint amour.

  A014000422 

 Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce..

  A014000457 

 Ma tres chere Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre cœur tout a l'heure et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entiere la resolution de servir a Dieu; et j'espere qu'il nous respondra qu'ouy et que plustost il souffriroit mille mortz que de se separer de cette resolution.

  A014000458 

 Or sus, luy devons-nous dire, mon cœur, mon amy, au nom de Dieu, prens courage; cheminons, prenons garde a nous, eslevons nous a nostre secours et a nostre Dieu.

  A014000459 

 Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu, car Nostre Seigneur mesme n'a fait en ce monde que nostre salut.

  A014000469 

 Je garderay cherement le billet de vostre vœu et Dieu en gardera la fermeté; il en a esté l'autheur il en sera le conservateur.

  A014000472 

 Ouy vrayement, ma chere Fille, attendés de moy tout ce que vous pouves attendre d'un vray pere, car j'ay certes bien cette affection la pour vous; vous le connoistres au progres, si Dieu m'assiste..

  A014000473 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'humilier; mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la douceur de cœur! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé comme les ballieures et racleures du monde..

  A014000476 

 Vous estes bien heureuse, ma Fille, de vous estre vouee a Dieu.

  A014000477 

 Dieu la benisse de ses grandes benedictions et la rende toute sienne.

  A014000499 

 D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique..

  A014000508 

 J'en ay un, je pense, bien aussi fort, mais il faut attendre que Dieu le veuille.

  A014000508 

 Je dis quil faut l'attendre bien doucement et amoureusement; je veux dire, quil faut aymer cett'attente, puisque Dieu la veut..

  A014000509 

 J'espere que Dieu nous fera la grace de treuver monsieur vostre beaupere plein de vie, et ce me sera une consolation incredible de le pouvoir entretenir.

  A014000510 

 O Dieu j'avois une certaine chaude suavité a vous colloquer dans ce giron sacré et dire a Nostre Dame: Voyla vostre fille, de laquelle le cœur vous est entierement voué.

  A014000512 

 Au demeurant, il est fort desireux de servir Dieu.

  A014000515 

 O Dieu, quelle grace ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que jamais mon cœur aye [37] seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz! Benite soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos..

  A014000517 

 A Dieu, ma tres chere Fille; a Dieu soyons nous entierement et eternellement.

  A014000517 

 O Dieu, ma Fille, que ce cœur est vostre, puisque Dieu l'a voulu et le veut; Qu'a jamais son nom soit beni! Amen..

  A014000531 

 Vous ne praetendes, je le sçai bien, [39] que l'amour de nostre Dieu; pour y parvenir, il faut employer des moyens, des exercices, des prattiques.

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000534 

 Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela..

  A014000536 

 Qu'a jamais le saint amour de Dieu vive et regne dans nos espritz.

  A014000568 

 Je vous recommande, ce me semble, de si bon cœur a Dieu, ma chere Fille; croyés que je le fay avec un'affection du tout incomparable.

  A014000568 

 Je voy bien plusieurs difficultés, mais croyant que Dieu le veut, cela ne me donne nulle crainte: il faut seulement avoir un peu de patience.

  A014000568 

 Mon Dieu, ma Fille, que quelquefois j'ay des bonnes et douces affections en mon ame a l'endroit de ce Sauveur; mais, helas! je n'ay guere d'effectz en mes mains.

  A014000570 

 Je ne la voy pas si souvent que je voudrois, mais si voy-je bien qu'elle s'affermit fort en sa resolution de bien servir Dieu..

  A014000571 

 Or sus, je verray encor nos vefves avec vous, ou a Dijon: comment? O ma Fille, ne sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins qu'a Dieu? Mais monsieur le Conte est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait?.

  A014000572 

 A Dieu, ma chere Fille, je m'en vay aux prieres du soir qui se font devant le Saint Sacrement pour les necessités de ce pais.

  A014000572 

 Ouy, je croy en mon ame que Dieu veut que je sois inviolablement et tres incomparablement tout vostre..

  A014000587 

 Dieu soit a jamais beni de la chaleur amoureuse duquel nul n'est esconduit ni caché.

  A014000588 

 J'ay de la consolation d'oiiir le resonnement, quoy que confus, des biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur.

  A014000622 

 Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir.

  A014000622 

 Faites nous donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste demande, qui regarde la gloire de Dieu et le restablissement d'un convent tout entier..

  A014000639 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidele en vos resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous ayma si fidelement jusques a la mort, et la mort de la croix..

  A014000649 

 Il faut sur toutes choses, ma chere Fille, procurer cette tranquillité, non point parce qu'elle est mere du contentement, mais parce qu'elle est fille de l'amour de Dieu et de la résignation de nostre propre volonté.

  A014000649 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux..

  A014000651 

 Faites seulement cela, avec amour et resignation entre les bras de la bonne volonté de Dieu..

  A014000651 

 Je vous prie de vous mettre en la presence de Dieu et de souffrir vos douleurs devant luy.

  A014000652 

 Vous ne sçauries donner a Dieu que ce que vous aves, et en cette sayson d'affliction vous n'aves pas d'autres actions.

  A014000653 

 Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grace de traitter de cette vie plus retiree de laquelle vous me parles.

  A014000653 

 Jamais nostre cœur n'aura vie qu'en luy et pour luy, il sera a jamais le Dieu de nostre cœur.

  A014000653 

 Ou languissant, ou vivant, ou mourant, nous sommes a Dieu, et rien ne nous separera de son saint amour, moyennant sa grace.

  A014000674 

 Je loüe Dieu de l'heureuse arrivee de cette belle fille [55] que vous m'aves accordee pour filleule; madame sa mere sera un jour recompensee, je dis mesme en ce monde, des travaux qu'elle a souffertz pour la produire, quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille sortes de contentemens.

  A014000688 

 Madame ma tres chere Fille (car je croy que vous voules bien que je vous nomme ainsy), nourrissés vostre chere une en l'esprit de cordiale confiance en Dieu, et a mesme que vous vous treuveres environnee d'imperfections et miseres, relevés vostre courage a bien esperer.

  A014000689 

 Conservés un esprit d'une sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorifient Dieu qui est nostre unique pretention.

  A014000689 

 Et puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon cœur,.

  A014000712 

 Vivés tous-jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit..

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000718 

 Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur.

  A014000726 

 Environ les trois heures, je vous verray, Dieu aydant; car, en passant, je veux bayser les mains de Monsieur vostre bon Evesque, et voir nos Capucins, l'eglise cathedrale et ce quil faut que je voye en vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner..

  A014000727 

 Dieu soit tous-jours avec nous, ma chere Fille.

  A014000739 

 Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous consolera de son assistence speciale..

  A014000740 

 Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos.

  A014000754 

 Mon Dieu, elles sont toutes parfumees de la dignité du lieu d'ou elles viennent..

  A014000754 

 Vous feres une sorte d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement aggreable a Nostre Seigneur; car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues, Dieu vous les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés les.

  A014000765 

 Je m'enquis d'ou elle sçavoit une nouvelle encor toute cachee en Dieu.

  A014000765 

 «De personne,» me dit elle, «mais je vous dis ce que je pense.» O Dieu, dis-je en moy mesme, aves vous donques revelé vostre secret a cette pauvre servante? Son discours me consola beaucoup, et j'iray, tant qu'il me sera possible, encourageant et soustenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement.....

  A014000771 

 Dieu vous conserve, Messieurs, et je suis.

  A014000787 

 Car je sçai bien que Dieu commande en la personne d'Abraham a tous ses fideles: Ambula coram me, et esto perfectus; et que beati qui ambulant in viis Domini, et que nos peres euntes ibant, et in corde suo ascensiones disponebant, ut irent de virtute in virtutem..

  A014000787 

 Je persiste tous-jours a vous dire que vous deves servir Dieu ou vous estes, et facere quod facis.

  A014000789 

 Helas! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations, affin que, devenus grans, nous taschions d'ayder a la reedification des murs de Hierusalem, ou en portant des pierres, ou en brassant le mortier, ou en martelant.

  A014000803 

 Ah! je vous prie, tenes bien vostre cœur en haut, attachés le indissolublement a la souveraine volonté de ce tres bon cœur paternel de nostre Dieu; qu'a jamais il soit obei, et souaivement obei par nos ames.

  A014000803 

 C'est bien fait, sans doute, de desirer la vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela: c'est luy qui vous conduit comme une brebis.

  A014000803 

 J'auray pourtant soin de moy selon que je vous l'ay promis, et plus pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention; car je croy bien que Dieu veut que je veuille quelque chose pour l'amour de vous.

  A014000803 

 Or, Dieu face de moy selon son gré..

  A014000804 

 Demeures en paix, ma Fille; faites bien ce pourquoy vous restes au monde, faites le de bon cœur, et croyes que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties faites par vostre propre volonté et amour..

  A014000804 

 Ma Fille, tandis que Dieu voudra que vous soyes au monde pour l'amour de luy mesme, demeures-y volontier et gayement.

  A014000804 

 Sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aymer Dieu; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cœur, car puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous le facions, nous nous contenterons.

  A014000805 

 Prions Dieu, humilions nous, attendons en patience, et nous serons consolés..

  A014000805 

 Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos cœurs! Je n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves: c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise.

  A014000807 

 Tout cela, ma chere Fille, me fait desirer que mes seurs, mes filles, ne s'abandonnent guere a nulle sorte de, grande confiance qu'en la seule confession; car, mon Dieu, voyla pas des grans dangers? Ah! je veux croire qu'il ni a pas tant de mal; mais il y en a encor moins d'estre bien discret.

  A014000808 

 Il est bon aussi; mais mon Dieu, ma Fille, il ne merite pas qu'on s'y affectionne.

  A014000808 

 Je m'essayeray de tenir l'affaire liee en sorte que nous le ( sic ) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que moy; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme de moy..

  A014000808 

 Recommandons le a Dieu, faysons tout bellement ce qui se peut pour le faire reuscir, ainsy que je feray de mon costé; mais au bout de la, si l'œil de Dieu qui penetre l'advenir, voyant que cela ne reviendroit pas peut estre ni a sa gloire ni a nos intentions, sa divine Majesté ordonn'autrement, il ne faut pas, ma Fille, pour cela en perdre le sommeil d'une seule heure.

  A014000809 

 Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous..

  A014000813 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy.

  A014000829 

 Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance; et si elle vient icy ce Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entiere, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Reverend Pere, et demeurer.

  A014000829 

 Dieu sçait que je cheris la bonne fille M lle Clement, et voudrois bien la voir assouvie en ses devotz desirs; mais, mon cher Pere, je ne pense pas que son cors puisse porter les.

  A014000847 

 Bref, vous deves avoir courage a bien procurer que vous soyes Religieuse, puisque Dieu vous en donne tant de desir..

  A014000847 

 Vous deves vous resigner entierement entre les mains de nostre bon Dieu, lequel, quand vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation de ce dessein que vous aves, aura tres aggreable tout ce que vous feres, encor que ce sera beaucoup moins.

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000858 

 Mon Dieu, ma chere et tres singulierement chere Fille, comme cela, vous estes et ma joye et ma couronne.

  A014000858 

 O ma Fille tres chere et tres desiree, je vous laissay en l'hospital de Beaune, [76] pleine de desir d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant en toutes choses, grandes et petites, la vostre a la misericorde de la sienne; je vous laissay avec Nostre Seigneur reellement receu en vous mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur.

  A014000861 

 (Cf. Bavard, L'Hôtel-Dieu de Beaune, etc.; Beaune, 1881.).

  A014000861 

 (Voir Mémoires de la Mère de Chaugy, I re Partie, chap. XXI.) En revenant du château de Monthelon, en 1608, le Saint s'arrêta à Beaune et visita l'Hôtel-Dieu avec le président Frémyot, M gr de Bourges et sa sœur, M me de Chantal.

  A014000869 

 On m'a dit que vous esties bien avant en vos vendanges: Dieu soit loué.

  A014000871 

 Et pour presser la grace de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses.

  A014000871 

 Or, comme on fait vendange en pressant les raysins, on vendange spirituellement en pressant la grace de Dieu et ses promesses.

  A014000872 

 Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille.

  A014000875 

 A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,.

  A014000885 

 Je vous conjure, ma chere Fille, [79] d'aymer bien ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy..

  A014000885 

 N'advoués vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cœur? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a donné.

  A014000902 

 Vous diries: Voyla un jonc sur lequel Dieu veut que je m'appuye; je suis bien asseuree, puisque Dièu le veut, mais le jonc ne vaut pourtant rien.

  A014000903 

 Or bien, ne vous fasches point pour cela; car Dieu n'est pas offencé des pechés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible.

  A014000904 

 A Dieu, ma Fille tres chere.

  A014000904 

 Je suis celuy que Dieu rend tous-jours plus vostre..

  A014000914 

 Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que j'ay, que j'appreuve infiniment l'indifference que vous avés, tant en l'affaire de Bons qu'en toutes autres, puisque c'est en contemplation [81] de la volonté de Dieu.

  A014000914 

 Mais celles qui, par un' entiere resignation en la volonté de Dieu, demeurent indifferentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car c'est un grand don que celluy la.

  A014000916 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma chere Fille, et le veuille enflammer de son saint, amour.

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000935 

 Je me prometz que cette declaration de mon affection aura quelque poids pour vous esmouvoir, comme considerans que je n'ay nul motif que celuy de la gloire de Dieu et de vostre bien spirituel, auquel, selon mon devoir et inclination, je suis extremement dedié, et je puis mesme dire que j'y suis tout sacrifié et immolé..

  A014000936 

 Ainsy, puissies vous longuement tous jouir de la devotion que cette restauration rendra a vos exercices spirituelz et des biens temporelz que Dieu vous en donnera en recompense..

  A014000949 

 Ne poussés pas vostre cœur a la pitié ou compassion en la meditation de la Passion du Sauveur, car il suffit, en toutes meditations, d'en tirer de bonnes resolutions pour nostre amendement et fermeté en l'amour de Dieu, encor que ce soit sans larmes, sans souspirs et sans douceur de cœur; car il y a bien de la difference entre la tendreté de cœur que nous desirons parce qu'elle console, et la fermeté de cœur que nous devons desirer parce qu'elle nous rend vrays serviteurs de Dieu..

  A014000951 

 Il ne faut pas tourmenter son ame, quand on la sent desireuse d'estre fidelle a Dieu.

  A014000951 

 Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne faut pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui confesse ou absout; mesmement, vous confessant souvent comme vous faites..

  A014000952 

 Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur.

  A014000960 

 Conserves [86] le bien, ce cœur, pour lequel le cœur de Dieu fut triste jusques a la mort, et, apres la mort, transpercé par le fer, affin que le vostre vive apres la mort et soyt joyeux toute sa vie.

  A014001006 

 Ah, ma Fille, qu'il me fit alhors de graces, ce grand Dieu, et que j'en ay mal prouffité! Mais, vive sa bonté et son amour! je vay commencer tout a cette heure a le bien servir, moyennant l'ayde de sa grace..

  A014001006 

 Je m'essaye de faire un tres grand renouvellement pour mon ame, parce qu'il y a demain six ans que Dieu m'osta au monde et a moy mesme pour me donner a son Eglise et a ses brebis.

  A014001017 

 Ayés donques aggreableque, sans desfiance de vostre vertu et constance, je vous demande par amour: Aymes-vous bien Dieu, Madamoyselle? Si vous l'aymes bien, vous vous plaires a le considerer souvent, a parler souvent a luy et de luy, a vous reunir souvent a luy au tres Saint Sacrement.

  A014001017 

 Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur.

  A014001026 

 Dieu soit loué a jamais! Je ne puis revoquer en doute que ce mariage ne soit son prouffit, puisque luy en ayant si purement remis et recommandé l'evenement, il l'a conduit a ce terme.

  A014001027 

 Dieu, au jour de son grand jugement, se justifiera contre elle et fera bien voir pourquoy il l'a abandonnee.

  A014001027 

 Helas, ma Fille, que c'est un dur passage a mon esprit, de passer de ce mariage a la dissolution de celuy que la pauvre damoyselle de Bareul avoit fait avec son Dieu! [93] La pauvrette se veut donques perdre avec son mary.

  A014001027 

 Je prieray Dieu pour elle, et specialement le jour de saint Thomas, que je conjureray, par son heureuse infidélité, d'interceder pour cette pauvre ame si malheureusement infidelle..

  A014001028 

 Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et flouet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce malheureux mal: o Dieu, quand je pense a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude.

  A014001030 

 L'autre jour, de grand matin, un homme grandement docte et qui avoit esté ministre long tems, vint me voir, [94] et me racontant comme Dieu l'avoit retiré de l'heresie: «J'ay eu,» ce me dit il, «pour catechiste le plus docte Evesque du monde.» Je m'attendois qu'il me nommast quelqu'un de ces grandes renommees de cet aage, et il me va nommer saint Augustin.

  A014001030 

 Mon Dieu, ma Fille, que dis-je? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous parler comme entre nous deux.

  A014001031 

 Voyes vous, ce sermon la, qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit neanmoins contre l'heresie, car Dieu me donna lhors cet esprit en faveur de ces ames.

  A014001032 

 O mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaitte de perfections! Une pour toutes: cette unité, cette simplicité.

  A014001032 

 Vivés en paix et joyeuse, ou au moins contente, de tout ce que Dieu veut et fera de vostre cœur.

  A014001047 

 Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous impose.

  A014001047 

 Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu..

  A014001047 

 Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de devotion; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu.

  A014001062 

 Sans doute que Dieu vous consolera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves faitte de ne vivre que pour luy.

  A014001063 

 Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours.

  A014001080 

 Elles s'en vont bien viste, ces annees, et nous vont ravissant apres, ou plustost avec elles; mais que nous en doit-il chaloir, puis que, moyennant la misericorde de Dieu, elles nous vont fondre et abismer dedans une profonde eternité?.

  A014001093 

 Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein; il nous prepare des ames d'eslite.

  A014001093 

 Je luy ay dit de me laisser gouverner son secret, et je me veux rendre bien soigneux de servir cette ame en son inspiration, car Dieu m'a donné quelque mouvement particulier la dessus.

  A014001093 

 Madamoyselle de Blonay, de laquelle autrefois je vous ay parlé, m'a declairé son desir d'estre Religieuse; Dieu l'a [101] marquee pour estre de la Congregation.

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001107 

 Je vous recommande de vous accuser en confession clairement, franchement et simplement, et ne vous empresses point pour vos confessions, pourveu que vous gardies cette fidelité a Dieu, de ne point retenir ni excuser vos pechés: Non, non, mon Sauveur, deves vous dire, jamais je n'oublieray vos volontés, car en icelles, vous m'aves justifiee..

  A014001110 

 Il est bon de representer ses necessités a Dieu par un simple regard, et l'invoquer au commencement de toutes vos actions.

  A014001116 

 Ne recevés pas les pretextes que l'amour propre suggere pour excuser le courroux, car saint Jacques dit tout net: L'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu; combien moins celle de la femme.

  A014001124 

 Dieu soit nostre tout!.

  A014001127 

 Voyés s'il y a quelques pieces et facultés de vostre ame ou quelque sens de vostre cors qui ne soit pas a Dieu, et l'ayant descouvert, reprenes le ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a luy, toute, toute..

  A014001128 

 Chaque moment present doit porter son soin, et l'unique occupation dans les retours a Dieu, est un general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses desseins..

  A014001131 

 Ayes memoyre de l'advis de saint Jacques: L'amitié du monde est ennemie de Dieu.

  A014001132 

 Oh! Dieu vous defende de ces accidens..

  A014001133 

 Toutes telles amitiés sont mondaines et desplaisantes a Dieu..

  A014001135 

 Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu..

  A014001139 

 Nous ne meritons pas tel rang au service de Dieu; il le faut servir premierement es bas offices, avant que d'estre attiree a son cabinet..

  A014001141 

 Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis; puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et 'l'insensibilité en toutes choses.

  A014001141 

 Dieu ne recompense pas ses serviteurs selon la dignité de l'office qu'ilz exercent.

  A014001142 

 Je ne forclos pas l'eslevation de l'ame, l'orayson mentale, la conversation interieure avec Dieu, l'eslancement perpetuel du cœur en Nostre Seigneur; mais sçaves vous ce que je veux dire, ma Fille? Je veux dire qu'il vous faut estre comme cette femme forte, de laquelle le Sage dit: Elle a mis la main a choses fortes et ses doigtz ont manié le fuseau.

  A014001142 

 Medites, esleves vostre esprit, portes-le en Dieu, c'est a dire, tires Dieu en vostre esprit: voyla les choses fortes.

  A014001143 

 J'en dois rendre conte a Dieu et je m'en charge..

  A014001144 

 Chemines tous-jours devant Dieu et devant vous.

  A014001144 

 Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous.

  A014001145 

 Qu'est il besoin de disputer? Non, pas un seul mot de replique, sinon celle de Nostre Seigneur: Arriere de moy, o Satan, tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu..

  A014001149 

 Quand tout le reste conspireroit contre nous, nous ne sçaurions deschoir de la grace de Dieu..

  A014001151 

 Nul remede a cela, ma Fille, que de s'humilier et attendre en patience la sainte grace de Dieu, recommandant doucement nostre esprit entre ses mains paternelles..

  A014001152 

 Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures.

  A014001156 

 Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés contre iceux les remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir.

  A014001166 

 La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous marquois, quand j'escrivois que Dieu estoit dans nostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie, et que David appelloit Dieu: Dieu de son cœur.

  A014001167 

 Dieu soit a jamais l'ame et l'esprit de nos cœurs, ma tres chere Fille! Courage, je vous prie..

  A014001170 

 Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que l'on peut la personne auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment seul suffit pour impetrer sa grace.

  A014001170 

 Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on parle le requiert; car en cela, Dieu est glorifié.

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001189 

 Dieu m'est a tesmoin combien je desire cette belleseur et comme elle me sera chere.

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001216 

 Et si, il ne faut nullement entrer en defiance, car bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres de ce que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs esperances.

  A014001216 

 O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray; mais la vie qui est au dela, et que la misericorde de Dieu nous donnera, est bien fort desirable aussi.

  A014001217 

 Mon Dieu, ma chere Fille, n'examines point si ce que vous faites est peu ou prou, si c'est bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas peché et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le faire pour Dieu.

  A014001218 

 Dieu soit aupres de madame [de Mieudry] en cette Babilone ou elle va, et luy donne les consolations spirituelles plus grandes que les corporelles.

  A014001219 

 Dieu nous veut parler dedans les espines et le buisson, comm'il fit a Moyse, et nous voulons quil nous parle dans le petit vent doux et frais, comm'il fit a Helie..

  A014001219 

 La providence de Dieu est plus sage que nous.

  A014001219 

 Mon Dieu, je suis [120] ennemi conjuré de ces desirs inutiles, dangereux et mauvais; car encor que ce que nous desirons est bon, le desir est neanmoins mauvais, puis que Dieu ne nous veut pas cette sorte de bien, mais un autre, auquel il veut que nous nous exercions.

  A014001231 

 Je vous renvoye vostre livre corrigé, ma tres chere Fille: vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions engagés.

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001231 

 Occupés le plustost a le preparer et mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés, mais quand Dieu voudra les vous permettre..

  A014001232 

 De remedier aux occurrences qui ne vous regardent pas en particulier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise neanmoins, de vouloir avec un cœur esgal attendre l'evenement que Dieu disposera pour le mieux.

  A014001232 

 Mais quant a cette sorte de plainte, que vous estes miserable et infortunee, mon Dieu, ma chere Fille, il s'en faut garder en toute façon; car, outre que telles paroles sont deshonnestes a une servante de Dieu, elles sortent d'un cœur trop abbatu et ne sont pas tant des impatiences que des courroux..

  A014001233 

 Voyés vous, ma chere Fille, faites un particulier exercice de douceur et d'acquiescement a la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites tricheries quotidiennes.

  A014001234 

 C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité..

  A014001236 

 La pauvrette a esté tout plein troublee pour peu de chose; mais c'est bon signe, car cela a produit de la crainte de Dieu.

  A014001236 

 O Dieu, il faut plustost mourir que d'offencer sciemment et deliberement; mais quand nous tombons, il faut tout perdre, plustost que le courage, l'esperance et la resolution.

  A014001236 

 Or bien, Dieu convertira le tout a son honneur..

  A014001238 

 Bon soir, Madame ma tres chere commere, ma Fille; vostre cœur est a Dieu, vivés heureuse d'estre si bien logee.

  A014001247 

 Mais, comme le pouvois je esperer, [124] estant cloué et affigé a ces montaignes, et si indigne de vostre consideration? Et voyci neanmoins que Dieu a voulu me prevenir de cette consolation, de laquelle je remercie tres humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre qui s'y est si amiablement inclinee.

  A014001249 

 Et puisque vous m'exhortes, Monseigneur, de continuer a mettre par escrit ce que Dieu me donnera pour l'edification de son Eglise, je vous diray librement et avec confiance mes intentions pour ce regard.

  A014001249 

 Pour cela, laissant aux grans ouvriers les grans desseins, j'ay conceu certains petitz ouvrages moins laborieux, et [125] neanmoins asses propres a la condition de ma vie, non seulement vouee mais consacree au service du prochain pour la gloire de Dieu.

  A014001250 

 Je medite donq un livret de l' Amour de Dieu, non point pour en traitter speculativement, mais pour en monstrer la prattique en l'observation des commandemens de la premiere Table.

  A014001255 

 Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien merité l'accueil que vous me faites et l'acces que vous me donnes? [127] Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité me donne cette libre confiance; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de nostre commun et souverain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé a me departir, non seulement me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous promettant que vous rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs..

  A014001256 

 Dieu vous conserve longuement, Monseigneur, et vous prospere en ses graces, selon le souhait de.

  A014001263 

 Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs.

  A014001271 

 J'espere que Dieu la tiendra par tout de sa main; au moins il luy donne des bonnes resolutions.

  A014001271 

 Mais mon Dieu, la voyla l'un des pieds sur le sueil de la porte de la cour.

  A014001274 

 Mon Dieu, ma Fille, que j'ay grand desir que le bon et doux Jesus vive et regne dans nos cœurs! C'est en luy que je suis tout uniquement vostre..

  A014001284 

 Servés donq Dieu selon cela, et il vous en benira; mais n'escoutés jamais rien au contraire, et croyés qu'il faut que je sois bien asseuré quand je parle si hardiment..

  A014001284 

 Vous aves rayson de ne vous point inquieter pour les mauvaises pensees, tandis que vous aves de bonnes intentions et volontés, car ce sont celles-cy que Dieu regarde.

  A014001286 

 Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables a Dieu! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation; mais aussi, o mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter! Mais bien; cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chere seur, affin qu'elle sache ou prendre son chemin.

  A014001286 

 C'est le sacré mary de l'ame que j'entens; neanmoins, si Dieu dispose de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il la veuille exercer a la sujetion, il en faudra louer sa Majesté, laquelle sans doute fait toutes choses pour le bien des siens.

  A014001286 

 C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prieres que je feray pour elle..

  A014001296 

 J'ay receu vos deux lettres, ma chere Fille, et voy bien clairement que tout, le mal que vous aves eu n'a esté qu'un vray embarràssement d'esprit provenu de deux desirs qui n'ont pas esté satisfaitz en vous: l'un estoit le desir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit; l'autre, le desir de connoistre si vous avies fidellement fait vostre devoir.

  A014001297 

 A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement..

  A014001299 

 Dieu soit tous-jours nostre unique amour et pretention, ma chere Fille, et je suis en luy tout vostre..

  A014001306 

 Je vous dis donq qu'il faut que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levee le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous rentres en ces affaires domestiques, il vous faut estre attentive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes choses; que s'il l'est, il en faut loüer [137] Dieu, et l'employer aux affaires qui se presentent, avec un soin special de ne point le laisser dissiper..

  A014001307 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait.

  A014001308 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma bonne et chere Fille, et nous rende un mesme esprit avec luy.

  A014001316 

 Dieu sçait que j'irois au bout du monde pour vous mettre la mitre en teste, et serois jaloux si un autre me ravissoit cet honneur..

  A014001325 

 Mon Dieu, c'est un docteur des-ja! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze.

  A014001328 

 Eh bien, ma chere Fille, Dieu soit loué: pourveu que nostre ame soit coloree du vermeil de la charité, il ne nous doit pas chaloir que nous ayons les pasles couleurs.

  A014001328 

 Vous faites bien de prattiquer mes advis, car ilz sont selon la volonté de Dieu; et si cette maladie vous y donne plus de repugnance, tant plus gaigneres vous en leur exercice..

  A014001330 

 Dieu soit a jamais nostre amour, ma chere Fille, et croyés que je suis en luy tout particulièrement vostre..

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001353 

 Non, de par Dieu, car ce seroit joindre defaut a defaut; mais je veux dire que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-jours au bien, soudain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant cette fidelité, que vous viviés tous-jours bien joyeuse..

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001360 

 Ne vous tourmentes point encor que vous ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz que vous desireries, car c'est la bonne volonté que Dieu requiert.

  A014001361 

 Baysés souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu..

  A014001373 

 Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une reciproque reverence en vostre endroit.

  A014001374 

 Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de bonheur en la graCe de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable,.

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001388 

 Que puissies vous donq comm'eux conserver et sacrer a Dieu vostre cœur, vostre cors, vostr'amour et toute vostre vie..

  A014001426 

 Que si Dieu nous estoit [154] si misericordieux que vous puissies guerir par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la peyne le faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit..

  A014001427 

 Et tandis, resouvenes vous, ma chere Fille, que Dieu vous invitant au chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne un doux amour paternel et quil veut rendre vostre ame purement sienne, comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour de luy, auquel soit a jamais gloire et louange..

  A014001443 

 Or sus, Dieu me fera la grace qu'il ne se passera pas beaucoup de tems que je ne vous revoye; et lhors, certes, il faudra voir une conclusion de tous nos bons desseins, affin que si nous ne faysons pas tant de chemin que la chaleur de nostre premiere devotion nous faysoit entreprendre, nous en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous en pourrons faire.

  A014001451 

 Divertisses vous pour un peu, et alles vous praeparer au combat; puis representes vous y l'autrefois, et sentant la seconde emotion, faites tout de mesme: Dieu vous assistera..

  A014001452 

 Je suis bien ayse de la venue de la bonne seur, a laquelle je doy une longue response, que je feray, Dieu aydant, avec un peu de loysir.

  A014001474 

 Mon Dieu, ma chere Fille, ma Seur, soyés joyeusement devote.

  A014001475 

 Benisses ceux qui vous affligent, et Dieu, ma chere Fille, vous benira..

  A014001475 

 Tenes tous-jours bien vostre cœur bandé a cela, et considerés souvent que Dieu vous regarde de son œil d'amour parmi toutes ces petites incommodités et brouilleries, pour voir comme vous vous y comportes selon son gré.

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001497 

 J'ay sceu, il y a quelque tems, le desir que celuy qu'elle nomme a de me rencontrer; et certes, je ne l'ay pas moindre en cela, esperant que s'il prestoit une fois l'oreille a la sainte parole, avec le bon jugement qu'il a et moyennant la grace de Dieu, il pourroit voir la lumiere celeste..

  A014001498 

 Je croy bien que vous aves le cœur sujet aux secousses, ainsy que vous m'escrives; mais vous verres que, moyennant la grace de Dieu, il s'affermira petit a petit..

  A014001514 

 Comment est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent serieusement embrasser leur salut!.

  A014001516 

 Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple..

  A014001517 

 A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement, absolument, uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est rendu a la mort.

  A014001527 

 A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment, en qualité de l'homme du monde qui vous desire le plus de vrayes et solides consolations.

  A014001536 

 Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir, Dieu aydant.

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001539 

 Ne vous inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos incommodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre.

  A014001552 

 Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille tres uniquement chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste de l'Eglise, en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne de reprimer les larmes.

  A014001552 

 O Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre de l'ancienne Loy avec moy, et considerois que ce grand Prestre portoit un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze pierres pretieuses, et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israel.

  A014001553 

 L'espervier et le passereau de saint Joseph me revenoyent en l'esprit; et me sembloit que j'estois chevalier de l'ordre de Dieu, portant sur ma poitrine le mesme Filz qui vit eternellement en la sienne.

  A014001555 

 Bonsoir, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu et pour Dieu.

  A014001556 

 Je luy escriray, Dieu aydant, quand son [170] futur l'ira voir, et a ma chere niece aussi.

  A014001566 

 Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices.

  A014001566 

 Que vous seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre..

  A014001576 

 Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la Mayson en aage et [172] en credit, il faut que le tout s'entreprenne avec une tres grande humilité et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie par bon exemple et conversation..

  A014001577 

 Dieu a fait des reformations par des moindres commencemens, et ne faut rien moins pretendre qu'a la perfection..

  A014001584 

 La fin pretenduë sera bien autre chose, Dieu aydant: car, comme vous sçaves, primum in intentione est ultimum in executione.

  A014001585 

 Plantés bien avant, Monsieur, cette affection dans vostre cœur, de restablir muros Hierusalem: Dieu vous assistera de sa main.

  A014001586 

 A Dieu, et ayés bon courage d'estre l'un de ceux per quos salus fiet in Israel..

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001608 

 Dieu donne a monsieur N. beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere qui veille sur luy.

  A014001610 

 Et quand je dis de mon ame, je dis de toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a conjointe inseparablement..

  A014001610 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A014001610 

 Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant.

  A014001611 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cœur se met tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A014001611 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur, et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux, je ne le fay pas; mais je sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A014001613 

 Je vous suis ce que Dieu sçait.

  A014001645 

 Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de tres bon cœur icy, et prens, en eschange de la satisfaction que j'aurois de vous voir, l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de vous avec ceux qui vous honnorent, et sur tout a vous cherir d'un amour tendre et respectueux, autant qu'homme du monde..

  A014001646 

 Je ne crains sinon d'offencer ma conscience en cela, car je n'ay pas si bonn' opinion de la cour que je ne pense que Dieu soit mieux servi hors d'icelle qu'en icelle, et saint Augustin avoit cette solemnelle resolution de ne conseiller jamais a personne la suite des cours.

  A014001666 

 La bonté de Vostre Excellence, qui daigne me tenir en sa grace, m'a donné le cœur d'entreprendre cette intercession envers elle, pour laquelle j'en fay journellement [187] a l'autel envers Dieu, affin quil la comble de benedictions immortelles.

  A014001686 

 Je veux finir, en vous suppliant de continuer en ce bon dessein, lequel, de quel costé qu'on le tourne, ne peut que reuscir a la grande gloire de Dieu.

  A014001693 

 Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef consideré l'advis du Pere Provincial, je le treuve entierement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable; car tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y employeray soigneusement, Dieu aydant.

  A014001704 

 Que puissies-vous bien tost guerir, si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma tres chere Fille; si moins, que puissies-vous amoureusement souffrir, tandis qu'ainsy le requerra la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.

  A014001704 

 Selon la sainte et parfaitte amitié que Dieu m'a donnee pour vous, ma tres chere Fille, j'ay de la peyne de vostre maladie.

  A014001705 

 Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions interieures de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que vous pourres vostre cœur a la sainte douceur et tranquillité: a la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentee ou affligee, quoy que miserable.

  A014001727 

 Demain nous passerons outre a faire le mesme es autres deux parroisses, et passé demain j'iray a Sessel, et le jour suivant je me rendray entre vos bras, Dieu aydant..

  A014001748 

 L'infinie varieté des occupations que ma charge me pousse incessamment sur le bras, adjouste beaucoup a mon insuffisance, pour m'empescher de bien faire de telz ouvrages; mais s'il plaist a Dieu de se servir de moy en cet exercice d'escrire, il m'en donnera des commodités..

  A014001748 

 La devotion est son sujet, la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par toute sorte de devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse.

  A014001751 

 Je joindray donq ma tres humble supplication avec celle dudit sieur President, et faysant tres humblement la reverence a Vostre Altesse, je prie Dieu qu'il la prospere en toutes benedictions..

  A014001763 

 Apres avoir donné gloire a Dieu pour le nouveau restablissement de l'exercice catholique en deux parroisses du balliage de Gex, que monsieur le baron de Lux vient de faire, j'en rens graces a la providence royale de Vostre Majesté, de la pieté delaquelle ces pauvres peuples ont receu ce bien infini.

  A014001764 

 Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt ( sic ) jamais veu..

  A014001766 

 Je supplie incessamment Dieu quil vous face la grace, Sire, d'exalter de plus en plus sa divine Majesté, affin que, reciproquement, il benisse et prospere de plus en plus la vostre royale, a laquelle faysant tres h[umble]................................................................................

  A014001778 

 Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme; mais de recevoir les graces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige..

  A014001778 

 Pour vous, ma chere Fille, je loüe Dieu des sentimens de l'amour que vous aves envers luy, sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités, de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour vostre inutilité.

  A014001779 

 Ne vous amuses point a cela; mais, d'un cœur eslevé, travailles devant Dieu avec vostre volonté superieure, vous animant au saint amour.

  A014001793 

 Dieu y mette sa sainte main.

  A014001794 

 Mais vous, ma tres chere Fille, continues a tenir vostre cœur pur devant Dieu et compatissant envers le prochain.

  A014001828 

 Vous m'obligés extremement par le desir que vous aves de mes preications, lesquelles seront utiles a vostre peuple, si Dieu me donne autant de force comm' il m'a donné [209] de courage et d'affection de vous rendre du service.

  A014001842 

 Oh! Dieu l'y veuille bien conserver..

  A014001843 

 J'y ay encor appris une prattique de la presence de Dieu, laquelle, en passant, j'ay resserree en un coin de ma memoire pour vous la communiquer, si tost que j'auray leu le traitté qu'en a fait le Pere Arias..

  A014001844 

 Ayés un grand cœur, ma chere Fille, et estendes-le fort sous la volonté de nostre Dieu.

  A014001854 

 Il faut, ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil ( sic ) vont bien, en louer Dieu, sil ( sic ) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expedient a nostre bien..

  A014001855 

 Commandes librement a vos enfans, car Dieu le veut..

  A014001855 

 Pour l'amour de Dieu, soyes un peu fort courageuse; dites cent fois le jour, mais dites le de cœur: Dieu nous aydera, et vous verres qu'il le fera.

  A014001872 

 O Dieu, quel bonheur d'estre ainsy entre les bras et les mammelles de Celuy duquel l'Espouse sacree disoit: Vos tetins sont incomparablement meilleurs que le vin.

  A014001879 

 Le tems, mon innocence, mais sur tout la providence de Dieu, accommodera tout cela: dequoy neanmoins j'ay escrit a Son Altesse tout ce quil m'en sembloit, ayant premierement sceu qu'elle s'estoit laissé porter a quelque sorte de desfiance de moy; de maniere que j'en demeure en tout bon repos.

  A014001915 

 Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir, est morte ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine: grand sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont su les considérer dans cet événement..

  A014001921 

 Je vous supplie de le recevoir comme venant de quelqu'un qui vous honore, vous révère et vous aime de tout son cœur, et qui prie Dieu de vous combler de toute sainte prospérité..

  A014001933 

 Et moy, qui ay quelquefois du courage, je me suis fort plaint par une lettre, de laquelle la consequence peut estre diverse, mais tous-jours universellement a la gloire de Dieu et a ma consolation.

  A014001933 

 Or, j'en attens l'evenement, et ne voudrois pas que vous fussies icy qu'apres que cette bourrasque sera passee, qui sera bien tost, Dieu aydant.

  A014001934 

 Pour moy j'attens, et si je voy de la conformité je ne [228] refuseray pas ce parti; mais Dieu sera avec nous, sil luy plait, pour tout cela.

  A014001936 

 Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y ay prié Dieu de bon cœur pour vous au saint Suaire, que l'on monstra publiquement, a ma contemplation; a la sainte Hostie et a nostre cher Saint Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a [229] voir le lieu ou je receu vostre confession, et fus consolé a representer ce cœur qu'en qualité de pere je presentay la premiere fois a l'autel de Saint Claude.

  A014001938 

 Certes, ma Fille, mes affections sont si grandes, ce me semble, que j'espere de le faire un jour, apres que je me seray bien humilié devant Dieu.

  A014001938 

 Vive Dieu! ma chere Fille, il m'est advis que tout ne m'est plus rien qu'en Dieu, auquel neanmoins et pour lequel j'ayme plus tendrement que jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame.

  A014001939 

 Dieu est bon, ma Fille, soyons donq bons aussi..

  A014001940 

 Bon soir, ma Fille, Dieu soit a jamais nostre tout.

  A014001966 

 A Dieu, ma tres chere Fille, tenes moy bien tous-jours pour tout vostre, car en vraye verité je le suis.

  A014001966 

 Dieu vous benisse.

  A014001974 

 O que l'eternité est desirable au prix de ces miserables et perissables vicissitudes! Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre transformés en la gloire des enfans de Dieu..

  A014001975 

 Helas! quand je pense comme j'ay employé le tems de Dieu, je suis bien en peyne qu'il ne me veuille point donner son eternité, puisqu'il ne la veut donner qu'a ceux qui useront bien de son tems..

  A014001976 

 Au moins, parmi ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui, reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy bas..

  A014001976 

 Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu est avec vous, ce m'est asses.

  A014001977 

 C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné..

  A014002001 

 Dieu vous siot a jamais favorable, ma chere Fille, affin que vous cheminies bien avant en son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie; et me recommandant de plus en plus a vos prieres, je suis.

  A014002006 

 Revu sur l'Autographe conservé à Paris, à l'Hôtel-Dieu.

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002023 

 Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la pieté de sa vie, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté.

  A014002024 

 Je prie Dieu qu'il comble de celestes benedictions Vostre Altesse, de laquelle je suis infiniment,.

  A014002050 

 Ce grand Dieu soit a jamais en nos cœurs.

  A014002050 

 Que dires vous dequoy je vous escris si peu? Mais je ne puis mieux faire, et puisque je ne puis vous parler davantage de Dieu, je m'en vay parler a Dieu de vous.

  A014002059 

 Mais aussi, ma chere Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent..

  A014002070 

 Dieu donques soit a jamais vostre protecteur, et je suis en luy de tout mon cœur,.

  A014002088 

 J'escoute de toute part ce que Dieu demande de moy; priés le, ma chere Fille, qu'il en dise ce bon mot, que je suis sien.

  A014002089 

 Je vay mettre la main au livre de l' Amour de Dieu, et m'essayeray d'en escrire autant sur mon cœur comme je feray sur le papier.

  A014002090 

 Mon Dieu, j'escris a perte d'haleyne..

  A014002090 

 Soyés toute a Dieu.

  A014002100 

 Mais, mon cher Frere, soyés genereux; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie [248] son peuple et la mayson de son pere; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui est nostre Pere commun.

  A014002147 

 Croires-vous bien ce que je vous vay dire? J'ay, il y a quelque tems, le petit livre de la Presence de Dieu; c'est un petit ouvrage, mais je n'ay encor sceu le lire [252] entierement, pour vous en dire ce que je pense pour vostre service.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002148 

 Quand j'y suis quelquefois, mon Dieu, que mon ame est a recoy, et que cette rosee, rosine et vermeille, luy donne de suavités! Mais je n'en suis pas esloigné d'un pas, que le vent recommence..

  A014002149 

 Je veux bien m'essayer d'y estre souvent avec vous; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grace.

  A014002152 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que je sens tendrement et ardemment le bien et le lien sacré de nostre sainte unité! J'ay fait un sermon ce matin tout de flammes, car je l'ay bien conneu; il le vous faut dire a vous.

  A014002152 

 Mon Dieu, que je vous souhaitte de benedictions! Mais vous ne sçauries pas croire comme je suis pressé a l'autel de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur..

  A014002163 

 Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde.

  A014002165 

 Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy..

  A014002166 

 Et pleust a Dieu que vous peussies venir faire la sainte Semaine avec nous! je m'en sentirois fort consolé.

  A014002177 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille favorable au sieur de Blonnay, present porteur, qui ne desire luy parler que des choses qui luy sont aggreables, puisqu'elle prend tous-jours playsir a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy et du salut des ames..

  A014002178 

 Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en benedictions et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans desirs que fait pour elle,.

  A014002196 

 Car, puisqu'ainsy il playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir servie et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et [257] innocentes ames quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas, l'ayant fort heureusement disposee a cela..

  A014002196 

 Je ne sçai pas le pourquoy selon les hommes, mais je croy que Dieu en a ainsy disposé pour une douloureuse satisfaction que j'ay eu ces jours passés, de donner l'extreme benediction et de fermer les yeux a ma bonne mere mourante.

  A014002216 

 Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous.

  A014002233 

 Confessons, ma Fille bien aymee, confessons que Dieu est bon et que sa misericorde est a l'eternité.

  A014002233 

 Mais, o Dieu, ma tres chere Fille, ne faut il pas en tout et par tout adorer cette supreme Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons et tres aymables? Et voyla qu'il luy a pleu retirer de ce miserable monde nostre tres bonne et tres chere mere, pour l'avoir, comme j'espere fort asseurement, au pres de soy et en sa main droitte.

  A014002235 

 Mais Dieu, se contentant de sa bonne volonté, disposa d'autre sorte; car, le matin estant venu, cette bonne femme se levant et pignant ( sic ) elle tumbe soudainement d'un catharre, comme toute morte.

  A014002236 

 Car elle parloit fort a propos de Dieu et de son ame, et prenoit la croix elle mesme a tastons (dautant que soudain elle devint aveugle) et la baysoit.

  A014002237 

 Apres quoy, le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je n'avois fait des que je suis d'Eglise; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a Dieu.

  A014002239 

 Or sus, ma chere Fille, si faut il se resoudre sur cela, et louer tous-jours Dieu, quand il luy plairoit nous visiter encor plus fortement.

  A014002243 

 Dieu nous donne, Dieu nous oste, son saint nom soit beni..

  A014002243 

 Dieu soit encor loué en cet endroit.

  A014002243 

 Helas! il la failloit neanmoins bien un peu pleurer, car n'avons nous pas un cœur humain et un naturel sensible? Pourquoy non pleurer un peu sur nos trespassés, puisque l'Esprit de Dieu non seulement le nous permet, mais nous y semont.

  A014002244 

 Dieu scait, ma Fille, si j'ayme tendrement cett'ame et si je nuis plein de desir de son bien, et que jamais je ne la veux ni puis abandonner, je dis quoy qu'elle fit; mais je n'ose pas la presser de loin, car cet ( sic ) un esprit qui ne peut estre conduit qu'avec amour et confiance; confiance, dis-je, tous-jours nourrie de nouvelles et continuelles demonstrations d'affection, ce qui ne se peut faire de loin.

  A014002246 

 Ouy, ma Fille, nostre bon Dieu nous aydera, et pour la bonne commere aussi, bien quil faille tascher d'avoir tout ce qu'on pourra.

  A014002246 

 [265] Nostre Favre a fait merveilles et est maintenant toute a Dieu..

  A014002248 

 Je ne dis pas que quand on a fait sa praeparation, et qu'en l'orayson on est attiré a cette sorte d'orayson, il ny faille aller; mais prendre pour methode de ne se point præparer, cela m'est un peu dur, comm'encor de sortir tout a fait de devant Dieu sans action de grace, sans offrande, sans priere expresse.

  A014002248 

 Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure, je ne vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire.

  A014002249 

 A Dieu, ma chere Fille, jusques a se revoir bien tost, moyennant Jesus, qui vive et regne a jamais en nos espris.

  A014002258 

 Mais, ma chere Cousine, vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle.

  A014002275 

 Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la treille, les ames qu'il ayme.

  A014002276 

 Dieu soit a jamais nostre tout.

  A014002350 

 Aussi, Votre Révérende Paternité ferait-elle chose très agréable à Dieu notre Seigneur, si elle obtenait pour lui de Son Altesse Sérénissime, quelque sorte d'assistance à titre d'aumône.

  A014002363 

 Au reste, pour respondre briefvement a la vostre, N. fit tres bien d'entrer aux Carmelines, car il y avoit apparence que Dieu en seroit glorifié.

  A014002363 

 Mais puisqu'elle en sort par ordre des Superieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs; si bien qu'elle fera mal, si, apres les premiers [277] ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition; car par plusieurs voyes on va au Ciel.

  A014002363 

 Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne, bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres a ceux qui ont la liberté de choysir..

  A014002364 

 Mais quant a vous, ma chere Fille, dequoy vous mettes vous en peyne pour ce regard? Vous aves fait charité de procurer une si sainte retraitte a cette pauvre fille; s'il ne plait pas a Dieu qu'elle y persevere, vous n'en pouves mais.

  A014002364 

 Si N. est sage et humble, Dieu luy treuvera bien une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté, ou par consolations ou par tribulations.

  A014002365 

 Ah! Dieu, par sa bonté, ne le veuille jamais permettre, ains face regner sans fin en nous, sur nous et contre nous et pour nous son tres saint amour celeste..

  A014002366 

 Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme, ains estant plust.ost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un evident danger? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne consideration, a quoy vous le servirés; et moy je prieray, selon vostre desir, qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte..

  A014002368 

 Dieu soit tous-jours a sa dextre, affin qu'il ne change jamais que de mieux en mieux.

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002378 

 Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera.

  A014002378 

 Je ne doute nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly ne vous fust bien douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service.

  A014002379 

 Or, voyci une bonne preuve de la fortification de ces cheres resolutions, que par la grace de Dieu vous aves perseveré a conserver ce que je vous dis en confession, ainsy que vous m'asseures; car cela vaut mieux que cent mille goustz spirituelz.

  A014002379 

 Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous-jours plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne pour n'en sentir pas lés goustz et les sentimens.

  A014002381 

 Et pour la particuliere qui ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support et de benignité envers elle, et Dieu la reduira au train des autres..

  A014002384 

 Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance que vous y aves; et, apres la lecture de la Regle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que: «Dieu nous face la grace de bien observer ce qui a esté leu.».

  A014002385 

 En la Feste Dieu, je ne voy nul inconvenient que l'on face le tour du cloistre; car cela ne tire point a consequence, a cause de la grandeur de la solemnité..

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002388 

 Que vous seres heureuse si vous aymes bien vostre petit troupeau! car apres l'amour de Dieu, celuy-la tient le premier rang..

  A014002389 

 Demeurés ferme en cette creance, car elle est, Dieu aydant, infallible.

  A014002396 

 Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes; car tout cela m'est cher..

  A014002405 

 O Dieu, ma chere Fille, qu'ell'est heureuse cette chere niece qui s'en est allee de ce monde avant que d'y avoir souillé ses affections! Je prie le Saint Esprit quil donne sa sainte consolation au pere.

  A014002421 

 Il y a encor quelqu'accommodement a faire dans nostre petit nouveau bastiment; mais ce n'est pourtant pas chose qui puisse retarder le commencement de nostre dessein, lequel je propose devoir estre a ces prochaines festes de Pentecoste, Dieu aydant..

  A014002424 

 Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que nous ferons, Dieu aydant..

  A014002458 

 Dieu multiplie vos annees et, en icelles, la grace et consolation de son Saint Esprit sur vostre personne, a laquelle je suis fort affectionnement,.

  A014002477 

 Il est vray que si vous entreprenés cette œuvre simplement pour Dieu et vostre salut, vous y aures tant de consolations que rien ne vous sçauroit destourner, et la bonne compaignie en laquelle vous seres ne vous servira pas de peu a vous bien establir; mais il ne faut pour cela que vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir.

  A014002477 

 Que si vous le treuvés bon et ferme, venés donq hardiment au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce projet, le favorisera de plus en plus de ses benedictions et vous y donnera mille consolations que le monde ne peut sçavoir..

  A014002478 

 Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré..

  A014002479 

 Pour moy, j'ay tellement cette sainte besoigne en recommandation, que je me sentiray bien heureux de pouvoir m'employer a son advancement, et y serviray constamment, joyeusement et, Dieu aydant, utilement; mais avec tant d'affection, que rien ne m'en sçauroit destourner sinon la seule volonté de Dieu, lequel peut [294] estre, pour mes pechés ne me treuvera pas digne de faire ce service a sa gloire..

  A014002505 

 Dieu y veuille mettre sa bonne et puissante main..

  A014002506 

 O. Dieu, si ce Sauveur a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy? S'il a exhalé sa vie pour nous, pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son service et plus pur amour? En fin, je m'imagine que Nostre Seigneur plantera cette plante, l'arrousera de ses benedictions et la fera fructifier en sanctification.

  A014002508 

 Dieu soit vostre Dieu, ma chere Fille, Dieu soit vostre Dieu; et vostre cœur, que vous luy aves dressé, soit sa mayson et son autel, sur lequel nuit et jour il fasse ardre et luire le feu de son saint amour.

  A014002508 

 O Dieu, qui nous fera la grace de nous combler de charité? Recommandés-moy a vostre Abbesse..

  A014002538 

 La lettre que Votre très Illustre Seigneurie m'écrivit pour me prier d'inaugurer une manière de solennité au jour du trépas du [297] bienheureux Amédée, me parvint le lendemain de sa fête; ainsi l'on ne put faire ce que j'aurais vivement souhaité, mais, s'il plaît à Dieu, on le fera l'année prochaine..

  A014002558 

 [302] Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent..

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002582 

 Voyla, mon cher Pere, le sommaire et premier crayon de l'ouvrage, que Dieu conduira a la perfection que luy seul sçait, et pour lequel mon courage est incomparablement animé, croyant que Dieu l'aura aggreable.

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France; se rendant brebis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de [310] peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques a soy.

  A014002595 

 Or, Dieu disposoit autrement.

  A014002596 

 Dieu soit vostre tout, Monsieur; je suis en luy,.

  A014002608 

 Ah! c'est Dieu, sans doute..

  A014002608 

 O ma Fille, que j'ay de desirs que nous soyons un jour tout aneantis en nous mesmes pour vivre tout a Dieu, et que nostre vie soit cachee avec Jesus Christ en Dieu! Oh! quand vivrons-nous nous mesmes, mais non pas nous mesmes, et quand sera-ce que Jesus Christ vivra tout en nous? Je m'en vay un peu faire d'orayson sur cela, ou je prieray le cœur royal du Sauveur pour le nostre.

  A014002609 

 Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et vaillamment que nous pourrons; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre..

  A014002618 

 Mon Dieu, que cela m'a attendri quand on a chanté ce Psalme! car je disois: O chere Reyne du Ciel, chaste tourterelle, est-il possible que vostre poussin ayt maintenant pour son nid ma poitrine? Cette parole de l'Espouse m'a bien encor touché: Mon Bienaymé est mien, et moy je suis toute sienne; il demeure entre mes mammelles; car je le tenois la.

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002647 

 Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de laquelle je suis,.

  A014002680 

 Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la bonne feste en esprit? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se presente aux yeux de nostre ame! Quand je le considere dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme, ou un homme qui pretend de devenir Ange.

  A014002681 

 Ma chere Fille, bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour donner ordre aux necessités de cette vie, si est-ce que nostre cœur ne doit savourer que la rosee du bon playsir de Dieu en tout cela et doit tout rapporter a la louange de Dieu..

  A014002685 

 Certes, ce nom bien gravé dans nos cœurs, je veux dire, l'honneur et l'imitation de ce Saint, nous fera prophetizer et benir Dieu abondamment..

  A014002696 

 Mon Dieu, que nostre grand amy aura esté touché rudement de ce coup! car son merite ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce digne Monarque.

  A014002698 

 Dieu vous prospere de plus en plus, Monseigneur, et je suis sans fin,.

  A014002710 

 Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour trois moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes; car ce mot est bon.

  A014002711 

 O Dieu, quel beau pelerinage! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite bouteille a vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes, et qui enivre Dieu le Pere d'un amour demesuré.

  A014002720 

 Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous aves rayson; car en obeissant a ceux-la, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et advancement spirituel.

  A014002720 

 Vous aves opinion que vostre desir de vous retirer du monde ne soit pas selon la volonté de Dieu, puisqu'il [325] ne se treuve pas conforme a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir de vous commander et le devoir de vous conduire.

  A014002721 

 En quoy vous aves tort (et pardonnés a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller les [326] empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration, volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu..

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002721 

 Rendés-luy sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme: Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté de Dieu.

  A014002722 

 Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en indifference devant Dieu, puisque le desir de la retraitte qu'il vous a donné, est tous-jours dedans vostre cœur, quoy qu'il soit empesché de faire son effect; car la balance de vostre esprit tend de ce costé la, bien qu'on donne du doigt de l'autre costé pour empescher le juste poids..

  A014002723 

 Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu.

  A014002725 

 Dieu vous donne les saintes benedictions que je vous souhaitte et la douce correspondance [327] qu'il desire de vostre cœur; et je suis en luy, avec toute sincerité,.

  A014002738 

 En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame, pour estre le tout employé a son honneur, selon les Regles de la Congregation; mais cela se fait par une belle ceremonie..

  A014002760 

 Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations; car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles..

  A014002761 

 Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu..

  A014002761 

 Mais maintenant que Dieu vous a rendu vostre santé, il faut bien, ma chere Fille, reprendre vostre orayson, au moins pour demi heure le matin et un quart d'heure le soir avant souper; car despuis qu'une fois Nostre Seigneur vous a donné le goust de ce miel celeste, ce vous Sera un grand reproche si vous vous en degoustés, et mesmement puisque il vous l'a fait gouster avec beaucoup de facilité et de consolation, ainsy que je me resouviens fort bien que vous me l'aves advoué.

  A014002763 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur pour le remplir et fayre abonder en son saint amour: ce sont les souhaitz journaliers, Madame ma chere Fille, de.

  A014002769 

 Revu sur l'Autographe conservé à l'Hôtel-Dieu de Québec (Canada)..

  A014002774 

 Dieu soit loué!.

  A014002776 

 Aujourdhuy je n'ay encor fait qu'un peu d'orayson, mais j'en feray, Dieu aydant; car je vous veux bien rendre rayson de ce que si justement et charitablement vous desires pour nostr'ame.

  A014002785 

 Si je pouvo.is parler a celuy duquel tant de gens parlent, certes, je luy dirois fort franchement tout ce que je croirois estre propre a le retirer a soy, a Dieu, a son Eglise; mais je ne pense pas qu'il fut a propos de traitter cela par lettres.

  A014002787 

 M me Vignod, de Sainte Catherine, ira de dela, et je croy qu'ell'edifiera sa seur, car c'est vrayement une fille tout absolument remise en Dieu.

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002804 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et benedictions! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses mondaines nous presente.

  A014002804 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu; ou la mort ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort.

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002826 

 Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse.

  A014002828 

 Dieu vous benisse et prospere de plus en plus en ses graces et consolations, et suis irrevocablement,.

  A014002868 

 C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions..

  A014002870 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.

  A014002882 

 Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie..

  A014002883 

 Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité a nostre Sauveur, sinon en ces occasions? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des precipices? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection.

  A014002884 

 Vous aures Dieu tous-jours quand il vous plaira: et n'est-ce pas asses estre riche? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos, et sa Croix vostre gloire, et je suis sans fin,.

  A014002915 

 Sur ce, je prie Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre très Illustre Seigneurie tout vrai contentement..

  A014002929 

 Cette grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie, il est neanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise militante, sa mere et mere de tous les enfans de Dieu..

  A014002942 

 Je n'ay garde, ma tres chere Fille, de me rendre negligent en la besoigne que Dieu m'a mise en main pour la gloire de son saint amour, car c'est la verité que je n'en sçaùrois chevir qu'avec un grand effort, dautant que cet amour est un abisme des cœurs et des espritz.

  A014002944 

 Dieu luy donnera beaucoup de grandes perfections et solides, sil exauce mes [353] prieres.

  A014002945 

 Lundi, Dieu aydant, nous dirons le reste.

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002989 

 Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures vous celuy la, de ne la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel et incessable de celuy que vous luy deves selon Dieu et le monde..

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014003037 

 Ma Fille, si vous sçaves bien prendre cette croix, vous seres bien heureuse, car Dieu vous donnera en eschange mille benedictions, non seulement en l'autre vie, mais mesme en celle cy; mais il faut estre courageuse et perseverante en douceur et patience..

  A014003038 

 Madame de Chantal se recommande mille fois tres affectionnement a vous et vous souhaitte continuellement accroissement de l'amour de Dieu..

  A014003050 

 Mais pourquoy dites-vous, ma chere Fille, que s'il vous faut aller a Chambery vous craignes d'interrompre vos exercices, et particulierement celuy de la Communion? O Dieu, ma Fille, un peu de diligence de plus vous conservera vos exercices sains et sauves entre tous ces tracas.

  A014003051 

 Or bien, comme que ce soit, [365] nous demeurerons tous-jours bien unis, Dieu aydant, au desir de servir et aymer parfaitement nostre Sauveur..

  A014003052 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons nous a jamais.

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003065 

 Voyla asses dequoy mediter, ma Fille, jusques a ce que je vous voye avec la chere petite trouppe, que Dieu veuille benir..

  A014003108 

 O Dieu, j'ay le coeur a demi gasté des alarmes qu'on [370] me donne d'une rude guerre pour nostre Prince, bien que j'espere en cette souveraine Providence qu'elle reduira le tout a nostre profit..

  A014003125 

 Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude, et toute embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nostre Seigneur: O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher.

  A014003125 

 Or, nous y allons parmi tous ces orages, pourveu que nous ayons le cœur droit, l'intention bonne, le courage ferme, l'œil en Dieu et en luy toute nostre fiance.

  A014003126 

 Craignons [Dieu] et nous ne craindrons point autre chose; aymons Dieu et nous aymerons tout'autre chose.

  A014003138 

 J'ay prié avec une ardeur tres particuliere ce matin pour nostre advancement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans desirs que jamais au bien de nostre ame.

  A014003138 

 Mon Dieu, ma chere Fille, certes il me tarde que je vous voye.

  A014003146 

 Dieu vous veuille estre propice, et que sa sainte main soit tous-jours avec vous..

  A014003157 

 Mon Dieu, je suis trop long, et si, je ne sçai ce que j'escris, car c'est sans loysir et a diverses reprises.

  A014003160 

 Dieu vous benisse et vous tienne de sa sainte main.

  A014003169 

 Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mauvais gré pour cela; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus de luy; car c'est signe qu'il est bon, ce cœur, et qu'il abhorre les mauvaises fantasies..

  A014003170 

 Mon Dieu! il est impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolution nous voulons estre tout a Dieu; et neanmoins nous sçavons bien que nous le voulons..

  A014003171 

 Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour! Demain, moyennant sa grace, nous vous irons voir, ma tres cherement unique Fille de mon cœur.

  A014003177 

 Il est, au demeurant, hors de mon pouvoir de rendre fait le Traitté de l'Amour de Dieu de quelque tems, pour le peu de loysir que mes continuelles occupations me laissent, quoy que je sois soigneux de n'en perdre pas un seul moment.

  A014003179 

 Dieu vous conserve et prospere, et je suis,.

  A014003229 

 Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous conserve longuement et heureusement..

  A014003273 

 Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté..

  A014003274 

 Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si [392] excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous-jours le cher Enfant et la Mere qu'ilz avoyent visité..

  A014003283 

 Nostre pauvre M me de Chantal a eu un' attaque pareille a celle du moy s d'aoust dernier, mais maintenant elle est presque guerie, et toute cette petite trouppe fait bien devant Dieu et devant les hommes, nostre Chastel particulierement.

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003313 

 Dieu en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus prosperer, avec madame vostre chere partie et toute vostre famille, jusques a vostre petit nouveau né Anthoyne, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,.

  A014003330 

 Ce soir, Dieu aydant, j'iray voir comme vous vous seres portee, et ce pendant, bon jour, ma tres chere Fille..

  A014003348 

 Il faudra pourtant que le cher pere soit adverti de ce defaut tout doucement; Dieu nous en fera naistre les occasions..

  A014003348 

 Ma chere Fille, je vous sçay bon gré de cette remarque; mais voyes vous, tout le monde n'a pas receu de Dieu la grace d'evangeliser comme son Filz, le doux [401] Jesus, avec le miel et le lait sous la langue.

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003419 

 Pour mon symbole, je n'y peux contribuer que ceste tres-instante requisition que je vous en fais, pour la gloire de Dieu et service de son Eglise..

  A014003433 

 Spes enim quæ differtur affligit animam; sed qui venit mittere ignem in terram, nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier colloque du tres hault Sacrifice, comme en ses ferventes oraisons et sublimes elevations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde et paternelle providence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort.

  A014003435 

 Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplieray Dieu, le Createur et Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver en toutes prosperités et vous combler de ses dons celestes, pour les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie..

  A014003453 

 Toutesfois, à vostre exemple, Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mere avez pris une ferme et constante resolution sur la volonté de Dieu, je me resous et conforme à ce qui plaist à Dieu; et puis qu'il veut avoir ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en sa gloire eternelle, je veux bien monstrer que j'ayme mieux son contentement avec le repos de sa conscience, que mes propres affections..

  A014003454 

 Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge qu'elle n'oubliera pas son pere, qui l'a si cherement et tendrement aymée.

  A014003454 

 Pour son fils, j'en auray le soing qu'un bon Pere doit aux siens; et tant que Dieu aura aggreable de me laisser en ceste vallée de pleurs et de miseres, je le feray instituer en tout honneur et vertu..

  A014003455 

 Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres les graces et benedictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute ma vie,.

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003480 

 Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je prends de lui dire ainsi simplement tout mon sentiment? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été excitée par le véritable amour que je vous dois et veux vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs traités utiles à ses enfants.


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000021 

 » — Ou rien, ou Dieu.

  A015000021 

 — Notre amour pour Dieu, jamais suffisant, jamais excessif.

  A015000024 

 La gloire de Dieu, maîtresse et régente des affections de François de Sales.

  A015000037 

 — Dévouement de François de Sales à Dieu et à son Eglise.

  A015000043 

 — Les exigences du service de Dieu et des âmes, plus impérieuses encore.

  A015000045 

 — Dieu seul mérite d'être servi et suivi avec passion.

  A015000068 

 — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, selon notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu.

  A015000071 

 Jubilé de Thonon, — Lorsque, par charité, l'on dérange ses exercices de dévotion, Dieu ne cesse pas d'être servi. 63.

  A015000083 

 — A César ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est à Dieu.

  A015000086 

 — Comme le monde censure ce qui est fait pour Dieu.

  A015000099 

 — Laissons Dieu façonner notre cœur tout à son gré.

  A015000105 

 — Pourquoi Dieu nous abaisse et se cache 94.

  A015000110 

 — Pourquoi Dieu soustrait ses douceurs.

  A015000113 

 — Sentir qu'on est tout à Dieu et « en train de l'orayson » ne dispense pas de s'exercer aux vertus et de mortifier ses passions. 101.

  A015000118 

 Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux.

  A015000149 

 — Pour mourir, tous les moments sont « heureux » à ceux qui craignent Dieu.

  A015000159 

 — Le sort ordinaire de ceux qui recherchent l'intimité de Dieu.

  A015000160 

 » — Les jeunes apprentis et les vieux maîtres en l'amour de Dieu.

  A015000170 

 — Quelles sont les âmes que Dieu aime. 153.

  A015000177 

 Ce que réservait le Saint dans ses demandes à Dieu.

  A015000184 

 » — Les francs serviteurs de Dieu, peu nombreux. 166.

  A015000186 

 — L'amour de Dieu et la paix.

  A015000194 

 — Pour s'avancer dans l'amour de Dieu, une jambe infirme est meilleure que l'autre.

  A015000199 

 — La crainte et l'amour devant Dieu.

  A015000200 

 L'oraison de la Mère de Chantal trouvée bonne par le Saint et agréable à Dieu.

  A015000200 

 — Le sommeil empêche-t-il de se tenir en la présence de Dieu?.

  A015000200 

 — Se tenir en la présence de Dieu et s'y mettre: deux choses différentes.

  A015000201 

 — Jésus-Christ est un Dieu de douceur.

  A015000202 

 La parole de Dieu et comment il faut la recevoir des uns et des autres 181.

  A015000206 

 Lumières et sentiments que recevait le Saint pour écrire le Traitté de l'Amour de Dieu 185.

  A015000209 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu.

  A015000220 

 Solidité des affections plantées de la main de Dieu.

  A015000223 

 — Une besogne que Dieu paie de mille consolations. 196.

  A015000268 

 Dieu sçait que le desir duquel je suis pressé de faire chastier messire Nicolas Nacot, n'a point d'autr'origine qu'en mon devoir, qui m'oblige de reduire a l'obeissance ceux qui la doivent et la refusent a l'authorité que je tiens.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000292 

 Dieu luy donne la sainte perseverance et vous conserve longuement, Monsieur, selon le souhait de.

  A015000309 

 Mon Dieu, ne nous verrons-nous jamais tretous ensemble? J'en suis un peu, a dire vray, impatient; mais je ne croy plus qu'elle m'ayme, puisque non obstant que je luy escrivisse dernierement, je n'ay point de ses nouvelles que par vostre entremise.

  A015000323 

 J'ay de la consolation de voir en vostre lettre, ma chere Fille, que non obstant tous vos desgoutz et toute vostre tristesse, vous aves perseveré a faire vos exercices sans vous en estre oubliee que fort peu; car, pourveu qu'on fasse en consideration de l'amour de Dieu ce qu'on fait, bien que ce soit sans sentiment et sans goust, l'ame ne laisse pas de prendre force et vigueur en l'interieur et en la portion superieure et spirituelle..

  A015000337 

 Cependant, demeurés toute en Dieu, et le suppliés quil rende nostre cœur tout uniquement, simplement et purement sien..

  A015000338 

 J'ay un petit projet a vous communiquer, qui tend a la gloire de Dieu et reduction d'une grande ame.

  A015000353 

 Dieu vous benisse, ma chere Fille.

  A015000364 

 Dieu vous face voir longuement cet enfant prouffiter es benedictions que luy souhaite,.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000381 

 C'est l'aigneau d'holocauste qu'il nous faut offrir a Dieu, il le faut donq tenir en bon point et grasselet, s'il est possible; c'est le lict de l'Espoux, pour cela le faut-il parsemer de fleurs.

  A015000381 

 O Dieu, ma chere Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pourres, affin qu'il serve Dieu; car c'est pour cette consideration [16] qu'il nous le faut traitter.

  A015000382 

 Quel playsir d'aymer sans craindre d'exces! Or, il n'y en a jamais point ou on ayme en Dieu..

  A015000382 

 Vive Dieu! ma Fille: ou rien, ou Dieu; car tout ce qui n'est pas Dieu, ou n'est rien, ou est pis que rien.

  A015000411 

 Quoy que c'en soit, j'ay tant a cœur cette sainte entreprise, qui ne vient que d'en haut, que rien ne m'estonne en sa poursuite, et croy que Dieu rendra tout a fait cette Mere une sainte Paule, sainte Angele, sainte Catherine de Gennes et telles saintes vefves, qui, comme belles et odorantes violettes, ont esté si aggreables a voir dans le sacré jardin de l'Eglise.

  A015000419 

 Nostre maistresse, la gloire de Dieu, l'a ainsy disposé, et vous sçaves, ma tres chere Fille, quelle fidelité nostre cœur tres uniquement un luy a voùee; c'est pourquoy, sans reserve, je la laisse regenter au dessus de mes affections, es occasions ou je voy ce qu'elle requiert de moy.

  A015000419 

 O Dieu, ma toute chere Fille, je proteste, mais je proteste de tout mon cœur, qui est plus vostre que mien, que je ressens vivement la privation que je souffre de vostre veüe pour ce jourdhuy.

  A015000419 

 O demain, Dieu aydant, je vous iray entretenir une bonne heure avant le sermon, et nous parlerons de nostre desfy, lequel vous treuveres bien aggreable, ma chere Fille, et bien digne de nostre si inseparable cœur..

  A015000421 

 Soyes toute en paix, toute en repos et sur tout, toute en Dieu.

  A015000432 

 Maintenant neanmoins, je luy ay porté moy mesme ce fascheux advis, en la reception duquel son desplaysir a grandement combattu sa vertu, laquelle sans doute, si elle n'eust esté fort solide et profonde, ell'eust esté vaincüe; mays, Dieu mercy, ell' en a tant tesmoigné, que ceux qui l'ont veuë en ce point de tristesse, en ont receu un exemple digne de memoyre..

  A015000434 

 Dieu en soit loué et vous face abonder en ses graces et consolations..

  A015000453 

 Que [si] sa divine Majesté ne vouloit pas cet holocauste en effect final, mais seulement en affection et application commencee, comme il fit d'Isaac, c'est a dire, si cette chere Fille estant entree en l'Ordre, ne se treuvoit pas forte pour y perseverer, mon Dieu! quel mal y auroit-il en cela? Nul, sans doute; et en ce cas, il faudroit renoncer a nos goustz et plus secrettes affections pour acquiescer a la sainte volonté de Dieu..

  A015000455 

 O Dieu! que ce leur seroit chose utile a tous deux de renoncer a ces inutiles et inconsiderees complaysances, et que ce seroit une [24] grande charité de les en retirer! Mais, quant a la personne que je connois, quoy que jadis elle fust aucunement interessee en ce mal, qui pour n'estre pas vicieux ne laisse pas d'estre perilleux, je ne treuve aucun inconvenient que quelquefois, selon les occurrences, elle se confesse en toute liberté a ce personnage-la, dans le cœur duquel, s'il y avoit quelque impureté, elle ne se glisseroit pas par la confession, mais ouy bien par les autres conferences et conversations, ou privautés et hantises.

  A015000456 

 Ne laissés pas de faire la Communion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidele en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquillité emmi le tracas, et de la resignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu.

  A015000456 

 Pour le troysiesme, croyés fermement que vous n'avés ni retenés a vostre escient aucune affection contre la volonté de Dieu, c'est a dire pour le peché veniel, encor que plusieurs imperfections et mauvaises inclinations de tems en tems vous surprennent.

  A015000456 

 Qu'est-ce qui nous peut manquer, ayant Dieu?.

  A015000459 

 Vanité des vanités, et toutes choses sont vanité *, ma tres chere Fille, sinon d'aymer et servir Dieu.

  A015000460 

 Demeurés toute en Dieu, ma tres chere Fille, vivés saintement joyeuse, douce et paysible.

  A015000471 

 Vous pouves tres bien recevoir M. de la Tour; Dieu luy face la grace de bien profiter en vostre conversation, et a monsieur le Baron d'Effrans, lequel il faut un peu que vous entreteniés sur ses exercices et sur....

  A015000494 

 Ouy, ma chere Fille, ouy sans opiniastreté, nous changerons le nom de Seurs Oblates, puisque cette expression [29] desplait si fort a ces messieurs; mais nous ne changerons jamais le dessein et le vœu eternel d'estre a jamais les tres humbles servantes de la Mere de Dieu.

  A015000495 

 Elle aymoit bien autant son petit Batiste que vous aymés vostre Celse Benine; mais [30] elle laissa a Dieu l'entiere disposition d'en faire a sa volonté, et il en fit un enfant de salut.

  A015000527 

 Sur ces paroles: Seigneur, faites bien aux bons et aux droitz de cœur, o vray Dieu, dis je, qu'il falloit que ce Saint fust bon et droit de cœur, puisque Nostre Seigneur luy a fait tant de bien, luy ayant donné la Mere et le Filz! Car, ayant ces deux gages, il pouvoit faire envie aux Anges et desfier le Ciel tout ensemble d'avoir plus de bien que luy; car, qu'y a il entre les Anges, comparable a la Reyne des Anges, et en Dieu, plus que Dieu?.

  A015000529 

 A Dieu soyons nous sans fin, sans reserve, sans mesure.

  A015000529 

 A Dieu, ma Fille; la vefve de Naïm m'appelle aux funerailles de son cher filz.

  A015000557 

 A cette intention, je luy parlay bien amplement de mes affaires et des occurrences qui me regardoyent, et ne sçavois bonnement comme faire pour luy celer l'extreme mespris que Dieu m'a donné de toutes ces adventures qu'on appelle de fortune et d'establissement; car il ne veut pas que cela soit mesprisé d'un si grand mespris comme est celuy que, graces a Nostre Seigneur, j'en ressens en mon ame.

  A015000557 

 O Dieu, ma chere Fille, que ce monde est estrange en ses fantasies, et a quelle sorte de prix est il servi! Si le Createur ordonnoit des choses si difficiles comme le monde, combien peu treuveroit-il de serviteurs..

  A015000570 

 Il faut donq bien vivre courageuse, ma tres chere Fille, car en fin nous sommes a Dieu sans reserve, ni exception aucune.

  A015000587 

 Si Dieu exauce mes souhaitz, il comblera de ses plus cheres benedictions Vostre Altesse, de laquelle je suis d'un cœur non pareil,.

  A015000598 

 Je le croy facilement, mon tres cher Frere: puisque j'ay mis des holocaustes sur l'autel de Dieu, falloit-il pas qu'elles jettassent une odeur de suavité? Voyci donq, non point ce que j'ay fait, mais ce que Dieu a fait l'esté passé..

  A015000599 

 Mon frere de Thorens alla querir en Bourgoigne sa petite femme et amena avec elle une bellemere qu'il ne merita jamais, d'avoir, ni moy de servir; vous sçaves des-ja quelque chose comme Dieu l'a renduë ma fille.

  A015000599 

 Pressee des desirs de Dieu, elle a tout quitté, et, avec une prudence et force non commune a son sexe fragile, elle a pourveu a son desengagement; en sorte que les bons treuveront beaucoup de choses a loüer en cela, et les enfans malins du siecle ne sçauront sur quoy s'attacher pour former leurs mesdisances..

  A015000601 

 Apres leur profession, elles iront servir les malades, [39] Dieu aydant, avec grande humilité.

  A015000602 

 J'ay sacrifié ma vie et mon ame a Dieu et a son Eglise: qu'importe-il que je m'incommode, pourveu que j'accommode quelque chose au salut des ames? Traittés-moy donq fraternellement, puisque vous sçaves qu'entre nous tout se fait en charité et pour la charité.

  A015000602 

 Non, pour Dieu, ne craignés point de m'importuner.

  A015000603 

 O mon Dieu, mon tres cher Frere, si Dieu, qui incline tant de personnes a me remettre la clef de leurs cœurs, voire a en lever la serreure devant moy affin que je voye mieux tout ce qui est dedans, pouvoit si bien fermer le mien que rien n'y entrast jamais que son divin amour et que rien ne l'ouvrist que la charité, hé, que vous m'aymeries suavement! Priés fortement pour cela, et croyés fermement que je suis.

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000615 

 Ce pendant, mon cher enfant, ma mie, Dieu vous benisse, Dieu vous prospere, Dieu soit le tres uniqu'amour de nostre tres unique cœur.

  A015000629 

 Dieu vous conserve et comble de ses graces, Monseigneur, et je suis.

  A015000645 

 Outre que je ne sçaurois pouvoir me ramentevoir en vostre bienveuillance et ne le faire pas, je suis bien ayse de vous donner advis comme, sur ce que M. de Charmoysi, mon cousin, m'avoit dit touchant vostre desir de me voir le Caresme prochain a Paris, j'ay escrit a son Altesse; en sorte que j'espere en peu de jours avoir une response absolue, laquelle, si elle est selon nostre gré, je pourray justement croire que Dieu l'aura voulu d'une volonté speciale, puisque la concurrence des affaires du monde me sera peu favorable, comme je pense.

  A015000647 

 Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec luy; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier, il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est resolu de l'estre dores-en-avant..

  A015000649 

 Dieu nous veuille donner « la paix que le monde ne peut donner, » et vous conserve, Monsieur, longuement et heureusement, selon le souhait de.

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000689 

 Le rencontre du bruit de guerre, qui n'est pas encor esteint, du refus des passages et de ces fausses nouvelles qui ont couru ces jours passés, me semble estre mal a propos pour cett'occasion d'aller hors l'Estat et parmi monsieur le Grand et monsieur de Lux; mais je ne vois point de suffisant pretexte pour m'excuser de ce service de Dieu et des ames.

  A015000708 

 Dieu veuille a jamais benir Vostre Excellence, delaquelle je suis,.

  A015000725 

 Quel bonheur, ma tres chere Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et miserable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu! Mais, ma chere Fille, puisque nous ne devons pas desirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus desormais que sous l'obeissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur.

  A015000726 

 Vous seres bienheureuse, ma tres chere Seur, ma Fille, si parmi toutes ces fadaises de partialités, vous vives toute en vous mesme pour Dieu (Dieu, qui seul aussi merite d'estre servi et suivi avec passion); car ainsy faysant, ma chere Seur, vous donneres bon exemple a toutes et gaignerés la sainte paix et tranquillité pour vous mesme..

  A015000728 

 Remettés a la plus secrette providence de Dieu ce que vous treuveres de malaysé, et croyés fermement qu'il fera une douce conduite de vous, de vostre vie et de toutes vos affaires..

  A015000729 

 Quand nous voyons que les persecutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au prouffit de ceux qui ayment Dieu..

  A015000731 

 A Dieu, ma chere Fille; Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur..

  A015000742 

 Vivés toute pour Dieu, ma chere Fille, et puisqu'il faut que vous vous exposies a la conversation, rendés-vous y utile au prochain par les moyens que souvent je vous ay escritz.

  A015000754 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Seur, ma Fille.

  A015000768 

 Mays vous en feres a vostre gré, car a cett'intention je vous confie le tout, vous estant des-ja tout confié moymesme, comme Dieu et les hommes sçavent..

  A015000785 

 Dieu, qui en cela m'assiste, veuille retirer et ma personne et mes actions a sa gloire et a son honneur, selon nostre souhait.

  A015000786 

 O Dieu, ma chere Fille, qui pouvoit mesler si parfaitement deux [56] espritz qui ne fussent qu'un seul esprit, indivisible, inseparable, sinon Celuy qui est unité par essence?.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000787 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ce m'est une honnorable et douce peyne que celle-cy, qui me fait esperer que, sinon maintenant, au moins par ci apres, tout ce païs pourra estre purgé de tant d'infection que le malheur de l'heresie y avoit assemblé..

  A015000789 

 Mille et mille fois le jour mon cœur se treuve chez vous, avec mille et mille souhaitz qu'il respand devant Dieu pour vostre consolation.

  A015000833 

 Ce sera demain, Dieu aydant, car les affaires le requierent ainsy.

  A015000845 

 J'ayme mieux estre infirme que fort devant Dieu, car les infirmes, il les prend entre ses bras et les fortz il les mene par la main.

  A015000845 

 Mon Dieu, que j'en ay voyrement bien besoin de l'esprit de force! car je suis, certes, foible et infirme, dequoy neanmoins je me glorifie, affin que la vertu de mon Seigneur habite en moy.

  A015000847 

 A Dieu, ma chere Fille; perseverons au desir de cette unité, de laquelle Dieu nous ayant fait jouir des icy, autant, que nostre condition infirme le peut porter, il nous en fera plus parfaitement jouissans au Ciel..

  A015000855 

 Toutefois, il n'est [pas] asses bon messager pour vous porter la pensee que Dieu m'a donné cette nuit: que nostre maison de la Visitation est, par sa grace, asses noble et asses considerable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes.

  A015000866 

 Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur [64] de Saint Paul, par un amiable et chrestien appaysement de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clemence et donner sa grace a celuy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait esperer..

  A015000887 

 Je ne sçai donq comment la calomnie ose me representer avec des affections estrangeres, puisque mesme je vis, Dieu merci, de telle sorte que, comme je ne merite voyrement pas d'estre en la bonne grace de Vostre Altesse, n'ayant qui puisse dignement correspondre a cet honneur la, aussi merite-je de n'estre jamais en sa disgrace, ne faysant ni n'affectionnant rien qui me puisse porter a ce malheur, que je ne crains aussi nullement, moyennant l'ayde de Nostre Seigneur, qui, en faveur de la veritable fidelité que je conserve a Vostre Altesse, ne permettra jamais que les brouillons et calomniateurs m'ostent la gloire que j'ay d'estr'advoüé, Monseigneur,.

  A015000916 

 Il mangeoit des sauterelles, pour monstrer que si bien il estoit en terre, il sautoit neanmoins perpetuellement en Dieu.

  A015000916 

 Le miel sauvage luy servoit de saulce, parce que la suavité de l'amour de Dieu assaisonnoit toutes ses austerités; mais cet amour estoit sauvage, parce qu'il ne l'avoit pas appris des maistres, ains des arbres et des pierres, comme dit saint Bernard..

  A015000916 

 Mon Dieu! on ne sçauroit dire si ç'a esté un homme celeste ou un ange terrestre.

  A015000917 

 Mon Dieu, ma Fille, mangeons et du sauvage et du domestique; amassons de ce saint amour a toutes occasions, et par l'exemple de nos Seurs et par la consideration des autres creatures; car tout crie aux aureilles de nostre cœur: Amour, amour.

  A015000927 

 Helas, ma tres chere Fille, que n'ay-je quelque digne sentiment de joye pour cet homme angelique ou cet ange humain duquel nous celebrons la naissance! Mon Dieu, que j'aurois de suavité de m'en entretenir moy mesme! Mais j'e vous asseure que la grandeur de mon interieure pensee m'empesche de me donner cette satisfaction a moy mesme..

  A015000930 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que voyla un admirable Saint! Il naist d'une sterile, il vit dans les desertz, il presche au cœur aride et pierreux, il meurt parmi les martyrs, et parmi toutes ces aspretés il a son cœur tout plein de grace et de benediction.

  A015000941 

 Mon Dieu, ma Fille, je m'admire tant que je suis encor si plein de moy mesme apres avoir si souvent communié! Hé, cher Jesus, soyes l'Enfant de nos entrailles, affin que nous ne respirions ni ressentions par tout que vous.

  A015000953 

 Non, Monsieur, je vous en supplie, ne varies jamais en cette affection que vous aves pour moy; car croyes qu'aussi, soit que j'escrive, comme je feray Dieu aydant, ou que je n'escrive pas, je ne varieray jamais en la resolution que j'ay faite d'estre a jamais homme tres veritablement vostre et tout vostre, sans reserve ni exception.

  A015000955 

 Et Dieu veuille que certaines nouvelles esperances qu'on nous propose soyent plus asseurees que celles que nous venons de perdre n'ont esté..

  A015000955 

 Que de bruitz, que de vaynes esperances, que de vrayes afflictions avons nous eu par deça! Mays, graces a Dieu, nous voyci maintenant avec grand'apparence de tranquillité.

  A015000963 

 Dieu vous conserve, et je m'en res-jouis avec madame vostre femme, delaquelle je suis de mesme humble serviteur..

  A015000963 

 Monsieur, j'ay loüé Dieu quand on m'a fait sçavoir de Lion que vous esties gueri d'une grande maladie, avant que j'aye sceu que vous en ayes esté atteint.

  A015000999 

 Dieu soit a jamais vostre protecteur, et je suis, Monsieur mon Frere,.

  A015001015 

 Il ne faut pas estre si curieuse que de vouloir sçavoir d'ou procede la diversité des estatz de vostre vie; il faut estre sousmise a tout ce que Dieu en ordonne et s'arrester la..

  A015001017 

 La chere cousine est aux vendanges, et on me dit qu'elle se porte bien, comme fait madame de [Chantal], qui, a mon advis, s'avance fort en l'amour de Dieu, avec toutes ses Seurs..

  A015001037 

 Soyés-le, Madame, de tout vostre cœur, car c'est le grand, ains l'unique bonheur qui vous puisse arriver; et si, monsieur le Senateur n'en aura point de jalousie, puisque vous n'en seres pas moins sienne, et en recevra de l'utilité, puisque vous ne sçauries donner vostre cœur a Dieu que le sien n'y soit engagé..

  A015001048 

 Mais, mon Dieu! gardes-vous bien d'entrer en aucune sorte de desfiance, car cette celeste Bonté ne vous laisse pas tomber de ces cheutes pour vous abandonner, ains pour vous humilier et faire que vous vous tenies plus serree et ferme a la main de sa misericorde..

  A015001049 

 Et bien que selon nostre goust et l'amour propre les suavités et tendretés nous soyent plus douces, les [89] secheresses neanmoins, selon le goust de Dieu et son amour, sont plus profitables, ainsy que les viandes seches sont meilleures aux hydropiques que les humides, bien qu'ilz ayment tous-jours plus les humides..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001051 

 Combattes fidellement vos impatiences en exerçant non seulement a tous propos, mais encor sans propos, la sainte debonnaireté et douceur a l'endroit de ceux qui vous sont plus ennuyeux, et Dieu benira vostre dessein..

  A015001052 

 Bon soir, ma tres chere Fille; Dieu soit uniquement vostre amour.

  A015001062 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que de graces et benedictions je vous souhaite! La pureté d'esprit est la vertu particuliere et la louange speciale de saint Bernard.

  A015001073 

 Helas, que je souhaitte de sainteté a cette chere trouppe de filles, et sur tout a cette tres unique, tres aymee et tres honnoree Mere, ma Fille, vrayement mienne! Dieu la benisse et marque son cœur au signe eternel de son pur amour.

  A015001079 

 Je vous dis en deux motz, ma tres chere Fille, que lundi, Dieu aydant, je pars tout a pied pour aller au Jubilé de Thonon, ou si je vous voy, ma consolation [92] sera extremement plus grande.

  A015001079 

 Pour le reste, c'est un'œuvre de charité que l'accompaignement que vous alles faire, et bien que ce soit avec un peu de detraquement des sains exercices de devotion, si est ce que ce n'est pas avec aucune perte du service de Dieu..

  A015001097 

 O Dieu, le bon monsieur le President [Frémyot] est tous-jours vivant en mon cœur, et il y tient le rang que tant de faveurs receuës de luy et tant de dignes qualités reconneuës en luy, luy avoyent acquis.

  A015001098 

 Pleust a Dieu, dis je, que mon Polycletus, qui m'est si cher, n'eust point mis sa maistresse main sur un airain de si mauvais lustre!.

  A015001100 

 En fin, quand les Rois et les Princes auront une mauvaise impression de leur Pere spirituel, comme s'il les vouloit surprendre et leur arracher leur authorité que Dieu, souverain Pere, Prince et Roy de tous, leur a donnee en partage, qu'en adviendra-il qu'une tres dangereuse aversion des cœurs? Et quand ilz croiront qu'il trahit son devoir, ne seront ilz pas grandement tentés d'oublier le leur?.

  A015001101 

 Vive Dieu! Monsieur, je vous cheris avec tout cela de tout mon cœur:.

  A015001105 

 Au demeurant, Dieu sçait combien vostre chere fille m'est pretieuse, comme une propre seur, si je l'avois en cette vocation.

  A015001113 

 O Dieu! ma tres chere Fille, je ne sçai quel chemin j'ay fait, ou celuy de Thonon, ou celuy de Bourgoigne, mays je sçai bien que je suis plus en Bourgoigne qu'icy.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001114 

 Je prie Dieu qu'il vous conserve cherement et saintement comme ma propre ame..

  A015001115 

 Dieu benira vostre bonne intention en ce voyage et en l'entreprise que vous aves faite de mettre en ordre les affaires de cette mayson-la pour vostre filz, et vous recompensera ou par une bonne issue, ou par une sainte humiliation et resignation.

  A015001115 

 Si Dieu vous en donne l'issue, nous l'en benirons; s'il ne luy plaist pas, nous l'en benirons aussi.

  A015001118 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons-nous a jamais.

  A015001120 

 M. de Boisy a esté un peu estonné de la chaleur, mais il se remet, Dieu mercy..

  A015001122 

 Vive Jesus et Marie! Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A015001129 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si est-ce que je vous escris soigneusement a toutes les occasions.

  A015001129 

 Or sus, beni soit Dieu qui vous a fait arriver au lieu ou les affaires qu'il vous avoit laissees sur les bras vous ont appellee.

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001131 

 Mon Dieu! ma tres chere Fille, remplissons nostre cœur de courage et faysons des-ormais des merveilles pour l'avancement de nostre cœur en cet amour celeste.

  A015001132 

 O Dieu, qu'elle est belle et qu'elle est aymable! On donne des batailles pour en avoir le bois et on l'exalte sur le mont de Calvaire.

  A015001133 

 Dieu vous benisse en l'amour de la sainte Croix.

  A015001175 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, ma Niece, continues d'aymer en Nostre Seigneur, celuy qui est en luy tres cordialement tout vostre..

  A015001186 

 C'est aussi bien fait [106] d'avoir de la confiance en nostre Seur de Brechard, et c'est la grace de Dieu qui nous rend ainsy le cœur franc envers ceux a qui, pour son amour, nous obeissons..

  A015001187 

 A Dieu, ma chere Fille, que j'ayme extremement en ce mesme Seigneur, pour lequel je suis tout vostre et a vostre mere, et a ma Seur Chastel, ma Seur Milletot, ma Seur Fichet, ma Seur Tiollier; car, quant a ma petite bienaymee Françon, je la salue a part comme ma petite fille toute mienne..

  A015001188 

 Dieu soit beni, ma chere Filleule, ma Fille..

  A015001196 

 Et Dieu me donne les heureuses nouvelles que je souhaite aussi de vostre part, car jusques a present nous en jeunons encores.

  A015001197 

 A Dieu, ma tres chere Mere, ma Fille mienne, a Dieu soyons nous a jamais, et a jamais vive Jesus! Amen..

  A015001217 

 Benissons et louons Dieu, Monsieur mon tres cher Oncle, adorons la disposition de ses ordonnances, reconnoissons la condition et instabilité de cette vie et attendons en paix la future..

  A015001251 

 Dieu nous sera bon, ma Niece, ma Fille: j'espere qu'il nous menace pour ne nous point frapper, et que la chere [112] Peronne de nostre Mere luy ira au devant a son arrivee, avec sa tres chere lieutenante, ma fille tres aymee, que je desire qui travaille avec un esprit ardent mais doux, fervent mais moderé, attendant le bon succes des maladies et affaires non de sa peyne, non de son soin, mays de l'amoureuse bonté de son Espoux.

  A015001261 

 A Cesar ce qui est a Cesar, mays aussi, a Dieu ce qui est a Dieu..

  A015001283 

 Dieu [116] le rende autant effectif qu'il est affectif; et non seulement a [Abondance,] mais en deux ou trois insignes Monasteres de ce diocese, nous verrons refleurir la sainte pieté que le glorieux ami de Dieu et de Nostre Dame, saint Bernard, y avoit plantee..

  A015001294 

 Dieu vous fasse prosperer en son saint amour.

  A015001307 

 Maintenant que vous n'aves pas fait a beaucoup pres un si grand abandonnement et que vous aves reservé asses de liberté pour avoir [121] un soin moderé de vostre mayson et de vos enfans, parce que ce peu de retraitte que vous aves fait est pour Dieu, il se treuve des gens qui taschent de le faire estimer mauvais et contre le devoir..

  A015001309 

 Au demeurant, pendant vostre sejour, ces bonnes filles font au mieux qu'elles peuvent, affin qu'a vostre retour vous ne treuviés point de decadence en cette heureuse vie en laquelle Dieu les a mises sous vostre conduitte..

  A015001320 

 Je prie Dieu qu'il vous benisse, et me recommande a vos prieres..

  A015001332 

 Les ecclesiastiques et Catholiques de Gex me conjurant d'aller a leur ayde pour un affaire qui importe a la gloire de Dieu, je m'y en vay tout maintenant.

  A015001350 

 O Dieu, la beauté de nostre sainte foy en paroist si belle que j'en meurs d'amour, et m'est advis que je dois serrer le don pretieux que Dieu m'en a fait, dedans un cœur tout parfumé de devotion.

  A015001351 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction; c'est le continuel et invariable souhait de ce cœur qui est vostre en Jesus Christ..

  A015001400 

 Me voyci lautrefoys [de retour.] Je ne fus presque pas arrivé de la visite [en ce pays] de deça, quil me falut partir pour aller [par delà] le Rosne pour chose qui importoit au service de Dieu.

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001401 

 Mays voyla pas un bon exercice de mortification que Dieu vous donne, et lequel tant de Sains ont prattiqué par election? Or il n'en vaudra pas moins, ains davantage, quand il sera prattiqué par acceptation.

  A015001401 

 Mon Dieu, tres chere Fille, que mon cœur souhaite de bien au vostre entre les afflictions de vostre cors! Le tems des afflictions douleureuses [est] le vray tems de la moysson des vrayes affections [spirituelles.].

  A015001402 

 Croyes que c'est une bonne fille et que Dieu la reserve pour s'en servir a bon escient.

  A015001402 

 Néanmoins] cette nuit passee elle s'est si bien [reposée]... [que si ce n']est pas miracle, c'est au moins une speciale grace que [Dieu a] faitte aux prieres de ses cheres compaignes qui toutes estoyent des-ja en larmes; si bien qu'a mon jugement, il ni a plus rien a craindre pour ce coup.

  A015001402 

 Sil vous plait, ma chere Fille, vous feres donner cette nouvelle a nostre petite seur Claudine, affin qu'ell'en loue Dieu et qu'elle ne se mette point en peyne, car cette malade est servie et assistee amoureusement, fervemment et fidelement, selon l'ordre de la compaignie ou ell'est..

  A015001405 

 Bonsoir, ma tres chere Fille; continues a bien aymer Dieu, et moy pour l'amour de Dieu, puisque par ce mesm'amour je suis tres entierement tout vostre..

  A015001418 

 Beni soit Dieu qui nous a visités en sa douceur, et qui nous a consolés! Amen.

  A015001418 

 Tenes vous doucement en repos en Dieu, pour reprendre vos forces de sa main, affin que quand nostre chere Mere reviendra, elle nous treuve tous braves.

  A015001425 

 O Dieu, que j'ay pensé en vous devant la creche de Bethleem, et que j'ay prié pour nostre cœur le divin Enfant! Il me semble que ses bontés s'aggrandissent pour nous de moment en moment.

  A015001436 

 Dieu nous donne la grace de bien et saintement commencer et passer cette nouvelle annee prochaine; que puissions nous, en icelle, sanctifier le saint nom de JESUS et faire proffiter le sacré soin de nostre salut..

  A015001457 

 O, Dieu nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose! C'est en luy et par luy que nostr'unique cœur est indivisible; qu'a jamais puisse-il tout vivre a son saint amour..

  A015001459 

 Mon Dieu, ma tres chere mienne Fille, en fin, qui sommes nous, sinon ce que Nostre Seigneur a voulu que nous fussions?.

  A015001470 

 O, Dieu me donnera demain quelqu'heure pour vous voir.

  A015001483 

 Laissons pour un peu la meditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte resignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entierement qu'emmi les tourmens; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidelité.

  A015001484 

 Or sus, ma Fille, voyés-vous, je vous recommande a Dieu pour obtenir pour vous cette sacree patience, et n'est pas en mon pouvoir de luy proposer rien pour vous, sinon que tout a son gré, il façonne vostre cœur pour s'y loger et y regner eternellement; qu'il le façonne, dis-je, ou avec le marteau, ou avec le ciseau, ou avec le pinceau: c'est a luy d'en faire a son playsir, non pas, ma chere Fille? faut-il pas faire ainsy?.

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001487 

 Il n'y a nul danger a desirer du remede, ains il le faut soigneusement procurer; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remedes.

  A015001489 

 Mon Dieu, ma Fille, que vous estes heureuse si vous continues a vous tenir sous la main de Dieu, humblement, doucement et souplement! Ah! j'espere que ce mal de teste profitera beaucoup a vostre cœur; vostre cœur, dis-je, que le mien cherit d'un amour tout particulier.

  A015001501 

 Mon Dieu, ma Fille, que cette circoncision est a propos de nos petitz, mais grans renoncemens! car c'est proprement une circoncision spirituelle..

  A015001536 

 Je loüe Dieu de cette nouvelle santé, le retour de laquelle vous m'annoncés par vostre lettre du 6 decembre, avant que j'aye eu aucune sorte d'advertissement de vostre maladie.

  A015001537 

 Ce grand Dieu, devant lequel je suis journellement offrant la divine Hostie de propitiation, sçait bien qu'en ce tems-la je luy nomme tous-jours vostre nom, avec l'humble recommandation.

  A015001547 

 O Dieu, quel bonheur que nostre amour, en attendant cette manifeste union que nous aurons avec Nostre Seigneur au Ciel, s'unisse par ce mystere si admirablement a luy!.

  A015001548 

 Le grand saint Anthoine, duquel les intercessions ont une extraordinaire influence [sur] cette journee, vous fera, par la bonté de Dieu, lever demain toute brave.

  A015001548 

 Non, ma chere Fille, demeurés en paix, car Dieu, a qui elle est, la soulagera..

  A015001549 

 Cependant, ma bienaymee Fille, je ne laysse pas, dans le fond de mon esprit, de prendre des saintes esperances qu'apres que par ces petitz abandonnemens, Dieu nous aura espreuvé et exercé en la mortification interieure, il ne nous vivifie par ses consolations sacrees.

  A015001550 

 Dieu soit a jamais propice a ce cœur, tout voüé, tout dedié, tout consacré au celeste amour..

  A015001557 

 Nous serions miserables, ma Fille, si nous n'establissions nostre appuy en Dieu que par l'entremise des creatures que nous affectionnons.

  A015001558 

 Au contraire, je voudrois, et Dieu voudroit, que vous l'exerçassies gayement et amoureusement, et par ce moyen il auroit soin du desir que vous aves d'estre deschargee et le feroit reüscir en son tems; car notés une fois pour toutes, qu'il ne faut jamais s'aheurter avec une de nos volontés, ains quand il nous arrive quelque chose contre nostre gré, il le faut accepter de bon cœur, quoy que de bon cœur on desirast que cela ne fust point; et quand Nostre Seigneur voit que nous sommes ainsy souples, il condescend a nos intentions..

  A015001562 

 Continués donq, tres chere Seur, ma Fille, et ne cessés point d'invoquer Dieu et d'esperer en luy, et il vous fera abonder en ses benedictions.

  A015001566 

 A Dieu..

  A015001582 

 Monsieur, j'ay voirement receu les deux livretz qui me furent renduz par monsieur de Sauzea, et pleut a Dieu que vostre commodité fut de m'en envoyer encor deux autres, car je les employerois utilement..

  A015001598 

 Dieu, qui par sa misericorde est autheur de cette benite assemblee, la logera, la protegera et dilatera pour le salut et perfection de plusieurs.

  A015001613 

 Que si vous aves bonne volonté, vous deves esperer que Dieu vous favorisera..

  A015001613 

 « Vous nous aves demandé d'estre receues entre nous pour y servir Dieu en unité de mesm'esprit et de mesme volonté; et, esperans en la Bonté divine que vous vous rendres bien affectionnees a ce dessein, nous sommes pour vous recevoir ce matin au nombre de nos Seurs novices, pour, selon l'avancement que vous feres en la vertu, vous recevoir par apres aux oblations, dans le tems que nous aviserons.

  A015001614 

 Et quand nous commettrions un'autre pour estre vostre Maistresse, quelle qu'elle fut, vous devries luy obeir avec toute humilité pour la mesme rayson, sans regarder en la face de celle qui vous gouvernera, mais en la face de Dieu qui l'a ainsy ordonné..

  A015001614 

 « Or, entrant ceans, saches que nous ne vous y recevons que pour vous enseigner, tant que nous pourrons, par exemple et advertissemens, a crucifier vostre cors par la mortification de vos sens et appetitz de vos passions, humeurs, inclinations et propres volontés, en sorte que tout cela soit desormais sujet a la loy de Dieu et aux Regles de cette Congregation.

  A015001628 

 Le tres grand et miraculeux saint Paul nous a resveillés de grand matin, ma tres chere Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre: Seigneur, que voules vous que je fasse? Ma tres [160] chere Mere et toute chere Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisserons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et laisserons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte?.

  A015001629 

 Ah! Dieu ne nous a pas forclos de la jouissance de sa douceur, il l'a seulement soustraite pour un peu, affin que nous vivions a luy et pour luy, et non pour ses suavités; affin que nos Seurs travaillees treuvent chez nous un secours compatissant et un support suave et amoureux; affin que, d'un cœur tant escorché, mort et matté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste..

  A015001629 

 Or sus, ma chere Fille, tenés vous bien a Dieu; consacrés luy vos travaux, attendés en patience le retour de vostre beau soleil.

  A015001639 

 Dieu vous conserve et rende toute sainte..

  A015001649 

 Voyla vostre sacré remede que je puis dire m'avoir esté souverain, puisque Dieu a agi avec moy selon vostre foy, vostre esperance et vostre charité, et je dois confesser a la gloire de Jesus Christ et de sa sainte Espouse, que je ne croyois pas de pouvoir dire Messe aujourd'huy a cause de la grande enflure de ma jouë et du dedans de ma bouche; mais, m'estant appuyé sur mon prie Dieu et ayant posé la relique sur ma jouë, j'ay dit: « Mon Dieu, qu'il me soit fait comme mes filles le desirent, si c'est vostre sainte volonté; » et tout aussi tost, mon mal a cessé.

  A015001650 

 O vive Dieu! ma Fille, il est admirable en ses saintes espouses et en tous ses Saintz.

  A015001662 

 Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin special d'acquerir celles esquelles vous vous treuves plus defaillante.

  A015001688 

 Sa qualité et extreme necessité la me rend recommandable, c'est pourquoy, autant que je puis, je [167] la vous recommande aussi, et priant Dieu quil vous benisse, je suis,.

  A015001707 

 Ah! faut il qu'un filz empesche de vivre l'ame du pere de son cors? Nostre bonne malade donneroit de bon cœur la vie pour la santé spirituelle de son medecin, et moy, pauvre, chetif pasteur, que ne donnerois-je pas pour le salut de cette deplorable brebis! Vive Dieu, devant lequel je vis et je parle: je voudrois donner ma peau pour le vestir, mon sang pour oindre ses playes et ma vie temporelle pour l'oster de l'eternelle mort..

  A015001723 

 Il faut que je vous advoue, mon cher Pere, selon les loix de nostre inviolable, paternelle, fraternelle et filiale dilection, que la conduitte de Dieu sur tous ses desseins me tient en admiration, mays avec certaine esperance intime qu'il mene sur le bord de la mort pour vivifier; je dis plus, qu'il tue pour resusciter.

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001734 

 Et qui sçait, si nous nous humilions devant Dieu, que sa sainte misericorde ne nous ouvre point un jour la porte de nostre Geneve, affin que nous y rapportions la lumiere que tant de tenebres en avoyent bannie? Certes, j'espere en la souveraine bonté de Nostre Seigneur, qu'en fin il nous donnera cette grace; mais prions et veillons pour cela..

  A015001764 

 Ainsi Dieu est plus exalté dans ses Saints, les peuples mettent plus d'empressement à celébrer leurs louanges et l'Eglise plus de magnificence à publier leur gloire.

  A015001764 

 Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré.

  A015001767 

 Cette demande instante, la majesté du Dieu tout-puissant vous la fait, non par une prière, mais de plein droit, car elle apparaîtra plus manifestement admirable dans ce bienheureux Prince.

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001780 

 Car il est bon; certes, ce chetif petit cœur de ma grande fille; et pourveu [179] qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur luy, que souvent elle le r'encourage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conferences de ses bons souhaitz avec nostre Mere et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chere Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu.

  A015001781 

 Vives joyeuse, ma tres chere Fille; Dieu vous ayme et vous fera la grace que vous l'aymeres: c'est le souverain bonheur de l'ame pour cette vie et pour l'eternelle..

  A015001782 

 Dieu la conduira pourtant en ce chemin auquel il l'a mise, a quelque bon point de vraye perfection, puisqu'ell'en a tant de desir..

  A015001798 

 Car voyes-vous, Madame ma Mere, ne dois-je pas estre fort glorieux de me treuver maintenant receu en la bienveüillance de monsieur et de madame de Cerviere, [181] vos chers enfans, comme presque cet autre frere qui, impatient d'estre privé de la douceur de vostre presence, s'en reva si vitement aupres de vous, a laquelle il donnera, Dieu merci, des bonnes nouvelles de la santé de cette bonne seur, que je veux servir et honnorer de tout mon cœur en l'absence des autres meilleurs freres..

  A015001802 

 Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chere seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections.

  A015001844 

 J'ai écrit tout ceci pour agréer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, dont je baise les mains, priant Dieu notre Seigneur d'accorder à votre zèle sincère pour le service de l'Eglise, la récompense qui lui est due sur la terre et au Ciel..

  A015001854 

 Elle l'avoit prié d'obtenir de Dieu la connoissance de ce qu'elle devoit devenir, et il luy dit: « Quant a ce que vostre douceur me demande et qu'elle dit ne vouloir point cesser de m'importuner jusques a tant que je le luy aye octroyé, vous requeres de moy une chose esgalement difficile et inutile.

  A015001863 

 Priés pour l'un et pour l'autre, et croyés fermement qu'ainsy faysant, vous aures Dieu pour Pere et pour Roy..

  A015001872 

 Mais Dieu vous benie, vous remplisse de graces; Dieu soit avec nous, ma tres chere Fille, car je n'ay pas davantage de loysir, grace a Nostre Seigneur, lequel nous fait la faveur de nous employer icy et la, a son tres saint service; car c'est a cela que je suis occupé en diverses sortes, de maniere que le cœur de ma tres chere Fille, comme le mien, en sera bien ayse..

  A015001885 

 Vostre Altesse fera sans doute une justice charitable en cela, pour laquelle Dieu accroistra les recompenses qu'il luy a preparees..

  A015001902 

 Vous les aves pourtant et en fort bon estat, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, neanmoins il ne manie et ne semble posseder ni avoir rien [197] que sa vie, et, comme dit saint Paul, estant maistre de tout, il n'est point different du serviteur en cela; car ainsy, ma tres chere Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre esperance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure necessité..

  A015001903 

 Helas, ma tres chere Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce celeste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron.

  A015001906 

 Que nous sommes heureux d'estre esclaves de ce grand Dieu qui, pour nous, se rendit esclave!.

  A015001907 

 A Dieu, ma tres chere Mere, ma Fille en ce Sauveur.

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001950 

 Ce m'est un extreme contentement que nostre cher Annessi gouste si franchement le bonheur qu'il a d'ouïr ce grand homme de Dieu, le P. Bonnivard, duquel de toutes pars chascun me fait festes.

  A015001951 

 Dieu soit a jamais loüé du fruit qui en naistra, si tant est qu'il luy playse benir l'intention que j'ay de son saint service en ce petit travail..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001972 

 Dieu vous benisse, mes tres cheres Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine eternité, en laquelle nous esperons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidelité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie presente, nous voulons observer moyennant sa grace.

  A015001974 

 Dieu m'a favorisé d'avoir peu escrire tout d'une haleyne, quoy que presque sans haleyner, ces quatre petitz motz a mes tres cheres filles, qui, mises ensemble comme fleurs en un bouquet, sont delices a la Mere de la Fleur de Jessé et la fleur des meres.

  A015002013 

 Dieu vous donne cent mille bonjours et la santé tres heureuse, ma tres chere Fille, que je recommanderay de tout mon cœur a sainte Catherine de Siene, puisque c'est aujourdhuy sa feste..

  A015002038 

 Dieu vous comble de ses benedictions, ma tres [chere] Cousine, ma Fille, et je salue nostre Seur de [Vignod] et toutes nos autres Seurs..

  A015002047 

 Ce livre la est bon, mais non pas pour l'affaire presente; nous en chercherons un autre plus court et le treuverons, Dieu aydant..

  A015002050 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous comble de son tressaint et pur amour.

  A015002080 

 Helas, quelle sorte d'amitié de s'entreporter les uns les autres du costé de l'enfer! Il faut prier Dieu qu'il leur fasse voir sa sainte lumiere et avoir grande compassion d'eux.

  A015002080 

 Je les voy, certes, avec un cœur plein de pitié, quand je considere qu'ilz sçavent que Dieu merite d'estre preferé, et n'ont pas neanmoins le courage de le preferer quand il en est tems, crainte des paroles des mal advisés..

  A015002080 

 Mays mon Dieu, ma tres chere Fille, que dirons-nous de ces hommes qui apprehendent tant l'honneur de ce miserable monde et si peu la beatitude de l'autre? Je vous asseure que j'ay eu des estranges afflictions de cœur, me representant combien pres de la damnation eternelle ce cher cousin s'estoit mis, et que vostre cher mary l'y eust conduit.

  A015002081 

 Je prie Dieu qu'il luy envoye la contrition requise pour cela..

  A015002090 

 Vray Dieu, que nous serons heureux si nous sommes fideles a cette immense douceur qui nous attire!.

  A015002121 

 Je vous diray la resolution demain, Dieu aydant; et cependant, conserves vous bien fort, ma tres chere Mere, je vous en conjure, et mille mille fois bon jour..

  A015002132 

 Dieu soit nostre cœur et nostre vie..

  A015002132 

 Je prie Dieu pour nostre fille, que je sceu seulement hier estre malade.

  A015002142 

 Ah Dieu! ma chere Fille, les nostres y seront-ilz pas? Si seront, sans doute; car bien que nostre cœur n'a pas l'amour, il a neanmoins le desir de l'amour et le commencement de l'amour.

  A015002142 

 Il faut donq esperer que le nostre sera escrit reciproquement en celuy de Dieu.

  A015002142 

 Mon Dieu, ma Fille, que ce Ciel est beau, maintenant que le Sauveur y sert de soleil et la poitrine d'iceluy, d'une source d'amour de laquelle les Bienheureux boivent a souhait! Chacun se va regarder la dedans et y void son nom escrit d'un caractere d'amour, que le seul amour peut lire et que le seul amour a gravé.

  A015002143 

 Mon Dieu, ma chere Mere, que j'admire la contrarieté qui est en moy, d'avoir des sentimens si purs et des actions si impures! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent desirables.

  A015002143 

 Pour moy, je n'ay rien sceu penser ce matin qu'en cette eternité de biens qui nous attend, mais en laquelle tout me sembleroit peu ou rien, si ce n'estoit cet amour invariable et tous-jours actuel de ce grand Dieu qui y regne tous-jours.

  A015002166 

 De fait, en plusieurs circonstances, un grand nombre de personnes ont éprouvé l'efficacité de son intercession en faveur de ceux qui, avec une vraie confiance en Dieu, recourent à ses prières; d'autres cependant n'osent l'invoquer tant que la sainte Eglise ne l'a pas mis au nombre des Saints..

  A015002167 

 Elle causera aux ennemis des Saints une grande confusion, consolera grandement les âmes dévotes, éveillera dans les princes le désir d'imitation, enfin elle sera un sujet d'allégresse et de bénédiction pour toute l'Eglise, mais surtout pour ce diocèse désolé où naquit et fut élevé ce grand Prince qui, ainsi que son nom même l'atteste, fut tant aimé de Dieu et l'aima si ardemment..

  A015002168 

 Il exalta de tout son cœur le nom divin, mais en retour, la divine Majesté a glorifié le sien, et par une telle multitude de vrais miracles, qu'on verra clairement, au moment des informations, que cette canonisation a été différée jusqu'ici par une providence de Dieu.

  A015002169 

 Je ne doute point que Vos Seigneuries Illustrissimes et Révérendissimes ne prennent plaisir à faire avancer cette cause si justement [226] désirée; aussi, leur offrant mes humbles hommages, je prie Dieu notre Seigneur qu'il leur donne la sainte plénitude de ses grâces..

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002213 

 Celle-ci, étant aujourd'hui devenue catholique par la grâce de Dieu, conçoit des scrupules au sujet de son mariage, parce que quelques personnes lui ont dit que ce Crispiliani de Crassy avait été prêtre ou religieux profès.

  A015002215 

 Dans cet espoir, je baise les mains sacrées de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, et souhaite que Dieu notre Seigneur lui donne tout vrai contentement..

  A015002260 

 Mon Dieu, je voy, ce me semble, vostre pauvre cœur fort affligé, car je sçai que vous l'aves fort sensible en telles occasions.

  A015002261 

 Certes, si je ne connoissois l'ame de nostre defuncte et que je n'eusse sceu qu'ell' estoit bonne et craignoit Dieu, j'eusse esté plus estonné de la façon de son trespas que de son trespas mesme, tant j'ayme l'esprit au dessus de tout le reste.

  A015002261 

 Je prieray Dieu, selon mon devoir, et pour son repos et pour vostre consolation..

  A015002261 

 Mays une si bonne conscience est tous-jours asses preste, et ny a rien a craindre pour ceux qui craignent Dieu: tous les momens leur sont heureux.

  A015002263 

 Dieu soit a jamais vostre consolation.

  A015002300 

 Dieu multipliera vos ans si mes vœux sont exaucés, et en vos ans, ses celestes benedictions, et tous-jours vous [238] m'aymeres affectionnement, comme celuy qui est et sera invariablement,.

  A015002305 

 Jour de la Feste Dieu 1612, a Neci..

  A015002323 

 A Neci, le jour Feste Dieu 1612..

  A015002379 

 Je m'en vay tantost luy dire a Dieu, et je vous le dis aussi, suppliant sa divine Bonté que de plus en plus elle vous face abonder en ses graces.

  A015002396 

 Je travaille apres le livret que vous souhaites, et seres des premiers a qui j'en dedieray une copie, si jamais Dieu me le fait voir au jour..

  A015002412 

 Je pense en vous quand moins vous le pensés, et vous voy avec un cœur de compassion, sçachant bien combien vous aves de rencontres en ce tracas parmi lequel vous vivés, qui vous peuvent divertir de la sainte attention que vous desires avoir a Dieu.

  A015002414 

 Eslevés donq souvent vostre cœur a Dieu, requerés son ayde, et faites vostre principal fondement de consolation au bonheur que vous aves d'estre sienne.

  A015002415 

 Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur, Madame ma tres chere Fille, et je suis de tout le mien,.

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002446 

 Que puisse nostre Ange toucher ce jourdhuy nostre flanc, nous donner le resveil de l'attention amoureuse a Dieu, nous delivrer de tous les liens de l'amour propre et nous consacrer a jamais a ce celeste amour, affin que nous puissions dire: Maintenant je sçai, certes, que Dieu a envoyé son Ange et m'a delivré..

  A015002449 

 Il est vray qu'ilz tendent la main; car, malgré la resistance de leurs inclinations, ilz se laissent gouverner volontairement contre leur volonté, et disent qu'il vaut mieux obeir que faire des offrandes: et voyla comm'ilz glorifient Dieu, crucifiant non seulement leur chair, mais leur esprit..

  A015002449 

 Les jeunes apprentifz en l'amour de Dieu se ceignent eux mesmes: ilz prennent les mortifications que bon leur semble, ilz choisissent leur penitence, resignation et devotion et font leur propre volonté parmi celle de Dieu; mais les vieux maistres au mestier se laissent lier et ceindre par autruy et se sousmettent au joug qu'on leur impose, et vont par lès chemins qu'ilz ne voudroyent pas selon leur inclination.

  A015002451 

 O Dieu! nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose.

  A015002478 

 Apres avoir rendu graces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci devant occupés et detenus par les ministres de la religion prætendue, au balliage de Gex, j'en remercie tres humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delaquelle ce bonheur nous est arrivé.

  A015002479 

 Dieu eternel veuill'a jamais establir la royauté du Roy vostre filz, puysque vous aves si grand soin du restablissement de celle de son Filz, Roy des roys; Dieu remplisse vostre royale personne de ses benedictions, puisque, par l'authorité quil vous a donnee, vous faites benir son saint nom en tant d'endroitz esquelz il estoit prophané..

  A015002492 

 Qu'elle est heureuse, cette chere dame, d'avoir, parmi tant de douleurs et de travaux, conservé la fidelité qu'elle devoit a son Dieu, et que ce m'a esté de consolation d'avoir sceu une partie des paroles de charité que son esprit a lancees, avec ses derniers souspirs, dans le sein de la misericorde divine!.

  A015002494 

 Aggreons cette grace que Dieu luy a faitte, et ayons doucement patience pour ce peu de tems que nous avons a vivre icy bas sans elle, puisque nous avons esperance de demeurer avec elle eternellement au Ciel, en une societé indissoluble et invariable..

  A015002494 

 Cette belle et devote ame est decedee en un estat de conscience auquel si Dieu nous fait la grace de mourir, nous serons trop heureux de mourir en quelque tems que ce soit.

  A015002505 

 O mon Dieu! ma tres chere Mere, j'ay eü une speciale consolation de voir comme elle donna une belle robe d'une blancheur nompareille a son serviteur saint Hildephonse, Evesque de Tolede; car, pourquoy n'en donnera-elle pas une a nostre cher cœur? Voyes-vous, je retourne tous-jours a mes brebis..

  A015002506 

 O Dieu quand je me resouviens qu'aux Cantiques, elle dit: Entourés moy de pommes, je [258] voudrois volontier luy donner nostre cœur; car, quelle autre pomme peut desirer de moy cette belle Fruitiere?.

  A015002507 

 Dieu nous face la grace de nous voir un jour consommés au divin amour.

  A015002538 

 Mais Dieu la benie, la bonne madamoyselle d'Escrilles, et je prie sa Majesté qu'elle vous benisse aussi infiniment..

  A015002549 

 Je fus certes en peyne de vostre chemin d'icy a La Roche, voyant que [le] tems s'aigrissoit un peu; et Dieu soit loué dequoy vous l'aves passé asses heureusement.

  A015002569 

 Dieu veuille que ses mains vous soyent aussi liberales que ses yeux! Il seroit bien raysonnable que, comme les Princes s'estiment les soleilz de ce bas monde, ilz rendissent les rayons de leurs regars effectifz, ainsy que ceux du soleil le sont sur la terre..

  A015002612 

 Je voudrois que le matin, au lever, vous pliassiés les genoux devant Dieu pour l'adorer, faire le signe de la Croix et luy demander sa benediction pour toute la journee; ce qui se peut faire au tems que l'on diroit un ou deux Pater noster.

  A015002612 

 Le soir, avant qu'aller coucher, vous pourrés, faysant autres choses, en quel lieu que ce soit, faire la reveuë de ce que vous aurés fait parmi la journee, de gros en gros, et, allant au lict, vous jetter briefvement a genoux, demander pardon a Dieu des fautes que vous aures commises, et le prier de veiller sur vous et vous donner sa benediction: ce que vous pourrés faire courtement, comme pour un Ave Maria.

  A015002612 

 Mais sur tout je desire qu'a tous propos, parmi la journee, vous retiriés vostre cœur en Dieu, luy disant quelques courtes paroles de fidelité et d'amour..

  A015002614 

 Croyés-moy, ma chere Fille, [269] Dieu ayme les ames qui sont agitees des flotz et tempestes du monde, pourveu qu'elles reçoivent de sa main le travail et, comme vaillantes guerrieres, s'essayent de garder la fidelité emmi les assautz et combatz.

  A015002637 

 Dieu sçait bien que je præparois un cœur tout nouveau, plus grand, ce me semble, que le mien ordinaire, pour aller-lâ prononcer ses saintes et divines paroles: premierement, pour, en une si belle et dign'occasion, rendre de la gloire a sa divine Majesté; puis, pour donner du contentement a celuy qui m'y appelloit avec [271] tant de cœur et de courage.

  A015002661 

 Nous avons ces moys passés retiré environ 25 eglises [274] des mains des huguenotz autour de Geneve, que j'espere repeupler de bons pasteurs, comm' encor d'en retirer davantage, s'il plait a Dieu de toucher le cœur des Princes affin qu'ilz conspirent a la sanctification de son saint nom.

  A015002681 

 C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma tres chere Mere, qui est le mien propre, bien que j'espere de le saluer ce soir, Dieu aydant..

  A015002710 

 Il me tardoit, certes, d'avoir quelqu'asseuree commodité de vous escrire, ma tres chere Fille, ne doutant point que mes lettres ne vous soyent a consolation, selon la sainte dilection que Dieu a creëe entre nous..

  A015002712 

 La paix de Dieu, dit saint Paul, q ui surpasse tout sentiment, conserve vostre cœur et vostr'esprit en Jesus Christ Nostre Seigneur.

  A015002712 

 Marchés fermement en ce chemin auquel la providence de Dieu vous a mise, sans regarder ni a droite ni a gauche: c'est le chemin de la perfection pour vous.

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002712 

 Voyes vous pas, ma chere Fille, quil dit que l a paix de Dieu surpasse tout sentiment? C'est pour vous apprendre que vous ne deves nullement vous troubler de n'avoir point d'autre sentiment que celuy de la paix de Dieu.

  A015002713 

 Que si Dieu vouloit que vous eussies un peu de difficulté au demeslement de vos affaires, il faudroit recevoir cela de sa main, laquelle vous ayant saysye, ne vous abandonnera point qu'elle ne vous ayt reduite au point de vostre perfection.

  A015002713 

 Vous verres bien, ma tres chere Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place a vostre intention, puis qu'ell'est toute conforme a la sienne; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et resolu.

  A015002729 

 Certes, j'ay esté en peyne de la pauvre chere Francine, laquelle j'espere devoir estre une bonne servante de Nostre Seigneur et qui ne laissera pas, moyennant la grace cæleste, d'aller au Ciel apres avoir rendu des bons services a Dieu entre les hazars de cette vie mortelle.

  A015002730 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Fille, et tout ce qui vous est plus cher..

  A015002748 

 Dieu vous le fera sçavoir, au plus tard, apres cette vie mortelle; car ce sera devant luy et ses Sains que je feray les principaux exercices de la sainte amitié qu'il m'a donné pour vous, jettant souvent mes tres humbles souhaitz devant son eternelle Bonté, affin qu'elle remplisse vostre cœur de son amour plus parfait.

  A015002757 

 Dieu vous soit guide et conducteur, ma tres chere Seur, et a vostre cher pouppon, que pour maintenant je nommeray encor Pierre, qui est si joly, a ce qu'on me dit..

  A015002769 

 Je ne dis pas le total abandonnement, mais je dis la moderation; car par cette moderation, nous sçavons treuver les heures franches pour l'orayson, pour un peu de lecture devote, pour eslever a diverses rencontres nostre cœur a Dieu, pour reprendre de tems en tems le maintien interieur et la posture cordiale de la paix, de la douceur, de l'humilité.

  A015002771 

 Prenes courage, ma tres chere Mere, que ces petites annees que nous avons a couler icy bas nous seront, Dieu aydant, les meilleures [288] et les plus advantageuses pour l'eternité.

  A015002788 

 Je prie Dieu, Monsieur, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Excellence en prosperité..

  A015002798 

 Il n'y a point de danger en ce qui vous est arrivé, puisque vous le communiques; mays notés, ma tres chere Fille, que Dieu a commencé ses visitations en [290] vostre ame sur le sentiment et l'exercice de la petitesse, bassesse et humilité, pour appreuver l'advis qui vous est donné de bien vous reduire a ce point et d'estre vrayement une petite fille: je dis toute petite, en vos yeux, en vos exercices, en obeissance, naïfveté et abjection de vous mesme; petite, et un vray enfant, qui ne cache ni son bien ni son mal a son pere, a sa mere, a sa nourrice..

  A015002799 

 Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur, ma tres chere Fille.

  A015002809 

 Bon soir, ma tres chere Mere, a laquelle je suis tout en Dieu et tout vostre..

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002832 

 Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme [295] estat; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispositions qui nous font promesse de mieux a l'advenir, Mays il faut louer Dieu, car aussi bien ne meritons-nous pas quil face une transmutation momentanee de ces cœurs lâ, qui seroit un miracle en la grace, comme fut la transmutation de l'eau au vin, en la nature.

  A015002836 

 Dieu, qui de sa grace a esté jusques a present avec moy en ce chemin ecclesiastique [297] par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour m'affeubler: c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour mon Dieu, a luy dresser des autelz a Gex, en France et par tout ou il luy playra employer ma misere pour la gloire de sa misericorde.

  A015002842 

 Je crains la prudence de ce siecle, laquelle, selon Dieu, est une mere imprudence..

  A015002860 

 Ce n'est pas que j'espere rien de cette poursuite [299] en un siecle si plein de considerations humaines, mays au moins empescheray-je la præscription; et si Dieu nous envoye une sayson plus pieuse, ce sera tous-jours un advantage d'avoir demandé..

  A015002861 

 Reste que Son Altesse prenne une bonne et salutaire resolution d'attendre que Dieu face [300] naistre un'occasion propre pour tirer sa rayson.

  A015002882 

 Que nous sommes bienheureux, ma chere Seur, d'avoir des travaux, des peynes et des ennuis! car ce sont les voyes du Ciel, pourveu que nous les consacrions a Dieu..

  A015002886 

 Ce seroit un tres grand bien qu'a Chamberi il y eust des Ursulines et voudrois bien y pouvoir contribuer quelque chose; car en fin, bonheur a ceux qui nourrissent [302] les enfans pour l'amour, crainte et service de Dieu.

  A015002886 

 Il ne faut que trois filles ou femmes courageuses pour commencer; Dieu donnera l'accroissement.

  A015002891 

 Et quant aux moyens, rien n'y abonde et rien n'y manque; Dieu a soin de ses servantes et Nostre Dame les pourvoit.

  A015002918 

 Dieu soit a jamais l'unique praetention de nostre cœur.

  A015002928 

 Ell'a un cœur admirable envers Dieu et vous [307] cherit parfaitement.

  A015002930 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, et je suis en luy,.

  A015002941 

 Je vous salue mille fois de tout mon cœur, et prie Dieu que le vostre soit a jamais rempli de paix, douceur et devotion.

  A015002943 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Seur, ma Fille, et je suis a jamais.

  A015002961 

 Ayes aggreable sur cela, je vous prie, Monsieur, que je vous en donne souvenance, et vous die que Dieu vous recompensera de tout ce que vous feres pour cette sienne pauvre creature, bien que ce soit par rayson d'equité et de vray devoir.

  A015002977 

 Accommodés vostre imagination a la rayson, vostre naturel a l'entendement, et aymés cette volonté de Dieu en ces sujetz d'eux mesmes desaggreables, comme si elle estoit en des sujetz les plus aggreables.

  A015002979 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere; qu'a jamais nostre cœur soit en luy et a luy.

  A015002988 

 J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Françoise, mais je n'ay pas osé luy demander comme ma tres chere Mere se portoit; car il y avoit trop de gens qui m'eussent oüy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette tres chere Mere, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sachant combien l'affection qui me rend pere, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela..

  A015002989 

 Et entr'autres choses, ayant differé hier de parler de mon sacre, a cause qu'aujourduy j'aurois plus de gens, j'ay dit quil y avoit dis ans que j'avois esté consacré, c'est a dire que Dieu m'avoit osté a moymesme pour [me] prendre a luy et puis me donner au peuple; c'est a dire, quil m'avoit converti [312] de ce que [j'étais] pour moy en ce que je fusse pour eux.

  A015002989 

 Mays pour ce qui nous regarde, vous sçaves que Dieu m'a osté a moy mesme, non pas pour me donner a vous, mais pour me rendre vous mesme.

  A015003015 

 Faut-il pas louer Dieu de tant de graces que nous avons receuës, et le supplier de respandre le sang de sa Circoncision sur l'entree de l'annee prochaine, affin que l'Ange exterminateur n'ayt point d'acces en icelle sur nous? Ainsy soit il, ma chere Mere, et que, par ces annees passageres, nous puissions heureusement arriver a l'annee permanente de la tres sainte eternité..

  A015003037 

 Or sus, bonjour, ma tres chere Mere, que je supplie [317] Dieu benir eternellement de ses plus cheres faveurs.

  A015003047 

 Or sus, il faut estre comme Dieu dispose que nous soyons et, comme saint Paul, prendre force en l'infirmité.

  A015003057 

 Cheminés donq tous-jours ainsy aupres de Dieu, car son ombre est plus salutaire que le soleil..

  A015003057 

 Il est certes vray, ma chere Fille, vos consolations me consolent grandement, mais sur tout quand elles sont fondees sur une si ferme pierre comme est celle de l'exercice de la presence de Dieu.

  A015003059 

 Soyés tous-jours fidele a Dieu et a vostre ame.

  A015003070 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyés seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence, et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable.

  A015003072 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A015003072 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche.

  A015003072 

 Se tenir en la presence de Dieu et se mettre en la presence de Dieu, ce sont, a mon advis, deux choses; car pour s'y mettre, il faut revoquer son ame de tout autre objet et la rendre attentive a cette presence actuellement, ainsy que je dis dans le livre.

  A015003074 

 Mon Dieu, chere Fille, que c'est une bonne orayson et que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu, que de se tenir en sa volonté et en son bon playsir! Il m'est advis que Magdeleine estoit une statue en sa niche, quand, sans dire mot, sans se remuer, et peut estre sans le regarder, elle escoutoit ce que Nostre Seigneur disoit, assise a ses pieds.

  A015003075 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux, quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003076 

 Ce grand Dieu soit a jamais nostre Tout..

  A015003076 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A015003077 

 Tenés ferme, chere Fille, ne doutés point; Dieu nous tient de sa main et ne nous abandonnera jamais.

  A015003078 

 Et loué soit le bon Pere saint Joseph! Dieu vous benisse de mille benedictions..

  A015003085 

 O le Dieu de douceur veuille addoucir vostre cœur, ou au moins faire que vostre amertume soit en paix.

  A015003087 

 Dieu soit beni.

  A015003095 

 J'oubliay hier de vous reprendre dequoy vous ne recevies pas en simplicité la parole de Dieu, ains avies des aversions qui vous la rendoyent moins suave des uns que des autres.

  A015003103 

 Nous ne sçaurions empescher nostre pauvre cœur de ressentir la condition de cette vie et la perte de ceux qui estoyent nos delicieux compaignons en icelle; mais il ne faut pourtant pas desmentir la solemnelle profession que [325] nous avons faitte de joindre inseparablement nostre volonté a celle de nostre Dieu..

  A015003103 

 O Dieu! je n'ay garde, ma tres chere Fille, de vous dire: Ne pleurés pas.

  A015003104 

 Je prieray Dieu pour cette ame et pour la consolation des siens..

  A015003104 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ces petitz accidens doivent estre receus doucement de nos cœurs! nos cœurs, dis-je, qui meshuy doivent avoir plus d'affection au Ciel qu'en la terre.

  A015003115 

 Dieu vous comble de son saint amour, ma tres chere Fille, ma Mere.

  A015003115 

 Or, ainsy qu'elle me parla, il a [327] tout plein de bonne volonté pour nostre Congregation; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil saintement et devotement aggreable et aggreablement devot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congregation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de* Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four; et que puis quil a pleu a Dieu de donner commencement a cette petite Congregation dans sa ville principale, vous voules avoir une speciale devotion pour son salut et prosperité, et le tenir comme special protecteur.

  A015003127 

 Je l'appellerois excessif, si je considerois seulement l'indignité de celuy qui le reçoit; mais je voy bien que la source d'ou il procede, Monsieur, ne permet pas que l'on puisse nommer ainsy cette faveur, quoy qu'elle excelle au dessus de toutes autres, puis que vous me favorisés selon ce que vous estes, Monsieur, et non selon ce que je suis, qui certes ne suis rien, sinon en l'affection avec laquelle je revere Vostre Grandeur, pour la prosperité de laquelle je respans plusieurs bons souhaitz devant ce grand Dieu du Ciel, qui gratifie volontier les grans de la terre qui gratifient les petitz [329] et qui leur sont doux, gracieux et favorables ainsy que vous m'estes, Monsieur, et que je vous supplie de m'estre tous-jours, me regardant comme.

  A015003139 

 Benissés Dieu du loysir qu'il me donne ces deux jours pour faire un peu d'orayson extraordinaire; car vrayement sa Bonté a respandu dans mon esprit tant de lumieres et dans mon pauvre cœur tant d'affection pour escrire en nostre cher livre du saint amour, que je ne sçay ou je prendray des paroles pour exprimer ce que j'ay conceu, si le mesme Dieu qui m'a fait concevoir ne me fait enfanter..

  A015003152 

 Et voyla que Dieu l'a retiré de tous ses (sic) perilz, et luy a fait recueillir le triomphe sans battaille et moyssonner les fruitz de la gloire sans labeur.

  A015003153 

 Non, ma chere Fille, ce n'est pas pour vous chatier, c'est pour favoriser cet enfant que Dieu l'a sauvé de bonn'heure.

  A015003154 

 En contrechange, il prie Dieu pour vous et respand mille souhaitz sur vostre vie, affin qu'elle soit de plus en plus conforme a la volonté celeste, et que par icelle vous puissies gaigner celle dont il jouit.

  A015003172 

 Je vous veux un peu donner le bon jour pour contenter mon cœur partout; car encor le faut-il aymer, ce pauvre cœur, puisque, tout infirme quil est, il veut aymer son Dieu de toute l'estendue de ses forces, en sincerité et pureté..

  A015003173 

 Je croy quil vous ira voir aussi, et je desire que ce soit a sa consolation et edification, mesme quil a quelque sorte d'inclination a vouloir estre de nostre future Congregation, si Dieu nous fait la grace que nous l'erigions.

  A015003174 

 J'ay des-ja travaillé deux heures en l'Amour de Dieu.

  A015003175 

 Ma tres chere Fille, ma tres bonne Mere, Dieu vous comble de ses plus sacrees benedictions en tout vostre cœur, en toute vostre vie.

  A015003209 

 Dieu vous conserve, Monsieur, et respande beaucoup de benedictions sur vous, sur madame vostre femme, sur mesdames vos filles, mais en ce tems icy [340] particuliement sur madamoyselle la future et sur le seigneur dom Sanche..

  A015003257 

 Ce pendant, allés, Monseigneur, dessus ce grand theatre et, suyvant Dieu comme vous faites, esperés toutes [345] sortes de bons effectz, et vous employés pour le bien de l'Eglise et de la province pour laquelle vous vous achemines..

  A015003266 

 A la verité, je ne sçavois pas, ma tres chere Fille, que vostre affliction eust si violemment opprimé vostre cœur; mais quand je l'ay sceu, j'eusse volontier pris resolution d'aller vous porter le mien et, avec iceluy, toutes les consolations qu'il eust pleu a Dieu me fournir.

  A015003266 

 Or, Dieu soit loué, dequoy vous vous accoises tout bellement a la suite de sa divine Providence..

  A015003267 

 Bienheureux sont ceux qui n'estiment jamais avoir rien perdu de ce que Dieu a receu a sa grace..

  A015003268 

 Vivés toute pour Dieu, ma tres chere Fille, et me croyes.

  A015003279 

 Cependant, ayes tous-jours souvenance de la sainte tranquillité et douceur du cœur, et de la parfaite remise de nos affections en la sainte providence de Dieu, a laquelle je vous supplie me recommander, ma tres chere Fille, comme.

  A015003299 

 Dieu benisse tout le cœur de ma tres chere Mere..

  A015003342 

 Or sus, Dieu soit loüé.

  A015003343 

 Mais dites moy, je vous prie, ma chere Fille, eussies [352] vous bien peu croire qu'une affection plantee de la main de Dieu, arrousee par tant d'obligations que je vous ay et a vostre Mayson, fut sujette a diminution ou esbranslement? Non certes, ma tres chere Seur, ma Fille, il n'est pas possible qu'une amitié vraye et solide puisse jamais cesser..

  A015003344 

 Quelle joye dequoy vostre Monastere va si bien et qu'il fait honneur, devant Dieu et ses Anges, a M. de Sauzea! Certes, je ne suis pas Ange, mais je l'en honnore davantage, et prie Dieu qu'il restablisse de plus en plus cette sainte famille en son amour.

  A015003345 

 Au reste, pour vostre particulier, faites souvent renaistre toutes les saintes resolutions qu'au commencement de nos ferveurs Dieu nous departoit si abondamment; que si elles ne sont plus si sensibles, il n'importe, pourveu qu'elles soyent fermes et fortes.

  A015003345 

 Dieu, par sa bonté, vous tienne tous les jours de sa tres sainte main; c'est une priere quotidienne que je luy fay..

  A015003346 

 Dieu vous inspirera ce qui sera pour sa gloire et la vostre.

  A015003348 

 Dieu vous benisse.

  A015003362 

 Nostre fille se porte bien et tout ce qui est avec elle, avec un peu d'embarassement pour cet hæritage; mais j'espere que tout s'esclarcira bravement, Dieu aydant..

  A015003380 

 Maintenant, Vostre Altesse pourra voir les informations prises a charge et descharge dudit sieur Abbé, que ce porteur a en main, et me donner sur cela ses commandemens, ausquelz j'obeiray avec la [356] fidelité qui me fait incessamment supplier Dieu pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je suis, Monseigneur,.

  A015003393 

 Dieu soit beni et glorifié de ce changement de condition que vous avés fait pour son nom, ma tres chere Fille; et je dis tous-jours ma tres chere Fille, car ce changement ne changera rien en cette affection vrayement paternelle que je vous ay dediee.

  A015003396 

 De regie pour vostre viè, je ne vous en donneray que celle qui est dans le livre; mais si Dieu dispose que je vous puisse voir et il y a quelque sorte de difficulté, je vous respondray.

  A015003398 

 Faites la preparation du matin, et en somme prenés a prix fait cette besoigne que Dieu vous payera de mille consolations; et pour cela, n'oubliés de souvent eslever vostre cœur en [358] Dieu et vos pensees a l'eternité.

  A015003398 

 Lises, au nom de Dieu, tous les jours un peu, je vous en prie..

  A015003399 

 Faites cela pour moy, qui tous les jours vous recommande a Dieu, et je prie son infinie Bonté qu'a jamais elle vous benisse..

  A015003411 

 Et bien quil y eut quelque chose de ce qu'on dit des excommunications, je ne laisserois pas de m'acheminer, esperant qu'en toutes occasions Dieu me fera la grace de ne point m'oublier du devoir que j'ay a l'Eglise et au Prince..

  A015003417 

 Je reçois des nouvelles pour lesquelles peut estre je seray obligé de partir un peu plus tost; ainsy faut il changer selon le tems, mais sur tout selon ce que Dieu permet par sa providence..

  A015003433 

 La volonté neanmoins de Dieu en soit faite, et luy playse vous combler de toute santé et vraye felicité, avec madame vostre chere digne compaigne et toute vostre mayson..

  A015003454 

 Recommandés-vous aux prieres de saint Louys, lequel apres avoir longuement assisté et servi les malades de contagion en son armee, s'estima bienheureux d'en mourir, prononçant cette orayson pour ses dernieres paroles: J'entreray en ta mayson, o mon Dieu, j'adoreray en ton temple et confesseray ton nom.

  A015003466 

 Dieu vous comble de paix, benediction et amour.

  A015003476 

 Et les Phi (φφ) redoublés signifient, comme lettres capitales, la philothie et la philanthropie, l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003478 

 Dieu nostre Seigneur vous habille et de sa Passion et de sa gloire..

  A015003488 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaite de perfections! et que de courage et d'esperance j'ay maintenant en cette souveraine Bonté et en sa sainte Mere, que nostre vie sera toute resserree en Dieu avec Jesus Christ, pour parler avec nostre saint Paul..

  A015003543 

 O ma tres chere et vraye Mere, Dieu vous benisse de ses plus profondes benedictions, avec toute la chere trouppe, specialement la malade.

  A015003543 

 Qu'a jamais soyons nous a Dieu, vous comme moymesme, moy comme vous mesme, puisqu'il a ainsy pleu a sa divine Bonté, a laquelle soit gloire es siecles des siecles.

  A015003558 

 Il faut attendre, ma tres chere Mere, l'evenement de cette maladie le plus doucement qu'on pourra, avec parfaitte resolution de se conformer a la volonté divine [375] en cette perte, si perte se doit nommer l'absence de quelque tems, qui, Dieu aydant, sera reparee par une presence eternelle.

  A015003560 

 O Dieu, ma Mere, laissons nos enfans a la mercy de Dieu, qui a laissé le sien a nostre mercy; offrons luy la vie des nostres, puisqu'il a donné la vie du sien pour nous.

  A015003561 

 Dieu nous face brusler de son saint amour et mespriser tout pour cela; Nostre Seigneur soit le repos de nostre cœur et de nos cors! Tous les jours j'apprens a ne point faire ma volonté et faire ce que je ne veux pas.

  A015003561 

 Dieu vous benisse, et marque vostre cœur du signe eternel de son pur amour.

  A015003571 

 Mays je n'ay point esté attiree a cette si salutaire resipiscence par aucunes fables, traditions ou inventions humaynes, ains par la connoissance de la verité, prise en la pure, simple et claire Parole de Dieu, a laquelle je veux a jamais inviolablement adhaerer..

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003574 

 Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses necessaires a nostre salut, m'a donné la lumiere requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse perdue, et ne m'a pas donné le moyen de bien declairer ce que j'ay conneu et connois par cette lumiere, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner.

  A015003574 

 Voyla ce que je vous puis dire de l'estat de mon ame qui sent une grande consolation en la misericorde de Dieu, si doucement exercee envers moy; et vous prie de croire qu'en cet heureux changement je n'ay jetté mes yeux que sur Jesuschrist crucifié et sur l'eternité glorieuse quil m'a acquise par son sang, au prix delaquelle j'estime toutes choses un vray rien.

  A015003619 

 Il ne m'arrive contentement qui soit egal a celuy que je reçois de vous faire service qui vous soit aggreable: cela estant, je suis asseuré que cette action est receue avec plaisir devant Dieu.

  A015003632 

 Nous avons reçu la vostre par les mains du sieur present porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstrerons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne.

  A015003634 

 Si non, nous vous supplions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privileges, que nous croyons que vous nous conserverez; qui nous fera sur ce vous baiser tres humblement les mains, et prier Dieu de vous conserver et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes,.

  A015003653 

 Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pecheur et le dernier de nostre Compaignie; mais Dieu me donnoit des mouvemens si vifs d'asseurer madame de Chantal que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos levres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges..

  A015003654 

 Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posee, et vostre ingenieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument eternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur: VIVE JESUS! VIVE MARIE! Tout a Dieu, tout pour sa gloire!.

  A015003655 

 N'ay-je pas donc sujet de dire: Benite soit la pierre, beni soit l'ouvrier, et beni soit eternellement l'Architecte celeste qui, dans son idee eternelle, avoit fait le projet de cet edifice? Il me semble, Monseigneur, que cette Congregation manquoit encor a l'Eglise, et que Dieu vous ait suscité en nos jours pour l'eriger.

  A015003670 

 Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grace et support de mon Dieu je persevere en l'exercise ou il vous a pleu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contentement à mon esprit parmi les traverses et facheries qui faut supporter en ce monde.

  A015003687 

 Dieu me rende digne de voir nos terres ensemencees de cette bonne semence, et je prie Dieu de luy donner l'arrousoir d'en haut, par les benedictions, et l'arrousoir d'en bas, par les bons accueils que cette Congregation merite recevoir par tout, quand ce ne seroit qu'a la consideration de son Fondateur et de la Fondatrice, que j'honore sans difficulté, selon le conseil de l'Apostre, comme l'autel sacré de Dieu..

  A015003687 

 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considere vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espere que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles; j'espere, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallees, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantal comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple.

  A015003702 

 Et sur ce, j'attendrey d'avoir de vous, nouvelles, en priant Dieu [392] qu'il vous aye en sa protection, et suis, appres vous avoir baisé tres humblement les mains, Monsieur,.

  A015003717 

 Combien de fois ay je regretté la faulte de Geneve! Pleust a mon Dieu que je fusse condamné a vous restablir en vostre siege! Tout viel que je suis (aagé de 71 ans), je m'y achemineroy tres volontiers, deuse-je mourir (comme l'on dit) en la peine.

  A015003717 

 Nous ne sommes pas icy, par la grace de Dieu, oisifz, mais nous n'advançons pas tant que nous voudrions bien.

  A015003770 

 Je suis tres aise du desseing que vous avez pris de faire nourrir vostre filz en ceste court, a quoy je vous pourray servir, puis que Dieu a voullu que nous feussions esloignez l'un de l'autre.

  A015003774 

 C'est pourquoy je vous supplye vous employer a ce bon œuvre et m'en fere mander promptement responce, attandant laquelle je prye Dieu, Monsieur, quil vous conserve et garde..

  A015003801 

 Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pleu d'inspirer le tres sainct Siege Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'eglise dressee soubz son nom, ou resident les Reverends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte eglise, de plusieurs privileges et indulgences; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté continuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, tres devotement celebré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont delaissé par escript et enseigné..

  A015003807 

 Estant a noter que pendant que la trouppe passoit par devant la Porte Genotton, le penon d'icelle s'estoit mis en tout debvoir, s'estant assemblé avec l'enseigne deployee, portee par lé fils ayné de M r Jean Gabriel Compte; qui neanmoins a esté aulcunement altein en sa charge par M e Jean Greyfié, procureur au Conseil de Genevoys, et par M e Claude et François Greyfié ses freres, qui se sont mis en debvoir de luy arracher ladicte enseigne: s'estant tous les pennons esmeus tellement, que les ungs ont levé les armes contre les aultres, estant le tout reucy, par la grace de Dieu, que nul n'a esté offencé..

  A015003837 

 Et arrivé mondict Seigneur aupres des degrés du jubé, ou estoit paré l'oratoire pour reposer Jesus Christ, a esté conduict par ledict sieur Doyen, avec les deux assistans, audict oratoire richement paré, ou il a reposé le Sainct Sacrement; et cependant, les deux cœurs des deux eglises chantoient en musique divers mottetz a la louange de nostre Dieu..


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000023 

 Un désir du Saint pour la Mère de Chantal et pour lui-même; pourquoi il regrette d'avoir dû quitter le matin la rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A016000025 

 — Si le Duc reçoit les plaintes contre les Annéciens, «sans praejudice des defenses des accusés, Dieu sera obei.».

  A016000032 

 Oraison funèbre de la première des filles du Saint, qui alla voir au Ciel ce que Dieu préparait aux autres. 31.

  A016000042 

 Requête du Saint en faveur de ses frères et de MM. de Charmoisy et du Noyret; Dieu exige que le Duc leur rende justice. 37.

  A016000044 

 Le bon plaisir de Dieu.

  A016000052 

 — Un bon remède à l'infidélité envers Dieu.

  A016000053 

 — Comment Dieu récompensera «la sainte inutilité» apparente des missionnaires du bailliage de Gex. 50.

  A016000059 

 — Dieu seul consolateur efficace, et à quelle condition.

  A016000073 

 — Privilège de ceux qui sont à Dieu. 67.

  A016000081 

 C'est en toutes circonstances qu'il faut aimer la très sainte volonté de Dieu.

  A016000084 

 Pourquoi faut-il se confier à la Providence de Dieu. 78.

  A016000087 

 Apologue du musicien devenu sourd, et la sainte musique d'une âme qui sert Dieu, sans joie, abandonnée entièrement au bon plaisir divin. 80.

  A016000088 

 — Les séparations pour les mondains et les amis de Dieu. 80.

  A016000091 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu l'empèche d'entreprendre un travail qui lui est proposé. 83.

  A016000112 

 — Etre sur la croix, grace insigne pour les âmes dédiées à Dieu. 101.

  A016000133 

 — Pourquoi Dieu permet les «secousses de l'amour-propre.» — Salutations. 120.

  A016000140 

 — Pourquoi Dieu est le plus digne objet de notre amour. 126.

  A016000140 

 —A quelle condition peut-on servir Dieu à la cour.

  A016000147 

 Dieu guide les âmes qui remplissent avec humilité quelque mission de sa Providence.

  A016000147 

 — Pourquoi Dieu l'a créée.

  A016000149 

 — A quelles conditions Dieu chérit les âmes tracassées. 136.

  A016000151 

 — Il termine la rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A016000156 

 — Achèvement du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A016000158 

 — Pourquoi le Traitté de l'Amour de Dieu pourrait avoir moins de succès que l' Introduction à la Vie devote. 147.

  A016000172 

 Pour être tout à Dieu, nous devons crucifier nos affections les plus vives.

  A016000190 

 — Pourquoi il prend patience dans son «buisson.» — Promesse d'adresser à son ami les premiers exemplaires du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A016000211 

 Faut-il rechercher la cause de nos sécheresses? — Pourquoi Dieu les envoie.

  A016000212 

 — Dieu n'abandonne jamais le premier l'âme qu'il a d'abord attirée à lui. 189.

  A016000217 

 Aucune distance ne peut éloigner les cœurs que Dieu unit.

  A016000218 

 — Que faire pour permettre à Dieu de parachever son œuvre dans les âmes. 194.

  A016000220 

 Zèle croissant du Saint pour le service de Dieu.

  A016000221 

 Acquiescement de François de Sales à la volonté de Dieu.

  A016000269 

 Dieu benisse a jamais nostre unique cœur, ma tres chere Mere.

  A016000269 

 Me voyci visité; partant, Dieu soit avec vous.

  A016000291 

 Aussi, à l'avenir, Sérénissime César, je ne cesserai pas d'offrir [4] mes Sacrifices et mes prières, afin d'apaiser le Dieu tout bon et tout-puissant, pour qu'il vous envoie son secours d'en-baut et qu'il confirme entièremement votre pieux projet..

  A016000302 

 Et moy, ma chere Fille, je vous escris encor plus courtement pour responce a vostre lettre du 5 de ce mois, tant pour mille petites affaires et visites que je reçoy, que pour la ferme esperance que j'ay de vous voir bien tost, resolu, Dieu aydant, de partir d'icy samedi ou Dimanche prochain, pour estre a Neci au jour de la sainte Pentecoste, puisque je n'arreste plus que pour l'affaire de ces pauvres bannis; car, quant [5] aux despeches, je laisseray le bon M. de Blonay qui, de bon cœur, demeurera pour les solliciter.

  A016000302 

 Mais cette negociation de l'appaisement de Monseigneur de Nemours ne peut estre faite qu'en presence; or, j'ay toute ma confiance en Dieu d'en reüscir..

  A016000306 

 Dieu soit a jamais dedans nostre cœur, pour y vivre et regner eternellement.

  A016000308 

 Je prieray pour le pauvre sire Pierre, et louë Dieu qu'il soit passé en bonne disposition..

  A016000320 

 Pour Dieu, Monsieur, croyes bien, je vous supplie, que mon cœur est totalement dedié au vostre, et mes desirs a vos affections, et que si je sçavois faire mieux pour faire reuscir vos intentions, je le ferois.

  A016000359 

 Demain, Dieu [12] aydant, ma tres chere Mere m'en dira de mesme et que je soys le bien venu; ce qu'attendant, je la salue tres humblement de tout mon cœur, et toutes nos cheres Seurs aussi..

  A016000360 

 Dieu vous donne le bonsoir, ma tres chere Mere, a qui je suis de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A016000368 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quil me fera grand bien d'aller doucement achever la journee aupres de nostre Sauveur! et je supplieray sa Bonté quil aille luy mesme verser dans vostr' ame un doux et tranquille repos, emmi lequel il la remplisse de la plus parfaite suavité de son amour.

  A016000380 

 Dieu aggrandisse de plus en plus son saint amour en nostre cœur..

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000390 

 Que reste-il, ma chere Dame, sinon qu'il playse a cette souveraine Bonté de vous tenir de sa main, affin que vous puissies dire avec le mesme Roy: Jusqu'à ma viellesse et decrepitude, Seigneur Dieu, ne me delayssés point.

  A016000391 

 Vous estes bien heureuse d'avoir un mary si chrestien comme est celuy que Dieu vous a donné en sa debonnaireté, car le joug du Sauveur, qui est en soy si doux et suave, le devient encor davantage quand deux le portent ensemblement..

  A016000410 

 Que je suis consolé, ma tres chere Mere, de la bonne nouvelle de vostre santé! Le grand Dieu, que ma pauvre [19] ame et la vostre veut a jamais servir, soit beni et loué, et veuille de plus en plus fortifier cette chere santé que nous avons dediee a sa sainteté infinie..

  A016000411 

 Certes, j'ay esté bien marry ce matin, qu'il m'ayt fallu quitter ma besoigne sur le point qu'il m'estoit arrivé une certaine affluence du sentiment que nous aurons pour la veuë de Dieu en Paradis, car je devois escrire cela en nostre livret; mays maintenant je ne l'ay plus.

  A016000411 

 O Dieu, ma tres chere et unique Mere, aymons parfaittement ce divin objet qui nous prepare tant de douceur au Ciel; soyons bien tout a luy, et cheminons nuit et jour entre les espines et les roses, pour arriver a cette celeste Hierusalem..

  A016000413 

 Or bien, Dieu inspirera a nostre cœur ce qu'il dira pour ce regard, comme je l'en supplie, et de m'inspirer aussi ce que je prescheray ce soir..

  A016000424 

 Dieu a caché le secret des choses a venir aux hommes, et si nous ne devions servir sinon les ames qui doivent perseverer, nous serions bien en peyne comme les discerner d'avec les autres.

  A016000424 

 Et pleust a Dieu que cette pauvre femme fust demeuree dans les resolutions qu'elle avoit prises a la Visitation! elle eust esté bien heureuse et de bonne odeur a tous les bons.

  A016000426 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vives tous-jours toute a Dieu, qui vous y a tant obligee par les graces et instructions quil vous a departies; et je suis, d'un cœur parfait,.

  A016000440 

 Car ainsy, Dieu sera obei et respandra, selon mon continuel desir, ses plus cheres graces sur Vostre Grandeur, a laquelle faysant tres humblement la reverence, je suis en toute fidelité,.

  A016000468 

 Si Dieu nous garde, nous serons bien gardés.

  A016000471 

 Dieu soit a jamais le grand et souverain object de nos affections.

  A016000487 

 Hé, Dieu nous face la grace que, tirans tous-jours plus du costé de nostre vespre, nous croissions devant Dieu en odeur de suavité.

  A016000501 

 Et tandis, je persevere a souhaiter que Dieu comble de prosperité.

  A016000522 

 Je prie Dieu quil vous comble de benedictions, et suis sans fin,.

  A016000540 

 Dieu la rende si brave et si bonne que vous en ayes le contentement que vous en deves esperer..

  A016000551 

 Je luy conferay ses derniers Sacremens, mais je n'eus pas la consolation de la voir expirer; et certes, c'eust esté avec suavité que j'eusse receu les derniers souspirs de cette premiere de mes filles qui est allee voir au Ciel ce que Dieu reserve et prepare aux autres..

  A016000560 

 O Dieu, quelle admirable pureté de cœur, quelle indifference a toutes choses en cet admirable ange humain, ou homme angelique, qui semble n'aymer quasi pas son Maistre pour l'aymer davantage et plus purement.

  A016000561 

 Dieu et le grand saint Jean vous veuillent visiter en la douceur de leurs consolations, avec toutes nos filles..

  A016000589 

 Dieu soit nostre tout, car l'amitié descend plus qu'elle ne monte.

  A016000614 

 Dieu nous soit a tous favorable.

  A016000643 

 Ce porteur est un des plus doux, sinceres et purs espritz que j'aye rencontré il y a long tems; son affection au service de Dieu et de l'Eglise est grande.

  A016000643 

 Je l'accompaigne de ma supplication envers vous, affin qu'il [43] vous playse le recevoir avec cette charité qui vous a consacré au service de Dieu des vostre jeunesse et que je prie Dieu ne vous abandonner jamais..

  A016000655 

 Et cependant, Monsieur, voyla le sieur de N., mon grand amy, mays, ce qui importe, grand serviteur de Dieu, homme doux, gracieux, humble, fort sincere, fort gentil et devot praedicateur, [44] qui va offrir sa vie et son service a la Congrégation.

  A016000670 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere et bienaymee Fille, a qui je suis tout dedié.

  A016000681 

 Dieu, tout bon, tout juste et tout doux, exige par ses loix cette grace, cette justice, cette douceur de Vostre Grandeur, de laquelle il a voulu que je fusse,.

  A016000701 

 Monsieur, et quant au sujet de mon voyage, nos ecclesiastiques et catholiques sont demeurés consolés par l'accommodement que nous avons fait de toutes les difficultés suscitees par nos adversaires, graces a Dieu..

  A016000711 

 Haussons nostre cœur, ma tres chere Mere, voyons [49] celuy de Dieu, tout bon, tout amiable pour nous; adorons et benissons toutes ses volontés: qu'elles tranchent, qu'elles taillent sur nous par tout ou il luy plaira, car nous sommes siens eternellement.

  A016000712 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quand vous m'escrivistes que vous esties une pauvre abeille, je pensay que je ne le voudrois pas tandis que vos secheresses et afflictions interieures durent; car ce petit animal, qui en santé est si diligent et pressant, perd le cœur et demeure sans rien faire tout aussi tost qu'il est malade.

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000713 

 Ma chere Fille, la mort est une vie, quand elle se fait devant Dieu.

  A016000714 

 Dieu soit a jamais au milieu de nostre cœur; qu'a jamais il le rende plus uniquement sien.

  A016000749 

 Le tout est a la bonne foy, sans art ni couleur; car ces matieres n'en veulent point, la simplicite leur servant de beaute, comme a Dieu qui en est l'autheur.

  A016000750 

 Beni soit Dieu eternellement de la bonte qu'il exerce envers vostre ame, Monsieur, l'inspirant si puissamment a la resolution de consacrer le reste de vostre vie mortelle au service de l'eternelle: vie eternelle qui n'est autre chose que la Divinite mesme, entant qu'elle vivifiera nos espritz de sa gloire et felicite; vie, seule vraye vie et pour laquelle seule nous devons vivre en ce monde, puisque toute vie qui n'aboutit pas a la vitale eternite est plustost une mort qu'une vie.

  A016000750 

 Mais, Monsieur, si Dieu vous a si amiablement inspire d'aspirer a l'eternite de la gloire, il vous a quant et quant oblige a recueillir humblement et prattiquer soigneusement son inspiration, sous peyne d'estre prive de cette grace et gloire; privation laquelle, a l'ouyr nommer seulement, remplit le coeur d'effroy, pour peu qu'il ayt de courage..

  A016000752 

 En suite duquel il faut que je vous supplie de rechef, Monsieur, de prattiquer diligemment les exercices que je marque es chapitres X, XI, XII et XIII de la seconde Partie de l' Introduction, pour le mattin et le soir, pour la retraitte spirituelle et pour les aspirations en Dieu.

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000765 

 O Dieu, Seigneur Jesus, pour qui seul je desire nostre vie, et a qui je me resigne pour nostre mort, vostre volonte soit faite!.

  A016000777 

 Vous aures, Dieu aydant, tout ce que je pourray, pour le tems que vous me marqués, [60] et demeureray plein [du] desir de vous tesmoigner que c'est de tout mon cœur que je suis,.

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000813 

 Que fusse je autant utile a vostre service comme je suis dedié a vostr' honneur! Au moins n'oublie-je pas de vous souhaiter souvent la paix et consolation celeste pour le bonheur de vostre vie, que Dieu face longue, au milieu de ces chers enfans et des enfans de vos enfans quil vous fait voir..

  A016000814 

 Qu'il est heureux, ce cher frere, d'avoir [65] quitté ce monde de deça, dans lequel il estoit né, pour en conquerir un nouveau et y faire naistre plusieurs ames a Dieu! Madame ma tres chere Mere, je m'en res-jouis avec vous, et suis sans fin.

  A016000830 

 Tenés ferme, ma chere Fille, entreprenés d'estre parfaitement, le plus que vous pourres, servante de Dieu, selon les advis du livre; car ce sera bien suffisamment pour attirer plus de perfection encor que je n'en ay pas sceu enseigner.

  A016000831 

 Vos miseres et infirmités ne vous doivent pas estonner: Dieu en a bien veu d'autres, et sa misericorde ne rejette pas les miserables, ains s'exerce a leur faire du bien, faysant le siege de sa gloire sur leur abjection..

  A016000832 

 Si vous faites bien, loués en Dieu; si vous faites mal, humiliés-vous.

  A016000844 

 Il y a la, nombre suffisant de fort bons pasteurs et de bons Peres Capucins qui, n'estans point ouÿs des hommes, sont veus de Dieu, lequel sans doute aggree bien leur sainte inutilité presente, laquelle il recompensera par apres d'une moisson plantureuse, et s'ilz sement en pleurs, recueilleront en joÿe..

  A016000845 

 C'est bien asses, Monsieur, vous avoir entretenu pour ce renouvellement de nostre commerce, que je veux, Dieu [70] aydant, continuer, et ne point cesser de vous ramentevoir souvent que je suis invariablement,.

  A016000873 

 Si ces pauvres qui luy ont parlé sont de la terre ou du Ciel, je ne sçai, Dieu le sçait; mais je sçai bien qu'ilz luy ont parlé le langage de Jesus Christ et de saint Jean escrivant aux Evesques d'Ephese, de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicee..

  A016000874 

 Dites a cette chere fille qu'elle n'examine point curieusement le songe qu'elle a fait, mais qu'elle prouffite soigneusement et humblement de sa santé de cœur et de cors pour le service et la gloire de Dieu.

  A016000920 

 Mon Dieu, que cette vie est trompeuse, Madame ma tres chere Cousine, et que ses consolations sont courtes! Elles paroissent en un moment, et un autre moment les emporte, et, n'estoit la sainte eternité a laquelle toutes nos journees aboutissent, nous aurions rayson de blasmer nostre condition humaine..

  A016000922 

 Ce fut Dieu, ma tres chere Cousine, qui vous donna ce mari, c'est luy qui l'a repris et retiré a soy; il est obligé de vous estre propice es afflictions que les justes affections, lesquelles il vous avoit eslargies pour vostre mariage, vous causeront meshui en cette privation..

  A016000922 

 Mais, ma tres chere Cousine, tout cela ne vous peut point soulager qu'apres le passage de vostre plus fort sentiment, pendant lequel il faut que ce soit Dieu qui soustienne vostre esprit et qui luy soit refuge et support.

  A016000923 

 Nostre nature est ainsy faite, que nous mourons a l'heure impourveuë et ne sçaurions eschapper cette condition: c'est pourquoy il faut y prendre patience, et employer nostre rayson pour adoucir le mal que nous ne pouvons eviter; puis, regarder Dieu et son eternité, en laquelle toutes nos pertes seront reparees et nostre societé, desunie par la mort, sera restauree..

  A016000924 

 Dieu et vostre bon Ange vous veiiillent inspirer toute [79] sainte consolation, ma tres chere Cousine.

  A016000937 

 Or sus, vous alles donq aux chams et a vandanges; [80] Dieu soit tous-jours avec vous et vous comble du moust de son amour plus fervent.

  A016000955 

 Laissés vous donq conduire, mes Amis et Freres, comme bonnes brebis, a ceux qui, sous mon authorité et celle du Saint Siege Apostolique, vous ont esté donnés pour [82] pasteurs; et Dieu vous benira, ainsy que je l'en prie, estant de tout mon cœur,.

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001007 

 Dieu, par son infinie bonté, soit a jamais a la dextre de Vostre Altesse pour la conduire en toute sainte prosperité: c'est le souhait ordinaire,.

  A016001026 

 Et en attendant des vostres par madame ma cousine, comme vous me faites esperer, je prie Dieu quil vous accompaigne tous deux et comble de benedictions, et suis,.

  A016001042 

 Je ne treuveray neanmoins pas mauvays, ains bon, que vous luy parlies selon que Dieu vous le suggerera..

  A016001085 

 Bienheureux les [96] pauvres, car ilz seront riches au Ciel, le royaume leur en appartenant; et bienheureux les injuriés et calomniés, car ilz seront honnorés de Dieu..

  A016001099 

 Croyes moy, Dieu vous aydera, et fera que cette mauvayse sayson estant passee, il en viendra un'autre ou les vrays serviteurs du Prince auront leur tour.

  A016001125 

 Or Dieu, a la gloire duquel nous tendons, est le grand ouvrier des merveilles; a jamais sa lumiere esclaire nos cœurs et nous conduise a [102] le glorifier parfaitement.

  A016001126 

 Dieu nous rende bien siens, car nous serons tres heureux en cela, tout le reste n'estant que vanité et affliction d'esprit..

  A016001127 

 Ceux qui sont a Dieu treuvent par tout ce qui leur est cher..

  A016001150 

 On a érigé à Annecy une Congrégation de Dames très honorables, veuves et jeunes filles, lesquelles, s'étant dégagées des choses du [104] monde, s'adonnent avec une très grande piété et édification au service de Dieu notre Seigneur.

  A016001151 

 Cette Congrégation a été dressée sur le modèle d'autres semblables établies à Milan par le grand serviteur de Dieu, saint Charles; elle a acheté une maison et désire maintenant bâtir un oratoire sous le vocable de la sainte Visitation de la Bienheureuse Vierge, dans lequel il y aura aussi une chapelle que l'on dédiera au bienheureux Amédée, quand il sera canonisé.

  A016001154 

 Et si, comme on l'espère, cette Congrégation se trouve dans quelques années pourvue d'un revenu suffisant pour les dépenses ordinaires, les veuves déchargées de leurs enfants et les vierges qui voudront servir Dieu notre Seigneur dans la chasteté, l'obéissance et la piété, pourront le faire très facilement, puisqu'elles y seront admises moyennant une simple pension assignée par leurs familles, leur vie durant..

  A016001181 

 Ah Dieu, que j'ay grand desir de tenir les yeux sur cette belle estoille en nostre navigation!.

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001196 

 Mais quand il plairoit a Dieu que quelqu'un me fist mortifier, mon second remede seroit d'avoir patience..

  A016001197 

 Je finis donq par ou j'ay commencé, vous remerciant de rechef de la peyne que vous prenes pour ces bonnes ames, [116] qui prient et prieront Dieu pour vous, et vous demeureront extremement obligees avec moy qui, de tout mon cœur, suis sans fin,.

  A016001207 

 Mais je dis de rechef, ma chere Fille, que cette lettre m'a donné des eslans d'amour envers Dieu, qui est si bon, et envers vous, qu'il veut rendre si bonne, que certes, je suis obligé d'en rendre action de graces a sa divine Providence.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 Helas! ma Fille, c'est une grande partie de nostre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections; car, en quoy pouvons nous exercer l'amour du prochain, sinon en ce support? Ma Fille, elle vous aymera et vous l'aymeres, et Dieu vous aymera toutes..

  A016001208 

 O Dieu, quel contentement au cœur d'un pere tres aymant, d'ouyr celuy de sa fille tres aymee protester qu'elle a esté envieuse et maligne! Que bien heureuse est cette envie, puisqu'elle est suivie d'une si naïfve confession! Vostre main, escrivant vostre lettre, faysoit un trait plus vaillant que ne fit jamais celle d'Alexandre.

  A016001209 

 Et moy, ma chere Fille, vous m'aymeres aussi, puisque Dieu le veut et, en suite de cela, me donne un parfait [118] amour de vostre ame, que je conjure d'aller de bien en mieux et de mieux en mieux au pourchas des vertus.

  A016001217 

 O Dieu, ma chere Fille, elles s'en vont ces annees, et courent a la file imperceptiblement les unes apres les autres, et en devuidant leur duree, elles devuident nostre vie mortelle, et se finissant, elles finissent nos jours.

  A016001217 

 Que de bonheur pour mon ame si Dieu, luy faysant misericorde, luy faysoit voir cette douceur! Mais en attendant de voir Nostre Seigneur glorifié, voyons le des yeux de la foy, tout humilié dans son petit berceau..

  A016001218 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Fille.

  A016001227 

 Mais si je le voy sur les genoux de sa sacree Mere, ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un bouton de rose attachee au lis des saintes mammelles, o Dieu, je le treuve plus magnifique en ce throsne, non [120] seulement que Salomon dans le sien d'ivoyre, mais que jamais mesme ce Filz eternel du Pere ne fut au Ciel; car si bien le Ciel a plus d'estre visible, la Sainte Vierge a plus de vertus et perfections invisibles, et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les influences des deux.

  A016001239 

 Ouy, ma tres chere Fille, ma Mere, il faut aymer la tres sainte volonté de Dieu aux petites et grandes rencontres.

  A016001240 

 Apres y avoir bien pensé devant Dieu, je me suis resolu qu'il faut affermir nostre Congregation a faire ses changemens ce jour auquel Dieu fait les siens, nous faysant tous passer d'une annee a l'autre, donnant une leçon annuelle de nostre instabilité, de nostre changement, du renversement et de l'aneantissement des annees qui nous menent a l'eternité.

  A016001265 

 Voyla la lettre, ma tres chere Fille; faites la fermer, et soyés bien ferme en la confiance que nous devons avoir en la providence de Dieu, laquelle, si elle vous prepare des croix, vous donnera des espaules pour les porter..

  A016001266 

 Vous sçaves d'ou me vient une si grande presse, et, Dieu aydant, en seres bien ayse.

  A016001296 

 Je travaille a vostre Livre neufviesme de l' Amour de Dieu, et aujourd'huy, priant devant mon Crucifix, [128] Dieu m'a fait voir vostre ame et vostre estat par la comparayson d'un excellent musicien, né sujet d'un prince qui l'aymoit parfaitement, et qui luy avoit tesmoigné se plaire passionnement a la douce melodie de son luth et de sa voix.

  A016001306 

 O pleust a Dieu, ma tres chere Fille, que ce fust le Traitté de l'Amour celeste qui me tinst occupé toutes [129] les matinees! Il seroit bien tost achevé, et je serois bien heureux d'appliquer mon esprit a de si douces considerations.

  A016001308 

 Au contraire, si nous avions la perfection de l'amour de Dieu, nous aymerions mieux faire ce qui est commandé, parce qu'il vient plus de Dieu et moins de nous..

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001312 

 Or je ne vis que passamment la dame qui devoit venir pour faire sa confession generale, et avec des yeux tout moistes d'avoir laissé sa fille; car les gens du monde [131] [se] laissent en se laissant, mais ceux de Dieu ne se laissent jamais, ains sont tous-jours unis ensemblement avec leur Sauveur..

  A016001313 

 Dieu vous benisse, ma chere Fille..

  A016001325 

 En fin, Dieu qui vous a conduite jusques a present, vous tiendra de sa tres sainte main; mais il faut que vous vous jetties, avec un total abandonnement de vous mesme, entre les bras de sa providence, car c'est le tems desirable pour cela.

  A016001325 

 Se confier en Dieu emmi la douceur et la paix des prosperités, chacun presque le sçait faire; mais de se remettre a luy entre les orages et tempestes, c'est le [133] propre de ses enfans; je dis, se remettre a luy avec un entier abandonneront.

  A016001327 

 Dieu doit faire le tout; c'est pourquoy il l'en faut supplier..

  A016001327 

 Je suppleeray de plus en plus, s'il plaist a Dieu, priant pour vostre repos et consolation.

  A016001328 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Seur, ma Fille.

  A016001338 

 Au reste, Monseigneur de Bazas me propose un petit travail, que je ferois des maintenant de bon cœur, recevant comm' inspiration son desir; mais je suis encor un peu attaché a un Traitté de l'Amour de Dieu, lequel j'estimerois piaculum de laisser maintenant imparfait, puisqu'il ne me faut plus que je ne sçai combien de moys pour l'envoyer au monde.

  A016001339 

 Or sus, salutem a tous ceux qui m'ayment, de vostre connoissance, et mille benedictions a Dieu du repos quil vous a donné en cette sainte Societé.

  A016001358 

 J'ay toute ma vie grandement prisé la ville de Thoulouse, non pour sa grandeur et noblesse, mays, comme dit saint Chrisostome de son Constantinople, a cause du service de Dieu qui y est si constamment et religieusement maintenu.

  A016001387 

 Ma tres chere Mere, que Dieu face toute sainte, je vous donne mille fois le bonjour.

  A016001393 

 Dieu soit a jamais l'unique ame de nostre unique vie et l'unique vie de nostr'uniqu'ame..

  A016001401 

 Que diray-je plus ma tres chere Mere? En somme, il [143] faut acquiescer a la Providence de Dieu en ces petitz momens quil faut employer tantost en ceci, tantost en cela, au prejudice de l'extreme desir que j'ay de voir ma pauvre tres chere Mere.

  A016001401 

 Quel moyen de refuser cette si bonne audience a des gens qui viennent pour Dieu, et de deux journees loin, pour une si bonne affaire? Le cœur de ma Mere, comme le mien propre, se fut courroucé et mutiné si, pour tel sujet, je n'eusse renoncé a son contentement qui est le mien mesme..

  A016001402 

 Mays demain, o c'est le jour de sainte Emerentienne et de la naissance de ma Mere; Dieu ne permettra pas que je sois ainsy retenu, car mesme j'ay a conferer avec elle de choses qui sont pour son Amour divin et asseurer la partie.

  A016001413 

 A cett' occasion, Monseigneur, je supplie de rechef Vostre Altesse Serenissime, en toute humilité, de le faire puissamment reuscir a la gloire de Dieu, que je prie incessamment la vouloir a jamais prosperer, et suis,.

  A016001429 

 C'est maintenant a la providence de Dieu de decretter, et a nous d'attendre en paix et reverence ce quil luy plaira de faire reuscir, avec resignation de nostre volonté en la sienne tressainte..

  A016001430 

 Que si Dieu gratifie cette bonne ame, je pense quil sera a propos de faire commettre ou [148] Monseigneur de Maurienne, ou monsieur l'Abbé d'Abondance, ou moy, disjunctim, ita ut uno non procedente, alius procedat..

  A016001431 

 Par le premier, Dieu aydant, je vous escriray pour la Visitation des eglises des Apostres et vous envoyeray l'Estat de cette Eglise.

  A016001442 

 Tenes conte des portz, car tout sera ramboursé, Dieu aydant.

  A016001442 

 Vous consideres ( sic ) le tout avec la grace de Dieu, que je vous souhaite de tout mon cœur.

  A016001460 

 Neanmoins, on ne sçait pas les conseilz de Dieu, et ne faut jamais cesser de cooperer au salut du prochain en la meilleure façon que l'on peut.

  A016001460 

 O que de misericordes Dieu fait aux ames qu'il retient en sa tres sainte crainte et en son divin amour! Mieux vaut le moindre brin de ce tresor, que tout ce qui est au monde..

  A016001460 

 Or, quand vous ne feries que luy faire faire un bon souspir, Dieu en sera glorifié.

  A016001460 

 Si donques vous pouvies parler a cette chetifve creature, la prenant un peu doucement et amoureusement, luy remonstrant combien elle seroit heureuse de vivre en la grace de Dieu, l'enquerant si, quand elle [y] a vescu lhors qu'elle vint en cette ville, elle n'estoit pas plus ayse que maintenant, et passant ainsy [155] tout bellement a luy representer son malheur, je pense que cela la pourroit toucher.

  A016001472 

 On m'a dit que la bonne M me du Foug estoit malade; a vostre premiere commodité, je vous prie de m'en faire [157] sçavoir quelque chose, car j'en suis en peyne, et prie Dieu quil la benisse et nous aussi.

  A016001506 

 Nous rendimes à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas laissé sa lampe s'éteindre en Jérusalem, et de ce qu'il avait remplacé le père par le fils, pour l'établir sur cette cité de Sedunum, que nous appelons Sion..

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001540 

 Je loüe Dieu dequoy vous viendres, car cela sera a propos pour arrester toutes choses avec le bon M. le Prieur, lequel ne desire pas retourner en Chablaix.

  A016001584 

 J'ay mille fois pensé pourquoy les fideles invoquent cet admirable vierge et austere hermite pour avoir des enfans, et en fin j'ay creu que, parce qu'il a tant aymé la simplicité, la petitesse et les petitz, Dieu accorde ordinairement des petitz enfans a ses devotz, quand ilz les demandent dans l'esprit du Saint, pour la gloire de Dieu, le salut des ames et la paix des familles..

  A016001595 

 Je vous remercie humblement de vostre souvenance et de la venayson, louant Dieu de vostre guerison, que je vous souhaiteray tous-jours longue et heureuse, puisque de tout mon cœur je suis,.

  A016001608 

 Dieu vous comble de son tres saint amour, et je suis,.

  A016001619 

 Que Dieu soit a jamais emmi son cœur et le mien.

  A016001646 

 Et cela estant ainsy, quelle grace d'estre non seulement sous la croix, mais sur la croix, et au moins un peu crucifiee avec Nostre Seigneur! Ayes bien courage, ma chere Seur, convertisses la necessité en vertu, et ne perdes pas l'occasion de bien tesmoigner vostr'amour envers Dieu parmi les tribulations, ainsy quil tesmoigna le sien envers nous parmi les espines..

  A016001646 

 L'autre jour que la bonne madame de Treverney fut icy, je sceu plus amplement la varieté des travaux parmi lesquelz vous vives, ma tres chere Seur, ma Fille, et certes, j'en eu de la compassion, mais plus de consolation encores, sur l'esperance que j'ay que Dieu vous tiendra de sa main et vous conduira, par ce chemin qu'il a frayé, a beaucoup de perfection; car je veux croire, ma chere Seur, que vous voulés demeurer eternellement liee a la tressainte volonté de cette divine Majesté et que vous luy aves consacree toute vostre vie.

  A016001670 

 Que Dieu la remplisse toute de la vie et mort de son Filz Nostre Seigneur!.

  A016001696 

 Je loüe Dieu de l'heureux retour de Leurs Altesses et du contentement que vous receves de leurs faveurs, qui sont donnees a vostre zele pour vostre service et dont vous aves rendu de si bonnes preuves ci devant..

  A016001697 

 Vous me rendes trop glorieux, Monsieur, de me promettre l'honneur de la bienveuillance de ce rare ambassadeur de Dieu, qui a si bien traitté des affaires celestes a Saint Jean le Caresme passé, et de me faire esperer la veuë de son Ajo del Christiano, livre qui, par le nom de son autheur et par son tiltre, ne promet rien moins que la perfection de son espece..

  A016001698 

 Comme que ce soit, Dieu vous comble de prosperité, avec madame ma cousine et tout ce qui vous est plus cher, et j'ay l'ordinaire honneur,.

  A016001736 

 Mais, ma tres chere Fille, je confesse que je suis scandalizé de voir des ames bonnes catholiques, et qui d'ailleurs ont de l'affection a Dieu, estre si peu soigneuses du salut eternel, que de s'exposer au danger de ne voir jamais la face de Dieu et de voir a jamais et sentir les horreurs de l'enfer.

  A016001737 

 L'amour que je porte a mes amis, mais specialement au cher mari, me fait herisser les cheveux en teste quand je sçai qu'ilz sont en tel peril, et ce qui me tourmente le plus, c'est le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz ayent le vray desplaysir qu'il faut avoir de l'offense de Dieu, puis qu'ilz ne tiennent conte de s'en empescher a l'advenir.

  A016001738 

 Il faut esperer que Dieu nous amendera tous ensemblement, pourveu que nous l'en supplions comme il faut.

  A016001739 

 Je pense que j'auray bien tost le brasselet de la presence de Dieu, que je supplie vous benir de toutes [186] les desirables benedictions que vous puissiés desirer, ma tres chere Fille..

  A016001775 

 J'en supplie donq en toute humilité Vostre Altesse Serenissime, que Dieu face a jamais prosperer, selon l'extreme et continuel souhait,.

  A016001789 

 Ma tres chere Fille, pries tous-jours bien Dieu pour mon cœur, qui vous ayme d'un amour plus que paternel, affin quil se purifie et que l'amour divin y regne sans exception, reserve, ni fin quelcomque; car ainsy ne cesse-je de vous souhaiter une parfaite sainteté..

  A016001807 

 Ainsy Dieu soit a jamais le protecteur de Vostre Majesté, Sire, pour la combler des saintes benedictions que luy souhaitte.

  A016001822 

 Il se faut bien garder qu'il ne vous regaigne, car ce seroit vous perdre du tout que de vous laisser gaigner a cet infortuné que Dieu a perdu et perdra eternellement.

  A016001822 

 Que d'ayse, mon cher Filz, quand on me dit que vous estes le seigneur au grand cœur, qui, emmi ces vaines vanités de la cour, demeurés ferme en la resolution que [194] ce cœur a prise de contenter celuy de Dieu! Hé, si faites, mon cher Filz; perseverés a communier souvent et a faire les autres exercices que Dieu vous a si souvent inspirés.

  A016001823 

 Qu'a jamais Dieu soit vostre grandeur et le monde vostre mespris. et je suis ce pere qui vous ayme comme son Benjamin et vous honnore comme son Joseph..

  A016001833 

 Je vous honnore de tout mon cœur, et tous nos gens d'Eglise vous tiennent pour leur bon pere; mays en cette cause qui regarde la gloire de Dieu et le respect de l'estat ecclesiastique, nous ne pouvons rien dissimuler..

  A016001834 

 Il n'est pas raysonnable de mettre Dagon sur l'autel avec l'Arche de l'alliance: Dieu l'a declaré..

  A016001846 

 Nous venons de rendre icy les derniers devoirs a feu mon tres cher frere de Boisy: il est trespassé despuis peu entre mes bras; je luy ay fermé les yeux et la bouche, mais il [195 bis ] m'avoit ouvert son cœur d'une maniere si chrestienne dans le Sacrement de Confession, que j'ay de grans sujetz d'esperer que Dieu a receu son ame dans les douceurs de sa misericorde.

  A016001891 

 Au reste, je prie Dieu qu'il benisse le voyage de nostre monsieur le baron de Bonvillaret et le vous face revoir, et a madame sa mere, plein de joye et de l'honneur que l'on va chercher a la guerre..

  A016001930 

 Que ni vous ni moy n'y fassions plus aucune preface; car l'amour de Dieu que vous aves sera ma preface envers vous, et le desir que j'ay de l'avoir sera vostre preface envers moy.

  A016001932 

 Dieu sçait, ma tres chere Seur, quelz sont les monasteres esquelz ce saint exercice n'est point prattiqué; Dieu sçait quelle obeyssance, quelle pauvreté et quelle chasteté y est observee devant les yeux de sa divine Providence, et si les assemblees des filles ne sont pas plustost des compaignies de prisonnieres que de vrayes amoureuses de Jesus Christ.

  A016001938 

 Pleust a Dieu que tous les autres de vostre Ordre fussent aussi charitables et affectionnés a la gloire de Dieu! les monasteres qui sont en leur charge seroyent plus parfaitz et plus purs..

  A016001940 

 Ma tres chere Seur, je vous escris sans loysir, mais non pas sars une infinie affection envers vous et toutes vos filles, que je supplie toutes de recommander mon ame a la misericorde de Dieu, comme de ma part je ne cesseray point de vous souhaitter benediction sur benediction, et que la source de toute benediction vive et regne a jamais au milieu de vos cœurs.

  A016001950 

 Et bien que quelquefois vous receves des secousses de l'amour propre et de vostre imbecillité, ne vous en troublés point, car Dieu le permet ainsy affin que vous luy serries la main, que vous vous humiliies et reclamies son secours paternel..

  A016001968 

 Il fait merveilles a se resigner a la volonté de Dieu, ainsy que la petite cousine m'escrit..

  A016001968 

 Le pauvre M. de Charmoysi est tous-jours entre les mains des medecins, sans voir goute, mais avec bonne esperance de voir, Dieu aydant.

  A016001982 

 Il ne se peut dire de quelle ardeur mon ame souhaitte la perfection de l'amour de Dieu a la vostre.

  A016001982 

 Les meilleurs moyens pour exprimer cette passion sont ceux dont vous me gratifies, pourveu que l'on y entende une merveille que j'appellerois miracle, si je n'en estois l'ouvrier, apres Dieu et vostre commandement: car ordinairement, l'amour paternel est puissant parce qu'il descend comme un fleuve qui prend sa source de la pente; mais en nostre sujet, le mien, qui sort de ma petitesse, en remontant a vostre grandeur, il prend vigueur a la montee et accroist sa vistesse en s'eslevant: c'est parce que, si les autres se [212] contentent de ressembler a l'eau, celuy-ci est comparable au feu.

  A016001983 

 Dieu vous tienne de sa sainte main et establisse de plus en plus ce genereux et celeste dessein qu'il vous a donné de luy consacrer toute vostre vie.

  A016001984 

 Ne sortés pas le matin que vous ne porties sur le cœur un epitheme du renouvellement de vos resolutions fait en la presence de Dieu.

  A016002005 

 Je me res-jouis, certes, de vos victoires; car, quoy que l'on sçache dire, c'est la plus grande gloire de Dieu que [215] nostre Ordre episcopal soit reconneu pour ce qu'il est, et que cette mousse des exemptions soit arrachee de l'arbre de l'Eglise ou on void qu'elle a fait tant de mal, ainsy que le sacré Concile de Trente a fort bien remarqué.

  A016002009 

 Oh! Dieu benisse la France de sa grande benediction et y fasse renaistre la pieté qui regnoit du tems de saint Louys..

  A016002011 

 Or sus pourtant, Monseigneur, vous verres nos articles et feres, je m'asseure, tout ce qui se pourra pour la conservation des droitz de Dieu et de son Eglise.

  A016002014 

 Dieu soit a jamais le cœur de nos ames.

  A016002028 

 Quant a la vente des bleds, je ne prsetends recommander personne, sinon que ce soit a l'utilité de l'Eglise et cœteris paribus, car ces revenus ecclesiastiques sont trop praetieux pour estre sujectz a aucune autre affectation que celle de Dieu..

  A016002042 

 Mais, graces a Dieu, nous resistons en fin finale, nous ne nous laissons pas emporter au mal; au moins, si nous sommes esbranlés, nous ne tumbons pas du tout.

  A016002043 

 Mon Dieu, je pense que si vous venies icy l'hiver vous auries bien plus de repos que lâ; mais je n'ay garde d'en plus parler, puisque tant d'autres considerations que je ne sçai pas, peuvent avoir rafroydy le dessein que vous en aviés.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002058 

 Dieu neanmoins ne le voulant pas, puisqu'il permet que je sois attaché icy, ni vous, ni moy non plus ne le devons pas vouloir.

  A016002058 

 Vous seres donq la mon Josué qui combattrés pour la cause de Dieu en presence; et moy je seray icy comme un Moyse qui tendray mes mains au Ciel, implorant sur vous la misericorde divine affin que vous surmonties les difficultés que vostre bonne intention rencontrera..

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002127 

 Tres humble, tres affectionné serviteur en Dieu,.

  A016002139 

 Non certes, ma chere Fille, je ne seray point en peyne de vostre conduitte si vous marches sur ce chemin la, car Dieu sera vostre guide, et puis vous ne manqueres pas de personnes qui vous donneront conseil pour cela..

  A016002140 

 Si que, tout ce qui est le plus a la gloire de Dieu doit estre suivi et aymé et poursuivi: c'est la regle de tous les vrays serviteurs du Ciel..

  A016002140 

 Vous faites extremement bien de tesmoigner une tres absolue indifference, car aussi est ce le vray esprit de nostre pauvre Visitation, de se tenir fort abjecte et petite, et de ne rien s'estimer sinon entant qu'il plaira a Dieu de voir son abjection; et partant, que toutes les autres formes de vivre en Dieu luy soyent en estime et en honneur, et, comme je vous ay dit, qu'elle se tienne entre les Congregations comme les violettes entre les fleurs, basse, petite, de couleur moins esclattante, et luy suffise que Dieu l'a creee pour son service et affin qu'elle donnast un peu de bonne odeur en l'Eglise.

  A016002141 

 C'est sans doute la plus grande gloire de Dieu qu'il y ayt une Congregation de la Visitation au monde, car elle est utile a quelques particuliers effectz qui luy sont propres; c'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous la devons aymer.

  A016002141 

 J'attendray donques de vos nouvelles plus particulieres sur le service que vous pourres rendre a cette nouvelle plante, laquelle, si Dieu veut estre une plante de la Visitation et une seconde Visitation, sa Bonté en soit a jamais glorifiee..

  A016002143 

 Tenés bon, ma tres chere Fille, dans l'enclos de nos sacrees resolutions; elles garderont vostre cœur si vostre cœur les garde, avec l'humilité, la simplicité et la confiance en Dieu..

  A016002153 

 Ce sera, Dieu aydant, dans peu de jours, par le bon M. le contrerolleur Vulliat, lequel nous est demeuré de reste au partir de Monseigneur de Nemours et qui praetend, pourtant, d'aller tost a Lion mesme.

  A016002154 

 Et pleut a Dieu que je peusse le loger en nostre chaire ce Caresme; mais il y a des-ja quelques moys que le P. Prieur de Saint Dominique est prié, et je n'oserois y bouger chose du monde..

  A016002156 

 Dieu vous tiendra tous-jours de sa main droite, ma tres chere Fille, et vous marcheres saintement et asseurement.

  A016002157 

 Vives toute a Dieu, pour qui je suis tout parfaittement vostre, ma tres chere Fille, ma Seur tres cherement bienaymee..

  A016002172 

 Mais je ne laisse pas de l'aymer, car encor quil luy semble quelquefois qu'il va perdre courage pour des petites paroles et reprehensions qu'on luy fait, toutefois il ne l'a encor jamais perdu son courage, ce pauvre cœur; car son Dieu l'a tenu de sa main forte et, selon sa misericorde, il n'a jamais abandonné sa miserable creature.

  A016002172 

 O ma tres chere Fille, il ne l'abandonnera jamais, car quoy que nous soyons troublee et angoissee de ces impertinentes tentations de chagrin et de despit, si est-ce que jamais nous ne voulons quitter Dieu, ni Nostre Dame, ni nostre Congregation qui est sienne, ni nos Regles qui sont sa volonté..

  A016002173 

 L'autre, c'est une certaine Peronne Marie qui a une tres bonne volonté d'estre toute a Dieu, et pour estre toute a Dieu, d'estre toute simplement humble et humblement douce envers tous les prochains; et c'est celle ci qui voudrait imiter saint Pierre, qui estoit si bon apres que Nostre Seigneur l'eut converti; c'est cette Peronne Marie qui est fille de la glorieuse Vierge Marie et, par consequent, de bonn'affection.

  A016002175 

 N'ayes point honte de tout ceci, ma chere Fille, non plus que saint Paul, qui confesse quil avoit deux hommes en soy, dont l'un estoit rebelle a Dieu et l'autre obeissant.

  A016002176 

 Pries bien Dieu pour moy, ma chere Fille certes toute bien aymee, et qu'a jamais Dieu soit vostre amour et protection.

  A016002187 

 Ouy da, ma tres chere Fille, nous donnerons de bon cœur de nos Seurs de la Visitation pour augmenter la gloire de Dieu.

  A016002191 

 Et sur ce point, ma tres chere Fille, prenes bien garde a parler des Carmelines avec reverence, car leur vertu et perfection vous y oblige; et puisque ce desordre survenu a la Presentation a eveillé le dessein de les faire venir a Lion, il faut esperer que Dieu en tirera plusieurs autres biens..

  A016002193 

 A Dieu donques, ma chere Fille, a Dieu soyons nous eternellement et inseparablement.

  A016002213 

 Bonjour, ma tres chere Mere; j'iray la dans une petite heurette, Dieu aydant.

  A016002222 

 Ce que je fay par ces quatre motz, de tout mon cœur, tant en consideration de la mere, qui est digne d'estr' assistee et qui est ma parente, qu'en consideration du filz qui, a mon advis, est plein de bonne volonté de reuscir en la crainte de Dieu..

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002243 

 Je luy marquerois encor, qu'en cas que la guerre que Son Altesse Serenissime a sur les bras se rendit plus active et qu'elle passast jusques a quelqu'ardeur (ce que Dieu ne veuille), Vostre Grandeur, comme je pense, ne pourroit alhors retenir son courage quil ne la rapportast a la defense de ce sang, de cette Mayson, de cette couronne, de cet Estat dont ell'est et en quoy ell'a tant de part et tant d'interest, et ou manifestement vostre reputation, Monseigneur, presseroit vostre courage, si vostre courage, grand et bien nourri, ne prevenoit toute autre consideration, voyre mesme celle de la reputation.

  A016002246 

 Si la fidelité de ce porteur, mais sur tout si la bonté de Vostre Grandeur ne me donnoit asseurance, je n'aurois garde d'envoyer une lettre escritte avec cette liberté; mais je sçai d'un costé, qu'elle ne sera point egaree, et [255] d'ailleurs, que elle ne sera leùe que par des yeux doux et benins envers moy, qui aussi l'escris (ainsy Dieu tout puissant me soit en ayde) sans en avoir communiqué le dessein qu'a deux des tres humbles et fideles serviteurs, sujets et vassaux de Vostre Grandeur.

  A016002247 

 Je prie Dieu de tout mon cœur quil remplisse celuy de Vostre Grandeur de ses graces, et suis sans fin,.

  A016002263 

 J'ay une copie de la lettre que j'ay escritte, que je vous feray voir, Dieu aydant..

  A016002264 

 Le bon curé ne sçait ce quil demande en la proposition quil fait faire audit sieur de Blonnay, car il parle contre Dieu et rayson: contre Dieu, par ce quil desire une symonie; contre rayson, par ce quil refuse un soulagement qui luy est offert gratuitement.

  A016002267 

 Dieu vous comble de benedictions, Monsieur, selon le continuel souhait de.

  A016002281 

 Dieu soit de plus en plus loué, ma tres chere Fille, dequoy mesme vous aves plus de santé que mon amour cordial envers vous ne me faysoit imaginer sur ce que vous m'aviés escrit.

  A016002283 

 Dieu luy face la grace de perseverer..

  A016002285 

 Le livre de l' Amour de Dieu est achevé, mais il le faut transcrire plusieurs fois avant qu'on l'envoye..

  A016002300 

 Ce sera demain, Dieu aydant, malgré bon gré toutes aventures.

  A016002300 

 Et ce pendant, Dieu benisse nostre cher cœur et le rende de plus en plus tout sien eternellement.

  A016002313 

 Et pour le regard du livre de l' Amour de Dieu, je le revoy et fay transcrire, pour l'envoyer, Dieu aydant, ce Caresme a l'imprimeur, qui aura charge de vous faire presenter des premieres copies.

  A016002337 

 C'est ce qu'attend de moi Dieu notre Sauveur; il ne nous a faits si proches voisins, qu'afin que nous entreportions autant que possible les fardeaux l'un de l'autre.

  A016002351 

 Cependant les nouvelles de la paix se fortifieront, Dieu aydant, et madame ma cousine arrivera pres de vous, qui me gardera de luy faire presentement response..

  A016002353 

 Je prie Dieu quil vous comble de contentemens, Monsieur, et suis sans fin,.

  A016002371 

 Je me res-jouis dequoy vos passions se treuvent un peu alenties; elles le seront, Dieu aydant, tous-jours plus.

  A016002390 

 Je suis, Dieu mercy, tout gueri et brave.

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002423 

 Je prie Dieu quil vous comble, Monsieur, de ses plus desirables benedictions, et suis sans fin,.

  A016002438 

 Je luy respondray que la vocation de cette fille n'est pas mon œuvre, ains de Dieu, comme je pense; que je ne n'oserois contribuer une seule parole pour la ruiner.

  A016002438 

 Mays vous, ma tre chere Mere, escrives-luy fort doucement que vous n'aves rien contribué a la vocation et que vous craindries trop d'offencer Dieu en la dissuadant; qu'ell'est en sa liberté, delaquelle elle peut user a son gré, et que si Dieu la veut en nostre Congreation, ce vous seroit une grande charge de conscience a l'heure de vostre mort de la repousser; que vous la supplies de s'en accommoder a ce que Dieu en disposera.

  A016002449 

 Je vous puis asseurer que nostre chere Seur Françoise Gabrielle Bailly, vostre seur, m'est aussi chere que si c'estoit la mienne propre, sa pieté m'y ayant convié, et loue Dieu de ce qu'elle reçoit et donne beaucoup de consolation en la Congregation de nos cheres Seurs.

  A016002449 

 Nostre Mere d'icy l'ayme parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poly, vuide, ouvert pour recevoir de [280] grandes graces celestes; car c'est une ame droitte, un esprit vuide et desnué de toutes les choses de ce monde, et qui n'a pensee ni dessein que pour son Dieu.

  A016002451 

 Ah! vray Dieu, mon cher Pere, moy qui ne fus jamais seulement bon clerc, m'appartient-il d'instruire les saintz Religieux? Portés doucement et amoureusement vostre croix, laquelle, a ce que j'entens, est asses grande pour vous combler de benedictions, si vous l'aymés..

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002463 

 Mays nous en parlerons, Dieu aydant, ce soir.

  A016002471 

 Mays de tout cela, ma chere Mere, je ne m'en metz nullement en peyne; au contraire, je benis Dieu dans la nuit de vostre souffrance, et rens grace a Celuy qui vous monstre combien il faut souffrir pour son nom..

  A016002471 

 Ne craignés point, la foy reside tous-jours en la cime [282] et pointe de vostre esprit, et cela vous asseure que ces troubles finiront et que vous jouires du repos desiré au sein de Dieu; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemy fait dans le reste de l'ame et rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendus.

  A016002480 

 Dites moy comme vous vous portes, pour Dieu et pour moy, qui suis, comme vous sçaves vous mesme, plus vostre que vous mesme..

  A016002481 

 Dieu vous benisse, et moy.

  A016002487 

 Pour moy, je me porte fort bien, graces a Dieu, et suis autant vostre que vous mesme, tout en verité..

  A016002496 

 Maintenant que vous diray-je? Bien des choses sans doute, si je voulois suivre mes affections, lesquelles seront [284] tous-jours pleynes pour vous, comme je desire que les vostres soyent bien pleynes pour moy, quand sur tout vous seres dans le petit oratoire, ou je vous supplie d'en respandre beaucoup devant Dieu a l'intention de mon amendement; ainsy que de mon costé je respans, non les miennes, qui sont indignes a rayson du cœur ou elles sont, mays le sang de l'Aigneau immaculé, devant le Pere eternel, en faveur de la bonne intention que vous aves d'estre toute sienne..

  A016002507 

 Dieu leur veuille pardonner de l'abus qu'ilz ont fait de leur erudition..

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002521 

 Et Dieu vous benisse, ma tres vraye, tres aymee et tres aymable Mere.

  A016002529 

 Dieu nous visite en sa douceur, et veut que la Visitation soit invitee par nostre tres bon Monseigneur de Lion de l'aller visiter en son diocese, pour y establir une Mayson de Nostre Dame comme la nostre d'Annessy.

  A016002530 

 J'espere que vostre pieté, mon cher Frere, vous fera volontier acquiescer a l'esloignement de cette chere fille, puisqu'il est requis a la gloire de Dieu.

  A016002537 

 Mais ne laissés pas pour cela de recourir a sa sainte debonnaireté en toute confiance, sur tout maintenant, en ce tems auquel nous le nous representons comme il estoit, petit enfant en Bethlehem; car, mon Dieu, ma chere Fille, pourquoy prend il cette douce et amiable condition de petit enfant, sinon pour nous provoquer a l'aymer confidemment et a nous confier amoureusement en luy?.

  A016002539 

 En fin, ma chere Cousine, puisque, sans reserve, vous voules estre toute pour Dieu, ne tenes point vostre cœur en peyne, et, entre toutes les secheresses qui vous peuvent arriver, soyes ferme a demeurer entre les bras de la misericorde divine..

  A016002540 

 Or, il faut que vous, au contraire, estendies vostre cœur par une frequente repetition de vostre protestation, que vous ne relascheres jamais, que vous persevereres en vostre fidelité, que vous [291] aymes mieux les rigueurs du service de Dieu, que les douceurs du service du monde, que jamais vous n'abandonneres vostre Espoux..

  A016002542 

 Glorifiés vous d'estre toute pour Dieu, et protestés tous-jours d'estre toute sienne.

  A016002554 

 Dieu vous comble a jamais de ses tressaintes graces, et suis sans fin, ma tres chere Fille,.

  A016002567 

 Or, Dieu soit loué..

  A016002568 

 Hé! Dieu veuille benir et prosperer ce voyage, qui s'entreprend pour son honneur et l'edification de plusieurs.

  A016002579 

 Voyci le souhait de vostre Pere, ma tres chere Fille: Dieu soit avec vous au chemin par lequel vous ires; Dieu vous tienne tous-jours vestue de la robbe de sa charité; Dieu vous nourrisse du pain celeste de ses consolations; Dieu vous ramene saine et sauve en la mayson de vostre pere; Dieu soit a jamais vostre Dieu, ma chere Mere.

  A016002580 

 Allés en paix, ma tres chere Fille, allés en paix ou Dieu vous appelle; demeurés en paix, mais demeurés en la sainte paix de Dieu, ou il vous tient et arreste icy.

  A016002580 

 Les ames que Dieu a rendu tout une sont inseparables, car, qui peut separer ce que Dieu a joint? Non, ni la mort, ni chose quelconque ne nous separera jamais de l'unité qui est en Jesus Christ, qui vive a jamais en nostre cœur.

  A016002585 

 Allons donq, ma tres chere Fille, avec un seul cœur, ou Dieu nous appelle; car la diversité des chemins ne rend rien de divers en nous, puisque c'est a un seul object et pour un seul sujet que nous allons..

  A016002585 

 Or sus, ma chere Fille, puisque Dieu est l'unité de nostre cœur, qui nous en separera jamais? Non, ni la mort ni la vie, ni les choses presentes ni les futures, ne nous separeront jamais, ni ne diviseront nostre unité.

  A016002586 

 O Dieu de mon cœur, tenés ma tres chere fille de vostre main; que son Ange soit tous-jours a sa dextre pour la proteger, que la Sainte Vierge Nostre Dame la recree tous-jours de l'aspect de ses yeux debonnaires..

  A016002604 

 Tenés vostre cœur en courage, car, puisque vostre cœur est a Dieu, Dieu sera vostre courage.

  A016002608 

 Au nom de Dieu, nous allons et demeurons, avec une fort pure intention de servir de tout nostre cœur a la gloire eternelle de sa divine Majesté icy ou nous demeurons, et la ou nous allons.

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002616 

 Dieu, qui les a assemblees, les benisse; leurs saintz Anges soyent a jamais autour d'elles, respandant a pleines mains les graces et consolations celestes dans leurs cœurs bienaymés, et que la Sainte Vierge, desployant sa poitrine maternelle sur elles, les conserve en la vertu de son amoureuse maternité.

  A016002621 

 Helas, mon Dieu, ma tres chere Mere, que j'ay esté estonné quand par vostre lettre j'ay sceu, comme tout a coup, la longueur et le danger de vostre maladie! car, croyés moy, je vous supplie, mon cœur vous cherit finalement.

  A016002621 

 Mays, Dieu soit loué dequoy vous voyla presque toute eschappee..

  A016002622 

 Seigneur Jesus, quel vray bonheur a une ame dediee a Dieu d'estre fort exercee par la tribulation avant qu'elle parte de cette vie! Ma tres chere Mere, comme peut on connoistre le franc et vif amour, que parmi les espines, les croix, les langueurs, et sur tout quand les langueurs sont accompaignees de longueur? Aussi, nostre cher Sauveur a tesmoigné son amour desmesuré par la mesure de ses travaux et passions..

  A016002623 

 Soyés contente a vouloir doucement tout ce que Dieu [300] veut que vous soyés.

  A016002624 

 A Dieu, ma tres chere Mere, et ma tres chere Fille encor; a Dieu soyons-nous eternellement, et nous et nos affections, et nos petites peynes et les grandes, et tout ce que la divine Bonté veut estre nostre.

  A016002647 

 Mays tout cela ne touche point la pointe de l'esprit qui, asseuré de plus en plus de l'indissoluble et invariable unité que Dieu a faite de ce que nous sommes, demeure aussi impenetrable a toute sorte d'apprehension.

  A016002647 

 Mays, ne disons plus rien de cela; car, ne suffit il pas que Dieu nous ayant rendus une mesme chose, nous soyons par tout nous mesmes tout siens?.

  A016002649 

 Je l'en supplie continuellement, estant perpetuellement a Lion, non seulement en vous comme vous mesme, mais aussi en vostre petite mayson, ou je suis present, ce me semble, en esprit a tout ce petit mesnage spirituel que Dieu y fait naistre..

  A016002649 

 Que j'ay d'envie, ma tres chere Mere, de sçavoir vostre abord et quel commencement Dieu aura donné au service pour lequel il vous a appellee.

  A016002651 

 Dieu soit beni..

  A016002652 

 J'ay grande consolation en l'esperance que je sens des benedictions que Dieu leur donnera..

  A016002666 

 Or, puisque je ne puis faire ce voyage la qu'au gré de mon Prince, dans l'Estat duquel je vis et dois vivre, autre n'advenant, et que je ne voy rien qui me puisse promettre son aggreement pour cela, il faut que je prenne patience dans mon buisson, auquel, puisque Dieu y est comme ailleurs, il a dequoy se consoler..

  A016002667 

 Je ne veux point perdre de tems apres Pasque pour tirer au jour ce petit ouvrage de l' Amour de Dieu, que vous aymés et desirés; et voyrement je donneray ordre que vous en aurés les fins premiers exemplaires qui s'en porteront a Paris, comme vous estes aussi le fin premier amy que j'y aye et ailleurs, et que je suis,.

  A016002699 

 La, les maladies et langueurs sont salutaires [310] et aymables, ou Dieu mesme nous a sauvés par ses langueurs..

  A016002704 

 Si vous escrivies ou faysies sçavoir de vos nouvelles a ma chere seur madame de Grandmayson, pour Dieu, ma chere Mere, faites luy aussi sçavoir que je luy souhaite mille faveurs du Ciel et la cheris comme ma seur et fille tres aymee..

  A016002719 

 Croyés moy, ma tres chere Mere, comme vous mesme: Dieu veut je ne sçai quoy de grand de nous.

  A016002722 

 C'est pourquoy le grand Apostre s'escrie: Celuy qui se recommande soy mesme n'est pas appreuvé, mais celuy que Dieu recommande..

  A016002733 

 Secondement, que hier, jour des Cendres, je fis ma matinee tout seul a la galerie et en la chappelle, ou j'eus une douce memoyre de nos aymables et desirables entretiens lhors de vostre confession generale; mays il ne se peut dire quelles bonnes pensees et affections Dieu me donna sur ce sujet..

  A016002738 

 Dieu me favorise de beaucoup de consolations et saintes affections, par des clartés et sentimens qu'il respand en la superieure partie de mon ame; la partie inferieure n'y a point de part.

  A016002738 

 Dieu, qui est l'ame de nostre cœur, ma tres chere Mere, nous veuille a jamais remplir de son saint amour.

  A016002740 

 Dieu nous rende de plus en plus tous siens.

  A016002752 

 Mais, la providence de Dieu en tirera du bien..

  A016002773 

 Elle a fait justement de les recevoir, si elle ne les a receuës que dans ses aureilles; mais si elle les a receuës dans le cœur, elle me pardonnera si, estant non seulement son tres humble et tres fidele serviteur, mais encor son tres affectionné, quoy qu'indigne Pasteur, je luy dis qu'elle a offencé Dieu et est obligee de s'en repentir, voire mesme quand les accusations seroyent veritables; car nulle sorte de parolle qui soit au prejudice du prochain ne doit estre creuë avant qu'elle soit preuvee, et elle ne peut estre preuvee que par l'examen, parties ouyes.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002784 

 Dieu et nos cœurs le sçachent seulement, et quelques uns dignes d'un secret d'amour..

  A016002850 

 Helas! ce n'est pas que je n'aye de fort bons desirs de bien servir cette bonne compaignie de servantes de Dieu; mais il faut que la divine Providence, qui m'a dedié a nostre chere Congregation, me donne quelques particuliers mouvemens quand je la sers.

  A016002850 

 O que [327] Dieu est admirable, ma tres chere Mere, et que nous sommes bien heureux d'avoir un grand desir de le servir!.

  A016002857 

 Hé! Dieu, qui se plaist a tesmoigner sa vertu et sa force en nos infirmités, soit a jamais au milieu de vostre ame pour la tenir enflammee de ce saint amour celeste; qu'il arde emmi les espines et les brusle sans les consumer, affin que l'ardeur de cette fievre amoureuse du Sauveur vous rende douce la fievre ou les restes de la fievre douloureuse que vous aves tant souffert.

  A016002872 

 Je louë Dieu de vostre accoisement et dequoy vous estes hors de doute que l'orayson de simple remise en Dieu ne soit extremement sainte et salutaire.

  A016002872 

 O ma chere Mere, ma Fille, il n'en faut jamais douter; il y a si long tems que nous l'avons examinee, et tous-jours nous avons treuvé que Dieu vous vouloit en cette maniere de prier.

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002913 

 Ma tres chere Mere, aymes tous-jours bien vostre pauvre chere ame que j'ay, car j'ayme sans mesure, sans fin, hors de toute comparayson et au dessus de tout ce qui s'en peut dire, ma tres chere ame que vous aves: c'est a dire, aymons bien cette tres unique ame et vie quil a pleu a Dieu dé nous donner pour son service..

  A016002915 

 Dieu soit a jamais nostre amour.

  A016002916 

 Mille salutations a nos cheres Seurs qui sont la et, ma tres chere Mere, un peu bien cherement et tendrement a ma chere fille de Chatel, qui sçait bien que je l'ayme, et ma chere Seur de Blonnay, qui est ma fille, et a la pauvre grande fille Jeanne Marie Elizabeth, qui est bien avant dans mon cœur, qui est le vostre propre, ma tres chere Mere.......[Dieu] vous benisse.

  A016002934 

 Vous feres donq, je m'asseure, encor ce coup selon vostre bonté, laquelle je remercie tres humblement de la faveur quil vous pleut me faire, passant a Lion, m'ayant fait part de la belle Remonstrance contre les duelz, que je prie Dieu vous rendre autant efficace comme les merites de la cause et de celuy qui l'a playdee le requierent..

  A016002961 

 Ma tres chere Mere, j'ay tant prié Dieu pour vous, et le feray encor; tout m'annonce le bien de nostre indivisible unité.

  A016002999 

 Si Dieu a exaucé mes vœux, vous releveres avec un grand accroissement de santé, et sur tout de sainteté; car souvent on sort de telz accidens avec ce double advantage, la fievre dissipant les mauvaises humeurs du cors, et espurant celles du cœur, en qualité de tribulation provenante de la main de Dieu..

  A016003000 

 Remplisses tout vostre cœur de courage, et vostre courage de confiance en Dieu; car Celuy qui vous a donné les premiers attraitz de son amour sacré ne vous abandonnera jamais, si vous ne l'abandonnes jamais.

  A016003009 

 Cette bonne dame m'a dit de vostre part ce que vous luy aves confié, et je loue Dieu qu'il vous ayt donné des nouvelles affections avec cette nouvelle santé.

  A016003010 

 Or, quant a vous, je m'imagine que des-ormais l'aage et la petitesse de vostre complexion vous tiendront souvent alangourie et foible; c'est pourquoy je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la tres aymable volonté de Dieu et en l'abnegation des contentemens exterieurs et en la douceur parmi les amertumes.

  A016003018 

 Je respons donq a part a vostre lettre du 10 avril, que je receus avanthier, 1 er de may, et n'ay rien presque a dire [351] en celle ci sur ce sujet la; car je parle tout a la bonne foy, et ne puis croire que l'on voulust me retirer de dela qu'avec la bienseance, sans laquelle je ne puis ni veux y aller, puisque je ne pourrois le vouloir sans offencer Dieu et perdre ma reputation, de laquelle pourtant, en tout cas, mais en celuy la particulierement, j'aurois tant de necessité.

  A016003024 

 Il suffit qu'en ces trois ou quatre petites rencontres, Dieu a tous-jours favorisé la cause du plus foible; je pense que c'est pour advertir le plus fort de n'estre pas si vigoureux..

  A016003025 

 Je prie Dieu qu'il vous comble de prosperités, et suis,.

  A016003040 

 J'ay mille remerciemens a vous faire des deux lettres que j'ay receuës de vous et que j'ay leuës avec un'incroyable consolation, selon l'inclination que Dieu m'a donnee a l'honneur du glorieux Saint duquel vous habites le lieu natal et l'affection que j'ay a vos merites..

  A016003043 

 C'est, a la verité, une fille que je cheris fort, et qui m'a bien donné de la consolation des il y a dix ans que Dieu voulut qu'elle prist confiance en mon ame; quand vous la verres, je vous prie de la saluer.

  A016003043 

 Mais sur tout, salués quelquefois le filz de la mayson en laquelle vous estes, et luy demandés son intercession pour la pureté de mon miserable esprit, le suppliant qu'il implore la misericorde de sa chere Maistresse et Mere de Dieu sur ma vie et sur ma mort..

  A016003060 

 Dieu, qui est nostre unité, soit a jamais beni..

  A016003070 

 L'experience me fait voir que rien n'est si utile aux servantes de Dieu, quand elle sera prattiquee selon nos Regles..

  A016003082 

 O que mon ame, des plusieurs jours en ça, est pleine de nouveaux et puissans desirs de servir le tres saint amour de Dieu avec tout le zele qu'il me sera possible! La vostre, ma tres chere Mere, qui n'est qu'une mesme chose, en fera de mesme; car, comme pourroit-elle avoir diverses affections, n'ayant qu'une mesme vie et une mesme ame?.

  A016003083 

 Nos Seurs font, certes, merveilles et incitent mon cœur a beaucoup de reconnoissance envers la bonté de Dieu, de laquelle je voy de si clairs effectz en leurs ames.

  A016003085 

 Je vous donne mille fois le bon soir, et prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de tout vostre cœur, le benissant de ses tressaintes et plus desirables faveurs.

  A016003093 

 Vostre lettre m'a certes un peu estonné; mays j'ay, graces a Dieu, les yeux sur cette infinie Providence, delaquelle les decretz seront a jamais les loix de mon cœur.

  A016003094 

 O! Dieu soit nostre secours, ma tres chere Niece.

  A016003094 

 Prions bien Dieu, il nous aydera..

  A016003095 

 Tout ce que Dieu ordonnera sera receu, moyennant sa grace, avec resignation; l'unité de mon ame avec celle de cette Mere n'est pas pour cette vie seulement, mais principalement pour l'autre..

  A016003096 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, ma Niece.

  A016003106 

 Ce matin, estant un peu en solitude, il a fait un exercice de resignation nonpareil, mays que je ne puis escrire, et que je reserve pour vous dire a bouche, quand Dieu me fera la grace de vous voir.

  A016003106 

 Cependant, que vous diray-je de vostre cœur de deça, sinon que Dieu luy donne tous les jours des nouvelles affections pour son service.

  A016003106 

 O que bienheureuses sont les ames qui vivent de la seule volonté de Dieu! Helas! si pour en savourer seulement un bien peu par une consideration passagere, on a tant de suavité spirituelle au fond du cœur qui accepte cette sainte volonté avec toutes les croix qu'elle presente, que sera ce des ames toutes destrempees en l'union de cette volonté?.

  A016003108 

 Ce pendant, Dieu soit seternellement nostre tout.

  A016003121 

 Je ne veux pas nier que je ne sois marri de vostre fievre; mays ne vous mettes nullement en peyne de ma peyne, car vous me connoisses: je suis homme pour souffrir, sans souffrir, tout ce qu'il plaira a Dieu faire de vous comme de moy.

  A016003121 

 Nous voulons servir Dieu en ce monde, icy et la, de tout ce que nous sommes; s'il juge mieux que nous soyons en ce monde ou en l'autre, ou tous deux, sa tressainte volonté soit faite..

  A016003124 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, pour le remplir de son saint amour.

  A016003130 

 Hé, Dieu le ( sic ) nous veuille donner bien bonnes..

  A016003132 

 Dieu vous benisse des benedictions que ce cœur vous souhaite, ce cœur, dis-je, qui vous cherit vrayement d'un'affection toute paternelle et plus que paternelle..

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003140 

 Je prie Dieu quil vous conseille, monsieur mon tres cher Frere, en cett'occasion; et ce pendant, je ne laisse pas d'escrire a nostre tres chere mere sur ce sujet, affin que si vous juges a propos qu'elle le sache, elle voye quant et quand la contribution de mon desplaysir au sien.

  A016003160 

 Ce filz, ma tres chere Mere, avoit des-ja fait un grand esloignement de nous, s'estant volontairement privé de l'air du monde auquel il estoit né, pour aller servir son Dieu, et son Roy, et sa patrie en un autre nouveau monde.

  A016003160 

 Cette sorte de fin est excellente, et ne faut pas douter que le grand Dieu ne la luy ayt rendue heureuse, selon que, des le berceau, il l'avoit continuellement favorisé de sa grace pour le faire vivre tres chrestiennement..

  A016003162 

 Et en lieu que vous luy escriviés quelquefois, parlés a Dieu pour luy, et il sçaura promptement tout ce que vous voudres qu'il sache, et recevra toute l'assistence que vous luy ferés par vos vœux et prieres, soudain que vous l'aures faite et delivree entre les mains de sa divine Majesté..

  A016003163 

 Les chrestiens ont grand tort d'estre si peu chrestiens comme ilz sont, et de violer si cruellement les loix de la charité pour obeyr a celles de la crainte; mays, ma tres chere Mere, il faut prier Dieu pour ceux qui font ce grand mal, et appliquer cette priere-la a l'ame de vostre defunct.

  A016003177 

 Et Dieu soit loué dequoy il luy a pleu la nous conserver! Je veux esperer que ce sera plus longuement que la foiblesse de sa complexion ne nous permet d'esperer; car cette Bonté qui a commencé a nous gratifier, ne s'en lassera point, si nous sommes fideles..

  A016003193 

 La bonté et pieté de Vostre Altesse ne pouvoit jamais mieux paroistre qu'en recepvant sous sa protection une troupe de pauvres filles assemblees au nom de Dieu; et croyons tres assurement que Nostre Seigneur a heu fort agreable de voir la grandeur de Vostre Altesse [375] r'abaissee jusques la, esperans que se ( sic ) rabaissement eslevera tousjours d'avantage Vostre Altesse Serenissime devant les yeux de la divine Majesté..

  A016003194 

 Et quant a nous, ce nous est un honneur si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, c'est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, pour, en quelque maniere, corespondre a l'estroite obligation que nous avons a la bonté de Vostre Altesse Serenissime, a laquelle faysans en toute humilité la deüe reverence, nous [serons a] sommes,.

  A016003202 

 La bonté et pieté de Vostre Altesse ne pouvoit jamais mieux se faire paroistre en aucune sorte d'action, qu'en recepvant une troupe de pauvres filles assemblees au nom de Dieu soubs vostre protection.

  A016003203 

 C'est un honneur pour nous si grand, Monseigneur, qu'il excede tout remerciement; de sorte que ce que nous pouvons faire, est d'offrir journellement a Dieu nos petites oraisons pour la conservation et prosperité de Vostre Altesse, en quoy nous essayerons de corespondre a l'estroite obligation que nous y avons, et a nous tesmoigner, avec toute reverence et fidelité,.

  A016003211 

 Je sçai que les difficultés de mon affaire sont grandes, mais j'en espere pourtant un heureux succes, et que vostre charité, Monseigneur, jointe a vostre authorité, me rendra jouissante demon desir, auquel je proteste n'estre portee que pour la gloire de Dieu et la plus grande asseurance de mon ame.

  A016003224 

 Ce que Monseigneur l'Archevesque de Lion ayant recommandé a Monseigneur l'Evesque de Geneve, qui est le Pasteur de ce lieu, il a esté jugé expedient de devoir estre accordé, attendu que, par la grace de Dieu, nostre nombre est des-ja asses grand pour pouvoir exercer cette charité, de sorte que troys des nostres sont deputees pour aller dresser cette nouvelle mayson, lesquelles toutesfois, cela estant fait, reviendront icy ou elles se sont premierement donnees a Dieu..

  A016003239 

 Faites nous ce bien d'en asseurer Son Altesse, a laquelle nous souhaittons incessamment devant Dieu toute prosperité et santé, et a vous, Monsieur, l'assistence de son Saint Esprit, demeurans.

  A016003268 

 Il a pleu a son infinie douceur de [386] combler mon ame de consolation, m'ostant du tout l'affliction de l'abomination de cette abominable cité de Geneve: ce bon Dieu m'a fait voir que son bien aymé ne pouvant vaincre la dureté de ces babiloniens calvinistes, il a dressé une triomphante Hierusalem, une paisible et amoureuse Sion, une petite Visitation, Visitation visitee a tout moment de l'Espoux celeste.

  A016003269 

 Mais vous diray je pas encore que, quand vos cheres Filles m'eurent descouvert les leurs en confession, je m'escriay: Mon Dieu, si vos Anges avoyent des corps et des confessions a faire, ilz se confesseroyent de ce de quoy les Filles de ce grand Pasteur s'accusent! Continuez, mon unique Pere et Reverendissime Seigneur, a les faire croistre en la profondeur de leur humilité; car, ou mon genie me trompe, ou tout le monde sera trompé en l'admirable progrez que l'on verra faire a vostre Congregation..

  A016003270 

 Et n'estoit que je voy nostre bon Frere compagnon qui a un peu envie de s'aller delasser, je ne me souviendrois point de finir de vous entretenir de ce que le bon Dieu m'a dit, de sa grace.

  A016003270 

 Mais aussi ne le faut il pas dire la nuit, puisque sa Bonté le mettra bien tost au jour, et fera dire a plusieurs, voire a tous, ce que maintenant je dis avec le Prophete que vous aymez tant, Monseigneur: Tu m'as donné a conoistre les choses non sceuës et secrettes de ta sapience; voicy que la joye de mon salutaire m'est renduë, puis que tant d'ames seront confirmees de l'esprit principal dans la Visitation, que mon ame visite si souvent par ses souhaits a Dieu; car, Monseigneur, j'estime que si je pouvois servir ceste sainte Congregation, ce seroit vous tesmoigner que je suis.

  A016003281 

 Ce n'est plus une Judith que nostre madame de Chantal, c'est une sainte Paule; toutes ses actions font voir l'operation de Dieu en son ame et les traces de vostre direction.

  A016003291 

 Quid facient virgultae cum tremunt columnæ? O Dieu, gardez de la mort celuy dont la vie est si necessairement necessaire; plustost, ostez de la vie celuy qui la traine si inutilement et dont les actions sont si miserables.

  A016003300 

 Dieu est fidelle, et il envoye la robe selon l'hyver, le vent selon le ( sic ) voile, l'adversité selon la patience et la tentation selon la force.

  A016003308 

 Faictes qu'elles prient Dieu pour Nous; Nous nous y attandons, comme aussi d'avoir part tous les jours en vos oraisons..

  A016003309 

 Sur ce, Nous prions Dieu vous avoir en sa saincte garde et benir toutes vos sainctes entreprises pour le service de sa Majesté..

  A016003332 

 Ou bien, estant V. R. empechee par l'indisposition de sa personne (que Dieu ne permette) ou par quelque ( sic ) aultres importantz affaires, de se treuver en personne, que ce soit par procureur, avec ample instruction et charge, affin que les communs affaires dudict royaume se puissent resouldre, et les malheurs desquelz il est menassé, empecher par l'asistance des Princes Electeurs et autres Princes et Estatz et par la vostre.

  A016003343 

 Et Nous promettant que vous l'aurez en recommandation, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003384 

 J'en loüe Dieu, Monseigneur, et le benis de ce quil a fait, par vous et la tres digne Baronne de Chantal, une œuvre si sainte et digne de la main, de la peine, du travail des Saints; car tels ouvrages ne se peuvent jetter au moule que par des ames singulierement esleües.

  A016003384 

 Le progres fera voir de plus en plus que la douceur de la Providence de Dieu sur plusieurs ames se manifeste en nos jours..

  A016003385 

 Je le demanderay a Dieu, pour le bonheur de cette ville, avec la mesme passion que je suis.

  A016003385 

 Perseverez, Monseigneur, a faire tel present a nostre France, et pleust a Dieu que nostre Grenoble possedast desja un couvent de [398] vos cheres Filles, comme une relique de vostre esprit que l'on voit beaucoup reluire en elles.

  A016003399 

 Ainsi en fay-je priere a Dieu, et me semble que je vois tout le Ciel rire de contantement, et tout l'enfer fremir de rage contre cette nouvelle façon de suivre Jesus Christ, ou tant de bonnes ames trouveront le chemin du beau Paradis..

  A016003399 

 Je loüe Dieu d'un cœur joyeux que vous ayes transplanté la racine et des branches en nostre France, ou elles rendent desja une odeur de pieté et de devotion qui restaurera la devotion et ralumera le feu du saint amour en plusieurs cœurs de glace.

  A016003414 

 Priantz, sur ce, Dieu vous avoir en sa sàincte garde..

  A016003428 

 La resolution que vous aves prise de servir avec tant de zelle a Dieu et au prochain Nous a esté tres aggreable, et Nous ne pouvions recevoir davantage de contentement que de l'election que vous aves faicte en Nous, pour estre mere et protectrice de vostre devote compagnie; ce que Nous avons accepté tres volontier, pour avoir part a une sy bonne œuvre.

  A016003446 

 Je tascheray de faire escrire quelqu'un pour Dieu; et encour, si M. Gojon me donnera argent, je fourniray quelque chose, mais tout bellement; car ce bon sieur voudroit tirer la cause au long et y voir moien de gaigner.

  A016003450 

 Dieu vueille qu'elle profite!.

  A016003451 

 Quand Dieu permettroit tout cela, sa saincte volonté soit accomplie!.

  A016003452 

 Dieu et de ce grand Pere des moines, sainct Benoit; mais avec tout cela, je suis tout preparé de recevoir avec toutte sorte d'actions de graces, de patience et mortification, tout sinistre evenement qui pourroit arriver, puis que c'est chose asseuré que Dieu permet tout pour le mieux.

  A016003452 

 Dieu soit loüé! Soyés certain que mon courage durera autant que ma vie; autant puisse durer l'argent!.

  A016003458 

 Dieu soit loüé! Je luy ay donné grand nombre de lettres; et dempuis son despart, le tems a tous-jours esté tres-beau et serain, et l'est tous-jours, Dieu mercy.

  A016003458 

 Il a acquis prou de devotion pour toutte sa vie, s'il la sçait conserver: Dieu luy en fasse la grace..

  A016003473 

 Et sur ce, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003484 

 Et Nous asseurantz que vous y ferés tout incontinant, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003497 

 Atant, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003576 

 «Cette bonne Dame fut tellement touchée de cette lecture et conçut une si haute estime de l'auteur de ce livre, qu'ayant appris qu'il avait érigé une Congrégation en laquelle il avait donné des lois encore plus parfaites, elle fit vœu à Dieu de ne se point donner de cesse et d'employer toutes ses industries pour se faire conduire à Annecy auprès du saint Pasteur et de la nouvelle Congrégation.» Malgré les contradictions qui n'étaient pas pour faire fléchir une volonté tenace, en dépit d'une «petite complexion,» et indécourageable, elle put arriver à Lyon.

  A016003577 

 Grand sujet de peine pour M me Elisabeth, de se voir arrêtée, presque au terme du voyage, par ce malencontreux accident! Mais Dieu la secourut à propos, en lui ménageant la connaissance de Claude de Sevelinges, aumônier de l'abbaye de Belleville.

  A016003581 

 Il s'agissait d'«epier», disent les Annales du temps, «si c'etoit la terre que Dieu leur vouloit donner.» Cette décision n'était pas le fruit d'un enthousiasme irréfléchi ni d'une vaine curiosité.

  A016003585 

 Celui-ci, connaissant «le fond de cette grande ame,» ne se contenta pas d'encourager vivement son dessein, mais «luy ouvrit la pensée... d'oser quelque chose de plus avantageux pour la gloire de Dieu, par la fondation d'un nouveau Monastere» de la Visitation à Lyon même.

  A016003587 

 A l'imitation des anciens contradicteurs, qui disaient si Dieu ne parlait qu'à Moyse, ils dirent aussi... si Dieu ne faisait des merveilles que par l'Evêque de Genève; si d'autres Evêques ne pouvaient pas ériger des Congrégations autant parfaites et bien réglées que celle qui était établie à Annecy.

  A016003590 

 Notre bienheureuse Mère ne se fâcha aucunement de ce changement; au contraire, elle en bénit Dieu, disant à nos Sœurs que cela devait apprendre à toutes qu'il faut jeter de profondes racines en la très-sainte humilité.».

  A016003594 

 Le bon Prélat, comprenant bien que les pauvres filles «ne s'êtoient rangées» à la Congrégation «que par pure obeyssance» et que leur désir ne venait pas d'inconstance, mais de l'esprit de Dieu, promit de leur donner toute satisfaction et d'en écrire lui-même à l'Evêque de Genève..

  A016003595 

 «Ouy da, ma tres chere Fille,» répondit-il, «nous donnerons de bon cœur de nos Seurs de la Visitation pour «augmenter la gloire de Dieu.» Toute la lettre respire le sentiment joyeux de l'action de grâces.

  A016003596 

 Notre-Seigneur y mit ordre: à l'ouverture des patentes, l'on vit que le mot était miraculeusement changé, et qu'où les hommes avaient mis Congrégation de la Présentation, il y avait en beau caractère bien formé Congrégation de la Visitation... Cette merveille... fut cause que notre petit Institut fut mieux goûté qu'il n'eût été; ceux qui avaient été contraires à notre établissement disaient alors: «La main de Dieu travaille pour ces Religieuses ici.».

  A016003597 

 Un récit plus circonstancié de la sainte Fondatrice complète les détails de ce fait merveilleux: «Nous avons appris de ma Sœur Colin,... que M. Fijean, à qui feu Monseigneur de Marquemont remit les lettres pour les porter au Roi afin qu'il les signât,» ayant «obtenu de Sa Majesté la permission que l'on demandait, comme il les présenta à mondit seigneur de Marquemont, l'on trouva le nom de Visitation au lieu de Présentation; de quoi Monseigneur l'Archevêque demeura fort surpris, et beaucoup plus, lorsqu'après avoir su dudit sieur Fijean qu'il avait présenté les lettres en la même forme qu'il les lui avait remises, et ne savait point la cause de ce changement, ni qu'il se fût fait, il voulut revoir celles qu'il avait écrites de sa main, et trouva le même mot de Présentation changé en celui de Visitation, sans qu'il apparût changement de caractère ni effaçure.» Alors, «l'on veid,» remarque la Mère de Chaugy, «que Dieu... avoit conduit l'esprit ou la main du secretaire, pour écrire ce qu'il avoit déterminé dans les conseils eternels de sa Providence.».

  A016003598 

 «Le Serviteur de Dieu ayant rêpondu... qu'il prenoit à un tres grand honneur» que [425] l'Archevêque «eut fait choix de ses Filles,» ce Prélat s'employa aussitôt à l'exécution de la pieuse entreprise.

  A016003608 

 LOUYS, par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre, a touts presens et advenir, salut..

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Sçavoir faisons que Nous, désirans subvenir ausdictes exposantes en cet endroict, et Nous rendre participans de leurs devotes prieres et oraisons pour la prosperité de cest Estat, de l'avis de la Royne Regente, nostre tres honnoré ( sic ) Dame et Mere, et de nostre propre mouvement, grace speciale, plaine puissance et autorité royalle: Avons permis et accordé, et comettons et accordons par ces presentes, signées de nostre main, ausdictes exposantes, de faire construire, bastir et ediffier, en nostre dicte ville de Lyon, un Convent de la Congregation des Sœurs dediées a Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION, au lieu et place qu'elles choisiront ou auront choysi [428] pour cet effect, à elles appartenant, moings incommode au publicq, et par l'advis du Gouverneur et des Prevost et Eschevins d'icelle ville, pour s'y r'enfermer et vivre le reste de leurs jours aux conditions qui leur ont estes prescriptes par ledict Archevesque de Lyon et soubz son auctorité et jurisdition; sans qu'elles puissent estre en ce que dessus, troublées ou empeschées par quelque sorte de personnes ou en quelque maniere que ce soit.


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000015 

 — Une race spirituelle que le Saint demande à Dieu de multiplier.

  A017000017 

 — La vie en dehors de Dieu est une mort.

  A017000019 

 Dans la correction des défauts, ne pas séparer la pratique de l'humilité de la fidélité envers Dieu.

  A017000020 

 — Dieu protège l'honneur des gens de bien 23.

  A017000034 

 — Dieu fait son bon plaisir malgré les petitesses et l'amour-propre des hommes.

  A017000043 

 — Une fille spirituelle du Saint qui donne espérance de bien servir Dieu.

  A017000046 

 Dieu porte avec nous les charges imposées par l'obéissance.

  A017000049 

 — Les choses vont d'autant mieux qu'elles sont plus au goût de Dieu et moins à notre gré.

  A017000051 

 Les dîmes et la volonté de Dieu.

  A017000054 

 — Le courage des filles du monde et celui des filles de Dieu.

  A017000065 

 — Haine mortelle du Saint pour le monde ennemi de l'esprit de Dieu.

  A017000067 

 Céleste nourriture des enfants de Dieu.

  A017000080 

 — « Rien au monde pour nostre cœur que Dieu, ni pour Dieu que nostre cœur ».

  A017000084 

 Vicissitude des années et permanence des affections formées par Dieu.

  A017000087 

 Ce que Dieu fera pour la Visitation, et ce qu'il fera pour la Mère Favre.

  A017000087 

 — Souffrir en Dieu rend la souffrance heureuse.

  A017000094 

 Etre ce que Dieu veut: faibles de corps, mais siens de cœur.

  A017000094 

 » — Soyons « vaysseaux bien profons » pour recevoir les grâces de Dieu. 89.

  A017000126 

 L' auteur du Traitté de l'Amour de Dieu réclame humblement l'examen de son ouvrage. 120.

  A017000133 

 Vouloir les vertus selon que Dieu les veut de nous.

  A017000134 

 Les enfants portés entre les bras de Dieu.

  A017000135 

 Pourquoi Dieu nous fait attendre la délivrance de nos imperfections.

  A017000141 

 Envoi de la Préface et de l'Oraison dédicatoire du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A017000146 

 — Deux fautes notables à corriger au Traittè de l'Amour de Dieu.

  A017000149 

 — Remercier Dieu quand il nous laisse ceux que nous aimons; acquiescer à sa volonté lorsqu'il nous les ôte. 146.

  A017000152 

 — Dieu ne laisse jamais succomber ceux qui se confient en lui.

  A017000163 

 François de Sales offre à son prince le Traitté de l'Amour de Dieu.

  A017000183 

 — Faire ce que l'on peut, et laisser le reste à Dieu. 175.

  A017000184 

 — « Tout pour Dieu: l'amour et le cœur qui ayme.

  A017000195 

 Que doit faire une âme continuellement attirée par Dieu à se reposer dans le sein de sa Providence.

  A017000201 

 — Dieu « donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017000207 

 — Envoi du Traitté de l'Amour de Dieu.

  A017000220 

 — La sainte imprévoyance de la vraie servante de Dieu 202.

  A017000224 

 — L'extérieur d'une fille de Dieu. 207.

  A017000225 

 La crainte excessive de la mort empêche l'âme de s'unir à Dieu par amour.

  A017000226 

 — « Se mortifier et faire toutes choses selon la volonté de Dieu.

  A017000235 

 — Une vérité connue des enfants de Dieu avant la dernière heure.

  A017000272 

 Dieu, a qui nous sommes, nous gardera et fera de plus en plus profiter en son saint amour et au veritable mespris de nous mesme..

  A017000305 

 A mesme que la tres souveraine bonté de la divine Trinité renvoye l'Esprit de son adoration en la sainte Eglise, elle renouvelle, ce me semble, celuy de la sacree vocation de ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, laquelle sortant de son païs sans sçavoir ou elle alloit, mais croyant a Dieu qui luy avoit dit: Sors de ta terre et de ton parentage, elle vint en la montagne qui avoit pour son nom: Dieu la verra; et Dieu l'a veüe, multipliant sa race spirituelle comme les estoiles du ciel..

  A017000306 

 Et Dieu en sera beni en l'eternité des eternités.

  A017000306 

 O! Dieu soit a jamais glorifié, ma tres chere Mere, avec laquelle je me res-jouis, ains au cœur de laquelle mon cœur se res-jouit comme en soy mesme.

  A017000319 

 Ouy, ma chere Mere, car il se faut bien garder de penser ailleurs qu'au Paradis ou au Purgatoire, puisque, [7] graces a Dieu, il n'y a point de sujet de penser autrement.

  A017000321 

 Or sus donq, ma tres chere Mere, que j'ayme d'un amour vrayement filial, ramassons bien nostre esprit dans nostre cœur et le rangeons au devoir qu'il a d'aymer tres uniquement Dieu, et ne luy permettons aucun amusement frivole, ni pour ce qui se passe en ce monde, ni pour ce qui se passe en l'autre; mays, ayant departi aux creatures ce que nous leur devons d'amour et de charité, rapportons tout a ce premier amour magistral que nous devons au Createur, et conformons-nous a sa divine volonté..

  A017000333 

 J'iray en Chablaix ce moys d'aoust, Dieu aydant, ou j'auray toute commodité de la voir, si elle y est, pourveu [9] qu'on ne s'apperçoive point des bonnes pensees dont il est question, car ce sont choses que le monde contredit tous-jours..

  A017000335 

 Je loue Dieu du mari et suis son serviteur.

  A017000335 

 Ma tres chere Fille, vives toute a Dieu, hors lequel la vie est une mort.

  A017000349 

 Quand le livre dont vous me parles sera imprimé, qui ne peut estre de deux mois, vous en aures, Dieu aydant, que je prie cependant de vouloir estre luy mesme le livre de vostre cœur, dans lequel vous lisies et apprenies a bien aymer sa tressainte Croix, delaquelle il vous fait participante..

  A017000366 

 Vous sçaves que je vous ay souvent dit que vous devies estre affectionnee esgalement a la prattique de la fidelité envers Dieu et a celle de l'humilité.

  A017000369 

 Retenes bien vostre esprit en Dieu; lises le plus souvent que vous pourres, mais peu a la fois et avec devotion.

  A017000383 

 La passion, a l'abord, nous fait tous-jours desirer des vangeances; mais quand nous avons un peu de crainte de Dieu, nous n'osons pas les appeller vangeances, ains nous les nommons reparations..

  A017000385 

 Croyés moy, ma chere Fille, l'honneur des gens de bien est en la protection de Dieu, qui permet bien quelquefois qu'on l'esbransle pour nous faire exercer la patience, mais jamais il ne le laisse atterrer, et le releve soudain..

  A017000386 

 Vivés toute a Dieu, pour lequel je suis, Madame,.

  A017000400 

 ... C'est pour donner a Dieu des filles d'orayson et des ames si interieures, qu'elles soyent treuvees dignes [16] de servir sa Majesté infinie et de l'adorer en esprit et en verité.

  A017000409 

 Pour Dieu, ma tres chere Mere, tenons nostre cœur en suavité, tous-jours inseparablement present a soy mesme, puisque l'extraordinaire unité dont Dieu l'a doué peut bien faire ce coup, et que la necessité du service de sa gloire requiert que nous employons cette grace a cela.

  A017000418 

 Or sus, j'iray aujourdhuy voir ce seigneur: Dieu y mette sa main.

  A017000430 

 Mays en attendant, conserves vous, je vous en supplie, ma tres chere et tres bonne Mere, que je verray, Dieu aydant, demain..

  A017000455 

 Je vous escriray un petit billet a part affin qu'elle le voye, ayant bien du desir qu'elle sache que je la cheris et estime, pour la plus grande gloire de Dieu..

  A017000457 

 Elle se confessa derechef a moy, pour sa consolation et non par necessité, car elle avoit receu le jour precedent tous ses Sacremens, et mesme l'Extreme Onction, et fit la plus absolue indifference que j'aye jamais veuë; car ses domestiques et voysins la pressant de faire des vœux pour guerir, jamais elle ne voulut, mays dit que ce que Dieu feroit luy seroit le plus aggreable et qu'elle ne voudroit pas, par le moindre desir dû monde, demander a Dieu ni la vie ni la mort, luy laissant sans reserve sa vie entre ses mains, pour en faire a son gré; et ce qu'il [23] luy plairoit seroit aussi ce qu'elle vouloit.

  A017000457 

 Et, bien qu'elle dist que sa Françon, ma filleule, luy touchoit un peu le cœur parce qu'elle estoit encor si petite, neanmoins elle adjoustoit, non seulement avec force, mays avec tendreté, que si Dieu la retiroit, il sçavoit bien ce qu'il feroit de cette fille, et que, pour elle, elle ne vouloit nullement desirer de vivre, sinon tout ainsy que Dieu le voudroit.

  A017000460 

 A Dieu, ma tres chere Mere, le doux Jesus soit a jamais nostre vie.

  A017000472 

 Au reste, nous voyci dans la paix, graces a Dieu, que je supplie la vouloir rendre longue et heureuse.

  A017000492 

 En somme, sachés, je vous supplie, Monsieur, que cet enfant m'est cher comme mes yeux, et que, de son costé, il paternise excellemment a m'aymer; et si, j'espere que, passé ces annees perilleuses, on le verra encor paterniser en plusieurs autres conditions, Dieu aydant.

  A017000507 

 J'espere neanmoins que le benefice de nature qu'ell'a eü apres une si longue retention, luy sera salutaire et que, moyennant les remedes que ce bon medecin, qui est fort experimenté, luy appliquera, le mal ne passera pas le septiesme, Dieu aydant, lequel nous prierons ardemment pour elle..

  A017000556 

 Voyes un peu, ma chere Mere, et penses; et sil vous semble que c'est la gloire de Dieu, dites-leur qu'oüy, pour moy comme pour vous mesme.

  A017000569 

 Le bon Frere Adrien part d'icy avec moy; mais luy, ma tres chere Mere, pour aller ou vous estes, et moy pour aller en Abondance, ou vous n'estes pas encor, mais ou vous seres quand j'y seray, puisque Dieu a voulu que nous ne fussions qu'une mesme chose en luy.

  A017000584 

 Et je me suis resouvenu du jardin, quand j'ay veu comme Dieu faisoit son bon playsir malgré la foiblesse des espritz humains et les tenebres de l'amour propre.

  A017000584 

 Le P. D. Juste viendra, je m'asseure, soudain icy, pour achever un affaire que Dieu a tres heureusement acheminé par mon service, et j'espere que luy mesme fera encor l'accommodement des jardins, que vous aves tant de justes sujetz de desirer et que nostre chere Mere affectionne tant; je dis nostre Mere en tout ce qu'ell'est.

  A017000586 

 ... et envoyer par la premiere commodité [le paquet] ci joint, et aymes [toujours bien mon] ame, la recommandant a la [miséricorde] de Dieu, qui vous comble toute de ses benedictions.

  A017000596 

 O Dieu, qu'il est vray que la ferveur ne depend pas de la bouche des confesseurs differens, mays de la grace de Dieu et de la simplicité et humilité du cœur! Mays les Constitutions sont claires, qu'on peut appeller des confesseurs outre les quatre fois, pour la consolation de celles qui le desirent.

  A017000610 

 Mon Dieu, ma bonne Mere, que cette vie est trompeuse et que l'eternité est desirable! Que bienheureux sont ceux qui la desirent! Tenons nous bien a la main misericordieuse de nostre bon Dieu, car il nous veut tirer apres soy.

  A017000622 

 Or, il ne se peut dire combien l'advancement des Peres Barnabites en ces contrees de deça sera utile pour celuy de la gloire de Dieu, non seulement pour la confirmation de la foy parmi ces bons peuples, qui, a la faveur de l'incomparable courage et rare pieté de Monseigneur, pere de Vostre Altesse, ont esté remis dans le giron de la sainte Eglise catholique, mays aussi pour la confusion des ennemis de la foy qui environnent de toutes parts cette province, delaquelle il ne se peut faire que le bien spirituel ne s'escoule petit a petit sur le voysinage, [46] qui, parce moyen, pourra recevoir insensiblement des grandes dispositions pour se convertir et reduire au devoir..

  A017000623 

 Mais encor, Monseigneur, je ne puis me retenir que je ne tesmoigne la joye que je sens dequoy, parla venue de ces bons Peres en cette ville, nous verrons refleurir le saint service divin dans l'eglise de Saint Augustin, fondee par le fameux Amé, grand aïeul de Vostre Altesse, et en une ville honnoree de la naissance de cet excellent Serviteur de Dieu, le bienheureux Amé, duquel nous respirons la canonization avec des desirs nonpareilz, esperant que, par la publique invocation de son secours, nous obtiendrons la fin de tant d'afflictions, de pestes et tempestes, desquelles, despuis quelques annees, il a pleu a Dieu de visiter ce peuple..

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000639 

 Et quand le mal prendroit accroissement, je feray en sorte que je ne courray nul danger, moyennant la grace de Dieu.

  A017000640 

 Je vous prie, a la premiere commodité, d'escrire fermement a madame de Chantal qu'elle ne se mette nullement en peine pour tous ces bruitz, beaucoup plus grans que le mal, ni pour moy, qui suis bien sage et me garderay fort bien de peril, Dieu aydant..

  A017000674 

 Mays de cela, nous en parlerons a mon retour, Dieu aydant..

  A017000676 

 Dieu vous benisse, et je suis tout en luy,.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000696 

 Il se faut arrester a ce que Dieu ordonne et son Eglise, et a ce que les Saintz et Saintes enseignent.

  A017000732 

 Nous nous sommes entretenus, le bon P. Commissaire et moy, ma tras chere Fille, et conspirerons a bien faire, Dieu aydant.

  A017000733 

 Il ne se peut dire combien j'ay treuvé le cœur de cette bonne femme a mon gré et combien j'espere qu'elle servira bien Dieu.

  A017000734 

 Dieu donq face sa tressainte volonté..

  A017000749 

 Il y a quelque tems qu'on a commencé d'introduire en ces païs de deça l'art de la soye, et ne se peut [65] dire combien le progres seroit utile au service de Dieu pour retirer plusieurs ames d'entre les hæretiques, pour affoiblir Geneve, qui se soustient en bonne partie de ce traffiq, et pour soulager les sujetz de Vostre Altesse qui gaigneroyent en ce commerce ce que nos ennemis gaignent..

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000765 

 Pleut a Dieu que l'affliction leur donnast l'entendement, affin qu'ilz reconneussent aussi bien la peste spirituelle delaquelle ilz meurent et font mourir tant de gens, comme ilz sont contrains de confesser la temporelle..

  A017000766 

 Dieu vous comble de bonheur, Monseigneur, selon les vœux de.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000785 

 Dieu soit a jamais au milieu d'e vostre cœur.

  A017000785 

 Pour moy, il y a long tems que je prie Dieu pour vous fort particulierement, estimant que sa divine providence se serviroit de vous pour l'acheminement de l'edifice spirituel de cette petite Congregation.

  A017000793 

 Je m'imagine que vous estes a Rumilly maintenant, ma tres chere Fille, et je vous escris ce billet sans loysir, pour vous accuser la reception de la lettre que vous m'escrivistes l'autre jour de la Flechere, louant Dieu de la guerison de vostre Charles, que vous aves maintenant, Dieu aydant, sain pour long tems..

  A017000828 

 Ceignes vos reins de force et remplisses vostre cœur de courage, et puis, dites: Je feray prou, non pas moy, mais la grace de Dieu avec moy.

  A017000828 

 Il ne faut pas, ma chere amie ma Fille, permettre a vostre esprit de se regarder soy mesme et de se retourner sur ses forces ni sur ses inclinations; il faut ficher les yeux sur le bon playsir de Dieu et sur sa providence.

  A017000828 

 La grace de Dieu, donques, soit a jamais avec vostre esprit. Amen..

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000859 

 Vous aves rayson, ma tres chere Fille, d'estre bien franche au payement des dixmes, car c'est la volonté de Dieu.

  A017000862 

 Dieu vous benisse de ses plus cheres graces, ma tres chere Fille, et je suis en luy, tout parfaitement vostre.

  A017000876 

 Je n'ay encor point entretenu nostre bon M. François a cœur joye; ce sera, Dieu aydant, a son premier loysir.

  A017000877 

 Dieu, par sa bonté, commandera aux vens et a la mer, et la tranquillité se fera grande..

  A017000894 

 O Dieu, ma chere Mere, Dieu, dis-je, soit a jamais nostre vie.

  A017000903 

 Pauvres et chetifves creatures que nous sommes, en cette vie mortelle nous ne pouvons quasi rien faire de bon qu'en souffrant pour cela quelque mal; non pas mesme nous ne pouvons quasi pas servir Dieu d'un costé que nous ne le quittions de l'autre, et souvent il nous convient quitter Dieu pour Dieu, renonçant a ses douceurs pour le servir en ses douleurs et travaux..

  A017000904 

 Il faut bien que les filles de Dieu ayent un courage encor plus grand que cela, pour former en sainteté et pureté de vie des enfans a sa divine Majesté..

  A017000906 

 Or sus, ma chere Fille, tenés vos yeux haut eslevés en Dieu; aggrandissés vostre courage en la tressainte humilité, fortifiés-le en la douceur, confirmés-le en l'esgalité; rendés vostre esprit perpetuellement maistre de vos inclinations et humeurs, ne permettés point aux apprehensions d'apprehender vostre cœur: un jour vous donnera la science de ce que vous aures a faire le jour suivant.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000907 

 Ne regardés point cette varieté d'imperfections qui vivent en vous et en toutes les filles que Nostre Seigneur et Nostre Dame vous ont confiées, sinon pour vous tenir en la sainte crainte d'offencer Dieu, mays non jamais pour vous estonner; car il ne se faut esbahir si chaque herbe et chaque fleur requiert son particulier soin en un jardin..

  A017000907 

 Voyés souvent Dieu a vostre dextre et les deux Anges qu'il vous a destinés, l'un pour vostre [80] personne, l'autre pour la direction de vostre petite famille.

  A017000908 

 J'ay sceu quelqu'une des graces que Dieu fit a nostre tres chere Seur Marie Renee sur son trespas.

  A017000909 

 Faites-moy la consolation, ma chere Fille, de m'escrire souvent, et me dire tous-jours en confiance les choses que vous croires que je puisse utilement sçavoir de l'estat [81] de vostre cœur, que je benis au nom de Nostre Seigneur de tout le mien, et suis en Dieu tout vostre..

  A017000920 

 Dieu vous benisse en toute vostre ame, ma tres chere Fille, et je suis en luy parfaitement tout vostre..

  A017000936 

 Cependant, suppliant a jamais Dieu quii benisse de ses plus grandes benedictions vostre personne et vostre coronne,.

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000972 

 Il y a bien asses long tems que je n'ay point eu de nouvelles de ma seur madame de Grandmayson, mais j'en tireray un de ces jours, Dieu aydant, en luy escrivant par la commodité de Lion.

  A017000973 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, Madame ma tres chere Mere, et je suis de tout le mien,.

  A017000991 

 Je respons a la lettre qu'il vous pleut de m'escrire hier, quatorziesme de ce mois, que je reçoy tout presentement, et supplie Vostre Excellence de croire qu'en cette occurrence je regarde Dieu et ses Anges, pour ne rien dire qu'avec l'honneur que je doy a la verité..

  A017000996 

 Vostre Excellence ne m'obligera pas peu si elle en asseure Son Altesse, et je luy engage pour cela mon honneur et ma reputation, et a Dieu qui le sçait, ma conscience et mon salut..

  A017001019 

 Dieu, qui sçait ce qui est requis a vostre cœur mien et a ceux de nos Seurs, me veuille suggerer selon sa gloire.

  A017001028 

 Dieu benisse eternellement vostre cœur, ma tres chere Fille, que le mien cherit plus qu'il ne se peut dire.

  A017001039 

 Certes, et moy et tout, j'ay grand desir que nous nous voyons un peu; ce sera demain, Dieu aydant.

  A017001060 

 J'ay esté un peu mal pour toute cette semaine, mais ce n'est rien maintenant, que je m'en vay mesme, Dieu aydant, dire la Messe a la Visitation..

  A017001062 

 Certes, je ne luy ay point fait de declaration, mais je ne laisse pas en mon ame de le hair a mort, par ce quil hayt a mort l'esprit de Dieu et les enfans du Crucifix.

  A017001062 

 O que bienheureuses sont ces cheres filles, lesquelles sacrifient ces petitz momens de vie mortelle a la gloire et a l'amour de Celuy qui leur donnera des eternités amoureuses en l'abondance de sa suavité! Elles s'en vont toutes braves et courageuses; et Dieu soit a jamais au milieu de leur cœur et du vostre, ma tres chere Fille bienaymee, que je salue de toute mon ame.

  A017001062 

 Or, puisque vrayement c'en sont, quel moyen y auroit il de n'estre pas bien ayse du bien de ces cheres ames et de l'avancement de la gloire dé Dieu? Et si, je confesse a ma tres chere Fille, quil y a un peu de la malice dans mon cœur; car je suis bien ayse encor que le monde soit trompé et que ces filles, qui sembloyent estre en ses bonnes graces, se moquent de luy, le quittent et le mesprisent, car en verité il le merite, d'autant quil ne vaut rien et quil mesprise Dieu.

  A017001062 

 Pour moy, j'en seray tous-jours accusé, et si, je n'en puis mays; car encor que je prendrois a grand honneur d'avoir servi Dieu en cela, si est ce que sa Bonté a voulu le faire elle mesme, par des inspirations venues de sa Providence dans ces ames lhors que la mienne n'y pensoit point, et a la premiere connoissance que j'en ay eu, j'ay intimé le loysir et la dilation, pour voir si c'estoit bien des inspirations.

  A017001076 

 Graces a Dieu, nous voyons que sa divine Providence s'en veut servir pour le bien de plusieurs ames en divers endroitz, ou l'on desire cette Congregation, laquelle par miracle est fœconde, ce semble, au propre instant de sa naissance.

  A017001076 

 Or, Dieu aggrandira son courage et luy donnera la force d'un zele genereux, sur le fondement d'une humilité profonde..

  A017001078 

 Mays j'espere en Dieu que, avec un esprit noble, vous vous tiendres exempte de tout ce qui peut donner scrupule.

  A017001078 

 Sur tout, ne vous estonnes point, mais renouvelles souvent vos vœux, et, vous humiliant devant Dieu, promettes a vostre cœur la victoire de la part de la Sainte Vierge.

  A017001081 

 Or je ne doute point que Dieu ne vous donne les mesmes sentimens, puisque vous estes un seul esprit avec tous nous..

  A017001083 

 Dieu aggrandisse ses [103] benedictions sur luy et sur nostre monsieur l'Aumosnier.

  A017001083 

 Pour Dieu, salues un peu Monseigneur l'Archevesque quelquefois de ma part; vous ne sçauries croire ce que je luy suis, et comme Dieu benit sa petite visite quil fit icy.

  A017001101 

 Dieu vous suggerera, ma tres chere Fille, tout ce qu'il veut de vous, si en l'innocence et simplicité de vostre cœur, avec une entiere resignation de vos inclinations, [105] vous luy demandes souvent en vostre interieur: Seigneur, que voules vous que je face? Et je suis consolé que vous ayes des-ja ouy sa voix et que vous le servies en la nourriture de ces filles..

  A017001102 

 L'excuse aussi n'estoit pas bonne de dire: Je n'ay pas des mammelles, je n'ay point de lait; car ce n'est pas de nostre lait ni de nos mammelles que nous nourrissons les enfans de Dieu; c'est du lait et des mammelles du divin Espoux, et nous ne faysons autre chose sinon les monstrer aux enfans et leur dire: Prenes, succes, tires et vives.

  A017001103 

 A mesure que vous entreprendres, sous la force de la sainte obeissance, beaucoup de choses pour Dieu, il vous secondera de son secours et fera vostre besoigne avec vous, si vous voules faire la sienne avec luy.

  A017001103 

 La paix n'est pas juste, qui fuit le labeur requis a la glorification du nom de Dieu..

  A017001114 

 Pleust a Dieu, Monsieur, qu'ilz eussent esté auditeurs des discours de Monseigneur de Lion et de moy! et ilz auroyent veu et sceu que nous n'avons pas, que je sçache, dit une parole qui ne tende a l'advancement de la gloire de Dieu dans nos troupeaux; et nous estimons les discours des capitaines et soldatz indignes d'occuper le tems des Pasteurs de la bergerie du Dieu vivant..

  A017001127 

 Or, Monseigneur, c'est la pure et vraye vérité: ainsy j'en proteste devant Dieu et ses Anges..

  A017001128 

 Mays, Monseigneur, Dieu m'a fait cette grace, que jamais personne ne m'a estimé homme d'affaires, ou du moins, ne m'a accosté pour cela.

  A017001128 

 Pleut a Dieu, Monseigneur, que l'Eglise eut plusieurs de telz Pasteurs, car le nom de Nostre Seigneur en seroit bien mieux loué et sanctifié..

  A017001129 

 J'ay si souvent experimenté la debonaireté et equité de Vostre Altesse en toutes les occurrences esquelles la calomnie a osé entreprendre sur mon innocence et candeur, que je demeure fort paysible en celle ci, puisque mesme le tems, garend et protecteur de la verité, a des-ja fait voir par longues annees, que je suis inviolable et immobile en la resolution que Dieu a establie en moy de ne vivre qu'a ma profession et, en icelle, avoir tous-jours le cœur dedié a l'obeissance de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant sans fin mille et mille benedictions, je demeure,.

  A017001158 

 Mais puysque les differens sont sousmis a des si bons arbitres et superarbitres, je m'en rapporte a ce qu'ilz en diront, sachant qu'ilz sont asses clairvoyans pour discerner de cela et de chose plus difficile, et pour conduire ces deux espritz a une paysible concorde que je prie Dieu leur vouloir donner.

  A017001160 

 Il y a grand bruit, certes, de toutes parts pour le dessein de la chere niece et de madame du Chatelart, et c'est bon signe que Dieu en sera glorifié.

  A017001160 

 Les hommes sont admirables en leurs cogitations humaines, mays Dieu est suradmirable es siennes divines, qu'il fera reuscir selon son bon playsir..

  A017001174 

 C'est mon extreme consolation de sçavoir que ma grande Fille marche avec sa petite trouppe selon la divine volonté, ne se lassant point d'avancer en la divine dilection par un soin constant et paysible, parmi ces cheres ames que Dieu a choisies pour son honneur..

  A017001184 

 Je croy que Dieu vous tient de sa main, ma tres chere [113] Fille, car le Reverend Pere General des Feuillans me l'escrit.

  A017001185 

 Voyes vous, cette petite trouppe de filles, c'est une couronne que Dieu vous prepare et dont vous jouires en la felicité eternelle; mais il veut que vous la porties toute dans vostre cœur en cette vie, et puis il la mettra sur vostre teste en l'autre..

  A017001186 

 Je veux dire, ma chere Fille, ne plaignés point la perte de vos commodités spirituelles et des contentemens particuliers de vos inclinations, pour bien cultiver ces cheres ames; car Dieu vous en recompensera au jour de vos noces eternelles..

  A017001187 

 Ne voyes vous pas, ma chere ame (car mon cœur me fait dire ainsy), que vostre petite Congregation est comme une fontaine sacree en laquelle plusieurs ames puiseront les eaux de leur salut, et que des-ja plusieurs, a l'imitation de la vostre, veulent eriger d'autres pareilles Congregations a la grande gloire de Dieu et a la grande facilité du salut pour plusieurs? Ne vous lassés donq nullement d'estre mere, quoy que les travaux et soucis de maternité soyent grans..

  A017001188 

 Hé! Dieu, respandés sur elles l'esprit de douceur et de simplicité, l'esprit d'amour et d'humilité, [114] l'esprit d'obeissance et de pureté, l'esprit de joye et de mortification!.

  A017001189 

 Dieu soit beny..

  A017001199 

 Mon Dieu que ce silence me dit des grandes choses! Il m'apprend [115] a faire la vraye orayson mentale; il m'apprend la ferveur amoureuse d'un cœur qui est saisy d'affections que nourrissent ces douces pensees et qui a peur d'en perdre la suavité s'il les prononce..

  A017001201 

 Je vous prometz qu'en cette Messe de la minuit, en laquelle il me semblera voir une cresche sur l'autel et le divin Poupon faysant ses doux yeux pleins de larmes plus pretieuses que des perles, je l'offriray a Dieu son Pere avec le congé de sa Mere, et le demanderay pour vous, affin qu'il soit a jamais le cœur de vostre cœur et l'unique Espoux de vostre ame.

  A017001201 

 Mon Dieu, que ce mystere est doux! Le premier ravissement de vostre saint Bernard fut d'une vision d'iceluy, et par ce moyen il rendit son cœur et sa bouche pleine du lait de la Sainte Vierge et des larmes de ce doux petit Enfant..

  A017001213 

 Ce doux Enfant soit a jamais la vie de vostre cœur, ma tres chere Fille, que je cheris nompareillement, et qui est tous-jours present au mien, tant il plaist a Dieu que mon affection se fortifie par cette petite separation de bien exterieur..

  A017001227 

 Dieu soit vostre lumiere et vostre protection!.

  A017001269 

 Il me reste de prier ardemment le Dieu très grand et très bon de vous conserver en santé, sainteté et piété à l'affection de votre troupeau et à la mienne..

  A017001293 

 Il est vray que les amitiés et affections fondees sur la gloire de Dieu sont invariablement inviolables, ma chere Fille, de sorte que ni le silence, ni les esloignemens, ni la variété des accidens ne sauroyent desfaire ce que Dieu a fait.

  A017001294 

 [125] Il est bon que nous ne soyons pas tous-jours attachés aux mammelles de nostre Dieu et que nous soyons un peu sevrés de sa douceur..

  A017001295 

 Ah, quel bonheur est celuy que, changeant de place, vous ne changes point de cœur! Mon Dieu, ma Fille, puisque nostre cœur ne change point de Dieu, pourquoy changeroit-il d'amour? Aussi bien n'y a-il rien au monde pour nostre cœur que Dieu, ni pour Dieu que nostre cœur.

  A017001317 

 Ah, mon Dieu, ma chere Mere, que je desire d'amour divin a ce cœur, que je luy souhaitte de benedictions! Baysons mille fois les pieds de ce Sauveur et disons-luy: Mon cœur, o mon Dieu, vous proteste, ma face vous desire; ah! Seigneur, ma face recherche vostre face.

  A017001318 

 Que nul jour de cette annee, ains que nulle annee ni nul jour de plusieurs annees, que je supplie Dieu vouloir donner a ma tres chere Mere, ne se passe qu'il ne soit arrousé de la vertu de ce sang, et ne reçoive la douceur du vent de ce nom qui respand le comble de toute suavité.

  A017001330 

 Aussi fut elle formee de la main eternelle de Dieu, a mesme que la bienveuillance que vous aves pour moy fut creee en vostre esprit; et si, elle ne regarde aussi que l'eternité.

  A017001332 

 En ces momens, pourtant, comme dans un petit noyau, est enclose la semence de toute l'æternité, et en ces menus travaux de la devotion que nous devons prattiquer est enfermé le prix de l'infinité de la gloire, et ce petit soin de servir Dieu produit le repos d'une joye perdurable.

  A017001333 

 Et si Dieu exauce mes souhaitz, ce mariage sera fleurissant en toute sorte de benedictions, et rendra en son tems les fruitz d'une desirable et belle posterité.

  A017001333 

 Il ne se peut dire, Monsieur mon Filz, combien j'ay de consolation de sçavoir que monsieur vostre frere, ce digne et brave seigneur qui vous tient lieu de cher enfant, est enfin marié; car je ne doute point que cela ne luy soit un grand moyen pour bien servir Dieu, a quoy il est asses porté par la generosité de son courage, outre que je m'imagine que vostre contentement, Monsieur, en est grand.

  A017001334 

 Vives a jamais en Dieu et pour Dieu, Monsieur, et aymes constamment.

  A017001355 

 Nostre Geneve est tous-jours dangereusement travaillee de contagion, et, par merveille, jusques a present toute la Savoye en est exempte, graces a ce bon Dieu qui, a l'adventure, par la peste temporelle, les veut guerir de la spirituelle, ou bien les prendre du costé du Ciel, puisque du costé de la terre, les hommes s'en empeschent les uns les autres..

  A017001383 

 Je ne vous puis dire autre chose sur ce que vous m'escrives, sinon que Dieu fera plus que les hommes ne peuvent penser pour cette Congregation, et spirituellement et temporellement; et n'en avons nous pas d'asses bons gages jusqu'a present?.

  A017001384 

 Hé, mon Dieu, puisque vous aves tiré ce cœur de ma grande fille a vous, perfectionnes le en vostre saint amour.

  A017001385 

 Souffrés toute vostre fievre en Dieu, et la souffrance vous sera heureuse, ma tres chere grande Fille..

  A017001386 

 Je desire que le zele de la tres grande gloire de Dieu arde et regne continuellement en vostre cœur, et qu'en [134] toute occasion il paroisse par modestie, douceur, humilité et devotion.

  A017001387 

 Dieu vous benisse a jamais, ma chere Fille..

  A017001395 

 Dieu en soit loué, a la gloire duquel je m'asseure qu'elle destinera encor plus ardemment le reste de sa vie..

  A017001398 

 Vives tout a Dieu, ma tres chere Fille, et cherisses tous-jours fortement mon ame qui vous est toute dediee, comme je suis sans fin,.

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001425 

 Et non seulement ma volonté, mais mon jugement a esté bien ayse de se sousmettre et rendre l'homage quil doit a celuy de ce digne Prælat; car, ma Fille, que prætens-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié et que son saint amour soit respandu plus abondamment dans le cœur de ces ames qui sont si heureuses que de se dedier toutes a Dieu? Les Congregations et les Religions [139] ne sont point differentes devant la divine Majesté, car, selon icelle, les vœux des unes sont aussi fortz que ceux des autres; et le tiltre de Congregation n'estant pas si specieux ni honnoré, m'en playsoit davantage.

  A017001425 

 Mays, de bon cœur (voyes vous, ma Fille, je dis tres suavement), j'acquiesce que ce soit une Religion, pourveu que, par la douceur des Constitutions, les filles infirmes y soyent receues, les femmes vefves y aient retraitte, et les femmes du monde quelque refuge pour leur avancement au service de Dieu.

  A017001429 

 Ma tres chere Fille, pries Dieu quil remplisse mon cœur de son amour; j'en fay de mesme pour le vostre, qui me semble, certes, estre vrayement mien, comme le mien est tout vostre..

  A017001430 

 Il ny a pas grand hazard que le livre de l' Amour de Dieu soit retardé; je le fay cependant revoir..

  A017001448 

 Or il ne se faut point estonner, ma chere Fille, car, Dieu aydant, ce ne sera rien.

  A017001449 

 Je vay dire la sainte Messe a la Visitation, ou je feray la recommandation du malade, que je prie Dieu vouloir benir de sa sainte main, avec vostre cœur et toute vostre mayson.

  A017001462 

 O Dieu, avec quelle ardeur sa chere vefve va-elle sacrifier le sacrifice de toute justice a Dieu! Quand je n'aurois que cette parfaite brebis en mon bercail, je ne me sçaurois fascher d'estre Pasteur de cet affligé diocese.

  A017001463 

 Portes luy l'asseurance que mes prieres luy sont acquises pour le repos de son cher defunct et pour sa consolation particuliere, que je m'asseure estre toute en ces deux motz: Le nom de Dieu soit beni, sa volonté soit faite..

  A017001475 

 Les sentimens de l'absence du defunct ne peuvent pas si tost passer; il suffit que, en la pointe de l'esprit, nous soyons bien resignés au bon playsir de Dieu, et que nous taschions de nous unir de plus en plus parfaitement au second Espoux.

  A017001478 

 Dieu soit a jamais au milieu de nos cœurs.

  A017001491 

 Il faut estre ce que Dieu veut que nous soyons: foibles, vilz, abjectz, mais siens de cœur, d'intention et de resolution.

  A017001491 

 Pour M. vostre mari et le reste, vous en feres ce que [147] vous estimerés a propos; je croy bien que ce ne sera pas trop de luy donner des conseilz, attendu quil craint Dieu, et quil faut avoir soin de bien nourrir ceux qui nourrissent bien cette sainte crainte, encor que ce soit avec imperfection..

  A017001492 

 Il se peut bien faire que j'aye mal fait en cela, et ce ne seroit pas un grand miracle; mais je ne le pense pas pourtant, a cause de la consideration pour laquelle je l'ay fait et la liberté que chacun a de se prsevaloir des autres prestres; outre que cela ne durera comme rien, Dieu aydant.

  A017001493 

 Il faut avoir patience, et prier Dieu quil nous face tous humbles, affin que, [148] comme vaysseaux bien profons, nous soyons capables de recevoir ses graces en abondance..

  A017001494 

 Je suis en vraye verité tout vostre, ma tres chere Fille, et Dieu soit la vie de vostre ame..

  A017001508 

 Prenes, au nom de Dieu, tout ce qui sera requis pour vostre nourriture.

  A017001527 

 Si Monseigneur l'Archevesque vous dit ce qu'il m'a escrit, vous luy respondres que vous aves esté laissee la pour servir a l'establissement de vostre Congregation de tout vostre petit pouvoir; que vous tascheres de bien conduire les Seurs selon les Regles de la Congregation; que s'il plaist a Dieu, apres cela, que cette Congregation change de nom, d'estat et de condition, vous vous en rapportes a son bon playsir, auquel toute la Congregation est entierement voûee; et, qu'en quelle façon que Dieu soit servi en l'assemblee ou vous le serves maintenant, vous seres satisfaite..

  A017001528 

 Que si elle pouvoit estre utile a establir plusieurs autres Congregations de bonnes servantes de Dieu sans jamais s'establir elle mesme, elle n'en seroit que tant plus aggreable a Dieu, car elle seroit moins sujette a l'amour propre..

  A017001538 

 O prenes courage, je vous en conjure; c'est la ou les lis aggreables a vostre Espoux croissent et se nourrissent mieux, et le mouton que Dieu volut luy estre immolé au lieu d'Isaac estoit arresté entre les espines.

  A017001571 

 Mais, Monseigneur, puisque la providence de Vostre Altesse a planté ce bon arbre fruitier en cette province, c'est a elle mesme de l'arrouser, affin que, par la grace de Dieu, il puisse croistre.

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001604 

 Des grâces pour beaucoup de malades ont été obtenues au moyen de ses reliques; ce qui fait croire que Dieu veut que la vénération pour son Serviteur croisse et fleurisse de nos côtés..

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001617 

 Voyés que la charité a troys parties: l'amour de Dieu, l'affection a soy mesme et la dilection du prochain.

  A017001618 

 Jettés maintes fois la journee tout vostre cœur, vostre esprit et vostre soucy en Dieu avec une grande confiance, et luy dites avec David: Je suis vostre, Seigneur, sauves moy..

  A017001619 

 Ne vous amuses point beaucoup a penser quelle sorte d'orayson Dieu vous donne, ains suives simplement et humblement sa grace.

  A017001620 

 Cela ne doit point estre combattu que par des eslans en Dieu, des diversions d'esprit de la creature au Createur, et avec de continuelles affections a la tres sainte humilité et simplicité de cœur..

  A017001620 

 Non, ma Fille, ne vous en estonnes point; Dieu les permet pour vous rendre humble de la vraye [161] humilité, abjecte et vile en vos yeux.

  A017001622 

 Ma tres chere Fille, sçachés que j'ay une tres particuliere affection a vostre avancement, Dieu m'y ayant obligé..

  A017001631 

 Vrayement la moisson est bien grande; il se faut confier que Dieu donnera des ouvrieres.

  A017001659 

 Ne pensés pas, je vous prie, ma tres chere Niece, ma Fille, que ç'ayt esté faute de souvenance ou d'affection si j'ay tant tardé a vous escrire; car, a la verité, le bon desir que j'ay veu en vostre ame de vouloir servir fort fidellement Dieu, en a fait naistre un extreme dans la mienne de vous assister et ayder de tout mon pouvoir, laissant a part le devoir que je vous ay d'ailleurs et l'inclination que j'ay tous-jours eu pour vostre cœur, a cause de la bonne opinion que j'en ay des vostre plus tendre jeunesse..

  A017001660 

 Ah, que c'est une rare grace, ma chere Fille, de commencer a servir ce grand Dieu tandis que la jeunesse de l'aage nous rend susceptibles de toutes sortes d'impressions, et que l'offrande est aggreable, en laquelle on donne les fleurs avec les premiers fruitz de l'arbre!.

  A017001661 

 Tenés tous-jours ferme au milieu de vostre cœur les [166] resolutions que Dieu vous donna quand vous esties devant luy aupres de moy; car si vous les conservés en toute cette vie mortelle, elles vous conserveront en l'eternelle.

  A017001663 

 Or, pour le faire courtement, vous pourres en vous habillant remercier Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires, dequoy il vous a conservee cette nuict la, et faire encor le deuxiesme et le troysiesme point, non seulement en vous habillant, mays au lit ou ailleurs, sans difference de lieu ou d'actions quelcomques; puis, tout aussi tost que vous pourres, vous vous mettres a genoux et feres le quatriesme point, commençant a faire cet eslan de cœur qui est marqué: « O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable [167] cœur.

  A017001664 

 Ainsy, en l'eglise, oyés la Messe avec une contenance d'une vraye fille de Dieu, et plustost que de vous relascher de cette reverence, sortés de l'eglise et vous en retirés..

  A017001665 

 Apprenés a faire souvent des oraysons jaculatoires et des eslancemens de vostre cœur en Dieu..

  A017001670 

 Continués a beaucoup honnorer vostre beaupere, parce que Dieu le veut, le vous ayant donné pour second pere en ce monde; et aymés cordialement le mary, luy rendant, avec une douce et simple bienveuillance, tout le contentement que vous pourres; et soyés sage a supporter les imperfections de qui que ce soit, mais sur tout de ceux du logis..

  A017001671 

 Vivés donq toute joyeuse en Dieu et pour Dieu, ma tres chere Fille, ma Niece, et croyes que je vous cheris tres parfaitement, et suis infiniment, Madame,.

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001685 

 Nostre voyage sera court, et nous serons eternellement au Ciel et benirons Dieu..

  A017001715 

 Je loüe Dieu et benis son saint nom du bon acheminement qu'on a donné a la canonization du glorieux et bienheureux Amé.

  A017001715 

 Nul, comme je pense, ne sçauroit desirer la perfection de ce saint project avec plus d'affection que moy, qui prevoy que tout ce peuple de deça en recevra une extreme consolation et un grand accroissement de devotion, mays specialement a Thonon, lieu de la naissance de ce saint Prince, ou l'annee passee, lhors des premieres apprehensions de la peste de Geneve, je remarquay un mouvement universel de confiance es intercessions de ce bienheureux ami de Dieu, lors que je leur representay le juste sujet qu'ilz en avoyent, pour lhonneur que leur air avoit eu d'avoir servi a la premiere respiration de ce grand Prince..

  A017001716 

 Et pleut a Dieu, que le tressaint Pere eût esté supplié d'accorder une troysiesme Messe solemnelle, avec l'Indulgence pleniere, pour ce lieu la, car je m'asseure qu'en cette contemplation, Sa Sainteté l'eut volontier accordee.

  A017001717 

 Vostre Altesse fera sans doute en cela un'oeuvre grandement aggreable a la divine Majesté, et laquelle il me semble que le bienheureux esprit du glorieux Prince Amé luy recommande des le Ciel tres saintement; estimant que, comme par ses prieres Dieu fortifia le cœur de Son Altesse pour establir la foy en ce lieu la, aussi, par ses merites, Dieu animera l'esprit de Vostre Altesse pour ayder efficacement a y bien establir la tressainte devotion par le moyen de ces bons Religieux, qui assisteront et arrouseront les vieux arbres affin quilz multiplient en fruitz de pieté, et esleveront les enfans comme jeunes plantes a ce que la posterité devance, s'il se peut, leurs prœdecesseurs, et sachent tant mieux reverer leur saint Prince Amé et obeir en toute sousmission au sceptre et a la coronne qu'il a laissé en sa serenissime Mayson, que Dieu veuille a jamais prosperer,.

  A017001761 

 Dieu vous benisse a jamais, ma tres chere Fille, et nostre Mere vous salue cherement.

  A017001775 

 La sainteté de ces jours prochains m'excite a renouveler les vœux de mon obeissance envers Vostre Grandeur, et ceux de mes foibles prieres a Dieu pour la conservation et prosperité de vostre personne, Monseigneur, vous suppliant tres humblement d'accepter l'une et l'autre offrande et le tesmoignage que j'en fay sur ce papier, comme venant d'un cœur qui est invariable en la fidelité avec laquelle il veut et doit vivre a jamais,.

  A017001810 

 A quoy la promptitude de la resolution sera fort utile, que, vous recommandant de rechef, je prie Dieu de favoriser, et de vous combler de bonheur selon les souhaitz, mon Reverend Pere, de.

  A017001837 

 Mays, a la faveur de la sainteté de ce jour, j'en fay neanmoins tres humblement la reverence et l'action de graces a Vostre Altesse, la suppliant de continuer sa dilection et protection sur cette province, en laquelle l'avancement de la gloire de Dieu est de si grande consequence et plein de merite pour Vostre Altesse, que sa divine Majesté face a jamais prosperer es benedictions que luy souhaite,.

  A017001854 

 Mays, Monsieur, ce sont visites de simple pieté et affection spirituelle, n'ayant, graces a Dieu, jamais rien eu a demesler avec homme du monde, ni ne m'estant jamais meslé de chose quelcomque qui regarde les affaires seculieres.

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001899 

 Ainsy, Dieu vous benisse a jamais de son saint amour.

  A017001899 

 Au demeurant, ma tres chere Mere, demeurés avec la paix et consolation de Nostre Seigneur; et moyennant sa grace, dans huit jours au fin plus tard je seray icy, d'ou pourtant je ne penseray jamais sortir tandis que Dieu m'y tiendra en moy mesme.

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001900 

 Bon jour, ma tres chere Mere; conserves moy, je vous supplie, et je vous conserveray bien, Dieu aydant.

  A017001907 

 Je revins hier de Chablaix, ma tres chere Fille, ou, graces a Dieu, j'ay laissé les Peres Barnabites establiz, selon le commandement de Son Altesse et du Prince Cardinal.

  A017001908 

 Ma tres chere Fille, il y a deux sortes de bons desirs: l'une, de ceux qui augmentent la grace et la gloire des serviteurs de Dieu; l'autre, de ceux qui n'operent rien.

  A017001910 

 Par exemple, nul serviteur de Dieu ne peut estre sans ce desir: O que je desirerois bien de mieux servir Dieu! helas! quand le serviray-je a souhait? Et par ce que nous pouvons tous-jours aller de mieux en mieux, il semble que les effectz de ces desirs ne sont empeschés que faute de resolution; mays il n'est pas vray, car ilz sont empeschés par la condition de cette vie mortelle, en laquelle il ne nous est pas si aysé de faire que de desirer.

  A017001915 

 A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons nous eternellement pour l'aymer et benir sans cesse..

  A017001937 

 Pour maintenant, Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A017001951 

 Il faut tenir bon en la douceur et cordiale civilité envers ceux qui demandent, et Dieu vous assistera et fera que vos affaires se demesleront honnestement et plus tost que vous ne sçaures esperer.

  A017001967 

 Les graces que la bonté de Vostre Altesse nous a faites me donnent confiance d'en requerir tous-jours des nouvelles, puisque mesme elles tendent toutes a la gloire de Dieu, que vostre pieté ne se lasse jamais de servir et accroistre.

  A017001968 

 Dieu soit a jamais au milieu du cœur de Vostre Altesse pour le remplir de benedictions, et je suis invariablement,.

  A017002011 

 La peste s'est de nouveau réveillée à Genève, tandis que tout le pays avoisinant n'est nullement atteint; aussi semble-t-il que Dieu veuille châtier ce peuple, ennemi de son saint nom.

  A017002022 

 Qu'il est bien raysonnable, ma tres chere Fille, que je vous escrive un peu; et que je le fay de bon cœur! Pleust a Dieu que j'eusse l'esprit necessaire a vostre consolation..

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002025 

 Le sens humain veut avoir part en tout ce qui se passe, et il s'ayme tant, qu'il luy est advis que rien n'est bon s'il ne s'en est meslé; l'esprit, au contraire, s'attache a Dieu et dit souvent que ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien, et comme il prend part aux choses qui luy sont communiquees, par charité, aussi quitte-il volontier sa part es choses qui luy sont celees, par abnegation et humilité..

  A017002025 

 Voyes vous, ma Fille, le sens humain appuyé sur la chair fait que maintes fois nous ne nous abandonnons pas asses entre les mains de Dieu, nous estant advis que, puisque nous ne valons rien, Dieu ne doit tenir conte [205] de nous, parce que les hommes qui vivent selon la sagesse humaine mesprisent ceux qui ne sont point utiles; au contraire, l'esprit appuyé sur la foy s'encourage emmi les difficultés, parce qu'il sçait bien que Dieu ayme, supporte et secourt les miserables, pourveu qu'ilz esperent en luy.

  A017002026 

 Une Seur est rude, aspre, incivile, mays, au partir de la, elle est tres devote et mesme desireuse de s'adoucir et civiliser; et je fay tout, non pour playsir que j'aye en elle ni pour interest quelcomque, mays pour le bon playsir de Dieu; je la cheris, je l'accoste, je la sers, je la caresse: cet amour est selon l'esprit, car la chair n'y a point de part..

  A017002027 

 Qui ne void que ce n'est pas vivre selon l'esprit? Non certes, ma chere Fille, car tandis que j'estois encor bien jeune et [206] n'avois pas encor d'esprit je vivois des-ja ainsy; mais, quoy que selon mon naturel je sois honteuse, craintifve, apprehensifve comme une taupe, neanmoins je me veux essayer de surmonter ces passions naturelles, et, petit a petit, faire tout ce qui appartient a la charge que l'obeissance procedante de Dieu m'a imposee.

  A017002028 

 Ma chere Fille, vivre selon l'esprit, c'est faire les actions, dire les paroles et faire les pensees que l'esprit de Dieu requiert de nous.

  A017002029 

 Dieu soit a jamais vostre tout, et moy je suis en luy tout vostre, vous le sçaves bien..

  A017002029 

 Soyes toute asseuree que Dieu vous aydera, reposes vous en toute occurrence entre les bras de sa misericorde et bonté paternelle.

  A017002039 

 Et par son advis, vous presenteres ces cahiers a monsieur Meschatin la Faye, vicaire general en l'archevesché de Lion, et a d'autres Docteurs; car, comme je me connois et suis tres fautif, et que j'ay peu [209] de loysir pour revoir mes petitz ouvrages, certainement je desire et supplie tres instamment qu'ilz soyent veus a loysir et charitablement examinés par les doctes serviteurs de Dieu..

  A017002050 

 Je me porte fort bien, ne sentant ni mal ni chose qui le ressemble; seulement, je me treuve tellement sans appetit, que n'ayant pris qu'un petit bouillon, je voudrois volontier ne rien prendre davantage aujourdhuy, me reservant toutefois de faire ce que ma chere Mere voudra, laquelle je conjure au nom de Dieu, qui sçait bien que je ne mens point, de ne point se mettre en peine de moy, car je me sers (sic) le mieux du monde, hors ce reume qui me fait tousser quelquefois..

  A017002061 

 Dieu fera son ouvrage et en fin, avec sa grace, nous le servirons tous un jour fidelement..

  A017002090 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des convenances, des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour propre ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut ajouter la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creee? La distance et la presence n'apporteront jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A017002101 

 Encor ne faut il pas, s'il vous plaist, ma tres chere Mere, prendre aucune nourrice; ains, comme vous voyes, il faut quitter celle que neanmoins vous aures, et demeurer comme une pauvre petite chetifve creature devant le throsne de la misericorde de Dieu; et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection quelcomque pour la creature, et neanmoins vous rendre indifferente a toutes celles qu'il luy plaira vous ordonner, sans vous amuser a considerer que ce sera moy qui vous serviray de nourrice; car, comme vous voyes, si vous prenies une nourrice a vostre gré, vous ne sortiries pas de vous mesme, ains auries tous-jours vostre conte, qui est neanmoins ce qu'il faut fuir sur toutes choses..

  A017002102 

 Ces renoncemens sont admirables: de sa propre estime, mesme de ce que l'on estoit selon le monde (qui n'estoit en verité rien, sinon en comparayson des miserables), de sa propre volonté, sa complaysance en toutes creatures et en l'amour naturel, et en somme tout soy mesme, qu'il faut ensevelir dans un eternel abandonnement, pour ne le voir ni sçavoir plus comme nous l'avons veu et sceu, ains seulement quand Dieu le nous ordonnera et selon qu'il le nous ordonnera.

  A017002103 

 Car je suis sien ici et la, ou je suis en vous, comme vous sçaves, tres parfaitement; car vous m'estes indivisible, hormis en l'exercice et prattique du renoncement de tout nous mesmes pour Dieu.

  A017002103 

 Dieu me veuille a jamais posseder.

  A017002109 

 O Jesus, que de benediction et de consolation a mon ame de sçavoir ma Mere toute desnuee devant Dieu! Il y a long tems que j'ay une suavité nompareille quand j'oys chanter ce respons: Nu je suis sorty du ventre de ma mere, et nu je retourneray la.

  A017002110 

 Il faut donq demeurer a jamais toute nue, ma tres chere Mere, quant a l'affection, bien qu'en effect nous nous revestions; car il faut avoir nostre affection si simplement et absolument unie a Dieu, que rien ne s'attache a nous.

  A017002122 

 C'est la verité, il faut demeurer en cette sainte nudité jusques a ce que Dieu vous reveste.

  A017002123 

 Ma tres chere Mere, il est vray, vostre imagination a tort de vous representer que vous n'aves pas osté et quitté le soin de vous mesme et l'affection aux choses spirituelles; car n'aves vous pas tout quitté et tout oublié? Dites ce soir que vous renonces a toutes les vertus, n'en voulant qu'a mesure que Dieu vous les donnera, ni ne voulant avoir aucun soin de les acquerir qu'a mesure que sa Bonté vous employera a cela pour son bon playsir..

  A017002124 

 Ce qu'il faut que vous facies, ne le faites plus parce que c'est vostre inclination, mais purement parce que c'est la volonté de Dieu..

  A017002124 

 Ne penses plus ni a l'amitié ni a l'unité que Dieu a faite entre nous, ni a vos enfans, ni a vostre cors, ni a vostre ame, en fin a chose quelcomque; car [218] vous aves tout remis a Dieu.

  A017002125 

 Je me porte fort bien, graces a Dieu.

  A017002125 

 Je sens insensiblement au fond de mon cœur une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie; et si, je me treuve aussi nu, graces a Celuy qui est mort nu pour nous faire entreprendre de vivre nus.

  A017002132 

 Je n'escris pas, non, car apres le repas cela ne se doit pas, ma tres chere Mere; mais je vous donne tres affectionnement le bon soir, priant Dieu que, vous ayant reduit a l'amiable tressainte pureté et nudité des enfans, il vous prenne meshuy entre ses bras comme saint Martial, pour vous porter a son gré a l'extreme perfection de son amour.

  A017002133 

 Ma Mere, vivés toute gaye devant Dieu, et le benisses avec moy es siecles des siecles.

  A017002138 

 Annecy, Fête-Dieu [fin mai-juin 1613-1616.].

  A017002140 

 Vous estes a Dieu sans reserve, il vous conduira bien.

  A017002141 

 Qui reçoit la tressainte Communion, il reçoit Jesus Christ vivant: c'est pourquoy son cors, son ame et sa divinité sont en ce divin Sacrement; et d'autant que sa divinité est celle la mesme du Pere et du Saint Esprit, qui ne sont qu'un seul Dieu avec luy, qui reçoit la tressainte Eucharistie reçoit le cors du Filz de Dieu et, par consequent, son sang et son ame, et par consequent, la tressainte Trinité.

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002152 

 Il les faut affermir, s'il est possible, a ne vouloir pas toutes faire tout ce que les autres font, ains seulement a vouloir tout ce que les autres veulent: c'est a dire, a ne faire pas toutes les mesmes exercices, fors ceux de la Regie, ains que chacune marche selon le [222] don de Dieu; mais que toutes ayent cette unique et simple pretention de servir a Dieu, ayant ainsy toutes une mesme volonté, une mesme entreprise, un mesme projet, avec une grande resignation d'y parvenir une chacune selon les moyens que la Superieure et le Pere spirituel jugeront expediens.

  A017002153 

 Ma tres chere Fille, que nous serons heureux si nous sommes fideles! Man ame salue cordialement vostre esprit, que Dieu benisse de sa tressainte main.

  A017002175 

 Quant a la chere fille, je ne m'en metz pas fort en peine, quoy que je luy desire fort le bonheur auquel elle a esté appellee; car d'un costé, j'espere que Dieu luy redonnera le courage necessaire a l'execution de son inspiration, n'estant pas grande merveille que son ame se soit un peu ralentie parmi les tracas que les mondains luy ont donné, et qu'elle se soit ressentie de la commune condition de l'esprit humain, sujet a la tentation de varier et chanceler lhors quil donne loysir a l'ennemi de l'attaquer; et d'autre part, sil arrivoit que la tentation l'emportast, j'espere qu'elle ne l'emporteroit jamais du tout hors de la resolution qu'ell'a faite de servir fort affectueusement Dieu.

  A017002177 

 Vives cependant toute a Dieu pour le louer a toute eternité, ma tres chere Fille.

  A017002225 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere.

  A017002242 

 Or, Dieu vous aydera en tout, sans doute, puisque vous aves toute vostre confiance en luy..

  A017002246 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Fille..

  A017002259 

 Je vous expliqueray sa premiere lettre demain a quelqu'heure, Dieu aydant.

  A017002261 

 Or, bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de benedictions comme moymesme.

  A017002271 

 Je fus certainement consolé, ma tres chere Seur, de la lettre que vous m'escrivistes l'autre jour, y voyant de [232] bonnes marques du desir que vous aves d'aymer Dieu de toute vostre ame.

  A017002272 

 Pour l'absolution de vos pechés de tant d'annees que vous me demandies, ma tres chere Fille, vous deves sçavoir que Dieu, par sa bonté, les aura effacés au mesme instant que vous luy voulustes donner vostre cœur, par la resolution que son inspiration vous fit prendre de ne vivre plus que pour luy.

  A017002273 

 Soyes donq bien toute a Dieu, marches en simplicité dans le chemin ou la Providence vous a mise; elle vous tiendra de sa main et vous conduira au port que vous desires de l'aymable eternité, pour laquelle vous aves esté creee.

  A017002275 

 Dieu soit beni.

  A017002287 

 COMME L'AMOUR FAIT L'UNION DE L'AME AVEC DIEU EN L'ORAYSON..

  A017002289 

 Il y a bien quelques autres-fautes, mais il en faut remettre la correction a la 2 e impression que, Dieu aydant, l'on fera..

  A017002298 

 Dieu soit avec vous.

  A017002381 

 Le troisième point consiste en ce qu'elles ne récitent pas l'Office ecclésiastique, mais seulement celui de la Très Sainte Mère de Dieu: ce qu'elles font, parce qu'on reçoit fréquemment chez elles des sujets d'âge avancé, qui pourraient bien malaisément apprendre le grand Office.

  A017002394 

 Il faut donq loüer Dieu et le benir de la faveur qu'il vous a faite de vous avoir longuement maintenu ce pere, et acquiescer a la volonté par laquelle il vous l'a osté maintenant.

  A017002406 

 Ces bonnes Seurs de la Visitation qui iront la commencer une nouvelle Congregation, ne pourront qu'estre [255] grandement consolees, puisque vous les protegeéres au nom de Monseigneur l'Archevesque de Lyon, par l'authorité episcopale; et loue Dieu de l'affection que vous tesmoignes a ce bon œuvre, duquel j'espere que vous aures contentement.

  A017002421 

 Puisque Monseigneur de Lyon vous a establi son vicaire pour l'establissement et le progres de la Congregation de la Visitation de Moulins, c'est donq a vous, Monsieur, que j'addresse ces quatre lignes, affin que sous vostre authorité spirituelle, elles servent a ce dessein Dieu, qui, comme je l'espere, benira leur bonne volonté et leur desir....

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002435 

 Combien y a-il de personnes maussades exterieurement, qui sont tres aggreables aux yeux de Dieu! La beauté, la bonne grace, le bien parler donnent souvent des grans attraitz aux personnes qui vivent encor selon leurs inclinations; la [260] charité regarde la vraye vertu et la beauté cordiale, et se respand sur tous sans particularité..

  A017002436 

 Alles donq, ma chere Fille, a l'œuvre pour laquelle Dieu vous a esleuë.

  A017002437 

 De Dieu benite soyes vous en allant, en demeurant, en servant Dieu, en servant le prochain, en vous humiliant jusques dans vostre neant, en vous relevant jusques dedans vostre Tout; et Dieu soit uniquement vostre tout, ma tres chere Fille.

  A017002444 

 Vous estes bien heureuse, certes, d'aller servir a la fondation d'une nouvelle Congregation de servantes de [261] Dieu, car c'est un office angelique.

  A017002445 

 Aymés perseveramment vostre propre abjection; cherisses le mespris et caresses les croix que Dieu peut estre permettra vous arriver.

  A017002445 

 Tenes vous ferme en la sainte douceur, et Dieu vous benisse a jamais, ma tres chere Fille, comme en son nom je vous benis.

  A017002456 

 Et pour vous affermir en cette creance, a la fin de vostre exercice du matin, desadvoués par une courte et simple aversion toutes sortes de pensees qui sont contraires a l'amour celeste, comme disant: Je renonce a toutes cogitations qui ne sont pas pour vous, o mon Dieu; je les desadvoue et rejette a jamais.

  A017002457 

 Alles donq doucement et suavement en paix, servir Dieu et Nostre Dame ou vous estes appellee par leur volonté, et la grace et consolation de son Saint Esprit soit a jamais avec vous.

  A017002458 

 Ma très chere Fille, vives en Dieu doucement et simplement, avec un continuel amour de vostre propre abjection, et un grand courage a servir Celuy qui, pour vous sauver, est mort en la †..

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002469 

 Dieu soit a jamais avec vous et vous veuille benir de sa dextre.

  A017002503 

 Dieu nous veuille donner l'esprit de son saint et pur amour.

  A017002518 

 Il failloit que mon cœur rendit ce tesmoignage a celuy de ma tres chere fille, de la consolation que j'ay de voir ce Prince tant rempli de la sainte crainte de Dieu..

  A017002520 

 En somme, Dieu est bon, et bienheureux est le cœur qui l'ayme..

  A017002520 

 Je ne luy ay point parlé qu'une fois il y a trois semaines, mais je n'ay pas laissé de connoistre la bonté que Dieu exerce en elle.

  A017002521 

 Helas, ma tres chere Fille, Dieu sçait si je luy souhaite les biens infinis de la paix, consolation et grace du Saint Esprit.

  A017002537 

 Ah Dieu! ma tres chere Mere, que je veux approfondir creusement nostre cœur devant cette Dame eslevee, affin qu'il luy playse le remplir de cette surabondante rosee d'Hermon, qui distille de toutes parts de sa sainte plenitude de graces..

  A017002547 

 Et moy ce pendant, Monsieur mon tres cher Filz, affin de suppleer en quelque sorte les defautz que le manquement de commodités me pourroyent (sic) faire faire de vous escrire souvent, je vous envoye le livre de l' Amour de Dieu que j'ay n'a guere exposé aux yeux du monde; et vous supplie que si quelquefois l'affection que vous aves pour moy, vous donnoyt quelque desir d'avoir de mes lettres, vous prenies ce Traitté et en lisies un chapitre, vous imaginant que s'il y a point de Theotime au monde auquel s'addresse (sic) mes paroles, vous estes celuy entre tous les hommes, qui estes mon plus cher Theotime..

  A017002549 

 C'est le plus doux, gracieux et devot Prince [272] qu'on puisse voir; un cœur plein de courage et de justice, une cervelle pleine de jugement et d'esprit, un'ame qui ne respire que le bien et la vertu, l'amour de son peuple et sur tout la crainte de Dieu.

  A017002554 

 O mon Dieu, que je me res-jouis de la grossesse de madame vostre seur, qu'on m'asseure..

  A017002595 

 J'offre a Vostre Altesse un Traitté de l'Amour de Dieu que j'ay mis en lumiere ces jours passés; non que je l'estime digne des yeux d'un si grand Prince, mays affin qu'en ce que je puis, je face hommage a Vostre Altesse luy presentant les fruitz de mes labeurs, comme issus d'une personne qui ne pensera jamais d'avoir rien de plus cher en ce monde que l'honneur d'estre advoüé,.

  A017002619 

 Ne perdes point courage, car Dieu ne perdra jamais le soin de vostre cœur et de vostre trouppe, tandis que vous vous confieres en luy.

  A017002619 

 Quand fut ce que le service de Dieu en fut exempt, sur tout en sa naissance?.

  A017002620 

 Souffrés, ne despités point, adoucisses tout, regardes que c'est la besoigne de Dieu a laquelle cette dame s'employe selon son sentiment, et vous selon le vostre, et que toutes deux vous deves entreporter et entresupporter pour l'amour du Sauveur.

  A017002621 

 Croyes-moy, il faut semer en travail, en perplexité, en angoisse, pour recueillir en joye, en consolation, en bonheur, et la sainte confiance en Dieu adoucit tout, impetre tout et establit tout..

  A017002622 

 Je salue tres cordialement nos cheres Seurs, et les conjure de prier Dieu pour mon ame, inseparable de la vostre et des leurs en la dilection qui est selon Jesus, nostre Sauveur..

  A017002622 

 Je suis tout vostre, certes, ma tres chere Fille, et je ne cesse point de prier Dieu qu'il vous face sainte, forte, constante et parfaite en son service.

  A017002629 

 Et que vous diray-je donq, ma tres chere Fille? Je vous recommande la confiance en Dieu, la parfaite simplicité, la sincere dilection..

  A017002644 

 Vives tous-jours toute a Dieu, et me recommandes [281] souvent a sa misericorde et a la charité de la R de Mere, afin qu'elle me face part de ses prieres, et a celle des autres Seurs..

  A017002670 

 Nous sommes a la veille de recevoir bravement nos ennemis, silz sont resolus, comm' on nous menace, de venir a nous, et esperons que Dieu regardera nostre innocence.

  A017002671 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner sa tressainte paix, et vous conserver a longues annees, Monseigneur, a qui je suis,.

  A017002699 

 Ce pendant donq, supportes, ma tres chere Fille, le fardeau que vostre bonne volonté au service de Dieu vous a fait desirer et prendre sur vos espaules, lesquelles seront asses fortes pour cela si vous vous appuyes un peu sur la Croix de Nostre Seigneur, en laquelle il a porté sur les siennes le faix de tant d'iniquités et miseres.

  A017002700 

 Pries bien Dieu pour moy, et saches que je suis invariablement vostre, de toute mon affection..

  A017002717 

 O Dieu! quand sera-ce que le support du prochain aura sa force dans nos cœurs? C'est la derniere et plus excellente leçon de la doctrine des Saintz: bienheureux l'esprit qui la sçait.

  A017002718 

 Dieu soit exalté en vos miseres, sur le throsne de sa bonté et le theatre de vostre pure et sincere humilité.

  A017002718 

 Dieu vous face sainte, ma tres chere Fille, et toute vostre chere troupe.

  A017002718 

 Dieu vous face tout faire pour sa gloire, affin qu'un jour vous en soyes couronnee..

  A017002719 

 Ma tres chere Fille, vous estes la fille de mon cœur, et je ne laisseray jamais de souhaiter que vous soyes la fille du cœur de Dieu, qui nous a donné des cœurs affin que nous fussions ses enfans, en l'aymant, benissant et servant es siecles des siecles..

  A017002766 

 Veuillez donc vous prévaloir, pour les confessions et absolutions de ces âmes, de l'autorité que Dieu m'a donnée, et que très volontiers [292] je vous communique et dépars dans la mesure où votre prudence le jugera nécessaire à la gloire de Dieu et au salut du prochain, afin qu'avec plus d'ardeur vous employiez le talent sacré que le Seigneur vous a confié..

  A017002774 

 que Dieu sauve..

  A017002799 

 Dieu neamoins la sçait, et la void es continuelz souhaitz que nous faysons, affin quil luy playse de combler Vostre Altesse de prosperité, et sur tout que sa dilection regne a jamais au milieu de vostre cœur..

  A017002830 

 Et tandis, je prie Dieu qu'il comble Vostre Altesse de toute sainte prosperité, et luy faysant la deuë reverence, je demeure,.

  A017002881 

 Dieu, par sa bonté, nous [303] donne une vraye paix, en laquelle il soit servi et honnoré d'un chacun..

  A017002883 

 Dieu vous benisse, Monsieur, et je suis de tout mon cœur et sans fin,.

  A017002900 

 Il faut que vous soyes ce que vous estes: mere de famille, puisque vous aves un mary et des enfans, et il le faut estre de bon cœur et avec l'amour de Dieu, ains pour l'amour de Dieu, ainsy que je le dis asses clairement a Philothee, sans s'inquieter ni empresser que le moins qu'il sera possible..

  A017002903 

 Voyla, ma tres chere Fille, ce que je vous puis dire pour le present, adjoustant seulement que je vous conjure de croire fermement que je vous cheris d'une dilection parfaite et vrayement paternelle, puisqu'il a pleu a Dieu de vous donner envers moy une confiance si entiere et filiale; mais continues donq bien, ma tres chere Fille, a m'aymer cordialement..

  A017002904 

 Faites bien ce que vous pourres, et le reste laisses le a Dieu, qui le fera ou tost ou tard selon la disposition de sa providence..

  A017002904 

 Faites bien la sainte orayson; jettes souvent vostre cœur entre les mains de Dieu, reposés vostre ame en sa Bonté et mettes vostre soin sous sa protection, soit pour le voyage du cher mary, soit pour le reste de vos [306] affaires.

  A017002906 

 En somme, soyes a jamais toute a Dieu, ma tres chere Fille, et je suis tout en luy,.

  A017002916 

 Cette digne porteuse vous dira comme je vous escris a l'improuveüe, ma tres chere Fille, et si soudainement que je ne sçai que dire, sinon que vous seres la tres bien venue, que c'est un grand bien a nostre Charles d'avoir un bon maistre, que je suis plus vostre que mien et ne cesse jamais de vous souhaiter mille et mille faveurs du [307] Ciel, sur tout le saint, puissant, doux et tranquille amour de nostre Dieu..

  A017002917 

 A Dieu soit honneur, gloire et louange eternellement..

  A017002917 

 Or sus, tout est pour Dieu: l'amour et le cœur qui ayme.

  A017002933 

 Et continuant d'invoquer Dieu sur Vostre Altesse, je luy fay tres humblement la reverence, comme estant,.

  A017002967 

 Et par ce que je voy combien Dieu en sera glorifié et le peuple edifié, j'en remercie tres humblement de rechef Vostre Altesse avec eux, la suppliant de continuer en ce tressaint zele, comme je ne cesseray jamais de luy souhaiter la perfection des graces celestes, non plus que d'estre, Monseigneur,.

  A017002985 

 Dieu vous veuille a jamais benir, ma tres chere Fille, des benedictions de son tressaint amour.

  A017003001 

 Estant obligé de souhaiter l'advancement aux lettres et a la vertu de Nicolas Grillet, qui m'appartient en parentage, et le voyant maintenant sur les rangs pour entrer au cours de la sainte theologie, je supplie vostre charité de luy estre propice et l'assister de vostre soin et faveur speciale, affin quil puisse reuscir tel que nous desirons le voir un jour, propre a servir Dieu et la sainte Eglise en ce diocese, ou il importe tant, a cause du voysinage..

  A017003033 

 Bon soir, ma tres chere Mere, Dieu vous benisse.

  A017003043 

 Dieu soyt a jamais, ma tres chere Mere, nostre tres unique tout.

  A017003056 

 Ce sont nos nouvelles, et je benis Dieu pour les vostres..

  A017003057 

 Item, sur tout ma chere Marie Aymee, certes ma toute chere seur, de laquelle je prie Dieu vouloir estre protecteur et de son petit..

  A017003058 

 Dieu soit a jamais nostre amour, ma tres chere Mere, et vous comble de sa tressainte consolation.

  A017003077 

 Reste que je prie Dieu pour vostre prosperité, me disant a jamais,.

  A017003089 

 Que peut on dire a l'ame que Dieu a tiree il y a si long tems et attire continuellement a se reposer dans le sein de sa providence, sinon: Demeurés la, ma Fille, et vous tenes a recoy au plus secret lieu de ce saint tabernacle, vous laissant absolument manier au gré de Celuy qui daigne prendre soin de vous.

  A017003089 

 Soyes genereuse, allegre et suave en cet exercice, et vous y treuveres abondamment les graces de nostre bon Dieu, ainsy que je l'en prie de toute mon ame qui cherit la vostre tres parfaitement..

  A017003090 

 Dieu soit beni.

  A017003110 

 Graces soyent a Dieu, ma tres chere Mere! sinon des que je commence a vous escrire ce billet, je n'ay rien fait de toute la journee selon mon inclination.

  A017003111 

 Je suis consolé d'avoir vostre sainte Paule vefve pour patronne; Dieu nous face la grace de bien imiter en nostre unité cette sainte vefve et son cher Pere.

  A017003112 

 O Dieu, qu'il faut faire de resignations pour la gloire de ce grand amour divin! mais ce n'est rien, en comparayson de ces anciens hommes et femmes apostoliques..

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003146 

 Dieu vous benisse, et tout ce que vous estes icy et la..

  A017003157 

 Ce pendant, Monseigneur, les Peres Barnabites m'ayant communiqué l'intention que Vostre Grandeur a de faire [330] bastir leur eglise, m'ont aussi donné une grande consolation; car je sçai que Dieu benit ceux qui luy edifient des maisons, qu'il glorifie ceux qui l'honnorent et qu'il donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017003157 

 Tout ce pais, Monseigneur, et les circonvoysins vous en auront un'obligation immortelle; et par ce moyen, Vostre Grandeur adorera et priera Dieu continuellement a jamais, en la personne de ces bons et devotz Religieux et de tous ceux qui, par leur zele, s'assembleront en ce saint lieu pour y sanctifier le nom divin.

  A017003158 

 Dieu remplisse a jamais Vostre Grandeur de ses graces; c'est le souhait perpetuel, Monseigneur, de.

  A017003176 

 Je prie Dieu sans cesse, Monseigneur, quil comble [333] Vostre Altesse de ses plus desirables benedictions, et suis infiniment,.

  A017003209 

 Je vous voy, certes, asses occupee parmi tant d'occurrences; Dieu soit a jamais vostre force..

  A017003210 

 Je crains pourtant la varieté des opinions au maniement des ames; mays Dieu aura soin de vostre chere trouppe, affin qu'elle aille tous-jours le mesme chemin, puisque c'est celuy auquel il l'a mise..

  A017003212 

 Hé Dieu, quelles nouvelles du Puy d'Orbe! cela me traverse le cœur.

  A017003214 

 Vivés tous-jours toute a Dieu, ma tres chere Fille: c'est le continuel souhait de mon cœur qui cherit le vostre incomparablement..

  A017003231 

 Cependant, ces jours de nos naissances doivent nous humilier, en nous faysant voir le neant d'ou nous venons, et nous encourager, en nous faysant voir la fin pour laquelle Dieu nous a donné commencement..

  A017003241 

 Le bon Dieu, auquel vous serves, disposera par sa providence de tout ce qui sera requis pour vous loger un peu mieux en terre et tres heureusement au Ciel..

  A017003242 

 Si j'eusse sceu ce qui arriva despuis, j'eusse fait du Jubilé selon vos souhaitz; toutefois, Dieu n'a pas laissé de vous bien consoler par autre voye.

  A017003243 

 Que si le parentage de quelqu'unes avec moy les rend un peu plus affectionnees a me faire cette charité, je leur en seray d'autant plus redevable, et en remercieray Dieu qui a enté l'amitié spirituelle sur le devoir temporel.

  A017003256 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaitte sainte, et que vous soyes toute odorante des senteurs de ce cher Sauveur! C'est pour vous remercier de vostre bouquet, et vous asseurer que les petites choses me sont grandes quand elles sortent de vostre cœur, auquel le mien est tout dedié, je vous en asseure, ma tres chere Fille..

  A017003257 

 Le Pater que vous dites pour le mal de teste n'est pas defendu; mays mon Dieu, ma Fille, non, je n'aurois pas le courage de prier Nostre Seigneur, par le mal qu'il a en la teste, de n'avoir point de douleurs en la mienne.

  A017003261 

 La pauvre Mere de nostre Visitation est cruellement [341] tourmentee d'un catarrhe qu'elle a sur la bouche; mais elle s'en res-joüyt et dit que, pourveu qu'elle applique son cœur a Dieu, elle treuve de la douceur en cette cuisante douleur.

  A017003261 

 Si fay-je bien, moy, qui suis tout vostre en Dieu, ma chere Fille.

  A017003288 

 Que vous puis-je dire davantage, ma tres chere Mere, sinon que vous demeuries toute joyeuse en ce celeste exercice auquel Dieu nous a si souvent et puissamment invités..

  A017003304 

 Je voy que Dieu se sert de vostre courage pour l'establissement de cette Mayson de Moulins; faites cela fidelement, avec le plus de repos d'esprit que vous pourres.

  A017003306 

 La dame de Paris dont vous aves escrit sera bien employee avec ses moyens a Moulins; quand Dieu voudra avoir une de ces Maysons a Paris, il fera naistre les commodités.

  A017003307 

 Dieu vous veuille combler de son saint amour, ma tres chere Fille; je suis en [lui] parfaitement vostre..

  A017003322 

 Dieu vous console et benisse mille fois.

  A017003348 

 Ce pendant, ma tres chere Fille, tenes bien vostre cœur debout et courageux, et Dieu vous comblera de benedictions, et vous consolera du bonheur qu'il donne aux ames desquelles il veut se servir pour l'avancement des autres..

  A017003349 

 Je salue cette chere seur Marie Barbe, et je verray monsieur le President au premier jour, Dieu aydant.

  A017003350 

 Dieu soit a jamais vostre force et soustien, ma tres chere Fille, et je suis en luy tres fidelement vostre..

  A017003362 

 Voyla tout; et estant pressé, dautant que je n'ay que ce loysir d'entre le chapelet et l'Office, je vous salue mille et mille fois, mon tres cher Frere, et prie Dieu quil vous comble de bonheur, avec tous nos freres et confreres, demeurant tout vostre sans fin..

  A017003381 

 Je prie Dieu qu'il accroisse de plus en plus ses benedictions sur Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et suis infiniment,.

  A017003397 

 Dieu, par sa bonté, veuille combler Vostre Altesse de ses benedictions; souhait continuel, Monseigneur, de.

  A017003414 

 Je prie Dieu quil la conserve, et la Vostre,.

  A017003428 

 Ce ne sera qu'un billet, ma tres chere Mere, que vous recevres aujourd'huy de moy; Dieu me partage a mille choses et ne laisse pas de me tenir dans la sainte unité que sa main a faite en nous..

  A017003429 

 Monseigneur l'Evesque et MM. du Parlement n'y tesmoignent aucune repugnance, ni moy aucun empressement, quoy que, a vous dire le vray, je desire cette Mayson, parce que j'espere que Dieu en sera glorifié.

  A017003441 

 Vous ne manqueres pas de mortification pour le cœur, qui est le seul holocauste que Dieu desire de vous..

  A017003442 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ay treuvé icy force grandes ames au service de Dieu! Que sa Bonté en soit benite.

  A017003443 

 Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et perseveres a prier pour.

  A017003455 

 Il faut aymer l'orayson, mays il la faut aymer pour l'amour de Dieu.

  A017003455 

 Or, qui l'ayme pour l'amour de Dieu, n'en veut qu'autant que Dieu luy en veut donner, et Dieu n'en veut donner qu'autant que l'obeissance permet.

  A017003456 

 C'est ainsy qu'il faut unir sa volonté, non au moyen de servir Dieu, mais a son service et a son bon playsir.

  A017003456 

 Cherches seulement le regne de Dieu, et toutes choses vous seront donnees.

  A017003456 

 La vraye servante de Dieu n'est point soigneuse du lendemain; elle fait fidelement ce qu'il desire aujourd'huy, demain elle fera ce qu'il desirera, et passé demain ce qu'il desirera, sans dire ni cecy, ni cela.

  A017003456 

 Que donq cette fille prenne un cœur d'enfant, une volonté de cire et un esprit nu et despouillé de toute sorte d'affections, hormis [360] de celle d'aymer Dieu, et quant aux moyens de l'aymer, ilz luy doivent estre indifferens..

  A017003457 

 Vivés doucement et saintement entre les peynes que vous aves sous vostre charge, ma tres chere Fille toute bienaymee, et je prie Dieu qu'il soit la vie de vostre ame.

  A017003522 

 Vos Révérences jugeront aisément que l'extension de leur Ordre est en voie de faire d'excellents progrès à la gloire de Dieu en ces régions, mais que, d'ailleurs, cette extension ne peut s'obtenir qu'avec le temps et une méthode convenable, suivant le bon plaisir de la divine Providence.

  A017003540 

 [1.] Immolés donq souvent toutes vos affections a Dieu par le renouvellement de la resolution que vous aves faite, de ne vouloir pas employer un seul moment de vostre vie que pour le service de la sacree dilection de l'Espoux celeste..

  A017003542 

 Vous prepareres apres vostre orayson: un mistere de la Vie ou Passion de Nostre Seigneur, que vous vous proposeres de mediter, si tel est le bon playsir de Dieu.

  A017003544 

 Mays affin d'accommoder cet exercice si utile a la vistesse et incomparable promptitude de vostre esprit, il suffira que vous y employes une petite demi heure chaque jour, ou un quart d'heure; car cela, avec les eslans d'esprit, retraittes du cœur en la presence de Dieu et oraysons jaculatoires qui se feront parmi les heures du jour, suffira tres abondamment pour tenir vostre cœur serré et joint a vostre divin Object; et mesme, cette orayson se pourra faire pendant la Messe pour gaigner tems..

  A017003545 

 Et c'est pour respondre a ce que vous me dites, qu'au commencement, le sentiment de la presence de Dieu se faysoit en la teste, qui parfois vous travailloit fort..

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003549 

 Il faut que l'on demeure en la [369] barque en laquelle on est, pour faire le trajet de cette vie a l'autre, et que l'on y demeure volontier et amiablement; parce qu'encor que quelquefois nous n'y ayons pas esté mis de la main de Dieu, ains de la main des hommes, apres neanmoins que nous y sommes, Dieu veut que nous y soyons, et partant il faut donq y estre doucement et volontier.

  A017003549 

 Je vous dis, mays, ma chere Fille, je vous le dis fermement, que vous servies fidelement la volonté de Dieu et sa providence sur le sujet de vostre ancienne tentation, acquiesçant en toute humilité et sincerité au bon playsir celeste, par lequel vous vous treuves en l'estat auquel vous estes.

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003551 

 Que s'il vous arrivoit quelque [370] notable difficulté sur ce sujet par le defaut de cette personne, ne remues rien neanmoins qu'apres avoir regardé l'eternité, vous estre mise en l'indifference et avoir pris l'advis de quelque digne serviteur de Dieu, si la chose presse, ou mesme de moy, puisque je suis vostre Pere, si le tems le permet; car l'ennemi, nous voyant vainqueur de cette tentation par nostre acquiescement au bon playsir divin, remuera, je pense, toutes sortes d'inventions pour nous troubler..

  A017003552 

 Au reste, que la tressainte et divine humilité vive et regne en tout et par tout: les habitz, simples, mais selon la propre bienseance et convenance de nostre condition, en sorte que nous n'espouvantions pas, ains allechions les jeunes dames a nostre imitation; nos paroles, simples, courtoises, et neanmoins douces; nos gestes et nostre conversation, ni trop resserree et contrainte, ni trop relaschee et molle; nostre face, nette et decrassee; et en un mot, qu'en toutes choses la suavité et modestie regne, comme il est convenable a une fille de Dieu..

  A017003561 

 A cette premiere commodité que j'ay de vous escrire, je tiens ma promesse, et vous presente quelques moyens [371] par lesquelz vous pourres addoucir la crainte de la mort, qui vous donne de si grans effroys en vos maladies et enfantemens: en quoy, bien qu'il n'y ayt aucun peché, si est ce qu'il y a du dommage pour vostre cœur, lequel, troublé de cette passion, ne peut pas si bien se joindre par amour avec son Dieu, comme il feroit s'il n'estoit pas si fort tourmenté..

  A017003562 

 Premierement donq, je vous asseure que si vous perseverés a l'exercice de devotion, comme je voy que vous faites, vous vous treuveres petit a petit grandement allegee de ce tourment; d'autant que vostre ame, se tenant ainsy exempte des mauvaises affections et s'unissant de plus en plus a Dieu, elle se treuvera moins attachee a cette vie mortelle et aux vaines complaysances que l'on y prend.

  A017003563 

 Secondement, exerces vous souvent es pensees de la grande douceur et misericorde avec laquelle Dieu nostre Sauveur reçoit les ames en leur trespas, quand elles se sont confiees en luy pendant leur vie et qu'elles se sont essayees de le servir et aymer, chacune en sa vocation.

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003570 

 En vos oraysons jaculatoires parmi la journee, et en la reception du tressaint Sacrement, usés tous-jours de paroles d'amour et d'esperance envers Nostre Seigneur, comme: Vous estes mon Pere, o Seigneur! O Dieu, vous estes l'Espoux de mon ame; vous estes le Roy de mon amour et le Bienaymé de mon ame! O doux Jesus, vous estes mon cher Maistre, mon secours, mon refuge!.

  A017003570 

 O Dieu, qui espera jamais en vous, lequel ayt esté confondu? J'espere en vous, o Seigneur, et je ne seray point confondu eternellement.

  A017003571 

 Ainsy du mary, ainsy du pere et des autres: en quoy vous aures d'autant plus de facilité, que tous vos plus chers servent Dieu et le craignent.

  A017003571 

 O ce petit garçon, qui sera, Dieu aydant, un jour bienheureux en cette vie eternelle, en laquelle il jouira de ma felicité et s'en res-jouira, et je jouiray de la sienne et m'en res-jouyray sans jamais plus nous separer.

  A017003583 

 Tenes vostre cœur doux et bon envers le prochain, et ainsy Dieu vous benira de ses grandes benedictions, comme de tout mon cœur je l'en supplie, et suis sans fin,.

  A017003587 

 Il faut se mortifier, et faire toutes choses selon la volonté de Dieu.

  A017003604 

 Je prie Dieu quil vous conserve, avec madame ma chere seur, et suis sans fin, Monsieur mon Frere,.

  A017003659 

 Si toutefois ce Père avait par hasard la tentation de rester là-bas, je [381] supplie Votre Paternité, pour l'amour de Dieu, de n'y pas consentir; car, en ce commencement, la persévérance et la stabilité des Pères qui ont déjà appris la langue et contracté la sainte amitié requise au maniement des Maisons, sont absolument nécessaires..

  A017003678 

 Le sujet de vostre lettre, qu'il vous a pleu de m'escrire, me tesmoigne asses que vous aves dedié vostre amour a Dieu; et que faut-il davantage pour m'obliger a vous dedier mon service? Je le fay donq certes de tout mon cœur, et a madame la signora Donna Genevra, benissant la bonté souveraine de Nostre Seigneur qui, par ses celestes attraitz, vous a donné de si desirables affections..

  A017003680 

 Cependant, vivés et l'une et l'autre toutes en Dieu, hors lequel la vie est une mort, et auquel la mort est une heureuse vie.

  A017003695 

 Dites a cette chere Barbe Marie, qui m'ayme tant et que j'ayme encor plus, qu'elle parle librement de Dieu par tout ou elle pensera que cela soit utile, renonçant de bon cœur a tout ce que ceux qui l'escoutent peuvent penser ou dire d'elle.

  A017003695 

 Et ce n'est pas estre hipocrite de ne faire pas si bien que l'on parle, car, Seigneur Dieu! a quoy en serions nous? Il faudroit donq que je me teusse, de peur d'estre hipocrite, puisque si je parlois de la perfection il s'ensuivroit que je penserois estre parfait.

  A017003700 

 Qu'elle marche en l'orayson, ou par pointz, comme nous avions dit, ou selon son accoustumee, il importe peu; [387] ains nous nous souvenons bien que nous luy dismes que seulement elle praeparast les pointz et s'essayat, au commencement de l'orayson, de les savourer; et si elle les savoure, c'est signe que Dieu veut qu'elle suive cette methode, au moins alhors.

  A017003700 

 Que si neanmoins la douce presence accoustumee l'occupoit par apres, elle s'y laissast aller, et aux colloques aussi qu'elle fait par Dieu mesme, qui sont bons en la sorte qu'elle me les represente en vostre lettre; mays pourtant, il faut aussi quelquefois parler a ce grand Tout, comme voulant que nostre rien face quelque chose.

  A017003702 

 Je suis bien ayse que mes livres ont treuvé de l'acces en vostre esprit, qui estoit si brave que de croire quil se suffisoit a soymesme; mays ce sont les livres du Pere, et du cœur duquel vous estes la chere fille, puisque ainsy a-il pleu a Dieu, auquel soit a jamais honneur et gloire..

  A017003705 

 Bienheureux sont les enfans de Dieu, car ilz l'ayment et sont aymés de luy..

  A017003705 

 O quilz sont folz! ce dit Dieu.

  A017003752 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, pour le benir de ses plus cheres benedictions, ma tres chere Fille.

  A017003755 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A017003767 

 C'est la verité, Madame ma tres chere Fille, qu'entre les souvenirs que j'ay des ames que Dieu m'a fait aymer, [395] celuy de la vostre m'est de tres grande consolation; car j'ay veu un certain despouillement des creatures et de leurs vanités, qu'il m'est impossible de n'aymer pas passionnement..

  A017003768 

 Les enfans du monde confessent ordinairement en mourant que cette vie n'est pas considerable que pour l'eternelle; mais les enfans de Dieu touchent toute leur vie cette verité..

  A017003770 

 Dieu soit a jamais au milieu de nos espritz, qui est le souhait continuel,.

  A017003793 

 Sur ce, je baise très humblement les mains de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, en implorant pour elle, de Dieu notre Seigneur, tout vrai bonheur.

  A017003869 

 Mais ce dont je vous supplie plus cordialement que de tout le reste, est quil vous plaise, apres avoir pezé meurement toutes choses, me mander ce que vous juges selon Dieu que je doibs faire; car, si apres avoir recommendé l'affaire a Nostre Seigneur, vous voules que je laisse les sorties et que je me conforme a vous entierement, et quil vous plaise an respondre a Dieu pour moy, je vous declare qu'avec cete condition, et soubs la confiance que j'ay en vostre vertu, je mettrey soubs les pieds mon sentiment et tout ce que le monde pourra dire ou faire, et establirey la Congregation, et an ferey publier et imprimer les Constitutions de mot a mot, telles que vous ordonneres, sans y changer rien du tout..

  A017003893 

 Comme vous portez-vous, mon pauvre très unique Père? Tou jours mieux, moyennant la grâce de Dieu, non pas? Hé Dieu! oui, s'il vous plaît, mon bon Sauveur, et pour longtemps, je vous prie, que cette chère santé de mon Père soit bien établie.

  A017003894 

 Pourrai-je encore demeurer quelques jours en ma chère solitude, y continuant cette dernière affection? j'y aurais bien de l'inclination, pour un peu bien accoiser mon esprit en Dieu; car vraiment, j'ai été un peu distraite ces jours passés, et si bien votre mal ne m'a pas donné de l'inquiétude, il m'a donné de la douleur et de la distraction; à trois diverses fois, l'on en parla assez pour me toucher jusqu'au fond.

  A017003906 

 Certes, j'ai un extrême désir, et, ce me semble, une ferme résolution de demeurer en ma nudité, moyennant la grâce de mon Dieu, et j'espère qu'il m'aidera.

  A017003906 

 Il est vrai que tout le reste demeure fort étonné; mais faisant bien ce que vous me dites, mon unique Père, comme je ferai sans doute, Dieu m'aidant, tout ira toujours mieux..

  A017003906 

 Je sens mon esprit tout libre, et avec je ne sais quelle infinie et profonde consolation de se voir ainsi entre les mains de Dieu.

  A017003908 

 Mon Dieu nous veuille fortifier par sa douce bonté, et nous faire accomplir parfaitement ce qu'il désire de nous, mon très cher Père.

  A017003920 

 Hé! que vos paroles ont donné une grande force à mon âme! que celles-ci m'ont touchée et consolée quand vous me dites: « Que de bénédictions et de consolations » votre âme a reçues, de me « savoir toute dénuée devant Dieu! » Oh! Jésus vous veuille continuer cette consolation, et à moi ce bonheur..

  A017003920 

 Mon Dieu! mon vrai Père, que le rasoir a pénétré avant! pourrai-je demeurer longuement dans ce sentiment? Au moins notre bon Dieu me tiendra dans les résolutions, s'il lui plaît, comme je le désire.

  A017003921 

 Dieu grâce, je ne suis pas pressée de regarder ce que j'ai dévêtu; je demeure assez simple, je le vois comme une chose éloignée, mais il ne laisse pas de me venir toucher; soudain je me détourne.

  A017003923 

 » Et vous me dites: « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma Fille, que je vous dépouillerais de tout? » O Dieu! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans l'intime de la moëlle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu.

  A017003924 

 Je finis donc en vous donnant [410] mille bonsoirs, et vous disant ce qui me vient en vue: il me semble que je vois les deux portions de notre esprit n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu.

  A017003925 

 Dieu vous conduise en tout..

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017003983 

 Il faut en fin que Dieu soit victorieux; la chair a beau regimber contre l'esguillon, et le diable à redoubler ses tentations; quant il plaist au S. Esprit de convertir une ame, il faut en fin que sa vocation soit efficace.

  A017003984 

 Au contraire, Dieu par sa bonté infinie, qui avec la tentation faict accroissement de grace, m'a depuis mon retour eslargy nouvelle force et vertu, voire jusques à surmonter et vaincre toutes les puissances adverses..

  A017003985 

 Ce sera donc au plus tost, Monseigneur, que j'iray vers vous pour recevoir voz commandements et faire tout ce que vous jugerez expedient pour la gloire de Dieu, à quoy je me dispose de bon cœur..

  A017003985 

 Et afin, Monseigneur, quil soit evident que ce ne sont pas parolles seulement et que vous en aiez pleine asseurance, outre l'obligation que j'y ay desja, j'ay faict vœu a Dieu, et le faicts encor maintenant en vostre presence, de quitter et abandonner tout pour me rendre à la sainte Eglise Catholicque; et ce, dedans brief temps et sans beaucoup temporiser par negligence.

  A017003985 

 Si j'avois la cognoissance [415] des temps et des moments que le Pere Celeste retient en sa puissance, j'apposerois quelque terme prefix a ce mien vœu; mais au moins, incontinent apres la S. Martin prochaine, sil plaist a Dieu me prester santé, toutes mes pensees, touts mes efforts et desseins se banderont à effectuer ma promesse; et ay ferme esperance en Dieu, qui ne me confondra point, puis que l'entreprinse est pour son service, honneur et gloire, que par sa grace il me suppeditera touts moiens a ce necessaires, et ostera touts empeschements invincibles: Erunt prava in directa, et aspera in vias planas.

  A017003986 

 C'est a elle que je vouë le service de tout le reste de ma vie, et si les forces estoint pareilles au courage, ce ne seroit pas pour petites choses mais pour grandes; toutefois, j'attendray la vocation de Dieu.

  A017004065 

 Enfin, il s'en est parlé fort mal à propos; Dieu veuille qu'il y ait plus d'innocence que le monde ne pense! Mon Dieu, mon très honoré Père, que de malheurs qui sont parmi le monde! Bienheureux qui vit en crainte! Pour moi, je ne puis mal penser de cette Dame, je la crois trop vertueuse..

  A017004066 

 O Dieu! mon très cher et honoré Père, c'est la douleur la plus sensible au cœur que l'on puisse avoir; toutes les contradictions ne sont rien, au prix de savoir du mal à cette chère Mère..

  A017004073 

 Dieu soit béni..

  A017004092 

 Oh! Dieu fera bien tout réussir selon sa sainte volonté, s'il lui plaît..

  A017004093 

 Nous avons reçu une fille à l'essai, de la main de M me Le Blanc, qu'on espère qui fera bien; elle a eu une étrange persévérance à vouloir être toute à Dieu..

  A017004094 

 Eh! Dieu nous rende telle que sa Bonté nous désire.

  A017004094 

 Il nous semble que le fruit que Notre-Seigneur nous [422] fait tirer de cela est un dénuement de toutes choses créées et l'affection de ne tenir qu'à Dieu seul.

  A017004094 

 Mon Dieu, Monseigneur, que nous avons bon besoin de l'assistance de sa divine Majesté et qu'il nous fortifie! Avec toutes ces rencontres journalières, qui sont assez pleines de mortification, je n'ai nul sentiment de confiance, ni quasi de courage, bien que, grâces à Dieu, nous ressentons toujours, à la pointe de l'esprit, de l'amour à tout ce qui arrive, parce que nous le voyons partir comme des choses que Dieu permet et qu'il nous donne pour nous humilier.

  A017004095 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement: elles sont bonnes filles, Dieu merci.

  A017004100 

 Dieu soit béni..

  A017004117 

 Le livre de l' Amour de Dieu nous sert et nous aide grandement à être un peu courageuse aux contradictions dont cette vie est remplie.

  A017004118 

 Mon Dieu, mon très honoré Père, nous sommes un peu en peine de notre digne Mère qui reprend si fréquemment ces accidents si fâcheux et dangereux; elle en a eu un depuis que vous êtes à Grenoble, à ce que nous écrit monsieur de Boisy, force d'avoir trop parlé à nos Sœurs au Chapitre.

  A017004121 

 Nous sommes toujours la moindre de vos filles, mon très honoré Père, mais de celles qui ont plus de désir de vous obéir et de plaire à Dieu..

  A017004128 

 Dieu soit bèni..

  A017004142 

 Nous ne la connaissons point; néanmoins son premier abord nous agrée assez, et nous espérons qu'elle sera propre pour notre sorte de vie: Dieu lui en fasse la grâce! Ce sera le plus grand bonheur qu'elle puisse avoir, que de se rendre digne de la grâce que sa divine Majesté lui a faite, et à nous aussi..

  A017004143 

 Monseigneur et mon très digne Père, nous louons notre bon Dieu et vous remercions très humblement de la bonne nouvelle que vous nous dites de nos affaires de Rome; nous espérons qu'à (sic) la seule difficulté qui reste sera bientôt éclaircie, s'il plaît à Notre-Seigneur..

  A017004144 

 J'ai toujours des grands désirs d'être telle que vous nous désirez et que Dieu nous veut; mais il faut que tout vienne de lui, par l'intercession de vos saintes prières..

  A017004144 

 Nous aurons bon courage, s'il plaît à Dieu, Monseigneur, puisque vous nous le commandez.

  A017004145 

 Monseigneur, nous serons bien aise que la nièce de M. de Bouqueron vienne; nous avons une grande bonne opinion que ce sera une bonne servante de Dieu.

  A017004152 

 Dieu soit béni..

  A017004176 

 J'ay leu aussi depuis un mois tout vostre Theotime, où j'ay appris que l'amour de nostre bon Dieu n'est pas de la nature de ceux du monde et de la Cour.

  A017004176 

 Je m'en vais donc tascher de mouler ma vie sur celle de vostre Philothée, et n'aimer avec Theotime rien que Dieu, ou pour luy, et selon sa tres aimable volonté..

  A017004177 

 Au reste, je ne vous ferois pas cette demande, si je n'estois tres-assurée que Dieu vous a ouvert le livre des consciences, et qu'en vous declarant mon nom je vous découvre qui je suis et tout ce qui se passe dedans mon interieur.

  A017004177 

 Je connois aussi plusieurs dames qui ont le bien de vivre dessous vostre saincte conduite, et qui m'ont assuré que Dieu vous avoit fait naistre en ce siecle pour nous apprendre la vertu, et qu'il ne tiendra qu'à nous d'estre sainctes, si nous voulons suivre les douces loix de vostre saincteté.

  A017004177 

 Pour moy, je vous choisis pour mon bon Pere et mon bon Directeur, et je vous jure que, voulant estre toute à Dieu, je me resous d'estre vostre tres-chere fille selon Dieu..

  A017004184 

 Il est loisible à tout le monde de consulter son trepied, qui est le Traitté de l'Amour de Dieu de Monsieur de Sales, Evesque de Geneve.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000013 

 — Il soutient avec fermeté ses droits d'Evêque dans toute l'étendue de son diocèse, et impose sa volonté pour la gloire de Dieu et l'honneur de l'Eglise. 15.

  A018000015 

 Amour maternel que doivent avoir les ministres de Dieu pour les âmes.

  A018000022 

 — Adhérence au vouloir de Dieu. 22.

  A018000030 

 — Malgré les épreuves intérieures, aimer Dieu et lui rester fidèle. 30.

  A018000031 

 — Pourquoi la fécondité est une bénédiction de Dieu. 31.

  A018000032 

 Deshonorée devant le monde; en estime devant Dieu. 32.

  A018000045 

 Ne jamais s'attrister, car Dieu nous aime et nous sommes siens. 40.

  A018000068 

 — Joie inaltérable des âmes données à Dieu.

  A018000088 

 Pourquoi les premières Mères de la Visitation doivent être très humbles et unies à Dieu. 81.

  A018000097 

 — Le service de Dieu, unique bonheur en ce monde. 89.

  A018000099 

 — Confiance en Dieu, et regrets sur les morts. 90.

  A018000100 

 Mort de deux grands serviteurs de Dieu.

  A018000104 

 — Aimer le bonheur de ceux qui nous ont quittés pour aller à Dieu. 94.

  A018000108 

 — Vivre joyeuse sous le regard de Dieu.

  A018000115 

 Louange à Dieu pour le bon et le mauvais succès de divers événements.

  A018000118 

 A quelle condition Dieu bénit les entreprises.

  A018000120 

 — Œuvres dont Dieu « tiendra bon comte ». 112.

  A018000126 

 » — Quel doit être le seul souci des enfants de Dieu.

  A018000128 

 Recommandation à la destinataire de soumettre sa volonté à celle de Dieu. 123.

  A018000151 

 Un homme « tout spirituel et tout de Dieu.

  A018000188 

 Servantes, grandes et petites, de la Mère de Dieu, unies dans son amour. 173.

  A018000193 

 Comment Dieu bénit une œuvre.

  A018000198 

 — Pommes de senteur entre les mains de Dieu.

  A018000207 

 — Quand est-ce que Dieu supporte notre fardeau avec nous. 191.

  A018000209 

 — Filiale confiance en Dieu et paix entre ses bras. 193.

  A018000217 

 — Renouveler son courage pour le service de Dieu. 203.

  A018000218 

 — Aspirer aux contentements de l'éternité à mesure que Dieu nous sèvre de ceux de ce monde. 204.

  A018000220 

 — Pourquoi Dieu n'exauce pas tout de suite nos prières.

  A018000231 

 — Desseins de Dieu sur l'Abbesse de Port-Royal.

  A018000238 

 — L'Eglise, gardienne et interprète infaillible de la Parole de Dieu. 223.

  A018000246 

 Un même trésor pour tous les cœurs des enfants de Dieu.

  A018000309 

 Je suis un chetif homme, sujet a passion; mais, par la grace de Dieu, depuis que je suis berger, je ne dis jamais parole passionnee de cholere a mes brebis.

  A018000311 

 Pour le regard de ces bons gentilzhommes, pour Dieu, Monsieur mon tres cher Confrere, absolves de tout ce que je puis absoudre, sans reserve; car, pourquoy vous reserverois-je aucune authorité que je puisse communiquer, puisque vous ne reserves aucune peine que vous puissiés prendre pour le bien de mes cheres brebis? [7].

  A018000312 

 Helas! Monsieur mon cher ami, j'ay quelquefois les larmes aux yeux, quand je considere ma babilonique Geneve calviniste: Hæreditas nostra versa est ad alienos; le sanctuaire est en derision, la mayson de Dieu en confusion; et qu'en diray-je? Je ne puis bonnement autre chose que pleurer sur ses ruines..

  A018000313 

 Quand je considere nostre pauvre, petite et humble Visitation qui apportera tant de gloire a Dieu, encor ay je quelque consolation d'estre Evesque de ce diocese; au moins y auray je fait ce bien.

  A018000313 

 Toutefois je m'arreste, et dis comme les gens de nostre Evangile: Dieu a tout bien fait.

  A018000325 

 Dieu accompaigne monsieur le Marquis de Saint Damian, avec lequel nous avons esté bien doucement icy, et croy qu'il soit de bonne nature..

  A018000363 

 Ainsy nous prions tous Dieu qu'il benisse, conserve et prospere Vostre Altesse, delaquelle je vivray a jamais,.

  A018000375 

 O Dieu, mon tres cher monsieur de Blonnay, mon ami, que je retarderay volontier mon voyage, puisque monsieur le Marquis le desire; car aussi bien estois-je prest de vous escrire, ou a monsieur l'Abbé: Dimitte me, ut plangam paululum dolorem meum.

  A018000376 

 Or sus, je dis neanmoins de tout mon cœur a Dieu: Je me tais, et n'ouvre point ma bouche, car vous l'aves fait.

  A018000396 

 Et nous n'avons aussi a dire autre chose en tout ce que Dieu fait, sinon: Amen..

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000397 

 Mais Dieu est bon, et fait toutes choses en sa bonté.

  A018000399 

 Dieu soit beni en la vie et en la mort des siens.

  A018000409 

 O Dieu, ma pauvre tres chere Seur, que j'ay de peine pour le desplaysir que vostre cœur souffrira sur le trespas de ce pauvre frere, qui nous estoit a tous si cher! Mays il n'y a remede: il faut arrester nos volontés en celle de Dieu, qui, a bien considerer toutes choses, a grandement favorisé ce pauvre defunt, de l'avoir osté d'un siecle et d'une vocation ou il y a tant de dangers de se damner.

  A018000412 

 Dieu donq soit a jamais beni pour le soin qu'il a eu de recueillir cette ame entre ses esleus! car en somme, que devons nous pretendre autre chose?.

  A018000414 

 Or sus, ma tres chere Fille, consolons nos cœurs le mieux que nous sçaurons, et tenons pour bon tout ce qu'il a pleu a Dieu de faire; car aussi, tout ce qu'il a fait est tres bon..

  A018000415 

 Dieu benisse a jamais vostre cœur, ma tres chere Seur, ma Fille, et je suis sans fin tres parfaitement tout vostre, et.

  A018000427 

 Or, apres toutes les idees que le desplaysir me donne, je conclus que Dieu l'ayant voulu, ç'a esté le mieux.

  A018000428 

 Dieu, par sa bonté, les veuille proteger et conduire parmi les hazars ou cette guerre les porte..

  A018000430 

 Beni soit Dieu qui l'a ravi devant les duelz, les mutineries, les desespoirs, et en [19] somme devant ces innombrables occasions d'offencer Dieu que cette espece de vacation donne en ce miserable aage..

  A018000431 

 J'acquiesce et dis Amen, non seulement sur les paroles, mais aussi sur les œuvres de Dieu, le suppliant qu'il vous conserve, et demeurant pour jamais,.

  A018000444 

 Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, graces a Dieu, entre ceux de cette mayson.

  A018000459 

 Dela je passeray a Gex, ou je suis desiré pour pareilles affaires, et, Dieu aydant, me rendray a Annessi pour nostre feste de Saint Pierre aux liens.

  A018000461 

 C'est dommage de monsieur de Passier; et Dieu sçait sil y en aura point d'autres que nous ayons a regretter en cette rencontre..

  A018000461 

 J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Chanal, qui ayant esté appellé de Dieu a la vie devote des quelques annees en ça, sera mort en tel estat, je m'asseure, que nous avons occasion de benir l'heure de son trespas; et moy particulierement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son depart d'Annessi.

  A018000490 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur.

  A018000498 

 Il faut attendre ce que Dieu fera, et non seulement l'accepter, mais, [27] autant que nous pourrons, il faudra l'accepter aggreablement et amiablement.

  A018000498 

 Toutefois je replique: Ainsy que la volonté de Dieu sera au ciel, soit fait en terre..

  A018000499 

 Mays, qu'elle vive ou meure, je luy donneray [28] en la sainte Messe que je vay dire, la sacree benediction de Dieu et de son Eglise..

  A018000501 

 Dieu soit a jamais nostre tout, et sa volonté nostre amour.

  A018000517 

 Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoyselles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des-ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon; et espere que l'un'et l'autre donneront [et recevront] reciproquement de l'edification et consolation en la Congregation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce commencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.

  A018000532 

 Mais, comme me pourrois-je empescher d'estre en peine de ce que je suis la, quant a la santé? Pour Dieu, ne parles pas beaucoup, soulages vous, et vous tenés un peu tranquille tant d'esprit que de cors; car le premier accident vous arriva apres le traitté avec M. de la Roche, ou vous ne fustes pas sans parler avec affection, et puis le tracas des malades fit venir le second.

  A018000534 

 Qui sçait si Dieu aura pitié d'elle et luy pardonnera? Son mauvais naturel ne m'estonne point, car Nostre Seigneur fait quelquefois les enfans d'Abraham des pierres.

  A018000536 

 Or bien, je vous escriray a toutes occurrences, ma tres chere Mere, mon cœur et ma vie ne pouvant subsister avec consolation que par l'unité quil a pleu de faire a Dieu de nous, affin qu'aeternellement nous fussions siens..

  A018000538 

 Dieu vous conserve, ma tres chere Mere, et remplisse a jamais nostre unique ame de son tres pur amour.

  A018000550 

 Vous pouves penser, ma tres chere Fille, ma Seur, et je croy que vostre cœur vous le dit asses, que j'ay une extreme consolation dans le mien quand vous m'escrives de vos nouvelles; car, puisqu'il a pleu a Dieu, je suis le cher frere et le Pere tout ensemble, mais le plus affectionné et sincere que vous sceussies imaginer..

  A018000553 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur et de celuy de nostre chere seur, qui est certes ma fille de tout mon cœur; au moins je le croy et le veux tous-jours croire pour mon contentement..

  A018000563 

 Helas! ma pauvre Fille, vous aves rayson de vous estonner qu'une creature veuille offenser Dieu, car cela surpasse tout estonnement; mais pourtant cela se fait, comme par malheur on voit tous les jours.

  A018000564 

 Et pour vostre regard, ma chere Cousine, ma Fille, il ne faut perdre courage; car vous deves estre si amoureuse de Dieu, qu'encor que vous ne puissies rien faire aupres de luy et en sa presence, vous ne laissies pas d'estre bien ayse de vous y mettre pour seulement le voir et regarder quelquefois.

  A018000573 

 Je ne doute point que dans fort peu de tems vous n'en soyes entierement victorieuse, puisque je vous voy si courageuse au combat et si pleyne d'esperance et de confiance de vaincre par la grace de nostre bon Dieu.

  A018000573 

 La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de benir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le desir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous representes vos tentations et le combat que vous faites; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligee.

  A018000576 

 Mon Dieu, que vous aves de grans moyens de meriter en toute vostre mayson! Indubitablement vous la pouves rendre un vray paradis de pieté, ayant monsieur vostre mari si propice a vos bons desirs.

  A018000578 

 Au moins ne manque-je point de vous offrir et representer a la misericorde de Dieu en mes foibles et languissantes prieres, et sur tout au saint Sacrifice de la Messe; j'y adjouste tous-jours toute vostre mayson, que je cheris uniquement en vous, et vous en Dieu..

  A018000579 

 Faites vostre prouffit de cette grossesse en deux façons: offrant vostre fruit a Dieu cent fois le jour, comme saint Augustin tesmoigne que sa mere, estant enceinte de luy, avoit accoustumé de faire; puis, es ennuis et afflictions qui vous en arriveront et qui ont accoustumé de suyvre la grossesse, benissés Nostre Seigneur de ce que vous souffres pour luy faire un serviteur ou servante, qui, moyennant sa grace, le louera eternellement avec vous..

  A018000579 

 J'ay appris que vous esties grosse; j'en ay beni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres.

  A018000579 

 Les arbres portent les fruitz pour les hommes, mais les femmes portent les enfans pour Dieu; c'est pourquoy la fertilité est une de ses benedictions.

  A018000580 

 Dieu en fin soit en tout et par tout glorifié en nos peines et consolations..

  A018000589 

 C'est une famille gastee et des ames perdues, et l'unique fille de cet homme-la, qui est une bonne fille, deshonnoree devant le monde, bien que devant Dieu, estant devote comme ell'est, elle ne laisse pas d'estre d'estime.

  A018000615 

 Et partant, Monseigneur, la faveur que Vostre Altesse fera a cette calamiteuse famille sera egalement ornee de justice et de misericorde, qui sont les deux aisles sur lesquelles l'aggreable renommee des bons princes vole et au Ciel et en terre, parmi mille benedictions et de Dieu et des hommes..

  A018000644 

 Dieu, ce crois-je, convertira ceci en bien, et si la fille sçait lire et escrire, et qu'elle soit si bien conditionnee qu'on dit, l'incommodité ne sera pas si grande.

  A018000646 

 Mays, mon Dieu, cette pauvre fille que j'ayme tant, a grand tort, ce me semble, d'avoir veu M. de Sauzea [47] a Lyon; car, quand il seroit un saint, puisque M. le Premier et M. le Baron d'Origni l'aborre (sic) si fort, ne failloit il pas s'abstenir de cette veüe? Or bien, il ny a remede; c'est pour cela que Dieu donne ces affections paternellement maternelles, affin qu'on se degouste point de servir ces enfans emmi leurs enfances..

  A018000651 

 Dieu me conduira, car j'ay cela bien a cœur..

  A018000662 

 Et bien que je sois attaché icy encor pour quelque jours, si n'avois-je pas laissé de donner ordre que vous fussies receu (sic) Annessi, comme vous seres, Dieu aydant, a vostre arrivee, laquelle je suis infiniment marri avoir esté retardee par cette ...ntion.

  A018000662 

 O Dieu, que... vous a causé de desplaysirs! Venes, ma tres chere Seur, et venes bien disposee a suivre mes conseilz, qui partiront d'un esprit qui cherit vostre ame nompareillement.

  A018000662 

 Que ce rencontre n'[ébranle] point vostre courage; Dieu convertira tout cela en bien..

  A018000664 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Seur, ma Fille, et je suis en luy,.

  A018000709 

 Ma tres chere Mere, vives tous-jours toute a Dieu, auquel vostre ame est de si long tems consacree.

  A018000723 

 Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur..

  A018000734 

 Me voyci donq arrivé, ma tres chere Mere, en tres bonne santé, graces a Dieu.

  A018000735 

 Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur.

  A018000755 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre esprit pour faire justice et jugement, et pour vous combler de douceur et consolation celeste.

  A018000769 

 Quel bonheur, Madame, d'estre toute a Dieu! car il ayme les siens, il les protege, il les conduit, il les met au port de la desirable eternité.

  A018000770 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A018000783 

 Cependant vous sçaves, comme je pense, quelle estime j'ay tous-jours faite de vostre Congregation, et pour cela, des qu'il a pleu a Dieu par sa bonté de la faire esclorre, j'ay tous-jours desiré d'en avoir une Mayson en ce diocaese; ce que je n'ay sceu faire jusques a present, qu'a mon advis je puis reuscir de ce dessein.

  A018000784 

 J'attendray donq de vos nouvelles pour ce regard, et vous conjurant de me recommander souvent a la misericorde de Dieu, je demeureray a jamais, de toute vostre Congregation en general, et de vous en particulier,.

  A018000802 

 Mais je ne puis bonnement m'expliquer par escrit; ce sera demain matin, Dieu aydant.

  A018000813 

 C'est grand cas comme l'esprit humain est ami de sa volonté, et comme chacun suit l'amour propre sans regarder ce qui est plus au service de Dieu! Sur cela je luy escris l'advis requis pour l'affaire de monsieur le Prieur; je ne sçai si cela accommodera son cœur, mais il me tardoit que je le fisse..

  A018000828 

 Je vous rens graces tres humbles de lhonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment prætieux; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de desirs!.

  A018000834 

 Je prie Dieu quil vous conserve et comble de toute sainte prosperité, demeurant a jamais, Monseigneur,.

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000854 

 Au reste, je vous supplie tres humblement de commander que nous soyons advertis de l'estat de la maladie de nostre Presidente, car en verité nous en sommes en [68] peine jusques a l'inquietude inclusivement, et les Dames de la Visitation n'oublient pas a prier Dieu, comme aussi que sa bonté vous veuille conserver.

  A018000865 

 Mon cœur pense souvent au vostre et, si vous entendies son langage, il vous demande si vous estes tous-jours au pied de la Croix, ou je vous laissay, c'est a dire tous-jours attachee a la tressainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni a droitte ni a gauche (ni aux contentemens ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis) du chemin de ses ordonnances.

  A018000876 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner l'ame de cet enfant et la vie de la mere, que j'ay dedans mon cœur comme ma pauvre tres chere petite fille..

  A018000928 

 Mais pourtant, a l'imitation de cette defunte, nous embrassons, aymons et adorons la volonté de Dieu, avec toute sousmission de tout nostre cœur, car c'estoyent presque ses dernieres paroles; vous asseurant que jamais je n'ay veu un trespas si saint que celuy de cette fille, quoy qu'elle n'eust que cinq heures pour le faire..

  A018000941 

 Elle s'estoit vouee a la Visitation des l'instant de sa viduité et avoit des-ja fait ce projet au despart de son mari; et Dieu luy a fait la grace qu'elle est morte en cette mayson, d'une mort marquee de sainteté extraordinaire; elle demanda l'habit et fit les vœux avant que de mourir..

  A018000941 

 Il a pleu encor, ces jours passés, a Dieu de me visiter en nostre mayson, retirant a soy nostre nouvelle vefve, ma seur de Thorens, femme des plus sages, vertueuses et aymables qu'on eust sceu desirer.

  A018000951 

 Aussi, mon Dieu, quelle fin a elle faite! certes, la plus sainte, la plus suave et la plus aymable qu'il est possible de s'imaginer.

  A018000959 

 Ce n'est pas la madame de Thorens que vous aves veuë, quoy que celle-la fust fort aymable: c'est une madame de Thorens toute dediee a Dieu, toute relevee au desir de ne vivre qu'a Dieu, toute pleine de clarté es choses spirituelles et de la connoissance de Dieu et de soy mesme, et telle que l'on pouvoit esperer que dans peu de tems elle seroit une autre nostre Mere..

  A018000991 

 Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à [77] Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si économe soit-il, ne peut vivre de ses revenus: à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or.

  A018000992 

 Mais je dirai encore un mot à mon seigneur. Combien je voudrais, ô Dieu de bonté! combien souhaiteraient aussi la plupart des gens de bien, que nous eussions, sinon toutes, au moins l'une ou l'autre des Epîtres de saint Paul, fût-ce des plus courtes, expliquée au triple sens historique, dogmatique et mystique, que signale Votre Illustrissime Seigneurie.

  A018000992 

 N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au-dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile..

  A018000993 

 En attendant, tout en formulant ce vœu de tout cœur, je supplie le Dieu très bon et très grand de garder une vie florissante le plus longtemps possible à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A018000998 

 Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Seigneur, Dieu des armées! Plût au Ciel que les princes catholiques [80] n'eussent qu' un seul cœur! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront! Où est-il le Pacificateur? Oui, venez, Seigneur Jésus!.

  A018001007 

 Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand, la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastere et Congregation au train de l'ancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, [81] comme de chose qui importe extremement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'edification des fideles..

  A018001008 

 Prenes courage, Dieu sera parmi vous, qui fera l'œuvre, si vous l'en supplies; il ne vous a pas donné cette bonne disposition, qu'il ne veuille vous acheminer a la perfection de l'œuvre..

  A018001028 

 Que les Dames de la Visitation ayant acheté au veu et sceu de toute la ville la mayson en laquelle elles sont [83] a present, pour y servir Dieu, et s'y estant logees sans opposition ni contradiction de personne, ni mesme des Peres de Saint Dominique, ains au contraire le Reverend Pere de Bollo, Superieur de l'Ordre, ayant favorisé leur Congregation et leur sejour en ce lieu la de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire, elles n'avoyent nul sujet de penser que lesditz Peres eussent pris en si mauvaise part leur demeure en ce quartier..

  A018001029 

 Que despuis, ayant pleu a Dieu de donner accroissement a leur Congregation, elles se sont treuvees en necessité d'eslargir leur habitation et s'accommoder des maysons voysines, par traittés legitimes faitz avec les possesseurs d'icelles et, par mesme moyen, elles se sont treuvees en necessité de bastir et former leur mayson en monastere pour pouvoir observer la clausure et la.

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001096 

 Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte-Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand.

  A018001100 

 Dieu veuille la garder en santé très longtemps encore! En lui baisant très humblement les mains, je demeure,.

  A018001130 

 Que Dieu comble de bonheur dans la participation de la grâce et de la gloire céleste Votre Paternité, dont je veux demeurer toujours.

  A018001147 

 J'espere que Dieu nous aydera..

  A018001147 

 Nostre Mere se porte bien, Dieu merci, et toute joyeuse de la belle croix.

  A018001176 

 Je croy fermement, ma tres chere Fille, que vostre cœur reçoit de la consolation de mes lettres, qui vous sont aussi escrites d'une affection nompareille, puisqu'il a [100] pleu a Dieu que ma dilection envers vous fust toute paternelle, selon laquelle je ne cesse point de vous souhaiter le comble de toutes benedictions..

  A018001178 

 Vous aves bien sceu, ma tres chere Fille, toutes nos petites afflictions, lesquelles j'aurois bien sujet de nommer grandes, si je n'eusse veu un amour special de Dieu envers les ames qu'il a retirees d'entre nous; car mon frere mourut comme un Religieux entre les soldatz, ma seur, comme sainte entre les Religieuses.

  A018001198 

 En somme, ma tres chere Seur, ma Fille, tel a esté le bon playsir de Dieu, auquel nos volontés doivent estre toutes soumises..

  A018001198 

 Mays, graces a Dieu, tout cela s'est passé [103] a leur salut; car mon frere, qui estoit allé au service de Son Altesse en soldat, y est mort en Religieux; son filz est passé en innocence, et sa femme en sainte, apres avoir demandé et obtenu l'habit de la Visitation et fait les vœux au lit de la mort.

  A018001199 

 Ma tres chere Seur, nous avons a remercier Dieu qui nous a si longuement laissé cette mere, et n'est pas raysonnable que nous treuvions mauvais sil la reprend, puis que c'est pour luy donner une meilleure vie..

  A018001212 

 O sil playsoit a Dieu de le toucher, l'attirer et gaigner! car c'est bien la coustume de sa divine providence d'employer les choses basses et infirmes pour les grans effectz de sa Bonté.

  A018001213 

 Cependant, je confesse que, comme d'un costé ce m'eut [105] esté un contentement indicible de jouir de la presence de cet amy incomparable qui me souhaitoit a Paris et de la conversation de plusieurs autres qui me font lhonneur de m'affectionner, aussi m'est-ce un grand soulagement de m'esloigner si peu de ma residence quil semble presque que je ne m'en esloigne point; car en somme, ma femme, mes enfans, mon devoir et mes affaires sont icy, puisque Dieu a voulu que j'y fusse pere de famille et son œconome..

  A018001214 

 Je fus l'autre jour dire a Dieu a mon tres cher, tres aymable et tres digne voysin Monseigneur de Belley, qui s'en reva en son Paris et païs prescher a Saint Severin; et outre mille qualités qui m'obligent a l'honnorer, je le vis si plein d'amour, de respect et d'estime pour vos merites quil ne se peut rien adjouster, et partant vous fustes une grande part de nos plus doux entretiens..

  A018001231 

 Dieu, par sa bonté, veüille conserver et prosperer la personne de Vostre Altesse,.

  A018001247 

 A quoy je joins tres humblement ma recommandation, avec mille et mille souhaitz que je fay devant Dieu quil comble Vostre Altesse de fœlicité, demeurant, Monseigneur,.

  A018001260 

 Je ne puis m'empescher d'estre un peu en peyne de [109] vostre tracas survenu si mal a propos; mais il faut estre constant et ferme aupres de la croix, et sur la croix mesme, s'il plait a Dieu de nous y mettre.

  A018001263 

 Dieu soit a jamais au milieu de nostre cœur.

  A018001270 

 Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frere et de ma seur de Thorens; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frere est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chere espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un seminaire de sainteté.

  A018001286 

 Je prieray Dieu quil sanctifie sa volonté en nous et nous en sa volonté.

  A018001306 

 Cependant, bonjour, ma tres chere Mere; Dieu soit nostre medecin et nostre guerison luy mesme..

  A018001348 

 Vostre Altesse a des le commencement favorisé l'establissement de l'art et traffiq de la soye en ces cartiers de deça comme une œuvre de grande utilité au païs et de grande importance pour la gloire de Dieu, affin de divertir les artisans et ouvriers d'aller perdre leurs ames dans Geneve.

  A018001362 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, ma tres chere Mere.

  A018001373 

 Et pensés si, ayant demeuré despuis la veille de saint André sans sçavoir en sorte que ce soit de ses nouvelles, je dois estre peyné! La volonté de Dieu soit a jamais l'unique refuge de la nostre, et son accomplissement, nostre consolation..

  A018001376 

 Dieu soit a jamais au milieu de leurs ames.

  A018001384 

 Je suis allé tout gay comme un petit oyseau, dans ma chaire, ou j'ay chanté plus joyeusement que l'ordinaire a l'honneur de ce grand Dieu, qui a racheté ma vie de la mort, et qui me couronnera en sa misericorde et miserations.

  A018001384 

 Soyons a jamais tout a Dieu, benissons son saint nom, et exaltons le throsne de son amour sacré dans nostre ame; elle vivra jusques au siecle des siecles..

  A018001385 

 Dieu donq soit a jamais beni, qui nous console en toutes nos tribulations.

  A018001385 

 Dieu soit a jamais beni, et veuille de plus en plus establir l'esperance qu'il nous donne de la guerison de ma tres aymee Mere et Fille.

  A018001385 

 Dieu soit beni, et me donne la grace de luy rendre quelque service icy, et par tout ou il luy plaira de m'appeller, sur tout en mon diocese, puisqu'il luy a pleu de m'en charger, et du costé duquel, ou que j'aille, mon cœur s'y tournera a tous momens.

  A018001387 

 O Dieu, Sauveur de nostre ame, qui estes le jour de la clarté eternelle, donnés ce jour temporel et dix mille apres, bons et utiles, saintz et aggreables, a la Fille bienaymee qu'il vous a pleu rendre mienne et pretieuse a mon cœur comme moy mesme..

  A018001409 

 Et je ne vous ay [cherchée que] pour premierement me res-jouir avec vous de vostre heureux mariage, car on m'en dit beaucoup de bien; que vous aves tant de contentement et que vous en rendes tant, que monsieur vostre mari est si vertueux, et que le lien d'une sainte et forte amitié vous tient unis ensemble; en somme, que vous aves toute occasion de louer Dieu, qui vous a fait rencontrer si favorablement le soin de monsieur vostre pere et de madame vostre mere..

  A018001411 

 Rien ne vous honnorera tant que cette humilité, car Dieu exalte les humbles.

  A018001411 

 Souvenés vous, Madamoyselle, de vivre tous les jours en humilité, affin que Dieu vous benisse en toute vostre mayson, puisqu'il est certain que Dieu resiste aux superbes et vains, et donne aux humbles sa grace.

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001429 

 J'ay veu les suggestions que l'ennemy de vostre avancement fait a vostre cœur, ma tres chere Fille, et voy [130] d'ailleurs la grace que le tressaint Esprit de Dieu vous donne pour vous maintenir forte et ferme en la poursuite du chemin auquel il vous a mis.

  A018001432 

 Mais je dis trop: Dieu luy mesme vous tiendra de la mesme main de sa misericorde avec laquelle il vous a mis en cette vocation, et l'ennemy n'aura point de victoire sur vous, qui, comme la premiere fille de ce païs-la, deves estre bien espreuvee par la tentation, et bien couronnée par la perseverance..

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001445 

 Or, Dieu soit loué! J'espere que bien tost chacun s'accoysera par la conclusion qu'on y mettra a Rome..

  A018001446 

 Ma tres chere Fille, pour Dieu, ayes bon courage; c'est aussi pour luy que vous vives et travailles.

  A018001454 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Niece, ma Fille, dequoy vous perseveres tous-jours au soin de luy garder les plus pretieuses affections de vostre cœur.

  A018001455 

 Il faut bien tous-jours tenir ferme en nos deux cheres vertus, la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu; et j'espere qu'il sera ainsy, car ce grand Dieu qui vous a pris par la main pour vous tirer a soy, ne vous abandonnera point qu'il ne vous ayt logee en son tabernacle eternel.

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001457 

 Ne vous mettés donq pas en peyne pour cela, mais allés humblement et franchement dire ce que vous aures remarqué; et pour ce que vous n'aures pas remarqué, remettes le a la douce misericorde de Celuy la qui met la main au dessous de ceux qui tombent sans malice, affin qu'ilz ne se froissent point, et les releve si vistement et doucement qu'ilz ne s'apperçoivent pas, ni d'estre tombés, parce que la main de Dieu les a recueillis en leurs cheutes, ni d'estre relevés, parce qu'elle les a retirés si soudain qu'ilz n'y ont point pensé..

  A018001458 

 A Dieu, ma tres chere Fille, ma Niece; conservés tous-jours bien vostre ame bienaymee, et ne tenes pas grand conte de ces annees qui passent, sinon pour gaigner la tressainte eternité..

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001494 

 Je reçois a grand bonheur le commandement que Vostre Altesse me fait de suivre Monseigneur le Serenissime Cardinal en France, et le feray, Dieu aydant, avec tant de fidelité et sujettion, que je ne demeriteray point lhonneur que je possede d'estre,.

  A018001518 

 Or, je croy qu'il luy plaira, puisqu'il a en sa ville metropolitaine une Mayson de la Visitation ou Dieu est grandement honnoré..

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001543 

 Dieu, par son infinie bonté, vous conserve et comble de bonheur, Monsieur mon Frere, avec madame ma chere seur, et suis.

  A018001584 

 Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contentement qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le merite [150] du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis eternel, si vous la gardes bien.

  A018001584 

 Et vous le feres, je le sçai bien; car vous invoqueres Dieu, affin qu'il vous en continue la grace, et prendres soin de bien prattiquer ce que je vous ay conseillé, que j'espere de confirmer par mon retour, puisque, comme j'ay opinion, le voyage de ce Prince que je devois accompaigner est retardé..

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001598 

 Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions; car, comme seroit-il bon autrement? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit; et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines par sa science celeste..

  A018001617 

 Je prie Dieu, ce pendant, qu'il comble de benedictions Vostre Majesté, vostre couronne et vostre royaume; qui suis et seray a jamais,.

  A018001631 

 Dieu qui nous l'avoit donné pour son service, le nous a osté pour sa gloire: son saint nom soit beni! [156].

  A018001632 

 Dieu reparera cette perte et nous suscitera des ouvriers en lieu de ces deux qu'il a pleu retirer de sa vigne pour les faire asseoir en sa table.

  A018001632 

 Mais tenes vostre cœur en paix, car il le faut; et, comme dit l'Escriture, pleures un peu sur les trespassés, mais pourtant loues Dieu en consolation, puisque nostre esperance est vivante.

  A018001643 

 A 7 heures du matin, nous avons perdu pour cette vie le P. D. Simplicien, et a trois heures le bon monsieur de Sainte Catherine, deux grans serviteurs de Dieu, sans qu'il y aye presque [157] aucun malade en cette ville.

  A018001643 

 Il faut demeurer coy en ce que Dieu dispose et ordonne; nous l'avons mesme fait ce jourd'huy.

  A018001653 

 L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les benefices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans offencer Dieu et les ames [159] des fondateurs.

  A018001653 

 L'une est, que quand monsieur le Baron seroit en estat (dont Dieu le garde) de deservir cette chapelle, en estant le nominateur il ne pourroit pas la prendre pour soymesme, car nulle (sic) ne peut estre nominateur de soymesme.

  A018001669 

 Dieu, qui a fait vostre cœur pour son Paradis, ma tres chere Fille, luy face la grace d'y bien aspirer.

  A018001673 

 Dieu, par sa bonté, vous comble de son Saint Esprit, affin que vous vivies en luy et a luy..

  A018001691 

 Mon cher Frere (car je suis en la place de celuy que nostre bon Dieu a retiré pres de luy), on me vient de [163] dire que vous pleures continuellement pour cette veritablement bien sensible separation.

  A018001718 

 Grâce à Dieu, elle finira bientôt, puisque dès l'arrivée de Son Excellence, qui doit venir dans quelques jours, Votre Paternité sera mise en liberté.

  A018001748 

 Entre les saintz projetz que Dieu inspira a Vostre Altesse tandis qu'elle fut icy, pour restablir le lustre du service divin en ces païs de deça, l'un estoit de mettre les Peres Chartreux a Ripaille, qui de tous tems ont une tres particuliere obligation et fidele affection a la coronne de Savoye, et desquelz la vie et les offices sont d'une merveilleuse edification.

  A018001748 

 Et ce pendant, je prieray Dieu qu'il comble de ses graces Vostre Altesse, a laquelle faysant tres humblement la reverence, je suis,.

  A018001761 

 Ce m'eust esté une consolation sans pair de vous voir toutes en passant, mais Dieu ne l'ayant pas voulu, je m'arreste a cela; et ce pendant, ma tres chere Fille, tres volontier je lis vos lettres et y respons..

  A018001762 

 J'ay parlé de ceci au livre de l' Amour de Dieu, traittant de la mort de la volonté et des resignations; je ne me souviens pas en quel Livre..

  A018001762 

 Vrayement, Dieu est en ce lieu, et je rien sçavois rien, disoit Jacob; c'est a dire, je ne m'en appercevois pas, je n'en avois nul sentiment, il ne me sembloit pas.

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001763 

 Et que Dieu vous regarde avec amour, vous n'aves nul sujet d'en douter; car il voit amoureusement les plus horribles pecheurs du monde, pour peu de vray desir qu'ilz ayent de se convertir.

  A018001764 

 Mais, ma Fille, l'amour de Dieu ne consiste pas en consolation ni en tendreté; autrement, Nostre Seigneur n'eust pas aymé son Pere lhors qu'il estoit triste jusques a la mort et qu'il crioit: Mon Pere, mon Pere, pourquoy m'as-tu abandonné? Et c'estoit lhors, toutefois, qu'il faysoit le plus grand acte d'amour qu'il est possible d'imaginer.

  A018001764 

 Vous dites bien, ma tres chere Fille, que ces tentations vous arrivent parce que vostre cœur est sans tendreté envers Dieu; car c'est la verité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne series plus en peyne.

  A018001765 

 Ainsy, comme la foiblesse et infirmité de l'enfant desplaist a sa mere, et pourtant, non seulement ne laisse pas pour cela de l'aymer, ains l'ayme tendrement et avec compassion, de mesme, bien que Dieu n'ayme pas nos imperfections et pechés venielz, il ne laisse pas de nous aymer tendrement; de sorte que David eut rayson de dire a nostre Seigneur: Aye misericorde, Seigneur, parce que je suis infirme..

  A018001765 

 Nous en devons voirement tirer la sousmission, humilité et desfiance de nous mesmes; mais non pas le descouragement ni l'affliction du cœur, ni beaucoup moins la desfiance de l'amour de Dieu envers nous; car ainsy Dieu n'ayme pas nos imperfections et pechés venielz, mais il nous ayme bien nonobstant iceux.

  A018001766 

 Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infirmités..

  A018001774 

 Ma tres chere Fille, qui estes aussi ma grande fille, le mesme Apostre disoit aussi, que quand il estoit infirme, alhors il estoit fort, la vertu de Dieu paroissant parfaite en l'infirmité.

  A018001775 

 Quant a la Seur de laquelle vous m'escrives, Dieu vous fera prendre le conseil convenable.

  A018001776 

 Au demeurant, s'il est treuvé convenable de renvoyer cette Novice, il le faudra faire avec toute la charité possible, et Dieu reduira tout a sa gloire.

  A018001776 

 Dieu garde et benit les sorties aussi bien que les entrees de celles qui font toutes choses pour luy, et qui n'occasionnent pas leurs sorties par leurs mauvais deportemens.

  A018001776 

 Sa providence fait vouloir le sacrifice qu'elle empesche par apres [174] d'estre fait, comme on voit en Abraham; et me semble que je dis je ne sçay quoy de ceci au livre de l' Amour de Dieu, mais je ne me souviens pas ou..

  A018001780 

 Mais pourtant, aymés moy bien, ma tres chere Fille, car Dieu ne laisse pas de m'aymer et de me donner des extraordinaires desirs de le servir et aymer purement et saintement.

  A018001832 

 Si mes prières sont exaucées par le Seigneur notre Dieu, ce cœur recevra le comble de la perfection de l'amour céleste, et cette main l'anneau des éternelles épousailles avec le Rédempteur de nos âmes, afin que, suivant les désirs de Votre Seigneurie Illustrissime, elle vive toute pour le Christ, dans le Christ et au Christ..

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001863 

 Recourés bien a l'humilité, et pour ce peu de tems que cet exercice durera, essayés-vous de la supporter en la presence de Dieu, et d'aymer cette pauvre chetifve pour l'amour de Celuy qui l'a tant aymee qu'il est mort pour elle.

  A018001871 

 Et par ce qu'il m'a demandé pour l'amour de Dieu mon intercession aupres de Vostre Altesse, je ne la luy ay peu refuser; c'est pourquoy, croyant fermement que rien ne se treuvera en cette occasion contre son innocence, je fay tres humble supplication a Vostre Altesse de luy vouloir departir sa faveur pour sa briefve sortie et son renvoye en son cloistre..

  A018001872 

 Dieu face de plus en plus abonder ses graces sur la personne de Vostre Altesse, a laque (sic) je suis,.

  A018001887 

 Or, Dieu soit loué de vostre arrivee en bonne santé et des peines que vous aves souffertes en chemin, comme encor du mauvais estat auquel vous aves treuvé l'affaire de la Visitation, contre l'esperance en laquelle on nous avoit nourri.

  A018001887 

 Si bona suscepimus de manu Domini, mala etiam cur non sustinemus? Mays je sçai si asseurement que nos prætentions tendent a la plus grande gloire de Dieu, que je ne puis perdre l'esperance de les voir reuscir, apres que sa divine Majesté aura un peu espreuvé nostre courage..

  A018001890 

 Et plus tost que de mettre le grand Office en cette Congregation, j'aymerois mieux accepter le parti que Monseigneur de Lyon propose, pourveu qu'on le puisse impetrer du Saint Siege: a sçavoir, que cette Congregation demeurast en tiltre de simple Congregation, avec les vœux simples, et qu'il pleut neanmoins a Sa Sainteté d'annuller et casser, ou declarer nulz et de nulz effectz, tous les mariages que les Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais permettre) voudroyent contracter apres avoir faitz lesditz vœux simples, tout ainsy que Gregoire 13 a fait en faveur des Jesuites estudians.

  A018001942 

 Tout le monde applaudit a ce dessein; nostre bonne dame la Presidente Le Blanc a une sainte ardeur pour cela, et moy j'ay une esperance tres douce que Dieu [191] benira ses intentions, si nous sommes si heureux que de nous humilier comme il faut devant luy, qui veut bien se glorifier en nostre petitesse..

  A018001961 

 Dieu soit loué de tout..

  A018001963 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur et de vostre chere trouppe.

  A018001984 

 La seule consideration de la plus grande gloire de Dieu me donne ce desir, et l'utilité de plusieurs ames capables de servir beaucoup sa divine Majesté en cette Congregation, avec la seule charge du petit Office, incapables autant de pouvoir suivre le grand Office.

  A018002000 

 Dieu soit a jamais nostre amour, ma tres chere Fille, et vives en luy et pour luy eternellement.

  A018002009 

 Ce porteur, jeun'homme de Gex, quitte son pais et la mayson de son pere pour eviter les inhumaines et continuelles persecutions qu'il y a rencontrees des qu'abjurant l'hæresie il a embrassé la foy catholique; et c'est un grand cas, Monsieur, que cette faction de prætendus reformés, toleree par l'indulgence du Roy, est si [198] insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle l'Estat a esté et laquelle a tous-jours esté en l'Estat, il a, graces a Dieu, environ douze cens ans..

  A018002026 

 J'espere, Monseigneur, que ledit seigneur Marquis effectuera l'intention de Vostre Altesse, ainsy qu'il m'a asseuré a mon retour de Grenoble; et ne me reste qu'a la supplier tres humblement de vouloir tous-jours ainsy proteger les affaires du service de Dieu, qui en suite multipliera ses graces sur la vie et la personne de Vostre [200] Altesse Serenissime, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et delaquelle,.

  A018002039 

 Il me tardoit bien fort, ma tres chere et plus que tres chere Mere, de vous escrire des icy, ou je suis arrivé, grace Dieu, en bonne santé.

  A018002052 

 Je salue d'un cœur incomparablement paternel toutes [206] nos cheres Filles, que j'ayme tous les jours plus, m'estant advis que je dois cela a l'affection qu'elles ont de bien servir Dieu.

  A018002055 

 Maintenes moy bien es bonnes graces de celles que Dieu veut estre plus de mon soin..

  A018002057 

 Dieu soit beni eternellement dans le cœur de ma tres chere Mere comme dans le mien propre..

  A018002071 

 Et a la verité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy? Ouy, mesme les pechés, dont Dieu par sa bonté nous defende, sont reduitz par la divine-Providence au bien de ceux qui sont a luy.

  A018002071 

 La premiere que je souhaite au vostre, c'est celle de saint Paul: Tout revient au bien de ceux qui ayment Dieu.

  A018002072 

 Dites moy donq, je vous prie, que ne fera-il pas de nos afflictions, de nos travaux, des persecutions qu'on nous fait? Si donq il arrive jamais que quelque desplaysir vous touche, de quel costé que ce soit, asseures vostre ame que, si elle ayme bien Dieu, tout se convertira en bien.

  A018002072 

 Si Dieu vous fait prendre une cheute, comme a saint Paul qu'il jetta en terre, c'est pour vous relever a gloire..

  A018002072 

 Si Dieu vous jette la boue de l'ignominie sur les yeux, c'est pour vous donner la belle veuë et vous rendre un spectacle d'honneur.

  A018002074 

 Or sus donq, ma Fille, quand vous aves eu des afflictions, mesme du tems que vous n'avies pas tant de confiance en Dieu, estes vous perie dans l'affliction? Vous me dires: Non.

  A018002074 

 [210] Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reüscir de toutes les autres adversités? Dieu ne vous a pas abandonnee jusques a present; comme vous abandonnera-il des a present, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne?.

  A018002075 

 Dieu est avec vous; ayes bon courage, et vous seres delivree..

  A018002075 

 N'apprehendes point le mal a venir de ce monde, car peut estre ne vous arrivera-il jamais, et en tout evenement, s'il vous arrive, Dieu vous fortifiera.

  A018002075 

 Si Dieu vous fait marcher sur les flotz de l'adversité, ne doutés point, ma Fille, n'apprehendes point.

  A018002076 

 Peu m'importe qui je suis parmi ces momens passagers, pourveu qu'eternellement je sois en la gloire de mon Dieu.

  A018002082 

 Vous treuveres tout ce que je vous ay dit, es troysiesme, quatriesme ou cinquiesme et dernier Livres de l' Amour [211] de Dieu.

  A018002096 

 Quant au jardin, mon tres cher Pere, je n'y pense plus; non que je ne voye bien que le projet que nous avions fait n'incommodoit pas le [collège,] ains l'accommodoit par le moyen de la recompense que nous eussions donnee; mais, par la grace de Dieu, je n'eus jamais [212] desir de me rendre contentieux, ni de blesser l'esprit de personne..

  A018002097 

 Elle n'a donq nul sentiment du refus, sachant bien que les pelerines qui devront avoir retraitte en ce logis, n'y devant habiter que la nuit de cette petite vie, seront, Dieu aydant, si attentives a tirer païs dans le beau sejour de leur cité permanente, que le reste leur sera indifferent..

  A018002098 

 En fin, mon tres cher Pere, nous sommes enfans de la Providence celeste; Dieu aura soin de ses servantes selon son bon playsir.

  A018002109 

 Enfin, le bon mary m'a prié de vous recommander ce que vous sçaves vous avoir esté non seulement recommandé, mais commandé au nom de Dieu, a la volonté duquel il faut joindre et lier inseparablement la vostre.

  A018002126 

 Reste que vous continuies aussi comme vous faites, que vous m'aymies tous-jours cordialement, et que vous priies Dieu pour mon cœur, affin qu'il vive tout a luy.

  A018002145 

 Qu'a jamais Dieu en soit loué..

  A018002148 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, et je suis de tout le mien, tout invariablement et tres parfaitement vostre, ma tres chere grande Fille, ma bien aymee Fille.

  A018002162 

 Dieu y mettra sa main, sil luy plait, et nous en fera treuver d'autres..

  A018002165 

 Vrayement, je seray bien ayse de revoir M. de la Gran, que j'honnore cherement pour la bonté de son cœur au [219] service de Dieu.

  A018002210 

 Dieu soit loüé! Du reste, nous en parlerons avec un peu plus de loysir quand vous viendres icy; et cependant, voyla un billet de nostre Mere, que j'ay ouvert comm'addressé a [ma] fille et tres chere fille.

  A018002211 

 Dieu, par sa bonté, vive et regne en nos cœurs.

  A018002244 

 Je participe a tous vos contentemens et a tous vos desplaysirs, selon nostre reciproque, ancienne et invariable amitié; c'est pourquoy je regrette la perte de la presence de monsieur vostre beaufilz, et prie Dieu quil console sa chere vefve, a laquelle je voudrois bien pouvoir rendre du service..

  A018002262 

 Mais qu'elle soit asseuree que Dieu l'assistera en sa besoigne; et a la premiere commodité je luy escriray moy mesme..

  A018002275 

 Oh! ce grand Dieu qui est propice aux cœurs de bonne [228] volonté, soit a jamais la vie du vostre, ma tres chere Fille, et du mien, qui est vostre et ne cesse jamais de vous souhaiter cette sainte vie de l'amour celeste..

  A018002275 

 Que faites vous, ma tres chere Fille? car je suis en peine de ce violet que vous avies l'autre jour, bien que ce porteur m'a dit que vous vous porties bien, graces a Dieu.

  A018002277 

 Vives, ma tres chere Fille, et soyes toute a Dieu, qui m'a rendu et fait vivre tout vostre.

  A018002290 

 Dieu vous sauve toutes.

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002305 

 Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'esperer qu'apres tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, apres tant de considerations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la verité de la future, apres tant de protestations de vouloir estre irrevocablement attachee a la suite de la Providence celeste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le credit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois..

  A018002307 

 Pour Dieu, ma tres chere Tante, et certes, pour parler selon mon cœur, ma tres chere Fille, ne vous laisses pas emporter au torrent des adversités, ains attachés vous aux pieds de Nostre Seigneur et dites luy que vous estes sienne; qu'il dispose de vous et de ce qu'il a voulu estre vostre, a son gré, en vous asseurant, et a vous et aux vostres, la tressainte eternité de son amour.

  A018002317 

 Mays pourtant, ma tres chere Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux ames unies a mesme dessein de le servir, puisque le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant eternellement ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous cherissons..

  A018002319 

 Certes, je le dis en verité, je vous cheris tres particulierement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les [232] attraitz qu'il vous fait a son service.

  A018002330 

 Oh! Dieu vous conserve, ma tres chere Mere, et vous comble de benedictions par tout ou vous estes, et moy aussi.

  A018002338 

 Mais Dieu soit loué, et veuille multiplier ses benedictions sur cette sainte liayson..

  A018002352 

 Or sus, Dieu ne donne pas tant de desir a nostre tres unique cœur, qu'il ne nous veuille favoriser de quelque effect correspondant.

  A018002378 

 Prenes la peine ou de lire, ou de vous faire lire si vos yeux ne peuvent fournir a cela, le septiesme Livre du Traité de l'Amour de Dieu, et vous y treuveres tout ce qui vous sera necessaire de connoistre de l'orayson..

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002379 

 En somme, il faut aller la simplement, a la bonne foy et sans art, pour estre aupres de Dieu, pour l'aymer, pour s'unir a luy.

  A018002379 

 Je me resouviens fort bien qu'un jour en la confession vous me dites comme vous faysies, et je vous dis que cela alloit fort bien, et qu'encor qu'il falut porter un point, si toutefois Dieu vous tiroit a quelque affection soudain que vous series en sa presence, il ne falloit point s'attacher au point, ains suivre l'affection; et quand elle sera plus simple et plus tranquille, elle sera meilleure, car elle attache plus fortement l'esprit a son object.

  A018002379 

 Mays, ma tres chere Fille, estant une fois resolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce [238] que vous faites et comme vous pries; car la meilleure priere ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point en nous mesmes, ni en ce que nous faysons.

  A018002380 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, marches fidelement au chemin auquel Dieu vous a mis; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneusement le miel de la sacree devotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel, l'autre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'ædification du prochain..

  A018002381 

 Dieu, qui vous a pris par la main pour vous mettre au chemin de sa gloire, vous conduira, ma tres chere Fille.

  A018002381 

 Je ne cesseray jamais de l'en supplier, car croyes, ma tres chere Fille, que je cheris tendrement et plus que paternellement vostre ame et vostre cœur, que Dieu veuille de plus en plus rendre siens.

  A018002383 

 Cette Mere m'est grandement a cœur; Dieu l'assistera et benira ses bons desirs..

  A018002383 

 Je vous supplie, ma chere Fille, de saluer la bonne Mere et nos Seurs de la Visitation, puisque je n'ay nul moyen d'escrire davantage: ce sera au premier loysir, Dieu aydant.

  A018002384 

 Je doy [239] une response a M. d'Aouste, vostre bienaymé et bien aymable cousin, mais je payeray la debte, quoy qu un peu plus tard, Dieu aydant; dites le luy, je vous supplie, ma tres chere Fille..

  A018002425 

 Tout cela reviendra a bien, moyennant la grace de Dieu, a laquelle je recommande vostre ame qui m'est chere comme la mienne propre..

  A018002434 

 Je vous dis, ma chere Fille, que non seulement vous pouves, ains que vous feres parfaitement bien d'ouvrir vostre cœur tout candidement au Pere Isnard; il est non seulement docte et religieux, mais il est tout spirituel et tout de Dieu; vostre cœur bienaymé aura de la consolation et du proffit a recevoir ses advis..

  A018002447 

 Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois! Mais Dieu soit loüé, qu'apres avoir pleuré et amerement regretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je benis sa divine Majesté et la supplie avec une incomparable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy cherir, Monsieur mon tres cher Filz, puisque vous voyes combien elle est desiree, comme tres utile, par tant de gens de bien; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement on a fait des actions de graces publiques a la divine Bonté pour vostre guerison.

  A018002449 

 L'autre, et la premiere, sera que, si jusques a present vous aves eu intention de dedier tous les momens de vostre vie presente a l'immortalité et eternité de la future, vous en redoublies la resolution et les vœux, contant les jours et les heures, et les employant affectionnement a vostre advancement en l'amour divin, a l'amplification de la pieté parmi les mondains, et en somme, a l'execution des saintes vertus que la grace de Dieu et vostre bon naturel vous ont fait aymer et desirer il y a long tems.

  A018002450 

 Au demeurant, Monsieur mon Filz, le jeune Bursal, de Gex, s'estant converti a la foy catholique par la bonté de Dieu, a tant receu de mauvais et indignes traittemens en sa patrie par ses bourgeois et mesme par ses proches, qu'il a esté contraint de se retirer a Paris, ou il a pensé de pouvoir treuver quelque condition de service pour s'entretenir; et nos ecclesiastiques de Gex m'asseurent qu'il est fort bon enfant.

  A018002479 

 Je ne m'estonne point de l'empressement que ces bons personnages ont a destourner les ames que Dieu appelle a la Visitation; car encor me semble-il que cette bienaymee petite Congregation est quitte a bon marché des persecutions et contradictions que l'ennemi de son progres luy suscite et a accoustumé de susciter en toute pareille occasion.

  A018002480 

 Dites a cette bonne ame qu'elle entre asseurement a Sainte Marie; bien qu'elle ne soit pas encor Religion, elle le sera bien tost, et j'oserois dire que, devant Dieu, elle l'a tous-jours esté, puisque, par sa grace, l'on y a tous-jours vescu religieusement.

  A018002482 

 C'estoit en l'octave de nostre grand saint Jean, ou, me souvenant que l'Evangeliste de nostre Princesse dit de luy: Et vinum et siceram non bibet, j'admiray [249] la douceur de Dieu, de m'abreuver, moy chetif homme, du vin de la charité que le Saint Esprit a respandu en nos cœurs..

  A018002494 

 Or bien, c'est a vos seules aureilles, qui escoutent si delicatement, que sans dire mot il parle, vous remettant en imagination ce que je disois lorsqu'en chaire je vous representois la volonté de Dieu, qui est vostre sanctification.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002496 

 Ne vous mettes nullement en peine de n'avoir pas la memoire si tenante en la recherche de vos fautes, car ce n'est pas le manquement de memoire qui desplait a Dieu, c'est le manquement de volonté; et, graces a sa Bonté celeste, vous ne manques pas en ceci..

  A018002498 

 Vives tous-jours toute en Dieu, ma tres chere Fille, et je vous asseure que puisqu'il luy plait, et je sens bien qu'il luy plait et luy plaira tous-jours, je suis tres parfaitement vostre, et de tout mon cœur..

  A018002514 

 Outre l'extreme desir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a present, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'employer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authorité et son pouvoir.

  A018002533 

 Cependant, demeures tous-jours toute en Dieu, qui, a la verité, a conduit nostre esprit pour le sujet de la bonne M me Liotard.

  A018002546 

 Playse a la souveraine misericorde de Dieu de vous benir, Sire, d'une tres longue et tres heureuse et tres-sainte royauté, souhait continuel que je fay pour.

  A018002597 

 Dieu, par sa bonté, vous veuille combler de ses plus desirables benedictions, ma tres chere Fille, et vous rendre de plus en plus toute parfaitement sienne.

  A018002615 

 Ainsy me semble il que je suis tous-jours avec vostre cœur et avec celuy de cette chere Mere, et que nos cœurs s'entretiennent les uns aux autres, ains ne sont qu'un cœur qui, de toute sa force, veut aymer Dieu, et ne s'ayme qu'en Dieu et pour Dieu.

  A018002615 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que l'amour cæleste est aymable, voire mesme quand il est exercé icy bas parmi les mysteres de nostre mortalité! la distance des lieux, ni rien du monde ne luy peut oster la suavité.

  A018002617 

 Dieu soit a jamais nostre tout.

  A018002655 

 Priant Dieu notre Seigneur d'accorder tout vrai contentement à Votre Paternité Révérendissime, je la salue humblement..

  A018002668 

 O ma Fille, il le faut tenir haut eslevé ce cœur, et ne permettre point qu'aucun accident de secheresse, d'empressement ou d'ennuy l'estonne, puisque, encor que cela le puisse esloigner de la consolation sensible de la charité, il ne le peut toutefois esloigner de la veritable charité, qui est la souveraine grace de Dieu envers nous pendant cette vie mortelle..

  A018002680 

 C'est pourquoy, Monseigneur, je suis forcé de recourir de rechef a l'æquité et bonté de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'user de sa providence en cett'occasion et d'ordonner ces payemens, en sorte que meshuy ces pauvres ecclesiastiques puissent en paix faire le service de Dieu en leurs eglises; et cette divine Majesté en benira de plus en plus Vostre Altesse,.

  A018002697 

 Et si elle sçavoit la necessité qu'il y a que ce payement se fasse, je m'asseure qu'elle le presseroit grandement; car, Monsieur, il n'y a rien en ces parroisses (je dis rien pour tout) pour l'entretenement du service de Dieu et des ames, Son Altesse ayant voulu d'authorité souveraine, contre les arrestz du Senat, que tout le revenu que l'Eglise y possedoit fut relasché a ceux de Geneve, assignant seulement a chaque curé cinquante escus pour son entretien.

  A018002736 

 Ainsi l'ai-je indiqué dans mon petit livre de l' Amour de Dieu..

  A018002738 

 Que Dieu, jusqu'à la vieillesse et au dernier déclin de l'âge, ne [273] retire jamais de vous sa main protectrice, et que les bénédictions du Ciel, dont je le prie de vous combler, soient l'ornement de vos cheveux blancs..

  A018002766 

 Et certes, je ne voy nullement qu'une main moins forte et un (sic) providence moins paternelle que la vostre, Monseigneur, les puisse garentir; car je pense qu'ilz n'ont a se plaindre principalement que de leur malheur, contre lequel rien ne peut leur donner allegement que le bonheur d'estre regardés en pitié de Vostre Altesse, a laquelle Dieu, qui void leur extreme misere, inspirera, comm'ilz esperent, quelque moyen favorable pour les retirer de ce gouffre.

  A018002789 

 Elle est dans le noviciat, et je vous asseure que si elle persevere a courir, comme elle commence, dans les voyes de Dieu, elle se treuvera bien tost au sommet de la montagne du Seigneur.

  A018002789 

 Je ne doute point qu'elle n'en vienne la, et qu'elle ne soit un jour une grande servante de Dieu....

  A018002795 

 Certes, mon tres cher Frere, ces amitiés sacrees que Dieu a fait sont independantes de tout ce qui est hors de Dieu..

  A018002797 

 Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversees pour leurs places et bastimens? O mon cher Frere, Dominus refugium factus est nobis; Nostre Seigneur est le refuge de leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mere, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congregation sont bien humbles et fideles a Dieu, elles auront le cœur de Jesus, leur Espoux crucifié, pour demeure et sejour en ce monde, et son palais celeste pour habitation eternelle..

  A018002798 

 Je dis ceci a vostre cœur seulement, car j'ay fait resolution de ne rien dire de celle qui a entendu la voix du Dieu d'Abraham: Egredere de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui, et veni in terra quam monstravero tibi.

  A018002798 

 Or, il me reste de la recommander a vos prieres, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'apprehension, bien que je ne cesse d'esperer [281] que le Dieu de nos peres multipliera sa devote semence comme les estoilles du ciel et le sablon qui se voici sur l'arene des mers..

  A018002799 

 Mais, mon Dieu, c'est trop dire en ce sujet, ou je ne voulois rien dire.

  A018002811 

 J'ay un Chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire; c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier a mes Chanoynes, qui, par un asses rare exemple, ne sont qu'un cœur et qu'un'ame avec moy au soin de ce [282] diocæse.

  A018002812 

 Mays de cela, Monsieur, vous en discerneres et jugeres, tandis que priant Dieu qu'il vous face de plus en plus abonder en sa grace, je veux estre a jamais de tout mon cœur,.

  A018002831 

 Seulement vous diray je que je prie Dieu d'en estre le remunerateur, luy qui en est l'autheur en vous..

  A018002833 

 Nous sommes icy en paix, mays non pas du tout exemptz des ressentimens de la guerre passee; playse a Dieu qu'ilz ne degenerent pas en recheute..

  A018002861 

 Vous faites certes tres charitablement, ma tres chere Fille, de m'escrire souvent, car en verité, vos lettres me consolent et recreent extremement, puis que Dieu a voulu que mon cœur soit si paternel qu'il ne se peut dire plus, pour vous, qui estes reciproquement ma fille tres desirable es entrailles de nostre Sauveur.

  A018002862 

 Dieu est bon, ma tres chere Fille, et puis qu'il luy a pleu de vous donner le desir de son pur amour, il le rendra un jour parfait.

  A018002863 

 Je vous escris sans loysir et seulement pour respondre a vostre petit billet; un'autre fois que j'auray plus de commodité, je respondray a vos deux precedentes, et qui sçait si dans le moys prochain je passeray a Grenoble? J'en ay certes quelqu'esperance: soit fait selon le bon playsir de Dieu.

  A018002876 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grace, ce bon Pere Capucin, qui est grandement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit expres voir cette saintete (sic) solitude en laquelle beneplacitum est Deo habitare in ea; et que particulierement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommee qu'il a pleu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance..

  A018002892 

 Ainsy, ces bons et devotz ecclesiastiques s'en revont promeuz aux saintz Ordres, marri que je suis que une quantité d'occupations qui me sont survenues en ces deux jours ne m'ayent permis de les caresser a mon gré, selon l'affection que je porteray toute ma vie a tous ceux qui me seront recommandés de Vos Excellences, que je prie Dieu vouloir combler de [288] benedictions, et sa tressainte Mere de les conserver sous sa douce protection, qui suys tres cordialement,.

  A018002928 

 Vous sçaves, ma tres chere Mere, ce que je suis a ceux que j'affectionne, et sur tout a nos Filles; mais vous ne sçaures jamais peut estre ce que je vous suis, tant Dieu m'a rendu vostre..

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018003000 

 Veuillez aussi, Madame, me conserver dans vos bonnes graces, et à mon tour, vous souhaitant le parfait et pur amour de Dieu, je suis,.

  A018003024 

 Bien que je fusse convaincu de ne pouvoir en aucune façon écrire convenablement la Vie de Monseigneur l'Evêque votre frère, d'heureuse mémoire, à cause de ma trop grande rusticité et insuffisance, néanmoins la satisfaction que j'aurais eue d'agréer à Votre Révérence et de rendre témoignage de mon estime pour ce grand serviteur de Dieu, me donnait quelque espérance de pouvoir entreprendre ce travail.

  A018003050 

 Ma tres chere Fille, Dieu soit au milieu de vostre cœur.

  A018003065 

 Oh! Dieu soit beni, qu'estant filles toutes et servantes de la mesme Mere de Dieu, quoy qu'elles grandes et vous petites, vos cœurs soyent unis par sa sainte dilection que cette sacree Mere verse dedans le cœur de toutes les Seurs.

  A018003077 

 Bonjour, Monsieur mon tres cher Frere; Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur..

  A018003115 

 La Mère, donc, par une spéciale providence de Dieu, se trouvait déjà en voyage et même était arrivée à Bourges lorsque me parvint le mémoire du Sérénissime Prince.

  A018003117 

 Partout il a reçu un accueil très empressé, avec un applaudissement général des grands et des petits; chacun bénissait Dieu et la Maison de nos Princes, témoignant un ardent désir du mariage projeté.

  A018003122 

 Dieu soit éternellement loué; qu'il daigne, de sa sainte main, tenir et bénir Votre Seigneurie Illustrissime, dont je suis.

  A018003137 

 En somme, vous voyla, ma tres chere Fille, au vray essay de la fidelité que vous deves a Dieu, auquel vous aves si souvent resigné toutes vos adventures.

  A018003148 

 Pour Dieu, je vous en conjure, taschés de bien establir cet esprit la en tout, avec celuy de la douceur et humilité reelle.

  A018003149 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, donnes tous les momens de vostre vie avec un grand soin a Celuy qui vous prepare son amiable eternité..

  A018003157 

 Je salue vostre cœur de tout le mien et vous prie d'aymer tous-jours bien ce vieux pere qui vous cherit, certes, de tout son cœur de plus en plus, ma tres chere Fille, et se res-jouit d'apprendre que, graces a Dieu, cette Mayson la s'advance en humilité, douceur, paix et amour divin.

  A018003158 

 Voyla, ma tres chere Fille, comme Dieu multiplie et benit l'œuvre qu'il luy a pleu de faire commencer par la petitesse et abjection de troys petites creatures, lesquelles pour cela doivent s'esvertuer d'estre de plus en plus toutes a la divine Majesté et a cette vocation, pour la rendre tous les jours plus aggreable a Dieu..

  A018003159 

 Je vous escris selon mon sentiment present, car il faut que j'escrive ainsy a l'ame de ma tres chere Fille, priant Dieu qu'il la face sainte, et moy aussi, qui suis tant esloigné de ce bonheur..

  A018003160 

 Croyes moy, Dieu void volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy fut tous-jours aggreable.

  A018003160 

 Dieu est si bon, qu'il visitera interieurement nostre Visitation, la fortifiera et l'establira a la solide humilité, simplicité et mortification.

  A018003174 

 Ainsy donq, Monseigneur, a Dieu soit de toutes parts honneur et gloire, avec tres humble action de graces pour les consolations qu'il donne et qu'il prepare encor a Son Altesse Serenissime et a la vostre, de laquelle je suis sans fin,.

  A018003185 

 Croyes, ma tres chere Fille, que le trespas de ce cousin et l'apprehension des regretz de la chere cousine m'ont vivement touché; mays parmi tout cela, Dieu soit [316] beni qui, par sa providence, reduit toutes choses au proffit des siens..

  A018003190 

 Dieu soit a jamais nostre Tout, ma tres chere Fille.

  A018003215 

 Je voy les douleurs et estonnemens de vostre cœur, parmi lesquelz Dieu ne laisse pas de regner; c'est pourquoy vous ne deves pas vous en tourmenter..

  A018003217 

 Dieu soit beni! Ayes bon courage; il faut passer parmi les ronces et espines en ce desert, pour aborder a la terre de promission..

  A018003226 

 O Dieu, que c'est chose bien plus desirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, que d'habiter dans les grans palais des Rois! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray profession, Dieu aydant.

  A018003228 

 O Dieu, ma tres chere Mere, il faut bien mettre son cœur en Dieu et ne point jamais l'en oster.

  A018003229 

 Courage, ma cherement unique Mere, ne cessons point d'eslancer nos cœurs en Dieu: ce sont ces pommes de senteur qu'il se plait a manier, laissons les luy donq manier a son gré.

  A018003232 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur et du mien, ma tres chere Mere..

  A018003254 

 D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu declare fort rarement: comme, l'asseurance du salut æternel, la confirmation en grace, le degré de sainteté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien; de sorte que saint Grrgoire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de l'Imperatrice, qui s'appelloit Gregoire, sur l'estat de son futur salut, il luy respondit: « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile.

  A018003255 

 Il y a plus: que quand Dieu se veut servir des revelations qu'il donne aux creatures, il fait preceder ordinairement ou des miracles veritables, ou une sainteté tres particuliere en ceux qui les reçoivent.

  A018003274 

 J'escris a monsieur le Curé affin qu'il ne remue rien ni contre M. Jaquin, ni contre M. Paris jusques a mon retour, qui sera, Dieu aydant, soudain apres Pasque..

  A018003278 

 Dieu en sera vostre recompense: ainsy l'en supplie-je, et demeure,.

  A018003314 

 En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz? Ma tres chere Mere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les creatures, pour se revestir de Nostre Seigneur crucifié? Or sus, Dieu sera au milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espere [332] qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation interieure de le sçavoir..

  A018003316 

 Annessi, tout va bien, graces a Dieu, Le bon M. de Forax est un peu malade, et grandement en peine sur le sujet de sa pretention.

  A018003330 

 Faites donq, ma Fille, faites mille fois le jour ces saintes aspirations a Dieu, protestant que vous estes toute, totalement, a jamais et eternellement sienne..

  A018003330 

 Helas! ma chere Fille, l'envie que vous me portes procede elle de ce que je presche au monde les louanges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz.

  A018003358 

 S'il plaît à Dieu, j'aurai désormais plus de facilité de traiter avec lui; car il ne sera plus surchargé de tant d'affaires tandis qu'on attendra la venue du Sérénissime époux.

  A018003359 

 Votre Seigneurie Illustrissime fait bien de remettre entre les mains de Dieu ce qui concerne le P. D. Juste; et puisqu'il n'est pas au courant du fait... S'il s'élevait quelque calomnie, la divine Providence la fera bientôt cesser, car c'est ainsi qu'elle agit d'ordinaire avec ses serviteurs..

  A018003361 

 Je ne sais encore quand je retournerai en Savoie, mais je sais bien [337] que, s'il plaît à Dieu, je ne tarderai pas d'aller à Turin, ou avec le Sérénissime Cardinal, ou avec le Sérénissime Prince..

  A018003362 

 Que Votre Illustrissime Seigneurie vive toute en Dieu, à Dieu et pour Dieu; de tout cœur je suis.

  A018003379 

 Or sus, c'est Dieu qui veut ainsy mettre nostre cœur au sec; ce n'est donq pas une rigueur, c'est une douceur..

  A018003389 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous serons tous-jours ensemble et mon cœur sera [toujours] inseparable du vostre, puisque, graces a Dieu, nous n'avons [qu'une] volonté, qui est d'accomplir la sienne selon nostre petitesse, abjection et misere.

  A018003389 

 Soit que nous allions, soit que nous revenions, soit que nous soyons en un lieu, soit que nous soyons en divers lieux, pourveu que nous soyons avec Dieu nous ne pouvons jamais estre separés; et mesme, si nous avons memoire de la parole de Nostre Seigneur quand il dit a sa tres chere Mere: Ne sçavies vous pas qu'il failloit que je fusse es affaires de mon Pere? car il veut dire que il importe peu ou que nous soyons, pourveu que nous vivions au service du Pere celeste.

  A018003391 

 J'ay prié Dieu pour cett'ame que j'honnorois beaucoup, mais je n'ay pas escrit a ce filz par ce que je n'ay sceu cett'affliction que tard et hors de sayson de consoler..

  A018003393 

 Je me porte bien, ma tres chere Fille, quoy qu'accablé du travail des prćdications [qu'il me faut] faire a tous propos, et devant les peuples et devant la cour; mays cela ne durera que jusques a Pasques [que, Dieu] aydant, je me retireray en mon petit bercail..

  A018003394 

 Dieu soit a jamais la vie de nos cœurs, ma tres chere [Fille, et] veuille y regner eternellement.

  A018003410 

 Il me semble, ma tres chere Fille, que vostre cœur est tellement asseuré de l'invariable affection que j'ay pour luy, qu'il ne sçauroit meshuy plus en douter: ce que Dieu fait est bien fait.

  A018003411 

 J'ay bien apprehendé ci devant que la maladie du bon monsieur vostre pere ne vous tinst en peine; mais maintenant que, graces a Dieu, il reprend forces et santé, je suis bien fort soulagé de ce costé la..

  A018003412 

 O Dieu, ma tres chere Fille, que c'est une leçon digne d'estre bien entendue, que cette vie ne nous est donnee que pour acquerir l'eternelle! Faute de cette connoissance, nous establissons nos affections en ce qui est de ce monde dans lequel nous passons; et quand il le faut quitter, nous sommes tout estonnés et effrayés..

  A018003413 

 Croyés moy, ma chere Fille, pour vivre content au pelerinage, il faut tenir presente a nos yeux l'esperance de l'arrivee en nostre patrie, ou eternellement nous arresterons; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous advienne que pour nostre plus grand bien.

  A018003414 

 Ne prevenes point les accidens de cette vie par apprehension, ains prevenes les par une parfaite esperance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en delivrera.

  A018003414 

 Que deves vous craindre, ma tres chere Fille, estant a Dieu, qui nous a si fortement asseurés qu' a ceux qui l'ayment tout revient a bonheur? Ne pensés point a ce qui arrivera demain, car le mesme Pere eternel qui a soin aujourd'huy de vous, en aura soin et demain et tous-jours: ou il ne vous donnera point de mal, ou s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter..

  A018003415 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille; ostés de vostre imagination ce qui vous peut troubler, et dites souvent a Nostre Seigneur: O Dieu, vous estes mon Dieu, et je me confieray en vous; vous m'assisteres et seres mon refuge, et je ne craindray rien, car non seulement vous estes avec moy, mais vous estes en moy, et moy en vous.

  A018003426 

 Je reviens asses tard des Benedictins ou, graces a Dieu, j'ay receu au giron de l'Eglise un fort honneste gentilhomme, de bon esprit et de bonnes lettres, et si, je doy prescher demain; c'est pourquoy je vous respondray courtement a vos lettres precedentes..

  A018003432 

 Pour moy, j'explique ces choses a ma façon, n'entendant rien aux termes et ceremonies avec lesquelles il faut proceder en un'affaire que je ne fis jamais, Dieu merci.

  A018003434 

 Dieu vous benisse et toutes nos Seurs; mays Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, que je cheris plus que moymesme, ou comme moymesme..

  A018003451 

 Je vous escrivis avanthier, non sans un grand empeschement, car j'estois grandement chargé, et croyois que le messager deut partir hier de grand matin; despuis, j'ay receu la lettre ci jointe de la pauvre petite seur, et un'autre par laquelle elle me dit que je face entrer sa fille aupres de nostre Princesse, ce que je m'essayeray de faire, Dieu aydant.

  A018003451 

 Voyla une lettre de ma Seur Claude Agnes, que vous verres; puisque elle dit que elles n'ont point de vos nouvelles, je luy vay [écrire que vous êtes] asses bien, Dieu aydant..

  A018003454 

 Mon Dieu, que ce grand embaras de Paris rend les affaires difficiles!.

  A018003454 

 Nous sommes reduitz a cette proposition, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obeissance, en attendant que Dieu leur envoye l'inspiration ou quelque parti.

  A018003468 

 Bref, si chasque Seur veut estre de croire en ses appetitz interieurs, la sousmission et la liayson se perdra, et, avec elle, la Congregation: dequoy Dieu nous veuille garder.

  A018003469 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, et je suis en luy tres parfaitement vostre.

  A018003469 

 Nostre Mere se porte bien, graces a Dieu.

  A018003488 

 Au demeurant, perseveres bien, ma tres chere Fille, a reluire en vertu et pieté devant Dieu et les hommes, puisque sa divine Majesté vous a donné et l'inclination, et l'inspiration, et la resolution pour cela.

  A018003508 

 Graces a Dieu, ma tres chere Fille, qui esprouve cet'ame, comme j'espere, pour la bien affiner en l'amour de son abjection et en la mortification de sa propre estime..

  A018003508 

 O Dieu, que sa foy est bonne et qu'ell' est grande! car si elle n'estoit grande et forte, elle ne feroit pas des repugnances si pressantes aux suggestions.

  A018003520 

 Dieu, qui voit que nous ne venons pas a Paris pour nous faire voir, mais affin de faire voir a sa Bonté plusieurs ames s'acheminer purement a son saint service, nous aydera.

  A018003520 

 Je respons de la sincerité de vos intentions comme des miennes propres, si tien et mien se doit dire entre nous, que Dieu a unis pour luy rendre un mesme service..

  A018003520 

 O ma chere Mere, que la prudence humaine est admirable! Croiries vous que des grans serviteurs et servantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses; que quand on auroit veu cette madame de Chantal, il n'y auroit plus que pour elle.

  A018003548 

 J'ai voulu écrire tout cela à Votre Seigneurie Illustrissime parce que, me semble-t-il, la conclusion de saint Paul est bonne: Consolez-vous donc en ces paroles; car cette consolation suffit aux enfants de [361] Dieu, que leurs défunts aient reçu avant leur départ les secours efficaces de la sainte Eglise.

  A018003549 

 Hélas! Madame ma très chère Fille, les choses du service de Dieu ne se font qu'avec ces difficultés et délais; c'est pourquoi il faut avoir non seulement la magnanimité, mais encore, et bien plus, la longanimité..

  A018003549 

 Mais moi je dis qu'il vaut mieux que vous attendiez un peu, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes; car il ne se passera guère que quelques mois tout au plus, avant de voir la fin [362] de cette affaire.

  A018003550 

 Veuillez le lui dire, et que Dieu daigne combler Votre Seigneurie Illustrissime de ses très saintes bénédictions..

  A018003564 

 Cette affaire s'entreprend sous la seule Providence de Dieu... C'est un coup de hasard, et plus que cela; mays Dieu requiert que l'on le fasse, et il vaut mieux n'estre appuyé que sur sa tressainte Providence que de se gouverner selon la sagesse et prudence humaine..

  A018003566 

 Ma chere Mere, prenons nouveau courage, ou plustost renouvelions nostre ancien courage pour faire merveilles au service de Dieu et de nostre bienaymee petite Congregation qui est toute sienne..

  A018003576 

 Petit a petit, Dieu nous sevre des contentemens de ce monde; oh! ma tres chere Fille, il faut donq ardemment aspirer a ceux de l'immortalité, et tenir nos cœurs eslevés au Ciel ou sont nos pretentions et ou nous avons meshuy une grande partie des ames que nous cherissons le plus..

  A018003589 

 Demain j'auray le bien de vous voir, sil plait a Dieu, et ce pendant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus favorables benedictions, qui suis,.

  A018003603 

 Mays croyes bien, ma tres chere Fille (car je ne puis empescher mon cœur de pousser ce mot cordial), croyes, je vous supplie, que si mes souhaitz sont exaucés, vous feres un continuel progres en cette sainte dilection; car je n'oublieray jamais d'en supplier Dieu et de luy offrir plusieurs Sacrifices a cette intention.

  A018003604 

 Si nostre Dieu ne nous donne pas tous-jours ce que nous luy demandons, c'est pour nous retenir aupres de luy et nous donner sujet de le presser et contraindre par une amoureuse violence, ainsy qu'il fit voir en Emmaus, avec ces deux pelerins avec lesquelz il n'arresta que sur la fin de la journee, et bien tard, et quand ilz le forcerent.

  A018003605 

 Je loüe Dieu que vous soyes plus constante, nonobstant vos perpetuelz tracas domestiques, parmi lesquelz il faut faire valoir vostre dilection, comme le courage es batailles.

  A018003607 

 Je ne manqueray pas d'imprimer un singulier amour pour vostre personne en cette Congregation, specialement au cœur de madame de Chantal, vous asseurant que je desire grandement que vous soyes toute comblee de cette pure charité qui vous rende a jamais aymable a Dieu et a toutes les creatures qui le servent.

  A018003620 

 Ne voyla pas une bonne negociation? Or sus, Dieu soit au milieu de nostre cœur, ma tres chere Mere..

  A018003630 

 Tesmoignes luy beaucoup d'obligation, et si d'aventure il parloit de la charge des Pœnitentes, ne le rebuttes pas, ains dites simplement que pour maintenant vous [373] n'aves point de personnes capables de cela, et que si Dieu en envoye a l'advenir, ce sera aux Superieurs d'en disposer selon que Dieu les inspirera; car en ce pais il faut grandement estre en respect..

  A018003661 

 Les tribulations ne seroyent pas tribulations si elles n'affligeoyent, et les [376] serviteurs de Dieu n'en sont gueres exempts; leur bonheur est reservé pour la vie future.

  A018003661 

 Mays, a ce que je voy, mes remonstrances et supplications ont esté charmees par quelque esprit contraire, la force duquel Dieu a permis avoir esté plus grande.

  A018003678 

 Non, je vous supplie, ne soyes jamais en crainte de m'importuner par vos lettres; car je vous dis en vraye verité qu'elles me donneront tous-jours une tres grande consolation, tandis que Dieu me fera la grace d'avoir le cœur en sa dilection, ou du moins desireux de la posseder.

  A018003679 

 Et je prens un grand courage sur cela de devenir tel qu'on m'estime, et espere que Dieu me donnant la sainte amitié de ses enfans, me donnera la sienne tressainte, selon sa misericorde, apres qu'il m'aura fait faire une penitence convenable a mon mal.

  A018003683 

 Et croyes, je vous supplie, que rien ne m'empeschera d'avoir ce dernier [contentement] que l'impossibilité, et prendray tout le loysir que vous desires; tant il est vray que je desire infiniment le vostre, et que Dieu m'a donné une tres singuliere affection pour vostre cœur, que sa divine Majesté veuille combler de benedictions.

  A018003684 

 Demeurés donq toute en Dieu, ma tres chere Fille, et en luy je seray a jamais, sans reserve et de toute mon ame,.

  A018003688 

 Je salue infiniment M lle vostre petite seur et la supplie de prier Dieu pour moy.

  A018003698 

 Cependant, je prie Dieu qu'il vous benisse, mon Filieul, et suis de tout mon cœur,.

  A018003717 

 Je prie Dieu qu'il vous comble de benedictions, ma tres chere Cousine, ma Fille, et suis de tout mon cœur,.

  A018003733 

 Ne vous amuses point a disputer [384] avec eux, ne tesmoignes nulle sorte de tristesse de leurs attaques; mais, avec joye, riés de leurs risees, mesprises leur mespris, joues vous de leurs remonstrances, moques vous modestement de leurs moqueries et, sans faire attention a tout cela, marches tous-jours gayement au service de Dieu, et, au tems de l'oraison, recommandes ces pauvres espritz a la divine misericorde.

  A018003734 

 Considerons que tout ce que nous avons ne nous fait estre rien plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges..

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003735 

 Souvenes vous, ma tres chere Fille, de bien faire la volonté de Dieu es rencontres ou vous aures le plus de difficulté.

  A018003736 

 Prions bien Dieu qu'il nous face la grace de vivre tellement selon son bon playsir en ce pelerinage, qu'estant arrivés en la celeste patrie nous nous puissions res-jouir de nous estre veus icy bas et d'y avoir parlé des mysteres de l'eternité.

  A018003737 

 Alles ainsy en paix, ma tres chere Fille, et Dieu soit a jamais vostre protecteur.

  A018003737 

 Et a Dieu soit a jamais, loüange, action de graces et benediction.

  A018003747 

 Mon Dieu, que c'est un digne Praglat! [387].

  A018003757 

 De vous dire que vous en facies de [388] mesme, je ne le feray pas; car s'il plait a Dieu, il vous l'inspirera, et je ne puis douter qu'il ne le face..

  A018003757 

 Et je dis ainsy hardiment, que Dieu a voulu estre entre nous, parce que je le sens puissamment, et ne croy pas que ce sentiment puisse venir d'ailleurs.

  A018003759 

 Animes continuellement vostre courage d'humilité, et vostre humilité, c'est a dire vostre misere et le desir d'estre humble, animes les de confiance en Dieu, en sorte que vostre courage soit humble et vostre humilité courageuse..

  A018003759 

 Cependant, ma tres chere Fille, souvenes vous souvent de ce que je vous ay dit: Dieu a jetté les yeux sur vous pour se servir de vous en choses de consequence et vous tirer a une excellente sorte de vie.

  A018003760 

 Que vostre modestie soit conneuë de tous les hommes. Et s'il est possible, soyes esgale en humeur, et que toutes vos actions se ressentent de la resolution que vous aves faite d'aymer constamment l'amour de Dieu..

  A018003762 

 Mais l'experience en ceci m'a fait voir le contraire, car j'ay veu plusieurs ames bien examinees ne dire rien que je peusse remarquer estre peché; et entre autres, l'heureuse servante de Dieu, madamoyselle Acarie.

  A018003764 

 Ne vous charges pas de trop de veilles ni d'austerités (et croyés moy, ma tres chere Fille, car j'entens bien ce que je dis en ceci), mais alles au Port Royal de la vie religieuse par le chemin royal de la dilection de Dieu et du prochain, de l'humilité et de la debonnaireté..

  A018003766 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Fille, et je suis de tout le mien invariablement, Vostre Pere et serviteur,.

  A018003789 

 Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon tres cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prosperité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné,.

  A018003806 

 Je voudrois bien, certes, avoir quelque beau bouquet du desert de nostre glorieux saint Jean pour le presenter a vostre chere ame; mais la mienne, plus sterile que le desert, n'a sceu y en treuver aujourdhuy, bien qu'en verité ell'ayt eu ce matin et ayt encor presentement un certain petit, insensible sentiment de ne vouloir plus vivre selon la nature, mais, tant qu'il se pourra, selon la foy, l'esperance et la charité chrestienne, a l'imitation de cet homme angelique qué nous voyons, dans ce profond desert, ne regarder que Dieu et soymesme.

  A018003806 

 O que bienheureux est l'esprit de celuy qui ne void que ces deux objetz, dont l'un le ravit a la dilection souveraine, et l'autre le ravale a l'abjection extreme! car, que pouvoit dire ce grand hermite, en un lieu ou il n'avoit que Dieu et luy, sinon: « Qui estes vous, Seigneur, et qui suis-je? ».

  A018003830 

 Et vrayement, je la reverray avant mon depart, s'il se peut, affin que la connoissant encor plus particulierement, je puisse, si Dieu en dispose ainsy, la servir plus a son souhait es occurrences..

  A018003831 

 Dites cependant a cette fille bienaymee que je vous ay tant recommandee et que j'ay tant a cœur, que je persevere a luy dire que Dieu la veut tirer a une excellente sorte de vie; dont elle doit benir cett'infinie Bonté qui l'a regardee de son œil amiable.

  A018003832 

 Dites luy, ma tres chere Fille, qu'elle ne doit en sorte quelcomque penser si elle sera des ames basses ou des hautes, ains qu'elle suive la voye que je luy ay marquee, [399] et qu'elle se repose en Dieu; qu'elle marche devant iceluy en simplicité et humilité; qu'elle ne regarde point ou elle va, mais avec qui elle va.

  A018003832 

 Or, j'entens qu'elle va avec son Roy, son Espoux et son Dieu crucifié; ou qu'ell'aille, elle sera bienheureuse.

  A018003836 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et recommandes souvent a sa Bonté l'ame de celuy qui, d'un'affection invariable, est tout dedié a la vostre..

  A018003871 

 C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de verité; Eglise par le ministere de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa verité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de l' Esprit de verité, pour bien, deuëment et infalliblement treuver la verité en la Parole de Dieu.

  A018003886 

 Dieu, par sa bonté, prosperera parfaitement Vostre Altesse, Monseigneur, sil luy plait exaucer les vœux de.

  A018003904 

 J'ay veu vostre papier, ma tres chere Mere, et j'en parleray quand vous voudres a vostre cœur, que Dieu par sa bonté veuille combler de felicité comme le mien propre..

  A018003943 

 Et tandis, priant Dieu pour la prosperité de Vostre Altesse, Monseigneur, je suis,.

  A018003957 

 Et pour cela elle a choysi entre toutes les Congregations celle de la Visitation, ou elle pretend qu'estant retiree, Dieu l'inspirera plus fortement qu'ailleurs, et que la cordiale douceur et charité dont on y fait profession servira de moyen a la divine Providence pour cet effect..

  A018003957 

 Vous recevres cette lettre, Dieu aydant, par les mains [411] de madamoyselle du [Tertre], grandement bien apparentee en cette ville, laquelle estant demeuree vefve despuis peu et s'estant resolue a ne plus rentrer dans les liens du mariage, a creu de ne pouvoir mieux conserver sa resolution que dans l'estat religieux, auquel neanmoins ne sentant pas pour encor une si forte affection qu'elle souhaiteroit pour pouvoir d'abord s'y engager, elle a nonobstant un desir si grand de s'y voir arrestee, qu'elle veut rechercher cette grace de Dieu es lieux ou elle espere qu'elle luy sera plus facilement accordee.

  A018003958 

 En somme, j'ayme en elle certaine marque de bonté, qui me fait esperer qu'un jour elle sera bonne servante de Dieu.

  A018003958 

 Je la voy toute franche, toute desireuse de reposer en la grace de Dieu, toute desireuse de se laisser gouverner a quelque main amie et lasse de se gouverner soy mesme.

  A018003961 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, de vostre petit troupeau et de toute cette Congregation..

  A018003976 

 Dieu soit a jamais vostre vie, ma tres chere Mere, Amen; et de toute vostre petite trouppe.

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Ne croyes jamais, ma tres chere Fille, que la distance des lieux puisse separer les ames que Dieu a unies par les [415] liens de sa dilection.

  A018003986 

 Et pour cela, reglés premierement vos exercices en telle sorte, que la longueur ne lasse point vostre ame et ne fasche point celles de ceux avec lesquelz Dieu vous fait vivre.

  A018003986 

 Un demy quart d'heure, et moins encor, suffit pour la preparation du matin; trois quartz d'heure ou une heure pour la Messe, et, parmi le jour, quelques eslevations d'esprit en Dieu, qui n'occupent point de tems, ains se font en un seul moment; et l'examen de conscience le soir avant le repos, laissant a part les benedictions et actions de graces de table, qui sont ordinaires, et qui tiennent lieu de reunion de vostre cœur avec Dieu.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018003988 

 Je ne puis penser comme vous pouves admettre ces desmesurees tristesses dans vostre cœur, estant fille de Dieu, remise il y a long tems dans le sein de sa misericorde et consacree a son amour.

  A018004051 

 Nous voilà donc privée de cette incomparable consolation que nous attendions avec tant d'ardeur et d'affection: Dieu en soit béni, et nous fasse la grâce de ne jamais rien désirer que l'accomplissement de sa très sainte et adorable volonté..

  A018004052 

 Oh! Dieu soit béni de rechef de tout ce qu'il permet..

  A018004058 

 Dieu soit béni..

  A018004073 

 Et Dieu vous ayt en sa saincte garde..

  A018004124 

 Et partant, puisqu'il vous plaict de faire un establissement general et parfaict de toutes les cures, si vous estiés de retour moyennant la grace de Dieu, vous pourriéz remettre ce qui est de Sacconex avec les autres; et ainsi, pour une bonne foys, vous vous delivreriéz de plusieurs ennuÿs que vous en recevés a l'ordinaire.

  A018004129 

 Dieu soit en vostre garde.

  A018004136 

 Jaçoit que la dicte fille fit tous les refus de les accepter, de peur de desobeir a M r sondit oncle, les reçoit neantmoins; mais, par la volonté de Dieu, au lieu de les manger elle les jette au feu pour les cuire, au moins une partie.

  A018004136 

 Que peut lon pensér quil fut arrivé a ceste creature si elle en eust mangé? Enfin, si Dieu ne nous avoit en sa ste protection, jamdudum consumpti essemus..

  A018004148 

 Mais aussi, ce sera un œuvre digne d'un grand Prelat comme vous estez, de prendre en main la cause d'un vostre tres humble serviteur que l'impieté a opprimé, et duquel vous ne recevrez pas moins de gloire devant les hommes que devant Dieu, que je prie de tout mon cœur de me faire la grace que je puisse un jour vous randre preuve certeine de l'affection avec laquelle je me recognoy,.

  A018004163 

 Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation.

  A018004164 

 Pour moi, je vous confesse, mon très honoré Père et Seigneur, que j'estime pour l'une des rares faveurs du Ciel que j'aie jamais reçues, celle d'estre vostre fils et le petit frère de la Visitation, où votre esprit règne, ce me semble, en sa plénitude; et je demande continuellement à Dieu la grâce de pouvoir bien concevoir cet esprit et le réduire à mon usage..

  A018004165 

 Mais, vrai Dieu, Monseigneur, cette fille de votre cœur est bien fournie de votre [432] patience, douceur et discrétion, qu'à peine le bonhomme peut-il uger que par lui-même il se rend trop importun.

  A018004211 

 A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Reverendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les regles establies par nostre Sainct Pere le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville; et estant informées que M r Anthoine de Boege, dict de Conflens, tient de Nous, soubs grace de reachept perpetuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'Annessy, soubs la riviere de Thiouz, proche l'eglise Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodement avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place; Nous inclinant volontairement a leur priere, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil pres Nostre personne, et desirant de tout Nostre pouvoir l'accroissement et augmentation du culte divin, et preferant la gloire et honneur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne:.

  A018004229 

 Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de verifier les Patentes que leur seront expediées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en derogeant pour ce regard, entant que de besoing, a tous edicts a ce contraires: affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commodité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquillité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prosperité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser mes, qu'il veillie combler de ses graces et benedictions..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000018 

 — Dans quel esprit la Mère Arnauld doit servir Dieu.

  A019000019 

 Faire courtement les exercices de piété, et avec un maintien digne de Dieu.

  A019000020 

 — Béatitude de l'âme qui n'est qu'à Dieu; ce qu'elle cherche et ce qu'elle veut. 22.

  A019000022 

 — Ce que Dieu unit est inséparable 24.

  A019000027 

 — Attendrissement du Saint sur la maladie de deux de ses filles spirituelles; prière qu'il adresse à Dieu.

  A019000029 

 — De quoi nous devons remercier Dieu.

  A019000037 

 Une Communauté fervente, sous une Supérieure très sainte mais plus propre à converser avec Dieu qu'avec les hommes.

  A019000044 

 — Etre à Dieu toujours. 46.

  A019000051 

 — Combien de fois le jour remettre son cœur «en posture d'humilité.» — La volonté du saint Evêque «suivante» de celle de Dieu.

  A019000055 

 — Respect du Saint pour l'action de Dieu dans les âmes.

  A019000059 

 Mourir à soi pour vivre à Dieu.

  A019000062 

 — Pourquoi Dieu nous laisse des imperfections.

  A019000069 

 Les solitaires que Dieu n'aime pas et avec lesquels il ne veut point d'union.

  A019000070 

 — Miséricorde de Dieu qui a peut-être employé le feu d'ici-bas pour épargner à une âme celui du Purgatoire. 73.

  A019000072 

 François de Sales célèbre le jour deux fois heureux où Dieu donna une princesse, à la France, par sa naissance, à la Savoie, par son mariage.

  A019000077 

 — Notre cœur, tiré «piece apres piece» vers Dieu.

  A019000078 

 Deux chères vertus, nées de la confiance en Dieu. 80.

  A019000079 

 — Regarder Dieu et non ses propres imperfections.

  A019000085 

 — Confiance en Dieu, et nous ne serons pas confondus. 86.

  A019000091 

 — L'abandon à Dieu au milieu des «douleurs interieures et exterieures.» — Perplexité sans affliction.

  A019000103 

 — Où trouver des filles? Confiance en Dieu.

  A019000104 

 La coadjutorerie de Jean-François de Sales est uniquement l'œuvre de Dieu.

  A019000106 

 — Suivre les inspirations d'En-haut et laisser faire à Dieu.

  A019000108 

 — Véritable marque de la bénédiction de Dieu sur un mariage.

  A019000109 

 — Quelle est la meilleure marque de la dilection de Dieu pour ses enfants.

  A019000140 

 — Le livre de la Volonté de Dieu, et le danger de l'imagination jointe à l'amour-propre.

  A019000141 

 — Trois lois «pour ne point pecher en la chasse.» — L'amitié des enfants de Dieu.

  A019000147 

 — Une fille du monastère de la croix et volonté de Dieu 151.

  A019000150 

 — Vertus à pratiquer pour s'unir parfaitement à Dieu. 156.

  A019000155 

 — Vouloir servir Dieu, sans s'attacher aux moyens de le servir.

  A019000161 

 — «L'honneur de souffrir beaucoup,» partage des enfants de Dieu ici-bas.

  A019000162 

 Quand Dieu nous a donné une charge, il nous doit sa grâce pour la bien remplir.

  A019000168 

 Saint résultat de la promptitude à faire la volonté de Dieu.

  A019000169 

 — Servir Dieu en Dieu.

  A019000170 

 Félicitations à un père qui a généreusement donné sa fille à Dieu.

  A019000171 

 — Envoi du Traitté de l'Amour de Dieu; multiples fautes d'impression de la sixième édition.

  A019000174 

 — Dieu ne veut être aimé que totalement.

  A019000178 

 — Dieu ne laisse pas d'agréer les actes de l'esprit faits avec peine et sans joie sensible.

  A019000215 

 — Aversion de l'esprit humain à recevoir «les conceptions d'autruy.» — Le Dieu de paix triomphant au milieu de la guerre.

  A019000243 

 Mays Dieu l'assistera et la tiendra de sa main, ainsy que j'en supplie sa souveraine Bonté, que je ne cesseray jamais non plus de vous souhaiter propice et secourable, ma tres chere Fille, demeurant a jamais.

  A019000253 

 Dieu soit beni, ma tres chere Fille, de la tressainte bonté qu'il exerce envers vostre cœur, que le mien, en verité, cherit, ce me semble, tout incomparablement et vrayement comme soy mesme..

  A019000255 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, il faut laisser nostre vie et tout ce que nous sommes a la pure disposition de la divine Providence; car en somme, nous ne sommes plus a nous mesmes, ains a Celuy qui, pour nous rendre siens, a voulu d'une façon si amoureuse estre tout a fait nostre..

  A019000257 

 Et tandis, Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, et je suis invariablement.

  A019000281 

 Dieu soit loué, ma tres chere Mere.

  A019000289 

 Ayant sceu vostre affliction, ma tres chere Fille, mon ame en a esté touchee de la mesure de l'amour cordial que Dieu m'a donné pour vous; car je vous voy, ce me semble, grandement assaillie de desplaysir, comme une mere qui est separee de son filz unique, et certes bien aymable.

  A019000289 

 Je ne doute pas pourtant que vous ne pensies bien et soyes tres asseuree que cette separation ne soit pas de longue duree, puisque tous nous allons a grans pas ou ce filz se retreuve: entre les bras, comme nous devons esperer, de la misericorde de Dieu.

  A019000290 

 Il y a si long tems que vous aves desiré de servir Dieu et que vous estes apprise a l'eschole de la croix, que non seulement vous acceptes celle ci patiemment, mais, je m'asseure, doucement et amoureusement, en consideration de Celuy qui porta la sienne et fut porté sur la sienne jusques a la mort, et de Celle qui n'ayant qu'un filz, mais filz d'amour incomparable, le vit mourir sur la croix, avec des yeux pleins de larmes et un cœur plein de douleur, mais de douleur douce et suave, en faveur de vostre salut et de celuy de tout le monde..

  A019000291 

 Benisses le nom de Dieu qui vous l'avoit donné, et l'a repris, et sa divine Majesté vous tiendra lieu d'enfant.

  A019000291 

 Pour moy, j'ay des-ja prié Dieu pour ce defunt, et continueray selon le grand devoir que j'ay a vostre ame, laquelle je prie la bonté eternelle de Nostre Seigneur vouloir remplir de benedictions; et suis sans reserve tout vostre, ma tres chere Fille, et.

  A019000302 

 O Dieu eternel, benisses l'ame de cette fille qu'il vous a pleu lier a la mienne, et respandes sur elle vostre grace en affluence, affin qu'elle vous serve en l'esprit de la dilection des espouses eternellement..

  A019000313 

 Ayes un grand soin d'estre attentive en toutes vos prieres et de tenir vostre cors en reverence devant Dieu, en sorte que le prochain voye que c'est a la divine Majesté que vous parles..

  A019000314 

 Pries souvent pour les ames desvoyees de la vraye foy, et benisses souvent Dieu de la grace avec laquelle il vous a maintenue en icelle..

  A019000314 

 Soyes humble et douce envers tous; car ainsy Dieu vous exaltera au jour de sa visitation.

  A019000316 

 Au reste, bien que je m'en aille sans esperance apparente de jamais vous revoir en terre, la dilection que Dieu m'a donné pour vostre ame ne recevra aucune diminution, ains demeurera ferme, stable et invariable; et ne cesseray jamais de souhaiter que vous vivies saintement en ce monde et tres heureusement en l'autre.

  A019000329 

 A Dieu soyes vous a jamais en cette vie mortelle, le servant fidellement entre les peines que l'on y a de porter la croix en sa suite, et en la vie eternelle, le benissant eternellement avec toute la Cour celeste..

  A019000330 

 C'est le grand bien de nos ames d'estre a Dieu, et le tres grand bien de n'estre qu'a Dieu.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu il veut bien que chacun sache qu'il le veut servir et [11] se veut essayer de faire les exercices convenables pour demeurer uni a iceluy..

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne cherche que luy; et parce qu'il n'est pas moins en la tribulation qu'en la prosperité, on demeure en paix parmi les adversités.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne se contriste jamais, sinon d'avoir offencé Dieu; et sa tristesse pour cela se passe en une profonde, mays tranquille et paysible humilité et sousmission, apres laquelle on se releve en la Bonté divine par une douce et parfaitte confiance, sans chagrin ni despit.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu pense souvent en luy parmi toutes les occasions de cette vie.

  A019000331 

 Quelle benediction plus grande vous puis-je souhaiter? Ainsy donq, par ce souhait que je feray incessamment sur vostre ame, ma tres chere Fille, je vous dis a Dieu; et vous priant de me recommander souvent a sa misericorde, je demeure.

  A019000331 

 Soyes donq toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne soyes qu'a luy, ne desirant que de luy plaire, et a ses creatures en luy, selon luy et pour luy.

  A019000342 

 Despuis que j'ay veu vostre cœur je l'ay aymé et le recommande a Dieu de tout le mien, et vous conjure d'en avoir soin.

  A019000343 

 Sçaves vous que c'est que le Monastere? C'est l'academie de la correction exacte, ou chaque ame doit apprendre a se laisser traitter, raboter et polir, affin qu'estant bien lissee et explanee, elle puisse estre jointe, unie et collee plus justement a la volonté de Dieu.

  A019000345 

 Cette asseurance s'acquerra petit a petit, a mesure que la grace [13] de Dieu croistra en vous; car la grace engendre la confiance, et la confiance n'est point confondue..

  A019000345 

 La verité de Dieu, dit le Psalme, vous environne et couvre de son bouclier: vous ne deves point craindre les craintes nocturnes.

  A019000345 

 Le souverain Esprit de nostre Dieu est par tout, sans la volonté ou permission duquel nul esprit ne se meut.

  A019000345 

 Vous estes dessous ses aisles comme un petit poussin, que craignes vous? J'ay, estant jeune, esté touché de cette fantasie, et pour m'en desfaire, je me forçois petit a petit d'aller seul, le cœur armé de la confiance en Dieu, es lieux ou mon imagination me menaçoit de la crainte; et en fin je me suis tellement affermi que les tenebres et la solitude de la nuit me sont a delices, a cause de cette toute presence de Dieu de laquelle on jouit plus a souhait en cette solitude.

  A019000346 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma chere Fille, pour y regner eternellement.

  A019000356 

 O qu'il soit loué, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu'il exerce envers nous! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l'un que l'autre n'y ayt sa part, ains le tout, puisqu'en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite; et qu'il me soit loysible d'user du langage de la primitive Eglise, un cœur et une ame..

  A019000358 

 Chaque jour doit porter son souci; n'ayes point souci du lendemain, car le Dieu qui regne aujourd'huy, regnera demain.

  A019000358 

 Dieu opere de loin et de pres, et appelle les choses esloignees au service de ceux qui le servent, sans les approcher; absent de cors, present d'esprit, dit l'Apostre..

  A019000358 

 J'espere que Dieu vous fortifiera de plus en plus; et a la pensee, ou plustost tentation, de tristesse sur la crainte que vostre ferveur et attention presente ne durera pas, respondes une fois pour toutes, que ceux qui se confient en Dieu ne seront jamais confondus, et que, tant selon l'esprit que selon le cors et le temporel, vous aves jetté vostre soin sur le Seigneur, et il vous nourrira.

  A019000358 

 Servons bien Dieu aujourd'huy, demain Dieu y pourvoira.

  A019000362 

 Neanmoins, Dieu soit beni dequoy encor la [16] chose est ainsy passee, avec tant d'édification des autres prochains, selon que le bon M. du V[al] escrit..

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000363 

 Ma chere Fille, je vous dis adieu, et conjure vostre cœur de croire que jamais le mien ne se separera de luy: il est impossible; ce que Dieu unit est inseparable.

  A019000364 

 Demeurés en Dieu.

  A019000366 

 Ce qui n'est point Dieu doit estre peu en nostre estime.

  A019000366 

 Dieu soit vostre protection.

  A019000374 

 Ce que Dieu a uni en sang et en sentiment est inseparable tandis que ce mesme Dieu regne en nous; et il y regnera eternellement..

  A019000395 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Mere et tres uniquement chere Mere.

  A019000395 

 Je salue nos Seurs, et suis vostre de la façon que Dieu sçait..

  A019000395 

 Or sus, je vous escriray de Bourges, et de Moulins, et de Rouanne, et de Lyon, et tous-jours, Dieu aydant, que je me porte bien.

  A019000404 

 Ce sera, Dieu aydant, demain; mais en attendant, faut-il pas que mon cœur salue le vostre?.

  A019000405 

 Je sceu a mon depart de Paris que vous esties rentree dans Maubuisson avec vostre petite chere troupe, mays je n'ay peu sçavoir si vous avies treuvé vos papiers, vos meubles de devotion et vostre argenterie sacree; car celle qui s'est elle mesme desrobee a Dieu, pourquoy ne desroberoit-elle pas toute autre chose?.

  A019000406 

 O Dieu, que c'est bien autre chose de voir un train d'avettes qui toutes concurrent a fournir une ruche de miel, et un amas de guespes qui sont acharnees sur un cors mort, pour parler honnestement..

  A019000407 

 Je vous escriray avant mon départ de ce lieu, apres que j'auray veu ce cher frere; et croyes moy, ma tres chere Fille, mon ame se console a vous escrire, tant il est vray que Dieu veut que mon ame regarde la vostre, la cherisse et soit parfaitement vostre.

  A019000409 

 J'ay veu le bon M. de Bonneuil qui jubile de sçavoir que sa chere fille veuille aymer Dieu.

  A019000419 

 Mays il n'a pas pleu a Nostre Seigneur qu'aucune occasion se soit presentee d'aller du costé d'Amiens pendant mon sejour en ces quartiers, d'où partant tout presentement pour me retirer en mon diocsese, duquel je n'ay esté que trop absent, je vay en esprit aupres de vous, et vous envoye ce billet qui vous dira de ma part que toute ma vie j'ay cheri vostre ame de tout mon cœur, et me suis consolé de sçavoir que la divine Majesté vous avoit retiree a son service en une si [sainte] vocation comm'est celle [24] en laquelle vous vivés, et que j'honnore parfaitement, et en laquelle je prie Dieu, et ne cesseray point, que vous perseveries heureusement, faysant des continuelz progres en.......................................

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000435 

 J'ay veu en fin monsieur vostre frere, que je proteste d'estre l'un des aymables personnages que j'aye veu jamais, pour la bonté et pieté de cœur que Dieu luy a donnee.

  A019000435 

 Le jour precedent il avoit eu l'advis du depart de son pauvre petit François, et neanmoins son esprit estoit en une tranquillité parfaite, et avec un certain repos en la volonté de Dieu, qu'autre que Dieu mesme ne pouvoit luy avoir donné..

  A019000436 

 O ma Fille, Dieu me soit en ayde.

  A019000437 

 Or sus, ma Fille, tenes vostre courage haut eslevé en Dieu, en sa providence, en l'eternité.

  A019000438 

 Je suis ce que ce mesme Dieu veut et sçait que je suis pour vous, et je ne le sçaurois mieux dire qu'ainsy.

  A019000450 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu ayant receu en sacrifice de suavité l'acquiescement de ce pere et le vostre, et celuy du grand pere et de la grand mere, et des tantes, il ne permettra pas que la tribulation face plus de progres: ainsy je l'en supplie, et qu'il vous face sainte..

  A019000451 

 Ma Fille, nous souffrons le martyre du cœu quand, pour l'amour de Dieu, nous voyons mourir et acquiesçons a la mort de ceux que nous cherissons.

  A019000452 

 Aymes cette chere ame, et l'appuyes de vostre conversation, affin que, selon ses inclinations bonnes et vertueuses, elle serve Dieu de mieux en mieux..

  A019000461 

 Mais je voy encor, ce me semble, que Dieu, vostre bon Ange, vostre prudence et vostre courage vous soulagent et fortifient parmi toutes ces secousses.

  A019000461 

 Que vous puis je donq dire en cette occasion? Laissons prendre a Dieu ce qu'il luy plait, et le remercions de ce qu'il nous laisse, et encor plus de ce qu'il nous rendra le tout avec une usure nom-pareille au jour auquel nous verrons sa face..

  A019000462 

 J'ay et auray a jamais part a vos contentemens et a vos desplaysirs, puisque je suis inseparable d'affection d'avec vous et vostre famille benite de Dieu, laquelle, en la personne de M. d'Andilly et de moy, vous conjure [30] d'avoir bien soin de vostre personne pour ne point tant travailler des-ormais, qu'a mesure que l'aage decline vous deves vous soulager par un juste repos.

  A019000473 

 Or sus, il faut que M. et M lle de Forax digere ( sic ) ces amertumes, puisque Dieu le permet, qui, comme j'espere, leur donnera ensuite des bonnes et solides consolations.

  A019000475 

 C'est pourquoy, bon soir, ma tres chere Mere; Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur.

  A019000489 

 Je retourne en arriere vous revoir en esprit et saluer vostre chere ame par ce billet, ne me pouvant contenter [33] de cet a Dieu si court que je fus forcé de vous dire, m'estant demeuré sur le cœur que je ne vous parlay pas asses clairement sur le sujet de vostre conduitte en l'administration de vostre charge, selon que je m'estois proposé de vous en entretenir un peu plus amplement, si j'en eusse eu le loysir.

  A019000490 

 Et quand on nous reprend ou qu'on nous veut marquer nos imperfections en la conduitte, nous devons doucement tout ouÿr, et puis proposer cela a Dieu et nous en conseiller avec nos aydes ou coadjutrices; et apres cela, faire ce qui est estimé a propos, avec une sainte confiance que la divine Providence reduira tout a sa gloire..

  A019000493 

 Ne vous troubles point d'estre un peu rudement contrerollee par cette bonne ame de dehors, mays passes outre en paix, ou a faire selon son advis es choses esquelles il n'y a point de danger de la contenter, ou a faire autrement quand la plus grande gloire de Dieu le requerra; et alhors il faut, le plus dextrement qu'on pourra, la gaigner, affin qu'elle le treuve bon..

  A019000495 

 Or sus, ma tres chere Fille, tenes vous bien toute en Dieu, et soyes humblement courageuse pour son service; et recommandes luy souvent mon ame qui, de toutes ses affections, cherit tres parfaitement la vostre et luy souhaite mille et mille benedictions..

  A019000510 

 J'appris a connoistre tout plein de Praelatz, et particulierement M. l'Evesque de Lusson, qui me jura toute amitié et me dit qu'en fin il se rangeroit a mon parti, pour ne penser plus qu'a Dieu et au salut des ames.

  A019000511 

 L'affaire n'est pas encor preste, ni ne le sera pas si tost; et tandis, nous escouterons ce que Dieu en ordonnera, a la plus grande gloire duquel je veux tout reduire et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace, ainsy que je fis entendre a mondit seigneur le Cardinal d'abord, et le luy repliquay de rechef estant a Amboyse, ou il m'en parla encor plus cordialement; et Monsieur le Cardinal de la Rochefocaut m'en tendit un mot devant M. le Prince, mais en sorte que cela ne fut [39] point consideré.

  A019000511 

 Mays en fin, si Dieu ne le veut de sa volonté d'approbation, je ne le veux jamais vouloir, et ni mettray du tout rien du mien que mon consentement a la Providence celeste, quand je connoistray que ce sera son service..

  A019000512 

 Il falloit escrire toutes ces choses du monde a ma Mere, affin qu'elle sache tout: maintenant, parlons des affaires de Dieu..

  A019000516 

 Non pas certes pour celleci, car tout y va presque selon Dieu; et c'est une grande consolation de voir nostre petite Madame si gave et toute bonne, et Madame de Vandaume, qui est un ( sic ) parfaite bonté, et tout son train si bien rangé et vertueux..

  A019000520 

 J'ay escrit sur chemin a la Superieure pour la soulager un peu, puisque mesme je ne peu luy dire a Dieu qu'a la desrobee, non plus qu'a nos Seurs de Moulins et de Lyon, a cause de la surprise de mon depart que, par force, il me faut faire soudain comme Madame monte en carosse, par ce que je suis de la carosse qui va immediatement devant elle..

  A019000547 

 En somme, me voyci en mon nid; quelle qu'en soit la vallee, il me sera tous-jours avis que vous en soyes a une journee prés, et en vain, car vous seres dans vostre aymable Paris, parmi cette multitude d'ames que Dieu veut benir par vostre entremise..

  A019000548 

 Or, passant icy et entre les a Dieu que je dis a nostre court, les RR. PP. Capucins m'ont fait entendre [46] comme ilz sont desirés a Belley, ou d'autres Religieux se desirent en leur place; et je sçai, Monseigneur, que vostre intention premiere fut d'avoir des Religieux qui administrassent le saint Sacrement de l'absolution, mays que si les Capucins le pouvoyent administrer, vous les praefereries a tous autres.

  A019000574 

 Non, ma tres chere Fille; vostre chere ame ayant conceu le grand desir que Dieu luy a inspiré de n'estre qu'a luy, ne vous rendes pas aysee a croire qu'elle preste son consentement a ces mouvemens contraires.

  A019000575 

 O moy miserable homme, disoit le grand Apostre, qui me delivrera du cors de cette mort? Il sentoit un cors d'armee composee de ses humeurs, aversions, habitudes et inclinations naturelles, qui avoyent conspiré sa mort spirituelle; et parce qu'il les craint, il tesmoigne qu'il les hait; et parce qu'il les hait, il ne les peut supporter sans douleur; et sa douleur luy fait faire cet eslan d'exclamation, a laquelle il respond luy mesme que la grace de Dieu, par Jesus Christ, le garantira, non de la crainte, non de la frayeur, non de l'alarme, non du combat, mais ouy bien de la desfaite, et l'empeschera d'estre vaincu..

  A019000576 

 C'est pour respondre a ce que vous dites de la legereté et inconstance de vostre ame, car je le croy fermement qu'elle est continuellement agitee des vens de ses passions, et que par consequent elle est tous-jours en bransle; mais je croy aussi fermement que la grace de Dieu et la resolution qu'elle vous a donnee, demeure continuellement en la pointe de vostre esprit, ou l'estendart de la Croix est tous-jours arboré, et ou la foy, l'esperance et la charité prononcent tous-jours hautement: VIVE JESUS!.

  A019000581 

 Encor faut-il que j'adjouste en ce bout de papier ce mot important: ne charges point vostre foible cors d'aucune autre austerité que de celles que la Regle vous impose; gardes vos forces corporelles pour en servir Dieu es prattiques spirituelles, que souvent nous sommes contraintz de laisser quand nous avons indiscrettement surchargé celuy qui, avec l'ame, les doit exercer..

  A019000582 

 Escrives moy quand il vous plaira, sans ceremonie ni crainte; n'employes point le respect contre l'amour que [52] Dieu veut estre entre nous, selon lequel je suis a jamais invariablement.

  A019000590 

 J'ay receu une consolation inexplicable de voir a Bourges la chere petite trouppe de nos Filles, si desireuses de la pure perfection de l'amour divin et si amoureuses de l'exacte observance de leurs Regles, qu'il y a lieu d'esperer que cette Mayson sera benite de Dieu et en benediction a la Congregation..

  A019000602 

 Je vous priay de dire a M. Combaz quil vint retirer sa fille; mays despuis, sachant l'extremité de la passion en laquelle il est sur ce sujet, j'ay pensé que je pourrois encor voir plus particulierement sil y aura moyen de la [54] retenir; et Dieu sçait si j'en seroys joyeux, n'y ayant que la necessité et force de la conscience qui puisse la faire renvoyer.

  A019000619 

 Et tandis, je prie Dieu qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses benedictions, et suis,.

  A019000633 

 Je prie Dieu qu'il vous benisse, et suis.

  A019000647 

 Et bien que ce rassasiement s'entende pour le jour du jugement auquel on fera justice a tous ceux a qui elle a manqué, et qui par consequent en ont eu faim et soif en ce monde, si est ce que j'espere que le Parlement en fin rassasiera ce personnage, apres qu'il aura eu faim et soif de justice: et Dieu veuille pardonner a ceux qui le persecutent..

  A019000660 

 Dieu les eslevera [59] et fera croistre; ce petit Institut se multipliera et, comme la violette, respandra par tout sa bonne odeur..

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000669 

 Vous me le fistes promettre, et je le fay soigneusement: je prie Dieu qu'il vous donne sa sainte force, affin que vous rompies genereusement tous les liens qui empeschent vostre cœur de suivre ses celestes attraitz.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000672 

 Vostre serviteur en Dieu..

  A019000681 

 O ma Fille, si vous aves fait comme cela, vous estes heureusement morte en ce divin Sauveur avec cet enfant, et vostre vie est cachee avec luy en Dieu; et quand le Sauveur paroistra, qui est nostre vie, alhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A019000682 

 Cependant, ma tres chere Fille, puisque vous aves esté volontier malade tandis que Dieu a voulu que vous le fussies, guerisses aussi maintenant de bon cœur, puisqu'il veut que vous guerissies.

  A019000694 

 Dieu vous veuille a jamais prosperer en sa benediction, Monsieur, et je suis,.

  A019000711 

 Dieu, par sa Providence, le rende autant heureux que de tout mon cœur je le souhaite, apres qu'avec la benediction du Pape il aura esté legitimement celebré..

  A019000712 

 O que c'est une bonne chose d'estre tout a Dieu! Soyons le donq, ma tres chere Fille.

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000734 

 Je ne veux ni de vie ni de reputation qu'autant que Dieu voudra que j'en aye, et je n'en auray jamais que trop selon ce que je merite..

  A019000734 

 Or, Monsieur, je me suis un peu dilaté avec vous pour me soulager; non que je sois grandement touché ni des censures ni des blasmes qu'on jette contre moy pour ce sujet, car je sçay que devant Dieu je suis sans coulpe; mais je suis pourtant marri du souslevement de tant de passions autour d'un affaire ou j'en ay eu si peu.

  A019000746 

 Dieu m'a donné vostre bienveuillance, Dieu me la conservera, s'il luy plaist; car de moy mesme je n'ay peu la meriter, ni la conservation d'icelle..

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000761 

 En fin donq j'escris a M. de Montholon; mays avant que de luy envoyer la lettre, faites la voir, s'il vous plaist, a M. des Hayes, et consideres s'il sera a propos qu'elle luy soit rendue; car quant a moy, ma tres chere Mere, j'ay remis tous ces mauvais vens a la providence de Dieu: qu'ilz soufflent ou qu'ilz s'accoisent selon qu'il [71] luy plaira; la tempeste et la bonace me sont indifferentes.

  A019000761 

 Si le monde ne treuvoit a redire sur nous, nous ne serions pas bonnement serviteurs de Dieu..

  A019000762 

 Et tost apres, il me vint en l'esprit que Nostre Dame, en cette perplexité, ne dit mot, ne s'excusa point, ne se troubla point, et la providence de Dieu la delivra; et je luy recommanday cette affaire, et me resolus de luy en laisser le soin et de me tenir coy.

  A019000763 

 Demeures en paix, et le Dieu de paix sera avec vous, et il foulera les aspics et les basilics; et rien ne troublera nostre paix si nous sommes ses serviteurs.

  A019000764 

 Je presche icy, ces Advens, les commandemens de Dieu, qu'ilz ont desiré ouÿr de moy, et je suis merveilleusement escouté, mais aussi je presche de tout mon cœur; [72] duquel cœur je vous diray, ma tres chere Mere, que Dieu, par sa bonté infinie, le favorise fort, luy donnant beaucoup d'amour des maximes du christianisme; et cela en suite des clartés qu'il me donne de leur beauté et de l'amour que tous les Saintz leur portent au Ciel, m'estant advis que la haut on chante avec une joye incomparable: Bienheureux les pauvres d'esprit, car a eux appartient le Royaume des cieux..

  A019000767 

 Je salue nos très cheres Seurs Anne Catherine et Jeanne Marie; je leur escriray aussi troys motz au premier jour, s'il plaist a Dieu.

  A019000768 

 Dieu les veuille combler de ses graces..

  A019000768 

 Je n'escriray point pour ce coup a ces dames, que j'honnore tant et que Dieu veut que j'honnore de plus en plus; salues les toutes cherement es occurrences.

  A019000776 

 Je commence par ou vous finisses, ma tres chere et tres veritablement bienaymee Fille; car vostre derniere lettre, entre celles que j'ay receuës, finit ainsy: «Je croy que vous me connoisses bien.» Or il est vray, certes, je vous connois bien, et que vous aves tous-jours dedans le cœur une invariable resolution de vivre toute a Dieu; mais aussi, que cette grande activité naturelle vous fait [74] sentir une grande vicissitude de saillies.

  A019000776 

 Une mediocre vie se peut acquerir en un an; mays la perfection a laquelle nous pretendons, o Dieu! ma chere Fille, elle ne peut venir qu'en plusieurs annees, parlant de la voye ordinaire..

  A019000777 

 Dites bien encor ceci a cette fille que je vous ay tant recommandee, qu'en verité je ne la puis oublier ni jour ni nuit, mon ame reclamant incessamment la grace de Dieu sur elle; et dites luy hardiment que non, je ne m'estonneray jamais de ses foiblesses et imperfections.

  A019000779 

 Dites luy que je demeure icy, en mon diocese, tandis qu'il plaist a Dieu; et que, comme rien ne m'en peut tirer que quelque particuliere occasion que je croiray estre a la gloire de Nostre Seigneur, aussi, cela se [75] presentant, je n'auray non plus difficulté de me desprendre maintenant des faveurs que je reçoy, qu'auparavant qu'elles me fussent donnees.

  A019000779 

 Je suis et seray et veux estre a jamais a la mercy de la providence de Dieu, sans que je veuille que ma volonté y tienne autre rang que de suivante.

  A019000781 

 Helas! la pauvre N. perdra elle ainsy le fruit de sa vocation? O mon Dieu, ne le permettes pas.

  A019000781 

 Sa pauvre seur est en grand danger, a ce qu'on m'escrit; et je vous asseure que mon ame en est toute affligee, et voudrois, si je pouvois, beaucoup faire pour retenir ces deux seurs pour Dieu qui les veut, pourveu qu'elles ne resistent..

  A019000782 

 O non, car Dieu protegera cette chere ame et ne permettra pas qu'une si rude tempeste la vienne accabler.

  A019000784 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et pries souvent pour mon amendement, affin que je sois sauvé et qu'un jour nous tressaillions en la joye eternelle, nous resouvenant des attraitz dont Dieu nous a favorisés, et des reciproques consolations qu'il a voulu que nous eussions en parlant de luy en ce monde.

  A019000804 

 La connoissance que j'ay des qualités de cette dame m'a tous-jours fait souhaiter qu'elle demeurast, et loüe Dieu de tout mon cœur que cela soit.

  A019000808 

 Las et recreu de tant escrire, je prie Dieu qu'il vous comble de contentement, et suis.

  A019000850 

 Et moy, ne croyes vous pas que mon cœur s'attendrisse sur le vostre? Si fait, je vous asseure, mais attendrissement doux et suave, pour voir que vos douleurs sont des presages de plusieurs faveurs que Dieu vous fera, si constamment et fidellement vous perseveres en cette entreprise, la plus digne, la plus genereuse, la plus utile que vous pouvies jamais faire..

  A019000851 

 Pour moy, ne doutes nullement de ma fidelité; confies vous en moy sans crainte, sans reserve et sans exception, car Dieu qui l'a voulu me tiendra de sa sainte main affin que je vous serve bien.

  A019000852 

 Car vrayement mon esprit est extremement amy de la simplicité, mays la serpe avec laquelle on tranche ces inutiles rejettons, je la laisse ordinairement es mains de Dieu: et voyla, ma tres chere Fille, qu'il vous en va donner un coup pour ces poudres, pour ces papiers dorés.

  A019000852 

 Ce mesme Dieu sçait que sur vostre despart, il me [vint] en la pensee de vous dire qu'il failloit retrancher le musc et les senteurs; mais je me retins, sur ma methode, qui est suave, de laisser lieu au mouvement que petit a petit les exercices spirituelz ont accoustumé de faire dans les ames qui se consacrent entierement a sa divine Bonté.

  A019000853 

 Vous aves rayson, ma tres chere Filie, de renoncer a tout cela; croyes moy, ces petites abnegations seront fort aggreables a Dieu..

  A019000854 

 Je n'ay jamais seulement voulu porter des bas d'estame, ni jamais des gans ni lavés ni musqués, des que je me suis voué a Dieu, ni jamais papier doré ni poudres; ce sont des mignardises trop menues et vaines.

  A019000854 

 O Dieu, quel cœur vous me donnes en vostre endroit, marchant de si bon pied!.

  A019000855 

 Et qui ne se mouvroit a ces coups de rasoir qui separent et divisent l'ame d'avec l'esprit, et le cœur de chair d'avec le cœur divin, et nous mesmes d'avec nous mesmes? Mais, vive Dieu! Ces [89] coups sont donnés, c'en est fait: non, jamais plus il n'y aura reunion de l'un a l'autre, moyennant la grace de Celuy pour auquel nous unir inseparablement nous nous sommes separés pour jamais de toute autre chose..

  A019000857 

 O Dieu, ma Fille, a toutes ces compaignies mondaines qui vous arriveront, il faut rendre une contenance doucement joyeuse.

  A019000858 

 Ce grand Dieu aggrandisse de plus en plus le regne de son saint amour en nous.

  A019000859 

 Si j'avois davantage de loysir, je vous escrirois encor, car je ne me lasse point en ce doux entretien de Dieu, de son amour, de nos ames.

  A019000866 

 O ma Fille, Dieu vous a fait une grande misericorde d'avoir rappellé vostre cœur au gratieux support du prochain, et d'avoir saintement jetté le bausme de la suavité de cœur envers autruy dans le vin de vostre zele..

  A019000867 

 Voyesvous, en fin je respons, quoy que tard, a la lettre que vous m'escrivies apres mon passage, et respons courtement, simplement, amoureusement, comme a ma tres chere Fille que j'ay aymee presque des le berceau, parce que Dieu l'avoit ainsy disposé.

  A019000880 

 Mon Dieu, que ce miserable monde nous tourmente! Que bienheureux sont ceux qui le mesprisent de tout leur cœur.

  A019000895 

 Je salue ma filleule, priant Dieu qu'il la benisse; et vous, ma chere Fille, je vous prie de l'eslever fort humble, douce, devote et modeste, car il faut estre ainsy, ou devenir ainsy, pour estre vraye fille de nostre petite Visitation.........................................................................

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000912 

 Je me resjouis grandement, ma tres chere Fille, du bonheur dont vous jouisses en cette sacree compaignie en laquelle vous estes, ainsy que monsieur vostre bon pere m'a fait sçavoir; car ce vous est un bien inestimable de vivre au service de Dieu en un lieu ou toutes les ames le servent, et ou leur conversation environne vostre jeunesse pour la conserver et affermir en ses bons propos..

  A019000913 

 Et en cette consideration, je vous prie de tout mon cœur de vous exercer fidelement en la sainte humilité et obeissance [95] envers ces ames sacrees a qui Dieu a confié la vostre, affin qu'un jour elle soit toute sienne et son espouse bien-aymee.

  A019000914 

 Vives donq ainsy humblement et doucement devant Dieu, ma tres chere Fille, et pries-le souvent pour moy qui suis.

  A019000930 

 Quand l'Escriture Sainte veut parler d'une personne bonne, douce, innocente et dediee a Dieu, elle dit: C'est un filz ou une fille d'un an.

  A019000931 

 Je disois hier, ma chere Fille (car je vous veux faire part de nos predications), que quand Dieu voulut prendre en sa sauvegarde les enfans des Israelites, affin que l'Ange exterminateur ne les tuast comme il faisoit ceux des Egyptiens, il ordonna que leurs portes fussent enduites et [97] marquees du sang de l'Aigneau paschal; et qu'ainsy sa divine Majesté marquoit du sang de sa Circoncision la porte et l'entree de cette annee sur nous, affin qu'en icelle l'exterminateur de nos enfans n'eust aucun pouvoir sur eux.

  A019000932 

 Je l'espere, ma chere Fille, que nous serons inviolablement fidelles a ce Sauveur, et que ces annees suivantes nous seront comme les annees fertiles de Joseph, lequel, par le moyen du mesnage qu'il fit en icelles, se rendit vice Roy d'Egypte; car nous mesnagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, voire nos momens, que le tout s'employant selon l'amour de Dieu, le tout nous sera profitable a la vie eternelle pour regner avec les Saintz.

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000932 

 Nous irons neanmoins nous establissans de jour en jour, et ces petites alterations s'affoibliront, Dieu aydant..

  A019000957 

 O ma tres chere Mere, Dieu par sa bonté soit a jamais au milieu de nostre cœur, pour y vivre et regner selon son bon playsir..

  A019000960 

 Je luy fis une bonne correction, avec autant de vinaigre que d'huyle, que je repeteray, en changeant les motz, si souvent, qu'elle operera moyennant la grace de Dieu.

  A019000962 

 O ma Mere, soit que la providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un), ne seray-je pas mieux de n'avoir pas tant de charge, affin que je puisse un peu respirer en la Croix de Nostre Seigneur et escrire quelque chose a sa gloire?.

  A019000986 

 O Dieu, a quoy demeurons nous accrochés! Or bien, voyla mon advis.

  A019000987 

 Au reste, ma tres chere Fille, il est vray, qui a son cœur et sa pretention en Dieu, il ne se sent point, au moins en la partie superieure, des agitations des creatures; et qui l'a au Ciel, comme dit saint Gregoire a deux Evesques, il n'est point tourmenté des vens de la terre..

  A019000988 

 L'esprit de Dieu est genereux, suave et humble.

  A019000989 

 Elle a consacré ses forces corporelles a Dieu; ce n'est plus a elle a les ruiner, sinon quand Dieu l'ordonnera, et elle n'apprendra jamais l'ordonnance de Dieu que par l'obeissance aux creatures que le Createur luy a donnees pour sa direction..

  A019000990 

 Si faut, ma tres chere Fille, il la faut faire ayder contre cette tentation par les advis de quelque vray serviteur de Dieu; car il faut plus d'une personne pour desraciner ces persuasions de sainteté exterieure et cherement choisies par la prudence de l'amour propre.

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019001015 

 O ma Fille [108] veritablement toute bienaymee de mon cœur, faites bien ainsy: ne permettes pas a vostre esprit de considerer ces miseres; laisses faire a Dieu, il en fera quelque chose de bon.

  A019001016 

 Que Dieu face et de nostre vie, et de nostre estime, et de nostre honneur a son gré, puisque tout est a luy.

  A019001016 

 Vous aves rayson: une fille qui est a Dieu ne doit penser a la reputation, cela est impertinent.

  A019001017 

 Commandes luy souvent, et luy imposes des mortifications opposees a ses [109] inclinations; elle obeira, et bien quil semblera que ce soit par force, ce sera pourtant utilement et selon la grace de Dieu..

  A019001017 

 Rompre des vœux pour jeusner, presumer d'estre bonne pour la solitude sans estre bonne pour la Congregation, vouloir vivre a soymesme pour mieux vivre a Dieu, vouloir avoir l'entiere jouissance de sa propre volonté pour mieux faire la volonté de Dieu: quelles chimeres! Qu'une inclination, ou plus tost fantasie et imagination, chagrine, bigearre, depiteuse, dure, aigre, amere, testue, puisse estre un'inspiration, quelle contradiction! Cesser de louer Dieu et se taire de depit es Offices que la sainte Eglise ordonne, par ce qu'on ne le peut louer en un coin selon son invention, quelle extravagance! Or sus, j'espere que Dieu tirera de la gloire de tout ceci, puisque cette pauvre chere fille se sousmet en fin a ce qu'on luy commandera et qu'elle revere vostre presence.

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001031 

 La cogitation de sortir a toutes les plus veritables marques de tentation qu'on sçauroit treuver; mays Dieu soit loué dequoy en cet assaut le donjon n'est pas encor rendu ni, comme je pense, prest a se rendre.

  A019001031 

 O Dieu! ma tres chere Fille, gardes vous en bien de vouloir sortir.

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001043 

 Cette chere fille estoit bonne et vertueuse; et, comme je m'asseure, elle hantoit les saintz Sacremens, et par consequent estoit tous-jours bien disposee, au moins suffisamment, pour se conserver [112] en la grace de Dieu: c'est pourquoy son trespas n'a peu estre que bon, non plus que celuy de saint Simeon Stilite, que la foudre et feu du ciel tua sur la colomne.

  A019001043 

 Il faut entrer dans cette admirable providence de Dieu et s'accoyser en ses ordonnances, avec une sainte confiance qu'elle aura eu soin de cette bonne ame, qu'elle aura mesme peut estre purifiee en ce feu pour luy eviter celuy du Purgatoire.

  A019001044 

 Dieu, vostre bon Ange et la sagesse que vostre longue experience vous a acquise, vous suggereront mieux tout ceci que je ne sçaurois faire; mais je le dis pour vous tesmoigner qu'apres avoir contribué mes prieres a vostre consolation et conservation, je voudrois bien y dedier tout ce qui seroit en mon pouvoir, puisqu'ayant le bien et l'honneur de vous estre si proche, j'ay encor le devoir, avec une tres sincere volonté,.

  A019001054 

 Je croy fort asseurement que nul homme du monde ne vous honnorera jamais plus franchement que je fay; et d'autant plus suis-je marri de ce qui s'est passé ces derniers jours en vostre mayson, puis que Dieu y a esté [113] offensé et le publiq scandalisé, et que le mariage est tout a fait nul et invalide, la commission de dispenser obtenue a Rome n'ayant point esté executee; de sorte qu'il sera requis de celebrer derechef le contract du consentement nuptial, affin de rendre cette conjunction et la posterité legitime.

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001068 

 Puisque, graces a Dieu, vous voyla en fin arrivee au lieu auquel vous devies achever le voyage de vostre bien heureuse venue en ces Estatz, il m'a semblé que je puis oser meshuy presenter de mes lettres a Vostre Altesse, [115] tandis qu'elles ne luy seront point desaggreables.

  A019001069 

 Que ce jour soit a jamais conté entre les jours que Dieu a creés pour sa gloire; que ce soit un jour d'eslite entre les jours qui sont destinés aux humains pour les acheminer a l'eternité; que ce jour auquel, Madame, vous fustes faite chrestienne, face jour a la consolation de toute la Chrestienneté; et face ce mesme jour, auquel vous aves esté faite nostre tres honnoree Dame et Princesse, reluire la serenissime Mayson de Savoye en une heureuse et tous-jours auguste posterité de Vostre Altesse..

  A019001121 

 Certes, je ne veux de reputation qu'autant qu'il en faut pour cela; car, pourveu que Dieu soit servi, qu'importe que ce soit par bonne ou mauvaise renommee, par l'esclat ou le descri de nostre reputation?.............................

  A019001121 

 On me mande de Paris que l'on m'y rase la barbe a bon escient, mais j'espere que Dieu la fera recroistre plus peuplee que jamais, si cela est necessaire pour son service.

  A019001138 

 Je n'en doutois pas, ma tres chere Fille, que Dieu n'eust soin de vostre cœur en ces occurrences, et que s'il le blessoit d'une main, il n'appliquast son bausme de l'autre.

  A019001139 

 Ferme, ma tres chere Fille, tout est a nous, et nous sommes a Dieu..

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001140 

 J'ay celebré pour cette ame, et celebre tous les jours avec memoire particuliere d'icelle devant Dieu.

  A019001140 

 La paix de Dieu soit tous-jours au milieu de nos cœurs.

  A019001142 

 Dieu forma premierement l'exterieur de l'homme, puis il inspira le spiracle de vie au dedans, et cet exterieur fut fait en homme vivant.

  A019001143 

 O Dieu, ma Fille, je voy vos entortillemens dans ces pensees de vanité; la fertilité, jointe a la subtilité de vostre esprit, preste la main a ces suggestions; mais dequoy vous mettes vous en peyne? Les oyseaux venoyent becqueter sur le sacrifice d'Abraham: que faysoit-il? avec un rameau qu'il passoit souvent sur l'holocauste, il les chassoit.

  A019001146 

 Mais, ma Fille, cet amour de la propre excellence n'est [125] il pas gratieux en cette fille que je vous ay tant recommandee et qui en verité m'est chere comme mon ame? Car, qu'y a il de plus gentil que cette petite aversion, laquelle [provient] d'estre appellee fille de cette pauvre Mere? Mays demandes luy, je vous prie, si elle a encor point de sentiment dequoy je l'appelle ma Fille, et si elle voudroit point que je l'appellasse ma Mere? O vray Dieu, qu'il luy a cousté d'effortz pour me dire cette petite niaiserie! Certes, ma Fille, je ne sçai pas combien il luy couste, mais je ne voudrois pour rien du monde qu'elle ne me l'eust dit, puisqu'en cela elle a prattiqué une si profonde resignation et confiance envers moy..

  A019001149 

 O Dieu, [126] salues un peu bien tendrement de ma part la pauvre chere seur aisnee; mon cœur regarde le sien avec compassion.

  A019001150 

 Dieu soit a jamais nostre tout.

  A019001153 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur.

  A019001163 

 La paix et tranquillité du cœur, qui prennent leur origine d'une parfaite confiance en la bonté de Dieu et sont le lieu du Saint Esprit, soyent aussi a jamais vos plus cheres compagnes.

  A019001180 

 Mon Dieu, ma Fille, ne vous tenes nullement chargee de souffrir ce qu'il faut que vous souffries: c'est pour la tressainte volonté de Dieu, qui a donné ce poids et cette mesure a vostre estat, corporel; mais l'amour sçait tout et fait tout; il me rend ce me semble, medecin..

  A019001183 

 Je serviray ce que je pourray monsieur N.; mais il faut advouer qu'en matiere de negociations et affaires, sur tout mondaines, je suis plus pauvre prestre que je ne fus jamais, ayant, graces a Dieu, appris a la cour a estre plus simple et moins mondain..

  A019001184 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et vives toute en Dieu.

  A019001185 

 Vous estes ma tres chere Fille, et Dieu veut que j'aye de la consolation a le dire..

  A019001193 

 En fin il se faut consoler; rien n'est si aggreable ni si salutaire en cette vie mortelle que de bien aymer Dieu, et pour Dieu le prochain.

  A019001194 

 Et puis, voyla la tres chere seur qui de mesme ne respire presque que la bienveuillance de son beaufrere, et ayme filialement ce chetif Pere spirituel, de qui Dieu luy a [132] donné une si entiere et parfaite amitié qu'elle ne se peut exprimer.

  A019001198 

 Vives tous-jours uniquement en Dieu, mon tres cher et tres veritablement tous-jours plus cher Frere, et aymes continuellement mon ame, laquelle souhaite mille et mille consolations et prosperités saintes a la vostre, vous cherit et vous honnore invariablement..

  A019001213 

 Cependant, madame de Chevron, ma bonne tante, a pensé jusques a present que j'avois esté l'autheur de cette retraitte; qui a esté la cause que je ne suis point allé voir madame de Boege, en attendant que, par mesme voye, allant visiter l'une de ses ( sic ) dames, je puisse aussi visiter l'autre, estant si voysines comme elles sont; et lhors je n'oublieray pas ce quil vous a pleu de me recommander, Dieu aydant, ayant tous-jours un desir invariable de vous pouvoir, par quelque preuve, asseurer,.

  A019001234 

 En un mot, il faut si bien faire, et si saintement et si humblement, que la gloire en demeure a Dieu..

  A019001236 

 Dieu soit au milieu de vostre ame.

  A019001272 

 A vous, ma tres chere Fille, il ne faut point de ceremonie, car Dieu ayant rendu mon cœur si fortement serré au vostre, il n'y a plus d'entredeux, ce me semble.

  A019001275 

 Ma tres chere Fille, je suis incomparablement vostre serviteur tres humble, et de monsieur vostre mary, et de monsieur C., mais sur tout de vostre chere ame, que Dieu benisse.

  A019001284 

 Cette fille me sera chere, venant de la main de la providence de Dieu, et sur vostre recommandation, ma tres chere Fille, qui m'est de tres grande estime en toute façon.

  A019001285 

 Esperes en Dieu, faites bien, et continues vos exercices; aymés les pauvres, et demeures en paix.

  A019001285 

 Je n'ay encor point parlé a monsieur N.; mais, a veuë de païs, je ne laisse pas de vous dire, ma tres chere Fille, que vous tenies la teste hautement relevee en Dieu et les yeux dans l'eternité bienheureuse qui vous attend.

  A019001296 

 Alles donq ainsy, ma tres chere Fille, et parmi ce tracas du monde tenes vostre cœur ou vous aspires, dans le sein de la debonaireté de ce grand Dieu, en sa sainte gloire seternelle..

  A019001296 

 Il est vray, vous l'aves desiré et je l'ay accepté: vous estes ma tres chere Fille, et j'en ay de la consolation, estimant que vos bons souhaitz devant Dieu ne serviront pas peu pour impetrer sa misericorde sur mon ame, laquelle aussi reclame souvent cette mesme Bonté sur la vostre, affin qu'elle soit toute sainte, et qu'en verité elle marche en douceur, humilité et simplicité interieure, qui sont les trois vertus colombines que le divin Espoux Jesus Christ recherche en ses amantes.

  A019001313 

 Nous avons parlé, le bon M. d'Ulme et moy, et nous [145] n'avons rien conclu, sinon qu'il attendra jusques a ce que vous soyes en Chalamont, coulant ainsy le tems doucement; et entre ci et la, Dieu luy mesme accommodera toutes choses, ainsy que nous devons esperer.

  A019001320 

 Le Directoire du noviciat propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encor bon et convenable pour le commencement de tenir les espritz rangés et occupés; mays quand, par le progres du tems, les ames se sont un peu exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors les exercices s'unissent a un exercice de plus grande simplicité: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu; de sorte que cette multiplicité se convertit en unité.

  A019001321 

 Vives toute a Dieu, en paix, en douceur, courageusement et saintement, ma tres chere Fille..

  A019001330 

 Je loue Dieu et vous remercie humblement de la paix et douceur que vous aves donnee a vostre curé qui, je m'asseure, l'employera a rendre meilleur service a l'Eglise.

  A019001357 

 Or, je vous dis ceci: premierement, affin que vous le sachies; secondement, pour m'excuser si je ne vous escris pas, ni a monsieur des Hayes, si amplement que je desirerois, ni a personn'autre qu'a vous deux, car il me faut tant escrire a la cour, a tous ces Princes et Princesses, des lettres de remerciement, et a Rome des lettres de supplications, que j'en suis tout es [soufflé]; tiercement, affin que vous demeuries en paix, avec asseurance que je ne feray point de changement en mes adventures que quand je verray une signalee occasion du service de Dieu et digne d'estre suivie, toutes choses laissees.

  A019001360 

 Dieu soit beni!.

  A019001360 

 Nous ferons ce que nous pourrons, et sil plait a Dieu que ce malheur arrive, nous la retirerons en quelqu'une des maysons de mes freres.

  A019001361 

 Je vous dis courtement qu'ouy: cet abandonnement en Dieu parmi les douleurs interieures et exterieures est tres [153] bon, et bon aussi de dire vocalement les paroles que vous me marques, de tems en tems, pour faire sçavoir au cœur qu'il est en Dieu, par le tesmoignage que ces paroles luy rendent.

  A019001389 

 Il m'est advis que je voy vostre cœur comme un cadran qui est posé au soleil et qui ne remue point, ains demeure immobile, tandis que l'esguille et calamite qui est dedans [157] s'agite incessamment et, par des continuelles inquietudes, s'eslance du costé de sa belle estoile; car ainsy vostre cœur demeurant immobile, vostre volonté tend par des bons mouvemens a son Dieu.

  A019001392 

 Et pour les autres, Dieu les assistera, [158] s'il veut que je les serve; et s'il ne le veut pas, sa volonté soit faite.

  A019001392 

 Mon Dieu, ma chere Fille, non seulement pour celuy la, mays pour tous les autres encor, je renonce et resigne tout mon interest au profit de la gloire de Dieu, et prie Dieu qu'il me rende tout purement resigné moy mesme a son amour..

  A019001399 

 Ce qu'il fit, mais en confession, en sorte que je ne puis dire sur ce sujet que deux veritables verités: l'un'est que cett'ame est parfaitement bonne et toute exposee a la volonté de Dieu; et l'autre, que j'ay estimé a propos de luy donner [159] encor un peu de tems, tandis qu'elle acheve son cours de theologie, pour plus entierement digerer ses cogitations sur le fait de sa vocation.

  A019001416 

 Et pour cela je me contenteray de luy en faire tres humblement la reverence et l'asseurer que, comme elle pouvoit gratifier grande multitude de gens de plus de merite, aussi n'eut elle peu en regarder de plus de fidelité et d'obeissance [161] que mondit frere et moy, qui ne cesseray jamais de louer Dieu de quoy il m'a rendu, par tant de devoirs,.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001515 

 En un mot, il faut exercer une franche et suave charité envers son esprit, et estimer que Dieu a voulu qu'elle fust la a cet effect..

  A019001517 

 Dieu soit loüé.

  A019001529 

 Or, Dieu fera des filles, quand il les devroit tirer des pierres, et donnera l'esprit de gouvernement a mesure qu'il voudra multiplier les Maysons..

  A019001542 

 Vous me croires bien, ma tres chere [Mère], quand je vous diray simplement que la nomination de mon frere a la coadjutorie est si clairement une œuvre de Dieu, que je n'en ay jamais dit ni escrit une seule parole, ni mendié ni procuré aucune recommandation.

  A019001559 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, que vous aves souffert les tranchees d'un accouchement quand vous vous estes enfantee vous mesme a Jesus Christ! Marches maintenant saintement et soigneusement en cette nouveauté d'esprit, et gardes bien de regarder en arriere, car il y auroit un extreme danger; et benisses la divine Providence qui vous avoit preparé une nourrice si aymable.

  A019001559 

 O que Dieu est souverainement bon et gratieux, ma tres chere Fille! Certes, j'ay eu un contentement incroyable a voir comme il vous a conduitte en l'abondance de son amour.

  A019001574 

 Vostre Mayson sera tous-jours obligee a l'honnorer et respecter et a prier Dieu pour luy.

  A019001593 

 Or, laissons cette pensee, et pour moy j'ay tous-jours esperé que vostre mariage reüsciroit grandement heureux en son progres, cette entree ayant esté si fascheuse; car c'est une des ordinaires methodes dont la providence de Dieu use en ce qu'elle destine a sa gloire, de faire naistre les espines avant les roses..

  A019001594 

 Mays on me dit que tous ces messieurs les parens commencent fort a s'apayser, et je le croy aysement; car en fin ilz ouvriront les yeux, et verront que la volonté de Dieu doit estre adoree en tout ce qu'elle fait, et qu'elle a fait cette liayson de sa sainte main..

  A019001594 

 On m'escrit que vostre amitié nuptiale est si entiere et parfaite que rien plus: et n'est ce pas cela la veritable et certaine marque de la benediction de Dieu sur un mariage? Et ce que Dieu benit, qu'importe-il que les hommes le censurent? Continues seulement en cette benediction, et nourrisses soigneusement ce bonheur par une perseverante fidelité au service de la divine Majesté; et que tout le monde parle tant qu'il voudra.

  A019001610 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere Fille, et je suis tout a fait en luy,.

  A019001676 

 Et sur cette vérité très certaine, je lui présente mes humbles hommages, et je prie Dieu notre Seigneur de lui donner toute sainte prospérité..

  A019001720 

 Ma tres chere Mere, Dieu soit au milieu de nostre cœur.

  A019001740 

 Demeurons en icelle, puisqu'il plait a Dieu, et demeurons y en paix, sans apprehension de vaciller ni d'haesiter jamais..

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001741 

 Je pense, pour moy, que je ne bougeray point de ce païs avant la Feste Dieu, et ne suis pas certain si encor, apres cela, j'iray en aucun autre lieu, n'estant guere plus certain de l'employ de ma vie que de l'heure de ma mort, tant je suis maintenant engagé dans la volonté d'autruy.

  A019001757 

 Il faut donq que je vous die que je ne puis avoir opinion que rien se face de ce costé-la, que vous sçaves, si Dieu ne le veut de sa volonté absolue; car premierement, ce fut ce que d'abord je dis a Monsieur le Cardinal, que [193] si je quittois ma femme, ce seroit pour n'en avoir plus.

  A019001757 

 Je vay doucement, quoy qu'avec grand travail, supportant les charges de la mienne, avec laquelle je suis envielly: mais, avec une toute nouvelle a moy, que ferois-je? La seule gloire de Dieu, manifestee par mon superieur le Pape, me peut oster de cette demarche..

  A019001760 

 En somme, je ne feray rien pour ce parti la que je ne sois grandement asseuré que Dieu le veuille.

  A019001770 

 Pour tout ce que vous m'escrives en trois de vos lettres, ma tres chere Fille, je ne laisse pas d'avoir une tres parfaite confiance que la fille que je vous ay tant recommandee, et qu'en verité j'ayme comme mon ame propre, reuscisse une grande servante de Dieu; car elle ne fait point de faute a dessein, ni pour aucune volonté qu'elle ayt de nourrir ces inclinations revesches, vaines et un peu mutines.

  A019001773 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si vous sçavies combien mon cœur ayme cette fille et de quelz yeux je la regarde des icy a tous momens, vous auries un grand soin d'elle, encor pour l'amour de moy, outre ce que vous luy estes; car vous m'aymes d'un amour qui est asses fort pour vous faire aymer tout ce que j'ayme.

  A019001774 

 Et quant a vous, ma tres chere Fille, comme n'aymeres vous pas Dieu qui vous ayme tant? Quel tesmoignage de son amour, ma Fille, en cet heureux trespas de ce bon pere auquel vous aves tant souhaité une telle fin! Certes, j'en suis ravi..

  A019001804 

 Cependant, ma tres chere Fille, qui ne cherche que la gloire de Dieu la treuve dans la pauvreté comme dans les commodités.

  A019001804 

 Laisses donq doucement et paysiblement aller a Lyon qui voudra; Dieu vous garde mieux que tout cela.

  A019001805 

 Vous m'excuseres, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu nous assistera affin que le grand Office ne soit jamais introduit en cette Congregation, et le Pape mesme en donna quelque instruction.

  A019001808 

 Parles moy tous-jours hardiment; car je proteste devant [203] Dieu et ses Saintz que je suis vostre, ma tres chere et veritablement bienaymee Fille..

  A019001841 

 Dieu, qui est la charité mesme, vous veuille tous conserver en son saint service, parmi lequel je vous prie me faire part en vos oraysons..

  A019001851 

 Dieu, par sa bonté, ne permette pas que nous en ayons jamais d'autre que de le servir et aymer eternellement..

  A019001865 

 Laisses en vostre place nostre chere Marie Aymee; les benedictions que Dieu respand sur sa conduite a l'esgard des Novices, s'eslargiront tous-jours sur tout ce qui luy sera commis.................................................................................................

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001883 

 Soyes humble, et Dieu sera pour vous et appuyera vostre bonne volonté, vous donnant a luy sans deguisement et sans reserve, luy disant du fond de vostre cœur que si jusques a present vous ne l'aves pas asses bien servi, qu'il ayt la bonté de vous pardonner et fortifier dans la resolution que vous aves prise de vous destacher de toutes les affections du monde, et de ne vous attacher a rien sinon a l'amour de Dieu et, de tout vostre cœur, a le servir fidelement..

  A019001887 

 A Dieu, je suis tout vostre..

  A019001893 

 Or sus, au nom de Dieu, ma tres chere Fille, il est vray, Dieu veut que vous vous servies de mon ame avec une confiance toute entiere pour tout ce qui regarde le [213] bien de la vostre, laquelle pour cela il m'a rendue toute chere et pretieuse en son celeste amour..

  A019001900 

 Penses vous que Dieu donne tous-jours la vocation de la Religion, ou bien de la parfaite devotion, selon les conditions naturelles et les inclinations des espritz qu'il appelle? Non certes, ma Fille, ne croyes pas cela: la vie religieuse n'est pas une vie naturelle, elle est au dessus de la nature, et faut que la grace la donne et soit l'ame de cette vie.

  A019001901 

 Donq, moy mesme je sers a la loy de Dieu en mon esprit et de mon esprit, et a la loy du peché en ma chair et de ma chair; celuy la, dis je, monstroit bien que sa nature ne servoit guere a la grace, et que ses inclinations n'estoyent guere sousmises aux inspirations.

  A019001901 

 Et neanmoins, c'est un des plus parfaitz serviteurs que jamais Dieu ayt eus en ce monde, et lequel en fin fut si heureux que de pouvoir dire en verité: Je vis moy, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy, apres que la grace eut assujetti la nature et que les inspirations eurent subjugué les inclinations..

  A019001901 

 Helas! pauvre miserable que je suis, qui me delivrera du cors de cette mort? La grace de Dieu par Jesus Christ; ou bien: Je rens graces a Dieu par Jesus Christ.

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001904 

 En somme, vostre esprit, et ce que Dieu a fait pour vous avoir a luy, et mille considerations, vous appellent a une non vulgaire generosité chrestienne.

  A019001904 

 Et ce pendant pries Dieu, ma tres chere Fille; humilies vous, destines vostre vie a l'eternité, releves vos intentions, purifiés vos pretentions, penses souvent qu'un seul petit profit en l'amour de Dieu est digne de grande consideration, puisqu'il aggrandira nostre gloire a toute eternité.

  A019001950 

 O mon Dieu, quel bonheur si on peut restablir le service de sa divine Majesté en toutes ces provinces! Mays pour Ripaille et pour la Congregation de Thonon, il n'est pas grand besoin que de l'authorité de Son Altesse; car en l'un il ny a personne, et en l'autre on ne change rien, la Bulle de Clement ordonnant que cette Congregation soit des Prestres de l'Oratoire.

  A019001954 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, mon tres cher Frere, mon ami..

  A019002019 

 Ainsy que ces bons Peres me venoyent dire a Dieu, j'ay receu vostre lettre, ma tres chere Fille, du 22 may, a laquelle je respons vistement..

  A019002021 

 Je seray bien en peine si M. le Mareschal de Saint Gerand m'escrit, ce quil n'a pas fait jusques a present; Dieu me donnera la response, s'il luy plait..

  A019002039 

 Cet aymable esprit que j'ay veu en vous quelques moys durant, tandis que vous esties en cette ville, ma tres chere Fille, ne reviendra il jamais dans vostre cœur? [238] Certes, quand je voy comme il en est sorti, je suis en grandeperplexité, non devostre salut, car j'esperequevous le feres tous-jours, mays de vostre perfection, a laquelle Dieu vous appelle et n'a jamais cessé de vous appeller des vostre jeunesse.

  A019002044 

 Puisque vous le voules, je traitteray avec monsieur N. O Dieu, que je desire ardemment et invariablement que vos affaires se passent sans proces! car en somme, l'argent que vos poursuites mangeront vous suffira pour vivre et, en fin de cause, qu'y aura il de certain? Que sçaves vous que les juges diront et determineront de vostre affaire? Et puis, vous passeres vos meilleurs jours en cette tres mauvaise occupation, et vous en restera peu pour estre employés utilement a vostre principal objet; et Dieu sçait si, aprrs un long tracas, vous pourres ramasser vostre esprit dissipé, pour l'unir a sa divine Bonté.

  A019002046 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur.

  A019002062 

 O mon Dieu, que Monseigneur le Serenissime Prince aura de benedictions si la reformation se fait! Toutes ces bonnes Religieuses sont alarmees de ce que M. l'Abbé de [246] Ceyserieu a dit a son retour qu'on les vouloit regler; les unes veulent prevenir en apparence, mays n'ayant pas des Superieurs reformés, je ne sçai comme elles pourront faire.

  A019002074 

 Avec un extreme sentiment d'obligation, je vous rens graces du soin que vous aves eü des affaires dont j'avois supplié Monseigneur de Nemours, et en espere bonne issue, si Sa Grandeur en croid son Conseil de deça, car [247] elles sont toutes tres justes et selon Dieu; ains, quant a celle de monsieur de Vallon, il ny a point de difficulté que il ny ayt obligation de conscience a faire reparer le tort qu'on luy a fait tres manifestement.

  A019002094 

 Mais parce que, tandis que nous sommes au monde, nous ne pouvons aymer qu'en bien faysant, parce que nostre amour y doit estre actif, comme je diray demain au sermon, Dieu aydant, nous avons besoin de conseil, affin de discerner ce que nous devons prattiquer et faire pour cet amour qui nous presse; car il n'est rien de si pressant a la prattique du bien que l'amour celeste.

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002115 

 Dequoy vous mettes vous tant en peine? Dieu est bon, il void bien qui vous estes.

  A019002115 

 Vos inclinations ne vous sçauroyent nuire, pour mauvaises qu'elles soyent, puisque elles ne vous sont laissees que pour exercer vostre volonté superieure a faire un'union a celle de Dieu plus avantageuse..

  A019002116 

 Quant a vostre chemin, Dieu qui vous a conduit jusques a present vous conduira jusques a la fin..

  A019002116 

 Tenes vos yeux haut eslevés, ma tres chere Fille, par une parfaite confiance en la bonté de Dieu.

  A019002132 

 Dieu soit loué dequoy vostre retour s'est fait bien doucement et que vous aves treuvé monsieur vostre cher mary tout allegé.

  A019002136 

 Monsieur Michel me demandoit ce que j'avois escrit a monsieur le Grand sur le sujet de la chasse; mais, ma tres chere Fille, ce ne fut qu'un article par lequel je luy disois qu'il y avoit trois loix selon lesquelles il se failloit gouverner pour ne point offencer Dieu en la chasse.

  A019002136 

 de ne point employer a la chasse le tems des festes signalees esquelles on doit servir Dieu, et sur tout prendre garde de ne point laisser pour cet exercice la sainte Messe es jours de commandement.

  A019002137 

 Ainsy a il, je vous asseure, mis en mon esprit une tres amiable et tout a fait entiere affection pour le vostre que je cheris incessamment, priant Dieu quil le comble de benedictions.

  A019002137 

 Or sus, ma tres chere Fille, Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur pour unir toutes vos affections a son saint amour.

  A019002139 

 O ma Fille, les enfans de Dieu s'entr'ayment tous-jours bien; soyons le bien donq, ma tres chere Fille, et aymons nous bien a son gré; et certes, j'ay une non pareille consolation de sentir en mon cœur cette toute sincere et incomparable dilection pour le vostre, ma tres chere Fille.

  A019002151 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse, ains, si elle me le permet, je la conjure par sa propre bonté et par son bonheur, de l'oüir promptement et favorablement, et de donner des maintenant un bon commencement a ce saint projet, puis que il ny a rien a perdre, mais tout a gaigner et encor plus a esperer, par la bonne issue que Dieu en donnera a Vostre Altesse, selon les vœux universelz de tous les gens de bien et mes continuelles prieres pour la prosperité de la coronne de Son Altesse et la vostre,.

  A019002163 

 Il est vray, Madame ma tres chere Mere, que feu monsieur le Marquis vostre frere avoit desseigné de me faire une entiere confession generale de toute sa vie, pour prendre de moy les advis convenables pour en employer le reste plus ardemment au service de Dieu; mais je ne revins pas asses tost pour luy rendre cet office, puisque Dieu l'appella avant mon depart de Paris, avec la grace qu'il luy fit de bien recevoir ses divins Sacremens..

  A019002168 

 Or sus, Madame ma tres chere Mere, Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur et du mien, duquel je suis sans fin,.

  A019002176 

 C'est la verité que non seulement vous estes ma tres chere fille, mais c'est la verité aussi que tous les jours [261] vous l'estes davantage en mon ressentiment; et Dieu soit loué dequoy non seulement il a creé en mon ame un'affection veritablement plus que paternelle pour vous, mais dequoy il a mis l'asseurance que vous en deves avoir dedans vostre cœur.

  A019002196 

 Mais en fin, Dieu voulut que ce fut ma Seur Françoise Marguerite, et il veut tous-jours le mieux; car c'est une bonne femme, sage, constante et veritable servante de Nostre Seigneur; un peu seche et froide de visage, mais bonne de cœur, courte en paroles, mais moelleuse.

  A019002199 

 Mais tous-jours ayme je cette fille, et ne crain nullement ses emotions de decouragement; car apres tout cela, Dieu qui a volu que je luy sois ce que je luy suis, luy seul fera qu'elle n'en doutera jamais, ou si elle en doute, ce ne sera que par secousses et comme par maniere de tentation..

  A019002199 

 Mon Dieu, que nostre grande Fille est admirable! Ell'a regardé ma lettre d'un biays duquel je ne l'ay pas escrit.

  A019002201 

 Veritablement M me la Presidente de Herce, est ( sic ) ma tres chere fille et comere, est toute aymable devant Dieu et es ( sic ) hommes; je luy escris, et la rayson mesme vouloit bien que je luy eusse plus tost rendu ce devoir.

  A019002202 

 Son ame est bien appellee de Dieu, et je croy qu'elle correspondra heureusement.

  A019002207 

 Je treuveray, Dieu aydant, quelque retraitte pour cette fille avec un peu de loysir, et ce pendant, n'ayant pas l'habit on n'en peut pas faire grande consequence..

  A019002220 

 Ce porteur allant pour representer a Vostre Altesse plusieurs moyens et occasions d'amplifier la gloire de Dieu et le bien des sujetz de Son Altesse, a la ruine de l'haeresie, je ne fay nulle difficulté de supplier tres humblement vostre bonté, Monseigneur, de l'ouïr et de gratifier le dessein qu'il a, si elle juge qu'il soit convenable, puisque je sçai qu'elle affectionne grandement toutes les œuvres de pieté comm'est celle ci..

  A019002235 

 La pauvre fille, helas! elle est du vray monastere de la croix et volonté de Dieu..

  A019002236 

 Ma tres chere Fille, Dieu m'a rendu vostre, et je le seray invariablement a jamais et tout a fait sans reserve; il est vray, ma tres chere Fille, je le suis plus qu'il ne se peut dire..

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002244 

 Mais si vous eussies tardé davantage, croyes moy, ma tres chere Fille, je ne pouvois plus attendre; non plus que jamais je ne pourray omettre vostre chere personne et toute vostre aymable mayson en l'offrande que je fay journellement a Dieu le Pere, sur l'autel, ou vous tenes, en la commemoration que j'y fay des vivans, un rang tout particulier: aussi m'estes vous toute particulierement chere..

  A019002244 

 Oh! certes, ni moy non plus, car je vous dis en toute fidelité et certitude, que ce que Dieu a voulu que je vous fusse, je le suis, et sens bien que je le seray a jamais tres constamment et tres fortement, et ay en cela une tres singuliere complaysance, accompaignee de beaucoup de consolation et d'utilité pour mon esprit.

  A019002245 

 O je voy, ma tres chere Fille, dedans vostre lettre, un grand sujet de benir Dieu pour une ame en laquelle il tient la sainte indifference en effect, quoy que non pas en sentimens.

  A019002247 

 Quand il nous arrive de violer les loix de l'indifference es choses indifferentes, ou pour les soudaines saillies de l'amour propre et de nos passions, prosternons soudainement, si tost que nous pouvons, nostre cœur devant Dieu, et disons en esprit de confiance et d'humilité: Seigneur, misericorde, car je suis infirme.

  A019002249 

 Si je suis [273] exaucé, il sera saint, ce cher petit François; il sera la consolation de ses pere et mere, et aura tant de faveurs sacrees aupres de Dieu, qu'il m'obtiendra le pardon de mes pechés, si je vis jusqu'a ce qu'il me puisse aymer actuellement..

  A019002274 

 Mais il y a une loi supérieure: «Le salut du peuple est la suprême loi,» d'après laquelle j'ose dire qu'on ne saurait rendre un plus grand service à Dieu, au Siège Apostolique et à la sainte Eglise, qu'en usant de dispense en pareil cas et en accordant le bénéfice à ce Prélat: et cela pour deux raisons principales..

  A019002276 

 L'autre raison est que Monseigneur de Belley est très dévoué à Dieu et à la sainte Eglise, et qu'il a un grand renom dans la capitale comme l'un des meilleurs prédicateurs de France.

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002298 

 Ma tres chere Fille, mon ame est toute vostre, et je suis asseuré que la vostre ne sçauroit douter de cette si veritable verité que Dieu Nostre Seigneur a fait et quil fera durer a jamais pour cette vie et pour l'eternité, selon que je l'espere de sa misericorde.

  A019002313 

 Je loüe Dieu que vostre arrivee en ce païs-la a esté accueillie avec tant de joye, et j'espere que la suite sera tous-jours correspondante; car les amis de Dieu sont trop plus honnorés..

  A019002351 

 Que si ilz ne le veulent pas, il faudra envoyer ma Seur Paule Hieronime avec deux ou troys qu'elle choisiroit, et faire le mieux qu'on pourroit, pourveu qu'on fist le partage sus escrit; car ma Seur Paule Hieronime a asses de courage et de capacité de bien faire, moyennant la grace de Dieu, pour reuscir en cette entreprise..

  A019002352 

 Certes, il ne faut vouloir que Dieu absolument, invariablement, inviolablement; mais les moyens de le servir, il ne les faut vouloir que doucement et foiblement, affin que si on nous empesche en l'employte d'iceux, nous ne soyons pas grandement secoués.

  A019002352 

 Il faut peu vouloir, et petitement, tout ce qui n'est pas Dieu..

  A019002354 

 Et en tous evenemens, il faut demeurer en paix dans la volonté de Dieu, pour laquelle la nostre est faite..

  A019002356 

 En somme, bienheureux sont ceux qui ne font pas leur volonté en terre, car Dieu la fera la haut au Ciel.

  A019002379 

 Que si vous aves engagé vostre ame envers Dieu pour la fondation d'un Monastere a Nevers, ça esté tout a fait sans m'en communiquer, sinon apres que vous en eutes contractee la sainte obligation.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002381 

 Voyla tout ce que je vous puis dire, ma tres chere Fille, demeurant au reste plein d'une sainte satisfaction et, sil est permis de le dire, tout glorieux dequoy on m'asseure si fort que vous faites des merveilles en pieté, et dautant plus que c'est madame la Mareschale de Saint Geran, laquelle est, graces a Dieu, sçavante en ce saint mestier; car je croy que vous ne doutes pas que la tres sincere et invariable dilection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vostre ame, me face aymer, cherir et sentir tres passionnement vostre establissement et progres au saint service de sa divine Majesté.

  A019002397 

 Seulement je regarday que la Mayson de Sainte Marie de Moulins, a laquelle je l'addressay [292] comm'a une desirable retraitte, ne pouvoit estre que soulagee temporellement de la pension qu'ell'y contribueroit, et que si Dieu l'inspiroit de s'y arrester tout a fait, elle pourroit donner tres suffisamment dequoy y estre entretenue..

  A019002399 

 Ce qui sera plus selon la gloire de Dieu, sera plus selon mon desir.

  A019002418 

 Dieu vous face croistre de plus en plus en sa tressainte grace, mon tres cher Frere, a qui je suis.

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002448 

 Ma chere Fille, vous sçaves tres bien que Dieu reserve le partage de ses enfans pour la vie future, et que pour celle ci, il ne donne ordinairement a ses mieux aymés que l'honneur de souffrir beaucoup et de porter leur croix apres luy.

  A019002449 

 Faites moy ce bien, ma tres chere Fille, que par la premiere bonne commodité qui se presentera, je puisse sçavoir quelque chose de l'estat de vostre cœur et de toute vostre chere petite trouppe de petitz enfans, que Dieu vous a donnés affin que vous fussies leur mere selon l'esprit encor plus que vous ne l'estes selon le cors; et de nostre frere N. et de nostre seur N., et Sur tout de la bonne madamoyselle vostre mere.

  A019002460 

 Croyes, ma tres chere Fille, il faut aller a la bonne foy sous la conduite de ce bon Dieu, et ne point disputer contre cette regle generale, que Dieu qui a commencé en nous le bien, le parfaira selon sa sagesse, pourveu que nous luy soyons fideles et humbles..

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002462 

 Reposes vous ainsy sur luy, et quand vous feres des fautes ou des defautz, ne vous estonnes point; ains, apres vous estre humiliee devant Dieu, souvenes vous que la vertu de Dieu se manifeste plus glorieusement dans nostre infirmité.

  A019002475 

 Mon Dieu, que j'ayme son cœur et celuy de ma tres chere fille sa [302] seur! Il faut bien qu'elles cultivent l'un'et l'autre le don de Dieu.

  A019002476 

 Il veut partir dans 4 ou cinq jours, tant pour faire venir la signora D. Genevra, que pour assister a mon frere en son sacre, que pour un autre tout bon dessein que Dieu luy a donné..

  A019002477 

 Helas! je n'escriray point a ma tres chere fille M me de Port Royal, ni a M lle Le Maistre; mays je prieray Dieu quil les console de l'abondance de son saint amour..

  A019002478 

 Je vis avec impatience jusques a ce que j'aye fait un petit mot de congratulation a nostre chere fille sur son mariage, que Dieu veuille a jamais benir.

  A019002482 

 Dieu, par sa bonté, soit a jamais glorifié en nostre unique cœur.

  A019002493 

 Dieu, par sa bonté, y veuille mettre sa sainte main, et guerir son esprit de ce desvoyement de conscience..

  A019002527 

 Il me dit que, dans l'interest de Dieu et le mien, je devois me tenir en cette ville, mais neantmoins ayder l'establissement de la Mayson de Nevers, et quil me feroit voir par ses livres que c'estoit avec des tres bonnes raysons quil me disoit que je pouvois transmuer mon dessein.» Sur cela, je luy escrivis, et a vous, qu'elle [307] devroit suivre l'advis de ce Pere, qui ne peut estre que grave personnage, et donner une partie de ses moyens pour Nevers, gardant l'autre pour Moulins, en sorte qu'en faisant l'un elle n'abandonnast pas l'autre..

  A019002528 

 Le vœu n'est pas demeuré entre Dieu et M lle du Tertre; la promesse est passee jusques a Nevers et ell'y a esté acceptee, et en suite de l'acceptation, on a acchepté places, mayson et meubles jusques a dix mille francz, par commission donnee de la part de madamoyselle du Tertre.

  A019002530 

 Il n'est pas besoin de se mettre en souci si celles ci ou celles-la y entreront; [308] Dieu, duquel la providence a fait ce buisson, sçait bien quelz oyseaux y doivent chanter ses louanges..

  A019002532 

 Vous n'eutes jamais tant de peine ni de mal de cœur que parmi ceste bourrasque; benisses Dieu, demeures humble et courageuse, et ne vous lasses point de souffrir beaucoup..

  A019002553 

 Mays la pauvre chetifve Seur Jeanne Françoise s'en va petit a petit [311] tout a fait folle, si Dieu ny met sa puissante main.

  A019002553 

 O pourveu que le dernier accident luy arrive en la grace de Dieu, il importera peu.

  A019002554 

 Tout ce que la prudence y peut faire, se fera a la reveüe; apres cela, il faut demeurer en paix et laisser a la providence de Dieu de les establir, et elle le fera..

  A019002566 

 Cette promptitude de faire la volonté de Dieu est un grand moyen d'attirer de grandes et puissantes graces pour la suite et accomplissement de toute bonne œuvre; et vous voyes, ma tres chere Fille, qu'apres la rude secousse que vostre cœur sentit quand, de vive force, il se desprit de ses sentimens, humeurs et inclinations pour suivre l'attrait superieur, en fin vous voyla toute consolee et accoysee dans le bienheureux buisson que vous aves choysi pour chanter a jamais la gloire du Sauveur et Createur de vostre ame..

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Mais neanmoins il a pleu ainsy a Dieu, que qui quitte ces neans et vains amusemens des momens, gaigne en contreschange une gloire d'eternelle felicité, en laquelle cette seule consideration d'avoir voulu aymer Dieu de tout nostre cœur et d'avoir gaigné un seul petit grade d'amour eternel de plus, nous abismera de contentement..

  A019002571 

 Dieu soit a jamais beni, loué et glorifié, ma tres chere Fille, et je suis en luy et pour luy, tres singulierement,.

  A019002585 

 O c'est ainsy, ma Fille tres cherement bienaymee, quil faut servir Dieu, car c'est le servir en Dieu et par l'amour souverainement et incomparablement excellent.

  A019002601 

 Ayant sceu avec combien de resolution vous aves consenti a la soudaine et inopinee retraitte de madamoyselle [316] de Frouville, vostre fille bienaymee, je ne me puis retenir de m'en res-jouyr de tout mon cœur avec vous, comme d'une action en laquelle Dieu aura pris son bon playsir, et dont les Anges et les Saintz auront glorifié extraordinairement la divine Providence.

  A019002602 

 Or, j'augure de plus que, pour ce saint sacrifice spirituel que vous aves si franchement fait a Dieu, sa souveraine et [infinie] Bonté vous donnera les mesmes benedictions qu'elle donna en pareille occasion au grand Abraham.

  A019002632 

 Je vous adresse aussi mon Traitté de l'Amour de Dieu, qu'un [320] gentilhomme traduit assez heureusement, à ce que j'entends dire.

  A019002634 

 Plaise à Dieu notre Seigneur que la peine prise par Votre Paternité et l'humilité avec laquelle Elle a daigné donner à ce petit ouvrage le beau vêtement italien dont il est orné, devienne très profitable au salut de beaucoup d'âmes..

  A019002668 

 Je n'ay garde de m'engager a Lyon pour la seconde fois, que je ne sache asseurement de pouvoir tenir parole; la providence de Dieu fera son coup selon sa gloire..

  A019002676 

 Or sus, Dieu soit a jamais nostre unique support, et je suis en luy tout vostre..

  A019002689 

 O combien de benedictions Dieu espandra-il sur vostre cœur, et que de consolations sur le mien, si vous alles croissant en la prattique parfaite du divin amour, ma tres chere Fille! Le Saint Esprit tient quelquefois la methode d'inspirer par parties ce qu'il veut faire du tout, et ces vocations ont accoustumé d'estre grandement solides.

  A019002690 

 Marchés donq bien ainsy, ma tres chere Fille, l'esprit relevé en Dieu et qui ne regarde que le visage et les yeux de l'Espoux celeste [331] pour faire toutes choses a son gré; et ne doutes point qu'il ne respande sur vous sa tressainte grace pour vous donner des forces esgales au courage qu'il vous a inspiré.

  A019002692 

 Dieu remplira vostre vaysseau de son baume quand il le verra vuide des parfums de ce monde, et quand vous seres humble, il vous exaltera.

  A019002692 

 Humilies vous amoureusement devant Dieu et les hommes, car Dieu parle aux aureilles abbaissees.

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002705 

 Vous verres, ma chere grande Fille, que Dieu vous fera recueillir de bons et beaux fruitz de vostre travail.

  A019002716 

 Et cette si digne et bonne Princesse les protegeant si favorablement, il m'est advis qu'il ny a qu'a beaucoup attendre de progres pour cette Mayson-la, moyennant la grace de Dieu, [335] qui est le souverain et unique objet de toutes nos confiances..

  A019002718 

 J'attens avec crainte vos premieres nouvelles sur la maladie de la Seur Marie Marguerite de Saint Bonet, car je voudrois bien qu'elle guerit, si Dieu le vouloit, sans la volonté duquel je ne veux rien vouloir.

  A019002719 

 Elle l'est a mon gré tout a fait, non obstant tout ce qu'elle dit contre elle mesme, qui [est] voyrement veritable, mais qui est contrechangé par une si bonne et franche volonté que cela ne tient point de place, et sur tout par ce qu'elle ne l'ayme pas et que un jour tout cela s'esvanouira devant la grace de Dieu.

  A019002719 

 Et Dieu tire tout a soy, en soy et pour soy.

  A019002719 

 Mays Dieu sçait des choses que nous ne sçavons pas: sil est expedient pour sa gloire, il fera possible ce qui nous semble ne le pouvoir pas estre, et s'il laisse cette fille la, il fera pour elle, la, tout ce que nous pourrions desirer.

  A019002748 

 Et parce qu'il aura peut-être besoin de l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime pour réussir, je vous prie de la lui accorder là où elle sera nécessaire, pour l'amour de M. l'Abbé d'Abondance qui me chérit si fort, et pour l'amour de Dieu, dont l'honneur est en partie engagé dans cette affaire..

  A019002761 

 Mays tout cela ne prejudicie nullement aux actes de l'esprit, de cette pointe superieure, autant aggreables a Dieu comme ilz sçauroyent estre parmi toutes les gayetés du monde, ains certes, plus aggreables, comme faitz avec plus de peine et de conteste; mais ilz ne sont pas si aggreables a la personne qui les fait, parce que, n'estant pas en la partie sensible, ilz ne sont pas aussi sensibles ni delectables selon nous..

  A019002762 

 Quand nous sommes incommodés de cors et de santé, il ne nous faut exiger de nostre esprit que les actes de sousmission et d'acceptation du travail, et des saintes unions de nostre volonté au bon playsir de Dieu qui se forment en la cime de l'ame; et quant aux actions exterieures, il les faut ordonner et faire au mieux que nous pouvons, et nous contenter de les [340] faire encor que ce soit a contrecœur, languidement et pesamment.

  A019002763 

 Ma tres chere Fille, nous avons a Nessi un peintre Capucin, qui, comme vous pouves penser, ne fait point d'images que pour Dieu et son temple; et bien que travaillant il ayt une si grande attention qu'il ne peut faire l'orayson a la mesme heure, et que mesme cela occupe et lasse son esprit, si est ce qu'il fait ces ouvrages de bon cœur, pour la gloire qui en doit reuscir a Nostre Seigneur et l'esperance qu'il a que ces tableaux exciteront plusieurs fideles a louer Dieu et benir sa bonté.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002764 

 En somme, je ne sçai pas ce que mon ame ne pense pas et ne desire pas pour la perfection de la vostre, laquelle, puisque Dieu l'a voulu et le veut ainsy, est certes au milieu de la mienne.

  A019002775 

 J'ay receu vos deux lettres avec un contentement, a la verité, tout particulier, d'avoir veu en icelles des marques evidentes que l'affection que Dieu avoit mise en [342] vostre cœur pour moy, il y a dix huit ans, estoit non seulement toute vive, mais avoit pris de saintz accroissemens avec celle que vous aves pour la divine Bonté, que l'excellente profession que vous faites a rendue, je m'asseure, tres grande..

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002776 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, ma Mere, que de benedictions sur vous! que de fideles correspondances vostre ame doit rendre a la douceur que la divine Providence a exercee en vostre endroit!.

  A019002779 

 Et pour finir, ma tres chere Fille, ce m'est une satisfaction nompareille que la Superieure et les Seurs de Sainte Marie de la Visitation vous ayent veuë; parce que je sçai que cela les aura toutes encouragees a servir bien le Filz et la Mere de Dieu, a qui elles sont consacrees.

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002832 

 Le sieur de Saunaz, Prieur de Chindrieu en Chautaigne, desire sans fin de consacrer sa personne et son prieuré au service de Dieu et des ames sous l'Institut des Peres de l'Oratoire; et parce que son prieuré est proche de Rumilly, il a jetté ses yeux sur ce lieu-la, duquel la cure estant asses bonne, icelle, jointe au prieuré avec quelques autres petitz benefices, pourroit suffire a l'entretenement de dix ou douze bons ecclesiastiques dudit Oratoire qui auroyent un grand employ en cette ville-la et en tout le voysinage.

  A019002845 

 Que de desirs de vous pouvoir bien et longuement escrire, ma tres chere Mere, sur le sujet que vos deux dernieres lettres m'en fournissent! mays certes, il ny a pas moyen, car, sil plait a Dieu, il faut que j'escrive encor a Moulins..

  A019002848 

 O mon Dieu, que je dois et devray de responses! mais je payeray tout avec un peu de loysir, et notamment je remercieray nostre bon Pere Binet de ses advis, quand je les auray leuz, et feray tout ce que je pourray et sçauray pour mettre en bon estat les Constitutions..

  A019002850 

 Cependant, vives toute en Dieu et pour Dieu, ma tres chere Mere; je recommande nostre unique cœur a sa sainte misericorde..

  A019002864 

 O que les affections celestes ont bien d'autres effectz et d'autres consequences que les humaines! Beni en soit le nom de Dieu qui en est l'autheur et le conservateur.

  A019002865 

 Il faut que nostre Superieure de Grenoble se face traitter comme pleine ou de vers ou de matiere de vers, et si de six semaines en six semaines elle repete les remedes, j'espere que Dieu la delivrera.

  A019002876 

 Ne craignes point de mal edifier nos Seurs: Dieu y pourvoira.

  A019002878 

 Demeures donq paysible, ma chere Fille; soyes Mere, et bonne Mere, tout autant de tems que Dieu l'ordonnera..

  A019002888 

 En somme, graces a Dieu, il y a mal de tous costés; mais mal qui est un grand bien, comme j'espere.

  A019002905 

 Il faut souffrir cette incommodité de l'amour de nos parens qui ne pensent pas qu'il y ayt de la comparayson entre la satisfaction d'estre chez eux et celle que l'on prend au train du service de Dieu.

  A019002906 

 Benisses Dieu, ma chere Fille, de ces petitz essays qui vous arrivent pour tesmoigner vostre fidelité.

  A019002907 

 Quant aux bonnes festes qui approchent, vous n'aves rien a faire de plus, apres vos Offices, qu'a tenir vostre esprit en la celeste Hierusalem, parmi ses ruës glorieuses ou vous verres de toutes partz retentir les loüanges de Dieu.

  A019002916 

 Passes bien devotement ces saintes festes; voyes bien ces belles ruës de la Hierusalem celeste, ou tant de bienheureux S aintz, resident et ou tous jubilent autour de leur grand Roy et en l'amour de Dieu, [lequel,] comme une celeste source vive, respand de toutes partz ses eaux qui arrousent ces glorieuses ames et les font fleurir, chacune selon ses conditions, d'une beauté incomprehensible.

  A019002927 

 Consoles en maintenant vostre cœur dans ce petit ombrage de trouble, et au lieu de disputer sur les choses que l'ennemy vous suggere, rendes graces a Dieu de ce que, des l'aage de neuf a dix ans, il vous a donné le desir de mourir pour la foy de la sainte Eglise.

  A019002937 

 Et prie Dieu qu'il la conserve et protege de ses plus saintes faveurs a longues annees, qui suis,.

  A019002959 

 Tenes vostre courage hautement relevé et saintement humilié en Dieu, ma tres chere Fille.

  A019002973 

 Ce m'a esté une grande satisfaction de vous sçavoir aupres de ma Seur Paule Hieronime, ou vous estes cooperatrice en l'establissement de cette nouvelle Mayson [368] de Nevers; car, des que j'eu le contentement de vous voir a Moulins, j'ay tous-jours pensé que Dieu vous employeroit a son service fort utilement..

  A019002974 

 Tenes vostre courage humblement eslevé en Dieu, ma tres chere Fille; serves-le fidelement et faites toutes vos œuvres pour son bon playsir, car a cela estes vous appellee.

  A019002975 

 Dieu soit au milieu de vostre ame, ma tres chere Fille, et je suis en luy,.

  A019002991 

 Et priant Dieu qu'il vous comble de ses celestes benedictions, je demeure de tout mon cœur en luy,.

  A019003008 

 Ilz ne doutent nullement que vous ne leur rendies bonne, briefve et fidele justice; mais je doy vous recommander leurs affaires comme les miennes propres, puisque Dieu m'a joint plus particulierement a eux et m'a enjoint la conservation de leurs droitz.

  A019003042 

 Vous pouvés, avec la permission de Monseigneur [374] l'Evesque, recevoir la petite fille qui est d'un naturel si bien conditionné, selon que vous me dites, que l'on doit esperer qu'il n'en arrivera point d'inquietude a la Religion; mais, ma tres chere Fille, il faut tout a fait eviter de recevoir des autres filles avant l'aage, car Dieu n'a pas esleu vostre Institut pour l'education des petites filles, ains pour la perfection des femmes et filles qui, en aage de pouvoir discerner ce qu'elles font, y sont appellees.

  A019003048 

 Il ny a nul mal de demander aux Novices comm'elles se portent; mais quand elles marquent des maux de nulle consequence, il ne faut pas les attendrir, ains simplement leur dire: Vous seres bien tost guerie, Dieu aydant; puisque, a la verité, le sexe est merveilleusement enclin a se plaindre ou a desirer d'estre plaint, et c'est la verité que ces tendretés prennent leur source de paresse et amour propre.

  A019003048 

 O mon Dieu, que saint Bernard dit une chose estrange et remarquable des Religieux malades; mais je la vous-diray un jour.

  A019003049 

 Ecoute, ma fille, et voy, et abbaisse ton aureille, et oublie ta mayson; et le Roy te desirera, car il est ton Dieu: c'est a dire, il te ferareyne, car il est bon.

  A019003056 

 J'en dis de mesme des autres Seurs, ausquelles il faut pourtant bien donner des remedes contre la vanité, delaquelle toutefois il ny a pas grand sujet d'estre peint sur de la toile, puisque il ny en doit point avoir d'estre peint en nostre propre personne a l'image de Dieu..

  A019003057 

 Il faut, a la verité, bien reverer l'Evesque, establi superieur en l'Eglise par le Sacrement de son Ordre, c'est a dire par le Saint Esprit, comme dit saint Paul, et par la Regle propre et par la Constitution; et Dieu benira vostre obeissance, qui est l'obeissance des Religieux anciens..

  A019003061 

 La fille au bras court doit estre receue, si elle n'a pas la cervelle courte; car ces deformités exterieures ne sont rien devant Dieu..

  A019003062 

 Mays pourtant il faut avoir quelque egard aux charges de la Mayson, autant que la sainte prudence et la grandissime confiance en Dieu le dicteront..

  A019003066 

 Ne receves pas legerement les filles: mais selon que la prudence vous enseignera, ou de differer ou de se haster, faites le; si elles s'en vont ailleurs, Dieu les veuille conduire et en soit loué..

  A019003067 

 N'entreprenes que doucement, selon la petitesse des moyens que vous verres vous pouvoir arriver; et pour les choses necessaires Dieu ne vous abandonnera point..

  A019003069 

 Or sus, ma tres chere Seur, tenes vos yeux sur Dieu et sur son eternité de recompenses, et sur le cœur de la tressainte Vierge, et marches tous-jours humblement et courageusement.

  A019003084 

 Nostre bonne Seur Marie Aymee de Morville m'escrit une lettre toute d'or: qu'elle a deschiré son papier, qu'elle laisse les dix mille francz a Nevers, et qu'elle s'abandonnoit tout a fait a Dieu et a sa sainte Mere.

  A019003084 

 Voyla pas une ame bien aymee de Dieu?..............................................

  A019003092 

 O Dieu, mon tres cher [381] Frere, que de douleurs a mon ame quand je l'ay leüe! Certes, il est vray que de ma vie je n'ay eu un si fascheux estonnement.

  A019003094 

 J'estois a la veille de luy faire faire place ici, et monsieur Jantet avoit charge de traitter avec luy pour cela; et maintenant, le voyla separé de tout le reste du monde par la mer, et de l'Eglise par le schisme et l'erreur! Dieu neanmoins tirera sa gloire de ce peché..

  A019003095 

 Je vous asseure que mon cœur a une continuelle palpitation extraordinaire pour cette cheute, et un nouveau courage de servir mieux l'Eglise du Dieu vivant et le Dieu vivant de l'Eglise..

  A019003095 

 O mon tres cher Frere, bienheureux sont les enfans de la sainte Eglise en laquelle sont trespassés tous les enfans de Dieu.

  A019003110 

 Toutes les nouvelles que vous me donnes sont bonnes; Dieu nous face jouir des effectz entiers de tant de bonnes volontés qu'il inspire a nostre bon Prince..

  A019003111 

 O que l'establissement des Peres de l'Oratoire reuscira heureusement a Thonon et a Rumilly, et comme Dieu [384] le favorisera! car voyla M. le Prieur dudit lieu qui, ce soir, m'est venu dire qu'en le recompensant, il donnera son prieuré pour les intentions de Son Altesse.

  A019003116 

 Je ne sçai plus que vous dire, mon tres cher Frere, pour cette fois, ayant le cœur si oppressé de douleur de la perte de ce miserable qui vous escrit, que je confesse de n'avoir jamais eu tant de sensible desplaysir que j'en ay eu; mays par ce que je sens encor un peu d'esperance en Dieu pour son retour, je vous escris la lettre ci jointe, affin que vous la luy envoyïes.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003117 

 Or sus, Dieu soit a jamais vostre tout, mon tres cher Frere..

  A019003129 

 Il escrit luy mesme sa perte a [mon frere,] avec [387] tant de respect, de sousmission et de courtoysie que rien plus, et avec ces termes: «Je me separe de la communion de l'Eglise pour me retirer en Angleterre, ou Dieu,» dit il, «m'appelle.» Qui ne gemiroit sur ce mot la: «Je me separe de la communion de l'Eglise»? puisque se separer de l'Eglise, c'est se separer de Dieu.

  A019003129 

 Laisser l'Eglise, o Dieu, quelle frenesie! Mais la chair et le sang le luy ont persuadé.

  A019003130 

 Que de consolations, au contraire, de sçavoir que nostre petite Congregation se multiplie en bonnes ames; que ma tous-jours plus chere fille de Port Royal tient son cœur haut eslevé en Dieu; que ma chere dame de Montigni souffre en patience sa maladie.

  A019003131 

 Dieu nous face de plus en plus abonder en la pureté et simplicité de sa dilection, et en la fermeté et sincerité de celle du prochain.

  A019003132 

 Il faut finir] en vous asseurant, ma tres chere Mere, que par la cheute de ce jeune homme, Dieu m'a gratifié de nouvelles douceurs, suavités et lumieres spirituelles, pour me faire tant plus admirer l'excellence de la foy catholique..

  A019003132 

 Or sus, [Dieu tire sa gloire de ceux qui l'abandonnent.

  A019003144 

 C'est Dieu, ma tres chere Seur, qui a conduit M. de Saunaza l'Oratoire, et je l'en remercie profondement, [389] estimant que ce jeune gentilhomme y servira tres fidelement la gloire de son nom..

  A019003159 

 Et si l'envie pouvoit regner au royaume de l'amour eternel, les Anges envieroyent aux hommes deux excellences qui consistent en deux souffrances: l'une est celle que Nostre Seigneur a enduree en la croix pour nous, et non pour eux, du moins si entierement; l'autre est celle que les hommes endurent pour Nostre Seigneur: la souffrance de Dieu pour l'homme, la souffrance de l'homme pour Dieu..

  A019003162 

 Je suis marry que madame de N. soit ainsy incommodee; mais puisqu'elle ayme Dieu, tout luy reviendra a bonheur.

  A019003163 

 Au reste, il veut estre tout a Dieu, je le sçai bien, et aspire a la perfection de l'amour celeste.

  A019003163 

 Dieu donq le benisse a jamais, ce cœur de ma tres chere Fille, et luy face la grace d'estre de plus en plus humble..

  A019003164 

 Dieu soit beni..

  A019003173 

 Et m'asseurant de vostre fidellité et diligence a cela, je prie Dieu qu'il vous donne ses plus desirables benedictions, et suis.

  A019003188 

 Quelle grace Dieu luy a faite de l'avoir reduit, par sa providence, dans la prison!.

  A019003190 

 M. le Prevost eut un rude accident de fievre avant hier; mais ce n'a esté qu'une fievre ephemeride, Dieu mercy.

  A019003258 

 Que ne ferois-je pas pour contenter son cœur! Voyci mon advis: puysque elle n'a jamais peu croire que ce fut la volonté de Dieu qu'elle demeurast en cet Ordre, et que parmi toutes ses actions de vœux, de Profession, de susception de charge ell'a tous-jours excepté devant Dieu de se retirer dudit Ordre a la premiere bonne occasion, je pense qu'elle fera donq bien de faire un essay pour cela, et de faire escrire a Rome pour avoir dispense, laquelle, si ell'exprime bien son intention, ne sera pas, si je ne me trompe, difficile d'estre obtenue; car quand elle dira que ce n'est pas pour retourner au monde, mais pour se retirer en une Religion en laquelle l'observance religieuse est en vigueur, il ny aura rien a dire.

  A019003277 

 Mays voyla l'heure qui m'appelle pour me praeparer a la Messe, que je vay dire a la Visitation, pour donner l'habit a nostre Seur Marie et a madamoyselle de Servieres, niece de monsieur de Pezieu, avec lequel je disneray ceans, Dieu aydant.

  A019003296 

 Certes, dit saint Augustin a ses Filles, vous aves pris naissance, nourriture et accroissement ainsy, pour la plus grande gloire de Dieu et l'establissement de vostre salut: demeures donq ainsy, mes bienaymees, et qui est bien, qu'il ne se meuve pour rien que soit, de peur qu'au lieu de mieux on treuve le mal..

  A019003298 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et aymes tous-jours mon ame devant Dieu..

  A019003308 

 Dieu soit beni qui vous a donné une sincere dilection pour ces Seurs de Sainte Marie, et dequoy elles sont parfaitement dediees a vous honnorer et cherir comme elles doivent..

  A019003309 

 Moy, ma tres chere Fille, je suis tres sincerement vostre et a toute vostre Congregation, specialement a la Mere Sousprieure, ma fille; et je suis bien ayse de vous escrire un peu sans ceremonie et de vous oser nommer [410]simplement ma Fille, et de traitter cœur a cœur avec vostre ame que j'ay tous-jours cherement aymee, et que je prie Dieu de vouloir combler de son tressaint amour.

  A019003318 

 Dieu se sert du tems pour faire reuscir les decretz de sa providence.

  A019003319 

 Or sus, demeures en paix, souffres en paix, attendes en paix, et Dieu, qui est le Dieu de paix, fera reuscir sa gloire au milieu de cette guerre humaine.

  A019003320 

 Dieu parlera pour ceux qui se taisent, il triomphera pour celles qui endureront, et il couronnera la patience d'un evenement salutaire..

  A019003330 

 La reforme se fera, et Dieu y fera cooperer les hommes lhors qu'on y pensera le moins.

  A019003389 

 Et prions Dieu, sur ce, qu'il vous conserve longuement en sa sainte garde..

  A019003403 

 Atant, prions Dieu qu'il vous conserve en sa sainte garde..

  A019003419 

 Vous aures, ce croy je, receu la response a celle que vous pristes la peine de m'escrire dernierement; maintenant je la fais a celle que François m'a apportee, par laquelle je voy que, graces a Dieu, nous sommes presque a la veille de nostre depart.

  A019003440 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince et Vicaire perpetuel du Sainct Empire Romain, Marquis en Italie, Prince de Piemont, Marquis de Saluces, Conte de Geneve, Nice, Ast et Tendes, Baron de Vaux et Foucigny, Seigneur de Verceil, du Marquisat de Ceve, Oneille, Marro, etc..

  A019003563 

 Le Monastère de Moulins était établi depuis trois ans (1616), et la renommée de sa ferveur se répandait dans les provinces voisines, attirant les âmes désireuses de se donner à Dieu.

  A019003564 

 Grande déception pour la jeune veuve! Elle déclare alors son dessein de se «dédier» à Dieu «avec tous» ses «biens en la Maison qui s'établira... à Nevers, [431] mais à la charge toutefois que» la «très chère Sœur Jeanne-Charlotte y sera toujours» sa «Mère.» Cela fit réfléchir.

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003566 

 François de Sales avait écrit à M gr de Saint-Phal qui, «pour le respect qu'il pourtoit a» la «rare vertu et saincteté» du Serviteur de Dieu, donna franchement son autorisation.

  A019003568 

 Peut-être ces arrêts n'étaient-ils pas tout à fait contre le gré de la prisonnière! — «J'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison,» écrivait la Sainte à M. de Palierne, «assuré que l'on doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience! Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt.».

  A019003569 

 Vrai Dieu!... que ces soulèvements ont touché mon cœur!» Et mettant le doigt sur la plaie: «Quoi! il n'est question que d'argent! Et qu'est-ce que cela? Si M me du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu soit-il! cela nous est indifférent; nous chérissons nos Maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers.

  A019003574 

 François de Sales conseille à la Mère de Bréchard de relire «le chapitre De la Patience, de Philothee.» A la Mère de Monthoux, la Sainte répète: «Mon Dieu, ma très chère Fille, pourquoi [435] vous étonnez-vous de toutes les petites contradictions? N'en ayez pas la moindre émotion du monde.

  A019003574 

 Nous sommes à Dieu, rien ne nous arrivera que selon son bon plaisir.

  A019003575 

 A Dieu ne plaise que nous le fassions! Monseigneur de Genève m'avouera; et plutôt, je m'assure, l'on quitterait tout d'une part et d'autre.».


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000017 

 Nécessité pour le bien public et la gloire de Dieu d'un voyage du Frère Adrien à Turin. 20.

  A020000018 

 Une condition pour être exaucé de Dieu.

  A020000022 

 — Dieu « dans le buisson espineux.

  A020000031 

 — Aimer Dieu dans les consolations, mais surtout dans les peines et les adversités. 31.

  A020000037 

 — A quelle fin Dieu nous donne ses faveurs.

  A020000046 

 — Les Anges, d'avis différents, s'unissant dans l'amour à la volonté de Dieu.

  A020000049 

 — Comment donner un avis après celui de plusieurs serviteurs de Dieu?.

  A020000050 

 — Qu'est-ce que Dieu? — Sa présence en ce monde.

  A020000056 

 — la sagesse de Dieu, c'est la folie de la Croix.

  A020000057 

 » — Unité en Dieu. 57.

  A020000077 

 — A Dieu de guérir les coeurs.

  A020000082 

 Un portrait peu ressemblant d'une grande servante de Dieu.

  A020000084 

 Une condition de « grand proffit » en la Maison de Dieu.

  A020000087 

 Dieu, qui donne les charges, donne en même temps son secours pour les remplir.

  A020000088 

 Le grand défaut que peut avoir l'amour, hors celui de Dieu.

  A020000097 

 — Une obéissance très agréable à Dieu; exemple de la Sainte Vierge.

  A020000100 

 Quels sont les services que Dieu préfère.

  A020000113 

 Souhait d'amour de Dieu.

  A020000122 

 — Le bonheur de travailler beaucoup pour Dieu.

  A020000128 

 — Avantages qui résulteraient pour la gloire de Dieu et le service de Son Altesse de l'introduction des Pères de l'Oratoire. 126.

  A020000132 

 Un heureux échange avec Dieu.

  A020000138 

 — Comment Dieu a fait le cœur de François de Sales.

  A020000141 

 — Bonheur des âmes que Dieu appelle à son service. 137.

  A020000142 

 — Agir pour Dieu, afin de lui être agréable, et laisser le reste. 139.

  A020000143 

 Mission assignée par Dieu aux grands de ce monde.

  A020000155 

 — Réponse effective de Dieu à la confiance.

  A020000158 

 — Dieu donne « abondance de lait » aux mères.

  A020000163 

 — Ne chercher que Dieu. 159.

  A020000165 

 — Comment Dieu emploiera « une tentation de l'ennemy, » et quand il en délivrera.

  A020000169 

 Les contradictions au service de Dieu.

  A020000172 

 — Les privilèges des fondatrices de Monastères devant Dieu et devant les hommes.

  A020000174 

 — Laisser les appréhensions et les craintes, et se confier en Dieu.

  A020000175 

 L'imperfection du motif de la part de la créature n'empêche pas la réalité de l'appel de Dieu.

  A020000179 

 — Vivre, travailler et se réjouir en Dieu. 174.

  A020000181 

 — Bonté de Dieu qui facilite la retraite de M me de Dalet.

  A020000200 

 — Quand Dieu parle, il ne faut pas contester, mais regarder l'Evangile et en suivre les maximes.

  A020000209 

 » — Se garder d'aller contre la volonté de Dieu par intérêt propre.

  A020000211 

 — C'est à Dieu de conduire sa fille àla vie religieuse.

  A020000218 

 En ne s'attachant qu'à la volonté de Dieu, on se trouve bien partout, et partout l'on est en sûreté de conscience.

  A020000224 

 — A quoi Dieu appelle la Mère Favre.

  A020000265 

 Et sur ce mesme fondement, j'ay une ferme esperance que vous me favoriseres de vostre bienveüillance, ainsy que tres humblement je vous en supplie, me resjouissant de tout mon cœur de vous sçavoir au rang ou vous estes en la cour, comme en un chemin par lequel, moyennant la grace de Dieu, vous arriveres un jour aux honneurs ausquelz l'exemple de vos predecesseurs et vostre vertu vous doyvent faire justement [1] aspirer.

  A020000284 

 Quand je sceu le desir que M me la Marquise de Lulin avoit de voir une Mayson de vostre Institut a Thonon, [2] j'en remerciay Dieu de tout mon cœur et tesmoignay, en la façon que je peu, combien j'avois receu de contentement de l'advis que j'en avois; car j'ay tous-jours cheri, estimé et honnoré les exercices de tres grande charité que vostre Congregation prattique, delaquelle j'ay aussi tres affectueusement desiré la propagation, et mesme en cette province de Savoye: comme en effect, sur quelque esperance qu'aucuns de la Compaignie de Jesus du college de Chamberi m'avoyent donné qu'on pourroit en eriger une Mayson en ce lieu la, j'obtins un brevet de permission pour cela de Son Altesse Serenissime..

  A020000285 

 Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre..

  A020000317 

 Je baise avec humilité vos mains sacrées, et je supplie le Dieu tout-puissant de conserver et de protéger le plus longtemps et le plus heureusement possible Votre Seigneurie Illustrissime qui sait relever les mains fatiguées et fortifier les genoux affaiblis..

  A020000346 

 C'est en priant Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre Paternité et à toute sa Congrégation un véritable accroissement de prospérité, que je demeure.

  A020000362 

 Si vous ne l'aves point desagreable, je vous supplieray [8] encor de donner permission et obedience au F. Adrien de faire un voyage a Turin, pour finir une negociation que personne ne sçauroit, comme je pense, si bien entendre que luy, et laquelle regarde, si je ne me trompe, le bien publiq et la gloire de Dieu.

  A020000375 

 Mays certes, celles qui ont esté exaucees en telles occasions avoyent tasché de bien unir leurs volontés a celle de Dieu.

  A020000391 

 Dieu, par sa bonté, vous face croistre de plus en plus en sa sainte grace..

  A020000406 

 Dieu, par sa bonté, en veuille bien sanctifier son nom et exalter sa gloire..

  A020000406 

 Mais vostre cœur est bon, ma tres chere Fille, et je croy fermement qu'il connoist bien le mien, puisque Dieu l'a ainsy voulu.

  A020000408 

 Or sus, de plus je salue M. d'Andilly et madamoyselle d'Andilly; en somme, toute cette chere famille, ou la crainte, ains l'amour de Dieu regne, et sur laquelle j'invoque tres affectueusement la providence et protection divine.

  A020000408 

 Salues bien a part, et comme vostre ame sçait qu'il le faut, le cœur de nostre Seur Marie Angelique, et dites luy que le mien est a elle, et que Dieu l'a voulu et le veut, ma tres chere Fille.

  A020000434 

 Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes.

  A020000434 

 Mays vous vives, ma tres chere Fille, mays vous subsistes, [14] mays vous perseveres et receves constamment tous ces accidens; c'est par cet essay que Dieu vous connoist pour sa fille legitime.

  A020000447 

 En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee; mais, quel remede? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires: n'est ce pas, mon tres cher Frere?.

  A020000448 

 En somme, Monsieur mon Frere, si Dieu n'y met sa bonne main, voyla la moitié de ma liberté engagee dans cette cour, ou de ma vie je n'eus un seul brin de dessein de vivre, ni en aucune autre, mon ame estant tout a fait antipathique a cette sorte de train.

  A020000468 

 Je vous remercie tres humblement de vostre douce congratulation sur la venue de mon frere Monsieur de [17] Calcedoine, laquelle a la verité m'a bien apporté de la consolation, non seulement pour l'avoir veu Evesque tout consacré et desireux de bien servir Dieu et son Eglise, mais aussi pour avoir remarqué en luy des bons talens propres a bien reuscir en cette charge.

  A020000469 

 Mays la Providence de Dieu presidera et fera, s'il luy plait, un bon Pape, et moy je demeureray tres invariablement,.

  A020000527 

 O que Dieu soit beni dequoy il vous a tant aymee! car je ne [22] doute point qu'avec la grece de la Profession il ne vous ayt donné la grandeur du courage, l'apprehension vive de la sainte eternité, l'amour de la sacree humilité et la douceur de l'amour de sa divine Bonté, requis a la prattique parfaite de la Profession..

  A020000529 

 O ma tres chere Fille, vives toute en Dieu et pour son eternité.

  A020000539 

 Vous deves avoir devant les yeux la souffrance et patience de Job, et considerer ce grand prince sur le fumier; il eut patience, et Dieu en fin luy redoubla ses biens temporelz et luy centupla les eternelz..

  A020000540 

 O par combien de rencontres fascheux allons nous a cette sainte eternité! Jettes bien vostre confiance et vostre pensee en Dieu: il aura soin de vous, et vous tendra sa main favorable..

  A020000550 

 Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement..

  A020000552 

 Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu.

  A020000567 

 Dieu, par sa bonté, veuille bien tost faire reuscir cette si bonn'œuvre, pour en suite combler de bonheur Vostre Altesse, de laquelle suis,.

  A020000621 

 A mon retour, nous nous reverrons, Dieu aydant; et cependant, acceptes de bon cœur cette petite visite que la divine Bonté vous a faite.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000639 

 Et si vous l'aves aggreable, continues a me favoriser de vostre bienveuillance filiale, comme je vous asseure, ma tres chere Fille, que d'un cœur tout rempli d'affection paternelle, je ne celebre jamais la tressainte Messe que tres particulierement je ne vous recommande a Dieu, avec monsieur vostre mary, auquel je suis et seray tous-jours, ainsy que je suis pour vous,.

  A020000639 

 Or sus, en ce nouvel estat de mariage auquel vous estes, renouvelles souvent les resolutions que nous avons si souvent faites de vivre saintement et vertueusement, de quelle condition que Dieu nous fist estre.

  A020000652 

 Cependant, ma tres chere Fille, tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a porter pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté.

  A020000661 

 Je n'ay point veu nostre seur des mon retour, n'ayant eu le loysir d'aller a la Visitation que ce matin pour dire la sainte Messe, et avons promis d'y retourner apres disné; mais ces messieurs m'ont retenu pour leurs affaires, de sorte que ce sera demain, Dieu aydant..

  A020000678 

 Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire.

  A020000705 

 Il n'est nul besoin que l'on vous recommande les œuvres pies, que vous embrasses, graces a Dieu, avec tant de charité; mays puisque monsieur de Vege, passant icy, a desiré que je vous suppliasse de le favoriser, et sa partie, d'un soin particulier pour leur accommodement, je le fay volontier, comme parent de l'une et ami de toutes deux.

  A020000710 

 Nostre monsieur le Prieur de Saunax se porte tres bien, et sert Dieu et le prochain chatechisant es hospitaux, non sans ferveur et consolation, et non sans une sainte impatience de voir encor point ses desirs, accomplis de [41] deça, pour lesquelz neanmoins il ne se departira point de vostre direction..

  A020000726 

 Et de mon costé, pour contribuer ce que je puis a vostre recompense pour tant de bonnes œuvres ausquelles vous aves ci devant cooperé, je prie Dieu qu'il vous face la grace de continuer de plus en plus, croissant incessamment en vertu et devotion, affin qu'apres une longue et utile vie temporelle, vous soyes treuvé en l'estat de perseverance pour passer a l'eternelle..

  A020000726 

 Mays ce n'est pas la seule preuve que j'ay eüe de vostre bienveuillance en mon endroit, y ayant si long tems que vous m'aymes et que j'ay esté obligé a vous honnorer pour la pieté et probité, jointes au zele et a la prudence dont Dieu vous a doué, me resouvenant fort bien de ce que vous aves fait pour le service de l'Eglise et le bien de vostre païs en toutes les occurrences.

  A020000727 

 Et sur cett'esperance de vostre assistence, et du zele, prudence, bonté et bienfaisance du Reverend Evesque de Valey, j'ay donné courage a ces deux Peres, qui sont vrays serviteurs de Dieu et dignes d'estre aymés, de faire de leur part tout ce qu'ilz pourront bonnement pour ce bon œuvre, que je supplie de rechef la divine Providence de vouloir benir, et de vous faire de plus en plus prosperer en sa grace,.

  A020000727 

 Or, comme apres Dieu vous aves le veritable honneur de l'establissement de cet Ordre a Saint Maurice, aussi pouvés vous grandement participer a celuy de l'establissement du mesme Ordre a Syon, ou je sçai que de long tems tous les bons le desirent.

  A020000766 

 Je vous rens mille actions de graces du portrait de la [46] bien heureuse Seur Marie de l'Incarnation, et ne sçai ce que je pourrois recevoir de plus utile et aggreable a mon ame; puisque d'un costé j'ay un amour si plein de reverence pour cette sainte personne, et d'autre part, une si grande necessité de resveiller souvent en mon esprit les pieuses affections que sa veuë et sa tressainte communication a excitees autrefois en moy, tandis que six mois durant j'estois presque son confesseur ordinaire, et que, pour tant de diverses occasions du service de Dieu, elle me parloit et entretenoit presque tous les jours..

  A020000768 

 Et vous remerciant de rechef de ce saint portrait, je vivray, Dieu aydant, et mourray.

  A020000779 

 Hé, mon Dieu, ny a-il moyen que l'on ayde ces deux dames a la connoistre, cette sainte volonté? car je suis asseuré qu'elle les rangeroit toutes deux a son obeissance..

  A020000779 

 Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux.

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000796 

 Elle met dans sa lettre vos excuses pour les deux premiers partis, car elle dit que vous aves voué a Dieu vostre chasteté, et que vous aves quatre bien petitz enfans, desquelz deux sont des filles; mais pour le troysiesme je ne voy rien dans sa lettre..

  A020000798 

 Quant au second, je ne sçai si vous vous pourries legitimement descharger du soin que Dieu vous a imposé de vos enfans en vous rendant leur mere, et eux estans si petitz..

  A020000799 

 Entre les ennemis, l'extreme necessite rend toutes choses communes; mais entre les amis, et entre de telz amis comme sont les filles et les meres, il ne faut pas attendre l'extreme necessité, car le commandement de Dieu nous presse trop.

  A020000799 

 Il faut en ce cas relever le cœur et les yeux en la providence de Dieu, qui rend abondamment tout ce que l'on donne sur sa sainte ordonnance.

  A020000799 

 O Dieu! c'est la moindre communication qu'on doive aux peres et aux meres.

  A020000801 

 Dieu ne requiert que certains jours, que certaines heures, et sa presence veut bien que nous soyons encor presens a nos peres et a nos meres; mais ceux ci sont plus passionnés: ilz veulent bien plus de jours, plus d'heures et une presence non divisee.

  A020000801 

 Hé! Dieu est si bon que, condescendant a cela, il estime les accommodemens de nostre [54] volonté a celle de nos meres comme faitz pour la sienne, pourveu que nous ayons son bon playsir pour fin principale de nos actions..

  A020000801 

 O mon Dieu, ma chere Dame, qu'il faut faire des choses pour les peres et meres, et comme il faut supporter amoureusement l'exces, le zele et l'ardeur, a peu que je die encor l'importunité de leur amour! Ces meres, elles sont admirables tout a fait: elles voudroyent, je pense, porter tous-jours leurs enfans, sur tout l'unique, entre leurs mammelles.

  A020000802 

 Or sus, vous aves la Moyse et les Prophetes, c'est a dire tant d'excellens serviteurs de Dieu: escoutes les.

  A020000815 

 Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté.

  A020000817 

 Or sus, j'escris a ces deux filles que vous dites avoir tant de liayson ensemble; c'est a Dieu a donner l'efficace a mes paroles.

  A020000828 

 Je confesse que je ne fus jamais si empesché d'escrire que j'ay esté, car apres vous, apres le grand Pere Coton, apres le P. Duchesne et tant d'autres serviteurs de Dieu, comme ose-je dire mot? Je le fay neanmoins tumultuairement, comme ayant la teste toute pleyne des affaires de mon Sinode, et par consequent en une grande confusion d'attentions..

  A020000847 

 Livre de l' Amour de Dieu, car cela vous donnera une suffisante lumiere pour concevoir en quelque sorte que c'est que Dieu: c'est a dire, vous apprendres, autant qu'il est requis, ce qu'il faut en croire..

  A020000847 

 Livre de l' Amour de Dieu; mais surtout voyes le premier chapitre, et encor les 9.10.

  A020000847 

 Quant a l'autre demande que vous me faites, il est impossible d'y respondre entierement, non seulement a moy, mais aussi aux Anges et aux Cherubins; car Dieu est au dessus de toute intelligence, et s'il y avoit une intelligence qui peust comprendre ou parfaitement dire ce que Dieu est, il faudroit que cette intelligence fust Dieu, car il faudroit qu'elle fust infinie en perfection.

  A020000848 

 Dieu est un esprit infini, qui est la cause et le mouvement de toutes choses, auquel et par lequel tout est, tout subsiste et a son mouvement.

  A020000848 

 En somme, ma Fille, comme nostre ame est en nostre cors sans que nous la voyons, ainsy Dieu est au monde sans que nous le voyons; comme nostre ame tient en vie tout nostre cors tandis qu'elle est en iceluy, ainsy Dieu tient en estre tout le monde tandis qu'il est en iceluy, et si le monde cessoit d'estre en Dieu, il cesseroit tout aussi tost d'estre.

  A020000848 

 Et comme, en certaine façon, nostre ame est tellement en nostre cors qu'elle ne laisse pas d'estre hors de nostre cors, n'estant pas contenue en iceluy, puisqu'elle void, elle entend, elle oyt, elle fait ses operations hors de nostre cors et au dela de nostre cors, ainsy Dieu est tellement au monde qu'il ne laisse pas d'estre hors du monde et au dela du monde et de tout ce que nous pouvons penser.

  A020000848 

 Et pour fin, Dieu est le souverain Estre, le principe et la cause des choses qui sont bonnes, c'est a dire qui ne sont point peché..

  A020000862 

 Ce porteur, Frere Adrian, va aupres de Vostre Altesse Serenissime pour des affaires de si bonne condition pour le service de Dieu et du publiq, et luy mesme est si zelé sujet de Son Altesse, qu'il n'est nul besoin que je le recommande a la bonté de Vostre Altesse.

  A020000878 

 Les amitiés des enfans du monde sont de la nature du monde: le monde passe, et toutes ses amitiés passent, mais la nostre, elle est de Dieu, en Dieu et pour Dieu: Ipse autem idem ipse est, et anni ejus non deficient.

  A020000892 

 Je loüe Dieu, ma tres chere Fille, dequoy cette pauvre petite Congregation des servantes de la divine Majesté est fort calomniee.

  A020000903 

 Ainsy je prie Dieu qu'il vous conserve et face abonder en ses tressaintes benedictions,.

  A020000937 

 Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire.

  A020000939 

 Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde: et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste? On luy fit mille tortz: quel proces en eut il jamais? devant quel tribunal fit il jamais citer personne? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde.

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000942 

 O ma tres chere Fille, voyla la sagesse de Dieu, voyla sa prudence, et qui consiste en la tressainte et tres adorable simplicité, enfance, et, pour parler apostoliquement, en la tres sacree folie de la Croix..

  A020000946 

 Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci..

  A020000948 

 Il est vray, il est difficile a l'homme, mais non pas au Filz de Dieu, qui le fera en vous..

  A020000948 

 — Et comment? Aves vous jamais veu que Nostre Dame en eust tant? Que vous importe il que l'on sache que vous estes de bonne mayson selon le monde, pourveu que vous soyes de la mayson de Dieu? — Oh! [72] mais, je voudrois fonder quelque mayson de pieté, ou du moins faire des grandes assistences a une Mayson; car estant infirme de cors, cela me feroit plus gayement supporter.

  A020000949 

 Mais n'est ce pas une bonne chose d'avoir le sien pour l'employer a son gré au service de Dieu? — Le mot a son gré fait l'esclaircissement de nostre differend.

  A020000949 

 Non, non, il n'est pas difficile a Dieu de faire autant avec cinq pains d'orge, comme Salomon avec tant de cuisiniers et de pourvoyeurs..

  A020000949 

 O mon Dieu, que de benedictions, que de graces, que de richesses spirituelles pour vostre ame, ma tres chere Fille, si vous faites ainsy! Vous abonderes et surabonderes; Dieu benira vostre peu, et il vous contentera.

  A020000949 

 — Mais je dis, a vostre gré, mon Pere; car je suis tous-jours vostre fille, Dieu l'ayant ainsy voulu.

  A020000949 

 — Or sus, mon gré donq est que vous vous contenties de ce que M. [Vincent] et madame de Chantal aviseront, et que le reste vous le laissies pour l'amour de Dieu, et l'edification du prochain, et la paix des ames de mesdames vos seurs, et que vous le consacries ainsy a la dilection du prochain et a la gloire de l'esprit chrestien.

  A020000962 

 Nous avons trop de pretentions et de desseins, nous voulons trop de choses: nous voulons avoir les merites du Calvaire et les consolations de Thabor tout ensemble, avoir les faveurs de Dieu et les faveurs du monde..

  A020000964 

 Est il possible que ses seurs ne lui veuillent rien donner? Mais si cela est, est il possible que les enfans de Dieu veuillent avoir tout ce qui leur appartient, leur Pere Jesus Christ n'ayant rien voulu avoir de ce monde qui luy appartient? O mon Dieu, que je luy souhaite de biens, mais sur tout la suavité et la paix du Saint Esprit, et le repos qu'elle doit avoir en mes sentimens pour elle; [74] car je puis dire que je sçay qu'ilz sont selon Dieu, et non seulement cela, mais qu'ilz sont de Dieu.

  A020000966 

 Que vous diray je plus? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon que je cheris incomparablement vostre cœur, et comme le mien propre, si mien et tien se doit dire entre nous, ou Dieu a establi une tres invariable et indissoluble unité, dont il soit eternellement beni.

  A020000997 

 C'est en la presence de Dieu que je vous dois particulierement escrire cette lettre, puisque c'est pour vous dire ce que vous deves faire pour sa plus grande gloire es choses que vous m'aves marquees..

  A020000998 

 Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq.

  A020000998 

 Ce grand Dieu benira vostre vœu, vostre ame et vostre cors, consacrés a son nom..

  A020000998 

 Demeurés donq la, puisque Dieu vous a inspiré de le vouloir et vous donne la grace de le pouvoir.

  A020001004 

 Oh! s'il eust pleu a Dieu que je vous eusse veuë a Lyon, que de consolation pour moy, et combien plus certainement et plus clairement j'eusse peu vous expliquer mon sentiment! Mais puisque cela n'a pas esté, je m'attendray a recevoir vos repliques, s'il vous semble que j'aye manqué a comprendre le fait que vous m'aves proposé, et je m'essayeray a reparer les manquemens.

  A020001048 

 Je feray au plus tost le voyage de Thonon, selon le commandement de Vostre Altesse, ne me pouvant empescher de me res-jouir avec elle du commencement qu'elle donne a l'execution du saint projet qu'elle fit estant en cette ville, pour la reformation des Monasteres et le bien publiq de l'Eglise en cette province; ne doutant point que, comme c'est un tres grand service de Dieu, aussi sa divine Majesté n'en recompense Vostre Altesse des tres grandes benedictions que je luy souhaite incessamment, comme estant sans fin,.

  A020001122 

 Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira.

  A020001150 

 Et ce matin, a mon premier reveil, il m'est venu une si forte impression de vivre tout a fait selon l'esprit de la foy et la pointe de l'ame, que, malgré mon ame et mon cœur, je veux ce que Dieu voudra, et je veux ce qui sera de son plus grand service, sans reserve ni de consolation sensible ni de consolation spirituelle; et je prie Dieu que jamais il ne permette que je change de resolution..

  A020001151 

 Elles sont tout a fait passees, graces a Dieu, que je supplie de me les renvoyer quand il luy plaira..

  A020001153 

 Mille tres cheres salutations a vostre chere ame, ma tres chere Mere, a laquelle Dieu m'a donné d'une maniere incomparable..

  A020001162 

 [Dieu soit] loué que vous ayes la mon autre tres chere fille, la Mere Seur Marie de Jesus, qui m'a tant saintement aymé en ses plus jeunes annees et qui continue a cela.

  A020001192 

 Cependant, si mes souhaitz sont exaucés, vous vivrés tout en Dieu, auquel seul il faut colloquer toute nostre [96] confiance, et me tiendres tous-jours de plus en plus, comme je le suis tres constamment et de tout mon cœur,.

  A020001211 

 Vous sachant vefve, ma chere Fille, je compatis a la douleur que vous aurés sentie en la separation que vous aves souffert, et vous exhorte neanmoins de ne point vous laisser emporter a la tristesse; car la grace que Dieu vous a faite de le vouloir servir, vous oblige a vous consoler en luy; et les filles de l'amour de Dieu ont tant de confiance en sa Bonté, que jamais elles ne se desolent, ayant un refuge auquel elles treuvent tout contentement.

  A020001226 

 Dequoy escrivant un Memoire a part, dans le paquet que j'addresse a Monseigneur le Serenissime Prince pour moins importuner Vostre Altesse, il ne me reste que de continuer mes supplications a Dieu, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses saintes benedictions; qui suis a jamais et invariablement,.

  A020001241 

 Mays les moyens de remedier aux manquemens qui y sont, je les ay mis a part en un [100] feüillet que je joins a cette lettre, laquelle je finis suppliant tres humblement Vostre Altesse de ne se point lasser en la poursuite et resolution que Dieu luy a inspiree de faire au plustost reformer l'estat ecclesiastique, tant regulier que seculier, de la province de deça, estant chose tres asseuree que Dieu contreschangera ce soin de Vostre Altesse de mille et mille benedictions que luy souhaitte incessamment,.

  A020001268 

 Dieu, par sa bonté, face de plus en plus prosperer Vostre Altesse, delaquelle je suis tout a fait,.

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001320 

 O combien tout cela est esloigné de cette pure charité, qui n'a point de jalousie ni d'emulation, et qui ne cherche point ce qui luy appartient! Ma Fille, cette prudence est opposee a ce doux repos que les enfans de Dieu doivent avoir en la Providence celeste.

  A020001321 

 Nous avons trop de considerations d'estat et trop de finesse mondaine en ces choses que Dieu fait par une speciale grace.

  A020001322 

 O si nous pouvons avoir un esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre Dieu en nostre Congregation, nous verrons multiplier avec suavité les fleurs des autres jardins, et en benirons Dieu comme si c'estoit es nostres.

  A020001323 

 Servons bien Dieu, et ne disons point: Que mangerons nous? que boirons nous? d'ou nous viendront des Seurs? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001365 

 Dieu qui a disposé de nos ames pour n'en faire qu'une en sa dilection, soit a jamais beni.

  A020001368 

 Ouy, je dis qu'il faut tenir bon dans l'enclos de nos Regles et de nostre Institut, car Dieu ne l'a pas produit pour neant, ni ne l'a pas fait desirer en tant de lieux pour estre changé.

  A020001370 

 Dieu soit beni..

  A020001380 

 Ce fut une grande servante de Dieu, que j'ay confessee plusieurs fois et presqu'ordinairement six mois durant, et notamment en ses maladies de ce tems la.

  A020001380 

 Dieu veuille qu'elle soit autant exactement escrite comme je sçai qu'elle le sera veritablement, l'autheur estant un grand serviteur de Dieu..

  A020001387 

 Je crains en fin, si nous demeurons ainsy sans dire mot, ma tres chere Fille, que vostre cœur n'apprenne petit a petit a me des-aymer, et certes je ne le voudrois pas, car il me semble que la chere amitié que vous aves [117] euë pour moy n'ayant pris ni peu prendre source que de la volonté de Dieu, il ne la faut pas laisser perir; et quant a celle que Dieu m'a donnee pour vostre ame, je la tiens tous-jours vive et imperissable en mon cœur..

  A020001388 

 Et je veux bien qu'il y eust de la rusticité: mais faut il se despiter pour cela? Vous sçaves bien le païs ou vous m'aves pris: deves vous attendre des fruitz delicatz d'un arbre des montaignes, et encor, d'un si pauvre arbre comme moy? Oh! bien, ne me soyes plus que ce qu'il vous plaira; moy, je seray tous-jours vostre, mais je dis tout a fait, et, si je ne puis autre chose, je ne cesseray point de le tesmoigner devant Dieu es saintz Sacrifices que j'offriray a sa Bonté..

  A020001389 

 Et croyes que mon cœur, placé au milieu des montaignes de neige et parmi la glace de mes propres infirmités, n'a point eu de froideur pour le cœur de ma tres chere Fille, que ce mien malheur me ravit, mays que j'ayme mieux perdre, pourveu que Dieu ne soit point courroucé, que de manquer en la sainte sincerité que j'ay voüee au service de son ame que je ne sçaurois flatter sans la trahir, ni trahir sans la perdre; et cette perte-la seroit mon affliction, car j'ayme cette fille, comme estant.

  A020001389 

 O ma Fille, ma Fille, Dieu veuille faire regner l'esprit de Jesus Christ crucifié sur nostre esprit, affin que nostre esprit vive selon cet esprit souverain qui m'a rendu et me conserve eternellement vostre.

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 Il n'y a rien de petit au service de Dieu, mais il m'est advis que cette charge du tour est de tres grande importance, et grandement utile a celles qui l'exercent avec humilité et consideration..

  A020001401 

 Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses.

  A020001411 

 Oh! si Dieu avoit disposé que nous fussions tous-jours ensemble, que ce seroit une chose suave! Mais quel moyen, ma tres chere Fille? Nos montagnes gasteroyent Paris et empescheroyent le cours de la Seine si elles y estoyent, et Paris affameroit nos vallees s'il estoit parmi ces montagnes.

  A020001411 

 Un jour, ou plustost en la tres-sainte eternité a laquelle nous aspirons, nous serons tous-jours presens les uns aux autres, si nous vivons en ce passage selon la volonté de Dieu..

  A020001413 

 Salues, je vous supplie, cherement le cœur de la tres aymee Seur Helene Angelique, qui est bien heureuse de s'estre quittee d'elle mesme pour estre tout a fait a Dieu, qui la benisse et vous aussi, Madame ma tres chere Fille..

  A020001430 

 [Je me réjouis] infiniment du progres que Dieu donne aux justes [armes] du Roy.

  A020001442 

 Dieu appelle a son service les choses qui ne sont point comme les choses qui sont, et se sert du rien comme du beaucoup pour la gloire de son nom..

  A020001444 

 Une fille ou femme qui est appellee au gouvernement d'un Monastere est appellee a une grande besoigne et de grande importance, sur tout quand c'est pour fonder et [124] establir; mais Dieu estend son bras tout puissant a mesure de l'œuvre qu'il donne.

  A020001457 

 A elle, s'il plaist a Dieu, j'en diray mon opinion a part; mais a vous, je le dis maintenant, me promettant que vostre bon courage le prendra en bonne part..

  A020001458 

 Madame, l'amour, quel qu'il soit, si ce n'est celuy de Dieu, peut estre trop grand, et quand il est trop grand il est dangereux.

  A020001459 

 Et en somme, je veux dire en un mot, que vous aves tant de puissance a mouvoir les cœurs, que le mien ayant sceu les traitz de vostre esprit, en estant tout espris, vous n'aves pas besoin d'estre aydee pour mouvoir celuy de madame de [Dalet] a tout ce qu'il vous plaira; m'asseurant qu'apres les forces de l'Esprit de Dieu, auquel il faut que tout cede, les vostres seront en toutes occurrences les plus grandes..

  A020001460 

 Vives a Dieu, Madame, et a la tressainte Trinité, en laquelle je suis.

  A020001470 

 Or sus, puisque toutefois nous sommes en ce train, nous ne devons rien oublier pour obtenir, et nous n'oublierons rien, Dieu aydant.

  A020001471 

 Je suis bien marry dequoy nostre fille a perdu son filz, et ne laisse pas pour cela d'esperer qu'elle portera plus heureusement ceux que Dieu luy donnera ci apres..

  A020001477 

 Dieu veuille que les habitans de Bourges le soyent aussi, et je l'espere, puisque celuy qui succede est si capable et homme de bien; mays je ne sçai si c'est le Penitentier de Bourges ou celuy de Paris.

  A020001479 

 Et [129] je me souviens tous-jours que cette fille couroit un jour si vistement a la dilection de Dieu et despouillement de soy mesme, que je suis tout estonné de voir qu'elle se soit revestue derechef d'elle mesme, et si fortement.

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001479 

 Mais de l'inviter a venir, il ne le faut pas faire, si Dieu ne nous fait expressement connoistre qu'il le veuille; il luy faut laisser faire ce coup purement a luy, selon sa douce Providence..

  A020001479 

 O pleust a Dieu que jamais elle ne fust partie d'icy! Dieu eust bien treuvé d'autres moyens d'eriger la Mayson de Moulins et de Paris.

  A020001479 

 Toutefois, je me reprens, et dis que Dieu a tout bien fait et a tout bien permis, et espere que, comme sans nous il nous avoit donné cette fille, sans nous aussi il la nous redonnera, si tel est son bon playsir.

  A020001496 

 Dieu soit loüé du contentement que vous aves de la suffisance qu'il vous a donnee! Et continues bien a luy en rendre graces; car c'est la vraye beatitude de cette vie temporelle et civile, de se contenter en la suffisance, parce que, qui ne se contente de cela ne se contentera jamais de rien, et, comme vostre livre dit (puisque vous l'appelles vostre livre), a qui « ce qui suffit ne suffit pas, rien ne » luy suffira jamais.

  A020001496 

 Or, aymés le donq, ce pauvre livre, ma tres chere Fille, et puisque Dieu y a mis des [131] consolations pour vous, pries bien sa sainte Bonté qu'il vous donne le goust pour les bien savourer et les rendre utiles a vostre chere ame, pour bien se nourrir au pur amour celeste pour lequel elle fut faite..

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001499 

 Ma Fille, la devotion n'est pas une piece qu'il faille avoir a force de bras: il faut voirement y travailler, mais la grande besoigne depend de la confiance en Dieu; il y faut aller bellement, quoy que soigneusement..

  A020001501 

 Premierement, une fois le jour vous vous prosterneres devant Dieu, et, levant les yeux au ciel, vous feres le signe de la Croix sur vous, adorant Dieu; et vous releveres..

  A020001506 

 Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table: O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde..

  A020001507 

 Alles ainsy tout bellement, et Dieu vous aggrandira.

  A020001508 

 Dieu soit a [133] jamais au milieu de vostre chere ame, et je suis tout a fait, de toute la mienne et d'une affection toute sincerement paternelle,.

  A020001518 

 O mon Dieu, ma chere Mere, que j'ay esté ayse ce matin de treuver mon Dieu si grand que je ne pouvois seulement pas asses imaginer sa grandeur! mais puisque je ne le puis magnifier ni aggrandir, je veux bien, Dieu aydant, annoncer par tout sa grandeur et immensité.

  A020001519 

 Dieu soit loué dequoy vous estes en vostre mayson.

  A020001519 

 Les difficultés que vous aves euës d'y aller y affermiront vostre demeure, selon la methode qu'il plait a Dieu d'employer en son service..

  A020001520 

 Je juge qu'il soit a propos que vous revenies avec une bonne resignation pour retourner la quand le service de Dieu le requerra; car il faut ainsy vivre une vie exposee au travail, puisque nous sommes enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur.

  A020001522 

 Mon Dieu, que cette plainte est delicate! Les Peres de l'Oratoire font bien plus; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises.

  A020001525 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous sanctifie de plus en plus.

  A020001536 

 Au moins rendray je ce devoir a vostre bienveüillance de prier Dieu qu'il vous comble de ses cheres graces, qui suys, Monsieur,.

  A020001554 

 Je continueray toute ma vie en l'affection que Dieu m'a fait concevoir et que les faveurs receues de vostre mayson m'obligent d'avoir, pour vous honnorer avec un'invariable et extreme dilection.

  A020001555 

 Madame, je vous regarde en esprit, et quoy que tous-jours vous ayes tenu vostre cœur en Dieu, il m'est advis que maintenant il est encor plus entierement attaché a sa Bonté, n'ayant plus aucun objet avec luy, comme il n'en eut jamais sans luy, ni hors de luy.

  A020001555 

 Que bienheureuses sont les afflictions qui relevent et lancent nos affections en Celuy qui est le Pere de misericorde et le Dieu de toute consolation!.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001612 

 Et si l'on persevere a faire la charité a celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir, contre la prudence humaine, une quantité de belles et aggreables, mesme selon les yeux du monde.

  A020001621 

 C'est une sorte d'obeissance grandement aggreable a Dieu, que de ne point desirer de dispense sans grande occasion.

  A020001621 

 Vous aves rayson, certes, de benir Dieu sur l'inspiration [143] qu'il donne a vostre fille, la choisissant pour le meilleur parti de cette vie mortelle.

  A020001622 

 Apres l'enfant, Dieu ouvrira la porte a la mere; et il n'est pas defendu de cuire, au sacrifice, la brebis au lait de la brebiette..

  A020001623 

 Vous estes hors de necessité d'estre aydee en ces occasions, puisque Dieu vous a laissé le R. P. Suffren, et que ces Seurs de la Visitation sont [tant obligées a votre dilection.] Et puisque vous aves monté sur l'eschelle pour tapisser leur or[atoire au jour de leur entrée en leur] nouvelle mayson, elles [doivent] beaucoup faire pour [144] tapisser leur monastere de vos [bonnes affections et de celles de votre chère fille.].

  A020001624 

 Recommandes moy a la misericorde de Dieu et a la bonté de sa Mere..

  A020001640 

 Dieu, par sa bonté, tienne de sa sainte main madamoyselle de la Ramilliere par tout ou ell'ira, et vous console de plus en plus en son saint service.

  A020001641 

 Dieu soyt a jamais nostre Tout, et a toutes nos Seurs, et a M. Brun..

  A020001653 

 O que nostre tres chere Seur Helene Angelique est bienheureuse d'estre en cette vocation avec le bon playsir de Dieu, qui luy donne la clarté et la consolation convenable et propre a graver profondement son tressaint et pur amour en son cœur..

  A020001654 

 M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari ... tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys..

  A020001668 

 La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort..

  A020001669 

 Dieu a caché dans le secret de sa providence la marque du tems auquel il vous veut exaucer et la façon en laquelle il vous exaucera; et peut estre vous exaucera il excellemment en ne vous exauçant pas selon vos pensees, mais selon les siennes..

  A020001676 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, que cette Providence eternelle a de moyens differens de gratifier les siens! O que c'est une grande faveur quand il conserve et reserve ses gratifications pourfla vie eternelle!.

  A020001677 

 Dieu soit a jamais nostre Tout.

  A020001683 

 Dieu soit au milieu de vostre chere ame, ma tres chere Fille, pour y regner a toute æternité..

  A020001684 

 Je me confie en sa bonté qu'il vous verra de bon cœur es occurrences de vostre profit spirituel; mays puisque vous me demandes mon advis, je vous diray, ma chere Fille, que c'est un personnage grandement appliqué au service de Dieu et de son Eglise, au milieu de Paris qui est un monde ou tant de gens voudront avoir part a sa charité, que vous deves faire vostre exercice ordinaire a l'Oratoire, sous la conduite de vostre Pere ordinaire, qui est, ce me semble, le P. Menan, et de troys moys en troys moys voir ce grand Prælat pour la suavité de vostre esprit..

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001700 

 Ayes en soin encor de ce cors, car il est a Dieu, ma tres chere Mere.

  A020001704 

 En somme, si ces examinateurs et censeurs sans authorité, qui font tant de questions sur toutes choses, se peuvent donner un peu de patience, ilz verront que tout est de Dieu..

  A020001708 

 J'ay grand' envie d'escrire a nostre Monseigneur l'Archevesque quand il sera dehors de Bourges; il me semble que Dieu l'ayme bien.

  A020001708 

 Je recommande a Dieu monsieur vostre filz et vostre beaufilz et monsieur vostre neveu, et tout ce a quoy vostre maternité m'oblige.

  A020001715 

 Dieu vous conserve, Dieu vous benisse, Dieu vous remplisse de plus en plus de son tressaint amour.

  A020001725 

 Et partant, je vous prie de prendre une finale resolution du tems convenable et des personnes que vous desires qui vous y assistent; et m'en advertissant, je donneray ordre de mon costé affin que rien ne vous manque, moyennant la grace de Dieu, lequel ce pendant je prie vous combler de sa sainte grace; qui suis,.

  A020001741 

 En somme, qui veut bien recevoir les coups des accidens de cette vie mortelle, il doit tenir son esprit en la tressainte volonté de Dieu et son esperance en la bienheureuse seternité.

  A020001742 

 Ma tres chere Fille, Dieu benira vostre sousmission, et supleera a la consolation que vous auries de communier plus souvent, par celle que vous aures d'avoir obei a vostre confesseur..

  A020001773 

 Mays pries bien Dieu, ma tres chere Fille, qu'il me face la misericorde de me pardonner mes pechés, affin que je puisse un jour voir sa sainte face avec vous et nostre chere madame de Villesavin, es siecles des siecles.

  A020001790 

 Or sus, que fait elle, cette chere fille? M. N. et M. N. me firent un grand cas dequoy toute la cour de Madame, des serenissimes Princes et Princesses, furent a sa reception au novitiat; et moy, je me res-jouys en la creance que j'ay dequoy Nostre Dame, les Anges et les Saintz de Paradis y furent et l'honnorerent de leur attention, et Dieu nostre Seigneur de sa benediction..

  A020001791 

 O mon Dieu, que le monde est fascheux en ces saintes occasions!.

  A020001804 

 Ce m'est un si grand honneur qu'il ayt pleu a Vostre Altesse Serenissime de commander que le filz de mon frere soit receu au nombre de ses pages, que je ne sçai comme former le tres humble remerciment que j'en doy a vostre bonté; laquelle je supplie donq, en toute reverence, d'avoir aggreable qu'en lieu de tout autre tesmoignage de reconnoissance, je benisse Dieu de la douceur et debonaireté qu'il a donné au cœur de Vostre Altesse, Madame, pour le bonheur de vos serviteurs, et que, comme je suys infiniment tres-obligé de fayre, j'invoque journellement la divine Providence pour vostre prosperité,.

  A020001853 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur.

  A020001861 

 Or sus, Dieu soit loué, ma tres chere Fille: voyla vostre holocauste presque consommé avant qu'il soit bonnement sur l'autel..

  A020001862 

 La divine Majesté vous benisse de plus en plus de son saint amour, et le cœur de monsieur vostre mari qui conspire si doucement avec vous pour aspirer tout a fait a Dieu et ne respirer qu'en luy.

  A020001865 

 Mon cœur est tout a fait dedié a celuy de madamoyselle de Verton, vostre chere seur, dans lequel j'ay veu que Dieu regne.

  A020001874 

 Sans un seul moment de loysir je vous escris ce mot, ma tres chere Fille, pour seulement saluer tres cherement et tres ardemment vostre cœur bienaymé, auquel je souhaite incessamment un perpetuel accroyssement de l'amour tressaint de nostre Dieu.

  A020001876 

 Or sus, Dieu qui a commencé en vous le bon œuvre de vostre salut l'achevera et parfaira selon sa tres bonne et tres aymable volonté.

  A020001891 

 Dieu sçait pourquoy il permet que tant de bons desirs ne reuscissent pas qu'avec tant de tems et tant de peyne, et que mesme quelquefois ilz ne reuscissent point tout a fait.

  A020001891 

 En somme, il faut ne vouloir point les choses mauvaises, vouloir peu les bonnes, et vouloir sans mesure le seul bien divin, qui est Dieu mesme..

  A020001893 

 Beni soit Dieu qui conserve la personne du Roy, si chere a tout ce royaume et a toute l'Eglise.

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001896 

 Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et aymés en luy.

  A020001907 

 O ma Fille, demeurons en Dieu.

  A020001922 

 Il ny a remede, ma tres chere Fille, il faut suivre les loix du monde, puisque on y est, en tout ce qui n'est pas contraire a la loy de Dieu..

  A020001939 

 Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein: de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu..

  A020001942 

 Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement..

  A020001943 

 Je me suis imaginé en cett'occasion la les douleurs du cœur de madame la Contesse sa chere femme, et n'ay peu contenir le mien d'en recevoir de la tendreté, bien que j'aye eu confiance en Dieu, a qui ell'est, qu'il la tiendrait de sa main paternelle en la tranquillité et resignation qu'il a accoustumé de donner a ses enfans bien-aymés quand ilz sont affligés.

  A020001943 

 Mais je me res-jouis dequoy ayant vescu si devotement, on ne peut douter quil ne soit trespassé saintement entre les bras de la misericorde de Dieu, veu [177] mesme quil a exposé sa vie pour une si juste et digne cause.

  A020001948 

 M. Crichant m'a dit que nostre tres chere et tres bonne madame de Villesavin avoit une de mes lettres qu'elle [180] aymoit bien fort; et par ce que je crois que ce soit celle par laquelle je luy envoyois l' Exercice du matin et de la reunion a Dieu, que j'escrivis avec une grande affection, je vous prie de luy en demander une copie dextrement, comme de vous mesme; m'estant advis que l'affection que je porte a cett'ame me fit exprimer mieux qu'a mon ordinaire..

  A020001949 

 J'avois escrit jusques icy, quand j'ay receu vostre lettre du 26 e octobre, laquelle me donne sujet de vous supplier, comme je fay de tout mon cœur, de ne vous mettre nullement en peine de ce qui se passe en ce païs icy, puisque, comme vous dira monsieur de la Pesse, present porteur, graces a Dieu il ny a rien a craindre..

  A020001951 

 Quant au bon monsieur du Val, je crois que sil eut esté en [181] ma place il eust fait comme moy, qui, encor a present, ne me puis resoudre que comme j'ay fait, estimant de ne pouvoir nommer un meilleur arbitre en l'affaire dont il s'agit que le Pape, lequel accordant la demande de Port Royal, tesmoignera suffisamment de la volonté de Dieu, et speciale, puisque il s'agit d'un point ou il y a beaucoup de difficulté..

  A020001954 

 Je recommanderay a Dieu le cœur du bon monsieur de Marillac qui, je m'asseure, a bien sceu treuver une sainte et veritable consolation au desplaysir de sa perte..

  A020001964 

 Que si Sa Sainteté luy en faisoit la concession, il y auroit une tres probable apparence que son desir est de la volonté de Dieu, attendu que la chose estant de soy mesme difficile, elle ne pourroit reuscir sans un special concours de la faveur divine; que si, au contraire, Sa Sainteté l'esconduisoit, il n'y auroit plus autre occasion de faire autre chose que de s'humilier et appayser son cœur.

  A020001966 

 Je me res-jouis quand Dieu y tire des bons sujetz, mais je n'employay jamais ni parole ni artifice, pour saint qu'il fut, pour en attirer aucun, sinon quelques foibles prieres devant Dieu.

  A020001966 

 Pour l'interest de la Visitation, certes, mon Reverend Pere, je proteste devant Dieu et devant Vostre Reverence que je n'y pensay nullement, ou si j'y pensay, ce fut si peu que je n'en ay nulle memoire.

  A020001967 

 Mon Dieu, mon Pere, que nostre ancienne amitié me fait extraordinairement apprivoiser et espancher mon ame avec la vostre! C'est trop.

  A020001987 

 Je ne separeray point ceux que Dieu a si saintement conjoint.

  A020001988 

 Ce porteur, le sieur de la Pesse, vous dira toutes nos nouvelles, et comme nous ne cessons point de faire prier Dieu pour les justes armes du Roy.

  A020002003 

 Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés.

  A020002004 

 Or sus, bien que vostre grossesse vous incommode un peu sensiblement tous deux, ma fille qui la sent, et mon tres cher frere qui la ressent, il me semble toutefois que je vous voy tous deux avec deux cœurs si contens et si courageux a bien servir Dieu, que ce mal mesme que vous sentes et ressentes vous console; comme marque que, n'ayant pas exemption entiere de toute affliction en ce monde, vostre parfaite felicite vous est reservee au Ciel, ou je m'asseure que vous aves vos principales pretentions..

  A020002005 

 O ma tres chere Seur, perseveres a bien lier mon tres cher frere a vostre cœur, car, puisque Dieu vous a donnés l'un a l'autre, soyes donq bien tous-jours comme cela; et croyes bien tous deux que je suis, de l'un et de l'autre, mon tres cher Frere et ma tres chere Fille ma Seur,.

  A020002021 

 J'espere que Dieu les protegera affin qu'elles puissent faire là une heureuse succession de ses servantes..

  A020002040 

 Or je ne vous plains pas, car c'est un grand bien de travailler beaucoup pour Dieu; mais je plains nostre tres chere madame de Dalet, qui peut estre en souffrira dans son cœur, et je la cheris et honnore si fort, que cela me fait bien de l'apprehension.

  A020002040 

 Toutefois, ell'est toute a Dieu, et je m'asseure qu'elle preferera son service a la consolation que vostre presence luy peut donner.

  A020002041 

 On vous envoyera a propos, et cependant, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu, et salues bien l'ame de madame de Dalet de la part de la mienne qui est toute [191] vostre et a elle aussi.

  A020002062 

 Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002077 

 Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple: qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne: cela est conforme a nostre goust et a nostre desir.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002078 

 Et maintenant, je dis premierement: que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables.

  A020002079 

 Et cette foy la est veritablement nue, car elle est destituee de toute imagination; et elle est parfaitement simple, parce qu'elle n'est point meslee d'aucune sorte d'actions que de celle de nostre entendement, lequel, purement et simplement, embrasse ces verités sur le seul gage de la parole de Dieu.

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002105 

 Je loüe Dieu dequoy Vostre Altesse persevere au dessein de la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs, asseuré que je suys qu'a mesure que le zele de Vostre Altesse fera croistre en ses Estatz la gloire de la [198] divine Majesté, vostre coronne, Monseigneur, fleurira de plus en plus.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002148 

 Mais Dieu est bon, il void la grandeur de ma charge et la vanité de mes forces; c'est pourquoy je dis comme saint Ambroyse: Je ne crains pas d'une crainte qui oste le courage, par ce que j'ay un bon Maistre..

  A020002156 

 Helas! ces pauvres meres temporelles ne regardent pas asses leurs enfans comme ouvrages de Dieu, et les regardent trop comme enfans de leur ventre; elles ne les considerent pas asses comme enfans de la Providence eternelle et des ames destinees a l'eternité, et les considerent trop comme enfans de la production temporelle et propres au service de la republique temporelle.

  A020002157 

 Puisque vous voyla montee en vostre nouvelle Mayson, j'ay confiance en Dieu que vous dites: Ah! mon ame, vole au mont comme un passereau.

  A020002157 

 Que vous importe il si vostre cœur reçoit des atteintes des apprehensions anciennes du temporel? Mocques vous de ces apprehensions, et demeures ferme sur la parole de nostre Maistre: Cherches premierement le regne de Dieu et sa justice, et toutes les choses necessaires a cette chetifve vie vous seront adjoustees.

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002159 

 Les ardeurs viennent quelquefois de la condition naturelle des espritz, comme quelquefois aussi les indifferences; et Dieu sçait bien enter sa grace sur l'un et sur l'autre dans les vergers des Religions..

  A020002187 

 L'une et l'autre pensee est bonne, ma tres chere Fille: puisque vous aves tout donné a Dieu, vous ne deves rien chercher en vous que luy, qui est sans doute, luy mesme, le contreschange du mauvais petit tout que vous luy aves donné.

  A020002188 

 Penses vous, ma tres chere Fille, que Sara, Rebecca, Rachel, Anne mere de Samuel, sainte Anne mere de Nostre Dame, et sainte Elizabeth, fussent moins aggreables a Dieu quand elles estoyent steriles que quand elles furent fertilisees? Il faut aller fidelement au chemin de Nostre Seigneur, et demeurer en paix autant en l'hiver de la sterilité qu'en l'automne de la fertilité.

  A020002189 

 Dieu, qui fait des maysons aux escargotz et aux tortues, qui ne pensent point en luy et ne chantent point ses louanges, laissera il ses servantes assemblees pour sa louange sans monastere?.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002218 

 C'est bien une lettre d'empressement, car veritablement je ny puis mettre sinon que nous sommes icy tous en tres bonne santé, et moy particulierement, avec bonne esperance de vous revoir de mesme quand Dieu nous donnera la consolation de vostre retour, pour lequel je vous envoyeray ou M. Roland ou M. Michel pour le tems que vous m'advertirés, que vous marqueres a vostre gré, selon que le service de Dieu vous semblera le requerir..

  A020002219 

 Certes, je le suis encor de son trespas, puisque Dieu l'a voulu ainsy et luy a donné la grace de s'unir a sa volonté..

  A020002220 

 Bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de ses plus cheres benedictions, qui sont ses dilections.

  A020002220 

 J'ay esté averti ce soir du*depart de ce porteur, beaufrere de la petite Seur Jane Marguerite, que Dieu absolve.

  A020002231 

 Certes, qui accouche du Filz de Dieu n'a que faire de mendier du monde des consolations exterieures.

  A020002231 

 Mon Dieu, que cette naissance fait naistre de saintes affections dedans nos cœurs! ains sur tout de la parfaitte abnegation des biens, des pompes, des soulas de ce monde.

  A020002255 

 Premierement, que vous vous deves doucement supporter, en vous humiliant beaucoup devant Dieu, sans chagrin ni descouragement quelcomque..

  A020002256 

 Et bien que vous ayes veu que, nonobstant toutes vos resolutions, [214] vous estes demeuree engagee en vos imperfections, vous ne deves pas pour cela laisser d'entreprendre un bon amendement, et l'appuyer sur l'assistence de Dieu.

  A020002257 

 Tiercement, travaillés pour acquerir la suavité du cœur envers le prochain, le considerant comme œuvre de Dieu, et qui en fin jouyra, s'il plait a la Bonté celeste, du Paradis qui nous est preparé.

  A020002267 

 Sur cest article que vous m'escrives, de la reception des filles, il y a un extreme danger qu'on ne se jette trop [215] sur la prudence humaine, qu'on ne se fonde trop sur la nature et trop peu sur la grace de Dieu.

  A020002268 

 Ce qui n'est point Dieu, n'est rien pour nous.

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 Hé, Dieu! Seigneur, faites encor cette grace a toute mon ame, que ce soit en vous seulement..

  A020002268 

 Mais neanmoins, j'ayme les ames independantes, vigoureuses et qui ne sont pas femelles; car cette si grande tendreté brouille le cœur, l'inquiete et le distrait de l'orayson amoureuse envers Dieu, empesche l'entiere resignation et la parfaitte mort de l'amour propre.

  A020002268 

 Mays c'est grand cas, il n'y a point d'ames au monde, comme je pense, qui cherissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout a la bonne foy, plus amoureusement que moy; car il a pleu a Dieu de faire mon cœur ainsy.

  A020002269 

 Vives joyeuse, toute pleine de Dieu et de son saint amour..

  A020002270 

 Je sens cette unité que Dieu a faite, d'un extraordinaire sentiment..

  A020002291 

 Mais, mon Dieu, il faut que je vous die que la connoissance que je prens tous les jours de l'humeur du monde me fait souhaitter passionnement que la divine Bonté inspire quelque sien serviteur d'escrire au goust de ce pauvre monde.

  A020002300 

 Les tribulations sont plus pretieuses que l'or et le repos aux ames que Dieu a choysies..

  A020002300 

 O que Dieu est bon, ma tres chere Fille! Il est vray qu'il est bon a tous, mays souverainement a ceux qui l'ayment.

  A020002301 

 Meilleure est une heure es portiques de Dieu, que mille et millions es cabinetz des pecheurs.

  A020002301 

 Or vous y estes encor, ma tres chere Fille, en ces porches sacrés de Nostre Seigneur, puisque vous pretendes et pretendres invariablement a la conjonction de vostre ame a son Dieu, et qu'elle fait la pluspart de son sejour au mont sacré du Calvaire..

  A020002302 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre ame, pour l'enflammer de plus en plus de son pur amour, qui est la plus digne et la plus desirable benediction de vostre esprit.

  A020002311 

 Que faut il faire la dessus affin que l'intention soit purifiee? Regardons si nostre dessein peut estre legitime, juste et pieux; et s'il le peut estre, proposons et deliberons de le faire, non plus pour obeir a la prudence humaine, mais pour, en iceluy, accomplir la volonté de Dieu..

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable: ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine..

  A020002313 

 Nous ne sommes pas plus saintz que l'Apostre saint Paul, qui sentoit deux volontés au milieu de son ame: l'une qui vouloit selon le viel homme et la prudence mondaine, et cette cy se faisoit plus sentir; et l'autre qui vouloit selon l'esprit de Dieu, et celle cy estoit moins sensible, mais laquelle pourtant dominoit, et selon laquelle il vivoit; dont d'un costé il s'escrioit: O moy miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mort? et d'autre part il s'escrioit: Je vis, non plus moy mesme, mais Jesus Christ vit en moy.

  A020002314 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et serves bien Dieu en la peyne et fascherie de la grossesse et de l'enfantement, que vous dresseres aussi selon son bon playsir.

  A020002325 

 Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité..

  A020002326 

 Mais affin que leur volonté soit plus conforme a la regie de toute bonne volonté, leur perfection doit estre de vouloir seulement ce que Dieu veut.

  A020002326 

 Or, il est vray que Dieu ne veut autre chose d'un prince, sinon qu'en regissant tous [224] ses sujetz avec crainte et amour, il ayme et craigne Dieu avec une crainte filiale et un amour tres pur, tressaint et tres cordial.

  A020002327 

 C'est la leur premiere leçon, d'ou ilz apprendront a rendre a Dieu et a leur Roy tous les devoirs de leur sujettion, et a leurs sujetz tous les offices d'une puissance qui ne doit marcher que sur la justice et sur la bonté.

  A020002338 

 O ma Mere, Dieu comble de benedictions vostre cœur, que je cheris comme mon cœur propre.

  A020002373 

 Or sus, Dieu soit loüé..

  A020002377 

 Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu: sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant..

  A020002378 

 Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu..

  A020002389 

 L'ennemy, qui a veu que c'estoit tout de bon que ce petit Institut s'augmentoit pour la gloire de Dieu, a suscité cette bourrasque, et encor une autre contradiction de la part de certaines servantes de Dieu, que j'honnore infiniment; et croy que leur rare pieté ne leur permettra pas de vivre longuement sans se remettre sur le train d'une pure et simple dilection de Dieu et du prochain.

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002391 

 J'espere que ces bonnes ames cesseront de vous tourmenter quand elles feront une serieuse reflexion sur la dilection de Dieu et du prochain, et sur vostre humble patience..

  A020002392 

 Ce grand Dieu vive a jamais en vostre ame, ma tres chere Fille, et je salue toutes nos cheres Seurs..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002420 

 Je loüe Dieu de vostre perseverance, et vous aves rayson de prendre suffisamment du loysir pour pourvoir [234] dignement aux affaires que vous laisseres au monde.

  A020002436 

 Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra.

  A020002436 

 Mays, comme que ce soit, il est malaysé de repliquer au desir d'un pere, si juste comm'est celuy de voir sa fille, puysque cela se peut bonnement faire, et selon la gloire de Dieu.

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002445 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne bouges, ce reste de tems, d'aupres du petit Enfant qui vous dira, au commencement de ses ans, que l'eternité de laquelle il vient, a laquelle il est, a laquelle il va est seule desirable.

  A020002456 

 Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté.

  A020002456 

 Or, celles-la sont de bonne volonté esquelles Dieu met son bon playsir, et il met son bon playsir es ames qui, selon sa bonne volonté, esperent en luy..

  A020002457 

 Le cœur qui s'unit au cœur de Dieu ne se peut empescher d'aymer et d'accepter en fin suavement les traitz que la main de Dieu descoche sur luy..

  A020002457 

 Les paroles interieures que Dieu dit au cœur affligé qui recourt a sa bonté sont plus douces que le miel, plus salutaires que le bausme prætieux a guerir toutes sortes d'ulceres.

  A020002459 

 Ce cher filz est passé de ce monde a l'autre sous des bons auspices, a la suite de son devoir envers Dieu et le Roy: ne voyes plus ce passage qu'en l'eternité..

  A020002459 

 Madame, je vous dirois volontier, pour remede a vostre douleur, que qui veut exempter son cœur des maux de la terre, il le faut cacher dans le Ciel, et, comme dit David, il faut musser nostre esprit dans le secret du visage de [242] Dieu et dans le fonds de son saint tabernacle.

  A020002460 

 Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte.

  A020002487 

 Ma tres chere Fille, Rien tout a fait maintenant, parmi ce deluge de lettres que j'escris, sinon que je vous souhaitte tous-jours de plus en plus courageuse en ce saint service de Dieu auquel vous estes.

  A020002488 

 J'ay sceu, j'ay veu vos peines interieures et exterieures; j'ay conneu que Dieu a sousmis sa main a vostre cœur, affin qu'il ne flechist point sous la pesanteur du fardeau.

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002502 

 J'espere que l'humilité et la connoissance de leur petitesse les conservera non seulement en la grace de Dieu, [246] mais aussi en vostre bienveuillance, Madame; et que parmi tant d'autres ames plus relevees et dignes de vostre faveur, que vostre pieté appuye de son zele, elles aussi, en leur rang, vivront a l'abry de vostre debonaireté, laquelle se souviendra que son Mirouër et son Exemplaire et Patron ayme plus tendrement les petites gens, basses et infirmes, ouy mesme les plus jeunes petitz enfans, pourveu qu'ilz se laissent sousmettre a ses mains et prendre entre ses bras..

  A020002520 

 Et comme que ce soit, elle pourra de tems en tems soulager son esprit, puisqu'elle a la permission d'entrer a la Visitation; et si, j'espere que s'accommodant doucement au bon playsir de Dieu, il la consolera finalement..

  A020002521 

 Madame la Presidente Amelot sçait bien, je m'asseure, que mon cœur est tout sien devant Dieu et ses Anges.

  A020002529 

 Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle.

  A020002529 

 Ma tres chere Fille, Je vous souhaite de tout mon cœur une grande humilité dedans un grand courage, affin que vostre courage soit [253] tout a fait en Dieu, qui par sa bonté vous soustienne, et, en vous, la sainte charge que l'obedience vous a imposee.

  A020002529 

 Penses vous qu'un si bon Pere comme Dieu voulut vous rendre nourrice de ses filles sans vous donner abondance de lait, de beurre et de miel? Or, de cela, il n'en faut point douter..

  A020002531 

 Ma Fille, je me confie que Dieu, qui vous a choysi pour le bien de plusieurs, vous donnera l'esprit, la force, le courage et l'amour pour plusieurs.

  A020002543 

 Mays seroit il bien possible que je ne luy donnasse pas cette petite marque visible de la verité du desir que j'ay de vivre invisiblement en vostre chere ame, Madame ma chere Commere et ma Fille tres aymee? Je ne cesse point, je vous asseure, et ne celebre jamais le saint Sacrifice que je ne presente vostre cœur a Dieu, et n'invoque sa protection et faveur sur vostre chere famille.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002559 

 Je connois certes en luy beaucoup d'excellentes qualités grandement propres au service de Dieu et de l'Eglise, lesquelles il faut esperer devoir estre egalement utiles quand elles seront bien employees, ainsy qu'il commence a les rendre par la prædication, et qu'il continuera sans doute tous-jours plus fructueusement.

  A020002559 

 Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy.

  A020002560 

 Je salue aussi tres affectionnement et intimement la Mere Sousprieure, qui sçait bien que Dieu veut que je la cherisse comme je fay..

  A020002578 

 O que cette journee soit contee entre les journees que le Seigneur fait! Que cette heure soit une heure entre les heureuses que Dieu a benites de toute eternité et qu'il a assignees pour l'honneur de toute l'eternité! Que cette heure soit fondee en la tressainte humilité de la Croix et aboutisse a la tres sacree immortalité de la gloire! Que de souhaitz mon ame fera sur cette chere journee pour l'ame de ma chere Fille! O combien de saintes exclamations de joye et de bon augure sur ce cœur bienaymé! O combien d'invocations a la tressainte Mere Vierge, aux [261] Saintz et aux Anges, affin qu'ilz honnorent de leur speciale faveur et presence cette consecration de l'esprit de ma tres chere Fille, de laquelle ilz ont obtenu la vocation et inspiré l'obeissance a la vocation!.

  A020002578 

 Or sus, ma tres chere Fille, en fin vous voyla donq sur l'autel sacré en esprit, affin d'y estre sacrifiee et immolee, ains consumee en holocauste devant la face de Dieu vivant.

  A020002580 

 Que je suis consolé quand je m'imagine que, selon mon esperance, on vous annoncera en toute verité cette parole de la mort vitale: V ous estes morte, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; car, ma tres chere Fille, de la verité de ce mot depend la verité de l'evenement qu'on prononce consecutivement: Mais quand Jesus Christ apparoistra, et ce qui s'ensuit..

  A020002581 

 Ma tres chere Fille, je salue vostre chere ame et celle de la seur, et suis a jamais, en union d'esprit selon Dieu, tres singulierement tout vostre..

  A020002589 

 Dites moy donq, ma tous-jours plus chere Fille, que fait il? car maintenant il sçait la resolution qui a esté prise par ces six ou sept grans serviteurs de Dieu qui s'assemblerent pour son sujet..

  A020002591 

 Dieu soit beni! Amen..

  A020002600 

 Je ne puis penser, ma tres chere Fille, que Monseigneur l'Archevesque apporte aucun surcroist de loix a vostre Mayson, puisqu'il a veu que celles qu'on a prattiquees sont, graces a Dieu, bien receuës.

  A020002600 

 Que s'il luy playsoit de faire quelque notable changement, il le faudroit supplier qu'il luy pleust de rendre ses ordonnances compatibles a la sainte correspondance que ces Maysons doivent avoir toutes ensemble en la forme de vivre; a quoy ces messieurs que vous sçaves vous assisteront de leurs remonstrances et intercessions, car a la verité, ce seroit chose, a mon advis, de mauvaise edification de separer et disjoindre l'esprit que Dieu a voulu estre un en toutes ces Maysons.

  A020002603 

 Quand sera ce que nous ne chercherons que Dieu? O que nous serons heureux quand nous serons arrivés a ce point la, car par tout nous aurons ce que nous chercherons, et chercherons par tout ce que nous aurons..

  A020002604 

 Dieu vous face de plus en plus prosperer en son pur amour, ma tres chere Fille, avec toutes nos cheres Seurs que je salue..

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002634 

 Ma tres chere Fille, les suggestions de vantance, ouy mesme d'arrogance et outrecuydance, ne peuvent nuire a une ame qui ne les ayme pas, qui tous les jours dit souvent a son Dieu, avec le Roy David: Seigneur, je suis fait comme un néant devant vous, et je suis tous-jours [267] avec vous.

  A020002635 

 Or sus, je recommanderay vostre necessité a ce grand Dieu d'affluence et d'abondance, et ce pendant, souspires souvent devant luy doucement vos intentions: Je suis vostre, o Seigneur, sauvés moy.

  A020002635 

 Vous sçaves bien en la pointe de vostre esprit que Dieu est trop bon pour rejetter une ame qui ne veut point estre hypocrite, quelles tentations et suggestions qui luy arrivent.

  A020002648 

 Dieu vous comble de benedictions.

  A020002660 

 Madame ma tres chere Fille, J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement que madame la Comtesse de Saint Maurice vous a donné [269] et a tous ceux qui l'honnorent, par sa grossesse; et si mes vœux sont exaucés, il reuscira a la parfaite jouissance du fruit que vous en desires..

  A020002697 

 Cependant, demeurons tous-jours en Dieu et vivons pour luy seulement, ma tres chere Fille..

  A020002697 

 Quel moyen que le service de Dieu, qui a des le commencement esté exposé aux contradictions, cesse de l'estre en un si miserable siecle? Mays je ne doute point que les opposans ne demeurent vains en leurs poursuites, sans autre satisfaction que d'avoir joué leur rollet et contenté leur humeur contantieuse.

  A020002698 

 Le bon Pere de Saunaz, qui est venu comme une brebis par obeissance, s'en reva comme un aigneau par obeissance, prest a revenir pour sacrifier a la gloire de Dieu sa vie, sa (sic) prieuré et sa cure pour le bien de Rumilly et de tout ce païs.

  A020002725 

 Certes, c'est bien tous-jours le desir de mon cœur que vous m'escrivies franchement selon le vostre; mays les nouvelles du vostre seront selon [le] mien quand vous m'advertires ou que vostre affaire est passee a Rome, si Dieu le veut ainsy, ou que si elle ne peut passer a Rome vous demeures accoysee, employant au soulagement de vos desirs les permissions que vous aves et les autres remedes qu'en ce cas-la je vous diray, Dieu aydant, selon quil plaira a la Providence souveraine de sa divine Majesté de me suggerer et de vous inspirer.

  A020002727 

 Je salue madamoyselle vostre chere mere, que j'ay tous-jours cheri filialement des que je l'ay conneue; nostre tres chere seur Le Maistre, que je prie Dieu vouloir establir en l'amour du martire que son soin luy peut et doit donner; madame la Coadjutrice de Port Royal, que Dieu veuille rendre sainte par la tressainte et courageuse humilité, et toutes nos autres Seurs qui sont tous-jours au milieu de mon ame, notamment nostre Seur Anne, et nostre Seur Marie, et nostre petite seur Magdeleine, et nostre frere Simon..

  A020002738 

 Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes.

  A020002739 

 Mays quel privilege ont les fondatrices? Devant Dieu, les privilèges sont grans, car elles participent en une façon particuliere a touts les biens qui se font au monastere.

  A020002741 

 C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses..

  A020002742 

 A tant, je salue tres cordialement vostre ame, ma tres chere Fille, et par vostre entremise celles de nos Seurs, et celle de monsieur dAouste tres cherement, et celle encor de cette chere prætendente que je prie Dieu de vouloir benir eternellement..

  A020002756 

 Dieu soit loué!.

  A020002776 

 Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir..

  A020002777 

 Tout le reste je l'ay dit a la Mere; a vous je n'ay plus rien a dire, sinon que, puisque Dieu le veut, je suis de tout mon cœur.

  A020002788 

 Mais Dieu ne tire pas avec esgalité de motifz tous ceux qu'il appelle a soy, ains il s'en treuve peu qui viennent tout a fait a son service seulement pour estre siens et le servir..

  A020002788 

 Or, quant a la vocation de madamoyselle de Pressin, je la tiens pour bonne, bien qu'elle soit meslee de plusieurs imperfections du costé de son esprit, et qu'il seroit desirable qu'elle fut venue a Dieu simplement et purement, pour le bien qu'il y a d'estre tout a fait a luy.

  A020002791 

 Que si elle en parle, il faut renvoyer [283] le propos a Dieu, comme seroit de luy dire: Dieu le conduira par le chemin qu'il sçait estre plus convenable..

  A020002792 

 Puis, quand vous connoistres que la fille est bien resolue au party bienheureux de l'amour de Dieu, vous pourres permettre deux ou trois entreveües.

  A020002832 

 Ma tres chere Fille, En peu de motz je vous dis que les ames qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, a sa gloire, doivent se determiner aux desseins qu'elles font, et se resoudre de les prattiquer conformement a cette fin.

  A020002833 

 Cela employé pour son ame, et la gloire qui revient a Dieu de la retraitte de tant de filles estant dediee pour l'accroissement de la charité de ce cœur, fait une somme presque infinie de richesses spirituelles.

  A020002833 

 Il doit, a mon [288] advis, suffire que tout l'interieur et tout l'exterieur des Filles de la Visitation est consacré a Dieu; que ce sont des hosties de sacrifice et des holocaustes vivans, et toutes leurs actions et resignations sont autant de prieres et d'oraysons; toutes leurs heures sont dediees a Dieu, ouy mesme celles du sommeil et de la recreation, et sont des fruitz de la charité.

  A020002834 

 De charger les Monasteres de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire.

  A020002849 

 La bonne madame de Dalet est bienheureuse de vouloir cette vie-la; Dieu luy face la grace qu'y estant, elle ne recherche plus rien et ne refuse plus rien.

  A020002852 

 O Dieu, que c'est une bonne chose de ne vivre qu'en Dieu, ne travailler qu'en Dieu, ne se res-jouir qu'en Dieu! Ainsy je salue vostre cœur, ma tres chere Mere, de tout le mien, qui est vostre.

  A020002868 

 Et priant Dieu qu'il prospere de plus en plus la personne de Vostre Altesse,.

  A020002882 

 Dieu n'est il pas bon, ma tres chere Fille, d'avoir ainsy explané le chemin de la retraitte a cette chere ame, laquelle, comme vous sçaves, je ne connois pas; mais j'ay certain secret instinct pour elle, qu'il ne se peut dire combien elle m'est chere.

  A020002894 

 C'est la verité, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous m'aves grandement consolé en la peine que vous aves [297] prise de m'escrire, puisque mesme, ainsy que je m'apperçois, vous estes celle a qui Dieu dispose de faire remettre la charge de Superieure.

  A020002916 

 Je les incite fort a se tenir invariables dans la pureté et sincerité de l'esprit de leur Institut, puisque c'est pour elles le chemin le plus asseuré pour parvenir a Dieu..

  A020002944 

 Ce pendant, faysant tres humblement la reverence a Vostre Altesse, et priant Dieu qu'il la comble de toute sainte fœlicité, je demeure,.

  A020002961 

 O que de consolation quand je sçai que toutes sont bien unies a Dieu!.

  A020002998 

 Cependant, conserves moy vostre sainte affection et pries Dieu quil me donne la grace de le bien servir.

  A020003031 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque.

  A020003060 

 Priant Dieu notre Seigneur de vous combler de toute sainte prospérité, je vous baise très humblement les mains..

  A020003088 

 Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,.

  A020003113 

 Ses rares escrits rendent une manifeste preuve de cecy, Dieu s'estant servy de sa plume pour apporter beau-coup d'ornement à la saincte doctrine catholique, par les tres-utiles traductions qu'il a faictes de quelques Peres grecs et par les tres-beaux livres qu'il a composés pour la refutation des heresies de ce temps: dont je ne doute point que Vostre Seigneurie Illustrissime ne reçoive un grand contentement de ceste eslection et de l'heureux succez du Chapitre.

  A020003114 

 Et baisant tres-reveremment vos sacrées mains, je prie Dieu qu'il vous donne toute saincte prosperité.

  A020003129 

 Je baise les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime avec une tres-profonde reverence, et souhaitte de Dieu en sa faveur toute sorte de saincte felicité, comme estant,.

  A020003159 

 [325] Ce sont des récits peu sérieux et presque badins, des hymnes sans suite, grâce au mélange des mots, nombre d'endroits entachés de pensées obscures: il est décent que tout cet ensemble soit rejeté hors de l'église de Dieu.

  A020003160 

 Que Dieu très bon et très grand conserve le plus longtemps possible les jours de Votre Sainteté: tel est l'objet de tous mes vœux, de mon humble prière, de mon ardent désir..

  A020003185 

 Cette Congrégation possède maintenant pour Supérieur général un homme qui a réuni la très grande majorité des suffrages, et auquel, sans contredit, tous doivent céder la palme du savoir, de la prudence et du talent; un homme d'une vertu et d'une piété remarquables, qui, par des écrits très profonds, a enrichi et défendu l'Eglise de Dieu, et reste prêt à l'enrichir et à la défendre encore, quand ses loisirs le lui permettront.

  A020003186 

 Puisse Dieu très bon et très grand, dans son admirable providence envers l'Eglise, garder saine et sauve Votre Sainteté! Je l'en prie et l'en conjure à genoux, de mes vœux les plus humbles et les plus ardents..

  A020003197 

 Et affin qu'il vous playse, je ne veux point user de longs discours, ains seulement dire que si vous le faites, vous feres une chose infiniment aggreable a Dieu; car cela suffit a une ame genereuse pour luy faire prendre toutes sortes de resolutions..

  A020003197 

 Je ne vous diray donq pas autre chose sur le dessein que madame [de Dalet], vostre fille, a de se retirer dans le monastere, sinon que je croy fermement que c'est une veritable inspiration divine, ne voyant tout a fait aucune rayson au contraire, puisque, graces a Dieu, elle a de si justes et dignes garens de la personne et biens de ses enfans, pourveu qu'il vous playse, et a monsieur [votre mari], de vous charger de cette peine.

  A020003199 

 Car, presupposé la charité de monsieur vostre mari et la vostre [331] envers vos petitz enfans pour avoir soin d'eux et de leurs petitz affaires, et asseurer madame vostre fille pour luy [donner] commodité de vivre plus parfaitement sous l'ombre de la Croix, que peut on dire autre chose sinon que Dieu a donné l'inspiration a la fille de se retirer, et au pere et a la mere de luy en donner les moyens? Je sçai qu'a faire ces grandes et heroïques vertus il y a de l'effort; mays c'est aussi de la d'ou elles tirent leur plus grande gloire..

  A020003252 

 Mais apres cela, je proteste que je ne veux rien que vivre et mourir en la grace et volonté de Dieu.

  A020003302 

 Et comme toutes regardent la plus grande gloire de Dieu et qu'elles ne peuvent réussir que par l'intervention de la main très puissante de Votre Seigneurie Illustrissime, je les lui recommande, et à sa piété et à sa sollicitude, avec un très profond respect.

  A020003317 

 Et partant, j'escritz a la Superieure delaquelle vous vous plaignies, qu'autant qu'il se pourra bonnement faire selon Dieu, elle contente vostre desir, en consideration de celuy que j'ay tres ardant de vous rendre service.

  A020003353 

 Mais de tout ceci il en faut parler plus au long, Dieu aydant..

  A020003353 

 Qu'il se soit passé quelques impatiences, quelques immortifications, quelques fiertés, quelques desobeissances, quelques amours propres, quelques imprudences, certes il ne se peut pas nier; mais, pour tout cela, le fond de l'affaire ne laisse pas d'estre bon et selon la volonté de Dieu.

  A020003369 

 J'ay veu l'exercice que ces deux filles font a nostre Superieure de Paris, mais je ny vois point de remede, sinon celuy de la patience et de la confiance en Dieu.

  A020003372 

 Dieu luy face la grace de l'attirer a une vocation qui soit propre a son salut..

  A020003374 

 La quantité des malades de la Mayson de Paris est un grand presage de la benediction que Dieu y veut mettre, quoyque le sens y repugne..

  A020003375 

 J'ay un grand desir d'escrire a ses deux filles sur ce sujet, mais maintenant je n'ay pas la commodité, non plus que d'escrire a monsieur le premier President; en lieu dequoy je prie Dieu pour leur consolation et pour le repos de l'ame de cette chere personne que j'aymois et honorois de tout mon cœur, et de l'absence de laquelle je serois bien affligé davantage si je ne prenois asseurance en la misericorde [353] de Dieu qu'elle jouit des a present du bien auquel elle a tous-jours aspiré..

  A020003375 

 Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre.

  A020003376 

 En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable..

  A020003380 

 Vous fistes excellemment de recevoir la femme que Monseigneur de Langres vous addressoit: Bienheureux sont les misericordieux, car Dieu leur fera misericorde.

  A020003397 

 Je voy clair, ce me semble: Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree; c'est pourquoy je vous dis hardiment: Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection..

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003399 

 Dieu employe bien souvent l'education pour la vocation; [357] mais quand l'education ne previent pas, il ne laisse de faire son benefice puissamment et suavement.

  A020003399 

 Et quant a la chere petite, si Dieu l'appelle a la Religion, elle y viendra, ou tost ou tard, nonobstant l'inclination de madame sa grand'mere; il se servira mesme de la nourriture du monde pour luy faire gouster le bien de la Religion.

  A020003399 

 Vos offrandes de cette fille a Dieu luy seront plus utiles que vostre nourriture..

  A020003401 

 Dieu, qui a commencé en vous ce saint œuvre, le veuille bien accomplir *, affin qu'apres vous avoir tiree, conservee et entretenue dans le monastere de la Visitation en cette vie, il vous appelle dans le monastere eternel de la perpetuelle Visitation en la vie future.

  A020003412 

 Il y a quelquefois des tentations humaines parmi les serviteurs et servantes de Dieu: si nous sommes animés de la dilection, nous les supporterons en paix..

  A020003413 

 Aymes bien Dieu, et pour l'amour de Dieu toutes creatures, notamment celles qui vous mespriseront, et ne vous mettes point en peine..

  A020003414 

 Dieu sçait quand et de quelles ames il remplira vostre monastere..

  A020003414 

 Le malin esprit fait des effortz parce qu'il void que ce [359] petit Institut est utile au service et a la gloire de Dieu, et il le hait particulierement parce qu'il est petit et le moindre de tous; car cet esprit est arrogant et hait la petitesse parce qu'elle sert a l'humilité, luy qui a tous-jours aymé la hauteur, la fierté et l'arrogance, et qui, pour n'avoir pas voulu demeurer en sa petitesse, a perdu sa grandeur.

  A020003414 

 Si Dieu ne bastit la mayson, en vain travailleront ceux qui l'edifient; et si Dieu la bastit, en vain travailleront ceux qui la veulent destruire.

  A020003429 

 Pour qui travaille on sinon pour Dieu? et si c'est pour Dieu, pourquoy dispute on? Je hay cette sorte de sagesse et de prudence.

  A020003429 

 Qu'importe il que l'argent soit d'un costé ou d'autre, pourveu qu'il soit pour Dieu? Et neanmoins, ma chere Mere, il faudra dire ou a l'une ou a l'autre qu'elle [361] a tort, quand nous aurons ouy l'une et l'autre.

  A020003436 

 Je ne lairray jamais sortir de mon esprit, Dieu aydant, cette maxime: qu'il ne faut nullement vivre selon la prudence humaine, mais selon la foy de l'Evangile.

  A020003436 

 Nostre Seur [Paule Jeronyme] m'escrivit que quelques Religieuses, bonnes servantes de Dieu, la contrarient a descouvert; je luy ay escrit [par] un billet, qu'elle demeurast en paix.

  A020003437 

 Ma tres chere Mere, Dieu soit a jamais nostre unique dilection.

  A020003444 

 Dieu soit loüé, ma tres chere Fille! Pressé, je respons courtement..

  A020003473 

 Je prie Dieu, mon Reverend Pere, quil vous face de plus en plus croistre en son saint amour, qui suis.

  A020003491 

 Il reste que le juste dessein que Vostre Altesse en a si souvent fait soit executé, non seulement empeschant que les præbendes soyent remplies, mays impetrant de Sa Sainteté les provisions requises pour la translation du revenu, de l'Ordre de Cluni a celuy des Peres Barnabites, infiniment plus utiles au service de Dieu et au bien publiq.

  A020003507 

 C'est la vraye assiete d'un esprit religieux, que de ne point s'attacher sinon a la volonté de Dieu, et ceux qui sont si heureux que d'avoir cette si bonne condition sont bien par tout et peuvent demeurer par tout en bonne conscience.

  A020003507 

 Vous ne vous deves donq nullement inquieter, ains demeurer en paix; les jours vous apprendront si Dieu desire que vous facies autre chose.

  A020003525 

 Qu'ay a vous dire la dessus, mon tres cher Frere, ni a madame la vefve, ni a nostre chere seur Bonaventure? Dieu aura des-ja visité vos cœurs de ses saintes inspirations, et vous aura dit interieurement les saintes paroles de sa consolation..

  A020003526 

 Rien autre donques, sinon que nous nous disposions tous a faire le trespas saintement et selon lhonneur que nous avons tous d'estre vivans par la mort de ce grand Dieu qui a voulu, par sa bonté, acheter nostre vie au pris de la sienne, et nous aquerir par sa mortalité la tressainte et seternelle immortalité..

  A020003543 

 Beni soit Dieu, qui a fait la grace a celuy duquel nous [373] ressentons l'absence, de luy donner le loysir et la commodité de se bien disposer pour faire le voyage heureusement! Mettes vostre cœur, je vous prie, ma tres chere Fille, au pied de la Croix, et acceptés la mort et la vie de tout ce que vous aymes, pour l'amour de Celuy qui donna sa vie et receut la mort pour vous..

  A020003545 

 Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion: il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas..

  A020003546 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma tres chere Cousine, ma Fille, et je suis de tout le mien.

  A020003560 

 Au demeurant, j'ay receu icy a Belley, d'ou je partiray demain, Dieu aydant, le commencement de vos Discours de l'Estat et des Grandeurs de Jesus, que le bon M. Crichant m'a apportés de vostre part.

  A020003585 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, de tout ce que vous m'escrivites le 2 de septembre.

  A020003586 

 A Dieu encor la louange de l'exercice que sa providence vous donne par cette affliction de maladie, qui vous rendra sainte, moyennant sa sainte grace; car, comme vous sçaves, vous ne seres jamais espouse de Jesus glorifié, que vous ne l'ayes premierement esté de Jesus crucifié, et ne jouires jamais du lit nuptial de son amour triomphant, que vous n'ayes senti l'amour affligeant du lit de sa sainte Croix.

  A020003586 

 Ce pendant nous prierons Dieu qu'il soit tous-jours vostre force et vostre courage en la souffrance, comme vostre modestie, douceur et humilité en ses consolations.

  A020003596 

 Or sus, vous voyla donq en œuvre pour le bon gouvernement de ce nouveau Monastere qui, moyennant la grace de Dieu, vous reüscira heureusement, tandis qu'en nostre Chamberi on en disposera un autre.

  A020003597 

 Vous voyes donq bien, ma tres chere Fille, que Dieu vous appelle a beaucoup de peynes, d'abnegations de vous mesme et de choses aigres, affin que, sans difference de lieux, de nations et de personnes, vous servies a la dilatation de sa gloire purement et simplement, sans aucun autre interest que celuy de son tressaint aggreement.

  A020003618 

 Et par ce que Vostre Altesse m'a commandé que je l'advertisse des choses qui regardent l'avancement de la gloire de Dieu en ce diocæse, je joins cet advis a la supplication dudit P. Prevost des Barnabites..

  A020003620 

 Dieu, par sa bonté, conserve longuement Vostre Altesse, Monseigneur, delaquelle je suis inviolablement.

  A020003632 

 Et je confesse que ce me seroit de la consolation de sçavoir des nouvelles de ces nouvelles plantes que Dieu, ce me semble, a plantees de sa main pour son plus grand honneur et service..

  A020003635 

 Apres quoy, nous vous dirons pourquoy et comme a present je n'ay nul moyen d'escrire davantage, quoy que [385] je me porte bien, graces a Dieu.

  A020003641 

 J'espere en la misericorde de Dieu que je sçauray au Ciel comme on les nommera, du nom que tous sçauront, et que personne ne sçaura, sinon celuy qui le recevra.

  A020003666 

 O ma tres chere Cousine, que de benedictions pour vostre esprit que Dieu a destiné pour cultiver et gouverner sa sacree pepiniere! Vous estes la mere, la nourrice et la dame d'atours de ces filles et espouses du Roy: quelle dignité! A cette dignité, quelle recompense, si vous faites cela avec l'amour et les mammelles de mere! Tenes vostre courage fort et ferme en cette poursuite, et croyes tres invariablement que je vous cheris et affectionne sans condition et reserve, comme ma tres chere cousine et fille bienaymee..

  A020003668 

 Ma tres chere Cousine, ma Fille, Dieu soit loüé.

  A020003679 

 Faites moy, je vous supplie, cette faveur, Monsieur mon Frere, tandis que je vay en Provence ou Monseigneur le Prince Cardinal doit aller faire la reverence, et ou, visitant les lieux de devotion qui y sont en grand nombre, je prieray Dieu qu'il vous conserve, avec madame ma seur, et benisse tout ce que vous affectionnes; qui suis en toute verité,.

  A020003693 

 Hé, que mon ame en benit le Sauveur! Je vous asseure que cette chere Mere est toute selon mon cœur; mais que dis je? je croy qu'elle est tout entierement selon le cœur de Dieu, duquel je desire et j'espere qu'elle recevra tant de benedictions, qu'elle sera elle mesme une Mere de benediction dans nostre cher Institut.

  A020003693 

 Mon cœur le souhaite; ainsy j'en prie Dieu, et vous benis en son nom toutes deux..

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003719 

 Vous croires aysement que ce n'a pas esté sans parler souvent de vous, non sans beaucoup de consolation que j'ay receuë de sçavoir que vous vivies tous-jours dans la crainte de Dieu, avec desir de faire progres en la devotion.

  A020003720 

 Vous sçaves, ma tres chere Fille, combien je suis aysé a contenter et combien j'ay de facilité a bien esperer des ames que j'affectionne: c'est des vostre enfance que j'ay une infinie passion pour vostre salut, et que j'ay conceu une grande confiance que Dieu vous tiendroit de sa main, pourveu que vous voulies correspondre a ses faveurs.

  A020003733 

 Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour..

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003747 

 Ce pendant, Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur et de vostre Monastere, ma tres chere Fille, et je suis de tout mon cœur.

  A020003760 

 Ces œuvres de pitié sont de sayson en ces jours dediés a l'honneur de la souveraine misericorde que le Filz de Dieu a exercee en sa nayssance pour nostre salut, que je supplie tres humblement de vous estre a jamais favorable, Monsieur, selon le souhait continuel de mon cœur; qui suis.

  A020003779 

 Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et pour Dieu, que je supplie vous recevoir dans le sein de sa tressainte dilection, avec toute vostre chere compaignie; qui suis sans fin,.

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003827 

 Ce que m'asseurant vous ferez volentiers, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde..

  A020003840 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aoste et Genevois, Prince de Piedmont, etc..

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003905 

 O Dieu, en vous admirant, j'ai bien quelque disposition d'en tirer des bons désirs; mais je n'ai pas la force de les mettre en effet, jusques à ce que vox Domìni præparantis cervos tonne en mon âme et lui donne puissance d'enfanter tout ce qu'elle conçoit, pour conduire dans la vraie perfection ce qu'il vous a plu de me conseiller quelquefois..

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020004068 

 Peu de tems apres, Dieu appela a soy cette grande Princesse pour luy donner une couronne de gloire.


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000017 

 Que faire en attendant la joie d'un revoir? — Ardeur et pureté de l'amour de François de Sales pour Dieu.

  A021000019 

 — Demander la lumière à Dieu.

  A021000021 

 Que nous apprend la vraie science de Dieu.

  A021000022 

 — De quelle crainte faut-il craindre les fins dernières? — Défiance et présomption dans le service de Dieu.

  A021000022 

 — L'espérance et la prière nous assurent le secours de Dieu.

  A021000024 

 — Désir de son humilité et de son amour de Dieu.

  A021000026 

 — Adorer la volonté de Dieu en tout temps.

  A021000028 

 Demander à Dieu la douceur d'esprit dès le matin, et s'en souvenir cent fois le jour.

  A021000031 

 Le secours de Dieu ne manque jamais aux âmes confiantes.

  A021000033 

 — N'ouvrir la bouche que de par Dieu.

  A021000038 

 — Ce qui donnera « les rangs » parmi les enfants de Dieu.

  A021000039 

 — Suivre la volonté de Dieu et marcher dans ses voies.

  A021000044 

 — Comment la bonté de Dieu disposa une âme à son passage à l'éternité.

  A021000045 

 La valeur de la vie; bonheur de la destinataire de connaître à quoi Dieu veut qu'elle l'emploie.

  A021000047 

 — Sous quelle condition nous donner à Dieu.

  A021000048 

 En quel temps se donner à Dieu.

  A021000049 

 — Pourquoi le Fils de Dieu a voulu naître en ce monde. 36.

  A021000052 

 Reconnaissance envers Dieu pour le bienfait de la vocation religieuse.

  A021000055 

 Dieu, bon à tous.

  A021000056 

 Suivre les attraits de Dieu dans l'oraison.

  A021000057 

 — Comment vivre devant Dieu, avec le prochain et avec nous-même. 43.

  A021000064 

 Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu (Minute).

  A021000064 

 — Dieu n'abandonnera pas ses servantes, si elles observent la pauvreté qu'elles ont vouée.

  A021000075 

 » — Se mettre en la présence de Dieu et s'y tenir sont deux choses différentes.

  A021000075 

 — Dégagement du monde, attachement à Dieu.

  A021000075 

 — L'Introduction à la Vie dévote et le Traitté de l'Amour de Dieu.

  A021000081 

 Les desseins de Dieu dans la maladie.

  A021000088 

 — Bonheur pour elle d'être toute à Dieu.

  A021000094 

 Dieu fait de grandes choses en l'âme qui s'abaisse.

  A021000096 

 — Rien ne nuit à ceux qui veulent aimer Dieu « sur toutes choses et en toutes choses, » pas même leurs défauts. 77.

  A021000116 

 MMLX. Dans le trouble et l'inquiétude, remettre tout à Dieu.

  A021000117 

 MMLXI. L'âme qui ne veut pas offenser Dieu ne doit pas pointiller autour de ses actions.

  A021000118 

 — Dans les maladies spirituelles et corporelles, user des remèdes voulus par Dieu, mais s'en remettre, pour le résultat, à son bon plaisir.

  A021000122 

 — Dieu répond à tous ceux qui lui demandent conseil; d'où vient que beaucoup n'entendent pas sa réponse? — Le serviteur fidèle.

  A021000125 

 — Moyen d'attirer en soi les grâces de Dieu.

  A021000126 

 — Dieu nous aime: qu'importe le reste? — Jésus-Christ a tout souffert pour s'unir à son épouse; que doit faire celle-ci pour lui « tesmoigner ses amours reciproques » et le baiser?.

  A021000127 

 — En quoi consiste l'amour de Dieu.

  A021000133 

 — L'âme irrévocablement abandonnée à Dieu est sûre de l'avoir.

  A021000137 

 MMLXXXI. Le « petit rien » devant la grandeur de Dieu.

  A021000138 

 — Aimer à se sentir pauvre et faible devant Dieu.

  A021000139 

 — Par la souffrance, l'âme parvient à une très simple et délicate union au bon plaisir de Dieu.

  A021000140 

 — La parfaite simplicité que Dieu demande de la Mère de Chantal et le plus agréable sacrifice qu'elle pourra lui faire.

  A021000141 

 — En toutes choses, l'acquiescement, l'abandon, la « simple remise » à Dieu.

  A021000142 

 — Le repos en Dieu et l'obéissance.

  A021000143 

 — Rester dans l'état où Dieu nous met.

  A021000149 

 — Ne vouloir que Dieu.

  A021000152 

 — Aux prises avec la tentation, il redouble de confiance en Dieu.

  A021000152 

 — Ce que Dieu lui demande.

  A021000153 

 » — Mourir à soi-même pour vivre à Dieu.

  A021000156 

 — S'humilier de ses faiblesses, mais « remonter son cœur en Dieu » par la confiance.

  A021000170 

 Qui a moins de propre volonté a plus de Dieu.

  A021000170 

 — A qui Dieu est tout, le monde n'est rien.

  A021000179 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, que ma volonté s'est treuvee dilatee en ce sentiment! Playse a sa divine Bonté continuer sur moy cette abondance de courage, pour son honneur et gloire, et pour la perfection et excellence de cette tres incomparable unité de cœur qu'il luy a pleu nous donner.

  A021000179 

 O Dieu, quelle benediction de rendre toutes nos affections humblement et exactement sujettes a celles du plus pur amour divin! Ainsy l'avons nous dit, ainsy a il esté resolu, et nostre cœur a pour sa souveraine loy la plus grande gloire de l'amour de Dieu.

  A021000186 

 Mon Dieu, que me souhaites vous, ma chere Cousine, au bas de vostre lettre? de la grandeur et prosperité, ce dites vous.

  A021000186 

 Oh! il ne faut point parler d'en avoir, et, par la grace de Dieu, je n'en attens ni n'en desire autre en ce miserable monde, que celle que le Filz de Dieu a voulu prattiquer dans la cresche de Bethlehem....

  A021000199 

 Que faire en attendant la joie d'un revoir? — Ardeur et pureté de l'amour de François de Sales pour Dieu..

  A021000209 

 J'ignore, très aimé Frère, le temps et le lieu où le Seigneur permettra que nous puissions nous voir; mais, très doux Frère dans [4] le Christ, en attendant, et toujours, et pour l'éternité, aimons et chérissons Dieu uniquement.

  A021000209 

 Je dirai en confiance à votre charité, que si je soupçonnais qu'il y eût dans mon cœur un seul mouvement d'amour qui ne tendît pas à Dieu, ou qui fût consacré à un autre amour qu'à l'amour divin, ce sentiment infidèle et illégitime de mon cœur, je ferais tout pour l'arracher avec mes entrailles, et je ne le tolèrerais pas un seul instant....

  A021000215 

 Vous le deves faire, car cette action est purement pour Dieu, et c'est pour une devote et tressainte Religion, qui fera beaucoup de fruit en vos quartiers... [5].

  A021000221 

 Premierement, que vous retranchies quelques satisfactions sensuelles que vous pourries autrement prendre sans offencer Dieu, et que, pour cela, vous vous levies tous-jours a six heures du matin, soit que vous ayes bien dormi ou mal dormi, pourveu que vous ne soyes pas malade, car alhors il faudroit condescendre au mal; et pour faire quelque chose de plus les vendredis, vous vous levies a cinq heures.

  A021000230 

 Dieu vous veuille donner sa paix, sa grace, sa lumiere et sa tressainte consolation.

  A021000246 

 La vraye science de Dieu nous apprend, sur toutes choses, que sa volonté doit ranger nostre cœur a son obeissance et a treuver bon, comme en effect il est tres bon, tout ce qu'elle ordonne sur les enfans de son bon playsir.

  A021000247 

 Pleures maintenant, mais moderes vos pleurs et benisses Dieu; car cette mere vous sera propice, comme vous deves esperer, beaucoup plus ou elle est, qu'elle n'eust sceu l'estre ou elle estoit.

  A021000258 

 Me voyci certes en une grande peine de sçavoir combien vous en aves eu parmi cette forte et fascheuse maladie de laquelle, comme j'espere, vous releves, et dont j'eusse eu infiniment plus de desplaysir, si de toutes partz on ne m'eust asseuré que, graces a Dieu, vous n'aves esté en nulle sorte de danger, et que vous commencies a reprendre les forces et le chemin de la guerison..

  A021000260 

 Et s'il vous plaist, Monsieur, dites moy, je vous supplie, quel sujet aves vous de nourrir cette triste humeur qui vous est si prejudiciable? Je me doute que vostre esprit ne soit encor embarrassé de quelque crainte de la mort soudaine et des jugemens de Dieu.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000261 

 C'est un sentiment meilleur de se desfier de pouvoir resister aux tentations, que non pas celuy de s'en tenir pour asseuré et asses fort, pourveu que ce qu'on n'attend pas de ses forces on l'attende de la grace de Dieu: en sorte que plusieurs qui, avec grande consolation, se sont promis de faire des merveilles pour Dieu, quand c'est venu au point ont manqué; et plusieurs qui [12] ont eu grande desfiance de leurs forces et une grande crainte qu'a l'occasion ilz ne manquassent, sur le champ ont fait merveilles, parce que ce grand sentiment de leur foiblesse les a poussés a rechercher l'ayde et le secours de Dieu, a veiller, prier et s'humilier pour ne point entrer en tentation..

  A021000261 

 Et ne faut pas, Monsieur, que nous revoquions en doute si nous sommes en estat de nous confier en Dieu, quand nous sentons des difficultés a nous garder du peché, ni quand nous avons desfiance ou peur qu'es occasions et tentations nous ne puissions pas resister.

  A021000262 

 Et Dieu, qui ne fait rien en vain, ne nous donne pas ni la force ni le courage quand il n'est besoin de l'employer, mais es occasions jamais il ne manque; et partant il faut tous-jours esperer qu'en toutes occurrences il nous aydera, pourveu que nous le reclamions.

  A021000262 

 Et n'est pas besoin qu'on sente en soy aucun signe ni aucune marque qu'on aura ce courage la, ains il suffit qu'on espere que Dieu nous aydera.

  A021000262 

 Je dis, qu'encor que nous ne sentions en nous ni force, ni mesme courage quelcomque pour resister a la tentation si elle se presentoit maintenant a nous, pourveu que nous desirions neanmoins de resister, et esperions que si elle venoit Dieu nous ayderoit et luy demanderions son secours, nous ne devons nullement nous contrister, d'autant qu'il n'est pas besoin de sentir tous-jours de la force et du courage, et suffit qu'on espere et desire d'en avoir en tems et lieu.

  A021000262 

 Samson, qui estoit appellé le fort, ne sentoit jamais les forces surnaturelles dont Dieu l'assistoit sinon es occasions; et pour cela il est dit que quand il rencontroit les lions ou les ennemis, l'Esprit de Dieu le saysissoit pour les tuer.

  A021000263 

 Et bien donq, puisque vous desires d'estre tout a Dieu, pourquoy craindres vous vostre foiblesse, en laquelle, aussi bien, vous ne deves pas mettre aucune sorte d'appuy? N'esperes vous pas en Dieu? Et qui espere en luy sera il jamais confondu? Non, Monsieur, jamais il ne le sera..

  A021000264 

 Je vous conjure, Monsieur, d'appayser toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre esprit, ausquelles il n'est besoin de respondre autre chose sinon que [13] vous desires d'estre fidele en toutes occurrences, et que vous esperes que Dieu fera que vous le seres, sans qu'il soit besoin d'essayer vostre esprit s'il le seroit ou non, car ces essays sont trompeurs, et plusieurs sont vaillans quand ilz ne voyent point l'ennemi, qui ne le sont pas en sa presence; et au contraire, plusieurs craignent avant l'escarmouche, ausquelz le danger present donne le courage.

  A021000265 

 Au demeurant, Dieu sçait ce que je voudrois faire et souffrir pour vous voir entierement delivré.

  A021000281 

 Encor voudrois je bien la mienne plus souple a m'humilier sous cette souveraine Providence, affin de non seulement incliner mes affections au vouloir de mon Dieu, mays aussi d'aymer tendrement et affectueusement son sacré vouloir..

  A021000281 

 Mais puisque Dieu m'a voulu entraver comme les mauvais chevaux, affin que je demeurasse en ce champ, c'est bien la rayson que je m'y accommode et que sa divine volonté soit faite.

  A021000281 

 Pleust a Dieu que j'eusse autant de liberté que ce porteur en a, pour aller ou je voudrois! vous me verries au moins toutes les annees une bonne fois aupres de vous, avec le contentement que les plus tendres enfans ont d'estre en la presence de leur bonne mere; car vostre [15] bienveuillance et mon affection me rendent cela en vostre endroit.

  A021000282 

 N'aymes point, s'il se peut, la volonté de Dieu parce qu'elle est selon la vostre; mais aymes la vostre quand et parce qu'elle sera selon celle de Dieu..

  A021000292 

 En l'orayson, si elle veut voler, qu'elle vole; si elle se veut remuer, qu'elle se remue; bien qu'encor la, la tranquillité et simple repos de l'ame a voir Dieu, a vouloir Dieu et a savourer Dieu est extremement excellent..

  A021000292 

 Tenes la tous-jours assise et en repos devant Dieu pendant les exercices exterieurs, et levee et mouvante pendant les interieurs: comme font les abeilles, qui ne volent point dans leur ruche et faysant leur mesnage, mais seulement a la sortie.

  A021000293 

 Quand je commence a vous escrire, je ne pense pas a ce que je vous escriray; mais ayant commencé, j'escris tout ce qui me vient, pourveu que ce soit quelque chose de Dieu, car je sçay que tout vous est aggreable, ayant de beaucoup fortifié l'entiere confiance que mon cœur avoit au vostre en ce dernier voyage, ou je vis bien, ce me semble, que vous avies toute asseurance en moy..

  A021000295 

 Dieu vous tienne en sa sainte protection et vous comble de ses graces..

  A021000302 

 Sousmettes souvent vostre volonté a celle de Dieu, estant preste a l'adorer autant quand elle vous envoyera des tribulations comme au tems des consolations..

  A021000303 

 Dieu soit tous-jours au milieu de nos cœurs, ma tres chere Mere.

  A021000313 

 Je prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de vostre cœur, affin qu'il ne soit point esbranlé parmi tant de [18] secousses, et que, vous faysant part de sa Croix, il vous communique sa sainte tolerance et ce divin amour qui rend si pretieuses les tribulations..

  A021000321 

 Je prie Dieu qu'il benisse vostre cœur, ma chere Fille, et vous dis ces trois motz, selon ma promesse..

  A021000322 

 Vous deves faire cette entreprise de vous bien commander en cela, et vous en souvenir cent fois le jour, recommandant a Dieu ce bon dessein; car je ne voy pas que vous ayes beaucoup a faire pour bien assujettir vostre ame a la volonté de Dieu, sinon de l'addoucir de jour en jour, mettant vostre confiance en sa bonté..

  A021000322 

 Vous devries tous les matins, avant toute chose, prier Dieu qu'il vous donnast la vraye douceur d'esprit qu'il requiert es ames qui le servent, et prendre resolution de vous bien exercer en cette vertu la, sur tout envers les deux personnes a qui vous aves le plus de devoir.

  A021000323 

 Cette vie est courte et elle ne nous est donnee que pour gaigner l'autre; et vous l'employeres bien si vous estes douce envers ces deux personnes avec lesquelles Dieu vous a mise..

  A021000323 

 Vous seres bienheureuse, ma chere Fille, si vous faites ainsy, car Dieu habitera au milieu de vostre cœur et y regnera en toute tranquillité.

  A021000324 

 Pries pour mon ame, que Dieu la tire a soy.

  A021000330 

 Je vous supplie, ma chere Fille, n'abandonnes jamais le train des saintes resolutions que vous aves faites, car Dieu qui les a donnees a vostre cœur luy en demandera le conte.

  A021000338 

 Certes, quelle qu'elle soit, elle me donne bien de la condoleance, mays aussi quant et quant de la consolation, puisqu'il dit que Dieu vous l'a envoyee; car, ma tres chere Fille, rien ne sort de cette main divine que pour l'utilité des ames qui le craignent, ou pour les purifier, ou pour les affiner en son saint amour.

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000350 

 Vous connoistrés bien que mon cœur se dilate en vous parlant, et que c'est une saillie de l'amour qu'il a pour le vostre, que je conjure d'en faire aussi souvent devant Dieu pour impetrer sa misericorde sur moy, qui suis en verité,.

  A021000361 

 S'il vous plaist de renouveller le vœu de continence a la Messe, ainsy que j'offriray le saint Sacrifice, offrés le a mesme tems a Dieu le Pere; et moy, en vostre nom, je [le] luy offriray aussi avec son Filz, le chaste Aigneau, auquel je le recommanderay, pour le garder et proteger envers tous et contre tous, comme aussi le propos de vœu d'obeissance; et l'ayant mis par escrit, vous me le donneres apres la Messe..

  A021000362 

 Dieu veuille recevoir vostre sacrifice et benir vostre saint holocauste.

  A021000366 

 Les empressemens d'amour en l'orayson sont bons, s'ilz vous [23] laissent des bons effectz et qu'ilz ne vous amusent point a vous mesme, mais a Dieu et a sa sainte volonté; et en un mot, tous les mouvemens interieurs et exterieurs qui affermissent vostre fidelité envers cette volonté divine seront tous-jours bons.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000367 

 Et vous voyla donq emmi les occasions de prattiquer cette vertu jusques a l'extremité, puisqu'a cette privation est joint l'opprobre, et qu'elle se fait en vous, sans vous et pour vous, mais plus en Dieu, avec Dieu et pour Dieu..

  A021000368 

 Ma Fille, prenes donq a prix fait de vous mortifier en cela; faites souvent la croix sur vostre bouche, affin qu'elle ne s'ouvre que de par Dieu.

  A021000378 

 O Dieu, que les amitiés fondees sur le solide fondement de la charité sont bien plus constantes et fermes que celles desquelles le fondement est en la chair et au sang et aux respectz mondains!.

  A021000379 

 Quel bonheur de servir Dieu au desert, sans manne, sans eau et sans autres consolations que celle qu'on a d'estre sous sa conduitte et de souffrir pour luy!.

  A021000388 

 Receves cest advis d'une ame qui vous cherit tres purement et sincerement, et je prie Dieu qu'il vous comble de benedictions..

  A021000397 

 [27] Je prieray donq Nostre Seigneur qu'il vous donne une bonne et sainte issue de cest affaire, affin que vous abordies au port d'une solide et constante tranquillité de cœur, qui ne se peut obtenir qu'en Dieu, au saint amour duquel je souhaitte que de plus en plus vous fassies progres..

  A021000398 

 Dieu vous benisse de ses grandes benedictions, ma tres chere Fille; c'est a dire, Dieu vous rende tres parfaitement toute sienne.

  A021000407 

 Laisses le la, ce cœur chetif, s'il veut demeurer immobile, pourveu que la volonté qui est en luy tire et meuve en son Dieu..

  A021000414 

 Au demeurant, ma tres chere Fille, humilies vous souvent devant Dieu et a toute creature pour l'amour de Dieu.

  A021000414 

 Helas! ma tres chere Fille, les qualités de cette vie sont en effect peu considerables, nous sommes telz en verité que nous sommes devant les yeux de Dieu; l'humilité sera seule consideree lhors que l'on donnera les rangs aux enfans de Dieu.

  A021000415 

 Soyes vaillante, et tenes vostre cœur haut et eslevé en Dieu; ne vous estonnes point de vous sentir foible, car moyennant que vous invoquies Dieu, il sera vostre force pour bien et diligemment executer le desir que vous aves de ne vivre qu'en luy.

  A021000423 

 Dieu vous a visitee pour preuve de vostre constance et fidelité.

  A021000425 

 Attendant donq ce bonheur que de le voir un jour en cette felicité eternelle, je prie Dieu pour vostre confort d'aussi bon cœur que je suis.

  A021000425 

 Luy vous doit estre pour filz, pour pere, pour mere, pour frere, pour tout, en la presence duquel si vous vives tous-jours en innocence, au moyen de la grace vous obtiendres un jour le Paradis auquel regne cette ame bienheureuse de ce petit innocent, auquel je porte plus d'envie que de compassion, sachant qu'il void la face de [30] Dieu, comme fait son Ange qui avoit esté commis a sa tutelle.

  A021000432 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma Fille, et vous soit unique et parfait Consolateur en cest inopiné accident de cette bonne et vertueuse seur, laquelle, sans aucun esbranslement precedent de sa santé, est tombee en un moment a la mort, mais, comme nous devons esperer, entre les mains de la misericorde de son Sauveur.

  A021000432 

 O Dieu, qu'il fait bon mourir, puisqu'il le faut, autour de ces bonnes festes! car on se prepare, par les Sacremens, a l'advantage..

  A021000442 

 O Dieu, ma chere Fille, il se faut bien preparer a mieux faire pour la premiere occasion qui se presentera; car a mesure que nous voyons ce monde et les liens que nous y avons se rompre devant nos yeux, il faut recourir plus ardemment [32] a Nostre Seigneur et advoüer que nous avons tort de loger nos esperances et esperer nos contentemens ailleurs qu'en luy et en l'eternité qu'il nous a destinee..

  A021000443 

 Il faut que je die ce petit mot de confiance: il n'y a homme au monde qui ayt le cœur plus tendre et affectionné aux amitiés que moy, et qui ayt le ressentiment plus vif aux separations; neanmoins je tiens pour si peu de chose cette vanité de vie que nous menons, que jamais je ne me retourne a Dieu avec plus de sentiment d'amour que quand il m'a frappé, ou quand il a permis que je sois frappé.

  A021000444 

 Cette bonne seur avoit bien prié Dieu; sur cela, elle a esté ravie devant luy: il faut esperer que ç'a esté pour son mieux que Nostre Seigneur ayt ainsy disposé.

  A021000451 

 Au reste, cette mere tesmoigna tant la presence de la grace de Dieu en son trespas, que nous devons tenir qu'elle est presente, ou du moins asseuree d'estre bien tost presente a sa gloire eternelle.

  A021000451 

 Que si, selon la fragilité de cette vie, elle a besoin de suffrages, ma chere Fille, elle n'en manquera pas, Dieu aydant..

  A021000452 

 A mesure que Dieu tire nos plus chers a soy, il veut attirer nostre cœur, et, comme disoit saint François: A qui n'a point de pere en terre, il est plus aysé de dire: Nostre Pere, qui estes aux cieux.

  A021000452 

 En somme, ma chere Fille, releves le plus que vous pouves vostre cœur en Dieu, et il vous consolera..

  A021000461 

 Non certes, ma chere Fille, je ne dis pas cela; mais je dis que les souffrances, les peines, les tribulations sont accompaignees d'une si forte resolution de les souffrir pour Dieu, que toute cette amertume, pour amere qu'elle soit, est en paix et tranquillité..

  A021000469 

 Voyla donq, ma chere Fille, comme rang a rang nous passons le fleuve Jourdain pour entrer en la Terre de promission ou Dieu nous appelle les uns apres les autres.

  A021000470 

 Eh bien, ma chere Fille, n'estoit ce pas une disposition que la bonté de Dieu faisoit en elle pour la tirer une annee apres a soy? Gloire soit donq au Pere et au Filz et au Saint Esprit..

  A021000472 

 Qu'elle aille donq, cette bonne seur, qu'elle aille posseder son eternel repos au giron de la misericorde de Dieu.

  A021000473 

 Vrayement, je pleure aussi bien, moy, en telles occasions, et mon cœur, de pierre es choses celestes, jette des eaux pour ces sujetz; mais, Dieu soit loué! tous-jours doucement et, pour vous parler comme a ma chere fille, tous-jours avec un grand sentiment d'amoureuse dilection envers la providence de Dieu; car despuis que Nostre Seigneur a aymé la mort et qu'il a donné sa mort pour objet a nostre amour, je ne puis vouloir mal a la mort ni de mes seurs, ni de personne, pourveu qu'elle se fasse en l'amour de cette mort sacree de mon Sauveur.

  A021000482 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vous aves un grand sujet de louer Dieu qui, avec une providence fort speciale, ne vous a pas seulement donné la volonté de rapporter vos jours mortelz a celuy de l'immortalité, mais vous a marqué le lieu, les moyens et la façon avec laquelle vous deves appliquer le reste de ces momens perissables a la conqueste de la tressainte eternité.

  A021000484 

 Dieu le comble de son saint amour, ce cœur, que le mien cherit et cherira eternellement.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000501 

 O qu'heureux sont ceux que Dieu manie a son gré et qu'il reduit sous son bon playsir, ou par tribulation ou par consolation! Mais pourtant, les vrays serviteurs de Dieu ont tous-jours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme a celuy de nostre Chef, qui ne voulut reuscir de nostre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres..

  A021000501 

 Voyla, ma tres chere Fille, les conditions avec lesquelles nous nous devons donner a Dieu: c'est que, soudain, il fasse sa volonté de nous, de nos affaires et de nos desseins, et qu'il rompe et desfasse la nostre ainsy qu'il luy plaira.

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000523 

 O Dieu, que cela est fade au prix de ce sacré divin amour qui vit en nos cœurs!.

  A021000545 

 Venes en la montaigne que Dieu vous monstrera, pour y consacrer ces petitz momens de vie qui vous restent, en faveur de la tressainte eternité qui vous est preparee..

  A021000548 

 Dieu, de sa main toute puissante, vous veuille retirer a soy et vous amener au lieu auquel il vous a appellee; l'Ange qui vous a assistee en vos resolutions soit luy [47] mesme vostre guide en l'execution.

  A021000555 

 Dieu veuille recevoir en sa main dextre vostre esprit que vous luy presentes, ma tres chere Fille, et vous face saintement continuer a le servir en cette Congregation a laquelle il luy a pleu vous faire entrer.

  A021000557 

 A Dieu soyons nous a jamais.

  A021000566 

 Car le Pere n'est pas le Filz, ni le Filz n'est pas le Saint Esprit: d'autant que, encor que le Pere ne soit pas un autre Dieu que le Filz et le Saint Esprit, il est neanmoins une autre Personne; et de mesme, le Filz n'est pas un autre Dieu que le Pere et le Saint Esprit, ains seulement une autre Personne; et le Saint Esprit n'est pas un autre Dieu que le Pere et le Filz, ains seulement une autre Personne..

  A021000566 

 Le premier, principal et fondamental article de foy, c'est de croire qu'il n'y a qu'un tres unique et tres vray Dieu.

  A021000566 

 Le second article principal, c'est que ce seul vray Dieu est Pere, Filz et Saint Esprit: dont le Pere est la premiere Personne de la tressainte Trinité, le Filz la seconde et le Saint Esprit la troysiesme; en sorte que les troys Personnes ne sont pas plusieurs dieux, ains un seul vray Dieu, bien que l'une des Personnes ne soit pas l'autre.

  A021000568 

 Ainsy, il n'y a qu'un seul Dieu en troys Personnes, desquelles troys l'une n'est pas l'autre, et toutes troys ne sont qu'un seul Dieu; en sorte que le Pere est Dieu, le Filz est Dieu, le Saint Esprit est Dieu, et non troys dieux, mais un seul Dieu; parce que, encor qu'il y ayt troys Personnes, toutes troys ensemble n'ont qu'une seule et unique Divinité: comme, encor qu'il y ayt troys puissances en nostre ame, toutes troys neanmoins ne sont qu'une seule ame..

  A021000569 

 Ainsy, le seul Filz est incarné, et non le Pere ni le Saint Esprit, bien que le Pere, le Filz et le Saint Esprit ne soyent qu'un Dieu..

  A021000569 

 Mais il faut noter, qu'encor que ce soit le seul unique vray Dieu qui ayt pris nostre humanité, si est ce qu'il ne l'a prise en la Personne du Pere, ni en la Personne du Saint Esprit, ains seulement en la Personne du Filz.

  A021000569 

 Or Dieu, qui n'est qu'un en Divinité ou nature divine, apres avoir creé le monde, et long tems apres, c'est a dire environ cinq mille ans apres la creation, prit la nature humaine, joignant l'humanité a sa Divinité au ventre de la Vierge, et par ce moyen il se rendit homme; car, comme ayant la Divinité il est Dieu, aussi ayant l'humanité il est homme.

  A021000570 

 Il faut encor sçavoir que le Pere, le Filz et le Saint Esprit, un seul vray Dieu, sont par tout et totalement par tout le monde, comme vostre ame est par tout vostre cors; mais parce qu'au Ciel sa divine Majesté se manifeste plus clairement, nous imaginons plus facilement sa presence au Ciel..

  A021000571 

 Et quand vous vous representies que le Pere et le Filz estoyent deux, vous pensies la verité; car ce sont deux Personnes, encor qu'ilz ne soyent qu'un seul Dieu; quand vous disies qu'ilz n'estoyent qu'un, vous disies bien aussi, car ilz ne sont qu'un seul Dieu et tres unique, bien qu'ilz soyent deux Personnes..

  A021000571 

 Maintenant donq, ma chere Fille, quand vous vous representies Nostre Seigneur revenant d'Egypte, vous consideries Dieu le Filz, lequel, bien qu'il fust par tout, selon qu'il est Dieu, estoit neanmoins par les chemins, en travail, selon qu'il est homme.

  A021000571 

 Quand vous vous representies Dieu le Pere au Ciel, vous le consideries selon la commune imagination qui le represente plustost au Ciel qu'en terre.

  A021000572 

 Et comme le fer enflammé a la nature du fer et celle du feu, et peut estre dit fer et feu tout ensemble, ainsy Nostre Seigneur ayant saysi la nature humaine comme le feu [51] saysit le fer, il est vrayement Dieu a rayson du feu de la Divinité, et vrayement homme a rayson du fer de l'humanité.

  A021000572 

 Et le Filz est Dieu, et un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays, outre cela, il est vray homme, ayant deux natures: l'une divine, qui est celle-la mesme du Pere et du Saint Esprit, l'autre humaine, qu'il a prise au ventre de la Vierge; comme nous avons deux natures, l'une spirituelle qui est nostre ame, l'autre corporelle qui est la chair.

  A021000572 

 Mais il y a de plus: c'est que vous consideries Nostre Seigneur en tant qu'homme, et, en cette sorte, il est vrayement different d'avec le Pere en nature; car le Pere n'est pas homme, ains seulement Dieu.

  A021000574 

 Bon soir, ma chere Fille; faites devotement les festes aupres de ce vray Dieu petit Enfant, auquel je suis tout vostre..

  A021000579 

 Mon Dieu, ma chere Fille, je ne treuve nullement estrange que vous desiries de mes lettres; car, outre ce [52] que Dieu le veut bien (qui est le grand mot de nostre commerce), je sens tant de consolation de vostre communication que je croy aysement que vous en aves un peu de la mienne.

  A021000580 

 Cela ne vient pas de nostre faute le plus souvent, mays de la providence de Dieu, qui nous veut faire faire nostre chemin par terre et par desert, et non par eaux, et veut que nous nous accoustumions au travail et a la dureté..

  A021000580 

 Non, ma Fille, car le pauvre cœur n'en peut mais, puisque cela n'arrive pas faute de resolutions et vives affections d'aymer Dieu, mays faute de sensible passion, laquelle ne depend point de nostre cœur, mais d'autre sorte de dispositions que nous ne pouvons procurer; car tout ainsy, ma chere Fille, qu'en ce monde il n'est pas possible que nous puissions faire pleuvoir quand nous voulons, ni empescher qu'il ne pleuve quand nous ne voulons pas qu'il pleuve, aussi n'est il pas a nostre pouvoir de pleurer quand nous voulons, par devotion, ni de ne pleurer pas aussi quand l'impetuosité nous saysit.

  A021000581 

 Tenes bien ferme sur cette posture, que vostre cœur soit bien entierement a Dieu; car il n'y en a point de meilleure..

  A021000582 

 Dieu vous donne un peu de loysir pour faire vos provisions de patience et vigueur, puis le tems viendra de les employer..

  A021000582 

 Pour tout, ne souhaites pas des persecutions pour l'exercice de vostre fidelité, car il vaut mieux attendre celles que Dieu vous envoyera que d'en desirer; et si, vostre fidelité a mille sortes d'autres exercices: en l'humilité, douceur, charité au service de vostre pauvre malade, mays [53] service cordial, amoureux et affectionné.

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000589 

 Dieu vous a tenue de sa bonne main en vostre affliction; or sus, chere Fille, il faut donq tous-jours faire ainsy.

  A021000589 

 Gardés ce saint silence que vous me dites, car vrayement il est bon d'espargner nos paroles pour Dieu et pour sa gloire.

  A021000589 

 Mon Dieu, disoit saint Gregoire a un Evesque affligé, comme se peut il faire que nos cœurs, qui sont meshuy au Ciel, soyent agités des accidens de la terre? C'est bien dit: la seule veuë de nostre cher Jesus crucifié peut addoucir en un moment toutes nos douleurs, qui ne sont que des fleurs en comparayson de ses espines.

  A021000591 

 Et courage, chere Fille, Dieu nous est bon; que tout nous soit mauvais, que nous en doit il chaloir? Vivés joyeuse aupres de luy; c'est en luy que mon ame est toute dediee a la vostre.

  A021000598 

 Que si neanmoins Dieu nous tire, au commencement de l'orayson, a la simplicité de sa presence et que nous nous y treuvions engagés, ne la quittons pas pour retourner a nostre point; estant une regie generale que tous-jours il faut suivre ses attraitz et se laisser aller ou son Esprit nous mene..

  A021000598 

 Si vous savoures vostre point en l'orayson, c'est un signe que Dieu veut que vous suivies cette methode, du moins alhors.

  A021000606 

 Ces inclinations que vous aves sont pretieuses occasions que Dieu vous donne de bien exercer vostre fidelité en son endroit, par le soin que vous aures de les reprimer.

  A021000616 

 Vous desires de ne mentir point: c'est un grand secret pour attirer l'Esprit de Dieu en nos entrailles.

  A021000617 

 Ma Fille, il faut de tems en tems vous exercer a cette abnegation et nudité, et la demander a Dieu en tous vos exercices; mais quand il vous arrivera quelque autre trait d'amour, d'union envers Dieu et de confiance, il faut les [57] bien exercer, sans les troubler par l'abnegation, a laquelle vous laisseres sa place a la fin et en son lieu..

  A021000620 

 Je ne vay pas, ma tres chere Fille, la part ou l'on vous avoit dit, car je vis encor en obedience qui m'est imposee, non de la part de Dieu, mais du monde, permise neanmoins de sa divine Providence: c'est pourquoy j'y acquiesce..

  A021000658 

 J'attens de jour a autre ce quil me faut de Romme [61] pour prendre la possession de l'Evesché, et tout aussi tost que je l'auray receu, vous en aures, Dieu aydant, advis..

  A021000659 

 Icy nous avons si peu de commodité quil nous a fallu partager la somme pour la faire tenir a Lion; de maniere que pour cest'heure nous faisons tenir cinq cens escus par une commodité, et dans trois jours, Dieu aydant, le reste par un' autre commodité.

  A021000697 

 Il ne me reste donc rien, sinon la ferme espérance que Dieu fera lever bientôt le jour heureux où les Empereurs, après avoir autrefois fondé cette Eglise par leurs nombreux bienfaits, sauront de nouveau, par leur autorité et leur puissance, la rendre à son antique splendeur..

  A021000716 

 David admirait comme Dieu donne la nourriture [68] aux poussins des corbeaux; aussi est-ce chose digne d'admiration.

  A021000716 

 Faisons ce que nous devons, et Dieu ne nous manquera pas.

  A021000716 

 Ne croyez pas à moi, [69] croyez à Notre-Seigneur: si vous abandonnez ces petites pensions particulières et les rendez communes, vous ne mourrez point; il vous semblera mourir, mais cela ne sera pas; en échange d'une pension, Dieu vous en donnera cent en ce monde, dit la divine Parole, et la vie éternelle en l'autre.

  A021000720 

 Or, pendant qu'Ismaël, c'est-à-dire le désir et la sollicitude, n'attaque pas votre vœu, bien qu'il demeure en votre Maison, j'en suis content, et Dieu ne se tiendra pas pour offensé.

  A021000721 

 L'affection que vous avez à la propriété vous semble aussi petite; néanmoins, sa malice peut être si grande qu'elle dessèche le bel arbre de votre Monastère et vous prive du titre de Filles de Dieu.

  A021000745 

 Dieu y mette sa bonne main et vous veuille donner longue et heureuse vie..

  A021000766 

 Au Reverend Pere en Dieu,.

  A021000792 

 Aymons-nous de plus en plus, mon cher Frere, et Dieu soit nostre plus grand amour..

  A021000849 

 Mais avec cela, ma tres chere Fille, je ne pers point courage, et pendant que Dieu me donnera des annees, des mois, des semaines, des jours et des heures a vivre en ce monde, j'espereray tous-jours la sainte et glorieuse æternité de l'autre..

  A021000853 

 Or tout cela [84] n'est rien, ma chere Fille; je me porte fort bien maintenant, et si bien que je fis tous les Offices et de la nuit et du jour de Noël, despuis lequel je me suis encor beaucoup mieux treuvé, Dieu merci..

  A021000858 

 A Dieu, ma Fille, tout ce qui m'appartient est vostre, specialement ma mere.

  A021000889 

 Monsieur Darchant desiroit que j'allasse en personne, mais ces festes et un empeschement secret m'en excusent devant Dieu et les hommes.

  A021000905 

 Dieu donne a celuy ci beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere qui veille sur luy; que longuement puisse-il jouir de ce bonheur!.

  A021000907 

 Et quand je dis de mon ame, je dis de toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a conjoint inseparablement..

  A021000907 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenuës a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est, certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A021000907 

 Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant.

  A021000908 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon par ce que mon cœur se mest tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A021000908 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument dis-joint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux! et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux je ne le fay pas; maisje sçai pourtant bien que, en verité et sans feintise, je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A021000909 

 Vostre façon d'orayson est bonne; soyes seulement bien fidelle a demeurer aupres de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormissement entre les bras de sa providence et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable..

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000911 

 Or, cela est sous la main de Dieu, et moy je n'oserois en rien dire, ni directement ni indirectement, car j'en effaroucherois les plus anciennes et gasterois tout pour le present.

  A021000913 

 Je n'ay sceu encor mettre la main au livre de l' Amour de Dieu, ayant esté continuellement agité des mon retour, et mesme ayant presché toutes les festes et Dimanches, a cause de l'absence de nostre prsedicateur..

  A021000914 

 Je persevere a la resolution d'aller a Salins, en quoy neanmoins plusieurs difficultés me sont survenues a l'improveu; mais il les faut surmonter, Dieu aydant, pourveu qu'elles ne grossissent plus.

  A021000917 

 Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre graces a sa Bonté..

  A021000917 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelque autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche.

  A021000917 

 Se tenir en la presence de Dieu et se mettre en la presence de Dieu, ce sont, a mon advis, deux choses; car pour s'y mettre, il faut revoquer son ame de tout autre object et la rendre attentive a cette presence actuellement, ainsy que je dis dans le livre.

  A021000919 

 Mon Dieu, chere Fille, que c'est une bonn' orayson et que c'est une bonne façon de se tenir en la presence de Dieu que de se tenir en sa volonté et en son bon playsir! Il m'est advis que Madeleyne estoit une statue en sa niche, quand, sans dire mot, sans se remuer, et peut estre sans le regarder, ell' escoutoit ce que Nostre Seigneur disoit, assise a ses pieds.

  A021000920 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions'que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000922 

 Ce grand Dieu soit a jamais nostre Tout..

  A021000922 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A021000924 

 Tenes ferme, chere Fille, ne doutes point; Dieu nous tient de sa main et ne nous abandonnera jamais.

  A021000926 

 Et loué soit le bon Pere Saint Joseph! Dieu vous benisse de mille benedictions..

  A021000955 

 En vous présentant nos très humbles hommages, nous prions Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A021000963 

 A Dieu, ma Fille.

  A021000963 

 Je me suis consolé a prescher de la crainte de Dieu a mon cher peuple, et je me consoleray a prescher de son amour a ma chaste troupe de colombelles, entre lesquelles je vous regarde comme la toute mienne en Celuy a qui nostre cœur est donné.

  A021000975 

 Soyes donq tous-jours toute a Dieu, sans laisser emporter vostre cher cœur au torrent des distractions que les affaires, et sur tout les proces, produisent; prenes garde que vostre soin ne se convertisse en troublement et inquietude d'ame.

  A021001002 

 Il faut bien vouloir servir ce cher cœur [105] dans ses maladies, ouy mesme il faut le caresser quelquefois, et lier nos passions et nos inclinations avec des chaisnes d'or, qui sont les chaisnes de l'amour, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A021001011 

 Je loue Dieu de l'un et de l'autre, puisque sans doute c'est sa mesme main paternelle qui nous abbat pour nous faire rentrer en nous mesme, et nous releve pour nous faire [entrer en luy] regarder a luy.

  A021001070 

 Et maintenant, Monsieur, je viens trop tard pour contribuer de la consolation a vostre cœur, lequel aura, je m'asseure, des-ja receu beaucoup de soulagement, pour ne plus demeurer au regret qu'une si sensible affliction luy avoit donné; car vous aures bien sceu considerer que ce cher enfant estoit a Dieu plus qu'a vous, qui ne l'avies qu'en prest de cette souveraine liberalité.

  A021001088 

 Dieu vous comble de toute sainte felicité, Monsieur, et vous rende de plus en plus favorable a cherir.

  A021001105 

 Dieu, par apres, la consideration duquel a donné naissance a cette si grande liayson, la benira de sa sainte grace, affin qu'elle soit fertile en toute consolation pour l'un et l'autre des cœurs qui, ensemblement, l'un par l'autre et l'un en l'autre, ne respirent emmi cette vie mortelle que d'aymer et benir l'eternité de l'immortelle en laquelle vit et regne la vie hors de laquelle tout est mort.

  A021001105 

 Et qu e veux je au Ciel et en la terre pour mon tres honnoré filz et pour moy, sinon de vivre a jamais de cette vie des enfans de Dieu? [115].

  A021001112 

 Je m'imagine que vous estes sur vostre depart pour Languedoc, ma tres chere Fille (car c'est le mot du cœur), et avant que vous soyes en chemin, je vous resalue mille et mille fois, priant Dieu qu'il vous accompaigne et vous tienne tous-jours de sa sainte main, puisque, par sa bonté, il vous a saysie affin que vous fussies a jamais toute sienne..

  A021001113 

 Quel bonheur, Madame, d'estre toute a Dieu! car il ayme les siens, il les protege, il les conduit, il les met au port de la desirable eternité.

  A021001114 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A021001142 

 Aussi, implorant pour elle le comble des grâces de Dieu notre Seigneur, je demeure enfin et sans fin,.

  A021001163 

 Je dois, par tous moyens, chercher à le faire pour ne pas offenser Dieu, car j'entends chaque jour des nouvelles qui m'affligent beaucoup; de sorte que, à cause du relâchement du Clergé, je vois que ma présence est nécessaire en l'évêché de Genève..

  A021001201 

 Ma Fille, souvent les fleurs croissent plus belles sur les fumiers que dans les jardins de belle apparence; a cause de la bassesse ou vous vous tenes, Dieu fera de [123] grandes choses en vous.

  A021001211 

 Dieu, a qui je suis, fasse de moy selon son bon playsir; peu m'importe ou j'acheveray ce chetif reste de mes jours mortelz, pourveu que ce soit dans sa grace.

  A021001211 

 Selon le sens, j'aymerois mieux le repos de deça, qui me seroit infiniment paysible apres l'issue de l'affaire qui se traitte de dela; mais je renonce aux sens, au sang et a la chair, et veux servir en esprit et en verité a Dieu et a son Eglise en toutes les occurrences.

  A021001221 

 Or, vostre cœur est tel, ma tres chere Fille, et Dieu le benisse a jamais, ce cœur-la, et le tienne tous-jours en la tressainte humilité et douceur interieure..

  A021001221 

 Rien ne nuit a ceux qui sont tout a fait resoluz d'aymer Dieu sur toutes choses et en toutes choses.

  A021001222 

 Je n'ay nul loysir d'escrire a la chere Mere, mais je la salue de tout mon cœur par l'entremise du vostre tres cher, ma Fille, que Dieu a uni au mien en sa sainte dilection..

  A021001235 

 Je voy que vostre cœur a tous-jours un grand desir de bien faire et une crainte de l'imprudence; mais ne le tourmentés point, je vous prie, ce cœur bien-aymé; redresses le doucement pour l'amour de Dieu a qui il est dedié, qui le benira et favorisera en tout ce qui sera pour sa gloire.

  A021001236 

 Il faut estre tres humble et courageuse, et Dieu sera vostre force.

  A021001248 

 Mays comm' il a quitté son pere pour Dieu, il a quant et quant quitté tous les moyens de sa mayson; et si ceux que Vostre Altesse donne a la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion de Tonon pour le refuge des convertis estoyent effectivement receuz selon son [128] intention, j'eusse procuré qu'il en eut eu sa part; mays cela n'estant pas, je supplie tres humblement Vostre Altesse de le gratifier de sa providence paternelle, affin que par sa liberalité, ou par l'employ de la personne d'iceluy, il puisse subsister.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001249 

 Ainsy Dieu la face de plus en plus prosperer, et je suis invariablement,.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001270 

 J'ay fait des resolutions bien grandes de me reposer [130] entierement en Dieu, de suivre tranquillement sa providence et de ne tenir gueres de conte de cette prudence naturelle, specialement es choses qui dependent de la celeste grace, comme les vocations de nos Seurs, l'erection des Maysons et la conduite d'icelles..

  A021001271 

 Soyes toute courageuse, ma chere Fille; Dieu est nostre Tout, et il tient le cordeau de nostre conduite dans les labyrinthes et embarras que la sagesse humaine fait en cette vie mortelle; tout reuscit a bien a ceux qui l'ayment ....

  A021001277 

 De mesme, je vous veux regarder comme pere, a [131] cause des advantages de nature et de grace que Dieu vous a donnez au dessus de moy; et comme frere, puisque Dieu nous a mis en mesme rang de pastorat en l'Eglise de Dieu.

  A021001277 

 Et puisque vous le voules ainsi, comme fils (et fils unique, puisque Dieu ne s'est point servi de mon ministere pour consacrer aucun autre Evesque que vous), à raison de la grace que Dieu a respanduë en vostre ame par l'imposition de mes mains; grâce que je ne vous conjure pas de resusciter en vous, car je suppose qu'elle n'y est jamais morte, mais de ne la laisser point vuide, c'est a dire inutile, mais de l'employer utilement au service de nostre grand Maistre, selon les talens qu'il a pleu a sa bonté vous communiquer.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001305 

 Dieu vueille qu'ils ne fassent rien de pis que de manger des œufs ou des bœufs, des fromages ou des vaches; s'ils ne faisoient point de plus grands desordres, il n'y auroit pas tant de plaintes contre eux..

  A021001320 

 mais bien sain, Dieu merci, pour tout le reste..

  A021001329 

 Cependant, mille et mille fois le bonsoir, et Dieu soit vostre repos.

  A021001338 

 Bonsoir, ma tres chere Mere; Dieu benisse nostre cœur.

  A021001395 

 Ne vous estonnes de rien qui puisse arriver; recommandant tout [140] a la misericorde de Dieu, suives tous-jours ce chemin, car il n'y en a point d'autre..

  A021001396 

 Divertisses vous le plus que vous pourres; ne les regardes point, ne les espluches point, mays remettes vous humblement en Dieu, luy recommandant le tout.

  A021001404 

 Je [141] ne veux plus que vous marchies comme un enfant, pointillant tant autour de vos actions, les espluchant de si pres; contentes vous que vous ne voudries, pour mourir, offencer Dieu a escient.

  A021001405 

 Adores Dieu le plus souvent que vous pourres par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur, desquelz je vous ay si souvent parlé.

  A021001405 

 C'est icy un des grans articles du prouffit spirituel, parce que nostre esprit hantant si souvent et familierement son Dieu, il se parfume tout de ses perfections..

  A021001406 

 Repetes souvent vos grandes resolutions de ne jamais vouloir offencer Dieu, comme faysoit David, s'escriant: Non, mon Sauveur, jamais eternellement je n'oublieray vos saintes volontés, car en icelles, vous m'aves vivifié..

  A021001407 

 Lises peu a la fois, mais avec attention et devotion, et si vous rencontres quelque chose qui vous console, esleves vostre esprit, benisses Dieu qui l'a inspiré a l'escrivain.

  A021001416 

 Outre les deux ordinaires motifz d'aymer les parens et amis, par nature et consideration de vostre devoir, adjoustes le troysiesme: parce que Dieu veut que vous les aymies en luy, par luy et pour luy, car cet amour est eternel, et non point fragile; doux, mais non point pliable; ardent, mais non point empressé; affectionné, mais non point chastouilleux.

  A021001422 

 Mais cette mesme volonté de Dieu qui nous envoye les maladies spirituelles ou corporelles veut que nous nous servions des remedes qu'elle donne, et que nous tenions nostre volonté preste pour recevoir ou la [143] guerison ou la continuation du mal, comme bon luy semblera.

  A021001422 

 Tout ce qui nous arrive nous vient indubitablement de la volonté de Dieu, hormis le peché.

  A021001426 

 Courage, servons bien Dieu, ma chere Fille; tenons nos cœurs bien fichés dans son costé sacré, ne nous troublons de rien.

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001436 

 Et comme le corail, tandis qu'il est en la mer, est un arbrisseau mossu, verdastre et sans beauté, si tost qu'il en est tiré, il rend son vermeil et son lustre: de mesme, tandis que l'amitié trempe aux objectz des sens, elle n'a ni beauté ni bonté; mais si tost qu'elle est tiree en Dieu, en l'esprit, en la charité, elle se treuve en sa perfection..

  A021001446 

 Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur vous a sauvee en souffrant et endurant, et que, de mesme, nous devons faire nostre salut en souffrant les injures et les contradictions et desplaysirs; et partant, il les faut endurer avec le plus de douceur et de resignation qu'il sera possible, selon la mesure qu'il plaist a Dieu les nous envoyer..

  A021001447 

 Pour ne vous point troubler de ce qui arrive en cette vie temporelle, penses souvent a sa briefveté et a l'eternité de la future; penses aussi a la Providence de Dieu, laquelle, par des ressortz inconneus aux hommes, conduit toutes sortes d'evenemens au prouffit de ceux qui le craignent.

  A021001458 

 Ma chere Fille, non certes, je ne doute ni peu ni prou de vostre confiance; aussi vous dis-je que je veux vous employer comme chose qui m'est entierement remise, pour estre maniee selon mon gré au service de Dieu..

  A021001466 

 Celuy, a la verité, est tres bon et fidele serviteur qui ne regarde d'avoir response conforme a sa volonté, mais veut seulement ce qu'il oyt et entend estre a Dieu aggreable par la response qu'il luy plaist de faire, conformant sa volonté a celle de la divine Majesté..

  A021001466 

 Saint Augustin dit qu'il rapportoit « a Dieu ce qu'il pouvoit voir et penser, bien que ce fust chose de petite [147] consequence et de neant; toutefois, il luy en demandoit conseil du mieux qu'il luy estoit possible, comme a la Verité qui preside.

  A021001466 

 » Plusieurs personnes demandent conseil a Dieu de diverses choses; il respond a tous par une seule response et tout a coup, par parole ouverte et claire; mais ilz ne l'entendent pas tous-jours, bien qu'il ayt parlé clairement, car ilz s'addressent a luy pour demander conseil de ce qu'ilz veulent, et ilz n'ont pas tous-jours ce qu'ilz demandent.

  A021001468 

 Saint Pierre dit: Purifies vos ames en l'obeissance laquelle ne procede pas de la seule necessité, ains d'une franche volonté et desir de plaire a Dieu.

  A021001469 

 Faites ce que celuy qui vous a en charge dit, pourveu que vous n'y reconnoissies point de peché; et par consequent, veuilles ce que veut vostre superieur, et vous voudres ce que Dieu veut: et vous voyla vrayement obeissante et contente..

  A021001469 

 Ne desires rien que ce que Dieu veut.

  A021001470 

 Je prie Dieu qu'il vous octroye cette grace, de l'amour de la volonté de Dieu.

  A021001482 

 C'est grand cas! je suis tous-jours apres ces choix que je voudrois que nous n'eussions point, pas mesme parmi les hommes; combien moins avec Dieu..

  A021001513 

 Dieu nous souffre dans nos inutilités, miseres et malices, et nous devons vouloir estre pauvres, infirmes, miserables et imparfaitz pour Dieu.

  A021001513 

 Nous ne sommes point esloignés de Dieu par cette indisposition, ains nous nous en approchons, d'autant que l'amour nous sanctifie dans ces estatz qui semblent si bas..

  A021001520 

 Non, on n'offroit point d'holocauste en l'ancienne Loy qu'elle ne fust du tout escorchee: il faut que vostre cœur soit escorché tout vif, pour estre offert en holocauste vivant a nostre Dieu.

  A021001520 

 Resignations, renoncement des consolations exterieures, des interieures, des corporelles, cordiales: que nous doit-il chaloir de tout cela, pourveu que Dieu [nous] ayme? et il nous ayme, pendant que de la pointe de nostre cœur nous nous tenons a luy.

  A021001521 

 A Dieu, ma chere Fille; a Dieu, dis-je, soyes-vous, et vous, et vostre cors, et vostre cœur, et vostre ame.

  A021001521 

 Mon Dieu, que souffrons-nous a l'esgal? Oh! que la rayson veut bien que l'espouse souffre quelque chose pour tesmoigner ses amours reciproques et adherer a son Espoux.

  A021001524 

 A Dieu, ma chere Fille: la sacree Vierge nostre Dame soit a jamais nostre belle estoille, et son Filz nostre unique Soleil.

  A021001536 

 Il [l'amour] ne consiste pas aux plus grans goustz et sentimens, mais en la plus grande et ferme resolution et [153] desir de contenter Dieu en tout, et tascher, autant que nous pouvons, de ne l'offenser point, et de prier que la gloire de son Filz aille tous-jours augmentant.

  A021001536 

 Nous ne sçavons pas que c'est d'aymer Dieu.

  A021001546 

 Celuy qui veut estre entierement a Nostre Seigneur doit souvent examiner son cœur pour voir s'il est point attaché a quelque chose de la terre; et s'il treuve qu'il n'y a rien que ce soit qu'il ne voulust quitter pour faire la volonté de Dieu, c'est une grande fidelité, avec laquelle il doit demeurer en repos, et doit prendre tout ce qui luy arrive comme de la main de Dieu, simplement..

  A021001547 

 Nous n'avons rien en nostre pouvoir que le simple acte de foy: c'est pourquoy il ne nous faut point fascher quand nous n'avons ou ne pouvons ceci ou cela; il faut tout attendre de la volonté de Dieu.

  A021001548 

 O Dieu! reposons nous entierement sur cette Providence sacree, et demeurons entre ses bras comme un petit enfant sur le sein de sa mere..

  A021001549 

 Il se faut attacher a la fin, qui est Dieu, et a sa volonté, et non pas aux moyens; il s'y faut bien affectionner, mais non pas en sorte que si Dieu les oste il s'en faille troubler.

  A021001551 

 L'esprit de douceur, c'est le vray esprit de Dieu; l'esprit de souffrance, c'est l'esprit du Crucifix.

  A021001553 

 La croix est de Dieu: il ne [la] faut point regarder, mais s'y accommoder, comme l'on feroit avec une personne avec laquelle il faudroit tous-jours demeurer; il n'y faut plus penser, mais aller doucement, et prendre toutes [155] choses simplement, dè la main de Dieu, sans aucune reflexion.

  A021001559 

 Que les grandes et profondes maximes de verité et l'exercice de resignation facent nostre chemin pour honnorer et glorifier Dieu et luy plaire..

  A021001559 

 Que nostre vie, comme la sienne, soit cachee avec luy en Dieu; je veux dire, avec Jesus Christ.

  A021001559 

 Saint Bernard dit que c'est la parole de la fervente indifference, qui n'a rien a faire que ce que Dieu veut et se sousmet a tout ce qu'il luy plaist.

  A021001560 

 Pour acquerir la sainte promptitude a bien faire, il la faut demander a Dieu et ne laisser passer aucun jour sans en prattiquer quelqu'action particuliere a cette intention; car l'exercice sert merveilleusement pour se rendre un chemin aysé a toutes sortes d'operations.

  A021001568 

 La charité comprend toutes les vertus: ses actespropres regardent Dieu directement, pour s'unir a luy, s'abandonner, resigner et semblables; les autres, elle les commande, comme la chasteté, l'humilité..

  A021001569 

 Ah! il faut diviniser les vertus que l'on a naturellement, les dressant toutes a Dieu, et toutes ses bonnes actions..

  A021001585 

 Il faut a tout moment se retourner a Dieu, mesme parmi l'action.

  A021001588 

 Les spirituelz sont ceux qui sont resolus de plustost mourir, voire de souffrir tous les travaux du monde, que d'offenser Dieu.

  A021001597 

 Et luy obeisses bien en toutes vos [159] necessités, car ce sont les messageres de la volonté de Dieu..

  A021001605 

 Que j'ay de consolation en cette incomparable unité que la main de Dieu a faitte, et que nul autre ne pouvoit faire! Playse a cette supresme Puissance nous en donner une eternelle jouissance..

  A021001611 

 Nous n'avons rien que nous voulions reserver ni excepter en nos affections qui ne soit tout a Dieu.

  A021001613 

 Ouy, ma chere Fille, il faut conserver l'asseurance que Dieu nous conservera et conduira, bien que les sentimens soyent passés; mais une asseurance fort humble et sousmise.

  A021001614 

 O Dieu, qui estes la seule affection de toutes nos affections, tenes, voyla nostre unique cœur que nous vous donnons.

  A021001622 

 La Providence de Dieu doit estre nostre unique recours en toute occasion; puisque nous sommes siens, il nous rendra toutes choses bonnes et utiles.

  A021001642 

 Elle n'est croix que parce que nous ne la voulons pas; et si elle est de Dieu, pourquoy donq ne la voulons nous pas?.

  A021001642 

 La croix est de Dieu, mais elle est croix parce que nous ne nous joignons pas a elle; car, quand on est fortement resolu de vouloir la croix que Dieu nous donne, ce n'est plus croix.

  A021001655 

 Demeurés ainsy toute en Dieu, ou sensiblement, ou par la foy; aymés vostre pauvreté, car il est escrit que les yeux du Seigneur regardent sur les pauvres et que ses oreilles escoutent leurs prieres..

  A021001655 

 Oh! demeurés pleine d'humilité, de simplicité, de courage et de joye cordiale devant Dieu, qui est le tres unique object de nostre amour et de nostre ame.

  A021001656 

 Il ne se faut point soucier de se sentir foible, sçachant que Dieu est fort et bon pour nous.

  A021001656 

 contraire, ma Fille, j'ayme mieux estre [164] foible que fort devant Dieu; car les infirmes il les porte entre ses bras, et les fortz il les mene par la main..

  A021001657 

 Ne regardes point, ma chere Fille, si vous estes cause de vos aridités; mays, soit que vous en soyes cause ou non, convertisses les a la gloire de Dieu, les luy offrant en sacrifice comme souffrances et penitences de vos pechés..

  A021001659 

 En fin, il se faut souvent mettre en la sainte indifference et dire: Je ne veux ni cette vertu ni l'autre, je ne veux que l'amour de mon Dieu, le desir de son amour et l'accomplissement de sa volonté en moy..

  A021001668 

 Ah! ma chere Fille, Dieu nous le donne, ce saint amour auquel nous aspirons! Mais, aspirons y donq tout de bon.

  A021001673 

 Dieu soit beny! Amen.

  A021001680 

 Oh! que nous serions heureux si nous ne prenions point garde a ce que nous faysons ou souffrons, mais seulement que nous sommes accomplissant la volonté de Dieu, et que ce fust la tout nostre contentement!.

  A021001681 

 C'est une tres grande et parfaite simplicité de n'arrester volontairement son esprit qu'en Dieu seul.

  A021001681 

 Vous ne sçauries faire un sacrifice plus aggreable [à Dieu], ni plus utile a vous, a cause de l'activité de vostre esprit.

  A021001698 

 Uses d'acquiescement; cela fait, retournes aux actes d'amour et a vostre simple remise et delaissement de toute chose a Dieu, vous divertissant, si la chose presse; et alles simplement, confidemment, negligemment, a la bonne foy..

  A021001698 

 [168] Resignes tout cela a Dieu, demeurant en vostre abandonnement et remise de vous mesme a sa conduite.

  A021001706 

 Ah, vive Dieu! tout ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien; mon Dieu m'est tout en toutes choses..

  A021001706 

 La dessus, dire des paroles de fermeté, de mespris, de courage et de force avec la partie superieure, et ne s'arrester jamais a regarder rien de tout cela, mais [169] passer outre en vostre chemin, n'ayant nul soin du lendemain, car il n'en faut point avoir; mais alles a la bonne foy, sous la providence de Dieu, ne vous souciant que du jour present, laissant vostre cœur a Nostre Seigneur, car vous le luy aves donné, sans jamais le vouloir reprendre pour aucune chose.

  A021001707 

 Il se faut contenter de sçavoir que l'on fait bien, par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni les connoissances particulieres, mais marcher comme aveugle dans cette Providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres et toute autre sorte de croix, s'il plaist a Nostre Seigneur que nous le servions ainsy; demeurant parfaitement abandonnee a sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laisser faire; jettant sur sa Bonté tout le soin du cors et de l'ame, demeurant ainsy toute resignee, remise et reposee en Dieu sous ma conduite, sans soin que d'obeir.

  A021001715 

 En fin, il se faut tenir en l'estat ou Dieu nous met: en la souffrance, souffrir; en la peyne, patienter; et voyla la vertu en laquelle il faut demeurer tranquille, sans reflexions d'esprit pour regarder ce que souffre l'ame, ce qui luy donne peyne, ce qu'elle fait, ce qu'elle a fait, ou qu'elle fera.

  A021001715 

 Et qu'elle demeure en cette simple veuë de Dieu et de son neant, patiente et souffrante; car Dieu nous monstre qu'un pauvre petit esprit se doit de tout et en tout simplement retourner a luy.

  A021001715 

 Il [ne] faut point laisser faire tant de choses a l'esprit; il le faut retenir doucement, et l'accoyser en Dieu par un mouvement d'amour en la partie superieure, tant parmi les tentations, douleurs, afflictions, craintes, qu'en tous autres evenemens, quelz qu'ilz puissent estre..

  A021001715 

 Il faut demeurer entre les mains de Nostre Seigneur comme un instrument inutile, toute abandonnee a son saint vouloir et Providence, et se contenter de demeurer ainsy doucement, sans vouloir le sentir ni en faire des actes, demeurant en la connoissance que Dieu luy monstre.

  A021001716 

 Laysses tout ce qui vous regarde generalement a la Providence de Dieu: qu'elle gouverne et dispose du cors, de l'esprit, de la vie, de l'ame et de tout selon sa tres [171] sainte volonté, sans penser, vouloir, discerner ou craindre chose quelconque.

  A021001721 

 O Dieu, vous estes mon esperance! Je suis toute foible, mais toute vostre, appuyee [sur vous] et attendant vostre secours, car vous estes proche de l'affligé.

  A021001721 

 Quand l'on est parmi les afflictions interieures sans treuver ou mettre son pied pour treuver repos, alhors il faut, le mieux que l'on peut, regarder nostre cher Capitaine et seule esperance, le doux Jesus; voir son abandonnement au combat de sa Passion et, a son imitation, batailler de deux sortes d'armes: l'une, de la patience et resignation en la volonté de Nostre Seigneur, s'offrant d'avaler ce calice et mettant, avec Job, vostre cordiale consolation a estre ainsy qu'il plaira a Dieu, parce qu'il le veut, et autant de tems qu'il le voudra, sans luy prefiger le terme ni conter les jours comme ceux de Bethulie, remettant le tout a sa Providence amoureuse.

  A021001733 

 Nos cœurs doivent avoir un entier repos en la volonté de Dieu, ou qu'elle nous porte..

  A021001737 

 Vives toute a Dieu en la tressainte nudité de toutes choses, et sur tout de vous mesme.

  A021001751 

 Il faut faire deux choses specialement: l'une, de s'oublier de toutes choses pour le continuel souvenir de [174] Dieu; si que toutes les fois que vous vous treuveres hors de Dieu, il y faut ramener vostre esprit tout doucement, sans faire aucun acte.

  A021001751 

 L'autre, qu'il faut tous-jours se desnuer et despouiller, et demeurer entre les mains de Dieu comme instrument inutile, le laissant operer en nous sans resistance, demeurant ainsy en cet abandonnement, et se contenter.

  A021001756 

 Le prouffit de l'ame ne gist point a penser beaucoup a Dieu, mais a l'aymer du bon du cœur; et cet amour s'acquiert en se determinant de faire et souffrir beaucoup pour Dieu.

  A021001760 

 — En tous les troubles, il faut essayer de s'accoyser en la presence de Dieu pour l'amour de sa dilection.

  A021001772 

 Ma chere Fille, Dieu nous face bien aymer la sainte abjection et savourer les delices de la sacree pauvreté.

  A021001781 

 Or sus, Dieu tire sa gloire de l'ignominie de ceux qui l'abandonnent.

  A021001790 

 Celuy qui ne veut rien retenir pour soy est tout a Dieu..

  A021001790 

 Il faut recevoir de toutes mains les advis que Dieu nous donne; faut seulement les faire examiner par celuy qui gouverne, et prattiquer fidellement ceux qui simplifient l'esprit.

  A021001791 

 La plus grande asseurance que nous pouvons avoir en cette vie consiste en ce pur et irrevocable abandonnement de tout son estre entre les mains de Dieu et en l'absolue resolution de ne jamais vouloir, pour chose que ce soit, consentir a faire volontairement aucun peché grand ni petit; car nous ne sommes pas plus asseurés quand nous sentons l'amour de Dieu que quand nous ne le sentons pas.

  A021001795 

 Il faut vivre tout a Dieu, par la volonté de nos Superieurs..

  A021001796 

 Quand il arrive de ces soupçons, opinions, sentimens, mesfiances, desirs, assautz et semblables, il ne se faut nullement forcer de les surmonter par imagination ni autrement; il ne s'y faut point amuser du tout, mais dire promptement: « Mon Dieu et mon tout! » Vive Dieu! VIVE JESUS!.

  A021001797 

 En fin, il ne faut que Dieu seul et sa tressainte volonté, sans meslange aucun.

  A021001797 

 Il faut rejetter au loin toutes creatures en la presence de Dieu, ne voulant absolument que luy, car il ne faut point mesler les creatures avec le Createur; la creature nous aymera autant que Dieu voudra, et nous ferons le mesme.

  A021001798 

 Il faut de plus en plus retirer tout nostre cœur en la divine Bonté, relever son cœur en haut vers son Dieu, pour l'aymer avec une tous-jours plus grande pureté, sincerité, innocence et vaillance spirituelle, et vivre toute douce, toute jointe au Sauveur.

  A021001802 

 Quand l'on se sent saysi de douleur pour la charge de quelque personne qui moleste grandement, il faut soudain offrir a Dieu cette croix et l'accepter de tout son cœur, se sousmettant a la porter toute sa vie, si ainsy luy plaist; puis, demeurer doucement contente dans sa souffrance et regarder cette personne avec honneur et respect, comme estant donnee de Dieu pour nous exercer en toutes vertus, considerant la grace de Dieu envers nous, qui nous fait tirer prouffit des fautes des autres.

  A021001802 

 Que si cette personne revient a s'adoucir, o Dieu, il faut fondre sur elle en suavité, sans luy jamais parler du passé.

  A021001811 

 O ma Mere, que c'est un grand contentement a nostre ame vrayement dediee a Dieu, de cheminer les yeux fermés, selon que la souveraine Providence la conduit de tems en tems; car ses raysons et jugemens sont impenetrables, mais tous-jours doux, tous-jours suaves, tous-jours utiles a ceux qui se confient en luy.

  A021001811 

 Que voulons nous, sinon ce que Dieu veut? Laissons luy conduire nostre ame, qui est sa barque, il la fera surgir a bon port.

  A021001815 

 Je sens mon esprit, ce me semble, plus tendant a la pureté du service de Dieu et a l'eternité que jamais..

  A021001824 

 Il faut laisser plein pouvoir a Dieu de nous mener la part ou il voudra, et faut dire avec Isaïe: Envoyes-moy ou il vous plaira, Seigneur, car estant envoyee de vostre part, je suis bien asseuree qu'en quelle part que je sois vous m'ayderes a executer vos commandemens.

  A021001825 

 Je loue Dieu de ce qu'il nous envoye des tribulations qu'il sçait nous estre convenables, specialement quand je voy en ce lieu une telle necessité et famine, qu'on parle de pain sans le voir ni sçavoir que c'est.

  A021001832 

 Quantité d'ames recourent a moy pour sçavoir comme il faut servir Dieu; secoures moy bien par vos prieres, car pour l'ardeur je l'ay plus grande que jamais; mais, voyes vous, tant d'enfans se jettent entre mes bras et me succent les mammelles, que j'en perdrois la force si l'amour de Dieu ne me revigoroit..

  A021001836 

 Je les disois ce matin a Dieu, mais je n'ose plus les dire maintenant, parce que j'ay treuvé que je ne sçay que trop ce que Dieu veut que je face: il veut que je me [182] mortifie en toutes les puissances de mon ame et que je sois un vaysseau d'eslite pour porter son sacré Nom parmi le peuple.

  A021001840 

 Je suis fort pressé, et me semble que je n'ay nulle force pour resister et que je succomberois si l'occasion m'estoit presente; mais, plus je me sens foible, plus ma confiance en Dieu est vive, et je m'asseure qu'en presence des objectz je serois revestu de la force et vertu de Dieu, et que je devorerois mes ennemis comme des aigneletz..

  A021001845 

 Si vous sçavies comme Dieu traitte mon cœur, vous en remercieries sa Bonté, et le supplieries qu'il me donnast le don de conseil et de force pour bien executer les inspirations de sapience et d'entendement qu'il me donne.

  A021001857 

 Un jour que Dieu sçait, nous irons vers eux; et ce pendant, apprenons soigneusement le cantique du saint amour, affin que plus parfaitement nous le chantions en cette sacree eternité..

  A021001865 

 Il m'est advis que nous ne devons plus vivre qu'a Dieu; mon cœur, mon courage fait une nouvelle saillie pour cela, et luy semble qu'il sera vray..

  A021001871 

 Il faut bien tenir fermes en nous ces cheres vertus: la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu..

  A021001872 

 La vraye sainteté gist en la dilection de Dieu, et non pas a faire des niaiseries d'imaginations de ravissemens qui nourrissent l'amour propre, dissipent l'obeissance et l'humilité.

  A021001872 

 Mais venons a l'exercice de la veritable douceur et sous-mission, au renoncement de soy mesme, a la souplesse de cœur, a l'amour de l'abjection, a la condescendance aux intentions d'autruy: c'est cela qui est la vraye et plus aymable extase des serviteurs de Dieu..

  A021001876 

 Jamais l'on ne parviendra a la hauteur de la perfection de l'amour de Dieu qu'on ne se soit profondement [185] abaissé par l'humilité.

  A021001880 

 Il faut faire ses actions par l'obligation que nous y avons, ou par un simple acquiescement au bon playsir de Dieu, et faire ceci autant dans l'orage que dans le calme..

  A021001881 

 La vraye et sainte science, c'est de laisser faire et desfaire a Dieu, en soy et en toute chose, ce qui luy plaira, sans avoir d'autre vouloir ni eslection, reverant d'un profond silence ce que l'entendement de la foiblesse humaine ne peut comprendre, car ses desseins peuvent estre cachés, mais tous-jours justes.

  A021001881 

 Le tresor des ames nettes ne consiste pas a avoir des biens et faveurs de Dieu, ains a le rendre content, ne voulant ni plus ni moins que ce qu'il donne..

  A021001888 

 Et il nous faut ainsy traitter nous mesme, de sorte qu'ayant reparé l'offense de Dieu, de laquelle il nous faut estre bien marris, il faut aymer et embrasser de bon cœur le mespris et l'abjection qui nous en revient..

  A021001893 

 C'est le grand mot de nostre repos, de souvent prevoir l'empirement de nos affaires et travaux et nous y disposer, et quand les accidens arrivent, user de la domination que nostre volonté superieure a sur l'inferieure; car d'empescher que cette partie inferieure ne gronde et chagrine, il n'est pas possible; mais il la faut laisser faire, et mettre la superieure en son estre, acceptant de bon cœur ce que Dieu veut ou permet nous arriver, a la façon que Nostre Seigneur fit dans son agonie: Mon ame est triste jusqu'a la mort.

  A021001898 

 Ce grand Saint, apres tant de ravissemens, ne laissoit souventesfois d'experimenter la misere de nostre nature, quand il s'escrioit: O moy miserable, qui me delivrera du cors de cette mort? En fin, il ne se faut point estonner ni rendre lasche pour nos infirmités et instabilités; mais, en s'humiliant doucement et tranquillement, il faut remonter son cœur en Dieu et poursuivre sa sainte entreprise, se confiant et appuyant en Nostre Seigneur, car il veut fournir tout ce qui est necessaire pour l'execution, ne nous demandant rien que nostre consentement et fidelité..

  A021001900 

 Nous devons aymer et affectionner le prochain, et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur, faysant tout ce qui nous est possible pour les contenter et leur prouffiter, car c'est le desir de Dieu.

  A021001900 

 Que s'il plaist a Dieu que nous ayons l'amour de leurs cœurs, c'est une grande consolation et benediction de Dieu; que s'il ne plaist pas a sa Bonté, nous nous devons contenter de l'amour du cœur de Nostre Seigneur, et c'est bien asses..

  A021001946 

 Maintenant qu'il a plu à Dieu retirer à lui Madame sa mère, il sera plus libre et pourra plus aisément prendre cette résolution, dont je ne lui écrirai point que je n'aie de ses [193] nouvelles et que vous ne me mandiez qu'il y soit disposé.

  A021001964 

 Zele de l'Autheur pour la gloire de Dieu, et mespris dit monde..

  A021001966 

 O ma Mere, Dieu comble de benedictions vostre cœur, que je cheris comme mon cœur propre.

  A021001966 

 O ma Mere, soit que la Providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un) n'auray-je pas mieux, de n'avoir pas tant de charge, à fin que je puisse un peu respirer en la Croix de nostre Seigneur, et escrire quelque chose à sa gloire? Cependant nous escouterons, ce que Dieu ordonnera, à la plus grande gloire duquel je veux tout reduire, et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace: car vous sçavez, ma [194] tres-chere Mere, quelle fidelité nostre cœur luy a voué.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000038 

 — Preuves qui la confirment: Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine.

  A022000045 

 Dieu, règle infaillible de toute justice.

  A022000082 

 — Ordonnances diverses touchant l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, les livres hérétiques, la sanctification des jours de fête et l'instruction religieuse.

  A022000196 

 Et communieray encores chaque moys a fin de loüer Dieu de chaque revolution de la lune, et a fin que, par ce nombre d'université, je consacre mon universel aage a Dieu.

  A022000223 

 Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié? ou retirera-t-il, dans sa colère, ses miséricordes?.

  A022000224 

 Comme s'évanouit la fumée, qu'ils s'évanouissent; comme la cire fond à la face du feu, qu'ainsi périssent les assauts du démon à la face de Dieu..

  A022000224 

 Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés; et que ceux qui le [14] haïssent fuient devant sa face.

  A022000225 

 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment.

  A022000226 

 Ayez pitié de moi, ô Dieu, parce que l'ennemi m'a foulé aux pieds; tout le jour m'attaquant, il m'a tourmenté.

  A022000226 

 O Dieu, je vous ai exposé ma vie; vous avez mis mes larmes en votre présence..

  A022000229 

 Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi parce que mon âme s'est confiée en vous; et à l'ombre de vos ailes, j'espérerai jusqu'à ce que l'iniquité soit passée.

  A022000229 

 Dieu enverra sa miséricorde et sa vérité et il arrachera mon âme du milieu des petits des lions; j'ai dormi tout troublé..

  A022000229 

 Je crierai au Dieu très-haut, au Dieu qui m'a fait [15] du bien.

  A022000230 

 Pour moi, je vous adresse ma prière, Seigneur; c'est le temps de votre bienveillance, ô Dieu.

  A022000230 

 Sauvez-moi, ô Dieu, parce que les eaux sont entrées dans mon âme.

  A022000232 

 O Dieu, songez à me secourir; Seigneur, hâtez-vous de me venir en aide.

  A022000232 

 Pour moi, je suis indigent et pauvre; ô Dieu, aidez-moi.

  A022000233 

 Jusques à quand, ô Dieu, l'ennemi se livrera-t-il à l'outrage? et mon adversaire irritera-t-il toujours votre nom?.

  A022000234 

 En Dieu nous ferons preuve de valeur, et lui-même réduira au néant ceux qui nous tourmentent..

  A022000235 

 Cependant, sois soumise à Dieu, ô mon âme, puisque de lui vient ma patience.

  A022000235 

 En Dieu est mon [17] salut et ma gloire: il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu.

  A022000235 

 Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu? car c'est de lui-même que vient mon salut, car lui-même est mon Dieu et mon Sauveur; mon soutien, je ne serai plus ébranlé.

  A022000235 

 Parce que lui-même est mon Dieu et mon sauveur; mon aide, je n'émigrerai pas.

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000254 

 Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j' espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l' ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre.

  A022000261 

 Et de plus: Domine, esto mihi in Deum protectorem, et in domum refugii, ut salvum me facias; O mon Dieu, soyes mon protecteur, soyes moy lieu de refuge, sauves moy des embusches de mes ennemis.

  A022000261 

 J'ay eslevé mon cœur a vous; pour cest effect, delivres moy, o mon Dieu, de mes adversaires; apprenes moy a fayre vostre volonté, puysque vous estes mon bon Dieu; vostre bon esprit me conduira par la main au bon chemin, et vostre divine Majesté me donnera la vraÿe vie par son indicible amour et par son immense charité..

  A022000261 

 La premiere partie de cest Exercice est l' invocation; partant, reconnoissant que je suis exposé a une infinité de dangers, j'invoqueray l'assistance de mon Dieu et diray: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra [22] vigilat qui custodit eam; Seigneur, si vous n'aves soin de mon ame, c'est en vain qu'un autre en aura du soin.

  A022000264 

 La quattriesme partie est la resolution, en suitte dequoy je feray un ferme propos de ne jamais plus offencer Dieu, et specialement en ceste presente journee.

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000274 

 La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam.

  A022000275 

 La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus ), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir..

  A022000277 

 La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable..

  A022000278 

 La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, a nima mea? ab ipso enim salutare tuum; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature.

  A022000279 

 Sixiesmement: apres il faudra recommander tout l'affayre a Dieu, disant: Unam petii a te, Domine Jesu, hanc requiram, ut faciam voluntatem tuam omnibus diebus vitae meœ.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000285 

 Par apres, je penseray a quelque sacré mistere, signamment a la devotion des pasteurs qui vindrent sur le lever de l'aurore adorer le divin Poupon; a l'apparition qu'il fit a Nostre Dame, sa douce Mere, le jour de sa triomphante resurrection, et a la diligence des Maries, lesquelles, esmeües de pieté, se leverent de bon matin pour honnorer le sepulchre du vray Dieu de la vie, trespassé.

  A022000285 

 — Le matin, aussy tost que je seray esveillé, je rendray graces a mon Dieu avec ces parolles du Psalmiste royal David: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus; c'est a dire: Des l'aube du jour vous seres le sujet de ma meditation, d'autant que vous aves esté ma sauvegarde.

  A022000286 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus hoc Mot quod factum est, quod Dominus ostendit nobis; Allons a l'eglise, car c'est la ou l'on faict le pain supersubstantiel avec les saintes parolles que Dieu a mises en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000289 

 — Si Dieu me faict la grace de m'esveiller parmy la nuict, je resveilleray incontinent mon cœur avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviant ei; Sur la minuict, on a crié: Voyla l'Espoux qui vient, alles au devant de luy.

  A022000290 

 — Parfoys je me retourneray a [30] mon Dieu, mon Sauveur, et luy diray: Ecce non dormitabit neque dormiet, qui custodit Israel; Non, vous ne dormes ny ne sommeilles poinct, o vous qui gardes l'Israel de nos ames.

  A022000291 

 D'abondant, je me serviray de ces saintes parolles de David: Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? qui est autant que si on disoit: Le soleil ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, [32] mays Dieu seul, lequel m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000291 

 Je me souviendray encores de ce verset: Scuto circumdabit te veritas ejus, non timebis a timore nocturno; L'escu de la foy et ferme confiance en Dieu me couvrira, c'est pourquoy je ne dois avoir peur de chose quelcomque.

  A022000295 

 Transeamus usque Bethlehem, et videamus Mot quod factum est nobis a Domino; c'est a dire: Allons a l'eglise, la ou on faict ce pain substantiel avec ces divines parolles que Dieu a donné en la bouche des prestres pour nostre consolation..

  A022000300 

 Parfoys encores, me retournant a mon Dieu, mon Sauveur, lequel ne dort point ni ne sommeille gardant l'Israel de nos ames, apres avoir consideré les tenebres de l'imperfection de mon cœur, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? Et j'entendray quil me dira: Venit mane et nox; c'est a dire, le matin de mes inspirations et de ma grace est venu; pourquoy est ce que tu aymes mieux les tenebres que la lumiere?.

  A022000301 

 Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [ non ] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre..

  A022000301 

 Le matin, m'esveillant, je pourray remercier Dieu avec ces parolles: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus.

  A022000302 

 Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? comme disant: Le soleil [32] ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, mays Dieu seul, qui m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000310 

 Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance..

  A022000311 

 Mays quelles consolations, quelles delices, quelz honnestes playsirs ne luy donne elle pas en tout tems! Ah, c'est la chrestienne vertu qui le sanctifie, qui le change en ange, qui en faict un petit dieu, qui luy donne des icy bas le Paradis..

  A022000312 

 Cinquiesmement: je m'arresteray en l'admiration de la beauté de la rayson que Dieu a donné a l'homme, a fin qu'esclairé et enseigné par sa merveilleuse splendeur, il haïsse le vice et ayme la vertu.

  A022000313 

 Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future..

  A022000314 

 Septiesmement: je contempleray, en ce repos, la sapience infinie, la toute puyssance et l'incomprehensible bonté de mon Dieu, et particulierement je m'occuperay a voir comme quoy ses beaux attributz reluisent aux sacrés misteres de la vie, mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, en la tres eminente sainteté de Nostre Dame la bienheureuse Vierge Marie, et aux imitables perfections des fidelles serviteurs de Dieu.

  A022000315 

 Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible.

  A022000322 

 [1.] La bonté de Dieu en quelque mistere chrestien, de la vie de Nostre Seigneur et passion, de Nostre Dame, des Saintz; la gloire du Ciel, la création.

  A022000329 

 Item, je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons desirs, mouvemens, affections, resolutions et projetz, suavités et douceurs que Dieu m'a inspiré autresfoys en la consideration de ses saintz misteres, de la vertu et de son service, avec tous ses autres benefices, principalement lhors qu'il avoit, de sa grace, debilité les sens par maladies..

  A022000330 

 Item, je conforteray et confirmeray le plus quil me sera possible ma volonté au bien et au propos de ne jamais offencer Dieu..

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000359 

 Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent.

  A022000367 

 De la, je passeray a la consideration de l'ancien Temple, et compareray combien est plus auguste la moindre de toutes nos eglises que n'estoit le Temple de Salomon, parce que, sur nos autelz, le vray Aigneau de Dieu est offert en hostie pacifique pour nos pechés.

  A022000367 

 — De si loin que je verray une eglise, je la salueray par ce verset de David: Je vous salue, eglise sainte, dont Dieu a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob.

  A022000371 

 — Le matin estant venu, je mediteray la grandeur de Dieu et ma bassesse, et d'un cœur humblement joyeux je chanteray avec la sainte Eglise: «O chose admirable! le pauvre et vil serviteur loge son Seigneur, le reçoit et le mange.» La dessus, je feray divers actes de foy et de confiance sur les parolles du saint Evangile: Si quelqu'un mange ce pain, il vivra eternellement..

  A022000372 

 — Ayant receu le tressaint Sacrement, je me donneray tout a Celuy qui s'est tout donné a moy; j'abandonneray d'affection toutes les choses du Ciel et de la terre, disant: Que veux je au Ciel? que me reste il a desirer sur la terre, puysque j'ay mon Dieu qui est mon tout? Je luy diray simplement, respectueusement et confidemment tout ce que son amour me suggerera, et me resoudray de vivre selon la sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy mesme..

  A022000402 

 Et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi catholique, car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non j'ai parlé parce que j'ai cru; ce qui revient à dire: la foi doit être la règle de la croyance; mais que l'humilité soit la conclusion de tout: et je suis grandement humilié.

  A022000418 

 Et à notre Bienheureuse Dame, Marie, Mère de Dieu; étant Mère du Verbe, qu'elle daigne par ses prières [48] diriger mes paroles selon le Verbe, son Fils; aux bienheureux Pierre et Paul, Augustin, Thomas, au divin Bonaventure, Docteur illustre, et de même au bienheureux Joseph.

  A022000419 

 Et j'ai noté toutes ces choses pour l'honneur de Dieu et la consolation des âmes.

  A022000419 

 Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire..

  A022000449 

 Dieu ordonne la fin, à savoir la damnation; c'est donc lui qui ordonne les moyens à cette fin, à savoir les péchés.

  A022000450 

 Deuxième preuve: La damnation ou réprobation ne plaît pas à Dieu comme telle, surtout en tant qu'elle dit privation, mais elle lui plaît seulement en tant qu'elle est juste; par ailleurs, elle ne peut évidemment être juste sans relation avec la faute.

  A022000450 

 Donc, Dieu ne réprouve personne sans relation avec la faute; non avec la faute non prévue, rien ne pouvant être ordonné à quelque chose de non prévu: donc, avec la faute prévue.

  A022000450 

 La majeure est évidente, d'abord parce que Dieu, étant de sa nature communicable, ne peut avoir pour agréable sa propre privation prise en elle-même; ensuite, parce qu'autrement l'on irait contre les expressions de l'Ecriture qui partout présentent Dieu comme ayant soif de notre glorification et compatissant à notre condamnation, tout prêt qu'il est à [54] détourner cette dernière si seulement nos péchés disparaissent.

  A022000451 

 En troisième lieu, [ces textes]: Ta perte vient de toi-même, ô Israël; J'ai planté une vigne, j'attendais qu'elle porterait des raisins, elle a donné des fruits sauvages; Il fit appeler tout le monde au festin; Il veut que tous soient sauvés; Venez à moi, vous tous, sont certes des expressions qui ne peuvent être proprement et convenablement comprises, si l'on suppose que Dieu avait tout d'abord déterminé de ne pas accorder la gloire à certains individus: ce serait, en effet, se moquer de quelqu'un que de l'inviter à un repas de noces, tout en ayant résolu de l'exclure à cause de l'absence de mérites de sa part.

  A022000451 

 Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu.

  A022000451 

 Et puis, que signifie cet adage: Dieu ne te fait pas défaut si tu ne te fais pas défaut? En vérité, pourrait-on dire, il m'a fait défaut au commencement, alors que je ne pouvais ni m'être utile, ni m'être nuisible, si nous supposons que l'opinion ci-dessus, plus dure que le fer, est vraie.

  A022000451 

 Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde.

  A022000451 

 Tandis que dans notre opinion ce raisonnement n'a pas de force, attendu que nous ne supposons pas le refus de la volonté de Dieu avant la prévision de nos péchés..

  A022000452 

 Or, tout cela est blasphématoire; donc, Dieu ne réprouve pas en dehors de la prévision des péchés.

  A022000452 

 Si Dieu en a destiné certains à la peine avant la prévision de la faute, pourquoi a-t-il été dit: Comme chacun aura agi dans son corps, soit en bien soit en mal? Comment peut-il se faire qu'à une peine ordonnée par Dieu sans aucune relation avec la faute, corresponde aussi justement cette faute provenant de notre libre arbitre? Il a fallu certainement, ou que Dieu ordonnât la faute [56] pour qu'elle répondît à la peine déjà ordonnée, ou bien qu'il abandonnât à notre libre arbitre le soin de décider si nous devrions être condamnés sans faute, comme cela est clair.

  A022000453 

 Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent.

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000458 

 Comment peut-il y avoir prix, salaire, récompense, triomphe, sans relation avec un travail accompli? Ce sera de la libéralité, mais non un prix, et nos travaux seraient une compensation offerte à la munificence de Dieu, mais ne seraient pas proprement méritoires..

  A022000459 

 Cela convient, en effet, à la bonté de Dieu (bien qu'il ne convienne pas à la justice de Dieu de damner quelqu'un en lui refusant les moyens, à lui, dis-je, nécessaires: en effet, qu'importe si ces moyens suffisent à d'autres, non à ceux dont il s'agit? Cela ne convient pas davantage à sa puissance, attendu que la puissance de Dieu se manifeste tout autant, et même davantage, en sauvant qu'en damnant).

  A022000459 

 Il est probable que Dieu, dans sa très grande bonté, en a ordonné plusieurs à la gloire en leur accordant un moyen plus puissant, lesquels, s'il leur en avait concédé seulement un moindre et ordinaire, n'auraient pas agi convenablement.

  A022000460 

 La damnation (plus encore que le salut) de quelqu'un en dehors de démérites de sa part ne convenant ni à la justice de Dieu ni à sa puissance, il est déraisonnable d'admettre le mode de réprobation que certains admettent.

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Et je dirais cela tant de fois dans l'amertume de mon cœur, jusqu'à ce que Dieu, changeant ma vie et sa sentence, me réponde: Aie confiance, mon fils, je ne veux pas la mort du pécheur, mais plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive.

  A022000479 

 Pourquoi ton âme est-elle triste, et pourquoi se trouble-t-elle? Espère en Dieu, parce que tu le loueras encore; il est le salut de ta face [65] et ton Dieu.

  A022000479 

 Tu n'es pas mort, mais tu dors; ton infirmité n'a pas pour but la mort, mais que, converti, tu glorifies Dieu.

  A022000479 

 Tu ne descendras pas, mais tu monteras à la montagne du Seigneur, au tabernacle du Dieu de Jacob.

  A022000480 

 Mon coeur est prêt, ô Dieu, à la peine à cause de vous; mon cœur est prêt à la gloire à cause de votre nom, JESUS. Je suis devenu comme une bête de somme devant vous, et vous-même, Seigneur, soyez toujours avec moi.

  A022000499 

 Qui n'avoit de son Dieu souvenance en sa vie..

  A022000514 

 En ce qui concerne la cohabitation, il est très difficilement dissous, parce que ce qui était un pur contrat chez ces nations qui n'ont pas connu Dieu et n'ont pas invoqué le saint nom de Dieu, et ce qui n'était consenti que par un simple engagement, est aujourd'hui un très auguste Sacrement par le Christ notre Seigneur, à qui, ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint, soit louange, honneur, puissance; et à notre Bienheureuse Dame la Vierge Marie, Mère de Dieu, aux saints Apôtres Pierre et Paul, dont aujourd'hui même la mémoire est célébrée dans toute l'Eglise, à raison de la chaire de [69] saint Pierre [à Antioche]; aux saints Fabien et Sébastien, martyrs; aux saints Joseph, François et Bonaventure, confesseurs.

  A022000532 

 Gloire à Dieu très bon, très grand, au Christ Jésus et à Notre-Dame la Vierge Marie, sa très puissante Mère (nous avons [70] commencé à célébrer la solennité et la Vigile de son Annonciation et de sa salutation par l'Ange), aux saints Pierre, Paul, Fabien, Sébastien, François, Bonaventure, mais spécialement au grand saint Joseph et à l'archange Gabriel qui annonça que le Verbe s'était resserré dans le sein très sacré de la Vierge; gloire à lui! Amen..

  A022000561 

 A l'infaillible, très droite, première et éternelle Règle de tout bien et justice, au DIEU TRIPLE ET UN, louange et action de grâces.

  A022000562 

 Bénie soit la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu.

  A022000563 

 J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères..

  A022000565 

 Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu, et tout vous sera [74] donné par surcroît, afin qu'un roi soit établi par Dieu sur la sainte montagne de Sion, un roi qui proclame sa loi, qui croie en son nom et ne soit pas né de la chair, mais de Dieu..

  A022000565 

 Dieu, Roi des rois, très bon et très grand, crie par la voix de Grégoire, accuse, gourmande: Evite l'hérétique.

  A022000566 

 GLOIRE A DIEU. AMEN..

  A022000592 

 Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi..

  A022000598 

 Que la foi du Concile de Nicée «soit honorée partout.» Donc, ce Concile proclame «le Christ Fils de Dieu, Dieu de Dieu» et «Lumière sortie de la Lumière,» et il honore de même et vénère le Saint-Esprit.

  A022000601 

 Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.».

  A022000659 

 Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte.

  A022000664 

 A vous, Christ, Dieu immortel; à votre très glorieuse Mère; à l'Ange gardien, à saint François dont je suis heureux de porter le nom, louange, ho nneur, bénédiction et action de grâces.

  A022000689 

 Ainsi je détachais quelques extraits des Titres du troisième Livre, l'an 1591; au mois de septembre, le 17me jour, jour rendu mémorable par les Stigmates du saint Père François, je fus forcé [90] d'abandonner ce travail, et je l'abandonne jusqu'à ce que Dieu me donne loisir et commodité.

  A022000696 

 Comme le 8 octobre 1591, nous étant embarqués à Venise à la première heure de nuit, nous avions mis à la voile, le 18 du même mois, jour consacré à saint Luc, après une navigation très pénible, d'ailleurs nullement périlleuse (ce qui est un bienfait de Dieu), nous abordions dès l'aurore à Ancône.

  A022000696 

 De là, le même jour, nous entrâmes à Lorette, et le 19, après avoir reçu les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, nous répandîmes nos prières à Dieu et à sa Mère dans la sainte chambre habitée par eux-mêmes.

  A022000698 

 Fasse le Dieu très bon et très grand que, sous ses auspices pour longtemps désirés, l'Eglise catholique universelle, et surtout celle de France, éprouve cette tranquilité qui lui permette de vivre si bien et si heureusement, que les peuples catholiques, délivrés du bras de leurs ennemis, puissent, da ns la sainteté et la justice, servir tous les jours de leur vie Celui «à qui servir c'est régner».

  A022000762 

 C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux..

  A022000774 

 Fatigué de mes efforts et de l'étude de chaque Titre, j'ai renoncé à continuer la course commencée, et je l'interromps, jusqu'à ce que Dieu me fasse de nouveaux loisirs; et j'aurais passé au Titre [100] des Novelles si, de la même façon, Jacques Cujas n'avait fait pour cette partie du Droit des remarques très brèves, selon sa coutume..

  A022000775 

 LOUANGE A DIEU ET A LA VIERGE-MÈRE. [101].

  A022000812 

 François, tu te dois souvenir que Dieu t'a faict beaucoup de misericordes le dix neufviesme de may 1593, par les intercessions du glorieux saint Celestin, protecteur de ta retraitte preparatoire aux Ordres..

  A022000823 

 Ouy, mon Dieu, ce sont tous les deux,.

  A022000861 

 Le chef de vostre Dieu plein de felicité,.

  A022000870 

 Nous confessons, o Seigneur Dieu,.

  A022000921 

 Tu n'y seras seul; Dieu y est.

  A022000925 

 Quelle douceur — o Dieu le sçait —.

  A022000937 

 Ayant receu la sainte Eucharistie de la main du Souverain Pontife le jour de l'Annonciation, mon ame fut fort consolee interieurement; et Dieu me fit la grace de me donner de grandes lumieres sur le mistere de l'Incarnation, me faisant connoistre d'une maniere inexplicable comme le Verbe prit un cors, par la puissance du Pere et par l'operation du Saint Esprit, dans le chaste sein de Marie, le voulant bien luy mesme pour habiter parmy nous, des qu'il seroit homme comme nous..

  A022000938 

 Cest Homme Dieu m'a aussi donné une connoissance eslevee et savoureuse sur la Transsubstantiation, sur son entree en mon ame et sur le ministere des Pasteurs de l'Eglise..

  A022000959 

 Il celebrera et fera l'Office la nuict et le jour de la Nativité de Nostre Seigneur, a la feste des Roys, [119] le Dimanche de Pasques, le Dimanche de Pentecoste, a la Feste Dieu, a la feste de saint Pierre et saint Paul, a la feste de saint Pierre aux Liens, Patron de l'Eglise de Geneve, a la feste de l'Assomption de Nostre Dame, a la feste de Toussaintz et le jour anniversaire de son sacre.

  A022000959 

 — Toute l'octave de la Feste Dieu il assistera a l'Office, et preschera le Dimanche praecedent pour advertir le peuple de son Office, affin qu'il gaigne les Indulgences.

  A022000962 

 Il se tiendra tousjours en la presence de Dieu et l'invoquera a toutes occasions.

  A022000962 

 Le matin, apres l'action de graces accoustumee, l'invocation de l'ayde de Dieu et dedication de soy mesme, il meditera l'espace d'une heure, selon qu'il aura auparavant disposé.

  A022000962 

 Quant aux oraysons jaculatoires, il les tirera ou de la meditation du matin, ou des divers objectz qui se presenteront; elles seront ou vocales ou mentales, selon qu'il sera incité du Saint Esprit, et il s'en fera un brief recueil pour aspirer a Dieu, a la Vierge, aux Anges, aux Saintz auxquelz il aura une particuliere devotion.

  A022000968 

 Et renouvellera tous les bons propos et desseins que Dieu luy avoit baillés; et pour cest effect, il relira, devant que se presenter a la confession, les memoyres de toutes ses resolutions et les remarquera derechef, affin qu'il puisse adjouster ce que l'experience luy aura appris.

  A022000968 

 Quoy fait, il fera beaucoup de prieres, principalement mentales, avec application de Messes, qu'il celebrera et fera celebrer en ce tems, pour obtenir de Dieu la grace necessaire a son regime et de son Eglise.

  A022000968 

 Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame..

  A022000980 

 Le matin, apres que j'auray invoqué Dieu, et m'y seray dedié, je feray une heure de meditation, selon que je l'auray premedité.

  A022000981 

 De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave.

  A022000987 

 Je soussigné, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous quil appartiendra ma derniere volonté et faire mon testament:.

  A022000988 

 Prie premierement Dieu tout puissant de recevoir mon ame a merci et luy faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a aquis en son sang..

  A022000989 

 2 nt J'invoque la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, affin qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur moy en ma vie et en ma mort..

  A022001032 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Chalcedoyne et Coadjuteur en l'evesché dudit Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous qu'il appartiendra nostre derniere volonté et faire nostre testament:.

  A022001033 

 Prions premierement Dieu tout puissant de recevoir nos ames a mercy, et leur faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a acquis en son sang..

  A022001034 

 Secondement, Nous invoquons la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur Nous en nostre vie et en nostre mort..

  A022001061 

 Que s'il playsoit, outre ceste vostre, en faire une autre a monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur du duché de Chablaix, et une troysiesme a monsieur le Juge maje de Thonon, par lesquelles il leur fut commandé de remonstrer en une generale assemblee de Ville l'obligation que tout le pais a de seconder une si douce et charitable invitation de son Prince, il y a dequoy esperer en Dieu que bien tost tout le Chablaix, et peu a peu tout l'entour de Geneve, se reunira a l'Eglise catholique: qui ne sera pas peu de chose, ny de peu d'importance, ad laudem Christi Dei totiusque cœlestis Curiae.

  A022001108 

 Quant à moy, j'ai des-ja employé vingtsept [157] mois à mes propres despens en ce miserable pays, à fin d'y espancher la semence de la parolle de Dieu, selon vostre volonté qui fust signifiée à Monsieur l'Evesque de Geneve: mais diray-je que j'ay semé entre les espines ou bien sur les pierres? Certes, outre la recouverte de monsieur d'AvulIy et de l'advocat Poncet.

  A022001108 

 ce n'est pas trop grand cas des autres; mais je prie Dieu qu'il nous baille une meilleure fortune.

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001157 

 Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A022001193 

 Son Altesse treuve bon que le Reverendissime Evesque de Geneve dresse, tant pour ce regard que pour toutes autres choses concernant le service de Dieu, police ecclesiastique et correction des mœurs, tels ordres et reglemens qu'il verra estre necessaire; lesquels sadicte Altesse veut, entend et commande d'estre gardez d'un chacun; ordonne a ses magistrats de les faire observer.

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001379 

 Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour.

  A022001412 

 De plus, le pouvoir d'absoudre les hérétiques a été accordé au Prévôt de Genève avec cette clause: «S'ils ont verbalement détesté leurs erreurs en confession sacramentelle;» et plus bas: «seulement au for de la conscience.» Ces clauses empêcheront une grande partie du fruit que sans cela on pourrait retirer, moyennant la grâce de Dieu et les travaux dudit Prévôt, qui ne pourra suffire à confesser tous ceux qui voudront se convertir.

  A022001420 

 Que le Brief rapporté par luy du Saint Siege a esté demandé, accordé et obtenu pour le service de Dieu, de l'Eglise et de Son Altesse, a laquelle il touche de le [213] soustenir, et non a celuy qui, comme simple serviteur, le porte et produit, et qui n'a en cest affaire autre interest que le general de l'advancement du royaume de Dieu..

  A022001444 

 Partant ledit Prevost, comme tres humble sujet et orateur de Vostre Altesse, supplie pour l'amour de Dieu que l'execution ne soit aucunement retardee, ains avancee, maintenue et soustenue par les graces necessaires a icelle..

  A022001456 

 Sa Sainteté, suyvant la sainte intention de Vostre Altesse, a donné plein pouvoir au R me Pere en Dieu, l'Evesque de Geneve, de desunir et desmembrer des benefices unis a la Milice des Saints Maurice et Lazare (laquelle tient la pluspart, ains presque tous ceux de Chablaix) autant quil verra expedient pour l'instruction de ces ames nouvellement converties, et reparation des eglises, paremens d'autelz et autres necessités.

  A022001459 

 De faire un gros de tous les benefices de Chablaix, tant ci devant affectés a la Milice de Saint Lazare qu'autres quelcomques (sauf ceux desquelz Vostre Altesse auroit autrement prouveu), a ce que du tout soit levée la legitime portion requise pour le service de Dieu..

  A022001502 

 De cette manière, on constituerait dans ce diocèse sept théologales moyennant lesquelles on pourrait rétablir toujours davantage la religion, jusqu'à ce que Dieu nous envoie des bénédictions plus abondantes.

  A022001505 

 Et lors même qu'ils s'en soucieraient, je pense qu'on ne devrait guère s'inquiéter de leurs prétentions; il suffit que leurs prébendes soient appliquées à la plus grande gloire de Dieu; car, pour ce qui est de la majorité, ils donnent de tels scandales qu'il faudrait mille prédicateurs pour restaurer ce qu'ils détruisent.

  A022001506 

 Son Altesse Sérénissime m'a dit qu'aussitôt son retour de France, [231] elle écrira à Rome pour la réforme de ces Monastères; et vraiment, la chose est indispensable, car sous prétexte de leurs exemptions et privilèges, les Religieux ne respectent ni Dieu ni les hommes.

  A022001536 

 Si que finalement, Monseigneur, les supplians ayans tant employé de peines, tant fait de frays et tant emprunté pour faire ces inutiles poursuites et continuer au moins mal qu'ilz ont peu le service esdites eglises, reduitz en extreme misere, recourent finalement a Vostre Altesse, la suppliant tres humblement, au nom de Dieu, de vouloir donner autre ordre, a ce que effectivement ilz soyent payés et pour le passé et pour l'advenir, estant chose de si grande et evidente justice, equité, pieté et conscience..

  A022001564 

 C'est pourquoi, bien que ces revenus soient dans le pays de Gex, on n'en espère rien, sinon par la Providence de Dieu..

  A022001597 

 Et il continuera de prier Dieu pour la prosperité de Vostre Majesté et de sa royale Couronne..

  A022001613 

 Le tout selon l'Edit publié a Paris le 25 febvrier 1599, le benefice duquel le suppliant implore, avec le zele et pieté de Vostre Majesté, pour la prosperité de laquelle il priera tousjours Dieu Nostre Seigneur..

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001698 

 Et le sieur suppliant, avec tout sont ( sic ) Clergé et tant d'ames qui implorent et attendent se ( sic ) secours de voz charités, seront tant plus obligés de prier Dieu, comme il faict continuellement, pour la santé et prosperité de voz, mes Seigneurs, en general et en particulier, et pour l'avancement de nostre saincte foy et religion Chatolique, Apostolique, Romaine..

  A022001727 

 Et le suppliant continuera de prier Dieu pour la prosperité et santé de Vostre Majesté..

  A022001892 

 Les Dimanches et festes de commandement, la seconde Messe se celebrera a haute voix, et les festes solennelles: Pasques, Penchecoste, Ascension, Feste Dieu, Saint Pierre aux liens, Assomption et quattre festes de Nostre Dame, Noel et la Dedicace, sera avec le diacre et sousdiacre, quand commodement faire se pourra, et autres principales..

  A022001897 

 La Feste Dieu et durant l'octave, None a midy, et Complies appres soupée; et Complies se diront les jours du Caresme.

  A022001899 

 Les processions: la Feste Dieu, tres solennellement, les Rogations et autres coustumieres, et extraordinaires selon les occasions et necessité des tems..

  A022001901 

 A la prodession de la Feste Dieu, six flambeaux d'une livre l'un, et a Pasques, le cierge paschal de quattre livres..

  A022001948 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A022001996 

 Toutefois, cette grâce pourrait s'obtenir de Dieu notre Seigneur par la prière, et la main sacrée du Saint-Père s'y employant sincèrement, pourrait opérer ce miracle, comme jadis on fit les croisades et autres entreprises belliqueuses et périlleuses, tandis que celle-ci serait toute pacifique et sans péril..

  A022002028 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye.

  A022002029 

 Nous avons appris avec un grand contentement que vous avez ouy les piedicateurs de la parolle de Dieu et de nostre saincte foy Catholique, que vous avez heu continuellement despuis quelques mois.

  A022002030 

 Ainsy Dieu vous aye en sa garde..

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002118 

 Mais silz ont en cecy un peu oultrepassé Nostre intention et Noz bons advis, leur zele et leur affection au service de Dieu les en rendent excusables.

  A022002137 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, à nostre cher, bien-amé et feal Procureur fiscal de Chablais, noble Claude Marin, salut..

  A022002269 

 A quoy la Chambre est tres humblement suppliee de fere consideration et prouvoir une fois pour toutes; et, [ce] consideré, nos Seigneurs, vous plairra ordonner au sieur moderne Gabellier general leur continuer la dite pention, quartier par quartier, a la forme de leur provision, patentes de S. A. et Arrests de ceans portant veriffication d'icelles, et leur fere rescription une fois pour toutes vers le commis du grenier a sel de Chablais, pour eviter aux voyages quil convient de fere pour ce regard, et a ce que le service de Dieu ne vienne a manquer: et sur ce, plaira leur prouvoir..

  A022002293 

 Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez.

  A022002293 

 Mais, outre l'incommodité que luy a causé l'absence du Roy et de tous ceux de son Conseil avec lesquelz il avoit negocié, qui ne sont de retour en ceste ville que des peu de jours en ça, il a treuvé sa negociation tant espineuse pour les traverses que luy font les uns et les autres (les uns, pour estre declairés tout oultre ennemys de nostre foy; les autres, pour n'en estre amys que fort froidement, et presque tous pour estre gens d'Estat), que si sa prudence et dexterité, assistee de la grace de Dieu et de vos merites, n'avoyent combattu la malice du temps, il auroit esté contraincts des le commencement, d'abandonner l'affaire et le remettre a un autre temps.

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002320 

 Et sur ce, nous prierons Dieu, Messieurs, qu'il vous tienne en sa saincte garde..

  A022002333 

 Et si aucune chose neantmoings estoit faicte et attentee au contraire, Nous protestons dez a present, comme dez lors, de la nullité du tout et de Nous pourvoir constamment et vertueusement pour la conservation de nos droicts, ainsy que verrons estre a faire selon Dieu et raison..

  A022002334 

 Sur quoy, apres vous avoir remercié tres affectueusement de la [346] bonne volonté qu'il vous pleust Nous tesmoigner, a laquelle Nous desirons correspondre par tous plaisirs et services a Nous possibles, d'aussy bon ceur ( sic ) que Nous prions Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde..


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000024 

 I. En Dieu le Père tout puyssant, Createur du ciel et de la terre.

  A023000029 

 VI. Est monté aux cieux, est assis a la dextre de Dieu le Père tout puyssant.

  A023000037 

 VI. Lettre au Ministre Louis Viret en réponse a ses attaques contre la Virginité de Marie, Mère de Dieu (Inédite) 23.

  A023000086 

 Chapitre V. Du soin que doit avoir le confesseur de ne point absoudre ceux qui ne sont point capables de la grace de Dieu.

  A023000093 

 VI. Avis aux confesseurs et directeurs pour discerner les opérations de l'Esprit de Dieu et celles du malin esprit dans les ames [Après 1604].

  A023000151 

 C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous.

  A023000151 

 L'agent, dit-il, vise et veut d'abord la fin, avant les moyens; or, la gloire est la fin, et la préparation par la grâce est le moyen: donc, Dieu veut donner la gloire aux élus avant de vouloir leur donner la grâce.

  A023000153 

 Deuxièmement, j'établis clairement la même conséquence: lorsque nos adversaires, [à propos de la réprobation des damnés,] emploient cette expression: «avant toute action de leur part,» selon eux cela doit s'entendre évidemment ainsi: avant toute action de leur part dans la pensée de Dieu.

  A023000154 

 En effet, si Dieu aime dans l'hypothèse qu'ils ont fait usage de la grâce, et si cet usage est cause de sa dilection, il n'aimera pas dans l'hypothèse qu'ils n'en ont point fait usage, et cette omission sera cause de sa non dilection.

  A023000154 

 En troisième lieu, si les futurs réprouvés avaient usé suivant leur pouvoir de la grâce suffisante, Dieu les eût tous aimés.

  A023000154 

 Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce.

  A023000155 

 Augustin ne nie pas qu'en Dieu soit la volonté de sauver [5] tous les hommes; eux le nient.

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000185 

 Si donc l'homme connaît Dieu et rapporte son acte à Dieu, cet acte sera bon, bien que non d'une bonté parfaite; s'il ne connaît pas Dieu, et qu'il fasse telles œuvres parce qu'honnêtes et conformes [9] à la raison, alors ces œuvres de par leur nature même sont rapportées à Dieu..

  A023000196 

 Dieu concourt davantage à une œuvre moralement bonne qu'à une mauvaise; mais il concourt à l'œuvre mauvaise d'un concours général: donc il concourt à la bonne d'un concours spécial..

  A023000207 

 De même encore, Dieu concourt à l'élément matériel du péché, en tant qu'il est cause naturelle et nécessaire par supposition; mais pour ce qui est du bien, il peut aussi y concourir en tant que cause libre.

  A023000207 

 De même, Dieu permet seulement le mal, tandis qu'il veut, approuve, commande le bien.

  A023000207 

 Il y a, en effet, différence réelle entre acte mauvais et acte bon: par conséquent, [le concours de Dieu s'exerce] à l'égard de l'acte bon tout entier, non à l'égard de l'acte mauvais tout entier.

  A023000221 

 Ensuite, ce qu'elle avance est tout à fait impossible; car si Dieu ne détermine pas la volonté à l'acte mauvais, il permet nécessairement que l'homme, s'il le veut, puisse faire un acte bon au moment où il en fait un mauvais..

  A023000221 

 L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin.

  A023000228 

 BERNARD, placé vis a vis de François, respondra: Ouy, mon frere, je le suis, par la grace de Dieu..

  A023000236 

 BERNARD — Je promis de garder les dix Commandemens de Dieu et ceux de la sainte Eglise nostre Mere..

  A023000262 

 BERNARD — Ouy, par la grace de Dieu, en quattre parties de mon cors, au Baptesme et en la Confirmation..

  A023000266 

 BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist..

  A023000270 

 BERNARD — D'aymer et servir Dieu, d'estre eternellement avec luy au Ciel..

  A023000274 

 BERNARD — Au Credo, au Pater et aux Commandemens de Dieu et de l'Eglise..

  A023000298 

 Ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles de Dieu..

  A023000298 

 Venant maintenant, par la grâce de Dieu, à résipiscence, librement, spontanément et sincèrement j'abjure, j'exècre et j'anathématise ces hérésies et toutes autres, de quelle provenance, espèce ou nom qu'elles soient.

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000306 

 Mays, c'est par vostre grace, mon Dieu, que ces seducteurs n'ont encor rien gaigné sur moy; je leur ay tousjours opposé le mot et Symbole que vos Apostres enseignerent jadis a nos anciens.

  A023000309 

 Dieu est Dieu en toutes, ses œuvres, mais en celles qui sont plus grandes il faict mieux voir sa Divinité.

  A023000309 

 Et puysque ce Sacrement est un grand œuvre de Dieu, quelle plus asseuree marque peut il porter de son Ouvrier, pour estre receu en ma croyance, que d'estre admirable et incomprehensible?.

  A023000310 

 Ces petitz nuages de difficultés que nostre œil naturel void en ce Sacrement, comme dureront ilz au vent de la force de Dieu? quelle dureté tant insoluble que ce feu ne devore?.

  A023000310 

 N'y a il pas troys Personnes, Pere, Filz et Saint Esprit, en une mesme, simple et seule essence? La foy qui a digeré ceste sauveraine difficulté, quelle peyne peut elle avoir a croyre qu'un seul cors soit en plusieurs lieux? Dieu ne veuille que je face comme ces rebelles qui mesdisoyent de sa divine Majesté, disant: Pourra il nous dresser une table au desert? Ce que je ne pourray mascher de cest Aigneau paschal, je le jetteray dans le feu du pouvoir infiny de ce Pere tout puyssant auquel je croy.

  A023000311 

 La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20].

  A023000317 

 Comme fustes vous conceu, o mon Dieu, au ventre d'une Vierge, sans aucune œuvre virile? Et pourquoy recherchera on l'ordre naturel en vostre cors qui a esté faict outre tout ordre naturel et est né d'une Vierge?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000335 

 Comme tout ce que Dieu a faict il l'a faict par l'œuvre du Saint Esprit, ainsy maintenant il faict, par l'œuvre du Saint Esprit, ces choses supernaturelles qu'autre que la foy ne peut concevoir.

  A023000343 

 Et quoy? une simple figuré et commemoration auroit elle bien ce pouvoir? Le sang de la genisse respandu, quoy que figure du sang respandu sur la croix, ne sanctifioit que quant a la pureté de la chair; non, c'est le propre sang de vostre Majesté qui nettoye nos consciences des œuvres mortes, pour servir au Dieu vivant..

  A023000346 

 Hé, beny Jesus, quand sera ce qu' en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré..

  A023000350 

 Et de faict, quelle autre viande, o Sauveur, si ce n'est vostre Cors, peut donner la vie eternelle? Il faut un pain vivant pour donner la vie; un pain descendu du Ciel pour donner une vie celeste, un pain qui soit vous mesme, mon Seigneur et mon Dieu, pour donner la vie immortelle, eternelle et perdurable.

  A023000358 

 Il place sa composition avant la controverse touchant la virginité de Marie, Mère de Dieu, soutenue par notre Saint contre le ministre Viret en 1597.

  A023000366 

 Quelques-uns de ceux-ci, dans leurs dépositions au II d Procès de Genève, empruntent parfois leurs témoignages au neveu et successeur du Bienheureux; leur silence au sujet du livre sur la Démonomanie semble prouver qu'on avait alors reconnu, malgré les affirmations du biographe, que sa composition ne devait pas être attribuée au Serviteur de Dieu..

  A023000389 

 Vostre tres humble serviteur selon Dieu,.

  A023000400 

 Confessons donq qu'estant vray Dieu et vray homme, il a peu sortir son cors du sepulchre, entrer les portes fermëes, sortir d'une Vierge sans ouverture, estre en plusieurs lieux et sans occuper place, sans que pour cela il laisse d'avoir un tres vray et reel cors humain, composé d'os, de chair et de sang: autant possible l'un que l'autre a Celuy auquel rien n'est impossible..

  A023000407 

 Et quand a advoüer que la Mere de Dieu soit vierge pour n'avoir point eu connoissance d'homme, cela ne me suffit pas, puysqu'il ne suffit pas aux Anciens pour ne tenir Jovinien haeretique..

  A023000409 

 Ceux qui attribuent un cors aeré a Nostre Seigneur pour nier quil occupe place, sont fondés en l'air; mays ceux qui, luy attribuans un cors reel, naturel et vrayement humain, client que nonobstant ce il n'occupe point place quand et ou il luy plaist, sont fondés en l'Escriture et toute puyssance de Dieu.

  A023000409 

 Ceux qui veulent le cors de Jesuschrist estre en plusieurs lieux sont autant esloignés de ceux qui le veulent estre par tout ou Dieu est: comme il y a difference entre te tout et une petite partie, entre le fini et l'infini.

  A023000417 

 Tres humble serviteur selon Dieu,.

  A023000438 

 Pourquoy ont ilz, en cest endroit, violé l'ancienne tradition de l'Eglise sans avoir aucune parole de Dieu a garand?.

  A023000438 

 Saint Luc descouvre tres clairement que ces parolles de Nostre Seigneur: Je ne boyray du fruicl de la vigne jusqu'à ce que le Royaume de Dieu soit venu, furent dittes sur autre subject que celuy de la sainte Eucharistie, quoy qu'elles soyent rapportees apres le recit de l'institution d'icelle, par saint Matthieu et saint Marc.

  A023000446 

 Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores.

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000464 

 De Beze escrit clair et net, en sa Preface sur Josué, que c'est à Calvin, «apres Dieu, qu'appartient l'honneur de la resolution despuis suyvie par toutes gens de bon jugement,» touchant «ce qu'il faut croire, chercher et recevoir en la Cene.» Que sont donques devenuz tous les devanciers? Ce mistere si important aura il esté caché a toute l'Eglise ancienne, pour estre descouvert a ce seul pretendu mignon et favory du Saint Esprit? Que ne confesse on donques franchement que ceste reformation est toute nouvelle et non jamais conneûe a l'ancienneté!.

  A023000476 

 Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1.

  A023000493 

 Et partant, le mot d'adoration ne signifie pas seulement la reverence ou hommage que la creature doit a son Dieu immediatement, mais aussi l'honneur ou veneration qu'on porte aux creatures superieures ou qui ont rapport aux superieures; si que l'Escriture et tous les anciens Peres [50] employe ( sic ) le mot d'adorer ores pour la reverence faitte a Dieu, ores pour celle qu'on fait aux creatures..

  A023000494 

 Et de fait, saint Augustin tesmoigne que nous autres Latins n'avons point de simple mot latin pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons emprunté et approprié a cest effect le mot grec latrie, faute d'autre plus commode.

  A023000494 

 Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie.

  A023000495 

 Que le mot adorer s'applique a l'honneur des creatures, en voicy une preuve trop abondante Abraham adora les enfans de Heth et l'Ange, comme firent aussi Loth, Josue et Balaam; Saul adora l'ame de Samuel; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint; l'Eglise d'Israël adora Salomon.

  A023000566 

 Sur les propos qui ont esté ci devant tenus, pour l'ouverture d'une conference dans la ville de Geneve, pour le sujet de la religion tant seulement, entre moy avec quelques predicateurs catholiques d'une part, et les ministres de la mesme ville de Geneve d'autre, j'ay fait cet escrit, et i'ay signé de ma main et seellé de mon sceau, pour declairer et attester que toutes fois et quantes que les ministres [65] voudront y entendre, et convenir de conditions raysonnables, sortables et legitimes pour une telle assembles ou conference, je m'y porteray avec toute promptitude et sincerité, esperant en la bonté de Dieu que son nom en sera glorifié, au salut et bien de plusieurs ames, ainsy que je l'en supplie..

  A023000725 

 De la puissance absolue de Dieu.

  A023000727 

 A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham.

  A023000727 

 Comme l'a écrit élégamment Tertullien contre Praxéas: «Dieu a pu (qu'on me fasse grâce!) donner des ailes à l'homme, comme il en a donné aux milans; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne l'a pas fait nécessairement.

  A023000727 

 Il a pu détruire Praxéas» (ajoutons, si cela vous plaît, Luther et Calvin) «et tous les hérétiques; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait fait.» Or, ce n'est pas d'une puissance ordinaire que Dieu a pu tout cela, car autre a été l'ordre suivant lequel les choses ont été arrêtées et exécutées; c'est donc d'une puissance absolue, [74] c'est-à-dire d'une puissance libre de toute loi promulguée et de l'ordre de choses établi.

  A023000727 

 Il ne s'agit pas cependant d'une puissance absolue, dans le sens de puissance affranchie de l'équité et de la justice, comme l'interprète à tort Calvin; car l'équité et la justice sont la loi intrinsèque de Dieu: loi qui n'est pas autre chose que Dieu lui-même, lequel étant sa loi à lui-même, aussi ne peut-il en aucune façon s'écarter de la loi et de l'équité..

  A023000727 

 Nos hérétiques nient qu'en Dieu il y ait une puissance absolue: [73] «L'invention des scolastiques,» dit Calvin, «sur la puissance absolue de Dieu est un exécrable blasphème.» Et ailleurs, il appelle «impossible» ce qui n'a jamais été ou ne sera jamais.

  A023000727 

 Quelqu'un d'esprit sain ne niera pas davantage que Dieu ait le pouvoir de faire ce dont il menace: par exemple, la destruction de Ninive, et une infinité d'autres choses du même genre, que cependant Dieu n'a jamais ou faites ou voulu faire.

  A023000729 

 De la volonté permissive de Dieu.

  A023000731 

 Dieu veut donc bien des choses d'une volonté, non efficiente ou concourante, mais seulement permissive; c'est-à-dire que ce qui est mauvais, d'une malice qu'on appelle morale, ne peut provenir jamais de Dieu, qui est bon et la bonté même.

  A023000731 

 Ils nient en Dieu une volonté permissive, et cela contre les innombrables affirmations de la Sainte Ecriture, par exemple celles-ci, Psaume LXXX: Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur; Actes, XIV: Il a laissé toutes les nations suivre leurs voies; Luc, VIII: Ils le prièrent de leur permettre d'entrer dans les porcs, et il le leur permit.

  A023000733 

 De la simple prescience de Dieu.

  A023000735 

 Ils nient la simple prescience de Dieu.

  A023000735 

 Voici, en effet, les paroles mêmes de Calvin: «Augustin n'est pas lui-même exempt parfois de cette superstition, comme lorsqu'il dit que l'endurcissement et l'aveuglement n'appartiennent pas à l'opération, mais à la prescience de Dieu; pourtant, un grand nombre de textes scripturaires ne supportent pas ces arguties,» etc. A cette négation on peut opposer ce qu'affirme çà et là la Sainte Ecriture, à savoir que Dieu a prévu la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l'aveuglement des Juifs; toutes choses que le Christ a prédites et prévues, sans cependant les vouloir ou les faire..

  A023000737 

 De l'essence que le Fils de Dieu a de son Père.

  A023000739 

 Ils nient que le Fils de Dieu ait son essence du Père.

  A023000739 

 Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée.

  A023000743 

 Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang.

  A023000751 

 Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts.

  A023000768 

 Mais quelle sera donc l'utilité, quelle sera surtout la nécessité des Docteurs dans l'Eglise de Dieu, si les rêves de ces hérétiques sont conformes à la réalité? A quoi serviront tant de [83] commentaires des Pères, composés au prix de tant de veilles et d'études, achevés au prix de tant de fatigues, s'ils sont plus difficiles et plus obscurs que les saints Livres qu'ils ont prétendu expliquer?.

  A023000776 

 Et effectivement, si l'on nous traitait d'une manière assez funeste et inhumaine pour que l'Eglise universelle pût errer en matière de foi et au sujet du vrai sens à attribuer à la Parole de Dieu, quel homme, je le demande, croirait qu'il ne peut errer? Mais celui qui croit qu'il peut errer, comment peut-il être certain de ne pas errer? Ce sera ainsi une conséquence nécessaire, que tous devront marcher dans l'incertitude au sujet de la foi et du sens à attribuer aux Saintes Ecritures.

  A023000803 

 Or, la promesse n'a nulle part été faite à ceux qui sont nés du sang, ou de la volonté de l'homme, ou de la volonté [91] de la chair; mais seulement à ceux qui renaissent de l'eau et de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire qui sont nés de Dieu.

  A023000803 

 Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.

  A023000804 

 Cependant, c'est une opinion bien peu sévère que celle des catholiques au sujet des enfants non baptisés, auxquels ne peut être imputé d'autre péché que le péché originel: à savoir, qu'ils sont, condamnés à la peine du dam seulement, non à celle du sens, et qu'ils jouissent d'un bonheur naturel le plus grand possible en qualité et en quantité, en sorte qu'ils rendent gloire à Dieu pour sa justice, non seulement vindicative, mais aussi distributive.

  A023000810 

 Ceci ne s'est pas produit sans un jugement admirable et profondément sage du Dieu très bon et très grand: il fallait, en effet, que ceux qui ont osé, par cette épouvantable négation allant à l'encontre de la parole divine, violer et profaner un si grand Sacrement, un si parfait symbole d'unité, fussent précipités par là même dans un abîme de division..

  A023000810 

 Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone.

  A023000817 

 Tous aussi, par le fait même, s'éloignent de l'enseignement exprès de Dieu et de la foi de tous les anciens Pères et de tous les chrétiens.

  A023000817 

 Tous les hérétiques de ce temps sont d'accord sur cette négation, et pensent avoir pleinement atteint leur but s'ils enlèvent à notre religion un sacrifice, sans lequel cependant la religion ne peut pas plus subsister que sans Dieu.

  A023000820 

 C'est un même Dieu à qui l'offrande est faite, mais sur la croix, c'est à un Dieu irrité et courroucé contre tout le genre humain; dans l'Eucharistie, c'est à un Dieu apaisé et favorable, tout disposé à faire du bien à ceux auxquels est appliqué le fruit du premier sacrifice de la Croix..

  A023000820 

 Car c'est le même Christ qui, de part et d'autre, offre et est offert; c'est le seul Père céleste à qui est faite l'offrande, et cela pour la seule rémission des péchés et sanctification du nom de Dieu.

  A023000834 

 Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix.

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000939 

 Sur Dieu, cause opérante et efficiente du mal.

  A023000941 

 Ailleurs il s'exprime ainsi: «J'ai déjà montré assez clairement que Dieu est appelé l'auteur de tout ce que ces censeurs veulent attribuer à sa vaine permission.».

  A023000941 

 Dans le même endroit il soutient en propres termes que Dieu, «par le ministre de sa colère, Satan,» dirige «les desseins» des impies «jusqu'au but vers lequel» il lui a plu d'exciter «les volontés et» d'affermir «les efforts».

  A023000941 

 Et Calvin [110] ne rougit pas de taxer saint Augustin de superstition, parce qu'il rapporte à la seule «prescience» et permission «de Dieu l'aveuglement et l'endurcissement» du pécheur.

  A023000941 

 Ils affirment que Dieu, non seulement permet, mais déchaîne, veut et opère en réalité la mauvaise volonté de l'homme.

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000941 

 Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même.

  A023000942 

 Cependant toute l'Ecriture enseigne que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, que personne ne périsse, que Dieu a en haine le péché et l'iniquité, que la perte des hommes vient d'eux-mêmes, mais de Dieu seulement leur bien et leur salut.

  A023000942 

 Par une si abominable affirmation ils enlèvent à la volonté du Dieu très bon et très grand son immense bonté, et en nient la force, l'efficacité et la solidité, le péché consistant, non dans une efficience, mais dans une déficience, et vouloir le péché étant par conséquent déficience et non efficience.

  A023000942 

 Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112].

  A023000946 

 Il faut donc qu'il le couvre en l'effaçant et en le lavant, car rien ne peut être caché à Dieu ou passer inaperçu à ses yeux, si ce n'est ce qui n'existe pas du tout.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement n ous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet.

  A023000954 

 «Par la foi,» dit Luther, «l'homme devient Dieu; par la charité il reste un simple homme.» Paul, au contraire: Sans la charité, je ne suis rien.

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000960 

 D'un autre côté, si le bien est un péché, donc Dieu ordonne de faire le péché, puisqu'il ordonne de faire le bien.

  A023000960 

 Si le péché est chose bonne, donc Dieu défend de faire une chose bonne en défendant [117] de faire le péché.

  A023000963 

 De l'observation des commandements de Dieu.

  A023000965 

 Aussi David, Abraham, Job, Zacharie, Elisabeth, Jean-Baptiste ont-ils observé les préceptes de Dieu, comme le Saint-Esprit le déclare ouvertement dans les Saintes Ecritures..

  A023000965 

 Ils affirment que les commandements de Dieu ne peuvent être gardés.

  A023000965 

 Mais vraiment, les commandements de Dieu, bien loin d'être impossibles à observer, le Christ les a appelés de sa propre bouche légers et suaves: Mon joug, dit-il, est doux, et mon fardeau léger.

  A023000986 

 Ils [124] nient par là l'unité de la hiérarchie ecclésiastique, dans laquelle le Christ a, par l'Esprit-Saint, établi des Evêques pour régir l'Eglise de Dieu; ils contredisent aux témoignages unanimes de Cyprien, d'Augustin, de Chrysostôme, de Denys, et aussi de tous les Conciles, lesquels, depuis le premier jusqu'au dernier, accordent un honneur spécial et une mission spéciale aux Evêques.

  A023000990 

 Ils affirment que tous les fidèles doivent croire avec pleine certitude que leurs péchés leur ont été remis et qu'ils sont dans la grâce de Dieu.

  A023001004 

 Calvin ajoute que le Christ souffrit «de cruels et horribles tourments,» — «on ne peut,» dit-il, «imaginer abîme plus épouvantable que de se sentir abandonné et rejeté de Dieu» — «lorsqu'il connut que, à cause de nous, il se tenait en qualité de coupable devant le tribunal de Dieu.».

  A023001008 

 Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux.

  A023001012 

 Il n'a pas, en effet, cessé d'être le Verbe [la Parole de Dieu], même lorsqu'il ne proférait pas de parole, ou de posséder la sagesse, même lorsqu'il ne montrait pas cette sagesse dans ses paroles; notre foi croit qu'il fut, dès le premier instant de sa conception, compréhenseur en même temps que viateur..

  A023001012 

 Nous avouons, en vérité, que le Christ enfant, pour ce qui regarde l'exercice et les œuvres externes, a grandi en sagesse [132] et en grâce; toutefois nous affirmons, en outre, qu'en lui étaient les trésors de la sagesse, même lorsqu'il ne les montrait pas encore, et qu'il les conservait pour lui-même, avec l'intention de les dévoiler, en son temps, devant le peuple de Dieu.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001043 

 Et Paul s'écrie: Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés? Ailleurs encore: N ul ne s'arroge cet honneur; il faut y être appelé par Dieu comme Aaron..

  A023001043 

 Ils couraient, dit Dieu par la bouche d'Ezéchiel, en parlant des faux prophètes, et je ne les envoyais pas.

  A023001044 

 Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante.

  A023001044 

 «Je ne nie pas,» dit-il, «que Dieu ait envoyé parfois plus tard des apôtres, ou au moins, à leur place, des évangélistes, comme cela s'est produit de notre temps; car ils étaient nécessaires pour retirer l'Eglise de la défection de l'Antéchrist.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001046 

 En effet, dit-il, ils ont été ordonnés prêtres par les Evêques, et comme prêtres ils ont eu le devoir de dispenser la parole de Dieu.

  A023001046 

 Quant à Philippe du Plessis-Mornay, dans son traité français De l'Eglise, qui plaît tant aux calvinistes, il soutient que la [136] vocation de Luther, de Zwingle et des autres fameux hérétiques de notre temps, ne provient pas de Dieu immédiatement et extraordinairement, comme le pense Calvin, ni médiatement «des magistrats charnels,» comme l'enseigne Luther, mais médiatement des Evêques catholiques.

  A023001047 

 De même, si tu demandes à Calvin: Qui t'a appelé? Dieu, répond-il, par un appel extraordinaire.

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001101 

 Aussi est-ce avec pleine vérité que saint Cyprien écrit: «Il n'y a pas d'autre cause aux hérésies et aux schismes que le manque d'obéissance au Prêtre de Dieu, parce qu'on ne considère pas comme tenant la place du Christ celui qui seul est pour un temps Prêtre et Juge dans l'Eglise.

  A023001101 

 Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables.

  A023001103 

 Quant au Pontife Romain lui-même, bon Dieu, de quels titres magnifiques et mérités ils le glorifient! Cyprien l'appelle, «l'Evêque de la très sainte Eglise Catholique.» D'autres: «Le très saint et très heureux Patriarche, le Patriarche universel, le Chef des Conciles, le Chef de l'Eglise universelle,» comme le Concile de Chalcédoine; «le très heureux Seigneur, porté au faîte de la dignité apostolique, le Père des pères, le Souverain Pontife de tous les pontifes,» comme Etienne, archevêque de Carthage; «le Souverain Prêtre,» comme Jérôme; «le Prince des prêtres,» comme Valentinien; «le Gardien de la vigne du Seigneur,» comme le Concile de Chalcédoine; «le Chef de la maison du Seigneur,» comme Ambroise; «le Vicaire du Christ,» comme Cyprien.

  A023001121 

 Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.».

  A023001121 

 Vincent de Lérins s'exprime mieux que personne lorsqu'il traite [151] de l'autorité des anciens Pères: «Celui,» dit-il, «qui méprise ces Pères, que Dieu a répartis à travers les temps et les lieux, lorsque, au sujet du sens à attribuer à un dogme catholique, ils sont d'accord dans le Christ sur un point, celui-là ne méprise pas l'homme, mais Dieu.

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001139 

 Luther s'exprime ainsi quelque part: «Je veux d'abord qu'ils [153] sachent bien, et je les prends à témoins, que je ne veux céder en aucune façon à l'autorité d'un Père, pour saint qu'il soit.» Ensuite, comme entrant en lutte avec tous les Pères, il tâche de les secouer en tous sens pour les jeter bas: «Que d'erreurs n'a-t-on pas rencontrées dans les écrits de tous les Pères! Que de fois ne diffèrent-ils pas d'opinion entre eux! que de fois ne sont-ils pas d'avis différent les uns d'avec les autres! Quel est celui d'entre eux qui n'ait plusieurs fois détourné les Ecritures de leur sens? Chaque fois qu'Augustin se contente de disputer, il ne définit rien; Jérôme, dans ses Commentaires, ne formule presque aucune affirmation positive.» Il conclut enfin: «Que personne ne m'oppose l'autorité d'un Pape ou d'un Saint quelconque, si elle n'est appuyée sur les Ecritures.» Et quelle superbe dans son livre Contre le Roi d'Angleterre! «La Parole de Dieu,» écrit-il, «est au-dessus de tout.

  A023001156 

 Ce qu'il a fait si bien et dextrement, que qui voudra bien considerer ses escrits, confessera que c'est à luy, après Dieu, qu'appartient l'honneur de la résolution depuis suivie par toutes gens de bon jugement.» Ergone, Beza, solus Calvinus recte de Eucharistia sentiendi regulam novit? Omnes usque ad Calvinum tanti Sacramenti vim et efficaciam ignoraverunt?.

  A023001190 

 Mais qui ne reconnaîtra plus manifestement et plus expressément la fureur du changement dans Calvin, lorsque, à propos de la Trinité et de ces mots: personne, substance, consubstantiel, il écrit: «Plût à Dieu que ces mots fussent ensevelis dans l'oubli! Au moins on entendrait partout cette profession de foi commune, que le Père, le Fils et l'Esprit» Saint «sont un seul Dieu.» Ailleurs il change le mot de personne en celui de résidence, si nous voulons nous en tenir aux plus anciennes éditions de ses Institutions, surtout aux françaises, celle en particulier que fit Thomas Courteau en 1564.

  A023001198 

 En outre, dans saint Augustin n'examinons pas tout, mais un seul chapitre: le huitième du Livre XXII e de La Cité de Dieu.

  A023001200 

 Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres..

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001205 

 Vous verrez Augustin lui-même, sur le point d'adresser d'un lieu élevé la parole à ses ouailles, les exciter à louer Dieu [175] et à le remercier.

  A023001206 

 Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu.

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001234 

 La huitième caractéristique de toutes les hérésies est l'esprit de dissension; car, comme dit l'Apôtre, est-ce que le Christ est divisé? Et: Dieu est un Dieu non de dissension, mais de paix.

  A023001237 

 C'est là la guerre des Madianites, et, comme l'écrit ailleurs Luther lui-même, Dieu a tout arrangé pour que les impies se confondent toujours eux- mêmes, et pour que les mensonges ne concordent pas entre eux, mais se dévoilent eux-mêmes.

  A023001244 

 Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue.

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001296 

 Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu.

  A023001309 

 Bonté de Dieu! c'est précisément de ce a qu'il s'agit, à savoir, qui interprète mieux les Ecritures..

  A023001309 

 Pourquoi avez-vous le droit d'examiner leur sentence et leur interprétation, plutôt qu'eux ou nous celui d'examiner la vôtre, et qui sera juge en face d'un droit égal pour tous? S'ils se trompent dans leur interprétation, parce qu'ils ont été hommes, comme vous objectez, pourquoi ne pouvez-vous vous tromper vous-même? N'êtes-vous pas aussi un homme, [ou tout au moins une bête]? Je n'imagine pas, en effet, que vous soyez un ange ou un dieu, ou quelque chose d'inanimé.

  A023001310 

 De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels..

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001319 

 Sainte Marie, secours les malheureux, aide les pusillanimes, console les affligés; prie pour le peuple, interviens en faveur du clergé, intercède pour les femmes consacrées à Dieu; qu'ils sentent ton aide tous ceux qui célèbrent ta sainte mémoire.

  A023001319 

 Sois toujours intéressée aux désirs de tes clients et [200] obtiens à tous ce qu'ils souhaitent; occupe-toi à prier sans cesse pour le peuple de Dieu, toi qui as mérité, ô Bénie, de porter le Rédempteur du monde, qui vit et règne dans les siècles des siècles.».

  A023001321 

 Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau..

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001347 

 Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable.

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001348 

 Et ces hérétiques ne se contentent pas de charger de tant d'injures l'Eglise militante de Dieu; c'est encore peu pour eux, s'ils ne lancent les flèches de leurs injures même contre les citoyens de l'Eglise triomphante.

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001382 

 Puis il ajoute: «Chaque fois que je lisais ce texte, je souhaitais que Dieu n'eût jamais révélé l'Evangile; car, qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» De nouveau ailleurs: «Autrefois, lorsqu'il me fallait lire, en priant, ce texte du Psaume: Délivre-moi dans ta justice, j'étais tout pénétré d'horreur, et de tout mon cœur je haïssais cette parole.» Et peu après: «Ici, vraiment, tous les Pères, Augustin, Ambroise, etc., se sont trompés, et se sont heurtés à ce passage comme à une pierre de scandale.» C'est de cette haine d'un Dieu irrité et juste, qu'il passa à la méditation où il dit avoir trouvé sa foi justifiante: «Alors je me sentis renaître et entrer, toutes portes ouvertes, en plein Paradis.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001383 

 D'abord, que la nouveauté de Luther commença par la haine de Dieu, de tous les péchés le plus grave: source digne, en vérité, de s'épancher en tant de ruisseaux d'hérésies..

  A023001384 

 En second lieu, que Luther ne s'amenda pas après avoir lancé son hérésie, mais persista dans cette haine exécrable: «Car,» dit-il, «qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» Par ces paroles, non seulement il affirme sa haine de Dieu, mais aussi son impossibilité passée et présente d'aimer Dieu.

  A023001384 

 Et ailleurs: O Dieu, donnez votre jugement au roi, et votre justice au fils du roi.

  A023001385 

 En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable..

  A023001385 

 En troisième lieu, Luther trahit sa très grossière ignorance en disant que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, ont interprété le passage de saint Paul aux Romains dans le sens de la justice punissante de Dieu.

  A023001386 

 Augustin lui-même, Nicolas de Lyre et la Glose ordinaire expliquent clairement ainsi: Délivrez-moi dans votre justice, c'est-à-dire: Ma justice étant nulle, je ne puis être délivré par elle; aussi désiré-je être délivré par la vôtre, ô Dieu bon.

  A023001386 

 Cependant, à propos du texte dont il s'agit, la Glose ordinaire remarque doctement que l'interprétation ci-dessus est plutôt morale, attendu que, littéralement, le Psalmiste parle de la justice de Dieu en tant que juge; comme s'il disait: Puisque vous êtes juste.

  A023001386 

 En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001394 

 Mais quelle a bien pu être, je le demande, la cause d'une si grande haine? Est-ce à une persuasion céleste d'un Ange ou de Dieu qu'il faut attribuer une pareille horreur de Luther pour la Messe? Bien plus, certes: le maître qui a enseigné et occasionné ces colères de Luther contre la Messe, le beau maître bien digne que Luther jurât sur sa parole, ce fut le diable.

  A023001395 

 Enfin Luther ajoute: «J'avouai devant le démon, convaincu par la loi de Dieu, que j'avais péché, que j'étais damné comme Judas; mais je me tournai vers le Christ avec Pierre, et je considérai son immense bienfait et mérite.

  A023001396 

 Bon Dieu! qui entendit jamais pareille chose? qui main» tenant peut l'entendre sans horreur? enfin, qui peut retenir ses larmes en rapportant tout cela? Et cependant, hélas! on ne rencontre [222] que trop d'hommes à se glorifier d'opinions aussi effrayantes, aussi honteuses et répugnantes, apportées de l'enfer, et à se mettre à la suite de leur auteur, le diable.

  A023001471 

 Ainsi le Dieu très bon et très grand a régi son peuple d'Israël par des chefs, des Juges, des Rois; les affaires de son Eglise, par les Souverains Pontifes; celles du Ciel, par l'Archange Michel, sous la dépendance duquel sont, dit-on, les autres Anges.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001483 

 Au sujet des soldats, il existe un merveilleux Sermon de saint Bernard aux chevaliers du [228] Temple, tout à fait approprié à notre cas: «Marchez avec confiance, soldats, et chassez avec intrépidité les ennemis de la Croix du Christ, assurés que ni la mort, ni la vie ne pourra vous séparer de la charité de Dieu.

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001483 

 Le roi, dit saint Paul, ne porte pas le glaive sans cause, car il est le ministre de Dieu, le vengeur de sa colère.

  A023001489 

 Pourquoi donc? Parce que, [229] dit-il, «nos consciences ont affaire, non avec les hommes, mais avec Dieu.».

  A023001492 

 Celui qui résiste à l'autorité résiste à l'ordre de Dieu; mais ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation.

  A023001492 

 Et cependant il s'écrie: Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu.

  A023001492 

 Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par motif de conscience, car ce sont des ministres de Dieu.

  A023001492 

 Que réponds-tu à cela, Calvin? Ne vois-tu pas que nos consciences ont aussi affaire avec les hommes, à savoir avec ceux qui tiennent la place de Dieu dans l'administration du pouvoir ecclésiastique ou politique? Combien la proposition de Calvin diminue l'autorité des princes et des lois, chacun peut le voir, et les princes eux-mêmes peuvent le sentir et l'expérimenter [230], s'ils permettent à ces enseignements impies et séditieux de prendre racine dans leurs Etats..

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001505 

 Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste.

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001512 

 Est-ce que jamais la République chrétienne a été plus heureusement administrée que sous Constantin, Théodose l'ancien, Honorius, Théodose le jeune, Justinien, Charlemagne, Louis, nos Amédée [de Savoie.] tous empereurs, rois et princes très pieux? C'est pourquoi, comme il convenait à un si grand Prophète de Dieu, Isaïe a dit, en parlant du Christ et de l'Eglise: La nation et le royaume qui ne te servira pas, périra.

  A023001517 

 Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple.

  A023001519 

 Louange donc gloire, honneur et bénédiction au Seigneur notre Dieu, à la miséricorde duquel nous devons de voir enfin commencer à diminuer de force et à s'écrouler toutes ces hérésies.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001522 

 Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique.

  A023001571 

 Trinité: unité en trois personnes, et, inversement, trois personnes en un seul Dieu..

  A023001581 

 «Le saint Concile enseigne et confesse ouvertement et [244] simplement, qu'au tres auguste Sacrement de la sainte Eucharistie, apres la consecration du pain et du vin, Nostre Seigneur Jesus Christ, vray Dieu et vray homme, est contenu vrayement, reellement et substantiellement souz l'espece de ces choses sensibles.».

  A023001582 

 Quand il est dit que «Jesus Christ, vray Dieu et vray homme,» y est, il est par consequent dit que le vray cors de Jesuschrist y est; car un vray homme ne peut estre sans un vray cors..

  A023001585 

 Mays par ce qu'un cors, cors vrayement naturel, peut estre en quelqu'endroit ou naturellement ou surnaturellement, je dis que le sacré cors naturel, reel et substantiel de Nostre Seigneur Jesuschrist est au divin Sacrement non point naturellement, mais surnaturellement, par la toute puissance de Dieu.

  A023001606 

 Cependant, je loue Dieu qui a encores enflammé le cueur de ces [251] bons Seigneurs pour la tüition de ceste querelle, laquelle je vois qu'ils embrassent a bon escient, n'ayants aultre veue que la gloyre de Dieu et le salut de leurs prochains: que sont tesmoignages d'une vraye charité, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens.

  A023001606 

 Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins.

  A023001606 

 Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez.

  A023001606 

 Tant y a que nous avons esperance que Dieu benira le louable dessein de vos magnifiques Seigneurs en cest affaire, comme je l'en prie de tout mon cueur, et pour leur prosperité, et de la vostre en particulier, demeurant,.

  A023001615 

 Dieu, par sa grace, vueulle avoir pitié de sa pauvre Eglise et la delivrer de tous dangers, fortifiant ses enfans par sa vertu, afin qu'ils ne defaillent en la foy.

  A023001623 

 fidelle ministre de la Parolle de Dieu.

  A023001630 

 Dieu vueulle pardonner a ceux qui n'auront pas rendu leur debvoir a secourir ceux qui, perissants, ont imploré l'aide des spectateurs de telles tragedies..

  A023001631 

 Christ n'est pas divisé: il faudroict donc tascher a reunir ses membres et oster toute occasion de schisme et division en l'Eglise de Dieu, puis qu'ainsi est qu'hors d'icelle il ny a point de salut.

  A023001632 

 Dieu, par sa grace, nous fasse misericorde, car nous pouvons dire maintenant:.

  A023001632 

 Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement.

  A023001641 

 Rallie nous, o Dieu tres fort! etc..

  A023001646 

 Rallie nous, o Dieu tres doux! etc..

  A023001652 

 Je croy fermement qu'il ny a difficulté de religion qui ne se puisse resouldre entre gens charitables et vuydes de toutes preoccupations, ains seulement desireux de recercher la verité pour la gloyre de Dieu et le salut de son Eglise; car la promesse est infallible, que Jesus Christ a faicte aux siens, quil seroyt avec eux jusqu'à la consommation du monde.

  A023001652 

 Mais comment sera il au milieu d'une division? Cerchons donc et embrassons, au nom de Dieu, ceste union, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens.

  A023001653 

 Messieurs, si je parle si franchement a ceux a qui je doibs tout honneur et respect; mais le zele de lhonneur de Dieu et la ruïne de nos eglises me contrainct a vous dire ce que vous entendes mieux que moy, mais vous n'en sentes pas peut estre les aigullions qui alterent nos ames.

  A023001653 

 Tant y [a] que Dieu ne delairra point son Eglise.

  A023001687 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique, Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A023001688 

 Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes..

  A023001694 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve: a tous les ecclesiastiques de Nostre diocese, salut.

  A023001702 

 VII. Tous les curés fourniront ou procureront pour leurs eglises des tabernacles, avec des ciboires propres pour reposer le tressaint Sacrement sur l'autel; changeront tous les premiers Dimanches du moys les Communions qui sont reservees pour les malades, et ne garderont le Saint Sacrement qui aura esté exposé en la Feste Dieu que jusques au jour suyvant immediatement l'octave, auquel ilz le consumeront..

  A023001709 

 XIV. Nul ne fera au prosne aucune publication des choses et negotiations seculieres et profanes, ains seulement de celles qui concernent le service [de Dieu] et des ames..

  A023001718 

 XXIII. Toute autre façon de Prosne que celle qui a esté publiee par feu Monseigneur nostre predecesseur (que Dieu absolve) est entierement prohibee..

  A023001729 

 Il est en fin commandé a tous curés et vicayres d'avoir les presentes Constitutions et les affiger en leurs sacristies, ou autre lieu de leurs eglises ou ilz les puissent souvent voir et considerer, a la gloire de Dieu et salut du peuple..

  A023001750 

 Le signe de la cloche estant donné, le Portier ouvrira l'eschole ou l'eglise, disposera les bancs et attendra a la porte ceux qui viendront; introduira les enfans et leur enseignera la façon de saluer, affin qu'ilz sçachent dire: Dieu nous donne sa paix, et former le signe de la Croix avec l'eau benite, comme aussi de reciter l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique; ou s'ilz ne sont pas capables, il taschera pour le moins qu'ilz fassent la genuflexion au tressaint Sacrement devant le grand autel.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001764 

 L'office que vous exerces est excellent, puisque vous estes establis de la part de Dieu pour juger les ames avec tant d'authorité, que les sentences que vous prononces droittement en terre sont ratifiees au Ciel.

  A023001771 

 Si donq estant appellé pour confesser vous vous trouvies en peché mortel (ce que Dieu ne veuille), vous devez premierement aller a confesse et recevoir l'absolution; ou, si vous ne pouves avoir ce bien, faute de confesseur, vous deves exciter en vous la sainte contrition..

  A023001772 

 Ayes un ardent desir du salut des ames, et particulierement de celles qui se presentent a la Penitence, priant Dieu qu'il luy playse de cooperer a leur conversion et avancement spirituel..

  A023001774 

 Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés..

  A023001775 

 Si vous le voyes effronté et sans apprehension, faittes luy bien entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient prosterner; qu'en ceste action il s'agit de son salut eternel; qu'a l'heure de la mort il ne rendra conte d'aucune chose si estroittement que des confessions qu'il aura mal faittes; qu'en l'absolution on employe le pris et le merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001777 

 Si vous le voyes en perplexité pour ne sçavoir pas bien dire ses pechés, ou pour n'avoir sceu examiner sa conscience, promettes luy vostre assistance, et l'asseures que, moyennant l'ayde de Dieu, vous ne laisseres pas pour cela de luy faire faire une bonne et sainte confession..

  A023001781 

 Dieu benisse vostre cœur qui est si bien disposé a se bien accuser.

  A023001781 

 Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001787 

 S'il y a aucun Sacrement en l'administration duquel il faille paroistre en gravité et majesté, c'est celuy de la Penitence, puisqu'en iceluy nous sommes juges deputés de la part de Dieu.

  A023001823 

 Apres donq que le confesseur a bien reconneu l'estat de la conscience du penitent, il doit disposer et ordonner ce qu'il voit estre necessaire pour le rendre capable de la grace de Dieu, tant en ce qui concerne la restitution des biens d'autruy et la reparation des tortz et injures qu'il a faittes, comme aussi en ce qui regarde l'amendement de sa vie et fuite ou esloignement des occasions de mal faire..

  A023001853 

 Et pour le regard des conseilz que le confesseur doit donner au penitent en general, voyci les plus utiles a toutes sortes de personnes: se confesser et communier tres souvent et de choysir un bon confesseur ordinaire; hanter les sermons et predications; avoir et lire des bons livres de devotion, comme entre autres ceux de Grenade; fuir les mauvaises compaignies et suivre les bonnes; prier Dieu bien souvent; faire l'examen de conscience le soir; penser a la mort, au jugement, au Paradis, a l'enfer; avoir et bayser souvent de saintes images, comme de Crucifix et autres..

  A023001858 

 Cela fait, avant que de donner la sainte absolution, vous demanderes au penitent s'il ne requiert pas humblement que ses pechés luy soyent remis, s'il n'attend pas ceste grace du merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, s'il n'a pas volonté de vivre des-ormais en la crainte et obeissance de Dieu..

  A023001859 

 Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller.

  A023001864 

 Recommandes tousjours mon [296] ame a la misericorde de Dieu, comme, de mon costé, je vous desire sa sainte benediction..

  A023001866 

 Dieu ne veut pas cela; il se plaint que nos humeurs trop severes rendent ses autelz desertz et ses sacrifices sans victimes: Parce que vous commandes, dit nostre Seigneur parlant a nous autres prestres, dans un pouvoir si absolu, mes pauvres brebis s'en sont fuyes de crainte..

  A023001868 

 Le Filz de Dieu est une paste de misericorde, et expres il s'est fait homme pour se joindre a une humeur misericordieuse; pour cela, sa divine ame s'est unie a son humanité pour endurer, et elle a esté attachee a son cors affin de compatir avec douceur a ses creatures et se faire semblable a ses freres.

  A023001881 

 Mes Freres, si Dieu vous a destinés a la conduitte des ames, vous deves continuellement luy demander ses lumieres pour bien connoistre les veritables operations de son Esprit.

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001883 

 C'est encor un effect de l'Esprit de Dieu, de jetter une grande crainte avec une extreme confiance en ceux qu'il cherit: l'une vient de la connoissance de nostre infirmité, et l'autre descoule du saint amour.

  A023001884 

 Celuy qui avance traisne [299] d'abord un peu sa croix; toutesfois, quand il regarde son Sauveur et son Maistre portant la sienne au Calvaire, il la releve, il prend courage, il se resout a la patience et a benir Dieu.

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001884 

 Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience.

  A023001885 

 C'est encor une marque de l'Esprit de Dieu, d'estre doux et misericordieux a son prochain, lhors mesme qu'il est plus proche de tomber sous la rigueur de sa justice, de peur de l'ensevelir sous ses ruynes.

  A023001886 

 Le diable, au contraire, leur fait voir une vengeance effroyable en Dieu, pour punir leurs moindres defautz; il leur represente une cholere et une rigueur extreme en Celuy qui ne peut entendre crier la moindre de ses creatures sans luy donner du secours, et qui se rend a la premiere larme qui sort d'un cœur veritablement contrit.

  A023001886 

 Mais prenes garde a la ruse de nostre ennemy: avant que de les avoir portés au peché, il leur represente Dieu sans mains et sans foudre; et quand il les a renversés par terre, il le fait venir en leur imagination environné d'esclairs et de flammes, et tout couvert de feu pour les reduire en cendre..

  A023001886 

 Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy.

  A023001887 

 Examines encor si ces personnes se perdent en leur propre estime en relevant leurs graces et leurs propres dons, [300] et lesquelz au contraire traittent avec mespris ou tiennent pour suspectes les faveurs que Dieu depart aux autres; car la marque la plus asseuree de la sainteté c'est quand elle est fondee sur une vraye et profonde humilité et une ardente charité.

  A023001888 

 Et pour ce qui regarde les personnes trompees, Dieu mesme, si vous les en croyes, leur sert de garant et de couverture.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Si vous voules probablement juger si ces ames ont de vrays sentimens de Dieu et si les graces qu'elles disent recevoir de sa Bonté sont veritables, voyes si elles ne sont point attachees a leur propre jugement et a leur propre volonté, et a ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles [301] leur donnent du soupçon et les laissent irresolues jusques a tant que, par l'advis de leurs directeurs et de plusieurs personnes pieuses, doctes et experimentees, elles soyent confirmees en la creance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela: car le Saint Esprit cherit sur toutes choses les ames humbles et obeyssantes; il se plaist merveilleusement a la condescendance et a la sousmission, comme estant Prince de paix et de concorde.

  A023001893 

 Il est vray qu'il y eut quelque son et un petit bruit; mays Dieu le permit a cause des Juifz, et pour des raysons marquees en l'Escriture Sainte.

  A023001893 

 Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Ces grans hommes, en la seule vertu de Celuy duquel ilz portent le nom, commencerent fortement a diviser ce parti, a l'heure mesme que Calvin pensa separer la realité dedans le Testament que Dieu nous a laissé.

  A023001970 

 [Ayant été empêché, pendant les deux premières années, par suite des guerres et des mauvais temps, de visiter son diocèse, [313] il a, ces deux dernières années, visité personnellement deux cent soixante églises paroissiales, distribué lui-même au peuple partout, du mieux que ses faibles moyens le lui ont permis, le pain de la parole de Dieu, et administré le Sacrement de la Confirmation à d'innombrables fidèles.] Il compte l'an prochain visiter le reste du diocèse.

  A023001976 

 Tous les chanoines sont ou nobles de père et de mère, ou docteurs, d'après leur Statut confirmé par le Saint-Siège; parmi eux il s'en trouve actuellement dix qui sont de bons prédicateurs de la parole de Dieu..

  A023001994 

 Dans dix bourgs la parole de Dieu est prêchée chaque jour pendant tout le temps du Carême.

  A023002049 

 Aussi font-ils blasphémer les ennemis de Dieu, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens? [325].

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002055 

 Elles se trouvent, en effet, obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, et il ne leur est jamais loisible de demander le ministère d'un autre: avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait..

  A023002060 

 Mais aujourd'hui que Dieu a multiplié ces populations, et que les déserts ont été, grâce au travail et à l'industrie, changés en champs et en prairies, il serait à souhaiter qu'on attachât des pasteurs à ces troupeaux spirituels; les dîmes qu'on touche chaque année suffiraient à les entretenir..

  A023002063 

 Plût à Dieu qu'un Visiteur Apostolique, fidèle et prudent, pût venir donner à toutes les églises, comme à autant de familles, la mesure de froment qui est nécessaire à chacune!.

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002122 

 Si dorénavant on enlève à celui qui est dépourvu même ce qu'il a, non seulement l'administration publique ecclésiastique sera conservée plus difficilement dans ce diocèse, mais elle se verra forcée à tomber tout à fait, à moins que Dieu ne daigne de nouveau accorder sa manne céleste à ceux qui manqueront de la farine d'Egypte..

  A023002130 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés, Vicaires et autres Ecclesiastiques ayans charge des ames en son diocaese..

  A023002139 

 A L'INSTANCE DE TRES ILLUSTRE ET REVERENDISSIME PERE EN DIEU.

  A023002143 

 Ayant une de ces croix, medailles, couronnes, images, chapelletz et rosaires, en se confessant, ou communiant, ou celebrant Messe, et disant apres la Messe, ou Communion, ou Confession un Pater noster et Ave Maria, ou priant Dieu en quelqu'autre maniere pour Sa Sainteté, pour l'exaltation de nostre Mere sainte Eglise, extirpation des haeresies et pour les ames de Purgatoire, a chasque foys on gaigne Indulgence pleniere..

  A023002147 

 Item, chasque fois qu'on s'exercera en quelqu'œuvre de misericorde, ou qu'on accompaignera ou visitera le Saint Sacrement, ou escoutera la Messe ou le sermon, ou par devotes leçons ou meditations on acquerra ferveur d'esprit ou bons propos, ou qu'on recommandera a Dieu les ames de Purgatoire, ou priera pour celles qui sont en peché mortel, on gaigne cent et cinquante ans d'Indulgence..

  A023002164 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés et autres ayans charge des eglises de Nostre diocaese..

  A023002189 

 Encor qu'entre tant de perfections desquelles Dieu a comblé les ancestres de Vostre Altesse, il soit malayse de discerner celle qui tient le premier rang, si est ce que la pieté envers Dieu presente un esclat si particulier et si signalé entre toutes, qu'il donne toute asseurance aux tres humbles et tres obeissans orateurs de Vostre Altesse, Philibert, Evesque de Maurienne, François, Evesque de Geneve, supplians, tant a leur nom que de leur clergé, et aux autres ecclesiastiques soubsignés, de luy remonstrer:.

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002191 

 C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres..

  A023002242 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux très chers dans le Christ et [349] Révérends Recteurs des églises paroissiales du diocèse de Genève, salut éternel..

  A023002243 

 Ils empêchent ainsi que la très suave impétuosité du fleuve qui jaillit jusqu'à la vie éternelle ne puisse continuer à réjouir la cité de Dieu.

  A023002247 

 Mais voici que lui succède Claude de Granier, homme cher à Dieu et aux hommes, dont la mémoire est en bénédiction; homme que la droite du Très-Haut conduisit d'une manière admirable à cause de son amour de la vérité, de sa douceur et de sa piété, lui faisant partager la gloire des saints, afin de l'enrichir dans ses pénibles labeurs et de faire fructifier ses travaux.

  A023002251 

 Je vous promets, s'il plaît à Dieu, de vous les donner aussitôt que les nombreuses sollicitudes et occupations qui m'envahissent de toute part m'auront accordé un peu de loisir et de tranquillité d'esprit.

  A023002252 

 Ainsi tous, non seulement d'une même foi, mais d'une seule et même bouche, d'une seule et même façon, nous bénirons le Seigneur Dieu dans les églises et, suivant le précepte de l'Apôtre, tout se fera parmi nous avec bienséance et avec ordre..

  A023002252 

 Maintenant donc que, par la grâce de Dieu, Nous avons opportunément terminé une œuvre désirée depuis tant d'années, il vous reste à vous en servir tous avec joie et unanimité.

  A023002367 

 Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux.

  A023002392 

 C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere.

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002394 

 Et a cette intention nous nous accuserons de tous nos pechés en general, avec vray propos de les confesser en particulier en tems et heu, selon l'ordonnance de Dieu et de son Eglise.

  A023002395 

 Et partant, je prie la glorieuse Vierge Marie, le bien heureux saint Michel Archange, le bien heureux saint Jean Baptiste, saint Pierre et saint Paul, apostres, monseigneur saint N., mon Patron, et tous les Saintz et Saintes de Paradis, et vous, mon Pere spirituel, de prier pour moy vers mon Dieu, mon Createur, affin qu'il luy playse me pardonner.».

  A023002395 

 «Je me confesse a Dieu tout puyssant, a la glorieuse [366] Vierge Marie, au bien heureux saint Michel Archange, au bien heureux saint Jean Baptiste et a saint Pierre et saint Paul, apostres, a monseigneur saint N., mon Patron, et a tous les Saintz et Saintes de Paradis, et a vous, mon Pere spirituel, pour ce que j'ay grandement peché en pensees, en parolles et en œuvres: et le tout par ma faute, par ma coulpe et par ma tres grande coulpe.

  A023002398 

 En cette mesme reconnoissance et humilité, nous demanderons a Dieu son ayde et secours pour toutes nos necessités:.

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002401 

 Nous prierons de mesme, comme conseille saint Paul, pour tous Princes et magistratz chrestiens, et particulierement pour Sa Majesté et pour la Reyne regente et pour [367] Messeigneurs les Princes du sang; et non seulement pour eux, mays pour tous ceux qu'ilz ont ordonnés pour gouverner de leur part, affin qu'il playse a Dieu leur donner le don de force et de conseil pour nous maintenir en sainte paix et tranquillité, et administrer droittement la justice, affin que, sous leur obeissance, «nous passions tellement par les biens temporelz, que nous ne perdions pas les eternelz.».

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002404 

 Specialement nous prierons qu'il playse a Dieu avoir en sa garde les femmes enceintes, et mesme de cette parroisse, conduisant le fruict de leur ventre au saint Sacrement de Baptesme pour avoir part a l'heritage du Ciel..

  A023002408 

 Nous prierons aussi pour tel N., ou telle N., de cette parroisse, lequel estant touché d'une griefve maladie se recommande a vostre charité, a ce qu'il playse a Dieu luy envoyer ce qu'il sçait luy estre plus prouffitable a son salut.

  A023002410 

 Finalement, puisque la Sainte Escriture tesmoigne et l'Eglise a tous-jours creu que c'est une sainte et salutaire pensee de prier pour les fidelles trespassés, nous prierons pour nos peres, meres, freres, parens et amis et tous autres fidelles decedés, et en particulier pour ceux desquelz les cors reposent en cette eglise ou cimetiere, et tous bienfacteurs d'icelle (et mesme pour tel N. ou telle N.), lesquelz estans trespassés au giron de l'Eglise, sont et seront tous-jours ses enfans, appartenans a un mesme Royaume de Jesus Christ et membres d'un mesme cors avec nous; affin que, s'ilz estoyent detenus en quelque peyne, il playse a Dieu les en retirer et les colloquer au repos eternel..

  A023002415 

 Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur.

  A023002417 

 Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort.

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002420 

 Je croy en Dieu le Pere tout puyssant, [etc.].

  A023002423 

 Encores est il requis sur toutes choses au vray chrestien d'observer la volonté de Dieu pour parvenir a la vie eternelle, la foy sans les œuvres estant morte, comme dit saint Jaques Oyes donq avec reverence les Commandemens de Dieu, pour les apprendre et garder de point en point, moyennant sa sainte grace..

  A023002424 

 Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ay tiré de la terre d'Egipte, de la mayson de servitude.

  A023002424 

 Tu n'auras point d'autre Dieu que moy.

  A023002425 

 Tu ne prendras point le nom de ton Seigneur Dieu en vain, [etc.].

  A023002427 

 Voyla les Commandemens de Dieu ainsy qu'ilz furent [370] donnés a Moyse, lesquelz, pour en avoir meilleure souvenance, on peut reduire en la maniere suyvante:.

  A023002428 

 Un seul Dieu tu adoreras et aymeras parfaitement; [etc.].

  A023002429 

 Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:.

  A023002431 

 S'il y a des festes ou vigiles on pourra dire: Obeyssans donq ausditz Commandemens, vous jeusneres tel ou tel jour, et vous observeres la feste de N. tel ou tel jour, vous abstenans de toute œuvre servile, pour vacquer au service de Dieu ne plus ne moins que le jour de Dimanche ou de Noël (selon la feste)..

  A023002436 

 S'il faut adviser de quelque larcin ou de quelque chose perdue: J'advise ceux ou celles qui auront desrobbé ou treuvé N. N., qu'ilz le rendent, autrement ilz encourront [371] la malediction donnee contre ceux qui violent la loy de Dieu..

  A023002439 

 Et finira disant: Mays seulement je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes.

  A023002439 

 Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A023002447 

 «Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu,» etc., et le reste qui s'ensuit jusques a l'absolution: Indulgentiam, etc., inclusivement.

  A023002448 

 Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A023002448 

 Je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes.

  A023002466 

 Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames..

  A023002558 

 Et quant aux autres festes de devotion, combien que personne ne soit astreint sous aucune peyne de les garder ou celebrer, toutes-fois celuy fera bien qui, selon la louable coustume du diocese, rendra en icelles son devoir envers Dieu, les Saintz et l'Eglise..

  A023002558 

 Notes que sont aussi de commandement tous les jours du Dimanche, le second et tiers jours de Pasques, le jour de l'Ascension de Nostre Seigneur, le second et tiers jours de Pentecoste, le jour de la Feste Dieu; item, les jours des Dedicaces et Patrons des eglises, comme de mesme les testes legitimement voüees par authorité du Praelat, a chacun selon sa parroisse et lieu d'habitation.

  A023002559 

 Au reste, est defendu a tous curés et vicayres de ne publier au Prosne et solemnité de la sainte Messe aucune chose profane, comme venditions, accensemens de biens, payement de tailles, ou servis, et autres choses semblables; ains seulement ce qui concernera le service de Dieu et de son Eglise, comme festes, jeusnes, processions et autres commandemens qui viennent de la part de Monseigneur le Reverendissime..

  A023002659 

 C'est pourquoi le nom du Seigneur est blasphémé à cause d'eux chez les [383] hérétiques, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens-là?.

  A023002666 

 Car elles sont obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, ne pouvant, dans aucun cas et sous aucun prétexte, se confesser à un autre; avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait..

  A023002709 

 Nul ecclesiastique, tant seculier que regulier, ne sera receu a prescher la parohe de Dieu avant quil soit examiné par les deputés et appreuvé par Nous ou nostre Vicaire general.

  A023002805 

 Les curés adviseront soigneusement que l'on ne chante [397] es eglises certains Noels pleins de parolles indignes, profanes et contraires a la pieté et reverence deue aux lieux et choses sacrees, comme encores de n'adjouster es Psalmes que l'on chante es solemnités de la Nativité de Nostre Seigneur, certaines parolles ridicules et pleines de blaspheme; mais observeront diligemment au service de Dieu les sainctes et seules cerimonies que l'Eglise Catholique a religieusement instituees..

  A023002810 

 Tous ces poursuivans qui recherchent leur fortune au domaine de Jesus Christ tesmoignent manifestement qu'ilz en sont incapables, et coulpables d'ambition; ilz n'y recherchent pas, dit saint [399] Paul aux Romains, la justice de Dieu, mais leurs interestz propres..

  A023002814 

 L'experience m'a fait connoistre que le peuple se [400] portoit facilement aux exercices de devotion lhors qu'il avoit des personnes ecclesiastiques qui, par la parole de Dieu et le bon exemple, l'excitoyent a fuir le vice et embrasser la vertu; et qu'au contraire la populace se detraquoit fort facilement de l'exercice des vertus chrestiennes lhors que leurs prestres estoyent ignorans, peu soigneux du salut des ames et de mauvaise vie.

  A023002851 

 Monseigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, avec son Clergé assemblé dans le refectoir de Sainct François de ceste ville d'Annissi, a dict, constitué et ordonné:.

  A023002968 

 Et que le Cathechisme sera enseigné pour l'instruction de la jeunesse, affin que le service de Dieu soit faict..

  A023003038 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye, Prince de Piedmont, etc..


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000013 

 I. Ordonnance pour la procession du Saint-Sacrement le jour de la Fête-Dieu, vers le 13 juin 1604, (Minute) 12.

  A024000014 

 II. Procès-verbal et Ordonnances concernant le différend entre le Chapitre cathédral et la Collégiale de Notre-Dame d'Annecy, par rapport à la préséance en la procession de la Fête-Dieu, 6 et 7 juin 1605, (Inédit).

  A024000168 

 B. Extraits des Déliberations du Conseil de Ville d'Annecy au sujet de la procession de la Fête-Dieu 163.

  A024000283 

 A l'approche, presque à la veille de ce jour de fête périodique où l'Eglise catholique notre Mère a ordonné que le grand et vénérable Sacrement de l'Eucharistie soit honoré d'un culte spécial et solennel, et porté en procession en grande pompe et magnificence [3] sur les chemins et places publiques, pour montrer à ses ennemis, par tout ce joyeux apparat, la vérité victorieuse du mensonge et triomphante de l'hérésie: le Saint-Esprit Nous ayant, établi, par la volonté du Siège Apostolique, pour gouverner cette Eglise de Dieu où Nous sommes placé, le soin primordial Nous incombe de tout ordonner, afin qu'il n'y ait rien que de convenable et de beau dans cette solennité..

  A024000285 

 Cependant, quoique tout ce qui vient de Dieu soit bien ordonné et doive être fait avec bienséance et avec ordre, il importe que cela soit surtout observé dans la sainte Eglise de Dieu, qui doit toujours paraître comme une armée rangée en bataille.

  A024000286 

 En dernier lieu viendra Notre Eglise cathédrale, au milieu de laquelle Nous-même, Dieu aidant, porterons le très auguste et redoutable Sacrement dans le plus grand apparat et la plus grande magnificence qu'il sera possible.

  A024000296 

 L'an mille six centz et cinq, je, greffier en l'Evesché de Geneve soubsigné, suivant le commandement verbal a moy faict par l'Ill me et R me Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ay baillé assignation a noble et R d seigneur Loys de Sales, Prevost en l'eglise de Sainct Pierre de Geneve, ensemble aux seigneurs Chanoennes et Chappitre dudict Geneve, parlant a sa personne trouvé au devant le palais et maison de mondict Seigneur le R me de Geneve, a comparoir a demain, septiesme dudict mois de juing, heure de midy, en la maison de mondict Seigneur le R me de Geneve.

  A024000301 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant deuement faict citer les sieurs Prevost et Chanoennes de Sainct Pierre de Geneve d'une part, et les R dz sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame de ceste ville d'Annissy, a comparoir par devant Nous a ce jourdhuy, septiesme dudict mois de juin, a l'heure de midy, pour [9] recepvoir l'ordre auquel ilz doibvent respectivement marcher en la future procession du Tressainct Sacrement de l'hostel (sic), et iceulx ayant comparus d'une part et d'autre a l'heure assigné, Nous avons premierement faict ouverture d'une lettre venant de la part de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, de la teneur que s'ensuit:.

  A024000314 

 « Nous voyons par ceste lettre et le discour d'icelle, que mondict Sieur de Vienne, a l'occasion d'un advertissement quil a heu [11] de plusieurs chiefz et cas advenus narrés en icelle, que ledict Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur, estant ledict cueur occupé par mondict Seigneur le R me, lesdictz Prevost et Chanoennes de son Eglise; et que l'on collige probablement d'icelle que plainte a esté faicte de la part des sieurs Doien et Chanoennes, lesdictz Prevost et Chanoennes de Geneve leur avoir denyé et donné empechement formel de ne louer Dieu et chanter en ladicte eglise et procession les uns avec les autres.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000395 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000412 

 Comme en l'annee derniere 1613, et le mercredy, troisiesme jour de julliet, les scindicz de la ville dudict Samoen, tant a leurs noms que des aultres procureurs et tout le peuple de ladicte ville et parroisse dudict Samoen, assemblé en la sacristie de l'eglise dudict lieu, en presence des conseilliers et partie des apparentz de ladicte ville, auroient prié et requis les suppliantz de celebrer tous les mercredys, durant une annee entiere, une Grande Messe a l'honneur de Dieu et des glorieux saintz Fabien et Sebastiain, et, a l'issue d'icelle, fere la procession a l'entour de ladicte eglise, avec le cantique ou prose de Sebastiain, ainsy qu'appert par la memoire de la devotion prinse et prieres sur ce faictes, signee par lesdictz sieur Chastelain de Cornut, de Lestelley et aultres des illec assistantz; avec promesse lhors verbalement faicte..., de reconnoistre et recompenser honnestement le sallaire desdictz suppliantz, obligeantz par ce moyen tout le Chappitre, assisté de deux clercz de chœur, et de la peyne du maniglier occasion de ladicte procession..

  A024000413 

 Laquelle devotion estant benignement receuë... lesdictz suppliantz auroient poursuivy, puis accomply, par la grace de Dieu, [27] leur debvoir si bien qui leur a esté possible desja des le mois de julliet escheu, sans quilz ayent perceu aucune chose pour leur-dict sallaire, des clercz de choeur et maniglier.

  A024000414 

 A ceste cause, lesdictz suppliantz recourent tres humblement a Vostre Reverendissime Seigneurie, quil luy plaise les regler en leurs demandes et ordonner ce que raisonnablement leur est deubt ausdictz clercs et maniglier, a cause dudict service; car ilz desirent en tout et par tout de se ranger par la mesure de voz commandementz, ainsy quilz sont voz serviteurs et creatures tres humbles, et tres affectionnez a prier Dieu pour la prosperité de Vostre dicte Reverendissime Seigneurie, de laquelle ilz attendent devotement un tres charitable et equitable office..

  A024000442 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut..

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000468 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, faisons savoir à tous:.

  A024000470 

 C'est pourquoi, pour l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, et surtout au nom de la Vierge Mère de Dieu et du Bienheureux Claude, se sont-ils proposé de réédifier la chapelle susdite dans la même église et au même endroit, si toutefois cela Nous semble convenable; et aussi de lui fournir les ornements, le calice et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte [35] Messe.

  A024000522 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024000523 

 Son but était d'exciter les passants, par cette sorte d'invitation, à s'écarter un peu de leur route terrestre pour se souvenir de la Patrie céleste, et à adorer le Dieu tout-puissant par quelques pieuses prières.

  A024000551 

 Et lesquelles festes, tous les susnommés et leurs successeurs en ladicte parroesse et parochiens, serment faict main levee, ont promis et par ces presentes promectent a Dieu leur Createur et nostre Mere saincte Eglise, icelles solemnizer et tenir aperpetuité, eulx abstenir de faire aulcune oeuvre mecanicque, tant riere ladicte parroesse que dehors, ny moins permettre estre faict par aulcuns habitantz ou censiers estant dans ladicte parroesse; et c'est a peyne aux contrevenantz, par chescune fois, de cinq florins applicables a la reparation de l'eglise de ladicte parroesse, et en oultre, porter la Dimenche secutive, au devant de la croix, en la procession, une chandoille en signe d'amende honnorable a Dieu..

  A024000568 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024000592 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve:.

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000611 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous prebstres, clercz, tonsurés, sergent (sic) et officiers de Nostre diocese, salut..

  A024000645 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024000646 

 Et comme cette fondation, dotation, donation et augmentation tend à un grand accroissement de la gloire de Dieu et du salut du peuple, Nous l'avons jugée digne, non seulement d'approbation, mais, autant que Nous le pouvions, de louange, de félicitation et de confirmation.

  A024000671 

 Expose a Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie messire Pierre Vallet, curé de Vacheresse, disant que toutes les annees, le jour de Dimanche des Rameaux, les parroissiens dudict Vacheresse ont devotion faire offrande de formage a Dieu et a sainct Anthoine en l'eglise parroissiale dudict Vacheresse, a heure de Vespres; la ou se trouve un prebstre, de la part de sainct Anthoine, pour retirer la part de l'offrande, apres que le curé a prins et levé une grande piece de formage pour soy et une pour le recteur de [55] la chapelle Nostre Dame fondee en ladicte esglise, et une que le maniglier tire pour sa part, a forme des coustumes anciennement observees.

  A024000672 

 Et il priera Dieu pour la longue et heureuse vie et felicité de Vostre Reverendissime Seigneurie, que Dieu preserve..

  A024000674 

 Nous avons inhibé et inhibons aux laïcz n'entreprendre sur le despartement et distribution des offrandes lesquelles auront esté offertes et dediees a Dieu, et ordonnons aux sieurs Curé et commis de saint Anthoine de continuer en leurs coustumes anciennes pour ce regard.

  A024000694 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000748 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolicque Evesque et Prince [de Genève], a tous ceulx qui ces presentes verront, salut..

  A024000764 

 Supplient humblement les nobles François (sic) et Jaques de Vallon, freres, disantz que par diverses requestes ils auroient recouru a Vostre R me Seigneurie aux fins d'avoir une chapelle dans l'esglise de Samoen, pour y faire le service divin et y eriger ung banc pour prier Dieu; et ce, en contre eschange d'une quils en a voient, fondee par leurs predecesseurs, laquelle plus n'est leur, pour la place estre employee au bastiment du chœur....

  A024000765 

 Et ils prieront Dieu pour la conservation de Vostre R me Seigneurie.

  A024000772 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000774 

 Si declairons que la principale feste de leur Confrairie sera tousjours le Dimenche entre les Octaves de la Feste Dieu, et que les autres quattres festes moingz principale d'icelle seront les jours sacrez de Pentecoste, de l'Assumption de Nostre Dame, de Toussainctz et de Noel.

  A024000775 

 Nous exhortons en fin, au nom de Dieu, Nostre cher peuple de ladite parroisse de se rendre devot a ceste Confrairie, tant pour participer aux graces, Indulgences et benedictions Apostoliques concedees pour icelle, que pour tesmogner le zele quil a et doit havoir a ce tres divin, tres adorable et tres auguste Sacrement qui contient le Sauveur et Redempteur de noz ames, au quel soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A024000811 

 Disant comme en l'annee 1598 le supplient se trouva malladieux d'une grave maladie et lointaine, que quoy lhors il fust jeusne d'aage, inspiré du Saint Esprit, tant pour l'allegement en sa malladie que fere continuel service a Dieu, pour estre sitoys en lieu [72] solitaire, loing de l'esglise parroissiale de Sallanche, subject a passer revieres impetueuses, du temps d'esté descendantes des haultes montagnes, et d'yver de longue traicte parmy les bois subject aux bestes feroces et aux incommodités des neges: en consideration dequoy, icelluy Nycolas Perroulaz, inspiré comme dessus, fit veu a Dieu et a sa tressacree Mere, luy fasse la grace pouvoir retorner en convallecence, en promectant au mesme moien de fere bastir, a [sa] requeste et de sondict pere, une chappelle, a la premiere commodité et faculté des dictz Perroulaz: et ce, aupres du villaige des Vorsiers, au cuyng dudict villaige, pres touttesfois le chemyn public que proche des le quartier de Maglans, contre la ville de Sallanche, au long de la reviere d'Arve..

  A024000813 

 Ny reste que de fere dresser l'haultel pour y fere cellebrer le divin service en l'honneur de Dieu et devant le tableau, tiré au vifz sur thoille, des images et portraictz de la Tressaincte Trinité, de la Virge Marie ayant son petit Jesus aux bras, et encoures de la glorieuse Virge Marie, institué en [73] forme comme elle estoit a l'heure que l'Ange Gabriel luy vient annoncer la conception de nostre Saulveur et Redempteur Jesuschrist, avec l'image dudict Ange Gabriel, messaigier du Sainct Esprit; et encoures de l'image du sainct Crucifix et de monseigneur sainct Nycolas, parrent (parrain) dudict discret Nycolas Perroulaz; le tout tiré Anyce ( sic; a Nice?) l'annee derniere..

  A024000814 

 Et a telle devotion et consideration, mondict Seigneur le Reverendissime, vous plaise, pour lhonneur de Dieu, impartir et permettre il soit cellebré la saincte Messe devant les erigens et leurs voysins, a perpetuitté, par ung prebstre de Sallanche ou d'aultre parroissiale, estant premier fourny de tous ses habitz et pierre sacree ecclesiasticques necessaires; attendant Vostre Reverance, a sa premiere venue, pour icelle sacrer èt benyr a son chemin pour quelque aultre respect.

  A024000862 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve,.

  A024000874 

 De façon que, croyantz que ce lieu soit des si long temps desdié pour la devotion, ilz desirent l'y restablir et poursuyvre leur dessein, affin d'y fayre celerberer (sic) la saincte Messe, et prier Dieu pour les ames de ceulx quy sont ensevelis..

  A024000902 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024000919 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux que ces presentes verront, salut..

  A024000950 

 Premierement: Monseigneur, Vostre R me Paternité cest ( sic, pour sait ) tres mieux que, aultre fois, les quattres cures d'embas du mandement de Flumet estoint annexeé ensemble et posedee par un mesme recteur, comment estoint feu Monsieur le Protenotaire de Savoye et autres; et lesdictes cures furent d'annexeé par feu Monseigneur Claude de Granier, que Dieu absolve.

  A024000983 

 Et tant de (sic) suppliantz que aultres confreres prieront Dieu pour la prosperité de V. S. R,.

  A024001012 

 Supplie en toute humilité messire Guilliaume Faucoz, notaire ducal de la parroisse de Vacheresse et curial d'Abondance, disant que des qu'il a eu la connoissance des bonnes lettres il s'est voué a Dieu et a la sacree Vierge Marie, et a pris pour sa Patronne madame saincte Anne.

  A024001012 

 d'Abondance, la vallee d'Aulx et du costé de la ville d'Evian; affin d'inciter les passantz d'une part et d'aultre d'invocquer Dieu, la Vierge Marie et saincte Anne.

  A024001014 

 Et ledit suppliant priera Dieu, comme il est desja tenu de faire, pour Vostre Ill me et R me Seigneurie..

  A024001042 

 Ilz prient Dieu journellement pour l'heur et felice prosperité de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie..

  A024001070 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001121 

 Veu par Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, le testement sus escript et derniere volonté du sieur [108] testateur y nommé, avons icelluy aucthorisé, confirmé, approuvé et esmologué, ainsy que par ces presentes authorisons, confirmons, approuvons et esmologuons en ce qui regarde la fondation d'icelle et erection d'escolle y mentionnee; dict et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de Nostre Evesché pour y avoir recour en tempz et lieu..

  A024001137 

 Et les suppliantz prieront Dieu pour V. S., Monseigneur, tous les jours de leur vie..

  A024001162 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux... [etc.].

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001182 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur.

  A024001215 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, a visité ces Reliques et en a fait le dénombrement le 22 du mois de juillet de l'année 1618..

  A024001222 

 Au nom de Dieu soit.

  A024001223 

 Que fait croire auxdicts scindiques et communisses que Dieu ni laissera telle faute a punir, comme l'on voit et on a veu cette annee passee, que les limassons, bec aigu qu'on appelle cornillon, ont gaté une grande partie des bled (sic) et commencent encor en l'annee presente a manger les bled semmés; que fait recourir le pauvre peuple a Dieu et a monseigneur sainct Gras, Evesque..

  A024001226 

 Afin luy plaise (à saint Grat) estre leur advocat et procureur devant la Majesté divine, proteger leurs personnes et biens, comme prés, terres, maisons, granges, arbres et tous fruitz en provenant, soit semé ou a semé, semable ou non, servant a la nourriture du genre humain, n'estre mangé ni deffaict par les bestes bruttes, ni par autres quelles qu'elles puissent estre; ains qu'il plaise a Dieu et a monseigneur sainct Gras les chasser de nos terres, ou pour le moins qu'elles ne mangent les fruitz ni autres [choses] servant a la pauvre populasse..

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001263 

 A ceste intention, Monseigneur, ils recourent a vous, requerant qu'il vous plaise faire ladicte union et autres provisions necessaires, pour la restauration et accroissement du service de Dieu et des ames en ladicte eglise.

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001283 

 Les suppliantz [aussi], joincts de zele, d'affection et d'interestz en si bon dessain avec leur Cu[ré et] le reste de leurs ecclesiastiques, recourent a vous, Monseigneur, a ce qu'en continuation du soing qu'il vous a tousjours pleu de pr[endre] de ceste ville et parroisse, vous ayes encore aggreable de luy procurer [l'union] susdicte, avec les provisions necessaires pour la restauration du service [de Dieu] et des ames en ladicte eglise..

  A024001341 

 Et ilz continueront a prier Dieu pour sa prosperité..

  A024001354 

 Nous commettons les sieurs de Blonnay, Prsefect de la Sainte Mayson, et le sieur Chatillon, Plebain de Thonon, avec pouvoir d'associer tel autre ecclesiastique que bon leur semblera, pour voir de l'incommodité et commodité de la proposition et requisition faite par ceux de Luly, ouïr le sieur Curé de Fessi et lesditz parroissiens, et regler le tout selon qu'ilz verront a faire pour la plus grande gloire de Dieu; et du tout Nous donner advis..

  A024001364 

 Sur la remonstrance a Nous faite a Thonon, tendante aux fins que les ecclesiastiques de la Congregation de Nostre Dame de Thonon ayant a faire celebrer la sainte Messe, et faire la station accoustumee dans le diocese pour les fideles trespassés dont les cors reposent au cimitiere de Saint Bon: Nous commettons les sieurs de Blonnay, [134] Prefect, et de Chatillon, Plebain, pour voir ce qui sera plus a la gloire de Dieu, et ordonner de Nostre part ce qui devra estre observé pour ce regard; et s'il y a de la difficulté, Nous renvoyer leur advis, sur lequel Nous puissions prouvoir..

  A024001417 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Très Révérend M. Charles-Emmanuel Ginod, Doyen de l'église de Belley, salut abondant dans les entrailles du Christ..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001418 

 Que Dieu, en l'honneur de qui vous travaillez, soit lui-même pour votre œuvre votre très grande récompense..

  A024001418 

 Toute la Loi et les Prophètes enseignent que c'est faire chose très agréable à notre Dieu que de se prêter charitablement secours entre voisins.

  A024001436 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux Révérendissimes dans le Christ les Ordinaires des lieux et tous autres auxquels parviendront les présentes, salut abondant dans le Sauveur Jésus..

  A024001453 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001454 

 Aussi, devant sa requête de vouloir servir Dieu et l'Eglise hors de Notre diocèse, Nous lui avons accordé ces testimoniales dimissoires, par lesquelles Nous souhaitons et demandons que tous les serviteurs du Christ, inférieurs et supérieurs, le considèrent comme à eux recommandé..

  A024001464 

 FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque..

  A024001478 

 FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001534 

 Nous accordons le pouvoir de distribuer la parole de Dieu et de conférer les Sacrements dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, au Révérend M. Louis Chevrier, prêtre légitimement promu par Nous..

  A024001554 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ M. Jean de Vassau, natif de la ville même de Genève, salut..

  A024001576 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, l'Archevêque ou l'Evêque en communion avec [149] le Siège Apostolique, à qui les présentes seront remises, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001596 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ Claude Garbillon, de cette ville d'Annecy, étudiant à Lyon, salut dans le Seigneur.

  A024001621 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ François de l'Espine, Chanoine prêtre de l'Eglise cathédrale de Genève, salut et dilection dans les entrailles du Christ.

  A024001625 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents des cas à Nous réservés; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal quand il y aura nécessité ou toute autre cause légitime; commuer les vœux, mais non cependant en dispenser; bénir et consacrer les ornements, vases, corporaux et autres objets à dédier à Dieu, quand le saint chrême ne sera pas nécessaire..

  A024001626 

 Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera; et ainsi, tandis que vous m'aiderez et me soutiendrez dans la charge où je succombe, nous nous donnerons un mutuel appui; comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et nos pieds se poseront [155] avec d'autant plus d'assurance que nous aurons l'un pour l'autre plus de charité et de confiance..

  A024001645 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001650 

 C'est pourquoi je remets et, autant qu'avec l'aide de Dieu je le puis, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises paroissiales dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001651 

 Vous pourrez aussi consacrer et bénir les ornements, vases et autres objets à dédier à Dieu, dans la bénédiction desquels n'intervient pas l'usage du saint chrême, et même les corporaux..

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001652 

 [158] Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera, afin que vous remplissiez votre ministère et fassiez l'œuvre d'un prédicateur de l'Evangile; ainsi vous m'aiderez et me soutiendrez dans une charge où sans cela je succomberais.

  A024001682 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique [160] Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001705 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève.

  A024001727 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ M. Jean Moccand, curé de l'église paroissiale d'Abondance, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001728 

 Nous commandons [167] à tous ceux que cela regarde, d'écouter les corrections que vous ferez et d'exécuter ce que vous aurez conseillé, car votre piété, votre zèle et votre prudence Nous sont un sûr garant que vous vous acquitterez de ces offices pour la gloire de Dieu..

  A024001750 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, et exerçant les pontificaux dans l'Eglise cathédrale du Monastère nullius diœcesis de Notre-Dame de Pignerol, province de Turin, du consentement du commendataire, l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal Borghese..

  A024001776 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001777 

 Mais enfin, trouvé et prévenu par le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, touché aussi du souvenir salutaire de la religion chrétienne, rentrant en lui-même et se levant, de son propre et libre mouvement il résolut [171] sérieusement de retourner au Père céleste et à son Epouse très sainte, notre mère l'Eglise..

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001800 

 Aussi mit-il en œuvre ce qu'il avait conçu en pensée, et conduit par le Dieu très bon, il se présenta à Nous de son propre et libre mouvement.

  A024001825 

 Pour terminer le different survenu entre les venerables Seurs Prieure et Religieuses Carmelites deschaussees de Dijon d'une part, et D lle Seur Jeanne Chevrier d'autre [178] part, sur ce que ladite Dlle Chevrier demandoit restitution de l'habit de Novice de l'Ordre desdites Carmelites, qu'elle disoit luy avoir esté osté ... par lesdittes Prieure et Religieuses: elles ont ce jourdhuy declairé par devant moy, notaire royal soussigné, en presence des tesmoins au bas nommés, et par l'advis de R. P. en Dieu M. François de Sales, Evesque de Geneve, que dautant que ladite Dlle Jeanne Chevrier est leur bienfactrice, les ayant appellees, receues et logees en sa mayson de cette ville de Dijon, et qu'en trois ans qu'elles l'ont gardee entr'elles elles l'ont reconneüe fort vertueuse, devote et affectionnee a leur Ordre, elles consentent que l'habit dudit Ordre luy soit redonné, pour iceluy porter par devotion tant qu'elle voudra.

  A024001851 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; Frère Jean Migniot, maître en sacrée théologie et humble Gardien de la maison des Frères de Saint-François, appelés de Saint-François de l'Observance, de [181] la ville de Cluses, diocèse de Genève; Jean Favre, docteur en l'un et l'autre droit, Prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame d'Alondaz, chanoine de l'église de Genève, Vicaire et Official général, Commissaires apostoliques députés respectivement dans cette affaire par le Saint-Siège Apostolique: à tous et chacun qui examineront, verront, liront et entendront lire les présentes lettres, salut dans le Seigneur..

  A024001878 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque [185] et Prince de Genève, aux Révérends Frères dans le Christ, de la Mission apostolique de l'Ordre des Capucins demeurant dans Notre diocèse, salut abondant dans le Christ..

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001892 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à notre bien aimé dans le Christ le Très Révérend Frère Dom Jean de Saint-Pasteur, Prieur du Monastère de Notre-Dame d'Abondance, de Notre diocèse, et de l'Ordre des Feuillants, salut..

  A024001913 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, au R. Pere en Nostre Seigneur, le P. Frere Maximian de Moulins, prestre et prædicateur de l'Ordre des Capucins..

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001932 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à notre bien aimé dans le Christ le Père Frère André de Constance, du Tiers-Ordre de Saint-François, salut abondant dans le Christ.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001993 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001994 

 La pieuse Maison qui, au cœur du Mont-Joux, fut fondée par saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, entretient et fournit, en vue de Dieu notre Sauveur, plusieurs Chanoines réguliers, et d'autres personnes sous leur direction, pour accueillir les pèlerins et tous autres voyageurs qui rencontrent d'ordinaire du danger çà et là, en passant des régions de deçà, en celles d'au delà des Alpes et réciproquement, à cause des furieuses tempêtes de neige [197] et de la violence incroyable du froid qui règnent sur ces sommets.

  A024002046 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au R. P. Don Juste Guérin, prêtre vénérable de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, salut..

  A024002047 

 Ne pouvant aucunement, à cause des malheurs innombrables [201] qui ont, à la suite des guerres, agité et comme accablé notre province, visiter personnellement les basiliques des saints Apôtres Pierre et Paul, et manifester extérieurement la vénération et l'obéissance que Nous avons jusqu'ici professées et qu'à l'avenir, avec l'aide de Dieu, Nous professerons toujours à l'égard du Saint-Siège Apostolique Romain; Nous prions Votre Révérence de vouloir bien se charger, puisque elle se trouve à Rome pour d'autres affaires de Notre diocèse, de remplir en Notre nom ces devoirs de visite ad limina et de prestation d'obédience.

  A024002064 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ..

  A024002065 

 Par ces mêmes lettres Nous désirons recommander et recommandons chaudement, dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, le quêteur, comme chrétien et Religieux mendiant, à tous les supérieurs et inférieurs, fils et disciples de l'Eglise du Christ..

  A024002125 

 Nous FRANÇOIS DE SALLES, par la grace de Dieu et du Siege Apostolique Evésque et Prince de Genéve, aux bien ayméz en Jesus Christ, a celuy qui regie les affaires de la guerre pour la milice du Roy Catolique, et autres, [208] tant soldats qu'autres personnes a qu'il appartiendera, qui sont pour quelque temps ou qui demeurent dans ce dioceze: salut dans le Seigneur..

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002150 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux que cela regardera..

  A024002152 

 Ce temps écoulé, s'ils n'ont pas obéi (à Dieu ne plaise) à Notre commandement, ou s'ils ne Nous ont pas fait connaître la cause pour laquelle ils ne sont pas tenus d'obéir, qu'ils se sachent frappés d'une sentence d'excommunication à encourir ipso facto.

  A024002172 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui il appartiendra..

  A024002194 

 En outre, ce qui constitue un amour souverain de Dieu, elle a [216] finalement mis un magnifique couronnement à une telle grandeur d'âme, en faisant sortir, comme d'un incendie, après la mort de son mari, citoyen de Genève, ses six fils et filles de cette ville, de peur que la malice de l'hérésie ne changeât leur âme.

  A024002228 

 Le noble Prosper de Mareste s'étant fiancé par serment avec Georgette Blanc, et ayant ensuite confirmé par un vœu ces fiançailles étant en danger de mort, selon ce qu'il Nous a saintement et religieusement affirmé: Nous, sachant qu'il vaut mieux plaire à Dieu qu'aux hommes, vous chargeons, s'il ne conste aucun empêchement à ce mariage ainsi promis, juré et ratifié par vœu, de le célébrer en face de notre sainte mère l'Eglise.

  A024002253 

 Et il priera Dieu pour vostre prosperité..

  A024002328 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002348 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut..

  A024002364 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024002397 

 Et il continuera, comme il faict, a prier Dieu pour sa prosperité et conservation.

  A024002401 

 S'en soubmettant sur le tout au bon vouloir et plaisir de Vostre Reverendissime Seigneurie, et d'y prouvoir plus pertinemment selon le subject de la matiere, tant pour raison de l'offence de Dieu, scandale du prochain, que pernicieuse conséquence resultante du pardon et impunité de semblables delicts..

  A024002419 

 Et ils prieront Dieu pour la santé et conservation de Vostre Seigneurie Reverendissime; et si feres bien..

  A024002431 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Evesque et Prince de Geneve; a tous prebstres, curés et vicaires de ce diocese Nostre, soit officiers ou sergentz premier sur ce requis, salut..

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002456 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, au venerable sieur M re Laurent de la Place, prestre d'honneur de l'eglise de Nostre Dame de cette cité d'Annessi.

  A024002506 

 La fin de l'Academie sera l'exercice de toutes les vertus, la souveraine gloire de Dieu, le service des Serenissimes Princes et l'utilité publique.

  A024002540 

 Par devant Nous FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et compara au palais de Nostre habitation et residence ordinaire de cette cité d'Annessy, M e Jean Thomas, procureur de Ville et des R dz sieurs et nobles Administrateurs du College de laditte cité: lequel Nous a remonstré, comme suivant la bonne volonté de Son Altesse Serenissime et de Monseigneur le Duc de Genevois, Nemours et Chartres, ilz ont remis, cedé et transporté ledit College et administration d'iceluy aux R dz PP. de la devote Congregation de Saint Paul, vulgairement appellés Barnabites, par contract qu'il exhibe, du cinquiesme juillet prochain passé, receu et signé par M e Vassal, notaire et secretaire de laditte ville; Nous requerant vouloir iceluy homologuer en [248] tant que Nous touche, et sur iceluy interposer Nostre decret et.

  A024002588 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun qui verront les présentes, à ceux surtout à qui appartient, appartiendra ou pourra appartenir plus tard, salut dans le Seigneur..

  A024002613 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024002660 

 Et ilz continuent a prier Dieu pour sa conservation et celle du-dict Chappitre.

  A024002690 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun à qui parviendront les présentes, salut éternel dans le Seigneur..

  A024002759 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024002781 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002800 

 L'an mil six cens et sept et le quatorziesme janvier, devant moy notaire et les tesmoins, establi en sa personne Illustrissime et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, lequel agreablement et sans revocation de ses aultres procureurs ci devant constitués, de nouveau faict, cree et institue ses procureurs speciaux et generaux, l'une des qualités ne derogeant a l'autre ny au contrayre, sçavoir:.

  A024002801 

 Et c'est [pour], au nom de mon dict Seigneur le Reverendissime Evesque, prester la fidelité a Serenissime Monseigneur le Prince de Piemont; et c'est suivant et a la forme teneur de la fidelité prestee personnellement par mon dict Seigneur le Reverendissime le premier may mil six cent et troys, par l'acte signé Boursier, a feu de tres heureuse memoyre Monseigneur le Prince (que Dieu absolve) Philippe Emanuel; et fere tout ainsy que si mon dict Seigneur le Reverendissime estoyt present, et de telle fidelité en retirer acte duement signé et aultrement fayre comme le fait le requiert.

  A024002855 

 J'admirais qu'à une telle érudition et à une science si variée il joignît [293] un si grand mépris de soi-même; à une si grande gravité de paroles et de mœurs, une si grande grâce et modestie; à un tel souci de la piété, une telle urbanité et suavité; car il ne cherchait pas, comme il arrive à beaucoup, à vaincre le faste par un autre faste, mais par une vraie humilité; il ne donnait pas pour base superbe à sa charité la science qui enfle, mais il fortifiait sa science par la charité qui édifie: aimé à la fois de Dieu et des hommes, lui qui avait pour Dieu et les hommes une très pure dilection.

  A024002856 

 J'observai comment cet homme, à l'occasion, avait coutume de louer si ouvertement, si sincèrement, si affectueusement les institutions, mœurs, doctrine et manière de servir Dieu des divers Religieux, ecclésiastiques et même laïques, comme s'il avait appartenu à leurs Congrégations ou sociétés.

  A024002856 

 Tout en ayant une affection très douce et vraiment filiale pour sa très chère Congrégation de l'Oratoire, si célèbre, il n'en aimait, n'en estimait ni ne vantait [294] avec moins de zèle et d'ardeur, à l'encontre de beaucoup, les autres couvents ou sociétés adonnés au service de Dieu..

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002860 

 Mais combien grande est la bonté de Dieu! Etant entré à l'oratoire de la Vallicella, voici que j'entends le Père Juvénal Ancina prêcher au peuple, d'abord sur l'inconstance de l'esprit humain [296] et sur sa faiblesse, ensuite sur la magnanimité qu'il faut mettre à suivre les instincts divins; et cela avec tant de talent dans la parole et les idées exprimées, qu'il semblait secouer, comme avec la main, la paresse malheureuse de mon cœur; en sorte que finalement, élevant sa voix comme une trompette, il me contraignit de me rendre.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002861 

 » Depuis lors l'homme de Dieu ne cessa de me conseiller, jusqu'au moment où il me vit admis et engagé dans cette si honorable Congrégation.» Voilà ce que racontait Don Guillaume..

  A024002895 

 Messieurs les Scindics ont proposé comme Monseig r le Reverme, Monseigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, les feit appeler hyer, ausquels il remonstra le desir et sincere affection qui le portoient tout parfaire pour l'honneur qui est deub a nostre Dieu.

  A024002896 

 Se plaignant encores (Monseigneur) qu'a esté obmis estrangement de ce que a icelle resolution et deliberation il n'a esté daigné l'appeler pour ouvrir ce qui estoit en son entendement et communiquer les raisons qui le poulsoient tout oultre sur chose si saincte (puis mesme que c'est ung Sacrement qui est une union telle que l'Eglise et Docteurs d'icelle la preschent) et faire que chascung iroit avec une union a adorer nostre Dieu.

  A024002908 

 ... Il y a longtemps que la dispute entre M rs de Sainct Pierre et de Nostre Dame dure, et s'est resolue par arrest du Metropolitain de Vienne, par provision,... tellement que pour la procession [de la Fête-Dieu, les chanoines de Notre-Dame] disent ne le pouvoir faire, puis que M rs de Sainct Pierre feront l'office de Curés sans les dictz S rs de Nostre Dame.

  A024002913 

 Ce matin, auparavant le depart de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, iceluy auroit faict appeller Mess rs les Sindics, auxquels il auroit remonstré comme samedy prochain, septieme du present mois, se faict action de grace a Dieu pour l'heureuse restitution des Estats de feu de bonne [307] memoire Philibert, nostre Souverain (l'ame duquel Dieu absolve); et par acte remarquable, l'on a tousjours heu despuis de coustume de faire une procession solennelle et generale, a laquelle il desire que le tres venerable Chapitre de l'Eglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, residant en ce lieu, y rendent leurs debvoirs.

  A024002913 

 Et puisqu'ils precellent tous aultres corps d'eglise, ainsy que s'est veu par la sentence du Metropolitain rendue a ce mois de juin, executee par ce que l'on a peu veoir par la derniere procession de la Feste Dieu de cette annee, il veut que l'assemblee du Clergé se fasse dans la dicte Cathedrale, et que de la, la procession parte, et que tous aient a suivre, ainsi que de coustume, avec la preeminence deue aux cathedraux.

  A024002937 

 5° Item, que le jour de la Feste Dieu, l'assemblee se faisant en ladicte esglise de Saint Mauris, l'on en usera de mesme, et se donnera le signe au son de la cloche si a propos que ladicte Esglise cathedrale puisse arriver a la fin de la Grande Messe, pour commencer la procession immediatement; avec declaration, que si mondict Seigneur le Reverendissime Evesque estoit absent, ou bien, estant present, il ne luy plairoit pas de porter le Saint Sacrement, cest honneur appartiendra a ladicte Esglise cathedrale.

  A024002965 

 Tous les dictz confreres et seurs, vrayement repentantz, confessés et communiés, quy en l'article de la mort invoqueront de bouche, s'ilz peuvent, ou, s'ils ne peuvent, au moingz de cœur le sacré nom de JESUS, recommandantz leurs ames a Dieu, gaigneront Indulgence et remission pleniere de tous leurs pechez.

  A024002996 

 Au sortir de ladicte chappelle, je suis entré dans l'une des maisons dudict village, pour ouyr ledict Guilliame Perroullaz, Nicolas son filz et aultres, sur le contenu de ladicte Requeste; dont, pour cest effect, j'aurois appellé ledict Guilliame, aagé d'environ soixante ans, auquel, appres luy avoir faict prester le serment sur les sainctz Evangiles de Dieu de dire, la verité de ce quil sera par moy examiné, luy remonstrant la peyne de faulx, a dict et respondu comme ci appres:.

  A024002997 

 Interrogé sil est vray que son filz Nicolas fut detenu d'une griefve maladie, en l'aimee 1598, et qu'a ceste occasion il eust faict veu a Dieu et a la glorieuse Vierge Marie de fere construire et bastir la susdicte chappelle, si Dieu luy faysoit la grace de revenir en convalescence, et si ce veu fut faict du sceu et consentement dudict Guilliame deposant:.

  A024002998 

 Respond que ledict Nicolas son filz, fut griefvement malade en ladicte annee 1598, de malladie presque incogneue, de laquelle il fut contrainct de tenir le lict environ quattre mois a l'ordinaire, et que durant le temps de sa malladie il se recommandoit a Dieu tres devotement et a ladicte glorieuse Vierge; et fit veu, du consentement dudict deposant et par son ayde et assistance, de fere bastir ladicte chappelle si Dieu luy faysoit la grace de retourner en convalescence.

  A024003010 

 Premierement, interrogé si, en l'annee 1598, il fut detenu de griefve maladie, et qu'a ceste occasion fit veu a Dieu et a la glorieuse Vierge de fere construire une chappelle audict village des Vorsiers, a l'ayde et assistance de sondict pere, si Dieu luy faysoit la grace de revenir en convalescence, et si ce veu fut faict du sceu et consentement du susdict Guilliame Perroulaz son pere:.

  A024003021 

 Respond quil les cognoit tres bien et qu'ilz sont de bonne fame et reputation, et qu'il a entendu dire audict Nicolas Perroullaz, qu'a une sienne maladie de laquelle il venoit quasi impotent, sont environ douze annees, il avoit faict veu que si Dieu luy redonnoit sa santé, de fere construire a l'honneur de la Saincte Trinité et de la glorieuse Vierge ladicte chappelle; ce que du dempuis et des une annee en ça lesditz pere et filz ont effectuéz et ont fait bastir ladicte chappelle, a laquelle sil plaist a Monseigneur le Reverendissime permettre estre celebré la Messe, cela leur sera grande commodité..

  A024003083 

 Enfin vous en avez receu un, par la grace de Dieu, et m'avez faict telle response que je desirois, me donnant les advis qui m'estoient necessaire, dont je vous remercie affectionnement et m'en resjouïs extremement pour le bien que j'en espere..

  A024003104 

 J'ay de bonne cognoissance en la Cour et de bons amys proche du Roy, par la grace de Dieu..

  A024003170 

 CHARLES EMMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye... a tous quil apertiendra sçavoir faisons:.

  A024003184 

 Prieur du Convent de S t Dominique d'Annessy et Vicaire substitut de R d Pere Frere Adrian Bechu, docteur en theologie et Vicaire General de la Congregation des Freres Prescheurs en France et Savoye, ayants veu le consentement de Monseig r le R me Evesque et Prince de Geneve sur les réquisitions a luy faictes et [333] d'autre part escrittes, pour satisfaire a la pieté et devotion des suppliants et pour contribuer tout nostre soing et tout nostre pouvoir a ce que le Tres-S t Nom de Dieu soit honoré, et que par ce moien tous blasphemes soient ostez et exterminés du milieu des Chrestiens:.

  A024003428 

 De même la très pure et très sainte Vierge Marie, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, laquelle, conçue sans la souillure du péché originel, est restée vierge avant, pendant et après l'enfantement, qui prie sans cesse « pour le peuple, » intervient « en faveur du clergé, » intercède « pour les femmes consacrées à Dieu, » secourt les opprimés, réprime les efforts des hérétiques et des infidèles, et aide, en les délivrant de tous maux, ceux qui ont recours à elle..

  A024003429 

 En outre, les « glorieux Princes de la terre, » les très saints Pierre et Paul, Apôtres de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, dont le second est le Docteur des nations et le premier, le Prince des Apôtres, [340] Vioaire du même Jésus-Christ, fondement de l'Eglise et celui dont la foi ne défaille pas, ont tous deux illustré par leur mort la sainte Eglise Romaine, tête et maîtresse des autres Eglises, et, comme Patrons titulaires de la vénérable Eglise de Genève, l'ont conservée, ainsi que sa cité, son diocèse et leur peuple, à l'abri de toute hérésie et dans la profession de la foi orthodoxe.

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Plus tard, lorsque, avec l'aide de Dieu, nous retournerons en notre ville de Genève, cette Confrérie sera placée corporellement, réellement et pour toujours à l'autel de la Sainte-Croix de notre Eglise cathédrale, où elle est érigée jusqu'ici d'une manière fictive, ainsi qu'il a été dit..

  A024003439 

 Nous nous occuperons d'un autre lieu commode et convenable dans la ville de Genève, lorsque, par la grâce de Dieu, nous y retournerons..

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003483 

 Nous statuons et ordonnons pareillement que tous et chacun des confrères des deux sexes seront tenus chaque jour à réciter, à genoux et la tête découverte, cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, avec cette intention dirigée vers Dieu, qu'il daigne, par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, et les prières des [358] très saints Apôtres Pierre et Paul, veiller à la prospérité et à l'heureux succès de toutes choses dans les provinces et lieux soumis au Sérénissime Duc de Savoie, notre prince, y défendre et conserver la foi catholique, délivrer le peuple des calamités présentes, ramener les hérétiques à l'unité et au sein de notre sainte Mère l'Eglise, ou bien les confondre et humilier, en extirpant jusqu'à la racine les hérésies, et, dans ce but, réconcilier entre eux les princes et les amener à une entente unanime, enfin préserver nos princes de tout malheur..

  A024003491 

 Aucun catholique d'esprit sain ne doute que le très saint Sacrement de l'Eucharistie est un sujet d'amour pour Dieu et de vénération pour les hommes, car rien ne se rencontre de plus précieux, à rien autre n'est dû un honneur plus grand.

  A024003491 

 Par suite, afin que notre Confrérie ci-dessus remplisse, elle aussi, quelque peu son devoir, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères qui rencontreront le saint Viatique qu'on porte aux malades, [360] soient tenus, à moins que par hasard ils ne soient empêchés par des affaires très urgentes, de l'accompagner avec dévotion et recueillement de l'esprit en Dieu pour la guérison de l'infirme..

  A024003499 

 Que les autres confrères soient tenus, pendant ce temps, de faire à Dieu des prières particulières pour obtenir la concorde..

  A024003503 

 Aussi, pour ne paraître manquer à un devoir si pieux et nécessaire, le dernier qui est dû à nos confrères défunts, nous statuons et ordonnons que, dès l'annonce faite au Prieur du décès d'un de nos confrères de l'un ou l'autre sexe, la bannière attachée à la Croix de la Confrérie soit mise, revêtue de noir, à la porte de l'oratoire, avec l'indication écrite de l'heure et de l'église où se feront les funérailles, pour que les autres confrères, s'ils ne sont pas absolument empêchés, se sachent tenus d'accompagner le corps du confrère défunt à l'enterrement, priant tous dévotement Dieu pour le salut de l'âme du défunt; nous les obligeons expressément à une œuvre si pieuse.

  A024003507 

 Que tous les confrères non absolument empêchés soient tenus d'y assister, et que là et ailleurs, lorsqu'ils le pourront, ils adressent à Dieu, chacun suivant ses moyens, des prières pour cette âme.

  A024003516 

 Plus le vêtement est humble, plus aussi il est agréable à Dieu; et il avertit ceux qui le portent et ceux qui le voient de ne pas s'enorgueillir, mais de servir Dieu en toute humilité, dans les larmes, la cendre, le cilice, les jeûnes, les veilles, les prières et autres pénitences.

  A024003520 

 Ce serait peu de chose si la Confrérie ne comprenait que les seuls chanoines de l'Eglise cathédrale sus nommée, lesquels, par ailleurs, faisant un corps à part, sont unis entre eux, surtout pour ce qui regarde le culte de Dieu; car la cause de l'érection de la Confrérie qui vise au bien public, ne produirait pas du tout le fruit désiré.

  A024003520 

 Par contre, ce fruit sera obtenu facilement avec la grâce de Dieu, si [367] on y admet d'autres personnes.

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003633 

 Quilz ont occasion de croyre que les Statutz desquelles (sic) la Confraternité est pourveue sont legitimes, [384] comme ne contenans rien contre la pieté et les commandemens de Dieu et de son Eglise, approuvés par l'Ordinayre..

  A024003645 

 Laditte Confrerie fut erigee en la ville d'Annessi l'annee 1593 et commença ses exercices le 14 septembre, jour de [385] l'Exaltation de la Sainte Croix, et ce en l'eglise de Saint Jean, avec approbation et sous l'authorité de Reverendissime Seigneur et Pere en Dieu Monseigneur Claude de Granier, Evesque et Prince de Geneve, duquel la sainte memoire est en benediction..

  A024003668 

 Oyant sonner l' Ave Maria en la principale eglise du lieu ou ilz sont, comme est a Nostre Dame entre celles d'Annessy, ilz se mettent a genoux, non seulement en [389] leurs maysons, mais aussi emmi les rues et lieux publiqs, autant comme cela se peut commodement faire, affin de protester l'honneur que la Confrerie porte a la Mere de Dieu et inciter par leur exemple les autres a ce faire, suyvant la devotion de nos predecesseurs..

  A024003674 

 Tous les confreres et seurs de laditte Confrerie doivent soigneusement prattiquer lesditz exercices, tant parce que par le moyen d'iceux ilz se maintiendront en l'amour et crainte de Dieu et se prepareront des grans tresors au Ciel, qu'aussi d'autant qu'ilz gaigneront les Indulgences suyvantes; n'y ayant neanmoins pour tout cela aucune obligation qui porte peyne de peché ni mortel ni veniel pour les contrevenans, ains seulement de privation des fruitz, Indulgences et benedictions qu'y recevront les bons et fidelles observateurs des ditz exercices..

  A024003701 

 Au jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste, visitant la chappelle ou oratoire de la Confrerie et y priant Dieu pour l'union des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003714 

 Le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, a prendre des les premieres Vespres de la veille jusques au soleil couché de la feste, visitant la chappelle de laditte Confrerie et priant Dieu en icelle pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de l'Eglise, estans vrayement confessés et communiés: Indulgence pleniere..

  A024003715 

 Au jour de l'Invention Sainte Croix, des saintz Pierre et Paul, Apostres, de la Conception Nostre Dame, le second Dimanche du moys de mars, a prendre des les premieres Vespres desditz jours jusques au soleil couché d'iceux, priant Dieu comme sus est dit et estans aussi confessés et communiés: pour chacun desditz jours ausquelz ilz feront cela, sept ans d'Indulgence et autant de quarantaines..

  A024003732 

 FRANÇOIS, Evesque et Prince de Geneve, par la grace de [394] Dieu et du Saint Siege Apostolique, a tous ceux qui ces presentes verront, paix et dilection en Jesus Christ..

  A024003734 

 Comme aussi Nous exhortons les fidelles chrestiens de vouloir honnorer Dieu par leurs bonnes œuvres audit lieu de Thonon, comme [vis à vis] et en face des principaux sectateurs de l'heresie, affin qu'ilz soyent esmeus a glorifier eux mesmes le Pere celeste par [396] leur reduction au giron et sein maternel de la sainte Mere Eglise.

  A024003776 

 Concede la mesme Indulgence et remission de tous les pechés a tous les confreres, tant a ceux qui sont desja inscritz en ladite Confrerie comme a ceux qui se feront inscrire en icelle de tems en tems, lesquelz vrayement repentans et confessés, ayant receu le saint Sacrement de l'autel devotement, visiteront l'eglise, chapelle ou oratoire de ladite Confrerie, des les premieres Vespres jusques au soleil couchant, le jour de la feste de la Nativité de la benite Vierge pour chacun an, et la feront devotes prieres a Dieu pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de la sainte Mere Eglise..

  A024003786 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024003930 

 Des autres despenses de la Sainte Mayson a la gloire de Dieu.

  A024003964 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu.....

  A024003978 

 Et en cas que la nouvelle se treuve veritable, ce que Dieu ne veuille, il fera la plus grande diligence qu'il luy sera possible pour divertir ce mauvais coup et rompre cette si impertinente pretention:.

  A024004045 

 Pour donner exemple de la reverence que l'on doit porter a la parole de Dieu, tous les prestres de l'Oratoire assisteront, assis sur un banc a ce destiné, modestement, ainsy qu'il a esté dit de l'assistance au chœur, sans qu'aucun s'en puisse absenter, sinon pour cause appreuvee par celuy qui preside..

  A024004049 

 Et en icelle l'on traittera de l'observation des Regles et des choses appartenantes au service de Dieu qu'ilz ont en charge, tant ecclesiastiques que spirituelles, qu'œconomiques et temporelles; et sera deputé un Secretaire ordinaire qui escrira les resolutions et advis qui se prendront en ladite assemblee, en laquelle seront aussi marqués les defaillans, qui, pour chaque fois, perdront troys solz..

  A024004182 

 Le mesme Praefect disposera de ceux qui devront estre destinés pour les choses du service de Dieu les jours solemnelz.

  A024004283 

 François de Sales, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, le 24 septembre de l'année 1603 se rendit à l'abbaye et église de Sixt.

  A024004351 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024004433 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront cet écrit salut abondant dans le Christ..

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004494 

 En fin, Nous asseurons de la benediction et protection de Dieu tous ceux qui embrasseront et prattiqueront avec [464] amour ces Ordonnances que le seul desir du regne de Dieu en vous et l'amplification de sa gloire me fait vous donner; esperant que, par l'accomplissement d'icelles, cette Famille religieuse reprendra sa premiere splendeur et respandra par tout la souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le païs..

  A024004495 

 C'est la grace, o mon Dieu, que j'attens de vostre misericordieuse bonté et que je vous demande de toute l'estendue de mes affections, pour ces ames et celles qui leur doivent succeder.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004530 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, juge commissaire spécialement délégué par le Saint-Siège Apostolique pour exécuter ce qui suit, à tous ceux à qui les présentes parviendront, salut dans le Seigneur.

  A024004552 

 Lesquelz, avec licence et approbation de Monseigneur Reverendissime, science et patience, ains charitable rejouissance des seigneurs temporelz dudict Bon et Boege, et consentement des sieurs Curés desdictz lieux, ont des quelques années commancé d'habiter et restaurer a chaulx et sable ledict sainct hermitage, au desir et a l'edification du peuple catholique voisin, dont ilz ont aussy excité et augmenté, par la grace de Dieu, la devotion au culte d'iceluy et de la glorieuse et tousjours immaculée Vierge Marie..

  A024004562 

 Or, estant aussy une tres ancienne, louable et saincte coustume des dictes personnes aggregées, de prendre et venerer pour protecteur ou patron singulier quelque favory de Dieu en sa Court celestielle, et n'en pouvant ny devant lesdicts hermites choisir de plus grands que les comprins au sacrésainct mistere de la Visitation, soubz le nom duquel cest hermitage fut dedié a Nostre Dame: assavoir, le benit et doulx fruict de son ventre virginal, nostre Dieu et Redempteur Jesus Christ, elle mesme et son bienheureux Espoux et vierge sainct Joseph qui l'accompaigna en si misterieux voyage, sainct Jean Baptiste, et ses pere et mere sainct Zacharie et saincte Elizabeth......

  A024004572 

 Et parce que, comme il n'y a poinct de genre de vie en l'Eglise de Dieu militante qui s'aproche plus de l'angelique, aussy nulle n'a tant de besoing de l'assistance des bons Anges que celle des hermites, ilz l'implorent des maintenant pour toujours.

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004629 

 Reigle unique de l'oraison mentale, examen de conscience et sacrifices dheus a Dieu.

  A024004636 

 Ce pourquoy, les Freres l'observeront, hors de necessité, des l'oraison mentale du soir jusques a celle du matin, fuyans en tout temps et lieu tellement les parolles vaines, inutiles, oisifves et mondaines, que leur conscience n'ait d'en rendre compte aucun a Dieu qui l'exigera tres rigoureux..

  A024004783 

 Nous avons appreuvé ce Projet, sauf a y adjouster ou changer ainsy que, selon Dieu, Nous verrons a faire cy apres..

  A024004792 

 Ilz ont, avec ceste moderation, promis et juré, promettent et jurent, par l'attouchement du sacrosaint Evangile en tel cas requis, a sa Seigneurie Reverendissime et, pour et au nom d'icelle, a nous, dict Surveillant (dheuement invoqué l'aide et grace de Dieu, l'intercession et merites de la tousjours benite et immaculée Vierge Marie sa Mere, et de tous leurs sainctz Patrons et Court celestielie), d'avoir di-je, lesdictes Reigles et leurs consequentes et dependantes tres aggreables, fermes et stables a jamais......

  A024004793 

 Et si bien des Reigles et Profession susdictes se colligent clairement les trois vœux de chasteté, pauvreté et obeissance d'un chascun desdictz Hermites en leur particulier (laissant leur Communaulté a la toutte previdente et puissante main de Dieu), ilz les proposent et embrassent en la maniere et avec la moderation des mesmes Reigles, afin de s'y conformer a la volonté de Monseigneur Reverendissime, et non poinct qu'ilz pensent de s'en despartir jour de leur vie, ains de les observer et garder inviolablement..

  A024004805 

 Et ce, avec autant de probité, devotion et edification qu'on sçauroit desirer d'un bon et vray Religieux, zelateur de l'honneur, gloire de Dieu et de la tousjours benite et immaculée Vierge Marie sa Mere, du bien de son Esglise Catholique, Apostolique, Romaine, culte et amplification de ce sainct lieu, non moins que du salut eternel de son ame et de celles de ses confreres; ayant a ceste fin composé, et luy mesme exactement observé, les Reigles de pieté et d'œconomie qu'il a pleu a Monseigneur Reverendissime d'approuver, et que tous ensemble avons professées le quinziesme de juing immediatement precedent......

  A024004805 

 Nous, Freres Jehan du Verney, prebstre, Jehan Grillier et Mermet Jorand, hermites de Nostre Dame de la Visitation du hault Mont de Voiron, a la veue de la ville de Geneve et dans le Diocese d'icelle: attestons et certifions a tous ceux qu'il appartiendra, devant Dieu et ses sainctz Anges, lesquels nous appelions en temoings de ceste verité par nous, de nostre propre volonté, attestée; que Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, admis, receu et confirmé pour nostre confrere par divers escrips authentiques de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, a vescu, passé et finy parmy nous son an d'approbation, assavoir, des le unziesme julliet de l'annee derniere mil six centz dix neufz, jusques a ce jourd'huy, treiziesme dudict mois mil six centz et vingt.

  A024004819 

 D'autant que le saint, celebre et ancien hermitage du Mont de Voiron est fondé sous le vocable de la Visitation [489] de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame, les Hermites qui y vivront des-ormais invoqueront particulierement et auront pour Patrons: en premier lieu (apres nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ, Ange du grand conseil et Mediateur de Dieu et des hommes ), les Saintz qui sont au mistere de la Visitation, c'est a sçavoir: la Vierge Marie, Mere de Dieu, saint Joseph, saint Jean Baptiste, patriarche des hermites, saint Zacharie et sainte Elizabeth; en second lieu, tous les bons Anges, specialement le chœur des Principautés; et en troysiesme lieu, saint Paul premier hermite, saint Anthoine et saint Hilarion..

  A024004839 

 Les Hermites observeront exactement toutes ces Constitutions pour estre dignes du saint nom qu'ilz portent; et a cest effect les reliront souvent, taschant tous-jours de faire mieux, et selon les occasions et la rayson en requerront l'Evesque, lequel s'est reservé et reserve le pouvoir d'adjouster et retrancher, selon qu'il verra estre expedient pour la plus grande gloire de Dieu..

  A024004843 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Et, ce faisant, qu'ilz les leur recommandent le plus utilement qu'il sera possible, silz desirent d'y concourir avec Nous, et d'y servir la benite Vierge, les exhortans en Nostre Seigneur, tout ainsy que Nous les exhortons eux mesmes et tous Nos autres diocesains, a les recevoir, assister et favoriser au susdit but, de toute sorte de vrais offices chrestiens et charités dignes de leur pieté, pour en percevoir, icy et au Ciel, les fruitz et payemens inestimables de la main de Dieu tres liberale..

  A024004866 

 Et quant a celles qui ne les voudront remettre presentement, il faudra attendre que Dieu les en inspire..

  A024004910 

 FRANÇOIS DE SALES et ADAM, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Apostolique, Evêques, l'un de Genève, l'autre de Tripoli, délégués en cette affaire..

  A024004955 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII a concedé Indulgence pleniere a tous fidelles Chrestiens de l'un et de l'autre sexe, entrans au nombre des confreres de la Maison de Nostre Dame de Compassion, lesquelz contritz, confessés et communiés, en chascune ou quelqu'une des festes de Nostre Dame, des les premieres Vespres jusques aux secondes, visiteront l'esglise de ladite Sainte Maison de Nostre Dame de Compassion, au lieu de Thonon, pres Geneve, ou est instituee ladite Confrerie pour la conversion des heretiques; illec priant Dieu pour l'extirpation des heresies, pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour la paix et union entre les princes chrestiens, ainsy qu'appert par Bulle authentique plombee, donnee a Romme l'unziesme (sic) du mois de septembre 1599..

  A024004968 

 Apres qu'ils auront ensemblement chanté Vespres des premiers Dimanches de chasque mois, suivis de leur Recteur feront procession par l'ordinaire; mais la premiere feste de Pentecoste, celles des susdites de Nostre Dame, des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et du premier Dimanche d'octobre, feront la grande procession; pareillement le Jeudi Sainct et l'Octave de la Feste Dieu.

  A024004984 

 Si quelqu'un surprend l'un des confreres offensant Dieu, il l'admonnestera jusques à trois fois, et si en apres la troisieme fois il ne se chastie, il en advertira le Prieur, lequel avec l'advis de la Confrerie le chastiera..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000117 

 Regles et Constitutions de la Congregation des Seurs dediees a Dieu sous l'invocation de Nostre Dame de la Visitation en la ville d'Annessi (Inédit).

  A025000166 

 Præface pour l'instruction des ames devotes sur la dignité, antiquité, utilité et varieté des congregations ou colleges des femmes et filles dediees a Dieu, Septembre-décembre 1614 (Inédit).

  A025000304 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance de la discipline de l'Eglise ne peut ignorer que des son commencement il ny eut une tres grande quantité de filles et femmes consacrees au service de Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000304 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, [3] escrivan aux Philippiens: «Je salue,» dit-il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et en l'epitre aux Anthiochiens: «Que les vierges,» dit-il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et finalement, a Heron: «Conserve les vierges comme joyaux de Jesus Christ.».

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000308 

 Apres quil a dit que cet admirable Praelat induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mais le nombre des femmes,» [6] adjouste-il, « fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains aussi divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocaese, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis; et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, si nombreuse en femmes et vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté sous l'observance de leurs propres Regles.».

  A025000308 

 Il y a donq eu ci devant et a encor en ce tems des Congregations de femmes consacrees a Dieu, en deux sortes: car les unes ont esté establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz, et les autres en tiltre de simple Congregation, ou par les vœux simples, ou par l'oblation, ou par quelque autre sorte de profession sacree.

  A025000310 

 Et Dieu a beni ce dessein, car en fin, apres plusieurs difficultés desquelles les projetz du service de Dieu ne sont jamais exemptz, nostre Saint Pere Paul V m'a commis pour eriger vostre Mayson en tiltre de Religion, avec toutes les praerogatives dont jouissent les autres Ordres religieux; et ce, sous la Regle du glorieux saint Augustin..

  A025000311 

 Pour cela, donq, je vous presente cette sacree Regle, que vous suivres meshuy comme le vray chemin auquel vous [8] deves marcher pour parvenir a la perfection de la vie religieuse, y ayant joint vos Constitutions, qui sont comme des marques mises en ce chemin affin que vous le sachies mieux tenir; car, comme disent les Docteurs, les Regles des Religions proposent les moyens de se perfectionner au service de Dieu, et les Constitutions monstrent la façon avec laquelle il les faut employer.

  A025000312 

 Je sçay bien qu'au commencement de l'Eglise les Congregations religieuses durerent quelque tems et firent des merveilles au service de Dieu sans avoir presque aucunes Regles escrittes, ains par la seule observance des coustumes que la commune pratique et devotion des ames qui s'estoyent assemblees avoyt introduites, et par la bonne conduite des Superieurs suivie de la parfaite obeissance des inferieurs, desquelz la simplicité et bonne foy tenoyent heureusement lieu de loy.

  A025000315 

 Ce que le glorieux Pere commande: «Avant toutes choses, que l'on ayme Dieu et le prochain,» n'est pas mis en sa Regle comme pour vouloir faire penser qu'il soit l'autheur de ces commandemens; car, qui ne sçait que non seulement ilz sont de Dieu, ains qu'ilz sont le suc, la moelle et l'abregé de toute la loy de Dieu? Mays ce que Dieu a commandé, ce sien serviteur le recommande comme la fin et prœtention unique pour laquelle il a dressé sa Regle et sa Congregation, et a laquelle tout se rapporte..

  A025000330 

 Car, quant a moy, je l'avois des-ja bien veue en la belle epistre 109 de saint Augustin; mais, ni je n'en avois [21] pas la memoire presente, ni je ne dressay pas ces Constitutions selon mon seul entendement, ains beaucoup plus selon la devote inclination des ames qui furent si heureuses d'estre appellees par l'Esprit de Dieu pour commencer cette si pieuse maniere de vie.

  A025000330 

 Certes, ç'a esté une speciale providence de Dieu, qu'entre toutes les Regles celle du glorieux saint Augustin ayt esté choysie pour servir de loy en vostre compaignie, puisque des-ja, par un secret instinct du Saint Esprit, vos Constitutions furent dressees au commencement en sorte qu'elles sont toutes conformes a cette sainte Regle, laquelle, par ce moyen, vous observies sans y penser avant qu'elle vous fut ordonnee, voire sans sçavoir quelle elle estoit.

  A025000331 

 Mais a la verité, voyant vostre Congregation petite en nombre au commencement, et toutefois grande en desir de se perfectionner de plus en plus au tressaint amour de Dieu et en l'abnegation de tout autre amour, je fus obligé de l'assister soigneusement; me resouvenant bien que Nostre Seigneur, ainsy qu'il dit luy mesme, vint en ce monde pour le bien de ses brebis, non seulement affin qu'elles eussent la vraye vie, ains aussi affin qu'elles l'eussent plus abondamment; et que, pour la leur faire avoir plus abondante, il ne faut pas seulement les induire a l'observance des commandemens, mais encor a celle des conseilz; et qu'en cela ceux de ma condition doivent rendre fidele service a ce divin Maistre, puisque, comme dit saint Ambroyse, ç'a tous-jours esté une particuliere grace aux Evesques de semer les graines de l'integrité et d'exciter es ames le desir et le soin de la virginité, comme firent jadis les premiers et plus grans serviteurs de Dieu et Pasteurs de l'Eglise.

  A025000331 

 Que si, outre cela, j'authorisay vostre methode de servir Dieu, je ne fis rien que ce que je devois faire, comme declara asses le tressaint Pere Paul V quand, departant de belles et amples Indulgences a vostre Congregation, [22] il dit: «Pourveu qu'elle soit appreuvee et erigee par l'authorité de l'Evesque.».

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000340 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance des meurs et de la discipline de l'Eglise ancienne ne doutera certes jamais que des lhors il ny eut tres grande quantité de filles et de femmes dediees et consacrees a Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000344 

 Dont il s'ensuit clairement que cette invalidité n'est nullement de l'essence de la Religion, ains depend tellement de l'Eglise, que elle l'adjouste aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, et la peut oster aux solemnelz sans les rendre simples, selon quil est expedient pour la plus grande gloire de Dieu: ainsy qu'ont doctement monstré le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Belarmin, et briefvement, mais tres pertinemment a son accoustumé, le P. Hierosme Platus en ses livres Du bien de l'estat religieux; et apres eux, Azor, 1.

  A025000350 

 En somme, ce grand S t Augustin, selon la celeste sagesse et l'incomparable charité que Dieu luy avoit departi, [29] composa sa Regle en sorte que, comme S t Hierosme confesse de soymesme, on reconnoissoit Nostre Seigneur et Sauveur estre habitant en luy; et eut bien peu dire, a l'imitation du glorieux S t Paul: Requeres vous quelque experience de Celuy qui parle en moy, a sçavoir Jesus Christ? et de rechef: J'ay esté fait toutes choses a tous, affin de les sauver tous.

  A025000352 

 [Mais, bien qu'elle] merite du respect a cause de l'authorité quilz ont merité en l'Eglise, c'est une entorse que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et impliable austerité qu'on estime devoir regner en tous les serviteurs [de Dieu]; car S t Irenee, qui est le premier qui rapporte cette histoire de S t Jean, sur la tres asseuree foy de S t Policarpe, dit expressement que cet admirable Apostre alloit aux bains pour se laver.

  A025000365 

 Avant toutes choses, mes tres cheres Seurs, que Dieu soit aymé, et puis le prochain; car ces commandemens nous ont esté principalement donnés..

  A025000369 

 Que vous observies ce pourquoy vous estes assemblees et congregees, qui est que vous habities unanimement en la Mayson, et que vous n'ayes qu' un'ame et un cœur en Dieu..

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000387 

 Quand vous pries Dieu par Psalmes et cantiques, que ce que vous prononces de voix soit pareillement en vostre cœur; et ne chantes sinon ce que vous lises devoir estre chanté; mays ce qui n'est pas escrit pour estre chanté ne le chantes pas..

  A025000395 

 Venant a table, oyes sans bruit ni contention ce que selon la coustume on lira, jusques a ce que vous vous levies; et que vostre gosier seul ne reçoive pas la viande, mais que vos oreilles reçoivent pareillement la parole de Dieu..

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000414 

 Quand donq vous estes ensemble en l'eglise et ailleurs, partout ou les hommes se treuvent, prenes soin mutuellement de garder vostre chasteté l'une de l'autre; car [37] en cette sorte, Dieu qui habite en vous, vous gardera de vous mesme.

  A025000439 

 En fin, s'il y a quelque douleur cachee au cors de la servante de Dieu, qu'on la croye simplement, sans doute; mays toutefois a sçavoir si ce qui luy plait est propre a guerir sa douleur.

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000464 

 Que l'on obeysse a la Superieure [comme à une mère], en gardant l'honneur qui luy est deu, de peur qu'en icelle Dieu ne soit offencé; beaucoup plus encor au Prestre qui a soin de toutes vous autres..

  A025000472 

 Qu'elle vous soit superieure par honneur devant les hommes, et que devant Dieu elle soit prosternee sous vos [44] piedz.

  A025000473 

 Et que, bien que l'un et l'autre soit necessaire, que toutefois elle affectionne plus d'estre aymee que d'estre redoutee de vous, pensant tous-jours qu'elle doit rendre conte de vous a Dieu; et partant, obeyssant de plus en plus, n'ayes pas seulement pitié et compassion de vous mesmes, mays aussi d'elle, qui est en un peril dautant plus grand parmi vous qu'elle est en une charge plus relevee..

  A025000477 

 Playse a Dieu que vous observies toutes ces choses icy avec dilection, comme amoureuses de la beauté spirituelle, et comme odoriferantes des bonnes odeurs de Jesus Christ par la bonne conversation; non comme esclaves sous la loy, mais comme libres et affranchies, constituees sous la grace de Dieu..

  A025000481 

 Et quand vous treuveres que vous faites ce qui est escrit en iceluy, rendes en graces au Seigneur, distributeur de tous biens; mais quand quelqu'une d'entre vous connoist d'avoir failli, qu'elle se repente du passé et soit sur ses gardes pour l'advenir, priant Dieu que son offence luy soit remise, et qu'elle ne soit point induite en tentation.

  A025000496 

 Le Manuscrit des Constitutions fut néanmoins envoyé à Lyon, et le 23 ou le 24 octobre la Mère de Chantal, de passage en cette ville, dit à la Mère de Chastel (ibid., p. 285): «Nous aurons, Dieu aidant, nos Règles imprimées dans trois semaines... Elles coûteront 20 écus pour l'impression et 10 écus pour la reliure; car nous tirons tout, et il y aura six cents copies.».

  A025000507 

 En quoy, certes, elles sont dignes de grande compassion: car, qui ne plaindroit, je vous prie, une ame genereuse, laquelle desirant extremement de se retirer de la presse de ce siecle pour vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire, faute d'avoir un cors asses fort, une complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, la poursuitte qu'elle voudroit faire pour acquerir une plus grande sainteté, demeurant ou empeschee ou retardee par le manquement de la santé?.

  A025000510 

 Tiercement, celles qui seront de bonne et forte complexion y seront receues comme appellees de Dieu au secours et soulagement des infirmes; et tout ainsy que les foibles jouiront du fruit de la santé des robustes, les robustes jouiront reciproquement du merite de la patience [52] des imbecilles.

  A025000534 

 Que si l'une et l'autre estoit malade ou occupee, la Superieure commettra [58] la charge a celle laquelle, selon Dieu, elle estimera en estre la plus capable.

  A025000549 

 On excepte toutefois l'autel et l'eglise, ou les meubles pourront estre riches et prastieux, selon qu'ilz se pourront saintement avoir, pour l'honneur et gloire de Dieu qui y reside en une façon tres speciale et admirable.

  A025000626 

 Outre les jeusnes commandés par la sainte Eglise, les Seurs jeusneront les veilles de la Trinité, Pentecoste, [71] Ascension, Feste Dieu, des festes de Nostre Dame, de saint Augustin, et tous les vendredis des la feste de saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en iceux escheut quelque feste de commandement; car en ce cas, le jeusne se remettra au samedi, auquel si encor il y avoit feste, le jeusne sera laissé..

  A025000649 

 Quand les Seurs et la Superieure mesme luy parleront, elles l'appelleront ou «Monsieur», ou «mon Pere», et luy porteront une grande et sainte reverence, comme a celuy duquel Dieu se sert pour leur distribuer ses graces et misericordes es tres saintz Sacremens..

  A025000650 

 Et finalement, comme les Seurs le doivent grandement respecter, ainsy quil a esté dit, de mesme doit il aussi traitter avec reverence envers elles, les considerant comme espouses sacrees du Filz de Dieu..

  A025000681 

 Estant adverties en Chapitre ou au refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, ni n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont [80] la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais beaucoup plus lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, regardant avec estime tous ces moyens comme inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025000685 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans congé et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres..

  A025000692 

 Comme aussi une chascune lira les Constitutions et Directoires particuliers qui regardent son office ou condition, tous les moys, avec pareille devotion que si alhors ilz leur estoyent donnés nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelles.

  A025000696 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres que l'on aura tiré les Saintz, l'Assistente priera la Superieure, au nom de toutes les Seurs, de donner a chascune une ayde; et la Superieure la baillera, leur enjoignant d'avoir soin particulier de s'exciter reciproquement a l'amour de [83] Dieu, a se corriger de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, et sans faire, en sorte que ce soit, aucune autre particularité ensemble.

  A025000704 

 Et attendu qu'en toute assemblee faite au nom de Dieu il se treuve au milieu, les Seurs doivent assister en celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence, devotion et attention, s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites plusieurs choses pour leur perfection..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000732 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement, et a faire les offices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lectures et continuelle presence de Dieu.

  A025000738 

 En somme, la Superieure se doit tenir si bien aupres de Dieu, qu'elle soit le miroüer et le patron de toute vertu parmi les Seurs, et qu'elle puisse puiser dans le sein du Sauveur la force et la lumiere dont elle a besoin..

  A025000743 

 Or il ne s'ensuit pas pourtant que la Superieure doive tous-jours suivre le conseil des dites Seurs; ains suffit qu'elle l'entende pour mieux se resoudre elle mesme a ce que, selon Dieu, elle estimera estre plus convenable, apres avoir bien consideré et pesé ce que lesdites Seurs auront allegué et remonstré.

  A025000767 

 De la bonne nourriture et direction des Novices depend la conservation et le bonheur de la Congregation: et partant, la Directrice qui en doit avoir le soin ne doit pas seulement estre discrette, douce et devote, mays elle doit estre la douceur, sagesse et devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel, eslever ses Novices de degré en degré a la perfection religieuse, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000769 

 Et parce que l'entreprinse est grande, elle leur apprendra a ne point se confier en elles mesmes, mays a jetter toute leur confiance en Dieu et en l'intercession et protection de la glorieuse Vierge Marie.

  A025000770 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour [96] tres affectionné au salut de tout le monde, affin qu'elles prient Dieu pour tous, mays specialement pour la tressainte Eglise catholique et pour tous les Prelatz et officiers d'icelle; faysant souvent leurs oraysons et Communions pour l'exaltation de la foy catholique, pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et nommement pour celuy du païs ou la Congregation se treuve..

  A025000771 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres des Religions qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, ains aussi qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025000845 

 Ainsy, donq, elle les doit regarder comme la vive image de Jesus Christ crucifié; et si les anciens chrestiens, comme saint Chrisostome asseure, alloyent bien loin en Arabie voir et reverer le fumier sur lequel saint Job souffrit tant de travaux, avec quelle reverence devons nous approcher le lit sur lequel nos freres et nos seurs sont couchés pour endurer leurs maladies au nom de Dieu!.

  A025000871 

 Les Seins employees a la cuysine et autres services du mesnage le feront avec allegresse et consolation, se resouvenant que sainte Marthe le fit, se representant les petites mays douces meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle, parmi des semblables exercices, ne laissoit pas d'estre ravie en Dieu.

  A025000885 

 En tout, la [110] Superieure leur commandera avec amour, et les Seurs les nommeront seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu'un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025000917 

 Apres quoy, le Pere spirituel exhortera de penser serieusement a une nouvelle eslection pour le jeudi suyvant, sans autre consideration que de la plus grande gloire de Dieu et sanctification de son nom.

  A025000918 

 Le Dimanche suyvant, on fera la Communion generale pour l'eslection future, de laquelle eslection ni de la deposition faite les Seurs ne parleront point ni es recreations ni es assemblees; ains une chacune pensera a faire l'eslection qu'elle estimera estre meilleure selon Dieu, et dira-on tous les jours apres la Messe et le soir apres les Letanies le Veni, creator Spiritus.

  A025000923 

 La Superieure estant esleuë et ayant choysi celles que, selon Dieu, elle jugera estre plus propres pour exercer les charges d'Assistente et Coadjutrices, elle les proposera au Chapitre, et l'eslection s'en fera par la pluralité des voix.

  A025000928 

 Mays s'il arrivoit, ce que Dieu ne veuille jamais permettre, que quelqu'une se rendist tout a fait incorrigible et incurable en son obstination, alhors il faudroit assembler le Chapitre devant le Pere spirituel pour prouvoir de remede; et s'il estoit expedient, on en conferera non seulement avec le Pere spirituel, mays aussi avec l'Evesque, s'il est au lieu, ou s'il n'y est pas, avec son Vicayre general, pour prendre tous les moyens requis et convenables affin de remedier a ce mal.

  A025000949 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et commis par nostre Saint Pere Paul cinquiesme pour l'erection, establissement et institution du Monastere de la Visitation sous la Regle de saint Augustin, avons dressé et de nouveau examiné et appreuvé les Constitutions ci devant escrites, ordonnant et establissant de Nostre authorité, ains plustost de l'authorité Apostolique a Nous commise pour ce regard, icelles Constitutions devoir estre a perpetuité inviolablement observees et gardees audit Monastere et par toutes les Seurs d'iceluy..

  A025000960 

 Ces Regles dressees par ceste grande lumiere de l'Eglise sainct Augustin, et les Constitutions y adjointes par une autre grande lumiere de ce siecle, sont autant de rayons qui, faisants jour aux ames assizes en tenebres et a l'ombre du monde, addressent leurs pas au chemin de la paix et du repos interieur, les conduisant efficacement à la perfection religieuse apres les avoir souefvement introduictes à la vie devote et faict savourer le sacré miel de l'amour de Dieu.

  A025000966 

 THOMAS DE MESCHATIN LA FAYE, Chanoine, chamarier et Comte de l'Eglise de Lyon, Conseiller au Parlement de Dombes, Officiai de la Primace de France, et Vicaire General au spirituel et temporel d'Illustrissime et Reverendissime Pere en Dieu Messire DENIS-SIMON DE MARQUEMONT, Archevesque et Comte de Lyon, Primat des Gaules, et Conseiller du Roy en ses Conseils privé et d'Estat:.

  A025000991 

 Mon Dieu, je trouverais rude qu'une fille ne pût écrire à son Supérieur sans que sa lettre fût vue..

  A025001024 

 Ce sera une grande affliction à toutes les Sœurs si on leur ôte cette consolation; je vous supplie, au nom de Dieu, Monseigneur, de le bien consulter avec Dieu avant que le résoudre..

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001097 

 L'intention de nostre tres honnoré Pere, d'heureuse memoyre, estoit que toute la vie et exercice des Religieuses de la Visitation fussent dediés pour leur union avec Dieu, pour ayder par prieres et bons exemples a la reformation de l'Eglise et au salut du prochain, et parce qu'il ne desiroit rien tant sinon que nos Seurs fussent excellentes en toute sorte de vertus, dont la bonne odeur, en aggreant a Dieu, se respandist dans les ames [des] fidelles.

  A025001115 

 O vray Dieu, mais qui me fera tant de grace que le Tout Puissant escoute mon desir, et que luy mesme escrive ce livre, affin que je le porte sur mes espaules, et que je m'en environne comme d'une couronne, et que je le prononce a chasque pas, et que je le luy offre comm' a un Prince? [135].

  A025001131 

 Premierement, les Seurs doivent a leur resveil jetter leurs ames toutes en Dieu par quelques saintes pensees, telles que celles ci:.

  A025001132 

 D'autres fois: En ce jour la, o mon Dieu, vous m'appelleres et je vous respondray; vous donneres vostre dextre a l'ouvrage de vos mains; vous aves conté tous mes pas..

  A025001132 

 O mon Dieu, faites que ce soit a la gloire eternelle; cette esperance repose dans mon sein.

  A025001134 

 Hé, mon Dieu, ne permettes pas que je paroisse nue de bonnes œuvres devant vostre face.

  A025001138 

 Et qu'elles ne negligent point ceci es choses petites et qui leur semblent [138] de peu d'importance; voire mesme si on les employe a des choses qui leur soyent du tout aggreables et du tout conformes a leur volonté et necessité, comme de boire, manger, se reposer et recreer, et choses semblables, affin que, suyvant le conseil de l'Apostre, tout ce qu'elles feront soit fait au nom de Dieu et pour son seul bon playsir..

  A025001138 

 Les Seurs qui voudront prosperer et faire progres en la voye de Nostre Seigneur doivent, au commencement de toutes leurs actions, tant exterieures qu'interieures, demander sa grace et offrir a sa divine Bonté tout ce qu'elles feront de bien, se preparant ainsy a supporter toute la peyne et mortification qui s'y rencontrera avec paix et douceur d'esprit, comme provenante de la main paternelle de nostre bon Dieu et Sauveur, duquel la tres sainte intention est de les faire meriter par telz moyens pour, par apres, les recompenser de l'abondance de son amour.

  A025001141 

 Les Seurs diront a l'ordinaire le petit Office de Nostre Dame, veu que cet Ordre ayant esté institué particulierement pour la retraitte des infirmes et a l'honneur de la Bienheureuse Mere de Dieu Nostre Dame, cet Office leur est plus sortable que le grand.

  A025001142 

 Il faut es exercices qui regardent immediatement l'honneur et service de Dieu un esprit humblement rabbaissé, grave, devot et serieusement amoureux.

  A025001142 

 Les Seurs auront en singuliere recommandation la simplicité et promptitude a l'obeissance; et partant, quand les Offices sonneront, elles doivent courir a la voix de l'Espoux qui les appelle, c'est a dire partir allegrement au premier coup, se mettre en la presence de Dieu et, a l'imitation de saint Bernard, demander a leurs ames ce qu'elles vont faire au chœur.

  A025001146 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles dient a l'Office, qu'elles employent fidellement ce talent selon le bon playsir de Dieu qui le leur a donné pour les ayder a se tenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui n'y entendent rien se tiennent simplement attentives a Dieu, faysant des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses..

  A025001151 

 Pendant que le prestre se prepare a l'autel il se faut mettre en la presence de Dieu, et quand il dit le Confiteor il se faut prosterner en esprit devant Dieu, reconnoistre ses pechés, les detester et luy en demander pardon..

  A025001152 

 Et faysant le signe de la Croix sur le front, sur la bouche et sur le cœur elles diront: Dieu soit en mon esprit, en ma bouche et en mon cœur, affin que je reçoive son saint Evangile.

  A025001154 

 A l'eslevation du tres saint Sacrement il faut avec une grande contrition de cœur l'adorer; puis, avec le prestre, l'offrir a Dieu le Pere pour la remission de nos pechés et de tout le monde, et nous offrir nous mesmes quant et luy avec toute l'Eglise et nos prochains..

  A025001161 

 Faut qu'elles confessent et reconnoissent devant Dieu que ce jour ne s'est point passé sans qu'elles l'ayent offensé en quelque sorte; et parce que nous sommes aveugles en nos [142] propres affaires, il faut demander la grace et lumiere du Saint Esprit affin qu'elles puissent bien reconnoistre leurs fautes..

  A025001163 

 Ayant treuvé le nombre et l'espece de leurs pechés, elles les adjousteront avec les autres de leur precedent examen et, de tous ensemble, en demanderont humblement pardon a Nostre Seigneur, acheveront le Confiteor et feront un ferme propos de s'en amender, moyennant la grace de Dieu, qu'elles luy doivent demander a cet effect avec toute l'affection et devotion qu'il leur sera possible..

  A025001164 

 Si en s'examinant elles ne peuvent rien remarquer, qu'elles s'abbaissent profondement devant Dieu et luy rendent graces, confessant neanmoins qu'elles ont fait plusieurs fautes dont elles n'ont pas memoyre ni connoissance..

  A025001165 

 Pour faciliter leur examen, il leur sera fort utile, lhors qu'elles tombent en quelque faute parmi la journee, de l'examiner sur le champ et regarder un peu par quel mouvement elles l'ont faite; puis s'abbaisser devant Dieu, et graver cela en l'esprit pour le mettre au soir en l'examen..

  A025001172 

 Que les Seurs n'aillent pas au refectoir seulement pour manger, ains pour obeir a Dieu et a la Regle, ouyr la sainte lecture, dire les coulpes, recevoir les advertissemens et faire les mortifications qui y sont pour l'ordinaire prattiquees; et que, partant, elles y entrent avec gravité et modestie, les robbes abattues et les yeux en terre.

  A025001179 

 Alhors elle commencera sa lecture; apres quoy la Superieure donnera le signe, disant: Au nom de Dieu, et toutes desplieront leurs serviettes.

  A025001189 

 Les Seurs qui feront des mortifications au refectoir les commenceront quand on aura dit: Au nom de Dieu, devant la refection, et ne seront que troys ou quatre a chaque fois.

  A025001193 

 Estant entrees, la premiere parole sera: «Dieu soit beni!» ce qu'elles observeront de dire en toute occasion pour premier salut, mesme au parloir..

  A025001198 

 L'on les resouviendra souvent de Dieu durant la recreation et on en donnera la charge aux Seurs tour a tour, et de dire quelque chose de bon sur la fin; et le soir, on employera la derniere demy heure de la recreation a faire [150] lire l'Epistre et l'Evangile, la veille des festes, ou quelque point de la Communion, et les autres jours quelque chose de devotion; ou bien l'on s'entretiendra de quelque chose utile par maniere de conference, ainsy que la Superieure le jugera a propos..

  A025001203 

 Quand on sonne l'Obeissance, que les Seurs se levent promptement et demeurent debout, avec un maintien humble et devot, attendant l'Obedience, disant en elles mesmes: Parles, Seigneur, vostre servante vous escoute; o mon Dieu, rendes moy digne d'accomplir vos saintes volontés.

  A025001204 

 Qu'en entrant elles se mettent plus particulierement en la presence de Dieu, demandant la grace d'employer le silence selon la fin pour laquelle il a esté saintement institué, qui est non seulement pour empescher le vain babil, mais aussi pour retrancher les pensees vagabondes et inutiles, s'entretenant avec l'Espoux, et pour prendre nouvelles forces affin de travailler sans cesse a son divin service..

  A025001207 

 O Dieu, vous estes mon Pere; receves moy entre les bras de vostre Providence..

  A025001208 

 Mon Dieu, ayes pitié de ma misere..

  A025001211 

 Vous estes, o mon Dieu, toute mon esperance..

  A025001215 

 Mon Dieu, faites de moy vostre divine volonté..

  A025001219 

 Hé Dieu, quand vous aymeray je parfaittement?.

  A025001222 

 «Mon Dieu,» vous estes «mon Tout.».

  A025001249 

 Que les Seurs facent donq en suitte de telles pensees quelque devote aspiration, affin que Dieu leur soit propice a cette derniere heure: ce qui arrivera infalliblement a celles qui se rendront tres soigneuses de cet exercice, lequel elles doivent prattiquer en tout tems et en toutes occasions, par le moyen duquel elles croistront et prouffiteront tous les jours d e vertu en vertu, jusques a la perfection de l'amour divin..

  A025001257 

 Estant couchees, elles se representeront qu'un jour elles seront ainsy estendues dans le tombeau, et prieront Dieu qu'il les assiste a l'heure de la mort..

  A025001266 

 Puis iront avec humilité devant le Confesseur, ou estant, elles feront un enclin fort bas, les mains jointes et les [156] yeux en terre, honnorant Dieu et le sacré sacerdoce en la personne du prestre, le considerant en Confession comme un ange de Dieu, qu'il nous envoye pour nous reconcilier avec sa divine Bonté..

  A025001270 

 Si les Confesseurs les enquierent de quelque chose qui ne soit pas de la confession, comme par exemple, de quelque tentation, exercice ou difficulté, elles pourront, si elles veulent, respondre en ce qui les touche seulement; mais si elles ne desirent pas d'en parler avec eux, elles diront: Mon Pere, excuses moy, s'il vous plaist; je crains de m'embrouiller l'esprit en parlant de cela; je n'en ay, graces a Dieu, aucun scrupule ni remords de conscience..

  A025001287 

 A la resolution de le servir, par les parolles de Jacob: Dieu sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur ci devant endurcie sera sa mayson..

  A025001288 

 On peut penser aussi a l'ardeur interieure de Nostre Dame lhors que l'Ange luy dit que le Saint Esprit viendroit en elle, sa devotion, son humilité, sa confiance, son courage; et qu'a mesme tems qu'elle entendit que Dieu luy donnoit son cœur, qui est son Filz, elle se donna reciproquement a Dieu, et que lhors cette supersainte ame se fondit en charité, si qu'elle pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé..

  A025001289 

 O Dieu, que de suavité et douceur! Et partant, l'ame peut bien dire comme cette [161] sainte Dame, apres cette consideration: Voyci la servante du Seigneur, me soit fait selon sa parole, qu'il a dite de sa sacree bouche: Que quicomque le mange, il demeure en luy et luy en nous; que quicomque le mange, il vivra pour luy, par luy et en luy, et ne mourra point eternellement..

  A025001289 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion; car non un Ange, mays bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous [et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous,] et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A025001299 

 On ne dit rien de l'orayson, parce que l' Introduction a [164] la Vie devote suffit pour y dresser les ames qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu et plusieurs autres livres qui traittent de cette matiere, avec les Entretiens, fourniront suffisamment de lumiere et d'addresse aux plus advancees; et qu'en fin, le Saint Esprit est le vray Directeur en ce chemin, quoy qu'il faille tous-jours marcher appuyees sur le conseil de la Superieure, laquelle, autant qu'il luy sera possible, doit ayder et advancer les ames en cet exercice, comme tres important et utile en la vie spirituelle..

  A025001302 

 Mais c'est a la Superieure a reconnoistre et discerner l'attrait interieur et l'estat de chacune de ses filles en particulier, affin qu'elle les conduise toutes selon le bon playsir de Dieu.

  A025001302 

 Mays quand, par le progres du tems, les ames se sont exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors il faut que ces exercices s'unissent en un exercice de plus grande simplicité, a sçavoir: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu, ainsy que l' Exercice de l'union marque, de sorte que cette multiplicité se convertisse en unité.

  A025001309 

 Si tost que l'Obeyssance sera donnee, que les Novices se retirent promptement au novitiat, se mettant plus particulierement [166] en la presence de Dieu, luy demandant sa grace affin de bien prouffiter des enseignemens qui leur seront donnés.

  A025001320 

 En signe dequoy, lhors qu'elles luy rendent conte de leur conscience, elles se mettront a genoux, s'humiliant non seulement de cors, mais aussi de cœur et d'esprit, pour recevoir les advis, remonstrances et corrections qu'elle leur fera, tout ainsy que de la propre bouche de Dieu.

  A025001320 

 Les Seurs rendront aussi un grand respect a la Superieure, regardant Dieu en elle et l'honnorant comme l'organe du Saint Esprit.

  A025001327 

 Et quand le monde les tiendra pour telles et les mesprisera, qu'elles reçoivent le mespris comme chose tres convenable a leur petitesse et un gage pretieux de l'amour de Dieu envers elles; car Dieu voit volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy est tous-jours fort aggreable.

  A025001328 

 Qu'elles se monstrent tres affectionnees, autant que la Constitution seiziesme le permet, a la prattique de ce document qui est d'un prix inestimable: «Ne demandes rien, ne refuses rien;» mays qu'elles se tiennent disposees pour faire et souffrir tout ce qui leur arrivera de la part de Dieu et de la sainte obeyssance.

  A025001339 

 Les Superieures doivent avoir un tres grand soin et affection de conserver la sainte amitié avec les autres Monasteres, et pour cela elles doivent s'escrire au moins une fois ou deux l'annee, voire plus souvent entre les Maysons proches, pour s'encourager a la parfaite observance et se communiquer cordialement les benedictions extraordinaires dont Dieu gratifiera leurs Communautés..

  A025001340 

 Les Seurs porteront un grand respect a la parole de Dieu, de quelle part qu'elle leur soit annoncee, l'escoutant avec attention et reverence; et feront le mesme de toutes les choses saintes et des vertus, desquelles elles parleront avec honneur et devotion, sans les retourner en recreation.

  A025001376 

 Cette Mayson est une escole de la mortification des sens et de la propre volonté, ou on doit continuellement crucifier l'homme exterieur avec toutes ses inclinations, habitudes et convoytises, et en somme, mourir a soy mesme pour vivre a Dieu.

  A025001376 

 Et je sçay bien que vous aves esté souvent advertie que celles qui entreprennent de vivre ceans ne doivent avoir aucune autre intention que de plaire a Dieu par ces moyens-la, affin d'estre conformes a l'image du Filz de Dieu crucifié, leur unique et souverain Espoux.

  A025001376 

 Il me reste seulement a vous dire que, comme vostre dessein de faire une vie de si excellente perfection ne peut estre prattiqué que parmi plusieurs contradictions, difficultés et travaux tant exterieurs qu'interieurs, aussi Dieu tout puissant et tout bon, qui par sa misericorde vous y a appellee, vous assistera de sa sainte protection, pourveu que, avec fidelité et humilité, vous suivies et secondies les attraitz et operations de sa grace..

  A025001380 

 Et partant, je persevere et repete en toute humilité la demande que j'ay faite; car esperant en la bonté de mon Dieu, si une armee estoit campee devant moy, mon cœur ne la craindra point, et si la bataille m'estoit livree, en cela mesme je m'encourageray..

  A025001405 

 Receves, ma tres chere fille (ou mes tres cheres filles), la lumiere corporelle en signe de la lumiere spirituelle de laquelle nous supplions Dieu vous illustrer, affin qu'avec la ferveur du Saint Esprit vous puissies parvenir a l'eternelle societé de l'Espoux sacré de la tressainte Eglise, Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le mesme Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025001448 

 Je N., demande, pour l'amour de Dieu nostre Sauveur, d'estre receuë a la sainte Profession en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour m'exercer toute ma vie en icelle au service divin, par obeissance, chasteté et pauvreté..

  A025001457 

 Je me suis volontairement despouillee des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, je ne les reprendray.

  A025001459 

 Nous nous sommes volontairement despouillees des robbes mondaines; jamais, Dieu aydant, nous ne les reprendrons.

  A025001463 

 Vous aves donq bien resolu de vous dedier a Dieu et vivre a jamais ainsy?.

  A025001473 

 Il est vray qu'il vous sera tres bon d'estre ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025001473 

 Telle est la generation de ceux qui le craignent et cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025001475 

 O Seigneur Dieu, confirmes moy a cette heure, affin que je face ce que je voy pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025001475 

 Voyci, o mon Dieu, que je viens a vous parce que vous m'aves appellee.

  A025001477 

 O Seigneur Dieu, confirmes nous a cette heure, affin que nous facions ce que nous voyons pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025001477 

 Voyci, o mon Dieu, que nous venons a vous parce que vous nous aves appellees.

  A025001500 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy (ou leur) souhaitent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face (ou elles facent) maintenant les vœux sacrés et la sainte Profession, selon qu'il est requis a cet effect..

  A025001502 

 Or sus, ma chere fille (ou mes tres cheres filles), si telle est vostre volonté, venes a Dieu vostre Createur et soyes esclairee, et vostre face (ou vos faces ) ne sera point (ou ne seront point ) confondue; sacrifies luy le sacrifice de justice et esperes en luy, car il vous monstrera le bien..

  A025001517 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de vivre en perpetuelle chasteté, obeissance et pauvreté, selon la Regle de saint Augustin et les Constitutions de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour l'observation desquelles j'offre et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge Marie vostre Mere, nostre Dame et a laditte Congregation ma personne et ma vie..

  A025001520 

 Je choysis Jesus, mon Seigneur et mon Dieu, pour l'unique objet de ma dilection; je choysis sa sainte et sacree Mere pour ma protection, et la Congregation de ceans pour ma perpetuelle direction.

  A025001562 

 Ma Seur, vous estes morte au monde et a vous mesme pour ne vivre plus qu'a Dieu..

  A025001590 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais Ihors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A025001602 

 Alles donq, ma fille, et Dieu vous soit propice; demeures en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025001654 

 La Mère de Chaugy raconte dans l' Histoire de la Fondation: «Notre B x Pere... fut long tems dans la pensee que nous nous appellerions les Filles de S te Marthe, chere et bien aimee hostesse du Sauveur du monde; mais Dieu luy donna quelque lumiere speciale qu'il vouloit que ce petit Institut s'honnora du nom de sa tres sainte Mere, et un matin, le saint Prelat, tout extraordinairement joyeux, dit a notre digne Mere: «Il faut que notre petite Congregation s'apelle la Visitation de Notre Dame, et que nous soions tout dediés au service de cette grande Reine du Ciel.» Dans l' Année sainte (ancien Ms. d'Annecy), l'annaliste relate que le 1 er juillet 1610 le Fondateur «fut visiter» les «premieres Meres dans la clôture de leur Noviciat, et leur dit qu'apres avoir mile fois pensé et repensé au nom particulier qu'il devoit laisser a la Congregation, il s'etoit enfin resolu qu'elle seroit nommee de la Visitation.» Les deux récits et le texte cité du Ms.

  A025001665 

 c) Le Saint dit encore à son ami: «En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame;» et dans la première ébauche de la formule de l'«Oblation» déjà mentionnée nous lisons: «...J'offre et dedie et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere nostre Dame, mon ame, tout mon cors et toute ma vie.» Enfin le saint Fondateur ajoute que cet «establissement...se fait par une belle ceremonie» (tome XIV, p. 330), preuve qu'il en avait au moins ébauché le Formulaire, s'il n'était déjà complètement rédigé..

  A025001706 

 En quoy il y a beaucoup de perte et de sujetz de compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame bien vertueuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire qu'avec mille difficultés et mille peynes, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuite qu'elle desire faire de la sainteté, estant retardee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas dommage de voir une vefve, laquelle n'aura peut estre bonnement d'affaires domestiques qu'elle ne puisse despecher en huit ou quinze jours chasqu'annee, pour ces huit ou quinze jours croupir et tremper toute l'annee dans les embarrassemens et inquietudes du mesnage, avec beaucoup de danger de perdre l'affection qu'ell'aura a sa viduité et a la continence viduale? [212].

  A025001706 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirent bien souvent de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de Dieu; lesquelles neanmoins, pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affaiblies par l'aage, ou mesme pour avoir urgente obligation d'ordonner de tems en tems des affaires de leur mayson, ou bien, en fin, pour n'estre pas disposees ni inspirees [211] d'embrasser une vie austere et rigoureuse, né peuvent pas entrer es Religions formelles, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde emmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions et aux dangers et occasions de pecher et vivre sans devotion.

  A025001720 

 Affin donq que telles ames pleynes de bonnes affections peussent parmi tout cela [avoir... faire une retraitte du...] se retirer du monde, fuir [toutes] les occasions du peché et s'employer et [dedier] donner pleynement au saint amour de Dieu, cette benite Congregation a esté dressee: laquelle ayant deux principaux exercices [213], l'un de contemplation et orayson, qui se prattique principalement dedans la mayson, l'autre du service des pauvres, qui se prattique hors de la mayson, ell'a convenablement choysi pour Patronne N. D. de la Visitation, puisqu'en ce mistere la glorieuse [Vierge], faysant cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller servir sa cousine es travaux de sa grossesse, [rendit neanmoins ce...] chanta neanmoins ce cantique si spirituel, si relevé et si contemplatif du saint Magnificat..

  A025001803 

 Et par ainsy, toute la Mayson sera [comm'] une ruche spirituelle, en laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des oraysons et autres exercices interieurs, et l'autre sortira pour recueillir le [miel] suc des œuvres de misericorde entre les pauvres et affligés, qui [comme les roses entre...] sont aux yeux de Dieu des belles fleurs entre les espines..

  A025001823 

 Lhors la Superieure dira: Dieu nous en face la grace.

  A025001827 

 Celles qui sortiront le doivent faire de bon coeur, pour exercer la charité selon la volonté de Dieu, et penser que Nostre Seigneur, tandis qu'il vesquit en ce bas monde, quoy qu'il peust guerir les malades sans aller vers eux, voulut neanmoins plusieurs fois les visiter, les toucher, affin de nous donner exemple d'une cordiale affection et d'une sainte douceur envers les infirmes..

  A025001858 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au choeur, et le chanteront distinctement et posement; horsmis les festes suyvantes, sçavoir est: le jour de Noel, des Rois, de la Purification, Annonciation, Visitation, Assomption, Nativité et Conception de Nostre Dame, Pasques, Ascension de Nostre Seigneur, la Pentecoste, le Dimanche de la tressainte Trinité, en commemoration de leur premiere entree en la Congregation qui fut faitte a tel jour, la Feste Dieu et de Toussaintz (toutes lesquelles festes seront suyvies chacune de son octave, excepté la feste de la tres [237] sainte Trinité, qui n'en a point); et en toutes ces festes on chantera l'Invitatoire a Matines, qui sera de propre, et a Laudes le Cantique Benedictus, avec son antienne devant et apres, ce qui ne s'observera point pendant les octaves.

  A025001871 

 Que si celle qui aura charge de lire prend le soin de prevoir la lecture qu'elle devra faire, pour la rendre plus fructueuse, ce sera chose fort aggreable a Dieu, et imitera le grand saint Thomas d'Acquin lequel, quoy quil fust le plus docte homme qui aye jamais esté despuis saint Augustin, ne laissoit pas de prevoir tous-jours la Messe avant que la dire..

  A025001877 

 Les Seurs estant a table, nulle ne desployera sa serviette ni ne mettra la main au Cousteau que la Superieure n'ayt donné l'obedience disant: Au nom de Dieu.

  A025001915 

 Et la Superieure la luy donnera...] elles demanderont des aydes a la Superieure, laquelle les leur [donnera en cette sorte: elle regardera...] accordera au nom de Nostre Seigneur, en donnant a une chacune une compaigne pour cett'annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'exciter en l'amour de Dieu et se corriger de leurs defautz, en esprit de douceur et de charité, sans toutefois.......................[251].

  A025001915 

 La veille du jour de l'an quand on donne les Saintz, [une chacune demandera pour soy une surintendente,...ayde particuliere, laquelle ayt soin particulier de la reprendre des fautes qu'elle fera et de l'exciter souvent au s t amour de Dieu... avec laquelle elle s'excite a l'amour de N. S. et a la correction de leurs defautz.

  A025001919 

 Et elle les leur accordera au nom de Nostre Seigneur, donnant a une chacune d'icelles une compaigne pour cette annee lâ; et leur enjoindra d'avoir soin particulier l'une de l'autre a s'[exciter] a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz, en esprit de douceur et charité, sans toutefois que pour cela elles facent aucun'autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement l'une l'autre; ce que pour faire avec plus de suavité, de moys en moys elles se prieront l'une l'autre de [se] faire la reciproque correction.

  A025001969 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome et celle a qui la Superieure l'ordonnera, et la Directrice tandis qu'elles seront Novices; et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec respect amiable, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles sont neanmoins filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, nos Seurs selon l'esprit et nos esgales en nature; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Seigneur Jesus Christ, esgalement Seigneur des uns et des autres.

  A025001980 

 Ell'aura le soin d'eslever et conduire les Novices, et partant elle doit estre la douceur, la discretion et la devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel envers ses filles, les nourrir dignement en qualité de futures espouses du Filz de Dieu.

  A025002005 

 Mays les malades aussi, reciproquement, se resouvenant de l'infinie douceur et patience de Nostre Seigneur crucifié, qui receut le fiel et toute sorte d'aspreté sans aucun meslange de consolation pour leur salut, s'essayeront de l'imiter, prenant les medecines, viandes et autres traittemens de l'Infirmiere avec action de graces et benediction du [265] nom de Dieu, de la part duquel tous les soulagemens et services que l'on leur fait leur arrivent, dont tant d'autres, qui sont peut estre plus fidelles qu'elles au service de Dieu, se treuvent privees tout a fait..

  A025002015 

 Elle doit garder soigneusement les habitz comme appartenans aux servantes de Dieu, et les avoir tous par escrit, y adjouster ce qui se fera de nouveau, avec la date du jour et de l'an..

  A025002035 

 Ainsy doivent elles, tant qu'il leur sera possible parmi leur petit labeur, tenir leurs cœurs recueillis et eslevés en Dieu, et par ce moyen elles n'auront pas moins aggreable leur service fait par l'action que si elles estoyent tous-jours en contemplation.

  A025002048 

 Or, l'election de la Superieure se fait en cette sorte: L'Evesque, ou Pere spirituel, venant dedans le chœur des Seurs, leur dira briefvement de quell'importance est cett' election et les exhortera de la faire en presence de Dieu, selon la connoissance qu'elles ont de la suffisance des personnes.

  A025002091 

 Je, N. telle, demande, pour l'amour de nostre Sauveur, d'estre receüe en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation et en la Mayson de ceans, pour m'exercer fidellement au service de Dieu, par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025002095 

 Et en l'offrande seulement on donnera le voyle, pour couvrir la chose offerte comme reservee a Dieu seul.

  A025002102 

 Le prestre adjouste: Vous aves donq resolu de vous dedier a Dieu et vivre a jamais ainsy?.

  A025002104 

 Le Prestre replique: Il est vray quil vous sera tres [280] bon d'estr'ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025002104 

 Telle est la generation de ceux qui cherchent le Seigneur, qui cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025002106 

 O Seigneur Dieu, confirmes moy a cett'heure, affin que je face ce que je vois pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025002106 

 Voyci, o mon Dieu, que je viens a vous parce que [ vous ] m'aves appellee.

  A025002112 

 La Superieure respond: Oüy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy souhaitent de bon cœur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face maintenant la sainte Oblation requise a cet effect..

  A025002114 

 Or sus, ma chere Fille, si telle est vostre volonté, venés a Dieu vostre Createur, et soyes esclairee; et vostre face ne sera point confondue.

  A025002118 

 Je choysis JESUS, mon Seigneur et mon Dieu, pour l'unique object de ma dilection; je choysis sa sainte et sacree Mere pour ma protection, et la Congregation de [283] ceans pour ma perpetuelle direction.

  A025002122 

 O Dieu, destournes mes yeux affin qu'ilz ne voyent jamais la vanité, et que nulle injustice ne domine sur moy..

  A025002125 

 Et la Seur respond: O Dieu, v ostre parolle est une lampe devant mes pieds, une lumiere a mes sentiers; [284] vostre lumiere est marquee sur nous, vous aves donné l'allegresse a mon cœur..

  A025002127 

 Allles donq, ma Seur, Dieu vous soit propice.

  A025002127 

 Entres en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025002135 

 Je, N. telle, ay par la grace de Dieu, ce jourd'huy de l'an N., celebré mon Oblation, pour vivre et mourir en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation.

  A025002145 

 Les filles de la Congregation s'estant ainsy solemnellement [286] offertes et dediees a Dieu, il ne sera jamais parlé ni traitté de leur expulsion et rejettement qu'en deux cas: a sçavoir, ou pour des crimes scandaleux, ou pour une manifeste contumace et obstination contre la Regle et l'obeissance.

  A025002149 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, Dieu aydant; mays silz advenoyent et qu'on en eût telle connoissance qu'on peut le reveler loysiblement, apres la correction fraternelle faitte, ainsy quil a esté dit ci devant, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee et rejettee comme scandaleuse, avec la methode ci dessus escritte.

  A025002150 

 Si donq une des Seurs, ce qu'a Dieu ne plaise, ne vouloit pas vivre selon la Regle, ains vouloit obstinement perseverer a la rompre, refusant les corrections et tesmoignant de ne vouloir point s'amender, en fin, apres qu'on auroit essayé par toutes voyes, et mesme avec du loysir, de la reduire a son devoir, si elle continuoit au mespris et s'obstinoit en son malheur, on la pourroit et devroit expulser et rejetter comme scandaleuse; car encor que le peché auquel elle s'obstineroit ne seroit pas scandaleux, l'obstination neanmoins seroit scandaleuse..

  A025002151 

 Et affin que lesdites voix se donnent plus sincerement, le jour de cette assemblee la, toutes les Seurs qui devront deliberer communieront et, avant toute deliberation, jureront a genoux, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre le plus a la gloire de Dieu, selon [la] justice et selon la charité deuë tant a la Congregation qu'a celle qui est accusee..

  A025002160 

 La femme donq, non moins que l'homme, a la faveur d'avoir esté faite a l'image de Dieu; honneur pareil en [291] l'un et en l'autre des sexes; leurs vertus sont egales; a l'un et a l'autre est proposee une recompense pareille, et s'ilz pechent, une damnation semblable.

  A025002160 

 « Dieu crea l'homme a son image et semblance; il le crea a l'image de Dieu, il les crea masle et femelle.

  A025002171 

 «Il y a plusieurs femmes,» dit saint Gregoire Nazianzene, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie cæleste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres qui sont tesmoins de leur chasteté.» Or, quant aux femmes et filles consacrees a Dieu par le vœu de continence, demeurantes en leurs maysons particulieres, la quantité et la sainteté en a tous-jours esté grande; telles [294] furent les anciennes devotes de saint Hierosme et de saint Augustin: Blesile, Aselle, Laeta, Demetrie, Marcelle, Principie et mille milliers d'autres, entre lesquelles estoit celle du lieu Caspalian, qui, en vertu des reliques de saint Estienne, resuscita de mort a vie, au recit de saint Augustin; et la pluspart de celles que le grand saint Ambroyse dit estre venues a luy pour recevoir le voyle sacré, non seulement des quartiers de Bologne et de Playsance, mays aussi de Mauritanie.

  A025002172 

 Mais de la seconde sorte, a sçavoir des femmes et des filles consacrees a Dieu qui vivoyent en Congregation, laissant a part ce que plusieurs sçavans hommes ont observé de celles qui jadis furent assemblees aupres du Temple de Hierusalem, et ce qu'aucuns rapportent que la tressainte Vierge nostre Dame erigea une Congregation de filles et femmes dediees a son Filz en la ville d'Ephese, et que sainte Marthe en institua un'autre aupres de Marseille, certes, nul ne peut bonnement ignorer que le grand saint Basile n'ayt dressé plusieurs Congregations de filles, leur prescrivant une methode de vivre saintement, puisque saint Gregoire Nazianzene, son cher ami, le tesmoigne.

  A025002173 

 Et des-ja auparavant, lhors que sainte Helene fut en Hierusalem, «elle y treuva des vierges consacrees a Dieu, lesquelles elle invita a disner et les traitta si devotement que, s'estant retroussee, elle mesme, comme servante, couvrit la table de ses propres mains, leur donnant a laver et versant a boire, en sorte qu'elle, qui estoit Reyne du monde et mere de l'Empire, se rendit servante des servantes de Nostre Seigneur.».

  A025002173 

 Et en Afrique, la seur de saint Augustin fut jusques a sa mort Superieure des servantes de Dieu, ainsy que Possidonius recite; comme sainte Paule le fut en Bethleem, au rapport de saint Hierosme, lequel escrivant a Demetrie, vierge romaine, dit ainsy: «Les femmes et filles dediees a Dieu qui vivent dans le monastere et desquelles aussi il y a grand nombre, ne doivent jamais sortir seules, [296] sans mere.» Et en l'epistre a Principie, il tesmoigne qu'il y avoit de son tems, a Rome, force monasteres de vierges.

  A025002173 

 Saint Ambroyse, au commencement du Livre troysiesme des Vierges, semble vouloir dire que sa seur sainte Marcelline, ayant esté consacree a Dieu le jour de Noël et en l'eglise de Saint Pierre de Romme par le Pape Liberius, entra quant et quant en quelque Congregation, quand il dit qu'il y avoit quantité de servantes de Dieu qui disputoyent de sa societé; c'est a dire, comme je pense, qui desiroyent de l'avoir a l'envi en leurs Congregations, car saint Augustin tesmoigne quil avoit veu a Milan et a Romme plusieurs assemblees de vefves et filles qui vivoyent ensemble et avoyent chacune une Superieure.

  A025002174 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, escrivant aux Philippiens: «Je salue,» dit il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et finalement, en l'epistre aux Antiochiens: «Que les vierges,» dit il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et en l'epistre a Heron: «Conserve,» dit il, «les vierges comme joyaux de Jesus Christ.» De sorte que les Colleges ou Congregations des femmes et filles devotes estoyent des-ja introduites et louees en l'Eglise du tems des Apostres; qui rend d'autant plus probable ce qui a esté dit de celles que la glorieuse Vierge et sainte Marthe instituerent..

  A025002175 

 Toutes neanmoins sont en estat de perfection, comme encor les femmes et filles qui, par vœu ou oblation manifeste, se sont dediees a Dieu, bien qu'elles ne se soyent point rangees sous aucune Congregation; puisque pour estre en estat de perfection il suffit que par une solemnité publique on se soit dedié et obligé de servir Dieu en quelque façon convenable pour acquerir la perfection.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002178 

 Et bien que anciennement, du tems de saint Augustin et de saint Hierosme, et en tous ces premiers siecles despuis les Apostres on appellast indistinctement Moynesses, Religieuses et Sanctimoniales toutes les femmes et filles qui se dedioyent a Dieu, ou en Congregation ou hors de Congregation, si est ce que maintenant [299] on ne parle pas comme cela selon le stile present de la Cour Romaine (qui en cecy doit estre suivi), ne plus ne moins qu'on n'appelle plus les Evesques Papes, tressaintz Peres, tres heureux Peres, Vostre Sainteté, Vostre Beatitude; qui sont neanmoins les tiltres ordinaires desquelz l'antiquité les honnoroit; l'usage, qui a toute authorité sur les paroles, ayant reservé ces eloges et appellations d'honneur au seul Evesque Romain qui tient la primauté de saint Pierre.

  A025002178 

 Mais quant au vulgaire, il donne le nom de Religieux et de Religieuse a tous ceux qui, par changement d'habit, font quelque speciale profession de servir Dieu et mesme, en quelques quartiers d'Italie, on appelle Religieux tous les clercz.

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002185 

 Et de deça, les compaignies de sainte Ursule ont esté en plusieurs endroitz reduites en Colleges et Congregations, le Saint Siege tenant pour canoniquement fait, quant a cela, ce que chasque Evesque ordonne en son diocaese pour la plus grande gloire de Dieu..

  A025002186 

 Telle semble estre a Milan la Congregation ou College des Dames appellees Guastales qui ne font qu'une simple promesse au College d'y demeurer en servant Dieu..

  A025002189 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu, quoy qu'elle oblige grandement; car le vœu estant une legitime et sainte promesse faite a Dieu, ceux qui le font [307] sont liés en trois façons: premierement, en vertu de la verité qui est tous-jours violee quand on rend volontairement fause la parole qu'on a donnee; secondement, en vertu de la bonne foy et loyauté qui est violee quand on trompe celuy a qui l'on a promis, ou que l'on fait ce que l'on peut pour le tromper; tiercement, en vertu de l'honneur et du respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu, a laquelle on fait un mespris extreme de fauser la foy et loyauté que l'on luy doit, rendant la parole qu'on luy a donnee fause et mensongere.

  A025002190 

 De sorte que, qui contrevient a l'oblation qu'il a fait de soy mesme a Dieu pour le servir en quelque Congregation, il peche contre la fermeté que l'on doit avoir en ses bonnes resolutions et contre le respect ou reverence que l'on doit a l'infinie bonté de Dieu a laquelle il s'estoit offert.

  A025002190 

 Mais en l'offrande ou oblation, on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu; et partant, quand on manque, on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté que l'on doit avoir en ses justes affections et contre la reverence que l'on doit a celuy a qui on s'est offert, quand il est personnage de respect.

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002197 

 Sainte Scholastique, seur de saint Benoist, ayant institué une Congregation de Religieuses, alloit toutes les annees visiter son frere; et la derniere fois qu'elle y fut, advint le miracle de la pluye et tempeste que Dieu fit venir expres pour arrester le glorieux patriarche saint Benoist qui ne vouloit pas demeurer davantage avec sa chere et sainte seur, ainsy que saint Gregoire et les autres autheurs ecclesiastiques racontent.

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002200 

 Mais pour le demeurant, elles peuvent donner entree aux filles et femmes seculieres pour plusieurs saintes et bonnes occasions, appreuvees neanmoins, ou en general, ou en particulier, par leurs Superieurs; comme aussi elles peuvent sortir pour plus d'occasions que celles qui servent a Dieu en tiltre de Religion, pourveu tous-jours que ce soyent occasions pieuses, graves et jugees convenables, par les mesmes Superieurs..

  A025002201 

 Et a la verité, tout ainsy qu'il faut exalter la clausure: [316] rigoureuse comme clausure plus parfaite, aussi est ce une tentation extreme de n'en vouloir aucune autre en l'Eglise; car si bien il semble que par cette rigueur on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, toutesfois en effect on la diminue extremement, en leur ostant la commodité des retraittes moderees et faciles que l'antiquité et l'experience a tesmoigné estre fort utiles au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002202 

 Dieu a disposé plusieurs estages en sa mayson, et la hauteur et dignité des uns n'empesche pas l'utilité des autres.

  A025002202 

 Dieu a donné l'instinct aux oysillons de nicher dans les buissons et sur les arbres [317] des vallees, aussi bien qu'aux aigles de faire leurs retraittes es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002202 

 Les petites simples Congregations ne doivent jamais entrer en comparaison d'egalité avec les Religions, ni aussi les Religions en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002205 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations [319], une mediocre clausure suffira pour y faire des bonnes servantes de Dieu; s'il n'y regne pas, la plus estroitte clausure du monde ne suffira pas.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002225 

 Mays quant a l'oblation et offrande, n'estant qu'une simple declaration de la resolution que nous avons de donner a Dieu.....[Le saint Auteur a laissé sa phrase inachevée pour lui substituer une autre leçon.].

  A025002225 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu; car au vœu il [y] a trois nœuds qui nous obligent: la verité, foy et loyauté que nous devons avoir en nos paroles, nous obligent d'observer nos legitimes promesses a un chascun, mais sur tout a [307] Dieu tout puissant auquel devans, outre cela, porter un souverain respect, c'est un acte d'irreverence extreme de ne point tenir les promesses et vœux que nous luy faysons.

  A025002226 

 Car le vœu estant une legitime et sainte promesse faite a Dieu, il lie ceux qui le font en trois façons.

  A025002226 

 Tiercement, par l'honneur et respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu; car c'est faire un mespris extreme a cette supreme Bonté, de mentir devant elle et fauser la foy et loyauté que l'on luy doit.

  A025002227 

 Mays en l'offrande ou oblation, par ce qu'on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu, quand on manque contre l'oblation on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté en ses justes affections, et contre la reverence que l'on doit a celuy auquel on s'est offert, si c'est une personne digne de respect.

  A025002244 

 Mays les Congregations simples n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains pour ceux encor de la charité envers le prochain, estant receues et appreuvees de l'Eglise pour des simples, louables et saintes retraites esquelles d'ailleurs [315] on ne fait les oblations ou vœux a Dieu que pour cette seule vocation et genre de vie que le sçavant et tant pieux Navarrus, appelle saint, partant la bienseance de leur vocation les obligent ( sic ) a quelque sorte de clausure, ne permettant non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet aux plus estroittes Religions, car cet article icy est essentiel a la bienseance de leur vocation, Mays quand au reste, demeurant en liberté de sortir et de laisser entrer les filles et femmes seculieres, pour plusieurs autres raysons, outre celles pour lesquelles la sortie ou l'entree des femmes est permise aux Religions reformees..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002246 

 Dieu a disposé plusieurs estages en sa mayson, et la hauteur ou dignité des uns n'empesche pas l'utilité des autres.

  A025002246 

 Dieu a donné l'instinct aux petitz oysillons de faire leurs petites retraittes dans les buissons et sur les arbres des [317] vallees, aussi bien qu'aux aigles de les faire es cimes des inaccessibles rochers.

  A025002246 

 Et comme les petites simples Congregations ne doivent pas entrer en comparaison d'egalité avec les Religieuses, aussi les Religieuses ne doivent pas entrer en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002249 

 En somme, si l'esprit de devotion regne dans les Congregations, [319] une mediocre clausure suffit pour faire des bonnes servantes de Dieu; s'il ne regne pas, la plus estroitte du monde ne suffit pas.

  A025002255 

 La rayson est que si les filles, apres avoir faict les vœux et estre demeurees longues annees an la Congregation, venoient, par tentations, seductions ou autrement, a contracter mariage, bien qu'elles offenseroient griefvement Dieu, neantmoins le mariage seroit valide; et lhors, quelle honte et quel malheur a la fille, et quel regret a ses parens! Mais, quelles semences de proces et de mauvais mesnages dans les familles! car, a la rigueur et severité du droict, l'on ne pourrait lhors refuser a cete fille son partage.

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002260 

 On propose, pour remede a cela, de convertir ces Congregations an vrayes et formelles Religions qui demeurent soubs la jurisdiction de l'Evesque diocesain, et que les Religieuses ayent a vivre an la mesme façon qu'il est porté dans les Regles de la Congregation, qui sont a la verité excellentes et respirent de toutes parts la pieté et l'esprit de Dieu.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002268 

 Ce qui ne se dict point par exageration, ny pour trouver a redire an celles qui, assistees de l'Esprit de Dieu et de la direction d'un angelique Prelat, ont frayé heureusement ce chemin, et se font admirer et non reprendre; mais il fault jetter les yeux dans les annees a venir, et penser au temps que, cete direction manquant et les ardeurs de cete devotion ralenties, les choses pourront succeder moins heureusement..

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002276 

 Mais si cela ne se peult faire canoniquement, il fauldra se restreindre au vœu de chasteté et au ferme propos et establissement du reste; et possible seroyt il a propos de le concevoir ainsy: «Je, N., fais vœu a Dieu de le servir en perpetuelle chasteté, et de vivre et mourir en la Congregation de ceans, selon les Regles et Constitutions d'icelle.» Et dans les Regles on expliquera que l'on ne fait pas vœu expres de pauvreté et d'obeissance, mais que les Sœurs observeront pourtant l'un et l'aultre volontairement et pour l'amour de Dieu, avec aultant de fidelité et de courage que si elles y estoyent liees et obligees par des vœux les plus solemnels du monde..

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002289 

 De sorte qu'il suffit de sçavoir que telles Congregations sont en usage en l'Eglise de Dieu entre les Pasteurs les plus reformés et dignes d'imitation, et qu'elles peuvent estre establies sous [334] differentes Constitutions, selon que les lieux, les occasions et les fins qu'on praetend le requierent; estant au reste tres certain que non seulement a Milan, mais en la province de Milan, telles Congregations ont eglise, Messe, Sacremens, chœur, bien que non pas toutes.

  A025002291 

 Et sainte Françoise, tous-jours conduite par son bon Ange, pensa que la sienne seroit a l'honneur et plus grande gloire de Dieu.

  A025002291 

 Mays, que non seulement elles soyent loysibles, ains aussi utiles au salut des ames et gloire de Dieu, il est advis qu'on n'en puisse pas douter sans blasmer ces bons Evesques d'Italie, qui, avec beaucoup de soin, les erigent, dressent et instruisent; laissant a part que la chose parle d'elle mesme.

  A025002292 

 Si donq ell'est loysible, on ne peut douter qu'elle ne soit tres utile, sans que pour cela on veuille l'esgaler en reputation, dignité et perfection aux Religions formelles ou Congregations des vœux solemnelz; car en l'Eglise il [337] y a des rangs et methodes pour le service de Dieu en grand nombre et en grande difference, tous bons, tous honnorables, mais plus les uns que les autres..

  A025002293 

 Il est vray que cet exercice fut aymé non seulement parce que de soymesme il est pieux et grandement aggreable a Dieu, mays parce que celles qui le prattiquoyent n'alloyent jamais pour le faire sans revenir meilleures et plus consolees.

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002301 

 Item, que pour les mesmes considerations on retire pour quelques jours les femmes qui voudront se recueillir en Dieu, pour establir leur vie en son service, au monde.

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002328 

 (Ibid., p. 92.) Enfin, le jour même de Pâques elle mande à sa grande fille: «Vous les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première commodité; mais non pas polies, car le bon Père n'en peut sitôt prendre le loisir, et je pense encore que pour nous reculer, il lui vient un ouvrage sur les bras du côté de Thonon.

  A025002344 

 En quoy, outre la perte qu'elles souffrent, elles sont dignes de grande compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame genereuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et de vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins presque bonnement le faire, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuitte qu'elle voudroit faire de la sainteté estant empeschee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas grand dommage de voir une vefve qui n'aura peut estre d'affaires domestiques que pour ou huit ou quinze jours chasqu'annee, croupir toutefois et tremper tout le reste de sa vie dans les inquietudes d'un mesnage, emmi les perilz de perdre a chasque moment l'affection qu'elle aura a sa viduité? Et n'est ce pas un secours fort a propos pour celles qui sont avancees en aage, de leur presenter une retraitte en laquelle elles se puissent mieux preparer pour estre retirees eternellement au Ciel? [348].

  A025002350 

 Faudra soigneusement prendre garde que telles vefves soyent bien appellees de Dieu et fort propres pour son service; qu'elles n'ayent pas des affaires qui tirent beaucoup en longueur ni qui requierent des frequentes sorties; que l'on leur face faire l'essay de six semaines avant que tirer les voix, au bout desquelles, si elles sont treuvees capables et qu'elles ayent le consentement de la Superieure et des Seurs, on leur fera escrire comme elles ont esté admises, ainsy qu'il sera marqué ci apres.

  A025002361 

 Ce n'est pas un point essentiel de la closture des Maysons des servantes de Dieu que les autres femmes ne puissent pas entrer, comme il a esté declaré en la Praeface.

  A025002374 

 Que tous-jours celle qui parlera soit assistee d'une autre Seur qui puisse ouyr ce qui se dira, sinon que pour quelque respect la Superieure se contente que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera, laquelle, en ce cas, se retirera a part faysant quelque [356] ouvrage, ou lisant quelque livre, ou priant Dieu, Les Novices auront toute liberté de parler a leurs parens proches en la façon susdite, comme au contraire on les tiendra exemptes de parler a tous autres, tant que faire se pourra.

  A025002410 

 Que si celle qui aura cette charge prend le soin de prevoir la lecture qu'elle devra faire pour s'en bien acquitter, elle fera chose aggreable a Dieu.

  A025002413 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront toutes les veilles de Nostre Dame et celles de Pentecoste, de l'Ascension, Trinité et Feste Dieu, et tous les vendredis despuis la feste saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en ce jour lâ se celebrast quelque feste de commandement, car en ce cas le jeusne seroit remis au samedi; que sil estoit encor feste le samedi, le jeusne ne se feroit point cette semaine la.

  A025002415 

 Les Seurs estant entrees a table, nulle ne despliera sa serviette ni ne mettra la main au pain ni au cousteau que la Superieure n'ayt donné l'obedience disant: «Au nom de Dieu.» Et taschera on non seulement d'observer le silence, mais de faire le moins de bruit quil se pourra; que si quelque Seur a besoin de quelque chose qu'elle [366] puisse faire entendre par signe, elle n'employera point les paroles pour cela..

  A025002430 

 Et toutes deux estant malades ou occupees, comme il a esté dit, la Superieure commettra la charge a celle laquelle, selon Dieu et en conscience, elle estimera estre la plus propre pour la bien exercer.

  A025002433 

 Puisque le vœu fondamental de cette Congregation se fait expressement et formellement de la chasteté et continence perpetuelle, il n'est point besoin de declarer combien toutes les Seurs y sont obligees; car, en un mot, elles doivent [369] estre toutes a Dieu leur Espoux, de cœur et de cors, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté, en esprit, en paroles et en œuvres, par une angelique conversation..

  A025002458 

 Et se signant, elles mettront aussi simplement leur nom, en cette sorte: Angelique Marcelle de la Montaigne, de la Visitation; et au bout: Dieu soit beni..

  A025002467 

 Affin que l'amendement se face plus grand en la Congregation, la veille de la Circoncision, apres qu'on aura tiré les Saintz, chasque Seur demandera a la Superieure un'ayde; et la Superieure donnera a chacune une compaigne pour cette annee-la, leur enjoignant a l'une et a l'autre d'avoir soin particulier a s'exciter a l'amour de Dieu et a se corriger l'une l'autre de leurs defautz en esprit de douceur et de charité, sans faire aucune autre particularité ensemble, sinon de s'admonester paysiblement.

  A025002473 

 Et attendu que c'est la parole de Dieu qu'en toutes assemblees qui se feront en son nom il sera au milieu, les Seurs doivent assister a celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence et devotion [377], s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites et enseignees plusieurs choses necessaires a leur perfection; c'est pourquoy elles les doivent conserver soigneusement en leur esprit, pour les reduire par apres en prattique..

  A025002476 

 Tous les derniers jours du moys les Seurs rendront compte sommairement et briefvement a la Superieure de leur avancement ou defaillance en l'orayson, douceur, humilité et simplicité; non point pour se consoler, mais pour reprendre force, et s'abbaisser devant Dieu et devant celle qui tient la place d'iceluy parmi elles..

  A025002478 

 Comm'aussi une chacune lira la Regle tous les moys, avec pareille devotion que si alhors elle leur estoit donnee nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelle..

  A025002501 

 Estant adverties en Chapitre ou refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, et n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais aussi lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, les regardant avec estime, comme des moyens inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025002506 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans licence et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Entres, au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres sans s'advertir..

  A025002509 

 Les Seurs s'essayeront es testes et Dimanches d'attirer les filles et femmes de la ville au lieu preparé pour cela, affin de leur enseigner familierement les exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation du matin, de bien dire le Chapelet et la Couronne et de bien prier Dieu, pourveu que cela se face hors de l'heure du Catechisme et du sermon.

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002537 

 En somme, la Superieure se doit tenir si bien aupres de Dieu, qu'elle soit le mirouer et le patron de toutes vertus [386] parmi les Seurs, et qu'elle puise dans le sein du Sauveur la force et lumiere dont elle a besoin..

  A025002560 

 eslever les Novices de vertu en vertu, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002567 

 Elle fera que les Novices prennent l'esprit d'un amour tres affectionné envers un chacun, pour prier Dieu pour le salut de tous; mays specialement envers l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine et tous les Prelatz et officiers d'icelle, priant souvent et faysant leurs exercices spirituelz pour l'exaltation de la foy catholique et pour la conversion des infideles et pecheurs, comme aussi pour tous les Princes chrestiens, et specialement pour ceux es provinces desquelz la Congregation se treuve erigee..

  A025002568 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres de Religion qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, mais qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025002669 

 Et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec amour et les appelleront leurs Seurs, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles ne laissent pas, selon l'interieur, d'estre filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, esgales en nature et en la praetention de la grace et de la gloire aux plus grandes dames du monde; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Maistre, Jesus Christ, esgalement Seigneur et Sauveur des unes et des autres..

  A025002755 

 Et elle respondra: Graces a Dieu, je persevere fermement en ce desir..

  A025002756 

 Et la Superieure repliquera: Dieu soit beni, ma Fille.

  A025002756 

 Toute nostre Congregation vous donne son consentement, mais resouvenes vous de ce que tant de foys on vous a remonstré: que pour estre de cette Congregation, il faut mourir au monde et a soy mesme pour vivre a Dieu..

  A025002765 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais lhors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en la gloire.

  A025002781 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy souhaittent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face maintenant le vœu sacré et l'Oblation sainte, selon quil est requis a cet effect..

  A025002783 

 Or sus, ma chere Fille, si telle est vostre volonté, venes a Dieu vostre Createur et soyes esclairee, et vostre face ne sera point confondue.

  A025002785 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans, pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les regles et Constitutions d'icelle Congregation, pour l'observation desquelles j'offre et donne a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere, nostre Dame, mon ame, mon cors et ma vie..

  A025002798 

 Alles donq, ma Fille, et Dieu vous soit propice.

  A025002798 

 Entres en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025002825 

 «Je, N., renouvelle et confirme de tout mon cœur, le vœu et Oblation que j'ay ci devant fait a mon Dieu, de le servir a jamais en la Congregation de ceans, par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025002834 

 Tous les anciens Peres ont tous-jours estimé que c'estoit un extreme malheur aux filles et femmes qui s'estoyent dediees a Dieu en quelque Congregation d'estre separees d'icelle; de sorte que saint Augustin tient que la moytié de la ruine d'une servante de Dieu gist a se separer et abandonner la Societé et Congregation, et l'autre moytié a perdre la chasteté.

  A025002835 

 Or, les Filles de la Visitation s'estant ainsy serieusement et saintement vouees et liees a Dieu, il faut esperer, avec ferme confiance en la misericorde divine et en la protection de la glorieuse Mere de Dieu, que jamais il n'arrive qu'aucune merite d'en estre separee.

  A025002836 

 La Superieure, donq, ayant remarqué l'un des deux cas en quelqu'une des Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais [415] permettre), elle en conferera premierement avec les officieres de la Mayson et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, qu'on doive traitter l'expulsion, elle assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime ou la contumace de celle qui semble devoir estre rejettee.

  A025002837 

 Toutes les Seurs, apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, protesteront a genoux devant Dieu, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre a la gloire de Dieu, selon l'equité et selon la charité deue tant a la Congregation qu'a la Seur dont il s'agit..

  A025002841 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, [417] Dieu aydant; mays s'ilz advenoyent et qu'on en eust telle eonnoissance qu'on peust les reveler loysiblement, apres la correction fraternelle, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee comme scandaleuse.

  A025002860 

 Mais pourtant, si quelque Seur les violoit volontairement, destinement, avec scandale ou par mespris, elle commettroit sans doute une grande offence; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonnore l'escole de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation et dissipe les fruitz de bon exemple et de bonn' odeur qu'elle doit donner au prochain.

  A025002860 

 Si que un tel mespris volontaire seroit en fin suyvi de quelque grand chastiment de la part de Dieu, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés a ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis..

  A025002871 

 Et comme en l'ancienne Loy la victime et hostie, c'est a dire l'animal qui devoit estre immolé, estoit premierement escorchee, ainsy les Seurs qui desirent offrir et vouer leurs personnes a Dieu en cette Congregation, [422] doivent escorcher leurs cœurs, se resouvenant que Nostre Seigneur mesme voulut s'offrir a Dieu son Pere pour nous, tout nud et despouillé sur l'arbre de la croix..

  A025002871 

 Les Seurs que Dieu appellera a la sainte Profession se doivent representer que, comme brebis et aigneaux, elles doivent estre immolees, voüees et sacrifiees a la divine Majesté.

  A025002872 

 Et par ainsy elles feront devant Dieu, tant en leurs oraysons qu'es eslancemens ordinaires, qu'encor es devis qu'elles feront avec leur Superieure et Directrice, voire mesme avec leurs compaignes, si bon leur semble, des renoncemens vifs et fervens du monde et de la vanité de la chair et de ses sensualités.

  A025002877 

 Ce que je dis pour celles qui, en l'orayson, ne peuvent travailler de l'entendement, ni mesme de la volonté, que par des actes d'abandonnement et renoncement d'elles mesmes en Dieu, et par maniere de simple acquiescement..

  A025002881 

 Mays en lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle de l'offrande: considerant combien il est raysonnable que nous nous offrions et donnions a Dieu qui nous a donné l'estre, et le nous a donné affin que nous [426] fussions tres uniquement siens.

  A025002884 

 Car les uns le suivent, mais de fort loin; ilz se retournent devers luy, mais ilz ne s'en approchent gueres; et ce sont les chrestiens qui, sans avoir aucun soin de se perfectionner en l'amour de Dieu, [427] se contentent d'eviter la damnation par l'observance de ses commandemens.

  A025002886 

 Ilz ont deux grans avantages sur les autres: l'un est que, deschargés d'autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour divin; l'autre est qu'ilz font un acte nompareil, renonçant tout a coup et si genereusement a toutes choses pour Dieu, qui est une [429] œuvre d'une perfection vive, masle, genereuse et hardie..

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002886 

 O Dieu, qu'ilz sont heureux! le monde ne les connoist plus, ni eux ne connoissent plus le monde; ilz disent adieu a toutes choses, pour estre sur toutes choses a Dieu.

  A025002887 

 Considerant donq le bonheur de ceux ci et la dignité de leur entreprise, faites election de cette sorte de suite, pour confirmation de celle que vous aves des-ja faite, et, par des eslancemens affectionnés, renonces a tout, embrassés cette si excellente resolution, donnes vous a Dieu pour cela, offres luy toute vostre vie pour cette suite si parfaite.

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002892 

 Les Anges ayans esté tous creés en la grace de Dieu et vrayement bons, les uns abandonnerent ce bonheur, et furent rendus diables par leur volontaire despart de la grace et obeissance de Dieu; les autres demeurerent Anges glorieux, par leur volontaire union avec Dieu.

  A025002892 

 Or, cela arriva d'autant que les anges malins ne voulurent pas se dedier et offrir au service de Dieu, mais voulurent dependre d'eux mesmes et avec une fause liberté.

  A025002892 

 Or, les bons [431] reconneurent leur devoir, offrirent a Dieu leurs services et obeissance eternelle, leur estre et toutes les dependances d'iceluy, sans reserve ni limitation quelcomque.

  A025002893 

 Quelle celle des Martirs qui, comme brebis d'immolation, ont offert leur vie et leur mort douloureuse avec tant de courage et de constance! Quelle celle des anacoretes et de tant de confesseurs, de vierges et autres, qui, comme petitz oyseletz, se sont volontairement enfermés dans des cavernes, en des monasteres, dans des hospitaux et en d'autres sortes de vies, pour plus a commodité chanter, comme dans des cages, les louanges aeternelles de leur Dieu, et se sont rendus heureusement ses esclaves affin de ne pouvoir jamais se dedire, ni dementir le vœu de leur fidelité.

  A025002895 

 Des-ja au paravant elle avoit voué sa virginité a Dieu; mays par ces paroles icy elle s'abandonne a luy sans reserve quelcomque, et se rend sa servante actuelle et perpetuelle..

  A025002896 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees et conduittes a Jesus Christ apres elle: voyla pourquoy, a son imitation, ayant ouy que Nostre Seigneur conseille que, pour plus entierement, plus purement et plus constamment estre servantes de sa divine Majesté, il failloit quiter tout et renoncer tout son estre entre les mains de sa Providence, vous deves d'un grand courage, apres Nostre Dame, dire: Nous voyci meshuy servantes de Dieu, ayant tout quitté pour cela; nous soit fait selon sa parole.

  A025002903 

 Bienheureuse est l'ame qui peut de bon cœur dire avec saint Paul: Ma vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A025002908 

 Ainsy, la personne qui se veut immoler et sacrifier a Dieu en la Religion doit, avant toutes choses, s'escorcher tout a fait; comme N. S. Jesuschrist se voulant immoler sur la [422] croix, non seulement fut despouillé et denué de ses habitz, mays escorché par les fouets et escorgees.

  A025002915 

 Mays au lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle des vœux de la Profession: considerans combien il est juste et raysonnable que nous offrions, dediions et consacrions a Dieu l'estre, l'ame et le cors qu'il nous a donné luy mesme, et qu'il nous a donné affin que nous fussions tres uniquement siens.

  A025002919 

 Car les uns le suivent voirement, mais de fort loin; [427] et ce sont les chrestiens qui se contentent d'eviter la damnation eternelle par l'observance des commandemens de Dieu, mais n'ont aucun soin de se perfectionner par l'exercice de l'amour celeste.

  A025002921 

 En quoy ilz ont deux avantages: l'un est que, deschargés de toutes autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour celeste; l'autre est qu'ilz font un acte incomparable de devotion, renonceant ( sic ) [429] tout a coup si generalement et si absolument a toutes choses pour Dieu, qui est une œuvre d'une perfection vive, genereuse et tout a fait surnaturelle..

  A025002921 

 Finalement, il y en a des autres lesquelz, pour suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a son amour aeternel, quittans les honneurs et les richesses mondaines avec toutes les commodités et libertés qui les accompaignent (lesquelles pour l'ordinaire incommodent grandement nostre acheminement a la perfection), abandonnans entierement toutes choses, comme firent les Apostres, et s'attachans fermement au seul soin de plaire a Dieu et le suivre, ne voulans que leur cœur soit partagé ni distrait a la varieté des choses du monde, recherchent purement et simplement, d'un cœur tout uni et joint en soy mesme, l'unité du seul et unique amour de Dieu.

  A025002921 

 O Seigneur Jesus, que ceux ci sont heureux! car ilz disent un eternel a Dieu a toutes choses pour estre aeternellement a Dieu sur toutes choses.

  A025002922 

 Considerant donq le bonheur de ces ames et la dignité de leur entreprise, faites le choix et l'election de cette sorte de vie, et, par des eslans affectionnés, renonces a tout, offres tout a Dieu, embrassés cette si excellente perfection, donnes luy toute vostre vie et tous les momens d'icelle.

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002926 

 Les Anges ayantz esté creés en l'amour et grace de Dieu, les uns, par apres, abandonnerent et perdirent ce bonheur et, par un volontaire rejet de la grace de Dieu, se rendirent diables; comme les autres, par leur volontaire union avec Dieu, devindrent saintz et bienheureux espritz.

  A025002926 

 Mays les bons Anges, au contraire, firent [431] une generale et invariable profession de vouloir eternellement et sans reserve quelcomque estre sujetz et sousmis a l'obeissance de Dieu en toutes choses, sans limitation aucune.

  A025002926 

 Or, cela arriva dautant que les anges malins ne voulurent pas se dedier ni s'offrir a Dieu par la profession et determination de leur volonté a l'amour et service aeternel de sa divine Majesté, ains voulurent dependre d'eux mesme ( sic ) et avoir tous-jours leur fause liberté, sans s'astreindre a la volonté de Dieu et a sa sainte obeissance.

  A025002927 

 Quelle profession des Martirs qui, comme des innocentes brebis, ont esté immolés, vouans leur vie et leurs peines a la gloire de Jesuschrist! Quelle oblations ( sic ) des anacoretes, des moynes, des religieuses, qui, comme petitz oyseletz du ciel, se sont volontairement enfermés dans les desertz, dans les forestz et dans les monasteres pour, avec plus de sainteté, chanter comme dedans des saintes cages les louanges aeternelles de Dieu, et se sont heureusement rendus prisonniers et esclaves dedans les cloistres pour ne pouvoir jamais se dedire de leur profession, ni dementir le vœu de leur fidelité! O combien de sujet y a il d'imitation en ces saintes trouppes! [432].

  A025002929 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees a Jesuschrist [ apres ] cette tres unique Reyne du Ciel: c'est pourquoy, a son imitation, suivant le conseil caeleste, plusieurs ames ont tout quité pour plus constamment, purement et parfaitement estre servantes de Dieu; a la suite desquelles il faut, d'un grand courage, que vous vous consacries a cet amour divin, en sorte que vous puissies dire en toute verité: Me voyci la servante de Dieu; me soyt fait selon sa parole, et qu'a jamais je soye toute sienne.

  A025002933 

 Choysissons encor quelque Saint particulier: comme S t Joseph et nostre bon Ange, ou S t Augustin, ou S t Dominique; et ayans confiance en leur charité, supplions les de nous presenter a Dieu, le Pere aeternel, par le merite de son Filz, en la dilection du Saint Esprit.

  A025002934 

 Bienheureuse est l'ame qui peut dire de bon cœur avec S t Paul: Ma vie est cachee avec Jesuschrist en Dieu.

  A025002934 

 Disposons nous donques a bien correspondre icy bas, et pensons que comme Nostre Dame, par son infinie bonté, chantera sur nostre Profession son divin cantique: Magnificat anima mea Dominum, aussi serons nous obligees de le chanter interieurement [435] nous mesme; et le saint esprit de devotion nous fera sentir combien grande est la grace que Dieu fait a un'ame de la tirer a soy par un attrait si excellent comm'est celuy de la Profession religieuse.

  A025002944 

 Jamais, Dieu aydant, je ne les reprendray. e.

  A025002948 

 En suite, le Prœlat dira a la Professe: Ma Seur, vous estes morte au monde et a vous mesme pour ne vivre qu'a Dieu..

  A025002967 

 Toute la vie des Seurs dediee pour leur union avec Dieu, la reformation de l'Eglise et salut du prochain..

  A025003018 

 En suite dequoy il a voulu que les Seurs de la Visitation n'eussent aucun General ni Generale, sinon Jesus Christ, le Seigneur de tous, et son Vicaire nostre Saint Pere; d'autant, me dit il, «que la conservation de l'Institut et le bonheur des Religieuses ne depend pas d'estre rangees sous un chef, ains de la fidelité que chasque Seur aura en son particulier et que toutes auront en general de s'unir a Dieu par l'exacte observance des Regles, Constitutions et Coustumes establies en leur Ordre.».

  A025003018 

 Nostre tres honnoré Seigneur et Pere desiroit ardemment que nous eussions l'esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre bon Dieu en nostre Congregation, et que tout nostre repos et confiance fust en sa providence.

  A025003019 

 Et pour ce, elles les feront saluer et offrir obeissance a leur advenement; et lhors qu'elles seront nouvellement establies en leurs dioceses, elles prieront journellement pour eux; appliqueront tous les ans une Communion generale a leur intention au jour de leur sacre; en leurs voyages, maladies et affaires importantes elles redoubleront leurs prieres pour leur santé et heureux succes, et quand il plaira a Dieu de les appeller a luy, elles feront les mesmes suffrages pour eux aux Monasteres du diocese que pour leurs Seurs defunctes..

  A025003020 

 Que si un jour il arrivoit (ce que Dieu ne permette) que quelque Monastere descheust de sa perfection, les autres qui s'en appercevront se devront employer avec une extreme charité et humilité pour les ayder a se relever et remettre [443] en devoir, les admonestant par supplications pleynes de douceur et de zele de retourner a leur premiere ferveur, les assistant en tout ce qui leur sera possible, et leur procurant du secours et des exhortations et remonstrances, tant des Superieurs que d'autres personnes d'authorité et pieté qu'elles connoistront estre affectionnees a leur Institut..

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003052 

 Mays qu'elle le face consciencieusement, avec le zele de Dieu et la charité, n'exerçant point la charge comme Maistresse, ains comme servante des espouses de Jesus Christ, duquel elle doit en toutes occurrences demander la grace et ne chercher que sa tres pure gloire..

  A025003062 

 Comme aussi les festes et Dimanches elle leur laissera le tems libre pour faire orayson; ou bien les entretiendra, ou pourra faire entretenir toutes ensemble ou deux a deux pendant le silence, leur apprenant a le faire utilement et a ne parler que de Dieu, des Regles, des advis et entretiens susditz, du bonheur et excellence de leur vocation et de la pretention qu'elles doivent avoir de parvenir au plus haut degré de la perfection de leur vocation, s'excitant l'une l'autre a l'amour de Dieu, du prochain et a la prattique de toutes les vertus..

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003072 

 Elle leur assignera certain nombre de prattiques de vertus et de retours de leur esprit en Dieu, chasque jour, pour les acheminer au saint recueillement et a la mortification tant interieure qu'exterieure, doucement, comme des nouvelles plantes au jardin de Nostre Seigneur..

  A025003079 

 Qu'elles entendent bien tout le Coustumier, les Directoires et les choses desquelles elles auront a parler es conferences; et ne se hastent pas trop de dire leurs opinions, ains, apres avoir invoqué Dieu, qu'elles dient ce qu'elles sçauront et ce dont elles seront requises, briefvement..

  A025003079 

 Qu'elles soyent grandes amatrices du bien commun, pour bien faire leurs charges; qu'elles n'abondent pas en leur propre sens, ains marchent sincerement selon [456] l'esprit de Dieu et de leur vocation, en toute pureté d'intention, disant leurs advis avec modestie.

  A025003082 

 Quand elles advertissent les Seurs au Chapitre et au refectoir, que ce soit sans exagerer ni aggrandir les fautes, ni selon leurs inclinations ou aversions, ains par le seul amour de Dieu et le zele de la perfection des Seurs, ne parlant jamais des fautes qu'elles remarqueront, sinon a la seule Superieure..

  A025003132 

 Aux jours de Pasques, Pentecoste, Noël, Feste Dieu, Epiphanie et Visitation Nostre Dame elle fera servir a la Messe de la Communauté la plus belle chasuble et les plus beaux ornemens, selon les couleurs de l'Eglise; pour les autres Messes de ces jours-la, l'une des plus belles chasubles d'apres celle qui a servi a la Messe de la Communauté.

  A025003258 

 Qu'elle se montre fort charitable et affectionnee au service des Seurs, specialement envers les infirmes qui ont besoin de quelque soulagement en ce qui regarde sa charge, et qu'elle le face promptement et de bon cœur pour l'amour de Dieu..

  A025003281 

 Et comme elle doit user d'une grande humilité en l'employant, l'ayde aussi doit faire ce qu'elle [483] luy dira avec grande fidelité et sousmission, faysant avec autant de soin ce qu'elle verra devoir estre fait, comme estant esgalement chargee de la part de Dieu et de la Congregation.

  A025003295 

 Apres disner elles choisiront demi heure la plus commode, qu'elles employeront tant a prier Dieu qu'a lire, si elles le sçavent faire.

  A025003295 

 Elles prendront demi heure pour s'habiller et demi heure pour prier Dieu.

  A025003309 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a Nos tres cheres Seurs et Filles en Jesuschrist, Jeanne Françoise Fremyot, Superieure de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation de la presente ville, et Jacqueline Favre, sa compaigne..

  A025003310 

 Nous terminons vostre voïage [489] a dix semaines, a conter des ce jour de vostre despart, priant Dieu qu'il vous conduise et ramene, avec la paix, grace et consolation de son Saint Esprit, et vous tienne tous-jours sous la protection de sa misericorde.

  A025003318 

 FRANÇOIS, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A025003333 

 Et affin que l'action exterieure ne desrobe l'attention interieure, mes cheres Filles feront six retours a Dieu dans le tems non occupé aux meditations, Offices, lectures, ou l'attention doit estre actuellement appliquee..

  A025003333 

 La frequente pensee de la parole que Dieu dit a Abraham: Marche devant moy et sois parfait.

  A025003338 

 L'amour universel au culte de Dieu, specialement la preparation et attention a l'Office divin, prieres vocales et mentales, lectures, sermons et discours de devotion; contre les souvenirs du monde et les attentions temporelles.

  A025003350 

 A l'amende, Dominus pars haereditatis meœ, etc., pour tous ceux qui sont voués a Dieu..

  A025003350 

 La frequente rememoration de la presence de Dieu aux recreations et par tout ailleurs; contraire a l'empressement exterieur et esvagation interieure.

  A025003368 

 A l'amende pour chasque manquement, Regi sœculorum immortali, pour l'exaltation du saint nom de Dieu parmi tous les mortelz..

  A025003368 

 La parfaitte envie de contenter Dieu et nos Superieurs en nos actions; contre la propre inclination de nous rechercher nous mesme et de playre au monde.

  A025003390 

 La frequente rememoration de la praesence de Dieu, de nostre profession et du devoir envers nous mesmes; a l'amende de l'antienne, Dominus pars hœreditatis meæ, etc., pour tous ceux qui se sont voués a Dieu..

  A025003408 

 La perpetuelle envie de contenter Dieu et les Superieurs en nos actions, contre la propre inclination de nous y rechercher nous mesme et de plaire au monde; a l'amende de Regi sœculorum immortali, etc., pour l'exaltation du nom de Dieu parmi tous les mortelz..

  A025003432 

 Nous avons vu et, en raison de Notre charge pastorale, attentivement examiné tout ce qui avait trait aux débuts, aux progrès et aux fruits des Congrégations des Sœurs de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, établies dans Nos diocèses.

  A025003433 

 Et comme il est arrivé que ces Communautés, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, augmentent tous les jours d'une manière sensible en mérite et en nombre, pour qu'un Institut si pieux et digne de louange se conserve fixe et stable, Nous lui avons unanimement [501] destiné et assigné ces Règles et Constitutions qui, à l'instar de murailles très solides, serviront de rempart et de fondement à son genre de vie, voulant mettre avec un amour puisé dans les entrailles du Christ, sous Notre garde pastorale et sollicitude et celle de Nos successeurs, les Congrégations susdites établies dans Nos diocèses..

  A025003449 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a Nostre tres chere Fille et Seur en Jesus Christ, Nostre Seur Jeanne Françoise Fremyot, Superieure du Monastere de la Visitation erigé en la presente cité d'Annessi, paix, grace et consolation du Saint Esprit..

  A025003451 

 Alles donq ainsy, ma tres chere Seur, avec vos autres Seurs, alles au nom de Dieu, qui vous benisse et tienne en sa dilection.

  A025003476 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, et Commissaire député en cette affaire par le Saint-Siège Apostolique, par Bref, dont teneur ci-après, donné à Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau [505] du Pêcheur, le 23 avril de la présente année, mettant ce Bref à exécution..

  A025003477 

 Vu et considéré ce qui devait l'être, Nous avons érigé et érigeons la présente Maison appelée «de la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu de la Visitation», en Monastère, sous la Règle de saint Augustin, décrétant, en vertu de la même autorité Apostolique, que toutes les Sœurs ou Religieuses de cette Maison et tout le monastère lui-même devront à l'avenir jouir et profiter de toutes et chacune des immunités, privilèges, induits et concessions dont les autres monastères de Religieuses vivant sous la même Règle ont coutume de faire usage, de jouir et profiter; en outre.

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003531 

 Aussi, lorsqu'elles réciteront tous les jours le même Office, elles pourront s'en acquitter plus facilement, plus soigneusement et, tout en chantant, élever leur piété et leur attention intérieure vers Dieu..

  A025003534 

 Enfin, la plupart des vierges et aussi des veuves d'âge avancé n'arrivent presque jamais à apprendre exactement à réciter le grand Office; pour cela, le plus souvent, elles ne peuvent entrer en Religion: c'est pour elles un avantage si cet Institut de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, de l'Ordre; de Saint-Augustin, n'est pas tenu désormais à d'autre Office qu'au petit, récité convenablement.

  A025003548 

 C'est pourquoi les autres Communautés, issues de cette première soit médiatement, soit immédiatement, font-elles des vœux ardents et présentent une humble requête pour [517] être transformées en Monastères de même Institut et de même Règle, soit parce qu'elles seront ainsi attachées plus fortement à Dieu et à la vie religieuse, soit parce que cela sera plus agréable aux populations, soit parce qu'elles acquerront plus de conformité et de cohésion entre elles.

  A025003548 

 Or, la première Communauté d'Annecy, par Décret de Paul V, fut transformée en Monastère de Religieuses sous la Règle de saint Augustin en 1618, chose qui a servi à la gloire de Dieu et à l'édification du peuple.

  A025003569 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirant bien souvent de consacrer touts les moments de leur vie a l'amour et service de Dieu, lesquelles neantmoins pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre ja affoiblies par l'aage, ou mesme pour [521] avoir des urgentes obligations [d'] ordonnés de temps en temps des affaires de leur maison, ou bien, enfin, pour n'estre pas inspirés ny disposés, ne peuvent pas entrer ez Religions esquelles on mene une vie austere et rigoureuse, et par consequent sont contraintes de s'arrester au monde parmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposés aux perpetuelles distractions et grands dangers et occasions de toute sorte de pechés et vivre sans devotion: en quoy il y a beaucoup de perte et compassion..

  A025003570 

 Affin donc que telles personnes ayent moien de se retirer du monde, fuir ses appasts et amorces de peché et s'appliquer plus doulcement et parfaictement au service et amour de Dieu et exercices des vertus et choses spirituelles, ceste devote et religieuse Congregation a esté dressee et procuree envers nostre S t Pere le Pape sur l'exemple de celles qui, a mesme intention, furent instituees par S t Charles Borrhomee, en son diocese de Milan, et de celle de S te Françoise a Rome..

  A025003575 

 Mais sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, l'on doibt rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde, vivre humblement, doulcement et avec une parfaicte obeissance, charité et grand desir de se perfectioner en [522] toutes sortes de vertus et perfections propre d'une vraye servante de Dieu et espouze de Jesu Christ..

  A025003666 

 Quand il plaira a Dieu que les Sœurs ayent un lieu propre, elle s'essayeront es festes et Dimanches d'attirer les filles et femmes de la ville au lieu preparé pour cela, a fin de leur enseigner familierement les exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation a la Communion et Confession, de bien dire le Chapelet et la Couronne, de bien prier Dieu le matin, le soir, entandant la Messe, et semblables exercices de vray chrestiennes; pourveu que le tout se fasse hors de l'heure du Catechisme et sermon..

  A025003675 

 Et les susditz vœus se renouvellent tous les ans le jour de la Presentation de Nostre Dame (apres sy estres bien preparee, depuis le jour de la sainct Martin, par quelques particulieres oraysons, meditations et mortifications) en ceste sorte: Je, N., renouvele et confirme de tout mon cœur le vœu et Oblation que jay cy devant faict a mon Dieu, de le servir a jamais en la Congregation de ceans par obeissance, chasteté et pauvreté.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000024 

 VI. L'ame avant surmonté tous les empeschemens, n'a plus besoin de remede mays demeure absorbee et unie en Dieu par une parfaitte devotion.

  A026000034 

 Dieu seul doit juger.

  A026000045 

 XVI. Recueil de similitudes et notes pour la rédaction du Traité de l'Amour de Dieu.

  A026000047 

 — Douceur, joie, humilité et tranquillité, accompagnées d'une grande confiance en Dieu.

  A026000051 

 — Les commandements de Dieu et le devoir d'état; les tribulations et les maladies; les « petites traverses et incommodités ».

  A026000051 

 — Pour les actions de peu d'importance et auxquelles on n'est pas obligé, considérer avec liberté d'esprit ce qui tend davantage à la gloire de Dieu et se résoudre.

  A026000051 

 — Reconnaître la volonté de Dieu pour l'accomplir.

  A026000052 

 — Obéir aux commandements de Dieu et des supérieurs, aux conseils évangéliques suivant sa vocation, aux inspirations de la grâce.

  A026000056 

 — C'est un grand honneur d'être auprès de Dieu.

  A026000056 

 — L'oraison doit toujours se finir en paix et avec la résolution de servir Dieu fidèlement 101.

  A026000056 

 — Pourquoi on se met en la présence de Dieu.

  A026000061 

 Vivre sans scrupules et servir Dieu avec amour.

  A026000061 

 — Se mettre toujours en la présence de Dieu avant de prier 105.

  A026000062 

 — Qu'est-ce que la sainte Communion? — Pour s'y préparer, oublier les affaires domestiques et les choses matérielles, et se rappeler les bienfaits de Dieu.

  A026000067 

 — L'âme peut chercher à être délivrée d'un mal ou pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: effets contraires de ces deux amours.

  A026000067 

 — Remèdes contre la mauvaise tristesse: avoir patience; contrarier ses inclinations; chanter des cantiques spirituels; s'employer aux œuvres extérieures; faire souvent des actes extérieurs de ferveur; la discipline modérée; la prière et s'adresser à Dieu avec des mots de confiance; la sainte Communion; l'ouverture de cœur. 112.

  A026000079 

 — Détail des péchés contre les commandements de Dieu.

  A026000104 

 — Quitter tout ce qui déplaît à Dieu et ne pas « s'embesoigner » de notre avancement spirituel. 135.

  A026000105 

 — Tout faire pour Dieu.

  A026000106 

 — La présence ne peut rien ajouter « a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient ».

  A026000106 

 — Rien ne peut ébranler celui qui se remet au bon plaisir de Dieu.

  A026000107 

 — Délaisser sa vie et ses affaires au bon plaisir de Dieu. 139.

  A026000108 

 Simplicité de l'amour, remise de soi-même en Dieu.

  A026000109 

 Renouveler chaque année l'abandon de soi-même entre les mains de Dieu.

  A026000109 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu est fait surtout pour la Sainte.

  A026000110 

 — Dieu veut détacher de toutes choses la destinataire pour la « mieux serrer a sa Bonté ».

  A026000110 

 — Un seul désir: plaire à Dieu.

  A026000111 

 XXVIII. Dédicace d'un exemplaire du Traité de l'Amour de Dieu A M. Humbert Vibert, 13 avril 1617 (Inédit) 146.

  A026000123 

 De l'amour de Dieu [et du prochain] 154.

  A026000143 

 Prattique de la conformité à la volonté de Dieu.

  A026000147 

 — La Mère Rosset doit être « Depenciere » des dons de Dieu.

  A026000150 

 Chaque jour, au réveil, dire la parole de saint Bernard: « Qu'es tu venu faire ceans? » — Ne pas subtiliser, mais avoir une intention droite de tout faire pour Dieu.

  A026000155 

 Grand honneur d'être appelées à la conduite des âmes; comment faut-il s'en acquitter? — Les Supérieures doivent suivre les voies de Dieu et non les leurs.

  A026000156 

 Les satisfactions de l'amour-propre et l'exercice de l'amour de Dieu.

  A026000156 

 — Craindre la tentation, c'est ouvrir la porte à l'ennemi; la confiance en Dieu lui fait peur.

  A026000156 

 — L'amour de Dieu ne trouve jamais qu'on fait trop pour lui. 177.

  A026000156 

 — Un effet de la dévotion qui est selon Dieu.

  A026000157 

 — Exercice d'union à la volonté de Dieu pour le matin, et « acte de reunion » à multiplier dans la journée.

  A026000157 

 — Qui ne cherche que Dieu le trouve toujours.

  A026000158 

 — Regarder Dieu. 181.

  A026000159 

 — Dieu seul doit y régner.

  A026000159 

 — Quel est, parmi les pauvres, « le plus advantagé »? — Parlons à Dieu de nos misères.

  A026000160 

 Trésor de l'abandon total à Dieu.

  A026000160 

 — Dieu n'est pas comme les hommes.

  A026000160 

 — Tout est indifférent au cœur qui ne veut que Dieu.

  A026000164 

 Bonté de Dieu qui se contente de nous obliger à garder ses Commandements.

  A026000286 

 h) Toi qui détruis le temple, etc.; sauve-toi toi-même; si tu es le Fils de Dieu, etc... Si le Christ est l'élu de Dieu, roi [7] d'Israël, qu'il descende de la croix... Ne crains-tu donc pas Dieu, etc... Souvenez-vous de moi.

  A026000305 

 Il y a deux sortes d'unions de l'ame avec Dieu en ce monde: la premiere par grace, et laquelle se fait dans le Baptesme ou par le moyen de la penitence; et la seconde par devotion, et celle ci se fait par le moyen des exercices spirituelz.

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000309 

 Neanmoins, le sujet de ce Livre ne comprend pas la demande ni les deux seules considerations affectives, ni mesme la devotion, laquelle n'est ni meditation ni contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qu'une vertu generale, contraire a la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu.

  A026000311 

 Le courtisan qui a receu de son prince diverses faveurs, acquiert une habitude avec laquelle il le sert non seulement promptement, mais gayement: ainsy, nous devons tous-jours servir Dieu promptement; nous le servons seulement gayement quand nous recevons plusieurs goustz spirituelz qui reviennent de l'orayson mentale.

  A026000312 

 Ainsy, le pecheur n'a pas de soy la possibilité a servir Dieu meritoirement: estant en grace, il a la possibilité, avec resistance et sans facilité; apres avoir continué, il le sert facilement; apres qu'il est devot, il le sert promptement; s'il est contemplatif, il le sert allegrement: la grace donnant la possibilité, la charité donnant la facilité, l'orayson mentale la promptitude et devotion, la multitude des goustz la gayeté..

  A026000314 

 Mesme la nature ni les proprietés de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommees; mays, au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dens, levres, colz, vestemens, jardins, unguens, et mille choses pareilles qui ont mis confusion [13] es expositions par la liberté que les expositeurs ont eu de les faire joindre un chacun a son sens, et, qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a pris, d'entendre en une mesme page une mesme parole en diverses manieres et pour diverses choses..

  A026000315 

 Le theatre de Hierusalem sera tous-jours l'Eglise militante; l'Espoux sera tous-jours Dieu increé ou incarné; l'Espouse, l'ame; le chœur des dames, les conversations mondaines..

  A026000315 

 Les baysers signifieront tous-jours les consolations spirituelles; les embrassemens, les unions avec Dieu; les douceurs des viandes, les goustz spirituelz; les langueurs et defaillances, les gayetés et allegresses; les sommeilz et enyvremens, les ravissemens et extases.

  A026000316 

 Mais quelles choses en veut dire Salomon, ou plustost le Saint Esprit? Il nous veut monstrer par combien de degrés une ame, estant en l'orayson mentale, peut monter a la plus haute consideration de Dieu, et avec quelz remedes elle se peut ayder contre beaucoup d'empeschemens.

  A026000318 

 En la premiere, la souvenance des playsirs passés sensitifs est l'empeschement; le remede est le desir des choses spirituelles et les demander a Dieu; le premier degré est de considerer Dieu es choses corporelles..

  A026000319 

 En la seconde, l'empeschement est la distraction de [14] l'imaginative par les fantosmes et visions sensibles; le remede est l'attention aux inspirations; le degré, la consideration de Dieu es choses spirituelles..

  A026000320 

 En la troysiesme, l'empeschement est les louanges humaines; le remede est de gouster les divines; le degré est la consideration que l'ame fait de Dieu en elle mesme..

  A026000321 

 En la quatriesme, l'empeschement est la fatigue du cors et partie sensitive; le remede sont les colloques et devis spirituels; le degré est mediter Dieu, non en luy mesme, mais en son Humanité..

  A026000322 

 En la cinquiesme, l'empeschement est des respectz humains; le remede est la solitude; le degré, la consideration de Dieu en luy mesme, mais comme Dieu.

  A026000327 

 Qui delibere de ne plus offencer Dieu, rencontre plusieurs occasions suggerees par le diable pour pecher; qui se resoult ne plus vouloir de consolation qu'en Dieu, rencontre le monde qui luy presente nouveaux playsirs temporelz.

  A026000332 

 Premierement elle considere que les biens et playsirs mondains, aupres des divins ne sont que vanité; secondement, que Dieu est doux et souhaittable en luy mesme; troysiesmement, que plusieurs ames saintes ont frayé le chemin, n'ayant trouvé aucun playsir qu'en Dieu; quatriesmement, elle demande a Dieu qu'il luy oste toutes affections terrestres..

  A026000337 

 Premier degré: Consideration de Dieu es choses corporelles.

  A026000339 

 Mais qui est ce principe et ceste fin? C'est Dieu; les meres de toutes choses sont les idees qui en sont en moy, en ma puyssance et bonté.

  A026000339 

 Mays les aigneaux, aussi tost que l'huys de la bergerie est ouvert, courent droit a leurs meres; ainsy l'homme, voyant les creatures, monte petit a petit a Dieu: c'est un moyen de me trouver..

  A026000341 

 Sur tout, la nature humaine, en tes premieres meditations, t'y sera prouffitable; tu verras les biens surnaturelz qui sont en elle: comme, qu'elle est l'habitation de Dieu, son throsne et quasi son chariot; dont il luy peut dire: O ma bienaymee, je t'ay fait semblable a ma genisse attelee aux chariotz de Pharaon.

  A026000342 

 L'ame de son costé, reconnoissant que toute sa lumiere depend de son Soleil, qui est Dieu, confesse que luy seul est beau par essence: O mon Bienaymé, tu es beau et de bonne grace, et tu embellis tellement nostre essence, quand il te plaist, que mesme nostre lict, qui est nostre cors, en est beau: voyla nostre lict fleurissant.

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000348 

 Pour la consideration de Dieu, nul chemin ne nous est plus battu, conneu et familier que celuy des choses corporelles entre lesquelles nous vivons; nul n'a en soy plus de facilité, mays aussi, nul n'a plus de distractions.

  A026000348 

 Quand je medite Dieu en l'Ange, qui [20] est une chose invisible et qui ne m'est nullement familiere, il n'engendre en moy que peu de fantosmes et distractions; mais si je considere Dieu en l'homme, mon imagination descend de l'universel au particulier, et, sous le nom d'homme, me represente Pierre, Paul, ou chacun d'eux, lhors que nous faisons telle ou telle chose.

  A026000358 

 L'ame considere Dieu es choses spirituelles, hors de soy mesme.

  A026000360 

 Au precedent degré il semble qu'on ne trouve pas Dieu, encor qu'on l'ayt trouvé; [22] mais en celuy ci on reconnoist incontinent qu'on l'a trouvé: La nuict, en mon lict (c'est a dire es cors humains, qui sont les lictz des ames), j'ay cherché Celuy que mon ame ayme, et je ne l'ay point trouvé.

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000362 

 Sainte consideration de Dieu es choses spirituelles, laquelle, comme de sa nature elle n'engendre point de fantosmes, aussi n'engendre-elle point de songes.

  A026000368 

 Remede: Estre attentif aux loüanges de Dieu.

  A026000370 

 Quicomque entend ses propres louanges, qu'il se tourne vers celles de Dieu; qu'il persuade a celuy qui le loüe de ne vouloir loüer une chose de si petit merite, mays qu'il esleve les louanges de Dieu de nostre bassesse et petitesse.

  A026000374 

 L'ame considere Dieu en elle mesme.

  A026000376 

 Donq, l'ame rejettant ses louanges en celles de Dieu, prend soin de se parer en toutes ses parties pour plaire a Celuy que seul elle estime digne de toutes louanges.

  A026000376 

 Tout cela doit estre orné et embelli, affin que Dieu ayme l'ame et qu'il puisse dire: Que tu es belle, ma bienaymee, que tu es belle!.

  A026000384 

 Tous ces ornemens sont aggreables a Dieu, mays sur tout la netteté et pureté d'intention, qui doit estre si grande que toutes nos fins se reduisent a une fin, toutes nos intentions a une intention, tous nos desirs a un desir, d'aymer et servir Dieu, en sorte qu'il n'y ayt plus qu'un œil: Vous aves navré mon cœur, ma seur, mon espouse, vous aves navré mon cœur avec un de vos yeux; et qu'il n'y ayt plus qu'un cheveu, dont il s'ensuit: et de l'un des cheveux de vostre col..

  A026000386 

 Et quant aux interieures, il faut qu'elles soyent serrees en Dieu sans que le monde les voye; c'est pourquoy il dit: Un jardin clos est ma seur, mon espouse, elle est un jardin clos et fermé; elle est une fontayne scellee.

  A026000387 

 De la part de Dieu, qu'il chasse la bize des tentations et qu'il envoye le vent du midy de sa grace prevenante, disant: Fuys, Aquilon, et viens, o Midy, souffle en mon jardin, et les odeurs d'iceluy s'espandront; de la part de l'ame, qu'elle accepte ceste grace et coopere, disant: Que mon Bienaymé vienne en son jardin, et qu'il mange du fruict de ses pommiers..

  A026000388 

 Ainsy, apres la mirrhe de penitence, Dieu tirera l'ame, par le moyen des saintz exercices, aux odeurs aromatiques de l'orayson, avec du miel, du lait et du vin de meditation, d'amour et de contemplation, mays contemplation telle, qu'elle produira des goustz, allegresses et extases qui non seulement estancheront la soif, mais enyvreront.

  A026000392 

 Elle voudroit bien advancer, mais la peyne l'espouvante; et si l'Espoux l'appelle derechef, elle se leve pour aller a l'orayson, neanmoins avec resistance de la partie sensitive qui la prive du goust et fait qu'a peyne peut elle penser que Dieu soit avec elle, et, comme il advient a ceux qui sont extremement las, elle dort en veillant: Je dors, mays mon cœur veille. [28] Puys, se tournant vers son Espoux qui heurte a son cœur: C'est la voix de mon Bienaymé qui heurte, et l'excite affin de luy ouvrir et commencer de nouveau son orayson: Ouvre moy, ma seur, ma bienaymee, ma colombe, ma toute belle, et, avec un quatriesme degré d'orayson, medite un peu ma Passion: Tu trouveras que j'ay le Chef plein de la celeste rosee de mon sang, et les cheveux sanglans des nocturnes pointures des espines: Car mon chef est plein de rosee et mes cheveux entortillés sont tout trempés des gouttes des nuictz..

  A026000392 

 L'ame qui arrive jusques a ces degrés passés se trouve bien souvent avec le cors las et travaillee; dont il advient que, si Dieu l'invite a nouvelles considerations et plus hautz degrés, elle est en perplexité.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000394 

 Par le moyen de ceste douleur il se fait que, bien que l'ame, au defaut de la partie corporelle et sensitive, ouvre a son Seigneur (J'ay ouvert le verrou de mon huys a mon Bienaymé), neanmoins, a cause de ceste repugnance, elle trouve si peu de goust en l'orayson qu'il luy est advis que Dieu n'est point avec elle: mays il s'estoit destourné et avoit des-ja passé.

  A026000399 

 Il est Dieu, candeur de la mesme lumiere, mays fait homme pour nous pouvoir racheter au pourpre de son sang: Mon Bienaymé [30] est blanc et rouge; et, entant qu'homme, il est si singulier qu'on le peut connoistre entre mille: choysi de mille.

  A026000403 

 Consideration de nostre Dieu en luy mesme, mais humanisé.

  A026000405 

 Tandis que l'ame discourt de Dieu en son humanité, les goustz luy reviennent et est contrainte de s'escrier: Helas! sa gorge est tres souëfve et il est tout a fait a desirer; tel est mon Bienaymé, et il est mon tres cher, o filles de Hierusalem.

  A026000406 

 Mais, o Dieu, dit l'ame, des-ja ci devant vous m'aves loüee de presque toutes ces parties; je desirerois maintenant m'advancer et surpasser en devotion beaucoup d'autres ames devotes, ou qui pensent l'estre, et que vous peussies me dire: Il y a soixante reynes et quatre vingt concubines, et des jeunes filles sans nombre, mays ma colombe est toute seule.

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000419 

 Premierement, on se resveille mieux a l'examen de la conscience: Levons nous du matin pour aller aux vignes; voyons si la vigne est fleurie, si les fleurs porteront du fruict, si les grenades sont fleuries; secondement, on y fait une plus entiere resignation de la faculté concupiscible et de ses desirs: La, je te donneray mes mammelles; tiercement, la devotion croist: Les mandragores ont rendu leur odeur; quatriesmement, on y presente plus humblement a Dieu nos petitz merites passés et presens: J'ay serré pour toy, o mon Bienaymé, au dedans de nos portes, toutes sortes de fruictz, vieux et nouveaux.

  A026000422 

 La consideration de Dieu en luy mesme, mays comme Dieu.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000432 

 En laquelle derniere protestation et resignation parfaitte de l'ame en Dieu consiste la fin de l'orayson mentale et le plus haut degré de la spiritualité, qui est cette grande union de l'ame avec Dieu par devotion..

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000450 

 Dans la première pensée du saint Auteur, ce travail devait faire partie du Traitté de l'Amour de Dieu; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer le fragment qui figure aux pp.

  A026000454 

 Suivant M. de Thiolaz, ce précieux fragment, alors récemment découvert dans une vieille malle avec d'autres papiers, devoit être une partie des toutes premières ébauches du célèbre Traité de l'Amour de Dieu.

  A026000458 

 D'autre part, la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu fut achevée vers la fin de 1614 (voir notre tome IV, Introduction, pp. XI, XII); il convient, par conséquent, de ne pas reculer au delà de cette année celle des pages qui nous occupent.

  A026000466 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage [43] qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela..

  A026000466 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.

  A026000470 

 En ce second paradis mystique, Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, de laquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatre parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A026000470 

 Or l'homme, sans doute, est le paradis du Paradis mesme, puisque le Paradis terrestre n'estoit fait que pour estre le sejour de l'homme, comme l'homme a esté fait pour estre le sejour de Dieu.

  A026000471 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A026000483 

 Ce serpent se fourre ça et la dans la terre, il se glisse partout; quand il ne peut mordre, il pique de la queue; il va en l'eau et en la terre, il va tous-jours en biaysant; les gens voués a Dieu n'en sont pas exemptz, ni les Israelites au desert.

  A026000485 

 Ceux qui servent le monde, qui a tout propos cherchent des recompenses, ilz ont besoin d'user de finesses; mais ceux qui servent Dieu n'ont point de plus grande finesse que la simplicité qui les fait marcher en confiance..

  A026000485 

 L'amour ne tendant qu'en Dieu a une prudence simple, innocente et toute pure, car en toutes ses affaires il met sa confiance en son Sauveur qui le deslivrera; il ne mesprise pas les moyens humains, mays il ne se confie nullement en iceux.

  A026000486 

 Voyes la prudence de Joseph a sauver l'Egypte de la famine; voyes celle d'Abigail a divertir le courroux de David injustement indigné contre Nabal; et l'admirable prudence de saint Paul en ce sermon fait aux Atheniens, ou, avec tant de sagesse, il prend occasion de l'un de leurs idoles de leur annoncer le vray Dieu.

  A026000487 

 Le grand saint Augustin, au livre De Moribus Eccles., c. 15, monstre que les 4 vertus cardinales et toutes vertus ne sont autre chose que l'amour de Dieu qui fait tout en nous.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000489 

 Aussi vous voyes les enfans de Dieu si sages, et neanmoins si simples, que c'est merveilles..

  A026000489 

 Cette prudence domine heureusement en l'ame, et assaisonne toutes les vertus d'une sainte discretion et d'une sacree simplicité non pareille, car elle ne s'estend qu'a plaire a Dieu et estre utile au prochain.

  A026000489 

 Ceux qui ont divers amours ont aussi diverses prudences, car il faut une sorte de prudence pour acquerir les honneurs, un'autre pour acquerir les richesses, un'autre pour acquerir les playsirs; mais l'ame qui ne veut que Dieu n'a besoin que d'une simple et pure prudence, qui, non point par discours, mais par l'experience de la bonté de Dieu, sçait discerner le bien et le mal.

  A026000490 

 Les enfans de Dieu sont comme cela: leur sagesse est toute simple, ronde, franche, car l'amour qui les gouverne ayant reduit toutes choses a son obeissance les fait marcher selon luy; et, comme dit saint Hierosme, Nostre Seigneur veut que nous soyons prudens non pas pour l'offensive, mais pour la defense: prudens comme le serpent, pour n'estre point deceuz; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne..

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000498 

 Et certes, saint Augustin, au livre De Moribus Ecclesiæ, ne separe point la justice de l'amour de Dieu, monstrant au chap. 26, que qui ayme Dieu luy rend toute sorte de devoir, et qui ayme le prochain n'offence personne, rend a chacun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 Le second fleuve qui procede de la charité, c'est la justice, laquelle, comme dit saint Augustin, n'est autre chose qu' « un amour servant a Dieu seul, et pour cela dominant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme.

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Et pour acela [55] nous employons premierement deux actes, l'un de l'entendement et lautre de la volonté; car en l'entendement nous faysons ceste connoissance que le grand saint Augustin demandoit si ardemment: Noverim te, noverim me; et le grand saint François: Quis es tu, et quid sum ego? et sur cette connoissance nous establissons l'acte de la volonté, qui s'appelle reconnoissance, c'est a dire la protestation de l'excellente superiorité infinie de Dieu sur nous et de l'infinie dependence que nous avons de Dieu.

  A026000499 

 Et pour tout ce que nous devons a Dieu, nous avons un'espece de vertu qui s'appelle religion, par laquelle nous rendons a Dieu la reverence, hommage et sousmission que nous luy devons comme a nostre souverain Seigneur et premier principe.

  A026000499 

 Or, comme remarque le grand saint Bernard, nous sommes debiteurs superiori, inferiori, æquali; mays a Dieu premierement, a qui nous devons honneur, gloire, louange, action de graces et toute sorte de sousmission et sujettion.

  A026000500 

 C'est cette crainte chaste et sainte qui persevere es siecles des siecles; car si bien les saintz ne craignent pas d'offencer Dieu, car ilz sont asseurés de vivre a jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime quilz font de l'excellence divine fait qu'ilz reverent sa divine Majesté, et ont un'aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur, qui les tient en une continuell'attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif a bien exalter la divine Bonté: qui est la crainte dont il est dit que « les puissances tremblent » devant sa Majesté, c'est a dire, elles ont un soin de l'honnorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de mesprendre; car, autant que sa bonté les asseure que jamais ilz ne manqueront, sa majesté les provoque a l'attention et au soin et reverence.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000501 

 Or cette reverence interieure nous fait prosterner extérieurement, demeurer sur les genoux, faire des abbaissemens de cors, tenir les yeux en terre, les mains jointes, porter les voyles sur nos yeux, vestir le sac et le cilice; elle nous empesche de toucher les choses sacrees qu'avec beaucoup de preparation et de protestation de nostr'indignité, elle nous fait confesser nos miseres et la grandeur de Dieu..

  A026000502 

 Et par ce que ceux ci, par l'excellence et ferveur quilz ont en la Religion, se sont devoiiés et dediés a l'unique profession de servir Dieu et vacquer a son amour, on les a nommés specialement Religieux par apres..

  A026000502 

 Et par ce que ceux qui sont animés de cette tant desirable vertu se dedient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et a tout ce qui le regarde, elle nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee, par laquelle nous sommes rendus voués, dediés, consacrés a Dieu, et comme specialement Religieux, que, au commencement de l'Eglise, on appelloit moynes, c'est a dire uns ou unis, a cause de la speciale union avec Dieu a laquelle ilz se dedioyent, ou de l'unité de leur intention et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu; et, comme parle le grand saint Denys, a rayson de leur vie une et simple, non distraitte ni divisee, ains toute ramassee et recueillie, pour estre toute destinee [58] a la perfection de l'unique amour de Dieu.

  A026000502 

 La devotion en matiere de religion n'est autre chose qu'une ardeur et ferveur d'esprit qui nous rend promps a faire tout ce qui regarde le service et lhonneur de Dieu; vertu toute pareille a la devotion en matiere de charité, dont nous avons parlé au commencement de l' Introduction, car comme l'une est un'excellente charité, l'autre [est] un'excellente affection de religion.

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000505 

 Or, d'autant que ceux qui par vœu se sont obligés aux Religions appreuvees se sont non seulement liés de l'obligation consciencieuse et devant Dieu, mays aussi d'un'obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peynes eternelles, mais aussi temporelles; non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mays pour estre contraintz en effect a l'observation des vœux: partant on leur a donné specialement le nom de Religieux, et a leurs Congregations le nom de Religions, a cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens, ilz se sont reliés au devoir de la poursuite de la perfection par les trois vœux propres a [60] l'obtenir, et de rechef encor, reliés pour la sousmission aux peynes et astrictions ecclesiastiques en cas de contravention et infraction des vœux..

  A026000506 

 Comm'aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont liees devant Dieu a l'obeissance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liees devant Dieu que les Religieux, neanmoins, en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend, les Religieux le sont beaucoup davantage.

  A026000506 

 Et quant aux autres personnes qui ne sont liees que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité; car c'est un'irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté, quoy que non voué de faire, devant un si grand Roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité, n'y ayant eu aucune promesse), elles ne sont pas appellees Religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediees a Dieu.

  A026000508 

 L' orayson, certes, ou la priere n'est autre chose, a proprement parler, qu'une demande faite a Dieu de ce que nous praetendons obtenir de luy.

  A026000509 

 Or, Dieu ne nous doit rien, Philothee, a tous tant que nous sommes, pour nostre regard et pour nostre consideration; car, qu'avons nous pour l'obliger de quoy il ne nous ayt premierement obligés? Nous ne luy sçaurions jamais rien donner, car si nous luy presentons quelque chose, l'ayant premierement receue de luy, c'est rendre, non pas donner; c'est payer, non pas obliger; nous ne l'obligeons pas, mais nous nous acquitons de la dette.

  A026000510 

 Ouy, en verité, Philothee, nos bonnes œuvres faites en la grace de Dieu meritent recompense, et Nostre Seigneur s'oblige de la rendre, comme toute l'Escriture tesmoigne; mays ce n'a pas esté par [62] droit de justice que Nostre Seigneur s'est obligé de nous rendre recompense, ça esté par pure misericorde, selon la grandeur de laquelle il nous a voulu sauver.

  A026000511 

 Et bien que nous ayons [63] promesse expresse d'obtenir tout ce que nous demanderons au nom de Nostre Seigneur, cela neanmoins s'entend sous cette condition, que nous soyons enfans de Dieu et que nous ayons l'esprit d'adoption qui nous donne la hardiesse de crier: Abba Pater, ou convenablement disposés pour le devenir; dequoy n'estant pas asseurés, nous ne pouvons jamais demander qu'en grace pour nostre regard..

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000513 

 Or, l'orayson consiste donq principalement a demander a Dieu quil nous donne par faveur, grace, liberalité et misericorde ce qui est requis pour nostre salut, et depend principalement de l'esperance, comme la meditation de la foy et la contemplation de l'amour: car la meditation considere ce que nous croyons, pour l'aymer; la priere demande ce que nous esperons, pour l'obtenir; et la contemplation regarde ce que nous aymons, pour nous y plaire..

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000516 

 Adorons Dieu par ce qu'il doit estre infiniment adoré; adorons le par ce qu'il ne peut estre suffisamment adoré..

  A026000516 

 Nous prononçons telles ou semblables paroles, du plus profond de nostre esprit, ou si nous ne les prononçons pas, nous en avons le sentiment: Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées.

  A026000516 

 O Seigneur, vous estes Celuy qui est; vous estes mon Dieu redoutable, infini, et la grandeur de vostre majesté est trop plus eslevee sur moy, et mon ame le reconnoist.

  A026000516 

 O si je pouvois m'abbaysser jusques dedans l'abisme du neant duquel vous m'aves tiré, pour mieux faire hommage a vostre infinie authorité et reconnoistre de vostre liberalité l'estre que vous m'aves donné! O Anges, desquelz les affections sont plus grandes et fortes que les miennes, hé! secoures mon imbecillité et adores pour moy cette couronne eternelle de la gloire de mon Dieu, de la plus profonde adoration que vous puissies exercer.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000517 

 Par l'adoration nous regardons Dieu, par l'humilité nous nous regardons nous mesmes.

  A026000519 

 En fin, dans le Sanctuaire il y avoit quatre Cherubins: deux estoyent tout d'or, qui estoyent sur le propitiatoire, qui s'entreregardoyent et couvroyent, de leurs aysles estendues l'un vers l'autre, tout le propitiatoire; et ceux cy representoyent l' [ordre] des Anges assistans, qui n'ont [qu'une ] contemplation, et leur reciproque amour ne sert qu'a la louange de Dieu.

  A026000519 

 Ilz avoyent dix coudees de haut et leurs aysles cinq de longueur, parce que les Anges administrans ou servans ont charge de regarder et garder l'Eglise, et partant ilz ont leurs affections misericordieuses comme d'olive; et, sans laysser leur contemplation beatifique, laquelle est sur le propitiatoire, ilz estendent leurs secours et exercent promptement leur charité envers les murs de Hierusalem, de l'Eglise, envers la mayson et famille de Dieu.

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000525 

 C'est pourquoy elle est meilleure que les victimes par ce que les victimes sans obeissance ne sont pas aggreables a Dieu, oui bien l'obeissance sans victimes, et par ce que les victimes ne sont aggreables sinon comm'elles sont commandees.

  A026000525 

 Or, toute l'authorité a laquelle nous rendons obeissance procede de Dieu, ou par l'ordre special quil a mis en son service et pour nostre conduite au salut eternel, donnant la puissance spirituelle a ses Apostres et a leurs successeurs; ou par l'ordre naturel, donnant aux peres, meres, mari authorité sur leurs enfans et femmes; ou par l'ordre civil, aux princes et magistratz sur leurs sujetz: de sorte que la vertu d'obeissance se termine en fin finale a l'authorité divine, bien que sensiblement et selon nostr'apprehension particuliere elle regarde cette varieté de superieurs a l'authorité desquelz Dieu nous a sousmis.

  A026000547 

 C'est pourquoy saint Augustin a dit que la temperance n'est autre chose que « l'amour qui se donne tout a Dieu, » c'est a dire l'amour qui ramasse toute sa vigueur pour aymer Dieu et, pour la ramasser toute, il la divertit des objetz sensuelz esquelz elle se pourroit espancher et dissiper..

  A026000547 

 Et lhors, elle ne peut bonnement se relever a l'objet intelligible et s'attacher si fermement par amour a Dieu; car sa force et puissance amoureuse, ou aymante, ou affective, s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et alangourie pour les choses superieures et spirituelles.

  A026000547 

 Or, comme [78] dit saint Augustin, « c'est l'amour qui se donne tout a Dieu, » et c'est le 4.

  A026000551 

 Mays non seulement il faut prendre ce qui est pour la necessité, ains aussi ce qui est pour la bienseance, selon la varieté des offices et occurrences de cette vie: c'est pourquoy on jeusne quelquefois, et quelquefois on fait des [80] festins; on s'habille mieux une fois qu'autre; et Dieu mesme donne quelquefois du pain seul a Helie, quelque-fois il luy envoye de la chair; quelquefois il donne du pain et du poisson, d'autres fois il donne du miel et de la manne.

  A026000552 

 Mays si l'on prætend de chastier, corriger et moderer cet appetit en sorte qu'on puisse avec une grande liberté d'esprit vaquer a Dieu, et en somme ramasser et recueillir toutes les forces de son amour pour les employer en la dilection du souverain Bien, alhors on retranche tout a fait a l'appetit charnel toutes les actions auxquelles il tend, et on le reduit a la parfaite et absolue chasteté, que l'on appelle cælibat parce que, selon saint Hierosme, que (sic) c'est quasi une celeste beatitude d'estre hors du commerce de la chair pour estre plus attentif a celuy de l'esprit; conformement a ce que dit le grand Apostre, I. Cor. 7.

  A026000553 

 Mays, Philothee, cela ne s'entend pas en sorte que les personnes mariees ne puissent pas estre tout entierement a Dieu aussi bien que les continens et vierges: car [combien de mariés] y a-il eu en l'Eglise, d'une tres eminente sainteté, [plus grande même que celle de] beaucoup de vierges et continens?.

  A026000553 

 Notes, Philothee, que le grand saint Augustin a tiré de ce lieu la deffinition de la temperance, quand il a dit que c'estoit « un amour qui se donne tout entier a Dieu; » car l'Apostre monstre clairement que le principal but du cœlibat et la virginité est de se joindre et unir plus entierement [81] a Dieu; qu'en comparayson de la personne qui s'abstient parfaitement, la personne mariee est divisee en ses affections, partageant son soin en deux partz, bien qu'inegales; car tous-jours en faut il quelque partie pour aggreer au mari, et c'est autant de moins en ce qui se pouvoit donner a Dieu, c'est tous-jours une distraction et un retranchement de l'entiere et absolue attention que l'on eut donnee a Dieu.

  A026000554 

 Aussi l'Apostre ajoute: Or, je dis ceci four vostre [ utilité, non point pour vous enlacer ] ..................... [bien que le cœur] de la personne mariee ayt ramassé tout son amour pour Dieu, rapportant parfaitement a Dieu l'amour mesme et les actions de son mariage, si est ce que, au moins, le cors est un peu divisé, distrait et alteré par les passions et sentimens necessaires a l'estat nuptial, avec quelque sorte de messeance.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000560 

 La clemence est proprement es superieurs, pour moderer la punition quilz doivent faire des criminelz, affin que autant que la justice le permet, on n'use pas de toute la rigueur, ains on addoucisse la peyne; car, comme Dieu punit tous-jours moins que nous ne meritons et [84] recompense tous-jours plus que nous ne meritons, aussi la clemence punit non selon la rigueur et severité, mais avec douceur, moderation et temperament: en sorte neanmoins qu'evitans la cruauté, ilz ne tumbent pas en la lascheté et exces de douceur.

  A026000563 

 C'est pourquoy le grand Apostre, qui ne s'estime pas digne d'estre appelle apostre en considerant ses defautz, veut estre estimé de tout homme comme serviteur, officier de Dieu et dispensateur de ses misteres.

  A026000563 

 Et je dis que nous reconnoissons et faisons cette profession de nostre neant en ce qui est de nous mesme, parce qu'en ce qui est en nous de Dieu nous ne laissons pas, pour l'humilité, d'avoir un extreme courage et une sainte hauteur d'esprit, l'humilité n'estant nullement contraire a la magnanimité; car l'humilité fait une juste estime de ce qui est de nous en nous, comme la magnanimité de ce qui est de Dieu en nous.

  A026000563 

 Or, cette vertu a esté inconneue a la plus part des philosophes; et je dis a la plus part, parce que Platon a semblé la reconnoistre mesme envers Dieu, L. 4.

  A026000565 

 En fin, l'humilité nous fait glorifier Dieu et vilipender nous mesme; mays l'orgueil nous fait estimer nostre excellence ou comme plus grande qu'elle n'est, ou comme plus nostre qu'elle n'est, et partant est contraire a l'humilité comm'a l'opposite..

  A026000565 

 Et comme l'humilité nous ravale en nous mesme devant Dieu, elle nous fait aussi humilier devant le prochain, car elle nous fait regarder qui nous sommes selon nous, et quel est le prochain selon Dieu.

  A026000565 

 La charité donne la juste estime a Dieu, et l'humilité a nous mesme: et comme ceux qui ont esté longuement parmi la splendeur ne voyent [86] goutte en l'ombre ou en quelque lumiere un peu obscure, ainsy ceux qui se sont addonnés grandement a l'estime de Dieu ne s'estiment rien eux mesme; comm'au contraire, ceux qui ont demeuré longuement, en tenebres, venans a la clarté du soleil n'en peuvent presque soustenir la grandeur, laquelle leur est dautant plus esclattante, ainsy ceux qui ont demeuré en la connoissance de leur neant admirent bien davantage la majesté de Dieu.

  A026000565 

 [La vertu d'humilité] est d'autant plus chere aux Chrestiens, auxquelz ell'est necessaire affin quilz n'entreprennent rien d'eux mesme comme d'eux mesme, ains quilz veuillent dependre de Dieu.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000566 

 La vileté de cœur non seulement nous ravale jusques a nostre neant, mais nous y laisse, sans nous vouloir permettre [de voir] ce qui est de Dieu en nous; l'humilité nous ravale en ce qui est de nous, mais c'est pour nous faire plus estimer ce qui est de Dieu en nous.

  A026000566 

 La vileté nous demet et nous laisse sans cœur, sans mouvement, et, pour nous faire fuir l'estime de nostre propre excellence, ne veut pas que nous considerons (sic) l'excellence de Dieu en nous.

  A026000567 

 Car en fin, le mespris que nous faysons de nous mesme en l'humilité tend a nous faire plus hautement estimer Dieu et le prochain en Dieu, et nous aussi en Dieu, mais pour la mesme rayson pour laquelle la charité nous commande d'aymer Dieu et le prochain.

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000582 

 Ah! l'immaculee et incomparable Vierge Mere de Dieu ne fit jamais la douillette ni la rencherie pour converser avec sainte Magdeleyne, et cela parce que Marie estoit non seulement parfaitte vierge, mays parfaittement humble.

  A026000586 

 Le Pere eternel a tant aymé le monde qu'il luy a donné son propre Filz, ce Filz s'est livré luy mesme a la mort; et nous pouvons dire que Marie, Mere de ce Dieu mourant, a tellement aymé le salut du monde qu'elle a volontairement offert, son Filz a la mort et elle mesme en son Filz.

  A026000588 

 Vostre cœur douloureux et amoureux offroit les unes et les autres au Pere eternel, sçachant bien que [91] c'estoyent les larmes d'un Dieu qui devoyent produire des joyes eternelles aux enfans de salut..

  A026000591 

 La sacree Vierge, eslevee a la dextre de son Filz, [est] la Generale des armees de Dieu, la Gouvernante du royaume de l'Eglise, la Mere de toutes les saintes familles, le Refuge de tous les coeurs.

  A026000595 

 Consacres vos devotions du samedy a la Mere de Dieu; medites quelques pointz de sa vie et de ses vertus..

  A026000608 

 Ne jugeons personne avant le tems; cela appartient a [93] Dieu seul de juger; il voit le mouvement du cœur humain et l'homme ne voit qu'en la face.

  A026000614 

 Gens aveugles, qui crient contre la cruauté d'Abraham et qui, voyant l'espee nue, n'apperçoivent point l'Ange de Dieu qui le benit et luy dit que son sacrifice est aggreable au Seigneur des armees.

  A026000614 

 Qui ne regardera pas son prochain saintement, charitablement et avec pitié, ou avec le respect qu'il luy doit comme chrestien, par ce commencement il gastera toutes les parties de son ame: de la il deviendra superbe, insolent, envieux, barbare, et ne retiendra plus aucun trait de l'image de Dieu..

  A026000615 

 Combien de voleurs y a-il dans les forestz qui serviroyent mieux Dieu que moy, s'ilz en avoyent receu autant de graces? Combien de miserables seroyent plus spirituelz que je ne suis, si Nostre Seigneur leur avoit donné le loysir d'estudier et le moyen de le connoistre? Regardons les differences qui se sont treuvees entre saint Pierre et Salomon: l'un fut meschant, l'autre le plus sage de son tems; le mauvais se fit sage, et le sage devint insensé.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000615 

 S'il nous semble que nous sommes meilleurs que ceux desquelz nous parlons, il y a asses de tems pour leur ceder la place, ilz rempliront peut estre nostre siege dans les Cieux; ilz se releveront de nostre cheute, et nous enseveliront sous leurs vielles ruines, car Dieu est puissant pour leur donner la main quand ilz sont tombés.

  A026000621 

 [Il] ne devroit jamais negliger le moindre exemple pour edifier le prochain, parce que tout ainsy qu'il n'y a si petit ruysseau qui ne meine a la mer, il n'y a trait qui ne [96] conduise l'aine en ce grand Ocean des merveilles de la bonté de Dieu..

  A026000622 

 Ilz doivent s'accommoder avec ceux qui les viennent visiter, comme saint Jean, lequel n'ordonnoit aux soldatz qui le venoyent treuver au desert sinon de garder les commandemens de Dieu.

  A026000629 

 On devroit leur representer plus de rigueur qu'il n'y en a, et ne leur figurer point si avantageusement tant de consolations spirituelles; car tout ainsy que la pierre, encores que vous la jetties en haut, retombera en bas de son propre mouvement, aussi plus une ame que Dieu veut a son service sera repoussee, d'autant plus elle s'inclinera a ce que Nostre Seigneur voudra d'elle..

  A026000785 

 Comme Dieu voulait inviter son peuple à vivre vertueusement, il le menace, si ce peuple n'obéit pas, de toutes les malédictions écrites dans ce livre, et toutes les nations diront: Pourquoi le Seigneur a-t-il fait ces choses? etc. Mais ce livre-ci est le livre des bénédictions..

  A026000786 

 Moïse dit aux lévites: Prenez ce livre, et placez-le à côté de l'Arche de l'alliance dit Seigneur votre Dieu, afin qu'il soit là en témoignage contre toi..

  A026000788 

 J'ai pris racine dans le peuple que Dieu honore, et dans la part de Dieu, laquelle est son héritage, et dans l'assemblée....

  A026000803 

 Il fit un Alexandre le Grand et un'image de victoire et un dieu de guerre lié et garrotté, et un Alexandre le Grand assis en un char triumphal.

  A026000981 

 Nous, Jean d'Aranthon D'Alex, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A026001076 

 Œilletz sauvages jettés devant les scorpions leur ostent la faculté et force de nuire [ Maison rustique, p. 133 b ]: la parole de Dieu oste la force des tentations. Incumbe studio Scripturarum, et carnis vitia non timebis.

  A026001085 

 Il faudra faire trois traittés de la prattique de l'amour de Dieu: l'un en l'orayson, l'autre es actions, et le 3.

  A026001098 

 Il faut servir Dieu en l'une et en l'autre, [165] et a cela doivent estre rapportés tous vos desseins, exercices et affections..

  A026001100 

 Et y a difference entr'un homme de bien et homme devot, car cestuy-la est homme de bien qui garde les commandemens de Dieu, encor que ce ne soit pas avec grande promptitude ni ferveur; mais celuy-la est devot qui non seulement les observe, ains les observe volontier, promptement et de grand courage..

  A026001100 

 La devotion n'est autre chose que la promptitude, ferveur, affection et mouvement que l'on a au service de Dieu.

  A026001103 

 Secondement, apres l'Office, il faut preferer la meditation a toutes autres prieres, car elle vous sera plus utile et plus aggreable a Dieu.

  A026001103 

 Troysiesmement, ayes l'usage des oraysons jaculatoires, qui sont des souspirs d'amour que l'on jette devant Dieu pour requerir son ayde et son secours.

  A026001104 

 Le matin, faites en de mesme, vous preparant a servir Dieu le long du jour, vous offrant a son amour et luy offrant le vostre.

  A026001104 

 Prenes par coustume de vous mettre en la presence de Dieu le soir avant vostre repos, le remerciant de ce quil vous a conservé, et faysant l'examen de vostre conscience, ainsy que les livres spirituelz vous l'enseignent.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001114 

 En l'Office, il faut que vostre contenance devote donne loy a toutes les Religieuses de modestie et reverence; ce que vous feres aysement si vous vous mettes en la presence de Dieu au commencement de chaque Office.

  A026001118 

 Dieu vous appelle a toutes ces saintes besoignes; escoutes-le et obeysses.

  A026001118 

 Que vous seres heureuse si, a la fin de vos jours, vous pouves dire comme Nostre Seigneur: J'ay consommé et parfait l'œuvre que vous m'aves mis en main! Desires le, procures le, penses a cela, pries pour cela; et Dieu, qui vous a donné la volonté pour desirer, vous donnera les forces pour le bien faire..

  A026001122 

 Mettes vous en la presence de Dieu, pries le qu'il vous inspire..

  A026001128 

 Resolves vous, et faites un ferme propos de cy apres vaquer fidellement a ce que Dieu desire de vous, luy disant: Vous seres cy apres mon unique lumiere pour mon entendement; vous seres l'object de ma souvenance, qui ne s'occupera plus qu'a se representer la grandeur de vostre bonté si doucement exercee en mon endroit; vous seres les seules delices de mon cœur et l'unique Bienaymé de mon ame..

  A026001133 

 Pries Dieu fervemment qu'il vous en face la grace, et prattiqués ce jour mesme, en quelque chose, ce qui se pourra touchant ce poinct..

  A026001137 

 C'est celuy qui desire vostre perfection en Dieu, es entrailles duquel il est.

  A026001149 

 Apres tout cela il faut faire la demande, suppliant Dieu quil luy playse nous donner la grace de bien le servir et executer fidellement nos bonnes resolutions, l'adjurant par le merite de son Filz, et particulierement par celuy qui reluira au mistere que nous aurons medité, par l'intercession de la Vierge et des benitz Saintz.

  A026001153 

 Et en fin, s'offrir entierement a Dieu, protestant de vouloir que nous et nos actions soyent a luy et pour luy en pureté d'intention, et luy offrir tous les susnommés, le priant [173] les avoir aggreables pour l'amour de nostre Sauveur, au nom duquel nous luy demanderons la benediction pour nous et pour tous ceux pour lesquelz nous avons prié, dirons le Pater et Ave, puis nous.

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001166 

 La presence de Dieu.

  A026001168 

 Je me representeray et mettray une vive apprehension en mon esprit que Dieu est veritablement present a toutes choses, mais specialement a mon cœur et a mon entendement, ou il est comme cœur de mon cœur et l'ame de mon ame.

  A026001172 

 Et donques, diray-je, cette mer de perfections, cet abisme de bonté, non seulement m'environne de tous costés, mais se communique par une vraye presence et tres entierement a ce cœur desloyal, a cett'ame felonne! Helas, mon Dieu, mon Seigneur, il me semble que mon cœur, ainsy profondement meslé et uni de toutes pars a vostre divine presence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaut qui nage, se supporte et maintient dans une mer de bausme tres prætieux.

  A026001173 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'i aves receu et que je suis nay, nourri et maintenu dans les entrailles de cette vostre presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de vostre sainte face; permettes a ce miserable cœur quil respande ses indignes pensees et ses chetifves affections dans le sein de vostre misericorde et quil prononce [175] ses afflictions devant vous.

  A026001173 

 Vous m'aves commandé de vous invoquer et promis que vous m'exauceries; mon Dieu, mon Sauveur, me voyci vostre indigne servante, me soit fait selon vostre parole.

  A026001184 

 Est ce donques, ce dis-je, ce grand Jesus qui a tant fait de miracles, de sermons et d'actes vertueux tout le tems de sa vie? Est ce pas la le Filz de Dieu æternel, qui est Maistre du Ciel et de la terre? et comment donques est-il pendu en croix? Ne pouvoit-il pas mourir de mille sortes de mortz plus honnestes, plus doulces et supportables, puis qu'il vouloit mourir? O quil faut bien dire que cette mort a quelque secrette beauté, puisqu'elle a esté choysie par le Filz de Dieu mesme! O quelle admiration sera ou peut estre digne de cette merveille?.

  A026001187 

 O feu admirable et sacré qui enflammés cette poitrine, mon Dieu, que vous estes ardent! Le vent des tribulations accroist vos flammes, la glace de vos persecuteurs vous eschauffe, et le torrent des persecutions donne force a vos ardeurs.

  A026001192 

 O Dieu, que vos peynes sont bien contraires aux miennes! Vous patisses pour me sauver, et jusques a present, pourquoy ay-je souffert que pour me perdre? Helas, si j'ay couru, si j'ay veillé, si j'ay eu aucun soin cuysant, n'a ce pas esté pour la vanité, pour l'ambition, pour la vengeance?.

  A026001212 

 Ah! qui sera ce tigre qui ne pleurera voyant cet innocent, ce jeune Roy, le Filz de Dieu, endurer tant de peynes? Elles sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert tous les hommes du monde contre l'indignation du Pere eternel.

  A026001234 

 O obeissance admirable et filiale! Mais quel effronté suis-je, d'oser appeller Dieu mon Pere, auquel je n'ay jamais porté le respect filial; et comme obeirois-je jusques a la mort, que je ne le puis pas mesme jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse et d'un regard traversé? Mais doresnavant, venes, o tribulations et desplaysirs; que venant de la part du Pere eternel, je vous recevray de bon cœur, et beniray le calice d'obeissance..

  A026001241 

 DIEU SOIT BENY! [184].

  A026001245 

 La perfection de la vie chrestienne consiste en la conformité de nostre volonté avec celle de nostre bon Dieu, qui est la souveraine regie et loy de toutes actions.

  A026001245 

 Pour donques acquerir la perfection, nous devons tous-jours considerer et reconnoistre quell'est la volonté de Dieu en tout ce qui nous regarde, affin que nous fuyons ce quil veut que nous evitions, et que nous observions ce quil veut que nous facions..

  A026001246 

 C'est pourquoy nous devons tous-jours regarder a bien observer ce que Dieu commande a tous les chrestiens, et aussi ce que nostre vocation requiert de nous particulierement; et qui ne fait soigneusement ceci ne peut jamais avoir qu'une devotion trompeuse..

  A026001246 

 Il y a des sujetz esquelz on ne peut douter quelle est la volonté de nostre bon Dieu, comm'en ce qui despend des [185] commandemens de Dieu et du devoir de nostre vocation.

  A026001247 

 C'est pourquoy il les faut recevoir de bon cœur, et conformer sa volonté a celle de Dieu qui les veut; et qui peut passer jusques au point de non seulement les supporter patiemment, mais aussi de les vouloir, il peut bien dire quil a acquis une tres grande conformité.

  A026001247 

 Il y a encor des autres sujetz dont on ne peut douter que Dieu ne les veuille, comme sont les tribulations, maladies et afflictions.

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001249 

 J'ay dit, en liberté d'esprit, par ce que cela se doit faire sans empressement ni inquietude, ains par une simple veüe du bien que nostr'action doit apporter: comme de faire un petit voyage de Saint Bernard, de se confesser un tel jour, visiter un tel malade, donner une petite somme, commun escu, pour l'amour de Dieu.

  A026001250 

 Et si par leur defaut la resolution n'est pas la meilleure en soy, elle ne laissera pas d'estre la plus utile et meritoire pour vous, car Dieu la rendra fructueuse.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001252 

 Les grans moyens pour parvenir a la perfection sont de deux sortes. Le premier et principal, c'est d'avoir la grace interieure de Dieu, et celluy ci se doit obtenir par prieres, oraysons, sacrifices, reception des Sacremens.

  A026001259 

 Neanmoins, selon la commune façon d'entendre, on n'appelle pas parfaitz tous ceux qui ont la charité, ains seulement ceux qui l'ont en un degré sublime et eminent; c'est a dire ceux qui ont un amour de Dieu et du prochain fort excellent..

  A026001259 

 Nostre Dieu nous commande d'estre parfaitz; mais en quoy consiste la perfection? C'est chose asseuree qu'elle n'est autre chose que la charité, qui comprend l'amour de Dieu et du prochain.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001265 

 Le premier degré, c'est d'obeyr aux Superieurs et [à ceux] qui ont du pouvoir sur nous, comme peres, meres, maris, Prelatz: donq le filz doit obeyr a son pere avec la mesme souplesse qu'un Novice d'une Religion fort reglee feroit a son Superieur; et est une niayserie de s'imaginer qu'on obeyroit bien a un Superieur de la Religion qu'on aurait choisie, si on ne peut obeyr aux Superieurs que Dieu mesme et la nature nous a donnés..

  A026001267 

 Et cela est ordonné par l'Apostre, qui veut que nous soyons sujetz a un chacun pour l'amour de Dieu..

  A026001269 

 est d'obeyr aux commandemens de Dieu et des superieurs; et ce degré d'obeyssance est necessaire a un chacun, car qui ne l'observe peche mortellement, quand il s'agit de quelque chose d'importance.

  A026001271 

 La prattique de ce troisiesme degré fait qu'en tout et par tout nous nous conformons a Dieu et a sa sainte volonté.

  A026001271 

 degré, c'est d'obeyr aux inspirations et mouvemens interieurs que l'on reconnoist tendre a la plus grande gloire de Dieu, et ce, apres les avoir examinés ou fait examiner.

  A026001280 

 Mettes ordre qu'aussi tost que seres esveillee, vostre ame se jette du tout en Dieu par quelque sainte pensee, telle que celle-cy: Comme le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001282 

 Et vous habillant, apres avoir fait le signe de la Croix, dites tacitement: Revestés moy, mon Dieu, du manteau d'innocence et de la robe nuptiale de charité.

  A026001283 

 Arrivee que seres a l'eglise pour ouyr Messe, tandis que le prestre preparera le calice et le messel, mettés-vous en la presence de Dieu.

  A026001283 

 Despuis le Confiteor jusques a l'Evangile, produisés des affections de contrition; de l'Evangile jusques a la Preface, faites la protestation de foy; apres le Sanctus, considerés le benefice de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; a l'eslevation, adorés tres profondement le divin Sauveur, et offrés le a Dieu son Pere; apres l'eslevation, remerciés le tres humblement de l'institution de ce saint Sacrement; quand le prestre dira le Pater, recites le mentalement en toute devotion; a la Communion, communies vous reellement ou spirituellement; apres la Communion, contemplés Nostre Seigneur assis dans vostre cœur, et faites venir devant luy, l'un apres l'autre, vos sens et vos puyssances, pour ouyr ses commandemens et pour luy promettre fidelité..

  A026001284 

 Quand l'horloge sonnera, eslevés vostre cœur en disant: Dieu soit beni, l'eternité s'approche.

  A026001292 

 Pour se mettre en la presence de Dieu.

  A026001294 

 Je vous voy, o mon Dieu, des yeux de mon esprit, comme une mer de perfections et un abisme de bonté qui non seulement m'environne de tous costés, mais qui habite et qui reside tres entierement et par une vraye presence dans le fons de mon miserable cœur; et il n'y a partie en moy qui ne soit totalement soustenue et animee de vostre sainte Divinité..

  A026001298 

 Helas, comment peut vivre cette miserable et si chetifye creature en une si profonde presence de vostre Bonté? Il me semble, o mon Dieu, que mon cœur ainsy meslé, uni [194] et nageant en vostre infinie Essence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaud qui flotte, se supporte, maintient et vit dans une mer de bausme praetieux..

  A026001299 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'aves receu, eslevé et maintenu dans les entrailles de vostre sainte presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de devant vostre sainte face, permettes a ce cœur miserable qu'il respande ses indignes pensees et chetifves affections dans le sein de vostre misericorde, et qu'il prononce ses afflictions devant vous.

  A026001299 

 Vous me l'aves commandé, o mon Dieu; me voyci vostre indigne servante, qu'il me soit fait selon vostre parole.

  A026001313 

 Hé, qui sera ce tigre qui ne fondra en larmes sur ce jeune Roy, le plus doux de tous les hommes, vray Filz de Dieu, et qui est si mal traitté? Helas, nul n'est si denaturé qui voyant un criminel sur la roue, pour criminel qu'il soit, n'en ayt compassion: hé donques, mon ame, mourras tu point de compassion de voir ton Sauveur qui souffre tant? Voy ce cœur tant affligé pour les pechés du monde; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, faut il pas qu'il soit plus dur qu'un diamant?.

  A026001314 

 Helas, ses playes sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert les pechés du monde contre l'indignation du Pere æternel! O Dieu, que ne suis je quelque excellent et fructueux praedicateur, pour au moins empescher que ce divin cœur ne fust tant offensé par tant d'iniquités! O comme je dirois: Ne veuilles plus vivre iniquement, et ne releves plus les cornes de vos meschancetés pour les ficher dedans ce cœur des-ja tant affligé!.

  A026001315 

 Mais, o mon Dieu, pourquoy m'amusé-je a ces desirs, moy qui n'ay presque pas la force d'en prattiquer un seul? Vous ne me demandes pas sur la croix mes vestemens, et je vous les offre; vous me les demandes en vos pauvres qui sont vos membres, et je vous les refuse.

  A026001319 

 Ne cesseray je pas en fin de vous estre infidelle, mon Sauveur et mon Dieu? O non, ce ne seront plus des-ormais d'inutiles desirs, ce seront des effectz; ce ne seront plus des paroles, ce seront des œuvres.

  A026001335 

 O obeissance admirable et vrayement filiale! O que vous merites bien d'avoir un tel Pere, puisque vous luy rendes une telle obeissance! Mais ne suis-je pas bien effronté d'appeller ce mesme Dieu mon Pere, luy estant si desobeissant? Et comment obeirois-je jusques a la mort, puisque je n'obeis pas mesme jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse et d'un regard de travers? O je veux changer d'humeur, et pour l'amour de mon Sauveur je veux boyre cy apres tous les calices qu'il me presentera..

  A026001335 

 Premierement, c'est pour obeir a Dieu son Pere.

  A026001337 

 Hé, bon Dieu, que je desire et que je proteste de vouloir cy apres vous aymer et vous donner tout mon cœur..

  A026001339 

 Ah, maintenant, mon Dieu, je vous jure et prometz une nouvelle fidelité..

  A026001343 

 Faites, o mon Dieu, que vostre sang serve de ciment pour cimenter en mon ame les affections et resolutions que vous m'aves donnees.

  A026001343 

 Hé, mon Dieu, je vous supplie et conjure par toutes ces peynes, ces vertus et merveilles que vous y prattiquastes, de me fortifier en vostre service, d'esteindre en moy mon amour propre et de m'abismer dans le vostre.

  A026001343 

 Mon Dieu, mon Sauveur, je vous remercie de la grace que vous m'aves faite, m'ayant permis de jetter mes yeux sur vostre divine Majesté en cette mienne meditation, et je vous rens mille actions de graces de toutes les peynes et souffrances que vous aves endurees en tout ce sacré [199] mistere; et sur tout je vous remercie de l'amour qui vous les a fait souffrir, et de cette tres misericordieuse intention que vous eustes d'appliquer a mon ame en particulier les merites que vous y aves acquis.

  A026001351 

 Mais il faut que le tout se face tous-jours en la presence de Dieu, c'est a dire, en vertu de l'attention que nous nous sommes procuree au fin commencement de la meditation.

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001355 

 Que si apres tout cela vous demeures encor en secheresse et sans consolation, mesme en telle sorte que vous ne puissies proferer aucune parole ni interieurement ni exterieurement, ne laisses pas pour cela de [202] vous tenir en une contenance devote, sans vous inquieter ni troubler, vous resouvenant qu'il y a deux fins principales pour lesquelles on se met en la presence de Dieu et en orayson: l'une est pour exciter son affection en l'amour de Dieu, et lhors que nostre affection n'y est point vivement excitee nous disons que nostre ame est en secheresse; l'autre est de rendre hommage a Dieu, protestant qu'il est nostre souverain Createur et Seigneur: et cette fin est extremement noble, parce qu'il y a moins de nostre interest.

  A026001355 

 Que si, venant a l'orayson, nous ne pouvons pas faire le premier, il se faut contenter du second, qui est tous-jours beaucoup, encor que nous ne puissions parler a Dieu et qu'il semble qu'il ne nous parle point. Combien y a-il de courtisans qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy et en sa presence, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement pour estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs.

  A026001361 

 Au demeurant, quoy qu'il arrive, il ne faut jamais se laisser surprendre a la tristesse et inquietude; mays, soit que nostre orayson ayt esté douce et savoureuse, ou qu'elle ayt esté seche et sans goust, il faut s'en retirer tous-jours en paix, avec intention de servir Dieu tous-jours fidellement tout le reste de la journee..

  A026001365 

 Faites qu'a vostre resveil vostre ame se jette du tout en Dieu par quelques saintes parolles, telles que sont celles cy: D'autant que le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001370 

 On remercie Dieu de ce qu'il nous a conservé cette nuit la, et on considere que si Dieu nous donne le jour present, c'est pour l'employer a sa gloire et a nostre salut, et que sa Majesté hait et deteste souverainement le peché, suyvant le dire de David: Au grand matin je m'approcheray de vous, o mon Dieu, et reconnoistray que vous estes un Dieu qui n'ayme point l'iniquité..

  A026001371 

 On considere quelles occasions on pourra rencontrer le long de la journee pour servir Dieu, ou au contraire pour l'offenser, et cela chacun selon sa condition, et les affaires que l'on peut avoir ce jour la; et les ayans reconneues, on [205] fera une ferme resolution d'embrasser la vertu et d'eviter le peché; en quoy il faut encor qu'un chacun ayt esgard aux imperfections ausquelles il est sujet..

  A026001372 

 Apres cela, on offre a Dieu et soy et toutes ses actions, et pour les luy rendre aggreables on prie Jesus Christ son Filz de les vouloir unir a ses merites et a sa Passion..

  A026001373 

 En fin on prie Dieu de nous estre propice et de nous fortifier en nos bons desseins; et a mesme intention on invoque la Vierge et les Saintz pour qui nous avons le plus de devotion, avec tous les autres, et particulierement nostre bon Ange.

  A026001381 

 Et faisant le signe de la Croix sur vostre front, vostre bouche et vostre cœur, vous dires: Dieu soit en mon esprit, en ma bouche et en mon cœur, affin que je reçoive son saint Evangile..

  A026001384 

 A l'eslevation du tres saint Sacrement, il faut avec une grande contention de cœur l'adorer, puis, avec le prestre, l'offrir a Dieu le Pere pour la remission de nos pechés et de ceux de tout le monde, et nous offrir nous mesmes avec toute l'Eglise, et nos parens et nos amis..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001392 

 D'autres fois, nous souvenans que nous nous acheminons a l'eternité, dire: Beni soit Dieu! Dieu soit loué.

  A026001392 

 Quelquefois, nous repentant des heures inutilement passees: Dieu me donne la grace de mieux faire; d'autres fois simplement: JESUS, MARIA; Dieu me soit en ayde; Dieu soit avec nous..

  A026001401 

 Apres tout cecy, je vous advise de vivre sans scrupule et servir Dieu plus avec amour qu'avec peur.

  A026001403 

 Et si vous ne le pouves pas tout dire en une fois, dites le en deux, et l'Office de Nostre Dame aussi; dequoy vous ne deves faire nul scrupule, ains il y a de la superstition a croire que pour de legitimes interruptions il faille recommencer, car cela est sans nulle rayson, ni apparence de pieté: nostre Dieu ne regardant qu'a la devotion avec laquelle on prie, et non pas si c'est a deux fois ou a troys.

  A026001404 

 Au demeurant, vous ne deves jamais commencer aucune priere sans premierement vous estre mise briefvement en la presence de Dieu.

  A026001410 

 C'est a Dieu d'avoir le soin de le faire, nous n'avons pas besoin de nous en empescher; c'est a nous seulement d'avoir le soin de le bien croire et de nous en prevaloir..

  A026001411 

 Ce poinct est commun a tous les misteres de la sainte foy et a plusieurs autres choses, comme a la creation du monde, duquel nous ne sçaurions dire comme Dieu fit quand il le crea, ni comme il fit quand il crea nostre ame et la mit dans nostre cors.

  A026001412 

 Et quelquefois on peut repartir au tentateur: O malheureux, ton outrecuydance de vouloir voler trop haut t'a precipité en l'enfer; je m'empescheray bien de faire un tel sault, moyennant la grace de mon Dieu.

  A026001412 

 Que si contre cette pureté d'entendement le malin esprit nous donne des tentations, il s'y faut opposer, s'humiliant devant la toute puissance de Dieu, disant, ou de cœur, ou de bouche: O sainte et immense toute puissance de mon Dieu, mon entendement vous adore, trop honnoré de vous reconnoistre et de vous faire l'hommage de son obeissance et sousmission.

  A026001412 

 Tu trompas ainsy la pauvre Eve, luy voulant apprendre a sçavoir autant que Dieu; mais tu ne m'attrapperas pas: je veux croire, et ne rien sçavoir..

  A026001420 

 Ainsy, en ce divin Sacrement, nous devons [214] nous reduire en memoire la journee en laquelle Dieu, par son amere Passion, nous delivra de la damnation..

  A026001420 

 Il faut, apres cest oubli volontaire, parer la memoire d'une sainte souvenance de tous les bienfaitz dont Dieu nous a gratifiés: la creation, conservation, redemption et plusieurs autres, mais sur tout de sa sainte Passion, en memoyre de laquelle il a voulu nous laisser le propre cors qui souffrit pour nous, en ce divin Sacrement, n'ayant peu nous en laisser une plus vive et expresse representation.

  A026001420 

 Quand on vous demandera (dit la sainte Parolle traittant de l'observation de l'aigneau paschal) ce que c'est que vous faittes, dites a la posterité que c'est en memoyre de ce que Dieu vous delivra de l'Egipte, vous passant par le milieu de la Mer Rouge.

  A026001428 

 Si vous n'estes point agitee des tentations de curiosité, vous n'aves que faire de penser a ce que j'en ay dit; car, en y pensant, vous luy pourries ouvrir la porte pour la faire entrer chez vous; mais vous devés seulement remercier Dieu de ce qu'il vous donne la simplicité de la foy, qui est un don tres pretieux et desirable, et prier sa divine Majesté de vous le continuer..

  A026001429 

 Que si vous estes agitee de cet esprit de curiosité, faittes ce que j'ay dit, mais faittes le briefvement, par forme de simple rejet et detestation, sans vous amuser a disputer et contester avec l'ennemy, lequel doit estre combattu par abomination, non par rayson, selon l'exemple de Nostre Seigneur, qui ne le fit fuir qu'en luy disant: Arriere, Satan, tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu..

  A026001435 

 J'appreuverois que pour ayder la compaignie a [217] se resouvenir des bienfaitz de Dieu au jour de la Communion, chaque Religieuse sceut le jour de sa reception et des autres graces plus signalees receues de Dieu; et qu'autant que l'humilité et la simplicité chrestienne le peut permettre, le soir avant la Communion, elle en resouvint les Seurs en l'heure de la recreation, et sur la fin les priast d'en remercier Dieu avec elle.

  A026001436 

 Quant a la purgation de la volonté, il la faut tenir nette en tout tems de toutes affections desreglees, mais sur tout allant a la Communion, et regarder a quoy et a qui nos affections tiennent en ce monde, et si c'est point trop tendrement, trop ardemment; et si nous y voyons du trop, il faut peu a peu le retrancher pour pouvoir dire a Nostre Seigneur avec David: Qu'est ce qu'il y a au Ciel pour moy, ou que veux je en la terre sinon vous? Vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage eternel.

  A026001442 

 Je m'en vay maintenant proposer plusieurs points desquelz vous pourres vous servir tant pour aller a la Communion que pour rendre graces a Dieu apres icelle..

  A026001444 

 A la joye d'esprit, a l'exemple de la bonne Lia, laquelle voyant qu'ell'avoit conceu un enfant en son ventre, s'escrioit tout par tout de joye: Ce sera maintenant que mon mari m'aymera; car ainsy, ayans en nous-mesme le Filz de Dieu, nous pouvons bien dire: C'est maintenant que Dieu le Pere m'ayme.

  A026001444 

 Ou bien comme Sara, laquelle ayant Isaac disoit: Maintenant Dieu m'a fait une joye, et quicomque l'entendra s'en res - jouira avec moy.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001446 

 A la resolution de le servir, par les paroles de Jacob apres qu'il eüt veü la sainte eschelle: Dieu me sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur, ci devant endurci, sera sa mayson.

  A026001448 

 Et quand a Nostre Dame, imaginons quelle fut son ardeur interieure, sa devotion, son humilité, sa confiance, son courage quand l'Ange luy dit: Le Saint Esprit surviendra en toy et la vertu du Tres Haut t'enombrera, et partant, ce qui naistra de toy sera nommé Filz de Dieu; car il ni a rien qui soit impossible envers Dieu.

  A026001448 

 Il ne faut point douter que son beni cœur ne s'espanoüit tout entierement aux rayons de ses paroles, quil ne s'aprofondit dessous tant de benedictions, et qu'a mesme quil entendoit [221] que Dieu luy donnoit son cœur propre, qui est son Filz, il ne se donnast reciproquement a Dieu; et qu'alhors cette supersainte ame ne fondit en charité, et pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé.

  A026001448 

 O Dieu, que de suavités et douceurs! Et partant, l'ame peut bien dire comme Nostre Dame, apres cette consideration: Voyci la servante du Seigneur, me soit fait selon sa parole.

  A026001448 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion, [car] non un Ange, mais bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous, et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A026001452 

 Au demeurant, parce que le plus grand moyen de prouffiter en la vie spirituelle c'est la devote Communion, je vous la recommande; et ayés soin que nulle ne la fasse par maniere d'acquit ou de coustume, mais tous-jours pour glorifier Dieu en icelle et s'unir a luy, et prendre force a le [222] servir et supporter toutes afflictions et tentations.

  A026001460 

 Mais, troisiesmement, l'ame cherchant les moyens d'estre delivree du mal qu'elle sent, peut les chercher pour l'amour de Dieu ou pour l'amour propre: si c'est pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, humilité et douceur, attendant le bien non tant de soy mesme et de sa propre diligence, comme de la misericorde de Dieu; mays si elle les cherche pour l'amour propre, elle s'empressera a la queste des moyens de sa delivrance, comme si ce bonheur dependoit d'elle plus que de Dieu.

  A026001468 

 Nostre Seigneur ne voulut point que son Temple fust edifié par David, roy tressaint, mais belliqueux, ni qu'en l'edification fust ouy aucun marteau, ni aucun fer; mais par Salomon, roy pacifique: signe qu'il ne veut pas que nostre edification spirituelle se fasse sinon en tres grande paix et tranquillité, laquelle il faut tous-jours demander a Dieu, comme enseigne le roy David: Demandes, dit il, ce qu'il faut pour la paix de Hierusalem.

  A026001471 

 La tristesse peut estre bonne ou mauvaise, selon le dire de saint Paul: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde, la mort..

  A026001480 

 La mauvaise empesche la priere, degouste de l'orayson, et donne desfiance de la bonté de Dieu; la bonne, au contraire, est de Dieu, asseure la personne, accroist la confiance en Dieu, fait prier et invoquer sa misericorde: La tribulation et l'angoisse m'ont troublé, mais vos commandemens ont esté ma meditation, disoit David..

  A026001481 

 Bref, ceux qui sont occupés de la mauvaise tristesse ont une infinité d'horreurs, d'erreurs et de craintes inutiles, de peynes et de peurs d'estre abandonnés de Dieu, d'estre en sa disgrace, de ne devoir plus se presenter a luy pour luy demander pardon, que tout leur est contraire et a leur salut, et sont comme Caïn, qui pensoit que tous ceux qui le rencontreroyent le voudroyent tuer.

  A026001481 

 Ilz pensent que Dieu soit inequitable en leur endroit, et severe jusqu'a l'eternité, et le tout pour leur particulier seulement, estimant tous les autres asses heureux au pris d'eux: ce qui provient d'une secrette superbe qui leur persuade qu'ilz devroyent estre plus fervens et meilleurs que les autres, plus parfaitz que nul autre.

  A026001482 

 Mais la bonne tristesse fait ce discours: Je suis miserable, vile et abjecte creature, et partant, Dieu exercera en moy sa misericorde; car la vertu se parfait dans l'infirmité, et ne s'estonne point d'estre pauvre et miserable..

  A026001486 

 Il la faut recevoir avec patience, comme une juste punition de nos vaynes joyes et allegresses; car le malin, voyant que nous en ferons nostre prouffit, ne nous en pressera pas tant; bien qu'il ne faille pas avoir cette patience pour en estre delivré, mais pour le bon playsir de Dieu, et la prenant pour le bon playsir de Dieu, elle ne layssera pas de servir de remede..

  A026001490 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant: Quand me consoleres-vous? Si Dieu est pour moy, qui sera contre moy? Jesus, soyes moy Jesus.

  A026001490 

 Qui me separera de la Croix de mon Dieu? et semblables.

  A026001490 

 Vive mon Dieu, et mon ame vivra.

  A026001492 

 Je ne veux pas dire qu'il faille faire en ce tems-la de plus longues meditations, mais je veux dire qu'il faut faire de frequentes [231] demandes et repetitions a Dieu.

  A026001492 

 Mais dans le tems de tristesse, il faut employer des paroles de douceur; par exemple: O Dieu de misericorde, tres bon et tres benin, vous estes mon cœur, ma joye, mon esperance, le cher Espoux de mon ame; et semblables.

  A026001495 

 Dieu, au contraire, demande pour la premiere condition, la discretion; ne voulant pas a la verité que l'on descouvre indiscrettement ses graces et faveurs, mais bien que l'on les descouvre avec prudence et selon les regles d'une humble discretion aux personnes de qualités requises.

  A026001501 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres vous en estre signee, et vous vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001502 

 Sur le premier gros grain vous invoqueres Dieu, le priant d'aggreer le service que vous luy voules rendre et de vous assister de sa grace pour le bien dire..

  A026001503 

 Sur les trois premiers petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge, la saluant, au premier, comme la plus chere Fille de Dieu le Pere; au second, comme Mere de Dieu le Filz; et au troysiesme, comme Espouse bienaymee de Dieu le Saint Esprit..

  A026001504 

 S'il vous vient quelques autres sentimens, comme la douleur de vos pechés passés, ou le propos de vous amender, vous le pourres mediter tout le long du Chapelet, le mieux que vous pourres, vous resouvenant de ce sentiment, ou autre que Dieu vous inspirera, principalement lhors que vous prononces les deux tressaintz noms de JESUS et MARIE..

  A026001505 

 Au gros grain qui est au bout de la derniere dizaine, vous remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de le dire.

  A026001506 

 Au gros grain qui est au bout, vous supplieres la divine Majesté d'aggreer le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, au giron de laquelle vous la supplieres de vous conserver et d'y ramener tous ceux qui en sont desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de la foy, disant le Credo et faisant le signe de la Croix..

  A026001507 

 Vous porteres le chapelet a vostre ceinture ou en autre lieu evident, comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu nostre Sauveur, et de sa tres sacree Espouse, Vierge et Mere, et de vivre en vray enfant de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A026001525 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres avoir fait le saint signe de nostre Redemption, et vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001526 

 Vous invoqueres Dieu sur le premier grain, le priant [238] d'aggreer le service que vous luy voules rendre, et de vous assister de sa grace pour le bien dire..

  A026001527 

 Aux trois petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge: au premier, vous la salueres comme la plus chere Fille du Pere eternel; au second, comme Mere tres chere du Filz de Dieu; au troisiesme, comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026001528 

 Apres cela, vous commenceres les mysteres du Rosaire, soit les glorieux, les joyeux ou les douloureux; ou bien vous vous porteres a quelqu'autre devot sentiment que Dieu vous inspirera..

  A026001529 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au bout du chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a fait de vous permettre de le dire.

  A026001530 

 Et [porterez ] vostre chapelet comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu, du Sauveur et de la sacree et tous-jours Vierge Mere.

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001535 

 Pour toutes les choses qui vous arriveront, n'alles point [en] rechercher la cause (il suffit que Dieu la sçait), mais simplement humilies vous devant Dieu, supportant la contradiction avec douceur, sans reflexions..

  A026001547 

 Supportes genereusement les douleurs du cors et les plus violentes maladies, avec acquiescement a la volonté de Dieu..

  A026001550 

 Ne vous inquietes point de ce que le monde dira de vous; attendes le jugement de Dieu, et vostre patience jugera alhors ceux qui vous auront jugé.

  A026001555 

 Et ainsy je le voue au Pere, Filz et Saint Esprit, un seul vray Dieu, auquel soit honneur, gloire et benediction es siecles des siecles.

  A026001555 

 Et apres avoir moy mesme reiteré le vœu solemnel de perpetuelle chasteté par moy fait en la reception des Ordres, lequel je confirme de tout mon cœur, je proteste et prometz de conduire, ayder, servir et advancer laditte Jeanne Françoise Fremyot, ma Fille, le plus soigneusement, fidellement et saintement que je sçauray, en l'amour de Dieu et perfection de son ame, laquelle des-ormais je reçois et tiens comme mienne, pour en respondre devant nostre Sauveur.

  A026001555 

 Je, FRANÇOIS, EVESQUE DE GENEVE, accepte de la part de Dieu les vœux de chasteté, obeissance et pauvreté, presentement renouvellés par Jeanne Françoise Fremyot, ma tres chere Fille spirituelle.

  A026001589 

 En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honnorer et aymer Dieu selon les reigles de la vraye relligion; les especes de peché qui se commettent contre ce commandement sont:.

  A026001590 

 Premierement: le blaspheme, qui n'est autre chose qu'une mesdisance de la divine Majesté faite par mauvaise affection; comme quand on dit que Dieu n'est pas bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée, qu'on le despite et, enfin finale, toutes fois et quantes que volontairement et a nostre escient nous parlons de Dieu [249] incivilement, ainsy que l'on fait quand on dit: Aussy vray comme Dieu est; un tel est vilain comme Dieu est noble; Dieu ne se soucie pas de ce que nous faisons; laissons Dieu en Paradis et demeurons icy; et semblables impertinences..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001593 

 La troysiesme espece, c'est la superstition, comm'est idolatrer, c'est a dire adorer comme Dieu ce qui n'est point Dieu; user de magie, c'est a dire emploier le diable pour quelqu'operation, soit qu'on l'employe ouvertement, comme font ceux qui ont fait convention avec luy et les sorciers, soit qu'on l'employe tacitement par paroles et caracteres inconneus, ou paroles et caracteres connus, mais appliqués faussement et vainement; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque chose pour obtenir quoy que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dependent de luy..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001599 

 Dire des mauvaises parolles contre Dieu, les Saintz et l'Esglise; disputer curieusement et temerairement des choses de la foy; disputer ou faire des persuasions que les commandemens de Dieu n'obligent pas les personnes, qu'il ne faut pas craindre de les rompre, et semblables choses que des jeunes gens font quelquefois, ou pour pervertir l'esprit des filles, ou pour faire les gallans en matiere du peché de la chair.

  A026001599 

 Se plaindre de Dieu, blasphemer, invoquer le diable ou pour soy, ou contre soy, ou contre les autres, comme font ceux qui dient: Je voudrois que le diable me guerise d'une telle maladie, ou me rompist le col, ou me fist avoir telle chose; le diable t'emporte; le diable m'emporte; et semblables choses..

  A026001601 

 Ne prier pas Dieu le soir et le mattin, ne faire point l'honneur et la reverence deüe aux choses sacrées, ne benir ou faire benir la table, ne dire ou faire dire Graces appres le repas..

  A026001601 

 Ne sçavoir pas les choses requises au bon chrestien, comme sa creance, le Patenostre, la Salutation angelique, les Commandementz de Dieu et de l'Esglise.

  A026001601 

 Outre cela, on peche contre ce commandement: laissant de servir Dieu quand l'occasion le requiert, pour respect humain.

  A026001604 

 [1.] Jurer sans discretion par le nom de Dieu, ou des Saintz et des autres creatures quelconques entant qu'elles dependent de Dieu et se rapportent a iceluy: comme font ceux qui jurent a tous propos, autant pour chose de peu d'importance comme pour chose de grande importance; car ceux cy exposent le sacré nom de Dieu et prennent a tesmoin sa divine Majesté vaniement (sic), frivolement et contemptiblement, sans jugement ny discernement quelconque..

  A026001605 

 Jurer contre la justice, c'est a dire contre la raison: comme font ceux qui jurent de faire le mal ou de ne faire pas le bien; car c'est mespriser grandement Dieu que de l'appeller a tesmoin d'une action mauvaise, comme fit Herodes, jurant de faire trancher la teste a saint Jean Baptiste, auquel sont semblables ceux qui jurent de battre, de couper le nez, de ruiner, de tuer et autres..

  A026001615 

 Juger temerairement de leurs deportementz et de leurs intentions; ou bien, au contraire, les affectionner tant les uns et les autres que, pour leur respect, on soit disposé d'offencer Dieu.

  A026001616 

 Item, les peres, meres et superieurs des maisons, villes et republiques offencent Dieu contre ce commandement, traittans indignement et outrageusement leurs femmes, enfans, sujetz et inferieurs; n'aiant pas soin de les advancer [253] en la vertu; ne les assistant pas és choses requises, selon leur pouvoir; les scandalisant par mauvais exemple..

  A026001620 

 (Je dis par hayne, parce que de desirer la mort ou a soy ou au prochain pour la gloire de Dieu, pour son salut et pour autres telles bonnes occasions, quand la hayne de la personne ne s'y mesle point, il n'y a pas peché.) Haïr quelcun; desirer de s'en venger; se res-jouir du mal d'autruy; se contrister de son bien; se mutiner contre luy et ne luy vouloir point parler a cett'intention.

  A026001625 

 Faire le sacrilege, c'est a dire avoir connoissance des personnes sacrées a Dieu, comme prestres, Religieux et Religieuses, ou bien faire l'exces de paillardise en lieu sacré.

  A026001626 

 Ce commandement aussi s'estend a ce que les personnes mariées s'entrerendent fidellement l'un a l'autre le devoir nuptial, usant de l'acte que Dieu a beny en faveur du mariage et selon rayson, tant pour la generation que pour la conservation de l'amitiée et complaisance requise entre les mariés; se ressouvenans qu'ilz sont hommes raisonnables et chrestiens, et qu'ilz doivent posseder les cors l'un de l'autre en sanctification, avec honneur, amour et dilection, et tous-jours dans les bornes que la nature a prescrites..

  A026001645 

 L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté desordonnée d'une grandeur disproportionnee a celuy qui la veut, et partant c'est peché d'orgueil de s'attribuer le bien que l'on a d'autruy comme sy on l'avoit de soy mesme; penser meriter les biens et les graces que l'on a, encor qu'il n'en soit rien; s'attribuer des biens et des graces que l'on n'a pas; se preferer aux autres es choses esquelles on ne se doit pas preferer. Or, l'orgueil est peché mortel quand on ne veut pas reconnoistre de Dieu ce que l'on a; quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prest a violer les commandemens de Dieu et quand, pour s'exalter, on deprime et mesprise on le prochain en chose notable..

  A026001646 

 A l'orgueil est attachée la vaine gloire, qui est se glorifier de ce que l'on n'a pas, ou de choses qui ne le meritent pas, ou de choses qui ne nous appertient (sic) pas, ou de choses mauvaises; ou vouloir avoir la gloire du bien que l'on a, sans reconnoissance de Dieu duquel il vient..

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001691 

 C'est pourquoy, tout ce qui est contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain, sy la contrarieté est parfaite, doit estre estimé peché mortel; mais sy la contrarieté n'est pas parfaite ni accomplie, ains imparfaite et non accomplie, il n'y a que peché veniel..

  A026001691 

 Toute la loy de Dieu consiste en ces deux commandemens: Tu aymeras Dieu sur toutes choses et ton prochain comme toy mesme.

  A026001692 

 Or, la contrarieté qui se fait a l'amour de Dieu et du prochain est reputée imparfaite en trois façons:.

  A026001693 

 Premierement: de la part de nostre volonté, lorsque nostre liberté n'est pas parfaite et que, par consequent, [262] nostre volonté n'agist pas avec pleine deliberation ny avec un total usage de son franc-arbitre: comm'il arrive quelque fois que nous dirons un'injure a quelqu'un par une si soudaine surprise de colere, que nous l'avons plus tost dite que pensée; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement un peché mortel, toutesfois, a raison de ce que l'acte de la volonté a esté fort imparfait et indeliberé, ce n'est qu'un peché veniel, parce que la contrarieté a l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas esté une pleine et accomplie contrarieté, ains une contrarieté sortie par surprise et inadvertence et la volonté n'estant pas pleynement a soy mesme..

  A026001694 

 Secondement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est quelquefois imparfaite a raison de la petitesse de la matiere en laquelle ell'est commise: comme, par exemple, derober c'est un peché mortel, parce que le larcin contrarie a la charité du prochain; mais pourtant, ce que l'on derobe peut estre sy peu de chose, que la nuysance qui s'en ensuit contre le prochain est si extremement legere qu'elle n'est point considerable, et par consequent la contrarieté de cette action là a l'amour du prochain n'est pas une parfaite contrarieté, mais plustost comm'un commencement de contrarieté.

  A026001695 

 Comme par exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un: c'est un'action laquelle [263] n'est point contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ou sy ell'est contraire, c'est par une contrarieté fort imparfaite et qui regarde plustost la perfection de l'amour que l'amour mesme; car bien que le prochain reçoive les petitz mensonges pour la verité, sy est ce que cela ne luy apporte nulle sorte de nuysance.

  A026001695 

 De mesme, joüer plus longuement qu'il ne faut par recreation c'est une chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soy contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain; car, comme il appert, en cela il ny a point de meschanceté, mais seulement de l'inutilité..

  A026001695 

 Tiercement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est imparfaite a raison de la nature mesme de l'action que nous prattiquons, laquelle de soy n'est pas parfaitement mauvaise, mais seulement a quelque sorte de defaut en soy, lequel defaut ne la rend pas contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ains seulement a la perfection de l'amour.

  A026001700 

 Chose grandement utile d'avoir tous-jours avec eux certaine sorte de gens, soit gentilzhommes ou autres, qui ayent beaucoup de la crainte de Dieu; car, comme la presence [264] des meschans facilite le consentement au mal, aussy la presence des bons facilite la resistence.

  A026001702 

 Bon encores en la priere du mattin et du soir de faire une resolution particuliere contre ce peché et offrir cette resolution a Dieu, tantost a l'honneur de sa Passion, tantost a l'honneur de sa Nativité, tantost a l'honneur de sa sepulture; quelquefois a l'honneur de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere; d'autrefois a l'honneur de nostre Ange gardien; et ainsy diversement a l'honneur des Saintz que nous honnorons le plus, protestant que pour l'amour d'eux nous observerons nostre resolution.

  A026001703 

 Or, bien quil y aye de la difficulté en ces remedes, si est ce que celuy la se resoulura (sic) aysement de les pratiquer qui se ressouviendra quil faut ou quitter ce peché par quel moyen que ce soit, ou quil faut quitter la grace de Dieu et perir eternellement.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001715 

 De la, elle passa fort humblement dans la societé des vefves apres la mort de saint Joseph; et c'est l'opinion de plusieurs Peres, que cette sainte Mere de Dieu, apres l'Ascension de son adorable Filz au Ciel, vescut en terre plusieurs annees, comme les autres vefves et comme plusieurs fideles de la primitive Eglise, des aumosnes et de la communauté des biens des premiers chrestiens..

  A026001715 

 Voyes comme cette Mere universelle de tous les enfans de Dieu s'est faite toute a tous pour attirer et conduire toutes les ames a son Filz.

  A026001723 

 Mais, Seigneur, puisque ainsy il vous a semblé bon, estendes donq le bras de vostre providence jusques a la perfection [267] de l'œuvre que vous aves commencee: favorises ma grossesse de vostre perfection, et portes avec moy, par vostre continuelle assistence, la creature que vous aves produite en moy, jusques a l'heure de sa sortie au monde; et lhors, o Dieu de ma vie, soyes moy secourable, et de vostre sainte main supportes ma foiblesse et receves mon fruit, le conservant jusques a ce que, comme il est vostre par creation, il le soit aussi par redemption, lhors qu'estant receu au Baptesme il sera mis dans le sein de l'Eglise vostre Espouse..

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001731 

 Prosterné, ce me semble, en quelque petit recoin du mont de Calvaire ou Nostre Seigneur me voit, je vous escris ces lignes, ma tres chere Mere, pour vostre soulagement, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement devant Dieu..

  A026001732 

 Je repete ce que si souvent je vous ay dit: que, non seulement en l'orayson, mays en la conduitte de vostre vie, vous deves marcher en l'esprit d'une tres parfaitte et tres simple confiance en Dieu, entierement remise et abandonnee a son bon playsir, comme un enfant innocent qui se laisse aller a la conduitte et direction de sa mere..

  A026001733 

 Secondement: Et pour bien marcher ainsy a la mercy de l'amour et du soin de ce cher souverainement aimable [269] Pere, tenes souëfvement et paysiblement vostre ame ferme, sans permettre qu'elle se divertisse a se retourner sur elle mesme, ni a vouloir voir ce qu'elle fait ou si elle est satisfatte; car, ma chere Mere, nos satisfactions ne sont point aymables devant les yeux de Dieu, ains seulement elles aggreent a nostre propre amour.

  A026001734 

 De cette activité d'esprit et du soin que nostre amour nous suggere d'avoir de nostre cœur et de ce qu'il fait, provient l'inquietude de nostre cœur lhors que nous appercevons soit de loin, soit de pres, quelques tentations ou de la foy ou de quelques autres vertus que nous cherissons fort, ou mesme quand nous craignons de perdre la douceur et consolation: c'est pourquoy il faut simplifier nostre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui desplaist a Dieu, demeurer en paix dans nostre barque, c'est a dire faire en paix les exercices de nostre vocation.

  A026001734 

 Ma tres chere Fille, il faut accoyser nostre activité d'esprit, puisque nous voyons manifestement que Dieu nous appelle a cette unique, tres simple attention de confiance.

  A026001740 

 Faites toutes choses pour Dieu, unissant ou continuant vostre union par de simples regards ou escoulemens de vostre cœur en luy..

  A026001742 

 Recommandes toutes choses du tout a Dieu, et vous tenes coye et en repos dans le sein de sa paternelle Providence..

  A026001749 

 Helas! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas aux yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce miserable amour et soin que nous avons de nous mesme, hors de Dieu et de sa consideration..

  A026001749 

 Non seulement en l'orayson, mays encor en la conduitte [272] de vostre vie, marches invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute vostre ame, vos actions et vos succes au bon playsir de Dieu, par un amour de parfaitte et tres absolue confiance, vous delaissant au soin et a la mercy de l'amour eternel que la divine Providence a pour vous.

  A026001751 

 Cet exercice d'abandonnement continuel de soy mesme es mains de Dieu comprend excellemment toute la perfection des autres exercices, en sa tres parfaitte simplicité et [273] pureté, et tandis que Dieu nous en laisse l'usage, nous ne devons point le changer..

  A026001753 

 Je vous en dis de mesme, ma tres chere Fille, ma Mere: Jettes bien tout vostre cœur, vos prætentions, vos sollicitudes et vos affections dans le sein paternel de Dieu, et il vous conduira, ains portera ou son amour vous veut..

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001758 

 Quand sera ce que cet amour naturel du sang, des contenances, [275] des bienseances, des correspondances, des sympathies, des graces, sera purifié et reduit a la parfaitte obeissance de l'amour tout pur du bon playsir de Dieu? Quand sera ce que cet amour de nous mesme ne desirera plus les presences, les tesmoignages et significations exterieures, ains demeurera pleinement assouvi de l'invariable et immuable asseurance que Dieu luy donne de sa perpetuité? Que peut adjouster la presence a un amour que Dieu a fait, soustient et maintient? Quelles marques peut on requerir de perseverance en une unité que Dieu a creé? La distance et la presence n'apportera ni n'ostera jamais rien a la solidité d'un amour que Dieu a luy mesme formé..

  A026001763 

 Il faut arrester l'inconstance de l'esprit humain en l'instabilité et changement de nos sentimens et imaginations par la force de nos premieres resolutions, puisque Dieu a establi une invariable et indissoluble fermeté..

  A026001773 

 Et ceci se doit prattiquer non seulement a l'orayson, ou il faut aller avec une grande douceur d'esprit, sans dessein d'y faire autre chose quelconque, ains seulement pour estre a la veuë de Dieu dans cette simple remise et repos en luy et comme il luy plaira; se contenter d'estre en sa presence, encor que vous ne le voyies, ni senties, ni sçauries representer, et ne vous enqueres de luy de chose quelconque sinon a mesure qu'il vous excitera..

  A026001774 

 Ne retournes nullement sur vous mesme, ains soyes la pres de luy; non seulement, dis je, il faut prattiquer cette simplicité et abandonnement en l'orayson, mays en la conduite de toute la vie, rejettant et delaissant toute vostre [277] ame, vos actions, vos succes, vos affaires au bon playsir de Dieu et a la mercy de son soin.

  A026001779 

 En ce jour de saint Claude, memorable a nostre Congregation, je ramasse ainsy tout ce que je vous ay dit, pour l'abbreger: Soyes fidelement invariable en cette resolution, de demeurer en une tres simple unité et unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mesme en sa tressainte volonté, et toutes les fois que vous treuveres vostre esprit hors de la, ramenes l'y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l'entendement, ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de Nostre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout ce que l'on peut desirer pour s'unir a Dieu.

  A026001780 

 Ne philosophes point sur vos contradictions et afflictions, mais receves tout de la main de Dieu, sans exception, demeurant douce, patiente et acquiesçant en tout tres simplement a sa sainte volonté.

  A026001780 

 Quand vous appercevres que quelque soin ou desir naistra en vous, remettes le en Dieu, ne voulant seulement que luy et l'accomplissement de sa sainte volonté, luy laissant le soin de tout le reste..

  A026001788 

 Premièrement tu dois demander à ton très cher Seigneur s'il trouvera à propos que tu renouvelles tous les ans, aux reconfirmations, entre ses mains, tes vœux, ton abandonnement general et remise de toi-même entre les mains de Dieu; spécifie particulièrement [279] ce qu'il jugera qui te touche le plus, pour enfin faire cet abandonnement parfait et sans exception, en sorte que je puisse vraiment dire: Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi.

  A026001789 

 Je respons au nom de Nostre Seigneur et de Nostre Dame: Quil sera bon, ma tres chere Fille, que toutes les annees vous facies le renouvellement proposé, et que vous rafraichissies le parfait abandonnement de vous mesme entre les mains de Dieu.

  A026001791 

 Si l'âme étant ainsi remise, ne se doit pas, tant qu'il sera possible, oublier de toute chose pour le continuel souvenir de Dieu, et en lui seul se reposer par une vraie et entière confiance?.

  A026001792 

 Ouy, vous deves tout oublier ce qui n'est pas de Dieu [280] et pour Dieu, et demeurer totalement en paix sous la conduite de Dieu..

  A026001794 

 Si l'âme ne doit pas, spécialement en l'oraison, s'essayer d'arrêter toute sorte de discours, industrie, replique, curiosité et semblables, et au lieu de regarder ce qu'elle a fait, ce qu'elle fera ou qu'elle fait, regarder à Dieu; et ainsi simplifier son esprit et le vider de tout et de tout soin de soi-même, demeurant en cette simple vue de Dieu et de son néant, tout abandonnée à la sainte volonté dans les effets de laquelle il faut demeurer contente et tranquille, sans se remuer nullement pour faire des actes de l'entendement, ni de la volonté.

  A026001794 

 Vous me direz: Pourquoi sortez-vous donc de là? O Dieu, c'est mon malheur et malgré moi; car l'expérience m'a appris que cela est fort nuisible.

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001796 

 Mon cher esprit, pourquoy voules vous prattiquer la partie de Marthe en l'orayson, puisque Dieu vous fait entendre quil veut que vous exercies celle de Marie? Je vous commande donques, que simplement vous demeuries ou en Dieu ou pres de Dieu, sans vous essayer d'y rien faire et sans vous enquerir de luy de chose quelconque, sinon a mesure quil vous excitera.

  A026001798 

 Je retourne donc à demander à mon très cher Père si l'âme étant ainsi remise ne doit pas demeurer toute reposée en son Dieu, lui [281] laissant le soin de tout ce qui la regarde tant intérieurement qu'extérieurement, et demeurant, comme vous dites, dans sa providence et volonté, sans soin, sans attention, sans élection, sans désir quelconque, sinon que Notre-Seigneur fasse en elle, d'elle et par elle sa très sainte volonté, sans aucun empêchement ni résistance de sa part.

  A026001798 

 O Dieu, qui me donnera cette grâce que seule je vous demande, sinon vous, bon Jésus, par les prières de votre Serviteur..

  A026001799 

 Dieu vous soit propice, ma treschere Fille.

  A026001805 

 Il faut seulement prendre garde de ne faire pas des attentions superflues, s'enquerant de la volonté de Dieu en toutes particularités des actions menues ordinaires et inconsiderables..

  A026001805 

 Pour cela, Dieu veut que nous soyons comm'un petit enfant.

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001808 

 Ne consentant point aux choses mauvayses, l'indifference pour le reste doit estre prattiquee en toutes rencontres sous la conduite de la providence de Dieu..

  A026001819 

 Mon très cher Seigneur l'approuvera, s'il le trouve à propos, et ordonnera ce qui lui plaira et, mon Dieu m'aidant, je l'obéirai..

  A026001822 

 Je demande pour l'honneur de Dieu de l'aide pour m'humilier.

  A026001824 

 Le livre de l' Amour de Dieu, ma chere Fille, est fait particulierement pour vous; c'est pourquoy vous pouves, ains deves avec amour, prattiquer les enseignemens que vous y aves trouvé..

  A026001825 

 La grace de Dieu soit avec nostre esprit a jamais.

  A026001840 

 Cecy doit estre vostre exercice continuel; car cette simplicité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car nous ne sommes pas maistres de nos pensees, pour n'en avoir que celles que nous voulons) qu'a ce que vous aures a faire et a ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame ni a vouloir, ni a desirer autre chose; et fera que toutes ces pretentions de plaire et ces craintes de desplaire a nostre Mere, s'esvanouiront, reservant le seul desir de plaire a Dieu, qui est et sera l'unique objet de nostre ame..

  A026001841 

 Mais vous sçaves tres bien que les sentimens, non plus que toute autre tentation, ne nous rendent pas moins aggreables a Dieu, pourveu que nous n'y consentions pas..

  A026001846 

 Regardes Nostre Seigneur, et tasches d'aller au Dieu de toutes choses, multipliant le plus que vous pourres les oraysons jaculatoires, les veuës interieures, les retours, les eslans fervens de vostre esprit en Dieu, et je vous asseure que cecy vous sera fort utile..

  A026001847 

 Dieu vous veut toute et sans aucune reserve, et toute fine nue et despouillee; c'est pourquoy il faut que vous ayes grand soin de vous desfaire de vostre propre volonté, car il n'y a que cela seul qui vous nuise, d'autant que vous l'aves tous-jours extremement forte, et vous estes fort attachee a vouloir ce que vous voules.

  A026001848 

 Embrasses donq bien fidelement cet exercice, puisque je vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay de vostre necessité, qui est que vous regardies la providence de Dieu aux contradictions qui vous seront faites, Dieu les permettant affin de vous destacher de toutes choses, pour vous mieux serrer a sa Bonté et unir a luy; car je sçay qu'il veut que vous soyes sienne, mais d'une façon toute particuliere..

  A026001850 

 Ayes un grand soin de ne vous point troubler lhors que vous aures fait quelque faute, ni de vous laisser aller a des attendrissemens sur vous mesme, car tout cela ne vient que d'orgueil; mais humilies-vous promptement devant Dieu, et que ce soit d'une humilité douce et amoureuse, qui vous porte a la confiance de recourir soudain a sa Bonté, vous asseurant qu'elle vous aydera pour vous amender..

  A026001851 

 Je ne veux plus que vous soyes si tendre, ains que, comme une fille forte, vous servies Dieu avec un grand courage, ne regardant que luy seul; et partant, quand ces pensees, si l'on vous ayme ou non, vous arrivent, ne les regardes pas seulement, vous asseurant que l'on vous aymera tous-jours autant que Dieu le voudra, et que cela vous suffise.

  A026001851 

 Que la volonté de Dieu s'accomplisse en vous, qui estes obligee d'une obligation particuliere de vous perfectionner; car Dieu veut se servir de vous.

  A026001853 

 Ne vous estonnes point des mauvais sentimens que vous aves, pour grans qu'ilz soyent; mais ayes soin en ce tems-la de multiplier les oraysons jaculatoires et retours de vostre esprit en Dieu; et comme vous aves une grande necessité de la douceur et de l'humilité, prenes soin de mettre fort souvent emmi la journee vostre cœur en la posture d'une humble douceur.

  A026001855 

 Consideres donq souvent quel desplaysir ce vous sera et ce vous doit estre, de voir que vous manques de correspondance a la volonté de Dieu, puisqu'il a laissé a vostre pouvoir d'acquerir cela, qui doit perfectionner et accomplir vostre talent..

  A026001855 

 Quelle apparence y a il de monstrer ainsy vos imperfections, puisque cela empesche que Dieu ne soit servi de vous ainsy qu'il le desire? Cette esgalité de vostre maintien exterieur manque a l'accomplissement des talens que Dieu vous a donnés.

  A026001857 

 Aneantisses vous en la connoissance de vostre petitesse; mais soudain apres, releves vostre esprit pour considerer ce que Dieu veut de vous..

  A026001866 

 Revu sur l'exemplaire du Traité de l'Amour de Dieu appartenant à M. le comte de Roussy de Sales, au château de Thorens-Sales (Annecy).

  A026001870 

 Avec une grande affection, l'auteur de ce petit ouvrage a envoyé à monsieur Humbert Vibert cette marque de l'amour de Dieu, en souvenir d'une ancienne, éprouvée et impérissable amitié..

  A026001878 

 J'ay receu aussi de Dieu un tendre amour envers les maximes de l'Evangile, et je me persuade que c'est en suite de la connoissance qu'il m'a communiquee de leur eminente beauté.

  A026001885 

 Il faut donq obeir a celle que Dieu nous a donnee pour Superieure en regardant tous-jours Nostre Seigneur en elle, par l'ordonnance duquel elle nous commande et conseille ce qui est pour nostre bien et avancement spirituel.

  A026001886 

 Il faut faire ainsy: obeir simplement a la voix de Dieu qui nous est signifiee par nos Superieures, ne faisant aucun discours ni pensee pour en juger selon nostre inclination..

  A026001886 

 Il ne fit point tout ce discours, mais alla tout simplement la ou la volonté de Dieu l'appelloit pour executer son bon playsir.

  A026001888 

 C'est un grand moyen d'avancer en la vertu et en l'amour de Dieu quand nous avons des Superieures qui ne nous ayment pas et que nous n'aymons pas aussi.

  A026001888 

 Dittes avec la Mere Therese de Jesus: « Tout ce qui n'est point Dieu ne m'est rien.

  A026001888 

 J'ay bien envie de vous arracher cela du cœur, car on vous aymera tous-jours autant que Dieu voudra, et Dieu le voudra tous-jours et ainsy vous seres aymee.

  A026001892 

 Il faut avoir un grand courage pour obeir a la buandiere comme a la cuisiniere indifferemment, pour Dieu, et tous-jours parce qu'elles sont nos superieures.

  A026001894 

 Ainsy, ne nous aymons point par les [294] sentimens, mays selon l'esprit, pour nous perfectionner et nous unir davantage a l'amour de Dieu..

  A026001895 

 Il faut bien prattiquer tous les moyens qui nous sont donnés pour arriver au Ciel et au salut, purement pour Dieu et pour luy plaire, parce qu'il le veut ainsy et qu'il est bon de le faire.

  A026001898 

 Nostre Seigneur qui se voyant Dieu, et partant ne voyant aucune chose en soy pour s'humilier, a voulu neanmoins s'humilier et a dit: Apprenes de moy que je suis doux et humble de cœur et vous treuveres le repos en vos ames.

  A026001899 

 Il faut estre humble en toutes vos actions, faire vos retours a Dieu par abbaissement en vostre neant et en vostre propre vileté et bassesse.

  A026001900 

 Allés en paix, ma tres chere Fille, tenes vous humble devant Dieu.

  A026001900 

 Que vos imperfections vous servent a cela et ne vous facent entrer en nul descouragement; nous sommes en bon chemin, par la grace de Dieu.

  A026001900 

 Rien ne nous peut nuire que la propre volonté: or nous n'en devons point avoir, car nous l'avons toute consacree a Dieu; donq encourageons-nous sans presomption..

  A026001903 

 Il faut avoir une gravité de princesse, par ce que nous sommes espouses du Filz de Dieu; mais simple, sans affectation; et l'humilité du publicain, pleine de confiance.

  A026001904 

 Pour avoir la grace de Dieu en nos cœurs il les faut avoir vuides de nostre propre gloire et dire: O mon Dieu, regardes cette chetifve creature si comblee de misere; remplisses la de vostre misericorde..

  A026001909 

 L'humilité nous perfectionne envers Dieu, et la douceur envers le prochain.

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001918 

 Ayes un grand soin de simplifier vostre esprit de toutes ses superfluités, et quand elles se presentent, ne faites que tout simplement les oster, retournant vostre cœur vers Nostre Seigneur sans les regarder; et vous employes de bon cœur a ce travail pour l'amour de Dieu, pour en acquerir la couronne.

  A026001918 

 Si vous faites ainsy, vous aures un jour la simplicité, grace a Dieu..

  A026001920 

 C'est le moyen d'estre simple, puisque Dieu est un Esprit simplificateur.

  A026001920 

 Tenes vostre cœur proche de Dieu.

  A026001924 

 Je veux bien que vous m'aymies et croyies que je vous ayme bien; mais je veux que l'amitié que vous me portes ne nuise point a la perfection et union de vostre esprit avec Dieu, ains qu'elle vous serve pour vous y unir davantage.

  A026001925 

 En effect, nous ne sommes plus a nous mesme, nous sommes consacrés a Dieu pour l'aymer et servir parfaitement.

  A026001925 

 Il faut encourager son ame, luy disant qu'elle est toute a Dieu et pour l'eternité.

  A026001925 

 La generosité passe par dessus tout cela, ne s'attachant qu'a Dieu seul, pour l'amour duquel elle fait tout, et mortifie ce qui est d'humain pour ne vivre plus que pour luy.

  A026001931 

 Demandes conseil a Nostre Seigneur de ce que vous devres dire, avant de parler, et a vostre partie superieure aussi, affin de ne rien dire qui offense Dieu ni les creatures.

  A026001932 

 Et pour vous oster la crainte que vous ne faites pas ce que vous leur dites, pensés que vous leur parles comme messagere et envoyee de la part de Dieu; et quand il vous vient de prendre de la vanité de ce que vous leur dites, penses en vous mesme que ce que vous dites n'est pas de vous, mais de Dieu, et vous humilies..

  A026001933 

 Il faut tous-jours dire ainsy, car nous ne pouvons ni faire le bien, ni resister au mal sans la grace de Dieu..

  A026001933 

 Ou si l'on vous commande quelque chose, adjoustes y ce mot: que vous le feres avec la grace de Dieu; ou bien: s'il plaist a Dieu.

  A026001933 

 Quand vous aures fait quelque bien ou resiste a des tentations n'y faysant point de fautes, dites tous-jours: J'ay fait cela par la grace de Dieu.

  A026001936 

 On vous parlera autant que vous en aures besoin, et qu'il plaira a Dieu nous inspirer.

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001937 

 Il faut quelquefois alleguer ce que disent les Constitutions en ses advertissemens, a l'imitation de Nostre Seigneur; comme quand l'esprit malin le tenta au desert, il dit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; et aussi quand les pharisiens l'interrogeoyent, il leur alleguoit l'Escriture, disant: Il est escrit telle chose.

  A026001937 

 Quand vous advertisses les autres de leurs defautz il se [300] faut premierement accuser soy mesme dans son cœur, et puis faire la charité pour l'amour de Dieu.

  A026001943 

 Quand on tombe en quelques defautz et imperfections, c'est un remede et moyen tres bon, et qui plaist fort a Dieu [301] et confond le diable, que de s'humilier tout aussi tost devant Dieu et eslever son esprit au Ciel, usant de ces paroles ou autres semblables: O Seigneur, vous voyes combien je suis fragile et miserable, et comme je tombe souvent; pardonnes moy, Seigneur, et donnes moy la grace de ne plus tomber.

  A026001944 

 Soyes bien ayse d'estre sauvee par la seule misericorde de Dieu, vostre Sauveur, sans aucune correspondance de vostre part que l'obeissance a ses inspirations..

  A026001945 

 Qu'importe que vous soyes tous-jours imparfaitte, pourveu que vous ayes le soin de vous perfectionner en embrassant tous les moyens qui vous seront possibles pour cela, avec fidelité? Laisses faire a Dieu, il vous aydera.

  A026001946 

 Sçachés que vous satisferes asses pour vos pechés quand vous feres tout ce que vous faites purement pour Dieu et pour luy plaire, sans autre intention; et cela est plus parfait..

  A026001948 

 Nous ne pouvons rien de nous mesme sans la grace de Dieu.

  A026001953 

 Il faut tourner son esprit a toutes mains par une excellente mortification de nous mesme et de tout ce qui est du naturel, pour se ranger au bon playsir de Dieu..

  A026001953 

 Mais il vous semble que vous ne faites rien si vous ne sentes des consolations et satisfactions en ce que vous faites, car nous aymons tant cela! — Oh! je veux que vous soyes plus courageuse, ma chere Fille, et que vous ne soyes attachee a rien, ni aux consolations sensibles de Dieu, ni aux affections des creatures.

  A026001955 

 Il faut avoir un grand soin du salut des ames pour la gloire de Dieu, et joindre a cela l'humilité..

  A026001960 

 Une autre n'est point tentee, elle est plus parfaitte, parce que c'est un don de Dieu.

  A026001961 

 Il faut lier nos passions avec des chaisnes d'or, qui sont des chaisnes d'amour, sans oublier les inclinations et aversions, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A026001962 

 Ayant fait vostre reveuë, rejetté et detesté vos imperfections, il reste a faire la fin, qui est de bien mettre en prattique vos resolutions et vouloir des-ormais vivre toute a Dieu et vous appliquer a son amour.

  A026001962 

 Quand nous voyons que nous ne sommes pas si parfaitte que nous voudrions, il se faut humilier devant Dieu et luy dire: Seigneur, vous voyes ce que je suis; je voudrois bien estre plus parfaitte pour mieux vous plaire et aymer..

  A026001963 

 O Dieu, plustost mourir que s'en repentir..

  A026001963 

 Vous estes en la plus heureuse vocation du monde et en la grace de Dieu; si vous fussies demeuree au monde, vous eussies plus pati en un jour que vous ne feres icy en toute vostre vie.

  A026001964 

 Unisses vous fort a Dieu, et ne luy demandes rien que son amour et l'union de vostre volonté a la sienne, et dites souventesfois: Vostre volonté soit faite, vostre Nom soit sanctifié, vostre royaume nous advienne.

  A026001965 

 Faites toutes vos actions pour vous rendre aggreable a Dieu; vous n'estes ceans que pour cela et pour vous perfectionner.

  A026001965 

 Il faut aymer Dieu de tout son cœur.

  A026001968 

 Il faut faire ainsy, aller droit a Dieu, le regardant tous-jours devant soy, sans s'amuser a rien.

  A026001968 

 Il ne faut pas estre marrie si elles ne nous ayment et ne tesmoignent point d'affection a nostre avancement; il suffit qu'elles l'ayent devant Dieu.

  A026001969 

 Ne regardés qu'a Dieu, ma Fille, pour luy plaire en tout, et generalement alles en toutes choses simplement devant..

  A026001970 

 Marches tous-jours vostre train en l'amour de Dieu, ma chere Fille, que j'ayme bien de tout mon cœur..

  A026001974 

 Quand il n'y auroit que Dieu et vous au monde, seroit-ce pas asses, sans vouloir tant de creatures et vous amuser a tant de [307] tricheries qui passent par vostre esprit? Resouvenes vous souvent de Dieu par des frequentes aspirations en luy..

  A026001975 

 Il ne se faut fascher si on n'est pas tous-jours en la presence de Dieu.

  A026001979 

 De l'amour de Dieu derive celuy du prochain.

  A026001979 

 L'ame du prochain, c'est l'arbre de vie du paradis terrestre; il est defendu d'y toucher parce qu'il est a Dieu qui le doit juger, et nous aussi.

  A026001979 

 Ne vous estonnes pas si vostre amour n'est pas tendre, tant a l'endroit de Dieu comme a l'endroit des creatures; pour estre fort, il en est meilleur.

  A026001979 

 Nous devons a Dieu la bonne conscience, et au prochain le bon [308] exemple.

  A026001979 

 Quand il nous vient envie de nous fascher avec quelqu'un, il faut tout aussitost regarder cette ame dans le sein de Dieu; a cette heure nous n'aurons garde de nous fascher avec elle, et c'est le vray moyen de conserver la paix en nostre cœur et l'amour du prochain..

  A026001982 

 Quand nous sentons que nous n'avons point de confiance en Dieu, il en faut aller prendre dans son cœur, car Nostre Seigneur en est tout plein.

  A026001985 

 Sçaches, ma tres chere Fille, qu'on fait plus de chemin quand le tems est couvert qu'au grand de la chaleur; ainsy, quand on est en grande secheresse on avance plus au pur amour de Dieu, pourveu qu'on soit fidele et sans descouragement.

  A026001988 

 Demeures donq simplement en cette resolution, sans regarder ni a droitte ni a gauche, et quand l'ennemi vous mettra cette tentation au cœur, que vous ne persevereres pas, dites en vous mesme: Si ferons, s'il plaist a Dieu; Celuy qui a commencé l'œuvre la parachevera.

  A026001988 

 Puisque vous aves choisi cette sorte de vie, par la grace de Dieu, ne permettes point a vostre cœur de s'appliquer a d'autres desirs; mais, en benissant Dieu des autres vocations, arrestes vous humblement a celle ci, puisque Dieu vous a fait la grace de vous y appeller.

  A026001992 

 Neanmoins il faut tascher de se vaincre et parler a cette Sœur le plus gratieusement qu'il est possible, prier Dieu pour elle, rechercher sa conversation, la caresser, estre bien ayse de luy rendre service.

  A026001995 

 Je vous dis, ma chere Fille, j'ay un desir tout particulier pour vostre avancement, parce que Dieu le veut, et vous a donné beaucoup de moyens pour cela.

  A026001996 

 Ne perdes pas ces occasions que vous aves de vous avancer en l'amour de Dieu..

  A026002000 

 Quand bien nous aurions fait un grand peché, il ne faudroit se descourager ni entrer en aucune sorte de desfiance de la misericorde de Dieu.

  A026002007 

 Et tous-jours, quand vous treuveres vostre esprit distrait, remettes vous doucement en une sainte attention que vous dites les louanges de Dieu avec Nostre Dame, et penses a elle, joignant vos prieres aux siennes pour les presenter a son Filz..

  A026002007 

 Pour l'Office, prepares vous avant que d'y aller, ou bien en y allant, et dites: Je psalmodieray les louanges de Dieu en la face des Anges; ou bien [pensez] que vous alles avec Nostre Dame chanter les louanges de Nostre Seigneur.

  A026002008 

 Conserves bien les affections que Dieu vous donnera pour les mettre en prattique..

  A026002008 

 Tenes vous en reverence devant Dieu, faites des retours de vostre cœur a Nostre Seigneur quand l'autre chœur respond, et dites du vostre avec attention.

  A026002010 

 Divertisses vostre esprit, et le tenes aupres de Dieu..

  A026002011 

 Le don d'entendement est un don que Dieu respand dans l'ame juste des lumieres de la foy et de la ferme creance d'icelles, de leurs clartés et beauté.

  A026002017 

 Il faut fonder toutes nos oraysons sur celle de Nostre Seigneur au Jardin des Olives, nous despouillant de nous mesme et de tout propre interest, nous resignant a la volonté de Dieu; puis luy demander nos necessités et de toutes les creatures, et que son Nom soit sanctifié.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002018 

 Exerces-vous fidelement a l'orayson et Dieu vous y fera beaucoup de graces.

  A026002020 

 C'en est de mesme resistant aux inspirations et au don de Dieu..

  A026002021 

 Soyes fidele a faire des frequens et continuelz retours de vostre esprit en Dieu..

  A026002022 

 Il n'est pas possible que l'ame qui au tems de la meditation est occupee de quelqu'autre affection ou desir, puisse estre attentive a ce qu'elle medite, pour bien recevoir en soy mesme l'image de Dieu auquel elle cherche de se transformer par l'orayson.

  A026002022 

 Tout de mesme l'ame qui est agitee des vens contraires des passions n'est pas propre pour recevoir en soy l'image de Dieu..

  A026002024 

 Il ne faut pas servir Dieu ni les saintz Protecteurs par fantaisie, ni se gouverner soy mesme.

  A026002026 

 Il faut dire tous les jours: Mon petit Dieu de faix.

  A026002026 

 Pour s'habituer a la presence de Dieu, il faut prendre le sujet de l'orayson, comme par exemple, de la Nativité de Nostre Seigneur.

  A026002035 

 Premierement, que cela arrive par la volonté de Dieu, ou permission, qui la juge estre a sa plus grande gloire et vostre plus grand bien que cela se fist ainsy..

  A026002037 

 La troisiesme, que Dieu est la present qui contemple si en l'occasion qu'il vous donne de prattiquer la vertu, vous prattiqueres la bonne resolution qu'aves prise de ne le jamais quitter ni offenser..

  A026002038 

 La quatriesme, que la sainte humanité du Filz de Dieu a bien plus enduré, plus innocemment et plus injustement que vous; encourages vous donq par son exemple a patir, et vous res-jouisses d'avoir ce moyen de l'imiter en cela..

  A026002043 

 Rabaisser souvent vostre cœur devant Dieu; aymer que l'on connoisse vos fautes et lourdises, ou infirmités, et ne rien faire pour les couvrir.

  A026002053 

 Avoir une grande confiance en Dieu et au secours de la Sainte Vierge parmi les sentimens de nos foiblesses et infirmités..

  A026002058 

 Quand on sent quelque trouble ou ressentiment, recourir a Dieu, invoquant son secours par un simple divertissement..

  A026002065 

 Bailler du courage a son cœur quand on a failli, et de l'esperance que Dieu l'aydera et qu'avec son [secours] l'on fera prou.

  A026002065 

 Ne se point estonner de nos cheutes, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme et la foiblesse foible; et en fin nous humilier de toutes nos fautes generalement, soyent elles grandes ou petites; mettre cela devant Dieu par une humble reconnoissance de nostre misere, puis nous relever tout doucement..

  A026002068 

 D'avoir une tres unique pretention en toutes ses œuvres et actions, qui est de plaire a Dieu; de voir et aymer la volonté de Dieu en tout ce qui nous arrive, tant du bien que du mal..

  A026002072 

 Regarder plustost ce que dira Dieu et ses Anges sur ce que nous faisons et disons, que non point que diront ceux qui nous voyent et entendent..

  A026002087 

 Avoir la volonté de plaire en toutes choses a Dieu..

  A026002088 

 Ne point tant chercher de moyens pour bien aymer et servir Dieu, mais se tenir aux pieds de Nostre Seigneur, demandant sa grace et son amour, sans rechercher autres moyens pour y parvenir que ceux qui nous sont marqués dans nos Constitutions..

  A026002103 

 Bien faire son prouffit de toutes les mortifications qui nous arrivent de la part de Dieu, de la Superieure et des Seurs..

  A026002110 

 Se mortifier es choses que l'on doit faire par obligation, comme de manger, se recreer et tel autre exercice auquel on prend playsir, disant avant que de les faire: Je ne veux pas faire cela pour mon playsir, ains parce que mon Dieu le veut..

  A026002118 

 Recevoir tout ce qui repugne a nostre goust, volonté et affection, avec allegresse et promptitude, parce que tel est le bon playsir de Dieu..

  A026002125 

 Obeyr a l'aveugle, sans s'enquerir, examiner ou demander pourquoy, comment, ains n'avoir autre rayson pour se contenter que celle de sçavoir que c'est l'obeyssance, et dire en soy mesme: Je fais ceci parce que telle est la volonté de Dieu, et en icelle est tout mon contentement..

  A026002133 

 Quand on est sec et aride, et sans goust ni consolation, aymer cette pauvreté devant Dieu..

  A026002139 

 Estre bien soigneuse de se bien occuper en Dieu, nous divertissant promptement et soigneusement de toute sorte de pensees et souvenir des choses que nous avons autrefois veuës et ouÿes..

  A026002140 

 Aspirer et respirer souvent en Dieu comme nostre unique Espoux..

  A026002148 

 Aggrandir son cœur et son courage parmi les peynes et difficultés, car c'est pour cela que Dieu les envoye et permet..

  A026002149 

 Pretendre au plus haut point de la perfection parmi la veuë et sentiment de nos miseres, foiblesses et infirmités, appuyees sur la misericorde de Dieu; ne se point estonner, encor que nous nous voyions comme engluees dans nos imperfections, attendant avec une douce et tranquille [325] patience nostre delivrance de Nostre Seigneur, et quand nous l'avons, la tenir bien chere comme un don pretieux de sa bonté..

  A026002150 

 Ne cesser « jamais de crier a Dieu: Tires moy » a vous! ni « d'esperer et de se promettre de courir » apres luy, nonobstant les sentimens de nos imbecillités..

  A026002165 

 Prendre toutes les occasions qui nous arrivent, grandes et petites, comme venant de la main de Dieu.

  A026002166 

 Se resigner en tout a la volonté de Dieu; se conformer a la volonté de Dieu, soit en maladie, secheresse, aridités, distractions, tentations et frequentes cheutes..

  A026002174 

 I er Point de l'obeyssance est que nous devons croire et tenir pour asseuré que Dieu a establi toute sorte de Superieures et que ce ne sont pas les hommes qui les eslisent, c'est Dieu mesme..

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002176 

 C'est que Dieu ne permettra jamais que vous perissies tandis que vous obeyres fidellement vous confiant en luy; car si Dieu vous a mise sous une Superieure affin que vous luy obeyssies, croyes qu'il vous protegera de sa providence divine pour parvenir a vostre derniere fin, qui est vostre perfection..

  A026002177 

 Et l'on voit beaucoup d'inferieurs qui sont saintz sous des Superieurs fort imparfaitz, et des inferieurs imparfaitz sous des Superieurs qui sont saintz, tellement qu'il n'y a point d'excuse en l'obeyssance sinon la grande, qui est d'offenser Dieu.

  A026002184 

 Si vous aves eu autre intention que de chercher le bon playsir de Dieu..

  A026002187 

 De plus, remarques les illustrations que Dieu donne en l'orayson, nous faisant voir ....

  A026002194 

 Et moins nous sentons de capacité en nous pour ce faire, dautant plus nous nous devons serrés et ataché a Nostre Seigneur, nous confiant et apuyant toutalement en luy seul, en son assistance et en sa grace, laquelle sa Bonté ne manquera de nous donné pour nous acquiter de nostre devoir selon sa sainte volonté, si nous sommes remplie d'humilité et defiance de nous mesme; car il est tout assurer que nous ne pouvons chose quelconque de nous mesme, mais c'est la verité qu'en Dieu toutes choses nous seront possible..

  A026002194 

 Monseigneur m'a dit que les armes quil faut enporté pour aler en quelque fondation ne sont autre que la saincte humilité, de laquelle vertu il m'a dit quil me faloit estre toute couverte; car l'humilité est toute genereuse, et nous fait entreprendre avec un courage invincible tous ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002203 

 QUI, POUR ESTRE BRIEF, SIMPLE ET TENDANT IMMEDIATEMENT A L'UNION AMOUREUSE DE NOSTRE VOLONTE AVEC CELLE DE DIEU, POURRA ESTRE PRATIQUE PAR LES PERSONNES QUI SONT EN SEICHERESSE, STERILITE, TRISTESSE, FOIBLESSE CORPORELLE OU ACCABLEES D'OCCUPATIONS..

  A026002205 

 1. Prosterné a genoux et profondement humilié devant Dieu, vous adorerés sa souveraine et infinie bonté..

  A026002206 

 Et sur cette veritable pensee, vous unirés vostre volonté a celle de ce tres doux et misericordieux Pere celeste, par telles ou semblables parolles cordiales: O tres douce volonté de mon Dieu, qu'a jamais soyés vous faitte! O dessein æternel de la volonté de mon Dieu, je vous adore, et vous consacre et dedie ma volonté pour vouloir a jamais æternellement ce que æternellement vous aves voulu! Que je fasse donc aujourdhuy et tousjours et en toutes choses vostre divine volonté, o mon doux Createur! Ouy, Pere celeste, car tel fust vostre bon plaisir de toutte seternité, ainsy soit il.

  A026002206 

 Vous jetteres attentivement la pensee sur la tres douce [330] volonté de Dieu, laquelle, de toutte eternité, vous nomma par vostre nom et fit dessein de vous sauver, vous destinant entre autres choses ce jour present, affin qu'en icelluy vous fissiés les euvres de vie et de salut, croyant ce quil dit par le Prophete: Je t'ay aymé d'une charité æternelle; a cette cause je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A026002207 

 On invoque le secours celeste par quelques devotes exclamations exterieures et interieures, comme: O Dieu, soyes moy en ayde! Je suis vostre, sauves moy.

  A026002208 

 Vous feres donc ainsi une vive et puissante union amoureuse de vostre volonté a celle de Dieu; puis, parmi toutes les actions de la journee, soit spirituelles, soit corporelles, vous feres de frequentes reunions, c'est a dire, vous renouvellerés et confirmeres l'union faitte le matin, jettant un simple regard interieur sur la divine Bonté et disant par maniere d'acquiescement:.

  A026002209 

 Ou bien, sans dire autre chose, vous feres le signe de la Croix, ou baiserés celle que vous portés ou quelque image; car tout cela voudra dire que vous voulés souverainement la providence de Dieu, que vous l'adores et aymés, que vous l'acceptés et embrassés de tout vostre cœur, et que vous unisses inseparablement vostre volonté a cette volonté supreme.

  A026002209 

 Ouy, Seigneur, je le veux; o mon Dieu, a jamais, a jamais, o volonté divine! Ou bien vous ne dirés sinon simplement: Ouy, Seigneur; tousjours, Seigneur, mon Pere; je confirme, o mon Dieu, æternellement.

  A026002224 

 Dieu veut que vous le servies en la conduite des ames, puisqu'il a arrangé les choses comme elles le sont et qu'il vous a donné la capacité de gouverner les autres..

  A026002225 

 Faites une tres grande estime du ministere a quoy vous estes appellee; et pour le bien faire, tous les jours en vous resveillant, ne manques jamais de dire cette parole que saint Bernard disoit si souvent: « Qu'es tu venu faire ceans? » Qu'est ce que Dieu veut de toy? Puis, soudain apres, abandonnes vous totalement a sa divine volonté, [334] affin quil fasse de vous et en vous tout ce qu'il luy plaira, sans aucune reserve..

  A026002226 

 Ayes une droitte intention de faire tout pour Dieu et pour son honneur et gloire, et vous destournes de tout ce que la partie inferieure de vostre ame voudra faire; laisses-la tracasser tant qu'elle voudra autour de vostre esprit, sans combattre nullement tous ses assautz, ni mesme regarder ce qu'elle fait ou ce qu'elle veut dire, ains tenes-vous ferme en la partie superieure de vostre ame et en cette resolution de ne vouloir rien faire que pour Dieu et qui luy soit aggreable..

  A026002228 

 Dieu vous en ayant donné la charge et le moyen, par sa grace, de le pouvoir faire, appliques-vous soigneusement a le faire pour son honneur et gloire.

  A026002229 

 Ne vous estonnes nullement de voir en vous beaucoup de fort mauvaises inclinations, puisque, par la bonté de Dieu, vous aves une volonté superieure qui peut estre regente au dessus de tout cela.

  A026002230 

 Voyla, ce me semble, ce a quoy il faut que vous prenies garde, pour rendre a Dieu le service qu'il a desiré de vous..

  A026002231 

 La gloire de Dieu est jointe a ceci et la connoissance de vostre Institut; c'est pourquoy il faut que vous relevies fort vostre courage, en luy faysant entendre l'importance de ce a quoy vous estes appellee..

  A026002232 

 Aneantisses vous fort profondement en vous mesme de voir que Dieu veuille se servir de vostre petitesse pour luy faire un service de si grande importance.

  A026002237 

 Alles, ma tres chere Fille, Dieu vous sera propice.

  A026002237 

 Trois vertus vous sont cherement recommandees: la debonnaireté tres humble, l'humilité tres courageuse, la parfaitte confiance a la providence de Dieu; car quant a l'esgalité de l'esprit et mesme du maintien exterieur, ce n'est pas une vertu particuliere, mais l'ornement interieur et exterieur de l'espouse du Sauveur.

  A026002237 

 Vives donq ainsy toute en Dieu et pour Dieu, et que sa Bonté soit a jamais vostre repos.

  A026002242 

 Par ces presentes Nous avons donné la sainte benediction de l'obeissance a Nostre tres chere Fille et Seur en Jesus Christ Paule Hieronyme de Monthoux, Religieuse professe du monastere de Sainte Marie de la Visitation de Nostre cité d'Annessi, pour aller demeurer en la ville de Nevers, y estre Superieure au monastere nouvellement establi en icelle [337] du mesme Institut, pour le tems qu'il sera jugé a propos, sans que par le sejour qu'a cet effect elle pourra faire hors le monastere de Nostre cité elle laisse d'estre tenue et censee veritablement pour Religieuse de la Mayson d'Annessi, a laquelle, en tems et lieu, selon qu'il plaira a Dieu en disposer, elle devra et pourra estre receuë avec toute sorte de charité et pour toutes sortes d'offices; priant Dieu qu'il la tienne en sa sainte main allant, demeurant et revenant, et qu'il rende toutes ses actions et tous ses travaux utiles a la vie eternelle..

  A026002248 

 Donné de la main et du cœur de la... a ma Seur Marie Philiberte, de la Visitation, a laquelle Dieu veuille donner [338] l'esprit de la vraye devotion, qui consiste en l'humilité, douceur et simplicité.

  A026002259 

 Tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a meriter [339] pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté..

  A026002261 

 Pour celles qui ont la voix bonne et en tirent trop de complaysance il sera tres bon de les priver parfois de tenir les premiers rangs en telles charges, si ce sont filles qui ayent l'esprit fort a supporter la mortification; mais neanmoins il y en a auxquelles il est besoin de donner quelque complaysance au chant des Offices pour les y encourager, en les portant tous-jours de referer tout a Dieu en mortifiant la vanité.

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002290 

 Ainsy, mes cheres Filles, celles que Dieu appelle a la conduite des ames se doivent tenir dans leurs ruches mystiques ou sont assemblees les abeilles celestes pour mesnager le miel des saintes vertus, et la Superieure, qui est entre elles comme leur roy, doit estre soigneuse de s'y rendre [345] presente, pour leur apprendre la façon de le former et conserver.

  A026002292 

 Observes ses voyes et non les vostres, soustenant fortement son attrait dans chacune, en leur aydant a le suivre avec humilité et sousmission, non a leur façon, mais a celle de Dieu que vous connoistres mieux qu'elles tant que l'amour propre ne sera pas aneanti, car il fait souvent prendre le change, et tourner l'attrait divin a nos manieres et suites de nos inclinations..

  A026002292 

 Puisque vous tenes, mes cheres Filles, la place de Dieu dans la conduite des ames, vous deves estre fort jalouses de vous y conformer.

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002302 

 C'est es choses difficiles, malaysees et desaggreables que nous devons prattiquer la fidelité envers Dieu, laquelle sera d'autant plus excellente que nous aurons moins de choix a ce qui nous sert d'exercice.

  A026002302 

 L'amour propre se contente aucunement entre les souffrances, quand elles sont de son eslection; l'amour de Dieu s'exerce plus heureusement es sujetz que la Providence divine permet ou ordonne sans nous, mais sur nous et pour nous..

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002303 

 La divine Escriture dit: Celuy qui n'est point esprouvé que sçait il? Bienheureux est l'homme qui endure l'essay de la tentation, car apres avoir esté esprouvé [348] par l'Esprit, il recevra la couronne de gloire que Dieu a promise a ceux qui l'ayment.

  A026002303 

 Si vostre cœur craint plus la tentation qu'il ne faut, il donne l'ouverture a son ennemy; comme au contraire, si nous avons une confiance filiale en Dieu et que nous nous retournions de son costé prenant asseurance en sa bonté, l'ennemy craindra de nous tenter, voyant que sa tentation nous donne sujet de nous jetter entre les bras de Nostre Seigneur.

  A026002304 

 Confions nos bons desirs a Dieu et ne soyons point en anxieté s'ilz fructifieront, car Celuy qui nous a donné la fleur du desir nous donnera aussi le fruit de l'accomplissement pour sa gloire, si nous avons une fidelle et amoureuse confiance en luy..

  A026002304 

 N'estimer rien de soy mesme, sinon seulement parce que nous appartenons a Dieu et sommes a luy, et s'aneantir soy mesme.

  A026002305 

 Ne craignes rien, car si les petitz poussins se tiennent asseurés quand ilz sont sous les aisles de leur mere, combien doivent estre asseurés les enfans de Dieu sous sa paternelle protection! Demeures donq en paix, ma Fille, puisque vous estes de ces enfans; et reposes vostre cœur et toutes les lassitudes et langueurs qui vous arriveront, sur la sacree et tres aymable poitrine de ce Sauveur, qui sert a ses enfans de pere par sa providence et de mere par son doux et tendre et cordial amour..

  A026002305 

 Soyes toute a Dieu, ma tres chere Fille, penses en luy et il pensera en vous.

  A026002306 

 Tout ainsy comme nous aydons aux malades, quand nous les allons visiter, a supporter leur mal en le regrettant et lamentant, de mesme aussi la devotion nous ayde, quand elle est simple et selon Dieu, a supporter plus patiemment les afflictions et tribulations quand elles nous arrivent..

  A026002307 

 Nous lisons en la Vie du bienheureux Amedee, que ceux qui le voyoyent en devotion [disaient qu'il] falloit qu'ilz n'eussent point de cœur ou bien [qu'] ilz l'avoyent de roche s'ilz ne l'amollissoyent, a l'heure particulierement que l'on le voyoit a la Messe ou aux Offices divins, « ou jamais il ne parloit a personne [qu'] a Dieu.

  A026002308 

 Il faut tous-jours bien faire de mieux en mieux, car quand [nous] vivrions les siecles entiers en souffrance et peyne, nous ne pourrions trop faire pour un si bon Dieu qui nous a fait tant de graces et tant de biens.

  A026002308 

 L'« homme qui ayme Dieu et qui a le cœur vivement frappé » de l'amour de Dieu « ne treuve rien de trop, hormis » le peché, et « luy semble de faire tous-jours trop peu pour Dieu qui a fait tant d'exces d'amour et de souffrance pour nous; » mais nous autres, pour peu que nous fassions, nous pensons encor « avoir fait trop et que Dieu » nous en « doit de reste.

  A026002308 

 » Miserables que nous sommes! Oh, a Dieu ne playse que cette presomption si vayne nous entre dans la cervelle.

  A026002312 

 Tout ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien; son cœur n'est point sujet au change, car elle rencontre les Anges, elle les quitte sans s'arrester avec eux, pour chercher son Bienaymé crucifié.

  A026002313 

 Ma tres chere Fille, le premier point de la simplicité de l'ame amante gist a ne chercher, a ne vouloir que Dieu.

  A026002314 

 Mais, ce me dires vous, que desiray je sinon luy? — Escoutes, ma Fille, et consideres le premier point de la simplicité celeste, qui consiste a ne chercher Dieu que par le [352] chemin qu'il nous a marqué; car qui ne veut pas aller par ou Dieu le conduit ne le treuvera jamais, d'autant qu'il ne le cherche pas simplement.

  A026002314 

 — Et quel est le chemin qu'il vous a marqué, ma tres chere Fille? Celuy auquel vous estes; et croyes moy, Dieu conduisit les enfans d'Israel par la voye du desert.

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002315 

 Nous avons passé plusieurs jours d'extreme ennuy du tems que nous n'estions pas tant a Dieu que nous devions estre, mays nous y remedierons, moyennant son ayde, et commencerons ainsy:.

  A026002316 

 Vous estes le Dieu de mon cœur: qu'a jamais [353] mon cœur soit dedié a l'obeissance du vostre, mon Dieu!.

  A026002316 

 Vous unires la vostre avec icelle de toutes vos forces, par telles ou semblables protestations interieures: Ouy, mon Dieu, mon ame se sousmet a vostre volonté et veut a jamais demeurer inseparablement unie et sujette a vostre intention.

  A026002317 

 Cet acte d'union a la volonté de Dieu estant fait au commencement de la journee, il faut souvent faire l'acte de reunion.

  A026002317 

 Je dis de tems en tems, ou plustost de moment en moment, par des frequentes eslevations de cœur en Dieu et par maniere de repetitions et confirmations de l'union des-ja faitte, comme disant interieurement: Ouy, Seigneur, je demeureray a jamais jointe et unie a vostre sainte volonté.

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002320 

 L'esprit de paix et de tranquillité, suavité et d'esgalité, c'est l'esprit de Dieu et d'edification que je vous souhaite de tout mon cœur, et qu'il demeure a jamais avec vous.

  A026002333 

 Cela est bon; mais il me semble qu'il est asses clairement dit dans le livre de l' Amour de Dieu, ou vous pourres avoir recours, si vous en aves besoin, et aux autres qui traittent de l'orayson..

  A026002333 

 Il se peut faire pourtant qu'il y ayt certaines ames exceptees lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leur esprit sur aucun mistere; elles sont attirees a une certaine simplicité devant Dieu, toute douce, qui les tient en cette simplicité, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant Dieu et qu'il est tout leur Bien, demeurant ainsy utilement.

  A026002341 

 Je ne dis pas que vous soyes tous-jours attentive a la presence de Dieu, mais que vous multipliies le plus qu'il se pourra les retours de vostre esprit en Dieu.

  A026002341 

 Quand vous aures jugé que quelque chose se doit faire, marches seurement et sans rien craindre, regardant Dieu le plus souvent que vous pourres.

  A026002346 

 Alles donq avec joye; mais si vous ne pouves marcher dans la carriere tous-jours avec joye, faites le au moins avec courage, et confies vous en Dieu.

  A026002347 

 Travailles a l'acquisition des vertus de bonne foy, sans vous embarrasser; laisses vous gouverner a Dieu, serves le selon son goust et non selon le vostre, regardes que c'est luy qui vous a placee ou vous estes.

  A026002348 

 Il faut treuver bon que nostre parfum sente mauvais au nez du monde; ne craignons point le jugement qu'il fait de nous, ne nous abbattons point, car tant que Dieu nous voudra bien faire la grace de nous tenir de sa main en nous conservant le desir que nous avons de l'aymer, nous n'avons rien a craindre..

  A026002350 

 Dieu ayme les miserables, il regarde ceux qui ne sont rien; les chetifz et personnes abjectes deviennent le throsne de Dieu; il establit son siege sur une ame qui est vile.

  A026002350 

 Tenons nous dans cette disposition devant Dieu; ne luy parlons que de nos miseres, allons a son temple sacré luy exposer ce que nous sommes, mais ne nous abbattons pas..

  A026002351 

 Ne presses pas vostre cœur, tenes le au large, puisqu'il aymeroit mieux mourir que d'offenser son Dieu.

  A026002352 

 Et tant que ce sentiment sera bien gravé dans nostre cœur, pourquoy nous tourmenter? Ne voyes vous pas que c'est l'amour propre qui se mesle subtilement de nous donner la torture? Je vous exhorte encor une fois de tenir vostre cœur au large; Dieu mercy, il se porte bien, puisque l'amour l'anime et quil veut tous-jours aymer..

  A026002352 

 Ouy, ma Fille, ou la mort ou l'amour; il faut aymer ou mourir: que Dieu seul y vive, ou rien du tout.

  A026002352 

 Tant que nous serons ferme dans nostre resolution que Dieu regne dans nostre cœur, ne craignons point.

  A026002353 

 Res-jouisses donq, ma Fille, vostre pauvre cœur; consoles le dans ses tristesses, fortifies le dans ses travaux, recrees le dans ses ennuis, consoles le dans ses angoisses, affin que n'estant point abbattu, il ressente un nouveau courage pour servir Dieu.

  A026002353 

 Vous sçaves que Dieu reçoit avec playsir l'offrande qu'on luy fait d'une franche volonté..

  A026002355 

 Tout cela n'est que dans la partie inferieure, car je sçai que la superieure est unie a Dieu et ne souspire que pour luy.

  A026002358 

 Tasches, ma chere Fille, de faire une bonne provision de sousmission a la sainte volonté de Dieu.

  A026002365 

 Je ne souhaitte que luy: tout m'est indifferent; je veux aymer toutes choses en Dieu et pour Dieu; j'iray avec luy a la bonne foy, sans trop critiquer.

  A026002365 

 Je sçay que c'est mon Dieu, qui m'ayme, qui m'a choysi cest employ et cette maniere de vie; je ne veux plus envier l'excellence des autres, mais je veux me perfectionner sans empressement et sans inquietude.

  A026002365 

 Je veux luy obeir dans ce qu'il me demande, mais pour connoistre sa volonté dans une infinité de choses qui ne me sont pas clairement manifestees, je ne veux point donner la torture a mon pauvre cœur, ni les examiner avec scrupulosité; je m'en tiendray a ce que me diront ceux que Dieu a establis pour me conduire et, en paix, je tascheray a suyvre ses inspirations..

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002365 

 Si je tombe, je ne m'abattray pas, car le Tout Puyssant me peut relever; si je suis dans l'obscurité, le Seigneur est ma lumiere, que craindray-je? En fin, ni le ciel, ni la terre, ni mesme l'enfer ne me peuvent oster mon Dieu.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002368 

 Ayes soin de mesnager les petites rencontres que Dieu vous presente, mettes en cela vostre vertu, et non pas a desirer de grans travaux; car souvent on se laisse abbattre par un mouscheron quand on combat des monstres par imagination..

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002378 

 [C'est] avec la mesme moderation qu'il faut aymer les biens de la Communauté, les regardant non avec une affection proprietaire qui nous oste la paix du cœur ou nous desregle en la pretention, conservation ou distribution d'iceux, ains avec un esprit religieux, comme choses consacrees a Dieu, lesquelles il ne faut aymer que selon le goust du Seigneur a qui elles sont consacrees..

  A026002381 

 Je suis mendiant et pauvre: mon Dieu, aydes moy.

  A026002382 

 Le dernier degré de la pauvreté c'est l'absolu renoncement de sa propre volonté, se conformant en toutes choses a celle du prochain, et ne vouloir chose quelconque sinon Dieu et l'accomplissement de son bon playsir..

  A026002383 

 Ayes fiance en Dieu, mettes vous en sa garde, dresses vers luy vostre pensee, et il vous nourrira.

  A026002383 

 Bienheureux le pauvre, car il se reposera au sein de Dieu.

  A026002391 

 L'obeissance religieuse est un holocauste qu'on offre a Dieu, sans se rien reserver de sa propre volonté.

  A026002391 

 Saint Pierre dit: Sousmettes vous a toutes creatures humaines pour l'amour de Dieu.

  A026002391 

 » Saint Bernard dit: « Celuy que nous avons pour Superieur au lieu de Dieu, nous le devons ouyr comme Dieu mesme, es choses qui ne sont apertement contre Dieu.

  A026002400 

 Mon Filz, si vous desires faire quelque progres en la perfection religieuse, consideres Dieu tous-jours present en toutes vos actions, et ne manques point de faire troys fois le jour l'examen de vostre conscience..

  A026002401 

 Le matin, consideres comment est ce que vous aves passé la nuit; prevoyes avec prudence comment est ce que vous employeres ce jour au service de Dieu..

  A026002408 

 O que Dieu est bon a son Israël! Qu'il est bon a ceux qui sont droitz de cœur!.

  A026002412 

 Et quant a la vie commune, la liberté, la varieté du service qu'on peut rendre a Nostre Seigneur, l'aysance de n'avoir a observer que les Commandemens de Dieu, et cent autres telles considerations la rendent fort delectable..

  A026002412 

 Hors du monde, le seul contentement d'avoir tout quitté pour Dieu vaut mieux que mille mondes; la douceur d'estre conduit par l'obeyssance, d'estre conservé par les loix, et d'estre comme a couvert des plus grandes embusches, sont de grandes suavités: layssant a part la paix et tranquillité qu'on y treuve, le playsir d'estre occupé nuit et jour a l'orayson et choses divines, et mille telles delices.

  A026002413 

 Sur tout cela: Helas! dires vous a Dieu, Seigneur, en quelle condition vous serviray-je? Ah! mon ame, ou que ton Dieu t'appelle, tu luy seras fidele: mais de quel costé t'est il advis que tu ferois mieux? Examinés un peu vostre esprit pour sçavoir s'il sent point aucune inclination plustost d'un costé que d'autre, et l'ayant descouvert, ne faites encor point de resolution, ains attendes jusques a ce qu'on vous le dise..

  A026002418 

 O Dieu, quel mespris et rejet le monde fait des gens celestes et saintz, et comme ces deux saintes ames embrassent volontier cette abjection! Ilz ne s'eslevent point, ilz ne font point de remonstrances de leur qualité, mais tout simplement reçoivent ces refus et aspretés avec une douceur nompareille.

  A026002425 

 Ayant pris vostre chapelet par la croix et l'ayant baysee, vous feres avec icelle le signe de la Croix sur vous, et vous mettres en la presence de Dieu, luy offrant vostre ame avec toutes ses puissances, principalement vostre entendement et volonté, avec un grand desir de considerer avec attention les misteres de nostre foy et de tirer d'iceux quelque sainte affection d'imiter les vertus que nostre Redempteur nous a enseigné, et de faire d'autres actes d'amour de Dieu, d'admiration de ses perfections infinies, d'actions de graces pour ses benefices, de contrition de vos pechés, de saintz propos de vous amender, de surmonter vos passions, de prouffiter en la vertu.

  A026002425 

 En apres, vous prieres Dieu, par les merites de la vie, mort et passion de nostre Sauveur, par l'intercession de la glorieuse Vierge et de vostre Ange tutelaire, d'accepter vos foibles prieres pour ceux ou celles des vivans et trespassés pour lesquelz vous aures prins resolution de prier..

  A026002427 

 Et a cette intention, au premier grain des trois petitz, vous salueres Nostre Dame comme la Fille la plus chere du Pere eternel; au second, vous la salueres comme Mere tres chere du Filz de Dieu, nostre Sauveur; et au troysiesme, vous la salueres comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026002428 

 Cela fait, vous commenceres a mediter les misteres du Rosaire, prenant ou les joyeux, ou les douloureux, ou les glorieux, ou mesme quelque autre devot sujet, tel que Dieu vous inspirera, vous entretenant en la meditation d'iceluy pendant que vous dites la premiere dizaine; et me semble encor estre plus utile de s'y entretenir quelque peu avant que de la commencer.

  A026002429 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au commencement dudit Chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de dire le Chapelet, luy demandant l'assistence de sa grace pour pouvoir mettre en execution les bons propos qu'il vous a donnés.

  A026002588 

 Ayant d'abord fléchi les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ en toute humilité, que Votre Excellence lève au Ciel les yeux de son âme et s'imagine voir ce grand Père des lumières, Dieu, assis sur le trône de sa gloire, entouré de millions d'Anges et de Séraphins; puis, avec une grande foi, respect et amour, faites cette prière que Jésus-Christ nous a enseignée, et adressez-lui ces sept demandes qui y sont contenues.

  A026002588 

 Faites cela avec des amoureux et ardents colloques avec le même Père, car toute cette prière n'est autre chose qu'un très doux entretien de l'âme avec Dieu.

  A026002593 

 Ce Dieu qui créa toutes choses du néant et qui tient tout entre ses mains, à qui servent toutes les hiérarchies du Ciel, est notre Père.

  A026002593 

 Premièrement: que Votre Excellence considère ce que Dieu lui a donné, le faisant son fils adoptif, et il veut pour cela qu'elle le nomme Père.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002596 

 Il nous aime: Dieu a tellement aimé le monde; Mon [379] Père nous aime, dit le Christ.

  A026002601 

 Ainsi Dieu a voulu communiquer à tous le nom de Père..

  A026002602 

 Notre, pour nous révéler que nous sommes tous frères, que nous devons aimer tout le monde, prier pour tous et observer les deux commandements auxquels se rattache toute la Loi: le premier, d'aimer Dieu parce qu'il est Père; le second, d'aimer le prochain parce qu'il est notre frère..

  A026002609 

 Pour que je comprenne bien que mon âme ne doit pas embrasser la terre, mais le Ciel; qu'elle ne doit plus cheminer ayant l'affection aux choses basses et transitoires, mais s'élever aux choses du Ciel, afin que notre conversation soit dans les Cieux, où nous avons pour Père Dieu lui-même.

  A026002613 

 Demander d'abord que son saint N'om soit sanctifié; c'est-à-dire que Dieu lui-même soit connu, aimé, adoré, honoré, glorifié et exalté dans le monde entier comme le vrai Dieu, éternel, immortel, tout-puissant, seul bon, seul saint, seul juste, seul admirable, seul digne d'être infiniment aimé.

  A026002626 

 Que votre volonté soit faite. Cette volonté est que nous aimions Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toutes nos forces, et le prochain comme nous-mêmes..

  A026002653 

 O Père éternel, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des lumières, Père saint, Père très doux et aimant, Père Créateur de l'univers: quand méritai-je de vous appeler Père, moi terre, poussière et cendre, le dernier de tous vos serviteurs? Et quel bien avez-vous découvert en moi ou en quelqu'autre enfant d'Adam, pour que vous ayez voulu être notre Père? « Qui êtes-vous, Seigneur, et qui suis-je? » Vous êtes le Dieu d'infinie majesté, Roi [386] des rois, Seigneur des seigneurs, Saint des Saints, gloire des Anges et allégresse de tous les Bienheureux.

  A026002655 

 Ce mot m'atteste l'amour immense que vous me portez, Seigneur; c'est pourquoi votre Evangéliste, émerveillé, dit: Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet.

  A026002660 

 Ceux-ci mettent leur confiance dans leurs chars et ceux-là dans leurs chevaux; nous, nous exulterons dans le nom de notre Dieu.

  A026002660 

 Seigneur, que mon esprit tressaille en vous, ô Dieu notre Sauveur et notre Père..

  A026002675 

 Donnez-moi, ô Père, cette grande lumière, afin que je vous connaisse comme les Anges et votre serviteur François, vous, mon Dieu, d'infinie vertu, de puissance infinie, de sagesse infinie et de beauté infinie.

  A026002677 

 Père saint, il est bien juste que puisque vous, mon Dieu, mon Père et mon héritage êtes au Ciel, je ne cherche ni ne m'embarrasse plus de la terre; qu'ai-je à faire de la terre, ô Père, puisque tout mon bien, tout mon trésor est au Ciel? Si vous, mon Père, êtes au Ciel, il suit de là que moi, votre enfant, je suis étranger dans ce monde et que je marche toujours vers ma patrie, qui est le Ciel.

  A026002684 

 Père saint, toutes vos créatures m'excitent à louer votre saint Nom, à vous bénir incessamment: les Anges avec leur douce musique, vous chantent sans cesse de suaves matines, vous louent, vous bénissent et ne cessent de s'écrier: Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des armées, et ils m'invitent à leur tenir compagnie.

  A026002693 

 Que votre règne arrive. Oh! jour heureux! Oh! heure bénie! Quand sera-ce, ô Père, que ce jour s'approchera et que viendra cette heure? Quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant votre face? Quand verrai-je, ô Père, les murs de votre royaume, travaillés avec des pierres précieuses? Quand frapperai-je à tes portes, ô céleste Jérusalem? Quand verrai-je tes riches palais? quand jouirai-je de tes beaux jardins revêtus de fleurs éternelles? quand m'abreuverai-je à tes sources de vie? O Père saint, quand verrai-je dans votre royaume ces innombrables légions d'Anges et de Saints pleins de gloire, ces chœurs de vierges qui, les palmes à la main, chantent et suivent votre Agneau? Quand donc mes oreilles entendront-elles la douce musique, l'harmonie des Anges et le concert des Saints qui tous chantent devant vous: Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu des armées? Que vos tabernacles sont aimables, ô Seigneur des armées! O Dieu des Anges, qu'ils sont beaux, qu'ils sont aimables vos tabernacles! Mon âme s'épuise en soupirant après les parvis du Seigneur; mieux vaut un jour dans vos parvis que mille [loin de vous].

  A026002703 

 Enfin, ô Père, vous et votre Fils bien aimé m'avez déclaré votre volonté quand celui-ci a dit: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit et de toutes vos forces, et votre prochain comme vous-même. O Père, puisque votre volonté est que je vous aime de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces, donnez-moi, ô Père, de faire « ce que vous ordonnez et ce que vous voulez.

  A026002703 

 Permettez-moi, mon Dieu et mon Père, d'approcher de vous, Feu d'amour, ce flambeau de mon âme, afin qu'étant allumé, il brûle sans cesse, vous aimant vous-même et le prochain en vous: ainsi sera faite en moi votre sainte volonté..

  A026002708 

 Donnez-nous, ô Père, notre Pain supersubstantiel, votre Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur [409] dans le Très Saint Sacrement, afin que par ce Pain nous soyons nourris dans la vie spirituelle, nous croissions dans la vertu et nous soyons tellement fortifiés, que nous puissions faire le voyage en cette vallée de larmes, jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb.

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002717 

 Vous n'êtes point changé; vous étiez autrefois le Dieu très miséricordieux, vous ne l'êtes pas moins maintenant; vous êtes le même Dieu que jadis, votre miséricorde n'est pas finie puisqu'elle est infinie; elle ne s'est point arrêtée puisqu'elle n'a point d'arrêts et que, plutôt, on fermerait le Ciel; elle n'a pas cessé, puisque de même que le feu opère toujours tant qu'il y a de la matière à consumer, ainsi votre miséricorde, tant qu'il y a des péchés à brûler et des dettes à remettre.

  A026002723 

 O Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, venez à mon aide; Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

  A026002742 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui aves voulu estre saisi de crainte et de tristesse a l'instant de vostre Passion, donnes moy la grace de vous consacrer tous mes ennuis.

  A026002742 

 O Dieu [421] de mon cœur, aydes moy a les endurer dans l'union de vos souffrances et tristesses, affin que par le merite de vostre Passion ilz me soyent rendus salutaires.

  A026002745 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu vivant, qui aves voulu estre conforté lhors que vous priies au Jardin des Olives, faites que par la vertu de vostre orayson, vostre saint Ange m'assiste tous-jours en mes prieres..

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002784 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui estant declaré innocent par la sentence du president Pilate, aves souffert les impostures et les reproches des Juifz, donnes moy la grace de vivre dans l'innocence et de ne me point inquieter de mes ennemis.

  A026002847 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu, mon Redempteur, je vous remercie de ce que vous m'aves fait la grace d'avoir entendu aujourd'huy la sainte Messe.

  A026002851 

 Je vous salue, tres douce Vierge Marie, Mere de Dieu.

  A026002862 

 O bienheureuse Vierge Marie, digne Mere de Dieu et fidele Dispensatrice de toutes les graces qu'il veut nous distribuer en cette vie, je vous supplie, par l'amour de vostre cher Filz, nostre Sauveur Jesus Christ, de m'obtenir de vostre divin Espoux, le Saint Esprit, une lumiere celeste et un bon conseil pour connoistre ce que je dois faire et comment je dois me conduire pour la gloire de Dieu et l'advancement de mon salut..

  A026002863 

 J'espere, o Sainte Vierge, recevoir par vostre moyen cette faveur du Ciel, car apres Dieu, j 'ay mis en vous toute ma confiance..

  A026002871 

 De nombreux déposants au Procès de Béatification du Serviteur de Dieu parlent de différents documents de moindre étendue: tels, la Briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, l'Advertissement aux Confesseurs, etc.





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